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Guerre, éducation et paix dans la philosophie politique de Rousseau et de Kant. Argument pour la paix et la bonne gouvernance.

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par Jonathan Kankonde Bakamana
Université de Kinshasa - Maà®trise en philosophie 2009
  

Disponible en mode multipage

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    EPIGRAPHE

    « La philosophie politique implique nécessairement l'attitude du philosophe à l'égard de la politique; sa tradition commença lorsque le philosophe se détourna de la politique puis y revint afin d'imposer ses normes aux affaires humaines ».

    H. Arendt, La crise de la culture. Huit exercices de pensée politique, trad. P. Lévy, Paris, Gallimard, 1972, p.28.

    DEDICACE

    Je dédie particulièrement ce travail à mon père, Bakamana Bernard, de qui j'ai appris qu'une bonne éducation est le meilleur héritage qu'un parent puisse léguer à son enfant.

    AVANT PROPOS

    Le présent travail fait suite à un autre, que nous avons réalisé pour l'obtention du titre de gradué en philosophie et intitulé: « L'éducation comme fondement de l'évolution sociale. Essai sur les philosophies de l'éducation de J. Dewey et O. Reboul ».

    Dans le premier essai, notre intuition fondamentale était de fonder théoriquement la « perfectibilité » humaine et sociale en vue de déboucher sur l'hypothèse selon laquelle l'éducation est le lieu excellent de ce perfectionnement humain et social. L'homme et la société étaient saisis selon le mode de l'inachevé, appelant par le fait même et de façon permanente un dépassement du présent par un futur projeté et posé comme état le meilleur et le plus convenable aux aspirations profondes de l'homme. Une telle hypothèse supposait un objectif pratique, celui de contribuer à la revalorisation de la formation de l'intelligence, de la formation morale et politique comme condition nécessaire du développement humain et social.

    GLOBALEMENT CONSIDÉRÉE, CETTE PREMIÈRE ÉTUDE A PERMIS DE NOUS INTRODUIRE, EN DÉPIT DE SON CARACTÈRE PROPÉDEUTIQUE, DANS LE VASTE CHAMP DES RECHERCHES AXÉES SUR L'ÉDUCATION ET LA CULTURE DE LA PAIX, LA BONNE GOUVERNANCE, L'ÉTHIQUE DE L'ENVIRONNEMENT, L'ÉTHIQUE POLITIQUE, ETC.

    LA PRÉSENTE ÉTUDE COMPLÈTE LA PREMIÈRE ET ENTREPREND DE LA SYSTÉMATISER AU MOYEN DES CONCEPTS CLASSIQUES DE PHILOSOPHIE MORALE ET POLITIQUE. CETTE PERSPECTIVE A NÉCESSITÉ UN RECOURS À ROUSSEAU ET À KANT, DEUX CLASSIQUES DE LA PHILOSOPHIE MORALE ET POLITIQUE OCCIDENTALE MODERNE. LE CHOIX DE ROUSSEAU ET KANT EST MOTIVÉ PAR LA NÉCESSITÉ ACADÉMIQUE DE COMPRENDRE L'ENVIRONNEMENT CONCEPTUEL DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE MODERNE, UNE OPTION MÉTHODOLOGIQUE NÉCESSAIRE À LA SAISIE ADÉQUATE DES GRANDES ARTICULATIONS DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE CONTEMPORAINE.

    LA FORMULATION THÉMATIQUE DE CE TRAVAIL EXPRIME LES MOTIFS SOCIAUX ET POLITIQUES CARACTÉRISTIQUES DE L'ENVIRONNEMENT SOCIAL DE NOTRE TEMPS. NOUS POUVONS CITER À CE SUJET : LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT, LE DÉVELOPPEMENT À L'ÉCHELLE MONDIALE DES TECHNIQUES SOPHISTIQUÉES D'ADMINISTRATION DE LA VIOLENCE ET DE LA CONFLICTUALITÉ, LE CLIMAT INTERNATIONAL TRÈS PEU RASSURANT SUR LA NÉCESSITÉ D'AGIR ENSEMBLE POUR CONSTRUIRE UN MONDE DE PAIX ET DE BONHEUR. TOUS CES FAITS TÉMOIGNENT DE L'ÉCHEC DE LA CONFÉRENCE DE COPENHAGUE SUR LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, LA PROLIFÉRATION DES GUERRES EN AFRIQUE AYANT LARGEMENT POUR CAUSE LA LIBIDO DU POUVOIR ET L'INSUFFISANCE DÉMOCRATIQUE, ETC.

    NOUS REMERCIONS SINCÈREMENT PAPA BERNARD BAKAMANA ET MAMU KALUBI WA KALOMBO, NOS PARENTS, CAR CE TRAVAIL EST LE RÉSULTAT D'ÉNORMES SACRIFICES MATÉRIELS ET FINANCIERS QU'ILS ONT CONSENTIS. PUISSE CETTE ÉTUDE SYMBOLISER NOTRE ENGAGEMENT À UTILISER AU MAXIMUM LES ATOUTS DE NOTRE FORMATION POUR RELEVER NOS DÉFIS COMMUNS ET GARANTIR LA VIE BONNE ET HEUREUSE AUX GÉNÉRATIONS FUTURES. NOUS NE SAURONS OUBLIER L'APPORT MORAL TRÈS SYMBOLIQUE DE TOUS NOS FRÈRES: ROMAIN BADIBANGA, ERNEST KABASU, PAPY KALOMBO, GERMAINE KAPINGA, MICHOU KASOKOMA, EVELYNE LUSAMBA, ONCLE CRISPIN TSHIMPAKA.

    NOUS SOMMES REDEVABLE AU PROFESSEUR NGOMA BINDA QUI, AU-DELÀ DE SON ATTENTION PARTICULIÈRE À NOTRE FORMATION ET NOTRE ENCADREMENT, NOUS A FOURNI LE GOÛT DE L'EXCELLENCE ET UN CADRE THÉORIQUE TRÈS INSPIRATEUR DANS L'ÉLABORATION DE CE TRAVAIL. QU'IL TROUVE ICI L'EXPRESSION DE NOTRE GRATITUDE ET LE VoeU DE «  PHILOSOPHER AUTREMENT », EN FAISANT DE LA PHILOSOPHIE, NON UNE ACTIVITÉ ROUTINIÈRE SE FATIGUANT À DONNER DES COUPS D'ÉPÉES DANS L'AIR, MAIS UNE RECHERCHE RATIONNELLE DES MOYENS EFFICACES DE PAIX ET DE DÉVELOPPEMENT POUR LES HOMMES AU SEIN DES SOCIÉTÉS BIEN GOUVERNÉES.

    A TOUS NOS AMIS, SINCÈRE GRATITUDE POUR LEUR COLLABORATION MORALE.

    INTRODUCTION GENERALE

    « GUERRE, ÉDUCATION ET PAIX DANS LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE ROUSSEAU ET KANT ». TEL EST LE THÈME DE CETTE DISSERTATION.

    TROIS RAISONS JUSTIFIENT NOTRE INTÉRÊT POUR CE THÈME. D'ABORD, LA GUERRE ET LA PAIX CONSTITUENT DEUX MODALITÉS ESSENTIELLES DE TOUTE RÉFLEXION POLITIQUE. L'HOMME SE PENSE TOUJOURS EN TERMES DE CONFLIT ET DE PAIX. IL NOUS SEMBLE EN FAIT QUE LA RECHERCHE DE LA PAIX, ENTENDUE, NON SIMPLEMENT COMME ANTITHÈSE DE LA GUERRE, MAIS AUSSI COMME ÉTAT DE BIEN-ÊTRE INTÉGRAL DE L'HOMME DANS UNE SOCIÉTÉ BIEN GOUVERNÉE, CONSTITUE LE MOBILE SUPRÊME DES INSTITUTIONS POLITIQUES.

    ENSUITE, LE LIEN INDISSOLUBLE ENTRE LA RECHERCHE DE LA PAIX, L'ÉDUCATION ET LA GOUVERNANCE POLITIQUE NOUS APPARAÎT COMME LA CARACTÉRISTIQUE ESSENTIELLE DES RECHERCHES ÉTHIQUES ET POLITIQUES DE NOTRE TEMPS. EN TÉMOIGNENT LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE ET LES GRANDES OPTIONS DE L'UNESCO.

    ENFIN, UN RECOURS AUX CLASSIQUES DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE MODERNE NOUS SEMBLE NÉCESSAIRE POUR BIEN COMPRENDRE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE NOTRE TEMPS ET DISCUTER AVEC COMPÉTENCE DES PROBLÈMES THÉORIQUES ET PRATIQUES QU'ELLE SOULÈVE. A PROPOS DE CETTE PHILOSOPHIE JUSTEMENT, ELLE SE PRÉSENTE GLOBALEMENT COMME UNE SÉRIE DES DISCUSSIONS AUTOUR DES CONCEPTS ÉLABORÉS PAR LES PHILOSOPHES POLITIQUES CLASSIQUES MODERNES ET ANTIQUES. EN TÉMOIGNENT LES GRANDES ORIENTATIONS DES THÉORIES DE LA JUSTICE (RAWLS, RICoeUR...) ET DE LA GOUVERNANCE GLOBALE( HABERMAS, ALAIN RÉNAUT...). NOUS AVONS DONC CHOISI DE COMPRENDRE D'ABORD LES ARTICULATIONS ESSENTIELLES DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE ROUSSEAU ET KANT EN VUE D'ABORDER AVEC COMPÉTENCE LES PROBLÉMATIQUES ACTUELLES SOULEVÉES PAR CETTE PHILOSOPHIE.

    AINSI, NOUS NOUS FIXONS TROIS OBJECTIFS. D'ABORD, CONTRIBUER AU DÉBAT SUR LA PROBLÉMATIQUE DE LA PAIX ET LA GOUVERNANCE POLITIQUE EN AFRIQUE. ENSUITE, FONDER THÉORIQUEMENT LA PAIX POLITIQUE GRÂCE À UNE RÉÉVALUATION MORALE DU CONCEPT DE GUERRE. ENFIN, DÉBOUCHER SUR DES PROPOSITIONS CONCRÈTES À MÊME D'ORIENTER LA RECHERCHE DE LA PAIX EN AFRIQUE ET DANS LE MONDE.

    NUL N'IGNORE QUE NOTRE ÉPOQUE EST CELLE OÙ SE SONT DÉVELOPPÉES LES FORMES LES PLUS EXTRÊMES ET LES PLUS SOPHISTIQUÉES DE LA VIOLENCE ET DE LA CONFLICTUALITÉ. LE 20È SIÈCLE AURAIT ÉTÉ LE SIÈCLE DES GUERRES MONDIALES. LE DÉVELOPPEMENT DE LA TECHNOLOGIE MILITAIRE, LA COMPLEXIFICATION DES CIRCUITS FINANCIERS ET ÉCONOMIQUES, LES EXTRÉMISMES IDÉOLOGICO-POLITICO-RELIGIEUX, LES MÉFAITS DU CAPITALISME SAUVAGE, ETC., ONT ÉTÉ À LA BASE D'UN PAROXYSME DE LA VIOLENCE HUMAINE DONT LA POLITIQUE CONSTITUE LE LIEU PERTINENT D'EXPRESSION ET D'ÉMERGENCE.

    EN CE DÉBUT DU 21È SIÈCLE, LES SÉQUELLES DU SIÈCLE PASSÉ CONTINUENT DE DÉTERMINER DES CHOIX POLITIQUES, IDÉOLOGIQUES, ÉCONOMIQUES ET MILITAIRES DE PLUSIEURS PAYS. TOUT LE MONDE IRONISE D'AGIR AU NOM DE LA PAIX ALORS QUE DU FONDS DE TOUS LES DISCOURS SE TROUVENT UN VENIN CACHÉ DE CONFLICTUALITÉ. LA CAPACITÉ « CONFLICTOGÉNÉTIQUE » DES IDENTITÉS NATIONALES ET CULTURELLES PERSISTE EN DÉPIT DES FORMES HYPOCRITES D'AGIR ET DE PENSER GLOBALEMENT. LES CRISES ÉCONOMIQUE, ÉNERGÉTIQUE, ET ENVIRONNEMENTALE ; LA DIMINUTION SENSIBLE DES CERTAINES RESSOURCES NATURELLES VITALES ET STRATÉGIQUES COMME L'EAU, LE PÉTROLE, CERTAINS MINERAIS, ETC ; LA DISPROPORTION ENTRE LA DYNAMIQUE DÉMOGRAPHIQUE ET LES OPPORTUNITÉS DE VIE QU'OFFRENT LES ESPACES NATIONAUX...TOUTES CES CHOSES ANNONCENT L'ÉBOULEMENT FUTUR DE CE SIÈCLE.

    DE TOUT CE QUI PRÉCÈDE SURGIT LA QUESTION DU STATUT MORAL DE LA VIOLENCE PAR RAPPORT AU SENS MÊME DE LA VIE HUMAINE SUR LA TERRE. MAIS AUSSI CELLE, AUSSI INTÉRESSANTE QUE LA PREMIÈRE, DE LA MANIÈRE LA PLUS RAISONNABLE DE GÉRER NOS SOCIÉTÉS ET LES OPPORTUNITÉS NATURELLES QU'ELLES NOUS OFFRENT, EN VUE DE MINIMISER LES PENCHANTS À LA GUERRE, RÉORIENTER NOTRE PRAXIS SUR BASE DES REPÈRES MORAUX ET POLITIQUES UNIVERSELS, OBJECTIFS, IMPERSONNELS, ET CONSTRUIRE UNE SOCIÉTÉ MONDIALE BIEN GOUVERNÉE.

    POUR NOUS, LA GUERRE ET SES COROLLAIRES NE PEUT AVOIR UNE QUALIFICATION MORALE. ELLE DOIT ÊTRE MORALEMENT DISQUALIFIÉE ET TENUE POUR UNE CARACTÉRISTIQUE D'UNE HUMANITÉ ENCORE PUÉRILE SUR LA PLAN POLITIQUE ET MORAL. DU COUP, LA CONSCIENCE DE TOUT HOMME DOIT ÊTRE ÉLEVÉE À L'IMPÉRATIF DE LA PAIX PAR L'ÉDUCATION. DE CETTE ÉDUCATION SURGIRA LA NÉCESSITÉ D'UNE GOUVERNANCE POLITIQUE GLOBALE ET INTÉGRATIVE DE NOS PAYS COMME VOIE RAISONNABLE DE NOTRE VIVRE-ENSEMBLE. CELLE-CI SUPPOSE QUE BIEN GOUVERNER UNE SOCIÉTÉ MODERNE EXIGE LA PRISE EN COMPTE DE LA NÉCESSITÉ DE LA PAIX GLOBALE SANS QUE CELLE-CI SOIT EN CONTRADICTION AVEC LES INTÉRÊTS LOCAUX. EN D'AUTRES TERMES, IL S'AGIT DE CRÉER UN ESPACE DE CONCILIATION D'INTÉRÊTS ENTRE LES INTÉRÊTS SOUVERAINS ET LÉGITIMES DES ÉTATS ET L'IMPÉRATIF D'UNE COOPÉRATION FÉCONDE ENTRE CES INTÉRÊTS EN VUE DE LA PAIX GLOBALE. LE GLOBAL NE SIGNIFIE PAS ICI DIRECTEMENT LE MONDE, MAIS IL RENVOIE À DES GRANDS ENSEMBLES COMPOSÉS DES SOUS-ENSEMBLES. DE CE POINT DE VUE, ET À TITRE ILLUSTRATIF, LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME LE GLOBAL PAR RAPPORT AUX 450 ETHNIES QUI LA COMPOSENT. AINSI, LA GOUVERNANCE GLOBALE INTÉGRATIVE SIGNIFIERAIT POUR LA RDC LE FAIT D'HARMONISER ET DE CONCILIER LE BIEN-ÊTRE LOCAL DE CHAQUE ETHNIE AVEC LA NÉCESSITÉ DE L'UNITÉ ET DE LA PAIX POUR L'ENSEMBLE. LA MÊME LOGIQUE S'APPLIQUE DE LA MÊME MANIÈRE ET DE FAÇON ASCENDANTE JUSQU'AU GLOBAL PLANÉTAIRE.

    NOUS ARGUMENTONS EN FAVEUR DE CETTE HYPOTHÈSE PAR LA MÉTHODE ANALYTIQUE, CRITIQUE, RÉFLEXIVE ET COMPARATIVE.

    ROUSSEAU ET KANT ÉTANT DES AUTEURS À SYSTÈME, NOUS AVONS CHOISI DE CIRCONSCRIRE NOTRE ÉTUDE SUR LEUR PHILOSOPHIE PRATIQUE, INCLUANT DES ÉLÉMENTS POLITIQUES, ANTHROPOLOGIQUES ET MORAUX. L'ÉTUDE PORTE PRINCIPALEMENT SUR L'ANALYSE DE 4 OUVRAGES DONT DEUX POUR ROUSSEAU ET DEUX POUR KANT. IL S'AGIT DE L'EMILE ET DU CONTRAT SOCIAL POUR LE PREMIER ; ET LES PROPOS SUR L'ÉDUCATION ET LE PROJET DE PAIX PERPÉTUELLE POUR LE DEUXIÈME.

    LE TRAVAIL COMPORTE TROIS PARTIES DE DEUX CHAPITRES. LA PREMIÈRE PORTE SUR LA GUERRE, LA DEUXIÈME SUR L'ÉDUCATION ET LA DERNIÈRE SUR LA GOUVERNANCE POLITIQUE.

    PREMIERE PARTIE

    LA GUERRE

    DE L'ANTHROPOLOGIE POLITIQUE À LA DISQUALIFICATION MORALE DE LA VIOLENCE.

    INTRODUCTION

    LA GUERRE EST UNE ÉVIDENCE DANS L'EXPÉRIENCE HUMAINE. A. PHILONENKO PENSE QU'ELLE EST « LA GRANDE AFFAIRE DE L'ESPÈCE HUMAINE »1(*). PROUDHON LA CONSIDÈRE COMME UNE « FORME DE NOTRE RAISON, UNE LOI DE NOTRE ÂME, UNE CONDITION DE NOTRE EXISTENCE »2(*). HERACLITE PENSAIT QU'ELLE ÉTAIT, DANS LA DYNAMIQUE DE L'ÊTRE, « LE PÈRE ET LE ROI DE TOUS »3(*).

    EN EFFET, LA GUERRE DÉSIGNE UNE LUTTE ENTRE DEUX PARTIES AYANT RECOURS À LA FORCE PHYSIQUE ET AUX ARMES POUR RÉGLER UN DIFFÉREND »4(*). MAIS DANS LE LANGAGE COURANT, NOUS RENCONTRONS DES EXPRESSIONS COMME : « LA GUERRE DES MOTS, LA GUERRE MÉDIATIQUE, LA GUERRE FAMILIÈRE DESTINÉE À SOULIGNER LA GRAVITÉ DE CERTAINES SITUATIONS, TOUT EN MARQUANT LA DIMENSION   « CONFLICTUELLE » ENTRE DEUX OU PLUSIEURS PARTIES EN PRÉSENCE. TOUTEFOIS, STRICTO SENSU, IL N'Y A DE GUERRE QUE LÀ OÙ IL Y A CONFRONTATION DIRECTE ENTRE DEUX PARTIES RÉSOLUMENT ENGAGÉES, CONFRONTATION QUI, DANS UNE SUITE ALTERNÉE DES BATAILLES, S'ACHÈVE PAR LE SANG ET LA MORT.

    SELON CLAUSEWITZ, TOUTE GUERRE REPOSE SUR L'INTENTION D'HOSTILITÉ, C'EST-À-DIRE LA DÉSIGNATION DE L'AUTRE COMME ENNEMI, DÉSIGNATION QUI DOIT LUI ÊTRE DÉCLARÉE5(*). IL S'ENSUIT QUE LA GUERRE SE FONDANT SUR L'ÉLÉMENT INTENTIONNEL, EST D'ABORD UN PROBLÈME MORAL QUI S'EXTÉRIORISE PAR UNE DÉCLARATION. C'EST DONC AVEC RAISON QUE L'UNESCO SOUTIENT QUE COMME C'EST DANS L'ESPRIT DES HOMMES QUE NAISSENT LES VIOLENCES, IL FAUT AGIR PAR L'ÉDUCATION DE L'ESPRIT POUR FAIRE NAÎTRE LA PAIX.

    DANS CE TRAVAIL, NOTRE CONCEPT DE GUERRE POSSÈDE UNE PETITE EXTENSION. IL EST, EN FAIT, PERÇU D'UN POINT DE VUE STRICTEMENT SOCIOLOGIQUE ET NE S'ÉTEND PAS SUR DES CONSIDÉRATIONS PSYCHOLOGIQUES DE LA VIOLENCE TELLES QU'ON PEUT LES RETROUVER CHEZ FREUD. CE CHOIX SE FONDE SUR LE CADRE THÉORIQUE DE CETTE ÉTUDE, QUI ENTEND RÉFLÉCHIR SUR LES CONDITIONS DE LA PAIX ENTRE LES GROUPES SOCIAUX.

    CETTE PREMIÈRE PARTIE SE PROPOSE DE SOULIGNER LA PERTINENCE DE LA GUERRE DANS LA FORMALISATION DE TOUTE PHILOSOPHIE POLITIQUE. AINSI CHOISISSONS-NOUS D'ENRICHIR LA NOTION CHEZ SUN TZU, HOBBES ET MACHIAVEL DANS LE PREMIER CHAPITRE AVANT DE NOUS ÉTENDRE CHEZ ROUSSEAU ET KANT. EN EFFET, LES TROIS PREMIERS AUTEURS NOUS PERMETTRONT DE TROUVER À LA NOTION DE GUERRE CHEZ ROUSSEAU ET KANT SON « ENVIRONNEMENT » D'ÉMERGENCE.

    CHAPITRE I

    L'ANTHROPOLOGIE DU MAL FONDAMENTAL OU LA GUERRE COMME CATEGORIE ESSENTIELLE DU POLITIQUE

    CE CHAPITRE PORTE SUR L'HYPOTHÈSE SELON LAQUELLE L'HOMME ÉTANT FONDAMENTALEMENT FAILLIBLE, LA GUERRE EST UNE TARE SUBSTANTIELLE DE SA CONSTITUTION PROFONDE. LES ETATS N'ÉTANT DE CE FAIT QUE DES ASSOCIATIONS HUMAINES, LA GUERRE EST UNE CATÉGORIE ESSENTIELLE DE L'ART POLITIQUE. NOUS RETROUVONS CETTE CONCEPTION DANS L'ART DE LA GUERRE DE SUN TZU, DANS LE RÉALISME POLITIQUE DE NICOLAS MACHIAVEL ET DANS L'ANTHROPOLOGIE POLITIQUE DE THOMAS HOBBES.

    1. SUN TZU

    SUN TZU OU SUN ZI EST UN VIEUX PHILOSOPHE CHINOIS DE L'ANTIQUITÉ. SA PERSONNE RESTE TRÈS PEU CONNUE. IL AURAIT VÉCU ENTRE LE VÈME ET LE IVÈME SIÈCLE AV. J. C. ON LUI ATTRIBUE LA PATERNITÉ DE L'ART DE LA GUERRE6(*), LE « PREMIER TRAITÉ DE STRATÉGIE MILITAIRE HISTORIQUEMENT ATTESTÉ » ! MÊME SI SON AUTEUR RESTE MYTHIQUE, SON oeUVRE RESTE CLASSIQUE DANS TOUTES LES ACADÉMIES MILITAIRES DU MONDE ! MAIS EN QUOI UN LIVRE DE STRATÉGIE MILITAIRE POURRAIT INTÉRESSER LA PHILOSOPHIE POLITIQUE ? CE QUE CE TRAITÉ CONTIENT DES STRATAGÈMES FONDÉS SUR DES PRÉSUPPOSÉS PHILOSOPHIQUES FORT INTÉRESSANTS POUR LA DÉFINITION DE LA GUERRE EN TANT QUE CONCEPT POLITIQUE.

    EN EFFET, COMPOSÉ EN TREIZE ARTICLES, CE LIVRE PORTE SUR L'INTELLIGENCE STRATÉGIQUE DANS L'UTILISATION LA PLUS RATIONNELLE ET LA PLUS ÉCONOME DES TROUPES LORS D'UN COMBAT. LE LIVRE SE FONDE SUR UNE HYPOTHÈSE PHILOSOPHIQUE BIEN RÉSUMÉE PAR LE PREMIER ARTICLE EN CES TERMES : « SUN TZU DIT : LA GUERRE EST D'UNE IMPORTANCE VITALE POUR L'ETAT. C'EST LE DOMAINE DE LA VIE ET DE LA MORT : LA CONSERVATION OU LA PERTE DE L'EMPIRE EN DÉPENDENT ; IL EST IMPÉRIEUX DE LE BIEN RÉGLER. NE PAS FAIRE DES RÉFLEXIONS SUR CE QUI LE CONCERNE, C'EST FAIRE PREUVE D'UNE COUPABLE INDIFFÉRENCE POUR LA CONSERVATION OU LA PERTE DE CE QU'ON A DE PLUS CHER, ET CE QU'ON NE DOIT PAS TROUVER PARMI NOUS ».

    CET EXTRAIT DU PREMIER ARTICLE NOUS REND PARFAITEMENT TOUT LE CONTENU PHILOSOPHIQUE, ANTHROPOLOGIQUE ET POLITIQUE DE LA GUERRE CHEZ SUN TZU. LA GUERRE APPARAÎT, NON SEULEMENT COMME UNE RÉALITÉ INTRINSÈQUE À LA VIE DES HOMMES ET PAR CONSÉQUENT INÉVITABLE DANS L'ORDRE POLITIQUE, MAIS AUSSI COMME LA CONDITION DE LA CONSERVATION ET DE LA PERTE DE L'EMPIRE. IL S'EN SUIT QUE FAIRE MÉTIER DE GUERRIER OU DE PENSEUR DE LA GUERRE EST L'EXPRESSION D'UN DEVOIR DE LA CITOYENNETÉ.

    DONC, LA GUERRE EST POUR SUN TZU LA GRANDE AFFAIRE DE L'ETAT ET DU POLITIQUE.

    CURIEUSEMENT, NOUS RETROUVERONS EXACTEMENT CETTE PENSÉE DE SUN TZU DANS LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL. CETTE SIMILITUDE POURRAIT S'EXPLIQUER PAR UNE SIMPLE COÏNCIDENCE. MAIS BIEN PLUS, PAR LA CONTEXUALISATION HISTORIQUE DE LA PHILOSOPHIE DE MACHIAVEL. EN EFFET, MACHIAVEL EST L'HOMME DE LA RENAISSANCE OCCIDENTALE. CETTE PÉRIODE EST CARACTÉRISÉE PAR UN RÉVEIL SCIENTIFIQUE EXTRAORDINAIRE RENDU TEL PAR UN RECOURS AVIDE AUX TEXTES ANCIENS, NON SEULEMENT DE L'OCCIDENT MAIS AUSSI D'AUTRES COINS DU MONDE GRÂCE AUX EXPLORATEURS. DANS LA MESURE OÙ CETTE HYPOTHÈSE EST ACCEPTABLE, L'ART DE LA GUERRE DE MACHIAVEL SERAIT AINSI UNE REPRISE THÉORIQUE, NON SEULEMENT DU TITRE DE L'OUVRAGE DE SUN TZU, MAIS AUSSI DE SON CONTENU POUR L'APPLIQUER À L'ITALIE DE SON TEMPS. TOUTEFOIS, IL RESTE TOUT DE MÊME CURIEUX QUE NULLE PART, L'ART DE LA GUERRE DE MACHIAVEL NE FAIT MENTION NI DE SUN TZU LUI-MÊME, NI DE LA CHINE PHILOSOPHIQUE.

    2. NICOLAS MACHIAVEL

    LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL CONTINUE EXACTEMENT LA PENSÉE DE SUN TZU. POUR MACHIAVEL, EN FAIT, QUICONQUE VEUT FONDER UN ETAT ET LUI DONNER DES LOIS, DOIT SUPPOSER D'AVANCE LES HOMMES MÉCHANTS7(*). ON VOIT BIEN QUE L'ANTHROPOLOGIE DE LA MÉCHANCETÉ ORIGINELLE EST UNE CONDITION A PRIORI DANS LA CHRONOLOGIE THÉORIQUE DE LA FONDATION DE L'ETAT.

    AINSI, LA GUERRE APPARAÎT CHEZ MACHIAVEL COMME UNE CATÉGORIE ESSENTIELLE DE L'ART POLITIQUE. EN CLAIR, LE SENS DE LA GUERRE EN POLITIQUE EST LIÉ AU « DOUTE » SUR LA CAPACITÉ DES HOMMES À FAIRE LE BIEN. LES HOMMES ÉTANT FONDAMENTALEMENT MAUVAIS, ILS NE FONT LE BIEN QUE DE FAÇON INTÉRESSÉE, MAIS DÈS QU'ILS ONT LE CHOIX ET LA LIBERTÉ DE COMMETTRE LE MAL AVEC IMPUNITÉ, ILS S'Y LIVRENT IRRÉMÉDIABLEMENT. OR, LA VOCATION DE L'ETAT ÉTANT DE FONDER L'ORDRE NOUVEAU, LA TRANQUILLITÉ ET LA DISCIPLINE SOCIALE, L'USAGE DE LA FORCE EST NÉCESSAIRE POUR EMPÊCHER DES GUERRES CIVILES À L'INTÉRIEUR, LES INVASIONS À L'EXTÉRIEUR.

    EN EFFET, SELON MACHIAVEL, L'ETAT REPOSE SUR DEUX PILIERS : LES LOIS ET LA FORCE, OR, LÀ OÙ IL N'Y A POINT DE BONNES ARMES, IL NE PEUT Y AVOIR DES BONNES LOIS, ET, AU CONTRAIRE, IL Y A DE BONNES LOIS LÀ OÙ IL Y A DE BONNES ARMES8(*). C'EST DIRE QUE DE CES DEUX PILIERS, LA FORCE EST PRÉPONDÉRANTE CAR ELLE CRÉE LES LOIS. LA RAISON DE CETTE PRÉPONDÉRANCE RÉSIDE DANS LE FAIT QUE LA SOLIDITÉ DE L'ETAT ET SA PÉRENNITÉ NE SONT ASSURÉES QUE SI LE PRINCE N'EST PAS À LA MERCI DES RÉVOLTES INTÉRIEURES ET DES INVASIONS EXTÉRIEURES. L'ART MILITAIRE EST AINSI LA GRANDE AFFAIRE DE L'ETAT ET IL FAUT L'APPRENDRE AUX CITOYENS DÈS LE BAS ÂGE. DU COUP, LA DÉFENSE DE L'ETAT NE DOIT PAS ÊTRE L'oeUVRE DE MERCENAIRES COMME LE FAISAIT L'ITALIE DE SON TEMPS, ELLE EST LA GRANDE AFFAIRE DES CITOYENS. ON PEUT DONC DIRE QUE POUR MACHIAVEL, DANS L'ORDRE POLITIQUE, L'ÉDUCATION LA PLUS IMPORTANTE EST L'ÉDUCATION MILITAIRE ET NON L'ENSEIGNEMENT MORAL ET RELIGIEUX DE LA SCOLASTIQUE.

    LE PRINCE DOIT AINSI APPRENDRE LA GUERRE : « LA GUERRE, LES INSTITUTIONS ET LES RÈGLES QUI LA CONCERNENT SONT LE SEUL OBJET AUQUEL LE PRINCE DOIT DONNER SES PENSÉES ET SON APPLICATION ET DONT IL CONVIENNE DE FAIRE SON MÉTIER »9(*). TOUTE PÉRIODE DE PAIX DOIT ÊTRE UTILISÉE POUR APPRENDRE LA GUERRE ET NON ÊTRE VÉCUE MOLLEMENT COMME SI LES HOMMES ÉTAIENT DEVENUS DES ANGES. QUEL RÉALISME !

    EST-CE DIRE QUE POUR MACHIAVEL LE POUVOIR EST INTIMEMENT LIÉ À LA VIOLENCE ? COMMENT COMPRENDRE LE CONCEPT DE VIOLENCE DANS LA POLITIQUE DE MACHIAVEL ? LES ETATS SONT-ILS FAITS POUR LA GUERRE OU POUR LA PAIX ? QU'ON AILLE COMPRENDRE QUE LA PAIX RESTE UN HORIZON MORAL POUR TOUT ÊTRE RAISONNABLE. LA GUERRE ELLE-MÊME EST MENÉE EN VUE DE GARANTIR OU RAMENER LA PAIX. SELON NOUS, LE BUT DE LA THÉORIE DE MACHIAVEL N'EST PAS D'ENSEIGNER UNE POLITIQUE DE VA-T-EN-GUERRE, MAIS DE PROPOSER DES VOIES EFFICACES, EU ÉGARD AU STATUT ÉMINEMMENT FAILLIBLE DE LA NATURE HUMAINE, POUR FONDER UN ORDRE POLITIQUE NOUVEAU. JEAN HERSCH ESTIME AUSSI QUE LA PENSÉE DE MACHIAVEL EST UNE VÉRITABLE « CRITIQUE DE LA RAISON POLITIQUE » EN RAISON DE LA « CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE » DE KANT QUI EXTRAIT L'EXIGENCE DE LA CATÉGORICITÉ DE L'IMPÉRATIF MORAL PUR, EXCLUANT AINSI LA RÉUSSITE ET L'ABDICATION. POUR MACHIAVEL, EN REVANCHE, LE CRITÈRE DE LA RAISON POLITIQUE, C'EST L'EFFICACITÉ10(*).

    Alexis Philonenko a établi la typologie des guerres chez Machiavel et cette typologie nous parait intéressante pour l'illustration des guerres dans la région de Grand Lacs11(*). EN EFFET, SELON LUI, IL Y A CHEZ MACHIAVEL DEUX SORTES DE GUERRES : LES GUERRES DITES « NATURELLES » ET LES GUERRES DITES « POLITIQUES ».

    LES GUERRES POLITIQUES SONT CELLES QUE LE PRINCE MÈNE DANS DES TERRITOIRES ÉTRANGERS, JUSTE POUR ÉTENDRE LE PRESTIGE DE SON IMPÉRIUM, SANS NÉCESSAIREMENT CHASSER DE LEURS TERRES LES HABITANTS DES ZONES VAINCUES. LES GUERRES NATURELLES, EN REVANCHE, SONT CELLES QUE PEUT ENGAGER UN PEUPLE LORSQUE, MENACÉ PAR L'INSUFFISANCE DES CONDITIONS NATURELLES DE VIE, SE LÈVE TOUT ENTIER ET VA EN QUÊTE DE NOUVELLES TERRES POUR S'Y INSTALLER APRÈS EN AVOIR CHASSÉ LES AUTOCHTONES. SI ON OBSERVE ATTENTIVEMENT LE MOUVEMENT DES MASSES DANS LA RÉGION DE GRANDS LACS AUJOURD'HUI, ON PEUT BIEN SE RENDRE COMPTE DE L'ÉVIDENCE DE CE TYPE DE GUERRES. EN PLUS, LES CARACTÉRISTIQUES QUE MACHIAVEL LEUR ATTRIBUE SONT TRÈS ILLUSTRATIVES.

    EN EFFET, « CES PEUPLADES SORTENT DE LEUR PAYS( ...) CHASSÉS PAR LA FAIM OU PAR LA GUERRE, OU PAR QUELQUES GENRES DE FLÉAU QUI LES ACCABLE ET LES OBLIGE À RECHERCHER DES NOUVELLES DEMEURES(...) QUELQUEFOIS ELLES SONT EN SI GRAND NOMBRE QU'ELLES DÉBORDENT AVEC IMPÉTUOSITÉ SUR LES TERRES ÉTRANGÈRES, MASSACRANT LES HABITANTS, S'EMPARANT DE LEURS BIENS ET ELLES FONDENT UN NOUVEL EMPIRE ET CHANGENT JUSQU'AU NOM DE LEUR PAYS(....)DES PAREILS PEUPLES, CHASSÉS DE LEURS PAYS PAR LA NÉCESSITÉ LA PLUS CRUELLE, PEUVENT ÊTRE INFINIMENT DANGEREUX. SI ON NE LES OPPOSE DES ARMÉES FORMIDABLES, ILS L'EMPORTENT TOUJOURS SUR CEUX QU'ILS VONT ATTAQUER.... »12(*).

    SI ON PENSE AUX MBORORO ET À CERTAINES MOBILITÉS HUMAINES AU RWANDA, BURUNDI ET OUGANDA, ON SE REND COMPTE DE L'ACTUALITÉ DE LA DESCRIPTION MACHIAVÉLIENNE CI-HAUT ÉVOQUÉE. EN FAIT, MÊME SI L'ARGUMENT GÉOPOLITIQUE EST LE PLUS ÉVOQUÉ POUR EXPLIQUER LA GUERRE DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS, IL Y A LIEU DE POSER PAR HYPOTHÈSE QUE L'ASPECT GÉOPOLITIQUE NE FAIT QUE RÉCUPÉRER UNE SITUATION SOCIOLOGIQUE ET NATURELLE BIEN ÉVIDENTE. CETTE SITUATION S'EXPRIME EN TERMES DE DYNAMIQUE DÉMOGRAPHIQUE, D'EXIGUÏTÉ DU TERRITOIRE ET D'INSUFFISANCE DES OPPORTUNITÉS NATURELLES POUR CERTAINS PAYS DE LA RÉGION D'UNE PART, ET D'AUTRE PART EN TERMES DE SCANDALE GÉOLOGIQUE ET D'ESPACE TERRITORIAL GRANDEMENT NON ENCORE MIS EN VALEUR. IL NE S'AGIT DONC PAS DE JUSTIFIER MORALEMENT CES INVASIONS ÉTRANGÈRES MAIS D'ESSAYER DE LES COMPRENDRE POUR DÉBOUCHER SUR L'HYPOTHÈSE QUE C'EST DANS UN ESPACE POLITIQUE DE CONCILIATION D'INTÉRÊTS, DE COOPÉRATION MUTUELLE ET SURTOUT D'INTERCOMPRÉHENSION QU'ON PEUT MAÎTRISER LA DYNAMIQUE DE LA CONFLICTUALITÉ DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS.

    TELLE EST LA PENSÉE DE MACHIAVEL SUR LA GUERRE. VOYONS-EN LES PROLONGEMENTS CHEZ THOMAS HOBBES.

    3. THOMAS HOBBES

    LE THÈME DE LA GUERRE POSSÈDE UNE VALEUR PARADIGMATIQUE DANS TOUTE LA PHILOSOPHIE CONTRACTUALISTE. SON CONTENU CONCEPTUEL EST LIÉ NON SEULEMENT À L'ANTHROPOLOGIE MAIS AUSSI À LA CHRONOLOGIE THÉMATIQUE DANS LA THÉORISATION DE L'ETAT. VOICI COMMENT HOBBES CIRCONSCRIT SA PENSÉE DE LA GUERRE : « SI DEUX HOMMES DÉSIRENT UNE MÊME CHOSE QUE TOUS PEUVENT AVOIR, ILS DEVIENNENT DONC ENNEMIS, ET EN POURSUIVANT LEUR BUT (QUI EST DANS LA PLUPART DES CAS LA CONSERVATION PROPRE ET QUELQUEFOIS SEULEMENT LE PLAISIR), ILS S'EFFORCENT DE SE DÉTRUIRE MUTUELLEMENT OU DE SE SUBJUGUER L'UN L'AUTRE13(*). TELLE EST LA THÈSE, MAIS IL FAUT L'EXPLIQUER. NOUS ALLONS NOUS FONDER SUR TROIS AUTEURS.

    Selon Raymond Polin14(*), LA FORMULE PAR LA QUELLE ON PEUT BIEN RÉSUMER LA PENSÉE DE HOBBES EST LA SUIVANTE : L'HOMME EST UN LOUP POUR L'HOMME. MAIS UNE TELLE FORMULE, DU RESTE ISSUE DE CATON LE CENSEUR, EXPRIME LE TRAIT LE PLUS PROFOND DE LA PHILOSOPHIE DE HOBBES : C'EST UNE PHILOSOPHIE DE L'HOMME ET UNE PHILOSOPHIE DE L'HOMME MÉCHANT. C'EST DIRE QUE POUR HOBBES, L'HOMME EST FONCIÈREMENT MÉCHANT, IL EST UN ÊTRE-POUR - LA GUERRE. LES HOMMES SE DÉFINISSENT, DANS L'ÉTAT PRÉ-POLITIQUE, PAR DES APPÉTITS ÉGOÏSTES. DE CE FAIT, ILS NE SONT RIEN QU'UN AGRÉGAT D'INDIVIDUS MUS PAR LES PASSIONS ET LES INSTINCTS DE CONSERVATION. C'EST POURQUOI, DANS L'ÉTAT POST POLITIQUE, LE SALUT PUBLIC EST CONDITIONNÉ PAR L'ABDICATION DE TOUS À L'AUTORITÉ DU LÉVIATHAN15(*).

    En suite Gaétan Démulier16(*) EXPLIQUE DAVANTAGE LA THÈSE DE HOBBES EN SE FONDANT SUR LA NOTION D'ETAT DE NATURE. IL PENSE QUE L'ÉTAT DE NATURE N'EST PAS UN MOMENT HISTORIQUE, MAIS LE RÉSULTAT D'UNE HYPOTHÈSE SOUSTRACTIVE : IL S'AGIT DE PEINDRE CE QUE SERAIT LA CONDITION DES HOMMES SI L'ON ÔTAIT TOUTE INSTANCE POLITIQUE ET JURIDIQUE. CE QUE HOBBES VOULAIT DÉMONTRER C'EST, D'UNE PART UNE CONSTRUCTION THÉORIQUE, POUR POUVOIR RECONSTITUER LES MOTIFS QUI PRÉSIDENT À L'INSTITUTION DES SOCIÉTÉS POLITIQUES. D'AUTRE PART, FONDER THÉORIQUEMENT LA FINALITÉ DU POLITIQUE À SAVOIR L'ORDRE ET LA PAIX.

    EN EFFET, CET AUTEUR EXPLIQUE LA PENSÉE DE HOBBES À PARTIR DE SES PRÉSUPPOSÉS PHYSICO-MATHÉMATIQUES (LA MÉCANIQUE DU MOUVEMENT). POUR LE MÉCANISME HOBBESIEN, L'HOMME, COMME TOUTE RÉALITÉ NATURELLE SE COMPREND COMME UN CORPS EN MOUVEMENT. ET LE PRINCIPE DE CE MOUVEMENT EST LE DÉSIR. CE DÉSIR EST DÛ AU SENTIMENT DE PLAISIR ET DE PEINE QUI RÉSULTE DU CONTACT PHYSIQUE AVEC LES AUTRES CORPS. CELA A POUR CONSÉQUENCE LE MOUVEMENT DE RAPPROCHEMENT OU DE RÉPULSION D'AUTRES OBJETS. OR, LE DÉSIR HUMAIN SE CARACTÉRISE PAR CECI QU'IL EST ILLIMITÉ. DE LÀ DÉCOULE QUE LES HOMMES N'ÉTANT SOUMIS À AUCUNE LOI, NE PEUVENT QUE MENER L'EXISTENCE DANS UN CHAOS UNIVERSEL. DANS CET ÉTAT, IL FAUT UNE FORCE SUPÉRIEURE QUI SAURAIT ARRÊTER LE DÉCHAÎNEMENT DES FORCES NATURELLES DES HOMMES EN PROIE À LEURS DÉSIRS.

    EN PLUS, GAÉTAN DÉMULIER ESTIME QUE LA GUERRE CHEZ HOBBES RÉSULTE DE LA CONJONCTION DE DEUX PASSIONS QUI METTENT L'HOMME EN MOUVEMENT : LE DÉSIR DE PUISSANCE ET LA PEUR DE LA MORT VIOLENTE. LA PREMIÈRE PASSION PEUT SE CONCEVOIR SOIT COMME LA CONVOITISE INFINIE DES BIENS SOIT DU DÉSIR DE GLOIRE OU DE RECONNAISSANCE. OR, LA NATURE DU DÉSIR C'EST L'INSATISFACTION. L'HOMME EST AINSI À, CHAQUE INSTANT, EN TRAIN DE RECHERCHER UN AGRÉMENT ABSENT MAIS TOUJOURS ESPÉRÉ. LA VIE HUMAINE SUR TERRE SE PRÉSENTE COMME UN SPECTACLE QUI CONSISTE EN UN MOUVEMENT QUI PASSE SANS CESSE DE LA PRÉSENCE D'UN BIEN À L'ACQUISITION D'UN AUTRE EN CE SENS, LE DÉSIR N'EST PAS UN PRÉTEXTE D'UNITÉ MAIS UN MOTIF PUISSANT DE DISSOCIATION.

    EN OUTRE, LA MÉCHANCETÉ EST ENCORE PLUS DANGEREUSE LORSQU'ELLE PREND LA FORME DE L'HONNEUR SUBJECTIF. CHACUN SE FAIT UNE TRÈS HAUTE OPINION DE SOI-MÊME ET S'ACCORDE UNE VALEUR PLUS ÉLEVÉE QUE SES SEMBLABLES. OR, IL VA DE SOI QUE CE DÉSIR DE SUPÉRIORITÉ RESTE VIDE DE CONTENU JUSQU'À SA VALIDATION PAR AUTRUI.

    SELON DÉMULIER, LA VANITÉ DE CE DÉSIR D'HONNEUR GUETTE DANS LE REGARD D'AUTRUI TOUT SIGNE LUI INDIQUANT QU'ELLE NE REÇOIT PAS L'HONNEUR AUQUEL ELLE ASPIRE. D'OÙ LE RECOURS À LA FORCE POUR ARRACHER L'ADMIRATION DE SES SEMBLABLES. LA GUERRE EST ICI SITUÉE AU NIVEAU DE CE QUE ROUSSEAU APPELLERA « LA FUREUR DE SE DISTINGUER » ET QU'IL DÉFINIT DE LA MANIÈRE SUIVANTE : « JE MONTRERAIS QUE C'EST À CETTE ARDEUR DE FAIRE PARLER DE SOI , À CETTE FUREUR DE SE DISTINGUER QUI NOUS TIENT TOUJOURS PRESQUE HORS DE NOUS-MÊME , QUE NOUS DEVONS CE QU'IL Y A DE MEILLEUR ET DE PIRE PARMI LES HOMMES , NOS VERTUS ET NOS VICES , NOS SCIENCES ET NOS ERREURS , NOS CONQUERANTS ET NOS PHILOSOPHES , C'EST-À-DIRE UNE MULTITUDE DE MAUVAISES CHOSES SUR UN PETIT NOMBRE DES BONNES »17(*). TOUTEFOIS, CETTE FUREUR DE SE DISTINGUER N'EXISTE PAS DANS LA NATURE DE L'HOMME, ELLE EST LE RÉSULTAT DU CONDITIONNEMENT SOCIAL, SELON ROUSSEAU.

    EN CONSÉQUENCE DE CETTE SITUATION, CHAQUE INDIVIDU ENVISAGE PRÉVENTIVEMENT L'AUTRE COMME UN ENNEMI ÉVENTUEL DE SA PROPRE MAINTENANCE DANS L'EXISTENCE, LA PEUR IMAGINAIRE S'INSTALLE ET LA GUERRE PEUT, NON SEULEMENT NAÎTRE, MAIS SURTOUT DURER, AUSSI LONGTEMPS QUE CETTE PEUR PERSISTE.

    NOTRE TROISIÈME AUTEUR, C'EST BABACAR NDIAYE18(*). L'ANALYSE DE CET AUTEUR S'INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE COMPARATIVE DE LA NOTION DE GUERRE CHEZ HOBBES ET ROUSSEAU. SON OBJECTIF EST DE MONTRER, D'UNE PART QUE HOBBES A SUBI INJUSTEMENT DE L'INCOMPRÉHENSION DANS LA PENSÉE DE ROUSSEAU, ET D'AUTRE PART QUE LE CONCEPT DE LA GUERRE POSSÈDE UNE VALEUR PARADIGMATIQUE DANS LA THÉORISATION DE LA PENSÉE POLITIQUE MODERNE.

    EN EFFET, POUR LUI, LA CONCEPTION ROUSSEAUISTE DE LA GUERRE EST UNE « THÉORIQUE DE L'ANTITHÈSE » VIS-À-VIS DE LA PENSÉE DE HOBBES. CETTE CRITIQUE SE PRÉSENTE SOUS DEUX FORMES : POSITIVE ET NÉGATIVE. DANS SA FORME NÉGATIVE, ROUSSEAU RÉCUSE LA NOTION DE GUERRE CHEZ HOBBES PARCE QU'EN POSANT A PRIORI LA SITUATION DES INDIVIDUS COMME CONFLICTUELLE, HOBBES SERAIT LE PRÉDICATEUR ATTITRÉ DU PESSIMISME ANTHROPOLOGIQUE. DANS SA FORME POSITIVE, LA CRITIQUE ROUSSEAUISTE NE RÉCUSE PAS, ELLE CIRCONSCRIT ET RECONSTRUIT. EN FAIT, POUR ROUSSEAU, LA GUERRE NAÎT DE L'ÉTAT SOCIAL19(*).

    CET AUTEUR ESTIME TOUTEFOIS QUE ROUSSEAU GROSSIT ET ''DÉFORME '' LE CONCEPT HOBBESIEN DE LA GUERRE EN Y RATTACHANT '' LES IMAGES LES PLUS DÉPLACÉES ET LES PLUS VIOLENTES''. LA DÉFINITION HOBBESIENNE DE LA GUERRE NE RENTRE PAS DANS LA LIGNE DE COMPTE DES CONTRE-ARGUMENTS DE ROUSSEAU ; ELLE CONCERNE PLUTÔT LES INDIVIDUS DONT LES DÉSIRS SE HEURTENT ET S'OPPOSENT. CE NE SONT PAS DES ETATS CONSTITUÉS QUI S'AFFRONTENT. LA GUERRE EST FONDÉE SUR LES DÉSIRS DE CONSERVATION QUI, AVANT TOUT LIEN SOCIAL FONDÉ SUR LE DROIT, EST UN DROIT NATUREL À FAIRE VALOIR À TOUT PRIX; LA GUERRE RELÈVE AINSI DE LA ''JUS NATURALE''. OR CE DROIT NATUREL EST UN POUVOIR DONNÉ À CHAQUE INDIVIDU DANS LA RECHERCHE DE SON BIEN-ÊTRE. CE DROIT APPARTIENT À TOUS ET EST IDENTIQUE À TOUS. IL EST À L'ORIGINE D'UNE SORTE D'ÉGALITÉ NATURELLE DES HOMMES QUI MET EN JEU, DANS UN ESPACE DE CONCURRENCE LÉGITIME, UN CONTRASTE PERMANENT D'INTÉRÊTS QUI ENGENDRE LA GUERRE. POUR LUI, HOBBES NE DÉVELOPPE PAS UN PESSIMISME ANTHROPOLOGIQUE COMME LE PENSE ROUSSEAU À SON ÉGARD.

    Nous pensons que ce qui importe pour la pensée politique actuelle, c'est de considérer le réalisme avec lequel ce penseur de la modernité occidentale avait perçu la chose politique à la suite de Machiavel et d'en tirer les conséquences pratiques efficaces. Cependant, et c'est là notre critique, interpréter toutes les relations humaines par des présupposés de la physique du mouvement des corps c'est oublier quelque chose qui entre aussi dans la définition de l'homme : la moralité et la spiritualité .Dire que l'homme n'est que désir, c'est décréter qu'aucun désintéressement n'est humain.

    LES HOMMES NE SONT PAS SEULEMENT UN AGRÉGAT D'INDIVIDUS EN QUÊTE DE CONSERVATION, ILS SONT BIEN PLUS UNE TRANSCENDANCE, DES ESPRITS INCARNÉS, ILS ONT LA PENSÉE DE L'ÉTERNITÉ, ILS ACCEPTENT PARFOIS LA MORT AU NOM D'UN BIEN PLUS SUPÉRIEUR À LA SIMPLE CONSERVATION DE SOI. CET ASPECT N'A PAS ÉTÉ PRIS EN COMPTE PAR HOBBES ET SES HÉRITIERS. DANS LE CHAPITRE SUIVANT, NOUS VOYONS COMMENT ROUSSEAU PART DES LIMITES DE HOBBES ET MACHIAVEL POUR « INNOCENTER » L'HOMME ET RECONSTRUIRE LE POLITIQUE ENFERMÉ DANS L'IDÉE DE FORCE. ROUSSEAU DÉFINIRA LA GUERRE À PARTIR DES PRÉSUPPOSÉS SOCIOLOGIQUES.

    CHAPITRE II

    L'ANTHROPOLOGIE DE LA BONTE ORIGINELLE OU LA GUERRE COMME CATEGORIE ACCIDENTELLE DU POLITIQUE

    CE CHAPITRE SE PROPOSE DE LIRE ROUSSEAU ET KANT POUR DÉGAGER L'IDÉE QUE LA GUERRE N'A AUCUN FONDEMENT DANS L'HOMME EN TANT QU'HOMME. ELLE EST, D'UNE PART, LE RÉSULTAT ALÉATOIRE DE L'HISTOIRE POLITIQUE ; ET D'AUTRE PART UN ÉTAT DE FACTO SANS SUBSTANCE MORALE. NOUS COMMENÇONS PAR L'ARGUMENTATION DE ROUSSEAU ET NOUS TERMINERONS PAR LA SOLUTION KANTIENNE.

    2.1 ROUSSEAU ET LA CRITIQUE DE L'HISTOIRE POLITIQUE20(*)

    2.1.1 Guerre et état de nature

    Le thème de la guerre dans la philosophie contractualiste répond à un vaste programme théorique dont l'état de nature est une notion essentielle. Rousseau développe sa thèse sur la guerre grâce à une « rhétorique de l'antithèse » au sein d'une critique contre ses adversaires philosophiques. Sa méthode, affirme Karma Nabulsi, consiste à définir sa théorie de la guerre comme une réponse directe aux insuffisances et aux défauts de ses adversaires philosophiques.21(*) Or, nous avons vu que la guerre était, si pas naturelle à l'homme, chez Hobbes, mais du moins, permanente dans l'état de nature, c'est-à-dire dans une situation pré-politique d'absence totale de l'Etat. La compréhension rousseauiste de cette pensée de Hobbes consiste à considérer la guerre comme une catégorie substantielle de la nature humaine, ce qui est, du moins pour Rousseau, absurde car l'état de nature, loin d'être une situation de trouble, est le lieu de la paix, du calme des passions et de l'ignorance du vice.

    De ce qui précède, il devient clair que le problème de la guerre est moins celui de la nature humaine en tant que telle que celui des conditionnements sociaux et de la gouvernance politique.

    Voici comment Rousseau argumente en faveur de cette hypothèse : « mettons un moment ces idées en opposition avec l'horrible système de Hobbes, et nous trouverons, tout au rebours de son absurde doctrine, que bien loin que l'état de guerre soit naturel à l'homme, la guerre est née de la paix, ou du moins des précautions que les hommes ont prises pour s'assurer une paix durable »22(*). Et encore : « si cette inimitié mutuelle et destructrice était liée à notre constitution, elle se ferait donc sentir encore et nous repousserait malgré nous, à travers toutes les chaînes sociales. L'affreuse haine de l'humanité rongerait le coeur de l'homme. Il s'affligerait à la naissance de ses propres enfants. Il se réjouirait à la mort de se frères, et lorsqu'il trouverait quelqu'un endormi son premier mouvement serait de le tuer.23(*)

    On voit apparaître la nécessité de préciser le statut réel du concept d'état de nature. Et Rousseau précise : « commençons par écarter les faits, car ils ne touchent point à la question. Il ne faut pas prendre les recherches dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels plus propres à éclaircir la nature des choses qu'à en montrer la véritable origine, et semblables à ce que font tous les jours nos physiciens sur la formation du monde ».24(*) En d'autres termes, toute la pensée de Rousseau se construit sur le modèle mathématique par la méthode hypothético-déductive25(*).

    Selon Boudon et Bourricaud, ce procédé hypothético-déductif est l'un des héritages essentiels de Rousseau dans la pensée de Kant. En effet, Rousseau utilise la méthode des modèles, c'est-à-dire des constructions à dessein simplifiées, idéalisées et partant irréalistes au point que Kant l'admirait et le considérait comme le Newton de la théorie politique26(*).

    Pierre Burgelin explicite cet aspect normatif de la pensée de Rousseau en ces termes : « A sa manière, il reprend des problèmes autrefois soulevés par Hobbes, par les théoriciens du droit naturel, Grotius, Pufendorf, Barbeyrac. Mais ces auteurs, juge Rousseau, sont plus soucieux de justifier ce qui est, de partir des « faits » que de chercher ce qui doit être.27(*)

    En situant dans l'histoire politique l'origine de la guerre, Rousseau poursuit deux objectifs, l'un moral et l'autre pratique. Dans l'ordre moral, Rousseau déculpabilise l'homme tout en le mettant devant ses responsabilités historiques. Dans l'ordre pratique, Rousseau cherche à discréditer l'ordre politique existant de fait pour inciter ses concitoyens à faire table-rase pour instaurer les conditions de légitimité du pouvoir politique et de redécollage historique de la société. Il s'agit là d'un ascendant idéologique de la révolution française. En fait, il appartient à tout peuple, libre par nature, de s'arrêter dans le cours du temps et de s'interroger sur le sens de son être au monde en inventant les moyens théoriques et pratiques d'une réorientation positive de son histoire. Tel est le sens de la logique révolutionnaire de Rousseau. N'est-ce pas une interpellation pour les pays africains ? Rousseau argumente en faveur de cette hypothèse en prenant deux principales cibles : les sciences et les arts et la politique.

    2.1.2 Rousseau et la critique des sciences et des arts

    En 1749, l'Académie de Dijon organise un concours autour du thème : « Si le développement des sciences et des arts a contribué ou non à épurer les moeurs ». La réponse de Rousseau est que le développement de la culture a corrompu les moeurs. Autrement dit, selon Rousseau, le prétendu progrès de la rationalité dont se flatte l'Europe du 18ème siècle est justement l'expression de la régression du genre humain et de sa dégénérescence morale. Voici comment il s'exprime à ce sujet : « certainement, où il n'y a nul effet, il n'y a point de cause à chercher : mais ici l'effet est certain, la dépravation réelle et nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection ».28(*)

    Cette position de Rousseau à Dijon était curieuse et extraordinaire dans un 18ème siècle européen fortement marqué par l'idée de progrès et par la foi totale dans le pouvoir de la raison. Une telle remise en question de l'esprit des Lumières était un véritable « péché » à l'endroit de l'idéologie du siècle, comme le témoignent les commentaires suivants.

    En effet, selon Pierre Burgelin, si Rousseau est bien l'héritier de son siècle, il en retrouve l'héritage par des voies paradoxales, il part d'un jugement sur son temps, et ce jugement n'est pas favorable.29(*) CHRISTIAN DESTAIN PRÉCISE AUSSI QUE, JUSTIFIER LE FAIT QUE LES SCIENCES ET LES ARTS ÉPURENT LES MoeURS, DANS CE SIÈCLE DES LUMIÈRES, EST L'ENFANCE DE L'ART.

    JUSTIFIER L'INVERSE EST AUTREMENT PLUS DIFFICILE30(*). COMME ON PEUT BIEN LE CONSTATER, LA QUESTION DE DIJON ET SA RÉPONSE DEVRAIENT DÉBOUCHER SUR UNE RÉFLEXION AUTOUR DES RAPPORTS ENTRE LA RATIONALITÉ ET LA MORALITÉ, LA TÊTE ET LE CoeUR. ROUSSEAU SEMBLE ÉTABLIR UN LIEN DE CAUSALITÉ NÉCESSAIRE ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DE LA RATIONALITÉ ET LA DÉTÉRIORATION EN SENS INVERSE DE LA MORALITÉ. COMME SI, PLUS ON EST RATIONNEL, PLUS ON PERD LA SENSIBILITÉ AUX CATÉGORIES MORALES. VOICI COMMENT IL ARGUMENTE : « ...L'ÉLÉVATION ET L'ABAISSEMENT JOURNALIERS DES EAUX DE L'OCÉAN N'ONT PAS ÉTÉ RÉGULIÈREMENT ASSUJETTIS AU COURS DE L'ASTRE QUI NOUS ÉCLAIRE LA NUIT, QUE LE SORT DES MoeURS ET DE LA PROBITÉ AU PROGRÈS DES SCIENCES ET DES ARTS.

    ON A VU LA VERTU S'ENFUIR À MESURE QUE LEUR LUMIÈRE S'ÉLEVAIT SUR NOTRE HORIZON, ET LE MÊME PHÉNOMÈNE S'EST OBSERVÉE DANS TOUS LES TEMS ET DANS TOUS LIEUX ».31(*) ON VOIT BIEN QU'IL ÉVOQUE UNE CAUSALITÉ HISTORIQUE. CE QUI EST JUSTIFIÉ PAR L'ÉVOCATION DE L'HISTOIRE DES GRANDS EMPIRES ANTIQUES COMME ROME, EGYPTE, MÉSOPOTAMIE...EN RÉALITÉ, SELON ROUSSEAU, L'OCCIDENT DU 18ÈME SIÈCLE AURAIT DÉVELOPPÉ SEULEMENT LE PÔLE RATIONNEL DE L'HUMANITÉ ET AURAIT NÉGLIGÉ LE PÔLE MORAL.

    AUTREMENT DIT, ROUSSEAU AURAIT EXPLOITÉ PERTINEMMENT BLAISE PASCAL QUI, POUR LA PREMIÈRE FOIS DANS L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE OCCIDENTALE MODERNE, RÉALISE EN TERMES TRANCHÉS LA DIFFÉRENCE ENTRE LA RAISON ET LE CoeUR. BIEN PLUS, LES CRITIQUES CONTEMPORAINES DE LA RAISON, TELLES QU'ON LES RETROUVE CHEZ BERGSON, HUSSERL, LEVINAS...PROLONGENT LA NOTION PASCALIENNE DE « CoeUR ». CURIEUSEMENT, CEUX QUI S'INTÉRESSENT À LA PHILOSOPHIE NÉGRO-AFRICAINE TRADITIONNELLE SAVENT QUE TOUTE L'EXPÉRIENCE HUMAINE SE CONSTRUIT AUTOUR DE LA NOTION DU « CoeUR » AVEC TOUT CE QU'ELLE A DES TERMES CONNEXES (ÉMOTIONS, INTUITION, SENSATIONS...). DU COUP ON VOIT APPARAÎTRE LE DÉBAT SUSCITÉ PAR SENGHOR DANS SON « ANTHROPOLOGIE DIFFÉRENTIELLE ».

    L'ÉMOTION EST-ELLE LA CARACTÉRISTIQUE DIFFÉRENTIELLE DU NÈGRE ? CERTAINS RÉPONDRAIENT PAR LA NÉGATIVE CRAIGNANT QUE LA RÉPONSE POSITIVE DONNE RAISON À CEUX QUI DÉNIENT TOUTE RATIONALITÉ AU NÈGRE. POUR NOTRE PART, NOUS CROYONS QUE RAISON ET CoeUR CARACTÉRISENT L'HOMME. MAIS L'EXPÉRIENCE PARTICULIÈRE DE CHAQUE CIVILISATION DÉVELOPPE MAXIMALEMENT L'UNE OU L'AUTRE.

    L'AFRIQUE NOIRE NOUS PARAIT AVOIR CONSERVÉ CET ASPECT DE L'HUMANITÉ DANS SON EXPÉRIENCE CONCRÈTE AVEC PLUS DE JUSTESSE. TOUT INTELLECTUEL AVISÉ SAIT QUE LA RATIONALITÉ OCCIDENTALE, DANS SON ASPECT INSTRUMENTAL, EST LA CAUSE DES DIFFÉRENTES CRISES DONT SOUFFRE LE MONDE ACTUEL, DE LA CRISE D'HOMME AUX CRISES ÉCONOMIQUE, ENVIRONNEMENTALE, FINANCIÈRE, POLITIQUE...LE SALUT DE L'HUMANITÉ PROVIENDRA PEUT-ÊTRE DE L'AFRIQUE. D'OÙ L'IMPORTANCE DE PRODUIRE UNE SCIENCE AFRICAINE SANS COMPLAISANCE ET FONDÉE SUR DES PARADIGMES DE SUBSTITUTION.

    EN EFFET, ROUSSEAU SEMBLE S'OPPOSER AU CULTE DE LA RAISON. SA PHILOSOPHIE MORALE REPOSE SUR DES NOTIONS COMME LA PITIÉ, LA VERTU, LA GÉNÉROSITÉ, LA SYMPATHIE, L'INNOCENCE, LA COMMUNION...A BIEN VOIR, TOUTES CES NOTIONS RELÈVENT DE LA MORALITÉ HUMAINE QUE DE LA PURE RATIONALITÉ INSTRUMENTALE. TOUTEFOIS, NOUS SAVONS QUE LES RAPPORTS ENTRE LA SCIENCE ET LA MORALE DOIVENT NE PAS S'ENTENDRE EN TERMES DE DISJONCTIONS EXCLUSIVE, MAIS EN TERMES DE DISJONCTION INCLUSIVE. C'EST CE QUE FAIT L'ÉTHIQUE DE NOTRE TEMPS QUI A POUR OBJET LA LIMITATION DES DIVERS EXCÈS DE LA RATIONALITÉ INSTRUMENTALE DANS DIVERS CHAMPS DE L'EXPÉRIENCE : MÉDECINE, ENVIRONNEMENT, POLITIQUE, ÉCONOMIE, ETC. TOUT LE TRAVAIL EST DE RELATIVISER L'IMPERIUM DE LA RAISON EN LUI RÉSERVANT UN DOMAINE D'EXPÉRIMENTATION HUMAINEMENT ACCEPTABLE. VOILÀ TOUT LE SENS DES TITRES COMME :

    V LA RESPONSABILITÉ (H. JONAS) ;

    V L'ÉTHIQUE DANS L'UNIVERS DE LA RATIONALITÉ (J. LADRIERE) ;

    V LA BONNE GOUVERNANCE POLITIQUE ÉTHIQUE (NGOMA BINDA).

    TOUT LE CREDO EST QUE SEULE UNE COLLABORATION FÉCONDE ENTRE LA RATIONALITÉ ET LA MORALITÉ PEUT FAIRE ÉMERGER PROGRESSIVEMENT UN MONDE PLUS HUMAIN, ÉPRIS DE PAIX ET DE LA JOIE D'EXISTER POUR TOUS. CE QUE NOUS APPELONS MORALITÉ C'EST CE SENS DE TRANSCENDANCE HUMAINE PAR LAQUELLE LA DIGNITÉ DE L'HOMME EST LE PRINCIPE SUPRÊME DE L'AGIR. C'EST LÀ LE FONDEMENT DE CE QUE NOUS APPELONS L'HUMANISME POST OCCIDENTAL.

    CETTE HYPOTHÈSE SE RETROUVE AUSSI DANS CERTAINES INTERPRÉTATIONS DE ROUSSEAU. EN FAIT, SELON PHILONENKO, « ON NE PEUT CONCLURE QUE ROUSSEAU ÉCARTE LA RAISON PARCE QU'IL LA JUGE TOTALITAIRE (...) RAISONNONS RAISONNABLEMENT ET NON RATIONNELLEMENT, SEMBLE NOUS DIRE ROUSSEAU »32(*). DANS LE MÊME ORDRE D'IDÉES, IL SIED DE FAIRE REMARQUER QUE L'OCCIDENT EST DIVISÉ CONTRE LUI-MÊME AUJOURD'HUI SUR LA PORTÉE DE LEUR « RATIONALITÉ » SUR L'ÉQUILIBRE DU MONDE. LES PROBLÉMATIQUES ACTUELLES TOUCHANT L'ENVIRONNEMENT ET L'ÉCONOMIE EN SONT DES EXEMPLES ÉLOQUENTS. DU COUP, CERTAINS PENSEURS COURAGEUX EMBOÎTENT LE PAS DE ROUSSEAU. C'EST LE CAS DES TITRES COMME :

    V LE CHOC DU FUTUR (A. TOFFLER) ;

    V LE PRINCIPE RESPONSABILITÉ (A. JONAS) ;

    V L'HOMME DE QUANTITÉ (B. RONZE) ;

    V L'ANTI-OEDIPE (G. DELEUZE ET F. GUITTARI) ;

    V POUR SORTIR DU 20ÈME SIÈCLE (E. MORIN)33(*).

    TOUS CES TITRES, ET BIEN D'AUTRES, RENTRENT DANS LA CRITIQUE DES LIMITES DE LA RATIONALITÉ OCCIDENTALE. MÊME S'IL FAUT ADMETTRE QUE CETTE CRITIQUE N'EST EN FAIT QU'UNE AUTOCRITIQUE PARCE QU'ELLE S'ÉLABORE À L'INTÉRIEUR DE LA DIALECTIQUE HISTORIQUE DE LA CIVILISATION OCCIDENTALE.

    2.1.3. Rousseau et la critique de l'économie politique

    LA CRITIQUE DE LA RATIONALITÉ MODERNE TELLE QU'ENVISAGÉE PAR ROUSSEAU RÉÉVALUE LES DEUX GRANDES SPHÈRES DE LA RAISON : LA SCIENCE ET L'ORGANISATION SOCIALE. LE DISCOURS SUR LES SCIENCES ET LES ARTS PORTE SUR LA PREMIÈRE DIMENSION ET LE DISCOURS SUR L'ORIGINE DE L'INÉGALITÉ PORTE SUR LA SECONDE. L'HYPOTHÈSE GÉNÉRALE DU DISCOURS SUR LES FONDEMENTS ET LES ORIGINES DE L'INÉGALITÉ PARMI LES HOMMES EST LA SUIVANTE : CE SONT LES ALÉAS SOCIAUX DE GOUVERNANCE, DE PRODUCTION QUI ENGENDRE LA GUERRE PARMI LES HOMMES.

    LA CIBLE EST AINSI PRÉCISÉE : LA POLITIQUE ET L'ÉCONOMIE. IL CONVIENT DE RAPPELER QUE CETTE CRITIQUE DE LA MODERNITÉ OCCIDENTALE CORRESPOND À UNE PHASE BIEN CONNUE DU CAPITALISME LIBÉRAL : LA COLONISATION DES SOCIÉTÉS « SAUVAGES » AVEC À LA BASE L'IDÉOLOGIE DE L'INDIVIDUALISME ISSUE DE LA PHILOSOPHIE DU SUJET. VOICI COMMENT ROUSSEAU POSE SA THÈSE : « LE PREMIER QUI TROUVA DES GENS ASSEZ FAIBLES POUR LE CROIRE, FUT LE PREMIER FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ CIVILE. QUE DES CRIMES, DES GUERRES, DES MEURTRES ; QUE DES MISÈRES ET D'HORREURS N'EUT POINT ÉPARGNÉ AU GENRE HUMAIN CELUI QUI, ARRACHANT LE PIEUX OU COMBLANT LE FOSSÉ, EUT CRIÉ À SES SEMBLABLES : « GARDEZ-VOUS D'ÉCOUTER CET IMPOSTEUR. VOUS ÊTES PERDUS SI VOUS OUBLIEZ QUE LES FRUITS SONT À TOUS ET QUE LA TERRE N'EST À PERSONNE »34(*).

    EN EFFET, UNE DOUBLE INTERPRÉTATION PEUT ÊTRE RÉSERVÉE À CETTE THÈSE. LA PREMIÈRE: LES GUERRES SONT LA CONSÉQUENCE LOGIQUE DE L'INSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE. LA DEUXIÈME: L'AVÈNEMENT DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE EST LE MOMENT FORMEL DE L'INSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE. IL S'EN SUIT LOGIQUEMENT QUE L'AVÈNEMENT DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE CORRESPOND AUX GUERRES, AUX CRIMES, À L'IDÉOLOGIE DE LA VIOLENCE. TELLE A ÉTÉ, ME SEMBLE-T-IL, L'IDÉOLOGIE DE L'ESCLAVAGE ET DU COLONIALISME.

    ON VOIT BIEN QUE L'ARGUMENT DE ROUSSEAU S'ÉRIGE CONTRE « LE CAPITAL » COMME MOBILE SUPRÊME DE `' L'ORDONNANCEMENT SOCIAL''. ILS DÉVIENT TOUT AUSSI CLAIR QUE LA CRITIQUE MARXIENNE DU CAPITAL EST UN PROLONGEMENT D'UN PROJET INITIÉ AU 18ÈME SIÈCLE PAR J.J. ROUSSEAU. CHRISTIAN DESTAIN REVIENT SUR CETTE CRITIQUE DE LA BOURGEOISIE DU 18ÈME SIÈCLE EN EUROPE DE LA MANIÈRE SUIVANTE : « CAR, QUOIQU' EN PUISSE PENSER LE SIÈCLE, LE LUXE EST FATAL, ET POUR LES BONNES MoeURS, ET POUR LE DÉROULEMENT DE L'ACTION POLITIQUE : QUE DEVIENT LA VERTU SI LA FIN JUSTIFIE N'IMPORTE QUEL MOYEN ? C'EST À UNE CRITIQUE DE L'ÉCONOMIE DU MARCHÉ QUE SE LIVRE ROUSSEAU EN PRENANT POUR TERME OPPOSÉ LA VALEUR INTRINSÈQUE DE L'HOMME »35(*).

    EN EFFET, SI PRODUIRE, CONSOMMER, COMMERCIALISER, ETC, REPRÉSENTENT LE MOBILE EXCLUSIF DE LA PRAXIS SOCIALE, ALORS IL Y A LIEU DE CRAINDRE QUE LA VALEUR HUMAINE NE SOIT LIMITÉE AU BIOLOGIQUE. OR, JUSTEMENT, LE BIOLOGIQUE EST COMMUN AUX HOMMES ET AUX BÊTES. LE SOUCI DE ROUSSEAU C'EST LA DÉFINITION INTÉGRALE DE L'HOMME, DÉFINITION QUI INTÈGRE À LA FOIS LES VALEURS BIO-PSYCHO-SOCIALES QUE LES VALEURS MORALES ET SPIRITUELLES.

    Désintégrer l'homme en ne privilégiant qu'une dimension possède le risque du réductionnisme anthropologique avec pour conséquence extrême l'instrumentalisation de l'homme au projet de l'économie au lieu qu'il soit la « fin » de celle-ci. On voit bien que Rousseau amorce une véritable remise en question théorique du capitalisme sauvage, source des guerres dans nos pays. Car, pour qui veut le savoir, c'est la culture de l'argent, du gain à tout prix, les commodités de la vie, la croissance quantitative et statistique à tout prix, l'égoïsme politique et économique, qui caractérisent le capitalisme libéral et engendrent les guerres.

    ROUSSEAU DÉCRIT LA SITUATION DE 'HOMME DANS CE CONTEXTE DE LA MANIÈRE SUIVANTE: « INSTRUIT PAR L'EXPÉRIENCE QUE LE BIEN-ÊTRE EST LE SEUL MOBILE DES ACTIONS36(*) HUMAINES, L'HOMME SE TROUVA EN ÉTAT DE DISTINGUER LES OCCASIONS RARES OÙ L'INTÉRÊT COMMUN DEVRAIT LE FAIRE COMPTER SUR L'ASSISTANCE DE SES SEMBLABLES ET CELLES PLUS RARES ENCORE OÙ LA CONCURRENCE DEVAIT LE DÉFIER D'EUX. DANS LE PREMIER CAS, IL S'UNISSAIT AUX AUTRES EN TROUPEAU, OU TOUT AU PLUS PAR QUELQUE AUTRE ASSOCIATION LIBRE QUI N'OBLIGEAIT PERSONNE ET QUI NE DURAIT QU'AUTANT QUE LE BESOIN PASSAGER QUI L'AVAIT FORMÉ. DANS LE SECOND CAS CHACUN CHERCHAIT À PRENDRE SES AVANTAGES SOIT À FORCE OUVERTE, S'IL CROYAIT LE POUVOIR, SOIT PAR SUBTILITÉ OU AUDACE, S'IL SE SENTAIT LE PLUS FAIBLE.37(*)

    CETTE PHRASE DE ROUSSEAU NOUS PLACE AU CoeUR DU SYSTÈME LIBÉRAL OCCIDENTAL. EN VOICI, D'APRÈS NOUS, LES CARACTÉRISTIQUES :

    V LE BIEN-ÊTRE, AU SENS DE LA CONSOMMATION ET DE LA PRODUCTION À TOUT PRIX, EST LE MOBILE SUPRÊME DE LA PRAXIS SOCIALE ;

    V L'INTÉRÊT PRIVÉ POSSÈDE LE POUVOIR ASSOCIATION ET DISSOCIATEUR DES INDIVIDUS ;

    V LA CONCURRENCE PERMANENTE ET INTÉGRALE EST LE MOT DE PASSE DU SYSTÈME ;

    V LE RECOURS À LA FORCE ET À LA SUBTILITÉ POUR ARRACHER, CONSERVER ET GARANTIR LES INTÉRÊTS EST UN PRINCIPE CARDINAL.

    UN TEL SYSTÈME, FONDÉ SUR LA « MÉCANIQUE DES FORCES ET DES MOUVEMENTS INDIVIDUELS » SANS ÉGARD AUX CATÉGORIES MORALES, CONDUIT NÉCESSAIREMENT À LA GUERRE. ROUSSEAU EST CONVAINCU QUE LA PAIX EST FONCTION DU DROIT, OR LA FORCE NE CRÉE PAS LE DROIT ET AUCUN ACTE MORAL NE PEUT PROVENIR DE LA FORCE38(*). UN TEL SYSTÈME EST CYNIQUE PAR ESSENCE, IL EST DÉSHUMANISANT.

    DANS UN TEL CONTEXTE, L'HOMME PERD SA « PITIÉ NATURELLE », DISPOSITION MORALE PAR EXCELLENCE QUI MODÈRE L'AMOUR-PROPRE ET CONCOURT À LA CONSERVATION DE TOUTE L'ESPÈCE39(*).

    CET EXTRAIT DE ROUSSEAU EST ENCORE PLUS ILLUSTRATIF DU CHAOS UNIVERSEL DU SYSTÈME LIBÉRAL : « LES BESOINS SE MULTIPLIENT, ET L'HOMME SE MET EN RAPPORT AVEC LES AUTRES. RICHE, IL A BESOIN DE LEURS SERVICES, PAUVRE, IL A BESOIN DE LEUR SECOURS, CE QUI LE REND FOURBE ET ARTIFICIEUX POUR LES UNS, IMPÉRIEUX ET DURS AVEC LES AUTRES. DE LÀ LES AMBITIONS DÉVORANTES, L'ARDEUR D'ÉLEVER SA FORTUNE RELATIVE, IMPOSE À TOUS LES HOMMES UN NOIR PENCHANT DE SE NUIRE MUTUELLEMENT, UNE JALOUSIE SECRÈTE D'AUTANT PLUS DANGEREUSE QUE, POUR FAIRE SON COUP EN SÛRETÉ, ELLE PREND SOUVENT LA MARQUE DE LA BIENVEILLANCE, EN UN MOT, CONCURRENCE ET RIVALITÉ D'UNE PART, DE L'AUTRE OPPOSITION D'INTÉRÊTS, ET TOUJOURS LE DÉSIR CACHÉ DE FAIRE SON PROFIT AUX DÉPENS DE L'AUTRE.40(*)

    DE L'EXTRAIT, LES MOTS CI-APRÈS RETIENNENT NOTRE ATTENTION: LA JALOUSIE SECRÈTE, LA MARQUE DE LA BIENVEILLANCE, FAIRE LA FORTUNE AUX DÉPENS DE L'AUTRE, CONCURRENCE ET RIVALITÉ, OPPOSITION D'INTÉRÊT. TOUS CES MOTS CARACTÉRISENT BIEN ÉVIDEMMENT LE SYSTÈME «  LIBÉRALISTE » ET SONT SANS DOUTE À LA RACINE DES GUERRES DIVERSES DANS LE MONDE ACTUEL. ON VOIT BIEN QUE LA CRITIQUE ROUSSEAUISTE DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE ANALYSE LES MÉCANISMES DE LA GÉOPOLITIQUE ÉCONOMIQUE DANS LE SYSTÈME « LIBÉRALISTE » ET SITUE LA GUERRE DANS LA LOGIQUE DES CONSÉQUENCES DES RAPPORTS RÉELS ENTRE LES FORTS ET LES FAIBLES.

    DANS CE GENRE DE STRUCTURATION SOCIALE, OÙ TOUT EST DÉTERMINÉ PAR LA NOTION DE PROPORTION DE FORCE COMME CONDITION DE MAINTENANCE EN VIE DANS LE SYSTÈME, MÊME LES ASSOCIATIONS NE SONT QUE DES SEMBLANTS D'UNITÉ AU SERVICE DU PLUS FORT. EN VOICI L'EXEMPLE DANS LA BOUCHE DE ROUSSEAU : « ...UNISSONS-NOUS POUR GARANTIR DE L'OPPRESSION LES FAIBLES, CONTENIR LES AMBITIEUX, ET ASSURER À CHACUN LA POSSESSION DE CE QUI LUI APPARTIENT : INSTITUONS DES RÈGLEMENTS DE JUSTICE ET DE PAIX AUXQUELS TOUS SOIENT OBLIGÉS DE SE CONFORMER, QUI NE FASSENT ACCEPTION DE PERSONNE, ET QUI RÉPARENT EN QUELQUE SORTE LES CAPRICES DE LA FORTUNE, EN SOUMETTANT ÉGALEMENT LE PUISSANT ET LE FAIBLE À DES DEVOIRS MUTUELS.

    EN UN MOT, AU LIEU DE TOURNER NOS FORCES CONTRE NOUS-MÊMES, RASSEMBLONS-LES EN UN POUVOIR SUPRÊME QUI PROTÈGE ET DÉFENDE TOUS LES MEMBRES DE L'ASSOCIATION, QUI NOUS GOUVERNE SELON DES SAGES LOIS, REPOUSSE LES ENNEMIS COMMUNS ET NOUS MAINTIENNE DANS UNE CONCORDE ÉTERNELLE »41(*). UN TEL DISCOURS DU RICHE EST PEUT-ÊTRE CAPTIVANT DANS SA FORMULATION MAIS FORMALISTE ET IRONIQUE DANS SON INTENTION CAR L'OBJECTIF C'EST DE RAPPROCHER DAVANTAGE LES PAUVRES POUR BIEN LES MAÎTRISER À L'INTÉRIEUR MÊME DU SYSTÈME. CETTE REMARQUE EST TRÈS PERTINENTE POUR L'ANALYSE D'UNE CERTAINE MONDIALISATION.

    POUR NOTRE PART, IL Y A URGENCE, POUR ÉVOQUER LE TITRE DU DERNIER OUVRAGE DU PROFESSEUR KÂ MANA, D'UNE RÉÉVALUATION DU SYSTÈME LIBÉRALISTE LUI-MÊME. CE SYSTÈME, ON LE SAIT, EST FONDÉ SUR LA FORCE DU CAPITAL, LA FORCE DE L'ARGENT, LA PUISSANCE DE LA TECHNOLOGIE. L'UTILISATION ABUSIVE DE TOUTES CES NOTIONS AU SEIN DU SYSTÈME CONDUIT À LA VIOLENCE ENTRE LES PERSONNES ET LES ÉTATS. EN RÉALITÉ, NOUS NE PROPOSONS PAS L'ABOLITION DU SYSTÈME, ÇA SERAIT FAIRE MÉTIER D'UTOPISTE, MAIS SA RÉORIENTATION PARTIR D'UN NOUVEAU CONCEPT FONDATEUR : LA RESPONSABILITÉ GRÂCE À UNE « GOUVERNANCE GLOBALE ET INTÉGRATIVE ». C'EST LÀ LA SEULE VOIE DE LUTTE CONTRE UN SYSTÈME DE STRATIFICATION SOCIALE DONT A PARLÉ JURGEN HABERMAS42(*).

    2.2 LA SOLUTION KANTIENNE : DE L'INSOCIABLE SOCIABILITE A LA DISQUALIFICATION MORALE DE LA GUERRE.

    E. KANT,43(*) COMME TOUS LES PENSEURS MODERNES, EXPLIQUE LA GUERRE À PARTIR DES PRÉSUPPOSÉS ANTHROPOLOGIQUES. SA PENSÉE DE LA GUERRE REPOSE SUR LA NOTION D'INSOCIABLE SOCIABILITÉ, NOTION QUI TRADUIT LA STRUCTURE HÉTÉROGÈNE DE L'HOMME. EN EFFET, DANS LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA SIMPLE RAISON, KANT ESTIME QUE L'HOMME EST UN COMPOSÉ TRIARCHIQUE DANS LEQUEL COEXISTENT TROIS DIMENSIONS : LA DIMENSION ANIMALE, LA DIMENSION HUMAINE ET LA DIMENSION PERSONNELLE44(*).

    LA DIMENSION ANIMALE ENGENDRE LES PENCHANTS ANIMAUX DANS LA MESURE OÙ ELLE EST L'AMOUR DE SOI PHYSIQUE, LES PENCHANTS ANIMAUX ENGENDRENT À LEUR TOUR LES VICES DE LA GROSSIÈRETÉ HUMAINE OU LES VICES BESTIAUX : LA LASCIVITÉ, L'INTEMPÉRANCE, L'ANARCHIE SAUVAGE. LA DIMENSION HUMAINE EST L'AMOUR DE SOI PHYSIQUE TEL QU'IL DÉCOULE DU RAPPORT DE SOI AVEC UN « TU » OBJECTIVÉ. ON NE S'ESTIME HEUREUX OU MALHEUREUX QU'EN COMPARAISON AVEC LES AUTRES (DE LÀ L'INCLINATION QUI CONSISTE À SE PROCURER UNE CERTAINE VALEUR DANS L'OPINION D'AUTRUI.

    CETTE DIMENSION ENGENDRE LES `' VICES DE LA CULTURE'' ET LES `'VICES DIABOLIQUES'' DONT PAR EXEMPLE : L'INGRATITUDE, LA JOIE PRISE AU MAL D'AUTRUI. LA DIMENSION PERSONNELLE EST, CONTRAIREMENT AUX DEUX PRÉCÉDENTES, L'APTITUDE À RESSENTIR LE RESPECT POUR LA LOI MORALE COMME MOBILE SUFFISANT EN SOI POUR L'ARBITRE.

    LA PERSONNALITÉ EST JUSTEMENT LA DIMENSION ÉTHIQUE OU MORALE DE L'HOMME, ELLE PARACHÈVE ET PARFAIT L'HUMANITÉ, ELLE EST, DANS LE VOCABULAIRE KANTIEN, L'IDÉE DE L'HUMANITÉ CONSIDÉRÉE DE MANIÈRE TOUTE INTELLECTUELLE. ELLE FONDE ANTHROPOLOGIQUEMENT L'IMPÉRATIF CATÉGORIQUE. C'EST GRÂCE À CETTE DIMENSION QUE L'HOMME SE DÉTACHE DES CAPRICES DE SA GROSSIÈRETÉ POUR SE RAPPROCHER PROGRESSIVEMENT VERS L'IDÉE DE L'HOMME COMME FIN EN SOI ET HORIZON DE LA NATURE. SEULE UNE TELLE PHILOSOPHIE PEUT RECONNAÎTRE, SELOS ANDRÉ STANGUENNEC, UN FONDEMENT AUX DROITS DE L'HOMME.45(*) SEULE UNE TELLE PHILOSOPHIE, PENSONS-NOUS, PEUT RECONNAÎTRE UN FONDEMENT À LA POLITIQUE ÉTHIQUE.

    CE QU'IL FAUT BIEN COMPRENDRE AVEC KANT EST QUE L'HOMME EST AMBIGU, C'EST UN ÊTRE PHÉNOMÈNO-NOUMÉNAL, ET LA GUERRE EST JUSTEMENT L'EXPRESSION DE CETTE FINITUDE-INFINITUDE DE L'HOMME, « FINITUDE D'UNE VOLONTÉ QUI NE PARVIENT PAS À SE RENDRE CE QUE POURTANT ELLE EST SELON SA NATURE ET SA DESTINATION : LIBRE, RAISONNABLE ET INFINIE »46(*). LE SPECTACLE GUERRIER C'EST LE PARADOXE DE LA NATURE HUMAINE : IL VEUT LA PAIX MAIS IL FAIT LA GUERRE ET L'ENTRETIENT. TOUT SE RAMÈNE AU PROBLÈME DE LA LIBERTÉ HUMAINE QUI, EN TANT QU'AUTONOMIE, MET L'HOMME DANS UNE SITUATION INCONFORTABLE : L'HOMME N'EST PAS D'EMBLÉE ÉTABLI DANS L'INDÉPENDANCE ABSOLUE DE LA RAISON, IL Y EST SIMPLEMENT APPELÉ.

    L'HOMME EST CE QUE RICOEUR APPELLERA `' LE VOLONTAIRE-INVOLONTAIRE'', UN ÊTRE DUAL ET CONTRADICTOIRE, MORALEMENT IMPARFAIT ET TOUJOURS SUR LA VOIE DE LA MORALISATION. TELLE EST L'EXPLICATION ANTHROPOLOGIQUE. IL EN RESTE UNE AUTRE : L'EXPLICATION OU LE STATUT MORAL DE LA GUERRE.

    EN EFFET, DANS LA PHILOSOPHIE PRATIQUE DE KANT, LA PAIX EST UNE IDÉE DE LA RAISON, ET LA GUERRE UNE CATÉGORIE DE L'EMPIRIE HUMAINE. DÈS LORS, LA GUERRE EST ANTHROPOLOGIQUEMENT PERMANENTE MAIS MORALEMENT PROVISOIRE. LA GUERRE EST CE QUI EST, TANDIS QUE LA PAIX EST CE QUI DEVRAIT ÊTRE. ON VOIT BIEN QUE LA GUERRE, EN DÉPIT DE SA RÉALITÉ DANS L'EXPÉRIENCE, N'A PAS DE CONSISTANCE MORALE ET PAR CONSÉQUENT NE PEUT ÊTRE MORALEMENT JUSTIFIÉE.

    ELLE PEUT NÉANMOINS ÊTRE EMPIRIQUEMENT CONSTATÉE. NOUS SAVONS QUE SELON ARISTOTE, L'HOMME SE DÉFINIT COMME UN ANIMAL RAISONNABLE. DE CE FAIT, IL EST INVITÉ À COMBATTRE L'ANIMAL EN LUI ET À AJUSTER SA VIE SUR LA VOIX DE LA RAISON. DU COUP, LA RECHERCHE DE LA PAIX DEVIENT LA MANIFESTATION DE LA DISPOSITION MORALE DE L'HUMANITÉ. MAIS UNE TELLE CONCLUSION REPOSE SUR UN FONDEMENT PHILOSOPHIQUE BIEN SÉRIEUX QUI SE DÉCOUVRE DANS LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE DE KANT.

    EN EFFET, IL SEMBLE QUE LA NATURE AIT ORGANISÉ LE PROCESSUS QUI CONDUIT À LA PAIX. TOUT SE DONNE COMME SI, AU-DELÀ DES CONTINGENCES HUMAINES, IL EXISTE DANS L'HOMME UNE VOLONTÉ ÉCLAIRÉE QUI SE PROPOSE D'ORDONNER LE DÉSORDRE DE L'HISTOIRE. C'EST GRÂCE À UNE RÉFLEXION SUR LE SENS DE L'HISTOIRE QUE KANT DÉBOUCHE SUR LA PAIX. POUR LUI, L'HISTOIRE NE SAURAIT ÊTRE LE DÉFERLEMENT IRRATIONNEL DES PASSIONS. ELLE SERAIT ABSURDE, INCOHÉRENTE, DÉRISOIRE, FORFAITAIRE, CHAOTIQUE ET TOTALEMENT LIVRÉE AUX JEUX SANGLANTS DES PASSIONS.

    KANT ESTIME QUE LA GUERRE PEUT ÊTRE LE MOYEN DE LA PAIX, QUE PAR UNE SORTE DE « RUSE » NOUS SOMMES ENTRAÎNÉS SUR LE CHEMIN DE LA PAIX. CELA IMPLIQUE NOTRE PROPRE AMÉLIORATION POLITIQUE JURIDIQUE ET MORALE. DU COUP L'HISTOIRE PREND UN `'SENS'', ELLE EST LA MATRICE OÙ SE RÉALISE L'HUMANISATION, ELLE A UNE FIN.

    DANS LE MÊME ORDRE D'IDÉES, L'INTERPRÉTATION DES ÉVÉNEMENTS HISTORIQUES DEVRAIT SE SOUMETTRE À LA NÉCESSITÉ DE LA `'SIGNIFICATION HISTORIQUE'' DE TOUT CE QUI ARRIVE. KANT SEMBLE FAIRE ALLUSION À LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, QU'IL CONSIDÈRE À JUSTE TITRE COMME LA MANIFESTATION DE LA DISPOSITION MORALE DE L'HUMANITÉ TOUT EN LA CONDAMNANT SUR LE PLAN PRATIQUE. AUTREMENT DIT, LA RÉALITÉ HISTORIQUE, COMME TOUTE RÉALITÉ NATURELLE, EST RÉGIE PAR UNE FINALITÉ INTERNE. IL SE POSE ALORS LA QUESTION DE LA `'FORCE'' QUI MEUT L'HISTOIRE, DE SA NATURE ET DE SES PRÉTENTIONS. POUR KANT, CETTE FORCE PEUT ÊTRE APPELÉE PROVIDENCE OU NATURE. C'EST DIRE QUE LA CAUSALITÉ MÉCANIQUE QUI, DE LA GUERRE CONDUIT À LA PAIX, EST L'ACTIVATION D'UNE CAUSALITÉ BIEN PROFONDE QUI SE PENSE EN TERMES DE FINALITÉ ET DONNE À L'HISTOIRE DE L'HUMANITÉ SON SENS.

    LE SENS DE CE QUI VIENT D'ÊTRE DIT EST QUE LA PAIX ÉTANT UNE IDÉE DE LA RAISON, TOUT HOMME ÉTANT RAISONNABLE, IL EST IMPOSSIBLE DE RENCONTRER UN HOMME QUI JUSTIFIE PAR LA VOIE DE LA RAISON LE FAIT DE LA GUERRE. CELA S'OBSERVE AVEC ÉTONNEMENT LORSQUE LE PLUS GRAND GUÉRILLERO LE FAIT EN VUE DE LA PAIX. CELLE-CI EST TOUJOURS ENVISAGÉE, DANS L'ORDRE DE LA VOLONTÉ, COMME UNE FIN.

    TOUTEFOIS, ON S'APERÇOIT QUE LA VOLONTÉ HUMAINE EST OBSCURCIE PAR LES PASSIONS, L'HOMME EST CONSTAMMENT APPELÉ À L'EFFORT, AU TRAVAIL POUR LA PAIX. QUOIQUE LES HOMMES SE FONT LA GUERRE CHAQUE JOUR, MAIS ILS SE SENTENT INTERPELLÉS PAR « UN CRI DE LA NATURE » VERS LA PAIX. LE PROBLÈME DE LA PAIX, DE CE POINT DE VUE, SE CONÇOIT EN TERMES D'AMÉLIORATION DE LA NATURE HUMAINE PAR L'ÉDUCATION DE LA BONNE VOLONTÉ. TOUS LES COMMENTATEURS DE LA PENSÉE MORALE DE KANT S'ACCORDENT LÀ-DESSUS. SELON FRANÇOIS OST, LA NOTION D'HUMANITÉ CONDUIT AU CoeUR DE SYSTÈME KANTIEN DE LA MORALITÉ, EN CELA QU'IL VISE CE QUI, CHEZ L'HOMME, L'ARRACHE AU DÉTERMINISME DE L'ANIMALITÉ ET LE PRÉDISPOSE AU DÉPASSEMENT DE SOI. L'HUMANITÉ SE RAMÈNE AINSI À LA FACULTÉ D'APPRENTISSAGE, DE SORTE QU'ÉDUCATION ET HUMANISATION EN VIENNENT À SE CONFONDRE45(*).

    DE LA GUERRE À LA PAIX SE TROUVE AINSI UN MOYEN TERME, UNE NOTE CONJONCTIVE, UN PONT THÉORIQUE : L'ÉDUCATION MORALE. OR, L'ÉDUCATION MORALE VISE TOUJOURS L'ACQUISITION D'UNE CULTURE DONT LA NATURE S'OBSERVERA DANS LA VIE SOCIALE. LA PREMIÈRE PARTIE CHUTE DONC PAR LA NOTION D'ÉDUCATION, QUE LA DEUXIÈME PARTIE APPROFONDIT, EN COMMENÇANT PAR JEAN JACQUES ROUSSEAU.

    KANT EXPLICITE CETTE DIMENSION RATIONNELLE DANS LA THÉORISATION DE LA GUERRE EN CES TERMES : « ET CEPENDANT, L'HOMMAGE RENDU AINSI PAR TOUS LES ETATS AU PRINCIPE DU DROIT, NE FUT-CE QU'EN PAROLES, PROUVE DU MOINS UNE DISPOSITION MORALE QUI, BIEN QU'ASSOUPIE ENCORE DANS L'HOMME, TEND NÉANMOINS AVEC VIGUEUR À ASSERVIR EN LUI LE MAUVAIS PRINCIPE, AUQUEL IL NE PEUT ENTIÈREMENT SE SOUSTRAIRE.46(*)

    EN CONCLUSION, DE ROUSSEAU ET KANT NOUS AVONS APPRIS QUE L'IDÉE MÊME DE GUERRE NE PEUT AVOIR UNE SUBSTANCE MORALE. DU COUP, LES THÉORIES ANCIENNES QUI DISTINGUAIENT ENTRE « GUERRE JUSTE ET GUERRE INJUSTE » SONT TOTALEMENT DISQUALIFIÉES. POUR NOUS, UN CONCEPT COMME « GUERRE JUSTE » EST MORALEMENT CONTRADICTOIRE MÊME S'IL GARDE SA PERTINENCE DANS L'ORDRE DU RÉALISME POLITIQUE ET SOCIALE.

    DEUXIEME PARTIE

    L'EDUCATION

    LA RECHERCHE DE LA PAIX PAR L'ÉLÉVATION MORALE DE L'HOMME

    CHAPITRE III

    L'EMILE OU DE L'EDUCATION. DE LA NATURE A LACITOYENNETE47(*)

    Dans les deux Discours, Rousseau réalise un diagnostic négatif et décadentiste de l'histoire humaine. Avec l'Emile, Rousseau entreprend de reconstruire cette histoire. L'Emile est l'expression de l'actualisation des virtualités humaines dont deux sont les plus importantes : la raison et la sociabilité. Emile est sur le chemin de la vie sociale grâce au développement de la raison. Ce chapitre commence par une introduction générale à l'étude de l'Emile ou de l'éducation, il en fait ensuite une analyse commentée.

    3.1 INTRODUCTION A L'EMILE OU DE L'EDUCATION

    Emile, affirme Yves Vargas, tel un magasin d'idées, contient l'ensemble de la pensée de Rousseau, et puisqu'on trouve tout Rousseau dans Emile, chacun peut se croire autorisé d'y faire ses emplettes sélectives48(*). Ce livre de Rousseau est ainsi la synthèse et la somme de sa pensée philosophique. Grâce à Emile, Rousseau réalise la « révolution copernicienne » en pédagogie comme Kant le fera en théorie de la connaissance : il met l'enfant au centre de la pratique et de la pensée éducative.

    L'Emile de Rousseau vient répondre à une crise de l'homme de l'humanisme. Cet homme, selon Michel Soétard, s'est libéré de la nature et s'est désormais engagé dans un processus historique de dislocation. C'est un homme dont la passion de posséder et l'ambition de dominer alimentent une course déréglée au pouvoir ; c'est un homme qui déborde les limites du besoin naturel et dont l'intérêt personnel prolifère et contamine tout le tissu social ; c'est un homme totalement dépravé par les sciences nées du désir de se protéger, les arts de l'envie de briller, la philosophie de la volonté de dominer49(*).

    Selon Marcel Deschoux, la vision du monde de Rousseau dans l'Emile s'est structurée à partir de la prise de conscience d'un certain nombre des faits majeurs :

    · le démarrage d'un processus de transformation profonde de la société,

    · la mise en place des cadres de l'économie capitaliste et industrielle moderne,

    · le drainage de la richesse vers la minorité dominante et privilégiée. C'est ce tournant qu'on trouve dans la vision décadentiste de l'histoire.49(*)

    L'Emile de Rousseau est donc né dans un contexte de perte des repères moraux. C'est justement à cause de cela que les lectures actuelles de l'Emile ne peuvent être considérées comme des vieilleries car qui saurait être sérieux et nier le déséquilibre moral de notre société actuelle ? C'est la prise de conscience de la crise de la culture en ses différents lieux d'expression (politique, économie, science, art, religion...) qui a nécessité la composition de l'Emile et qui nécessite sa relecture en ce début du 21ème siècle.

    3.2. L'ANALYSE THEMATIQUE DE L'EMILE

    3.2.1. Livre premier: 0-2 ans.

    L'éducation commence dès l'enfance. Cette étape est fondamentale pour l'éducation d'Emile et la famille y joue et doit y jouer tout son rôle : « Je le répète, l'éducation de l'homme commence à sa naissance ».50(*) Ici précisément, la famille joue un rôle très déterminant: « Il n'y a pas de tableau plus charmant que la famille, mais un seul trait manqué défigure tous les autres si la mère a trop peu de santé pour être nourrice, le père aura trop d'affaires pour être précepteur51(*) (...) si tôt qu'il n'y a plus d'intimité entre les parents, si tôt que la société de la famille ne fait plus la douceur de la vie, il faut bien recourir aux mauvaises moeurs pour suppléer(...) un père, quand il engendre et nourrit les enfants, ne fait en cela que le tiers de sa tâche. Il doit des hommes à son espèce, il doit à la société des hommes sociables, il doit des citoyens à l'État. Celui qui ne peut remplir les devoirs de père n'a point droit de le devenir(...) Ame vénale, crois-tu donner à ton fils un autre père avec de l'argent ?52(*) C'est curieux pour quelqu'un dont on dit qu'il a abandonné ses 5 enfants avec Thérèse Lévasseur !

    L'éducation est une nécessité vitale : « Dans l'état où sont désormais les choses, un homme abandonné dès sa naissance à lui-même serait le plus défiguré de tous (...) On façonne les plantes par la culture et les hommes par l'éducation(...) Tout ce que nous n'avons pas à notre naissance et dont nous avons besoins étant grands nous est donné par l'éducation ».53(*)

    Rousseau précise en même temps le but de l'éducation : « En sortant de mes mains, il ne sera, j'en conviens, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre : il sera premièrement homme...il faut donc généraliser nos vues et considérer dans notre élève l'homme abstrait, l'homme exposé à tous les accidents de la vie humaine54(*). Une telle éducation, dont le but est de former l'humanité dans l'homme, devrait suivre une méthode spécifique : suivre la nature.

    Le but de l'éducation étant l'humanité de l'homme, il s'agit donc de le protéger contre les déformations sociales qui le corrompent: « Tout est bien sortant des mains de l'auteur des choses : tout dégénère entre les mains de l'homme...il bouleverse tout, il défigure tout : il aime la difformité, les monstres. Il ne veut rien tel que l'a fait la nature, pas même l'homme... »55(*).

    De 0 à 2 ans, Emile est enfant, il est vraiment l'homme naturel, il est tout pour lui, l'unité numérique, l'entier absolu qui n'a de rapport qu'à lui-même. On ne doit pas le déformer par des pratiques nourricières inutiles. On doit le laisser développer ses membres librement : « On prétend que les enfants en liberté pourraient prendre de mauvaises situations et se donner de mouvements capables de nuire à la bonne conformation de leurs membres. C'est là un de ces vains raisonnements de notre fausse sagesse ».56(*)

    Emile sera soumis à une double éducation : domestique et publique. Il joindra aux sentiments de la nature les devoirs de la citoyenneté ; Emile est sur le chemin de la politique. Voilà, pensait Pierre Burgelin, pédagogie et politique prises à leur source, qui est toute de moralité57(*). A propos de l'éducation publique, Rousseau renvoie à Platon : « Voulez-vous prendre une idée de l'éducation publique ? Lisez La République de Platon. Ce n'est point un livre de politique comme le pensent ceux qui ne jugent des livres que par leurs titres. C'est le plus beau traité d'éducation qui n'ait jamais été fait »58(*) 

    3.2.2. Livre deuxième : De 2 à 12 ans.

    Emile parle déjà, il doit tout apprendre par expérience. S'il touche le feu, affirme Rousseau, qu'il se brûle, il saura que le feu est une chose brulante.59(*)

    3.2.3. Livre troisième : (12 à 15 ans)

    Entre 12 et 15 ans, Emile est en « son temps le plus précieux de la vie ; temps qui ne vient qu'une seule fois, temps court... »60(*). Ses forces sont plus grandes que ses besoins. Que fera-t-il de cet excédent des forces ? « Il tâchera de l'employer à des soins qui lui puissent profiter au besoin. Il jettera pour ainsi dire dans l'avenir le superflu de son être actuel...Mais il n'établira ses magasins ni dans des coffres qu'on peut lui voler, ni dans des granges qui lui sont étrangères ; pour s'approprier véritablement son acquis, c'est dans ses bras, dans sa tête, c'est dans lui qu'il le logera61(*). Emile est à l'âge des travaux, des instructions, des études. Cette étude ne consiste pas en une accumulation pompeuse des connaissances humaines, mais en un effort d'assimilation et d'intériorisation de ce qui lui est utile dans la vie.

    La pédagogie livresque n'est pas pour Emile, elle est pour les philosophes de cabinets, des hommes raisonneurs, vains discoureurs, des âmes bien pensantes qui ne savent rien faire. « Il ne s'agit point de savoir ce qui est, mais seulement ce qui est utile »62(*). Voyez-vous ? Emile n'a pas besoin de la connaissance de l'être total et intégral, il a bien au contraire besoin de ce qui est vital pour lui. Or, l'utilité suppose la prise en compte d'Emile en tant qu'être de souffrance, de mort, des maladies...toute l'éducation sera de rechercher des moyens de vaincre les lois de la désintégration humaine, des obstacles de l'élan de l'humanité.

    Emile veut connaître, mais cette connaissance reste encore prisonnière des sens, c'est une connaissance bornée aux nécessités naturelles. Emile n'a pas encore les catégories morales. Il en est encore à l'éducation des choses. Seule l'activité instrumentale domine l'expérience d'Emile. Le 4ème livre est celui de la deuxième naissance : celle de la mort par rapport aux choses et de la résurrection par rapport aux autres hommes. La vie sociale est entamée.

    3.2.5. Livre quatrième : (15 à 20 ans)

    Emile a 15 ans. Il naît de nouveau ! « Nous naissons, pour ainsi dire, en deux fois : l'une pour exister, et l'autre pour vivre ; l'une pour l'espèce et l'autre pour le sexe. »63(*). Le besoin sexuel sonne le glas de l'enfance. Emile voudrait bien y aller mais avec qui ?...la sexualité est cette passion naturelle qui éveille en nous la conscience de l'altérité. L'égoïsme originel montre ses limites : le besoin sexuel semble dire à Emile : « Tu n'es pas fait pour être seul ».

    Du coup, l'idée de l'autre avec qui Emile peut sceller le pacte du commerce des sens inaugure l'éveil de la moralité et avec elle de la socialité obligatoire car commandée par le développement de la nature elle-même. « Tant qu'il ne se connaît que par son être physique, il doit s'étudier par ses rapports avec les choses ; c'est l'emploi de son enfance, quand il commence à sentir son être moral, il doit s'étudier par ses rapports avec les autres hommes ; c'est l'emploi de sa vie entière... »64(*).

    Certes, les rapports aux autres hommes dont parle Rousseau se comprennent au sens mécanique de ce que l'autre peut apporter à mes besoins. On dirait qu'il y a encore survivance de l'égoïsme originel. Mais, ces rapports ne sont pas « donnés », ils « s'étudient ». La voie de l'espérance est ouverte...rien ne prouve que dans les rapports d'Emile avec les autres, tout sera toujours une juxtaposition d'intérêts empiriques égoïstes.

    L'homme est perfectible, n'est-ce pas ? Voilà donc une brèche d'espérance pour une sociabilité responsable. « Tant que sa sensibilité reste bornée à son individu il n'y a rien de moral dans ses actions ; ce n'est que quand elle commence à s'étendre hors de lui qu'il prend d'abord les sentiments et ensuite les notions du bien et du mal qui le constituent véritablement homme et partie intégrante de son espèce »65(*).

    Les catégories du bon et du mal, fondement de la moralité, accompagne le processus d'intégration d'Emile dans son espèce. L'unité numérique originaire est disloquée, Emile est rusé ! C'est dans Emile lui-même que se trouvent les conditions de sa citoyenneté.

    LE BIEN ET LE MAL NE SONT PLUS APPRÉCIÉS EN FONCTION DE L'UTILITÉ INSTRUMENTALE, MAIS LE CONTRAT SOCIAL : L'ÉDUCATION A PRÉPARÉ L'AVÈNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE COMME CELLE-CI GARANTIRA L'ÉDUCATION AU MOYEN DES LOIS. MAINTENANT, ON PEUT APPRENDRE À EMILE QUELQUES LEÇONS DE RELIGION : D'OÙ LA PROFESSION DE FOI DU VICAIRE SAVOYARD66(*). LA CONNAISSANCE DE DIEU, DU MOINS SON ADMISSION DANS LA CHAINE DES DÉDUCTIONS SUR LES FONDEMENTS DU COSMOS, EST UTILE À QUELQUE CHOSE. « L'OUBLI DE TOUTE RELIGION CONDUIT À L'OUBLI DES DEVOIRS DE L'HOMME ».67(*) L'ON POURRAIT LÉGITIMEMENT REJETER UNE CERTAINE RELIGION, MAIS ON NE PEUT REJETER TOUTE RELIGION. L'ORDRE SOCIAL DOIT ÊTRE FONDÉ ET LA RELIGION EST UN INSTRUMENT EFFICACE DE JUSTIFICATION RATIONNELLE DES NORMES SOCIALES...

    3.2.6. Livre cinquième : (20 à 25 ans).

    EMILE A GRANDI. IL S'EST MARIÉ À LA BELLE SOPHIE. AVEC LE MARIAGE, ROUSSEAU RÉALISE PLEINEMENT SON HUMANITÉ ET SE CONFORME, AU TEMPS CONVENABLE, AUX NORMES SOCIALES. A L'ÉDUCATION PHYSIQUE, MORALE ET SPIRITUELLE DES LIVRES PRÉCÉDENTS, EMILE AJOUTE L'ÉDUCATION SENTIMENTALE. MAINTENANT, EMILE S'OUVRE AU LEADERSHIP : IL DOIT SE GÉRER ET GÉRER SA FAMILLE.

    IL DOIT ÉDUQUER LES AUTRES COMME IL A ÉTÉ ÉDUQUÉ LUI-MÊME. C'EST L'ÂGE DE LA MATURITÉ ET DE LA RESPONSABILITÉ SOCIALE. LE PROCESSUS ÉDUCATIF SE PARACHÈVE AINSI DANS LA CITOYENNETÉ ET CELLE-CI EST SYNONYME DE LA PARTICIPATION POLITIQUE. BIEN ÉDUQUÉ SELON LA VOIE DE LA NATURE, EMILE PARTICIPE CONVENABLEMENT AU JEU DE GOUVERNANCE PUBLIQUE OFFERT PAR L'ESPACE POLITIQUE. EMILE EST UN TRÈS BON POLITICIEN CAR IL A ÉTÉ TRÈS BIEN ÉDUQUÉ.

    EN CONCLUSION, LE LIVRE D'EMILE EST TRÈS IRRÉGULIER SUR LE PLAN STYLISTIQUE. NOTRE LECTURE VOULAIT LE RÉSUMER EN VUE DE DÉBOUCHER SUR LES CONCLUSIONS SUIVANTES:

    1°) L'ÉDUCATION PARTICIPE AU PROJET ANTHROPOLOGIQUE D'AMÉLIORATION PROGRESSIVE DE LA NATURE HUMAINE. L'IDÉE DE L'HUMANITÉ, EN SON SENS MORAL ET MÉTAPHYSIQUE, EST LA FIN DERNIÈRE DE TOUT PROJET PÉDAGOGIQUE.

    2°) L'ÉDUCATION PARTICIPE AU PROJET DE FONDATION ET/OU DE RECONSTRUCTION D'UNE SOCIÉTÉ JUSTE. « ATTEINDRE L'HOMME CIVIL, BON NATURELLEMENT, MAIS DEVENUS SAGE POUR AVOIR TRAVERSÉ PRUDEMMENT UNE SORTE D'ÉTAT SAUVAGE, VOILÀ LE PROGRAMME D'EMILE... »68(*).

    3°) LE LIVRE D'EMILE ASSOCIE L'IMAGINATION À LA RÉFLEXION PHILOSOPHIQUE ET CONTRIBUE À LA DÉCONSTRUCTION/RECONSTRUCTION DE LA RÉALITÉ HISTORIQUE ET SOCIALE. « ...LORSQUE LES HOMMES ONT ABANDONNÉ LA NATURE, LA FICTION DEVIENT DÉPOSITAIRE DE LA NORME PERDUE »69(*).

    4°) L'IDÉE DE `'NATURE'' DANS LA PENSÉE DE ROUSSEAU DÉNOTE CELLE DE LA `'NORME''. ROUSSEAU UTILISE CE TERME POUR ÉTABLIR L'ÉCART ENTRE CE QUI EST ET CE QUI DEVRAIT ÊTRE. EN CELA, ROUSSEAU PRODUIT UNE VÉRITABLE PHILOSOPHIE POLITIQUE : IL ANALYSE LES FAITS SOCIAUX EN LES SOUMETTANT AU DEVOIR-ÊTRE. DANS LE MÊME ORDRE D'IDÉES, IL OPPOSE `'NATURE'' ET « CULTURE » EN INTRODUISANT ENTRE LES DEUX L'ÉDUCATION COMME POSSIBILITÉ DE LEUR CONJONCTION. DU COUP S'OUVRE LA POSSIBILITÉ D'UNE UTILISATION HARMONIEUSE DE L'ÉGOÏSME NATUREL ET DES EXIGENCES COLLECTIVES DANS UN ESPACE BIEN ORGANISÉ.

    C'EST CELA LE FONDEMENT DE LA BONNE GOUVERNANCE.

    5°) YVES VARGAS A SIGNALÉ LA DIFFICULTÉ POUR BEAUCOUP DE COMPRENDRE L'EMILE À CAUSE DE SON IRRÉGULARITÉ STYLISTIQUE. POUR Y REMÉDIER TANT SOIT PEU, IL A PROPOSÉ UN TABLEAU DANS LEQUEL IL RÉSUME THÉMATIQUEMENT CET OUVRAGE. NOUS REPRENONS VOLONTIERS CE TABLEAU POUR RÉSUMER TOUT CE QUI VIENT D'ÊTRE DIT70(*).

    CHAPITRE IV

    L'HORIZON COSMOPOLITIQUE DE L'EDUCATION CHEZ KANT

    CE CHAPITRE SE PROPOSE DE LIRE L'OPUSCULE DE KANT INTITULÉE PROPOS DE PÉDAGOGIE. L'OBJECTIF EST DE MONTRER QUE DE LA MÊME MANIÈRE QUE L'EMILE ÉTAIT UN PRÉLUDE AU CONTRAT SOCIAL, LES PROPOS DE PÉDAGOGIE SONT UN PRÉLUDE AU PROJET DE PAIX PERPÉTUELLE. DU COUP, NOTRE HYPOTHÈSE SE PRÉCISE : POLITIQUE ET ÉDUCATION CONSTITUENT DEUX NOTES INDISSOLUBLES DANS TOUTE RÉFLEXION SUR L'HOMME ET LA SOCIÉTÉ.

    AINSI, TOUT PROJET DE FONDATION OU DE RECONSTRUCTION DE LA CITÉ DOIT S'ACCOMPAGNER NÉCESSAIREMENT D'UN PROJET PÉDAGOGIQUE APPROPRIÉ. ON NE PEUT FONDER UNE RÉPUBLIQUE DURABLE SANS UNE ÉDUCATION RÉPUBLICAINE ASSUMÉE ET SOUTENUE. LE CHAPITRE COMMENCE PAR LE CONTENU ANTHROPOLOGIQUE DE L'ÉDUCATION, IL LIT ENSUITE LES DEUX PARTIES DES PROPOS SUR L'ÉDUCATION À SAVOIR L'ÉDUCATION PHYSIQUE ET L'ÉDUCATION PRATIQUE OU MORALE.71(*)

    4.1. Le contenu anthropologique de l'éducation

    L'APPROCHE KANTIENNE DE L'ÉDUCATION SE SAISIT DE L'HUMANITÉ DANS SON ESSENCE ET SE PLACE D'UN POINT DE VUE UNIVERSEL. IL NE S'AGIT PAS D'ÉDUQUER TEL OU TEL HOMME DE TEL LIEU ET DE TEL MOMENT, MAIS D'ÉDUQUER « LE GENRE HUMAIN ». LÀ EST LA DIFFICULTÉ. LE GENRE HUMAIN N'EST QU'UNE VIRTUALITÉ QUI SE DÉGAGE DES INDIVIDUS PARTICULIERS. KANT AVAIT À L'ESPRIT CETTE DIFFICULTÉ. AUSSI FIXE-T-IL À L'ÉDUCATION UN HORIZON COSMOPOLITIQUE QUI IMPLIQUE LA MISE EN COMMUN DES EFFORTS, DE TOUS LES HOMMES POUR RÉALISER LE MYSTÈRE DE L'ÉDUCATION. SI, AFFIRME-T-IL, DU MOINS UNE EXPÉRIENCE ÉTAIT FAITE PAR LE MOYEN DE L'APPUI DES GRANDS ET DES FORCES RÉUNIES DE BEAUCOUP D'HOMMES, ELLE NOUS ÉCLAIRERAIT DÉJÀ SUR LES CAPACITÉS DE L'ÊTRE HUMAIN.72(*)

    L'ÉDUCATION SE PRÉSENTE CHEZ KANT COMME UNE THÉRAPEUTIQUE À LA GROSSIÈRETÉ HUMAINE, SOURCE DES VIOLENCES. L'ÊTRE INCULTE EST GROSSIER, L'INDISCIPLINÉ EST VIOLENT73(*)

    EN CE SENS, SI DANS LE COURS DU TEMPS, CET ÉTAT DE PAIX ARRIVAIT À ÊTRE ATTEINT, L'HOMME SE FÉLICITERAIT DE L'AVOIR ATTEINT PAR SES EFFORTS ET NON PAR L'INTERVENTION SPECTACULAIRE DE QUELQUE ESPRIT. LA PAIX EST FONDÉE SUR L'ANTHROPOLOGIE PRAGMATIQUE : ELLE EST FONCTION DE L'EFFORT VOLONTAIRE DES HOMMES. DU COUP, LA GUERRE SE RELATIVISE, ELLE N'EST PAS UNE FATALITÉ, LES HOMMES NE SONT PAS CONDAMNÉS À FAIRE LA GUERRE, ILS PEUVENT EXISTER ET CRÉER LEUR BONHEUR COLLECTIF SUR DES PRÉSUPPOSÉS DE PAIX.

    KANT EXPLIQUE CE RÔLE PRAGMATIQUE DE L'ÉDUCATION EN CES TERMES : « LA DISCIPLINE CHANGE L'ANIMALITÉ EN HUMANITÉ. UN AUTRE A, SANS ATTENDRE, TOUT ARRANGÉ POUR LUI. L'HOMME QUANT À LUI, A BESOIN DE SA PROPRE RAISON ».74(*)

    EN EFFET, L'EXTENSION ANTHROPOLOGIQUE DE L'ÉDUCATION CHEZ KANT EST LIÉE À SA DÉFINITION DE LA PHILOSOPHIE ELLE-MÊME, DE SON RÔLE ET DE SON EFFICIENCE DANS LE PROGRÈS HUMAIN. POUR LUI, LA PHILOSOPHIE N'EST PAS UNE SCIENCE DES REPRÉSENTATIONS OU DES IDÉES OU UNE SCIENCE DES SCIENCES, OU ENCORE QUELQUE CHOSE D'ANALOGUE. MAIS UNE SCIENCE DE L'HOMME, DE SA REPRÉSENTATION, DE SA PENSÉE ET DE SON ACTION. LA PHILOSOPHIE DOIT REPRÉSENTER L'HOMME DANS TOUTES SES PARTIES CONSTITUTIVES TEL QU'IL EST ET DOIT ÊTRE, C'EST-À-DIRE AUSSI BIEN D'APRÈS SES DISPOSITIONS NATURELLES QUE D'APRÈS LES CONDITIONS DE SA MORALITÉ ET DE SA LIBERTÉ.75(*)

    AINSI CONSIDÉRÉE, L'ÉDUCATION EST L'OUTIL TRANSVERSAL DE TOUTE L'ARCHITECTURE CRITIQUE. AUTREMENT DIT, C'EST DANS L'ÉDUCATION QUE KANT APPLIQUE TOUS LES MATÉRIAUX THÉORIQUES RASSEMBLÉS DANS LES TROIS CRITIQUES. A CE SUJET JUSTEMENT, EL HADJ IBRAHIMA DIOP SOUTIENT QUE « LA LIAISON INDISSOCIABLE ENTRE LA PÉDAGOGIE ET LA PHILOSOPHIE TROUVE SA JUSTIFICATION DANS LE FAIT QU'IL DONNE À LA PHILOSOPHIE UNE DIMENSION NORMATIVE ET PRESCRIPTIVE, À TELLE ENSEIGNE QUE C'EST SEULEMENT CE QUI EST ÉTHIQUEMENT VALABLE QUI DOIT SERVIR DE GUIDE POUR L'ACTION. NOUS POUVONS DÉJÀ RETENIR QUE LA PÉDAGOGIE LUI SERT DE CHAMP D'APPLICATION DE SA PHILOSOPHIE76(*).

    CECI ÉTANT POSÉ, ON PEUT ÉTABLIR UN RAPPROCHEMENT ENTRE KANT ET ROUSSEAU. EN EFFET, C'EST AU NIVEAU DE LA NORMALITÉ ET DE LA PRÉSCRIPTIVITÉ DE LA PHILOSOPHIE, ET PARTANT DE L'ÉDUCATION, QUE SE SITUE CE RAPPROCHEMENT. L'ÉTHIQUE DE KANT, ESTIME ENCORE DIOP, DANS LAQUELLE NOUS POUVONS RECONNAÎTRE L'INFLUENCE DE ROUSSEAU, PART DU FAIT QUE CHAQUE HOMME DOIT ÊTRE UNE FIN ET JAMAIS UN MOYEN. C'EST CETTE IMAGE DE L'HOMME ET DE L'HUMAIN, PLONGEANT SES RACINES DANS LA CONCEPTION NOVATRICE DE KANT, QUI GUIDE SA VISION DE LA PÉDAGOGIE DE FAÇON GÉNÉRALE, L'INSTRUCTION ET L'ÉDUCATION DE FAÇON PARTICULIÈRE77(*).

    Plus précisément, la pensée éducative de Kant se fonde sur sa pensée anthropologique. Les Propos de pédagogie ne peuvent être bien compris que dans leur rapport à l'Anthropologique du point de vue pragmatique. Le système critique se présente alors comme un tout saisissant l'homme dans sa constitution profonde pour envisager la possibilité d'un vivre-ensemble harmonieux dans des institutions rationnelles et cosmopolitiques.

    CE QUE ROUSSEAU ET KANT VISENT C'EST L'ACCOMPLISSEMENT DE L'HOMME ICI SUR TERRE. AUSSI KANT, REPRENANT LE PROJET DE ROUSSEAU, AFFIRME CE QUI SUIT : « LE TABLEAU HYPOCONDRIAQUE (GRINCHEUX) QUE ROUSSEAU FAIT DU GENRE HUMAIN SE RISQUANT À SORTIR DE L'ÉTAT DE NATURE NE DOIT PAS ÊTRE PRIS POUR EXHORTATION À RETOURNER EN CET ÉTAT ET À REVENIR DANS LES FORÊTS, COMME S'IL S'AGISSAIT DE SA PENSÉE VÉRITABLE. IL EXPRIMAIT PAR LÀ LA DIFFICULTÉ POUR NOTRE ESPÈCE DE PRENDRE LA VOIE QUI SOIT CELLE DE L'APPROCHE CONTINUE DE SA DESTINATION... »78(*). AVEC CETTE DÉCLARATION, KANT EST UN VÉRITABLE INTERPRÈTE DE ROUSSEAU ET HÉRITIER DE SON PROJET.

    C'EST DONC CE PROJET D'ÉLABORER UNE ANTHROPOLOGIE DU PROGRÈS HUMAIN PAR LE MOYEN DE L'ÉDUCATION QUI RÉSUME MIEUX LA FINALITÉ DU SYSTÈME CRITIQUE. MAIS KANT EST ENCORE PLUS EXPLICITE QUANT À LA QUESTION DE LA DESTINATION HUMAINE : « VOICI LE CARACTÈRE DE L'ESPÈCE TEL QU'IL RESSORT DE L'EXPÉRIENCE DE TOUS LES TEMPS ET PARMI TOUS LES PEUPLES : PRISE COLLECTIVEMENT (...) C'EST DANS LA SUCCESSION OU LA COEXISTENCE, UNE MULTITUDE DE PERSONNES QUI, INCAPABLES DE SE PASSER DE VIVRE PAISIBLEMENT CÔTE À CÔTE, NE PEUVENT CEPENDANT ÉVITER DE SE CAUSER DU DÉSAGRÉMENT ; ET QUI, PAR CONSÉQUENT DU FAIT DE LA CONTRAINTE RÉCIPROQUE, SE SENTENT ,SOUS L'AUTORITÉ DES LOIS PROCÉDANT D'ELLES, APPELÉES PAR LA NATURE À SE COALISER, PARMI LES CONSTANTES MENACES DE DÉSUNION, MAIS DANS UN MOUVEMENT GÉNÉRAL DE PROGRÈS, EN UNE SOCIÉTÉ COSMOPOLITIQUE (COSMOPOLITISME), IDÉE INACCESSIBLE EN ELLE-MÊME, QUI N'EST CEPENDANT PAS CONSTITUTIF (DE L'ATTENTE D'UNE PAIX STABLE AU MILIEU DE L'AFFRONTEMENT LE PLUS VIF D'ACTION ET DES RÉACTIONS HUMAINES), MAIS SEULEMENT UN PRINCIPE RÉGULATEUR : INCITATION À LE SUIVRE ASSIDÛMENT EN TANT QUE DESTINATION DU GENRE HUMAIN, NON SANS ÊTRE FONDÉ À PRÉSUMER L'EXISTENCE D'UNE TENDANCE NATURELLE ORIENTÉE VERS CETTE FIN »79(*).

    En effet, le problème de la paix parmi les hommes se résumerait, en partant de Kant, de la manière suivante :

    1°) la paix est un problème de destination du genre humain, une tendance naturelle des hommes, une nécessité, un impératif.

    2°) la paix est nécessairement liée à l'amélioration morale des hommes par éducation appropriée. Ce dernier problème serait insoluble dans la mesure où l'éducation est une affaire générationnelle. S'il est impossible de trouver de meilleures voies de la nature humaine, alors « l'éducation du genre humain pris dans le tout de son espèce..., l'effort en vue d'une constitution républicaine qui reste à fonder sur un principe de liberté, mais aussi de contrainte légitime, l'homme ne les attend que de la providence... »80(*).

    Ce retour à une providence, déjà constaté chez Rousseau, sous-entend la difficulté à réconcilier la norme au fait dans l'anthropologie politique. Comment réconcilier cet homme-ci avec l'homme, être de paix et de liberté ? Se rendre meilleur, se cultiver soi-même et, si sa nature est mauvaise, faire naître en soi-même la moralité : tel est le devoir de l'homme. Une mûre réflexion en découvre toute la difficulté. Aussi l'éducation est-elle le problème le plus grand, et le plus ardu, qui puisse se poser à l'homme. Car la clarté de vue dépend de l'éducation, et l'éducation, à son tour, dépend de la clarté de vue »81(*). Ce cercle vicieux dont Kant est bien conscient, est aussi réel pour l'art de gouverner. Eduquer et gouverner sont ainsi les deux inventions humaines les plus difficiles.

    Quoi qu'il en soit, c'est d'une bonne éducation que naît tout le bien dans le monde82(*)83(*)

    CELA ÉTANT, LE « MEILLEUR ÉTAIT UNIVERSEL » DONT PARLE KANT, ET QUE NOUS NOUS ACCORDONS À APPELER « PAIX », EST FONCTION DE L'ÉDUCATION DES HOMMES, EN COMMENÇANT PAR LES « PRINCES », C'EST-À-DIRE LES GOUVERNANTS. AUJOURD'HUI, IL EST VRAI D'AFFIRMER SANS SE TROMPER QUE C'EST LA DÉCISION POLITIQUE QUI TRACE LE CHEMIN DU MONDE. IL EST DONC, PAR VOIE DE CONSÉQUENCE, AUSSI VRAI D'AFFIRMER QUE LES BONNES DÉCISIONS POLITIQUES SONT FONCTION DE L'IDÉE QUE SE FONT LES DÉCIDEURS EUX-MÊMES DE L'HUMANITÉ ET DU MONDE.

    AINSI, UNE ÉDUCATION À LA PAIX, FONDÉE SUR DES PRÉSUPPOSÉS ÉTHIQUES, POLITIQUES, ÉCONOMIQUES ET IDÉOLOGIQUES DE PAIX, EST UN IMPÉRATIF POUR PRÉPARER LES GÉNÉRATIONS FUTURES À UNE CITOYENNETÉ MONDIALE RÉUSSIT. CELA EST D'AUTANT VRAI QUE KANT ESTIMAIT QUE « SEUL L'EFFORT DES PERSONNES AUX INCLINATIONS GÉNÉREUSES, INTÉRESSÉES AU MEILLEUR BIEN UNIVERSEL ET CAPABLES DE CONCEVOIR L'IDÉE D'UN MEILLEUR ÉTAT À VENIR, POURRA RAPPROCHER PEU À PEU L'HUMANITÉ DE SON BUT »84(*)

    CETTE ÉDUCATION, DONT PROVIENT TOUT LE BIEN DANS LE MONDE, COMPORTE SELON KANT 4 ÉLÉMENTS : DISCIPLINE, LA CULTURE, LA PRUDENCE ET LA MORALISATION. DISCIPLINER, SELON KANT, C'EST CHERCHER À EMPÊCHER L'ANIMALITÉ DE PORTER PRÉJUDICE À L'HUMANITÉ, DANS L'INDIVIDU COMME DANS L'HOMME SOCIAL. CULTIVER PROCURE L'HABILITÉ, C'EST-À-DIRE LA CAPACITÉ SUFFISANTE D'ADAPTATION À TOUTE FIN. ELLE SE RAPPROCHE DE CE QU'OLIVIER REBOUL APPELLERA PLUS TARD LA « COMPÉTENCE ».85(*) LA PRUDENCE RENVOIE AU SA VOIR-VIVRE ET LA MORALISATION QUI CONSISTE POUR L'HOMME, NON SEULEMENT À ÊTRE HABILE ET PRUDENT, MAIS AUSSI ET SURTOUT À RÉGLER SA CONDUITE SUR LE MODÈLE DU BIEN UNIVERSEL.86(*)

    OUTRE CE PRÉLUDE, KANT PROPOSE SA PENSÉE DE L'ÉDUCATION EN DEUX DIMENSIONS : « LA PÉDAGOGIE OU THÉORIE DE L'ÉDUCATION, EST SOIT PHYSIQUE, SOIT PRATIQUE ».87(*). L'ASPECT PHYSIQUE DE L'ÉDUCATION LUI EST COMMUN AVEC LES ANIMAUX CAR IL S'AGIT DES SOINS MATÉRIELS TANDIS QUE L'ASPECT PRATIQUE TIENT À LA MORALITÉ C'EST-À-DIRE À L'HOMME EN TANT QU'ÊTRE DE CONSCIENCE ET DE LIBERTÉ. CE DERNIER ASPECT NOUS INTÉRESSE PARTICULIÈREMENT, MAIS DISONS UN MOT SUR LE PREMIER ASPECT.

    II. L'EDUCATION PHYSIQUE

    KANT ESTIME QUE « L'ÉDUCATION PHYSIQUE N'EST AU SENS PROPRE DU TERME QUE SOIN MATÉRIEL DISPENSÉ OU PAR LES PARENTS OU PAR LES NOURRICES OU PAR LES GARDIENNES »88(*)89(*)

    III.L'EDUCATION PRATIQUE

    Kant estime que la formation morale de l'homme implique trois choses : l'habileté, la prudence mondaine et la moralité. Celle-ci se rapporte au caractère et consiste pour l'homme à façonner ses inclinations et son habitude pour ne pas verser dans la sauvagerie. Elle vise l'établissement du caractère qu'exprime « le ferme propos d'accomplir une chose ainsi que dans sa réalisation effective.

    En effet, le caractère moral requiert qu'on enseigne aux enfants par des directives et des exemples les devoirs qui leur incombent. Kant distingue à ce sujet les devoirs envers soi-même et les devoirs envers les autres.90(*)

    Le devoir envers soi-même ne consiste pas en la satisfaction démesurée des besoins égoïstes, mais bien plus de faire en sorte que l'homme ait à l'intérieur de lui-même un degré de dignité qui distingue sa noblesse de toutes les autres créatures, et c'est son devoir de ne point renier cette dignité de l'humanité en sa propre personne. On voit revenir l'expression bien connue de l'impératif catégorique : « l'humanité en sa propre personne ».

    Cela veut dire que pour Kant, chaque homme est une manifestation de l'humanité, une épiphanie de l'idée de l'homme. Personne n'a le droit, d'un point de vue moral, de trahir l'humanité dont il n'est, au final, qu'un gardien. Or, affirme Kant, nous renions la dignité de l'humanité en nous adonnant, par exemple, à la boisson, en commettant des péchés contre nature, en exerçant toutes sortes d'intempérances, etc, autant des choses qui rabaissent l'homme bien au-dessous des animaux.91(*). Le langage « évangélique » exprime la survivance du puritanisme dont Kant a hérité de sa mère92(*) ; mais bien plus il contient une vertu interpellatrice sur le plan de la morale concrète.

    Les devoirs envers les autres consistent à enseigner de bonne heure aux enfants respect et la considération du droit des hommes...93(*). L'homme doit ainsi apprendre à faire le bien aux autres de façon inconsidérée, sans lié son agir à un quelconque mobile extérieur que l'obligation morale elle-même. Par exemple, les prêtres commettent souvent l'erreur de présenter comme méritoires les oeuvres de charité...ce n'est que notre devoir de faire le bien au pauvre.94(*)

    L'éducation morale requiert aussi une bonne dose d'éducation religieuse. Et selon Kant, la notion de Dieu n'est utile aux enfants que dans la mesure où elle fournit aux enfants un `' pretexte'' de l'agir moral, un fondement de l'obligation morale.

    Tel est le contenu de la pédagogie kantienne. Cette pédagogie, dans laquelle on retrouve suffisamment les traces de l'Emile, se fondent avec ce dernier sur quelques présupposés philosophiques qua nous proposons en conclusion.

    III. REMARQUES SUR LES PHILOSOPHIES DE L'EDUCATION DE ROUSSEAU ET KANT

    Les philosophies de Rousseau et Kant se construisent autour de plusieurs présupposés communs. Nous en donnons ici quelques-uns en nous fondant sur nos hypothèses du départ.

    §.1 L'éducation occupe une place essentielle dans la formation des systèmes philosophiques de Rousseau et Kant.

    §.2 Kant élabore sa pensée éducative en partant des principes façonnés par Rousseau.

    Il lui emprunte le souci de l'éducation physique, de la culture naturelle et libre. Kant essaye de dépasser Rousseau par la méthode discursive et le rôle qu'il attribue à la culture de l'intelligence et à la formation morale.

    §.3 les deux penseurs se fondent sur la notion de `' perfectibilité humaine pour élaborer leur projet pédagogique. Cette perfectibilité signifie chez Rousseau une disposition distinctive ambiguë et paradoxale. Elle est la source du malheur et du bonheur de l'homme, c'est elle qui, faisant éclore avec les siècles se lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature.95(*)96(*)

    EN EFFET, SELON ROUSSEAU, L'HOMME N'EST PAS MAUVAIS PAR NATURE, MAIS IL PEUT LE DEVENIR SOUS L'EFFET D'INSTITUTION INJUSTE. POUR KANT, AU CONTRAIRE, LA MARCHE DE L'HUMANITÉ S'ACCOMPLIT DU PIRE AU MIEUX, LES DEUX AUTEURS SE RÉCONCILIENT DANS LA NOTION DE PERFECTIBILITÉ EN TANT « POSSIBILITÉ D'AMÉLIORATION DU GENRE HUMAIN ». VOILÀ EN QUOI, DU PESSIMISME ANTHROPOLOGIQUE, IL Y A UN OPTIMISME HISTORIQUE ET POLITIQUE QU'ANNONCE L'ÉDUCATION. TEL EST LE SENS PHILOSOPHIQUE DE LA LIBERTÉ HUMAINE CHEZ ROUSSEAU ET KANT : L'HOMME EST DESTINÉ PAR SA RAISON À FORMER UNE SOCIÉTÉ AVEC LES AUTRES ET DANS CETTE SOCIÉTÉ À SE CULTIVER, SE CIVILISER, SE MORALISER PROGRESSIVEMENT POUR VAINCRE LES ATTRAITS DE SA GROSSIÈRETÉ ANIMALE ET SE RENDRE DIGNE DE L'HUMANITÉ. C'EST LÀ LE FONDEMENT DE LA PAIX PARMI LES HOMMES.

    §.4 APRÈS AVOIR POSÉ LA POSSIBILITÉ D'AMÉLIORER LE GENRE HUMAIN PAR L'ÉDUCATION, ROUSSEAU ET KANT S'ACCORDENT SUR L'HYPOTHÈSE QUE LA PAIX PARMI LES HOMMES EST AUSSI FONCTION DE GOUVERNANCE POLITIQUE.

    L'éducation s'insère, au sein de la philosophie politique, dans un large programme de fondation des normes politiques et seau s'y essayera dans le contrat social tandis que Kant expose de façon plus explicite sa conception dans le projet de paix perpétuelle. La dernière partie de ce travail analyse ces deux ouvrages.

    TROISIEME PARTIE :

    LA PAIX

    UNE QUESTION DE GOUVERNANCE POLITIQUE

    INTRODUCTION

    LA RECHERCHE DE LA PAIX EST LIÉE À L'ÉDUCATION DES HOMMES COMME AGENTS ET BÉNÉFICIAIRES DE LA PAIX, AINSI QU'AU RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES DE GOUVERNANCE POLITIQUE. CETTE PARTIE FONDE THÉORIQUEMENT CETTE HYPOTHÈSE GRÂCE À L'ANALYSE DU CONTRAT SOCIAL DE ROUSSEAU ET DU PROJET DE PAIX PERPÉTUELLE DE KANT. ELLE SE TERMINE PAR L'APPORT DE NGOMA BINDA DANS CETTE RECHERCHE DE LA PAIX À TRAVERS SA THÉORIE DE LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE COMMUNAUTAIRE.

    CHAPITRE V.

    ROUSSEAU ET LES PRINCIPES DU DROIT POLITIQUE

    CE CHAPITRE PORTE SUR LE CONTRAT SOCIAL DE ROUSSEAU. CE PENSEUR DE LA MODERNITÉ OCCIDENTALE REPRÉSENTE UN MOMENT PERTINENT DANS L'INVENTAIRE DES IDÉES POLITIQUES MONDIALES. IL S'INTERROGE SUR LES FONDEMENTS DU POLITIQUE ET SUR SA FINALITÉ. NOUS COMMENÇONS PAR UNE PETITE INTRODUCTION AU CONTRAT SOCIAL, PUIS NOUS ANALYSONS LE CONTENU THÉMATIQUE DES CINQ « LIVRES » QUI COMPOSENT LE CONTRAT SOCIAL.

    1. JEAN JACQUES ROUSSEAU DANS LE SILLAGE DU CONTRACTUALISME

    LA NOTION DE « CONTRAT SOCIAL » PARTICIPE, AVEC CELLES DE L'ÉTAT DE NATURE ET DE L'ÉTAT SOCIAL, À LA CARACTÉRISATION DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE MODERNE. SELON ROBERT DÉRATHÉ, LES PENSEURS DU TEMPS ONT BIEN VU QUE L'ABSENCE D'AUTORITÉ DÉBOUCHAIT FATALEMENT SUR L'ÉTAT DE GUERRE. C'EST ÉVIDENT CHEZ HOBBES, VU L'ÉTAT DE GUERRE DE TOUS CONTRE TOUS. CE L'EST MOINS CHEZ LOCKE ET POURTANT LA LIBERTÉ ORIGINELLE, SANS FREIN, ENGENDRE ELLE AUSSI LA GUERRE À CAUSE DES CONFLITS D'INTÉRÊTS LIÉS À LA PROPRIÉTÉ97(*). EN FAIT, SELON CHRISTIAN DESTAIN, LA QUESTION DU CONTRAT SE RAMÈNE À LA DIFFICULTÉ DE COMBLER LA DISTANCE ENTRE L'ÉTAT DE NATURE ET L'ÉTAT CIVIL98(*).

    En effet, Hobbes pose le « Bellum omnium contra omnes » comme le motif de création de la société politique. La question chez lui reste de savoir comment le Léviathan entend s'assurer toute la machine sociale pour imposer l'ordre et la paix sans se détourner de sa mission fondatrice.

    Chez Locke, l'homme est libre et sociable par nature. Le contrat n'est utile que pour réguler les contradictions éventuelles des libertés naturelles et garantir à chacun sa propriété. Le contrat semble être postposé à la société elle-même; ce qui fait entrevoir une sorte de paradoxe dans le concept lockien du contrat social.

    Pour Rousseau, l'homme n'est pas sociable par nature. La sociabilité n'est qu'une virtualité qui apparaît arbitrairement grâce à la perfectibilité et au concours des circonstances. A l'état de nature, l'homme est plutôt libre et doué de l'instinct de conservation de soi.

    Le contrat a donc chez Rousseau un rôle fondateur de la société politique. Mais il est lui-même fondé sur la liberté qui lui préexiste. Du coup, le contrat social garantit sa permanence sur la base de la volonté et de la liberté qui le crée. C'est sur fond de cette pensée que Rousseau a écrit son contrat social où le pouvoir politique n'est rien en dehors de la volonté et de la liberté de ceux qui l'instaurent.

    2. LIVRE PREMIER99(*) : LES FONDEMENTS DE LEGITIMITE DU POUVOIR

    « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers ». Ainsi commence le livre premier du contrat social, exactement comme commençait l'Emile : « Tout est bien, sortant des mains de l'auteur des choses : tout dégénère entre les mains de l'homme »100(*). Ces deux extraits résument suffisamment les raisons de la critique sociale amorcée par Rousseau. Il s'agit d'un ordre social qui corrompt la nature de l'homme. Il faut faire table rase et reconstruire !

    L'ordre social, affirme Rousseau, est un droit sacré, qui sert de base à tous les autres. Cependant ce droit ne vient point de la nature, il n'est fondé ni sur la nature ni sur le droit divin, mais sur les conventions. Les conventions impliquent, par définition, une construction en commun du sens de ce sur quoi on veut se convenir. Toute la politique sera ainsi l'oeuvre d'une pluralité des volontés en train de chercher à se « convenir ». Le problème traditionnel du meilleur régime est résolu : seul le régime où la fondation et la règlementation de l'ordre politique est l'oeuvre d'une mise en commun des volontés est légitime.

    CETTE CONCEPTION DE L'ORDRE SOCIAL ÉMERGE D'UNE REMISE EN QUESTION PAR ROUSSEAU DE SES INTERLOCUTEURS PHILOSOPHIQUES, NOTAMMENT GROTIUS ET HOBBES. POUR ROUSSEAU, GROTIUS NIE QUE TOUT POUVOIR HUMAIN SOIT ÉTABLI EN FAVEUR DE CEUX QUI SONT GOUVERNÉS : IL CITE L'ESCLAVAGE EN EXEMPLE. SA PLUS CONSTANTE MANIÈRE DE RAISONNER EST D'ÉTABLIR TOUJOURS LE DROIT PAR LE FAIT. ON POURRAIT EMPLOYER UNE MÉTHODE PLUS CONSÉQUENTE MAIS NON FAVORABLE AUX TYRANS101(*).

    Rousseau prétendait, peut-être avec raison, substituer à la méthode historique et génétique de ses prédécesseurs, une méthode hypothético-déductive102(*), plutôt tournée vers la norme que vers le fait.

    AFFIRMER QUE LE POUVOIR POLITIQUE N'EST PAS ÉTABLI POUR LE PEUPLE (EN FAVEUR DU PEUPLE) C'EST ACCRÉDITER L'IDÉE QUE LES PEUPLES SONT DES « TROUPEAUX DE BÉTAIL, DONT CHACUN A SON CHEF POUR LE DÉVORER »103(*). C'EST AUSSI PENSER QUE LES CHEFS SONT DES DIEUX ET LES PEUPLES DES BÊTES. COMME UN PÂTRE EST D'UNE NATURE SUPÉRIEURE À CELLE DE SON TROUPEAU, LES PASTEURS D'HOMMES, QUI SONT LEURS CHEFS, SONT AUSSI D'UNE NATURE SUPÉRIEURE À CELLE DE LEURS PEUPLES. AINSI RAISONNAIT CALIGULA, AU RAPPORT DE PHILON.... CONCLUANT ASSEZ BIEN DE CETTE ANALOGIE QUE LES ROIS ÉTAIENT DES DIEUX, OU QUE LES PEUPLES ÉTAIENT DES BÊTES. LE RAISONNEMENT DE CE CALIGULA REVIENT À CELUI DE HOBBES ET DE GROTIUS.104(*)

    ON VOIT BIEN QUE LA PENSÉE DE ROUSSEAU S'INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE DE RENVERSEMENT THÉORIQUE DES FONDEMENTS TRADITIONNELS DE LA POLITIQUE. ARISTOTE, EN AFFIRMANT QUE LES HOMMES NE SONT PAS NATURELLEMENT ÉGAUX, CERTAINS SONT NÉS POUR L'ESCLAVAGE ET D'AUTRES POUR LA DOMINATION, ABONDAIT DANS LE MÊME SENS QUE CALIGULA. AUSSI ROUSSEAU DÉMANTÈLE-T-IL LA NOTION DE FORCE ET D'ESCLAVAGE COMME FACTEURS ESSENTIELS QUI DÉTERMINENT LES RAPPORTS POLITIQUES.

    EN EFFET, LA FORCE, POUR LUI, EST UNE PUISSANCE PHYSIQUE, AUCUNE MORALITÉ NE PEUT PROCÉDER D'ELLE. SI UN INDIVIDU CÈDE À LA FORCE, IL LE FAIT PAR NÉCESSITÉ ET NON PAR VOLONTÉ. OR, SELON ROUSSEAU, LE SEUL ACTE FONDATEUR DU CORPS POLITIQUE AYANT UNE CONSISTANCE MORALE, C'EST LA VOLONTÉ, LA LIBERTÉ105(*). TOUT POUVOIR QUI SE FONDE SUR L'ÉLÉMENT DE FORCE N'A PAS DE PERTINENCE MORALE ET DONC EST UNE TYRANNIE, AU SENS OÙ H. ARENDT L'ENTENDRA PLUS TARD EN RÉFÉRENCE AU TOTALITARISME D'HITLER COMME « ...UN RÉGIME SANS LOIS, OÙ LE POUVOIR EST MONOPOLISÉ PAR UN HOMME »106(*). EN CONSÉQUENCE, AUCUN DROIT NE PEUT DÉCOULER DE LA FORCE BRUTE, ÉLÉMENT INTERCHANGEABLE, CAR LE DROIT EST LA BASE DE LA PERMANENCE SOCIALE. CONVENONS DONC, AFFIRME ROUSSEAU, QUE FORCE NE FAIT PAS DROIT, ET QU'ON N'EST OBLIGÉ D'OBÉIR QU'AUX PUISSANCES LÉGITIMES.107(*)

    En ce qui concerne l'esclavage volontaire qui consiste selon Grotius et Aristote, pour un homme ou un peuple, à se donner gratuitement auprès d'un tyran, Rousseau le considère comme une chose « absurde et inconcevable ». Dire cela de tout un peuple, c'est supposer un peuple des fous108(*). Toute personne qui « aime » l'esclavage n'a pas de bon sens. Car, renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs.109(*). C'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté.110(*).

    IL S'ENSUIT QUE, CONTRAIREMENT À GROTIUS ET LES AUTRES, LA GUERRE NE PROCÈDE PAS D'UN PRÉTENDU DROIT D'ESCLAVAGE DONT CERTAINS PEUVENT USER SUR D'AUTRES, C'EST LE RAPPORT DES CHOSES ET NON DES HOMMES QUI CONSTITUENT LA GUERRE. IL N'Y A PAS POUR ROUSSEAU DES GUERRES PRIVÉES, QUI DÉCOULERAIENT DES RELATIONS PERSONNELLES, IL N'Y A QUE DES GUERRES PUBLIQUES, QUI PROCÈDENT DES RELATIONS RÉELLES. LA GUERRE N'EST DONC PAS UNE RELATION D'HOMME À HOMME, MAIS UNE RELATION D'ETAT À ETAT.111(*).

    POURQUOI ROUSSEAU SITUE-T-IL L'ORIGINE DE LA GUERRE, NON AU NIVEAU PERSONNEL MAIS AU NIVEAU ÉTATIQUE ? C'EST PRÉCISÉMENT POUR PRÉSERVER SON HYPOTHÈSE ORIGINELLE : L'HOMME EN LUI-MÊME EST BON, CE SONT LES INSTITUTIONS POLITIQUES QUI LE DÉNATURENT. PAR VOIE DE CONSÉQUENCE, SI ON AMÉLIORE LES INSTITUTIONS POLITIQUES QUI ENGENDRENT LA GUERRE, ON AURA COMBATTU LA GUERRE PAR SA CAUSE, QUI EST POLITIQUE.

    APRÈS AVOIR REMIS EN CAUSE LA FORCE COME FONDEMENT DE L'ORDRE SOCIAL, IL NE RESTE QUE L'EXERCICE LIBRE DES VOLONTÉS QUI DÉTERMINE LE POLITIQUE. D'OÙ LA NOTION DE PACTE SOCIAL. LES HOMMES À L'ÉTAT DE NATURE SONT SUPPOSÉS PARVENUS AU POINT OÙ LES OBSTACLES QUI NUISENT À LEUR CONSERVATION DANS L'ÉTAT DE NATURE L'EMPORTENT PAR LEUR RÉSISTANCE SUR LES FORCES QUE CHAQUE INDIVIDU PEUT EMPLOYER POUR SE MAINTENIR DANS CET ÉTAT.112(*). L'INVIVABILITÉ DE L'ÉTAT DE NATURE EST UN PRÉTEXTE ÉLOQUENT DE L'INSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ POLITIQUE. IL SE POSE ALORS LA QUESTION DE SAVOIR COMMENT LA FORCE ET LA LIBERTÉ DE CHAQUE HOMME, INSTRUMENTS DE SA CONSERVATION DANS L'ÉTAT DE NATURE, SERONT ASSOCIÉES AUX AUTRES SANS QUE CET ACTE D'ASSOCIATION N'ENTRAÎNE L'AUTODESTRUCTION DES ASSOCIÉS, CHACUN PRIS INDIVIDUELLEMENT.

    Ainsi, ''trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution''113(*).

    Le pacte social permet donc un passage de la liberté naturelle à la liberté conventionnelle. Il engendre ainsi la volonté générale. En effet, issue du pacte social, la volonté générale découle du fait que tous sont aliénés envers tous et pour l'intérêt de tous. La volonté générale suppose l'unanimité sur les conditions de maintien en vie de tous. Elle est « un corps moral et collectif composé d'autant des membres que l'assemblée a de voix (...). Cette personne publique qui se forme ainsi par l'union de toutes les autres prenait autrefois le nom de cité, et prend maintenant celui de république ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres Etat, quand il est passif, souverain quand il est actif, puissance en le comparant aux autres »114(*).

    En posant l'égalité originelle de tous les associés, Rousseau ramène tous les hommes au degré nul de l'évolution, où les classes sociales et les différences des forces n'existent pas encore. Son intuition fondamentale est que poser a priori tous les hommes comme égaux c'est définir le présupposé moral d'une société juste. Il y a là un ascendant théorique à la théorie de la justice comme équité. En effet, Rawls reprendra la notion de l'égalité naturelle sous le vocable de « situation originelle » pour élaborer sa pensée de la justice comme équité.

    En fait, le corps politique ainsi constitué par le pacte est souverain dans la mesure où il ne peut jamais s'obliger, même envers autrui, à rien qui déroge à cet acte primitif, comme celui d'aliéner quelque portion de lui-même ou de se soumettre à un autre souverain. Violer l'acte par lequel il existe serait s'anéantir, et ce qui n'est rien ne produit rien115(*). Cette souveraineté se manifeste encore plus lorsque «  quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose sinon qu'on le forcera à être libre ... »116(*).

    En effet, « c'est alors seulement que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants »117(*). La citoyenneté qu'avait préparée l'Emile est atteinte. L'homme a subi des changements remarquables, d'un animal stupide et borné, il est au sein de la polis un être intelligent et un homme. Quel instant heureux ! La nature s'achève dans la culture et les deux peuvent collaborer pour le bonheur de l'homme.

    3. LIVRE DEUXIEME : VOLONTE GENERALE ET BIEN COMMUN

    LE LIVRE DEUXIÈME PROLONGE ET COMPLÈTE LE LIVRE PREMIER. IL REPREND LE PROBLÈME DE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE DONT LE PREMIER LIVRE N'AVAIT DONNÉ QUE LA DÉFINITION. IL PORTE ENSUITE SUR LA LOI ET LE PEUPLE.

    EN EFFET, FONDER L'ETAT SUR LA VOLONTÉ GÉNÉRALE IMPLIQUE UNE CONSÉQUENCE INÉVITABLE : TOUTES LES FORCES DE L'ETAT DOIVENT CONCOURIR AU BIEN COMMUN. ROUSSEAU EXPLICITE CETTE THÈSE DE LA FAÇON SUIVANTE : « LA PREMIÈRE ET LA PLUS IMPORTANTE CONSÉQUENCE DES PRINCIPES CI-DEVANT ÉTABLIS EST QUE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE PEUT SEULE DIRIGER LES FORCES DE L'ETAT SELON LA FIN DE SON INSTITUTION, QUI EST LE BIEN COMMUN ... »118(*).

    Le bien commun signifie pour Rousseau qu'il existe toujours un point où, au-delà des oppositions des intérêts, ces mêmes intérêts s'accordent. En ce sens, bien gouverner la société c'est le faire sur la base de cet intérêt commun : « Or, c'est uniquement sur cet intérêt commun que la société doit être gouvernée »119(*).

    ROUSSEAU POSE L'INALIÉNABILITÉ DE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE. CELLE-CI ENTRAÎNE LA SOUVERAINETÉ DU CORPS POLITIQUE ET CELUI-CI NE PEUT ÊTRE REPRÉSENTÉ. « LE POUVOIR PEUT BIEN SE TRANSMETTRE, MAIS NON PAS LA VOLONTÉ »120(*). ROUSSEAU EST EN QUÊTE DE « QUELQUE CHOSE » QUI PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME L'ÂME DU CORPS POLITIQUE , QUE NE SE RÉDUIT PAS AUX ALÉAS DE LA PRISE DU POUVOIR ET DE SA TRANSMISSION, QUI DÉTERMINE LE POUVOIR SANS SE CONFONDRE À LUI. CET ÉLÉMENT FONDAMENTAL ET CONSTANT DU CORPS POLITIQUE C'EST LA VOLONTÉ GÉNÉRALE, QU'A. PHILONENKO DÉFINIT DE LA MANIÈRE SUIVANTE : « LA VOLONTÉ GÉNÉRALE EST LA LOI DE LA SÉRIE DONT LES MOMENTS SONT LES CITOYENS »121(*).

    Le concept de volonté générale, différent selon Rousseau de la « volonté de tous », émerge du fond d'une réflexion issue des sciences mathématiques des rapports entre le tout et ses parties.

    Le corps politique issu du pacte est une personne publique transcendante, totalement différente de ses parties prises individuellement. Sous ces rapports apparait du coup la difficulté du débat sur la prééminence entre la société et l'individu qu'on retrouvera chez les contemporains (M. Novak par exemple)122(*). Pour Rousseau, les engagements qui nous lient au corps social ne sont obligatoires que parce qu'ils sont mutuels, et leur nature est telle qu'en les remplissant, on ne peut travailler pour autrui sans travailler aussi pour soi123(*).

    En fait, le corps social est envisagé par Rousseau dans un sens strictement systémique, où les rapports entre les éléments du système sont rigidement établis au point que la survie de chacun dépend de ses liens indissolubles avec tous les autres. Il apparaît ainsi comme un impératif de moralité et en même temps comme une nécessité vitale pour tous de rester liés à tous pour l'intérêt de tous. Cet unanimisme de Rousseau inquiète parce qu'imaginer une société sans contradiction interne est une chose impossible.

    Et la loi ? C'est ce qui donne le mouvement au corps politique, son principe d'action. La loi est la source de la justice. Cette justice légale est un complément nécessaire à la justice naturelle qui émane de Dieu. La loi, par définition, c'est l'acte par lequel tout le peuple statue sur tout le peuple. Rousseau ne croit pas au système représentatif. La loi est la volonté générale codifiée. Rousseau établit la différence entre les actes de magistrature et la loi. Celle-ci ne peut statuer sur un objet particulier. La loi répond ainsi aux critères d'objectivité, d'abstraction, d'impersonnalité et de généralité.

    Mais comment le peuple procédera- t-il pour légiférer ? Rousseau admet que le peuple veut toujours le bien, mais de lui-même il ne le voit pas toujours124(*), à cause de l'ignorance. Il faut un jugement éclairé pour légiférer. D'où l'importance de l'éducation pour faire effectivement participer le peuple aux projets politiques. « Quand peuple suffisamment informé délibère(...), du grand nombre des petites différences résulterait toujours la volonté générale »125(*). En attendant, il faut un législateur. Celui-ci incarnerait « l'intelligence supérieure ».

    LE LÉGISLATEUR EST, DANS L'ORDRE POLITIQUE, COMME UN MÉCANICIEN QUI INVENTE LA MACHINE ET LE PRINCE L'OUVRIER QUI LA FERA MARCHER. LE LÉGISLATEUR EST LE DESSINATEUR DU MODÈLE SOCIAL. UNE TACHE SI NOBLE N'APPARTIENT PAS AUX HOMMES. D'OÙ : « IL FAUDRAIT DES DIEUX POUR DONNER DES LOIS AUX HOMMES »126(*).

    5.4. LIVRE TROISIEME : LE GOUVERNEMENT 

    Ce livre porte sur la notion de gouvernement. Pour définir le gouvernement, Rousseau commence par expliquer les deux causes qui concourent à la réalisation d'une action libre. En effet « toute action libre a deux causes qui concourent à la produire, l'une morale, savoir la volonté qui détermine l'acte, l'autre physique, savoir la puissance qui l'exécute »127(*). L'efficacité, la réussite, le succès du corps politique sera donc le résultat de la combinaison harmonieuse de la cause physique et de la cause morale.

    EN EFFET, PAR GOUVERNEMENT, ROUSSEAU ENTEND UN CORPS INTERMÉDIAIRE ENTRE LE SOUVERAIN ET L'ÉTAT CHARGÉ D'EXÉCUTER LES LOIS. GOUVERNENT DOIT AGIR « SELON  LES DIRECTIONS DE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE ». EN EFFET, LE GOUVERNEMENT NE PEUT SE CONSIDÉRER COMME LE SOUVERAIN. IL EST SON AGENT, SON MINISTRE. AINSI, AFFIRME ROUSSEAU, LA VOLONTÉ DOMINANTE DU PRINCE N'EST OU NE DOIT ÊTRE QUE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE OU LA LOI, SA FORCE N'EST QUE LA FORCE PUBLIQUE CONCENTRÉE EN LUI, SITÔT QU'IL VEUT TIRER DE LUI-MÊME QUELQUE ACTE ABSOLU ET INDÉPENDANT, LA LIAISON DU TOUT COMMENCE À SE RELÂCHER128(*).

    Cette approche de Rousseau peut être soumise à une double interprétation, l'une positive et l'autre négative. D'abord, Rousseau pêche un unanimisme absolu entre le gouvernement et le souverain. Les actes de celui-là sont nécessairement ceux de celui-ci parce que la force du gouvernement n'est que la force du souverain.

    Cet unanimisme entre les gouvernants et les gouvernés ne nous semble pas réaliste. Il conduirait au totalitarisme. En effet, ce qui caractérise les régimes totalitaires, c'est le fait que la classe politique au pouvoir (généralement les cadres du parti) demeure convaincu que sa raison d'action c'est le souverain, le peuple. Et comme il n'existe pas des outils objectifs pour mesurer la correspondance parfaite entre la volonté de la population et les actes du gouvernement, le concept de peuple se donne généralement comme une forme vide du langage politique et que n'importe qui peut remplir avec n'importe quoi.

    Ensuite, si, « agir selon les directives de la volonté générale » signifie pour Rousseau qu'aucun acte du gouvernement ne peut intentionnellement être au détriment du peuple, alors son approche est raisonnable. L'idée reste qu'on ne peut pas bien gouverner un peuple et en même temps le trahir volontairement. Il faut toutefois admettre que les actes de l'élite au pouvoir ne sont pas toujours identiques à la volonté générale, c'est-à-dire au peuple.

    Rousseau estime que dans tout corps magistral (gouvernement) il y a trois volontés distinctes et opposées : la volonté propre de l'individu, la volonté commune des magistrats et la volonté souveraine129(*). Dans une législation parfaite, la volonté particulière est nulle, la volonté de corps très subordonnée et la volonté souveraine toujours dominante130(*). Lorsque cet ordre est inversé, c'est la mort du corps politique. N'est-ce pas une belle leçon de bonne gouvernance pour la RDC ?

    EN CE QUI NOUS CONCERNE LA DIVISION DES GOUVERNEMENTS, ROUSSEAU DISTINGUE LA MONARCHIE, L'ARISTOCRATIE ET LA DÉMOCRATIE. AU DÉBAT SUR LA MEILLEURE FORME DE GOUVERNEMENT, IL RÉPOND : « ON A DE TOUS TEMPS BEAUCOUP DISPUTÉ SUR LA MEILLEURE FORME DE GOUVERNEMENT, SANS CONSIDÉRER QUE CHACUNE D'ELLES EST LA MEILLEURE EN CERTAINS CAS, ET LA PIRE EN D'AUTRES131(*). IL PREND LES CONTRE-PIEDS DE MONTESQUIEU QUI CONSIDÉRAIT QUE LA VERTU EST LE PRINCIPE DE LA RÉPUBLIQUE. POUR LUI, « LE MÊME PRINCIPE DOIT AVOIR LIEU DANS TOUT ETAT BIEN CONSTITUÉ, PLUS OU MOINS, IL EST VRAI, SELON LA FORME DU GOUVERNEMENT »132(*).

    Rousseau, comme Platon avant lui, admet que la démocratie est un système parfait de gouvernance et c'est justement parce qu'elle est parfaite qu'elle ne convient pas aux hommes. « S'il y avait un peuple des dieux, il se gouvernerait démocratiquement ». Ngoma Binda revient sur cette approche pessimiste de la démocratie en la traitant de « conception négative ». En fait, de nos jours, la notion de démocratie représentative est venue dissiper les malentendus sur les modalités d'application de la démocratie133(*).

    A la question du meilleur gouvernement, Rousseau ajoute une autre réponse, aussi pertinente que la première. « Quand on demande absolument quel est le meilleur gouvernement, affirme-t-il, on fait une question insoluble comme indéterminée...mais si l'on demandait à quel signe on peut reconnaitre qu'un peuple donné est bien ou mal gouverné, ce serait autre chose, et la question de fait pourrait se résoudre.134(*) Pour Rousseau en effet, le signe d'un bon gouvernement est celui-là qu'exprime la fin de l'association politique : la conservation et la prospérité de ses membres. La bonne gouvernance permet ainsi à un peuple de s'organiser rationnellement pour se donner les conditions minimum de paix intérieure et extérieure.

    Ici, la doctrine politique envisage les enjeux de la mort et de la permanence du corps politique. La première cause de la mort est le choix de la gradation de l'identification des actes de la magistrature. Nous avons vu qu'il y a toujours trois volontés dans l'exercice de la magistrature. Si le gouvernement choisit d'être d'abord soi-même, puis magistrat enfin citoyen, ses actes ne sauraient conserver la vitalité de l'État. Mais si, au contraire, il inverse cette gradation en choisissant d'être d'abord citoyen, puis magistrat enfin soi-même, ses actes seront orientés vers le bien public car fondés sur la primauté du général sur le particulier.

    La logique de la magistrature doit nécessairement être déductive. Quant à la permanence du corps politique, elle dépend de la volonté ses constituants : « La constitution de l'homme est l'ouvrage de la nature, celle de l'État est l'ouvrage de l'art. Il ne dépend pas des hommes de prolonger leur vie, il dépend d'eux de prolonger celle de l'État aussi loin qu'il est possible, en lui donnant la meilleure constitution ».135(*)

    Le principe de la vie politique étant dans l'autorité souveraine, on reconnait un État qui vit encore lorsque ses lois, expression de la volonté générale, ne sont pas modifiées selon l'humeur du prince. N'est-ce pas une contribution au débat sur l'ordre constitutionnel en République Démocratique du Congo ?

    5. LIVRE QUATRIEME:CONCLUSION.

    CE LIVRE PORTE SUR L'INDESTRUCTIBILITÉ DE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE.

    « TANT QUE PLUSIEURS HOMMES RÉUNIS SE CONSIDÈRENT COMME UN SEUL CORPS, ILS N'ONT QU'UNE SEULE VOLONTÉ, QUI SE RAPPORTE À LA COMMUNE CONSERVATION, ET AU BIEN-ÊTRE GÉNÉRAL136(*). ROUSSEAU PRÊCHE L'UNANIMISME. CETTE VISION DU VIVRE ENSEMBLE, NOUS POUVONS L'ENTENDRE AVEC NGOMA BINDA COMME « LA CONSCIENCE NATIONALE » C'EST-À-DIRE « LA VOLONTÉ ÉCLAIRÉE ET INÉBRANLABLE DE VIVRE ENSEMBLE AU SEIN D'UNE ENTITÉ TERRITORIALE PRÉCISE »137(*). .

    En conclusion, le contrat social de Rousseau pose les principes de légitimité du pouvoir politique, envisage la finalité du politique et définit les attitudes concrètes que cette finalité exige des citoyens.

    CHAPITRE VI.

    KANT ET LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE. LA PAIX PAR LA GOUVERNANCE GLOBALE

    Le projet de paix perpétuelle est l'un des écrits qui ont favorisé la renommée mondiale de Kant. Ce chapitre se propose d'analyser ce livre et d'en dégager l'hypothèse selon laquelle seule une bonne gouvernance globale, qui intègre les dimensions intra-étatiques et inter-étatiques, est le moyen le plus efficace qui puisse accompagner l'éducation dans la recherche de la paix. L'analyse part d'une petite introduction au projet de paix perpétuelle puis s'étend sur les articles préliminaires et définitifs.

    6.1. INTRODUCTION AU PROJET DE PAIX PERPETUELLE.138(*)

    LE PROJET DE PAIX PERPÉTUELLE DE KANT APPARAÎT EN 1795. CETTE IDÉE N'EST PAS EXCLUSIVEMENT KANTIENNE. D'AUTRES L'ONT EUE AVANT LUI. C'EST LE CAS DE CHARLES CASTEL DE SAINT PIERRE. NÉ LE 13 FÉVRIER 1658, L'ABBÉ DE SAINT PIERRE SIGNE, DÉJÀ EN 1707, UN LIVRE INTITULÉ PROJET POUR RENDRE LA PAIX PERPÉTUELLE EN EUROPE. C'EST LÀ QUE, PEUT-ÊTRE POUR LA PREMIÈRE FOIS DE FAÇON PLUS OU MOINS ÉLABORÉE, APPARAÎT L'IDÉE D'UNE « SOCIÉTÉ DES PEUPLES », COMME ALTERNATIVE PRATIQUE AUX DIFFÉRENTES GUERRES QUI DÉCHIRAIENT L'EUROPE.

    VOICI COMMENT L'ABBÉ DE SAINT PIERRE RÉSUMAIT SON PROJET : « JE VAIS VOIR, DU MOINS EN IDÉE, LES HOMMES S'UNIR ET S'AIMER ; VIVANT DANS UNE CONCORDE ÉTERNELLE, TOUS CONDUITS PAR LES MÊMES MAXIMES, TOUS HEUREUX DU BONHEUR COMMUN ; ET, RÉALISANT EN MOI-MÊME UN TABLEAU SI TOUCHANT, L'IMAGE D'UNE FÉLICITÉ QUI N'EST POINT M'EN FERA GOÛTER QUELQUES INSTANTS UNE VÉRITABLE ».139(*)

    140(*).

    141(*).

    CE QUI EST PLUS INTÉRESSANT DANS L'APPROCHE DE L'ABBÉ DE SAINT PIERRE, C'EST QUE SON ÉCRIT PROPOSE, OUTRE LA CONFÉDÉRATION PUBLIQUE ET FORMELLE DES ETATS QUI POURRAIT S'ENTENDRE EN TERMES DE RAPPROCHEMENT GÉO-STRUCTUREL DES PEUPLES, UNE CONFÉDÉRATION MORALE DES PEUPLES, GARANTIE NÉCESSAIRE DE LA CONFÉDÉRATION PUBLIQUE. IL L'EXPRIME EN TERMES D'UNION DES INTÉRÊTS, RAPPORT DES MAXIMES, CONFORMITÉ DES COUTUMES.142(*)

    En effet, l'abbé de Saint Pierre résume en 7 articles les avantages de la confédération d'Etats européens sur leurs propres pouvoirs et prestiges143(*).

    1°) « sureté entière (...). Leurs différends présents et futurs seront toujours terminés sans aucune guerre... ».

    2°) « sujets de contestations, ôtés, ou réduits à très-peu de chose par l'anéantissement de toutes prétentions antérieures, qui compensera les renonciations, et affirmera les possessions ».

    3°) « sureté entière et perpétuelle, et de la personne, et du prince, et de sa famille, et de ses Etats, et de l'ordre de succession fixé par les lois de chaque pays, tant contre l'ambition des prétendants injustes et ambitieux, que contre les révoltes des sujets rebelles ».

    4°) « sureté parfaite de l'exécution de tous les engagements réciproques entre prince et prince, par la garantie de la république européenne ».

    5°) « liberté et sureté parfaite et perpétuelle de leur dépense militaire extraordinaire par terre et par mer en temps de guerre, et considérable diminution de leur dépense en temps de paix ».

    6°) « progrès sensible de l'agriculture et de la population, des richesses de l'Etat et des revenus du prince ».

    7°) facilité de tous les établissements qui peuvent augmenter la gloire et l'autorité du souverain, les ressources publiques et le bonheur des peuples ».

    Après l'abbé de Saint Pierre, Jean Jacques Rousseau reprendra l'idée de paix perpétuelle dans ses jugements sur le projet de paix perpétuelle.144(*)

    Dans une perspective critique, Rousseau considère que « l'ouvrage de l'abbé de Saint Pierre sur la paix perpétuelle parait d'abord inutile pour la produire et superflu pour la conserver. C'est donc une vaine spéculation, dira quelque lecteur impatient ; non, c'est un livre solide et pensé, et il est très important qu'il existe »145(*).

    Quoiqu'il en soit, Rousseau hésite sur la possibilité de réalisation historique d'un tel projet : « Ainsi quoique le projet fut très sage les moyens de l'exécuter se sentaient de la simplicité de l'auteur, il s'imaginait bonnement qu'il ne fallait qu'assembler un congrès, y proposer ses articles, qu'on les allait signer et que tout serait fait »146(*).

    On voit bien que sur le plan rationnel et spéculatif, Rousseau admet l'idée d'un Etat Européen, mais sur le plan réel et historique, il émet son doute. C'est-à-dire que Rousseau n'avait pas encore poussé ses principes politiques jusqu'au droit des gens. Le projet cosmopolitique de Kant sera, comme nous allons le voir, une application des principes politiques de Rousseau aux relations intra-étatiques et interétatiques.

    6.2. LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE DE KANT.

    «A la paix perpétuelle! ». Cette expression est, d'après Kant, une inscription satirique, gravée par un aubergiste hollandais sur son enseigne, où il avait fait peindre un cimetière... »147(*).

    KANT COMMENCE PAR S'INTERROGER SUR LE CONTENU PRATIQUE DE LA PAIX PERPÉTUELLE. IL SAIT QUE POUR LE POLITIQUE PRATIQUE, UN TEL PROJET EST UN DOUX RÊVE, UNE ÉLUCUBRATION MÉTAPHYSIQUE DES PHILOSOPHES. TOUTEFOIS, L'IDÉE DE PAIX PERPÉTUELLE EST SOLIDEMENT FONDÉE EN RAISON, ELLE EST PRATIQUEMENT FAISABLE DANS L'HISTOIRE ET REPRÉSENTE POUR L'HUMANITÉ UN HORIZON NÉCESSAIRE.

    6.2.1. Les articles préliminaires

    1°) « ON NE REGARDERA PAS COMME VALIDE TOUT TRAITÉ DE PAIX, OÙ L'ON SE RÉSERVERAIT TACITEMENT LA MATIÈRE D'UNE NOUVELLE GUERRE »148(*).

    Cet article consacre le principe de sincérité dans les traités internationaux. Pour Kant, un traité où l'on se réserve tacitement la matière d'une nouvelle guerre n'est pas propre à la paix perpétuelle, mais à la « trêve », la paix doit être perpétuelle c'est-à-dire « définitive », elle n'est pas le moment intermédiaire entre deux guerres.

    2°) « Tout Etat, qu'il soit grand ou petit, ne pourra jamais passer au pouvoir d'un autre Etat, ni par échange, ni à titre d'achat ou de donation ».

    Cet article consacre le principe de l'inaliénabilité des Etats. Kant conçoit les Etats comme les sujets de droit international, exactement comme les sujets de droit interne de Rousseau. Incorporer un « Etat à un autre Etat, comme une simple greffe, c'est le réduire, de personne morale qu'il était, à l'état d'une chose ».

    Kant prévient les velléités impérialistes et expansionnistes des certains Etats. Il sait que la paix des peuples n'est possible que si chacun est respecté dans son identité inaliénable.

    3°) « Les troupes réglées (miles perpetuus) doivent être abolies avec le temps ».

    Cet article pose le principe de non-instrumentalisation militaire. En fait, il n'exclut pas la nécessité d'une armée nationale composée des citoyens, mais il fait allusion aux « mercenaires », des soldats professionnels, nationaux ou pas, qu'on peut à tout moment instrumentaliser à prix d'argent pour déstabiliser un autre Etat. D'ailleurs, estime Kant, « être pris à la solde, pour tuer ou être tué, c'est servir d'instrument ou de machine dans la main d'autrui ».149(*)

    4°) « On ne doit point contracter des dettes nationales, pour soutenir les intérêts de l'Etat ou du dehors ».150(*)

    Cet article consacre le principe de non enrichissement dans l'intention de faire la guerre. Si le système de crédit est orienté vers l'économie du pays, il ne saurait nullement être suspect. Mais s'il est contracté dans l'intention d'appauvrir les autres Etats et de se réserver les moyens conséquents en vue de la guerre, un tel système de crédit est « un très grand obstacle à la paix perpétuelle ».

    5°) « Aucun Etat ne doit s'ingérer de force dans la constitution, ni dans le gouvernement d'un autre ».151(*)

    C'EST LE PRINCIPE DE NON-INGÉRENCE. TOUTEFOIS, CE PRINCIPE DEMEURE NUANCÉ ET RELATIF CAR IL EST DES CAS OÙ LA COMMUNAUTÉ DES PEUPLES SERAIT MORALEMENT OBLIGÉE DE S'INGÉRER DANS LES AFFAIRES INTERNES D'UN ETAT, LORSQUE PAR EXEMPLE LA SITUATION DE CET ETAT ATTEINT UN CERTAIN NIVEAU DE GRAVITÉ ET POUR L'ETAT LUI-MÊME ET POUR LA PAIX INTERNATIONALE.

    6°) « On ne doit pas se permettre, dans une guerre, des hostilités qui seraient de nature à rendre impossible la confiance réciproque, quand il sera question de la paix. Tels seraient l'usage qu'on ferait d'assassins ou d'empoisonneurs, la violation d'une capitulation, l'encouragement secret à la rébellion, etc. »152(*).

    Cet article consacre le principe de limitation raisonnable des faits de guerre en temps de guerre. L'objectif est de préserver une certaine dose de confiance mutuelle sur laquelle on peut se fonder pour bâtir la paix. Pour cela, il y a un seuil « normal » des crimes, de violence et de stratégie de déstabilisation de l'autre. Autrement dit, la guerre classique est toujours réglementés et dans ce cadre précisément, les excès sont toujours condamnés par la conscience morale universelle et finissent par être punis. En d'autres termes, et pour évaluer moralement la violence sous toutes ses formes, toute guerre doit être menée avec l'idée de faire la paix, la guerre est toujours provisoire.

    v Remarques sur les articles préliminaires

    Ø Tous les articles préliminaires, sauf le troisième, se formulent négativement. Ils portent sur ce qu'il ne faut pas faire dans les rapports interétatiques pour encourager la paix.

    Ø Les articles 1, 5 et 6 sont stricts, ils relèvent de la nécessité morale d'agir, les autres sont permissifs, ils s'entendent comme possibilité moral d'agir en certains cas.

    6.2.2. Les articles définitifs

    1°) « La constitution civile de chaque Etat doit être républicaine ».153(*)

    Cet article consacre le principe de démocratie interne.

    COMPARATIVEMENT À ROUSSEAU, CET ARTICLE SOUS-ENTEND QUE NUL NE PEUT PARTICIPER UTILEMENT AU CONTRAT SOCIAL S'IL N'EST AU DÉPART LIBRE. KANT EST CONVAINCU QUE SI UN ETAT EST RÉPUBLICAIN, AUJOURD'HUI ON DIRAIT DÉMOCRATIQUE, SES PENCHANTS VERS LA GUERRE SERONT MAITRISÉS PAR LE PEUPLE, QUI AIME LA PAIX.

    KANT APPORTE UNE PRÉCISION SUR LE SENS DU CONCEPT RÉPUBLIQUE. IL PRÉTEND QUE LA RÉPUBLIQUE N'EST PAS À CONFONDRE AVEC LA DÉMOCRATIE. (CE QUE L'ON PEUT COMPRENDRE AU REGARD DE SON CONCEPT DE DÉMOCRATIE À L'ÉPOQUE). POUR LUI, LES FORMES DE L'ETAT PEUVENT ÊTRE ENVISAGÉES SOIT SELON LES PERSONNES QUI JOUISSENT DU SOUVERAIN POUVOIR, C'EST LA FORMA IMPERII ; SOIT SELON LE MODE D'ADMINISTRATION DONT USE UN CHEF QUELCONQUE DU PEUPLE, C'EST LA FORMA REGIMINIS. SELON LA FORMA IMPERII, IL Y A L'AUTOCRATIE, QUAND UN SEUL DÉTIENT LE POUVOIR SUPRÊME ; L'ARISTOCRATIE, QUAND PLUSIEURS LE PARTAGENT ; LA DÉMOCRATIE, QUAND TOUS LES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ L'EXERCENT. SELON LA FORMA REGIMINIS, IL Y A LA RÉPUBLIQUE ET LE DESPOTISME. POUR LUI « LE RÉPUBLICANISME EST LE PRINCIPE POLITIQUE, SUIVANT LEQUEL ON SÉPARE LE POUVOIR EXÉCUTIF (LE GOUVERNEMENT) DU LÉGISLATIF »154(*).

    Par conséquent, pour Kant, la démocratie est nécessairement despotisme puisqu'elle « établit un pouvoir exécutif contraire à la volonté générale ; tous pouvant y décider contre un seul dont l'avis est différent... »155(*). Cette critique de Kant est légitime par rapport à la « dictature de la majorité » dans la démocratie, mais elle est « étrange » en ceci qu'elle oublie le réalisme politique de cette dictature ! De nos jours, la notion de démocratie représentative semble avoir théoriquement résolu cette difficulté conceptuelle. Toutefois, ce qui importe pour Kant, ce n'est pas la forma imperii mais c'est la forma regiminis : « Et cependant la forme du gouvernement est bien autrement importante pour un peuple que la forme du souverain... »156(*).

    2°) «IL FAUT QUE LE DROIT PUBLIC SOIT FONDÉ SUR UNE FÉDÉRATION D'ETATS LIBRES ».157(*)

    Cet article consacre le principe de fédération d'Etats. Ce qui suppose une différence par rapport aux principes du droit politique élaborés par Rousseau dans le contrat social. En effet, les sujets de Rousseau s'aliènent totalement dans le tout alors que les sujets kantiens gardent, même après le contrat, leur souveraineté. D'où la difficulté de la garantie de permanence d'une telle fédération : « Or plusieurs peuples, réunis en un même Etat, n'en formeraient plus qu'un seul. Ce qui contredit la supposition, vu qu'il s'agit ici des droits réciproques des peuples, en tant qu'ils composent une multitude d'Etats différents, qui ne doivent pas se confondre en un seul et même Etat »158(*).

    L'idée de fond est que les relations entre Etats doivent se fonder sur un ordre juridique raisonnable qui permet que chaque peuple exerce sa liberté dans un cadre moral qui favorise la paix. Seul le droit est à même d'empêcher « la dégradation animale de l'humanité » et l'avilissement du « manque de civilisation ».

    La difficulté demeure cependant, sur le caractère obligatoire de l'ordre constitutionnel interétatique. Kant admet que le droit est lié à la contrainte et que par conséquent, les lois doivent être «  coactives ». Comment sera-ce réaliste si l'on ne relativise pas le principe de souveraineté des Etats ? Kant semble avoir eu à l'esprit cette difficulté. C'est pourquoi, il s'en remet à la moralité humaine pour garantir la nécessité d'un ordre juridique international qui empêche et maitrîse les velléités de la guerre. Car, quoiqu'il en soit, le mal dans l'homme est « inscrutable ».

    Voici comment il argumente en faveur de la garantie morale de l'ordre juridique international : «  Et cependant, l'hommage rendu ainsi, par tous les Etats, au principe du droit, ne fut-ce qu'en paroles, prouve du moins une disposition morale qui, bien qu'assoupie encore dans l'homme, tend néanmoins avec vigueur à asservir en lui le mauvais principe, auquel il ne peut entièrement se soustraire159(*).

    Kant soutient l'idée de la réalisation historique de l'idée d'une fédération d'Etats qui s'étendrait insensiblement à tous les Etats en vue de la paix perpétuelle. Voici comment il formule son argument : « Car si le bonheur voulait qu'un peuple, aussi puissant qu'éclairé, pût se constituer en république (gouvernement qui, par sa nature, doit incliner à une paix perpétuelle), il y aurait dès lors un centre pour cette association fédérative ; d'autres Etats pourraient y adhérer pour garantir leur liberté d'après les principes du droit public, et cette alliance pourrait s'étendre insensiblement »160(*). Un tel argument contient plusieurs difficultés auxquelles Kant n'avait peut-être pas pensé en raison de l'état du monde de son époque.

    EN EFFET, LA PREMIÈRE DIFFICULTÉ SE SITUE AU NIVEAU DE LA PRÉTENTION D'UN SEUL ETAT À ÊTRE RÉPUBLICAIN AU POINT QUE LES AUTRES ETATS SOIENT OBLIGÉS DE VALIDER SA PRÉTENTION ET DE SE GREFFER À LUI. LA SITUATION MONDIALE ACTUELLE ÉTANT COMPLEXE, UNE TELLE PRÉTENTION NE SERA PAS RÉALISTE, ENCORE MOINS CRÉDIBLE.

    CAR ELLE REPOSE SUR UNE AUTO-PROCLAMATION POLITIQUE NON RESPECTUEUSE DE LA LOGIQUE POLITIQUE DES AUTRES ETATS. AINSI L'ON COMPREND POURQUOI KANT RECOURT SOUVENT AU « TRIBUNAL DE LA RAISON » POUR GARANTIR LA NÉCESSITÉ D'UN PASSAGE DE L'ÉTAT DE NATURE À UN ÉTAT CIVIL ET LÉGAL : « AU TRIBUNAL DE LA RAISON, IL N'Y A QU'UN SEUL MOYEN DE TIRER LES ETATS DE CETTE SITUATION TURBULENTE, OÙ ILS SE VOIENT TOUJOURS MENACÉS DE LA GUERRE, SAVOIR : DE RENONCER, COMME LES PARTICULIERS, À LA LIBERTÉ ANARCHIQUE DES SAUVAGES, POUR SE SOUMETTRE À DES LOIS COERCITIVES ,ET FORMER AINSI UN ETAT DES NATIONS (CIVITAS GENTIUM) QUI EMBRASSE INSENSIBLEMENT TOUS LES PEUPLES DE LA TERRE »161(*). ON VOIT DANS CETTE IDÉE KANTIENNE UN ANCÊTRE PHILOSOPHIQUE DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS.

    ON DIRAIT AU REGARD DE CETTE ASSERTION KANTIENNE QU'IL FAUT TENDRE VERS UNE RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE. MAIS COMME UN TEL PROJET N'EST PAS PRATIQUEMENT RÉALISTE À CAUSE DE LA SOUVERAINETÉ INALIÉNABLE DES PARTIES,  KANT PROPOSE À LA PLACE D'UNE RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE UNE `' ALLIANCE PERMANENTE''. CELLE-CI SERAIT UN SUPPLÉMENT NÉGATIF À L'IDÉE POSITIVE D'UNE RÉPUBLIQUE DES PEUPLES, LA CRAINTE ÉTANT D'ÉVITER DE DÉBOUCHER SUR UNE `' MONARCHIE UNIVERSELLE''.

    En somme, le deuxième article définitif se rapporte au droit international.

    3°) «  Le droit cosmopolitique doit se borner aux conditions d'une hospitalité universelle ».

    Cet article consacre le principe de l'hospitalité universelle. Cette hospitalité ne doit pas s'entendre au sens philanthropique, mais au sens juridique. En ce sens précisément hospitalité signifie donc uniquement le droit qu'a chaque étranger de ne pas être traité en ennemi dans le pays où il arrive162(*).

    UN TEL DROIT, EN TANT QUE POSSIBILITÉ POUR TOUT HOMME DE VIVRE PARTOUT SUR LA TERRE SELON LES LOIS, REPOSE SUR LA « POSSESSION COMMUNE DE LA SURFACE DE LA TERRE ENTRE LES HOMMES, DONT LA FORME SPHÉRIQUE LES OBLIGE À SE SUPPORTER LES UNS À CÔTÉ DES AUTRES... ».

    LE DROIT D'HOSPITALITÉ UNIVERSELLE EST POSSIBLE CAR « LES LIAISONS PLUS OU MOINS ÉTROITES QUI SE SONT ÉTABLIES ENTRE LES PEUPLES, AYANT ÉTÉ PORTÉES AU POINT QU'UNE VIOLATION DES DROITS COMMISE EN UN LIEU EST RESSENTIE PARTOUT, L'IDÉE D'UN DROIT COSMOPOLITIQUE NE POURRA PLUS PASSER POUR UNE EXAGÉRATION FANTASTIQUE DU DROIT, ELLE EST LE DERNIER DEGRÉ DE PERFECTION NÉCESSAIRE AU CODE TACITE DU DROIT CIVIL ET PUBLIC... »163(*).

    6.2.3. Remarques sur les articles définitifs

    §.1. LES TROIS ARTICLES DÉFINITIFS SONT POSITIFS.

    Ils indiquent ce qu'il faut faire pour instituer la paix.

    §.2. Les trois articles définitifs reposent sur le caractère moral de l'homme.

    On dirait avec Victor Delbos, que « l'avènement d'une humanité prenant la loi morale pour maxime de sa conduite abolirait totalement la guerre.164(*).

    §.3. Les trois articles définitifs correspondent parfaitement à la subdivision kantienne du droit public.

    Le premier article se rapporte au droit politique qui recommande l'ajustement et la réforme de la constitution de chaque Etat sur le modèle républicain.

    Le deuxième article correspond au droit des gens selon lequel la paix entre Etats est fonction d'une fédération d'Etat libres selon les lois rationnelles communément partagées. De même que le droit politique permet le passage à l'état civil des individus, le droit des gens assure le passage à l'état civil des Etats165(*). Le troisième article se rapporte au droit cosmopolitique.

    Ces articles de Kant se fondent sur une philosophie optimiste de l'histoire humaine.

    6.3. LA FINALITE DE LA NATURE ET LE SENS DE L'HISTOIRE

    Kant considère que « le garant de ce traité n'est rien moins que l'ingénieuse et grande ouvrière, la nature (nature daedala rerum) »166(*). En d'autres termes, la marche humaine vers la paix se donne comme un horizon de la nature, du destin. Il semble donc qu'à l'insu de la volonté humaine le processus qui conduit à la paix soit en marche. La réflexion kantienne sur la paix débouche sur un questionnement sur le sens de l'histoire.

    Celle-ci évolue en spectacle paradoxal : d'une part l'homme disqualifie la guerre et d'autre part la guerre permet aux hommes de se réconcilier, surtout de faire pragmatiquement usage de leur raison et de vivre en paix malgré eux. Tout se passe comme si la « ruse » de la nature avait disposé les choses de façon que du fond des guerres sanglantes qui endeuillent l'humanité surgisse la nécessité de la paix.

    L'expérience des guerres mondiales confirme cette hypothèse. Jamais l'humanité n'a pris conscience de son unité qu'après l'expérience de l'inhumanité de la guerre. Celle-ci est tenue comme un motif de rapprochement des hommes. L'homme se présente alors, pour emprunter un terme de Paul Ricoeur, comme un « mixte », un involontaire-volontaire.

    Une telle approche de la guerre suppose une philosophie de l'histoire paradoxale. En effet, les événements qui jalonnent l'histoire ne doivent plus être pensés en eux-mêmes (ex : la Révolution française, les guerres mondiales), mais comme des étapes de la dialectique humaine vers l'accomplissent d'une fin : la paix. Penser l'histoire sur le modèle de la nature suppose ainsi un rapport entre la forme et la fin de tous les éléments qui la composent, en activant au préalable la notion de « finalité ». Ainsi conçue, les hommes doivent se considérer comme des agents d'une cause supérieure et admettre que leurs actions sont des maillons constructifs de la fin humaine : la paix.

    En conclusion, le projet de paix perpétuelle de Kant est un essai philosophique portant sur les conditions morales, politiques et juridiques de la paix parmi les hommes. On en retient l'idée que la paix est fonction du droit. Celui-ci est fondé sur l'exigence de la communauté de destin pour toute l'humanité et sur une philosophie de l'histoire ayant une vocation pédagogique pour les hommes.

    CONCLUSION GENERALE

    La présente étude se voulait un argument pour la paix et la bonne gouvernance. Deux objectifs principaux devaient être atteints: fonder théoriquement les concepts de paix et de bonne gouvernance et déboucher sur des propositions concrètes pouvant contribuer au débat sur la problématique de la paix en Afrique. A propos du premier objectif, nous avons recouru à Rousseau et Kant et d'eux nous avons appris somme toute que la guerre est une réalité anthropologique alors que la paix est une nécessité anthropologique. Nous avons rapproché l'Emile au Contrat social et les propos sur l'éducation au projet de paix perpétuelle pour soutenir l'idée selon laquelle c'est par l'élévation morale de l'homme et par la bonne gouvernance des sociétés humaines que doit s'exprimer tout désir de paix parmi les hommes. Cela suppose l'intégration dans les systèmes et éducatif et les systèmes politiques des valeurs humaines compatibles avec l'idée de paix pour tous.

    En ce qui concerne le deuxième objectif, nous rappelons quelques propositions concrètes émissent par le Professeur Ngoma Binda à travers son concept de démocratie libérale communautaire et nous terminons par notre propre apport à travers la notion de «Gouvernance globale et intégrative ». Cette notion thématise le rapport entre le tout et la partie dans le domaine de l'organisation sociale

    2. La démocratie libérale communautaire

    Toute la philosophie politique de Ngoma Binda s'inscrit dans ce que nous pouvons appeler « la théorie de la démocratie libérale ». Elle se fonde sur la foi dans la capacité pour la démocratie à générer des formes concrètes de gouvernance et de développement pour tous. La renaissance à la démocratie politique, pense l'auteur, ouvre les portes de l'espoir de réalisation de l'idée non égoïste de la solidarité politique des Etats et des peuples comme voie d'avènement de la paix, de la puissance, de la prospérité, de la dignité altière et de la joie d'exister des peuples167(*).

    EN EFFET, LA NOTION DE DÉMOCRATIE LIBÉRALE COMMUNAUTAIRE SE VEUT UNE SYNTHÈSE DES VALEURS POSITIVES DE LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE OCCIDENTALE ET DES VALEURS POSITIVES DE LA DÉMOCRATIE COMMUNAUTAIRE AFRICAINE. FONDÉE SUR LES PRINCIPES D' « AUTHENTICITÉ » ET DE « PROXIMITÉ SPATIALE », SA FORMULATION EST « COMMANDÉE » C'EST-À-DIRE « APPUYÉE SUR LES IMPÉRATIFS ET EXIGENCES DE VIE DES AFRICAINS AUJOURD'HUI »168(*).

    DANS CE CADRE PRÉCISÉMENT, L'AUTEUR PROPOSE 6 RÈGLES DE SOLIDARITÉ FÉDÉRATIVE ET TROIS FORMES INSTITUTIONNELLES DE CES RÈGLES. LES RÈGLES DE SOLIDARITÉ FÉDÉRATIVES SONT:

    V LE PRINCIPE FÉDÉRATIF: IL REVALORISE LA NOTION DE CONTRAT COMME MÉCANISME RÉALISTE DE COOPÉRATION POSITIVE ENTRE LES ETATS, LES INDIVIDUS ET LES ETHNIES.

    V LA COOPÉRATION DONNANT-DONNANTE: AJOUTE À LA DIMENSION ÉTHIQUE DU CONTRAT UNE DIMENSION CONTRAIGNANTE.

    V LA TRANSPARENCE CONTRACTUELLE: RENFORCE LA DIMENSION ÉTHIQUE DU CONTRAT.

    V LA NON-INGÉRENCE INDÉSIRÉE: RÉAFFIRME LA SOUVERAINETÉ DES ETATS TOUT EN ADMETTANT QU'UN « DEVOIR D'INGÉRENCE HUMANITAIRE EST LÉGITIME AU NOM DE LA CONSCIENCE MORALE UNIVERSELLE »169(*).

    V LA NON-AGRESSION MUTUELLE: LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES VITALES DOIT SE FAIRE DANS LE CADRE D'UNE COOPÉRATION RECIPROCITAIRE ET NON PAR AGRESSION.

    V L'HOSPITALITÉ UNIVERSELLE: LA MOBILITÉ DES PERSONNES DANS L'ESPACE CONTINENTAL EST GARANTIE SOUS RÉSERVE D'UNE LÉGISLATION RAISONNABLE.

    VOICI LES TROIS NIVEAUX DES FORMES INSTITUTIONNELLES DE CES RÈGLES:

    V AU NIVEAU LOCAL:

    Ø CHAQUE ETAT DOIT SE REFORMER SUR LE MODÈLE DÉMOCRATIQUE

    Ø IL FAUT UN FÉDÉRALISME DÉCENTRALISÉ AYANT POUR OBJET L'AUTONOMISATION DES ENTITÉS CULTURELLES. CE QUI FAVORISE UNE POLITIQUE DE NON-MARGINALISATION DE CERTAINES ENTITÉS.

    V AU NIVEAU RÉGIONAL:

    Ø RESPECT RIGOUREUX DES FRONTIÈRES

    Ø NÉCESSITÉ DES CONTRATS GAGNANTS-GAGNANTS

    Ø CRÉATION DES AUTOROUTES DE COMMUNICATION POUR FAVORISER L'INTÉGRATION PHYSIQUE ET MORALE DES PEUPLES.

    V AU NIVEAU CONTINENTAL:

    Ø RENFORCER L'UNION AFRICAINE

    Ø CRÉER UNE COUR AFRICAINE DE JUSTICE

    Ø METTRE EN PLACE UNE ARMÉE PANAFRICAINE

    Ø CRÉER UN INSTITUT PANAFRICAIN D'ÉTUDES STRATÉGIQUES ET PROSPECTIVES.

    NB. FAIRE DU COMMUNAUTARISME UN ÉLÉMENT SPÉCIFIQUE DE L'ORGANISATION SOCIALE NÉGRO-AFRICAINE SEMBLE RELEVER DU MYTHE. SI TEL ÉTAIT LE CAS, POURQUOI LES AFRICAINS NE LE PROUVENT PAS DANS LES FORMES CONCRÈTES DE LEUR ORGANISATION POLITIQUE AUJOURD'HUI. DANS LA MESURE OÙ CETTE HYPOTHÈSE EST ACCEPTABLE, LE CONCEPT DÉMOCRATIE LIBÉRALE COMMUNAUTAIRE DU PROFESSEUR NGOMA BINDA POURRAIT LÉGITIMEMENT ÊTRE RELATIVISÉ, DU MOINS DANS SA FORME ET NON DANS SON CONTENU.

    3. Pour une gouvernance globale et intégrative

    DE ROUSSEAU À NGOMA BINDA EN PASSANT PAR KANT, NOS LECTURES NOUS INSPIRENT LA NOTION DE GOUVERNANCE GLOBALE INTÉGRATIVE. NOUS PROPOSONS LE CONTENU DE CE CONCEPT EN TROIS ÉTAPES : LES CAUSES DE LA GUERRE EN AFRIQUE, LES PRINCIPES DE GOUVERNANCE GLOBALE INTÉGRATIVE, ET LA PLACE DE L'ÉLITE AFRICAINE.

    3.1. Des causes de la guerre en Afrique

    NOUS AVONS IDENTIFIÉ LES CAUSES MORALES, LES CAUSES ÉCONOMIQUES, LES CAUSES GÉOPOLITIQUES ET LES CAUSES CULTURELLES.

    V SUR LE PLAN MORAL, L'HOMME POLITIQUE AFRICAIN POSSÈDE ENCORE UNE CONSCIENCE TRÈS OBSCURCIE ET TRÈS NÉGATIVE DE LA POLITIQUE.

    CONSÉQUENCES: DÉMAGOGIE, PILLAGES, EMPOISONNEMENTS, DÉTOURNEMENT.

    V SUR LE PLAN ÉCONOMIQUE, L'ABSENCE D'UNE POLITIQUE RATIONNELLE DE GESTION CONCILIANTE DES RESSOURCES ÉCONOMIQUES ET DES TRANSACTIONS COMMERCIALES. CONSÉQUENCES: AGRESSIONS MUTUELLES, REBELLIONS...

    V SUR LE PLAN GÉOPOLITIQUE, LES POLITICIENS AFRICAINS SONT TOUJOURS VICTIMES DE L'EXPÉRIMENTATION DE TOUTES LES VELLÉITÉS DES GRANDES PUISSANCES. CONSÉQUENCES: CLIENTÉLISME, MERCENARIAT, MANIPULABILITÉ...

    V SUR LE PLAN CULTUREL: LES MYTHES DES MESSIANISMES POLITIQUES ET IDENTITAIRES DE CERTAINES ETHNIES. CONSÉQUENCES: GUERRES CIVILES, TRIBALISME, RÉGIONALISME, ETHNURGIE...

    QUE FAIRE. IL FAUT UNE GOUVERNANCE GLOBALE ET INTÉGRATIVE.

    3.2. Les principes de gouvernance globale et intégrative

    V LE PRINCIPE DE VOLONTÉ POLITIQUE: SI LES DIRIGEANTS VEULENT VIVRE EN PAIX, ILS LE POURRONT.

    V LE PRINCIPE D'UNITÉ D'ACTION: TOUTES LES ACTIONS POLITIQUES NATIONALES DOIVENT CONVERGER VERS L'IMPÉRATIF DE LA PAIX POUR TOUS.

    V LE PRINCIPE DU PROJET DE PUISSANCE COMMUN: AUCUNE POLITIQUE DE PUISSANCE D'UN PAYS NE PEUT RÉUSSIR S'IL N'INTÈGRE PAS, DE FAÇON CONCERTÉE, LE PROJET DE PUISSANCE GLOBAL DE L'AFRIQUE.

    V LE PRINCIPE DE CO-DÉVELOPPEMENT: IL FAUT PRO-JETER LE DÉVELOPPEMENT GLOBAL DE L'AFRIQUE, SUR TOUS LES PLANS ET AJUSTER LES POLITIQUES NATIONALES DE CHAQUE PAYS SUR CE PROJET.

    V LE PRINCIPE DE PROMOTION ET DE RESPECT DES IDENTITÉS NATIONALES ET CULTURELLES.

    3.3. De la place de l'élite africaine

    IL FAUT UNE ÉLITE DE « CHANGEMENT SOCIAL », AU SENS OÙ A. TOYNBEE170(*) L'ENTENDAIT; C'EST-À-DIRE UNE ÉLITE ENGAGÉE À RELEVER LES DIFFÉRENTS DÉFIS DE L'AFRIQUE DANS CE SIÈCLE TRÈS PROMETTEUR.

    Tel est notre contribution théorique au débat sur la problématique de la paix en Afrique. Il reste une contribution pratique à la quelle toute l'élite africaine est conviée, en commençant par l'élite politique car c'est le politique qui détient les actes performatifs de l'avenir et du devenir des peuples.

    BIBLIOGRAPHIE

    A. OUVRAGES PRINCIPAUX

    - Kant, E.,- Propos sur l'éducation, Oeuvres complètes, coordination de F. Alquié, tome III, Gallimard, 1986.

    - Projet de paix perpétuelle, Oeuvres complètes, coordination de F. Alquié, tome III, Paris, Gallimard, 1986.

    - La religion dans les limites de la simple raison, Oeuvres complètes, coordination de F. Alquié, tome III, Parris, Gallimard, 1986.

    - Le conflit des facultés, trad. S. Piobetta, Paris, Aubier, 1947.

    - Rousseau, Discours sur les sciences et les arts, éd. H. Guillemin, Paris, Union Générale des éditions, 1963.

    - Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi le hommes, Oeuvres complètes, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, tome III, Paris, La Pléiade, 1964.

    - Emile ou de l'éducation, OEuvres complètes, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, tome III, Paris, Gallimard, 1969.

    - Du contrat social ou les principes du droit politique, éd. P. Burgelin, Paris, Flammarion, 1966.

    B. OUVRAGES ET ARTICLES SPECIALISES

    - Burgelin, P., - Du contrat social, introduction et chronologie, Paris, Flammarion, 1966.

    - Delbos, V., La philosophie pratique de Kant, 3è éd., Paris, PUF, 1969.

    - Dérathé, R., J.J. Rousseau et la science politique de son temps, Paris, Vrin, 1979.

    - Deschoux, M., « Consistance de Rousseau le philosophe », in Révue de philosophie et de théologie, vol 110, N* 4, Lausanne, 1978, pp.421-425.

    - Destain, Ch., J.J. Rousseau: l'au-delà du politique. De la solitude des origines humaines à la solitude autobiographique, Bruxelles, Ousia, 2005.

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    - Fontaine, J., « Profondeur personnelle et dimensions collectives du mal et du mensonge chez Rousseau et Kant », in Révue philosophique de Louvain, tome 75, Editions de l'Institut Supérieur de Philosophie, 1977.

    - Habermas, J., La paix perpétuelle. Le bicentenaire d'une idée kantienne, trad.R. Rochlitz, Paris, Cerf, 1996.

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    - Vargas, Y., Introduction à l'Emile de J.J.Rousseau, 1ère éd., Paris, PUF, 1995.

    C.OUVRAGES ET ARTICLES GENERAUX

    - Arendt, H., Les origines du totalitarisme. Le système totalitaire, Paris, Seuil, 1972.

    - Boudon, R. et Bouricaud, F., Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982.

    - Canto-Spencer(dir.), Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale, 2è éd., Paris, PUF, 1997.

    - Clausewitz, De la guerre, trad.Naville, Paris, Minuit, 1995.

    - Dewey, J., Démocratie et éducation.Introduction à la philosophie de l'éducation, trad. G. Deledalle, Paris, Nouveaux Horizons, 1975.

    - De Wulf, M., Précis d'histoire de la philosophie, 9è éd., Louvain, E.Nawelaerts, 1950.

    - Demulier, G., « Quelques réflexions sur la guerre et la paix », en version électronique sur www. philosophie.ac-versailles.fr.

    - Hegel, G.W.F., La phénoménologie de l'esprit, trad.J.Hyppolite, Paris, Aubier, 1939.

    - Hersch, J., Idéologies et réalité. Essai d'orientation politique, Paris, Plon, 1956.

    - Hobbes, Léviathan, trad. E.Tricaud, Paris, éd. Sirey, 1971.

    - Machiavel, N., Le prince, trad. Ménissier, Paris, Hatier, 1999.

    - Merleau Ponty(dir.), Les philosophes célèbres, Paris, Mazénod, 1956.

    - Ngoma Binda,- Une démocratie libérale communautaire pour la R D Congo et l'Afrique, Paris, L'Harmattan, 2001.

    - Philosophie et pouvoir politique en Afrique. La théorie inflexionnelle, Paris, L'Harmattan, 2004.

    - La participation politique. Ethique civique et politique pour une culture de paix, de démocratie et de bonne gouvernance, 2è éd. révue et augmentée, Kinshasa, IFEP, 2005.

    - Ost, F., La nature hors la loi: l'écologie à l'épreuve du droit, Paris, La Découverte, 1995.

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    - Philonenko, A., Essais sir la philosophie de la guerre, Paris, Vrin, 1976.

    - Proudhon, La guerre et la paix, Paris, Rivière, 1927.

    - Reboul, O., La philosophie de l'éducation, coll. « Que sais-je », 7è éd., Paris, PUF, 1995.

    - Saint Pierre( Charles Castel de), « Projet de paix perpétuelle », in J.J.Rousseau, Oeuvres complètes, éd.B. Gagnebin et M.Raymond, Paris, Gallimard, 1969.

    - Sun Tzu, L'art de la guerre, trad.Amiot, en version électronique sur www.ifrance.com.

    TABLE DES MATIERES

    EPIGRAPHE

    DEDICACE

    AVANT PROPOS

    INTRODUCTION GENERALE

    PREMIERE PARTIE

    LA GUERRE

    INTRODUCTION

    CHAPITRE I

    L'ANTHROPOLOGIE DU MAL FONDAMENTAL OU LA GUERRE COMME CATEGORIE ESSENTIELLE DU POLITIQUE

    1. SUN TZU

    2. NICOLAS MACHIAVEL

    3. THOMAS HOBBES

    CHAPITRE II

    L'ANTHROPOLOGIE DE LA BONTE ORIGINELLE OU LA GUERRE COMME CATEGORIE ACCIDENTELLE DU POLITIQUE

    2.1 ROUSSEAU ET LA CRITIQUE DE L'HISTOIRE POLITIQUE

    2.1.1 Guerre et état de nature

    2.1.2 Rousseau et la critique des sciences et des arts

    2.1.3. Rousseau et la critique de l'économie politique

    2.2 LA SOLUTION KANTIENNE : DE L'INSOCIABLE SOCIABILITE A LA DISQUALIFICATION MORALE DE LA GUERRE.

    DEUXIEME PARTIE

    L'EDUCATION

    LA RECHERCHE DE LA PAIX PAR L'ÉLÉVATION MORALE DE L'HOMME

    CHAPITRE III

    L'EMILE OU DE L'EDUCATION. DE LA NATURE A LACITOYENNETE

    3.1 INTRODUCTION A L'EMILE OU DE L'EDUCATION

    3.2. L'ANALYSE THEMATIQUE DE L'EMILE

    3.2.1. Livre premier: 0-2 ans.

    3.2.2. Livre deuxième : De 2 à 12 ans.

    3.2.3. Livre troisième : (12 à 15 ans)

    3.2.5. Livre quatrième : (15 à 20 ans)

    3.2.6. Livre cinquième : (20 à 25 ans).

    CHAPITRE IV

    L'HORIZON COSMOPOLITIQUE DE L'EDUCATION CHEZ KANT

    4.1. LE CONTENU ANTHROPOLOGIQUE DE L'ÉDUCATION

    II. L'EDUCATION PHYSIQUE

    III.L'EDUCATION PRATIQUE

    III. REMARQUES SUR LES PHILOSOPHIES DE L'EDUCATION DE ROUSSEAU ET KANT

    TROISIEME PARTIE :

    LA PAIX

    UNE QUESTION DE GOUVERNANCE POLITIQUE

    INTRODUCTION

    CHAPITRE V.

    ROUSSEAU ET LES PRINCIPES DU DROIT POLITIQUE

    1. JEAN JACQUES ROUSSEAU DANS LE SILLAGE DU CONTRACTUALISME

    2. LIVRE PREMIER : LES FONDEMENTS DE LEGITIMITE DU POUVOIR

    3. LIVRE DEUXIEME : VOLONTE GENERALE ET BIEN COMMUN

    5.4. LIVRE TROISIEME : LE GOUVERNEMENT

    5. LIVRE QUATRIEME:CONCLUSION.

    CHAPITRE VI.

    KANT ET LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE. LA PAIX PAR LA GOUVERNANCE GLOBALE

    6.1. INTRODUCTION AU PROJET DE PAIX PERPETUELLE.

    6.2. LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE DE KANT.

    6.2.1. Les articles préliminaires

    6.2.2. Les articles définitifs

    6.2.3. Remarques sur les articles définitifs

    6.3. LA FINALITE DE LA NATURE ET LE SENS DE L'HISTOIRE

    CONCLUSION GENERALE

    2. LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE COMMUNAUTAIRE

    3. POUR UNE GOUVERNANCE GLOBALE ET INTÉGRATIVE

    3.1. Des causes de la guerre en Afrique

    3.2. Les principes de gouvernance globale et intégrative

    3.3. De la place de l'élite africaine

    BIBLIOGRAPHIE

    TABLE DES MATIERES

    * 1 A. Philonenko, Essais sur la philosophie de la guerre, Paris, Vrin, 1976, p.7.

    * 2 PROUDHON, LA GUERRE ET LA PAIX, PARIS, RIVIÈRE, 1927, P.28.

    * 3 CITÉ IN M. CANTO-SPENCER (DIR), DICTIONNAIRE D'ÉTHIQUE ET DE PHILOSOPHIE MORALE, 2ÈME ÉDITION, PARIS, PUF, 1997, P.617.

    * 4 G. Demulier, « Quelques refléxions sur la guerre et la paix », article publié sur internet, www.philosophie oc.versailles.fr et consulté le 21.05.2010.

    * 5 Clausewitz, De la guerre, Trad.Navelle,, Paris, Ed.de Minuit, 1995, p.52.

    * 6 Sun Tzu, l'art de la guerre, Trad. Amiot, en version électronique par Bertrand Janin, Décembre 2003, consulté le 20 mars 2010 sur www.ifrance.com.

    * 7 N. Machiavel, Discrours sur la première décade de Tite-Live, 1513, 1.I, p.3

    * 8 N. Machiavel, cité par A. Marie Roussel, « Les Etats sont-ils faits pour la paix ou pour la guerre, www.sceren.org, consulté ce 20. 08.2010.

    * 9 Ibidem.

    * 10 J. Hersch, Idéologies et réalité. Essai d'orientation politique, Paris, Plon, 1956, p.97 .

    * 11 A. Philonenko, Essais sur la philosophie de la guerre, Paris, Vrin, 1976, pp.17-18.

    * 12N. Machiavel, cité par A. Philonenko, op.cit., p.18.

    * 13Th. Hobbes, Léviathan (1651), trad.E. Tricot, Paris, Ed. Sirey,1971, 1ère partie: De l'homme.

    * 14R. Polin, « Hobbes », in M.M. Ponty (dir), Les philosophes célèbres, Paris, Mazenod, 1956, pp.214-217.

    * 15M.DE WULF, PRÉCIS D'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE, 9È ÉD., LOUVAIN, E. NAWELAERTS, 1950, P.129.

    * 16G. Démulier, « Quelques réflexions sur la paix et la guerre », www.philosophie-a.c-versailles.fr, ce 21.05.2010.

    * 17Rousseau, in L.H.Love et F.Khodos(dir), Philosophie, terminal S, Paris, Hatier, 1999, p.154.

    * 18 B. Ndiaye, « Le thème de la guerre chez Hobbes et Rousseau », in Ethiopiques, N° 64 - 65, 2000, www.refer.sn, ce 12.06.2010.

    * 19 Le chapitre suivant argumente en faveur de cette hypothèse de Rousseau.

    * 20 Jean Jacques Rousseau (1712-1778), Citoyen de Genève. Pour ses oeuvres principales, nous utilisons les sigles suivants :

    - DSA : Discours sur les sciences et les arts ;

    - DOI : Discours sur l'origine de l'inégalité ;

    - CS : Du contrat social ;

    EE : Emile ou de l'éducation

    * 21 K. Nabulsi, « Guerre et inégalité dans la pensée politique de Rousseau », in les études philosophiques, n° 4, Paris, PUF, 2007, pp.413-423.

    * 22 Rousseau, DSA, éd. Guillemin, Paris, Union Générale des éditions, 1936, p.280.

    * 23 ROUSSEAU, OEuvres complètes, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, la Pleiade, 1964, Tome III, p.610.

    * 24 Ibidem, p.611.

    * 25 DSA, P.254.

    * 26 R. Boudon & F. Bouricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982, p.481

    * 27 P. Burgelin, Du contrat social, Introduction, Paris, Flammarion, 1966, p.17.

    * 28 DSA, p.279.

    * 29 P. Burgelin, « Rousseau », in M.M Ponty, Op. Cit, pp.214-217.

    * 30 Ch. Destain, J.J Rousseau : l'au-delà du politique. De la solitude des origines humaines à la solitude autobiographique, Bruxelles, Ousia, 2005, p.21

    * 31 DSA, p.281.

    * 32 A. Philonenko, J.J. Rousseau et la pensée du malheur. Le traité du mal, Paris, vrin, 1984, p.196

    * 33 Consulter à ce sujet Okolo Okonda, « Enjeux du post-modernisme en Afrique », in Philosophie et politique en Afrique, actes des Ières journées philosophiques de Kimwenza, 1996, éd. Loyola, 1997, pp.17-24.

    * 34 DOI, OEuvres, Trad. H. Guillemin, op. cit., p.292.

    * 35 Ch. Destain, op. cit., p.36

    * 36 Il s'agit du bien - être matériel et financier

    * 37 ROUSSEAU, DOI, P.295

    * 38 Rousseau, CS, p.44.

    * 39 Rousseau, DOI, p.283.

    * 40 Rousseau, DOI, pp.307-308.

    * 41 Rousseau ,DOI, pp.309-310.

    * 42 J. Habermas, La paix perpétuelle, le bicentenaire d'une idée kantienne ,Trad. Rainer Rochlitz ,Paris, cerf, 1996, p.66

    * 43 E. Kant (1724-1784), philosophe allemand caractéristique de la philosophie allemande des Lumières.

    * 44 E. KANT, LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA SIMPLE RAISON, IN OEUVRES, TOME III, SOUS LA COORDINATION DE F. ALQUIÉ, PARIS,GALLIMARD, PP.38-39.

    * 5 5. Stanguennec, Etudes postkantiennes, tome II, Raison dialectique, Lausanne, L'âge d'homme, 1994, p.114.

    * 66.E. Weil, Problèmes kantiens, 2è éd., Paris, Vrin, 1970, p. 160.

    * 45 F. Ost , La nature hors la loi : l'écologie à l'épreuve du droit , Paris, La Découverte, 1995, pp. 275-276.

    * 46 Kant, PP, Oeuuvres, III, les derniers écrits, sous la coordination de F. Alquié, Paris Gallimard, 1986, p.347.

    * 47 Les citations d'Émile sont tirées des oeuvres complètes, sous la coordination de B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, 1969.

    * 48 Y. Vargas, Introduction à l'Emile de J.J Rousseau, 1ère éd. Paris ,PUF, 1995, p.1.

    * 9. Soétard, Jean Jacques Rousseau (1712-1778) ; in perspectives, revue trimestrielle d'éducation comparée, Paris, UNESCO : Bureau international d'éducation, vol XXIV, n° ¾, 1994, pp.443-456

    * 49 EE, p.264

    * 50 EE, p.264

    * 51 EE, p.281

    * 52EE, pp.262-263

    * 53 EE, pp.245-247

    * 54 EE, p.252

    * 55 EE,p.245

    * 56 EE, p255

    * 57 P. Burgelin, La philosophie de l'existence de J.J Rousseau, Paris, PUF, 1950, p.476.

    * 58 EE, p.250.

    * 59 EE, p.300.

    * 60 EE, p.427

    * 61 EE,p 428

    * 62 EE, p.428

    * 63 EE, p.489

    * 64 EE, P.493

    * 65 EE, p.501

    * 66 EE, pp.554-605

    * 67 EE, P.561

    * 68 P. Burgelin, la philosophie de l'existence de J.J Rousseau, Paris, PUF, 1952, p.482

    * 69 J.Eon, « Emile ou le roman de la nature humaine », in J.J Rousseau et la crise contemporaine de la conscience, colloque international du 2ème centenaire de la mort de Rousseau, Paris, Beaucherne ,1980, pp.115-140

    * 70 Y. vargas ,Introduction à l'Emile de Rousseau, Op. Cit.

    * 71Les citations de ce livre sont tirées des Oeuvres complètes, tome III, Les derniers ecrits, sous la coordination de F.Alquié, Paris, Gallimard, 1986.

    * 72 Ibidem, p.1151.

    * 73 Ibidem, p.1152

    * 74 Idem, p.1149

    * 75 E. Kant, Le conflit des facultés, Trad. S. Piobetta ,Paris, Aubier, 1947, p.83.

    * 76 El Hadj Ibrahima Diop, « Essence philosophique de la pédagogie chez Kant, in Ethiopiques, N° 68, 2002, publié sur www/refer.sn et consulté ce 20.08.2010.

    * 77 Ibidem.

    * 78 Kant , Anthropologie du point de vue pragmatique, O.C, OP. Cit.,, pp.1137-1138

    * 79 Ibidem,, pp1142-1143

    * 80 Ibidem, pp1142-1143

    * 81 KANT, Propos de pédagogie, OP. CIT., P.1154.

    * 82 Ibidem, p.1156.

    * 83 IBIDEM, P.1156

    * 84 P. 1157

    * 85 O. Reboul, la philosophie de l'éducation, Coll que sais-je, 7ème éd., Paris ,PUF, 1995, pp.110-111

    * 86 PROPOS SUR L'ÉDUCATION, OP. CIT., P. 1157

    * 87 p. 1162.

    * 88 p. 1163.

    * 89 P.1190.

    * 90 p. 1193

    * 91 p. 1193

    * 92 Cfr Mbolokala, Imbuli, Questions approfondies de philosophie morale. l'mpératif catégorique, Cours en 2ème licence philosophie, université de kinshasa, 2009-2010, Inédit.

    * 93 p.1194

    * 94 P.1195

    * 95 DOI, p. 266

    * 96 B. VANDE WALLE, OP. CIT., P.41

    * 97R. Dérathé, Jean Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Paris, Vrin, 1979, p.174.

    * 98.Ch. Destain, op. cit., P.126.

    * 99 Les citations sont tirées du contrat social, Chronologie et introduction par Pierre Burgelin, Paris, Flammarion, 1966.

    * 100 EE, p.245.

    * 101 CS, p.41

    * 102 Encyclopedia universalis, Paris, S.A., 1988, p.

    * 103 CS, P.42.

    * 104 CS, P.43

    * 105 CS, p.44

    * 106 H. Arendt, Les origines du totalitarisme. Le système totalitaire, Paris, Seuil, 1972, p.204

    * 107 CS, P.45

    * 108 CS, p.46

    * 109. CS, P.46

    * 110. CS, P.46

    * 111. CS, p.47

    * 112 CS. 50.

    * 113. CS ,51.

    * 114. CS, p.53.

    * 115. CS , P.53

    * 116. CS , P.54.

    * 117. CS, p.55.

    * 118 CS, p.63.

    * 119 CS, p.63.

    * 120 CS, p.63.

    * 121 A. Philonenko, Théorie et praxis dans la pensée morale et politique de Kant et Fichte en 1793, Paris, Vrin, 1968, p.196.

    * 122 M. Novak, Démocratie et Bien commun, Paris, Institut La Boétie, 1991.

    * 123 CS, p.68.

    * 124 CS, p.76.

    * 125 CS, PP.66-67.

    * 126 CS, p.77.

    * 127 CS, p.97.

    * 128 CS, p.101

    * 129 CS, p.103.

    * 130 CS, P.103.

    * 131 CS, p.106.

    * 132 CS, P.108

    * 133 Ngoma Binda, La participation politique. Ethique civique pour une culture de paix, de démocratie et de bonne gouvernance, 2è éd., Kinshasa, Ifep, 2005, p.160.

    * 134 CS, p.123

    * 135 CS, p.p.128

    * 136 CS, p.145

    * 137 N. BINDA, LA PARTICIPATION POLITIQUE. ETHIQUE CIVIQUE ET POLITIQUE POUR UNE CULTURE DE PAIX, DE DÉMOCRATIE ET DE BONNE GOUVERNANCE, 2ÈME ÉD., REVUE ET AUGMENTÉE, KINSHASA ,IFEP, 2005, P.51.

    * 138 Les citations de ce livre sont tirées de E Kant, Projet de paix perpétuelle, Trad. d'un autour inconnu, présentée, revue et annotée par Heinz Weismann, oeuvres philosophiques III, derniers écrits, sous la direction de F. Alquié, Paris, Gallimard, 1986.

    * 139 Abbé de saint pierre, projet de paix perpétuelle, extrait du livre repris in oeuvres complètes, sous la direction de B. gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, 1969, p.563.

    * 140 Ibidem.

    * 141 Ibidem, p.564

    * 142 ibiden, p.565

    * 143 Ibidem,591-600.

    * 144 J.J.Rousseau, OEuvres complètes, sous la coordination de B. Gagnebin et M. Raymond, op.cit, pp.591-600

    * 145 Ibidem, p.591

    * 146 Ibidem, p.595

    * 147 pp., p.333.,

    * 148 pp, p.334.

    * 149 pp, p.335.

    * 150 pp, p.336

    * 151 pp, p.337.

    * 152 pp, p.337.

    * 153 pp, p.341

    * 154 pp, p.343

    * 155 pp, p.343

    * 156 PP, P.344

    * 157 pp, p.345

    * 158 pp, p.346

    * 159 pp , p.347.

    * 160 pp, p.348

    * 161 pp, p.349

    * 162 pp, p.350

    * 163 pp, p.353

    * 164 Y. Delbos,, La philosophie pratique de Kant, 3ème éd., Paris, PUF, 1996, p.576.

    * 165 pp, p.347.

    * 166 pp, p.353

    * 167.Ngoma Binda, Une démocratie libérale communautaire pour la R.D. Congo et l'Afrique, Paris, L'Harmattan, 2001, p.271.

    * 168.Ngoma Binda, Philosophie et pouvoir politique en Afrique. La théorie inflexionnelle, Paris, L'Harmattan, 2004, p.97.

    * 169. Idem, Une démocratie libérale communautaire..., op.cit., p.275.

    * 170.Cité par Mabiala Mantuba, La culture en question. Essai d'anthropologie culturelle, Kinshasa, Ed. Culturelles Africaines, 2008, pp.75-76.






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