EPIGRAPHE
« La philosophie politique implique
nécessairement l'attitude du philosophe à l'égard de la
politique; sa tradition commença lorsque le philosophe se
détourna de la politique puis y revint afin d'imposer ses normes aux
affaires humaines ».
H. Arendt, La crise de la culture. Huit exercices de
pensée politique, trad. P. Lévy, Paris, Gallimard, 1972,
p.28.
DEDICACE
Je dédie particulièrement ce travail
à mon père, Bakamana Bernard, de qui j'ai appris qu'une bonne
éducation est le meilleur héritage qu'un parent puisse
léguer à son enfant.
AVANT PROPOS
Le présent travail fait suite à un autre, que
nous avons réalisé pour l'obtention du titre de gradué en
philosophie et intitulé: « L'éducation comme
fondement de l'évolution sociale. Essai sur les philosophies de
l'éducation de J. Dewey et O. Reboul ».
Dans le premier essai, notre intuition fondamentale
était de fonder théoriquement
la « perfectibilité » humaine et sociale en vue
de déboucher sur l'hypothèse selon laquelle l'éducation
est le lieu excellent de ce perfectionnement humain et social. L'homme et la
société étaient saisis selon le mode de l'inachevé,
appelant par le fait même et de façon permanente un
dépassement du présent par un futur projeté et posé
comme état le meilleur et le plus convenable aux aspirations profondes
de l'homme. Une telle hypothèse supposait un objectif pratique, celui de
contribuer à la revalorisation de la formation de l'intelligence, de la
formation morale et politique comme condition nécessaire du
développement humain et social.
GLOBALEMENT CONSIDÉRÉE, CETTE PREMIÈRE
ÉTUDE A PERMIS DE NOUS INTRODUIRE, EN DÉPIT DE SON
CARACTÈRE PROPÉDEUTIQUE, DANS LE VASTE CHAMP DES RECHERCHES
AXÉES SUR L'ÉDUCATION ET LA CULTURE DE LA PAIX, LA BONNE
GOUVERNANCE, L'ÉTHIQUE DE L'ENVIRONNEMENT, L'ÉTHIQUE POLITIQUE,
ETC.
LA PRÉSENTE ÉTUDE COMPLÈTE LA
PREMIÈRE ET ENTREPREND DE LA SYSTÉMATISER AU MOYEN DES CONCEPTS
CLASSIQUES DE PHILOSOPHIE MORALE ET POLITIQUE. CETTE PERSPECTIVE A
NÉCESSITÉ UN RECOURS À ROUSSEAU ET À KANT, DEUX
CLASSIQUES DE LA PHILOSOPHIE MORALE ET POLITIQUE OCCIDENTALE MODERNE. LE CHOIX
DE ROUSSEAU ET KANT EST MOTIVÉ PAR LA NÉCESSITÉ
ACADÉMIQUE DE COMPRENDRE L'ENVIRONNEMENT CONCEPTUEL DE LA PHILOSOPHIE
POLITIQUE MODERNE, UNE OPTION MÉTHODOLOGIQUE NÉCESSAIRE À
LA SAISIE ADÉQUATE DES GRANDES ARTICULATIONS DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE
CONTEMPORAINE.
LA FORMULATION THÉMATIQUE DE CE TRAVAIL EXPRIME LES
MOTIFS SOCIAUX ET POLITIQUES CARACTÉRISTIQUES DE L'ENVIRONNEMENT SOCIAL
DE NOTRE TEMPS. NOUS POUVONS CITER À CE SUJET : LES OBJECTIFS DU
MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT, LE DÉVELOPPEMENT
À L'ÉCHELLE MONDIALE DES TECHNIQUES SOPHISTIQUÉES
D'ADMINISTRATION DE LA VIOLENCE ET DE LA CONFLICTUALITÉ, LE CLIMAT
INTERNATIONAL TRÈS PEU RASSURANT SUR LA NÉCESSITÉ D'AGIR
ENSEMBLE POUR CONSTRUIRE UN MONDE DE PAIX ET DE BONHEUR. TOUS CES FAITS
TÉMOIGNENT DE L'ÉCHEC DE LA CONFÉRENCE DE COPENHAGUE SUR
LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, LA PROLIFÉRATION DES GUERRES EN
AFRIQUE AYANT LARGEMENT POUR CAUSE LA LIBIDO DU POUVOIR ET L'INSUFFISANCE
DÉMOCRATIQUE, ETC.
NOUS REMERCIONS SINCÈREMENT PAPA BERNARD BAKAMANA ET
MAMU KALUBI WA KALOMBO, NOS PARENTS, CAR CE TRAVAIL EST LE RÉSULTAT
D'ÉNORMES SACRIFICES MATÉRIELS ET FINANCIERS QU'ILS ONT
CONSENTIS. PUISSE CETTE ÉTUDE SYMBOLISER NOTRE ENGAGEMENT À
UTILISER AU MAXIMUM LES ATOUTS DE NOTRE FORMATION POUR RELEVER NOS DÉFIS
COMMUNS ET GARANTIR LA VIE BONNE ET HEUREUSE AUX GÉNÉRATIONS
FUTURES. NOUS NE SAURONS OUBLIER L'APPORT MORAL TRÈS SYMBOLIQUE DE TOUS
NOS FRÈRES: ROMAIN BADIBANGA, ERNEST KABASU, PAPY KALOMBO, GERMAINE
KAPINGA, MICHOU KASOKOMA, EVELYNE LUSAMBA, ONCLE CRISPIN TSHIMPAKA.
NOUS SOMMES REDEVABLE AU PROFESSEUR NGOMA BINDA QUI,
AU-DELÀ DE SON ATTENTION PARTICULIÈRE À NOTRE FORMATION ET
NOTRE ENCADREMENT, NOUS A FOURNI LE GOÛT DE L'EXCELLENCE ET UN CADRE
THÉORIQUE TRÈS INSPIRATEUR DANS L'ÉLABORATION DE CE
TRAVAIL. QU'IL TROUVE ICI L'EXPRESSION DE NOTRE GRATITUDE ET LE VoeU
DE « PHILOSOPHER AUTREMENT », EN FAISANT DE LA
PHILOSOPHIE, NON UNE ACTIVITÉ ROUTINIÈRE SE FATIGUANT À
DONNER DES COUPS D'ÉPÉES DANS L'AIR, MAIS UNE RECHERCHE
RATIONNELLE DES MOYENS EFFICACES DE PAIX ET DE DÉVELOPPEMENT POUR LES
HOMMES AU SEIN DES SOCIÉTÉS BIEN GOUVERNÉES.
A TOUS NOS AMIS, SINCÈRE GRATITUDE POUR LEUR
COLLABORATION MORALE.
INTRODUCTION GENERALE
« GUERRE, ÉDUCATION ET PAIX DANS LA
PHILOSOPHIE POLITIQUE DE ROUSSEAU ET KANT ». TEL EST LE
THÈME DE CETTE DISSERTATION.
TROIS RAISONS JUSTIFIENT NOTRE INTÉRÊT POUR CE
THÈME. D'ABORD, LA GUERRE ET LA PAIX CONSTITUENT DEUX MODALITÉS
ESSENTIELLES DE TOUTE RÉFLEXION POLITIQUE. L'HOMME SE PENSE TOUJOURS EN
TERMES DE CONFLIT ET DE PAIX. IL NOUS SEMBLE EN FAIT QUE LA RECHERCHE DE LA
PAIX, ENTENDUE, NON SIMPLEMENT COMME ANTITHÈSE DE LA GUERRE, MAIS AUSSI
COMME ÉTAT DE BIEN-ÊTRE INTÉGRAL DE L'HOMME DANS UNE
SOCIÉTÉ BIEN GOUVERNÉE, CONSTITUE LE MOBILE SUPRÊME
DES INSTITUTIONS POLITIQUES.
ENSUITE, LE LIEN INDISSOLUBLE ENTRE LA
RECHERCHE DE LA PAIX, L'ÉDUCATION ET LA GOUVERNANCE POLITIQUE NOUS
APPARAÎT COMME LA CARACTÉRISTIQUE ESSENTIELLE DES RECHERCHES
ÉTHIQUES ET POLITIQUES DE NOTRE TEMPS. EN TÉMOIGNENT LES
OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE ET LES GRANDES OPTIONS DE L'UNESCO.
ENFIN, UN RECOURS AUX CLASSIQUES DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE
MODERNE NOUS SEMBLE NÉCESSAIRE POUR BIEN COMPRENDRE LA PHILOSOPHIE
POLITIQUE DE NOTRE TEMPS ET DISCUTER AVEC COMPÉTENCE DES
PROBLÈMES THÉORIQUES ET PRATIQUES QU'ELLE SOULÈVE. A
PROPOS DE CETTE PHILOSOPHIE JUSTEMENT, ELLE SE PRÉSENTE GLOBALEMENT
COMME UNE SÉRIE DES DISCUSSIONS AUTOUR DES CONCEPTS
ÉLABORÉS PAR LES PHILOSOPHES POLITIQUES CLASSIQUES MODERNES ET
ANTIQUES. EN TÉMOIGNENT LES GRANDES ORIENTATIONS DES THÉORIES DE
LA JUSTICE (RAWLS, RICoeUR...) ET DE LA GOUVERNANCE GLOBALE( HABERMAS, ALAIN
RÉNAUT...). NOUS AVONS DONC CHOISI DE COMPRENDRE D'ABORD LES
ARTICULATIONS ESSENTIELLES DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE ROUSSEAU ET KANT EN
VUE D'ABORDER AVEC COMPÉTENCE LES PROBLÉMATIQUES ACTUELLES
SOULEVÉES PAR CETTE PHILOSOPHIE.
AINSI, NOUS NOUS FIXONS TROIS OBJECTIFS. D'ABORD, CONTRIBUER
AU DÉBAT SUR LA PROBLÉMATIQUE DE LA PAIX ET LA GOUVERNANCE
POLITIQUE EN AFRIQUE. ENSUITE, FONDER THÉORIQUEMENT LA PAIX POLITIQUE
GRÂCE À UNE RÉÉVALUATION MORALE DU CONCEPT DE
GUERRE. ENFIN, DÉBOUCHER SUR DES PROPOSITIONS CONCRÈTES À
MÊME D'ORIENTER LA RECHERCHE DE LA PAIX EN AFRIQUE ET DANS LE MONDE.
NUL N'IGNORE QUE NOTRE ÉPOQUE EST CELLE OÙ SE
SONT DÉVELOPPÉES LES FORMES LES PLUS EXTRÊMES ET LES PLUS
SOPHISTIQUÉES DE LA VIOLENCE ET DE LA CONFLICTUALITÉ. LE
20È SIÈCLE AURAIT ÉTÉ LE SIÈCLE DES GUERRES
MONDIALES. LE DÉVELOPPEMENT DE LA TECHNOLOGIE MILITAIRE, LA
COMPLEXIFICATION DES CIRCUITS FINANCIERS ET ÉCONOMIQUES, LES
EXTRÉMISMES IDÉOLOGICO-POLITICO-RELIGIEUX, LES MÉFAITS DU
CAPITALISME SAUVAGE, ETC., ONT ÉTÉ À LA BASE D'UN
PAROXYSME DE LA VIOLENCE HUMAINE DONT LA POLITIQUE CONSTITUE LE LIEU PERTINENT
D'EXPRESSION ET D'ÉMERGENCE.
EN CE DÉBUT DU 21È SIÈCLE, LES
SÉQUELLES DU SIÈCLE PASSÉ CONTINUENT DE DÉTERMINER
DES CHOIX POLITIQUES, IDÉOLOGIQUES, ÉCONOMIQUES ET MILITAIRES DE
PLUSIEURS PAYS. TOUT LE MONDE IRONISE D'AGIR AU NOM DE LA PAIX ALORS QUE DU
FONDS DE TOUS LES DISCOURS SE TROUVENT UN VENIN CACHÉ DE
CONFLICTUALITÉ. LA CAPACITÉ
« CONFLICTOGÉNÉTIQUE » DES IDENTITÉS
NATIONALES ET CULTURELLES PERSISTE EN DÉPIT DES FORMES HYPOCRITES D'AGIR
ET DE PENSER GLOBALEMENT. LES CRISES ÉCONOMIQUE,
ÉNERGÉTIQUE, ET ENVIRONNEMENTALE ; LA DIMINUTION SENSIBLE
DES CERTAINES RESSOURCES NATURELLES VITALES ET STRATÉGIQUES COMME L'EAU,
LE PÉTROLE, CERTAINS MINERAIS, ETC ; LA DISPROPORTION ENTRE LA
DYNAMIQUE DÉMOGRAPHIQUE ET LES OPPORTUNITÉS DE VIE QU'OFFRENT LES
ESPACES NATIONAUX...TOUTES CES CHOSES ANNONCENT L'ÉBOULEMENT FUTUR DE CE
SIÈCLE.
DE TOUT CE QUI PRÉCÈDE SURGIT LA QUESTION DU
STATUT MORAL DE LA VIOLENCE PAR RAPPORT AU SENS MÊME DE LA VIE HUMAINE
SUR LA TERRE. MAIS AUSSI CELLE, AUSSI INTÉRESSANTE QUE LA
PREMIÈRE, DE LA MANIÈRE LA PLUS RAISONNABLE DE GÉRER NOS
SOCIÉTÉS ET LES OPPORTUNITÉS NATURELLES QU'ELLES NOUS
OFFRENT, EN VUE DE MINIMISER LES PENCHANTS À LA GUERRE,
RÉORIENTER NOTRE PRAXIS SUR BASE DES REPÈRES MORAUX ET POLITIQUES
UNIVERSELS, OBJECTIFS, IMPERSONNELS, ET CONSTRUIRE UNE SOCIÉTÉ
MONDIALE BIEN GOUVERNÉE.
POUR NOUS, LA GUERRE ET SES COROLLAIRES NE PEUT AVOIR UNE
QUALIFICATION MORALE. ELLE DOIT ÊTRE MORALEMENT DISQUALIFIÉE ET
TENUE POUR UNE CARACTÉRISTIQUE D'UNE HUMANITÉ ENCORE
PUÉRILE SUR LA PLAN POLITIQUE ET MORAL. DU COUP, LA CONSCIENCE DE TOUT
HOMME DOIT ÊTRE ÉLEVÉE À L'IMPÉRATIF DE LA
PAIX PAR L'ÉDUCATION. DE CETTE ÉDUCATION SURGIRA LA
NÉCESSITÉ D'UNE GOUVERNANCE POLITIQUE GLOBALE ET
INTÉGRATIVE DE NOS PAYS COMME VOIE RAISONNABLE DE NOTRE VIVRE-ENSEMBLE.
CELLE-CI SUPPOSE QUE BIEN GOUVERNER UNE SOCIÉTÉ MODERNE EXIGE LA
PRISE EN COMPTE DE LA NÉCESSITÉ DE LA PAIX GLOBALE SANS QUE
CELLE-CI SOIT EN CONTRADICTION AVEC LES INTÉRÊTS LOCAUX. EN
D'AUTRES TERMES, IL S'AGIT DE CRÉER UN ESPACE DE CONCILIATION
D'INTÉRÊTS ENTRE LES INTÉRÊTS SOUVERAINS ET
LÉGITIMES DES ÉTATS ET L'IMPÉRATIF D'UNE
COOPÉRATION FÉCONDE ENTRE CES INTÉRÊTS EN VUE DE LA
PAIX GLOBALE. LE GLOBAL NE SIGNIFIE PAS ICI DIRECTEMENT LE MONDE, MAIS IL
RENVOIE À DES GRANDS ENSEMBLES COMPOSÉS DES SOUS-ENSEMBLES. DE CE
POINT DE VUE, ET À TITRE ILLUSTRATIF, LA RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DU CONGO PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME LE
GLOBAL PAR RAPPORT AUX 450 ETHNIES QUI LA COMPOSENT. AINSI, LA GOUVERNANCE
GLOBALE INTÉGRATIVE SIGNIFIERAIT POUR LA RDC LE FAIT D'HARMONISER ET DE
CONCILIER LE BIEN-ÊTRE LOCAL DE CHAQUE ETHNIE AVEC LA
NÉCESSITÉ DE L'UNITÉ ET DE LA PAIX POUR L'ENSEMBLE. LA
MÊME LOGIQUE S'APPLIQUE DE LA MÊME MANIÈRE ET DE
FAÇON ASCENDANTE JUSQU'AU GLOBAL PLANÉTAIRE.
NOUS ARGUMENTONS EN FAVEUR DE CETTE HYPOTHÈSE PAR LA
MÉTHODE ANALYTIQUE, CRITIQUE, RÉFLEXIVE ET COMPARATIVE.
ROUSSEAU ET KANT ÉTANT DES AUTEURS À
SYSTÈME, NOUS AVONS CHOISI DE CIRCONSCRIRE NOTRE ÉTUDE SUR LEUR
PHILOSOPHIE PRATIQUE, INCLUANT DES ÉLÉMENTS POLITIQUES,
ANTHROPOLOGIQUES ET MORAUX. L'ÉTUDE PORTE PRINCIPALEMENT SUR L'ANALYSE
DE 4 OUVRAGES DONT DEUX POUR ROUSSEAU ET DEUX POUR KANT. IL S'AGIT DE
L'EMILE ET DU CONTRAT SOCIAL POUR LE PREMIER ; ET LES
PROPOS SUR L'ÉDUCATION ET LE PROJET DE PAIX
PERPÉTUELLE POUR LE DEUXIÈME.
LE TRAVAIL COMPORTE TROIS PARTIES DE DEUX CHAPITRES. LA
PREMIÈRE PORTE SUR LA GUERRE, LA DEUXIÈME SUR L'ÉDUCATION
ET LA DERNIÈRE SUR LA GOUVERNANCE POLITIQUE.
PREMIERE PARTIE
LA GUERRE
DE L'ANTHROPOLOGIE POLITIQUE À LA DISQUALIFICATION
MORALE DE LA VIOLENCE.
INTRODUCTION
LA GUERRE EST UNE ÉVIDENCE DANS L'EXPÉRIENCE
HUMAINE. A. PHILONENKO PENSE QU'ELLE EST « LA GRANDE AFFAIRE DE
L'ESPÈCE HUMAINE »1(*). PROUDHON LA CONSIDÈRE COMME UNE
« FORME DE NOTRE RAISON, UNE LOI DE NOTRE ÂME, UNE CONDITION DE
NOTRE EXISTENCE »2(*). HERACLITE PENSAIT QU'ELLE
ÉTAIT, DANS LA DYNAMIQUE DE L'ÊTRE, « LE PÈRE ET
LE ROI DE TOUS »3(*).
EN EFFET, LA GUERRE DÉSIGNE UNE LUTTE ENTRE DEUX
PARTIES AYANT RECOURS À LA FORCE PHYSIQUE ET AUX ARMES POUR
RÉGLER UN DIFFÉREND »4(*). MAIS DANS LE LANGAGE COURANT, NOUS
RENCONTRONS DES EXPRESSIONS COMME : « LA GUERRE DES MOTS, LA
GUERRE MÉDIATIQUE, LA GUERRE FAMILIÈRE DESTINÉE À
SOULIGNER LA GRAVITÉ DE CERTAINES SITUATIONS, TOUT EN MARQUANT LA
DIMENSION « CONFLICTUELLE » ENTRE DEUX OU
PLUSIEURS PARTIES EN PRÉSENCE. TOUTEFOIS, STRICTO SENSU, IL N'Y A DE
GUERRE QUE LÀ OÙ IL Y A CONFRONTATION DIRECTE ENTRE DEUX PARTIES
RÉSOLUMENT ENGAGÉES, CONFRONTATION QUI, DANS UNE SUITE
ALTERNÉE DES BATAILLES, S'ACHÈVE PAR LE SANG ET LA
MORT.
SELON CLAUSEWITZ, TOUTE GUERRE REPOSE SUR L'INTENTION
D'HOSTILITÉ, C'EST-À-DIRE LA DÉSIGNATION DE L'AUTRE COMME
ENNEMI, DÉSIGNATION QUI DOIT LUI ÊTRE
DÉCLARÉE5(*). IL S'ENSUIT QUE LA GUERRE SE FONDANT SUR
L'ÉLÉMENT INTENTIONNEL, EST D'ABORD UN PROBLÈME MORAL QUI
S'EXTÉRIORISE PAR UNE DÉCLARATION. C'EST DONC AVEC RAISON QUE
L'UNESCO SOUTIENT QUE COMME C'EST DANS L'ESPRIT DES HOMMES QUE NAISSENT LES
VIOLENCES, IL FAUT AGIR PAR L'ÉDUCATION DE L'ESPRIT POUR FAIRE
NAÎTRE LA PAIX.
DANS CE TRAVAIL, NOTRE CONCEPT DE GUERRE
POSSÈDE UNE PETITE EXTENSION. IL EST, EN FAIT, PERÇU D'UN POINT
DE VUE STRICTEMENT SOCIOLOGIQUE ET NE S'ÉTEND PAS SUR DES
CONSIDÉRATIONS PSYCHOLOGIQUES DE LA VIOLENCE TELLES QU'ON PEUT LES
RETROUVER CHEZ FREUD. CE CHOIX SE FONDE SUR LE CADRE THÉORIQUE DE CETTE
ÉTUDE, QUI ENTEND RÉFLÉCHIR SUR LES CONDITIONS DE LA PAIX
ENTRE LES GROUPES SOCIAUX.
CETTE PREMIÈRE PARTIE SE PROPOSE DE SOULIGNER LA
PERTINENCE DE LA GUERRE DANS LA FORMALISATION DE TOUTE PHILOSOPHIE POLITIQUE.
AINSI CHOISISSONS-NOUS D'ENRICHIR LA NOTION CHEZ SUN TZU, HOBBES ET MACHIAVEL
DANS LE PREMIER CHAPITRE AVANT DE NOUS ÉTENDRE CHEZ ROUSSEAU ET KANT. EN
EFFET, LES TROIS PREMIERS AUTEURS NOUS PERMETTRONT DE TROUVER À LA
NOTION DE GUERRE CHEZ ROUSSEAU ET KANT SON
« ENVIRONNEMENT » D'ÉMERGENCE.
CHAPITRE I
L'ANTHROPOLOGIE DU MAL FONDAMENTAL OU LA GUERRE COMME
CATEGORIE ESSENTIELLE DU POLITIQUE
CE CHAPITRE PORTE SUR L'HYPOTHÈSE SELON LAQUELLE
L'HOMME ÉTANT FONDAMENTALEMENT FAILLIBLE, LA GUERRE EST UNE TARE
SUBSTANTIELLE DE SA CONSTITUTION PROFONDE. LES ETATS N'ÉTANT DE CE FAIT
QUE DES ASSOCIATIONS HUMAINES, LA GUERRE EST UNE CATÉGORIE ESSENTIELLE
DE L'ART POLITIQUE. NOUS RETROUVONS CETTE CONCEPTION DANS L'ART DE LA
GUERRE DE SUN TZU, DANS LE RÉALISME POLITIQUE DE NICOLAS MACHIAVEL
ET DANS L'ANTHROPOLOGIE POLITIQUE DE THOMAS HOBBES.
1. SUN TZU
SUN TZU OU SUN ZI EST UN VIEUX PHILOSOPHE CHINOIS DE
L'ANTIQUITÉ. SA PERSONNE RESTE TRÈS PEU CONNUE. IL AURAIT
VÉCU ENTRE LE VÈME ET LE IVÈME
SIÈCLE AV. J. C. ON LUI ATTRIBUE LA PATERNITÉ DE L'ART
DE LA GUERRE6(*), LE « PREMIER TRAITÉ DE
STRATÉGIE MILITAIRE HISTORIQUEMENT ATTESTÉ » !
MÊME SI SON AUTEUR RESTE MYTHIQUE, SON oeUVRE RESTE CLASSIQUE DANS TOUTES
LES ACADÉMIES MILITAIRES DU MONDE ! MAIS EN QUOI UN LIVRE DE
STRATÉGIE MILITAIRE POURRAIT INTÉRESSER LA PHILOSOPHIE
POLITIQUE ? CE QUE CE TRAITÉ CONTIENT DES STRATAGÈMES
FONDÉS SUR DES PRÉSUPPOSÉS PHILOSOPHIQUES FORT
INTÉRESSANTS POUR LA DÉFINITION DE LA GUERRE EN TANT QUE CONCEPT
POLITIQUE.
EN EFFET, COMPOSÉ EN TREIZE ARTICLES, CE LIVRE PORTE
SUR L'INTELLIGENCE STRATÉGIQUE DANS L'UTILISATION LA PLUS RATIONNELLE ET
LA PLUS ÉCONOME DES TROUPES LORS D'UN COMBAT. LE LIVRE SE FONDE SUR UNE
HYPOTHÈSE PHILOSOPHIQUE BIEN RÉSUMÉE PAR LE PREMIER
ARTICLE EN CES TERMES : « SUN TZU DIT : LA GUERRE EST D'UNE
IMPORTANCE VITALE POUR L'ETAT. C'EST LE DOMAINE DE LA VIE ET DE LA MORT :
LA CONSERVATION OU LA PERTE DE L'EMPIRE EN DÉPENDENT ; IL EST
IMPÉRIEUX DE LE BIEN RÉGLER. NE PAS FAIRE DES RÉFLEXIONS
SUR CE QUI LE CONCERNE, C'EST FAIRE PREUVE D'UNE COUPABLE INDIFFÉRENCE
POUR LA CONSERVATION OU LA PERTE DE CE QU'ON A DE PLUS CHER, ET CE QU'ON NE
DOIT PAS TROUVER PARMI NOUS ».
CET EXTRAIT DU PREMIER ARTICLE NOUS REND PARFAITEMENT TOUT LE
CONTENU PHILOSOPHIQUE, ANTHROPOLOGIQUE ET POLITIQUE DE LA GUERRE CHEZ SUN TZU.
LA GUERRE APPARAÎT, NON SEULEMENT COMME UNE RÉALITÉ
INTRINSÈQUE À LA VIE DES HOMMES ET PAR CONSÉQUENT
INÉVITABLE DANS L'ORDRE POLITIQUE, MAIS AUSSI COMME LA CONDITION DE LA
CONSERVATION ET DE LA PERTE DE L'EMPIRE. IL S'EN SUIT QUE FAIRE MÉTIER
DE GUERRIER OU DE PENSEUR DE LA GUERRE EST L'EXPRESSION D'UN DEVOIR DE LA
CITOYENNETÉ.
DONC, LA GUERRE EST POUR SUN TZU LA GRANDE AFFAIRE DE L'ETAT
ET DU POLITIQUE.
CURIEUSEMENT, NOUS RETROUVERONS EXACTEMENT CETTE PENSÉE
DE SUN TZU DANS LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL. CETTE SIMILITUDE
POURRAIT S'EXPLIQUER PAR UNE SIMPLE COÏNCIDENCE. MAIS BIEN PLUS, PAR LA
CONTEXUALISATION HISTORIQUE DE LA PHILOSOPHIE DE MACHIAVEL. EN EFFET, MACHIAVEL
EST L'HOMME DE LA RENAISSANCE OCCIDENTALE. CETTE PÉRIODE EST
CARACTÉRISÉE PAR UN RÉVEIL SCIENTIFIQUE EXTRAORDINAIRE
RENDU TEL PAR UN RECOURS AVIDE AUX TEXTES ANCIENS, NON SEULEMENT DE L'OCCIDENT
MAIS AUSSI D'AUTRES COINS DU MONDE GRÂCE AUX EXPLORATEURS. DANS LA MESURE
OÙ CETTE HYPOTHÈSE EST ACCEPTABLE, L'ART DE LA GUERRE DE
MACHIAVEL SERAIT AINSI UNE REPRISE THÉORIQUE, NON SEULEMENT DU TITRE DE
L'OUVRAGE DE SUN TZU, MAIS AUSSI DE SON CONTENU POUR L'APPLIQUER À
L'ITALIE DE SON TEMPS. TOUTEFOIS, IL RESTE TOUT DE MÊME CURIEUX QUE NULLE
PART, L'ART DE LA GUERRE DE MACHIAVEL NE FAIT MENTION
NI DE SUN TZU LUI-MÊME, NI DE LA CHINE PHILOSOPHIQUE.
2. NICOLAS MACHIAVEL
LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL CONTINUE EXACTEMENT
LA PENSÉE DE SUN TZU. POUR MACHIAVEL, EN FAIT, QUICONQUE VEUT FONDER UN
ETAT ET LUI DONNER DES LOIS, DOIT SUPPOSER D'AVANCE LES HOMMES
MÉCHANTS7(*).
ON VOIT BIEN QUE L'ANTHROPOLOGIE DE LA MÉCHANCETÉ ORIGINELLE EST
UNE CONDITION A PRIORI DANS LA CHRONOLOGIE THÉORIQUE DE LA FONDATION DE
L'ETAT.
AINSI, LA GUERRE APPARAÎT CHEZ MACHIAVEL COMME UNE
CATÉGORIE ESSENTIELLE DE L'ART POLITIQUE. EN CLAIR, LE SENS DE LA GUERRE
EN POLITIQUE EST LIÉ AU « DOUTE » SUR LA
CAPACITÉ DES HOMMES À FAIRE LE BIEN. LES HOMMES ÉTANT
FONDAMENTALEMENT MAUVAIS, ILS NE FONT LE BIEN QUE DE FAÇON
INTÉRESSÉE, MAIS DÈS QU'ILS ONT LE CHOIX ET LA
LIBERTÉ DE COMMETTRE LE MAL AVEC IMPUNITÉ, ILS S'Y LIVRENT
IRRÉMÉDIABLEMENT. OR, LA VOCATION DE L'ETAT ÉTANT DE
FONDER L'ORDRE NOUVEAU, LA TRANQUILLITÉ ET LA DISCIPLINE SOCIALE,
L'USAGE DE LA FORCE EST NÉCESSAIRE POUR EMPÊCHER DES GUERRES
CIVILES À L'INTÉRIEUR, LES INVASIONS À
L'EXTÉRIEUR.
EN EFFET, SELON MACHIAVEL, L'ETAT REPOSE SUR DEUX
PILIERS : LES LOIS ET LA FORCE, OR, LÀ OÙ IL N'Y A POINT DE
BONNES ARMES, IL NE PEUT Y AVOIR DES BONNES LOIS, ET, AU CONTRAIRE, IL Y A DE
BONNES LOIS LÀ OÙ IL Y A DE BONNES ARMES8(*). C'EST DIRE QUE DE CES
DEUX PILIERS, LA FORCE EST PRÉPONDÉRANTE CAR ELLE CRÉE LES
LOIS. LA RAISON DE CETTE PRÉPONDÉRANCE RÉSIDE DANS LE FAIT
QUE LA SOLIDITÉ DE L'ETAT ET SA PÉRENNITÉ NE SONT
ASSURÉES QUE SI LE PRINCE N'EST PAS À LA MERCI DES
RÉVOLTES INTÉRIEURES ET DES INVASIONS EXTÉRIEURES. L'ART
MILITAIRE EST AINSI LA GRANDE AFFAIRE DE L'ETAT ET IL FAUT L'APPRENDRE AUX
CITOYENS DÈS LE BAS ÂGE. DU COUP, LA DÉFENSE DE L'ETAT NE
DOIT PAS ÊTRE L'oeUVRE DE MERCENAIRES COMME LE FAISAIT L'ITALIE DE SON
TEMPS, ELLE EST LA GRANDE AFFAIRE DES CITOYENS. ON PEUT DONC DIRE QUE POUR
MACHIAVEL, DANS L'ORDRE POLITIQUE, L'ÉDUCATION LA PLUS IMPORTANTE EST
L'ÉDUCATION MILITAIRE ET NON L'ENSEIGNEMENT MORAL ET RELIGIEUX DE LA
SCOLASTIQUE.
LE PRINCE DOIT AINSI APPRENDRE LA GUERRE : « LA
GUERRE, LES INSTITUTIONS ET LES RÈGLES QUI LA CONCERNENT SONT LE SEUL
OBJET AUQUEL LE PRINCE DOIT DONNER SES PENSÉES ET SON APPLICATION ET
DONT IL CONVIENNE DE FAIRE SON MÉTIER »9(*). TOUTE PÉRIODE DE
PAIX DOIT ÊTRE UTILISÉE POUR APPRENDRE LA GUERRE ET NON ÊTRE
VÉCUE MOLLEMENT COMME SI LES HOMMES ÉTAIENT DEVENUS DES ANGES.
QUEL RÉALISME !
EST-CE DIRE QUE POUR MACHIAVEL LE POUVOIR EST INTIMEMENT
LIÉ À LA VIOLENCE ? COMMENT COMPRENDRE LE CONCEPT DE
VIOLENCE DANS LA POLITIQUE DE MACHIAVEL ? LES ETATS SONT-ILS FAITS POUR LA
GUERRE OU POUR LA PAIX ? QU'ON AILLE COMPRENDRE QUE LA PAIX RESTE UN
HORIZON MORAL POUR TOUT ÊTRE RAISONNABLE. LA GUERRE ELLE-MÊME EST
MENÉE EN VUE DE GARANTIR OU RAMENER LA PAIX. SELON NOUS, LE BUT DE LA
THÉORIE DE MACHIAVEL N'EST PAS D'ENSEIGNER UNE POLITIQUE DE
VA-T-EN-GUERRE, MAIS DE PROPOSER DES VOIES EFFICACES, EU ÉGARD AU STATUT
ÉMINEMMENT FAILLIBLE DE LA NATURE HUMAINE, POUR FONDER UN ORDRE
POLITIQUE NOUVEAU. JEAN HERSCH ESTIME AUSSI QUE LA PENSÉE DE MACHIAVEL
EST UNE VÉRITABLE « CRITIQUE DE LA RAISON
POLITIQUE » EN RAISON DE LA « CRITIQUE DE LA RAISON
PRATIQUE » DE KANT QUI EXTRAIT L'EXIGENCE DE LA
CATÉGORICITÉ DE L'IMPÉRATIF MORAL PUR, EXCLUANT AINSI LA
RÉUSSITE ET L'ABDICATION. POUR MACHIAVEL, EN REVANCHE, LE CRITÈRE
DE LA RAISON POLITIQUE, C'EST L'EFFICACITÉ10(*).
Alexis Philonenko a établi la typologie des guerres
chez Machiavel et cette typologie nous parait intéressante pour
l'illustration des guerres dans la région de Grand Lacs11(*). EN EFFET, SELON LUI,
IL Y A CHEZ MACHIAVEL DEUX SORTES DE GUERRES : LES GUERRES DITES
« NATURELLES » ET LES GUERRES DITES
« POLITIQUES ».
LES GUERRES POLITIQUES SONT CELLES QUE LE PRINCE MÈNE
DANS DES TERRITOIRES ÉTRANGERS, JUSTE POUR ÉTENDRE LE PRESTIGE DE
SON IMPÉRIUM, SANS NÉCESSAIREMENT CHASSER DE LEURS TERRES LES
HABITANTS DES ZONES VAINCUES. LES GUERRES NATURELLES, EN REVANCHE, SONT CELLES
QUE PEUT ENGAGER UN PEUPLE LORSQUE, MENACÉ PAR L'INSUFFISANCE DES
CONDITIONS NATURELLES DE VIE, SE LÈVE TOUT ENTIER ET VA EN QUÊTE
DE NOUVELLES TERRES POUR S'Y INSTALLER APRÈS EN AVOIR CHASSÉ LES
AUTOCHTONES. SI ON OBSERVE ATTENTIVEMENT LE MOUVEMENT DES MASSES DANS LA
RÉGION DE GRANDS LACS AUJOURD'HUI, ON PEUT BIEN SE RENDRE COMPTE DE
L'ÉVIDENCE DE CE TYPE DE GUERRES. EN PLUS, LES CARACTÉRISTIQUES
QUE MACHIAVEL LEUR ATTRIBUE SONT TRÈS ILLUSTRATIVES.
EN EFFET, « CES PEUPLADES SORTENT DE LEUR
PAYS( ...) CHASSÉS PAR LA FAIM OU PAR LA GUERRE, OU PAR QUELQUES
GENRES DE FLÉAU QUI LES ACCABLE ET LES OBLIGE À RECHERCHER DES
NOUVELLES DEMEURES(...) QUELQUEFOIS ELLES SONT EN SI GRAND NOMBRE QU'ELLES
DÉBORDENT AVEC IMPÉTUOSITÉ SUR LES TERRES
ÉTRANGÈRES, MASSACRANT LES HABITANTS, S'EMPARANT DE LEURS BIENS
ET ELLES FONDENT UN NOUVEL EMPIRE ET CHANGENT JUSQU'AU NOM DE LEUR
PAYS(....)DES PAREILS PEUPLES, CHASSÉS DE LEURS PAYS PAR LA
NÉCESSITÉ LA PLUS CRUELLE, PEUVENT ÊTRE INFINIMENT
DANGEREUX. SI ON NE LES OPPOSE DES ARMÉES FORMIDABLES, ILS L'EMPORTENT
TOUJOURS SUR CEUX QU'ILS VONT ATTAQUER.... »12(*).
SI ON PENSE AUX MBORORO ET À CERTAINES MOBILITÉS
HUMAINES AU RWANDA, BURUNDI ET OUGANDA, ON SE REND COMPTE DE
L'ACTUALITÉ DE LA DESCRIPTION MACHIAVÉLIENNE CI-HAUT
ÉVOQUÉE. EN FAIT, MÊME SI L'ARGUMENT GÉOPOLITIQUE
EST LE PLUS ÉVOQUÉ POUR EXPLIQUER LA GUERRE DANS LA RÉGION
DES GRANDS LACS, IL Y A LIEU DE POSER PAR HYPOTHÈSE QUE L'ASPECT
GÉOPOLITIQUE NE FAIT QUE RÉCUPÉRER UNE SITUATION
SOCIOLOGIQUE ET NATURELLE BIEN ÉVIDENTE. CETTE SITUATION S'EXPRIME EN
TERMES DE DYNAMIQUE DÉMOGRAPHIQUE, D'EXIGUÏTÉ DU TERRITOIRE
ET D'INSUFFISANCE DES OPPORTUNITÉS NATURELLES POUR CERTAINS PAYS DE LA
RÉGION D'UNE PART, ET D'AUTRE PART EN TERMES DE SCANDALE
GÉOLOGIQUE ET D'ESPACE TERRITORIAL GRANDEMENT NON ENCORE MIS EN
VALEUR. IL NE S'AGIT DONC PAS DE JUSTIFIER MORALEMENT CES INVASIONS
ÉTRANGÈRES MAIS D'ESSAYER DE LES COMPRENDRE POUR DÉBOUCHER
SUR L'HYPOTHÈSE QUE C'EST DANS UN ESPACE POLITIQUE DE CONCILIATION
D'INTÉRÊTS, DE COOPÉRATION MUTUELLE ET SURTOUT
D'INTERCOMPRÉHENSION QU'ON PEUT MAÎTRISER LA DYNAMIQUE DE LA
CONFLICTUALITÉ DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS.
TELLE EST LA PENSÉE DE MACHIAVEL SUR LA GUERRE.
VOYONS-EN LES PROLONGEMENTS CHEZ THOMAS HOBBES.
3. THOMAS HOBBES
LE THÈME DE LA GUERRE POSSÈDE UNE VALEUR
PARADIGMATIQUE DANS TOUTE LA PHILOSOPHIE CONTRACTUALISTE. SON CONTENU
CONCEPTUEL EST LIÉ NON SEULEMENT À L'ANTHROPOLOGIE MAIS AUSSI
À LA CHRONOLOGIE THÉMATIQUE DANS LA THÉORISATION DE
L'ETAT. VOICI COMMENT HOBBES CIRCONSCRIT SA PENSÉE DE LA GUERRE :
« SI DEUX HOMMES DÉSIRENT UNE MÊME CHOSE QUE TOUS
PEUVENT AVOIR, ILS DEVIENNENT DONC ENNEMIS, ET EN POURSUIVANT LEUR BUT (QUI EST
DANS LA PLUPART DES CAS LA CONSERVATION PROPRE ET QUELQUEFOIS SEULEMENT LE
PLAISIR), ILS S'EFFORCENT DE SE DÉTRUIRE MUTUELLEMENT OU DE SE SUBJUGUER
L'UN L'AUTRE13(*). TELLE
EST LA THÈSE, MAIS IL FAUT L'EXPLIQUER. NOUS ALLONS NOUS FONDER SUR
TROIS AUTEURS.
Selon Raymond Polin14(*), LA FORMULE PAR LA QUELLE ON
PEUT BIEN RÉSUMER LA PENSÉE DE HOBBES EST LA SUIVANTE :
L'HOMME EST UN LOUP POUR L'HOMME. MAIS UNE TELLE FORMULE, DU RESTE ISSUE DE
CATON LE CENSEUR, EXPRIME LE TRAIT LE PLUS PROFOND DE LA PHILOSOPHIE DE
HOBBES : C'EST UNE PHILOSOPHIE DE L'HOMME ET UNE PHILOSOPHIE DE L'HOMME
MÉCHANT. C'EST DIRE QUE POUR HOBBES, L'HOMME EST FONCIÈREMENT
MÉCHANT, IL EST UN ÊTRE-POUR - LA GUERRE. LES HOMMES SE
DÉFINISSENT, DANS L'ÉTAT PRÉ-POLITIQUE, PAR DES
APPÉTITS ÉGOÏSTES. DE CE FAIT, ILS NE SONT RIEN QU'UN
AGRÉGAT D'INDIVIDUS MUS PAR LES PASSIONS ET LES INSTINCTS DE
CONSERVATION. C'EST POURQUOI, DANS L'ÉTAT POST POLITIQUE, LE SALUT
PUBLIC EST CONDITIONNÉ PAR L'ABDICATION DE TOUS À
L'AUTORITÉ DU LÉVIATHAN15(*).
En suite Gaétan Démulier16(*) EXPLIQUE DAVANTAGE LA
THÈSE DE HOBBES EN SE FONDANT SUR LA NOTION D'ETAT DE NATURE. IL PENSE
QUE L'ÉTAT DE NATURE N'EST PAS UN MOMENT HISTORIQUE, MAIS LE
RÉSULTAT D'UNE HYPOTHÈSE SOUSTRACTIVE : IL S'AGIT DE PEINDRE
CE QUE SERAIT LA CONDITION DES HOMMES SI L'ON ÔTAIT TOUTE INSTANCE
POLITIQUE ET JURIDIQUE. CE QUE HOBBES VOULAIT DÉMONTRER C'EST, D'UNE
PART UNE CONSTRUCTION THÉORIQUE, POUR POUVOIR RECONSTITUER LES MOTIFS
QUI PRÉSIDENT À L'INSTITUTION DES SOCIÉTÉS
POLITIQUES. D'AUTRE PART, FONDER THÉORIQUEMENT LA FINALITÉ DU
POLITIQUE À SAVOIR L'ORDRE ET LA PAIX.
EN EFFET, CET AUTEUR EXPLIQUE LA PENSÉE DE HOBBES
À PARTIR DE SES PRÉSUPPOSÉS PHYSICO-MATHÉMATIQUES
(LA MÉCANIQUE DU MOUVEMENT). POUR LE MÉCANISME HOBBESIEN,
L'HOMME, COMME TOUTE RÉALITÉ NATURELLE SE COMPREND COMME UN CORPS
EN MOUVEMENT. ET LE PRINCIPE DE CE MOUVEMENT EST LE DÉSIR. CE
DÉSIR EST DÛ AU SENTIMENT DE PLAISIR ET DE PEINE QUI
RÉSULTE DU CONTACT PHYSIQUE AVEC LES AUTRES CORPS. CELA A POUR
CONSÉQUENCE LE MOUVEMENT DE RAPPROCHEMENT OU DE RÉPULSION
D'AUTRES OBJETS. OR, LE DÉSIR HUMAIN SE CARACTÉRISE PAR CECI
QU'IL EST ILLIMITÉ. DE LÀ DÉCOULE QUE LES HOMMES
N'ÉTANT SOUMIS À AUCUNE LOI, NE PEUVENT QUE MENER L'EXISTENCE
DANS UN CHAOS UNIVERSEL. DANS CET ÉTAT, IL FAUT UNE FORCE
SUPÉRIEURE QUI SAURAIT ARRÊTER LE DÉCHAÎNEMENT DES
FORCES NATURELLES DES HOMMES EN PROIE À LEURS DÉSIRS.
EN PLUS, GAÉTAN DÉMULIER ESTIME QUE LA GUERRE
CHEZ HOBBES RÉSULTE DE LA CONJONCTION DE DEUX PASSIONS QUI METTENT
L'HOMME EN MOUVEMENT : LE DÉSIR DE PUISSANCE ET LA PEUR DE LA MORT
VIOLENTE. LA PREMIÈRE PASSION PEUT SE CONCEVOIR SOIT COMME LA CONVOITISE
INFINIE DES BIENS SOIT DU DÉSIR DE GLOIRE OU DE RECONNAISSANCE. OR, LA
NATURE DU DÉSIR C'EST L'INSATISFACTION. L'HOMME EST AINSI À,
CHAQUE INSTANT, EN TRAIN DE RECHERCHER UN AGRÉMENT ABSENT MAIS TOUJOURS
ESPÉRÉ. LA VIE HUMAINE SUR TERRE SE PRÉSENTE COMME UN
SPECTACLE QUI CONSISTE EN UN MOUVEMENT QUI PASSE SANS CESSE DE LA
PRÉSENCE D'UN BIEN À L'ACQUISITION D'UN AUTRE EN CE SENS, LE
DÉSIR N'EST PAS UN PRÉTEXTE D'UNITÉ MAIS UN MOTIF PUISSANT
DE DISSOCIATION.
EN OUTRE, LA MÉCHANCETÉ EST ENCORE PLUS
DANGEREUSE LORSQU'ELLE PREND LA FORME DE L'HONNEUR SUBJECTIF. CHACUN
SE FAIT UNE TRÈS HAUTE OPINION DE SOI-MÊME ET S'ACCORDE UNE VALEUR
PLUS ÉLEVÉE QUE SES SEMBLABLES. OR, IL VA DE SOI QUE CE
DÉSIR DE SUPÉRIORITÉ RESTE VIDE DE CONTENU JUSQU'À
SA VALIDATION PAR AUTRUI.
SELON DÉMULIER, LA VANITÉ DE CE DÉSIR
D'HONNEUR GUETTE DANS LE REGARD D'AUTRUI TOUT SIGNE LUI INDIQUANT QU'ELLE NE
REÇOIT PAS L'HONNEUR AUQUEL ELLE ASPIRE. D'OÙ LE RECOURS À
LA FORCE POUR ARRACHER L'ADMIRATION DE SES SEMBLABLES. LA GUERRE EST ICI
SITUÉE AU NIVEAU DE CE QUE ROUSSEAU APPELLERA « LA FUREUR DE
SE DISTINGUER » ET QU'IL DÉFINIT DE LA MANIÈRE
SUIVANTE : « JE MONTRERAIS QUE C'EST À CETTE ARDEUR DE
FAIRE PARLER DE SOI , À CETTE FUREUR DE SE DISTINGUER QUI NOUS TIENT
TOUJOURS PRESQUE HORS DE NOUS-MÊME , QUE NOUS DEVONS CE QU'IL Y A DE
MEILLEUR ET DE PIRE PARMI LES HOMMES , NOS VERTUS ET NOS VICES , NOS SCIENCES
ET NOS ERREURS , NOS CONQUERANTS ET NOS PHILOSOPHES , C'EST-À-DIRE UNE
MULTITUDE DE MAUVAISES CHOSES SUR UN PETIT NOMBRE DES
BONNES »17(*). TOUTEFOIS, CETTE FUREUR DE SE DISTINGUER
N'EXISTE PAS DANS LA NATURE DE L'HOMME, ELLE EST LE RÉSULTAT DU
CONDITIONNEMENT SOCIAL, SELON ROUSSEAU.
EN CONSÉQUENCE DE CETTE SITUATION, CHAQUE INDIVIDU
ENVISAGE PRÉVENTIVEMENT L'AUTRE COMME UN ENNEMI ÉVENTUEL DE SA
PROPRE MAINTENANCE DANS L'EXISTENCE, LA PEUR IMAGINAIRE S'INSTALLE ET LA GUERRE
PEUT, NON SEULEMENT NAÎTRE, MAIS SURTOUT DURER, AUSSI LONGTEMPS QUE CETTE
PEUR PERSISTE.
NOTRE TROISIÈME AUTEUR, C'EST BABACAR NDIAYE18(*). L'ANALYSE DE CET
AUTEUR S'INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE COMPARATIVE DE LA NOTION DE GUERRE
CHEZ HOBBES ET ROUSSEAU. SON OBJECTIF EST DE MONTRER, D'UNE PART QUE HOBBES A
SUBI INJUSTEMENT DE L'INCOMPRÉHENSION DANS LA PENSÉE DE ROUSSEAU,
ET D'AUTRE PART QUE LE CONCEPT DE LA GUERRE POSSÈDE UNE VALEUR
PARADIGMATIQUE DANS LA THÉORISATION DE LA PENSÉE POLITIQUE
MODERNE.
EN EFFET, POUR LUI, LA CONCEPTION ROUSSEAUISTE DE LA GUERRE
EST UNE « THÉORIQUE DE L'ANTITHÈSE »
VIS-À-VIS DE LA PENSÉE DE HOBBES. CETTE CRITIQUE SE
PRÉSENTE SOUS DEUX FORMES : POSITIVE ET NÉGATIVE. DANS SA
FORME NÉGATIVE, ROUSSEAU RÉCUSE LA NOTION DE GUERRE CHEZ HOBBES
PARCE QU'EN POSANT A PRIORI LA SITUATION DES INDIVIDUS COMME CONFLICTUELLE,
HOBBES SERAIT LE PRÉDICATEUR ATTITRÉ DU PESSIMISME
ANTHROPOLOGIQUE. DANS SA FORME POSITIVE, LA CRITIQUE ROUSSEAUISTE NE
RÉCUSE PAS, ELLE CIRCONSCRIT ET RECONSTRUIT. EN FAIT, POUR ROUSSEAU, LA
GUERRE NAÎT DE L'ÉTAT SOCIAL19(*).
CET AUTEUR ESTIME TOUTEFOIS QUE ROUSSEAU GROSSIT ET
''DÉFORME '' LE CONCEPT HOBBESIEN DE LA GUERRE EN Y RATTACHANT '' LES
IMAGES LES PLUS DÉPLACÉES ET LES PLUS VIOLENTES''. LA
DÉFINITION HOBBESIENNE DE LA GUERRE NE RENTRE PAS DANS LA LIGNE DE
COMPTE DES CONTRE-ARGUMENTS DE ROUSSEAU ; ELLE CONCERNE PLUTÔT LES
INDIVIDUS DONT LES DÉSIRS SE HEURTENT ET S'OPPOSENT. CE NE SONT PAS DES
ETATS CONSTITUÉS QUI S'AFFRONTENT. LA GUERRE EST FONDÉE SUR LES
DÉSIRS DE CONSERVATION QUI, AVANT TOUT LIEN SOCIAL FONDÉ SUR LE
DROIT, EST UN DROIT NATUREL À FAIRE VALOIR À TOUT PRIX; LA GUERRE
RELÈVE AINSI DE LA ''JUS NATURALE''. OR CE DROIT NATUREL EST UN POUVOIR
DONNÉ À CHAQUE INDIVIDU DANS LA RECHERCHE DE SON BIEN-ÊTRE.
CE DROIT APPARTIENT À TOUS ET EST IDENTIQUE À TOUS. IL EST
À L'ORIGINE D'UNE SORTE D'ÉGALITÉ NATURELLE DES HOMMES QUI
MET EN JEU, DANS UN ESPACE DE CONCURRENCE LÉGITIME, UN CONTRASTE
PERMANENT D'INTÉRÊTS QUI ENGENDRE LA GUERRE. POUR LUI, HOBBES NE
DÉVELOPPE PAS UN PESSIMISME ANTHROPOLOGIQUE COMME LE PENSE ROUSSEAU
À SON ÉGARD.
Nous pensons que ce qui importe pour la pensée
politique actuelle, c'est de considérer le réalisme avec lequel
ce penseur de la modernité occidentale avait perçu la chose
politique à la suite de Machiavel et d'en tirer les conséquences
pratiques efficaces. Cependant, et c'est là notre critique,
interpréter toutes les relations humaines par des
présupposés de la physique du mouvement des corps c'est oublier
quelque chose qui entre aussi dans la définition de
l'homme : la moralité et la spiritualité .Dire que l'homme
n'est que désir, c'est décréter qu'aucun
désintéressement n'est humain.
LES HOMMES NE SONT PAS SEULEMENT UN
AGRÉGAT D'INDIVIDUS EN QUÊTE DE CONSERVATION, ILS SONT BIEN PLUS
UNE TRANSCENDANCE, DES ESPRITS INCARNÉS, ILS ONT LA PENSÉE DE
L'ÉTERNITÉ, ILS ACCEPTENT PARFOIS LA MORT AU NOM D'UN BIEN PLUS
SUPÉRIEUR À LA SIMPLE CONSERVATION DE SOI. CET ASPECT N'A PAS
ÉTÉ PRIS EN COMPTE PAR HOBBES ET SES HÉRITIERS. DANS LE
CHAPITRE SUIVANT, NOUS VOYONS COMMENT ROUSSEAU PART DES LIMITES DE HOBBES ET
MACHIAVEL POUR « INNOCENTER » L'HOMME ET RECONSTRUIRE
LE POLITIQUE ENFERMÉ DANS L'IDÉE DE FORCE. ROUSSEAU
DÉFINIRA LA GUERRE À PARTIR DES PRÉSUPPOSÉS
SOCIOLOGIQUES.
CHAPITRE II
L'ANTHROPOLOGIE DE LA BONTE ORIGINELLE OU LA GUERRE
COMME CATEGORIE ACCIDENTELLE DU POLITIQUE
CE CHAPITRE SE PROPOSE DE LIRE ROUSSEAU ET KANT POUR
DÉGAGER L'IDÉE QUE LA GUERRE N'A AUCUN FONDEMENT DANS L'HOMME
EN TANT QU'HOMME. ELLE EST, D'UNE PART, LE RÉSULTAT ALÉATOIRE DE
L'HISTOIRE POLITIQUE ; ET D'AUTRE PART UN ÉTAT DE FACTO SANS
SUBSTANCE MORALE. NOUS COMMENÇONS PAR L'ARGUMENTATION DE ROUSSEAU ET
NOUS TERMINERONS PAR LA SOLUTION KANTIENNE.
2.1 ROUSSEAU ET LA CRITIQUE DE L'HISTOIRE POLITIQUE20(*)
2.1.1 Guerre et état de nature
Le thème de la guerre dans la philosophie
contractualiste répond à un vaste programme théorique dont
l'état de nature est une notion essentielle. Rousseau développe
sa thèse sur la guerre grâce à une
« rhétorique de l'antithèse » au sein d'une
critique contre ses adversaires philosophiques. Sa méthode, affirme
Karma Nabulsi, consiste à définir sa théorie de la guerre
comme une réponse directe aux insuffisances et aux défauts de ses
adversaires philosophiques.21(*) Or, nous avons vu que la guerre était, si pas
naturelle à l'homme, chez Hobbes, mais du moins, permanente dans
l'état de nature, c'est-à-dire dans une situation
pré-politique d'absence totale de l'Etat. La compréhension
rousseauiste de cette pensée de Hobbes consiste à
considérer la guerre comme une catégorie substantielle de la
nature humaine, ce qui est, du moins pour Rousseau, absurde car l'état
de nature, loin d'être une situation de trouble, est le lieu de la paix,
du calme des passions et de l'ignorance du vice.
De ce qui précède, il devient clair que le
problème de la guerre est moins celui de la nature humaine en tant que
telle que celui des conditionnements sociaux et de la gouvernance politique.
Voici comment Rousseau argumente en faveur de cette
hypothèse : « mettons un moment ces idées en
opposition avec l'horrible système de Hobbes, et nous trouverons, tout
au rebours de son absurde doctrine, que bien loin que l'état de guerre
soit naturel à l'homme, la guerre est née de la paix, ou du moins
des précautions que les hommes ont prises pour s'assurer une paix
durable »22(*).
Et encore : « si cette inimitié mutuelle et destructrice
était liée à notre constitution, elle se ferait donc
sentir encore et nous repousserait malgré nous, à travers toutes
les chaînes sociales. L'affreuse haine de l'humanité rongerait le
coeur de l'homme. Il s'affligerait à la naissance de ses propres
enfants. Il se réjouirait à la mort de se frères, et
lorsqu'il trouverait quelqu'un endormi son premier mouvement serait de le
tuer.23(*)
On voit apparaître la nécessité de
préciser le statut réel du concept d'état de nature. Et
Rousseau précise : « commençons par écarter
les faits, car ils ne touchent point à la question. Il ne faut pas
prendre les recherches dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet pour des
vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements
hypothétiques et conditionnels plus propres à éclaircir la
nature des choses qu'à en montrer la véritable origine, et
semblables à ce que font tous les jours nos physiciens sur la formation
du monde ».24(*)
En d'autres termes, toute la pensée de Rousseau se construit sur le
modèle mathématique par la méthode
hypothético-déductive25(*).
Selon Boudon et Bourricaud, ce procédé
hypothético-déductif est l'un des héritages essentiels de
Rousseau dans la pensée de Kant. En effet, Rousseau utilise la
méthode des modèles, c'est-à-dire des constructions
à dessein simplifiées, idéalisées et partant
irréalistes au point que Kant l'admirait et le considérait comme
le Newton de la théorie politique26(*).
Pierre Burgelin explicite cet aspect normatif de la
pensée de Rousseau en ces termes : « A sa manière,
il reprend des problèmes autrefois soulevés par Hobbes, par les
théoriciens du droit naturel, Grotius, Pufendorf, Barbeyrac. Mais ces
auteurs, juge Rousseau, sont plus soucieux de justifier ce qui est, de partir
des « faits » que de chercher ce qui doit
être.27(*)
En situant dans l'histoire politique l'origine de la guerre,
Rousseau poursuit deux objectifs, l'un moral et l'autre pratique. Dans l'ordre
moral, Rousseau déculpabilise l'homme tout en le mettant devant ses
responsabilités historiques. Dans l'ordre pratique, Rousseau cherche
à discréditer l'ordre politique existant de fait pour inciter ses
concitoyens à faire table-rase pour instaurer les conditions de
légitimité du pouvoir politique et de redécollage
historique de la société. Il s'agit là d'un ascendant
idéologique de la révolution française. En fait, il
appartient à tout peuple, libre par nature, de s'arrêter dans le
cours du temps et de s'interroger sur le sens de son être au monde en
inventant les moyens théoriques et pratiques d'une réorientation
positive de son histoire. Tel est le sens de la logique révolutionnaire
de Rousseau. N'est-ce pas une interpellation pour les pays africains ?
Rousseau argumente en faveur de cette hypothèse en prenant deux
principales cibles : les sciences et les arts et la politique.
2.1.2 Rousseau et la critique des sciences et des arts
En 1749, l'Académie de Dijon organise un concours
autour du thème : « Si le développement des
sciences et des arts a contribué ou non à épurer les
moeurs ». La réponse de Rousseau est que le
développement de la culture a corrompu les moeurs. Autrement dit, selon
Rousseau, le prétendu progrès de la rationalité dont se
flatte l'Europe du 18ème siècle est justement
l'expression de la régression du genre humain et de sa
dégénérescence morale. Voici comment il s'exprime à
ce sujet : « certainement, où il n'y a nul effet, il n'y
a point de cause à chercher : mais ici l'effet est certain, la
dépravation réelle et nos âmes se sont corrompues à
mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la
perfection ».28(*)
Cette position de Rousseau à Dijon était
curieuse et extraordinaire dans un 18ème siècle
européen fortement marqué par l'idée de progrès et
par la foi totale dans le pouvoir de la raison. Une telle remise en question de
l'esprit des Lumières était un véritable
« péché » à l'endroit de
l'idéologie du siècle, comme le témoignent les
commentaires suivants.
En effet, selon Pierre Burgelin, si Rousseau est bien
l'héritier de son siècle, il en retrouve l'héritage par
des voies paradoxales, il part d'un jugement sur son temps, et ce jugement
n'est pas favorable.29(*) CHRISTIAN DESTAIN PRÉCISE AUSSI QUE,
JUSTIFIER LE FAIT QUE LES SCIENCES ET LES ARTS ÉPURENT LES MoeURS, DANS
CE SIÈCLE DES LUMIÈRES, EST L'ENFANCE DE L'ART.
JUSTIFIER L'INVERSE EST AUTREMENT PLUS
DIFFICILE30(*).
COMME ON PEUT BIEN LE CONSTATER, LA QUESTION DE DIJON ET
SA RÉPONSE DEVRAIENT DÉBOUCHER SUR UNE RÉFLEXION AUTOUR
DES RAPPORTS ENTRE LA RATIONALITÉ ET LA MORALITÉ, LA TÊTE
ET LE CoeUR. ROUSSEAU SEMBLE ÉTABLIR UN LIEN DE CAUSALITÉ
NÉCESSAIRE ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DE LA RATIONALITÉ ET LA
DÉTÉRIORATION EN SENS INVERSE DE LA MORALITÉ. COMME SI,
PLUS ON EST RATIONNEL, PLUS ON PERD LA SENSIBILITÉ AUX CATÉGORIES
MORALES. VOICI COMMENT IL ARGUMENTE :
« ...L'ÉLÉVATION ET L'ABAISSEMENT JOURNALIERS DES EAUX
DE L'OCÉAN N'ONT PAS ÉTÉ RÉGULIÈREMENT
ASSUJETTIS AU COURS DE L'ASTRE QUI NOUS ÉCLAIRE LA NUIT, QUE LE SORT DES
MoeURS ET DE LA PROBITÉ AU PROGRÈS DES SCIENCES ET DES
ARTS.
ON A VU LA VERTU S'ENFUIR À MESURE
QUE LEUR LUMIÈRE S'ÉLEVAIT SUR NOTRE HORIZON, ET LE MÊME
PHÉNOMÈNE S'EST OBSERVÉE DANS TOUS LES TEMS ET DANS TOUS
LIEUX ».31(*) ON VOIT BIEN QU'IL ÉVOQUE UNE
CAUSALITÉ HISTORIQUE. CE QUI EST JUSTIFIÉ PAR L'ÉVOCATION
DE L'HISTOIRE DES GRANDS EMPIRES ANTIQUES COMME ROME, EGYPTE,
MÉSOPOTAMIE...EN RÉALITÉ, SELON ROUSSEAU, L'OCCIDENT DU
18ÈME SIÈCLE AURAIT DÉVELOPPÉ SEULEMENT
LE PÔLE RATIONNEL DE L'HUMANITÉ ET AURAIT NÉGLIGÉ LE
PÔLE MORAL.
AUTREMENT DIT, ROUSSEAU AURAIT EXPLOITÉ PERTINEMMENT
BLAISE PASCAL QUI, POUR LA PREMIÈRE FOIS DANS L'HISTOIRE DE LA
PHILOSOPHIE OCCIDENTALE MODERNE, RÉALISE EN TERMES TRANCHÉS LA
DIFFÉRENCE ENTRE LA RAISON ET LE CoeUR. BIEN PLUS, LES CRITIQUES
CONTEMPORAINES DE LA RAISON, TELLES QU'ON LES RETROUVE CHEZ BERGSON, HUSSERL,
LEVINAS...PROLONGENT LA NOTION PASCALIENNE DE « CoeUR ».
CURIEUSEMENT, CEUX QUI S'INTÉRESSENT À LA PHILOSOPHIE
NÉGRO-AFRICAINE TRADITIONNELLE SAVENT QUE TOUTE L'EXPÉRIENCE
HUMAINE SE CONSTRUIT AUTOUR DE LA NOTION DU « CoeUR » AVEC
TOUT CE QU'ELLE A DES TERMES CONNEXES (ÉMOTIONS, INTUITION,
SENSATIONS...). DU COUP ON VOIT APPARAÎTRE LE DÉBAT SUSCITÉ
PAR SENGHOR DANS SON « ANTHROPOLOGIE
DIFFÉRENTIELLE ».
L'ÉMOTION EST-ELLE LA
CARACTÉRISTIQUE DIFFÉRENTIELLE DU NÈGRE ? CERTAINS
RÉPONDRAIENT PAR LA NÉGATIVE CRAIGNANT QUE LA RÉPONSE
POSITIVE DONNE RAISON À CEUX QUI DÉNIENT TOUTE RATIONALITÉ
AU NÈGRE. POUR NOTRE PART, NOUS CROYONS QUE RAISON ET CoeUR
CARACTÉRISENT L'HOMME. MAIS L'EXPÉRIENCE PARTICULIÈRE DE
CHAQUE CIVILISATION DÉVELOPPE MAXIMALEMENT L'UNE OU L'AUTRE.
L'AFRIQUE NOIRE NOUS PARAIT AVOIR
CONSERVÉ CET ASPECT DE L'HUMANITÉ DANS SON EXPÉRIENCE
CONCRÈTE AVEC PLUS DE JUSTESSE. TOUT INTELLECTUEL AVISÉ SAIT QUE
LA RATIONALITÉ OCCIDENTALE, DANS SON ASPECT INSTRUMENTAL, EST LA CAUSE
DES DIFFÉRENTES CRISES DONT SOUFFRE LE MONDE ACTUEL, DE LA CRISE D'HOMME
AUX CRISES ÉCONOMIQUE, ENVIRONNEMENTALE, FINANCIÈRE,
POLITIQUE...LE SALUT DE L'HUMANITÉ PROVIENDRA PEUT-ÊTRE DE
L'AFRIQUE. D'OÙ L'IMPORTANCE DE PRODUIRE UNE SCIENCE AFRICAINE SANS
COMPLAISANCE ET FONDÉE SUR DES PARADIGMES DE SUBSTITUTION.
EN EFFET, ROUSSEAU SEMBLE S'OPPOSER AU CULTE DE LA RAISON. SA
PHILOSOPHIE MORALE REPOSE SUR DES NOTIONS COMME LA PITIÉ, LA VERTU, LA
GÉNÉROSITÉ, LA SYMPATHIE, L'INNOCENCE, LA COMMUNION...A
BIEN VOIR, TOUTES CES NOTIONS RELÈVENT DE LA MORALITÉ HUMAINE QUE
DE LA PURE RATIONALITÉ INSTRUMENTALE. TOUTEFOIS, NOUS SAVONS QUE LES
RAPPORTS ENTRE LA SCIENCE ET LA MORALE DOIVENT NE PAS S'ENTENDRE EN TERMES DE
DISJONCTIONS EXCLUSIVE, MAIS EN TERMES DE DISJONCTION INCLUSIVE. C'EST CE QUE
FAIT L'ÉTHIQUE DE NOTRE TEMPS QUI A POUR OBJET LA LIMITATION DES DIVERS
EXCÈS DE LA RATIONALITÉ INSTRUMENTALE DANS DIVERS CHAMPS DE
L'EXPÉRIENCE : MÉDECINE, ENVIRONNEMENT, POLITIQUE,
ÉCONOMIE, ETC. TOUT LE TRAVAIL EST DE RELATIVISER L'IMPERIUM DE LA
RAISON EN LUI RÉSERVANT UN DOMAINE D'EXPÉRIMENTATION HUMAINEMENT
ACCEPTABLE. VOILÀ TOUT LE SENS DES TITRES COMME :
V LA RESPONSABILITÉ (H. JONAS) ;
V L'ÉTHIQUE DANS L'UNIVERS DE LA RATIONALITÉ (J.
LADRIERE) ;
V LA BONNE GOUVERNANCE POLITIQUE ÉTHIQUE (NGOMA BINDA).
TOUT LE CREDO EST QUE SEULE UNE COLLABORATION FÉCONDE
ENTRE LA RATIONALITÉ ET LA MORALITÉ PEUT FAIRE ÉMERGER
PROGRESSIVEMENT UN MONDE PLUS HUMAIN, ÉPRIS DE PAIX ET DE LA JOIE
D'EXISTER POUR TOUS. CE QUE NOUS APPELONS MORALITÉ C'EST CE SENS DE
TRANSCENDANCE HUMAINE PAR LAQUELLE LA DIGNITÉ DE L'HOMME EST LE PRINCIPE
SUPRÊME DE L'AGIR. C'EST LÀ LE FONDEMENT DE CE QUE NOUS APPELONS
L'HUMANISME POST OCCIDENTAL.
CETTE HYPOTHÈSE SE RETROUVE AUSSI DANS CERTAINES
INTERPRÉTATIONS DE ROUSSEAU. EN FAIT, SELON PHILONENKO, « ON
NE PEUT CONCLURE QUE ROUSSEAU ÉCARTE LA RAISON PARCE QU'IL LA JUGE
TOTALITAIRE (...) RAISONNONS RAISONNABLEMENT ET NON RATIONNELLEMENT, SEMBLE
NOUS DIRE ROUSSEAU »32(*). DANS LE MÊME ORDRE
D'IDÉES, IL SIED DE FAIRE REMARQUER QUE L'OCCIDENT EST DIVISÉ
CONTRE LUI-MÊME AUJOURD'HUI SUR LA PORTÉE DE LEUR
« RATIONALITÉ » SUR L'ÉQUILIBRE DU MONDE. LES
PROBLÉMATIQUES ACTUELLES TOUCHANT L'ENVIRONNEMENT ET L'ÉCONOMIE
EN SONT DES EXEMPLES ÉLOQUENTS. DU COUP, CERTAINS PENSEURS COURAGEUX
EMBOÎTENT LE PAS DE ROUSSEAU. C'EST LE CAS DES TITRES
COMME :
V LE CHOC DU FUTUR (A. TOFFLER) ;
V LE PRINCIPE RESPONSABILITÉ (A. JONAS) ;
V L'HOMME DE QUANTITÉ (B. RONZE) ;
V L'ANTI-OEDIPE (G. DELEUZE ET F. GUITTARI) ;
V POUR SORTIR DU 20ÈME SIÈCLE (E.
MORIN)33(*).
TOUS CES TITRES, ET BIEN D'AUTRES, RENTRENT DANS LA CRITIQUE
DES LIMITES DE LA RATIONALITÉ OCCIDENTALE. MÊME S'IL FAUT ADMETTRE
QUE CETTE CRITIQUE N'EST EN FAIT QU'UNE AUTOCRITIQUE PARCE QU'ELLE
S'ÉLABORE À L'INTÉRIEUR DE LA DIALECTIQUE HISTORIQUE DE LA
CIVILISATION OCCIDENTALE.
2.1.3. Rousseau et la critique de l'économie
politique
LA CRITIQUE DE LA RATIONALITÉ MODERNE TELLE
QU'ENVISAGÉE PAR ROUSSEAU RÉÉVALUE LES DEUX GRANDES
SPHÈRES DE LA RAISON : LA SCIENCE ET L'ORGANISATION SOCIALE. LE
DISCOURS SUR LES SCIENCES ET LES ARTS PORTE SUR LA PREMIÈRE
DIMENSION ET LE DISCOURS SUR L'ORIGINE DE L'INÉGALITÉ
PORTE SUR LA SECONDE. L'HYPOTHÈSE GÉNÉRALE DU
DISCOURS SUR LES FONDEMENTS ET LES ORIGINES DE L'INÉGALITÉ PARMI
LES HOMMES EST LA SUIVANTE : CE SONT LES ALÉAS SOCIAUX DE
GOUVERNANCE, DE PRODUCTION QUI ENGENDRE LA GUERRE PARMI LES HOMMES.
LA CIBLE EST AINSI
PRÉCISÉE : LA POLITIQUE ET L'ÉCONOMIE. IL CONVIENT DE
RAPPELER QUE CETTE CRITIQUE DE LA MODERNITÉ OCCIDENTALE CORRESPOND
À UNE PHASE BIEN CONNUE DU CAPITALISME LIBÉRAL : LA
COLONISATION DES SOCIÉTÉS « SAUVAGES » AVEC
À LA BASE L'IDÉOLOGIE DE L'INDIVIDUALISME ISSUE DE LA PHILOSOPHIE
DU SUJET. VOICI COMMENT ROUSSEAU POSE SA THÈSE : « LE
PREMIER QUI TROUVA DES GENS ASSEZ FAIBLES POUR LE CROIRE, FUT LE PREMIER
FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ CIVILE. QUE DES CRIMES, DES GUERRES, DES
MEURTRES ; QUE DES MISÈRES ET D'HORREURS N'EUT POINT
ÉPARGNÉ AU GENRE HUMAIN CELUI QUI, ARRACHANT LE PIEUX OU COMBLANT
LE FOSSÉ, EUT CRIÉ À SES
SEMBLABLES : « GARDEZ-VOUS D'ÉCOUTER CET IMPOSTEUR.
VOUS ÊTES PERDUS SI VOUS OUBLIEZ QUE LES FRUITS SONT À TOUS ET QUE
LA TERRE N'EST À PERSONNE »34(*).
EN EFFET, UNE DOUBLE INTERPRÉTATION PEUT ÊTRE
RÉSERVÉE À CETTE THÈSE. LA PREMIÈRE: LES
GUERRES SONT LA CONSÉQUENCE LOGIQUE DE L'INSTITUTION DE LA
SOCIÉTÉ CIVILE. LA DEUXIÈME: L'AVÈNEMENT DE LA
PROPRIÉTÉ PRIVÉE EST LE MOMENT FORMEL DE L'INSTITUTION DE
LA SOCIÉTÉ CIVILE. IL S'EN SUIT LOGIQUEMENT QUE
L'AVÈNEMENT DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE CORRESPOND AUX
GUERRES, AUX CRIMES, À L'IDÉOLOGIE DE LA VIOLENCE. TELLE A
ÉTÉ, ME SEMBLE-T-IL, L'IDÉOLOGIE DE L'ESCLAVAGE ET DU
COLONIALISME.
ON VOIT BIEN QUE L'ARGUMENT DE ROUSSEAU S'ÉRIGE CONTRE
« LE CAPITAL » COMME MOBILE SUPRÊME DE `'
L'ORDONNANCEMENT SOCIAL''. ILS DÉVIENT TOUT AUSSI CLAIR QUE LA CRITIQUE
MARXIENNE DU CAPITAL EST UN PROLONGEMENT D'UN PROJET INITIÉ AU
18ÈME SIÈCLE PAR J.J. ROUSSEAU. CHRISTIAN DESTAIN
REVIENT SUR CETTE CRITIQUE DE LA BOURGEOISIE DU 18ÈME
SIÈCLE EN EUROPE DE LA MANIÈRE SUIVANTE : « CAR,
QUOIQU' EN PUISSE PENSER LE SIÈCLE, LE LUXE EST FATAL, ET POUR LES
BONNES MoeURS, ET POUR LE DÉROULEMENT DE L'ACTION POLITIQUE : QUE
DEVIENT LA VERTU SI LA FIN JUSTIFIE N'IMPORTE QUEL MOYEN ? C'EST À
UNE CRITIQUE DE L'ÉCONOMIE DU MARCHÉ QUE SE LIVRE ROUSSEAU EN
PRENANT POUR TERME OPPOSÉ LA VALEUR INTRINSÈQUE DE
L'HOMME »35(*).
EN EFFET, SI PRODUIRE, CONSOMMER, COMMERCIALISER, ETC,
REPRÉSENTENT LE MOBILE EXCLUSIF DE LA PRAXIS SOCIALE, ALORS IL Y A LIEU
DE CRAINDRE QUE LA VALEUR HUMAINE NE SOIT LIMITÉE AU BIOLOGIQUE. OR,
JUSTEMENT, LE BIOLOGIQUE EST COMMUN AUX HOMMES ET AUX BÊTES. LE SOUCI DE
ROUSSEAU C'EST LA DÉFINITION INTÉGRALE DE L'HOMME,
DÉFINITION QUI INTÈGRE À LA FOIS LES VALEURS
BIO-PSYCHO-SOCIALES QUE LES VALEURS MORALES ET SPIRITUELLES.
Désintégrer l'homme en ne privilégiant
qu'une dimension possède le risque du réductionnisme
anthropologique avec pour conséquence extrême
l'instrumentalisation de l'homme au projet de l'économie au lieu qu'il
soit la « fin » de celle-ci. On voit bien que Rousseau
amorce une véritable remise en question théorique du capitalisme
sauvage, source des guerres dans nos pays. Car, pour qui veut le savoir, c'est
la culture de l'argent, du gain à tout prix, les commodités de la
vie, la croissance quantitative et statistique à tout prix,
l'égoïsme politique et économique, qui caractérisent
le capitalisme libéral et engendrent les guerres.
ROUSSEAU DÉCRIT LA SITUATION DE 'HOMME DANS CE CONTEXTE
DE LA MANIÈRE SUIVANTE: « INSTRUIT PAR L'EXPÉRIENCE QUE
LE BIEN-ÊTRE EST LE SEUL MOBILE DES ACTIONS36(*) HUMAINES, L'HOMME SE
TROUVA EN ÉTAT DE DISTINGUER LES OCCASIONS RARES OÙ
L'INTÉRÊT COMMUN DEVRAIT LE FAIRE COMPTER SUR L'ASSISTANCE DE SES
SEMBLABLES ET CELLES PLUS RARES ENCORE OÙ LA CONCURRENCE DEVAIT LE
DÉFIER D'EUX. DANS LE PREMIER CAS, IL S'UNISSAIT AUX AUTRES EN TROUPEAU,
OU TOUT AU PLUS PAR QUELQUE AUTRE ASSOCIATION LIBRE QUI N'OBLIGEAIT PERSONNE ET
QUI NE DURAIT QU'AUTANT QUE LE BESOIN PASSAGER QUI L'AVAIT FORMÉ. DANS
LE SECOND CAS CHACUN CHERCHAIT À PRENDRE SES AVANTAGES SOIT À
FORCE OUVERTE, S'IL CROYAIT LE POUVOIR, SOIT PAR SUBTILITÉ OU AUDACE,
S'IL SE SENTAIT LE PLUS FAIBLE.37(*)
CETTE PHRASE DE ROUSSEAU NOUS PLACE AU CoeUR DU SYSTÈME
LIBÉRAL OCCIDENTAL. EN VOICI, D'APRÈS NOUS, LES
CARACTÉRISTIQUES :
V LE BIEN-ÊTRE, AU SENS DE LA CONSOMMATION ET DE LA
PRODUCTION À TOUT PRIX, EST LE MOBILE SUPRÊME DE LA PRAXIS
SOCIALE ;
V L'INTÉRÊT PRIVÉ POSSÈDE LE
POUVOIR ASSOCIATION ET DISSOCIATEUR DES INDIVIDUS ;
V LA CONCURRENCE PERMANENTE ET INTÉGRALE EST LE MOT DE
PASSE DU SYSTÈME ;
V LE RECOURS À LA FORCE ET À LA SUBTILITÉ
POUR ARRACHER, CONSERVER ET GARANTIR LES INTÉRÊTS EST UN PRINCIPE
CARDINAL.
UN TEL SYSTÈME, FONDÉ SUR LA
« MÉCANIQUE DES FORCES ET DES MOUVEMENTS
INDIVIDUELS » SANS ÉGARD AUX CATÉGORIES MORALES,
CONDUIT NÉCESSAIREMENT À LA GUERRE. ROUSSEAU EST CONVAINCU QUE LA
PAIX EST FONCTION DU DROIT, OR LA FORCE NE CRÉE PAS LE DROIT ET AUCUN
ACTE MORAL NE PEUT PROVENIR DE LA FORCE38(*). UN TEL SYSTÈME EST CYNIQUE PAR
ESSENCE, IL EST DÉSHUMANISANT.
DANS UN TEL CONTEXTE, L'HOMME PERD SA
« PITIÉ NATURELLE », DISPOSITION MORALE PAR
EXCELLENCE QUI MODÈRE L'AMOUR-PROPRE ET CONCOURT À LA
CONSERVATION DE TOUTE L'ESPÈCE39(*).
CET EXTRAIT DE ROUSSEAU EST ENCORE PLUS ILLUSTRATIF DU CHAOS
UNIVERSEL DU SYSTÈME LIBÉRAL : « LES BESOINS SE
MULTIPLIENT, ET L'HOMME SE MET EN RAPPORT AVEC LES AUTRES. RICHE, IL A BESOIN
DE LEURS SERVICES, PAUVRE, IL A BESOIN DE LEUR SECOURS, CE QUI LE REND FOURBE
ET ARTIFICIEUX POUR LES UNS, IMPÉRIEUX ET DURS AVEC LES AUTRES. DE
LÀ LES AMBITIONS DÉVORANTES, L'ARDEUR D'ÉLEVER SA FORTUNE
RELATIVE, IMPOSE À TOUS LES HOMMES UN NOIR PENCHANT DE SE NUIRE
MUTUELLEMENT, UNE JALOUSIE SECRÈTE D'AUTANT PLUS DANGEREUSE QUE, POUR
FAIRE SON COUP EN SÛRETÉ, ELLE PREND SOUVENT LA MARQUE DE LA
BIENVEILLANCE, EN UN MOT, CONCURRENCE ET RIVALITÉ D'UNE PART, DE
L'AUTRE OPPOSITION D'INTÉRÊTS, ET TOUJOURS LE DÉSIR
CACHÉ DE FAIRE SON PROFIT AUX DÉPENS DE L'AUTRE.40(*)
DE L'EXTRAIT, LES MOTS CI-APRÈS
RETIENNENT NOTRE ATTENTION: LA JALOUSIE SECRÈTE, LA MARQUE DE LA
BIENVEILLANCE, FAIRE LA FORTUNE AUX DÉPENS DE L'AUTRE, CONCURRENCE ET
RIVALITÉ, OPPOSITION D'INTÉRÊT. TOUS CES MOTS
CARACTÉRISENT BIEN ÉVIDEMMENT LE SYSTÈME «
LIBÉRALISTE » ET SONT SANS DOUTE À LA RACINE DES
GUERRES DIVERSES DANS LE MONDE ACTUEL. ON VOIT BIEN QUE LA CRITIQUE
ROUSSEAUISTE DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE ANALYSE LES MÉCANISMES DE LA
GÉOPOLITIQUE ÉCONOMIQUE DANS LE SYSTÈME
« LIBÉRALISTE » ET SITUE LA GUERRE DANS LA LOGIQUE
DES CONSÉQUENCES DES RAPPORTS RÉELS ENTRE LES FORTS ET LES
FAIBLES.
DANS CE GENRE DE STRUCTURATION SOCIALE, OÙ TOUT EST
DÉTERMINÉ PAR LA NOTION DE PROPORTION DE FORCE COMME CONDITION DE
MAINTENANCE EN VIE DANS LE SYSTÈME, MÊME LES ASSOCIATIONS NE SONT
QUE DES SEMBLANTS D'UNITÉ AU SERVICE DU PLUS FORT. EN VOICI L'EXEMPLE
DANS LA BOUCHE DE ROUSSEAU : « ...UNISSONS-NOUS POUR GARANTIR DE
L'OPPRESSION LES FAIBLES, CONTENIR LES AMBITIEUX, ET ASSURER À CHACUN LA
POSSESSION DE CE QUI LUI APPARTIENT : INSTITUONS DES RÈGLEMENTS DE
JUSTICE ET DE PAIX AUXQUELS TOUS SOIENT OBLIGÉS DE SE CONFORMER, QUI NE
FASSENT ACCEPTION DE PERSONNE, ET QUI RÉPARENT EN QUELQUE SORTE LES
CAPRICES DE LA FORTUNE, EN SOUMETTANT ÉGALEMENT LE PUISSANT ET LE FAIBLE
À DES DEVOIRS MUTUELS.
EN UN MOT, AU LIEU DE TOURNER NOS FORCES CONTRE
NOUS-MÊMES, RASSEMBLONS-LES EN UN POUVOIR SUPRÊME QUI
PROTÈGE ET DÉFENDE TOUS LES MEMBRES DE L'ASSOCIATION, QUI NOUS
GOUVERNE SELON DES SAGES LOIS, REPOUSSE LES ENNEMIS COMMUNS ET NOUS MAINTIENNE
DANS UNE CONCORDE ÉTERNELLE »41(*). UN TEL DISCOURS DU RICHE
EST PEUT-ÊTRE CAPTIVANT DANS SA FORMULATION MAIS FORMALISTE ET IRONIQUE
DANS SON INTENTION CAR L'OBJECTIF C'EST DE RAPPROCHER DAVANTAGE LES PAUVRES
POUR BIEN LES MAÎTRISER À L'INTÉRIEUR MÊME DU
SYSTÈME. CETTE REMARQUE EST TRÈS PERTINENTE POUR L'ANALYSE D'UNE
CERTAINE MONDIALISATION.
POUR NOTRE PART, IL Y A URGENCE, POUR ÉVOQUER LE TITRE
DU DERNIER OUVRAGE DU PROFESSEUR KÂ MANA, D'UNE
RÉÉVALUATION DU SYSTÈME LIBÉRALISTE LUI-MÊME.
CE SYSTÈME, ON LE SAIT, EST FONDÉ SUR LA FORCE DU CAPITAL, LA
FORCE DE L'ARGENT, LA PUISSANCE DE LA TECHNOLOGIE. L'UTILISATION ABUSIVE DE
TOUTES CES NOTIONS AU SEIN DU SYSTÈME CONDUIT À LA VIOLENCE ENTRE
LES PERSONNES ET LES ÉTATS. EN RÉALITÉ, NOUS NE PROPOSONS
PAS L'ABOLITION DU SYSTÈME, ÇA SERAIT FAIRE MÉTIER
D'UTOPISTE, MAIS SA RÉORIENTATION PARTIR D'UN NOUVEAU CONCEPT
FONDATEUR : LA RESPONSABILITÉ GRÂCE À UNE
« GOUVERNANCE GLOBALE ET INTÉGRATIVE ». C'EST
LÀ LA SEULE VOIE DE LUTTE CONTRE UN SYSTÈME DE STRATIFICATION
SOCIALE DONT A PARLÉ JURGEN HABERMAS42(*).
2.2 LA SOLUTION KANTIENNE : DE L'INSOCIABLE
SOCIABILITE A LA DISQUALIFICATION MORALE DE LA GUERRE.
E. KANT,43(*) COMME TOUS LES PENSEURS MODERNES, EXPLIQUE LA
GUERRE À PARTIR DES PRÉSUPPOSÉS ANTHROPOLOGIQUES. SA
PENSÉE DE LA GUERRE REPOSE SUR LA NOTION D'INSOCIABLE
SOCIABILITÉ, NOTION QUI TRADUIT LA STRUCTURE
HÉTÉROGÈNE DE L'HOMME. EN EFFET, DANS LA RELIGION DANS
LES LIMITES DE LA SIMPLE RAISON, KANT ESTIME QUE L'HOMME EST UN
COMPOSÉ TRIARCHIQUE DANS LEQUEL COEXISTENT TROIS DIMENSIONS : LA
DIMENSION ANIMALE, LA DIMENSION HUMAINE ET LA DIMENSION
PERSONNELLE44(*).
LA DIMENSION ANIMALE ENGENDRE LES PENCHANTS ANIMAUX DANS LA
MESURE OÙ ELLE EST L'AMOUR DE SOI PHYSIQUE, LES PENCHANTS ANIMAUX
ENGENDRENT À LEUR TOUR LES VICES DE LA GROSSIÈRETÉ HUMAINE
OU LES VICES BESTIAUX : LA LASCIVITÉ, L'INTEMPÉRANCE,
L'ANARCHIE SAUVAGE. LA DIMENSION HUMAINE EST L'AMOUR DE SOI PHYSIQUE TEL QU'IL
DÉCOULE DU RAPPORT DE SOI AVEC UN « TU »
OBJECTIVÉ. ON NE S'ESTIME HEUREUX OU MALHEUREUX QU'EN COMPARAISON AVEC
LES AUTRES (DE LÀ L'INCLINATION QUI CONSISTE À SE PROCURER UNE
CERTAINE VALEUR DANS L'OPINION D'AUTRUI.
CETTE DIMENSION ENGENDRE LES `' VICES DE LA CULTURE'' ET LES
`'VICES DIABOLIQUES'' DONT PAR EXEMPLE : L'INGRATITUDE, LA JOIE PRISE AU
MAL D'AUTRUI. LA DIMENSION PERSONNELLE EST, CONTRAIREMENT AUX DEUX
PRÉCÉDENTES, L'APTITUDE À RESSENTIR LE RESPECT POUR LA LOI
MORALE COMME MOBILE SUFFISANT EN SOI POUR L'ARBITRE.
LA PERSONNALITÉ EST JUSTEMENT LA DIMENSION
ÉTHIQUE OU MORALE DE L'HOMME, ELLE PARACHÈVE ET PARFAIT
L'HUMANITÉ, ELLE EST, DANS LE VOCABULAIRE KANTIEN, L'IDÉE DE
L'HUMANITÉ CONSIDÉRÉE DE MANIÈRE TOUTE
INTELLECTUELLE. ELLE FONDE ANTHROPOLOGIQUEMENT L'IMPÉRATIF
CATÉGORIQUE. C'EST GRÂCE À CETTE DIMENSION QUE L'HOMME SE
DÉTACHE DES CAPRICES DE SA GROSSIÈRETÉ POUR SE RAPPROCHER
PROGRESSIVEMENT VERS L'IDÉE DE L'HOMME COMME FIN EN SOI ET HORIZON DE LA
NATURE. SEULE UNE TELLE PHILOSOPHIE PEUT RECONNAÎTRE, SELOS ANDRÉ
STANGUENNEC, UN FONDEMENT AUX DROITS DE L'HOMME.45(*) SEULE UNE TELLE
PHILOSOPHIE, PENSONS-NOUS, PEUT RECONNAÎTRE UN FONDEMENT À LA
POLITIQUE ÉTHIQUE.
CE QU'IL FAUT BIEN COMPRENDRE AVEC KANT EST QUE L'HOMME EST
AMBIGU, C'EST UN ÊTRE PHÉNOMÈNO-NOUMÉNAL, ET LA
GUERRE EST JUSTEMENT L'EXPRESSION DE CETTE FINITUDE-INFINITUDE DE L'HOMME,
« FINITUDE D'UNE VOLONTÉ QUI NE PARVIENT PAS À SE
RENDRE CE QUE POURTANT ELLE EST SELON SA NATURE ET SA DESTINATION : LIBRE,
RAISONNABLE ET INFINIE »46(*). LE SPECTACLE GUERRIER C'EST LE PARADOXE DE
LA NATURE HUMAINE : IL VEUT LA PAIX MAIS IL FAIT LA GUERRE ET
L'ENTRETIENT. TOUT SE RAMÈNE AU PROBLÈME DE LA LIBERTÉ
HUMAINE QUI, EN TANT QU'AUTONOMIE, MET L'HOMME DANS UNE SITUATION
INCONFORTABLE : L'HOMME N'EST PAS D'EMBLÉE ÉTABLI DANS
L'INDÉPENDANCE ABSOLUE DE LA RAISON, IL Y EST SIMPLEMENT APPELÉ.
L'HOMME EST CE QUE RICOEUR APPELLERA `' LE
VOLONTAIRE-INVOLONTAIRE'', UN ÊTRE DUAL ET CONTRADICTOIRE, MORALEMENT
IMPARFAIT ET TOUJOURS SUR LA VOIE DE LA MORALISATION. TELLE EST L'EXPLICATION
ANTHROPOLOGIQUE. IL EN RESTE UNE AUTRE : L'EXPLICATION OU LE STATUT MORAL
DE LA GUERRE.
EN EFFET, DANS LA PHILOSOPHIE PRATIQUE DE KANT, LA PAIX EST
UNE IDÉE DE LA RAISON, ET LA GUERRE UNE CATÉGORIE DE L'EMPIRIE
HUMAINE. DÈS LORS, LA GUERRE EST ANTHROPOLOGIQUEMENT PERMANENTE MAIS
MORALEMENT PROVISOIRE. LA GUERRE EST CE QUI EST, TANDIS QUE LA PAIX EST CE QUI
DEVRAIT ÊTRE. ON VOIT BIEN QUE LA GUERRE, EN DÉPIT DE SA
RÉALITÉ DANS L'EXPÉRIENCE, N'A PAS DE CONSISTANCE MORALE
ET PAR CONSÉQUENT NE PEUT ÊTRE MORALEMENT JUSTIFIÉE.
ELLE PEUT NÉANMOINS ÊTRE EMPIRIQUEMENT
CONSTATÉE. NOUS SAVONS QUE SELON ARISTOTE, L'HOMME SE DÉFINIT
COMME UN ANIMAL RAISONNABLE. DE CE FAIT, IL EST INVITÉ À
COMBATTRE L'ANIMAL EN LUI ET À AJUSTER SA VIE SUR LA VOIX DE LA RAISON.
DU COUP, LA RECHERCHE DE LA PAIX DEVIENT LA MANIFESTATION DE LA DISPOSITION
MORALE DE L'HUMANITÉ. MAIS UNE TELLE CONCLUSION REPOSE SUR UN FONDEMENT
PHILOSOPHIQUE BIEN SÉRIEUX QUI SE DÉCOUVRE DANS LA PHILOSOPHIE DE
L'HISTOIRE DE KANT.
EN EFFET, IL SEMBLE QUE LA NATURE AIT ORGANISÉ LE
PROCESSUS QUI CONDUIT À LA PAIX. TOUT SE DONNE COMME SI, AU-DELÀ
DES CONTINGENCES HUMAINES, IL EXISTE DANS L'HOMME UNE VOLONTÉ
ÉCLAIRÉE QUI SE PROPOSE D'ORDONNER LE DÉSORDRE DE
L'HISTOIRE. C'EST GRÂCE À UNE RÉFLEXION SUR LE SENS DE
L'HISTOIRE QUE KANT DÉBOUCHE SUR LA PAIX. POUR LUI, L'HISTOIRE NE
SAURAIT ÊTRE LE DÉFERLEMENT IRRATIONNEL DES PASSIONS. ELLE SERAIT
ABSURDE, INCOHÉRENTE, DÉRISOIRE, FORFAITAIRE, CHAOTIQUE ET
TOTALEMENT LIVRÉE AUX JEUX SANGLANTS DES PASSIONS.
KANT ESTIME QUE LA GUERRE PEUT ÊTRE LE MOYEN DE LA PAIX,
QUE PAR UNE SORTE DE « RUSE » NOUS SOMMES
ENTRAÎNÉS SUR LE CHEMIN DE LA PAIX. CELA IMPLIQUE NOTRE PROPRE
AMÉLIORATION POLITIQUE JURIDIQUE ET MORALE. DU COUP L'HISTOIRE PREND UN
`'SENS'', ELLE EST LA MATRICE OÙ SE RÉALISE L'HUMANISATION, ELLE
A UNE FIN.
DANS LE MÊME ORDRE D'IDÉES,
L'INTERPRÉTATION DES ÉVÉNEMENTS HISTORIQUES DEVRAIT SE
SOUMETTRE À LA NÉCESSITÉ DE LA `'SIGNIFICATION
HISTORIQUE'' DE TOUT CE QUI ARRIVE. KANT SEMBLE FAIRE ALLUSION À LA
RÉVOLUTION FRANÇAISE, QU'IL CONSIDÈRE À JUSTE TITRE
COMME LA MANIFESTATION DE LA DISPOSITION MORALE DE L'HUMANITÉ TOUT EN LA
CONDAMNANT SUR LE PLAN PRATIQUE. AUTREMENT DIT, LA RÉALITÉ
HISTORIQUE, COMME TOUTE RÉALITÉ NATURELLE, EST RÉGIE PAR
UNE FINALITÉ INTERNE. IL SE POSE ALORS LA QUESTION DE LA `'FORCE'' QUI
MEUT L'HISTOIRE, DE SA NATURE ET DE SES PRÉTENTIONS. POUR KANT, CETTE
FORCE PEUT ÊTRE APPELÉE PROVIDENCE OU NATURE. C'EST DIRE QUE LA
CAUSALITÉ MÉCANIQUE QUI, DE LA GUERRE CONDUIT À LA PAIX,
EST L'ACTIVATION D'UNE CAUSALITÉ BIEN PROFONDE QUI SE PENSE EN TERMES DE
FINALITÉ ET DONNE À L'HISTOIRE DE L'HUMANITÉ SON SENS.
LE SENS DE CE QUI VIENT D'ÊTRE DIT EST QUE LA PAIX
ÉTANT UNE IDÉE DE LA RAISON, TOUT HOMME ÉTANT RAISONNABLE,
IL EST IMPOSSIBLE DE RENCONTRER UN HOMME QUI JUSTIFIE PAR LA VOIE DE LA RAISON
LE FAIT DE LA GUERRE. CELA S'OBSERVE AVEC ÉTONNEMENT LORSQUE LE PLUS
GRAND GUÉRILLERO LE FAIT EN VUE DE LA PAIX. CELLE-CI EST TOUJOURS
ENVISAGÉE, DANS L'ORDRE DE LA VOLONTÉ, COMME UNE FIN.
TOUTEFOIS, ON S'APERÇOIT QUE LA VOLONTÉ HUMAINE
EST OBSCURCIE PAR LES PASSIONS, L'HOMME EST CONSTAMMENT APPELÉ À
L'EFFORT, AU TRAVAIL POUR LA PAIX. QUOIQUE LES HOMMES SE FONT LA GUERRE CHAQUE
JOUR, MAIS ILS SE SENTENT INTERPELLÉS PAR « UN CRI DE LA
NATURE » VERS LA PAIX. LE PROBLÈME DE LA PAIX, DE CE POINT DE
VUE, SE CONÇOIT EN TERMES D'AMÉLIORATION DE LA NATURE HUMAINE PAR
L'ÉDUCATION DE LA BONNE VOLONTÉ. TOUS LES COMMENTATEURS DE LA
PENSÉE MORALE DE KANT S'ACCORDENT LÀ-DESSUS. SELON
FRANÇOIS OST, LA NOTION D'HUMANITÉ CONDUIT AU CoeUR DE
SYSTÈME KANTIEN DE LA MORALITÉ, EN CELA QU'IL VISE CE QUI, CHEZ
L'HOMME, L'ARRACHE AU DÉTERMINISME DE L'ANIMALITÉ ET LE
PRÉDISPOSE AU DÉPASSEMENT DE SOI. L'HUMANITÉ SE
RAMÈNE AINSI À LA FACULTÉ D'APPRENTISSAGE, DE SORTE
QU'ÉDUCATION ET HUMANISATION EN VIENNENT À SE CONFONDRE45(*).
DE LA GUERRE À LA PAIX SE TROUVE AINSI UN MOYEN TERME,
UNE NOTE CONJONCTIVE, UN PONT THÉORIQUE : L'ÉDUCATION
MORALE. OR, L'ÉDUCATION MORALE VISE TOUJOURS L'ACQUISITION D'UNE CULTURE
DONT LA NATURE S'OBSERVERA DANS LA VIE SOCIALE. LA PREMIÈRE PARTIE CHUTE
DONC PAR LA NOTION D'ÉDUCATION, QUE LA DEUXIÈME PARTIE
APPROFONDIT, EN COMMENÇANT PAR JEAN JACQUES ROUSSEAU.
KANT EXPLICITE CETTE DIMENSION RATIONNELLE DANS LA
THÉORISATION DE LA GUERRE EN CES TERMES : « ET CEPENDANT,
L'HOMMAGE RENDU AINSI PAR TOUS LES ETATS AU PRINCIPE DU DROIT, NE FUT-CE QU'EN
PAROLES, PROUVE DU MOINS UNE DISPOSITION MORALE QUI, BIEN QU'ASSOUPIE ENCORE
DANS L'HOMME, TEND NÉANMOINS AVEC VIGUEUR À ASSERVIR EN LUI LE
MAUVAIS PRINCIPE, AUQUEL IL NE PEUT ENTIÈREMENT SE SOUSTRAIRE.46(*)
EN CONCLUSION, DE ROUSSEAU ET KANT NOUS AVONS APPRIS QUE
L'IDÉE MÊME DE GUERRE NE PEUT AVOIR UNE SUBSTANCE MORALE. DU COUP,
LES THÉORIES ANCIENNES QUI DISTINGUAIENT ENTRE « GUERRE
JUSTE ET GUERRE INJUSTE » SONT TOTALEMENT DISQUALIFIÉES. POUR
NOUS, UN CONCEPT COMME « GUERRE JUSTE » EST MORALEMENT
CONTRADICTOIRE MÊME S'IL GARDE SA PERTINENCE DANS L'ORDRE DU
RÉALISME POLITIQUE ET SOCIALE.
DEUXIEME PARTIE
L'EDUCATION
LA RECHERCHE DE LA PAIX PAR L'ÉLÉVATION
MORALE DE L'HOMME
CHAPITRE III
L'EMILE OU DE L'EDUCATION. DE LA NATURE A
LACITOYENNETE47(*)
Dans les deux Discours, Rousseau réalise un diagnostic
négatif et décadentiste de l'histoire humaine. Avec l'Emile,
Rousseau entreprend de reconstruire cette histoire. L'Emile est l'expression de
l'actualisation des virtualités humaines dont deux sont les plus
importantes : la raison et la sociabilité. Emile est sur le chemin
de la vie sociale grâce au développement de la raison. Ce chapitre
commence par une introduction générale à l'étude de
l'Emile ou de l'éducation, il en fait ensuite une analyse
commentée.
3.1 INTRODUCTION A L'EMILE OU DE L'EDUCATION
Emile, affirme Yves Vargas, tel un magasin d'idées,
contient l'ensemble de la pensée de Rousseau, et puisqu'on trouve tout
Rousseau dans Emile, chacun peut se croire autorisé d'y faire ses
emplettes sélectives48(*). Ce livre de Rousseau est ainsi la synthèse et
la somme de sa pensée philosophique. Grâce à Emile,
Rousseau réalise la « révolution
copernicienne » en pédagogie comme Kant le fera en
théorie de la connaissance : il met l'enfant au centre de la
pratique et de la pensée éducative.
L'Emile de Rousseau vient répondre à une crise
de l'homme de l'humanisme. Cet homme, selon Michel Soétard, s'est
libéré de la nature et s'est désormais engagé dans
un processus historique de dislocation. C'est un homme dont la passion de
posséder et l'ambition de dominer alimentent une course
déréglée au pouvoir ; c'est un homme qui
déborde les limites du besoin naturel et dont l'intérêt
personnel prolifère et contamine tout le tissu social ; c'est un
homme totalement dépravé par les sciences nées du
désir de se protéger, les arts de l'envie de briller, la
philosophie de la volonté de dominer49(*).
Selon Marcel Deschoux, la vision du monde de Rousseau dans
l'Emile s'est structurée à partir de la prise de conscience d'un
certain nombre des faits majeurs :
· le démarrage d'un processus de transformation
profonde de la société,
· la mise en place des cadres de l'économie
capitaliste et industrielle moderne,
· le drainage de la richesse vers la minorité
dominante et privilégiée. C'est ce tournant qu'on trouve dans la
vision décadentiste de l'histoire.49(*)
L'Emile de Rousseau est donc né dans un contexte de
perte des repères moraux. C'est justement à cause de cela que les
lectures actuelles de l'Emile ne peuvent être considérées
comme des vieilleries car qui saurait être sérieux et nier le
déséquilibre moral de notre société actuelle ?
C'est la prise de conscience de la crise de la culture en ses différents
lieux d'expression (politique, économie, science, art, religion...) qui
a nécessité la composition de l'Emile et qui nécessite sa
relecture en ce début du 21ème siècle.
3.2. L'ANALYSE THEMATIQUE DE L'EMILE
3.2.1. Livre premier: 0-2 ans.
L'éducation commence dès l'enfance. Cette
étape est fondamentale pour l'éducation d'Emile et la famille y
joue et doit y jouer tout son rôle : « Je le
répète, l'éducation de l'homme commence à sa
naissance ».50(*) Ici précisément, la famille joue un
rôle très déterminant: « Il n'y a pas de tableau
plus charmant que la famille, mais un seul trait manqué défigure
tous les autres si la mère a trop peu de santé pour être
nourrice, le père aura trop d'affaires pour être
précepteur51(*)
(...) si tôt qu'il n'y a plus d'intimité entre les parents, si
tôt que la société de la famille ne fait plus la douceur de
la vie, il faut bien recourir aux mauvaises moeurs pour suppléer(...)
un père, quand il engendre et nourrit les enfants, ne fait en cela que
le tiers de sa tâche. Il doit des hommes à son espèce, il
doit à la société des hommes sociables, il doit des
citoyens à l'État. Celui qui ne peut remplir les devoirs de
père n'a point droit de le devenir(...) Ame vénale, crois-tu
donner à ton fils un autre père avec de l'argent ?52(*) C'est curieux pour quelqu'un
dont on dit qu'il a abandonné ses 5 enfants avec Thérèse
Lévasseur !
L'éducation est une nécessité
vitale : « Dans l'état où sont
désormais les choses, un homme abandonné dès sa naissance
à lui-même serait le plus défiguré de tous (...) On
façonne les plantes par la culture et les hommes par
l'éducation(...) Tout ce que nous n'avons pas à notre naissance
et dont nous avons besoins étant grands nous est donné par
l'éducation ».53(*)
Rousseau précise en même temps le but de
l'éducation : « En sortant de mes mains, il ne sera, j'en
conviens, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre : il sera
premièrement homme...il faut donc généraliser nos vues et
considérer dans notre élève l'homme abstrait, l'homme
exposé à tous les accidents de la vie humaine54(*). Une telle éducation,
dont le but est de former l'humanité dans l'homme, devrait suivre une
méthode spécifique : suivre la nature.
Le but de l'éducation étant l'humanité de
l'homme, il s'agit donc de le protéger contre les déformations
sociales qui le corrompent: « Tout est bien sortant des mains de
l'auteur des choses : tout dégénère entre les mains
de l'homme...il bouleverse tout, il défigure tout : il aime la
difformité, les monstres. Il ne veut rien tel que l'a fait la nature,
pas même l'homme... »55(*).
De 0 à 2 ans, Emile est enfant, il est vraiment l'homme
naturel, il est tout pour lui, l'unité numérique, l'entier absolu
qui n'a de rapport qu'à lui-même. On ne doit pas le
déformer par des pratiques nourricières inutiles. On doit le
laisser développer ses membres librement : « On
prétend que les enfants en liberté pourraient prendre de
mauvaises situations et se donner de mouvements capables de nuire à la
bonne conformation de leurs membres. C'est là un de ces vains
raisonnements de notre fausse sagesse ».56(*)
Emile sera soumis à une double éducation :
domestique et publique. Il joindra aux sentiments de la nature les devoirs de
la citoyenneté ; Emile est sur le chemin de la politique.
Voilà, pensait Pierre Burgelin, pédagogie et politique prises
à leur source, qui est toute de moralité57(*). A propos de
l'éducation publique, Rousseau renvoie à
Platon : « Voulez-vous prendre une idée de
l'éducation publique ? Lisez La République de Platon. Ce
n'est point un livre de politique comme le pensent ceux qui ne jugent des
livres que par leurs titres. C'est le plus beau traité
d'éducation qui n'ait jamais été fait »58(*)
3.2.2. Livre deuxième : De 2 à 12
ans.
Emile parle déjà, il doit tout apprendre par
expérience. S'il touche le feu, affirme Rousseau, qu'il se brûle,
il saura que le feu est une chose brulante.59(*)
3.2.3. Livre troisième : (12 à 15
ans)
Entre 12 et 15 ans, Emile est en « son temps le plus
précieux de la vie ; temps qui ne vient qu'une seule fois, temps
court... »60(*).
Ses forces sont plus grandes que ses besoins. Que fera-t-il de cet
excédent des forces ? « Il tâchera de l'employer
à des soins qui lui puissent profiter au besoin. Il jettera pour ainsi
dire dans l'avenir le superflu de son être actuel...Mais il
n'établira ses magasins ni dans des coffres qu'on peut lui voler, ni
dans des granges qui lui sont étrangères ; pour s'approprier
véritablement son acquis, c'est dans ses bras, dans sa tête, c'est
dans lui qu'il le logera61(*). Emile est à l'âge des travaux, des
instructions, des études. Cette étude ne consiste pas en une
accumulation pompeuse des connaissances humaines, mais en un effort
d'assimilation et d'intériorisation de ce qui lui est utile dans la vie.
La pédagogie livresque n'est pas pour Emile, elle est
pour les philosophes de cabinets, des hommes raisonneurs, vains discoureurs,
des âmes bien pensantes qui ne savent rien faire. « Il ne
s'agit point de savoir ce qui est, mais seulement ce qui est
utile »62(*).
Voyez-vous ? Emile n'a pas besoin de la connaissance de l'être total
et intégral, il a bien au contraire besoin de ce qui est vital pour lui.
Or, l'utilité suppose la prise en compte d'Emile en tant qu'être
de souffrance, de mort, des maladies...toute l'éducation sera de
rechercher des moyens de vaincre les lois de la désintégration
humaine, des obstacles de l'élan de l'humanité.
Emile veut connaître, mais cette connaissance reste
encore prisonnière des sens, c'est une connaissance bornée aux
nécessités naturelles. Emile n'a pas encore les catégories
morales. Il en est encore à l'éducation des choses. Seule
l'activité instrumentale domine l'expérience d'Emile. Le
4ème livre est celui de la deuxième naissance :
celle de la mort par rapport aux choses et de la résurrection par
rapport aux autres hommes. La vie sociale est entamée.
3.2.5. Livre quatrième : (15 à 20
ans)
Emile a 15 ans. Il naît de nouveau !
« Nous naissons, pour ainsi dire, en deux fois : l'une pour
exister, et l'autre pour vivre ; l'une pour l'espèce et l'autre
pour le sexe. »63(*). Le besoin sexuel sonne le glas de l'enfance. Emile
voudrait bien y aller mais avec qui ?...la sexualité est cette
passion naturelle qui éveille en nous la conscience de
l'altérité. L'égoïsme originel montre ses
limites : le besoin sexuel semble dire à Emile :
« Tu n'es pas fait pour être seul ».
Du coup, l'idée de l'autre avec qui Emile peut sceller
le pacte du commerce des sens inaugure l'éveil de la moralité et
avec elle de la socialité obligatoire car commandée par le
développement de la nature elle-même. « Tant qu'il ne se
connaît que par son être physique, il doit s'étudier par ses
rapports avec les choses ; c'est l'emploi de son enfance, quand il
commence à sentir son être moral, il doit s'étudier par ses
rapports avec les autres hommes ; c'est l'emploi de sa vie
entière... »64(*).
Certes, les rapports aux autres hommes dont parle Rousseau se
comprennent au sens mécanique de ce que l'autre peut apporter à
mes besoins. On dirait qu'il y a encore survivance de l'égoïsme
originel. Mais, ces rapports ne sont pas « donnés »,
ils « s'étudient ». La voie de l'espérance
est ouverte...rien ne prouve que dans les rapports d'Emile avec les autres,
tout sera toujours une juxtaposition d'intérêts empiriques
égoïstes.
L'homme est perfectible, n'est-ce pas ? Voilà donc
une brèche d'espérance pour une sociabilité responsable.
« Tant que sa sensibilité reste bornée à son
individu il n'y a rien de moral dans ses actions ; ce n'est que quand elle
commence à s'étendre hors de lui qu'il prend d'abord les
sentiments et ensuite les notions du bien et du mal qui le constituent
véritablement homme et partie intégrante de son
espèce »65(*).
Les catégories du bon et du mal, fondement de la
moralité, accompagne le processus d'intégration d'Emile dans son
espèce. L'unité numérique originaire est disloquée,
Emile est rusé ! C'est dans Emile lui-même que se trouvent
les conditions de sa citoyenneté.
LE BIEN ET LE MAL NE SONT PLUS APPRÉCIÉS EN
FONCTION DE L'UTILITÉ INSTRUMENTALE, MAIS LE CONTRAT SOCIAL :
L'ÉDUCATION A PRÉPARÉ L'AVÈNEMENT DE LA
RÉPUBLIQUE COMME CELLE-CI GARANTIRA L'ÉDUCATION AU MOYEN DES
LOIS. MAINTENANT, ON PEUT APPRENDRE À EMILE QUELQUES LEÇONS DE
RELIGION : D'OÙ LA PROFESSION DE FOI DU VICAIRE SAVOYARD66(*). LA CONNAISSANCE DE
DIEU, DU MOINS SON ADMISSION DANS LA CHAINE DES DÉDUCTIONS SUR LES
FONDEMENTS DU COSMOS, EST UTILE À QUELQUE CHOSE. « L'OUBLI DE
TOUTE RELIGION CONDUIT À L'OUBLI DES DEVOIRS DE
L'HOMME ».67(*) L'ON POURRAIT LÉGITIMEMENT REJETER UNE
CERTAINE RELIGION, MAIS ON NE PEUT REJETER TOUTE RELIGION. L'ORDRE SOCIAL DOIT
ÊTRE FONDÉ ET LA RELIGION EST UN INSTRUMENT EFFICACE DE
JUSTIFICATION RATIONNELLE DES NORMES SOCIALES...
3.2.6. Livre cinquième : (20 à 25
ans).
EMILE A GRANDI. IL S'EST MARIÉ À LA BELLE
SOPHIE. AVEC LE MARIAGE, ROUSSEAU RÉALISE PLEINEMENT SON HUMANITÉ
ET SE CONFORME, AU TEMPS CONVENABLE, AUX NORMES SOCIALES. A L'ÉDUCATION
PHYSIQUE, MORALE ET SPIRITUELLE DES LIVRES PRÉCÉDENTS, EMILE
AJOUTE L'ÉDUCATION SENTIMENTALE. MAINTENANT, EMILE S'OUVRE AU
LEADERSHIP : IL DOIT SE GÉRER ET GÉRER SA FAMILLE.
IL DOIT ÉDUQUER LES AUTRES COMME IL A ÉTÉ
ÉDUQUÉ LUI-MÊME. C'EST L'ÂGE DE LA MATURITÉ ET
DE LA RESPONSABILITÉ SOCIALE. LE PROCESSUS ÉDUCATIF SE
PARACHÈVE AINSI DANS LA CITOYENNETÉ ET CELLE-CI EST SYNONYME DE
LA PARTICIPATION POLITIQUE. BIEN ÉDUQUÉ SELON LA VOIE DE LA
NATURE, EMILE PARTICIPE CONVENABLEMENT AU JEU DE GOUVERNANCE PUBLIQUE
OFFERT PAR L'ESPACE POLITIQUE. EMILE EST UN TRÈS BON POLITICIEN CAR IL A
ÉTÉ TRÈS BIEN ÉDUQUÉ.
EN CONCLUSION, LE LIVRE D'EMILE EST TRÈS
IRRÉGULIER SUR LE PLAN STYLISTIQUE. NOTRE LECTURE VOULAIT LE
RÉSUMER EN VUE DE DÉBOUCHER SUR LES CONCLUSIONS SUIVANTES:
1°) L'ÉDUCATION PARTICIPE AU PROJET
ANTHROPOLOGIQUE D'AMÉLIORATION PROGRESSIVE DE LA NATURE HUMAINE.
L'IDÉE DE L'HUMANITÉ, EN SON SENS MORAL ET MÉTAPHYSIQUE,
EST LA FIN DERNIÈRE DE TOUT PROJET PÉDAGOGIQUE.
2°) L'ÉDUCATION PARTICIPE AU PROJET DE FONDATION
ET/OU DE RECONSTRUCTION D'UNE SOCIÉTÉ JUSTE.
« ATTEINDRE L'HOMME CIVIL, BON NATURELLEMENT, MAIS DEVENUS SAGE POUR
AVOIR TRAVERSÉ PRUDEMMENT UNE SORTE D'ÉTAT SAUVAGE, VOILÀ
LE PROGRAMME D'EMILE... »68(*).
3°) LE LIVRE D'EMILE ASSOCIE L'IMAGINATION À LA
RÉFLEXION PHILOSOPHIQUE ET CONTRIBUE À LA
DÉCONSTRUCTION/RECONSTRUCTION DE LA RÉALITÉ HISTORIQUE ET
SOCIALE. « ...LORSQUE LES HOMMES ONT ABANDONNÉ LA NATURE, LA
FICTION DEVIENT DÉPOSITAIRE DE LA NORME PERDUE »69(*).
4°) L'IDÉE DE `'NATURE'' DANS LA PENSÉE DE
ROUSSEAU DÉNOTE CELLE DE LA `'NORME''. ROUSSEAU UTILISE CE TERME POUR
ÉTABLIR L'ÉCART ENTRE CE QUI EST ET CE QUI DEVRAIT ÊTRE. EN
CELA, ROUSSEAU PRODUIT UNE VÉRITABLE PHILOSOPHIE POLITIQUE : IL
ANALYSE LES FAITS SOCIAUX EN LES SOUMETTANT AU DEVOIR-ÊTRE. DANS LE
MÊME ORDRE D'IDÉES, IL OPPOSE `'NATURE'' ET
« CULTURE » EN INTRODUISANT ENTRE LES DEUX
L'ÉDUCATION COMME POSSIBILITÉ DE LEUR CONJONCTION. DU COUP
S'OUVRE LA POSSIBILITÉ D'UNE UTILISATION HARMONIEUSE DE
L'ÉGOÏSME NATUREL ET DES EXIGENCES COLLECTIVES DANS UN ESPACE BIEN
ORGANISÉ.
C'EST CELA LE FONDEMENT DE LA BONNE GOUVERNANCE.
5°) YVES VARGAS A SIGNALÉ LA DIFFICULTÉ
POUR BEAUCOUP DE COMPRENDRE L'EMILE À CAUSE DE SON
IRRÉGULARITÉ STYLISTIQUE. POUR Y REMÉDIER TANT SOIT PEU,
IL A PROPOSÉ UN TABLEAU DANS LEQUEL IL RÉSUME
THÉMATIQUEMENT CET OUVRAGE. NOUS REPRENONS VOLONTIERS CE TABLEAU POUR
RÉSUMER TOUT CE QUI VIENT D'ÊTRE DIT70(*).
CHAPITRE IV
L'HORIZON COSMOPOLITIQUE DE L'EDUCATION CHEZ KANT
CE CHAPITRE SE PROPOSE DE LIRE L'OPUSCULE DE KANT
INTITULÉE PROPOS DE PÉDAGOGIE. L'OBJECTIF EST DE MONTRER
QUE DE LA MÊME MANIÈRE QUE L'EMILE ÉTAIT UN PRÉLUDE
AU CONTRAT SOCIAL, LES PROPOS DE PÉDAGOGIE SONT UN
PRÉLUDE AU PROJET DE PAIX PERPÉTUELLE. DU COUP, NOTRE
HYPOTHÈSE SE PRÉCISE : POLITIQUE ET ÉDUCATION
CONSTITUENT DEUX NOTES INDISSOLUBLES DANS TOUTE RÉFLEXION SUR L'HOMME ET
LA SOCIÉTÉ.
AINSI, TOUT PROJET DE FONDATION OU DE RECONSTRUCTION DE LA
CITÉ DOIT S'ACCOMPAGNER NÉCESSAIREMENT D'UN PROJET
PÉDAGOGIQUE APPROPRIÉ. ON NE PEUT FONDER UNE RÉPUBLIQUE
DURABLE SANS UNE ÉDUCATION RÉPUBLICAINE ASSUMÉE ET
SOUTENUE. LE CHAPITRE COMMENCE PAR LE CONTENU ANTHROPOLOGIQUE DE
L'ÉDUCATION, IL LIT ENSUITE LES DEUX PARTIES DES PROPOS SUR
L'ÉDUCATION À SAVOIR L'ÉDUCATION PHYSIQUE ET
L'ÉDUCATION PRATIQUE OU MORALE.71(*)
4.1. Le contenu anthropologique de l'éducation
L'APPROCHE KANTIENNE DE L'ÉDUCATION SE SAISIT DE
L'HUMANITÉ DANS SON ESSENCE ET SE PLACE D'UN POINT DE VUE UNIVERSEL. IL
NE S'AGIT PAS D'ÉDUQUER TEL OU TEL HOMME DE TEL LIEU ET DE TEL MOMENT,
MAIS D'ÉDUQUER « LE GENRE HUMAIN ». LÀ EST LA
DIFFICULTÉ. LE GENRE HUMAIN N'EST QU'UNE VIRTUALITÉ QUI SE
DÉGAGE DES INDIVIDUS PARTICULIERS. KANT AVAIT À L'ESPRIT CETTE
DIFFICULTÉ. AUSSI FIXE-T-IL À L'ÉDUCATION UN HORIZON
COSMOPOLITIQUE QUI IMPLIQUE LA MISE EN COMMUN DES EFFORTS, DE TOUS LES HOMMES
POUR RÉALISER LE MYSTÈRE DE L'ÉDUCATION. SI, AFFIRME-T-IL,
DU MOINS UNE EXPÉRIENCE ÉTAIT FAITE PAR LE MOYEN DE L'APPUI DES
GRANDS ET DES FORCES RÉUNIES DE BEAUCOUP D'HOMMES, ELLE NOUS
ÉCLAIRERAIT DÉJÀ SUR LES CAPACITÉS DE L'ÊTRE
HUMAIN.72(*)
L'ÉDUCATION SE PRÉSENTE CHEZ KANT COMME UNE
THÉRAPEUTIQUE À LA GROSSIÈRETÉ HUMAINE, SOURCE DES
VIOLENCES. L'ÊTRE INCULTE EST GROSSIER, L'INDISCIPLINÉ EST
VIOLENT73(*)
EN CE SENS, SI DANS LE COURS DU TEMPS, CET ÉTAT DE PAIX
ARRIVAIT À ÊTRE ATTEINT, L'HOMME SE FÉLICITERAIT DE L'AVOIR
ATTEINT PAR SES EFFORTS ET NON PAR L'INTERVENTION SPECTACULAIRE DE QUELQUE
ESPRIT. LA PAIX EST FONDÉE SUR L'ANTHROPOLOGIE PRAGMATIQUE : ELLE
EST FONCTION DE L'EFFORT VOLONTAIRE DES HOMMES. DU COUP, LA GUERRE SE
RELATIVISE, ELLE N'EST PAS UNE FATALITÉ, LES HOMMES NE SONT PAS
CONDAMNÉS À FAIRE LA GUERRE, ILS PEUVENT EXISTER ET CRÉER
LEUR BONHEUR COLLECTIF SUR DES PRÉSUPPOSÉS DE PAIX.
KANT EXPLIQUE CE RÔLE PRAGMATIQUE DE L'ÉDUCATION
EN CES TERMES : « LA DISCIPLINE CHANGE L'ANIMALITÉ
EN HUMANITÉ. UN AUTRE A, SANS ATTENDRE, TOUT ARRANGÉ POUR LUI.
L'HOMME QUANT À LUI, A BESOIN DE SA PROPRE RAISON ».74(*)
EN EFFET, L'EXTENSION ANTHROPOLOGIQUE DE L'ÉDUCATION
CHEZ KANT EST LIÉE À SA DÉFINITION DE LA PHILOSOPHIE
ELLE-MÊME, DE SON RÔLE ET DE SON EFFICIENCE DANS LE PROGRÈS
HUMAIN. POUR LUI, LA PHILOSOPHIE N'EST PAS UNE SCIENCE DES
REPRÉSENTATIONS OU DES IDÉES OU UNE SCIENCE DES SCIENCES, OU
ENCORE QUELQUE CHOSE D'ANALOGUE. MAIS UNE SCIENCE DE L'HOMME, DE SA
REPRÉSENTATION, DE SA PENSÉE ET DE SON ACTION. LA PHILOSOPHIE
DOIT REPRÉSENTER L'HOMME DANS TOUTES SES PARTIES CONSTITUTIVES TEL QU'IL
EST ET DOIT ÊTRE, C'EST-À-DIRE AUSSI BIEN D'APRÈS SES
DISPOSITIONS NATURELLES QUE D'APRÈS LES CONDITIONS DE SA MORALITÉ
ET DE SA LIBERTÉ.75(*)
AINSI CONSIDÉRÉE,
L'ÉDUCATION EST L'OUTIL TRANSVERSAL DE TOUTE L'ARCHITECTURE CRITIQUE.
AUTREMENT DIT, C'EST DANS L'ÉDUCATION QUE KANT APPLIQUE TOUS LES
MATÉRIAUX THÉORIQUES RASSEMBLÉS DANS LES TROIS CRITIQUES.
A CE SUJET JUSTEMENT, EL HADJ IBRAHIMA DIOP SOUTIENT QUE « LA LIAISON
INDISSOCIABLE ENTRE LA PÉDAGOGIE ET LA PHILOSOPHIE TROUVE SA
JUSTIFICATION DANS LE FAIT QU'IL DONNE À LA PHILOSOPHIE UNE DIMENSION
NORMATIVE ET PRESCRIPTIVE, À TELLE ENSEIGNE QUE C'EST SEULEMENT CE QUI
EST ÉTHIQUEMENT VALABLE QUI DOIT SERVIR DE GUIDE POUR L'ACTION. NOUS
POUVONS DÉJÀ RETENIR QUE LA PÉDAGOGIE LUI SERT DE CHAMP
D'APPLICATION DE SA PHILOSOPHIE76(*).
CECI ÉTANT POSÉ, ON PEUT ÉTABLIR UN
RAPPROCHEMENT ENTRE KANT ET ROUSSEAU. EN EFFET, C'EST AU NIVEAU DE LA
NORMALITÉ ET DE LA PRÉSCRIPTIVITÉ DE LA PHILOSOPHIE, ET
PARTANT DE L'ÉDUCATION, QUE SE SITUE CE RAPPROCHEMENT. L'ÉTHIQUE
DE KANT, ESTIME ENCORE DIOP, DANS LAQUELLE NOUS POUVONS RECONNAÎTRE
L'INFLUENCE DE ROUSSEAU, PART DU FAIT QUE CHAQUE HOMME DOIT ÊTRE UNE FIN
ET JAMAIS UN MOYEN. C'EST CETTE IMAGE DE L'HOMME ET DE L'HUMAIN, PLONGEANT SES
RACINES DANS LA CONCEPTION NOVATRICE DE KANT, QUI GUIDE SA VISION DE LA
PÉDAGOGIE DE FAÇON GÉNÉRALE, L'INSTRUCTION ET
L'ÉDUCATION DE FAÇON PARTICULIÈRE77(*).
Plus précisément, la pensée
éducative de Kant se fonde sur sa pensée anthropologique. Les
Propos de pédagogie ne peuvent être bien compris que dans
leur rapport à l'Anthropologique du point de vue pragmatique.
Le système critique se présente alors comme un tout saisissant
l'homme dans sa constitution profonde pour envisager la possibilité d'un
vivre-ensemble harmonieux dans des institutions rationnelles et
cosmopolitiques.
CE QUE ROUSSEAU ET KANT VISENT C'EST L'ACCOMPLISSEMENT DE
L'HOMME ICI SUR TERRE. AUSSI KANT, REPRENANT LE PROJET DE ROUSSEAU, AFFIRME CE
QUI SUIT : « LE TABLEAU HYPOCONDRIAQUE (GRINCHEUX) QUE ROUSSEAU
FAIT DU GENRE HUMAIN SE RISQUANT À SORTIR DE L'ÉTAT DE NATURE NE
DOIT PAS ÊTRE PRIS POUR EXHORTATION À RETOURNER EN CET ÉTAT
ET À REVENIR DANS LES FORÊTS, COMME S'IL S'AGISSAIT DE SA
PENSÉE VÉRITABLE. IL EXPRIMAIT PAR LÀ LA DIFFICULTÉ
POUR NOTRE ESPÈCE DE PRENDRE LA VOIE QUI SOIT CELLE DE L'APPROCHE
CONTINUE DE SA DESTINATION... »78(*). AVEC CETTE DÉCLARATION, KANT EST UN
VÉRITABLE INTERPRÈTE DE ROUSSEAU ET HÉRITIER DE SON
PROJET.
C'EST DONC CE PROJET D'ÉLABORER UNE ANTHROPOLOGIE DU
PROGRÈS HUMAIN PAR LE MOYEN DE L'ÉDUCATION QUI RÉSUME
MIEUX LA FINALITÉ DU SYSTÈME CRITIQUE. MAIS KANT EST ENCORE PLUS
EXPLICITE QUANT À LA QUESTION DE LA DESTINATION HUMAINE :
« VOICI LE CARACTÈRE DE L'ESPÈCE TEL QU'IL RESSORT DE
L'EXPÉRIENCE DE TOUS LES TEMPS ET PARMI TOUS LES PEUPLES : PRISE
COLLECTIVEMENT (...) C'EST DANS LA SUCCESSION OU LA COEXISTENCE, UNE MULTITUDE
DE PERSONNES QUI, INCAPABLES DE SE PASSER DE VIVRE PAISIBLEMENT CÔTE
À CÔTE, NE PEUVENT CEPENDANT ÉVITER DE SE CAUSER DU
DÉSAGRÉMENT ; ET QUI, PAR CONSÉQUENT DU FAIT DE LA
CONTRAINTE RÉCIPROQUE, SE SENTENT ,SOUS L'AUTORITÉ DES LOIS
PROCÉDANT D'ELLES, APPELÉES PAR LA NATURE À SE COALISER,
PARMI LES CONSTANTES MENACES DE DÉSUNION, MAIS DANS UN MOUVEMENT
GÉNÉRAL DE PROGRÈS, EN UNE SOCIÉTÉ
COSMOPOLITIQUE (COSMOPOLITISME), IDÉE INACCESSIBLE EN ELLE-MÊME,
QUI N'EST CEPENDANT PAS CONSTITUTIF (DE L'ATTENTE D'UNE PAIX STABLE AU MILIEU
DE L'AFFRONTEMENT LE PLUS VIF D'ACTION ET DES RÉACTIONS HUMAINES), MAIS
SEULEMENT UN PRINCIPE RÉGULATEUR : INCITATION À LE SUIVRE
ASSIDÛMENT EN TANT QUE DESTINATION DU GENRE HUMAIN, NON SANS ÊTRE
FONDÉ À PRÉSUMER L'EXISTENCE D'UNE TENDANCE NATURELLE
ORIENTÉE VERS CETTE FIN »79(*).
En effet, le problème de la paix parmi les hommes se
résumerait, en partant de Kant, de la manière suivante :
1°) la paix est un problème de destination du
genre humain, une tendance naturelle des hommes, une nécessité,
un impératif.
2°) la paix est nécessairement liée
à l'amélioration morale des hommes par éducation
appropriée. Ce dernier problème serait insoluble dans la mesure
où l'éducation est une affaire générationnelle.
S'il est impossible de trouver de meilleures voies de la nature humaine, alors
« l'éducation du genre humain pris dans le tout de son
espèce..., l'effort en vue d'une constitution républicaine qui
reste à fonder sur un principe de liberté, mais aussi de
contrainte légitime, l'homme ne les attend que de la
providence... »80(*).
Ce retour à une providence, déjà
constaté chez Rousseau, sous-entend la difficulté à
réconcilier la norme au fait dans l'anthropologie politique. Comment
réconcilier cet homme-ci avec l'homme, être de paix et de
liberté ? Se rendre meilleur, se cultiver soi-même et, si sa
nature est mauvaise, faire naître en soi-même la
moralité : tel est le devoir de l'homme. Une mûre
réflexion en découvre toute la difficulté. Aussi
l'éducation est-elle le problème le plus grand, et le plus ardu,
qui puisse se poser à l'homme. Car la clarté de vue dépend
de l'éducation, et l'éducation, à son tour, dépend
de la clarté de vue »81(*). Ce cercle vicieux dont Kant est bien conscient, est
aussi réel pour l'art de gouverner. Eduquer et gouverner sont ainsi les
deux inventions humaines les plus difficiles.
Quoi qu'il en soit, c'est d'une bonne éducation que
naît tout le bien dans le monde82(*)83(*)
CELA ÉTANT, LE « MEILLEUR ÉTAIT
UNIVERSEL » DONT PARLE KANT, ET QUE NOUS NOUS ACCORDONS À
APPELER « PAIX », EST FONCTION DE L'ÉDUCATION DES
HOMMES, EN COMMENÇANT PAR LES « PRINCES »,
C'EST-À-DIRE LES GOUVERNANTS. AUJOURD'HUI, IL EST VRAI D'AFFIRMER SANS
SE TROMPER QUE C'EST LA DÉCISION POLITIQUE QUI TRACE LE CHEMIN DU MONDE.
IL EST DONC, PAR VOIE DE CONSÉQUENCE, AUSSI VRAI D'AFFIRMER QUE LES
BONNES DÉCISIONS POLITIQUES SONT FONCTION DE L'IDÉE QUE SE FONT
LES DÉCIDEURS EUX-MÊMES DE L'HUMANITÉ ET DU MONDE.
AINSI, UNE ÉDUCATION À LA PAIX, FONDÉE
SUR DES PRÉSUPPOSÉS ÉTHIQUES, POLITIQUES,
ÉCONOMIQUES ET IDÉOLOGIQUES DE PAIX, EST UN IMPÉRATIF POUR
PRÉPARER LES GÉNÉRATIONS FUTURES À UNE
CITOYENNETÉ MONDIALE RÉUSSIT. CELA EST D'AUTANT VRAI QUE KANT
ESTIMAIT QUE « SEUL L'EFFORT DES PERSONNES AUX INCLINATIONS
GÉNÉREUSES, INTÉRESSÉES AU MEILLEUR BIEN UNIVERSEL
ET CAPABLES DE CONCEVOIR L'IDÉE D'UN MEILLEUR ÉTAT À
VENIR, POURRA RAPPROCHER PEU À PEU L'HUMANITÉ DE SON
BUT »84(*)
CETTE ÉDUCATION, DONT PROVIENT TOUT LE BIEN DANS LE
MONDE, COMPORTE SELON KANT 4 ÉLÉMENTS : DISCIPLINE, LA
CULTURE, LA PRUDENCE ET LA MORALISATION. DISCIPLINER, SELON KANT, C'EST
CHERCHER À EMPÊCHER L'ANIMALITÉ DE PORTER PRÉJUDICE
À L'HUMANITÉ, DANS L'INDIVIDU COMME DANS L'HOMME SOCIAL. CULTIVER
PROCURE L'HABILITÉ, C'EST-À-DIRE LA CAPACITÉ SUFFISANTE
D'ADAPTATION À TOUTE FIN. ELLE SE RAPPROCHE DE CE QU'OLIVIER REBOUL
APPELLERA PLUS TARD LA « COMPÉTENCE ».85(*) LA PRUDENCE RENVOIE AU SA
VOIR-VIVRE ET LA MORALISATION QUI CONSISTE POUR L'HOMME, NON SEULEMENT À
ÊTRE HABILE ET PRUDENT, MAIS AUSSI ET SURTOUT À RÉGLER SA
CONDUITE SUR LE MODÈLE DU BIEN UNIVERSEL.86(*)
OUTRE CE PRÉLUDE, KANT PROPOSE SA PENSÉE DE
L'ÉDUCATION EN DEUX DIMENSIONS : « LA PÉDAGOGIE OU
THÉORIE DE L'ÉDUCATION, EST SOIT PHYSIQUE, SOIT
PRATIQUE ».87(*). L'ASPECT PHYSIQUE DE L'ÉDUCATION LUI
EST COMMUN AVEC LES ANIMAUX CAR IL S'AGIT DES SOINS MATÉRIELS TANDIS QUE
L'ASPECT PRATIQUE TIENT À LA MORALITÉ C'EST-À-DIRE
À L'HOMME EN TANT QU'ÊTRE DE CONSCIENCE ET DE LIBERTÉ. CE
DERNIER ASPECT NOUS INTÉRESSE PARTICULIÈREMENT, MAIS DISONS UN
MOT SUR LE PREMIER ASPECT.
II. L'EDUCATION PHYSIQUE
KANT ESTIME QUE « L'ÉDUCATION PHYSIQUE N'EST
AU SENS PROPRE DU TERME QUE SOIN MATÉRIEL DISPENSÉ OU PAR LES
PARENTS OU PAR LES NOURRICES OU PAR LES GARDIENNES »88(*)89(*)
III.L'EDUCATION PRATIQUE
Kant estime que la formation morale de l'homme implique trois
choses : l'habileté, la prudence mondaine et la moralité.
Celle-ci se rapporte au caractère et consiste pour l'homme à
façonner ses inclinations et son habitude pour ne pas verser dans la
sauvagerie. Elle vise l'établissement du caractère qu'exprime
« le ferme propos d'accomplir une chose ainsi que dans sa
réalisation effective.
En effet, le caractère moral requiert qu'on enseigne
aux enfants par des directives et des exemples les devoirs qui leur incombent.
Kant distingue à ce sujet les devoirs envers soi-même et les
devoirs envers les autres.90(*)
Le devoir envers soi-même ne consiste pas en la
satisfaction démesurée des besoins égoïstes, mais
bien plus de faire en sorte que l'homme ait à l'intérieur de
lui-même un degré de dignité qui distingue sa noblesse de
toutes les autres créatures, et c'est son devoir de ne point renier
cette dignité de l'humanité en sa propre personne. On voit
revenir l'expression bien connue de l'impératif
catégorique : « l'humanité en sa propre
personne ».
Cela veut dire que pour Kant, chaque homme est une
manifestation de l'humanité, une épiphanie de l'idée de
l'homme. Personne n'a le droit, d'un point de vue moral, de trahir
l'humanité dont il n'est, au final, qu'un gardien. Or, affirme Kant,
nous renions la dignité de l'humanité en nous adonnant, par
exemple, à la boisson, en commettant des péchés contre
nature, en exerçant toutes sortes d'intempérances, etc, autant
des choses qui rabaissent l'homme bien au-dessous des animaux.91(*). Le langage
« évangélique » exprime la survivance du
puritanisme dont Kant a hérité de sa mère92(*) ; mais bien plus il
contient une vertu interpellatrice sur le plan de la morale concrète.
Les devoirs envers les autres consistent à enseigner de
bonne heure aux enfants respect et la considération du droit des
hommes...93(*). L'homme
doit ainsi apprendre à faire le bien aux autres de façon
inconsidérée, sans lié son agir à un quelconque
mobile extérieur que l'obligation morale elle-même. Par
exemple, les prêtres commettent souvent l'erreur de présenter
comme méritoires les oeuvres de charité...ce n'est que notre
devoir de faire le bien au pauvre.94(*)
L'éducation morale requiert aussi une bonne dose
d'éducation religieuse. Et selon Kant, la notion de Dieu n'est utile aux
enfants que dans la mesure où elle fournit aux enfants un `' pretexte''
de l'agir moral, un fondement de l'obligation morale.
Tel est le contenu de la pédagogie kantienne. Cette
pédagogie, dans laquelle on retrouve suffisamment les traces de l'Emile,
se fondent avec ce dernier sur quelques présupposés
philosophiques qua nous proposons en conclusion.
III. REMARQUES SUR LES PHILOSOPHIES DE L'EDUCATION DE
ROUSSEAU ET KANT
Les philosophies de Rousseau et Kant se construisent autour de
plusieurs présupposés communs. Nous en donnons ici quelques-uns
en nous fondant sur nos hypothèses du départ.
§.1 L'éducation occupe une place essentielle dans
la formation des systèmes philosophiques de Rousseau et Kant.
§.2 Kant élabore sa pensée éducative
en partant des principes façonnés par Rousseau.
Il lui emprunte le souci de l'éducation physique, de la
culture naturelle et libre. Kant essaye de dépasser Rousseau par la
méthode discursive et le rôle qu'il attribue à la culture
de l'intelligence et à la formation morale.
§.3 les deux penseurs se fondent sur la notion de `'
perfectibilité humaine pour élaborer leur projet
pédagogique. Cette perfectibilité signifie chez Rousseau une
disposition distinctive ambiguë et paradoxale. Elle est la source du
malheur et du bonheur de l'homme, c'est elle qui, faisant éclore avec
les siècles se lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus,
le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature.95(*)96(*)
EN EFFET, SELON ROUSSEAU, L'HOMME N'EST PAS MAUVAIS PAR
NATURE, MAIS IL PEUT LE DEVENIR SOUS L'EFFET D'INSTITUTION INJUSTE. POUR KANT,
AU CONTRAIRE, LA MARCHE DE L'HUMANITÉ S'ACCOMPLIT DU PIRE AU MIEUX, LES
DEUX AUTEURS SE RÉCONCILIENT DANS LA NOTION DE PERFECTIBILITÉ EN
TANT « POSSIBILITÉ D'AMÉLIORATION DU GENRE
HUMAIN ». VOILÀ EN QUOI, DU PESSIMISME ANTHROPOLOGIQUE, IL Y A
UN OPTIMISME HISTORIQUE ET POLITIQUE QU'ANNONCE L'ÉDUCATION. TEL EST LE
SENS PHILOSOPHIQUE DE LA LIBERTÉ HUMAINE CHEZ ROUSSEAU ET KANT :
L'HOMME EST DESTINÉ PAR SA RAISON À FORMER UNE
SOCIÉTÉ AVEC LES AUTRES ET DANS CETTE SOCIÉTÉ
À SE CULTIVER, SE CIVILISER, SE MORALISER PROGRESSIVEMENT POUR VAINCRE
LES ATTRAITS DE SA GROSSIÈRETÉ ANIMALE ET SE RENDRE DIGNE DE
L'HUMANITÉ. C'EST LÀ LE FONDEMENT DE LA PAIX PARMI LES HOMMES.
§.4 APRÈS AVOIR POSÉ LA POSSIBILITÉ
D'AMÉLIORER LE GENRE HUMAIN PAR L'ÉDUCATION, ROUSSEAU ET
KANT S'ACCORDENT SUR L'HYPOTHÈSE QUE LA PAIX PARMI LES HOMMES EST AUSSI
FONCTION DE GOUVERNANCE POLITIQUE.
L'éducation s'insère, au sein de la philosophie
politique, dans un large programme de fondation des normes politiques et seau
s'y essayera dans le contrat social tandis que Kant expose de
façon plus explicite sa conception dans le projet de paix
perpétuelle. La dernière partie de ce travail analyse ces
deux ouvrages.
TROISIEME PARTIE :
LA PAIX
UNE QUESTION DE GOUVERNANCE POLITIQUE
INTRODUCTION
LA RECHERCHE DE LA PAIX EST LIÉE À
L'ÉDUCATION DES HOMMES COMME AGENTS ET BÉNÉFICIAIRES DE LA
PAIX, AINSI QU'AU RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES DE GOUVERNANCE
POLITIQUE. CETTE PARTIE FONDE THÉORIQUEMENT CETTE HYPOTHÈSE
GRÂCE À L'ANALYSE DU CONTRAT SOCIAL DE ROUSSEAU ET DU
PROJET DE PAIX PERPÉTUELLE DE KANT. ELLE SE TERMINE PAR
L'APPORT DE NGOMA BINDA DANS CETTE RECHERCHE DE LA PAIX À TRAVERS SA
THÉORIE DE LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE
COMMUNAUTAIRE.
CHAPITRE V.
ROUSSEAU ET LES PRINCIPES DU DROIT POLITIQUE
CE CHAPITRE PORTE SUR LE CONTRAT SOCIAL DE ROUSSEAU.
CE PENSEUR DE LA MODERNITÉ OCCIDENTALE REPRÉSENTE UN MOMENT
PERTINENT DANS L'INVENTAIRE DES IDÉES POLITIQUES MONDIALES. IL
S'INTERROGE SUR LES FONDEMENTS DU POLITIQUE ET SUR SA FINALITÉ. NOUS
COMMENÇONS PAR UNE PETITE INTRODUCTION AU CONTRAT SOCIAL, PUIS NOUS
ANALYSONS LE CONTENU THÉMATIQUE DES CINQ « LIVRES »
QUI COMPOSENT LE CONTRAT SOCIAL.
1. JEAN JACQUES ROUSSEAU DANS LE SILLAGE DU
CONTRACTUALISME
LA NOTION DE « CONTRAT SOCIAL » PARTICIPE,
AVEC CELLES DE L'ÉTAT DE NATURE ET DE L'ÉTAT SOCIAL, À LA
CARACTÉRISATION DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE MODERNE. SELON ROBERT
DÉRATHÉ, LES PENSEURS DU TEMPS ONT BIEN VU QUE L'ABSENCE
D'AUTORITÉ DÉBOUCHAIT FATALEMENT SUR L'ÉTAT DE GUERRE.
C'EST ÉVIDENT CHEZ HOBBES, VU L'ÉTAT DE GUERRE DE TOUS CONTRE
TOUS. CE L'EST MOINS CHEZ LOCKE ET POURTANT LA LIBERTÉ ORIGINELLE, SANS
FREIN, ENGENDRE ELLE AUSSI LA GUERRE À CAUSE DES CONFLITS
D'INTÉRÊTS LIÉS À LA
PROPRIÉTÉ97(*). EN FAIT, SELON CHRISTIAN DESTAIN, LA
QUESTION DU CONTRAT SE RAMÈNE À LA DIFFICULTÉ DE COMBLER
LA DISTANCE ENTRE L'ÉTAT DE NATURE ET L'ÉTAT CIVIL98(*).
En effet, Hobbes pose le « Bellum omnium contra
omnes » comme le motif de création de la société
politique. La question chez lui reste de savoir comment le Léviathan
entend s'assurer toute la machine sociale pour imposer l'ordre et la paix sans
se détourner de sa mission fondatrice.
Chez Locke, l'homme est libre et sociable par nature. Le
contrat n'est utile que pour réguler les contradictions
éventuelles des libertés naturelles et garantir à chacun
sa propriété. Le contrat semble être postposé
à la société elle-même; ce qui fait entrevoir une
sorte de paradoxe dans le concept lockien du contrat social.
Pour Rousseau, l'homme n'est pas sociable par nature. La
sociabilité n'est qu'une virtualité qui apparaît
arbitrairement grâce à la perfectibilité et au concours des
circonstances. A l'état de nature, l'homme est plutôt libre et
doué de l'instinct de conservation de soi.
Le contrat a donc chez Rousseau un rôle fondateur de la
société politique. Mais il est lui-même fondé sur la
liberté qui lui préexiste. Du coup, le contrat social garantit sa
permanence sur la base de la volonté et de la liberté qui le
crée. C'est sur fond de cette pensée que Rousseau a écrit
son contrat social où le pouvoir politique n'est rien en dehors
de la volonté et de la liberté de ceux qui l'instaurent.
2. LIVRE PREMIER99(*) : LES FONDEMENTS DE LEGITIMITE DU POUVOIR
« L'homme est né libre, et partout il est
dans les fers ». Ainsi commence le livre premier du contrat social,
exactement comme commençait l'Emile : « Tout est bien,
sortant des mains de l'auteur des choses : tout
dégénère entre les mains de l'homme »100(*). Ces deux extraits
résument suffisamment les raisons de la critique sociale amorcée
par Rousseau. Il s'agit d'un ordre social qui corrompt la nature de l'homme. Il
faut faire table rase et reconstruire !
L'ordre social, affirme Rousseau, est un droit sacré,
qui sert de base à tous les autres. Cependant ce droit ne vient point de
la nature, il n'est fondé ni sur la nature ni sur le droit divin, mais
sur les conventions. Les conventions impliquent, par définition, une
construction en commun du sens de ce sur quoi on veut se convenir. Toute la
politique sera ainsi l'oeuvre d'une pluralité des volontés en
train de chercher à se « convenir ». Le
problème traditionnel du meilleur régime est résolu :
seul le régime où la fondation et la règlementation de
l'ordre politique est l'oeuvre d'une mise en commun des volontés est
légitime.
CETTE CONCEPTION DE L'ORDRE SOCIAL ÉMERGE D'UNE REMISE
EN QUESTION PAR ROUSSEAU DE SES INTERLOCUTEURS PHILOSOPHIQUES, NOTAMMENT
GROTIUS ET HOBBES. POUR ROUSSEAU, GROTIUS NIE QUE TOUT POUVOIR HUMAIN SOIT
ÉTABLI EN FAVEUR DE CEUX QUI SONT GOUVERNÉS : IL CITE
L'ESCLAVAGE EN EXEMPLE. SA PLUS CONSTANTE MANIÈRE DE RAISONNER EST
D'ÉTABLIR TOUJOURS LE DROIT PAR LE FAIT. ON POURRAIT EMPLOYER UNE
MÉTHODE PLUS CONSÉQUENTE MAIS NON FAVORABLE AUX TYRANS101(*).
Rousseau prétendait, peut-être avec raison,
substituer à la méthode historique et génétique de
ses prédécesseurs, une méthode
hypothético-déductive102(*), plutôt tournée vers la norme que vers
le fait.
AFFIRMER QUE LE POUVOIR POLITIQUE N'EST PAS ÉTABLI POUR
LE PEUPLE (EN FAVEUR DU PEUPLE) C'EST ACCRÉDITER L'IDÉE QUE LES
PEUPLES SONT DES « TROUPEAUX DE BÉTAIL, DONT CHACUN A SON CHEF
POUR LE DÉVORER »103(*). C'EST AUSSI PENSER QUE LES CHEFS SONT DES DIEUX ET
LES PEUPLES DES BÊTES. COMME UN PÂTRE EST D'UNE NATURE
SUPÉRIEURE À CELLE DE SON TROUPEAU, LES PASTEURS D'HOMMES, QUI
SONT LEURS CHEFS, SONT AUSSI D'UNE NATURE SUPÉRIEURE À CELLE DE
LEURS PEUPLES. AINSI RAISONNAIT CALIGULA, AU RAPPORT DE PHILON.... CONCLUANT
ASSEZ BIEN DE CETTE ANALOGIE QUE LES ROIS ÉTAIENT DES DIEUX, OU QUE LES
PEUPLES ÉTAIENT DES BÊTES. LE RAISONNEMENT DE CE CALIGULA REVIENT
À CELUI DE HOBBES ET DE GROTIUS.104(*)
ON VOIT BIEN QUE LA PENSÉE DE ROUSSEAU S'INSCRIT DANS
UNE DÉMARCHE DE RENVERSEMENT THÉORIQUE DES FONDEMENTS
TRADITIONNELS DE LA POLITIQUE. ARISTOTE, EN AFFIRMANT QUE LES HOMMES NE SONT
PAS NATURELLEMENT ÉGAUX, CERTAINS SONT NÉS POUR L'ESCLAVAGE ET
D'AUTRES POUR LA DOMINATION, ABONDAIT DANS LE MÊME SENS QUE CALIGULA.
AUSSI ROUSSEAU DÉMANTÈLE-T-IL LA NOTION DE FORCE ET D'ESCLAVAGE
COMME FACTEURS ESSENTIELS QUI DÉTERMINENT LES RAPPORTS POLITIQUES.
EN EFFET, LA FORCE, POUR LUI, EST UNE PUISSANCE PHYSIQUE,
AUCUNE MORALITÉ NE PEUT PROCÉDER D'ELLE. SI UN INDIVIDU
CÈDE À LA FORCE, IL LE FAIT PAR NÉCESSITÉ ET NON
PAR VOLONTÉ. OR, SELON ROUSSEAU, LE SEUL ACTE FONDATEUR DU CORPS
POLITIQUE AYANT UNE CONSISTANCE MORALE, C'EST LA VOLONTÉ, LA
LIBERTÉ105(*). TOUT POUVOIR QUI SE FONDE SUR
L'ÉLÉMENT DE FORCE N'A PAS DE PERTINENCE MORALE ET DONC EST UNE
TYRANNIE, AU SENS OÙ H. ARENDT L'ENTENDRA PLUS TARD EN
RÉFÉRENCE AU TOTALITARISME D'HITLER COMME « ...UN
RÉGIME SANS LOIS, OÙ LE POUVOIR EST MONOPOLISÉ PAR UN
HOMME »106(*).
EN CONSÉQUENCE, AUCUN DROIT NE PEUT DÉCOULER DE LA FORCE BRUTE,
ÉLÉMENT INTERCHANGEABLE, CAR LE DROIT EST LA BASE DE LA
PERMANENCE SOCIALE. CONVENONS DONC, AFFIRME ROUSSEAU, QUE FORCE NE FAIT PAS
DROIT, ET QU'ON N'EST OBLIGÉ D'OBÉIR QU'AUX PUISSANCES
LÉGITIMES.107(*)
En ce qui concerne l'esclavage volontaire qui consiste selon
Grotius et Aristote, pour un homme ou un peuple, à se donner
gratuitement auprès d'un tyran, Rousseau le considère comme une
chose « absurde et inconcevable ». Dire cela de tout un
peuple, c'est supposer un peuple des fous108(*). Toute personne qui « aime »
l'esclavage n'a pas de bon sens. Car, renoncer à sa liberté,
c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de
l'humanité, même à ses devoirs.109(*). C'est ôter toute
moralité à ses actions que d'ôter toute liberté
à sa volonté.110(*).
IL S'ENSUIT QUE, CONTRAIREMENT À GROTIUS ET LES AUTRES,
LA GUERRE NE PROCÈDE PAS D'UN PRÉTENDU DROIT D'ESCLAVAGE DONT
CERTAINS PEUVENT USER SUR D'AUTRES, C'EST LE RAPPORT DES CHOSES ET NON DES
HOMMES QUI CONSTITUENT LA GUERRE. IL N'Y A PAS POUR ROUSSEAU DES GUERRES
PRIVÉES, QUI DÉCOULERAIENT DES RELATIONS PERSONNELLES, IL N'Y A
QUE DES GUERRES PUBLIQUES, QUI PROCÈDENT DES RELATIONS RÉELLES.
LA GUERRE N'EST DONC PAS UNE RELATION D'HOMME À HOMME, MAIS UNE RELATION
D'ETAT À ETAT.111(*).
POURQUOI ROUSSEAU SITUE-T-IL L'ORIGINE DE LA GUERRE, NON AU
NIVEAU PERSONNEL MAIS AU NIVEAU ÉTATIQUE ? C'EST
PRÉCISÉMENT POUR PRÉSERVER SON HYPOTHÈSE
ORIGINELLE : L'HOMME EN LUI-MÊME EST BON, CE SONT LES INSTITUTIONS
POLITIQUES QUI LE DÉNATURENT. PAR VOIE DE CONSÉQUENCE, SI ON
AMÉLIORE LES INSTITUTIONS POLITIQUES QUI ENGENDRENT LA GUERRE, ON AURA
COMBATTU LA GUERRE PAR SA CAUSE, QUI EST POLITIQUE.
APRÈS AVOIR REMIS EN CAUSE LA FORCE COME FONDEMENT DE
L'ORDRE SOCIAL, IL NE RESTE QUE L'EXERCICE LIBRE DES VOLONTÉS QUI
DÉTERMINE LE POLITIQUE. D'OÙ LA NOTION DE PACTE SOCIAL.
LES HOMMES À L'ÉTAT DE NATURE SONT SUPPOSÉS PARVENUS AU
POINT OÙ LES OBSTACLES QUI NUISENT À LEUR CONSERVATION DANS
L'ÉTAT DE NATURE L'EMPORTENT PAR LEUR RÉSISTANCE SUR LES FORCES
QUE CHAQUE INDIVIDU PEUT EMPLOYER POUR SE MAINTENIR DANS CET
ÉTAT.112(*).
L'INVIVABILITÉ DE L'ÉTAT DE NATURE EST UN PRÉTEXTE
ÉLOQUENT DE L'INSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ POLITIQUE. IL SE
POSE ALORS LA QUESTION DE SAVOIR COMMENT LA FORCE ET LA LIBERTÉ DE
CHAQUE HOMME, INSTRUMENTS DE SA CONSERVATION DANS L'ÉTAT DE NATURE,
SERONT ASSOCIÉES AUX AUTRES SANS QUE CET ACTE D'ASSOCIATION
N'ENTRAÎNE L'AUTODESTRUCTION DES ASSOCIÉS, CHACUN PRIS
INDIVIDUELLEMENT.
Ainsi, ''trouver une forme d'association qui défende et
protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque
associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous
n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre
qu'auparavant. Tel est le problème fondamental dont le contrat social
donne la solution''113(*).
Le pacte social permet donc un passage de la liberté
naturelle à la liberté conventionnelle. Il engendre ainsi la
volonté générale. En effet, issue du pacte social, la
volonté générale découle du fait que tous sont
aliénés envers tous et pour l'intérêt de tous. La
volonté générale suppose l'unanimité sur les
conditions de maintien en vie de tous. Elle est « un corps moral et
collectif composé d'autant des membres que l'assemblée a de voix
(...). Cette personne publique qui se forme ainsi par l'union de toutes les
autres prenait autrefois le nom de cité, et prend maintenant celui de
république ou de corps politique, lequel est appelé par ses
membres Etat, quand il est passif, souverain quand il est actif, puissance en
le comparant aux autres »114(*).
En posant l'égalité originelle de tous les
associés, Rousseau ramène tous les hommes au degré nul de
l'évolution, où les classes sociales et les différences
des forces n'existent pas encore. Son intuition fondamentale est que poser a
priori tous les hommes comme égaux c'est définir le
présupposé moral d'une société juste. Il y a
là un ascendant théorique à la théorie de la
justice comme équité. En effet, Rawls reprendra la notion de
l'égalité naturelle sous le vocable de « situation
originelle » pour élaborer sa pensée de la justice
comme équité.
En fait, le corps politique ainsi constitué par le
pacte est souverain dans la mesure où il ne peut jamais s'obliger,
même envers autrui, à rien qui déroge à cet acte
primitif, comme celui d'aliéner quelque portion de lui-même ou de
se soumettre à un autre souverain. Violer l'acte par lequel il existe
serait s'anéantir, et ce qui n'est rien ne produit rien115(*). Cette
souveraineté se manifeste encore plus lorsque « quiconque
refusera d'obéir à la volonté générale y
sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose
sinon qu'on le forcera à être libre ... »116(*).
En effet, « c'est alors seulement que
la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit
à l'appétit, l'homme, qui jusque là n'avait regardé
que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de
consulter sa raison avant d'écouter ses penchants »117(*). La citoyenneté
qu'avait préparée l'Emile est atteinte. L'homme a subi des
changements remarquables, d'un animal stupide et borné, il est au sein
de la polis un être intelligent et un homme. Quel instant heureux !
La nature s'achève dans la culture et les deux peuvent collaborer pour
le bonheur de l'homme.
3. LIVRE DEUXIEME : VOLONTE GENERALE ET BIEN COMMUN
LE LIVRE DEUXIÈME PROLONGE ET
COMPLÈTE LE LIVRE PREMIER. IL REPREND LE PROBLÈME DE LA
VOLONTÉ GÉNÉRALE DONT LE PREMIER LIVRE N'AVAIT
DONNÉ QUE LA DÉFINITION. IL PORTE ENSUITE SUR LA LOI ET LE
PEUPLE.
EN EFFET, FONDER L'ETAT SUR LA VOLONTÉ
GÉNÉRALE IMPLIQUE UNE CONSÉQUENCE INÉVITABLE :
TOUTES LES FORCES DE L'ETAT DOIVENT CONCOURIR AU BIEN COMMUN. ROUSSEAU
EXPLICITE CETTE THÈSE DE LA FAÇON
SUIVANTE : « LA PREMIÈRE ET LA PLUS IMPORTANTE
CONSÉQUENCE DES PRINCIPES CI-DEVANT ÉTABLIS EST QUE LA
VOLONTÉ GÉNÉRALE PEUT SEULE DIRIGER LES FORCES DE L'ETAT
SELON LA FIN DE SON INSTITUTION, QUI EST LE BIEN COMMUN
... »118(*).
Le bien commun signifie pour Rousseau qu'il existe toujours un
point où, au-delà des oppositions des intérêts, ces
mêmes intérêts s'accordent. En ce sens, bien gouverner la
société c'est le faire sur la base de cet intérêt
commun : « Or, c'est uniquement sur cet intérêt
commun que la société doit être
gouvernée »119(*).
ROUSSEAU POSE
L'INALIÉNABILITÉ DE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE.
CELLE-CI ENTRAÎNE LA SOUVERAINETÉ DU CORPS POLITIQUE ET CELUI-CI
NE PEUT ÊTRE REPRÉSENTÉ. « LE POUVOIR PEUT
BIEN SE TRANSMETTRE, MAIS NON PAS LA VOLONTÉ »120(*). ROUSSEAU
EST EN QUÊTE DE « QUELQUE CHOSE » QUI PEUT ÊTRE
CONSIDÉRÉE COMME L'ÂME DU CORPS POLITIQUE , QUE NE SE
RÉDUIT PAS AUX ALÉAS DE LA PRISE DU POUVOIR ET DE SA
TRANSMISSION, QUI DÉTERMINE LE POUVOIR SANS SE CONFONDRE À
LUI. CET ÉLÉMENT FONDAMENTAL ET CONSTANT DU CORPS POLITIQUE C'EST
LA VOLONTÉ GÉNÉRALE, QU'A. PHILONENKO DÉFINIT DE LA
MANIÈRE SUIVANTE : « LA VOLONTÉ
GÉNÉRALE EST LA LOI DE LA SÉRIE DONT LES MOMENTS SONT LES
CITOYENS »121(*).
Le concept de volonté générale,
différent selon Rousseau de la « volonté de
tous », émerge du fond d'une réflexion issue des
sciences mathématiques des rapports entre le tout et ses parties.
Le corps politique issu du pacte est une personne publique
transcendante, totalement différente de ses parties prises
individuellement. Sous ces rapports apparait du coup la difficulté du
débat sur la prééminence entre la société et
l'individu qu'on retrouvera chez les contemporains (M. Novak par
exemple)122(*). Pour
Rousseau, les engagements qui nous lient au corps social ne sont obligatoires
que parce qu'ils sont mutuels, et leur nature est telle qu'en les remplissant,
on ne peut travailler pour autrui sans travailler aussi pour soi123(*).
En fait, le corps social est envisagé par Rousseau
dans un sens strictement systémique, où les rapports entre les
éléments du système sont rigidement établis au
point que la survie de chacun dépend de ses liens indissolubles avec
tous les autres. Il apparaît ainsi comme un impératif de
moralité et en même temps comme une nécessité
vitale pour tous de rester liés à tous pour
l'intérêt de tous. Cet unanimisme de Rousseau inquiète
parce qu'imaginer une société sans contradiction interne est une
chose impossible.
Et la loi ? C'est ce qui donne le mouvement au corps
politique, son principe d'action. La loi est la source de la justice. Cette
justice légale est un complément nécessaire à la
justice naturelle qui émane de Dieu. La loi, par définition,
c'est l'acte par lequel tout le peuple statue sur tout le peuple. Rousseau ne
croit pas au système représentatif. La loi est la volonté
générale codifiée. Rousseau établit la
différence entre les actes de magistrature et la loi. Celle-ci ne peut
statuer sur un objet particulier. La loi répond ainsi aux
critères d'objectivité, d'abstraction, d'impersonnalité et
de généralité.
Mais comment le peuple procédera- t-il pour
légiférer ? Rousseau admet que le peuple veut toujours le
bien, mais de lui-même il ne le voit pas toujours124(*), à cause de
l'ignorance. Il faut un jugement éclairé pour
légiférer. D'où l'importance de l'éducation pour
faire effectivement participer le peuple aux projets politiques.
« Quand peuple suffisamment informé
délibère(...), du grand nombre des petites différences
résulterait toujours la volonté
générale »125(*). En attendant, il faut un législateur.
Celui-ci incarnerait « l'intelligence
supérieure ».
LE LÉGISLATEUR EST, DANS L'ORDRE POLITIQUE, COMME UN
MÉCANICIEN QUI INVENTE LA MACHINE ET LE PRINCE L'OUVRIER QUI LA FERA
MARCHER. LE LÉGISLATEUR EST LE DESSINATEUR DU MODÈLE SOCIAL. UNE
TACHE SI NOBLE N'APPARTIENT PAS AUX HOMMES. D'OÙ :
« IL FAUDRAIT DES DIEUX POUR DONNER DES LOIS AUX
HOMMES »126(*).
5.4. LIVRE TROISIEME : LE GOUVERNEMENT
Ce livre porte sur la notion de gouvernement. Pour
définir le gouvernement, Rousseau commence par expliquer les deux causes
qui concourent à la réalisation d'une action libre. En effet
« toute action libre a deux causes qui concourent à la
produire, l'une morale, savoir la volonté qui détermine l'acte,
l'autre physique, savoir la puissance qui
l'exécute »127(*). L'efficacité, la réussite, le
succès du corps politique sera donc le résultat de la combinaison
harmonieuse de la cause physique et de la cause morale.
EN EFFET, PAR GOUVERNEMENT, ROUSSEAU ENTEND UN CORPS
INTERMÉDIAIRE ENTRE LE SOUVERAIN ET L'ÉTAT CHARGÉ
D'EXÉCUTER LES LOIS. GOUVERNENT DOIT AGIR
« SELON LES DIRECTIONS DE LA VOLONTÉ
GÉNÉRALE ». EN EFFET, LE GOUVERNEMENT NE PEUT SE
CONSIDÉRER COMME LE SOUVERAIN. IL EST SON AGENT, SON MINISTRE. AINSI,
AFFIRME ROUSSEAU, LA VOLONTÉ DOMINANTE DU PRINCE N'EST OU NE DOIT
ÊTRE QUE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE OU LA LOI, SA FORCE
N'EST QUE LA FORCE PUBLIQUE CONCENTRÉE EN LUI, SITÔT QU'IL VEUT
TIRER DE LUI-MÊME QUELQUE ACTE ABSOLU ET INDÉPENDANT, LA LIAISON
DU TOUT COMMENCE À SE RELÂCHER128(*).
Cette approche de Rousseau peut être soumise à
une double interprétation, l'une positive et l'autre négative.
D'abord, Rousseau pêche un unanimisme absolu entre le gouvernement et le
souverain. Les actes de celui-là sont nécessairement ceux de
celui-ci parce que la force du gouvernement n'est que la force du souverain.
Cet unanimisme entre les gouvernants et les gouvernés
ne nous semble pas réaliste. Il conduirait au totalitarisme. En effet,
ce qui caractérise les régimes totalitaires, c'est le fait que la
classe politique au pouvoir (généralement les cadres du parti)
demeure convaincu que sa raison d'action c'est le souverain, le peuple. Et
comme il n'existe pas des outils objectifs pour mesurer la correspondance
parfaite entre la volonté de la population et les actes du gouvernement,
le concept de peuple se donne généralement comme une forme vide
du langage politique et que n'importe qui peut remplir avec n'importe quoi.
Ensuite, si, « agir selon les directives de la
volonté générale » signifie pour Rousseau
qu'aucun acte du gouvernement ne peut intentionnellement être au
détriment du peuple, alors son approche est raisonnable. L'idée
reste qu'on ne peut pas bien gouverner un peuple et en même temps le
trahir volontairement. Il faut toutefois admettre que les actes de
l'élite au pouvoir ne sont pas toujours identiques à la
volonté générale, c'est-à-dire au peuple.
Rousseau estime que dans tout corps magistral (gouvernement)
il y a trois volontés distinctes et opposées : la
volonté propre de l'individu, la volonté commune des magistrats
et la volonté souveraine129(*). Dans une législation parfaite, la
volonté particulière est nulle, la volonté de corps
très subordonnée et la volonté souveraine toujours
dominante130(*). Lorsque
cet ordre est inversé, c'est la mort du corps politique. N'est-ce pas
une belle leçon de bonne gouvernance pour la RDC ?
EN CE QUI NOUS CONCERNE LA DIVISION DES GOUVERNEMENTS,
ROUSSEAU DISTINGUE LA MONARCHIE, L'ARISTOCRATIE ET LA DÉMOCRATIE. AU
DÉBAT SUR LA MEILLEURE FORME DE GOUVERNEMENT, IL RÉPOND :
« ON A DE TOUS TEMPS BEAUCOUP DISPUTÉ SUR LA MEILLEURE FORME
DE GOUVERNEMENT, SANS CONSIDÉRER QUE CHACUNE D'ELLES EST LA MEILLEURE EN
CERTAINS CAS, ET LA PIRE EN D'AUTRES131(*). IL PREND LES CONTRE-PIEDS DE MONTESQUIEU QUI
CONSIDÉRAIT QUE LA VERTU EST LE PRINCIPE DE LA RÉPUBLIQUE. POUR
LUI, « LE MÊME PRINCIPE DOIT AVOIR LIEU DANS TOUT ETAT BIEN
CONSTITUÉ, PLUS OU MOINS, IL EST VRAI, SELON LA FORME DU
GOUVERNEMENT »132(*).
Rousseau, comme Platon avant lui, admet que la
démocratie est un système parfait de gouvernance et c'est
justement parce qu'elle est parfaite qu'elle ne convient pas aux hommes.
« S'il y avait un peuple des dieux, il se gouvernerait
démocratiquement ». Ngoma Binda revient sur cette approche
pessimiste de la démocratie en la traitant de « conception
négative ». En fait, de nos jours, la notion de
démocratie représentative est venue dissiper les malentendus sur
les modalités d'application de la démocratie133(*).
A la question du meilleur gouvernement, Rousseau ajoute une
autre réponse, aussi pertinente que la première.
« Quand on demande absolument quel est le meilleur gouvernement,
affirme-t-il, on fait une question insoluble comme
indéterminée...mais si l'on demandait à quel signe on peut
reconnaitre qu'un peuple donné est bien ou mal gouverné, ce
serait autre chose, et la question de fait pourrait se
résoudre.134(*) Pour Rousseau en effet, le signe d'un bon
gouvernement est celui-là qu'exprime la fin de l'association
politique : la conservation et la prospérité de ses membres.
La bonne gouvernance permet ainsi à un peuple de s'organiser
rationnellement pour se donner les conditions minimum de paix intérieure
et extérieure.
Ici, la doctrine politique envisage les enjeux de la mort et
de la permanence du corps politique. La première cause de la mort est le
choix de la gradation de l'identification des actes de la magistrature. Nous
avons vu qu'il y a toujours trois volontés dans l'exercice de la
magistrature. Si le gouvernement choisit d'être d'abord soi-même,
puis magistrat enfin citoyen, ses actes ne sauraient conserver la
vitalité de l'État. Mais si, au contraire, il inverse cette
gradation en choisissant d'être d'abord citoyen, puis magistrat enfin
soi-même, ses actes seront orientés vers le bien public car
fondés sur la primauté du général sur le
particulier.
La logique de la magistrature doit nécessairement
être déductive. Quant à la permanence du corps politique,
elle dépend de la volonté ses constituants :
« La constitution de l'homme est l'ouvrage de la nature, celle de
l'État est l'ouvrage de l'art. Il ne dépend pas des hommes de
prolonger leur vie, il dépend d'eux de prolonger celle de l'État
aussi loin qu'il est possible, en lui donnant la meilleure
constitution ».135(*)
Le principe de la vie politique étant dans
l'autorité souveraine, on reconnait un État qui vit encore
lorsque ses lois, expression de la volonté générale, ne
sont pas modifiées selon l'humeur du prince. N'est-ce pas une
contribution au débat sur l'ordre constitutionnel en République
Démocratique du Congo ?
5. LIVRE QUATRIEME:CONCLUSION.
CE LIVRE PORTE SUR
L'INDESTRUCTIBILITÉ DE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE.
« TANT QUE PLUSIEURS HOMMES RÉUNIS SE
CONSIDÈRENT COMME UN SEUL CORPS, ILS N'ONT QU'UNE SEULE VOLONTÉ,
QUI SE RAPPORTE À LA COMMUNE CONSERVATION, ET AU BIEN-ÊTRE
GÉNÉRAL136(*). ROUSSEAU PRÊCHE L'UNANIMISME. CETTE VISION DU
VIVRE ENSEMBLE, NOUS POUVONS L'ENTENDRE AVEC NGOMA BINDA COMME « LA
CONSCIENCE NATIONALE » C'EST-À-DIRE « LA
VOLONTÉ ÉCLAIRÉE ET INÉBRANLABLE DE VIVRE ENSEMBLE
AU SEIN D'UNE ENTITÉ TERRITORIALE PRÉCISE »137(*). .
En conclusion, le contrat social de Rousseau pose les
principes de légitimité du pouvoir politique, envisage la
finalité du politique et définit les attitudes concrètes
que cette finalité exige des citoyens.
CHAPITRE VI.
KANT ET LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE. LA PAIX PAR LA
GOUVERNANCE GLOBALE
Le projet de paix perpétuelle est l'un des
écrits qui ont favorisé la renommée mondiale de Kant. Ce
chapitre se propose d'analyser ce livre et d'en dégager
l'hypothèse selon laquelle seule une bonne gouvernance globale, qui
intègre les dimensions intra-étatiques et inter-étatiques,
est le moyen le plus efficace qui puisse accompagner l'éducation dans la
recherche de la paix. L'analyse part d'une petite introduction au projet de
paix perpétuelle puis s'étend sur les articles
préliminaires et définitifs.
6.1. INTRODUCTION AU PROJET DE PAIX PERPETUELLE.138(*)
LE PROJET DE PAIX PERPÉTUELLE DE KANT APPARAÎT EN
1795. CETTE IDÉE N'EST PAS EXCLUSIVEMENT KANTIENNE. D'AUTRES L'ONT EUE
AVANT LUI. C'EST LE CAS DE CHARLES CASTEL DE SAINT PIERRE. NÉ LE 13
FÉVRIER 1658, L'ABBÉ DE SAINT PIERRE SIGNE, DÉJÀ EN
1707, UN LIVRE INTITULÉ PROJET POUR RENDRE LA PAIX
PERPÉTUELLE EN EUROPE. C'EST LÀ QUE, PEUT-ÊTRE POUR LA
PREMIÈRE FOIS DE FAÇON PLUS OU MOINS ÉLABORÉE,
APPARAÎT L'IDÉE D'UNE « SOCIÉTÉ DES
PEUPLES », COMME ALTERNATIVE PRATIQUE AUX DIFFÉRENTES GUERRES
QUI DÉCHIRAIENT L'EUROPE.
VOICI COMMENT L'ABBÉ DE SAINT PIERRE RÉSUMAIT
SON PROJET : « JE VAIS VOIR, DU MOINS EN IDÉE, LES HOMMES
S'UNIR ET S'AIMER ; VIVANT DANS UNE CONCORDE ÉTERNELLE, TOUS
CONDUITS PAR LES MÊMES MAXIMES, TOUS HEUREUX DU BONHEUR COMMUN ; ET,
RÉALISANT EN MOI-MÊME UN TABLEAU SI TOUCHANT, L'IMAGE D'UNE
FÉLICITÉ QUI N'EST POINT M'EN FERA GOÛTER QUELQUES INSTANTS
UNE VÉRITABLE ».139(*)
140(*).
141(*).
CE QUI EST PLUS INTÉRESSANT DANS
L'APPROCHE DE L'ABBÉ DE SAINT PIERRE, C'EST QUE SON ÉCRIT
PROPOSE, OUTRE LA CONFÉDÉRATION PUBLIQUE ET FORMELLE DES ETATS
QUI POURRAIT S'ENTENDRE EN TERMES DE RAPPROCHEMENT GÉO-STRUCTUREL DES
PEUPLES, UNE CONFÉDÉRATION MORALE DES PEUPLES, GARANTIE
NÉCESSAIRE DE LA CONFÉDÉRATION PUBLIQUE. IL L'EXPRIME EN
TERMES D'UNION DES INTÉRÊTS, RAPPORT DES MAXIMES,
CONFORMITÉ DES COUTUMES.142(*)
En effet, l'abbé de Saint Pierre résume en 7
articles les avantages de la confédération d'Etats
européens sur leurs propres pouvoirs et prestiges143(*).
1°) « sureté entière (...). Leurs
différends présents et futurs seront toujours terminés
sans aucune guerre... ».
2°) « sujets de contestations,
ôtés, ou réduits à très-peu de chose par
l'anéantissement de toutes prétentions antérieures, qui
compensera les renonciations, et affirmera les possessions ».
3°) « sureté entière et
perpétuelle, et de la personne, et du prince, et de sa famille, et de
ses Etats, et de l'ordre de succession fixé par les lois de chaque pays,
tant contre l'ambition des prétendants injustes et ambitieux, que contre
les révoltes des sujets rebelles ».
4°) « sureté parfaite de
l'exécution de tous les engagements réciproques entre prince et
prince, par la garantie de la république
européenne ».
5°) « liberté et sureté parfaite
et perpétuelle de leur dépense militaire extraordinaire par terre
et par mer en temps de guerre, et considérable diminution de leur
dépense en temps de paix ».
6°) « progrès sensible de l'agriculture
et de la population, des richesses de l'Etat et des revenus du
prince ».
7°) facilité de tous les établissements
qui peuvent augmenter la gloire et l'autorité du souverain, les
ressources publiques et le bonheur des peuples ».
Après l'abbé de Saint Pierre, Jean Jacques
Rousseau reprendra l'idée de paix perpétuelle dans ses jugements
sur le projet de paix perpétuelle.144(*)
Dans une perspective critique, Rousseau considère que
« l'ouvrage de l'abbé de Saint Pierre sur la paix
perpétuelle parait d'abord inutile pour la produire et superflu pour la
conserver. C'est donc une vaine spéculation, dira quelque lecteur
impatient ; non, c'est un livre solide et pensé, et il est
très important qu'il existe »145(*).
Quoiqu'il en soit, Rousseau hésite sur la
possibilité de réalisation historique d'un tel projet :
« Ainsi quoique le projet fut très sage les moyens de
l'exécuter se sentaient de la simplicité de l'auteur, il
s'imaginait bonnement qu'il ne fallait qu'assembler un congrès, y
proposer ses articles, qu'on les allait signer et que tout serait
fait »146(*).
On voit bien que sur le plan rationnel et spéculatif,
Rousseau admet l'idée d'un Etat Européen, mais sur le plan
réel et historique, il émet son doute. C'est-à-dire que
Rousseau n'avait pas encore poussé ses principes politiques jusqu'au
droit des gens. Le projet cosmopolitique de Kant sera, comme nous allons le
voir, une application des principes politiques de Rousseau aux relations
intra-étatiques et interétatiques.
6.2. LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE DE KANT.
«A la paix perpétuelle! ». Cette
expression est, d'après Kant, une inscription satirique, gravée
par un aubergiste hollandais sur son enseigne, où il avait fait peindre
un cimetière... »147(*).
KANT COMMENCE PAR S'INTERROGER SUR LE CONTENU PRATIQUE DE LA
PAIX PERPÉTUELLE. IL SAIT QUE POUR LE POLITIQUE PRATIQUE, UN TEL PROJET
EST UN DOUX RÊVE, UNE ÉLUCUBRATION MÉTAPHYSIQUE DES
PHILOSOPHES. TOUTEFOIS, L'IDÉE DE PAIX PERPÉTUELLE EST SOLIDEMENT
FONDÉE EN RAISON, ELLE EST PRATIQUEMENT FAISABLE DANS L'HISTOIRE ET
REPRÉSENTE POUR L'HUMANITÉ UN HORIZON NÉCESSAIRE.
6.2.1. Les articles préliminaires
1°) « ON NE REGARDERA PAS COMME VALIDE TOUT
TRAITÉ DE PAIX, OÙ L'ON SE RÉSERVERAIT TACITEMENT LA
MATIÈRE D'UNE NOUVELLE GUERRE »148(*).
Cet article consacre le principe de sincérité
dans les traités internationaux. Pour Kant, un traité où
l'on se réserve tacitement la matière d'une nouvelle guerre n'est
pas propre à la paix perpétuelle, mais à la
« trêve », la paix doit être perpétuelle
c'est-à-dire « définitive », elle n'est pas
le moment intermédiaire entre deux guerres.
2°) « Tout Etat, qu'il soit grand ou petit,
ne pourra jamais passer au pouvoir d'un autre Etat, ni par échange, ni
à titre d'achat ou de donation ».
Cet article consacre le principe de
l'inaliénabilité des Etats. Kant conçoit les Etats comme
les sujets de droit international, exactement comme les sujets de droit interne
de Rousseau. Incorporer un « Etat à un autre Etat, comme une
simple greffe, c'est le réduire, de personne morale qu'il était,
à l'état d'une chose ».
Kant prévient les velléités
impérialistes et expansionnistes des certains Etats. Il sait que la paix
des peuples n'est possible que si chacun est respecté dans son
identité inaliénable.
3°) « Les troupes réglées
(miles perpetuus) doivent être abolies avec le temps ».
Cet article pose le principe de non-instrumentalisation
militaire. En fait, il n'exclut pas la nécessité d'une
armée nationale composée des citoyens, mais il fait allusion aux
« mercenaires », des soldats professionnels, nationaux ou
pas, qu'on peut à tout moment instrumentaliser à prix d'argent
pour déstabiliser un autre Etat. D'ailleurs, estime Kant,
« être pris à la solde, pour tuer ou être
tué, c'est servir d'instrument ou de machine dans la main
d'autrui ».149(*)
4°) « On ne doit point contracter des
dettes nationales, pour soutenir les intérêts de l'Etat ou du
dehors ».150(*)
Cet article consacre le principe de non enrichissement dans
l'intention de faire la guerre. Si le système de crédit est
orienté vers l'économie du pays, il ne saurait nullement
être suspect. Mais s'il est contracté dans l'intention d'appauvrir
les autres Etats et de se réserver les moyens conséquents en vue
de la guerre, un tel système de crédit est « un
très grand obstacle à la paix perpétuelle ».
5°) « Aucun Etat ne doit s'ingérer
de force dans la constitution, ni dans le gouvernement d'un
autre ».151(*)
C'EST LE PRINCIPE DE NON-INGÉRENCE. TOUTEFOIS, CE
PRINCIPE DEMEURE NUANCÉ ET RELATIF CAR IL EST DES CAS OÙ LA
COMMUNAUTÉ DES PEUPLES SERAIT MORALEMENT OBLIGÉE DE
S'INGÉRER DANS LES AFFAIRES INTERNES D'UN ETAT, LORSQUE PAR EXEMPLE LA
SITUATION DE CET ETAT ATTEINT UN CERTAIN NIVEAU DE GRAVITÉ ET POUR
L'ETAT LUI-MÊME ET POUR LA PAIX INTERNATIONALE.
6°) « On ne doit pas se permettre, dans une
guerre, des hostilités qui seraient de nature à rendre impossible
la confiance réciproque, quand il sera question de la paix.
Tels seraient l'usage qu'on ferait d'assassins ou d'empoisonneurs, la violation
d'une capitulation, l'encouragement secret à la rébellion,
etc. »152(*).
Cet article consacre le principe de limitation raisonnable des
faits de guerre en temps de guerre. L'objectif est de préserver une
certaine dose de confiance mutuelle sur laquelle on peut se fonder pour
bâtir la paix. Pour cela, il y a un seuil « normal »
des crimes, de violence et de stratégie de déstabilisation de
l'autre. Autrement dit, la guerre classique est toujours
réglementés et dans ce cadre précisément, les
excès sont toujours condamnés par la conscience morale
universelle et finissent par être punis. En d'autres termes, et pour
évaluer moralement la violence sous toutes ses formes, toute guerre doit
être menée avec l'idée de faire la paix, la guerre est
toujours provisoire.
v Remarques sur les articles
préliminaires
Ø Tous les articles préliminaires, sauf le
troisième, se formulent négativement. Ils portent sur ce qu'il ne
faut pas faire dans les rapports interétatiques pour encourager la
paix.
Ø Les articles 1, 5 et 6 sont stricts, ils
relèvent de la nécessité morale d'agir, les autres sont
permissifs, ils s'entendent comme possibilité moral d'agir en certains
cas.
6.2.2. Les articles définitifs
1°) « La constitution civile de chaque Etat
doit être républicaine ».153(*)
Cet article consacre le principe de démocratie interne.
COMPARATIVEMENT À ROUSSEAU, CET ARTICLE SOUS-ENTEND
QUE NUL NE PEUT PARTICIPER UTILEMENT AU CONTRAT SOCIAL S'IL N'EST AU
DÉPART LIBRE. KANT EST CONVAINCU QUE SI UN ETAT EST RÉPUBLICAIN,
AUJOURD'HUI ON DIRAIT DÉMOCRATIQUE, SES PENCHANTS VERS LA GUERRE SERONT
MAITRISÉS PAR LE PEUPLE, QUI AIME LA PAIX.
KANT APPORTE UNE PRÉCISION SUR LE SENS DU CONCEPT
RÉPUBLIQUE. IL PRÉTEND QUE LA RÉPUBLIQUE N'EST PAS
À CONFONDRE AVEC LA DÉMOCRATIE. (CE QUE L'ON PEUT COMPRENDRE AU
REGARD DE SON CONCEPT DE DÉMOCRATIE À L'ÉPOQUE). POUR LUI,
LES FORMES DE L'ETAT PEUVENT ÊTRE ENVISAGÉES SOIT SELON LES
PERSONNES QUI JOUISSENT DU SOUVERAIN POUVOIR, C'EST LA FORMA IMPERII ;
SOIT SELON LE MODE D'ADMINISTRATION DONT USE UN CHEF QUELCONQUE DU PEUPLE,
C'EST LA FORMA REGIMINIS. SELON LA FORMA IMPERII, IL Y A L'AUTOCRATIE, QUAND UN
SEUL DÉTIENT LE POUVOIR SUPRÊME ; L'ARISTOCRATIE, QUAND
PLUSIEURS LE PARTAGENT ; LA DÉMOCRATIE, QUAND TOUS LES MEMBRES DE
LA SOCIÉTÉ L'EXERCENT. SELON LA FORMA REGIMINIS, IL Y A LA
RÉPUBLIQUE ET LE DESPOTISME. POUR LUI « LE
RÉPUBLICANISME EST LE PRINCIPE POLITIQUE, SUIVANT LEQUEL ON
SÉPARE LE POUVOIR EXÉCUTIF (LE GOUVERNEMENT) DU
LÉGISLATIF »154(*).
Par conséquent, pour Kant, la démocratie est
nécessairement despotisme puisqu'elle « établit un
pouvoir exécutif contraire à la volonté
générale ; tous pouvant y décider contre un seul dont
l'avis est différent... »155(*). Cette critique de Kant est
légitime par rapport à la « dictature de la
majorité » dans la démocratie, mais elle est
« étrange » en ceci qu'elle oublie le
réalisme politique de cette dictature ! De nos jours, la notion de
démocratie représentative semble avoir théoriquement
résolu cette difficulté conceptuelle. Toutefois, ce qui importe
pour Kant, ce n'est pas la forma imperii mais c'est la forma regiminis :
« Et cependant la forme du gouvernement est bien autrement importante
pour un peuple que la forme du souverain... »156(*).
2°) «IL FAUT QUE LE DROIT PUBLIC SOIT
FONDÉ SUR UNE FÉDÉRATION D'ETATS
LIBRES ».157(*)
Cet article consacre le principe de fédération
d'Etats. Ce qui suppose une différence par rapport aux principes du
droit politique élaborés par Rousseau dans le contrat social. En
effet, les sujets de Rousseau s'aliènent totalement dans le tout alors
que les sujets kantiens gardent, même après le contrat, leur
souveraineté. D'où la difficulté de la garantie de
permanence d'une telle fédération : « Or plusieurs
peuples, réunis en un même Etat, n'en formeraient plus qu'un
seul. Ce qui contredit la supposition, vu qu'il s'agit ici des droits
réciproques des peuples, en tant qu'ils composent une multitude d'Etats
différents, qui ne doivent pas se confondre en un seul et même
Etat »158(*).
L'idée de fond est que les relations entre Etats
doivent se fonder sur un ordre juridique raisonnable qui permet que chaque
peuple exerce sa liberté dans un cadre moral qui favorise la paix. Seul
le droit est à même d'empêcher « la
dégradation animale de l'humanité » et l'avilissement
du « manque de civilisation ».
La difficulté demeure cependant, sur le
caractère obligatoire de l'ordre constitutionnel interétatique.
Kant admet que le droit est lié à la contrainte et que par
conséquent, les lois doivent être «
coactives ». Comment sera-ce réaliste si l'on ne relativise
pas le principe de souveraineté des Etats ? Kant semble avoir eu
à l'esprit cette difficulté. C'est pourquoi, il s'en remet
à la moralité humaine pour garantir la nécessité
d'un ordre juridique international qui empêche et maitrîse les
velléités de la guerre. Car, quoiqu'il en soit, le mal dans
l'homme est « inscrutable ».
Voici comment il argumente en faveur de la garantie morale de
l'ordre juridique international : « Et cependant, l'hommage
rendu ainsi, par tous les Etats, au principe du droit, ne fut-ce qu'en paroles,
prouve du moins une disposition morale qui, bien qu'assoupie encore dans
l'homme, tend néanmoins avec vigueur à asservir en lui le mauvais
principe, auquel il ne peut entièrement se soustraire159(*).
Kant soutient l'idée de la réalisation
historique de l'idée d'une fédération d'Etats qui
s'étendrait insensiblement à tous les Etats en vue de la paix
perpétuelle. Voici comment il formule son argument :
« Car si le bonheur voulait qu'un peuple, aussi puissant
qu'éclairé, pût se constituer en république
(gouvernement qui, par sa nature, doit incliner à une paix
perpétuelle), il y aurait dès lors un centre pour cette
association fédérative ; d'autres Etats pourraient y
adhérer pour garantir leur liberté d'après les principes
du droit public, et cette alliance pourrait s'étendre
insensiblement »160(*). Un tel argument contient plusieurs
difficultés auxquelles Kant n'avait peut-être pas pensé en
raison de l'état du monde de son époque.
EN EFFET, LA PREMIÈRE DIFFICULTÉ SE SITUE AU
NIVEAU DE LA PRÉTENTION D'UN SEUL ETAT À ÊTRE
RÉPUBLICAIN AU POINT QUE LES AUTRES ETATS SOIENT OBLIGÉS DE
VALIDER SA PRÉTENTION ET DE SE GREFFER À LUI. LA SITUATION
MONDIALE ACTUELLE ÉTANT COMPLEXE, UNE TELLE PRÉTENTION NE SERA
PAS RÉALISTE, ENCORE MOINS CRÉDIBLE.
CAR ELLE REPOSE SUR UNE AUTO-PROCLAMATION POLITIQUE NON
RESPECTUEUSE DE LA LOGIQUE POLITIQUE DES AUTRES ETATS. AINSI L'ON COMPREND
POURQUOI KANT RECOURT SOUVENT AU « TRIBUNAL DE LA RAISON »
POUR GARANTIR LA NÉCESSITÉ D'UN PASSAGE DE L'ÉTAT DE
NATURE À UN ÉTAT CIVIL ET LÉGAL : « AU
TRIBUNAL DE LA RAISON, IL N'Y A QU'UN SEUL MOYEN DE TIRER LES ETATS DE CETTE
SITUATION TURBULENTE, OÙ ILS SE VOIENT TOUJOURS MENACÉS DE LA
GUERRE, SAVOIR : DE RENONCER, COMME LES PARTICULIERS, À LA
LIBERTÉ ANARCHIQUE DES SAUVAGES, POUR SE SOUMETTRE À DES LOIS
COERCITIVES ,ET FORMER AINSI UN ETAT DES NATIONS (CIVITAS GENTIUM) QUI EMBRASSE
INSENSIBLEMENT TOUS LES PEUPLES DE LA TERRE »161(*). ON VOIT DANS CETTE
IDÉE KANTIENNE UN ANCÊTRE PHILOSOPHIQUE DE LA
SOCIÉTÉ DES NATIONS.
ON DIRAIT AU REGARD DE CETTE ASSERTION KANTIENNE QU'IL FAUT
TENDRE VERS UNE RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE. MAIS COMME UN TEL PROJET N'EST
PAS PRATIQUEMENT RÉALISTE À CAUSE DE LA SOUVERAINETÉ
INALIÉNABLE DES PARTIES, KANT PROPOSE À LA PLACE D'UNE
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE UNE `' ALLIANCE PERMANENTE''. CELLE-CI SERAIT UN
SUPPLÉMENT NÉGATIF À L'IDÉE POSITIVE D'UNE
RÉPUBLIQUE DES PEUPLES, LA CRAINTE ÉTANT D'ÉVITER DE
DÉBOUCHER SUR UNE `' MONARCHIE UNIVERSELLE''.
En somme, le deuxième article définitif se
rapporte au droit international.
3°) « Le droit cosmopolitique doit se
borner aux conditions d'une hospitalité universelle ».
Cet article consacre le principe de l'hospitalité
universelle. Cette hospitalité ne doit pas s'entendre au sens
philanthropique, mais au sens juridique. En ce sens précisément
hospitalité signifie donc uniquement le droit qu'a chaque
étranger de ne pas être traité en ennemi dans le pays
où il arrive162(*).
UN TEL DROIT, EN TANT QUE POSSIBILITÉ POUR TOUT HOMME
DE VIVRE PARTOUT SUR LA TERRE SELON LES LOIS, REPOSE SUR LA
« POSSESSION COMMUNE DE LA SURFACE DE LA TERRE ENTRE LES HOMMES, DONT
LA FORME SPHÉRIQUE LES OBLIGE À SE SUPPORTER LES UNS À
CÔTÉ DES AUTRES... ».
LE DROIT D'HOSPITALITÉ UNIVERSELLE EST POSSIBLE CAR
« LES LIAISONS PLUS OU MOINS ÉTROITES QUI SE SONT
ÉTABLIES ENTRE LES PEUPLES, AYANT ÉTÉ PORTÉES AU
POINT QU'UNE VIOLATION DES DROITS COMMISE EN UN LIEU EST RESSENTIE PARTOUT,
L'IDÉE D'UN DROIT COSMOPOLITIQUE NE POURRA PLUS PASSER POUR UNE
EXAGÉRATION FANTASTIQUE DU DROIT, ELLE EST LE DERNIER DEGRÉ DE
PERFECTION NÉCESSAIRE AU CODE TACITE DU DROIT CIVIL ET
PUBLIC... »163(*).
6.2.3. Remarques sur les articles définitifs
§.1. LES TROIS ARTICLES DÉFINITIFS SONT
POSITIFS.
Ils indiquent ce qu'il faut faire pour instituer la paix.
§.2. Les trois articles définitifs
reposent sur le caractère moral de l'homme.
On dirait avec Victor Delbos, que
« l'avènement d'une humanité prenant la loi morale pour
maxime de sa conduite abolirait totalement la guerre.164(*).
§.3. Les trois articles définitifs
correspondent parfaitement à la subdivision kantienne du droit
public.
Le premier article se rapporte au droit politique qui
recommande l'ajustement et la réforme de la constitution de chaque Etat
sur le modèle républicain.
Le deuxième article correspond au droit des gens selon
lequel la paix entre Etats est fonction d'une fédération d'Etat
libres selon les lois rationnelles communément partagées. De
même que le droit politique permet le passage à l'état
civil des individus, le droit des gens assure le passage à l'état
civil des Etats165(*). Le troisième article se rapporte
au droit cosmopolitique.
Ces articles de Kant se fondent sur une philosophie optimiste
de l'histoire humaine.
6.3. LA FINALITE DE LA NATURE ET LE SENS DE L'HISTOIRE
Kant considère que « le garant de ce
traité n'est rien moins que l'ingénieuse et grande
ouvrière, la nature (nature daedala rerum) »166(*). En d'autres termes, la
marche humaine vers la paix se donne comme un horizon de la nature, du destin.
Il semble donc qu'à l'insu de la volonté humaine le processus qui
conduit à la paix soit en marche. La réflexion kantienne sur la
paix débouche sur un questionnement sur le sens de l'histoire.
Celle-ci évolue en spectacle paradoxal : d'une
part l'homme disqualifie la guerre et d'autre part la guerre permet aux hommes
de se réconcilier, surtout de faire pragmatiquement usage de leur raison
et de vivre en paix malgré eux. Tout se passe comme si la
« ruse » de la nature avait disposé les choses de
façon que du fond des guerres sanglantes qui endeuillent
l'humanité surgisse la nécessité de la paix.
L'expérience des guerres mondiales confirme cette
hypothèse. Jamais l'humanité n'a pris conscience de son
unité qu'après l'expérience de l'inhumanité de la
guerre. Celle-ci est tenue comme un motif de rapprochement des hommes. L'homme
se présente alors, pour emprunter un terme de Paul Ricoeur, comme un
« mixte », un involontaire-volontaire.
Une telle approche de la guerre suppose une philosophie de
l'histoire paradoxale. En effet, les événements qui jalonnent
l'histoire ne doivent plus être pensés en eux-mêmes
(ex : la Révolution française, les guerres mondiales), mais
comme des étapes de la dialectique humaine vers l'accomplissent d'une
fin : la paix. Penser l'histoire sur le modèle de la nature suppose
ainsi un rapport entre la forme et la fin de tous les éléments
qui la composent, en activant au préalable la notion de
« finalité ». Ainsi conçue, les hommes
doivent se considérer comme des agents d'une cause supérieure et
admettre que leurs actions sont des maillons constructifs de la fin
humaine : la paix.
En conclusion, le projet de paix perpétuelle
de Kant est un essai philosophique portant sur les conditions morales,
politiques et juridiques de la paix parmi les hommes. On en retient
l'idée que la paix est fonction du droit. Celui-ci est fondé sur
l'exigence de la communauté de destin pour toute l'humanité et
sur une philosophie de l'histoire ayant une vocation pédagogique pour
les hommes.
CONCLUSION GENERALE
La présente étude se voulait un argument pour la
paix et la bonne gouvernance. Deux objectifs principaux devaient être
atteints: fonder théoriquement les concepts de paix et de bonne
gouvernance et déboucher sur des propositions concrètes pouvant
contribuer au débat sur la problématique de la paix en Afrique. A
propos du premier objectif, nous avons recouru à Rousseau et Kant et
d'eux nous avons appris somme toute que la guerre est une réalité
anthropologique alors que la paix est une nécessité
anthropologique. Nous avons rapproché l'Emile au Contrat social et les
propos sur l'éducation au projet de paix perpétuelle pour
soutenir l'idée selon laquelle c'est par l'élévation
morale de l'homme et par la bonne gouvernance des sociétés
humaines que doit s'exprimer tout désir de paix parmi les hommes. Cela
suppose l'intégration dans les systèmes et éducatif et les
systèmes politiques des valeurs humaines compatibles avec l'idée
de paix pour tous.
En ce qui concerne le deuxième objectif, nous rappelons
quelques propositions concrètes émissent par le Professeur Ngoma
Binda à travers son concept de démocratie libérale
communautaire et nous terminons par notre propre apport à travers la
notion de «Gouvernance globale et intégrative ». Cette
notion thématise le rapport entre le tout et la partie dans le domaine
de l'organisation sociale.
2. La démocratie libérale communautaire
Toute la philosophie politique de Ngoma Binda s'inscrit dans
ce que nous pouvons appeler « la théorie de la
démocratie libérale ». Elle se fonde sur la foi dans la
capacité pour la démocratie à générer des
formes concrètes de gouvernance et de développement pour tous.
La renaissance à la démocratie politique, pense l'auteur, ouvre
les portes de l'espoir de réalisation de l'idée non
égoïste de la solidarité politique des Etats et des peuples
comme voie d'avènement de la paix, de la puissance, de la
prospérité, de la dignité altière et de la joie
d'exister des peuples167(*).
EN EFFET, LA NOTION DE DÉMOCRATIE LIBÉRALE
COMMUNAUTAIRE SE VEUT UNE SYNTHÈSE DES VALEURS POSITIVES DE LA
DÉMOCRATIE LIBÉRALE OCCIDENTALE ET DES VALEURS POSITIVES DE LA
DÉMOCRATIE COMMUNAUTAIRE AFRICAINE. FONDÉE SUR LES PRINCIPES
D' « AUTHENTICITÉ » ET DE
« PROXIMITÉ SPATIALE », SA FORMULATION EST
« COMMANDÉE » C'EST-À-DIRE
« APPUYÉE SUR LES IMPÉRATIFS ET EXIGENCES DE VIE DES
AFRICAINS AUJOURD'HUI »168(*).
DANS CE CADRE PRÉCISÉMENT, L'AUTEUR PROPOSE 6
RÈGLES DE SOLIDARITÉ FÉDÉRATIVE ET TROIS FORMES
INSTITUTIONNELLES DE CES RÈGLES. LES RÈGLES DE SOLIDARITÉ
FÉDÉRATIVES SONT:
V LE PRINCIPE FÉDÉRATIF: IL REVALORISE LA
NOTION DE CONTRAT COMME MÉCANISME RÉALISTE DE COOPÉRATION
POSITIVE ENTRE LES ETATS, LES INDIVIDUS ET LES ETHNIES.
V LA COOPÉRATION DONNANT-DONNANTE: AJOUTE À LA
DIMENSION ÉTHIQUE DU CONTRAT UNE DIMENSION CONTRAIGNANTE.
V LA TRANSPARENCE CONTRACTUELLE: RENFORCE LA DIMENSION
ÉTHIQUE DU CONTRAT.
V LA NON-INGÉRENCE INDÉSIRÉE:
RÉAFFIRME LA SOUVERAINETÉ DES ETATS TOUT EN ADMETTANT
QU'UN « DEVOIR D'INGÉRENCE HUMANITAIRE EST
LÉGITIME AU NOM DE LA CONSCIENCE MORALE
UNIVERSELLE »169(*).
V LA NON-AGRESSION MUTUELLE: LA GESTION DES RESSOURCES
NATURELLES VITALES DOIT SE FAIRE DANS LE CADRE D'UNE COOPÉRATION
RECIPROCITAIRE ET NON PAR AGRESSION.
V L'HOSPITALITÉ UNIVERSELLE: LA MOBILITÉ DES
PERSONNES DANS L'ESPACE CONTINENTAL EST GARANTIE SOUS RÉSERVE D'UNE
LÉGISLATION RAISONNABLE.
VOICI LES TROIS NIVEAUX DES FORMES INSTITUTIONNELLES DE CES
RÈGLES:
V AU NIVEAU LOCAL:
Ø CHAQUE ETAT DOIT SE REFORMER SUR LE MODÈLE
DÉMOCRATIQUE
Ø IL FAUT UN FÉDÉRALISME
DÉCENTRALISÉ AYANT POUR OBJET L'AUTONOMISATION DES ENTITÉS
CULTURELLES. CE QUI FAVORISE UNE POLITIQUE DE NON-MARGINALISATION DE CERTAINES
ENTITÉS.
V AU NIVEAU RÉGIONAL:
Ø RESPECT RIGOUREUX DES FRONTIÈRES
Ø NÉCESSITÉ DES CONTRATS
GAGNANTS-GAGNANTS
Ø CRÉATION DES AUTOROUTES DE COMMUNICATION POUR
FAVORISER L'INTÉGRATION PHYSIQUE ET MORALE DES PEUPLES.
V AU NIVEAU CONTINENTAL:
Ø RENFORCER L'UNION AFRICAINE
Ø CRÉER UNE COUR AFRICAINE DE JUSTICE
Ø METTRE EN PLACE UNE ARMÉE PANAFRICAINE
Ø CRÉER UN INSTITUT PANAFRICAIN D'ÉTUDES
STRATÉGIQUES ET PROSPECTIVES.
NB. FAIRE DU COMMUNAUTARISME UN ÉLÉMENT
SPÉCIFIQUE DE L'ORGANISATION SOCIALE NÉGRO-AFRICAINE SEMBLE
RELEVER DU MYTHE. SI TEL ÉTAIT LE CAS, POURQUOI LES AFRICAINS NE LE
PROUVENT PAS DANS LES FORMES CONCRÈTES DE LEUR ORGANISATION POLITIQUE
AUJOURD'HUI. DANS LA MESURE OÙ CETTE HYPOTHÈSE EST ACCEPTABLE, LE
CONCEPT DÉMOCRATIE LIBÉRALE COMMUNAUTAIRE DU PROFESSEUR NGOMA
BINDA POURRAIT LÉGITIMEMENT ÊTRE RELATIVISÉ, DU MOINS DANS
SA FORME ET NON DANS SON CONTENU.
3. Pour une gouvernance globale et intégrative
DE ROUSSEAU À NGOMA BINDA EN PASSANT PAR KANT, NOS
LECTURES NOUS INSPIRENT LA NOTION DE GOUVERNANCE GLOBALE INTÉGRATIVE.
NOUS PROPOSONS LE CONTENU DE CE CONCEPT EN TROIS ÉTAPES : LES
CAUSES DE LA GUERRE EN AFRIQUE, LES PRINCIPES DE GOUVERNANCE GLOBALE
INTÉGRATIVE, ET LA PLACE DE L'ÉLITE AFRICAINE.
3.1. Des causes de la guerre en Afrique
NOUS AVONS IDENTIFIÉ LES CAUSES MORALES, LES CAUSES
ÉCONOMIQUES, LES CAUSES GÉOPOLITIQUES ET LES CAUSES
CULTURELLES.
V SUR LE PLAN MORAL, L'HOMME POLITIQUE AFRICAIN
POSSÈDE ENCORE UNE CONSCIENCE TRÈS OBSCURCIE ET TRÈS
NÉGATIVE DE LA POLITIQUE.
CONSÉQUENCES: DÉMAGOGIE, PILLAGES,
EMPOISONNEMENTS, DÉTOURNEMENT.
V SUR LE PLAN ÉCONOMIQUE, L'ABSENCE D'UNE POLITIQUE
RATIONNELLE DE GESTION CONCILIANTE DES RESSOURCES ÉCONOMIQUES ET DES
TRANSACTIONS COMMERCIALES. CONSÉQUENCES: AGRESSIONS MUTUELLES,
REBELLIONS...
V SUR LE PLAN GÉOPOLITIQUE, LES POLITICIENS AFRICAINS
SONT TOUJOURS VICTIMES DE L'EXPÉRIMENTATION DE TOUTES LES
VELLÉITÉS DES GRANDES PUISSANCES. CONSÉQUENCES:
CLIENTÉLISME, MERCENARIAT, MANIPULABILITÉ...
V SUR LE PLAN CULTUREL: LES MYTHES DES MESSIANISMES
POLITIQUES ET IDENTITAIRES DE CERTAINES ETHNIES. CONSÉQUENCES: GUERRES
CIVILES, TRIBALISME, RÉGIONALISME, ETHNURGIE...
QUE FAIRE. IL FAUT UNE GOUVERNANCE GLOBALE ET
INTÉGRATIVE.
3.2. Les principes de gouvernance globale et
intégrative
V LE PRINCIPE DE VOLONTÉ POLITIQUE: SI LES DIRIGEANTS
VEULENT VIVRE EN PAIX, ILS LE POURRONT.
V LE PRINCIPE D'UNITÉ D'ACTION: TOUTES LES ACTIONS
POLITIQUES NATIONALES DOIVENT CONVERGER VERS L'IMPÉRATIF DE LA PAIX POUR
TOUS.
V LE PRINCIPE DU PROJET DE PUISSANCE COMMUN: AUCUNE POLITIQUE
DE PUISSANCE D'UN PAYS NE PEUT RÉUSSIR S'IL N'INTÈGRE PAS, DE
FAÇON CONCERTÉE, LE PROJET DE PUISSANCE GLOBAL DE L'AFRIQUE.
V LE PRINCIPE DE CO-DÉVELOPPEMENT: IL FAUT PRO-JETER
LE DÉVELOPPEMENT GLOBAL DE L'AFRIQUE, SUR TOUS LES PLANS ET AJUSTER LES
POLITIQUES NATIONALES DE CHAQUE PAYS SUR CE PROJET.
V LE PRINCIPE DE PROMOTION ET DE RESPECT DES IDENTITÉS
NATIONALES ET CULTURELLES.
3.3. De la place de l'élite africaine
IL FAUT UNE ÉLITE DE « CHANGEMENT
SOCIAL », AU SENS OÙ A. TOYNBEE170(*) L'ENTENDAIT;
C'EST-À-DIRE UNE ÉLITE ENGAGÉE À RELEVER LES
DIFFÉRENTS DÉFIS DE L'AFRIQUE DANS CE SIÈCLE TRÈS
PROMETTEUR.
Tel est notre contribution théorique au débat
sur la problématique de la paix en Afrique. Il reste une contribution
pratique à la quelle toute l'élite africaine est conviée,
en commençant par l'élite politique car c'est le politique qui
détient les actes performatifs de l'avenir et du devenir des peuples.
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TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE
DEDICACE
AVANT PROPOS
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE
LA GUERRE
INTRODUCTION
CHAPITRE I
L'ANTHROPOLOGIE DU MAL FONDAMENTAL OU
LA GUERRE COMME CATEGORIE ESSENTIELLE DU POLITIQUE
1. SUN TZU
2. NICOLAS MACHIAVEL
3. THOMAS HOBBES
CHAPITRE II
L'ANTHROPOLOGIE DE LA BONTE ORIGINELLE
OU LA GUERRE COMME CATEGORIE ACCIDENTELLE DU POLITIQUE
2.1 ROUSSEAU ET LA CRITIQUE DE L'HISTOIRE
POLITIQUE
2.1.1 Guerre et état de nature
2.1.2 Rousseau et la critique des sciences et
des arts
2.1.3. Rousseau et la critique de
l'économie politique
2.2 LA SOLUTION KANTIENNE : DE
L'INSOCIABLE SOCIABILITE A LA DISQUALIFICATION MORALE DE LA GUERRE.
DEUXIEME PARTIE
L'EDUCATION
LA RECHERCHE DE LA PAIX PAR
L'ÉLÉVATION MORALE DE L'HOMME
CHAPITRE III
L'EMILE OU DE L'EDUCATION. DE LA NATURE
A LACITOYENNETE
3.1 INTRODUCTION A L'EMILE OU DE L'EDUCATION
3.2. L'ANALYSE THEMATIQUE DE L'EMILE
3.2.1. Livre premier: 0-2 ans.
3.2.2. Livre deuxième : De 2
à 12 ans.
3.2.3. Livre troisième : (12
à 15 ans)
3.2.5. Livre quatrième : (15
à 20 ans)
3.2.6. Livre cinquième : (20
à 25 ans).
CHAPITRE IV
L'HORIZON COSMOPOLITIQUE DE L'EDUCATION
CHEZ KANT
4.1. LE CONTENU ANTHROPOLOGIQUE DE
L'ÉDUCATION
II. L'EDUCATION PHYSIQUE
III.L'EDUCATION PRATIQUE
III. REMARQUES SUR LES PHILOSOPHIES DE
L'EDUCATION DE ROUSSEAU ET KANT
TROISIEME PARTIE :
LA PAIX
UNE QUESTION DE GOUVERNANCE POLITIQUE
INTRODUCTION
CHAPITRE V.
ROUSSEAU ET LES PRINCIPES DU DROIT
POLITIQUE
1. JEAN JACQUES ROUSSEAU DANS LE SILLAGE DU
CONTRACTUALISME
2. LIVRE PREMIER : LES FONDEMENTS DE
LEGITIMITE DU POUVOIR
3. LIVRE DEUXIEME : VOLONTE GENERALE ET
BIEN COMMUN
5.4. LIVRE TROISIEME : LE GOUVERNEMENT
5. LIVRE QUATRIEME:CONCLUSION.
CHAPITRE VI.
KANT ET LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE.
LA PAIX PAR LA GOUVERNANCE GLOBALE
6.1. INTRODUCTION AU PROJET DE PAIX
PERPETUELLE.
6.2. LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE DE KANT.
6.2.1. Les articles préliminaires
6.2.2. Les articles définitifs
6.2.3. Remarques sur les articles
définitifs
6.3. LA FINALITE DE LA NATURE ET LE SENS DE
L'HISTOIRE
CONCLUSION GENERALE
2. LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE
COMMUNAUTAIRE
3. POUR UNE GOUVERNANCE GLOBALE ET
INTÉGRATIVE
3.1. Des causes de la guerre en Afrique
3.2. Les principes de gouvernance globale et
intégrative
3.3. De la place de l'élite africaine
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
* 1 A. Philonenko, Essais
sur la philosophie de la guerre, Paris, Vrin, 1976, p.7.
* 2
PROUDHON, LA GUERRE ET LA PAIX, PARIS, RIVIÈRE, 1927,
P.28.
* 3
CITÉ IN M. CANTO-SPENCER (DIR), DICTIONNAIRE
D'ÉTHIQUE ET DE PHILOSOPHIE MORALE, 2ÈME
ÉDITION, PARIS, PUF, 1997, P.617.
* 4 G. Demulier,
« Quelques refléxions sur la guerre et la paix »,
article publié sur internet,
www.philosophie
oc.versailles.fr et consulté le 21.05.2010.
* 5 Clausewitz, De la
guerre, Trad.Navelle,, Paris, Ed.de Minuit, 1995, p.52.
* 6 Sun Tzu, l'art de la
guerre, Trad. Amiot, en version électronique par Bertrand Janin,
Décembre 2003, consulté le 20 mars 2010 sur www.ifrance.com.
* 7 N. Machiavel, Discrours
sur la première décade de Tite-Live, 1513, 1.I, p.3
* 8 N. Machiavel, cité
par A. Marie Roussel, « Les Etats sont-ils faits pour la paix ou pour
la guerre,
www.sceren.org, consulté ce
20. 08.2010.
* 9 Ibidem.
* 10 J. Hersch,
Idéologies et réalité. Essai d'orientation
politique, Paris, Plon, 1956, p.97 .
* 11 A. Philonenko, Essais
sur la philosophie de la guerre, Paris, Vrin, 1976, pp.17-18.
* 12N. Machiavel, cité
par A. Philonenko, op.cit., p.18.
* 13Th. Hobbes, Léviathan
(1651), trad.E. Tricot, Paris, Ed. Sirey,1971, 1ère partie: De
l'homme.
* 14R. Polin,
« Hobbes », in M.M. Ponty (dir), Les philosophes
célèbres, Paris, Mazenod, 1956, pp.214-217.
* 15M.DE WULF, PRÉCIS
D'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE, 9È ÉD., LOUVAIN, E.
NAWELAERTS, 1950, P.129.
* 16G. Démulier,
« Quelques réflexions sur la paix et la guerre »,
www.philosophie-a.c-versailles.fr,
ce 21.05.2010.
* 17Rousseau, in L.H.Love et
F.Khodos(dir), Philosophie, terminal S, Paris, Hatier, 1999, p.154.
* 18 B. Ndiaye,
« Le thème de la guerre chez Hobbes et Rousseau »,
in Ethiopiques, N° 64 - 65, 2000,
www.refer.sn, ce 12.06.2010.
* 19 Le chapitre suivant
argumente en faveur de cette hypothèse de Rousseau.
* 20 Jean Jacques Rousseau
(1712-1778), Citoyen de Genève. Pour ses oeuvres principales, nous
utilisons les sigles suivants :
- DSA : Discours sur les sciences et les arts ;
- DOI : Discours sur l'origine de
l'inégalité ;
- CS : Du contrat social ;
EE : Emile ou de l'éducation
* 21 K. Nabulsi,
« Guerre et inégalité dans la pensée politique
de Rousseau », in les études philosophiques, n° 4, Paris,
PUF, 2007, pp.413-423.
* 22 Rousseau, DSA, éd.
Guillemin, Paris, Union Générale des éditions, 1936,
p.280.
* 23 ROUSSEAU, OEuvres
complètes, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, la Pleiade,
1964, Tome III, p.610.
* 24 Ibidem, p.611.
* 25 DSA, P.254.
* 26 R. Boudon & F.
Bouricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982,
p.481
* 27 P. Burgelin, Du
contrat social, Introduction, Paris, Flammarion, 1966, p.17.
* 28 DSA, p.279.
* 29 P. Burgelin,
« Rousseau », in M.M Ponty, Op. Cit,
pp.214-217.
* 30 Ch. Destain, J.J
Rousseau : l'au-delà du politique. De la solitude des
origines humaines à la solitude autobiographique, Bruxelles, Ousia,
2005, p.21
* 31 DSA, p.281.
* 32 A. Philonenko, J.J.
Rousseau et la pensée du malheur. Le traité du mal, Paris,
vrin, 1984, p.196
* 33 Consulter à ce
sujet Okolo Okonda, « Enjeux du post-modernisme en
Afrique », in Philosophie et politique en Afrique, actes des
Ières journées philosophiques de Kimwenza, 1996,
éd. Loyola, 1997, pp.17-24.
* 34 DOI, OEuvres, Trad. H.
Guillemin, op. cit., p.292.
* 35 Ch. Destain, op.
cit., p.36
* 36 Il s'agit du bien -
être matériel et financier
* 37 ROUSSEAU,
DOI, P.295
* 38 Rousseau, CS, p.44.
* 39 Rousseau, DOI, p.283.
* 40 Rousseau, DOI,
pp.307-308.
* 41 Rousseau ,DOI,
pp.309-310.
* 42 J. Habermas, La
paix perpétuelle, le bicentenaire d'une idée kantienne
,Trad. Rainer Rochlitz ,Paris, cerf, 1996, p.66
* 43 E. Kant (1724-1784),
philosophe allemand caractéristique de la philosophie allemande des
Lumières.
* 44 E.
KANT, LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA SIMPLE RAISON, IN OEUVRES,
TOME III, SOUS LA COORDINATION DE F. ALQUIÉ, PARIS,GALLIMARD,
PP.38-39.
* 5 5. Stanguennec, Etudes
postkantiennes, tome II, Raison dialectique, Lausanne,
L'âge d'homme, 1994, p.114.
* 66.E. Weil,
Problèmes kantiens, 2è éd., Paris, Vrin, 1970, p.
160.
* 45 F. Ost , La nature
hors la loi : l'écologie à l'épreuve du droit ,
Paris, La Découverte, 1995, pp. 275-276.
* 46 Kant, PP,
Oeuuvres, III, les derniers écrits, sous la coordination de F.
Alquié, Paris Gallimard, 1986, p.347.
* 47 Les citations
d'Émile sont tirées des oeuvres complètes, sous
la coordination de B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, 1969.
* 48 Y. Vargas,
Introduction à l'Emile de J.J Rousseau, 1ère
éd. Paris ,PUF, 1995, p.1.
* 9. Soétard, Jean
Jacques Rousseau (1712-1778) ; in perspectives, revue trimestrielle
d'éducation comparée, Paris, UNESCO : Bureau international
d'éducation, vol XXIV, n° ¾, 1994, pp.443-456
* 49 EE, p.264
* 50 EE, p.264
* 51 EE, p.281
* 52EE, pp.262-263
* 53 EE, pp.245-247
* 54 EE, p.252
* 55 EE,p.245
* 56 EE, p255
* 57 P. Burgelin, La
philosophie de l'existence de J.J Rousseau, Paris, PUF, 1950, p.476.
* 58 EE, p.250.
* 59 EE, p.300.
* 60 EE, p.427
* 61 EE,p 428
* 62 EE, p.428
* 63 EE, p.489
* 64 EE, P.493
* 65 EE, p.501
* 66 EE, pp.554-605
* 67 EE,
P.561
* 68 P. Burgelin, la
philosophie de l'existence de J.J Rousseau, Paris, PUF, 1952, p.482
* 69 J.Eon, « Emile
ou le roman de la nature humaine », in J.J Rousseau et la crise
contemporaine de la conscience, colloque international du
2ème centenaire de la mort de Rousseau, Paris, Beaucherne
,1980, pp.115-140
* 70 Y. vargas
,Introduction à l'Emile de Rousseau, Op. Cit.
* 71Les citations de ce livre
sont tirées des Oeuvres complètes, tome III, Les derniers ecrits,
sous la coordination de F.Alquié, Paris, Gallimard, 1986.
* 72 Ibidem, p.1151.
* 73 Ibidem, p.1152
* 74 Idem, p.1149
* 75 E. Kant, Le conflit
des facultés, Trad. S. Piobetta ,Paris, Aubier, 1947, p.83.
* 76 El Hadj Ibrahima Diop,
« Essence philosophique de la pédagogie chez Kant, in
Ethiopiques, N° 68, 2002, publié sur www/refer.sn et
consulté ce 20.08.2010.
* 77 Ibidem.
* 78 Kant , Anthropologie
du point de vue pragmatique, O.C, OP. Cit.,, pp.1137-1138
* 79 Ibidem,, pp1142-1143
* 80 Ibidem, pp1142-1143
* 81 KANT, Propos de
pédagogie, OP. CIT., P.1154.
* 82 Ibidem, p.1156.
* 83 IBIDEM,
P.1156
* 84 P. 1157
* 85 O. Reboul, la philosophie
de l'éducation, Coll que sais-je, 7ème éd.,
Paris ,PUF, 1995, pp.110-111
* 86 PROPOS SUR
L'ÉDUCATION, OP. CIT., P. 1157
* 87 p. 1162.
* 88 p. 1163.
* 89 P.1190.
* 90 p. 1193
* 91 p. 1193
* 92 Cfr Mbolokala, Imbuli,
Questions approfondies de philosophie morale. l'mpératif
catégorique, Cours en 2ème licence philosophie,
université de kinshasa, 2009-2010, Inédit.
* 93 p.1194
* 94 P.1195
* 95 DOI, p. 266
* 96 B. VANDE
WALLE, OP. CIT., P.41
* 97R. Dérathé,
Jean Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Paris,
Vrin, 1979, p.174.
* 98.Ch.
Destain, op. cit., P.126.
* 99 Les citations sont
tirées du contrat social, Chronologie et introduction par
Pierre Burgelin, Paris, Flammarion, 1966.
* 100 EE, p.245.
* 101 CS, p.41
* 102 Encyclopedia universalis,
Paris, S.A., 1988, p.
* 103 CS, P.42.
* 104 CS, P.43
* 105 CS, p.44
* 106 H. Arendt, Les origines du
totalitarisme. Le système totalitaire, Paris, Seuil, 1972,
p.204
* 107 CS, P.45
* 108 CS, p.46
* 109. CS, P.46
* 110. CS, P.46
* 111. CS, p.47
* 112 CS. 50.
* 113. CS ,51.
* 114. CS, p.53.
* 115. CS , P.53
* 116. CS , P.54.
* 117. CS, p.55.
* 118 CS, p.63.
* 119 CS, p.63.
* 120 CS, p.63.
* 121 A. Philonenko,
Théorie et praxis dans la pensée morale et politique de Kant
et Fichte en 1793, Paris, Vrin, 1968, p.196.
* 122 M. Novak,
Démocratie et Bien commun, Paris, Institut La Boétie,
1991.
* 123 CS, p.68.
* 124 CS, p.76.
* 125 CS, PP.66-67.
* 126 CS, p.77.
* 127 CS, p.97.
* 128 CS, p.101
* 129 CS, p.103.
* 130 CS, P.103.
* 131 CS, p.106.
* 132 CS, P.108
* 133 Ngoma Binda, La
participation politique. Ethique civique pour une culture de paix, de
démocratie et de bonne gouvernance, 2è éd., Kinshasa,
Ifep, 2005, p.160.
* 134 CS, p.123
* 135 CS, p.p.128
* 136 CS, p.145
* 137 N. BINDA,
LA PARTICIPATION POLITIQUE. ETHIQUE CIVIQUE ET POLITIQUE POUR UNE CULTURE
DE PAIX, DE DÉMOCRATIE ET DE BONNE GOUVERNANCE, 2ÈME
ÉD., REVUE ET AUGMENTÉE, KINSHASA ,IFEP, 2005, P.51.
* 138 Les citations de ce livre sont
tirées de E Kant, Projet de paix perpétuelle, Trad. d'un
autour inconnu, présentée, revue et annotée par Heinz
Weismann, oeuvres philosophiques III, derniers écrits, sous la direction
de F. Alquié, Paris, Gallimard, 1986.
* 139 Abbé de saint
pierre, projet de paix perpétuelle, extrait du livre repris in
oeuvres complètes, sous la direction de B. gagnebin et M. Raymond,
Paris, Gallimard, 1969, p.563.
* 140 Ibidem.
* 141 Ibidem, p.564
* 142 ibiden, p.565
* 143 Ibidem,591-600.
* 144 J.J.Rousseau, OEuvres
complètes, sous la coordination de B. Gagnebin et M. Raymond, op.cit,
pp.591-600
* 145 Ibidem, p.591
* 146 Ibidem, p.595
* 147 pp., p.333.,
* 148 pp, p.334.
* 149 pp, p.335.
* 150 pp, p.336
* 151 pp, p.337.
* 152 pp, p.337.
* 153 pp, p.341
* 154 pp, p.343
* 155 pp, p.343
* 156 PP, P.344
* 157 pp, p.345
* 158 pp, p.346
* 159 pp , p.347.
* 160 pp, p.348
* 161 pp, p.349
* 162 pp, p.350
* 163 pp, p.353
* 164 Y. Delbos,, La
philosophie pratique de Kant, 3ème éd., Paris,
PUF, 1996, p.576.
* 165 pp, p.347.
* 166 pp, p.353
* 167.Ngoma Binda, Une
démocratie libérale communautaire pour la R.D. Congo et
l'Afrique, Paris, L'Harmattan, 2001, p.271.
* 168.Ngoma Binda, Philosophie
et pouvoir politique en Afrique. La théorie
inflexionnelle, Paris, L'Harmattan, 2004, p.97.
* 169. Idem, Une
démocratie libérale communautaire..., op.cit.,
p.275.
* 170.Cité par Mabiala
Mantuba, La culture en question. Essai d'anthropologie culturelle,
Kinshasa, Ed. Culturelles Africaines, 2008, pp.75-76.