
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence
des
industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de
la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique
présentée à l'Université de Yaoundé
II/Cameroun)
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UNIVERSITE DE YAOUNDE II THE UNIVERSITY OF
YAOUNDE II
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FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET
POLITIQUES
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FACULTY OF LAW AND POLITICAL SCIENCE
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DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE
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DEPARTMENT OF POLITICAL SCIENCE
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LES ETATS, LES ORGANISATIONS NON
GOUVERNEMENTALES ET
LA TRANSPARENCE
DES INDUSTRIES EXTRACTIVES :

LA DIALECTIQUE DE LA SOUVERAINETE ET
DE LA
RESPONSABILITE
These de Doctorat en science
politique
Présentée et soutenue publiquement
par :
Paul Elviclizome BATCHOM
Sous la direction de :
M. Luc SINDJOUN
Agrégé de
science politique
Professeur des Universités à
l'Université de Yaoundé II
Membre de l'Académie des
Sciences d'Outre-Mer
13 avril 2010
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Thèse soutenue publiquement le 13 avril 2010 à
l'Université de Yaoundé II/SOA
Devant un Jury composé de:
PRESIDENT : M. Bertrand BADIE, Professeur des
Universités à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris
MEMBRES :
· M. Narcisse MOUELLE KOMBI, Professeur des
Universités à l'Université de Yaoundé
II/SOA
· M. Jean Emmanuel PONDI, Professeur des
Universités à l'Université de Yaoundé
II/SOA
· M. André TCHOUPIE, Maitre de
Conférences à l'Université de DSCHANG
· M. Luc SINDJOUN, Professeur des
Universités à l'Université de Yaoundé II/SOA
(directeur de la thèse)
MENTION : Très Honorable avec les
félicitations du Jury
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de ii Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Les avis contenus dans cette thèse n'engagent ni
l'Université, ni l'organisation
qui l'a financée.
Ils sont
de la responsabilité de son auteur.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
· A la mémoire de ma soeur THERESE
FRIDOLINE qui a quitté la vie comme Ulysse quitta
Nausicaa...
· Pour toi ma fille PHARES
ABIGAIL...
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence
des
industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de
la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique
présentée à l'Université de Yaoundé
II/Cameroun)
RESUME/ SUMMARY
A côté de l'Etat qui se redéploie
et conserve ipso facto sa pertinence comme acteur de la scene internationale,
les acteurs privés de type ONG et firmes des industries extractives
développent avec lui, des transactions complexes qui illustrent la
relativité actuelle du principe de souveraineté. L'excroissance
et l'affirmation des acteurs multiples, les transactions complexes entre
lesdits acteurs et le réveil de la conscience éthique sont autant
de phénomênes qui, se développant au sein des espaces de
gouvernance comme EITI, rendent intelligible le discours sur la transformation
de la souveraineté. Celle-ci est devenue responsable du fait de
l'irruption du social dans l'arêne internationale. Cette irruption, par
le fait de la prise en compte des acteurs sociaux et des problématiques
sociales, impose la conscience du sort de l'autre proche ou lointain. Autant
les Etats que les acteurs privés dramatisent la prise en compte de
l'éthique comme modalité pertinente dans la politique mondiale.
En même temps, la transparence des industries extractives en tant que
norme morale promue par l'Initiative objet de cette étude, entretient
l'illusion d'une pratique de l'éthique de conviction. A l'intersection
de ces deux ordres d'acteurs se développent les questions
éthiques qui autorisent une prise au sérieux de la morale dans
les relations internationales mais, une posture qui restitue le potentiel
avéré de la morale dans la formation des intérêts et
des identités des acteurs.
Beside the state re-opening out its actorness in the
international arena, nonstate actors such as NGOs and extractive industries
firms are making themselves pertinent and developing with states, complex
transactions that show the current relativity of sovereignty. The plural
affirmation of actors, the complex transactions among them and a certain
accentuation of moral consciousness about some matters are such the phenomena
that, developing themselves inside governance spaces like EITI, render
interesting the idea of sovereignty's transformation. Sovereignty has changed
into responsibility because society has burst into the international arena
through the pertinence of social actors and social problematic and thus, the
fate of the "other" close or far has come to the attention. Meanwhile state and
nonstate actors are dramatizing a moral conduct as a pertinent variable of
international politics through the Extractive Industries Transparency
Initiative, this study shows that at the intersection of state and private
orders, moral behaviours are informing the formation of actors' interests and
identities.
Mots clés: Souveraineté- Ethique-
Etat- ONG- Industries extractives- TransparenceIntérêt- Firmes
multinationales.
Key Words: Sovereignty- Ethics-
State- NGO- Extractive Industries- Transparency- Interest-Multinational
Firms.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence
des
industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de
la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique
présentée à l'Université de Yaoundé
II/Cameroun)
Remerciement s
Qu'il nous soit permis de trouver en cet espace la
tribune pour dire notre gratitude a l'endroit de certaines grandes times dont
l'implication directe ou indirecte a permis la réalisation de ce travail
de recherche et par extension, nos études supérieures
:
A monsieur le professeur Luc SINDJOUN pour la
disponibilité et la rigueur avec lesquelles il a assuré le suivi
de cette these.
A monsieur le professeur Narcisse MOUE LLE KOMBI,
Directeur de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun
(IRIC).
A monsieur le professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU
qui a souvent quitté ses attributs de Directeur Adjoint chargé
des Etudes de l'IRIC pour être un ainé qui conseille et
galvanise.
A tous les enseignants du département de
science politique de l'Université de Yaoundé II/SOA pour avoir
tissé assidilment le bagage de notre formation de politiste ; tout
particulierement, les professeurs Paul NTUNGWE NDUE, Ibrahim MOUICHE, a
messieurs Louis Martin NGONO et Jean Daniel ABA etc.
Notre gratitude va également a l'endroit d'une
dame anonyme, inspiratrice et instigatrice de nos études
supérieures. Madame Maguy KONO puissiez-vous trouver dans ces quelques
lignes le souvenir éternel d'un élêve qui n'a jamais
oublié votre geste. Simple geste qui a encouragé et
inspiré tout un cursus académique. A b imo
pectore, nous vous témoignons notre gratitude
éternelle.
Au Centre pour l'Environnement et le
Développement (CED) qui a assuré un soutien financier,
documentaire et logistique sans lequel cette oeuvre n'aurait point
été réalisable.
A monsieur Samuel Alain NGUIFFO TENE qui nous a fait
l'honneur de son amitié et de son soutien.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de vi Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence
des
industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de
la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique
présentée à l'Université de Yaoundé
II/Cameroun)
Que les jeunes collègues de l'Institut des
Relations Internationales du Cameroun (IRIC) trouvent ici le signe d'une
considération du cadet qu'ils ont souvent encadré et
encouragé. Nous pensons notamment a Mme Mireille MANGA EDIMO
épouse EWANGUE, M. Yves Paul MANDJEM, Mme Olga MBANG WERIWO, Mlle OWONA
MFEGUE Koura Félicité, aux docteurs ABDUL AZIZ Yaouba, Armand E
LONO, Stéphane NGWANZA et Jean KENFACK. Mais également un signe
de gratitude aux ainés qui, parce que membres du corps enseignant de
l'IRIC, nous ont fait l'honneur de leur encadrement et de leurs conseils.
Notamment, les professeurs Laurent ZANG, Alain Didier O LINGA, Jean Emmanuel
PONDI, au Ministre Peter AGBOR TABI, aux Docteurs Wullson MVOMO E LA, Gabriel
EBA EBE et Paulette MVOMO E LA.
Nous manifestons une gratitude a vous, amis de
toujours qui nous avez sans relache tendu la main pour nous relever, soutenir
et indiquer le chemin. Nous pensons particulièrement a Armand ATANGANA
MBARGA (l' g homme simple »), Emmanuel HOPP NWAHA, Marie Angele
BANASSOUBECK SEN, Serge Thierry VANGASSE, Simon STUCKELBERGER, Annelies
HICKENDORF, Christiana ORAGBADE, Jacques Landry EFFOUDOU MOUABOU LOU, Linda
NZOUANGO, Adrien Patrick ENOUGA BENYOMO, Gédéon MPACKO EKE LLE,
Serge Christian ALIMA ZOA, Martine MENGUE MFON LETRANE, Stéphane EKANGA,
Paul NUEMBISSI KOM...
Au personnel d'appui de l'IRIC qui nous a
témoigné sa sympathie, en particulier madame NGO HOYA Augustine,
M. Lucien TICKY, M. NGOU Ibrahim, Mme Irene TCHUENTE.
A monsieur LIKA'A Marcel et madame pour m'avoir offert
un foyer et une éducation. A monsieur et madame BAYIHA pour m'avoir
accordé leur soutien tout au long du temps. Et a BAYIHA Denis qui m'a
encouragé malgré l'adversité
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de vii Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de
la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique
présentée à l'Université de Yaoundé
II/Cameroun)
a poursuivre mes études. A vous mes parents
g omnes generans generat simili si bi ». Trouvez
dans ce premier balbutiement scientifique, la vengeance de votre droit a
l'éducation bafoué, le signe que g celui qui met sa confiance
dans le Seigneur est comme le mont Sion, jamais il ne chancellera ». Merci
pour le don de la vie que vous m'avez
fait.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de viii Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Sigles et abréviations
AADDH : Association Africaine de Défense
des Droits de l'Homme.
ACCT: Agence de Coopération Culturelle et
Technique.
ANLC: Association Nigérienne de Lutte
contre la Corruption.
BAD: Banque Africaine de
Développement.
BEI: Banque Européenne
d'Investissement.
BERD: Banque Européenne pour la
Reconstruction et le Développement.
BP: British Petroleum.
BRP: Bureau de Recherches du Pétrole.
CAC: Community Advisory Council.
CAP: Citizen Advisory Panel.
CAFOD: Catholic Agency For Overseas
Development.
CARE: Cooperation for American Relief in
Europe/Everywhere.
CCFD: Comité Catholique contre la Faim et
pour le Développement.
CED: Centre pour l'Environnement le
Développement.
CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire d'Afrique Centrale.
CIA: Central Intelligence Agency.
CICMG : Compagnie Industrielle et Commerciale
des Mines du Gabon.
CIISE : Commission Internationale de
l'Intervention et de la Souveraineté des États.
CIMADE: Comité Inter Mouvement
auprès des Evacués.
CNECC: China Nuclear Engineering and
Construction Corporation.
CNPC: Chinese National Petroleum Company.
COMILOG: Compagnie Minière de
l'Ogooué.
CORAF : Congolaise des Raffineries.
COTCO: Cameroon Oil Transportation Company.
CPSP: Comité de Pilotage et de Suivi des
Pipelines.
DFID: Department for International
Development.
DSRP: Document Stratégique de
Réduction de la Pauvreté.
EITI : Extractive Industries Transparency
Initiative
FMI: Fonds Monétaire International.
FOCARFE: Fondation Camerounaise d'Actions
Rationalisées et de Formation sur
l'Environnement.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
FOIA: Freedom of Information Act.
FOSCPG: Front des Organisations de la
Société Civile Contre la Pauvreté au Gabon.
FUSAD : Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis
Démocratiques.
GACAP: Governance and Anti Corruption Action
Plan.
GIC: Groupe International Consultatif.
IAG: International Advisory Group.
ICMM: International Council for Mines and
Metals.
IDE: Investissement Direct Etranger.
IDP: Investment Development Path.
IUCN: International Union for Conservation
Nature.
MAEP: Mécanisme Africain d'Evaluation par
les Pairs.
MDTF: Multi Donors Trust Fund.
MNJ : Mouvement des Nigériens pour la
Justice.
MOE: Multinational Owned Entreprise.
MOSOP: Movement for the Survival of Ogoni
People.
MPE: Multinational Producing Entreprise.
MTE: Multinational Trade Entreprise.
NDASE : Nouveau Dragon d'Asie du Sud-Est.
NDPVF: Niger Delta People's Volunteer Force.
NDV: Niger Delta Vigilante.
NEITI: Nigeria Extractive Industries
Transparency Initiative.
NORAD: Norway Agency for Development.
NSWG: National Stakeholders Working Group.
OCDE: Organisation pour le Coopération et
le Développement en Europe.
ODA : Overseas Development Administration.
OGM: Organisme Génétiquement
Modifié.
OIF : Organisation Internationale de la
Francophonie.
OINGC : Organisation Internationale Non
Gouvernementale Commerciale.
OMI : Organisation Maritime Internationale.
ONG : Organisation Non Gouvernementale.
ONU : Organisation de Nations Unies.
OPA : Oil Pollution Act.
OPEP: Organisation des Pays Producteurs de
Pétrole.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
OSC : Organisation de la Société
Civile.
OSI : Open Society Institute.
OSI : Organisation de Solidarité
Internationale.
OTAN : Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord.
OUA: Organisation de l'Unité
Africaine.
OXFAM: Oxford Committee for Famine Relief
PCQVP/PWYP: Publiez Ce Que Vous Payez/ Publish
What You Pay.
RELUFA: Réseau de Lutte contre la
Faim.
RCA: République Centrafricaine.
RDC: République Démocratique du
Congo.
ROTAB: Réseau des Organisations pour la
Transparence et l'Analyse Budgétaire.
RPDH : Rencontre pour la Paix et les Droits de
l'Homme.
RWI: Revenue Watch Institute.
SeP : Service Oecuménique pour la
Paix.
SMH: Société Mauritanienne des
Hydrocarbures.
SMIC: Salaire Minimum Interprofessionnel de
Croissance.
SNH: Société Nationale des
Hydrocarbures.
SNPC: Société Nationale des
Pétroles du Congo.
SOCAR: State Oil Company of Azerbaijan
Republic.
SOFAZ: State Oil Fund of Azerbaijan.
SOGARA: Société Gabonaise des
Raffineries.
SOMINA: Société des Mines
d'Azelik.
SONARA: Société Nationale des
Raffineries.
STN: Société Transnationale.
TOTCO: Tchad Oil Transportation Company.
UA : Union Africaine
UE: Union Européenne.
UJC: Union des Journalistes du Cameroun.
YEITI: Yémen Extractive Industries
Transparency Initiative.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Liste des figures et tableaux :
A. Les figures :
Figure 1: la triangulaire complexe autour de la transparence des
industries extractives 43
Figure 2: les transactions complexes au sein de EITI 43
Figure 3: le modèle d'analyse 45
Figure 4 : Le regroupement d'entreprises autour du gisement de
Aguaytia au Pérou 178
Figure 5 : les incidences de la mondialisation et de la
transformation de la souveraineté 204
Figure 6 : le biais de la corruption et des conflits entre
l'opacité et le sous-développement 236
B. Les tableaux :
Tableau 1: les Etats mettant en oeuvre l'EITI au 15
février 2010 78
Tableau 2 : Accords de dons du MDTF au 31 mars 2008 92
Tableau 3 : les financements reçus par la coalition
PWYP/Cameroun en 2007 145
Tableau 4 : Stock estimé de l'IDE entrant par secteur en
1990 et 2005 (en millions de dollars)
158
Tableau 5 : Stock mondial estimé d'IDE sortant par
secteur, 1990 et 2005 (en millions de dollars) 158
Tableau 6 : position africaine dans la teneur en certaines
ressources du sous-sol en 2006 162
Tableau 7 : poids de l'IDE des industries extractives dans l'IDE
du secteur primaire sortant 1990 et 2005 (en millions de dollars) 163
Tableau 8 : poids de l'IDE des industries extractives dans l'IDE
du secteur primaire entrant 1990 et 2005 (en millions de dollars) 164
Tableau 9 : Indication de la participation des compagnies
extractives aux réunions de l'international Advisory Group (IAG) 175
Tableau 10 : Indication de la participation des compagnies
extractives à quelques réunions du conseil d'administration EITI
175
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 11 : Classement des entreprises pétrolières
et gazières selon leur degré de transparence 183
Tableau 12 : Panorama des acteurs au sein de EITI 201
Tableau 13 : les indicateurs du développement humain dans
les pays mettant en oeuvre EITI en juillet 2009. 240
Tableau 14 : Matrice des actions du comité de suivi de la
mise en oeuvre des principes de l'ITIE au Cameroun 267
Tableau 15 : Récapitulatif des statistiques des
problèmes de la population le long du tronçon centre-sud en
août 2008. 303
Tableau 16 : projet de budget des journées de
réflexion sur la situation actuelle de la gouvernance dans la gestion du
secteur forestier camerounais. 307
Tableau 17 : Budget de l'atelier d'information et état des
lieux des industries extractives au Cameroun 308
Tableau 18 : Traits de l'investissement social de Anglo American
(2002-2008). 313
Tableau 19 : Soutien de Anglo American par cause et par
région en 2008 314
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence
des
industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de
la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique
présentée à l'Université de Yaoundé
II/Cameroun)
Table des matières
DEDICACE iv
RESUME/ SUMMARY v
Remerciements vi
Sigles et abréviations ix
Liste des figures et tableaux : xii
Table des matières xiv
INTRODUCTION GENERALE 1
A. DE LA CONSTRUCTION D'UNE PROBLEMATIQUE : LA
SOUVERAINETE ENTRE ABSOLUTISME ET
OBSOLESCENCE. 2
1. Du rapport souveraineté / raison d'Etat 2
a) La souveraineté comme matrice de la raison
d'Etat 3
b) L'Etat : une scène commune à la
souveraineté et à la raison d'Etat 4
c) Souveraineté et raison d'Etat : une
communauté de destin 5
2. La souveraineté : un concept aux multiples
dimensions 7
a) La souveraineté comme principe absolu
8
b) L'approche dynamique de la souveraineté
14
· De l'obsolescence de la souveraineté
14
· La post-modernité contre la
souveraineté ? 17
· La souveraineté responsable : le choix
de la relativité. 20
3. Second niveau de problématisation: la
dimension éthique du capitalisme,
l'intérêt ou la morale ?
22
a) Du capitalisme en bref 23
b) L'instant de la révolution 26
c) Morale ou éthique ? 26
d) Morale et capitalisme : la place de l'éthique
dans l'économie politiquecapitaliste 28
· Le mercantilisme ou l'emprise de l'Etat sur
l'économie 29
· Le libéralisme ou l'enrichissement en
l'absence de l'Etat et de la morale 31
4. La question de recherche
36
5. Triple réalité à l'ère
de la souveraineté relative: le triangle heuristique
39
B. LES HYPOTHESES 41
1. Hypothèse principale
41
2. Les hypothèses secondaires
42
C. DE LA CONSTRUCTION D'UN MODELE D'ANALYSE
44
D. LE CADRE THEORIQUE : UNE LECTURE TRANSNATIONALE DES
INTERETS CONSTRUITS 46
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
1. Le Transnationalisme : une explication partielle
des transactions au sein de EITI. ..
46
a) Par-delà les mouvements sociaux :
diversité de l'action transnationale 46
b) EITI au coeur de la théorie des mouvements
sociaux. 50
2. Du réalisme ou la revanche de l'Etat sur
les acteurs privés. 52
a) La pertinence du réalisme dans l'étude de la
transparence des industries
extractives 52
b) Les logiques réalistes dans l'étude de la
transparence des industries extractives..
56
3. L'apport du constructivisme dans la
compréhension de la transparence des industries extractives.
60
E. ANNONCE DU PLAN 65
PREMIERE PARTIE :L'EXCROISSANCE DES INTERVENANTS DANS LA
POLITIQUE INTERNATIONALE : EXAMEN DE LA TRANSFORMATION DE LA SOUVERAINETE SOUS
LE PRISME DE L'EXTRACTIVE INDUSTRIES TRANSPARENCY INITIATIVE.
67
CHAPITRE 1 : EITI ET LE REDEPLOIEMENT DE L'ETAT, UNE
LECTURE STATOCENTREE DE LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVE OU
L'AFFIRMATION DE LA PERTINENCE DU SYSTEME ETATIQUE 70
SECTION 1: DEPLOIEMENT D'UN ETAT-FLUIDE DANS LA
TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES : ENTRE UNIVERSALISME ET AUTOCHTONIE.
70
Paragraphe I : Croquis d'une catégorie
créole: le site de la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives ou la pertinence du baroque. .
71
A. L'espace de la mise en oeuvre : territorialité et
autorité de l'Etat 71
1. Territorialité et autorité : des
notions centrales mais relatives 71
2. Voyage au coeur de la diversité 75
B. La double phénoménologie
régulatrice dans la transparence des industries extractives
81
1. De la puissance régulatrice de l'Etat dans la
détermination du comportement des acteurs dans l'Extractive
Industries Transparency Initiative 81
2. De la régulation matérielle du
processus de transparence des industries extractives
85
Paragraphe II : L'incursion démocratique des
Etats-soutien dans les espaces de la mise
en oeuvre: participation et respect de la norme au
centre d'une interférence 87
A. L'impératif de participation : un fondement
inter alia de la démocratie 88
B. L'expédition normative sur les sites de la
mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives
93
SECTION 2 : LA COMMUNAUTARISATION DE L'ACTION ETATIQUE
POUR LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES : A LA RECHERCHE DU NIVEAU
PERTINENT DE SOUTIEN 98
Paragraphe I : Un soutien groupé des Etats
dans les organisations intergouvernementales économiques
101
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de xv Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
A. La solidarité des regroupements
économiques du sud vis-à-vis des
théâtres
d'implémentation de la transparence des
industries extractives 101
1. La Banque Africaine de Développement et l'EITI
102
2. La Banque Asiatique de Développement dans
l'EITI 104
B. Le monde développé et son soutien
communautarisé à l'EITI : La modalité économique
106
1. L'implication des banques européennes dans
l'Extractive Industries Transparency Initiative : le cas de la BERD et de la
BEI 106
a) La Banque Européenne pour la Reconstruction et
le Développement et l'Initiative de transparence des industries
extractives 106
b) Le soutien du groupe de la Banque Européenne
d'Investissement à l'EITI..
108
2. Les institutions de Bretton Woods et la transparence
des industries extractives 109
a) L'initiative de transparence des industries
extractives dans la politique de transparence du Fonds Monétaire
International 109
b) Le groupe de la Banque Mondiale et l'initiative de
transparence des
industries extractives 111
Paragraphe II : Les organisations internationales
politiques et la transparence des industrie extractives
116
A. L'affect intra-hémisphérique au sud
et le soutien à la transparence des industries extractives
116
1. L'Union Africaine et la transparence des industries
extractives : un soutien timide 116
2. La Francophonie ou l'unité linguistique au
service du développement durable 117
B. L'assistance politique des regroupements globaux pour
des industries extractives transparentes 119
1. La transparence des industries extractives dans
l'espace d'action de l'OCDE ..
119
a) Le Cadre d'Action pour l'Investissement
120
b) L'outil de sensibilisation au risque de l'OCDE
destiné aux entreprises multinationales opérant dans les zones
à déficit de gouvernance 121
2. Les objectifs de développements des Nations
Unies et la transparence des industries extractives 122
CHAPITRE 2 : CASCADE D'AUTORITES A L'ERE DE LA
POLITIQUE MONDIALE : LE POSITIONNEMENT MARQUE DES FIRMES MULTINATIONALES ET DES
ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES DANS L'EITI. 127
SECTION 1 : LES ONG DANS LE DEFI DE LA GOUVERNANCE
GLOBALE : DES PROMOTEURS DU « MARCHE DE LA PITIE » DANS LA
TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES 129
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales
: des acteurs de la société civile impliqués dans la
promotion de la transparence des industries extractives
130
A. La constitution d'une société civile
internationale autour de EITI ou l'apport du social dans la construction d'un
espace public dédié à la transparence des industries
extractives 130
B. Considérations sémantique, historique
et typologique autour des
organisations non gouvernementales 135
1. Eléments de définition d'un acteur
à l'identité vague 135
2. De la diversité au sein des ONG ou
l'humanitaire protéiforme. 137
Paragraphe II :
Les ONG dans la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des Industries
Extractives : la dénonciation légitimante ou le fondement
éthique d'une catégorie d'acteurs en quête de scène
139
A. «Publish What You Pay» ou la
création d'une scène pour la promotion de la transparence dans
les industries extractives 139
B. Les organisations non gouvernementales et le
suivi de la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives: des
gardiennes du jardin de la transparence ? 141
1. La participation de la société civile
dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives : un
acteur en quête de scène 142
2. Les organisations de la société civile
dans la matérialisation de la transparence dans les industries
extractives : contribution à la construction d'un « marché
de valeurs » 144
3. Obstacles à l'émulation de la
société civile sur les sentiers de la transparence
147
SECTION 2 : LES FIRMES MULTINATIONALES DU SECTEUR DES
INDUSTRIES EXTRACTIVES DANS L'ECONOMIE POLITIQUE INTERNATIONALE : AFFIRMATION
DE LA QUALITE D'ACTEUR ET OPPRESSION DE LA SOUVERAINETE
149
Paragraphe I : Considérations
générales sur les multinationales du secteur des
industries extractives dans la politique
internationale 151
A. Les sociétés multinationales : le
renouveau d'un objet d'analyse ancien. 151
1. Eléments de définition et d'histoire
des sociétés multinationales 151
2. De la pertinence des sociétés
multinationales dans l'économie politique internationale 155
B. Les firmes multinationales des industries
extractives : signe particulier de l' ``
actorness» éprouvé des
sociétés multinationales. 160
1. L'apport du sous-sol dans la mondialisation
économique 161
2. Du syndrome hollandais au syndrome de Monaco : les
impacts sociaux et
sécuritaires de l'activité extractive dans
un monde globalisé. 165
Paragraphe II : Praxis
des multinationales dans l'initiative de transparence des
industries extractive : crise éthologique ?
172
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
A. L'affirmation actorielle des industries
extractives dans l'écriture d'un scénario de la transparence au
sein de l'EITI : le niveau international 174
B. Les industries extractives dans la
matérialisation de la transparence dans les
cadres stato-nationaux : le niveau interne
177
DEUXIEME PARTIE : TRANSACTIONS COMPLEXES DANS
L'INITIATIVE DE TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES AUTOUR DU COUPLE
INTERET-ETHIQUE : LES FRUITS DE LA MORALE AU SEIN DE EITI. 186
CHAPITRE 3 : SOUVERAINETE ET MONDIALISATION DES
RISQUES ET MENACES : A LA RECHERCHE D'UNE ETHIQUE DE CONVICTION DANS LES
TRANSACTIONS AU SEIN DE EITI.
190
SECTION 1 : COMPLEXITE DES TRANSACTIONS DANS L'ETHIQUE A
L'ERE DE LA MONDIALISATION. 192
Paragraphe I : La problématique de la
transparence des industries extractives : un aspect de la construction morale
des problèmes de la mondialisation 192
A. De la construction sociale d'une
problématique de la transparence des industries extractives
192
B. La création des espaces trinitaires : une
exigence d'efficacité et d'efficience 199
1. Souveraineté et gouvernance globale : A propos
des espaces de
gouvernance 199
2. EITI : un espace de gouvernance dans la politique
mondiale 200
Paragraphe II : Ethique et
problèmes de la mondialisation : la transparence des industries
extractives dans les schémas de la gouvernance mondiale
204
A. La transparence des industries extractives
dans la mouvance moralisante de la mondialisation 205
1. La transparence des industries extractives et la
prise en compte des droits des communautés autochtones 205
2. La transparence des industries extractives et la
question environnementale .
210
B. L'émergence de la puissance normative :
EITI un trait de la moralisation des
systèmes politiques mondiaux
214
1. Un changement théorique 214
2. ...à la suite d'un changement des pratiques
politiques 217
SECTION 2 : A LA RECHERCHE DES ELEMENTS D'UNE ETHIQUE DE
CONVICTION DANS LA CONDUITE DES ACTEURS DE LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES
EXTRACTIVES. 219
Paragraphe I : L'initiative de transparence des
industries extractives : un espace de la démocratisation ?
221
A. Participation et responsabilité au sein de
l'Extractive Industries Transparency
Initiative. 223
1. Un espace de participation
hétérogène ou la diversité des
transactions
comme marque de l'éthique 224
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de xviii
Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences
d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
2. Les rapports de conciliation des chiffres et volumes :
une responsabilité
biaisée 226
B. Légitimité et
illégitimité de la transparence des industries extractives
228
1. L'éthique légitimante 229
2. Une mise en oeuvre imparfaite de l'initiative de
transparence des industries
extractives 231
Paragraphe II :
L'incidence économique dans une conception holistique de
l'éthique : la transparence des industries extractives dans la
problématique du développement
des peuples 233
A. Les effets d'un manque de transparence dans les
industries extractives sur le développement des peuples ou la
négation d'une morale de la transparence comme explication de l'absence
de développement 234
B. L'initiative de transparence des industries
extractives : un espace de gouvernance pour un développement
repensé. 242
CHAPITRE 4: VERS L'« ETHIQUE DE LA CONVICTION
RESPONSABLE » DANS LA STRUCTURATION DE L'INTERACTION AU SEIN DE L'EITI :
L'EXALTATION DU PARADIGME DE L'INTERET OU LA TRANSPARENCE SPECIEUSE
246
SECTION 1 : « L'ETAT N'A PAS D'AMI... » : UNE
LECTURE STATOCENTREE DE L'INITIATIVE DE TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES
247
Paragraphe I : Le sacre de l'intérêt ou
le scepticisme éthique : le fondement utilitaire du lien
interétatique dans la transparence des industries extractives
247
A. L'Etat-soutien à EITI et les
délices de la transparence des industries extractives .
248
1. La préservation et l'expansion des zones
d'influence 248
2. Action rhétorique : la transparence des
industries extractives ou la « quête intéressée d'un
nouvel humanisme » au service de la sécurité des Etats.
250
3. La `nouvelle raison d'Etat' ou l'international comme
compensation des
carences internes 252
4. La transparence au service de la prévention
des conflits armés 253
5. L'exportation d'un modèle étatique par
le soutien de la transparence des industries extractives. 255
B. L'Etat de la mise en oeuvre de l'initiative et les
retombées de la transparence des industries extractives
257
1. Les Etats de la mise en oeuvre de l'EITI dans le
meta-jeu mondial: le rayonnement international des Etats en jeu 258
2. L'instrumentalisation à des fins de
légitimation internationale de l'EITI par
les Etats d'accueil 264
3. Les financements directs et indirects de la
transparence 265
Paragraphe II : L'Etat transcendant ?
L'instrumentalisation des acteurs privés par l'Etat au sein de EITI :
les ONG et les firmes au service de la diplomatie étatique.
268
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
A. La cession de la flexibilité et de
l'expertise des ONG au Léviathan 270
1. Les ONG acteurs d'une diplomatie non gouvernementale
au service de l'Etat
270
2. L'illusion de la pureté de la
société civile dans les aires d'implémentation de l'EITI ?
277
B. Du consensus opaque à la transparence
collusive : les industries extractives et l'Etat, idylle éternelle d'un
couple fusionnel 279
1. Les firmes transnationales dans la transparence des
industries extractives: les contours d'une action des firmes au service de
l'Etat 280
2. Les structures domestiques et les firmes
multinationales des industries extractives : les usages étatiques des
firmes dans la politique des Etats hôtes 285
SECTION 2 : LA CONNOTATION UTILITAIRE DE L'ACTION NON
GOUVERNEMENTALE DANS LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES 288
Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales
et le spectacle de l'altérité : l'EITI, un théâtre
de l'humanisme captieux 290
A. Les fruits de l'interaction privée : les
ONG au coeur des transactions utilitaires dans l'initiative de transparence des
industries extractives 290
1. Une logique de diversification des sources de
légitimité : la transparence des industries extractives
pourvoyeuse d'un supplément de légitimité 291
2. Le syndrome du « passager clandestin » ou
l'activisme non gouvernemental au service de l'ambition personnelle des
leaders. 294
B. Les fruits des transactions avec l'Etat : les ONG dans le
complexe du
financement de la transparence des industries
extractives. 297
1. Les rentes de la transparence ou la transparence des
rentes ? 298
a) Les ONG dans le suivi du projet pétrole
Tchad-Cameroun 298
b) La surévaluation du per diem comme le
signe d'une quête des rentes de la transparence. 303
2. De la corruption au sein des ONG : un indicateur de la
spéciosité du récit éthique dans la transparence
des industries extractives 305
Paragraphe II : Les
firmes multinationales du secteur des industries extractives
dans
le système capitaliste : l'illusion du
désintéressement. 310
A. Deux manifestations de la « tentation
éthique » du capitalisme 311
1. A l'ère du marketing éthique : la
transparence des industries extractives au service de la performance
311
2. From shareholders to stakeholders:
l'éthique comme impératif dans la complexité des
transactions des acteurs pour la performance et la
compétitivité.
317
B. A propos des fruits du marketing éthique :
évocation de quelques retombées
de l'éthique de responsabilité pour les
compagnies extractives 320
CONCLUSION GENERALE 323
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
A. BILAN EMPIRIQUE : LE FONDEMENT MORAL DES INTERETS A
L'INTERSTICE DES ORDRES ETATIQUE ET
PRIVE. 324
1. EITI et la rémanence de l'ordre
westphalien 324
2. La pertinence des acteurs privés dans EITI
326
3. Morale et puissance : les deux faces de la
politique mondiale 330
B. BILAN THEORIQUE : VERS LE DEPASSEMENT DES ARCHIPELS
PARADIGMATIQUES. 334
1. Forces et faiblesses des grilles
convoquées 334
2. Par-delà les forces et faiblesses : vers
le dépassement des archipels théoriques et paradigmatiques ?
338
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 343
ANNEXES 377
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de xxi Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

Introduction
générale
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Introduction générale :
La fin du monopole étatique est le fait des acteurs de
la société civile venant de tous les horizons dire leur droit au
chapitre, de même que des firmes multinationales qui ont vu leur
importance amplifiée par la mondialisation. Les acteurs privés
accentuent ainsi la pression sur le principe de souveraineté et donc,
sur l'Etat qui en est le ferment et le fondement. L'ouverture progressive des
écluses de la souveraineté et l'irruption des acteurs
privés dans les sphères décisionnelles où se
structure la marche du monde a fini de donner l'impression de sonner le glas de
l'ordre westphalien. De la configuration nouvelle, ont jailli des espaces
nouveaux de gouvernance (concept dont l'émergence a également
partie liée avec cette fièvre), dans lesquels l'Etat partage la
qualité d'acteur avec des entrepreneurs privés en vue d'apporter
solution aux problèmes complexes de la mondialisation. A Johannesburg,
l'ancien Premier Ministre britannique Tony Blair lança en 2002
l'Extractive Industries Transparency Initiative (EITI), plateforme
multi-acteurs consacrée à l'incarnation de la transparence.
Espace d'émulation de l'actorat multiple et multiforme, site de
transactions complexes, EITI n'est pas moins le théâtre d'une mise
en avant de l'éthique dans le capitalisme. Ipso facto, deux
concepts cardinaux sont mis en relief : la souveraineté et
l'éthique. Comment envisager la mise en oeuvre de l'un alors que le
système international est bâti sur la présomption de
l'intangibilité de l'autre ? Face à ce dilemme normatif, une
déconstruction de la critique politiste de la souveraineté est
semble-t-il, le préalable à tout discours. Ce, dans le but de
palper la souveraineté sans l'idée-reçue de sa forme
absolue qu'impose à la discipline le mythe westphalien qui autorise donc
l'idée d'une obsolescence.
A. De la construction d'une problématique : La
souveraineté entre absolutisme et obsolescence.
1. Du rapport souveraineté / raison
d'Etat
La transparence des industries extractives comme norme promue
et défendue par les Etats et les acteurs privés, est
confrontée à deux concepts fondamentaux de l'autorité
étatique : la souveraineté et la raison d'Etat. A priori, le
cousinage des deux concepts ne paraît pas relever de l'évidence et
de toute façon, il prendrait fin à la lisière de la
différenciation justifiée par le degré d'omnipotence du
dépositaire de l'un et de l'autre. Pourtant, leur interconnexion se
fonde au carrefour de l'Etat. Trois niveaux d'argumentation permettent de
mettre en relief la communauté de sens et d'essence des deux concepts
à savoir : le rôle matriciel de la
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 2 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
souveraineté vis-à-vis de la raison d'Etat, l'Etat
comme scène que partagent les deux concepts et la communauté de
destin de ceux-ci.
a) La souveraineté comme matrice de la raison
d'Etat
La souveraineté est l'autorité suprême
reconnue à un Etat, et qui le place au dessus de toute autre
autorité1. « La politique c'est le pouvoir et le pouvoir
c'est la souveraineté » dit Gérard Mairet2.
Autrement dit, aucune norme ne s'impose à celui qui est souverain car il
est source de norme et norme supérieure. Mieux, les normes issues de sa
volonté sont incontestables et définitives. « Une telle
conception pense Olivier Beaud, exclut l'intervention d'un tiers que ce soit en
amont ou en aval de la décision : en amont, parce que le souverain ne
reconnaît aucun droit de veto ou de co-décision à une
autorité politique tierce, en aval parce qu'il ne reconnaît pas
davantage à une autorité juridictionnelle le soin de
contrôler sa décision »3. Au sein de son
territoire, l'Etat détient le monopole de la contrainte et donc, est
détenteur de la plenitudo potestas. Cela l'exempte de toute
norme imposée de l'extérieur comme de l'intérieur car il
est dépositaire de la puissance absolue qui peut être
perpétuelle ou mortelle. La raison d'Etat découle de la
souveraineté. Elle désigne le droit dont dispose un Etat de
violer la loi ou la norme « momentanément4 » au nom
de la nécessité ou de l'intérêt. Ce n'est pas l'
« injure de l'Etat faite à la raison5 » ou bien le
prétexte d'établissement d'un régime perpétuel
d'exception. C'est l'établissement d'une raison propre à l'Etat,
distincte de la morale chrétienne et de la loi naturelle. La raison
d'Etat, c'est la distance prise par l'Etat vis-à-vis de Dieu et de la
nature ; c'est la construction d'une raison souveraine de l'Etat6.
En raison de la nécessité7 qui conditionne la
préservation de l'Etat, ce dernier peut
1 Les déclinaisons des dimensions de la
souveraineté au cours de cette étude reviendront amplement sur
les sens de la souveraineté. Cette acception n'est juste que
l'idée centrale des diverses conceptions de la notion de la
souveraineté.
2 Mairet Gérard (1997) Le principe de
souveraineté, Paris : Gallimard, P. 20.
3 Olivier Beaud pousse la réflexion plus
loin en plaçant le souverain au dessus de la constitution qui est
pourtant loi fondamentale d'un Etat. Beaud Olivier « Le souverain »
Pouvoirs, Revue française d'études constitutionnelles et
politiques, n° 67, P.36-37, 1993.
4 Il convient de noter que la violation
pérenne de la norme est la négation des fondements de l'Etat
moderne car, un homme seul qui viole permanemment les lois est très vite
qualifié de tyran et conduit donc l'Etat vers un régime
redouté par l'ensemble des théoriciens de l'Etat. Machiavel
précise d'ailleurs que c'est la « necessitas » qui suspend le
cours de licéité et elle n'est pas perpétuelle. La
multitude souveraine qui s'installe durablement dans l'exception fait resurgir
l'état de nature hobbesien et conduirait vers le chaos.
5 Parce qu'elle est le droit de l'Etat
d'échapper au droit, Gérald Sfez pense qu'elle est l'injure de
l'Etat faite à la raison. Sfez Gérald (2000) Les doctrines de
la raison d'Etat, Paris : Armand Colin, introduction.
6 D'après Gérard Mairet, le fondement
de la souveraineté est cette distance d'avec Dieu et la nature. Si en se
distinguant des morales qui en découlent l'Etat se construit une raison,
celle-ci et la souveraineté partagerait donc par nature, d'être
l'incidence de cette distance.
7 Machiavel parle de « necessitas »,
Botero parle d'intérêt pour désigner une seule et
même chose. Le point de
rupture survient quand il faut dire celui dont
l'intérêt est motif d'action. Sfez pense que la
nécessité
machiavélienne est centrée sur le
prince alors que celle de Botero se focalise sur l'Etat comme
communauté
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
« momentanément » mettre entre
parenthèse les normes dont il est l'instigateur. En fait, la
souveraineté confère à l'Etat ce droit, le droit de se
soustraire aux normes ; la souveraineté donne à l'Etat sa
raison1. Autrement dit, si l'Etat peut se permettre de violer les
lois et normes dont il est l'instigateur et celles qui émanent d'autres
sources, c'est en raison de sa souveraineté.
b) L'Etat : une scène commune à la
souveraineté et à la raison d'Etat
De plus, même si les pré-machiavéliens ont
discouru sur des pratiques étatiques qui s'apparentent à la
raison d'Etat, ils n'ont pas conceptualisé cette notion. Machiavel a
également manqué de fournir à la notion de raison d'Etat
une valeur conceptuelle tant il l'a centrée sur le prince nouveau, qui
est avant tout soucieux de la quête et de la conservation de son pouvoir
que de la conservation de l'Etat. Or, l'essence même de la raison d'Etat,
c'est de veiller à la conservation de l'Etat. C'est pour cette raison
que l'on reconnaît à Botero le mérite d'avoir
conféré à la raison d'Etat une valeur conceptuelle car, il
a placé la conservation de l'Etat au centre de la préoccupation
de celle-ci. « L'innovation de Botero dit Gérard Sfez, est de
conférer à la raison d'Etat un véritable domaine de
réalité »2. Il n'y a donc pas de raison d'Etat
sans Etat et pas d'Etat sans souveraineté.
La modernité politique est caractérisée
par l'affirmation de l'Etat comme modèle d'organisation de la vie
sociale. En même temps qu'il se crée autour de son
indépendance vis-à-vis de l'Eglise et de la loi naturelle, l'Etat
se forge sa raison en vertu de sa souveraineté. L'histoire de la
constitution de l'Etat selon Hobbes est celle de l'auto-assujettissement des
hommes au souverain en vue de la sécurité. Hobbes apparaît
comme le théoricien de la souveraineté en tant que principe
intégrateur des hommes et des humeurs disparates, le principe qui
crée l'ordre à partir du désordre, le faber de la
cohésion au nom de l'initiative de loi qui est sa prérogative
première et exclusive. Pas de souveraineté sans raison d'Etat
c'est-àdire, une part de secret qui revient au souverain en tant qu'il
est source de la norme et la
d'hommes dont il faut assurer la commodité d'existence.
Quel que soit l'auteur, l'accord est trouvé : « necessitas
legem non habet » Sfez, op. cit.
1 Il y a 40 ans environ, le gouvernement
britannique avait vendu à l'armée américaine l'île
de Diego Garcia, violant ainsi le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes, sans compter les droits des peuples de disposer de leurs
terres. Autant de normes sur lesquelles la communauté internationale
avec en tête les puissances telles que le Grande Bretagne a bâti le
système des Nations Unies. Après plusieurs plaintes et
procès qui donnent raison aux populations de ce territoire britannique
d'outre-mer (archipel du Chagos), le 22 octobre 2008 la chambre britannique des
Lords a estimé que la rétrocession de l'île à ces
populations constitue un préjudice à la sécurité
internationale. La raison d'Etat a été invoquée par les
Lords. Il s'agit d'une violation de certaines normes internationales, au nom
d'un intérêt prétendument commun à la
société internationale. La négation de la
souveraineté à un peuple se justifie par la raison d'Etat d'un
pays investi d'une souveraineté qui lui autorise le viol de la norme
préétablie.
2 Sfez Gérard op. cit P. 60
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
norme même. Pas de raison d'Etat sans souveraineté
qui consacre le droit d'échapper au droit, la norme de la violation de
la norme.
c) Souveraineté et raison d'Etat : une
communauté de destin
Les débats autour de celui dont l'intérêt
est cause de violation de la norme sont illustratifs des querelles autour du
dépositaire de la souveraineté et, est un autre trait de la
parenté des deux concepts. Qui est souverain ; le roi ou le royaume ?
L'intérêt qui motive l'activation de la raison d'Etat
appartient-il au roi ou au royaume ? La figure machiavélienne du prince
dépositaire de la plenitudo potestas colle bien avec
l'idée de la souveraineté centralisée, au nom d'une
ratio status regis fondée sur le pessimisme anthropologique, la
quête d'un intérêt prétendument commun mais
privé et la toute puissance de la `necessitas'. Si la
souveraineté est dévolue à une personne qui parle au nom
de l'Etat, l'on assiste à la confusion de sa raison avec celle de
l'Etat. Ainsi, ce sont ses nécessités qui motiveront l'activation
de la raison d'Etat. Les deux concepts peuvent donc partager ce trait de
parenté gauchisé qu'est l'investissement de la
souveraineté et donc, de la raison de l'Etat sur un seul homme. La
raison d'Etat machiavélienne est l'illustration du gauchissement de la
raison d'Etat et donc de la souveraineté. Par ailleurs, la raison d'Etat
parce que tirant sa quiddité de la souveraineté, peut être
d'essence fragmentaire et étrangère à l'Etat. Autrement
dit, de même que la souveraineté forte d'un seul entraîne le
gauchissement des la raison d'Etat, de même l'absence ou la diffusion de
la souveraineté sur plusieurs pôles a pour conséquence
l'émergence d'une raison d'Etat qui vise la conservation d'Etats autres
que celui de son déploiement. A ce propos, l'examen des
résolutions de l'Assemblée générale des Nations
Unies sur la souveraineté permanente des peuples sur leurs richesses et
leurs ressources naturelles est fortement édifiant1.
Souveraineté des peuples ou souveraineté des Etats ?
Avant la vague des indépendances des années
1960, lesdites résolutions parlent de souveraineté des peuples et
des nations, peut-être pour ne pas tenir en marge les territoires
coloniaux qui, nantis de ressources naturelles, n'ont pas qualité de
membres des Nations Unies puisque n'étant pas des Etats au sens du droit
international. Le peuple n'ayant pas de raison, l'on ne saurait identifier une
quelconque raison d'Etat dans ces conditions d'absence d'Etat sinon, celle des
Etats colonisateurs qui revendiquaient la souveraineté sur lesdits
1 Notamment la résolution 626 (VII) du 21
décembre 1952 sur le droit d'exploiter librement les richesses et les
ressources naturelles et la résolution 1803 (XVII) du 14 décembre
1962 sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
territoires1. Le contexte même de l'adoption
de ces résolutions informe sur les enjeux de l'époque. La
commission pour la souveraineté permanente sur les ressources naturelles
qui est créée par la résolution 1314(XIII) du 12
décembre 1958, est l'expression d'un droit incorporé dans un
autre plus général, le « droit des peuples et des nations
à disposer d'eux-mêmes ». A partir de 1960, l'accession en
vague des territoires à l'indépendance va modifier le vocabulaire
onusien sur la souveraineté. Désormais, l'on parle de
souveraineté des Etats tout simplement. La résolution 1515 (XV)
du 15 décembre 1960 commence d'ailleurs par relever l'adhésion de
plusieurs nouveaux membres à l'ONU. Dès lors qu'on a
établi que la souveraineté et la raison d'Etat ont une
communauté de destin, qu'elles ont comme site commun de
déploiement l'Etat et que la première fonde la seconde, il
demeure que la question du niveau pertinent de dévolution de la
souveraineté et donc du dépositaire de l'intérêt qui
est motif d'action semble révélatrice d'une « logique floue
». En effet, si l'on s'évade de la conception rousseauienne de la
souveraineté qui en fait un agrégat des puissances individuelles
dans le cadre d'une souveraineté populaire, que peut présager la
confusion entre la « souveraineté des peuples et des nations sur
leurs ressources naturelles » et la souveraineté des Etats membres
des Nations Unies ? Manifestement, le lien commun est l'exclusivité de
gestion et d'usage des ressources naturelles par les peuples nouvellement
indépendants.
De plus, il se dégage l'impression que pour moraliser
la raison d'Etat, il faut nécessairement porter des coups à la
souveraineté. Giovanni Botero donne raison à Sfez qui pense que :
« La raison d'Etat, c'est l'Etat qui se raisonne et passe à la
défensive pour se garder »2. En effet, Botero rompt avec
Machiavel en inféodant à nouveau la raison d'Etat à la
conscience morale. Il oppose l'intérêt public à la
nécessité machiavélienne. L'Etat pense - t-il, oeuvre
à sa conservation par l'assurance de la paix civile et, la police est
ainsi préférée à l'armée qui assure les
conquêtes3. L'Etat se conserve ensuite par le bonheur qu'il
assure au peuple, bonheur et non commodité d'existence. C'est pourquoi
il encourage un mercantilisme4 qui a vocation à enrichir
l'Etat par l'industrie et le commerce pour le bonheur des citoyens. Ce faisant,
Botero passe de la `légitime offense' machiavélienne à
la
1 En effet, ces territoires n'étaient pas
des terra nullius et par le principe de succession des Etats, par les
traités signés avec les chefs des peuples autochtones, les Etats
colonisateurs ont acquis la souveraineté sur ces territoires et donc,
les considéraient comme des espaces relevant de leurs autorités
respectives.
2 Sfez Gerald, op.cit. P.62
3 La pensée machiavélienne
privilégie les conquêtes armées et postule la «
légitime offense » alors que Botero met en avant l'exigence de la
paix civile et c'est la police pense - t- il qui en est garante.
4 Descendre Romain « Raison d'Etat, puissance et
économie. Le mercantilisme de Giovanni Botero » Revue de
métaphysique et de morale, n°39, 2003, pp. 311-321.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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légitime défense. Mais, la révolution se
trouve aussi dans l'assujettissement de la politique à la morale. Hier,
Machiavel a expulsé la morale de la politique, aujourd'hui Botero l'y
réintroduit. « Botero dit Sfez, refuse d'attribuer de valeur
absolue à la puissance d'Etat et maintient l'idée de la
subordination de la raison d'Etat à la conscience et de la puissance
d'Etat à l'autorité religieuse »1. Il pense
contre Machiavel et Tacite que la morale religieuse est ce qui ne peut
être transgressé par la raison d'Etat. L'Etat n'est pas souverain
vis-à-vis de l'Eglise. Botero porte ainsi à la
souveraineté ses premiers coups car il place l'Etat et sa raison sous la
férule de l'Eglise et de la morale. Tout se passe comme si moraliser ou
« raisonner la raison d'Etat » est un processus qui fragilise
automatiquement la souveraineté et amène à sa
reconsidération. Mireille Delmas-Marty dans un ouvrage2 sur
la création d'un droit européen, révèle
l'incompatibilité de la raison d'Etat raisonnée avec une
souveraineté rigide et absolue. En effet, la création d'une
Europe des droits de l'homme est l'occasion de la communautarisation des
politiques nationales. Ceci implique la cession d'une parcelle de
souveraineté nationale au profit d'un niveau supérieur, le niveau
régional. Les Etats ainsi engagés dans ce processus de
régionalisation doivent abandonner les « clauses
échappatoires » qui peuvent servir de refuges à la raison
d'Etat pour construire un espace plus grand, un espace intégratif et
intégré.
Par ces trois éléments de similitude qui n'en
excluent pas d'autres, la souveraineté et la raison d'Etat paraissent
sinon interchangeables, du moins consubstantielles. Les fortunes de la
souveraineté informent celles de la raison d'Etat.
2. La souveraineté : un concept aux multiples
dimensions
L'initiative de transparence des industries extractives (EITI)
remet-elle en cause la souveraineté des Etats ? Cette question remet
à l'ordre du jour le débat autour de la souveraineté.
L'interpellation est ainsi faite quant aux fortunes de la souveraineté
dans un monde transformé. Y répondre c'est dire le dessein de
positionner cette recherche dans le continuum de la conception dynamique de la
souveraineté, se situant entre la rupture et la
continuité3 ; ce qui expliquerait alors le rôle nouveau
reconnu aux acteurs privés tels que les ONG et les compagnies
extractives. En effet, deux écoles s'opposent dans ce débat et
1 Sfez, op.cit P.65.
2 Delmas-Marty Mireille (1989) Raisonner la raison
d'Etat : Vers une Europe des droits de l'homme, Paris : PUF.
3 En réalité, la conception dynamique
de la souveraineté traduit l'évolution de celle-ci vers un niveau
autre que celui des origines. On peut donc avoir une évolution vers
l'obsolescence, une évolution vers la démystification, ou encore
une évolution vers une perception plus globale qui installerait les
frontières des Etats et donc de leurs souverainetés sur les
lisières sous-régionales, régionales et même
globales. Il s'agit ici d'admettre que le dynamisme de la souveraineté
la conduit vers l'évolution, mais la situant dans l'espace
heuristiquement riche compris entre la rupture et la continuité.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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s'affrontent autour de la fixité de la
souveraineté. L'une prônant l'absolutisme de la
souveraineté, se décline en des dimensions mythique,
perpétuelle et juridique. L'autre, dynamique, est
démontrée par les dimensions obsolète, postmoderne et
relative de la souveraineté.
a) La souveraineté comme principe
absolu
La conception absolutiste de la souveraineté lui
confère un caractère inamovible. Celle-ci procure à la
souveraineté une essence, une teneur inchangeable, permanente. Elle fait
de la souveraineté une réalité qui justifie les conflits,
les cloisons territoriales et abstraites de tout temps. Mais au sein de cette
conception, l'on relève trois dimensions d'appréhension : une
dimension absolue perpétuelle, une dimension mythique et une dimension
juridique.
Dans une ère où la défense des
entités territoriales contre les invasions étrangères
était au coeur des préoccupations, l'anarchie
hobbesienne1faisait planer de la suspicion entre les entités
politiques, surtout lorsque les menaces à la stabilité interne
provenaient de l'extérieur, dans une Europe en proie aux schismes et
autres révolutions. Penser alors la souveraineté comme pouvoir
absolu dévolu au souverain, était envisageable non pas que ce fut
une réalité absolue mais plus, la fabrication in vitro
d'un principe destiné à produire de l'ordre. Un mythe fondateur
d'un ordre nouveau2 . Ainsi, Thomas Hobbes dans sa définition
de la République annonce déjà sa conception de ce qui
plusieurs siècles durant, va structurer la conduite des affaires du
monde. Il dit : « Une république est dite être
instituée quand une multitude d'hommes s'accordent et conviennent par
convention; chacun avec chacun, que, quels que soient l'homme, ou
l'assemblée d'hommes auxquels la majorité donnera le droit de
présenter la personne de tous, c'est-à-dire d'être leur
représentant, chacun, aussi bien celui qui a voté pour que celui
qui a voté contre, autorisera toutes les actions et tous les jugements
de cet homme, ou assemblée d'hommes, de la même manière que
si c'étaient ses propres actions et jugements, afin que les hommes
vivent entre eux dans la paix, et qu'ils soient protégés
contre
1 Alexander Wendt faisant sa classification des
anarchies, parle de trois types: l'anarchie hobbesienne dans laquelle les Etats
se considèrent comme ennemis, l'anarchie lockéenne au sein de
laquelle les Etats se regardent comme des rivaux et l'anarchie kantienne
où les Etats se regardent en amis. Wendt Alexander (1999), Social
theory of international politics, Cambridge :Cambridge University Press,
chap.6
2 Il faut dire qu'en même temps qu'il est
l'un des théoriciens de l'absolutisme, Hobbes est aussi avec Locke l'un
des bâtisseurs de la souveraineté en tant qu'elle est mythe
fondateur. La création de Léviathan à partir d'une mise en
commun des libertés pour la sécurité, rappelle le passage
de l'état de nature lockéen au `civil government'.
L'histoire regorge de tels mythes qui ont structuré la pensée des
hommes car le souci de justifier et donc de légitimer l'Etat en tant que
société de vie commune, imposait que l'on construise des mythes
explicatifs de la domination d'un ou de quelques-uns sur la multitude. Qui vous
a établi au dessus des autres ? La souveraineté en tant que
mythe, a donc vocation à préserver le corps social du chaos, de
l'anomie.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 8 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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les autres1 ». La distinction entre `eux' et
`nous', la cloison et la méfiance vis-à-vis des ennemis
extérieurs vont ériger la souveraineté en sacro-saint
principe exorcisant les démons de la déstabilisation. La hantise
de l'insécurité a justifié l'omnipotence du souverain sur
les sujets.
Quant à Vattel2, sa conception de la
souveraineté découle de la nation. Cette dernière est pour
lui un corps politique, une société d'hommes unis dans le but de
promouvoir leur sécurité mutuelle par la combinaison de leurs
forces. Il faut une autorité pour réguler l'action de ces hommes
divers vers l'atteinte de l'objectif de sécurité. Cette
autorité politique est donc la souveraineté et celui qui en est
investi est le souverain. Il complète cette présentation de la
souveraineté interne par celle externe en affirmant que toute nation qui
se gouverne ellemême, quelle que soit sa forme, sans dépendance
vis-à-vis d'un pouvoir étranger est un Etat souverain. Ses droits
sont naturellement les mêmes que ceux de tout autre Etat. Cet absolutisme
proclamé de la souveraineté tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur est aussi prôné par Jehan Bodin qui
en fait une «puissance perpétuelle »3. Morgenthau
la définit ainsi: « Sovereignty is the supreme
legal authority of the nation to give and enforce the law within a certain
territory and, in consequence independence from the authority of any other
nation and equality with it under international law ». Il distingue
la souveraineté du roi sur ses sujets de celle de tout Etat
vis-à-vis de ses pairs dans le système international. Pour l'une
et l'autre, il proclame l'inviolabilité sauf dans le cas des
arrangements entre Etats. Toutefois, l'intérêt réside moins
dans la distinction et les conditions de perte de la souveraineté que
dans sa conception. En effet, la synonymie qu'il établit entre la
souveraineté, l'indépendance, l'égalité et
l'unanimité, soulève des interrogations quant aux faits de la
scène internationale tel que la prévalence d'un
hégémon qui impose sa loi à tous. L'indépendance
suppose que la souveraineté suprême échoit à la
nation sur elle-même et qu'il n'y a pas d'autorité au dessus
d'elle. L'égalité met tous les Etats sous le droit international
mais jamais les uns sous le couvert des autres et l'unanimité stipule
qu'aucune décision ne m'engage sans mon consentement4.
L'observation de la scène internationale révèle
plutôt la difficulté à parler d'indépendance,
d'égalité et d'unanimité dans un monde où
prévaut comme le dit Morgenthau lui-même, la quête de
puissance. L'on comprend dès lors que les conditions de perte de la
1 Hobbes Thomas (1651) Léviathan.
Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la
république écclésiatique et civile, traduction de
Philippe Folliot (2004), troisième partie, chap. XVIII, P. 14
2 De Vattel Emmerich (1758) The law of Nations or
the principles of natural law, Edition mise en ligne sur
http://www.
uqac.uquebec.ca.index.htm, revue par Paul Tremblay en 2002.
Chap.1 section 1-4.
3 Bodin jean (1986) Les six livres de la
république, Paris : Fayard.
4 Morgenthau H. J. (1950), Politics among nations;
the struggle for power and peace, 6eme Edition, New York: Alfred A. Knopf,
P.331-332;
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souveraineté telles qu'il les énonce laissent
planer comme un nuage de contradiction si ce n'est l'illustration de la
difficulté à cerner ce concept mouvant et
évolutif1. En même temps, cette contradiction se
renforce par la reconnaissance de l'impact du droit international sur les
souverainetés des nations. En effet, si l'auteur assujettit toutes les
nations au droit international, il annonce déjà ipso
facto inconsciemment, le rôle d'acteurs autres qui peuvent
intervenir dans l'initiation de ce droit et dans son exécution.
Même en précisant les situations particulières qui
favorisent la perte de souveraineté du fait du droit international, il
ne semble pas qu'il y ait dans sa logique une césure franche entre la
souveraineté absolue qu'il prône et la souveraineté en
situation permanente de menace. Toutes deux restent fortement drainées
par le souci de la non ingérence.
La souveraineté « morgenthauienne » est
révélatrice de la dimension juridique qu'il faut intégrer
pour une compréhension totale de la souveraineté en tant qu'elle
est absolue. La souveraineté telle que pensée par Morgenthau est
essentiellement juridique. Elle est le droit de faire le droit dans un
territoire sans influence extérieure, le droit pour un ou quelques-uns
de décider souverainement au nom de la multitude. De plus,
l'évocation de la souveraineté comme principe juridique peut
laisser penser qu'en raison des concepts nouveaux tels que le droit
d'ingérence et la responsabilité de protéger, l'essence
absolue de la souveraineté céderait la place à l'essence
dynamique. Considérant le droit communautaire CEMAC, il se fonde sur le
consensualisme des sources juridiques. En clair, le consensualisme et le
consentement qui fondent les traités constitutifs d'espaces
communautaires atténuent l'effet corrosif des intégrations qui
sont alors non pas des tentatives de réduction de la
souveraineté, mais la concordance des volontés. Le jus
tractatum tel que codifié par la convention de Vienne du 23 mai
1969 reconnaît la souveraineté des Etats qui signent un
traité, « c'est-à-dire un acte écrit, né de la
concordance des volontés... d'Etats souverains et engendrant des effets
ou des obligations juridiques à l'égard de ces Etats2
». Les obligations juridiques ainsi acceptées ne constituent pas
une entorse à la souveraineté des Etats car, « sans doute
ayant ainsi accepté de se soumettre à diverses obligations, les
Etats membres (d'une organisation sous-régionale ou régionale)
avalisent en même temps une certaine restriction à leurs
prérogatives internes et internationales. Cependant, ils n'ont fait que
valoriser un attribut essentiel de leur
1 Morgenthau pense qu'une nation A perd sa
souveraineté si elle permet à B de mettre un veto à sa
décision. Une nation A perd également sa souveraineté si
son gouvernement n'a plus qu'une existence apparente mais les décisions
sont prises par B. Morgenthau, op. cit. p. 334-336.
2 Mouelle Kombi N.E « les aspects juridiques
d'une union monétaire : l'exemple de l'Union Monétaire d'Afrique
Centrale » Revue Générale de Droit International
Public, Juillet-septembre 2001, n°3 P.528 ;
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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souveraineté : le jus tractatum
1». L'impression de contradiction que l'on peut percevoir dans ces
subtilités du droit, selon qu'il doit s'appliquer en sauvegardant la
souveraineté, est renforcée par le dilemme causé par les
exigences morales face aux situations de violation du droit international
humanitaire.
Alors que le droit international sacralise la
souveraineté et fonde sur elle la régulation des Etats en tant
que sujets de droit, certains évènements ont
démontré un malaise à rester accroché aux
mâchoires de l'absolutisme de la souveraineté. Le Rwanda,
Srebrenica, le Kosovo ont démontré le dilemme qui naît
lorsque le droit fait face à la décrépitude morale dans
l'arène internationale. L'article 2(1) de la charte des Nations Unies
qui proclame l'égalité souveraine des Etats et son implication
qui est la non-ingérence doit-il demeurer inviolé ou bien la
communauté internationale doit-elle s'auto-flageller en renonçant
aux principes qu'elle s'est forgée ? La résolution 43/131 du 8
décembre 1988 de l'Assemblée Générale de l'ONU
portant droit d'ingérence, le rapport de la Commission Internationale de
l'Intervention et de la Souveraineté des Etats (CIISE) du 30 septembre
2001 tentent de répondre à la question de Kofi Annan. Ce dernier
se demandait comment se comporter devant les situations telles que le Rwanda et
Srebrenica, si l'ingérence pose un problème au principe de
souveraineté. A cette inquiétude le droit répond par des
biais : droit d'ingérence, responsabilité d'intervenir,
responsabilité de protéger. Toutefois, devant la position
ambiguë du droit qui prévaudra en autorisant une intervention ici
et le respect strict de la non-ingérence là-bas, l'on peut penser
que la dimension juridique donne encore la part belle à la permanence de
la souveraineté.
John Charvet estime que dans un sens relativement superficiel
de la souveraineté, les pratiques d'intervention au nom de la protection
des droits de l'Homme ont altéré substantiellement la position de
l'Etat mais que dans un sens profond de la souveraineté, ces pratiques
nouvelles ne marquent pas de changement sur le statut de l'Etat2.
C'est une position qui consiste à penser que la souveraineté en
tant que principe juridique demeure pertinente et permanente3, deux
niveaux d'appréhension voient le jour, posant le problème du
niveau
1 Mouelle Kombi N.E «L'intégration
régionale en Afrique centrale : entre interétatisme et
supranationalisme » in Ben Hammouda, Bekolo-Ebe et Touna Mama
L'intégration régionale en Afrique centrale ; bilan et
perspectives, Paris : Karthala. P.209. Il s'appuie pour le dire sur
l'arrêt de la CPJI du 17 août 1923 au sujet de l'affaire du Vapeur
de Wimbledon qui dit : « la faculté de contracter des engagements
internationaux est précisément un attribut de la
souveraineté de l'Etat ».
2 Charvet John «The idea of state sovereignty and
the right of humanitarian intervention» International Political
Science Review, vol. 18, n°1, pp. 39-48, (1997).
3 En cela, il rejoint Janice E. Thomson. En effet,
celle-ci est sceptique quant à l'érosion de la
souveraineté. La
définition de la souveraineté par le
`contrôle' (Rule-enforcing) plutôt que par l'autorité'
(Rule-making) a
entraîné les analystes interdependantistes
à considérer que la souveraineté des Etats est
érodée par le fait des
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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pertinent de la souveraineté. Toutes les dichotomies
trouvent alors un espace d'émulation : souveraineté
absolue/souveraineté juridique, souveraineté
légale/souveraineté législative, ce d'autant plus que la
souveraineté comporte une double exigence. En effet, à
l'extérieur, elle suppose la responsabilité de respecter la
souveraineté des autres Etats et à l'intérieur, elle
implique la responsabilité de protéger les citoyens des abus et
autres violations. En somme, la dimension juridique de la souveraineté
patauge encore dans l'indécision qui empêche de partir d'une
volonté de quadrillage de la scène internationale par un droit
international décalé, et la nécessité de s'extirper
du manichéisme juridique.
Nathan Klassen affirme dans le sillage de ses
précurseurs, l'absolutisme de la souveraineté. Il dit:
«sovereignty is an absolute concept and certainly autonomy is a
component of sovereignty».1 L'examen des trois dimensions
démonstratives du caractère absolu, c'est-à-dire permanent
de la souveraineté à l'aune de la transparence des industries
extractives comme exigence, révèle en gros
l'incompatibilité. Les fondements absolu, mythique et juridique de la
souveraineté interdisent précisément toute immixtion dans
les affaires internes des Etats. Les ressources extractives d'un pays
appartiennent exclusivement à son peuple. La résolution 1803 de
l'Assemblée Générale des Nations Unies datée du 14
décembre 1962 proclame la « souveraineté permanente des
peuples sur leurs ressources naturelles ». Elle vient compléter la
résolution 1314 de la même instance datée du 12
décembre 1958, qui en même temps qu'elle donne des recommandations
concernant le respect du droit des peuples et des nations à disposer
d'eux-mêmes, crée la « commission pour la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles ». L'on peut y ajouter la
résolution 626 du 21 décembre 1952 énonçant le
droit des peuples d'exploiter librement les richesses et les ressources
naturelles. L'autorité et la légitimité des dirigeants
étant l'émanation des peuples, cette souveraineté des
peuples proclamée par le droit international relatif aux ressources
naturelles est exercée par les dirigeants. Or, le projet de transparence
dans les industries extractives comporte en soi une négation de la
rigidité des frontières. De plus, l'hésitation du droit
à s'inscrire résolument dans la flexibilité, lui a fait
manquer l'occasion d'autoriser l'émulation de telles entreprises car, la
mal gouvernance peut aussi être cause d'un génocide silencieux, au
même titre que les
divers flux qu'occasionne la globalisation. Or dit-elle, l'
« autorité méta-politique » de l'Etat qui lui
confère l'ultime décision sur la fabrication des règles et
des normes, est le signe que la souveraineté est sauve. Dans
l'application des lois, l'Etat peut s'inscrire dans un multilatéralisme
qui s'impose avec la globalisation, mais cela n'est en rien le signe de
l'érosion de la souveraineté. Thomson J.E « State
sovereignty in international Relations: Bridging the gap between theory and
empirical research »International Studies Quarterly n°39,
pp. 213-233, (1995).
1 Klassen, Nathan (2005) «State autonomy and
encryption: an examination of technology's ability to impact state
autonomy», Journal of military and strategic studies, 8(1), p.1.
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nettoyages ethniques. Alors l'urgence qui a justifié
une codification par le « droit des résolutions » (droit non
contraignant au nom du sacro-saint principe de la souveraineté) ici,
peut aussi servir de prétexte pour une codification là-bas.
Cependant, le processus d'adoption et d'exécution des
résolutions met en exergue les conflits qui existent au sein des Nations
Unies. Et, ceux-ci expliquent pour partie la convocation de la
souveraineté pour s'opposer à la « puissance du nombre
» et à la « puissance matérielle ». Comme le
montre Mohammed Bedjaoui, l'accession massive des Etats à
l'indépendance dans les années 1960 a favorisé le
basculement de la majorité à l'Assemblée
générale des Nations Unies. Alors, les résolutions en tant
que source de droit vont devenir le théâtre de l'opposition entre
le tiers-monde et les pays industrialisés en vue de l'instauration d'un
nouvel ordre économique international1. Si le « courant
majoritaire » parvient par l'avantage du nombre à faire passer une
résolution, le « stagnant minoritaire » possède encore
l'arme de l'inexécution si ses intérêts sont
menacés. Aussi, peut-on comprendre aisément que les
résolutions concernant le « droit des peuples à disposer
librement de leurs ressources naturelles » ne soient pas souvent
exécutées, en raison de l'intérêt que lesdites
ressources représentent pour les nations industrialisées qui,
fort des stratagèmes multiples2, s'opposent à
l'application stricte de certaines résolutions. Face aux offensives du
tiers-monde, la riposte des pays développés pour empêcher
l'adoption d'une résolution peut activer l' « arme absolue »
de l'inexécution3. La résolution comme espace
d'expression des conflits politiques révèle que la
souveraineté est souvent convoquée pour préserver les
intérêts des Etats au sein des Nations Unies. Ce, d'autant plus
qu'au plan international, la volonté de la majorité ne s'impose
pas à la minorité à cause précisément de la
souveraineté des Etats. En principe, en cas d'exécution des
résolutions dans la prééminence du droit sur les
intérêts politiques, la souveraineté juridique
prônée par ces textes de droit est antinomique de l'étude
de la transparence des industries extractives qui ne peut se faire en
négligeant les interférences multiples dans les espaces de
souveraineté étatique qu'autorise EITI. Ce qui est contraire
à l'esprit des résolutions onusiennes sur cette question. Mais,
la
1 Bedjaoui Mohammed « Un point de vue du tiers
monde sur l'organisation internationale » in Georges AbiSaab (dir.) (1980)
Le concept d'organisation internationale, Paris : Unesco, pp.
223-292.
2 Dans le cadre de ce que Mohammed Bedjaoui appelle
la riposte des Etats industrialisés, ces derniers utilisent des
stratégies telles que le procès de la « majorité
automatique » qui est favorisée par le grand nombre des Etats du
tiers monde. Ils font prévaloir le phénomène de la
clientèle de vote par lequel ils s'assurent les votes de certains Etats
du tiers monde en échange d'avantages divers. Ils entretiennent et
récupèrent les divergences entre les pays du tiers monde. Ils
procèdent aux agressions et déstabilisations politiques de
certains Etats comme ce fut le cas au Chili de Salvador Allende. Ils menacent
quelques fois de se retirer des organisations internationales (les USA se sont
retirer de l'OIT en 1976) pour les paralyser, quand ce n'est pas leur droit de
veto qui est activé. Bedjaoui, M. idem, pp. 236-256.
3 Bedjaoui, idem, pp. 262-265.
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puissance matérielle des Etats industrialisés
fragilise ce principe, et permet l'immixtion de ceux-ci dans les affaires de
ceux-là. Alors, dans les deux cas, il apparaît surtout que le sens
conféré à la souveraineté juridique au plan
international est incompatible avec la transparence des industries extractives,
sous réserve des incursions qu'autorise le refus d'exécution des
résolutions, en raison de la puissance dont disposent certains Etats.
L'on ne saurait dès lors imaginer la transparence des industries
extractives comme initiative impliquant des acteurs privés et
étrangers, dans le contexte de la souveraineté absolue.
b) L'approche dynamique de la
souveraineté
La seconde conception dite dynamique se fonde sur
l'évolution de la souveraineté et, se décline en trois
dimensions : la dimension obsolète c'est-à-dire de l'absolutisme
vers l'obsolescence, le versant postmoderne qui établit la
frontière de la souveraineté au niveau macro et enfin le
caractère relatif de la souveraineté.
· De l'obsolescence de la
souverainetéLa souveraineté qui est un principe de
la modernité politique, aurait connu une fin avec
l'inflation de la violence caractéristique du
XXème siècle. Telle est la position de Gérard
Mairet1 qui estime que, l'importance de la souveraineté
réside dans sa capacité à permettre que la
société se conserve et connaisse la sécurité.
Même s'il admet que les Etats et les populations n'ont pas pour autant
disparu, Mairet en déclarant la fin de l'ère de la
souveraineté s'illustre par son positionnement en faveur du
déclin de celle-ci, qui aurait connu un âge d'or avec la
modernité politique dont elle a constitué un principe
matérialisé dans la construction de la territorialité
politique des Etats. L'on peut s'interroger cependant sur la disparition totale
du principe de souveraineté alors que survit l'Etat dont il est le
ferment et le fondement. A côté de cette déclaration de
décès, résonne le son de certains auteurs qui comme
Krasner s'étonnent de l'emphase mise sur la globalisation. Cette
dernière pense-t-il, est vieille et cela implique que des quatre types
de souveraineté qu'il distingue2, la « westphalian
sovereingty » est une fiction car à aucun moment de l'histoire
de l'humanité, il n'y a eu exclusion des sources extérieures
d'autorité de jure et de facto. En gros dit-il, le
principe de souveraineté comme principe régulateur des relations
internationales est une hypocrisie
1 Mairet Gérard (1997) Le principe de
souveraineté, histoire et fondement du pouvoir moderne, Paris :
Gallimard.
2 Pour définir la souveraineté,
Krasner effectue une classification de quatre types de souverainetés.
`Domestic sovereignty' comme la structure d'autorité au sein d'un pays,
`Vattelian sovereignty', `interdependance sovereignty' et `international legal
sovereignty'. Krasner S.D. (1999), « Abiding sovereignty »
International political science review, vol. 22, n°3, pp.
231-233.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 14 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
organisée1. Cette mouvance tend à
nier l'existence de la souveraineté, ou à afficher son acte de
décès au nom de la mondialisation, vieille réalité
qui s'amplifie. La globalisation et les flux divers auraient retourné le
monde au point que Badie2 parle de capacité de l'Etat
plutôt que souveraineté.
Les analyses de l'interdépendance libérale
justifient par ces flux observés aux frontières des Etats, la
subversion de la souveraineté. Le rejet de l'interétatisme par
Nye et Keohane3 dès les années 1970 et l'affirmation
que la politique internationale est plutôt transnationale
qu'internationale, sont des éléments qui à la suite des
travaux de Arnold Wolfers4, viennent remettre en cause l'accent
très souvent mis sur l'Etat et donc, la souveraineté qui en est
le principe fondateur. En effet ce courant de pensée suppose que la
souveraineté de l'Etat serait érodée par les flux
occasionnés par l'interdépendance économique, la
démocratie, la technologie ; et de ce fait, que l'Etat a perdu le
contrôle sur ses frontières5. Rejettant cette
acception, Janice Thompson dit: « Sovereignty is not about state
control but about state authority. The question is whether or not the state's
ability to make authoritative political decisions has eroded; that is whether
ultimate political authority has shifted from state to non-state actors or
institutions6» (la souveraineté ne renvoie pas au
contrôle étatique mais, à l'autorité de l'Etat. La
question est de savoir si oui ou non la capacité de l'Etat à
prendre des décisions politiques avec autorité est
érodée; c'est-à-dire, si l'autorité politique
ultime est passée de l'Etat aux acteurs et institutions
non-étatiques). Fondant la souveraineté sur l'autorité
plutôt que sur le contrôle qui appelle à contribution
d'autres acteurs de la scène internationale, elle rejette l'idée
de l'érosion de la souveraineté étatique.
L'économie politique internationale s'appuie sur
l'interaction entre le marché et l'Etat pour dire l'obsolescence de la
souveraineté parce qu'annonçant le déclin ou le retrait de
l'Etat. Dès 1987, Robert Gilpin7 s'interrogeait sur les
leviers qui déterminent le fonctionnement du marché et les
incidences réciproques des variations dans le fonctionnement de l'Etat
et du
1 Krasner S.D Sovereignty: organized hypocrisy
op. cit.
2 Badie B. «De la souveraineté à la
capacité de l'Etat» in Smouts M.C Les nouvelles relations
internationales, pratique et théorie, Paris : Presses de science
Po, 1998, pp.37-56.
3 Robert O. Keohane, Joseph S. Nye (Eds), (1972)
Transnational relations and world politics, Cambridge: Harvard
University Press. Keohane R. Nye J. (1977) Power and interdependence: World
politics in transition, Boston: Little Brown.
4 Wolfers Arnold (1962) (Eds) Discord and
collaboration: Essays on International Politics, Baltimore: John Hopkins
Press.
5 Krasner est sceptique quant à la
nouveauté de cette interdépendance car pense-t-il, ces
phénomènes sont observables depuis des siècles. Krasner
S.D « Approaches to the State : Alternative Conceptions and Historical
Dynamics » Comparative Politics, n°16, pp. 223-246 (1984)
6 Thompson Janice « State Sovereignty in
International Relations: Bridging the Gap between Theory and Empirical
Research» International Studies Quarterly, n°39, pp. 213-233
(1995)
7 Gilpin Robert (1987) The Political Economy of
International Relations, Princeton: Princeton University Press.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 15 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
marché. Même s'il est resté centré
sur l'Etat dans son interaction avec le marché, en montrant comment le
fonctionnement de l'Etat ne peut minorer les idées économiques
tant les deux interagissent1, Gilpin a posé les jalons d'un
courant de pensée qui très vite, va remettre en cause la
souveraineté des Etats au nom de l'interpénétration avec
le marché. Dans leur ouvrage intitulé Triangular diplomacy,
John Stopford et Susan Strange2 démontrent que l'on est
passé des rivalités par affinité sectorielle (Etats contre
Etats, Firmes contre firmes), à l'imbrication des Etats et des
marchés pour la production et la distribution des richesses. Le
marché cesse d'être l'instrument du politique, pour devenir une
autorité propre et statocidaire. Plus tard en 19963 Susan
Strange pousse plus loin l'analyse et affirme que: « The impersonal
forces of world markets integrated over the postwar period more by private
enterprise in finance, industry and trade than by the cooperative
decisions of governments, are now more powerful than the state to whom ultimate
political authority over society and economy is supposed to
belong»4(les forces impersonnelles des marchés
mondiaux intégrés pendant la période d'après guerre
plus par les entreprises privées de finance, de l'industrie et du
commerce que par les décisions de coopération gouvernementale,
sont à présent plus puissantes que l'Etat auquel est censé
appartenir l'autorité politique ultime sur la société et
l'économie). En clair, elle annonce le recul de l'autorité
étatique devant le pouvoir des sociétés multinationales et
transnationales. Josépha Laroche souscrit totalement à cette
logique, elle fustige les travaux du droit international public, des
géopoliticiens, de l'école française de l'histoire
politique et plus récemment des réalistes qui ont mis un accent
« exagéré » sur l'Etat alors que pense-t-elle, la
politique internationale n'est plus le lieu d'expression du monopole
étatique5. Laroche pense l'Etat en terme d'âge d'or et
de déclin. Celui-ci serait entré dans sa phase de déclin
qui se traduit par l'échec de sa greffe dans les sociétés
autres, les contraintes internes et les défis transnationaux. A
l'intérieur, l'Etat fait face aux nationalismes et à
l'extérieur, il doit se frotter aux violences transfrontalières
et à l'impossibilité de faire face aux flux médiatiques et
migratoires. En même temps, la mondialisation aurait favorisé
l'émergence de nouveaux intervenants tels que les organisations
internationales, les ONG, les firmes transnationales et les individus en
réseaux.
1 Quoique Ngaire Woods pense que les idées
plus globalement et les idées économiques particulièrement
ont été négligées dans la théorie des
Relations Internationales. Ngaire Woods « Economics Ideas and
International Relations : Beyond Rational Neglect » International
Studies Quarterly, n°39, pp. 161-180 (1995)
2 Stopford J. Strange S. (1991) Rival states,
rival firms: Competition for world market shares, Cambridge: Cambridge
University Press.
3 Strange Susan (1996) The Retreat of the State:
The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge: Cambridge
University Press.
4 Strange (1996) op. cit. P 4
5 Laroche Josepha (1998) Politique
internationale, Paris: LGDJ.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 16 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Ces analyses de l'économie politique internationale ont
le mérite de faire prendre conscience de la complexité de la
politique internationale qui ne saurait être le fait des seuls Etats. De
plus, elles rendent raison du rôle souvent ignoré de
l'économie dans la structuration de la scène mondiale. Ce
faisant, elles postulent le retrait de l'Etat et donc de la
souveraineté. Elles permettent de comprendre les logiques qui animent
les firmes transnationales qui sont impliquées dans EITI ; elles
constituent par ailleurs un apport dans la compréhension du
système complexe post-guerre froide et même post-Georgie dans
lequel l'économique fait corps avec le politique1. Toutefois,
cette tendance à proclamer ex abrupto le déclin de
l'Etat génère un certain malaise quand on a en mémoire le
rôle que jouent les Etats dans la régulation des systèmes
politiques. L'Etat n'est-il pas le dépositaire en dernière
instance de l'autorité, c'est-à-dire de ce que Thompson appelle
« rule-making » ? Il nous semble donc plus judicieux de
postuler qu'un relatif retrait de l'Etat du fait de l'exigence de la
mondialisation et l'émergence de nouveaux acteurs ont constitué
la toile d'une scène internationale complexe dont la lecture
nécessite mieux qu'une posture simpliste à partir d'une
école théorique, un cocktail théorique qui soit en soi, le
signe de la complexité.
· La post-modernité contre la
souveraineté ?
L'école du cosmopolitisme trouve dans cette
négation de la souveraineté un terreau favorable pour faire
germer ses positions. Au nom de la globalisation, les auteurs tels que Paul
Kennedy2 inscrivent leurs travaux dans une indifférence
totale du concept de souveraineté. Certes, le fait de ne pas
évoquer ce concept ne signifie pas sa négation, mais
l'extrême célébration des bienfaits de la globalisation
fait penser que les territoires et leur principe fondateur sont devenus
impertinents3. Les « socialités post-nationales ou
transnationales » se construisent d'ailleurs sur la méconnaissance
de l'intégrité identitaire et nationale. La «
coprésence partielle » d'un migrant est le fait d'une subversion
vis-à-vis de son territoire
1 A titre d'illustration, l'on se souviendra de la
crise financière et de son incidence sur les Etats, en même temps
que du rôle que tente de jouer l'Etat pour qu'elle soit
résorbée. D'autre part, le rôle du géant gazier
russe Gazprom dans la crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine en
janvier 2009 avec des incidences sur les relations entre la
fédération russe et l'Union Européenne, rappelle que
l'économie joue un rôle non négligeable dans les relations
interétatiques.
2 Lire par exemple: Kennedy Paul (2007) « The
subversive element in inter-personal relations-cultural border crossings and
the third spaces: Skilled migrants at work and the play in the global system
» Globalizations, vol. 4, n°3 pp. 355-368.
3 L'on notera toutefois que la globalisation que
célèbrent les cosmopolitistes comporte en soi les
ingrédients d'une avancée vers le passé. En effet, comme
le montrent des auteurs tels que Arjun Appadurai, Christophe Jaffrelot et Alain
Dieckhoff, les peurs que suscite la globalisation sont
génératrices des sentiments de nationalisme et
d'irrédentisme qui peuvent quelquefois déboucher sur des
violences. La crainte d'une absorption par le global crée des replis
identitaires de nature à renforcer les appartenances primordialistes.
Voir par exemple : Appadurai A. (2007) La géographie de la
colère : la violence à l'âge de la globalisation,
Paris : Payot. Dieckhoff Alain et Jaffrelot Christophe « La
résilience du nationalisme face aux régionalismes et à la
mondialisation » Critique Internationale n°23, pp. 125-139,
avril 2004.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
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d'origine et d'un refus d'assimilation totale au pays
d'accueil. Les troisièmes espaces de socialité qui en
découlent se construisent par ce que Robin Cohen appelle le «
troisième paradigme » c'est-à-dire l' « hybridation
»1.
La problématique des intégrations
sous-régionales et régionales a déplacé la
frontière de l'Etat en la superposant sur la frontière des
espaces globaux. Souveraine mondialisation irrévérencieuse des
territoires, le global comme unité d'analyse du système mondial
redonne de la pertinence au paradigme nostalgique de Roland Robertson. Le
postmodernisme se particularise par la prétention du dépassement
des cadres stato-nationaux. La pertinence de cette posture se mesure à
la possibilité de rendre raison de l'action des acteurs transnationaux
qui, dans le cadre de l'initiative de transparence des industries extractives,
interagissent avec l'Etat. C'est le signe que le national comme niveau
d'analyse de la scène politique mondiale est en perte de vitesse au
profit du global mais plus fréquemment, du régional. Les
politiques des puissances européennes sont dans cette mouvance de
régionalisation, l'européanisation des politiques publiques des
nations européennes illustre cette quête d'efficacité par
la régionalisation. Cependant, l'initiative de transparence des
industries extractives est aussi l'occasion de l'affirmation de
l'inamovibilité de l'Etat dont la postmodernité2
laissait penser qu'il est obsolète. Badie qui observe le processus
d'intégration régionale comme signe de l'irruption du social sur
la scène internationale, note tout de même que l'incertitude y est
du fait de la réinvention de la puissance étatique par certaines
stratégies de survie du système westphalien3. C'est
penser avec Justin Rosenberg que la mondialisation comme théorie
explicative des phénomènes de la supraterritorialité n'est
pas en contradiction avec le système interétatique de
Westphalie4. Compris comme le dépassement absolu de la
territorialité, l'approche postmoderne de la souveraineté ne
permet pas d'analyser avec pertinence les transactions complexes dont l'EITI
est le théâtre. Car, elle exclut l'Etat en tant que creuset de la
souveraineté du domaine de la pertinence analytique.
1 Robin Cohen pense qu'à côté
des paradigmes « primordialiste » et « uniformiste », se
trouve le paradigme de l' « hybridation ». Cohen Robin (2007) «
Creolization and the cultural globalization: the soft sounds of fugitive power
» Globalizations, vol.4, n°3, pp. 369-384.
2 Il faut saisir ici la postmodernité comme
l'affirmation du dépassement de l'Etat comme niveau d'analyse des
relations internationales et la conviction que les niveaux régional et
global sont plus appropriés pour la compréhension de la politique
internationale au XXIème siècle. Cette conception n'a
évidemment rien à voir avec le sens que Jacques Chevallier
confère à la post-modernité c'est à dire,
l'exacerbation des dimensions déjà présentes au coeur de
la modernité (l'individualisme, la toute puissance de la Raison, la
croyance en la vertu de la science...) et l'émergence des
potentialités différentes. Autrement dit, Chevallier fait une
autopsie de l'Etat plutôt que la sociologie de son fonctionnement dans la
politique internationale. Lire Jacques Chevallier (2004) L'Etat
post-moderne, Paris : LGDJ, 2ème Edition.
3 Bertrand Badie (2008) Le diplomate et
l'inclus, Paris : Fayard, pp. 153-184.
4 Justin Rosenberg, The follies of globalization
theory. Polemical essays, London, New York: Verso.
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Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 18 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Les expéditions humanitaires dans le cadre d'un droit
d'ingérence1 qui autorise les incursions dans les sanctuaires
étatiques ont justifié d'une part la négation de la
souveraineté, d'autre part l'affirmation de son obsolescence. Autrement
dit, cette dimension se situe aux antipodes de la souveraineté comme
principe absolu erga omnes. En même temps, transforme le
principe de raison d'Etat en lui donnant des assises morales. Autrement dit, un
Etat va violer la norme de la non-ingérence au nom de la morale qui
exige que soient condamnés les crimes contre l'humanité et autres
crimes de guerre. Ce courant, en même temps qu'il nie à la
souveraineté quelque pertinence, retient de la raison d'Etat son aspect
moral.
La considération des dimensions obsolète et
postmoderne2 de la souveraineté explique le
déploiement des acteurs privés qui sans égard pour les
frontières nationales, se meuvent au gré de leurs
intérêts. La mondialisation des espaces et du temps a
encouragé une interconnexion des réseaux et des acteurs qui
drainent avec eux, les pratiques et les intérêts. La globalisation
faut-il le rappeler, trouve sa pertinence dans la négation de la
souveraineté en tant que principe fondateur du monde des Etats et de
leur fonctionnement sur la sphère internationale. La chute des
frontières devant les flux globalisants ouvre la boîte de Pandore
des pratiques immorales qui affluent alors sur les sanctuaires nationaux.
Toutes ces guerres autour des industries extractives au Liberia, en RDC, en
Angola etc... impliquent des acteurs multiples dont l'action s'inscrit dans la
transnationalité. L'impact de ces acteurs favorise des enrichissements
par le fait de l'exploitation des ressources naturelles en temps de paix comme
en temps de guerre. Autrement dit, les dimensions obsolète et
postmoderne permettent de comprendre les problématiques
développées autour des guerres comme le musellement de la
transparence par l'afflux des acteurs multiples du fait de la globalisation.
Elles permettent également de comprendre la transparence des industries
extractives comme initiative qui implique pleinement les acteurs privés
car, l'obsolescence de la souveraineté ou sa suspension
1 Le 8 décembre 1988, le Conseil de
Sécurité des Nations Unies adopte la résolution 43/131
portant conditions d'assistance en cas de situation d'urgence. Ainsi naquit
sous l'impulsion de la France le droit d'ingérence que Armand Rolin
appelle « droit de l'urgence » voir Rolin A. (dir.) (2006)
Situations d'urgence et droits fondamentaux,Paris : l'Harmattan. P.
11. Ce droit est un coup dur porté à la souveraineté des
Etats mais il faut relever le paradoxe qu'il comporte. En effet, au nom de la
souveraineté des peuples dont l'Etat a failli dans la protection des
droits, ce qui est la responsabilité interne de la souveraineté,
un Etat tiers ou une communauté d'Etats peut violer la
souveraineté internationale d'un autre Etat. Cela nous a fait dire plus
haut que la dimension juridique de la souveraineté se caractérise
par son ambiguïté. A propos du droit d'ingérence, lire par
exemple: Zorgbibe Charles (1996) Le droit d'ingérence, Paris :
PUF. Bettati Mario (1996) Le droit d'ingérence, mutation de l'ordre
international, Paris : Odile Jacob.
2 Il faut saisir la postmodernité ici comme
une réalisation incomplète de la « deuxième
modernité » de Ulrich Beck. Ce dernier assimile la
postmodernité à une abolition des frontières. Or, dans
notre perception, la dimension postmoderne de la souveraineté suppose
l'extension de la frontière dans laquelle s'exerce la
souveraineté aux niveaux sous-régional et régional. Voir
Beck Ulrich (1986) La société du risque. Sur la voie d'une
autre modernité, Paris : Aubier.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
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Universités à l'Université de 19 Yaoundé
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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sur les espaces de la globalisation autorise
l'épanouissement de tous les acteurs, la démocratisation de la
scène mondiale. Mais cette approche est muette sur le rôle que
continue de jouer l'Etat dans la régulation de son espace de
souveraineté car, elle privilégie les pool de
souveraineté ou son absence totale. En fait de démocratisation de
la scène mondiale, l'on assiste du fait de la postmodernité,
à la contagion de l'anarchie internationale à l'espace interne.
Ce contexte en même temps qu'il permet l'euphorie des acteurs
transnationaux et privés, réduit l'Etat à un simple statut
d'observateur et donc, ne permet pas de rendre compte du rôle de ce
dernier dans l'initiative de transparence des industries extractives. En effet,
cette dimension de la souveraineté est trop ouverte pour que l'Etat
puisse se prévaloir du rôle régulateur qui est le sien dans
son espace territorial. L'Etat semble inexistant dans ce contexte et, les
subversions externes qui sont le fait des acteurs transnationaux et celles
internes qui sont l'ouvrage des entrepreneurs identitaires, dont l'action est
fondée sur le repli aux cellules primordialistes, semblent laisser le
Léviathan spectateur devant le scénario d'une histoire
qu'il a écrite au cours des siècles. Cette dimension est beaucoup
trop ouverte pour rendre pertinemment raison de la complexité des
interactions que met en scène l'EITI.
· La souveraineté responsable : le
choix de la relativité.
Une troisième approche dite relative, appelle donc
à la prudence quant à l'appréciation des fortunes de la
souveraineté. Les relations internationales contemporaines remettent en
cause les radicalismes positionnels à l'égard de la
souveraineté. N'est-il- pas excessif d'arguer que la souveraineté
est restée la même heri et hodie ? Les mutations
observées dans la vie politique internationale ont-elles laissé
indifférents les courants théoriques ? Si le contexte, les formes
et les acteurs des relations internationales changent, les acceptions que l'on
a des principes structurants de celles-ci devraient par un effet de levier,
connaître un sort similaire. Dire que la souveraineté n'a jamais
existé ou alors qu'elle est prévalente avec la même
intensité qu'au temps des seigneuries, c'est tomber dans le double
piège du « toujours ainsi » et du « tout est nouveau
»1. Une sociologie de la scène internationale
révèle que même si la souveraineté est une fiction,
c'est une fiction qui produit des effets de réalité. Comment
comprendre l'incursion russe dans le territoire géorgien en août
2008 sinon par la volonté de la Russie de préserver son
territoire de l'avancée vers l'Est de l'OTAN, et donc par les
inquiétudes que procure la soif de souveraineté. Comme le
rappelle Helen Thompson, les écoles du libéralisme et du
cosmopolitisme n'ont fait aucun cas de la souveraineté. C'est ce
1 Voir Sindjoun Luc «Transformation of
International Relations-Between change and continuity: Introduction»
International political science review, vol. 22, n°3 p.221,
(2001).
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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qui justifie son ardeur à la défendre dans un
contexte de mondialisation avancée1, preuve que les discours
sur la fin de la souveraineté n'éludent pas la
réalité de son existence, de sa résistance face aux forces
de la transnationalisation. Il devient alors intéressant
d'appréhender la scène internationale en terme de systèmes
ouverts comme le conseillent Christopher Ansell et Steven Weber2,
c'est-à-dire intégrer les exigences actuelles d'ouverture
à la nécessité de préserver l'autonomie des
sanctuaires territoriaux. C'est ainsi que Bertrand Badie, prenant acte de la
rémanence de l'autorité étatique mais en même temps
de l'entrée dans l'arène des sociétés3,
parle d'un glissement de la souveraineté vers la responsabilité
réciproque4. L'heure est donc à la reconnaissance de
la nuance dans la considération de la souveraineté en tant que
principe. La souveraineté est devenue responsable5,
encadrée. C'est dans cet environnement qu'Ariel Colonomos
considère que la chute du Mur de Berlin met en ruine l'idée d'une
société internationale qui se fonde uniquement sur la puissance
et la force. Ces deux facteurs portés par les Etats, seraient
désormais en cohabitation avec les valeurs et la morale que
véhiculent les nouveaux protagonistes entrés en scène
à la faveur de la rupture de la décennie 1990. Toutefois, la
morale ainsi invoquée, servirait à la formation des
intérêts6. La souveraineté devient ainsi un
principe dont la transformation conduit à l'excroissance des acteurs
autour des valeurs et de la morale. C'est dans ce continuum que se situe notre
étude qui, mettant en scène des acteurs privés en
collusion avec les Etats, démontre comment la transparence des
industries extractives sert les intérêts multiples des acteurs
dans le cadre d'un enchevêtrement des ordres étatique et
privé. Le versant moral de l'analyse sous-tend la responsabilité
de la souveraineté qui, parce que le sort de l'autre proche ou lointain
est l'objet de l'attention des acteurs désormais, se mue en principe
relatif, principe de responsabilité.
Ce premier niveau de la problématique qui
présente l'orientation vers une approche relative de la
souveraineté, permet de faire le constat de la partialité des
postures privilégiant le choix
1 Thompson, Helen «The case of external
sovereignty» European Journal of International Relations, vol.
12, n°12, pp. 251-274, (2006).
2 Ansell K. C. & Weber S. (1999), «Organizing
international politics: Sovereignty and open systems» International
political science review, vol.20, n°1, pp. 73-93.
3 Lire par exemple : Badie B. (2009) Le
diplomate et l'intrus, l'entrée des sociétés dans
l'arène internationale, Paris : Fayard, mais également Badie
B. (2002) La diplomatie des droits de l'homme, entre éthique et
volonté de puissance, Paris : Fayard. Dans ces deux
ouvrages, l'auteur affirme une coexistence des ordres westphalien et
privé.
4 Badie B. (1999) Un monde sans
souveraineté, les Etats entre ruse et responsabilité, Paris
: Fayard. Mais cette idée revient systématiquement dans les
travaux de Badie, aussi peut-on lire certains autres de ses travaux à ce
sujet.
5 La notion de responsabilité
écologique fait partie de ces thématiques nouvelles qui
renforcent la co nviction de la mutation de la souveraineté en
responsabilité. Au sjuet de la souveraineté qui serait devenue
responsable par le fait de la prise en compte des causes écologiques,
lire par exemple : Karen Liftin (ed) The greening of sovereignty,
London : MIT Press, 1998.
6 Colonomos A. (2005) La morale dans les relations
internationales, Paris : Odile Jacob.
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de l'absoluité ou de l'obsolescence. Certes, chacune de
ces postures comporte quelques éléments de pertinence et dans les
faits, l'on peut rencontrer des situations dans lesquelles les Etats, jaloux de
leur existence internationale fondée sur la reconnaissance de leur
souveraineté, défendent celle-ci comme une réalité
absolue et inconditionnelle. L'implication des Etats dans l'initiative ici
étudiée, impose une prise en compte de cette
réalité. De même, l'excroissance des acteurs privés
irrévérencieux de la souveraineté autorise une prise au
sérieux de l'allégation d'une obsolescence du principe de
souveraineté, qui serait rentré dans le déclin avec
notamment la mondialisation et ses phénomènes tels que la
globalisation et la banalisation des interactions et de la violence. La
souveraineté comme principe structurant des relations internationales,
se donne dès lors à voir comme un principe relatif. Telle est la
posture qui encadre notre étude.
3. Second niveau de problématisation: la dimension
éthique du capitalisme, l'intérêt ou la morale
?
L'inflation discursive sur l'éthique dans les
entreprises en général et dans les firmes transnationales en
particulier comporte une certaine illusion du fait nouveau. L'emphase mise sur
le développement durable en ce qu'il est « un développement
qui répond aux besoins du présent sans compromettre la
capacité des générations futures de répondre aux
leurs1 », est une illustration de la rhétorique de la
morale dont se sont saisies les entreprises tant dans leurs déploiements
transnationaux que nationaux. L' «Agenda 21 » rappelle les principes
et les applications de cette logique qui dès le sommet de la Terre de
Rio en 1992, est au coeur de l'activité transnationale de certains
acteurs. En 2002 à Johannesburg, l'accentuation de cette logique a fini
de faire penser que la contagion du virus de la morale dans la production
capitaliste a pris l'envergure d'une pandémie. Alors, fait nouveau ou
résurgence d'une dialectique tapie dans les fourrés de l'Histoire
tout au long des siècles ?
La transparence des industries extractives pose à
côté de la problématique de la souveraineté, le
problème du rapport du capitalisme à l'éthique. Car, le
déploiement de l'activité des firmes transnationales constitue
l'illustration parfaite du capitalisme industriel. Mais lorsqu'on en vient
à exiger la transparence dans leurs activités, dès lors
qu'elles adhèrent à la norme éthique de la transparence,
c'est la morale qui en tant qu'elle est le dernier espoir de la stabilisation
d'une société qui vogue à vau-l'eau vers le chaos, est
invitée dans les structures capitalistes. Au premier abord, le fait
paraît surprenant et nouveau mais, la scrutation de
1 C'est ainsi que le rapport Brundtland définit
le développement durable. Cette définition comporte en soi
l'exigence de moralisation dans l'utilisation des ressources car, elles ne sont
pas éternelles.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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l'histoire semble révéler une existence de la
conscience éthique dans la pensée de certains théoriciens
du capitalisme, quoique d'autres y furent hostiles.
a) Du capitalisme en bref
Il convient d'abord de discourir sur le capitalisme, du moins
sur ses grandes lignes. Au-delà de la longue histoire du capital dans
les modes humains de production des richesses, le capitalisme en tant que
système de production des richesses ne s'est développé
qu'au XVème et XVIème siècles. Le
capital s'il est indispensable au développement du capitalisme et
même s'il prête au système son radical dans la construction
lexicale, n'est pas l'unique caractéristique du capitalisme. Comme le
fait remarquer Aristote, les cités grecques avaient déjà
l'art de ces échanges et procédés qui permettent de
créer des richesses à partir d'un capital1. Inscrivant
dans le même esprit l'activité économique de type
capitaliste dans la préhistoire du capitalisme en tant que
système de production élaboré, Jean-marie Albertini et
Ahmed Silem disent : « Si les spéculations théoriques et
explicatives sont récentes, les prescriptions économiques sont
sans doute presque aussi anciennes que l'invention de l'économie. Le
code du roi Hammourabi, la sagesse égyptienne ou la Bible comportent des
recommandations morales à portée économique2
». Max Weber livre les grands traits qui à son sens, fondent le
capitalisme, dans une taxonomie qui crée une affinité
élective entre l'esprit du capitalisme et l'éthique
protestante3. Weber estime que le capitalisme se fonde sur
1 Dans son ouvrage La politique, Aristote
décrit déjà le passage d'une économie de
subsistance à une économie monétaire. Dans ces temps, se
situe d'après lui la genèse de la monnaie dont il condamne
l'accumulation pour elle-même et la spéculation marchande qui
permet son obtention. L'on peut y déceler déjà la
présence de la morale qui subrepticement, se glissait dans la
pensée de l'auteur. Aristote (1971) La politique, Paris :
Gonthier PP.13-35.
2 Albertini J-M et Silem A (1983) Comprendre les
théories économiques : petit guide des grands courants,
Paris : Seuil p.10
3 En cela, Weber fera face à une opposition
virulente de la part des auteurs tels que Albert Hirschmann. En effet, Albert
Hirschmann en s'appuyant sur Steward et Montesquieu montre que les
intérêts économiques sont peu à peu compris au
XVIIIème siècle comme le seul moyen de dompter les
passions politiques. Ce faisant, il entend montrer que contrairement à
ce qu'affirme Weber, l'esprit capitaliste s'enracine dans le
société et ne s'affirme pas uniquement comme un
élément exogène qui découle du protestantisme pour
irriguer la société entière. Voir Hirschman Albert O.
(1977) The passions and interests: political arguments for capitalism
before its triumph, Princeton: Princeton University Press. Omar Aktouf,
Renée Bédard et Alain Chanlat quant à eux,
démontrent que l'éthique catholique peut également
être facteur de développement par une adoption et une
affinité avec le capitalisme. Prenant l'exemple québécois,
ils montrent que l'éthique catholique combinée avec la
mentalité rurale ont permis de sortir le Québec de sa position de
traîne. Aktouf Omar, Bédard Renée et Chanlat Alain «
Management, éthique catholique et esprit du capitalisme : l'exemple
québécois » Sociologie du travail, vol.34 n° 1
pp. 83-99. Daniel Bell pense par exemple que : « Au début du
capitalisme, le puritanisme et la morale protestante firent échec au
libre mouvement de l'économie. On travaillait parce qu'on était
créé pour cela et pour accomplir son devoir envers la
collectivité. Mais l'éthique protestante fut minée, non
pas par le modernisme, mais par le capitalisme lui-même. Le plus grand
instrument de destruction de l'éthique protestante fut l'invention du
crédit ». Bell D. (1979) Les contradictions culturelles du
capitalisme, Paris : PUF, p.31
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
la recherche systématique, rationnelle et
déculpabilisée du profit1, une grande
sobriété face aux plaisirs de la vie et le souci constant
d'épargne2. Encore faut-il préciser que cette
conception weberienne est la description édulcorée de ce que les
temps présents nous révèlent s'agissant du capitalisme.
Puisque le capital a précédé le capitalisme, comprendre ce
dernier c'est examiner les points qui font sa quiddité. Ce qui fait le
capitalisme pense Immanuel Wallerstein3, ce n'est pas le capital
puisque les systèmes historiques depuis le néanderthal ont connu
sous une forme ou une autre l'accumulation des stocks de richesses. Ce qui fait
le capitalisme pense-t-il, c'est que le capital est employé de
façon délibérée dans le but premier de son
auto-expansion. Deux éléments constituent donc les piliers du
système capitaliste : la quête incessante et auto-entretenue de
l'accumulation et les relations que le détenteur du capital est
amené à établir avec d'autres pour réaliser cette
accumulation. L'histoire de ce capitalisme commencerait en Europe à la
fin du XVème siècle4.
Les classiques à la suite d'Adam Smith ont
poussé plus loin la théorisation sur le libéralisme qui
est le substrat du capitalisme, en prônant le « laisser-faire
». Le marché serait ainsi allergique à l'intervention de
l'Etat : la dérégulation est devenue le symbole de
l'économie capitaliste. C'est dire qu'en plus des éléments
qu'énumère Weber, il faut évoquer la
dérégulation. Même si l'accumulation de la monnaie, le
protectionnisme, l'intervention active de l'Etat ont constitué des
mécanismes essentiels pour la transition du capitalisme marchand au
capitalisme industriel5, l'assise acquise par la capitalisme au
lendemain de la révolution industrielle a permis que, par le fait de
l'enrichissement des forces du marché, l'émancipation soit
revendiquée et vécue par le secteur mercantile. Le capitalisme
est purement rationaliste, il sacralise la recherche du profit qu'il
établit comme fin dernière.
Il a fallu que ce laisser-faire conduise à la crise
économique de 1929 pour que les théoriciens s'interrogent sur la
dérégulation. John Maynard Keynes va publier en 1936, en pleine
crise, la Théorie générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie. Dans cet ouvrage, il va fustiger
le laisser-faire qui conduit le monde vers le précipice. La
dernière chance du capitalisme disait-
1 Gilles Dostaler situe cette tendance au sortir de
la féodalité car dit-il, « le profit financier et commercial
sera le plus puissant levier de la transition de l'ordre féodal à
l'ordre capitaliste ». Gilles Dostaler « Transition et pensée
économique dans l'histoire » Cahiers de recherche
sociologique, vol. 1. septembre 1983. p. 10
2 Max Weber (1967) Ethique protestante et esprit
du capitalisme, Paris : Plon
3 Wallerstein I. (1983) Le capitalisme
historique Paris : La découverte, traduction de Philippe Steiner et
Christian Tutin
4 Wallerstein (1983) op. cit. P19
5 Dostaler Gilles « Transition et pensée
économique dans l'histoire » Cahiers de recherche
sociologique, Vol. 1 septembre 1983. p. 12
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Politique présentée à l'Université de
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il, réside dans l'intervention de l'Etat1.
En même temps, il réactualisait au sein de l'école
capitaliste, le débat entre l'intérêt et la morale. En
1936, il écrivait: « I am sure that the power of vested
interest is vastly exaggerated compared with the gradual encroachment of
ideas2» (je suis sûr que le pouvoir des
intérêts est amplement exagéré par rapport à
l'empiètement graduel des idées). Cette allégation trouve
de la pertinence, à l'heure où les chefs d'Etats les plus
puissants du monde se réunissent à Davos pour se pencher sur les
crises financière et économique actuelles, alors que la Chine et
la Russie, adoptant un ton goguenard, moquent le capitalisme qui a conduit vers
ce chaos financier et économique. L'intervention de l'Etat est requise
pour stabiliser l'économie mondiale mais de façon unanime, les
Etats réclament la moralisation du système financier et des
fleurons de l'économie mondiale. Cette actualité soulève
deux questions d'apparence indépendantes mais liées. Celle de la
place de l'Etat dans l'économie politique internationale face aux
acteurs économiques transnationaux, et le débat éthique
dans le capitalisme. En effet, prôner le retrait de l'Etat par la
dérégulation qui est au coeur du capitalisme, c'est penser que
les firmes transnationales doivent obéir uniquement aux forces du
marché, c'est-à-dire qu'elles sont totalement affranchies de la
tutelle de l'Etat. Cela fait débat dans la théorie des relations
internationales. La seconde question pose le problème de la place de
l'éthique dans le capitalisme, alors que la nouvelle économie
fait fi de la morale dans le système de production. L'usage du capital
de façon déculpabilisée pour la quête du profit,
semble ainsi être l'élément fondateur du capitalisme. La
morale aristotélicienne fustige pareille pratique car Aristote condamne
le prêt à intérêt, le commerce, l'accaparement du
surplus matériel. La relation qui lie le détenteur du capital aux
autres, dans le processus de production est l'espace pertinent pour scruter les
fortunes du débat autour de la prise en compte ou non des valeurs
morales dans la poursuite des intérêts privés. En
souscrivant à la délimitation spatiotemporelle effectuée
par les économistes, et qui situent le développement du
capitalisme à partir du XVème siècle en Europe,
une visitation des théories capitalistes dans ce qu'elles rendent compte
de la place de la morale dans le système de production capitaliste,
partira de ces temps qui constituent la fin de l'ère
médiévale, au sortir de la féodalité.
1 Notons la similitude avec le temps
présent. Le laisser-faire et le retrait de l'Etat que les auteurs de
l'économie politique internationale à l'instar de Josépha
Laroche célébraient comme la victoire des forces transnationales
du marché sur l'Etat, a conduit à une crise dont la cause
principale est la poursuite effrénée et cupide du profit. L'Etat
est appelé à la rescousse dans plusieurs aires, pour soutenir les
secteurs financier et économiques qui se meurent. Les plans de relance
sont à la mode dans les pays développés et dans les
nouveaux pays industrialisés.
2 Keynes cité par Ngaire Woods; Woods «
Economics ideas and international relations: Beyond the rational neglect »
International Studies Quarterly (1995) n° 39 p.165.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 25 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
b) L'instant de la révolution
Le développement du capitalisme s'est
opéré au XVème, au sortir du Moyen Age à
l'heure du questionnement des valeurs médiévales inspirées
du catholicisme romain, valeurs portées notamment par les scolastiques.
Les progrès techniques illustrés par l'invention de l'imprimerie
en 1440, la Reforme luthérienne qui débuta en 1517 vont
constituer les ingrédients d'une « rupture instauratrice ». La
propagation des oeuvres antiques et leur exploitation par les sujets, ont
conduit au questionnement des valeurs chrétiennes
intégrées dans l'habitus des populations. La liberté de
ton des penseurs, la défiance vis-à-vis de la morale
chrétienne ont favorisé la Renaissance. Avec elle, la Reforme qui
toutes deux ont créé les conditions d'un tournant réaliste
et le rejet de la morale. C'est dans ce contexte libératoire que parut
en janvier 1532 la première édition du Prince de
Machiavel, véritable symbole du rejet de la morale.
Le capitalisme qui préexistait à cette
époque et qui était essentiellement la production des richesses
grâce à la détention du capital, prend une nouvelle ampleur
et entraîne des questionnements quant au traitement des oeuvres, les
conditions de rentabilité, la justesse du profit et l'exagération
de la recherche de l'intérêt. Avec la sortie du Moyen Age, la
morale cesse d'être une exigence absolue, un « impératif
catégorique » pour les penseurs qui désormais, chercheront
à s'en tenir à la « vérité effective des
choses » plutôt qu'à la prescription des schèmes de
conduite. Désormais, la morale ne constitue plus un cadre de
raisonnement qu'il ne faut transgresser. L'on pourrait dire en s'inspirant de
Saint Augustin que l'homme du Moyen-âge a l'exigence de l'amour de Dieu
jusqu'à l'oubli de soi, l'homme de la Renaissance a l'amour de soi
jusqu'à l'oubli de Dieu, celui de la Reforme a créé un
interface entre la cité de Dieu et la cité terrestre. L'examen du
rapport de l'intérêt qui constitue l'objectif du capitalisme et la
morale se fera à partir de cette époque qui inaugure une autre
façon de penser et qui abrite le développement du capitalisme.
c) Morale ou éthique ?
Quoique l'on n'en sache toujours peu, la théorie de
choix rationnels1 a irradié les champs disciplinaires
à profusion des écrits qui mettent en exergue les
intérêts comme motivation d'action des acteurs. Le parti pris
rationaliste dans la pensée politique et dans les us économiques
de ce temps a éclipsé les valeurs morales et donc,
l'éthique en tant qu'elle est non pas seulement une réflexion sur
les fins ultimes2mais, une « éthique
post-métaphysique »
1 Donald P. Green; Ian Shapiro « Choix rationnels
et politique : pourquoi en savons-nous toujours aussi peu? » Revue
française de science politique, vol. 45, n° 1 p. 96 - 130,
1995.
2 Foulquié Paul (1962) Dictionnaire de la
langue philosophique, Paris : Puf, P.237
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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au sens de Emmanuel Levinas.1C'est-à-dire,
une conception qui va au-delà de la contemplation des « choses
premières », des fondations, des axiomes. Considérer
l'éthique dans son rapport aux choses serait alors plus
intéressant puisque cela implique la considération de son impact
sur la matérialité. C'est en cela que le pseudo-débat sur
la différence entre morale et éthique trouve un dénouement
car, comme le dit Patrick Pharo, « il est sans doute inutile de durcir
artificiellement l'opposition entre l'éthique et la morale ou encore la
moralité2 » puisque cette inflexion sémantique du
langage n'abrase pas la réalité de la rencontre des deux termes
au carrefour de l'agir moral, c'est-à-dire que le discours savant
n'empêche pas quand on parle de morale ou d'éthique, de percevoir
la mêmété au rebours de la stigmatisation de
l'immoralité. Dans son Ethique Spinoza nous livre un
véritable discours sur la morale3. Ayant
démontré l'absoluité de l'existence de Dieu, il consacre
sa réflexion à une explication des sentiments qui doivent animer
l'homme vis-à-vis de Dieu. Il s'agit d'une opposition entre le
Bonum et le Malum, qui révèle en filigrane
l'idée de morale. Et pourtant, il traite bien de l'éthique. Seule
la morale ou l'éthique permet à l'homme d'échapper
à l'esclavage c'est à dire « l'impuissance de l'homme
à gouverner et à contenir ses sentiments ». A son sens,
l'éthique correspondrait à la morale et vice-versa.
L'étymologie des deux termes renforce cette conviction
et milite en faveur de leur utilisation confuse pour traduire la
mêmété de leur signification. Comme le fait remarquer Paul
Ricoeur,4 rien dans l'étymologie ou dans l'histoire de
l'emploi des termes n'impose une distinction entre les deux. En effet, l'un (la
morale) vient du latin mores et l'autre (l'éthique)
découle du grec ethiqué ; tous deux renvoient cependant
à l'idée de moeurs. Peut-être une gradation arbitraire peut
paraître bienséante, supposant une distinction qui s'alimente du
caractère optatif de l'éthique et de la connotation
impérative de la morale. La pensée de la morale kantienne peut
donner du crédit à pareille distinction, pour gloser sur la
primauté de l'un sur l'autre. Dans la conception
aristotélicienne, l'éthique a une perspective
téléologique, visant une fin (telos) telle est l'esprit
de l'Ethique à Nicomaque et dans la conception kantienne
déclinée dans Critique de la raison pratique, la morale
est définie par son caractère d'obligation. Vu sous ces aspects,
l'on pourrait alors parler des deux concepts comme une opposition entre
Aristote et Kant.
1 Cité par Damian Byers et Carl Rhodes «
Ethics, alterity, and organizational justice » Business Ethics,
vol.16, n°3, p. 240, juillet 1997.
2 Pharo Patrick « Ethique et sociologie.
Perspective actuelles de la sociologie morale » L'Année
sociologique, vol. 54, n° 2, p. 324, 2004.
3 Spinoza (1961) Ethique, Paris : PUF
4 Ricoeur P. (1990) Ethique et morale :
soi-même comme un autre, Paris : Le Seuil p.200-201
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Dans cette étude, les deux termes seront usités
de façon interchangeable, renvoyant tantôt à la
déontologie, tantôt à la
téléologie1. Une confusion
délibérée des sens qui vise à relever d'une part le
caractère « juste et bon » de la transparence, dans une
perspective qui nie le relativisme moral et d'autre part, l'aspect normatif de
la morale qui régule les conduites (la norme régulatrice au sens
de Sikkink et Finnemore). Mais la morale est relative. Blaise Pascal disait :
« on ne voit rien de juste ou d'injuste qui ne change de
qualité en changeant de climat2 ». La morale est
universelle, selon la tradition kantienne et même si l'on peut
considérer que l'éthique quelques fois prend la connotation de
l'application parcellaire de la morale dans des domaines
précis3, il vaut mieux les employer confusément, en
gardant l'attention figée sur l'incidence normative qu'elles impliquent.
Sans insister sur la « circularité sceptique » que peut
induire le relativisme moral, à savoir qu'il n'y a aucune morale
absolument valide ; cela entraînant l'incapacité de fonder une
morale valide, nous considérons l'exigence de transparence dans les
industries extractives comme une morale qui impose une éthique
comportementale de la part des Etats et des compagnies extractives. Autrement
dit, la transparence devient un comportement éthique qui s'impose aux
acteurs comme norme morale. C'est donner raison à Ricoeur qui pense que
la visée éthique doit passer par le crible de la
norme4. C'est dire à quel point la mêmété
constitue à notre sens le trait premier qui caractérise les deux
termes.
d) Morale et capitalisme : la place de
l'éthique dans l'économie politique5capitaliste
L'emprise de la raison sur les comportements ressort des traits
caractéristiques de la modernité et même de la
post-modernité politique, dans laquelle à croire Jacques
Chevalier6, le sacre de la raison et l'individualisation
poussée de la société ont conduit le monde vers la
configuration d'une «société anonyme »,
(zweckverband) selon le mot de Ulrich Beck. La théorie
économique abreuvée à la source du capitalisme, a
marginalisé très souvent la morale,
1 Nous serons d'ailleurs ce faisant, resté
fidèle à la plupart des travaux des philosophes de la morale qui
pensent que les deux termes sont d'égale signification. L'on trouvera de
temps à autre des gradations de primeur, mais au fond, l'idée
semble être celle de la confusion de sens. Telle est la position par
exemple de Anne Fagot-Largeault « Les problèmes du relativisme
moral » in Changeux J.P (dir.) (1997) Une même éthique
pour tous ? Paris : Odile Jacob pp. 41- 58, également de Emmanuel
Levinas (1981) Ethique et infini, paris : Fayard.
2 Pascal B. (1995) Pensées, Paris :
Gallimard, p. 230
3 Ce que Paul Ricoeur appelle les
meta-éthiques qui sont du domaine de l' « éthique
postérieure » par opposition à l' « éthique
antérieure » qui s'apparentant à la morale, transcende les
microcosmes des secteurs d'activité. Les éthiques
professionnelles correspondent alors à des manifestations de l' «
éthique postérieure ». Paul Ricoeur (1990)
op.cit
4 Ricoeur (1990) op. cit ; p. 201.
5 Ici, l'économie politique est
perçue comme le science qui étudie la production et la
distribution des richesses dans la société, il s'agit de la
science fondée en 1616 par Antoine Montchrestien dans son
Traité d'économie politique paru la même
année. Elle surplombe les multiples écoles qui se
développent en son sein.
6 Chevalier Jacques (2004) L'Etat
post-moderne, Paris : LGDJ.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 28 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
donnant raison à Ngaire Woods1 qui
dénonce la négligence des constructions idéelles et
même idéalistes dans la structuration des relations
internationales. Procédant à une marginalisation volontaire des
théories marxistes et socialistes qui n'évoquent le capitalisme
que pour le dénoncer et le fustiger, nous allons chercher la trace de la
morale dans le capitalisme, et ausculter les fortunes qui lui sont
réservées.
· Le mercantilisme ou l'emprise de l'Etat sur
l'économie
Dans le contexte d'émergence du mouvement de vigueur
contre les idées morales au sortir de la féodalité, le
désir d'émancipation à l'égard de l'Eglise et des
conceptions médiévales de la primauté du surnaturel a
consacré l'absoluité de l'Etat et de la richesse. Le
mercantilisme vit le jour dans ces temps, prônant la grandeur de l'Etat
par l'enrichissement des sujets. Cet enrichissement advient à la faveur
de l'excédant des exportations. C'est un courant de pensée qui
s'oppose à l'idée machiavélienne selon laquelle «
dans un gouvernement bien organisé, l'Etat doit être riche et les
citoyens pauvres ». Au contraire, la prospérité du commerce
d'une nation entraîne l'expansion de la puissance politique du souverain.
L'enrichissement devient la fin ultime de l'Etat incarné en ses
dirigeants qui veulent renforcer sa souveraineté. Deux auteurs
symbolisent cette école : John Hales et Antoine Montchrestien.
John Hales a écrit en 1549 le Discours sur la
prospérité de ce royaume d'Angleterre. Il met en avant
l'intérêt de l'Etat et l'enrichissement comme la vraie fin de la
vie humaine. Pour lui, la solidarité des intérêts
économiques sert de lien entre les individus et la République, ce
lien est plutôt de nature économique que politique ou sociale. On
retrouve pareille conception chez Giovanni Botero pour qui l'enjeu n'est plus
le pouvoir du prince mais la puissance de l'Etat, sa capacité à
se maintenir, à maintenir sa « domination et seigneurie ».
Ainsi, la population devient un enjeu de pouvoir : un Etat doit être
peuplé, sa population doit être riche, son organisation spatiale
doit favoriser les échanges2. Mais lui, il privilégie
l'usage de ce lien à des fins politiques.
Antoine Montchrestien a écrit en 1616 un
Traité d'économie politique dans lequel il fait
l'apologie du travail qui seul, sert à produire des richesses. Ce
faisant, il adopte un ton laudatif vis-à-vis du désir de profit.
L'Etat pense-t-il, doit s'occuper à stimuler la production et les
échanges. Comme le dit en résumé Henri Denis : « Les
mercantilistes font de la richesse la fin
1 Ngaire Woods « Economic ideas and international
relations: Beyond the rational neglect » International Studies
Quarterly, n° 39, pp. 161-180, 1995.
2 Voir à ce sujet la thèse de Romain Descendre
« L'état du monde. Raison d'état et géopolitique chez
Giovanni Botero (1544- 1617).
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transparence des
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de la vie sociale. Mais ils n'entendent pas attaquer de front
l'idée de la primauté de l'Etat1. Au contraire, ils
s'efforcent de montrer qu'une telle conception est en parfaite harmonie avec
celle qui voit dans la puissance de l'Etat le but suprême de
l'activité humaine2». En plus de l'emphase mise sur le
désir de profit matériel qui entraîne l'abandon de la
morale, le mercantilisme place l'Etat au centre de l'enjeu et, ipso
facto, se positionne dans cet espace de l'économie politique qui
affirme la centralité de l'Etat3.
Cette école rappelle fort à propos le
réalisme dans ce qu'il met l'intérêt de l'Etat au centre
des préoccupations des dirigeants. Le chapitre XVII du
Prince4 met en scène la nécessitas
qui ne s'encombre pas de la morale, pour la préservation de
l'intérêt de l'Etat. La tradition réaliste s'est construite
autour de quatre piliers dont l'un est l'intérêt comme mobile de
l'action. Dans une société mondiale où le rapport de force
et les désirs de puissance sont informés par l'instinct de survie
car l'anarchie hobbesienne étant l'atmosphère
générale, les Etats sont uniquement mus par leurs
intérêts. Et, ces intérêts n'ont pas de limites. Le
second principe du réalisme de Hans Morgenthau dit: « The main
signpost that helps political realism to find its way through the landscape of
international politics is the concept of interest defined in terms of
power5 » (le principal indicateur qui aide le
réalisme politique à trouver son chemin à travers le
paysage de la politique internationale est le concept d'intérêt
défini en terme de puissance). Cette conception rationaliste du monde
implique que l'Etat qui est reconnu comme le seul acteur utilisera les autres
secteurs de la vie nationale pour la poursuite de ses intérêts.
C'est ainsi que, l'économie sera un instrument de puissance. Toutefois,
comme le souligne Ngaire Woods, « realists do not suggest that ideas
play absolutely no role in international relations. Empirically, they admit
that states virtually always express and justify their policies in idealistic
ways or in ways suggesting that they are guided by particular sets of
ideas6» (les realistes ne disent pas que les idées
ne jouent absolument aucun rôle dans les
1 Ce point de vue est contesté par
Jean-Marie Albertini et Ahmed Salem qui disent : « En considérant
l'enrichissement comme une fin louable, les mercantilistes furent les premiers
à véritablement autonomiser l'économie » Albertini et
Salem (1983) Comprendre les théories économiques : Petit
guide des grands courants, Paris : Le Seuil p. 13.
2 Denis Henri (1966) Histoire de la pensée
économique, Paris : PUF, p.108.
3 Montchrestien est présenté comme le
fondateur de l'économie politique avec son Traité
d'économie politique publié en 1616. Mais, Henri Denis dit
de Pierre le Pesant seigneur de Boisguillebert qu'il est selon lui le
véritable fondateur de l'économie politique parce qu'il fut le
premier à concevoir la loi qui, naturelle, régit la
totalité de la sphère des échanges et de la production
sans qu'elle soit l'émanation d'une puissance étatique. Ce point
de vue rejoint la position de Susan Strange et Josépha Laroche qui
pensent que l'économie politique se fonde sur le vacuum laissé
par l'Etat en déclin et la prépondérance des acteurs
économiques internationaux.
4 Machiavel, N (1980) Le prince, Paris:
Flammarion pp 137-140.
5 Morgenthau H. J. (1985) Politics among nations:
The struggles of power and peace, 6eme Ed. New York: Alfred A. Knopf
p.5
6 Ngaire Woods, op. cit. p.164
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
relations internationales. De façon empirique, ils
admettent que les Etats expriment et justifient toujours virtuellemnt leurs
politiques de manière idéaliste ou d'une façon qui laisse
penser qu'ils sont guidés par certaines idées). A cet
égard, Morgenthau pense que même si le réalisme politique
est au fait du sens moral des actions politiques, il considère que les
principes moraux ne peuvent pas être appliqués en l'état,
c'est-à-dire dans leur formulation abstraite et immédiate mais
qu'ils doivent être filtrés selon les circonstances de temps et de
lieu1.
Une projection de notre étude dans le sillage du
mercantilisme permettrait de rendre raison du rôle que les Etats font
jouer aux firmes multinationales, faisant fi des préoccupations morales
pour la maximisation de leurs intérêts définis en terme de
richesse et de prestige. Mais, s'en tenir à cette école
conduirait à la négligence d'un pan important de l'étude
qui seul, peut expliquer la liberté de ton et d'action de certaines
firmes et organisations non gouvernementales. Le mercantilisme est ainsi une
explication partielle de la transaction entre les acteurs de cette étude
ainsi que des motifs d'entrée en lien social qui les mettent en
branle.
· Le libéralisme ou l'enrichissement en
l'absence de l'Etat et de la morale
Le postulat de base du libéralisme est que les
mécanismes naturels gouvernent l'ensemble de la vie
économique2. Ainsi, la liberté des échanges est
la condition nécessaire et suffisante de l'ordre économique.
C'est dire que le libéralisme rejette le cloisonnement. Citant Sir
Dudley North dans Discourse upon trade, Henri Denis dit : «
Du point de vue du commerce, le monde entier n'est qu'une seule nation ou
qu'un seul peuple au sein duquel les nations sont comme des personnes. Il
n'appartient en aucun cas à la loi de fixer les prix dans le commerce
car, leurs niveaux doivent se fixer et se fixent
eux-mêmes3». Cela renvoie à l'idée
d'économiemonde chère à Immanuel Wallerstein. En effet,
quoiqu'en ne souscrivant pas à l'idée de la
dérégulation économique4, il conçoit le
monde comme un système intégré. En plus de rejeter
l'autorité étatique, le libéralisme abhorre la morale.
Quelques courants au sein de l'école libérale permettent de s'en
rendre compte.
La physiocratie. Il s'agit d'un courant de
pensée économique qui relève de la
philosophie
politique. La physiocratie s'appuie sur l'idée que la
nature toute entière est un ordre voulu par
1 Telle est la teneur du quatrième principe du
réalisme de Morgenthau. Morgenthau op. cit. p. 12.
2 Ce que Pierre Rosanvallon place au principe du
règne des procédures anonymes et impersonnelles qui fondent
l'utopie du capitalisme. Rosanvallon P (1979) Le capitalisme utopique,
Paris : Le Seuil.
3 Denis (1966) op. cit. p.141.
4 Il dit notamment: «Un second mythe
idéologique a pris place à côté de celui de
l'autonomie du marché vis-à-vis de l'Etat : celui de la
souveraineté étatique. L'Etat moderne n'a jamais constitué
une entité politique entièrement autonome », c'est pourquoi
il pense le monde comme une économie-monde. Wallerstein (1983) Le
capitalisme historique Paris : La découverte p. 55-58.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 31 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Dieu. C'est un ordre intangible et connaissable. L'un des
penseurs de cette école est François Quesnay qui publia en 1747
l'Essai sur l'économie animale. D'après Quesnay, la
science est matérialiste puisqu'elle combine des notions qui ont leur
origine dans la matière ; il associe matérialisme et
spiritualisme. C'est pourquoi les physiocrates sont souvent taxés de
philosophes économiques mais, leur adhésion aux idées
morales véhiculées par la foi n'a pas réussi à les
éloigner du matérialisme utilitariste. A ce propos, Denis dit :
« Pour Quesnay, il est au moins un domaine qui ne relève
à aucun degré de la morale, c'est le domaine économique...
le droit naturel d'après les physiocrates est donc le droit de jouir de
sa vie et d'exercer ses facultés1».
Le libéralisme d'Adam Smith.
Qualifié de « patriarche de l'école
classique2 » de la pensée économique, Adam Smith
est le véritable théoricien de la dérégulation et
des grands traits du capitalisme dans ce qu'il a d'utilitariste. Et pourtant,
si l'on évoque très souvent son ouvrage intitulé
Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations,
généralement appelé la richesse des nations, et
publié en 1776, l'on occulte souvent celui qui l'a
précédé (La théorie des sentiments moraux,
1759) et qui est un traité sur l'éthique.
En effet, Adam Smith qui aurait eu dans les premières
années de ses humanités la tentation d'intégrer les
Ordres, avait un très grand attrait pour la morale. En 1752, il obtint
une chaire de philosophie morale à Glasgow et c'est tout naturellement
qu'il se penche d'abord sur les questions morales3. Dans la
théorie des sentiments moraux, il esquisse sa philosophie morale.
L'homme agit toujours pour se procurer un plaisir ou éviter la douleur
cela conduit à une interrogation : Si l'homme agit uniquement
guidé par son intérêt personnel, comment expliquer
l'existence du sentiment du devoir ? Tandis qu'à cette question les
moralistes répondent arguant que l'obligation morale est une
manifestation de l'action de Dieu qui commande de faire le bien et
d'éviter le mal, Smith rejette cette idée lorsqu'il est
confronté au problème de la coexistence des mobiles
égoïstes et désintéressés. Il estime que
l'homme est porté dans son action non seulement par son
intérêt, mais également par le jugement que les autres
portent sur lui. La sympathie pense-t-il, est le catalyseur de l'agir moral de
l'homme. Toutefois, il procède à une dichotomie qui oppose les
classes moyennes et inférieures aux hautes classes. Les premières
se caractérisent à son avis par la conviction que la route du
mérite est celle de la fortune (chance) d'où l'attrait pour la
vertu, tandis que pour la seconde catégorie, la route de la fortune
c'est l'adresse et la flatterie ce qui conduit vers l'intérêt
1 Denis, op.cit. p.158-159.
2 Soule George (1952) Qu'est ce que
l'économie politique? Paris : Nouveaux Horizons, p.57.
3 Soule op.cit p.60.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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égoïste. Il dit : « Les amants de la
fortune abandonnent trop souvent la route de la vertu pour parvenir à la
position qu'ils envient, car malheureusement, la route de la fortune et celle
de la vertu sont souvent opposées l'une de l'autre
»1.
Au contraire des physiocrates, Smith reconnaît le
problème de la justice sociale mais il défend une position
libérale qui consiste à penser que la liberté dans la
poursuite de la richesse est la condition nécessaire de tout
progrès. Les injustices engendrées ce faisant, ne seraient pas
aussi considérables et inacceptables qu'on pourrait l'imaginer.
Même s'il admet par ailleurs que les satisfactions morales sont plus
importantes que les satisfactions matérielles2, il se fait
tout de même le chantre de l'utilitarisme . C'est l'aspect de sa
pensée le plus connu qu'il a d'ailleurs promu car, il s'attaque vivement
au christianisme traditionnel qui prône le mépris du monde. Le
second Smith qui apparaît dans la richesse des nations, est une
transfiguration de l'homme de la théorie des sentiments moraux.
L'histoire a surtout retenu de lui son apport à la
déshumanisation du mode de production capitaliste, car
l'agrégation des principes smithiens avec l'individualisme
exacerbé des Lumières sous l'onction de la révolution
industrielle a donné naissance à un capitalisme florissant mais
froid. L'on peut donc penser que même si les premières
années de la vie de penseur d'Adam Smith furent illuminées par un
éclair moral et éthique, sa pensée a
considérablement servi de substrat à la propagation du
capitalisme moderne.
Cette pensée smithienne est impropre à la
démonstration de notre étude car, d'une part, elle met hors jeu
l'Etat dont la participation n'est guère souhaitée dans la
structuration des mécanismes de production et d'échange, et
d'autre part parce qu'elle interdit l'entrée en lien social au motif
d'une quête de l'éthique. Ainsi, la transparence des industries
extractives en tant que transactions entre les Etats, les ONG et les compagnies
extractives, ne peut être pensée sous le prisme de
l'éthique si l'on s'en tient au libéralisme d'Adam Smith.
Toutefois, elle explique l'activité rationnelle de quête de profit
des acteurs en tant qu'entrepreneurs économiques qui ne subissent pas
les restrictions imposées par la souveraineté étatique, et
qui ne tiennent aucun cas de la morale ou mieux, l'instrumentalise froidement
pour la quête de
1 Smith A. Théorie des sentiments
moraux, p. 109 cité par Denis op. cit. p. 185.
2 Il dit : « Pour tout ce qui constitue le
véritable bonheur, les déshérités ne sont en rien
inférieurs à ceux qui paraissent placés au-dessus d'eux.
Tous les rangs de la société sont au même niveau, quant au
bien-être du corps et à la sérénité de
l'âme et le mendiant qui se chauffe au soleil le long d'une haie,
possède ordinairement cette paix et cette tranquillité que les
rois poursuivent toujours ». Il conseillera donc à l'homme comme
but à son activité, à la fois la conquête de la
richesse et de la sagesse. (Théorie des sentiments moraux p.341
cité par Denis op.cit. p. 187).
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 33 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
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l'intérêt. La pensée libérale d'Adam
Smith constitue donc une explication partielle de notre étude.
La pensée neo-classique du capitalisme.
Elle reforme la théorie du libéralisme classique en y
réinjectant des idées morales. Deux auteurs issues des
écoles de Vienne1 et de Lausanne illustrent cette reforme du
libéralisme.
Par l'opposition de l'utilité sociale à
l'avantage privé, Friedrich von Wieser nie l'individualisme au profit de
la collectivité. Denis dit de lui : « La véritable
originalité de Wieser tient au fait qu'il reconnaît très
ouvertement qu'à côté de l'individu l'Etat existe et joue
un rôle dans l'économie or, l'Etat pense-t-il, ne cherche pas
à rendre maxima des satisfactions individuelles ; mais il recherche
l'utilité sociale2 ». C'est à cette
utilité sociale que Wieser donne le nom de `valeur naturelle'. C'est une
tâche politique que de rechercher cette utilité. Autrement dit, il
rejette la dérégulation et l'immoralité qu'elle comporte.
Non pas que l'Etat soit moral en soi mais, dans la quête d'utilité
sociale, l'on soupçonne l'idée de justice. John Maynard Keynes va
prôner la réintroduction de l'Etat dans l'économie
politique en 1936 dans Théorie générale de l'emploi,
de l'intérêt et de la monnaie, en pleine crise car il aura
constaté que cette dérive vers l'anonymat et l'impersonnel
constituait un passeport vers le chaos. Dans ce retrait de l'Etat en faveur des
règles de procédures anonymes et impersonnelles, se trouve
l'utopie du capitalisme3.
Léon Walras qui appartient à l'école de
Lausanne a publié en 1874 Eléments d'économie
politique pure. Il se déclare partisan de la justice sociale, mais
en même temps, il a une confiance absolue dans les vertus du
libre-marché. Il pense qu'il faut édifier une doctrine capable de
concilier le libéralisme qui assure l'expansion de la production avec le
socialisme qui veut réaliser la justice. Cela étant possible si
l'on distingue ce qui relève de la science de ce qui relève de la
morale. A son avis, si la science économique dit pourquoi la concurrence
est le seul moyen d'assurer le développement, la morale dit quand et
comment l'on doit intervenir pour rendre juste la répartition de cette
richesse.
Il s'agit là, d'un courant qui peut à plus d'un
titre constituer un substrat pertinent à notre étude. D'abord
parce qu'il autorise l'Etat à intervenir pour créer un
équilibre social, ensuite parce qu'il tient compte de la morale et donc
de l'éthique dans les relations de production et de distribution des
richesses. Certes, l'allusion à la morale peut constituer une «
tentation
1 Précisément la seconde
génération de l'école de Vienne formée par les
auteurs tels que Friedrich Von Wieser et E. Von Böhm-Bawerk. La
première génération est celle du fondateur Carl Menger qui
vécut entre 1840 et 1921.
2 Denis (1966) op. cit. p.512
3 Rosanvallon P. (1979) Le capitalisme utopique :
histoire de l'idée du marché, Paris : Le Seuil.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 34 Yaoundé
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éthique » qui laisse dubitatif, au regard des
« équilibres aujourd'hui vacillants entre les moyens
déployés et les finalités humaines1 ».
Parce qu'il autorise l'intervention de l'Etat, nous allons comprendre le
rôle des Etats dans la régulation normative des industries
extractives. Et parce qu'il tolère la morale, la transparence en tant
que norme éthique n'est pas incongrue dans la triangulaire entre des
Etats qui veillent à son implémentation, des ONG qui constituent
peu ou prou des garantes de la morale, et des firmes qui n'ont guère de
choix que de se plier à l'éthique pour des questions
d'opportunisme et de survie dans la longue durée. Notre étude se
situera donc dans le sillage du courant néo-classique du capitalisme,
car comme ce dernier courant, elle admet l'importance de la morale dans les
relations de production et de distribution des richesses. La tendance à
la moralisation du capitalisme est dans l'air du temps. Les voix en faveur de
sa mutation mettent en exergue la nécessité de prise en compte du
péril de la planète qui subit de plus en plus des changements
climatiques et, les ressources naturelles étant des biens non
renouvelables, il convient de les ménager en adoptant une éthique
responsable. Ainsi, comme le pensent Alain Chaveau et Jean-Jacques Rosé
: « Si les firmes n'intègrent pas rapidement les principes de
responsabilité sociale et du développement durable, le risque est
grand que la société leur retire ce que les anglo-saxons
appellent `licence to operate'. Car une partie de la société
remet brutalement en cause le système capitaliste2».
C'est dire que l'environnement et la pauvreté que porte
l'idée de développement durable s'invitent dans le système
capitaliste. Peut-être le capitalisme est-il à un moment critique
de son évolution et, sa survie passe par sa mutation qui tiendra
forcément compte des dimensions morales3 dans le
système de production et de distribution des richesses.
Les théories économiques relevant du
mercantilisme mettent l'accent sur la place trop importante de l'Etat dans les
rapports de production et de distribution des richesses. De plus, elles
expulsent la morale du processus capitaliste. Elles permettent donc à la
limite, de restituer la présence et l'importance des Etats dans
l'initiative de transparence des industries extractives. Mais, par le fait
même de leur exclusion de la morale et du « trop d'Etat »
qu'elles autorisent, elles deviennent des outils impropres à la
démonstration totale de notre étude. Le libéralisme quant
à lui, expulse en même temps que l'Etat mais également la
morale des processus de production capitaliste. Ce double rejet permet de voir
à l'oeuvre les forces
1 Salmon Anne (2007) La tentation éthique
du capitalisme, Paris : La découverte.
2 Chaveau A. et Rosé J.J (2003)
L'entreprise responsable : développement durable,
responsabilité sociale de l'entreprise, éthique, Paris :
Edition d'Organisation, Introduction.
3 Même si André Comte-Sponville pense que
le capitalisme est amoral par essence. Voir Comte-Sponville A. (2009) Le
capitalisme est -il moral ? Paris : Albin Michel.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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impersonnelles de production et l'émulation libre des
acteurs privés mais, interdit tout discours qui mettrait ensemble la
quête du profit, la morale et un rôle important attribué
à l'Etat. Or, tels sont les éléments qui particularisent
notre étude, à savoir que la production capitaliste n'est pas
antinomique de la présence de l'Etat et de la morale. Le
libéralisme permet pour ainsi dire, de rendre compte de façon
partielle de la réalité de l'EITI. Aussi, avons-nous
trouvé dans l'école néo-classique du libéralisme,
une pensée favorable qui permet de rendre raison de ce que la
transparence des industries extractives est non pas le rejet des principes
capitalistes, mais une mutation dans les pratiques qui met fin à
l'exclusion systématique de la morale et de l'Etat dans la
praxéologie capitaliste. C'est pourquoi cette étude qui porte sur
la transparence des industries extractives, idée qui voit le jour
précisément lors du sommet de Johannesburg où l'on a
longuement préconisé la prise en compte des impératifs de
développement durable et de respect de l'environnement, rappelant
l'esprit du sommet de la Terre de Rio de Janeiro, a l'ambition de se pencher
sur la « tentation éthique » du capitalisme, pour en examiner
les contours, les motifs et la réalité. Elle a l'ambition de
démontrer que les impératifs éthiques ne s'opposent pas
essentiellement aux intérêts qui fondent l'esprit du
capitalisme.
4. La question de recherche
La littérature sur les industries extractives est
relativement rare et quand elle a existé, elle a circonscrit divers
centres d'intérêt qui tendent à faire des industries
extractives la clé algébrique explicative des
phénomènes sociaux néfastes.
Le rôle des industries extractives en tant que
générateur et essence des conflits armés a
été relevé dans une certaine littérature, notamment
par William Reno1 et Paul Collier2...Au principe et au
coeur des conflits armés, les industries extractives occupent une place
jadis ignorée en raison du trop grand relief mis sur les dommages et
autres ravages causés par la confrontation armée.
Désormais, le conflit armé n'est plus seulement la rupture,
l'effondrement d'un système de vie ataraxique mais, l'initiation d'un
autre système fondé sur l'accumulation en temps de guerre. Les
conflits cessent d'être justifiés par les seules quêtes de
pouvoir politique ou la résurgence des haines ancestrales, mais aussi
par la captation des rentes matérielles que génèrent les
industries extractives.
1 Lire notamment Reno William «Shadow states and
the political economy of civil wars » in Berdals &Malone (2002)
Greed and Grievance, Boulder &London: Lynne Rienner Publisher
pp.43-68
2 Collier Paul « Doing Well out of War » in
Berdal &Malone op. cit. pp.91-111, Collier P. (2000)
«Economics causes of civil conflict and their implications for
policy» The World Bank, Washington.
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Dans le cadre des « shadow states1
» où la corruption est un mode de gouvernement, le renflouement des
comptes personnels des dirigeants permet de satisfaire aux attentes des «
cronies » et de s'attacher leur soutien ; condition essentielle
pour ces régimes souvent sans ancrage de légitimité
populaire. L'immensité des revenus générés par le
secteur des industries extractives constitue de ce point de vue une aubaine
pour les dirigeants2. Ils peuvent ainsi s'armer contre les menaces
internes de subversion, et s'assurer la clientèle nécessaire
à la pérennité aux affaires3. Au nom d'une
souveraineté et d'une raison d'Etat gauchisées, les industries
extractives servent à consolider la perversion de l'intérêt
de l'Etat. Cette littérature n'a pas mis en relief ces aspects et donc,
a raté l'occasion de souligner l'émasculation de
l'intérêt de l'Etat au nom de l'intérêt des princes
de type machiavélien.
D'autre part, paradoxalement, les ressources du sous-sol ont
contribué à la production de certains types d'Etat, aires
privilégiées des fléaux tels que la faim, la corruption,
la guerre etc. Ce phénomène que Terry Lynn Karl4
appelle « paradoxe d'abondance », est fabriqué par les
entrepreneurs de la misère, et a nourri les écrits des auteurs
intrigués par le rôle des industries extractives dans la
fabrication des aires de pauvreté dans le monde. Les Etats entretiennent
avec les industries extractives une intimité qui encourage la collusion
des intérêts et l'opacité. En cela réside
certainement l'explication du « paradoxe d'abondance » en tant qu'il
est l'exclamation devant la distance entre la munificence des sous-sols de
certains pays et leur niveau de développement. Ce centre
d'intérêt implique un autre qui lui est consécutif.
En effet, si la collusion des intérêts de
certains groupes au sein de l'Etat avec les industries extractives a
engendré l'effilochement du tissu sécuritaire des Etats, comme le
démontrent Nain Kuma5 et Philippe Copinschi6, la
réponse de l'Etat a été d'y ouvrir un espace de
participation pour les acteurs privés. Le lien social autour des
industries extractives est ainsi étudié dans sa faculté
à juguler l'insécurité et rendre possible la poursuite de
l'exploitation
1 Par cette expression, William Reno désigne
un type d'Etat informel qui est le produit d'un gouvernement
personnalisé, habituellement construit derrière la façade
d'une souveraineté de droit. Il s'appuie sur des réseaux
personnels construits par les dirigeants et qui fonctionne comme un Etat
à l'ombre des institutions formelles. Voir Reno W. « Shadow States
and the Political Economy of Civil War » in Berdal & Malone,
op.cit pp. 43-68.
2 Cela a le mérite d'accentuer ce que Paul
Collier appelle « the natural resources trap » voir Collier P. (2007)
Bottom billion : why the poorest countries are failing and what can be done
about it, Oxford : Oxford University Press pp. 38-52.
3 Lire notamment Heilbrunn John R. « Dictators,
oil and corruption in Africa » communication présentée lors
de la réunion annuelle de l'American Political Science Association,
Chicago, 1-4 septembre 2004.
4 Karl T. L. (1997) op. cit.
5 Nain Kuma Vivian (2003) « Oil exploitation
and the state sovereignty of African states : The example of Cameroon and
Nigeria, an international perspective » Thèse de doctorat de
troisième cycle présentée à l'IRIC.
6 Copinschi Philippe «compagnies
pétrolières, ONG et producteurs des normes sécuritaires
dans les pays pétroliers du golfe de Guinée » in
Bagayoko-Penone N. & Hours Bernard (dir.) Etats, ONG et producteurs des
normes sécuritaires dans les pays du sud, Paris, l'Harmattan,
2005.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
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pacifique des ressources. Il ne met pas en scène la
transparence comme jeu normal dans le fonctionnement de l'Etat. Mieux, la
problématique de l'invitation des acteurs privés dans
l'intimité du «consensus opaque », lieu des agapes
entre l'Etat et les industries extractives, serait le symptôme du «
syndrome de Monaco », c'est-à-dire l'organisation d'une
minorité enrichie par les industries extractives dans ce cas, pour se
prémunir des assauts de la majorité qui n'en tire aucun
avantage1. Puissent l'implication des acteurs privés et
l'incantation de la transparence dans ce centre d'intérêt ne pas
être cause d'illusion d'optique.
Par ailleurs, les industries extractives sont au centre des
enjeux de pouvoir qui mettent en scène les puissances
étrangères sur des théâtres d'action
éloignés de leurs aires territoriales. Cet aspect a
été relevé par Douglas Yates2. En effet, il
fait le constat de la rivalité entre deux puissances dans l'espace du
Golfe de Guinée. D'une part la France qui se prévaut d'une longue
histoire dans l'exploitation du pétrole de la région, et d'autre
part les USA qui venant relativement tardivement dans cette zone, vont
forcément bousculer les acquis français pour se faire de la
place. Mais au-delà de la rivalité franco-américaine, l'on
assiste aussi à un véritable « scramble » vers
le pétrole africain, avec le cortège de maux que cela
entraîne sur le plan de la gouvernance et, qui facilite l'accaparement de
l'industrie pétrolière africaine par des firmes
étrangères. La cause de ce monopole réside-t-elle dans les
facteurs historiques tels que l'esclavage, le colonialisme ? Ou plutôt
dans la prévalence du néocolonialisme, la vigueur des
multinationales ou alors dans la personnalité des dirigeants et la
spécificité des modes de gouvernement dans cette région ?
Telles sont les questions auxquelles Douglas Yates essaie de trouver des
réponses.
Tout se passe comme si dans la recherche de l'explication de
ces faits sociaux que sont les conflits, le sous-développement et la
pérennité au pouvoir, les auteurs se sont bornés à
recueillir la première couche explicative. En effet, si tous ces
domaines font problème, c'est moins parce que les industries extractives
sont porteuses de damnation que parce qu'elles sont gérées de
façon opaque. Il faut certainement remonter plus loin dans la
généalogie des causalités pour comprendre qu'au principe
de ces problématiques se trouve le déficit de transparence.
Même lorsque Ariel Susan Aaronson3 se penche sur la
problématique de la transparence, c'est d'abord pour évaluer
l'évolution de son implémentation par l'EITI et les
1 Lire à ce sujet Marc-Antoine Perousse de
Montclos « Les entreprises para-privées de coercition : de nouveaux
mercenaires ? Pétrole et sécurité privée au Nigeria
: un complexe multiforme à l'épreuve du `syndrome de Monaco'
» Cultures et Conflits, n°52 4/2003 pp.117-138.
2 Yates Douglas « Oil and the Franco-American
Rivalry in Africa » papier présenté lors du colloque
L'Afrique, les Etats-Unis et la France Bordeaux, 22-24 mai 1997.
3 Ariel Susan Aaronson « Oil and public interest
» mise en ligne sur http:/
www.eitransparency.org et
consulté le 16 juillet 2008.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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conditions de sa faisabilité. De fait, la transparence
des industries extractives per se a manqué de susciter
l'intérêt d'une problématisation, d'abord en tant qu'objet
d'une initiative supranationale qui se déploie au sein des territoires
étatiques, ensuite en tant que première couche explicative
d'épiphénomènes mais aussi comme une juxtaposition des
intérêts capitalistes avec l'éthique ou la morale. Cette
étude vise à combler ces manques.
A l'image de la diplomatie des droits de l'homme1,
la transparence des industries extractives dément-elle la substitution
du cynisme réaliste par la morale, l'ordre des Etats par les acteurs
privés ? Autrement dit, comment la transparence des industries
extractives en tant que valeur morale, participe-t-elle à la formation
des intérêts dans le cadre d'un enchevêtrement des ordres
étatique et privé ? Plus globalement, comment passe-t-on de
l'affirmation forte de la souveraineté des Etats notamment par la
résolution 1803, à une affirmation plus relative et relationnelle
illustrée par la résolution du 11 septembre 2008, qui renforce la
transparence dans les industries extractives? Comment la cohabitation de
l'intérêt qui est au fondement du système capitaliste et de
la morale fait-t-elle sens ? Comment envisager la promotion d'une norme morale
au sein d'un secteur d'activité capitaliste ? Comment comprendre la
matité actuelle de la souveraineté des Etats, au regard de la
problématique de la transparence des industries extractives ?
5. Triple réalité à l'ère
de la souveraineté relative: le triangle heuristique La
transformation de la souveraineté que met en scène la
transparence des industries extractives révèle au détour
de la multiplication des acteurs, une dramatisation congénitale et
consubstantielle de la morale dans la politique mondiale. Dire que la
souveraineté s'est mutée en responsabilité, c'est avancer
l'hypothèse de l'enchevêtrement des ordres westphalien et
privé. En effet, au nom de la responsabilité qui impose la prise
au sérieux du sort de l'autre, les transactions collusives entre l'Etat
et les acteurs privés dans la recherche des solutions aux
problèmes deviennent un phénomène normal, et donc
autorisent l'enchevêtrement des ordres. C'est d'autre part, expliquer la
présence de la morale dans la politique mondiale par cette
transformation de la souveraineté en responsabilité. En effet,
parce que devenue responsable, la souveraineté autorise au-delà
des irrévérences vis-à-vis des territoires, le «
souci » de ce qui advient de l'autre proche ou lointain2. C'est
là le fondement de l'ingérence moralisante et moralisatrice dans
les espaces des autres Etats. Dans ce contexte, l'émulation des acteurs
nonterritoriaux paraît moins condamnable car, la souveraineté est
devenue relative, les différents
1 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme.
Entre éthique et volonté de puissance, Paris : Fayard,
2002.
2 Voir à ce sujet Badie Bertrand (1999) Un
monde sans souveraineté. Les Etats entre ruse et
responsabilité, Paris : Fayard.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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acteurs sont omnibulés plus par le sort de l'homme que
par l'espace fin de la souveraineté qui demande révérence.
Mieux encore, certains Etats au nom de la responsabilité qu'ils ont de
produire de la sécurité et du bien-être à leurs
populations, devant leur faillite à ces devoirs, autorisent le
dépassement de leurs souverainetés par des acteurs tels que les
institutions internationales, les organisations régionales et même
d'autres Etats pour leur accorder un soutien, et implorent les investissements
des firmes étrangères pour créer des emplois et des
richesses1. La littérature réaliste a accordé
une grande importance au rôle de l'Etat dans les relations
internationales2. C'est lui qui crée des richesses et les
alloue aux sujets, il est garant de la sécurité et l'unique
source d'autorité. Mais, l'école réaliste s'appuie sur
deux éléments qui sont d'un apport précieux dans cette
étude : la centralité de l'acteur étatique et l'anarchie.
Si cette centralité est de moins en moins évidente eu
égard à la concurrence des acteurs privés, il demeure que
même les domaines que l'on semblait lier à l'émergence des
acteurs de type ONG comme la morale qui leur confère leur domaine de
légitimité, sont le lieu du déploiement de l'actorat
étatique. En effet, deux réalités apparaissent
proéminentes dans notre étude et en cela, elle s'inscrit dans la
suite d'une sociologie des relations internationales qui seule, permet de
dépasser le schéma weberien pour lui associer une lecture
durkheimienne3. Il s'agit premièrement de la coexistence de
l'ordre étatique avec l'ordre privé qui encourage l'irruption du
social. Le social est donc présent dans la politique mondiale par le
biais des acteurs sociaux et des problématiques sociales qui
échappent au seul domaine de la diplomatie étatique4.
C'est à cette seule condition que les acteurs privés en tant
qu'illustration de l'irruption de la société dans l'arène
internationale peuvent être compris comme pertinents5. Une
fois que ce préalable a été établi, l'on comprend
dès lors que l'Etat et les acteurs privés soient inscrits dans
des transactions collusives dans le cadre de la transparence des industries
extractives. La seconde réalité est celle de la présence
de la morale dans la politique mondiale.
La présence de la morale dans la politique mondiale
n'est pas antinomique de l'actorat étatique. Primo facie, parce
que la morale est bien présente, peut-être quelque fois de
façon
1 Badie B. idem, p.109.
2 Dario Battistella rappelle à ce propos la
centralité de l'Etat comme l'un des quatre points saillants de la
littérature réaliste. Battistella, théorie des
relations internationales, op. cit. p. 114. Au sujet de la place centrale
accordée à l'Etat dans les relations internationales, voir
également Henry Kissinger, Diplomatie, Paris : Fayard, 1996 ;
Hans J. Morgenthau, Politics among nations, op. cit. ; Arnold Wolfers,
Discord and collaboration, Baltimore : The Johns Hopkins University
Press, 1962. Le dilemme aronien se fonde précisement sur la
centralité que Raymond Aron a attribuée à l'Etat dans les
relations internationales mais, un Etat dont il reconnaissait le retrait
progressif par le fait des acteurs privés.
3 A la suite des travaux de Bertrand Badie.
4 Bertrand Badie (2009) Le diplomate et l'intrus
(l'entrée des sociétés dans l'arène
internationale), Paris : Fayard
5 Voir à ce sujet Bertrand Badie (2009) Le
diplomate et l'intrus op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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ambiguë dans les régimes internationaux des droits
de l'homme, la justice internationale, les interventions humanitaires et
désormais aussi, dans la promotion de la transparence des industries
extractives. Ensuite, parce que dans le déploiement de la morale, l'Etat
joue aussi sa partition dans le cadre d'une morale concurrentielle1.
La définition et la conception de cette morale peuvent faire l'objet de
débat, mais il existe des valeurs partagées ancrées dans
le droit naturel, les codex organiques et fondateurs de la communauté
internationale et les textes fondateurs des grandes religions. C'est ainsi que
Canto-Sperber2 s'insurge à la fois contre le «
relativisme fataliste » et l'unilatéralisme moral, le second
étant au fondement de l'action des Etats inscrits dans une «
quête trompeuse d'universel » aux relents
impérialistes3. Ces deux réalités informent et
induisent une troisième qui est bien dramatisée par Ariel
Colonomos à savoir que, les attitudes morales et les récits
éthiques des acteurs ainsi rendus pertinents par la souveraineté
responsable, participent à la formation de leurs
intérêts4. Ainsi, au carrefour d'une
triangulaire5 formée par les Etats, les ONG et les firmes
multinationales des industries extractives, la démonstration de la
souveraineté relative devient l'occasion de dire la
réalité d'une morale dans les relations internationales, mais une
« morale réaliste6 ». Notre étude se situe
donc au carrefour de deux problématiques interconnectées. La
question d'une transformation de la souveraineté comporte de
façon consubstantielle, celle de la place de la morale dans les
relations de production et donc, dans relations internationales contemporaines.
Nous situons notre analyse dans l'espace complexe dans lequel le discours sur
les fortunes de la souveraineté en ces temps de mondialisation prend
inévitablement en compte la question morale. Puisque notre étude
porte sur un objet qui a partie liée avec la production capitaliste, il
s'agit de faire un lien entre la souveraineté responsable et son
incidence morale dans un secteur d'activité capitaliste.
B. Les hypothèses
1. Hypothèse principale
Nous postulons que la transformation de la souveraineté
à l'oeuvre dans le cadre de l'EITI traduit la dynamique de l'Etat
impliqué dans des transactions collusives avec les ONG et les firmes
multinationales ; elle relève des logiques d'adaptation aux contraintes
nées de la
1 Monique Canto-Sperber (2005) Le bien, la guerre
et la terreur, pou r une morale internationale. Paris : Plon.
2 Canto-Sperber, op. cit.
3 Badie, B. (2002) La diplomatie des droits de
l'homme, op. cit. Chapitre 2.
4 Ariel Colonomos (2005) La morale dans les
relations internationales, Paris : Odile Jacob.
5 A la suite de Badie B., «Realism under Praise,
or a Requiem? The paradigmatic debate in International Relations »
International Political Science Review, vol. 22, n°3, (2001), p.
256
6 Voir Alexander Wendt, Social theory of
international politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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complexité croissante de la politique internationale : la
souveraineté apparaît alors comme une configuration mouvante.
2. Les hypothèses secondaires
La transparence des industries extractives constitue une
occasion de l'affirmation concurrente et complémentaire de l'Etat et
d'autres acteurs tels que les ONG et les firmes transnationales, qui sont
devenus incontournables dans l'économie politique internationale. C'est
également un champ d'expression de la complexité des transactions
entre les différents acteurs de la scène internationale ;
complexité dans les liens et complexité dans les motivations
d'action et d'interaction. A côté d'un ordre fondé sur les
Etats et qui demeure pertinent, les acteurs privés ont gagné la
scène, et il ne s'agit point d'une substitution des ordres, mais selon
l'idée de Badie1, d'une juxtaposition au sein de laquelle a
lieu la mise en index des questions morales. Cependant, il apparaît que
les valeurs et questions morales ainsi soulevées, participent à
la formation des intérêts des acteurs ; l'attitude éthique
des acteurs dissimule quelques fois des visées de puissance et
d'intérêt2. Tout ceci se fait à la faveur de la
transformation de la souveraineté qui est devenue une configuration
mouvante, une souveraineté responsable. Les transactions qui
s'opèrent dans le cadre de cette triangulaire3 complexe
s'illustrent selon et dans deux schémas. Le premier qui a la forme d'un
triangle pour restituer l'aspect triangulaire de la structure d'interactions,
présente les trois pôles d'autorité à l'oeuvre dans
EITI. Il s'agit notamment des Etats, des ONG et des firmes qui sont cependant,
en interactions les uns avec les autres. D'où les flèches qui sur
les côtés, indiquent dans la figure 1 ci-dessous les deux sens de
l'interaction. Ce premier schéma est cependant une démonstration
partielle des interactions, parce qu'il a surtout vocation à dire la
nature triangulaire des relations autour de la transparence des industries
extractives. C'est pourquoi, la seconde figure qui a l'aspect d'ensembles, met
en scène la complexité tant dans les transactions que dans les
motivations d'entrée en lien social. Elle montre d'une part comment
chaque acteur est en transaction avec les autres, y compris ses alter ego :
elle complète donc la triangulaire. Par ailleurs, elle rend compte du
comportement moral ou utilitaire des acteurs,
1 Badie démontre par exemple que, si les
acteurs privés qui gagnent la scène se meuvent dans l'ignorance
de l'ordre étatique, leur action est vouée à la
catastrophe. L'action humanitaire a connu une ascension irrésistible qui
se serait avérée en catastrophe dès lors qu'elle a voulu
se départir des Etats. Un nouvel ordre humanitaire se fonde donc
à son avis sur le retour de l'Etat, autant dire une cohabitation des
deux ordres. Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, Paris :
Fayard, 2002, partie III surtout.
2 A l'image de Ariel Colonomos qui pense que les
valeurs morales jouent un rôle dans la formation des
intérêts. Voir Colonomos Ariel (2005) La morale des relations
internationales, Paris : Odile Jacob.
3 Nous parlons de triangulaire parce que par
l'expression « industries extractives », nous entendons les
compagnies extractives, ce qui correspond mieux à la définition
des industries extractives que nous retenons et qui est en conformité
avec la conception du Livre Source EITI.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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selon qu'ils sont motivés par l'intérêt ou
la morale mais, dit également la fébrilité de la
conviction dans l'usage de la morale. Rien n'interdit d'en faire usage par pur
utilitarisme. Ces explications ressortent des schémas qui suivent :

Les
ONG
Les Etats
Les industries extractives
Figure 1: la triangulaire complexe autour de la transparence des
industries extractives

Firmes
Etats
ONG
Etats ONG Firmes
Intérêt
Morale
Utilitaire
Ethique
Acteurs Acteurs Motivation d'action Issue
d'action
Figure 2: les transactions complexes au sein de EITI
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industries extractives : la dialectique de la
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C. De la construction d'un modèle d'analyse
Les perspectives et idées nouvelles
dégagées dans une recherche doivent pouvoir être
exploitées au mieux pour comprendre et étudier de manière
précise les phénomènes concrets qui préoccupent le
chercheur, sans quoi ils ne servent pas à grand-chose, pensent Quivy et
Van Campenhoudt. C'est pourquoi poursuivent-ils, il faut les traduire dans un
langage et sous des formes qui les rendent propres à guider le travail
systématique de collecte et d'analyse de données d'observation ou
d'expérimentation qui doit suivre. Le modèle d'analyse dont
l'importance est ainsi déclinée, constitue dès lors une
charnière entre la problématique retenue et le travail
d'élucidation1. C'est ainsi que, dans le cadre d'un travail
de conceptualisation, nous avons présenté la notion de
souveraineté dans la diversité de ses sens, afin d'en retenir au
final, des perspectives de définition qui induisent sa transformation
à l'oeuvre dans l'EITI, transformation lisible au travers de la
multiplication des acteurs et d'une pertinence de la morale dans les
transactions collusives entre les divers acteurs. Mais il aura fallu
auparavant, discriminer certaines de ses dimensions qui sont impropres à
la démonstration de sa relativité. Aussi, les dimensions absolue
ou obsolète ont-elles été élaguées, pour
laisser la place à la dimension relative comme critère pour
estimer le degré de transformation de la souveraineté.
La transformation de la souveraineté à l'oeuvre
dans l'initiative de transparence des industries extractives peut-être
analysée à l'aide des indicateurs qui restituent la
réalité des transactions complexes, collusives et multiples entre
les différents acteurs de la triangulaire ici retenue. Qu'il s'agisse
des relations entre les Etats, les ONG, les firmes ou les interactions diverses
qui peuvent exister entre les divers pôles d'autorité, toutes ces
transactions rendent raison de la souveraineté qui s'est
transformée, et mettent en scène la réalité de la
morale de la transparence comme variable pertinente de la politique
internationale. En effet, l'élément qui fait mouvoir par
conviction ou par responsabilité les acteurs ainsi réunis, est la
transparence des industries extractives en tant qu'elle est une valeur morale.
Grâce à ces indicateurs observables, la transformation de la
souveraineté devient une réalité perceptible. De
façon schématique, le lien entre ces différentes
étapes se structure comme suit :
1 Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt, Manuel de
recherche en sciences sociales, Paris, Bordas, 1988, p. 101.

Concepts hypothèse
Transformation de la souveraineté à
l'oeuvre dans EITI. Les Etats dans des transactions collusives avec les ONG et
les firmes multinationales, cela relève des logiques d'adaptation
à la complexité de la politique internationale. La
souveraineté apparaît comme une configuration
mouvante.
Absolue
Postmoderne
- Souveraineté - Raison d'Etat -
morale
Dimension
Dynamique
Relative
Obsolète
Les indicateurs
Les pressions de l'Etat sur les compagnies extractives
Les relations entre les compagnies et l'Etat
Des relations entre les compagnies et les ONG
Les pressions de l'Etat d'origine des ONG
sur l'Etat d'extraction
Transparence
(Morale)
Des relations entre ONG des deux types d'Etat
Les pressions de l'Etat d'extraction sur ses ONG
La pression des ONG sur les pays d'extraction
La pression des ONG sur leurs Etats d'origine
Figure 3: le modèle d'analyse
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D. Le cadre théorique : une lecture transnationale
des intérêts construits
Le cadre théorique de cette étude est bâti
autour du réalisme, du transnationalisme et du constructivisme. En
effet, la rencontre des deux premières théories s'opère
autour de la norme pour permettre d'expliquer comment au motif de promouvoir la
transparence, des acteurs privés (en l'occurrence les ONG et les firmes)
entrent en transaction avec l'Etat souverain.
Traditionnellement, l'étude des acteurs privés
dans la science des relations internationales est rattachée au
transnationalisme. C'est cette posture théorique qui permet d'expliquer
l'action des acteurs autres que l'Etat, pour sortir ainsi de
l'hégémonie de l'école réaliste. Toutefois, dans
cette étude il y a lieu de noter que s'arrêter à la
dimension transnationale reviendrait à rendre compte de façon
partielle de la réalité. Dans le cas particulier de la promotion
de la norme de la transparence par les acteurs privés avec une emphase
sur les ONG et les compagnies extractives, il s'agit d'examiner le jeu dans le
cadre d'une triangulaire complexe par le moyen d'une triangulaire
théorique. Une triangulaire dont les éléments constitutifs
sont le Réalisme, le Transnationalisme et le Constructivisme social.
1. Le Transnationalisme : une explication partielle des
transactions au sein de EITI.
a) Par-delà les mouvements sociaux :
diversité de l'action transnationale
Les ONG, les Etats et les compagnies extractives interagissent
pour assainir la gestion des revenus tirés des ressources extractives.
Cette action qui est menée dans le cadre de l'initiative de transparence
des industries extractives, a deux niveaux de perception : l'un stato-national
et l'autre supranational. De par les buts déclarés, pour les ONG
l'humanisme transfrontalier semble être le fil conducteur de leur action.
Cette tâche coïncide avec une « nouvelle scène mondiale
qui est tantôt aterritoriale, tantôt soumise à la
concurrence de plusieurs logiques contradictoires et de plus en plus rarement,
banalement statonationales »1. La pratique des ONG et des
sociétés transnationales transgressant les frontières
trouve une légitimité dans un monde retourné qui laisse
penser au chaos2. En effet, sortant progressivement de
l'ornière réaliste qui procurait une explication très
générale de la politique internationale3, la
théorie a
1 Badie B. (1995) La fin des territoires, essai
sur le désordre international et sur l'utilité sociale du
respect, Paris: Fayard p.14
2 Badie B. & Smouts M.C. (1999) Le
retournement du monde, sociologie de la scène internationale,
3ème Ed. Paris : Presses des sciences po et Dalloz
3 A ce propos, Pierre de Senarclens dit : «
Plus généralement, les défauts du réalisme sont
liés à la démesure de ses ambitions théoriques,
comme en témoigne la quête d'une explication globale des relations
internationales se résumant à la recherche d'une
rationalité univoque ». De Senarclens (2006) La politique
internationale : Théories et enjeux contemporains, Paris : Armand
Colin 5e Ed. p. 51
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permis de rendre compte de la complexité des faits
politiques internationalisés. La nature même de l'Etat est
protéiforme et les relations qu'il entretient tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur avec d'autres acteurs sont
multiples et complexes. Ce contexte propice à l'enchevêtrement des
systèmes est le substrat sur lequel s'enchâsse l'action
transnationale des ONG. OXFAM, Transparency International et autres
CAFOD, Open society ne se laissent pas intimider par les discours
souverainistes des dirigeants du sud. Ces derniers, accrochés au concept
de souveraineté, expriment leur sidération devant les ONG qui
font du monde un village. Comment pourrait-il en être autrement dans une
société internationale globalisée ? On ne peut pas
imaginer que le jeu de la politique internationale soit animé par des
pôles étatiques autarciques, sans rapport les uns des autres ou
bien que l'illusion de l'Etat comme seul acteur de la politique internationale
soit entretenue c'est-à-dire, faire table rase du rôle des acteurs
privés. L'on est passé de la confrontation à
l'enchevêtrement. Le prétexte de la souveraineté ne
lève plus les foules, ni ne les fascine1. Le contexte est
favorable à l'émergence de nouvelles façons de faire la
politique qui ne s'encombrent plus des interdictions que suscitait la
souveraineté. Au principe de la fin des territoires2 et d'un
droit d'ingérence3, se trouve la conviction que la
frontière n'est plus/pas une cloison étanche. A côté
des problèmes qui se posent sur la frontier4 et, qui
pour leur résolution en appellent à une rencontre sur le fin
espace d'intersection ou scapes5, il y a ceux qui naissent
dans le sanctuaire des cadres statonationaux. Leur solution interdit
l'absolutisation de la distinction externe/interne. D'ailleurs, l'imbrication
entre les deux sphères est si poussée que Risse-Kappen pense que
l'impact des acteurs ou coalitions d'acteurs transnationaux sur la politique
interne d'un Etat sur une question précise, dépend d'une part de
la structure interne de l'Etat en question et d'autre part, du niveau
d'institutionnalisation et de coopération sur la question au plan
international6. L'hypothèse d'une gouvernance
mondiale7ou globale8 devient plausible tant les
problèmes et
1 D'ailleurs, Janice Thomson pense que dans ce que
traditionnellement les auteurs prennent pour la souveraineté
c'est-à-dire le contrôle (Rule-enforcing), l'Etat a besoin de
faire preuve de bilatéralisme pour que soit efficace son action, et bien
implémentées les règles dont il a l'autorité ultime
pour l'élaboration (Rule-making). Thomson (1995) op. cit.
2 Badie (1995) op.cit.
3 Bettati M. (1996), Le droit d'ingérence,
mutation de l'ordre international, Paris : Odile Jacob.
4 Rosenau N.J. (1997), Along the domestic-foreign
frontier exploring governance in a turbulent world, Cambridge: Cambridge
University Press.
5 Appadurai A. (1991) Modernity at large: Cultural
dimensions of globalization, Minneapolis: University of Minnesota Press
6 Risse-Kappen Th. (Eds) (1995) Bringing
Transnational Relations Back in, Cambridge: Cambridge University Press,
Introduction.
7 Laroche J. (2003), Mondialisation et gouvernance
globale. Paris: PUF.
8 Kelly R. E. (2007) «From international
relations to global governance theory: conceptualizing NGOs after the Rio
breakthrough of 1992» Journal of civil society, vol.3, n°1
pp.81-99.
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Politique présentée à l'Université de
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les règles du jeu se sont globalisés. Dans cet
environnement mondialisé où « ...le citoyen passe de moins
en moins par son Etat pour pénétrer sur la scène
internationale, tandis que la société civile s'internationalise
sans trop de difficultés »1, il est tout à fait
congru de postuler que le transnationalisme permet d'analyser l'action des ONG
et des firmes transnationales aux côtés des Etats pour la gestion
transparente des ressources extractives. Mais de quel transnationalisme
parle-t-on?
Charles Tilly et Sidney Tarrow disent: « Like
domestic institutions that constitute national political opportunity structure,
internationalization is like a coral of reef around which national governments,
firms and nonstate actors graviate 2» (tout comme les
institutions domestiques qui constituent une structure d'opportunité de
la politique nationale, l'internationalisation est comme un récif
corallien autour duquel les gouvernements nationaux, les firmes et les acteurs
non-étatiques gravitent). Il faut certainement rappeler que le
transnationalisme permet l'analyse de toute action et des
phénomènes qui transgressent la frontière. Ces relations
transnationales sont definies par Thomas Risse-Kappen comme: « Regular
interactions across national boundaries when at least one actor is a non-state
agent or does not operate on behalf of a national government or an
intergovernmental organization »3 (des interactions
régulières par dessus les frontières nationales quand au
moins un des acteurs est un agent non-étatique ou n'opère pas
pour le compte d'un gouvernement ou d'une organisation intergouvernementale).
Ce sont d'ailleurs ces phénomènes qui transgressent les
frontières et qui échappent quelques fois au contrôle des
Etats, qui ont inspiré Nye et Keohane4quand ils ont
théorisé pour la première fois le transnationalisme. En
effet, Nye et Keohane rompant avec la mode de l'époque qui était
à la célébration exagérée du modèle
réaliste, vont inaugurer dès 1972 une nouvelle approche.
S'inscrivant dans la lignée des travaux de Arnold Wolfers5,
ils avaient pour ambition, de démontrer que la politique internationale
n'est pas uniquement interétatique mais transnationale. C'est une
posture mieux, une attitude dans la lecture de la scène mondiale qui
s'intéresse aux phénomènes sociaux
transnationalisés en sortant des schémas préétablis
de l'hégémonie étatique dans la perception du rôle
des acteurs. Aussi, l'activité des individus
1 Badie B. & Smouts M.C. op. cit. p.
17;
2 Tilly, Charles et Tarrow Sidney (2007)
Contentious politics, Boulder, CO: Paradigm. p.117.
3 Risse-Kappen Th. (Eds.) (1995) Bringing
Transnational Relations Back In. Cambridge: Cambridge University Press,
Introduction.
4 Nye J.& Keohane R. (1971) Transnational
relations and world politic., Cambridge, MA: Harvard University Press.
5 Lire par exemple Arnold Wolfers (Eds.) (1962)
Discord and Collaboration: Essays on International Politics.
Baltimore: John Hopkins Press.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 48 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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par-delà les frontières est une forme de
relation transnationale. Elle donne sens au concept de `transnation'
chez Appadurai. Par la transnation, ce dernier désigne
l'ensemble constitué par les nationaux et la composante diasporique d'un
peuple. Cette même forme de transnationalisme est au principe des
mécanismes qui génèrent les « citoyennetés
à trait d'union ».
De plus, les acteurs internes c'est-à-dire qui sont au
sein de l'Etat, n'ont pas le monopole de l'action transnationale. L'Etat, s'il
faut s'en référer à l'histoire, a inscrit son action dans
le transnationalisme dès ses origines1. De par les
traités, les accords, les contacts multiples, l'interférence dans
les affaires intérieures d'autres Etats (généralement
faibles), le rôle joué par les Etats dans la construction des
institutions internationales, l'Etat est un acteur transnational2.
Cette conviction de l'auteur de `la troisième vague' peut prêter
du crédit à la pensée de Stephen D.
Krasner3pour qui la souveraineté est une hypocrisie
organisée. En effet, si depuis ses origines l'Etat s'est
déployé par une activité transnationale, alors vaines sont
les tentatives d'érection de la souveraineté en monument dans la
science des relations internationales. La mondialisation elle-même,
serait un phénomène dont les rémiges plongent dans
l'océan originel des temps inorganisés du passé.
L'activité des églises et des
sociétés multinationales s'inscrit également dans le cadre
des relations transnationales. La solidarité transfrontalière qui
se nourrit par l' « opium du peuple », met sur un piédestal la
croyance à un monothéisme, nonobstant les différences
multiples liées à la race, aux continents...ce, par-delà
les frontières. Cela s'observe heri et hodie. Que l'on
observe l'antique religion chrétienne désormais ramifiée
ou les nouvelles religiosités du type baconien qui déifient
l'homme par le medium de la `connaissance', le constat est que la religion ne
relie plus seulement l'homme à la divinité, mais aussi les hommes
les uns aux autres. Dans la religion, l'espace devient un comme s'il y
eut création d'un temple unique au dessus du créé et donc,
qui ne subirait pas les contraintes de la territorialité.
Les multinationales quant à elles, sont à la
recherche des marchés captifs ou tout simplement de
débouchés. Les compagnies telles que Shell, De Beers, Total,
Talisman Energy...sont des acteurs dont l'activité ne saurait être
confinée dans un cadre stato-national, puisque la mondialisation de
l'économie autorise le déploiement des entreprises dans les
1 Certes, les faits illustrent cette
réalité mais lorsque la théorie des relations
internationales s'est penchée sur les relations transnationales, elle y
a vu toutes les transactions entre les acteurs exceptée les relations
transnationales au sens des relations Etats-Etats. C'est ce que semble penser
Risse-Kappen (op. cit. P.7).
2 Huntington S.P. (1973) « Transnational
organizations »World politics, n° 25, pp.333-368.
3 Krasner S. D. (1999) op.cit
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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confins des espaces attractifs. La quasi-totalité des
firmes impliquées dans EITI sont transnationales, puisque ayant des
activités implantées dans plusieurs Etats. Dans ces conditions,
postuler l'autarcie c'est faire preuve de dyslexie dans l'appréhension
de la scène internationale. Le transnationalisme est dans l'ère
du temps. Les ONG, acteurs de la politique internationale inscrivent
également leur action dans l'espace transnational. Toutefois, « si
les transnationalistes ont pour point de départ la même
unité fondamentale d'analyse que les libéraux à savoir les
individus agissant seuls ou en groupes, ils ont une conception fondamentalement
différente de cet acteur de référence qu'est l'individu,
des relations qu'il entretient avec l'Etat, du rôle qu'il joue sur la
scène mondiale »1.C'est dire, que quand on a
expliqué que l'action des ONG dans la lutte pour la gestion transparente
des ressources extractives peut être lue par la grille transnationaliste,
on n'a pas fini à partir des motivations qui informent cette action, de
démontrer que le transnationalisme mieux qu'une théorie, est une
attitude qu'impose l'imbrication des systèmes.
b) EITI au coeur de la théorie des mouvements
sociaux.
L'analyse des organisations non gouvernementales dans
l'initiative de transparence des industries extractives ressortit de l'examen
d'un mouvement social. La théorie des mouvements sociaux
révèle certaines approches qui permettent de les analyser et de
les comprendre. L'on a d'une part l'approche dominante qui est le modèle
des processus politiques et, face à elle, les modèles marxiste,
historique, féministe, ethnographique...
Le modèle des processus politiques transcende
l'explication hâtive de l'adhésion à un mouvement social
par la peur que suscitent les profonds bouleversements propres à ces
temps. Cette explication passionnelle, ne rend pas compte de la
rationalité des adhérents, encore moins des leaders desdits
mouvements. Comme le dit Cyrus Ernesto Zirakzadeh: « Stated
differently, the political-process scholars wanted everyone to cease seeing
movements primarily as semi-therapeutic responses by frightened individuals to
large-scale social change2» (présenté
différemment, les chercheurs travaillant sur les processus politiques
voulaient chacun, cesser de percevoir ces mouvements premièrement comme
des réponses semi-therapeutiques au service d'individus effrayés
par le changement social de grande ampleur). L'observation des mouvements
sociaux sous l'angle du modèle des processus politiques
révèle la prégnance d'un leader qui est un
véritable entrepreneur politique et qui instrumentalise la culture. Dans
le processus de frame making, l'entrepreneur politique a
1 Battistella D. (2006) Théories des
relations internationales, 2e Ed. Paris: Presses des sciences po.
p.189.
2 Zirakzadeh C.E « Crossing frontiers:
Theoretical innovations in the study of social movements »
International political science review, vol. 29, n°5 (2008) p.528.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 50 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
besoin de construire un master frame (i.e a frame
that rallies followers behind a movement organization or a coalition of
movement organizations1) [un cadre qui rallie les sympathisants
derrière une organisation ou une coalition d'organisations]. Ainsi, ce
modèle privilégie l'acteur rationnel dans les mouvements sociaux.
C'est une approche défendue notamment par Charles Tilly et Sidney
Tarrow2 qui estiment que, contrairement aux critiques de certains
auteurs3 qui reprochent au modèle des processus politiques de
rendre compte des faits propres aux mouvements qui veulent changer le
comportement des Etats et non ceux qui veulent changer la notion de codes
culturels dominants, il n'y a pas de mal à cibler une catégorie
de mouvements. Par ailleurs, Jasper et Goodwin4considèrent
que l'approche des processus politiques est très large pour rendre
compte des particularités, par exemple les mouvements punk qui
oeuvrent à changer la notion de déviance et de normalité.
Cette approche nous permettra de rendre compte du potentiel rationnel des ONG
qui ne sont plus seulement l'âme d'une société en
dépérissement, mais aussi des mouvements conduits par des leaders
entrepreneurs politiques qui savent magistralement jouer avec les enjeux et les
récits humanitaires.
A côté de cette approche l'on peut
également noter l'approche historique. En effet, les mouvements sociaux
peuvent être lus dans leur historicité. Charles
Kurzman5 par exemple, se penchant sur la révolution
iranienne, démontre que du chaos des choix, des priorités et des
objectifs qui régnait en 1978 en Iran, a jailli un mouvement dont on ne
peut pas dire qu'il a été planifié totalement par quelque
entrepreneur politique. Il pense que les identités et les
préférences ne sont pas aussi stables qu'on le suppose. Ceci
démontre que les mouvements sociaux ont une genèse qui peut
être spontanée quelques fois. Mais les luttes de classes ne sont
pas à exclure des mouvements sociaux. Certains auteurs à
filiation marxiste tels que Jeffrey Paige6, mettent l'accent sur les
différences de classe au sein des mouvements sociaux. C'est en prenant
en compte ces modèles que l'on peut comprendre la constitution par
l'EITI, d'une « société civile internationale bourgeoise
» qui est happée au sommet des sphères de gouvernement du
monde. Les ONG deviennent de ce fait des agents d'une action
déconnectée
1 Zirakzadeh C.E idem.
2 Tilly Ch. Et Tarrow S. (2007) op. cit.
3 Voir le chapitre commun de Jeff Goodwin et James
Jasper dans: Goodwin, Jeff et Jasper James (2004) Rethinking social
movement: Structure, meaning and Emotion. Lanham, MD: Rowman and
Littlefield p. 92.
4 op.cit.
5 Kurzman Charles (2004) The unthinkable
revolution of Iran, 1977-1979. Cambridge, MA: Harvard University Press.
6 Voir par exemple: Paige Jeffrey (1975)
Agrarian revolution: Social movements and export agriculture in the
underdeveloped world. New York: Free Press, Paige Jeffrey (1997)
Coffee and Power: Revolution and the rise of democracy in Central America.
Cambridge, MA: University Press.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 51 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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des populations qui sont au coeur des refrains humanitaires.
De plus, le mouvement social pour la transparence des industries extractives
est historiquement daté et a surgi dans le contexte d'une inaction.
Au-delà des modèles explicatifs des mouvements sociaux, il
apparaît que l'appréhension de ceux-ci exige effectivement comme
le pense Zirakzadeh, une transgression des frontières théoriques.
En effet, le choix exclusif de l'approche des processus politiques ne permet
pas de rendre raison de la charge émotionnelle et psychologique qui se
dégage de l'engagement pour la transparence des industries extractives.
D'autre part, comme le laissent entrevoir les contributions à l'ouvrage
collectif dirigé par Quintan Wiktorowicz1, le modèle
des processus politiques doit prendre en compte les réalités
ethnographiques, sociales et même psychologiques des aires
géographiques pour restituer la totalité des logiques qui
informent l'émergence d'un mouvement social. Cet éclectisme
théorique nous semble pertinent dans l'analyse que nous faisons de la
transparence des industries extractives en tant que mouvement social
porté par les organisations non gouvernementales.
En effet, peut-on penser que l'EITI en tant qu'initiative qui
met en scène un mouvement social porté par les ONG s'explique
uniquement par l'humanisme transfrontalier que célèbrent les ONG
? Le transnationalisme comme posture d'analyse permet de rendre compte de ce
que l'action des ONG, acteurs régis par les droits internes des Etats,
tutoie les cloisons territoriales pour s'inscrire dans l'international. De
plus, les firmes du secteur des industries extractives et les Etats sont
également engagés dans des relations transnationales. Pour rendre
raison de cela, la grille transnationaliste semble mieux adaptée. A
première vue, l'on peut penser que ce faisant, la centralité de
l'acteur étatique est remise en question. Il peut même se
dégager une impression de concurrence. Toutefois, ce serait proprement
occulter le réel que de ne pas rendre raison de la part de
régulation, du degré de manipulation et de
récupération de l'action des acteurs privés (et donc des
ONG et des firmes multinationales) par les Etats dans cette politique publique
particulière.
2. Du réalisme ou la revanche de l'Etat sur les
acteurs privés.
a) La pertinence du réalisme dans l'étude
de la transparence des industries
extractives
La transparence des industries extractives pivote autour d'une
norme éthique. Quelle pertinence peut avoir la convocation du
réalisme dans pareille étude ? Quel crédit peut-on
accorder à une étude qui traite de la morale, et qui se veut ne
serait-ce que partiellement réaliste ? L'école réaliste
dans la science des relations internationales a souvent été
présentée
1 Wiktorowicz Quintan (Ed.) (2004), Islamic
Activism: A social movement theory approach. Bloomington: Indiana
University Press.
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comme une théorie de la puissance et de l' «
être » plutôt que du «devoir être ». De ce
fait, l'éthique semble ne pas convenir à l'analyse de la
scène internationale présentée comme le prolongement de
l'état de nature hobbesien. Mais au sein même de la théorie
réaliste, l'on peut d'après le classement de Klaus-Gerd
Giesen1, déceler trois courants dont deux, tendent à
démentir la thèse de l'absence de l'éthique dans la
théorie réaliste.
Le scepticisme éthique se refuse à toute
considération éthique car, la nature même de la
scène internationale est incompatible avec une quelconque
célébration de l'éthique. L'élaboration de normes
concrètes en ce qui concerne le domaine des relations internationales
est impossible à cause de la spécificité de la
sphère des relations internationales. C'est une sphère
imprégnée de volonté de puissance et des tensions
irrationnelles entre les Etats. Cette sphère est donc
inappropriée pour l'adoption des normes éthiques2.
Cela fait dire à Klaus-Gerd Giesen que : « puisque les acteurs
étatiques n'obtempéreraient qu'à des considérations
relevant de l'intérêt national et de la Raison d'Etat, une
éthique à proprement parler internationale serait selon eux tout
simplement illusoire et impraticable3 ». Dans la perception des
sceptiques éthiques, « la puissance des forts et la Raison d'Etat
annulent toute interrogation éthique dans les relations
interétatiques4». En fait, les sceptiques à
l'instar de Hans Morgenthau opposent la puissance à la morale.
Cependant, ils reconnaissent que la sagesse pratique (prudence ou phronesis
d'après Aristote), peut imposer une attitude éthique
à un Etat dans une circonstance particulière. Imaginons que dans
la perspective d'une élection, en vue de récolter les voix de
l'électorat conservateur, un chef d'Etat décide d'interdire
l'avortement. Le caractère moral de cet acte ne trahit pas
l'adhésion à l'éthique du dirigeant selon les sceptiques,
mais une attitude prudente qui met plutôt en relief l'éthique
individuelle selon la maxime des scholastiques « omnis virtus moralis
debet esse prudens ». Celle-ci est opposable à une
éthique sociale qui serait une adhésion à la morale
à l'échelle de la société.
C'est le principe weberien de l'éthique de la
responsabilité en tant qu'attitude propre à un dirigeant devant
une situation concrète. Cette adhésion ad hoc à
la morale n'est nullement la preuve d'une sympathie vis-à-vis des normes
éthiques. Elle ne peut en conséquence être que le fait d'un
individu. Toutefois, dans le contexte d'un Etat démocratique, les gens
ordinaires réunis au sein de l'opinion nationale, peuvent envoyer des
signaux éthiques à leurs dirigeants
1Giesen Karl-Gerd (1992) L'éthique des
relations internationales. Les théories anglo-américaines
contemporaines. Bruxelles : Bruylant chap. III
2 Dean Acheson disait à ce sujet : « le
vocabulaire de la morale et de l'éthique est inadéquat pour
discuter ou tester la politique des Etats ». Dean Acheson « Ethics in
international relations today » cité par Giesen à la page
81.
3 Giesen (1992) op. cit. P.65
4Giesen (1992) op. cit. p.66
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qui les intègrent dans l'élaboration de leurs
politiques. Telle peut être perçue la politique américaine
de promotion de la démocratie dans le monde, comme une exportation de
l'ethos démocratique du peuple américain. Ce courant
réaliste, de par son rejet de la morale1est inadapté
pour notre étude qui s'articule autour de la norme éthique de la
transparence dans les industries extractives. Ainsi, le réalisme serait
une théorie impropre à l'analyse que nous entreprenons si nous
l'appréhendons sous l'angle du scepticisme éthique.
Au sein de la théorie réaliste, il existe un
autre courant qui s'est opposé à cette conception. L'empirisme
éthique considère que l'on ne saurait opposer la puissance
à la morale. Edward H. Carr l'un des chantres de ce courant
considère qu'en politique, il est aussi fatal d'ignorer la puissance que
d'ignorer la morale. Comme le rappelle Giesen, Carr rejette fermement dans son
ouvrage intitulé The twenty year's crisis 1919-1939, le divorce
entre la puissance et la morale. Par cette opposition aux sceptiques, il admet
que le réalisme n'est pas incompatible avec l'éthique. De plus,
David Hume2 autre défenseur du courant de l'empirisme
éthique récuse l'état de nature hobbesien car pense-t-il,
les hommes n'ont pas pu vivre dans cet état de barbarie. Son état
de nature confère le bénéfice de la civilité aux
hommes, il postule un Etat premier sans gouvernement qui mettait en relief
certaines normes de justice. Il convient d'après Hume, de se pencher sur
les conventions, les coutumes, les moeurs et les valeurs supranationales pour
chercher à déceler la présence de la morale. En battant en
brèche l'idée d'une éthique individuelle
caractéristique des dirigeants par opposition à une
éthique sociale inadaptée, l'empirisme éthique insiste sur
l'existence d'une communauté mondiale perceptible à travers le
comportement des gens. Des normes éthiques supranationales
s'imposeraient donc aux hommes. Par la reconnaissance de la dualité
réelle de la puissance et de la morale dans la sphère des
relations internationales, l'empirisme éthique donne sens à
l'invocation du réalisme dans cette étude. Car effectivement, les
usages réalistes de l'éthique de la transparence dans les
industries extractives, non seulement ils donnent de la pertinence à ce
choix, mais plus encore révèlent comme une
complémentarité entre ce courant et le conséquentialisme
éthique ; autre courant réaliste.
1 S'inspirant des anciens qui écrivent
qu'Achille et beaucoup d'autres princes furent confiés au centaure
Chiron pour qu'il participa à leur éducation, Machiavel qui a
poussé le scepticisme éthique à son apothéose,
conseille au prince d'acquérir les qualités que reçurent
Achille et autres auprès de Chiron ; à savoir, devenir en eux une
part d'animal. A ce propos, il leur conseille de prendre le lion et le renard
en exemple. Il dit : « Puis donc qu'un prince est obligé de savoir
bien user de la bête, il doit parmi elles prendre le renard et le lion,
car le lion ne se défend pas des rets, le renard ne se défend pas
des loups. Il faut donc être renard pour connaître les rets et lion
pour effrayer les loups ». Autant dire qu'il leur proscrit la morale.
Machiavel N. (1980) Le prince. Paris : GF Flammarion, p. 141
2 David Hume (1740) A treatrise of human
nature, vol. 3 London: john Noon p.64-65 cité par Giesen (1992)
op. cit. p. 89.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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Si le scepticisme éthique récuse l'idée
de normes éthiques dans la sphère des relations internationales
et l'empirisme éthique convie à scruter la réalité
des conventions et coutumes internationales, le conséquentialisme autre
courant selon la typologie de Giesen banalise la notion d'éthique. Il
pourrait se situer sur le spectre du réalisme éthique au versant
opposé à l'empirisme. En effet, pendant que l'empirisme postule
l'existence d'une éthique réaliste dans les relations
internationales, le conséquentialisme va rechercher dans les effets des
actes, c'est-à-dire à la fin du spectre, l'attribut moral d'un
acte.
Le conséquentialisme est défini par Samuel
Scheffler1 comme : « une doctrine morale qui dit que l'acte
juste dans n'importe quelle situation donnée est celui qui va produire
le meilleur résultat possible tel qu'il est jugé d'un point de
vue impersonnel, et qui donne un poids égal aux intérêts de
tout un chacun ». Il s'agit d'un courant du réalisme qui met
l'emphase sur la finalité de l'acte plutôt que sur sa nature. Avec
ce courant, l'on observe toute la relativité de l'éthique dans la
tradition pascalienne2. Un acte gagne l'attribut moral dès
lors que par son impact, il constitue pour un grand nombre une source de
satisfaction. Un auteur comme Kenneth Thompson, caractérise la
relativité de la morale conséquentialiste à deux niveaux.
Pour lui, il n'y a pas de principe moral premier qui pourrait arbitrer dans une
situation donnée des conflits inévitables entre les acteurs.
Ainsi, il postule une éthique ex-post et une «
éthique situationniste ». En effet, dans Ethics and
national purpose3, il énonce dans la pure tradition
conséquentialiste que l'on ne doit point rechercher une éthique
abstraite qui présiderait à toutes les décisions mais
plutôt, évaluer la portée éthique d'un acte à
l'aune de son impact et du satisfecit qu'il procure à un grand nombre.
En 1960, il poursuit en optant pour une éthique situationniste qui
implique l' « équilibrage des fins morales par rapport aux
circonstances pratiques4 ». Du fait de cette double
relativité des principes moraux, leur application dépend d'un
calcul prospectif sur les conséquences probables de l'acte. En cela,
peut résider un usage rationnel dans l'optique de la prudence de
l'éthique de la responsabilité. En effet, si l'adoption de la
norme de la transparence peut constituer une source de satisfaction pour la
majorité, l'adhésion à son principe sera en même
temps un choix éthique de la responsabilité et une prudence
propre aux hommes de gouvernement.
1 Scheffler Samuel (Eds) (1988) Consequentialism
and its critics. Oxford: Oxford University Press p.1 cité par
Giesen (1992) op. cit. p.102.
2 Pascal disait : « on ne voit rien de juste
ou d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat »
in Pascal B (1995) Pensées, Paris : Gallimard, p. 230
3 Thompson Kenneth (1957) Ethics and national
purpose. New York: Council on religion and International Affairs
4 Thompson Kenneth « The problem of means »
Worldview, vol. 3 n° 6 (1960) P. 5
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Ainsi, par la procuration de ces deux courants au sein du
réalisme, nous pensons ne plus être dans l'aire de l'oxymore en
utilisant l'expression réalisme éthique1 au
sens de Klaus-Gerd Giesen. Le réalisme pouvait sembler lointain à
notre étude, au regard de la cristallisation de la puissance comme
principe agissant des relations internationales (intergentes). Mais,
par le fait même du principe de l'éthique de la
responsabilité qui serait « essentiellement une éthique de
l'homme d'Etat, et par conséquent une éthique largement
individuelle par opposition à l'éthique sociale2»
et qui apparaît comme une réalité transversale au trois
courants réalistes sus-évoqués, il nous semble que cette
notion weberienne d'éthique de la responsabilité constitue
l'unité normative du réalisme. Le débat autour de cette
notion entre les courants empirique et sceptique a permis de l'étendre
aux personnes morales ( les Etats) par exemple, et de dire qu'à
l'ère de la démocratie, le prince n'est plus un dirigeant seul
face aux contingences et tensions irrationnelles de la scène
internationale. De ce fait, si le réalisme a souscrit à la notion
d'éthique de la responsabilité3 par-delà les
chapelles, nous pensons qu'il est légitime de le convoquer dans cette
étude, ne serait-ce que parce qu'il permet de comprendre les usages
rationnels de la transparence de industries extractives en tant que norme
éthique à un moment plutôt qu'à un autre.
b) Les logiques réalistes dans l'étude de
la transparence des industries
extractives
Quand on examine l'action des ONG, des Etats et des firmes
dans l'initiative de transparence des industries extractives, de quoi
parle-t-on ? On parle d'acteurs privés qui s'ingèrent dans un
domaine de la souveraineté de l'Etat. On parle d'acteurs
infra-étatiques qui déclarent leur indépendance
vis-à-vis de l'Etat. Faut-il penser avec Pierre de
Senarclens4que : « Les interactions de plus en plus fortes
entre les Etats se traduisant par l'apparition de nombreuses institutions
internationales et d'acteurs non-gouvernementaux rendent le réalisme
inadapté à l'étude de ce nouvel environnement » ? Il
ne faut pas se laisser distraire par les incantations des nostalgiques de la
souveraineté. Fiction et hypocrisie organisée5,
fiction en crise6mais fiction en mutation qui produit des effets de
réalité7, la souveraineté est un concept qui a
permis que beaucoup d'encre coulât. Le sociologue des relations
internationales fonde son analyse sur des faits. Que disent les faits ? Et
à ce niveau, il
1 Giesen (1992) op. cit. p. 33
2 Giesen (1992) op. cit. p. 46
3 Giesen (1992)op. cit. p.63
4 De Senarclens P. (2002) La mondialisation -
théorie, enjeux et débats, 3ème Ed. Paris : Armand
Colin p. 94
5 Krasner (1999 &2001) op. cit
6 Badie (1999) op. cit
7 Sindjoun (2001) op.cit
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faut percevoir le réalisme comme une théorie
ex post c'est-à-dire une constatation a posteriori de
la façon dont fonctionne la scène internationale. Aussi loin que
remonte l'histoire des communautés, peut-on penser que la
souveraineté au sens de Bodin1a rythmé et
conditionné la vie des sociétés politiques ? Lire le monde
avec les lunettes réalistes, c'est constater (et non dogmatiser) que le
sacro-saint principe de la souveraineté est relatif. C'est constater que
l'Etat comme forme d'organisation sociale demeure pertinent et central. C'est
penser que la quête (pacifique ou violente) de l'intérêt
national est au coeur de l'action des Etats. C'est penser qu'en fonction des
conjonctures, l'Etat peut décharger certaines de ses fonctions les moins
importantes sur d'autres acteurs, renforcer ipso facto son action
internationale et son emprise nationale. C'est à ce niveau que ce
modèle d'analyse trouve sa pertinence.
L'analyse de l'action des ONG aux côtés des Etats
dans la lutte pour la gestion transparence des ressources extractives implique
un questionnement sur les motivations et la nature de cette action.
Paradoxalement, y répondre conduit entre autre à une certaine
sociologie de l'Etat qui s'étend sur la sphère internationale.
Cette approche trahit la reconnaissance de la centralité de l'acteur
étatique dans les relations internationales et l'intérêt
national comme moteur des rapports qui lient les Etats entre eux et avec les
autres acteurs. Autrement dit, pour rendre compte des motivations et de la
nature de l'action des ONG et des firmes transnationales, il faudrait
interroger le comportement de l'Etat en préjugeant de la
rationalité limitée des premières devant ce dernier.
Mieux que le concept de souveraineté qui selon certains
constituait l'essence du réalisme, celui de l'intérêt
national est à notre sens son point focal. Dans un contexte de
globalisation, parler de souveraineté comme d'une réalité
peut paraître impertinent. Même en faisant des incursions dans
l'histoire, aucun moment ne se caractérise par la rigidité des
Etats qui auraient un contrôle strict de leurs champs de
souveraineté. En lieu et place d'une souveraineté dure, il serait
bien pensé de parler d'une souveraineté molle, malléable.
Le consensus réaliste2 lui attribuait des vertus qu'elle n'a
jamais eues. D'aucuns parlent désormais non plus de souveraineté
de l'Etat mais de sa capacité3ou de son
autonomie4. L'inscription de l'action non gouvernementale dans
l'espace ouvert de la globalité renforce l'impression que la
1 Bodin J. (1986) Les six livres de la
République, Paris : Fayard.
2 Il s'agit de cette idée acceptée des
réalistes selon laquelle la souveraineté serait au coeur de la
politique internationale.
3 Badie B. «De la souveraineté à la
capacité de l'Etat» in Smouts M.C. (1998) Les nouvelles
relations internationales, pratique et théorie, Presses des
sciences po.
4 Klassen op. cit
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souveraineté est une prestidigitation. Le monde est
retourné1 et cela n'a pas échappé aux
réalistes d'hier qui, conscients du changement, se sont jetés
dans l'usage des préfixes pour nuancer leur propos.
Rosenau2cherchant à négocier le passage dans la
turbulence, a déplacé le centre d'action pour le
déposer sur l'interface des espaces, opposant les acteurs nouveaux
à l'Etat, sur la frontier3. Ce même effort a
donné naissance aux espaces qu'Appadurai appelle scapes.
L'enchevêtrement des systèmes, l'irruption des acteurs et facteurs
nouveaux a-t-il eu pour corollaire l'obsolescence du réalisme ? Mettre
du vin ancien dans de nouvelles outres change-t-il la qualité du vin
?
Le contexte a véritablement changé. Le
fonctionnement du monde pendant la Guerre Froide favorisait le musellement des
acteurs mineurs. L'irruption de ces derniers après la chute du mur de
Berlin n'a pas nécessairement signifié leur
prépondérance par rapport à l'Etat. Depuis ses origines,
l'Etat a recherché ses intérêts dans son rapport aux
autres. Cette pratique échappe aux gêoles du temps et de l'espace.
L'élément transversal dans l'histoire des relations
internationales, celui qui a survécu aux différentes
transformations de la politique internationale est la quête de
l'intérêt. Le deuxième principe de Morgenthau4le
rappelle: « The main signpost that helps political realism to find its
way through the landscape of international politics is the concept of interest
defined in terms of power» (le principal indicateur qui aide le
réalisme politique à trouver son chemin à travers le
paysage de la politique internationale est le concept d'intérêt
défini en terme de puissance). Il ne semble pas que l'irruption de
nouveaux acteurs ait détourné l'Etat de cet objectif.
L'avènement d'un monde nouveau a permis à cet acteur rationnel
qu'est l'Etat d'adapter son rapport à l'autre. C'est l'Etat qui
définit la ligne budgétaire, c'est lui qui décerne les
contrats de prospection et d'exploitation minière et
pétrolière. C'est encore l'Etat qui juge pertinentes ou non les
remarques et recommandations des ONG en rapport avec l'activité
extractive. Peut-on imaginer l'implémentation efficiente de l'EITI sans
la présence et le rôle déterminant de l'Etat ? Si l'on
s'accorde à penser que la centralité de l'acteur étatique
est un donné, que l'intérêt national est servi au travers
des ONG (par volonté ou par destination), alors il ne serait pas
exagéré d'affirmer que de par l'angle adopté dans cette
étude le réalisme des Etats demeure pertinent. Mais, il faut
préciser que ce ne sont guère les ONG qui sont des acteurs
1 Lire à ce sujet Bertrand Badie et
Marie-Claude Smouts (1999) Le retournement du monde. Sociologie de le
scène internationale, Paris : Presses de Sciences po-Dalloz.
2 Rosenau N.J (1990), Turbulence in world
politics; a theory of change and continuity, Princeton: Princeton
University Press
3 Rosenau (1997) op. cit
4 Morgenthau H.J (1986) Politics among nations,
the struggle for power and peace, 6th Ed. New York: Alfred A.Knopf p.
85.
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pratiquant le réalisme mais, parce qu'il y a
décharge, elles peuvent devenir des instruments du réalisme des
Etats. Par ricochet, cette étude permet de poser un regard nouveau sur
le rapport qui lie l'Etat à ces acteurs dont le surgissement avait
semblé signifier le début de son déclin, pour constater
que ces acteurs dont l'action est pro et infra
étatique plutôt que peri-étatique, contribuent
à renforcer la « statolité ».
Le réalisme classique présentait l'état
de guerre permanente comme le trait caractéristique de la
société internationale1. Bien que cela ait sa part de
vérité, on ne peut pas dire que la poursuite des
intérêts nationaux passe inévitablement par la banalisation
du conflit violent. Si la guerre est la continuation de la politique par
d'autres moyens, on peut de nos jours être porté à croire
que la politique est devenue une autre façon efficiente de faire la
guerre. La civilisation des moeurs2 politiques fait du chemin.
Certes, penser que la politique internationale est complètement
pacifiée serait céder à l'illusion de la
mêmété mais, précisément du fait de cette
ambivalence de la scène internationale, les Etats ont des politiques
étrangères contextualisées. Si les questions
stratégiques et géostratégiques imposent que la force soit
l'outil de la politique de puissance dans certaines parties du globe, la
crainte de la contagion et de l'embrasement généralisé
peut exiger qu'une attitude plus soft soit affichée dans
d'autres. On s'inscrirait alors dans la logique du « pouvoir en douceur
» de Joseph Nye3. Il s'agit d'allier idéalisme et
réalisme4 par le truchement d'une action transnationale des
ONG. Qu'on ne soit donc guère surpris de ne pas percevoir dans cet
espace des notions polémogènes que l'on rattache en
général au réalisme, alors qu'il est pressenti pour
être la grille, la clé algébrique qui permettra de lire
l'action des ONG à côte des Etats pour la bonne gestion des
ressources extractives dans le cadre de l'EITI.
L'usage du Transnationalisme et du Réalisme permet
d'analyser le rôle des acteurs privés dans leur rapport à
l'Etat. La transparence des industries extractives comme initiative mettant
1 Notamment : Von Clausewitz C. (1956) De la
guerre, Paris: Minuit. p. 67. Aron R. (1984) Paix et guerre entre les
nations, 8ème Ed. Paris : Calmann-Lévy.
2 Lire Elias Norbert & Dunning Eric (1994)
Sport et civilisation. La violence maîtrisée,
Paris : Fayard. Elias Norbert (1973) La civilisation des moeurs, Paris
: Calmann-Lévy.
3 Voir : Nye Joseph Jr. (1992) Le leadership
américain, quand les règles du jeu changent, Nancy : Presses
universitaire de Nancy. Mais également Nye J. Jr. (2008) « Public
diplomacy and Soft power » The Annals of the American Academy of
political and social science, N°616, pp. 94- 109.
4 Au cours de la conférence Wriston 2002
présentée au Manhattan Institute de New York le 1er
octobre 2002, Condolezza Rice alors conseillère du président Bush
en matière de sécurité nationale disait : « Pour
simplifier à l'excès, disons que les réalistes minimisent
l'importance des valeurs et de la structure interne des Etats et mettent au
contraire l'accent sur l'équilibre des pouvoirs. Les idéalistes
accordent la primauté aux valeurs comme la liberté, la
démocratie, les Droits de l'Homme... en tant que responsable politique,
je peux vous assurer que ces catégories masquent la
réalité. En réalité, pouvoir et valeur sont
complètement indissociables ». C'est dire que la défense des
valeurs morales ne proscrit pas la quête de puissance et
d'intérêt. Celui qui se fait le chantre d'une norme est à
percevoir en même temps comme un acteur rationnel en quête de
maximisation de son intérêt.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
en scène des acteurs aussi variés que l'Etat,
les ONG, les compagnies extractives... autour de la norme de la transparence,
invoque une autre grille explicative. Au coeur de cette analyse, se trouve la
norme de la transparence qui semble entrer en collision avec celle de la
souveraineté, de même que la morale qui s'oppose souvent à
la puissance. Pour transcender ces clivages et dilemmes, l'apport du
constructivisme s'avère impérieux.
3. L'apport du constructivisme dans la
compréhension de la transparence des industries extractives.
La promotion de la transparence des industries extractives
pose un dilemme normatif en même temps qu'une opposition essentielle des
valeurs. D'une part, il s'agit de mettre en oeuvre la norme de la transparence
en transcendant la norme de la souveraineté qui est au coeur de la
construction du système international westphalien. Et d'autre part,
c'est la pertinence des valeurs et idées dans la politique mondiale qui
se laisse voir dans la nécessité d'implémenter la
transparence dans un espace d'activité capitaliste à savoir les
industries extractives. Par-delà les grilles réaliste et
transnationaliste qui permettent de rendre raison de la prévalence de la
puissance et de la relativisation de la souveraineté en tant
qu'expression de cette puissance, le constructivisme est d'un précieux
apport dans le décodage de la logique des acteurs impliqués dans
l'initiative. Les deux apports principaux dans cette étude se greffent
autour de ce dilemme normatif et de l'opposition entre l'empirisme et le
normativisme selon qu'ils sont l'un et l'autre motivés par la morale et
l'intérêt.
Le constructivisme est de ce point de vue,
appréhendé comme « a tradition of social and political
thought that sees the world as not just consisting of material forces but of
ideational social phenomena through which we interpret the material and
construct our societies1 » (une tradition de pensée
politique et sociale qui voit le monde non pas seulement comme un ensemble de
forces matérielles mais aussi, un phénomène social
idéel par lequel nous interprétons la matière et
construisons nos sociétés). Ainsi perçu, le
constructivisme permet d'interpréter les faits selon qu'ils sont
construits. Ce sont deux directions de lecture qu'offre cette grille. D'abord,
elle révèle que les idées permettent d'interpréter
les faits et ensuite, les idées permettent la construction des
sociétés. Contrairement à la tradition utilitariste et
néoutilitariste qui privilégie la conduite rationnelle des
acteurs dont l'identité et les intérêts seraient
figés, le constructivisme social tel qu'appréhendé par
John Gerard Ruggie2, permet de
1 Richard M. Price (Ed.) (2008) Moral limit and
possibility in world politics, Cambridge: Cambridge University Press, p.
19.
2 John Gerard Ruggie (1998), Constructing the
world polity. Essays on international institutionalization, London and New
York: Routledge.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 60 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
palper les acteurs et les intérêts comme des
données socialement construites. En cela, les identités et les
intérêts apparaissent construits car, l'identité des
acteurs est un construit du fait des normes constitutives et, les idées
et valeurs forment les préférences et intérêts
desdits acteurs. Cela dit, il apparaît que l'opposition entre
normativisme et empirisme ne tient plus. De même, les valeurs morales ne
s'opposent plus à la puissance car les sociétés se
construisent à partir des perceptions du monde qui sont le fruit des
valeurs dont on est investi. Les normes et valeurs donnent une signification
à l'intérêt et à la puissance. Elles
complètent donc le réalisme et le rationalisme sans s'y
opposer1. De façon globale, le constructivisme donne deux
clés à la lecture de la mise en oeuvre de la transparence des
industries extractives. La première clé permet de
déconstruire le récit éthique des acteurs, afin de mettre
à nu les non-dits d'un engagement prétendument moral. La seconde
clé permet quant à elle, de transcender la dichotomie morale
versus intérêt. Mais plus en profondeur, il s'agit dans
cette étude de s'inspirer des six apports du constructivisme
esquissés par Richard Price2, pour démontrer comment
la transparence des industries extractives met fin au dilemme normatif initial,
et en corollaire, dire la fin de l'opposition morale/intérêt comme
l'un des postulats de base de la recherche. Ne jamais envisager
l'éthique séparément de l'empirisme, cela donne du sens
à l'approche même de cette recherche qui appréhende la
transparence à côté de la quête de puissance des
Etats. De ce point de vue, l'hypocrisie, le troisième apport dans
l'ordre de Price est centrale dans la compréhension de la conduite des
acteurs engagés dans une éthique de
responsabilité3. Il s'agit de penser que, les protagonistes
de la transparence avancent des motifs moraux, notamment, le souci de la
transparence qui serait motrice du développement des peuples, alors
même que les fins visées sont d'ordre utilitaire. Dans le contexte
de cette promotion, l'on peut s'interroger sur la part du non-dit qui justifie
l'engouement des puissances occidentales. L'Angolagate4 et
l'affaire Elf par exemple sont suffisamment opaques pour que la transparence ne
puisse être une leçon dispensée par la France par
1 Lire à ce propos Martha Finnemore (1996)
National Interest and International Society, Ithaca, NY: Cornell
University Press.
2 Price idem, il s'agit notamment de la
puissance, de la complicité et de la cooptation, du dilemme moral, de
l'hypocrisie, du gap entre la norme et les faits et, la logique de l'agence
comme reflet des identités des acteurs.
3 Elle correspond à l'étape des
conséquences dans la typologie de Christian Reus-Smit. En effet,
Reus-Smit identifie six apports qu'il met en rapport avec les six apports de
Price. Il s'agit de l'idiographie, du diagnostic, des conséquences, des
principes, du contexte et de la capacité. Christian Reus-Smit
«Constructivism and the structure of ethical reasoning » in Richard
M. Price (ed.) Moral limit and possibility in world politics,
Cambridge: Cambridge University Press, 2008.
4 Il s'agit d'une affaire judiciaire en France dans
laquelle sont impliquées plusieurs hautes personnalités
politiques. En 1994, en pleine guerre civile angolaise, des armes de
fabrication française et soviétique sont vendues au régime
de Eduardo Dos Santos pour un total de 790 millions de dollars US. Dans ce
marché, de nombreuses personnalités dont Charles Pasqua auraient
touché des commissions. La vente a été pilotée par
Arcadi Gaydamak et Pierre Falcone, l'entreprise Thompson et la banque
BNP-Paribas étaient impliquées.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
exemple. La raison d'Etat resurgit et elle justifie l'insulte
faite à la norme ici, et l'élan laudateur à son endroit
là-bas. En d'autres termes, parce que la promotion des normes s'inscrit
dans la transnationalité et sert en général
l'intérêt des Etats ou celui des acteurs privés, elle se
situe à la croisée du Transnationalisme et du
Réalisme1.
La norme est doublement porteuse du projet de changement. En
tant que « standard of appropriate behaviour for actor with a given
identity2 » (standard de comportement approprié
pour un acteur d'identité quelconque), elle vise à imposer
à certaines catégories une conduite qui tranche avec la
règle établie3. C'est ainsi que la transparence est
prescrite aux dirigeants des Etats candidats à l'EITI, pour constituer
une révolution dans des contextes fortement marqués par
l'opacité en matière de gestion des revenus des industries
extractives. C'est la matérialisation du second apport de Price qui se
structure autour de l'agence c'est-à-dire de la production des
identités et acteurs dans la fonctionnalité constitutive de la
norme. Les acteurs adaptent des comportements stratégiques, discursifs
et normatifs. Alors, les entrepreneurs moraux ne sont pas irrationnels parce
qu'impliqués dans les plateformes. Comme le souligne
1 Zaki Laidi oppose deux modèles potentiels
d'organisation du système international, le modèle souverainiste
et celui de la gouvernance. Dans sa catégorisation, le second
modèle tenterait de tempérer le réalisme des Etats en
gouvernant la mondialisation par les normes et les règles. Depuis le
début de cette étude, nous tentons de transcender cette
dichotomie et au lieu de faire des normes l'apanage du modèle de la
gouvernance, nous pensons qu'elles sont communes aux deux modèles
d'organisation. C'est d'ailleurs pourquoi elles servent de point de
croisée entre les deux théories explicatives des deux
modèles de notre point de vue. De plus, le 15 novembre 2008, les travaux
du G20 réuni à Washington ont été lancés. Il
s'agit lors de ces travaux qui se tiennent dans un contexte international
marqué par la crise financière, de réglementer la
gouvernance. Mais, il serait très naïf de penser que les
intérêts vont être délaissés, s'agissant
notamment du secret bancaire, des paradis fiscaux etc. Le système
financier international issu de Bretton Woods ne va pas être
moralisé au point de sacrifier les sempiternels intérêts
des puissances mondiales. Lire Laïdi Zaki « Peut-on prendre la
puissance européenne au sérieux ? » Cahiers Européens
N°4, 2005. A ce sujet, la définition des relations internationales
par Reinhold Nebor est très illustrative. Il pense en effet que : «
International Relations are where conscience and power meet and work out
tentative uneasy compromises ». Reinhold Nebor est cité par
Cathal Nolan dans « Norms and principles that govern international
relations » communication présentée à
l'International Forum Series en avril1998.
2 Finnemore et Sikkink (1998), « International
norms dynamics and political change » International Organization
P.891. Cette définition est adoptée à partir des travaux
de Audie Klotz, lire notamment : Klotz Audie (1995) Norms in International
Relations : The struggle against apartheid, Ithaca, NY : Cornell
University Press ; Klotz Audie « Transnational activism and global
transformations : The anti-apartheid and abolitionist experiences »
European Journal of International Relations, vol.8 (1) : 49-76, 2002.
Badie quant à lui définit la norme comme « une règle
admise, plus ou moins formalisée, correspondant aux attentes d'une
collectivité, impliquant des sanctions acceptables et assurant un
minimum de régulation sociale ». Il épouse ainsi la
définition durkheimienne de la norme. Badie B. «
Sécurité et nouvelles relations internationales »in
Bagayoko-Penone & Hours (2005) art. cit. p.34.
3 Il s'agit notamment de la norme dite
régulatrice qui a vocation à imposer un comportement. A
côté d'elle, il y a les normes constitutives qui elles,
créent des nouvelles catégories d'acteurs,
d'intérêts et d'actions. En réalité, EITI selon
qu'elle est une initiative de transparence, révèle que cette
dernière échoit à la fois aux deux types de normes. Il
s'agit d'une initiative qui vise à conduire les gouvernements de
l'opacité vers la transparence. En cela, elle est régulatrice.
Par ailleurs, elle crée inéluctablement des intérêts
nouveaux et, elle met en scène des acteurs certes pas nouveaux en
eux-mêmes, mais dans la gestion des ressources extractives ils sont
nouveaux car, les ONG ne jouaient sinon aucun, du moins un rôle marginal
dans les industries extractives. A propos de la distinction entre les normes
régulatrices et les normes constitutives, voir Finnemore et Sikkink
(1998) op.cit p.891.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 62 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Thomas Risse Kappen1, les relents de l'action des
entrepreneurs sont très souvent stratégiques et discursifs. Une
fois encore, l'hypocrisie est proéminente dans la promotion des
normes.
En croquant sur l'espace de l'EITI le schéma du cycle
de vie de la norme selon Finnemore et Sikkink, l'on peut percevoir la
mêmété des entreprises de promotion des
normes2et donc, justifier ce choix complémentaire en
démontrant son opérationnalité. Il faut le dire pour le
surligner, en même temps qu'elles sont abstraites et ne sont
perçues que par les effets qu'elles produisent3, les normes
sont diverses et relatives. La norme est une fabrication idéelle mieux,
une construction artéfactuelle que l'on met en branle au gré des
intérêts. Mais au demeurant, leur déploiement est
révérencieux d'une orthodoxie vieille de plusieurs
siècles4. Même si la prise en compte des normes dans la
compréhension de la société internationale a souffert la
marginalisation durant les années 1970-1980, en raison de l'irruption
des méthodes de l'économie dans les modèles
théoriques et du béhaviourisme5, les normes n'ont
jamais été absentes de la politique internationale6.
Cela dit, penchons nous sur le schéma cyclique de la vie d'une norme.
Le moment fondateur d'une norme est son émergence dans
la généalogie de Finnemore et Sikkink. Cette étape est
inimaginable sans les entrepreneurs de normes et une plateforme
organisationnelle. A l'aube de l'EITI, il y a eu les ONG qui sous la houlette
de leaders tels que Georges Soros, vont porter sur la scène le joug des
peuples victimes des guerres et des autoritarismes du fait des industries
extractives. Ces ONG vont constituer une coalition qui correspond à la
plateforme organisationnelle qui sert de base de lancement de toute
l'activité de lobbying. Il s'agit dans le cas d'espèce,
de la coalition Publish What You Pay lancée en 2002 et qui a
été l'instance de déploiement de l'entreprenariat normatif
précurseur de EITI. A ce stade de la vie d'une norme, la
persuasion7 occupe une place privilégiée car, il faut
que les
1 Cité par Richard M. Price à la page
20.
2 Ici il s'agit de la transparence, ailleurs il
pourrait s'agir de la lutte contre l'esclavage et de l'apartheid comme s'y est
intéressé Audie Klotz (1995) op.cit et Audie Klotz
« Transnational activism and global transformations : The anti Apartheid
and abolitionist experiences » European Journal of International
Relations vol.8 (1) : 49-76, 2002. Ou même, de la lutte contre les
pillages en temps de guerre Sandholtz (2008) op.cit la motivation
semble répondre à l'exigence de promouvoir les
intérêts et les modus operandi sont les mêmes.
3 Finnemore & Sikkink disent: « We can
only have indirect evidence of norms just as we can only have indirect evidence
of most other motivations for political actions » Finnemore et
Sikkink, 1998 op. cit. P892.
4 Lire Audie Klotz (1995) op. cit. à
propos de l'action des anti-apartheid et les abolitionnistes.
5 Finnemore et Sikkink (1998) op. cit. p
889
6 Cathal Nolan dans un titre porteur de sens, parle
de « Norms and principles that govern international relations
» pour fustiger l'ostracisme dont ont été
frappées les normes dans les courants dominants de la pensée
politique ces dernières décennies, alors même que la
scène mondiale n'est pas cette anarchie hobbesienne que les
réalistes ont souvent plaquée au regard des étudiants des
relations internationales. Nolan (2001) op. cit.
7 L'importance de la persuasion comme entreprise
ouverte ou comme « rhétorique de l'action » qui serait
une
ruse dont le but final est de persuader les acteurs à
intégrer la norme, est au coeur du dispositif du
déploiement
normatif. Finnemore & Sikkink (1998) op.
cit. p.914, Klotz (1995) op. cit. pp.22-33, et Rodger A. Payne
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 63 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
entrepreneurs de normes qui n'ont aucun pouvoir d'imposition
sur les destinataires réussissent à transmettre aux acteurs
étatiques l'affect de la norme en promotion. La persuasion qui est:
« the process by which agent act becomes social structure, ideas
become norms and the subjective becomes the intersubjective1 »
(le processus par lequel l'acte d'un agent devient une structure sociale,
les idées deviennent des normes et le subjectif devient
intersubjectif), est donc le processus de transmission de
témoin et conditionne le succès de l'étape qui introduit
la cascade des normes. Une définition linéaire de la persuasion
suppose qu'un acteur A veut persuader les Etats B, C, D du bien-fondé
d'oeuvrer pour la promotion d'une norme sur la scène mondiale. Rodger
Payne2 soulignera à ce propos le rôle de la «
communication persuasive » dans le processus de contagion normative.
Lorsqu'un nombre suffisant d'Etats appelés «
leaders des normes3 » adoptent la norme pour en faire la
promotion, l'on passe à la cascade des normes qui est la
deuxième étape de la vie d'une norme. Cette étape se
particularise par le projet de faire intégrer la nouvelle conduite
à des Etats par d'autres Etats. Le jeu se fait désormais entre
deux types d'Etats : un leader de norme et un destinataire de l'activité
normative. En cela, la période 2004-2008 constitue un espace
intéressant car elle a vu l'adhésion de plusieurs Etats à
l'EITI. Ensuite survient la phase d'internalisation qui doit connaître
son apothéose avec la conformité parfaite d'avec la norme.
L'élément de mesurabilité pour le cas de la transparence
des industries extractives est un rapport de conciliation des chiffres et des
volumes qui doit être le reflet fidèle de la réalité
des recettes et des paiements entre les compagnies et les Etats.
Un relief particulier doit cependant être mis sur
l'intérêt dans la promotion de la transparence. Au-delà de
la quête de légitimité et de l'estime de soi par les
dirigeants, l'intérêt est central à ce niveau. Dès
lors que deux Etats sont en interaction, l'intérêt s'invite et
cela renvoie au réalisme en tant que poursuite d'un
intérêt. En effet, les normes sont indissociables de la
rationalité. La question de la nature du lien qui les unit divise encore
les auteurs.
« Persuasion, Frames and Norms construction »
European Journal of International Relations, vol. 7(1) : 37-61, 2001
mettent en relief cette centralité de la persuasion. Cependant,
Dionyssis Dimitrakopoulos relativise l'importance de la persuasion car
pense-t-il, même en l'absence des preuves d'existence de celle-ci, une
norme peut être adoptée. Voir Dimitrakopoulos D. « Norms,
strategies and political change: Explaining the establishment of the convention
on the future of Europe » European Journal of International
Relations, vol.14 (2): 319-342, 2008.
1 Finnemore & Sikkink (1998), op. cit. P.
914. Payne (2001) op. cit., p.38.
2 Rodger A. Payne (2001), op. cit.
3 Pour ce qui concerne EITI, ces leaders de normes
sont : le Canada, la France, la Grande Bretagne, les USA, l'Allemagne, la
Norvège, la Belgique et à ces Etats, s'ajoutent les institutions
telles que la Banque Mondiale, le FMI, le G8, etc. autant dire que l'ensemble
du monde développé est résolu à faire de la
transparence dans les industries extractives une réalité. Cette
phase est appelée « tipping point » par Finnemore et Sikkink
(1998) op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Toutefois, l'on note que les acteurs politiques utilisent des
stratégies pour poursuivre leurs intérêts, les normes
modèlent ces stratégies en influençant les termes des
débats qui précèdent les décisions
politiques1. De toute évidence, «norms and
rationality are thus intimately connected but scholars disagree about the
precise nature of their relationship2» (les normes et la
rationalité sont ainsi intimement liées mais les érudits
ne s'accordent pas sur la nature précise de leur relation). De
l'entrepreneur des normes aux destinataires des normes, l'intérêt
est le moteur d'action.
Le désir d'uniformisation de la scène politique
mondiale par l'exportation des pratiques occidentales vers les horizons
nouveaux participe en partie de la défense ou de la poursuite des
intérêts étatiques. Qu'il s'agisse de l' « action
rhétorique » ou de la rhétorique de l'action,
l'intérêt qui commande à l'engagement d'un acteur dans la
promotion d'une norme est la célébration des objectifs des forts
et des puissants et, donc vers un monde globalisé dans lequel les
frontières deviennent impertinentes, tant les entrepreneurs des normes
sont devenus des « borders spanners ». Cela conduit à
des oxymores du type « constitutionnalisme globalisant3 »,
les biens publics mondiaux... qui portent une dose de spéciosité
très élevée dans un monde où le réalisme n'a
point cédé la place à l'humanisme.
E. Annonce du plan
Notre étude qui vise à démontrer la
transformation de la souveraineté à l'oeuvre dans le cadre de
l'EITI, ce qui traduit la dynamique de l'Etat impliqué dans des
transactions collusives avec les ONG et les firmes multinationales, se
structure en deux parties. D'abord, une première partie qui se
développe autour de l'idée de la multiplication des acteurs de la
scène internationale, ce qui est au fondement de la cohabitation des
ordres privé et étatique. Cette partie comporte deux chapitres.
L'un sur la rémanence de la pertinence du système westphalien
incarné par les Etats, et le second qui démontre par le
truchement de EITI, la cascade des autorités par l'émulation des
acteurs privés. La seconde partie du travail quant à elle,
développe une idée qui est consubstantielle à la
première, à savoir le développement des
problématiques éthiques (chapitre 3) par les acteurs multiples,
dans les conditions de responsabilité. Mais cet investissement des
« marchés de la pitié » occulte fort mal la persistance
de l'intérêt comme motif d'action dans la conduite des acteurs.
Telle est la substance du chapitre 4. Toutes choses par ailleurs qui concourent
à la démonstration de la
1 Lire par exemple Dionyssis Dimitrakopoulos «
Norms, strategies and political change » European Journal of
International Relations, vol. 14(2) : 319-342, 2008.
2 Finnemore et Sikkink (1998) op. cit P.
888
3 Lire à ce propos: Julian Go « A
globalizing constitutionalism? Views from the postcolony 1945-2000 »
International Sociology, vol.18 (1): 71-95, 2003.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 65 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
transformation de la souveraineté en une
souveraineté responsable, par l'excroissance des acteurs et par la
prévalence des interactions complexes autour d'une « éthique
de la responsabilité convaincue ».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)

PREMIERE PARTIE :
L'excroissance des intervenants dans la
politique
internationale : Examen de la transformation
de
la souveraineté sous le prisme de
l'Extractive
Industries Transparency
Initiative.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 67 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
L'inquiétude de certains auteurs devant les flux de la
mondialisation qui ont fragilisé la souveraineté des Etats a
porté son écho jusqu'aux extrémités de l'univers
scientifique. Ce qui a eu pour impact, d'attirer l'attention des chercheurs sur
les fortunes de la souveraineté, afin d'examiner la portée
réelle de la globalisation sur les sanctuaires territoriaux. Le
foisonnement des acteurs de moult natures sur l'espace-monde constitue en
même temps qu'une source d'étude, une nouveauté à la
faveur de la rupture des contraintes imposées par un fonctionnement
bipolaire du monde. Le monde post-Guerre Froide et post-2001 se
caractérise par l'émulation d'acteurs nouveaux pour la conduite
des affaires devenues globales1. La sécurité d'un Etat
ne relève désormais plus de sa seule compétence exclusive,
ni encore moins de sa politique étrangère stricto sensu.
Et, même sur le plan interne, le monopole de la contrainte physique et
symbolique n'est plus du seul ressort des gouvernements en tant qu'ils sont
l'incarnation des Etats. Des acteurs jadis inféodés à
l'Etat, sont devenus très pertinents en gagnant leur locus
standi du fait de leur expertise ou de leur connaissance des terrains
d'action. La complexification des problèmes a entraîné une
complexification des solutions, de par les intervenants qui sont mis à
contribution et de par les mécanismes préconisés. L'on est
passé à de nouvelles formes de diplomatie qui laissent penser
qu'il y a la « transformation de l'équilibre nous-je ».
Nombre de faits laissent perplexe devant la
souveraineté. De l'intérieur, le bal des entrepreneurs
identitaires de toutes sortes fait croire que les fondations de l'Etat sont
menacées d'écroulement. Face à ces crises internes, il y a
les multiples signes d'irrévérence des border spanners
qui transgressent les lois de la territorialité. Ce serait
précisément faire preuve de cécité que de ne pas
voir ces logiques nouvelles. De même, ne pas prêter l'oreille aux
analyses des auteurs qui attirent l'attention sur ces bouleversements serait
faire preuve d'une surdité coupable pour l'avancement de la science.
Cependant, la démultiplication des facteurs et l'irruption de nouveaux
acteurs constituent-ils des arguments en faveur de l'exécution du
requiem de la souveraineté ? Sommes-nous parvenus à la
fin de l'histoire de la souveraineté ? Nous pensons que la profusion des
acteurs est un fait. L'Extractive Industries Transparency Initiative
est un des espaces qui démontrent précisément
l'excroissance des intervenants dans la politique internationale contemporaine.
Mais, il est aussi le signe de la
1 Bertrand Badie appelle cela la revanche du social
et la caractérise par la coloration sociale des enjeux internationaux
qui deviennent de moins en moins politico-militaires, et la présence des
acteurs sociaux sur la scène internationale. Badie B, La diplomatie
des droits de l'homme, op. cit. p. 237, mais également, Badie B.
Le diplomate et l'intrus, op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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survie de l'Etat. Aussi, nous entreprenons dans le cadre de
cette première partie, d'abonder dans le sens d'une excroissance des
intervenants dans la politique internationale. Ce faisant, nous accorderons
à l'Etat une place de choix dans la mesure où nous
récusons l'hypothèse de la fin de la souveraineté mais
parlerons de sa transformation à la suite des travaux de Bertrand Badie,
c'est l'Etat qui dans son redeploiement, est le symbole de cette transformation
(chapitre 1). Ensuite, nous accorderons un espace à quelques autres
intervenants, en l'occurrence les ONG et les industries extractives en tant
qu'acteurs (chapitre 2). Tout cela, pour dire qu'en dépit de la
coalescence des acteurs dans la politique internationale, l'on n'assiste pas
encore à la fin de la souveraineté. Mais la réalité
de la multiplication des acteurs est immuable et a justifié les
interrogations sur les fortunes de la souveraineté. La politique
internationale est devenue si complexe qu'elle a cessé d'être
l'espace de l'interétatisme qui au passage, acceptait de temps à
autre de prendre des avis des amici curiae que sont les acteurs
privés. L'on est en présence d'une transformation de la
souveraineté et partant, des modes d'action sur la scène
internationale.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Chapitre 1 : EITI et le redéploiement de
l'Etat, une lecture stato-centrée de la transparence des industries
extractive ou l'affirmation de la pertinence du système
étatique
La mondialisation n'est pas l'occasion d'une révolution
brutale qui aurait entraîné la dilution des anciens acteurs dans
les nouveaux, ni leur évanescence face à l'irruption des nouveaux
intervenants. L'Etat est un acteur ancien de la scène internationale qui
aurait laborieusement vu le jour entre le XIVème et le
XVème siècle en Europe. L'EITI est un espace qui
démontre primo facie la persistance de cet acteur
séculaire sur la scène internationale, mais un acteur qui se
redéploie face aux contraintes de la mondialisation. Il se
redéploie seul (section I) ou en groupe (section II) dans les espaces
autres que celui de sa genèse et en cela, il est un et multiple tout
à la fois. En se projetant, il se laisse capturer par les lieux
exotiques, îles d'escale de son odyssée1.
SECTION 1: Déploiement d'un Etat-fluide dans la
transparence des industries extractives : entre universalisme et
autochtonie.
La transparence des industries en tant qu'initiative est
l'espace d'une démonstration de la « statolité »
affirmée, établie et même rebelle. L'Etat est une
réalité historique qui laisse transparaître deux types de
contrastes dès lors qu'il est pensé en rapport avec les espaces
autres que celui de son origine. En effet, discourir sur la pertinence de
l'acteur étatique sur la scène internationale en s'appuyant pour
cela sur l'initiative, c'est envisager l'Etat comme une réalité
molle, un Etat-fluide. L'exigence de sa fluidité naît à la
congruence de la spécificité de son aire de germination et de la
particularité des espaces convoités de son implantation. La
double extranéité de l'Etat par rapport à l'Afrique par
exemple (mais aussi à l'Asie et à l'Amérique latine)
suppose que celui-ci a été introduit depuis l'Occident et
s'appuie sur un archétype unitariste2 qui est impropre
à la terre de Toumaï où la communauté relève
de l'identité. L'initiative offre ainsi, l'occasion de
l'appréhension de l'Etat dans des
1 Etienne Le Roy parle de l'Odyssée de
l'Etat pour signifier son errance, à l'image d'Ulysse errant sur les
mers. Ce périple de l'Etat est multi-centenaire et l'actualité
laisse penser qu'il sera pendant un temps encore, l'organisateur de la vie en
communauté et dans la société. L'Etat n'est
décidément pas inutile. Lire Etienne Le Roy «
L'Odyssée de l'Etat » Politique africaine, n°61 mars
1996 pp.5-17
2 Le Roy pense en effet que l'Etat dans son errance
a de temps à autre effectué des terrages sur des espaces qui
n'ont pas de base unitaire mais plutôt, sont des sociétés
communautaristes. Pour cela, seule l'indigénisation permet
l'évitement d'un échec de la transposition des dispositifs
occidentaux tels quels. Le Roy op. cit. p.8-11
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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circonstances de temps et de lieux. Clifford Geertz
s'intéressant à l'Etat à Bali1 a remis en cause
le schéma weberien de l'Etat très rationaliste qui ne s'encombre
pas des éléments indigènes qui font vivre l'institution.
L'impersonnalité de l'Etat en tant qu'institution
dépouillée des ivresses de la théatocratie2 et
des rites exotiques a nourrit l'illusion identitaire3,
reléguant dans la catégorie des Etats flanqués d'une
épithète, l'Etat ailleurs4.
L'espace de la mise en oeuvre de l'initiative est une
mosaïque de peuples, de cultures, de terroirs regroupés sous le
vocable de l'Etat. Cette diversité va certainement informer les nuances
dans la réception de l'initiative. L'Etat de l'EITI est un, mais
multiple tout à la fois. Celui qui met en oeuvre l'initiative et celui
qui la soutient ; celui issu de la colonisation et celui qui fut colonisateur ;
celui en voie de développement et celui développé.
Paragraphe I : Croquis d'une catégorie
créole: le site de la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives ou la pertinence du baroque.
Il s'agit de penser que l'examen des sites de la mise en
oeuvre de l'initiative en tant qu'ils révèlent la
prégnance de l'acteur étatique, passe par une
démonstration du binôme territorialité-autorité
comme exclusivité de l'Etat (A). De plus, un voyage au coeur des espaces
territoriaux divers et variés de la mise en oeuvre constituera
l'argumentation matérielle en faveur de cette allégation (B).
A. L'espace de la mise en oeuvre : territorialité et
autorité de l'Etat
1. Territorialité et autorité : des notions
centrales mais relatives
L'Etat procure à l'initiative l'espace de sa mise en
oeuvre parce que la territorialité est un attribut exclusif de l'Etat ou
des regroupements étatiques. Si l'on peut avoir des territoires
1 Geertz Clifford (1983) Bali. Paris :
Gallimard
2 C'est d'ailleurs pensons-nous, l'illustration
d'un ethnocentrisme d'un genre vicieux. Lorsque la politique se donne en
spectacle en occident, nul ne démontre qu'il s'agit peut-être d'un
trait inhérent au pouvoir que de se donner à voir dans les signes
et les symboles. Ainsi, seulement de cette façon on ne taxera plus de
tropicalisme les messes politiques dans les contrées autres que
l'occident. D'ailleurs, comme le montrent des auteurs tels que Marc
Abélès (2007) Le spectacle du pouvoir. Paris : l'Herne,
Roger-Gérard Schwarzenberg (1977) L'Etatspectacle. Paris :
Flammarion. Claude Rivière (1988) Les liturgies politiques.
Paris : PUF, la politique admet toujours une dose élevée de
symbole, de spectacle et de rites.
3 Bayart Jean François (1996) L'illusion
identitaire. Paris : Fayard
4 Pourtant, comme semble le penser la professeur
Sindjoun, l' « Etat ailleurs » relève de la
spécificité car il est fortement marqué du sceau de la
société qui l'abrite, tant il est socialisé par celle-ci
en même temps qu'il étatise la société. L'Etat
pense-t-il, est banal car il est fonction des usages et des investissements des
acteurs compte tenu des enjeux locaux. Sindjoun Luc (2002) L'Etat ailleurs
: Entre noyau dur et case vide. Paris : Economica
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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sans Etat1. Il n'existe pas d'Etat
atérritorial. C'est ce qui fait dire à Carré de Malberg
que : « le territoire ne fait pas partie de l'avoir de l'Etat, mais de son
être2 ». L'Etat est différenciation
c'est-à-dire constitution d'une classe en face de la
société3 mais il est aussi et surtout un territoire.
Les théories du territoire peuvent être regroupées autour
de quatre mouvements. D'abord, le territoire comme élément
constitutif de l'Etat c'est-à-dire qu'il faut un territoire pour le
développement normal de l'Etat. Cette conception a motivé la
pensée des pères de la géopolitique tels que Kjellen et
Friedrich Ratzel. Le territoire est aussi l'objet de la souveraineté de
l'Etat, en tant qu'il est objet d'un imperium et celui d'un
dominium. Le territoire est par ailleurs la marque de la limite entre
`eux' et `nous' dans une perspective de démarcation de l'aire de la
souveraineté. C'est pourquoi le territoire est en dernière
analyse le titre positif de l'exercice de la compétence des
compétences. Cette composante de l'Etat qui suscite des
définitions les plus diverses possibles en fonction des disciplines et
des sensibilités, est incontournable dans l'affirmation de la
statolité. Gérard Bergeron rappelle que « par dessus tout,
il importe de ne jamais oublier le territoire dont on peut dire au sens premier
qu'il supporte tout le reste et qu'il est la donnée la plus
déterminante et la plus constante ne serait-ce que par son inertie
»4. S'agissant des industries extractives, nul ne peut
prétendre à l'analyse de l'initiative y relative en minorant
l'essence primordiale de l'Etat en tant que territoire qui est le cadre
munificent d'exploitation des ressources. En effet, les richesses du sol et du
sous-sol dont les revenus sont au coeur de l'initiative sont
précisément localisées dans le territoire des Etats. Ce
territoire comprend aussi bien la terre ferme que la mer jusqu'aux limites des
eaux territoriales d'un Etat. L'on peut y ajouter les zones économiques
exclusives (ZEE) qui ont un régime juridique particulier en raison des
articles 55 et 56 de la convention de Montego Bay5. Les plateformes
pétrolières offshore en haute mer et dans les eaux
territoriales des Etats, les sites d'opérations onshore mais
aussi les mines
1 Les cas de la Palestine et de l'Antarctique
encore que pour ce qui concerne ce dernier territoire, les Etats dans leur
folie pétrolière sont en train d'étendre sur lui les
attributs de leur autorité. Ainsi, la Russie a implanté son
drapeau dans les profondeurs de l'antarctique en 2008, elle pourrait bien
être suivie en cela par d'autres puissances.
2 Carré de Malberg Raymond (1985)
Contribution à la théorie générale de
l'Etat. Paris : CNRS (une réimpression des Editions Sirey) volume
1. p.4
3 Pierre Clastres pense qu'il faut discourir sur la
société sans la rattacher systématiquement à
l'Etat. C'est à ce prix qu'il veut initier une nouvelle anthropologie
qui considère les sociétés comme des
réalités autonomes, prenant ainsi ses distances de
l'Etat-glouton. Clastres Pierre (1974) La société contre
l'Etat. Paris : Minuit
4 Bergeron Gérard (1990) Petit
traité de l'Etat. Paris : PUF p.12
5 L'article 56 dit notamment : « Dans la zone
économique exclusive, l'Etat côtier a 1) des droits souverains aux
fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des
ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux
fonds marins et de leurs sous-sols, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres
activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de
la zone à des fins économiques, telles que la production
d'énergie à partir de l'eau, des courants et des vents ».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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diverses pour les pierres précieuses sont
abrités soit par le sol et le sous-sol des Etats, soit par leurs eaux.
Le territoire a donc ipso facto, la fonction supplémentaire de
creuset des richesses qui conditionnent l'adhésion d'un Etat à
EITI. Il s'agit de penser que l'examen en aval de la propriété
territoriale de l'Etat comme site de mise en oeuvre de l'initiative n'est pas
déconnecté de l'amont qui suppose l'hébergement des
ressources.
L'examen de la qualité d'acteur au sein de l'EITI
confirme que seul l'Etat est titulaire d'un territoire1. La
suspension dans l'espace transnational des actions non étatiques n'est
que par trop limitée par la loi de la pesanteur qui les dépose
sur un espace territorial. L'initiative en tant que création abstraite
trouve un ancrage sur le réel par son déploiement dans un Etat.
Aussi, ce dernier se révèle-t-il dans son second aspect comme une
autorité qui s'exerce dans son aire de compétence. La seconde
dimension de l'Etat, c'est-à-dire comme organe contrôlant les
principaux moyens de coercition sur un territoire donné, le
régulateur de la vie sociale, s'exprime donc par le fait de la cession
d'un droit d'implémentation. L'Etat qui s'engage à mettre en
oeuvre l'initiative cède en même temps à celle-ci le droit
de se déployer sur son sol. En cela, l'Etat exprime sa
territorialité et son autorité dans l'initiative de transparence
des industries extractives.
Cependant, les notions de territorialité et
d'autorité que l'on peut retrouver au fondement et au coeur de l'Etat ne
sont pas des données figées. Si la réalité des
frontières nourrit et entretient l'illusion de la permanence de la
territorialité et de l'autorité dans un espace
1 Les Etats sont très jaloux ipso
facto de leur territoire, ils ont toujours pris la peine de le
sécuriser car, s'il est l'assurance de leur existence, le territoire est
une donnée dont la perte fait tressaillir de crainte les Etats car elle
leur enlève le droit d'exister en tant que tel. La codification de
l'espace territorial est un impératif au vue des Etats tant dans le
droit public interne que dans le droit international. La sauvegarde de
l'intégrité de son territoire exige de le cerner, de le
protéger des irrédentismes et des invasions externes. Les
caractères indivisibles, inaliénables et irréductibles des
Etats ressortent dans plusieurs constitutions. La constitution des Etats-Unis
du 17 septembre 1787 dans sa section VIII et à l'article 1er
; l'article 3 de la constitution malgache du 27 avril 2007; l'article
1er de la constitution tchadienne du 31 mars 1996 ; l'article
1er de la constitution du Niger du 9 août 1999 ; l'article 2
de la constitution ivoirienne du 4 novembre 1960 ; l'article 8 de la
constitution péruvienne du 9 avril 1933 et la constitution
norvégienne du 17 mai 1814 dans son article 8 portent toutes sur l'autel
de la sacralité, l'intégrité des territoires respectifs de
ces Etats. L'on notera par ailleurs que les Etats africains dès les
premières années des indépendances, vont s'empresser de
codifier par la voie constitutionnelle la nécessité et même
l'impératif de l'intégrité territoriale. La raison
réside certainement dans la crainte de l'éclatement des
nationalismes et des irrédentismes car les Etats ont été
taillés sur les mesures indifférentes des réalités
sociologiques de la dispersion des peuples. D'ailleurs, appliquant en cela le
principe de l'uti possidetis, les articles 2 et 3 de la charte
constitutive de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) font de la
défense et du respect de l'intangibilité des frontières
heritées de la colonisation et donc de l'intégrité
territoriale des Etats africains un principe cardinal de l'organisation. Ces
articles avalisent donc les frontières et donc les territoires
hérités de la colonisation. L'acte constitutif de l'Union
africaine reprend ce principe du respect de l'intégrité
territoriale dans son article 3 (b), en affirmant comme l'un des objectifs, de
« défendre la souveraineté, l'intégrité
territoriale et l'indépendance de ses Etats membres ».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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géographique, si EITI est rendue possible par l'emprise
sur le réel que lui confère la qualité d'acteur des Etats,
les territoires et l'autorité ont glissé vers la
relativité et la responsabilité1. Ce double
dépassement du territoire et de l'autorité informe cette
étude qui, quoiqu'elle relève la qualité d'acteur de
l'Etat, consacre aussi la pertinence des acteurs non-territoriaux2
qui transgressent aussi bien l'autorité étatique que les lois de
la territorialité. Ainsi, la pertinence de l'Etat en tant que territoire
et autorité qui se redéploie dans l'initiative est à
relativiser par le fait des acteurs privés et des réseaux et
autres allégeances multiples qui dénotent la prolifération
des espaces. La figure de cette exigence de relativité dans la
manipulation des concepts de territoire et d'autorité est la firme
multinationale. Aterritoriale par excellence, elle exploite des richesses qui
sont territorialement situées, enfouies dans le sol ou le sous-sol d'un
Etat. C'est le sacre du territorial et de l'aterritorial, de l'autorité
et de la non-autorité, de la souveraineté et de la
non-souveraineté. A ce sujet, Badie dit : « les rapports entre
nations- d'ailleurs de plus en plus difficile à territorialiser- ne sont
désormais qu'un aspect du fonctionnement d'une scène mondiale
faite de réseaux, de prolifération et de volatilité
d'allégeances qui s'inscrivent elles-mêmes dans plusieurs
espaces3 ». C'est la célébration de la
supraterritorialité que les théories de la globalisation dressent
comme réalité expliquée par le phénomène de
la mondialisation. Cependant, si le système westphalien fondé sur
la fixité d'un territoire qui abrite l'autorité suprême
d'un Etat est dépassé, ce n'est pas l'histoire de son abolition
qui est écrite dans cette étude. Se fondant sur les travaux de
Jan Aart Scholte, Justin Rosenberg4 rejoint Badie pour penser que le
dépassement du territoire par l'émergence d'un ordre
supraterritorial à la faveur de la mondialisation ne signifie point la
disparition des territoires, mais leur dépassement est aussi l'occasion
d'une cohabitation entre deux ordres : l'ordre territorial et l'ordre
supraterritorial. Rosenberg faisant écho à la pensée de
Scholte à ce sujet dit : « For him (Scholte), globalisation
shows no sign of erasing the state. And this is not simply because, having
unfolded mainly since the 1960s', it needs more time to work its full effects.
On the contrary, careful as ever, he has already told us that globalisation,
despite being defined as the rise of supraterritorial space, is nonetheless not
antithetical to territoriality. However, it has transcended the territorialist
geography that sovereignty
1 Voir à ce sujet Bertrand Badie (1995)
La fin des territoires, essai sur le désordre international et sur
l'utilité sociale du respect, Paris : Fayard et Badie Bertrand
(1999) Un monde sans souveraineté, les Etats entre ruse et
responsabilité, Paris : Fayard.
2 Par cette appellation, Johan Galtung qualifie ces
acteurs qui se différencient des acteurs territoriaux qui disposent
d'une emprise territoriale. Voir Johan Galtung « un continent invisible :
les acteurs non territoriaux, vers une typologie des organisations
internationales » in Georges Abi-Saab (dir.) Le concept d'organisation
internationale, Paris : Unesco, 1980, pp. 68-77.
3 Bertrand Badie La fin des territoires, op.
cit. p. 14.
4 Rosenberg Justin, op. cit.
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presupposes and as a result it has brought the end of
sovereignty1 » (pour lui [Jan Art Scholte], la
globalisation ne revèle pas des signes d'effacement de l'Etat. Et ce
n'est pas uniquement parce que se déployant principalement depuis les
années 1960, elle a besoin de plus de temps pour revéler ses
effets. Au contraire, prudent comme toujours, il nous a déjà dit
que la mondialisation, malgré qu'elle est définie comme
l'augmentation de l'espace supraterritoriale n'est néanmoins pas
antinomique de la territorialité. Cependant, elle a transcendé la
géographie territorialiste que présuppose la souveraineté
et comme incidence, elle a mis fin à la souveraineté). Ainsi, les
deux auteurs nous invitent à intégrer la nécessité
d'une considération du fait supraterritorial corollaire de la
mondialisation, mais qui ne discrimine pas le territoire et donc l'Etat comme
lieu pertinent d'observation des relations internationales.
2. Voyage au coeur de la diversité
L'espace multiforme et divers de l'initiative est un ensemble
d'Etats dont l'histoire territoriale et la géographie politique sont
révélatrices d'une spécificité. Au nombre des
trente Etats qui implémentaient l'initiative en décembre 2009,
vingt huit ont été des colonies soit 95,83% en terme de ratio.
Les seuls qui n'aient pas goûté aux délices de la
colonisation donc, qui ne soient pas des territoires hérités de
l'architecture coloniale sont le Libéria2 et la
Norvège3. Parmi les six pays qui appartiennent au continent
asiatique, trois ont été des colonies russes.
L'Azerbaïdjan est un territoire vaste de 86.600
km2 peuplé d'environ 8177717 habitants selon l'estimation de
la CIA en juillet 2008. Il produit environ 1099 baril de pétrole par
jour avec des réserves prouvées estimées à 7
milliards de barils en janvier 2008. Le gaz naturel qu'il a produit en 2007 est
estimé à 977 milliards de m3. Ses réserves
prouvées sont de 849,5 milliards m3. Le pays produit par
ailleurs du fer et de la bauxite4. A ce jour, c'est l'unique pays
qui a atteint la phase de conformité de l'initiative, ayant
respecté toutes les étapes de la mise en oeuvre.
1 Rosenberg, idem, pp. 33-34.
2 En effet, ce pays est une création de
l'American Colonization Society qui en 1816, le fonda pour favoriser
le retour des esclaves sur le sol africain. En 1821, la Society obtint des
terres sur le cap de Mesurado et y fonda Monrovia en mémoire du
président Monroe. Il fut dirigé dès 1841 par Joseph
Jenkins Roberts qui fut le premier gouverneur noir de Monrovia. Même si
le pays est dit être devenu indépendant en juillet 1846, on ne
peut pas dire qu'il a subi la colonisation au sens premier du terme. Il
semblerait plutôt qu'il y ait eu en 1846 une reconnaissance
internationale du Liberia en tant qu'Etat.
3 A cette date, la Norvège est le seul pays de
l'OCDE à implémenter l'initiative de transparence des industries
extractives.
4 Ces données sont fournies par la CIA dans son
factbook disponible dans le site
www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/az.html
visité le 13 mars 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 75 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Le Kazakhstan qui dispose de la plus grande réserve de
pétrole de la région de la Caspienne est un Etat de 2717300
km2 de superficie ; il regorge en plus de chromium, de zinc, de
cuivre, de manganèse, de fer, de charbon, d'or, d'uranium, de nickel...
D'après BP Statistical Review of World Energy 2007, le
Kazakhstan détient des réserves de pétrole estimées
à 40 milliards de barils et selon la même source, le pays
disposerait de 106000 milliards de mètres cube de réserves de gaz
naturel. La CIA estime que ce pays produit 1445 millions de barils de brut par
jour, 2788 milliards de m3 de gaz naturel (en 2007) et détient des
réserves prouvées de pétrole de 30 milliards de barils (au
1er janvier 2008)1. C'est un ancien Etat de l'URSS qui a
accédé à son indépendance le 16 décembre
1991 à la faveur de la balkanisation de l'empire soviétique.
L'Azerbaïdjan, le Kirghizstan et le Kazakhstan constituent les trois pays
de l'initiative qu appartenaient à l'ancien bloc soviétique et
qui par le fait de leur indépendance, ont conservé leur
territoires qu'ils mettent aujourd'hui à la disposition d'une initiative
qui promeut les valeurs occidentales ; preuve s'il en faut de la fin de
l'ère communiste, en dépit des élans de nostalgie.
Un des pays de l'Asie est une ancienne colonie chinoise qui a
accédé à l'indépendance le 11 juillet 1921. La
Mongolie est un Etat de 1564116 kilomètres carrés qui a
annoncé sa volonté de mettre en oeuvre les principes de
transparence dans les industries extractive en décembre 2005. Le
gouvernement mongol a énoncé les tâches et fonctions des
organisations administratives de l'Etat pour une mise en oeuvre efficace de
l'initiative. La résolution n° 80 du 8 mars 2007 est l'instrument
de cette volonté de donner à l'initiative un cadre
d'émulation et d'efficience. C'est l'expression de l'autorité de
l'Etat qui seul, autorise la mise en oeuvre dans son territoire et en tant
qu'autorité, il s'exprime par des textes de loi. Le Timor Leste autre
pays d'Asie, implémente l'initiative à laquelle il a
adhéré le 22 février 2008. C'est un pays de 15.007
kilomètres carrés qui regorge d'or, de gaz naturel et qui a
produit en 2007 78480 barils de brut par jour et dont les réserves sont
indéterminées. Ses réserves de gaz naturel quant à
elles sont estimées à 200 milliards de m3 par la CIA en janvier
2006. Ancienne colonie du Portugal, le pays a accédé à la
souveraineté internationale le 28 novembre 1975 mais la domination de
l'Indonésie sur le pays a perpétué la colonisation. Ce
n'est que le 20 mai 2002 que le Timor Leste a vu son indépendance
internationale reconnue par l'Indonésie.
Le Yémen a adhéré à l'initiative
le 27 septembre 2007 mais le pays a affiché son désir de mettre
en oeuvre les principes de la transparence dans les industries extractives
dès mars 2007
1
www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/kz.html
visité le 13 mars 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 76 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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Yaoundé II/Cameroun)
par un décret qui était suivi sur le plan de
l'établissement d'un cadre institutionnel de la mise en oeuvre par un
arrêté du ministre du pétrole et des mines de 2007 qui
mettait sur pied un Conseil National EITI et un secrétariat du
YEITI1. En novembre 1918, le Yémen du nord s'émancipe
de l'empire Ottoman. Il faudra attendre le 30 novembre 1967 pour que le
Yémen du sud accède à son tour à
l'indépendance. Il s'en suivra l'unification des deux pays le 22 mai
1990 qui est retenu comme date d'indépendance du pays. Ce pays large de
527970 kilomètres carrés dispose de larges réserves de
pétroles estimées par la CIA2 à 3 milliards de
barils au 1er janvier 2008 de même que des réserves de gaz naturel
de 478,5 milliards de m3 d'après la même source
à la même période. Il est par ailleurs l'abri d'importants
gisements d'or, de cuivre, de marbre et de nickel.
L'exploration des données et de l'histoire de ces pays
révèle que tous ont été sous la domination
étrangère et ont hérité d'un territoire dont ils
perpétuent l'autorité et la sécurisation. Cette
présentation ne marginalise pas les Etats africains et bien sûr le
Pérou qui est un Etat de l'Amérique latine. Une vingtaine de pays
africains aussi divers et variés que le Cameroun, le Niger et Madagascar
implémentent l'initiative en juillet 2009. Au-delà de l'emprise
territoriale qu'ils ont sur leurs Etats en vertu de l'uti possidetis juris
par lequel ils ont adopté les frontières
héritées de la colonisation, ces Etats ont manifesté
l'expression de leur autoritas, en acceptant d'adhérer à
EITI. Considérant les plus récents adhérents, on a la
République centrafricaine, le Burkina Faso, la Zambie, le Mozambique et
la Tanzanie. La RCA a adhéré à l'initiative le 30
août 2007 et est devenu un pays candidat le 21 novembre 2008 ; c'est un
territoire de 622984 km2 de superficie qui a accédé
à l'indépendance le 13 août 1960. Le pays abrite de l'or,
de l'uranium du diamant et du pétrole. Le tableau ci-après donne
un aperçu des Etats qui mettent en oeuvre EITI, il est évolutif
en raison du caractère dynamique de cette initiative qui est
progressivement rejointe par d'autres Etats.
1www.eitransparency.org/yemen
visité le 09 mars 2009.
2
www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ym.html
visité le 13 mars 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 77 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 1: les Etats mettant en oeuvre l'EITI au 15
février 2010
Pays
|
Date d'adhésion/ de candidature
|
Rapports publiés
|
Statut
|
Afrique
|
Burkina Faso
|
15 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Cameroun
|
17 mars 2005
|
02
|
Candidat
|
Congo
|
Juin2004
|
0
|
Candidat
|
Côte d'Ivoire
|
12 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Gabon
|
Mars 2005
|
03
|
Candidat
|
Ghana
|
Juin 2005
|
02
|
Candidat
|
Guinée1
|
28 décembre 2004
|
01
|
Candidat
|
Guinée Eq.
|
22 février 2008
|
0
|
Candidat
|
Liberia
|
7 mai 2007
|
01
|
Conforme
|
Madagascar
|
22 février 2008
|
0
|
Candidat
|
Mali
|
2e trimestre 2006
|
0
|
Candidat
|
Mauritanie
|
20 septembre 2005
|
02
|
Candidat
|
Mozambique
|
15 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Niger
|
Mars 2005/ 27 août
2007
|
0
|
Candidat
|
Nigeria
|
Février 2004
|
02
|
Candidat
|
RCA
|
30/8/2007 - 21/11/2008
|
0
|
Candidat
|
RDC
|
17 mars 2005
|
0
|
Candidat
|
Sao Tomé
|
22 février 2008
|
0
|
Candidat
|
Sierra Leone
|
22 février 2008
|
0
|
Candidat
|
Tanzanie
|
16 février 2009
|
0
|
Candidat
|
Tchad
|
20 août 2007
|
0
|
Candidat
|
Zambie
|
15 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Asie
|
Afghanistan
|
10 février 2010
|
0
|
Candidat
|
Albanie
|
15 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Azerbaïdjan
|
Juin 2003
|
11
|
Conforme
|
Iraq
|
10 février 2010
|
0
|
Candidat
|
Kazakhstan
|
2005/10 mars 2007
|
02
|
Candidat
|
Kirghizstan
|
30 juin 2004
|
01
|
Candidat
|
Mongolie
|
Décembre 2005
|
02
|
|
Timor Leste
|
22 février 2008
|
1
|
Candidat
|
Yemen
|
27 septembre 2007
|
0
|
Candidat
|
Amérique
|
Pérou
|
14 septembre 2004
|
01
|
Candidat
|
Europe
|
Norvège
|
11 février 2009
|
1
|
Candidat
|
Source : confectionné à partir des
informations révélées par le site de EITI et certains
sites des Etats de mise en oeuvre.
L'intérêt de la présentation panoramique des
Etats africains impliqués dans l'initiative peut aussi résider
dans la manifestation de l'autorité juridique de ces Etats jeunes au
plan du
1 En raison des evènements politiques en
cours au pays à la fin d'année 2009, la Guinée a
sollicité le 19 décembre 2009, une suspension en tant que membre
de l'initiative de transparence des industries extractives qu'elle rejoindra
une fois la tempête passée.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 78 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
droit international car, ayant acquis leurs
indépendances dans la seconde moitié de XXème
siècle. Le déploiement de leur capacité juridique dans
l'initiative conforte la thèse de l'Etat pertinent et récuse
l'argument du déclin. Le voyage au coeur de l'arsenal juridique des
Etats africains dans la mise en oeuvre de l'initiative et
précisément dans la construction d'un cadre légal et
juridique propice à l'implémentation de EITI est le signe d'une
capacité juridique affirmée desdits Etats. Ce n'est donc point le
récital des instruments juridiques mis sur pieds à cet effet qui
est l'objet de l'espace mais, l'affirmation ipso facto de la
statolité des territoires africains évoqués et la
centralité de l'Etat.
Le Cameroun, par la lettre n°05/1702/OF MINEFI /CTS/SP du
1er avril 2005 du ministre de l'économie et des finances,
réaffirmait son adhésion totale aux principes EITI.
Conformémént à cette volonté, le premier ministre
par le décret n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 créait un
comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'initiative de
transparence des industries extractives. L'article 3 dudit décret donne
la composition du comité. Il s'agit d'un corps de 23 membres dont 7
representent le secteur public et parapublic, 6 representent le secteur
privé et 10 viennent de la société civile. En attendant
qu'une loi offre à l'initiative un cadre normatif pérenne au
Cameroun, le décret de 2005 et la décision ministérielle
n°002328/MINEFI/CAB du 15 Septembre 2005 portant création du
secrétariat technique du comité de suivi et de mise en oeuvre des
principes EITI offrent le cadre institutionnel pour l'initiative. La Mauritanie
quant à elle a créé par le décret n° 2006-001
du 13 janvier 2006 un comité national de mise en oeuvre de l'EITI. La
République démocratique du Congo par décret n°05/160
du 18 novembre 2005 a mis sur pied le cadre institutionnel pour la
création et la composition d'un comité national de l'EITI, tandis
qu'au Tchad, la société civile a conçu un projet de
décret qui a été deposé à la
présidence de la République tchadienne et qui amenage un espace
pour la création d'un haut conseil national EITI1. Comme au
niveau supranational, la structure de l'initiative à l'échelle
nationale obéit d'après le Livre Source2
à une composition qui se doit de tenir compte de la pluralité des
provenances sociales des parties prenantes. Le Gabon a bâti son cadre de
mise en oeuvre de l'initiative autour d'un décret et de deux
arrêtés. En effet, par l'arrêté n° 229/MEFBP du
24 février 2005, le ministre de l'Economie des Finances, du Budget et de
la Planification a créé le groupe de travail en indiquant son
fonctionnement et
1 Auparavant, le Tchad avait annoncé sa
volonté de faire partie de l'initiative par une déclaration
publique. Il s'agit de la lettre n°836/PM/CAB/07.
2 Le Livre Source est le document cadre de
l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives. Il informe sur
les détails de l'initiative et les étapes à franchir dans
son implémentation. Il a été rédigé et
publié par le gouvernement britannique à travers le Department
for International Development à Londres en Mars 2005.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
désignant ses membres. Plus tard, en juillet de la
même année, le président Omar Bongo Ondimba a pris un
décret créant un groupe d'intérêt. Le décret
n°000535/PR/MEFBP du 8 juillet 2005 sera complété par
l'arrêté n° 00056/MEFBP qui nomme les membres du groupe
d'intérêt crée par le décret ci-dessus
mentionné. Le Congo voisin adosse son implémentation de
l'initiative sur le décret n° 2006-626 du 11 octobre 2006 qui
crée le comité exécutif EITI/Congo, indique ses
attributions et sa composition. La mise en oeuvre de EITI au Burkina Faso
repose sur le cade bâti autour des décrets n°
2008/810/Pres/PM/MEF/MCE et n° 2008/811/Pres/PM/MEF/MCE du 17
décembre 2008 qui créent le comité de mise en oeuvre et en
nomment les membres. L'Albanie quant à elle fonde sa mise en oeuvre sur
une ordonnance du premier ministre datée du 27 décembre 2008. Il
s'agit de l'ordonnance n° NR156.
Au-delà des similitudes structurelles, l'on peut penser
que la domestication des principes de l'initiative répondra à
l'exigence d'intégration de la réalité de chaque Etat. Au
Nigeria, le Nigeria extractive industries transparency initiative Act
passé le 25 Mai 2007 à l'Assemblée nationale
fédérale et signé trois jours plus tard par le
président Olusegun Obasanjo, offre le cadre normatif de mise en place
des principes EITI1. En son article 6, cette loi donne au
président le pouvoir de constituer un groupe de travail (National
stakeholders working group) chapeauté par un chairman et
formé de 28 membres. Cette structure nationale comprend des individus
issus de la société civile, les représentants des
syndicats du secteur des industries extractives, des experts des industries
extractives et un membre de chacune des six régions
géopolitiques. L'extension infinie de la présentation des
structures étatiques mises en place pour l'implémentation de
l'initiative ne révélera rien d'autre que cet isomorphisme
institutionnel transnational. Il s'agit d'une exigence des principes EITI qui
stipule que le gouvernement procède à la «
dédifférenciation2 ». En effet, la structuration
nationale de l'EITI laisse transparaître le souci d'agglomérer
différents acteurs pour que soit possible la solution pérenne au
déficit de transparence. Cela procède effectivement de la «
dédifférenciation » qui suppose la levée des cloisons
qui jadis séparaient l'Etat de la société.
1 Le Libéria est le second pays ayant
passé une loi pour la mise en oeuvre de EITI. En effet, le vendredi 10
juillet 2009, le Liberia EITI Act a été signé par
la présidente Helen Johnson Sirleaf ; offrant ainsi un cadre juridique
pérenne à la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des
industries extractives au Libéria. La Norvège sera de la partie,
en passant une loi (« Regulation on reporting and reconciliation of
revenue flows from petroleum activity ») qui est entrée en vigueur
le 1er juillet 2008, six mois seulement après son admission
au statut de candidat.
2 Pierre Birnbaum pense que l'Etat s'est bâti
sur la séparation de la classe dirigeante d'avec la
société. Par la dédifférenciation, il entend
l'imbrication des deux composantes, un certain retour à
l'enchevêtrement originel des classes sociales. Voir à ce sujet :
Birnbaum P. « La fin de l'Etat? »Revue française de
science politique, N°6 1986 pp.983.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 80 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
B. La double phénoménologie
régulatrice dans la transparence des industries
extractives
La démonstration de la pertinence de l'Etat comme
acteur qui échappe à la logique du déclin, et donc qui
confirme la pertinence de l'ordre westphalien se fait non seulement par la
cession de son territoire et donc de son autorité sur ledit territoire
dans la mise en oeuvre de l'initiative, mais également par la
régulation des opérations quotidiennes de
l'implémentation. Le potentiel ou mieux, la capacité
régulatrice de l'Etat se lit au double plan actoriel et matériel.
Dès lors que l'on a retenu de la régulation un sens qui donne de
la puissance à l'Etat, il convient de se pencher sur les
éléments factuels de l'initiative qui justifient cet alignement
et confortent ipso facto que l'Etat demeure un acteur pertinent. Il
s'agit donc au travers de deux moments fixés autour de la
régulation actorielle et de la régulation matérielle, de
scruter la capacité régulatrice de l'Etat.
1. De la puissance régulatrice de l'Etat dans la
détermination du comportement
des acteurs dans l'Extractive Industries Transparency
Initiative
Le Livre Source qui constitue le parchemin des
acteurs dans l'entreprise de la transparence dans les industries extractives,
se caractérise par la proéminence de l'acteur Etat au travers du
terme « gouvernement ». En effet, considérant les
étapes de la mise en oeuvre de l'initiative, l'Etat est le seul
responsable de la réussite du processus. Il doit s'assurer que les
quatre conditions qui conduisent au statut de candidat sont
remplies1. Au-delà de cette profusion du terme «
gouvernement » dans le vocabulaire du Livre Source, l'Etat est
réellement investi d'une responsabilité centrale dans le
processus de mise en oeuvre. D'ailleurs, cette interpellation inflationniste du
gouvernement est révélatrice du poids de l'Etat dans
l'initiative. Une vue panoramique de quelques pays permet de saisir la
centralité de l'Etat en tant qu'acteur.
Dans tous les pays candidats à EITI, c'est l'Etat qui a la
charge de fixer le nombre de membres des comités de mise en oeuvre. Il
faut noter que dans la traduction de son autorité,
1 En effet, dès lors qu'un pays donné
a annoncé sa volonté de mettre en oeuvre les principes de
transparence promus par EITI, il lui faut remplir quatre conditions afin de
gagner le statut de candidat. Il faut précisément : par une
déclaration officielle, annoncer sa volonté d'adhérer
à l'initiative, nommer un responsable de la mise en oeuvre qui soit un
haut cadre de l'administration, former un comité de mise en oeuvre qui
intègre les acteurs de la société civile et du secteur des
industries extractives et établir un plan d'action. Ces conditions
remplies, l'Etat peut être déclaré candidat par une
décision du conseil international EITI. Il a donc deux ans pour se
mettre en conformité avec les autres critères qui se lisent au
travers des rapports de conciliation de chiffres des recettes et paiements des
industries extractives. Chaque étape est contrôlée par une
opération de validation.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
une fois qu'il a créé les institutions de la
transparence, après qu'il ait fixé les prérogatives des
structures ainsi créées, il repartit les
représentativités. Le décret n° 2005/2176/PM du 16
juin 2005 qui crée, organise et indique le fonctionnement du
comité de suivi de la mise en oeuvre de l'EITI au Cameroun
précise dans son article 3 que les institutions publiques et
parapubliques seront représentées dans ledit comité par 7
membres, le secteur privé par 6 membres et la société
civile quant à elle aura 10 membres. Un arrêté pris plus
tard, indiquera nommément les membres des institutions publiques et
parapubliques. Pour les deux autres secteurs, les propositions doivent
être validées par le gouvernement. La confirmation des
propositions des autres secteurs ne relève pas de l'automaticité.
En effet, le Congo offre un précédent dans les contentieux de la
transparence avec les cas Mounzeo et Mackosso. Conformément aux
indications du Livre Source, la société civile
congolaise qui avait reconnu l'activisme de ces deux membres les proposa comme
représentants au sein du comité national de mise en oeuvre de
EITI au Congo. Cette proposition de la coalition Publish What You Pay
Congo fut rejetée en mars 2007 car, leur agitation n'était pas du
goût du gouvernement du président Sassou Nguesso1.
L'Etat tient à son autorité en ce qui concerne
la nomination des membres des comités de mise en oeuvre de l'initiative.
L'article 9 du décret n°2006-626 du 11 octobre 2006 portant
création, attributions et composition du comité exécutif
de mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives au
Congo dit : « les membres du comité exécutif sont
nommés par décret sur proposition des différentes
entités qu'ils représentent pour un mandat de deux ans non
renouvelable ». Le même décret dans son article 8 donne
composition de ce comité exécutif tel que : 12
représentants des institutions publiques et parapubliques, 6 pour le
secteur des industries extractives et autant pour la société
civile.
Le 31 juillet 2007, le président Theodoro Obiang Nguema
a nommé « en vertu de l'article 39 de la constitution »,
madame Francisca Tatchoup Belope et monsieur Santiago Nsobega Barreiros
respectivement coordinatrice et coordonnateur adjoint de la commission
nationale de mise en oeuvre de EITI. Le texte de leur nomination dit
expressément « en vertu de l'article 39 » de la constitution
pour marquer la légitimité de ce pouvoir inscrit dans la loi
1 Il faut d'ailleurs signaler au passage que les
conflits autour de la désignation des membres de la
société civile ont donné du retard au processus de mise en
oeuvre au Congo. Le pays a adhéré à l'initiative le 10
Juin 2004 et deux ans plus tard, il n'avait pas encore de plan d'action. Il
faudra attendre le 21 décembre 2007 pour qu'un plan d'action
condensé soit mis sur pied.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
fondamentale1. Dans cet Etat pétrolier, la
participation de la société civile à l'initiative est
règlementée par un décret particulier. En effet, la
commission nationale que préside Francisca Tatchoup Belope est
créée par le décret n° 87/2005 du 4 mai 2005 alors
qu'un autre décret, celui n° 42/2007 du 30 juillet 2007 a
été pris précisément pour réglementer la
participation de la société civile dans l'initiative. Il s'agit
là, d'une expression de l'autorité de l'Etat qui tient à
se faire connaître.
L'Etat ne détient pas seulement en dernière
analyse l'exclusivité du rule-making2 mais il a
aussi prise sur la conduite des acteurs de la transparence. Et en cela,
l'allégation de la gouvernance qui suppose une intégration
participative et responsabilisante des acteurs privés perd de sa
pertinence, tant la gouvernementalité est substituée à la
gouvernance selon la tradition foucaldienne reprise par Jean François
Bayart3. C'est-à-dire que le gouvernement conduit les
conduites, passant d'une logique de conduite de gouvernement à un
gouvernement des conduites.
Le processus de mise en oeuvre de l'initiative a pris du
retard au Congo entre autres raisons, à cause des tensions entre le
gouvernement et la société civile. Alors que l'une des quatre
conditions à la candidature à EITI est la participation de la
société civile, le gouvernement
1 L'article 39 de la constitution de Guinée
Equatoriale énumère les pouvoirs du chef de l'Etat en ces termes
: « Le Président de la République exerce par ailleurs
les pouvoirs suivants : garantit la stricte application de cette loi
fondamentale, le fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de
l'Etat. Convoque et préside le conseil de Ministres. Dicte en conseil de
Ministres les décrets lois dans les termes établis à
l'article 64-i) de cette loi fondamentale. Est le chef suprême des forces
armées nationales et de le sécurité de l'Etat. Le
Président de la République garantit la sécurité de
l'Etat à l'extérieur déclare la guerre et conclut la paix.
Nomme et révoque le Premier Ministre conformément à la
constitution. Ratifie la décision de la chambre des représentants
du peuple au sujet des élections, et de son Président et des
autres membres du bureau conformément à cette loi fondamentale et
au propre règlement intérieur de la Chambre. Nomme et
révoque aux hautes fonctions civiles et militaires. Peut
déléguer au Premier Ministre le pouvoir de nommer les autres
fonctionnaires civiles et Militaires. Négocie et signe les accords et
traités internationaux conformément à la loi fondamentale.
Représente la Guinée Équatoriale dans les relations
internationales, reçoit et accrédite les ambassadeurs et autorise
aux Consuls l'exercice de leurs fonctions. Gratifie des titres, distinctions
honorifiques de " la considération de l'Etat. Exerce le droit de
grâce. Convoque les élections générales
prévues dans cette loi fondamentale. Convoque le
référendum conformément à cette loi fondamentale.
Approuve en conseil de Ministres le plan national de développement.
Dispose du droit de dissolution de la chambre des Représentants du
Peuple, conformément aux dispositions de cette loi fondamentale. Exerce
les autres attributions et prérogatives que lui confère la loi.
»
2 Janice Thomson fait une différence entre
le rule-making et le rule-enforcing. A son avis, même
si les acteurs non-étatiques ont le locus standi dans le
rule-enforcing c'est-à-dire dans l'implémentation d'une
loi, c'est l'Etat qui en tant que garant de la souveraineté
détient le monopole sur l'adoption ou non de cette loi. Si le
rule-enforcing autorise la latéralité, le
rule-making met en relief la verticalité de la loi.
Voir Thomson J.E « State sovereignty in international Relations: Bridging
the gap between theory and empirical research »International Studies
Quarterly (1995)39:213-233.
3 Bayart Jean François (2004) Le
gouvernement du monde ; une critique politique de la mondialisation. Paris
: Fayard. L'on peut également lire Béatrice Hibou qui citant
Bayart, dit : « La gouvernementalité désigne une
configuration ou une séquence historique dont on entend analyser le
gouvernement comme mode de structuration du champ d'action des individus ou des
groupes » Béatrice Hibou (dir.) (1999) La privatisation des
Etats. Paris : Karthala, p. 35
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 83 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
congolais a engagé un bras de fer contre sa
société civile indocile. Le 6 avril 2006, Christian Mounzeo et
Brice Mackosso ont été interpellés, relâchés
dans la nuit puis de nouveau arrêtés le 7 avril, ils passeront
deux semaines en prison, sur ordre du gouvernement qui tenait ainsi à
rappeler qu'il est le maître du jeu de la transparence.
Au Gabon, les péripéties de Marc Ona Ossangui,
coordonnateur de la coalition gabonaise de PCQVP et membre du comité
multipartite chargé de la mise en oeuvre au Gabon de l'Initiative de
Transparence des Industries Extractives, sont par ailleurs
révélatrices de la mainmise de l'Etat sur le destin des acteurs
impliqués dans l'initiative. La Gendarmerie Nationale gabonaise a
tenté d'arrêter mardi 29 juillet 2008 cinq personnes qui
assistaient à une réunion du Front des Organisations de la
Société Civile contre la Pauvreté au Gabon (FOSCPG)
à Libreville. Au nombre des personnes interpellées se trouvait
Marc Ona. Cet épisode est l'un des plus récents car, en janvier
de la même année, 22 ONG ont été suspendues au motif
d'une confusion des genres1. En juin 2008, alors que Marc Ona
Essangui avait obtenu un visa pour se rendre à New York où il
devait prendre part à une réunion sur la gestion des revenus des
industries extractives, il s'est vu interdire l'accès à l'avion
par des éléments de la police gabonaise. Au Niger, les membres de
la société civile impliqués dans le combat pour la
transparence dans les industries extractives font également l'objet
d'intimidations et d'arrestations. L'on peut noter par exemple l'arrestation de
M. Wada Maman le 22 août 2009 à Niamey. Il est le
secrétaire général de l'Association Nigérienne de
Lutte contre la Corruption (ANLC), et membre de la coalition ROTAB/PCQVP/Niger.
Il lui a été reproché d'avoir participé à
une manifestation non autorisée. De même, le 10 août 2009
c'est-à-dire avant l'interpellation de M. Wada, le président du
Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques (FUSAD) et membre
de la coalition ROTAB/PCQVP du Niger a été arrêté
suite à la publication d'une déclaration dénonçant
le régime du président Tandja.
Le survol des pays implémentant l'initiative permet de
faire le constat des contentieux autour de la désignation des membres de
la société civile, contentieux qui illustrent le contrôle
que l'Etat revendique sur l'espace de son autorité. Pendant que dans des
pays tels que l'Azerbaïdjan et le Ghana il n'existe pas de comités
tripartites mais les gouvernements ont
1 En effet, à la suite d'une
conférence de presse tenue le 9 janvier 2008 par une vingtaine
d'associations regroupant les coalitions PWYP, la coalition contre la vie
chère, la coalition contre les dérives sectaires au Gabon et la
plate-forme « Environnement Gabon », le ministre de
l'Intérieur Monsieur André Mba Obame a pris une mesure qui
suspendait lesdites organisations. Rencontré le mercredi 26 mars 2008,
Marc Ona Essangui nous confiait qu'en réalité ces menaces et
intimidations sont justifiées par la vigueur de la société
civile au Gabon.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
pris le soin d'impliquer des représentants de la
société civile, d'autres pays ont de façon statutaire
institutionnalisé la participation de la société civile.
Cependant, l'indépendance et la participation des membres de la
société civile sont remises en cause dixit les membres
de certaines sociétés civiles. Le rapport Un regard sur
l'EITI publié en octobre 2006 par PWYP international et
Revenue Watch Institute (RWI) indique que dans les pays tels que le
Kazakhstan1, le Cameroun, la Mauritanie et la Mongolie, les membres
de la coalition se plaignent de l'interférence des gouvernements dans le
choix des représentants des sociétés civiles.
D'après une déclaration de la coalition camerounaise PWYP portant
sur le rapport de conciliation des chiffres et des volumes au Cameroun pour la
période 2001-2004, la société civile s'est trouvée
de façon répétée devant le fait accompli par un
certain nombre de décisions prises par le gouvernement. Ce qui ne lui a
pas permis de participer pleinement au suivi de l'initiative.
Cette emprise des gouvernements sur les acteurs de la
transparence constitue une des deux facettes de la régulation
étatique de l'initiative. En effet, en plus de l'actorat, l'Etat
régule aussi la matérialité de l'initiative.
2. De la régulation matérielle du processus
de transparence des industries extractives
Il convient de rappeler que la régulation dont il
s'agit ici est le fait de l'Etat qui implémente l'initiative. Il s'agit
de dire que l'Etat de la mise en oeuvre se présente comme un «
acteur séquent ». Après la démonstration de
l'autorité de l'Etat sur le territoire politique, il faut aussi dire sa
souveraineté sur le territoire des politiques. Et dans cette
prérogative, il exerce une double compétence : une
compétence sur les actants et une compétence sur les actes.
L'initiative de transparence des industries extractives est un
espace de démonstration de l'emprise de l'Etat sur les
politiques2. L'ensemble des plans d'actions qui sont une des quatre
conditions pour acquérir le statut de candidat, est le fait des Etats.
Il faut dire que
1 D'après le rapport Un regard sur
l'EITI, un membre de la coalition PWYP au Kazakhstan déclare :
« Certains représentants de la société civile du
conseil national des parties prenantes ont apparemment été
choisis par le ministre de l'Energie...la nomination et l'élection des
représentants n'ont été ni claires, ni transparentes.
Certains des groupes retenus connaissaient mal l'EITI et ne semblent
guère s'y intéresser, au vu de leur absence
répétée aux nombreuses... tout ceci a beaucoup ralenti le
processus ».
2 A ce propos, la présidente du
Libéria Helen Johnson-Sirleaf déclarait lors de la
4ème conférence globale EITI tenue à Doha au
Qatar du 16 au 18 février 2009, que la mise en oeuvre effective de
l'initiative nécessite une réelle volonté politique. Il
n'y a que l'Etat qui peut générer cette volonté politique
et en assurer la matérialisation.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'administrateur1 désigné par l'Etat
pour conduire les opérations de transparence, est en charge du suivi de
la mise en oeuvre et donc, il lui incombe la tâche de préparer les
plans d'actions qu'il pourra présenter aux autres acteurs pour
validation2.
C'est aussi l'Etat qui, par l'administrateur qu'il a choisi,
recrute le cabinet d'experts pour la conciliation des chiffres et des volumes.
Ainsi, le cabinet Crane White & Associates a été
recruté par le gouvernement de Mongolie pour la production des rapports
de conciliation. Le Nigeria et le Cameroun ont jeté leur dévolu
sur le cabinet Hart Group, même si le Cameroun a trouvé
intéressant de recruter un second cabinet (Mazars) pour
l'associer au premier. La Mauritanie, l'Azerbaïdjan et le Gabon ont
recruté le cabinet parisien Ernst & Young alors que le
Ghana a confié ses opérations de conciliation à Boas
& Associates. L'on notera au passage la filiation anglo-saxone de ces
cabinets qui traduisent peut-être ainsi une mode de gestion et une
dynamique impulsée depuis l'hégémon actuel, la
suprématie de la culture anglo-saxonne qui se déploie par ses
modes consacrés de gestion des Etats.
Le financement des opérations de transparence est une
autre expression de la régulation étatique. D'après le
rapport annuel du Multi-Donor Trust Fund(MDTF) committee of management
rendu public en mai 2008, il est dit que le Cameroun et le Ghana ont couvert
les frais liés à la production de leurs rapports de conciliation
des chiffres. Le Gabon et l'Azerbaïdjan ont pris en charge, toutes les
dépenses qu'impliquait la mise en oeuvre de l'initiative. La Mauritanie
quant à elle a couvert les frais du secrétariat local et quelques
autres activités telles que les séminaires et les ateliers. Le
Timor-Leste a alloué un budget au fonctionnement du secrétariat
EITI mais également pour le renforcement des capacités des
1 La désignation de l'administrateur est un
pouvoir exclusif de l'Etat. Il est même précisé qu'il doit
s'agir d'une haute personnalité pour qu'elle ait une autorité
suffisante sur le comité. Ainsi, le Cameroun a désigné M.
Alfred Bagueka Assobo comme président du comité de mise en
oeuvre, le Gabon a désigné M. Fidèle Ntsissi un directeur
du cabinet du président de la république gabonaise, le Congo a
désigné M. Michel Okoko un conseiller du ministre congolais de
l'économie, des finances et du budget. La RDC a nommé M.
Jean Pierre Muteba Luhunga, la Mauritanie a nommé M. Mohammed
Ould Nany, la Guinée Equatoriale a mis à la tête de la
commission nationale de mise en oeuvre Mme Francisca Tatchoup Belope. Au Niger,
c'est M. Abdoul Aziz Askia qui pilote la mise en oeuvre, tandis que la
Guinée a confié sa mise en oeuvre à M. Mamadou Dabry, la
Côte d'Ivoire à M. Koffi N'dri, la Norvège a
désigné M. Lars Erik, la Zambie a nommé M. Likolo
Ndalamei. En RCA la mise en oeuvre de EITI est conduite par M. Robert
Moidokana. En Mongolie, M. Sh. Tsolmon conduit les opérations de mise en
oeuvre de EITI, Aset Magauov en est responsable au Kazakhstan, M. Harifidy
Janset Ramilison à Madagascar, M. Togola au Mali et M. Kairat Djumaliev
au Kirghizstan etc.. Tous sont des hauts cadres dans les administrations
respectives de leurs pays.
2 A propos de cette validation par les autres
acteurs de l'initiative, les représentants de la société
civile au Cameroun et au Gabon notamment, se plaignent de ce que la plupart des
documents qui nécessitent une validation par eux, leur sont
présentés non pas deux semaines avant la réunion pour
qu'ils aient le temps de s'en imprégner, mais en général
le jour même de la réunion. Ceci a pour conséquence, de le
empêcher de prendre connaissance au fond des documents. Il s'agit
pensent-ils, d'une stratégie du fait accompli qui vise à minorer
les risques de rejet du document.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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acteurs. Le Nigeria et la RDC ont prévu des couloirs
budgétaires pour supporter les dépenses liées aux plans
d'actions. Par ailleurs, tous les pays ont assumé des dépenses
relatives au renforcement des capacités des acteurs impliqués
dans la transparence des industries extractives. La plupart des plans d'actions
cependant, quand ils sont budgétisés comme c'est le cas pour le
Libéria, ne disent pas quel est l'apport de l'Etat. L'on fait le constat
que les pays misent très souvent sur l'appui extérieur provenant
notamment de la Banque Mondiale. Dans sa lettre n° 552/ MINEFI/CAB/CT2
adressée au représentant résident de la Banque Mondiale
à Yaoundé en 2005, M. Polycarpe Abah Abah alors ministre de
l'économie et des finances de la République du Cameroun a joint
une copie du projet de plan d'action budgétisé. La rubrique
concernant la provenance des financements indiquait systématiquement la
Banque comme pourvoyeuse escomptée des fonds.
L'Etat est à notre sens un acteur dont la pertinence et
la centralité dans l'initiative de transparence des industries
extractives battent en brèche les thèses du déclinisme.
Cependant, nous n'avons jusque-là examiné que l'Etat
théâtre de l'implémentation. Il convient dès lors de
se pencher sur une autre catégorie d'Etat à l'oeuvre à
savoir l'Etat-soutien à l'initiative. Dès lors qu'on a
postulé au début de cette étude que le nominalisme est
à proscrire quand on traite de l'Etat, pareille démarche prend
sens.
Paragraphe II : L'incursion démocratique des
Etats-soutien dans les espaces de la
mise en oeuvre: participation et respect de la norme au
centre d'une interférence
Une fois que l'on a rendu compte de l'importance de l'acteur
Etat dans la structuration du jeu international, en le peignant comme un acteur
solitaire mais surtout sous l'angle de l'acteur récepteur de la norme,
il demeure que la catégorie Etat n'est pas cernée dans sa
totalité. En effet, sans nécessairement souscrire au
schéma marxiste qui impose une lecture centre-périphérie
de la scène internationale, force est de noter que comme deux outres
symétriques sur l'épaule du porteur, les Etats de la mise en
oeuvre et ceux qui soutiennent l'initiative se renvoient l'image et dramatisent
une disparité dans l'appréhension du phénomène
Etat. Le but de cet espace étant de démontrer l'impertinence des
thèses déclinistes, nous pensons que l'Etat parce qu'il soutient
les opérations de la mise en oeuvre de l'initiative dans des espaces
lointains, permet de par son activité qui participe de la promotion de
l'Etat, d'affirmer sa centralité. Il s'agit de penser que par la
promotion de la participation comme fondement important de la démocratie
et au travers de la promotion de la norme de la transparence, l'Etat-soutien
démontre que l'Etat demeure un acteur central dans les relations
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 87 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Politique présentée à l'Université de
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internationales. Toutefois, l'Etat ne peut pas jouer en
solo la partition de la promotion démocratique. C'est pourquoi
il convient de préciser que cet espace ne se veut pas le lieu d'un
plaidoyer en faveur d'une « illusion héroïque »
confinée sur l'Etat qui serait une sorte de deus ex machina sur
la scène internationale. Il s'agit de penser que l'intervention de
l'Etat-soutien se présente sous les aspects de la promotion de la
participation (A) et de la norme de la transparence (B). Toutes choses par
ailleurs qui échoient à la consolidation de la démocratie.
Mais l'on aura noté au passage le souci de faire graviter la
réflexion autour de l'actorat et de l'essence de l'initiative. La
participation promouvant l'actorat privé et la transparence étant
perçue comme l'illustration matérielle d'une pratique à
réifier.
A. L'impératif de participation : un fondement
inter alia de la démocratie
D'une façon générale, nous
considérons que l'implication de l'Etat développé dans
l'initiative est une entreprise qui relève de l'assistance à la
consolidation démocratique. Le projet de civilisation des peuples en
marge de la conception occidentale n'a pas changé1de nos
jours. Toutefois, ce n'est pas ici le lieu d'une démonstration des
usages géopolitiques de la démocratie2. Il s'agit
juste de penser que la promotion de la norme de la transparence dans les
industries extractives par certaines puissances occidentales s'inscrit dans la
promotion de la démocratie en tant qu'elle est compétition
électorale, respect des libertés individuelles et des droits
civiques mais surtout parce qu'elle est participation, c'est-à-dire
accountability et responsability.
Dès lors qu'on a validé l'hypothèse de la
participation comme un des éléments fondamentaux dans la
perception de la démocratie, une fois qu'on a souscrit au
parallèle que Graciela Ducatenzeiler3 établit entre la
définition de la démocratie et le sens de la consolidation, mais
aussi le sens à assigner à la transition, l'on peut
désormais se pencher sur la réalité de la consolidation
démocratique dans l'initiative, en tant qu'elle est promotion de la
participation. Car, la consolidation devient alors au sens de Leonardo Morlino
« un processus
1 Par le traité de Tordesillas en 1494 fut
formalisé un accord entre l'Espagne et le Portugal sur le partage du
nouveau monde. A y voir de près, ce traité qui s'appuie sur la
bulle papale Inter certera divina du pape Alexandre VI dans le cadre
de ce que les historiens ont appelé donatio alexandro, portait
déjà la croyance à la supériorité de la
civilisation européenne qu'il fallait apporter aux autres peuples du
monde. D'ailleurs, l'exclusion de la France de ces agapes suscita la
colère du roi François 1er qui s'exclama dans une
célèbre boutade : « j'aimerais bien voir le testament d'Adam
qui m'interdit le partage du monde ».
2 Cette perception de la promotion
démocratique sera présentée plus loin dans l'étude,
en s'appuyant sur les points de vue d'auteurs tels que David Slater «
Imperial Geopolitics and the Promise of Democracy » Development and
Change 38(6): 1041-1054 (2007).
3 Ducatenzeiler Graciela « Nouvelles approches
à l'étude de la consolidation démocratique »
Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 8, n°2,
p. 191.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 88 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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par lequel sont établies les structures
démocratiques ainsi que les relations entre le régime politique
et la société civile1 », c'est-à-dire un
processus mais, qui institutionnalisera donc rendra durable la participation de
la société civile. Les moments démocratiques que retient
Mamoudou Gazibo2 sont la transition, la consolidation et la rupture.
Il s'inscrit en cela dans la tradition des comparatistes qui se sont
consacrés à la « transitologie » et à la «
consolidologie ». Toutefois comme eux, il semble penser que seule la
transition démocratique peut être le fruit d'une ingérence
étrangère dans le cadre de ce que Larry Diamond appelle la «
révolution démocratique globale ». Ainsi, pense-t-il que,
« dans un monde où le répertoire institutionnel est
limité, les nouvelles démocraties apprennent des vieilles et les
unes des autres3». La mondialisation de la démocratie
deviendrait donc à ce titre une explication de l'impact externe sur la
démocratie au moment de la transition4.
Nous préconisons la consolidation comme entreprise
possiblement encouragée par l'interférence
extérieure5. A partir de cet instant, l'on peut comprendre
les actions des Etats qui soutiennent l'initiative dans les espaces de son
implémentation. Par l'ironie du sort, les acteurs dont on dit que le
dynamisme entraîne le déclin de l'Etat6 sont
ceux-là même précisément que l'action de l'Etat
implique dans le processus de mise en oeuvre de la transparence des industries
extractives. Si l'on peut penser que les industries extractives en tant que
firmes ont souvent été dans une « transaction collusive
» avec les Etats, il apparaît cependant que l'Etat procède
à l'empowerment de la société civile dans les
aires de la mise en oeuvre. Le soutien des Etats développés
à l'initiative est explicitement conditionné par
1 Morlino Leonardo « Consolidation
démocratique : la théorie de l'ancrage »Revue
internationale de politique comparée, vol. 8 n°2 pp. 247.
2 Gazibo Mamoudou « Le
néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus de
démocratisation » Politique et sociétés,
vol. 21, n°3, pp. 139-160 (2002).
3 Gazibo op. cit. p. 146.
4 Guy Hermet « Un concept et son
opérationnalisation : la transition démocratique en
Amérique latine et dans les anciens pays communistes » Revue
internationale de politique comparée, vol. 1 n°2 (1994) p.
298. Allant dans le même sens, Adam Przeworski prône la diffusion
des modèles démocratiques à partir des vieilles
démocraties. Przeworski A. (1991) Democracy and the market:
political and economic reforms in Eastern Europe and Latin America.
Cambridge: Cambridge University Press p. 98.
5 Nous nous inscrivons dans la lignée des
auteurs tels que Staffan Lindberg. En effet, examinant la consolidation de la
démocratie en Afrique, ce dernier considère que les pressions
internationales ont quelques fois des opportunités de changer
fondamentalement les Etats dans leur processus de consolidation
démocratique. Staffan I. Lindberg « Forms of states, governance,
and Regimes: Reconceptualizing the prospects for democratic consolidation in
Africa» International Political Science Review, vol. 22,
n°2, pp. 173-199 (2001).
6 Josépha Laroche et Susan Strange notamment
considèrent que le dynamisme des acteurs privés est à
l'origine du déclin de l'Etat. Dans cette étude et comme le
révèle cette initiative, c'est l'Etat qui insiste pour que la
triangulaire soit formée, afin de favoriser l'implémentation de
la norme de la transparence. Ce fait est suffisamment éloquent pour
constituer un démenti sérieux des thèses
développées sur le déclin de l'Etat.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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Yaoundé II/Cameroun)
l'implication de la société civile dans une
tripartite1. Cela correspond entre autre à l'orientation de
la politique européenne qui promeut la démocratie par la
participation et donc, tout naturellement exporte ce schéma vers les
terres autres. Si la participation n'est plus effective la démocratie
entre en crise. Telle est la conviction de la politique
européenne2. C'est une architecture politique qui est
expérimentée au sein de l'Union Européenne en tant
qu'ensemble d'Etats et qui trouve sa sociogenèse dans la diplomatie de
certains pays comme le Royaume Uni3. L'idée que les
puissances européennes se font de la démocratie est celle de la
participation de la société civile. Aussi, elles tentent de
donner à l'UE en tant que niveau d'action qu'elles veulent pertinent et
unique, cette structure qui reflète les démocraties nationales.
La régulation européenne en matière d'Organismes
Génétiquement Modifiés (OGM) est un laboratoire
d'observation de cette tendance4. Dès lors, l'on comprend les
stigmatisations et au-delà, les condamnations véhémentes
des Etats-soutien à l'endroit du gouvernement gabonais lorsqu'il a
décidé de suspendre des coalitions d'ONG en janvier 2008. Au
nombre de ces ONG figuraient les membres de la coalition gabonaise
PWYP et cette suspension fut perçue comme une restriction de la
participation ou une tentative de musellement de la société
civile.
1 Le cinquième critère EITI est
précis sur ce point lorsqu'il dit: « La société
civile participe activement à la conception, au suivi et à
l'évaluation de ce processus et apporte sa contribution au débat
». Il faut certainement rappeler qu'aucun des pays de la mise en oeuvre
n'a été l'auteur de la conception de ces critères. Ceux-ci
sont le fruit de certain Etats-soutien.
2 On peut lire à ce propos les travaux de
Köhler-Koch Beate et Finke Barbara « The institutional shaping of
EUsociety relations: a contribution to democracy via participation»
Journal of civil society, Vol.3, N°3, pp.205- 211(2007);
Kohler-Koch, B. & Rittberger, B. (2007) (Eds), Debating the Democratic
Legitimacy of the European Union. Lanham: Rowman & Littlefield.
3 Il faut dire que le virage diplomatique d'abord
des Etats-Unis sous Bill Clinton dans son concept de New Democrats,
ensuite de la Grande Bretagne sous l'impulsion de Tony Blair qui lança
le New Labour en 1997, privilégie l'assistance au
développement par la participation de la société civile.
Il s'est agi de penser que la prévalence de l'opacité dans
certaines régions du globe explique la pérennisation de la
pauvreté et du sousdéveloppement. Aussi faut-il comprendre
l'implication de ces puissances à la tête d'un groupe de
puissances toutes occidentales (Australie, Belgique, Canada, Allemagne, France,
Italie, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède, Royaume-Uni,
Etats-Unis) comme la matérialisation d'une nouvelle diplomatie. Lire
à ce sujet : François Gaulme « Le sursaut africain du New
Labour : principes, promesses et résultats » Afrique
contemporaine, n° 207, automne 2003, pp. 71-97.
4 Dabrowska Patrycja « Civil society
involvement in the EU regulations on GMOs: from the design of a participatory
garden to the growing trees of European public debate » Journal of
civil society, vol. 3, n°3 pp. 287-304 (2007).
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 90 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
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Encadré :
Déclarations de soutien de la Norvège à
l'initiative
La Norvège, par le biais de son programme
Pétrole pour le développement (OfD) et d'un soutien financier
direct de la part du gouvernement norvégien, soutient fortement l'ITIE
en encourageant tous ses pays coopérants à mettre en oeuvre les
principes ITIE. Le programme Pétrole pour le développement est
présent dans vingt-cinq pays et son objectif général est
d'aider les pays en développement, à la demande de ces derniers,
dans leurs efforts pour gérer les ressources de pétrole de
manière à générer une croissance économique
et à promouvoir le bien-être de la population de façon
écologiquement durable. Une transparence et une bonne gouvernance sont
des éléments clés qui doivent être mis en oeuvre
afin de lutter contre « la malédiction des ressources ». Il
existe aussi une coopération pratique plus générale entre
nos deux organisations. Au Ghana et dans la région de l'Afrique de
l'Ouest, le programme Pétrole pour le développement et l'ITIE
soulignent de concert l'importance de la transparence et de la bonne
gouvernance dans le développement d'une politique suffisante. La
Norvège comme l'ITIE étaient représentées au Forum
national 2008 sur le développement du pétrole et du gaz au Ghana.
Ce Forum était organisé par le gouvernement afin d'assurer un
débat ouvert et général sur la manière dont le
Ghana pourrait bénéficier des ressources de pétrole et de
gaz récemment découvertes au large de ses côtes. Sur ce
point, le ministre norvégien du Développement et de
l'Environnement, Erik Solheim, ainsi que le président du conseil
d'administration de l'ITIE, Peter Eigen, et le professeur Humphrey Assisi
Asobie, président d'ITIE Nigeria, étaient des intervenants
clés dans ce forum. Par la suite, une déclaration fut
publiée par les représentants des groupes de la
société civile. Le Forum a rassemblé environ 500
participants représentant des parties prenantes d'horizons divers et a
abordé des questions primordiales relatives aux activités
pétrolières.
|
La stigmatisation des rémanences de l'autoritarisme
dans le comportement de certains dirigeants n'est pas le seul niveau de
promotion de la participation. Considérant en effet ces obstacles
à la participation, l'issue des conflits sociaux qu'ils
génèrent entre les gouvernements et les sociétés
civiles est souvent possible grâce à la médiation des Etats
développés qui soutiennent l'initiative. Ce soutien est soit
direct, soit sous-traité par les ONG du nord qui sont le véhicule
principal de l'aide au développement en direction des Etats de la mise
en oeuvre. La pression des chancelleries occidentales sur le gouvernement
gabonais et le lobbying des ONG auprès de leurs gouvernements en Europe
et aux USA ont abouti à la levée de la suspension des 22 ONG.
Dans cette même logique, l'on peut se rappeler le courrier de cinq
sénateurs1 de la commission Tom Landos des droits de l'homme
adressé le 21 janvier 2009 au président Omar Bongo, pour voler au
secours de Marc Ona Essangui. En effet, en raison des intimidations multiples,
des interdictions de sortie du pays et des interpellations dont a
été victime Marc Ona du fait de son activisme, les membres
ci-dessus cités du Sénat américain ont tenu à
rappeler au gouvernement gabonais ses engagements en tant que candidat EITI,
statut qui l'oblige à faire preuve de tolérance vis-à-vis
des membres de la société civile.
1 Il s'agit de Donald Payne, james P. McGovern, Edward
R. Royce, Barney Frank et Gwen Moore
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Les Etats de la mise en oeuvre récoltent la manne que
draine l'initiative et, l'argument financier joue un rôle
déterminant dans la résolution des contentieux entre les acteurs
de la transparence. En général, le soutien financier des Etats
développés est soit bilatéral, soit canalisé
à travers le Multi Donor Trust Fund. Ainsi, le 31 mars 2008, le
MDTF totalisait 16,94 millions de dollars versés par les donateurs,
contre 13,3 millions de dollars récoltés au 30 septembre 2007. Le
tableau ci-dessous donne quelques traits des financements que l'initiative
octroie aux Etats de la mise en oeuvre à travers son fonds multi
bailleurs.
Tableau 2 : Accords de dons du MDTF au 31 mars
2008
pays
|
N° de don
|
date
|
Montant du don (US$)
|
Montant dépensé (US$)
|
Balance (US$)
|
% dépensé
|
Nigeria
|
TF056072
|
03/28/2008
|
2220000
|
1799000
|
421000
|
81
|
Cameroun
|
TF056698
|
06/30/2008
|
130000
|
127000
|
3000
|
98
|
Mauritanie
|
TF056657
|
06/30/2008
|
240000
|
169000
|
71000
|
70
|
Pérou
|
TF057870
|
06/30/2008
|
300000
|
0
|
300000
|
0
|
Ghana
|
TF057337
|
12/31/2008
|
249000
|
113000
|
136000
|
45
|
Mongolie
|
TF058156
|
12/31/2008
|
304000
|
127000
|
177000
|
42
|
Liberia
|
TF090446
|
06/30/2009
|
400000
|
N/A
|
400000
|
0
|
Guinée
|
TF056637
|
09/20/2009
|
569000
|
206000
|
363000
|
36
|
Yémen
|
TF090446
|
10/31/2010
|
350000
|
N/A
|
350000
|
0
|
total
|
4762000
|
2541 000
|
2221000
|
53
|
Source : Le rapport du Fonds multi donateur d'avril
2008 page 4.
L'on notera par ailleurs que l'assistance offerte par les
Etats qui soutiennent l'initiative donc, la consolidation de la participation,
est en rupture avec ce que font d'autres puissances, la Chine en l'occurrence
qui ne s'encombre pas de la conditionnalité démocratique dans
l'octroi de son assistance1.
La participation est donc un des chantiers du déploiement
du soutien des Etats développés qui sont dans une logique
d'assistance à la consolidation démocratique. En plus de
celle-ci, le
1Lire par exemple: He Wenping, Chibuzo Nwoke, Anna
Erikson et Osita Agbu « Common cause, different approaches: China and
Norway in Nigeria» Research Report 2008-014. Ce rapport met en
lumière la différence d'approche entre le soutien qu'un pays
adhérents à l'EITI (la Norvège) apporte au Nigeria et
l'assistance chinoise en direction du même pays.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 92 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
soutien à l'initiative par les Etats
développés se lit aussi par l'appui à la
matérialisation de la transparence en tant que norme
démocratique.
B. L'expédition normative sur les sites de la mise
en oeuvre de l'initiative de transparence des industries
extractives
La transparence des industries extractives est une norme et en
tant que telle, sa promotion est l'occasion du décryptage de
l'importance et de la pertinence de l'Etat en tant qu'acteur de la scène
internationale. Non pas que les espaces de la mise en oeuvre ne
révèlent pas cet aspect de l'importance de l'Etat mais, il s'agit
d'un choix que de penser illustrer par l'Etat-soutien l'impact de l'acteur
étatique dans la promotion de la transparence comme norme à la
fois régulatrice et constitutive. La transparence des industries
extractives est donc doublement l'occasion de la démonstration de
l'importance de l'Etat. D'abord l'Etat récepteur de la norme, parce
qu'elle prend corps dans un environnement étatique et institutionnel.
Ensuite parce que la norme de la transparence, de même que les lois
anciennes régulatrices des sociétés juive et grecque
furent promues par les législateurs à l'instar de Moïse et
Lycurgue, a besoin d'un leader qui dans les sentiers de la vie sociale, se fait
le pèlerin de la norme. Dans le cas présent, le leader est un
Etat qui travaille à la socialisation de la norme par d'autres Etats.
Par delà les usages géopolitiques et donc rationalistes de la
norme, sa promotion plus précisément sa socialisation, est le
fait de l'investissement de l'Etat1.
La célébration de la transfiguration des acteurs
privés, transfiguration qui aurait eu lieu au Tabor de la
mondialisation, est l'occasion du fait de la transe collective des adeptes de
cette communauté, de l'oubli d'un fait fondateur. En effet, nul ne peut
prétendre à la promotion d'une norme auprès d'un Etat s'il
n'est peu ou prou lié de quelque façon à un Etat. L'on est
d'avis que la transparence des industries extractives est à l'origine un
projet des organisations de la société civile. Mais très
au fait des réalités internationales, ces organisations en
l'occurrence Global Witness et Open Society Institute ont
tôt fait de requérir le soutien des Etats du nord dans le cadre de
la cascade des normes afin que ces Etats leaders agissent sur les Etats mauvais
gestionnaires des revenus des industries extractives. La persuasion est de ce
point de vue une modalité d'action déterminante parce qu'elle
permet de convaincre les Etats
1 En cela, nous prenons appui sur Finnemore et
Sikkink qui dans le cycle de la vie d'une norme, établissent que le
passage de l'émergence d'une norme à sa cascade se
caractérise par son appropriation par un ou plusieurs Etats qui se
chargeront donc de sa socialisation auprès des Etats cibles. Finnemore
M. et Sikkink K. « International norms dynamics and political change
» International Organization, vol. 52, n°4 (automne 1998) p.
896- 897.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
du bien fondé de l'adoption d'une norme1.
Cet argument est discuté par Dionyssis Dimitrakopoulos2. En
effet, ce dernier pense que les auteurs intéressés par la
promotion des normes ont mis une emphase exagérée sur la
persuasion en minorant ce qu'il appelle « action rhétorique »
c'est-à-dire, un usage stratégique des arguments sous le couvert
de la norme3. Encore qu'il est réellement très
difficile de percevoir une démarcation nette entre la persuasion et
l'action rhétorique tant les deux ont pour issue finale, de convaincre
l'Etat cible du bien fondé de la norme en promotion. C'est d'ailleurs
cette stratégie de l'action rhétorique qui est
déployée dans l'initiative, où il existe une inflation
discursive sur la justesse de la transparence qui ouvre les voies au
développement4selon l'école qui crée une
affinité élective entre le développement économique
et la démocratie. Tant il est vrai que, la transparence des industries
extractives participe de la consolidation démocratique5.
Pour contourner la contestation de la conformité selon
l'expression de Antje Wiener, l'une des approches peut-être en plus de la
persuasion et de l'action rhétorique donc de la ruse, les interventions
discursives. Il dit en effet: « social change occurs as a result of
discursive interventions uttered by both norms setters and norms
followers 6» (le changement social
1 Martha Finnemore et Kathryn Sikkink
présentent la persuasion comme le mécanisme principal de la
promotion des normes, en minorant toutes les autres démarches qui
partent de la pression ouverte à la pression larvée. Finnemore M.
et Sikkink K. op. cit. p. 898. Rodger A. Payne parle quant à
lui, de la «communication persuasive»qui jouerait un rôle
déterminant dans la construction et la promotion des normes. Car, il ne
faudrait pas privilégier l'explication de l'adoption d'une norme par la
violence que comporte le coercive compellence i.e, le fait pour un
pays d'adhérer à une norme sous la menace d'un Etat puissant. De
plus, dans un monde où la civilisation des moeurs politiques a fini
d'éradiquer la barbarie inhérente à l'état de
nature hobbesien, les Etats qui se réclament tous de la
démocratie, font de moins en moins de la langue dans les relations
internationales perçues comme des relations intergentes, une
arme de destruction massive. Lire Payne A. Rodger, «Persuasion, frames and
norms construction », European Journal of International
Relations, vol. 7 n°1, pp. 37-61 (2001).
2 Dimitrakopoulos Dionyssis « Norms strategies
and political change: explaining the establishment of the convention on the
future of Europe » European Journal of International Relations,
vol. 14, n°2, pp. 319-342 (2008).
3 C'est dans ce sens qu'il faut percevoir les
discours des Etats qui soutiennent l'initiative quand ils présentent
cette dernière comme une panacée pour les problèmes
africains, quelques fois sans dire le niveau de rentabilité de la
transparence pour leurs économies. Le Canada à ce titre fait une
fois encore exception en déclarant que la transparence des industries va
créer un climat favorable à l'épanouissement de ses
compagnies dans les espaces de leur activité, donc voit la chose en
termes de gagnant-gagnant. Tel n'est pas le cas de certaines puissances comme
la France et la Grande Bretagne qui justifient d'abord la promotion de la
transparence par le souci humanitaire de sortir les pays riches en ressources
mais très obérés de l'ornière.
4 L'on ne relève pas cependant assez que la
transparence est une médaille à deux faces qui expose le pays de
l'implémentation à la fragilité sécuritaire. A ce
propos, les travaux de Roland Robertson sont d'une portée pertinente
dans la mesure où il relève le parallèle qui existe entre
la transparence et la sécurité. Voir Robertson R., «Open
societies, closed minds? Exploring the ubiquity of suspicion and voyeurism
», Globalizations, vol. 4, n° 3 pp. 399-416 (September
2007).
5 Voir par exemple: Jörg Faust «
Democratic's dividend: political order and economic productivity »
World Political Science Review vol.3, issue 2, (2007) p.
1-26.
6 Wiener Antje « contested compliance:
Interventions on the normative structure of world politics » European
Journal of International Relations, vol. 10, n° 2, p. 192, 2004.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 94 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
advient comme un resultat des interventions discursives
prononcées autant par les initiateurs des normes que par les metteurs en
oeuvres de celles-ci).
Par des stratégies multiples, certains Etats
développés se sont constitués en leaders de la norme de la
transparence à la suite de la Grande Bretagne de Tony Blair, pour se
faire les hérauts de la transparence des industries extractives. La
représentation géographique de ces Etats se met en
porte-à-faux de l'argument selon lequel les Etats Unis sont une
puissance souverainiste tandis que l'Europe est une puissance normative qui se
donne pour but de moraliser la mondialisation1. En effet, cette
coalition d'Etats est composée des USA, de la France, de la Grande
Bretagne, de l'Italie, du Canada, de l'Australie, de l'Allemagne, de la
Norvège, de la Suède, la Belgique, les Pays-Bas et l'Espagne.
Dans la promotion de la transparence des industries
extractives, les Etats leaders ont des modus operandi variés.
Le Canada par exemple, a une approche originale qui consiste à chercher
une solution au problème de l'opacité dans les industries
extractives en contraignant ses firmes multinationales du secteur à une
législation qui en fait des compagnies plus investies à l'affect
de la transparence que d'autres. Dans un rapport2 publié par
Save the children en 2005 et qui évaluait les performances de
l'industrie du gaz et du pétrole, il est apparu que Talisman
Energy et TransAtlantic Petroleum qui sont deux firmes
canadiennes détiennent les deux meilleurs scores en matière de
transparence dans les industries extractives. Le Canada a
réitéré le 10 février 2007 par la voix de son
ministre des finances, l'honorable Jim Flaherty son soutien à
l'initiative. Au sortir d'une réunion des ministres des finances et des
gouverneurs des banques centrales du G7, monsieur Flaherty déclarait :
« La responsabilité, la transparence et l'équité
sont les principes de ce partenariat international conçu pour
accroître la divulgation des revenus tirés des ressources dans les
pays en développement. Ce sont des principes que le Canada appuie et
nous avons l'intention de jouer un rôle de chef de file pour que les
citoyens, et non seulement les gouvernements ou les sociétés
étrangères, partagent les fruits de la prospérité
dans ces pays.» Il fut en cela suivi par l'honorable Peter Mackay
ministre des Affaires étrangères et ministre chargé de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique qui disait :
« au cours de l'année écoulée, mon
ministère a consulté des entreprises canadiennes et la
société civile dans le but
1 Voir par exemple Zaki Laïdi « Peut-on
prendre la puissance européenne au sérieux ? Cahiers
européens n° 5/ 2005, 32 pages.
2 « Dépasser la rhétorique, mesurer la
transparence des revenus : les performances des entreprises publiques dans
l'industrie du pétrole et du gaz » rapport de Save the
children, 2005.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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d'améliorer les pratiques socio-environnementales
des sociétés exerçant des activités extractives
à l'étranger. Le nouveau gouvernement du Canada a
été à l'écoute et notre appui favorisera la
transparence et la règle de droit ». L'aide du Canada se
compose d'une contribution de 750.000 $1 au fonds fiduciaire des
donateurs de l'EITI, de même que d'un fonds annuel permanent de 100.000
$. Le Canada a également indiqué qu'il fournira un soutien
technique dans des domaines tels que la gouvernance d'entreprise, de concert
avec d'importantes sociétés minières du
Canada2.
Dans un rapport fait par Paul Bugala pour le compte de
Oxfam America, il apparaît que les Etats-Unis ont des
mécanismes internes de transparence dans les industries extractives mais
en raison des restrictions imposées par exemple par le Federal
Accounting Standart Board, le Freedom of Information Act (FOIA)
qui interdit la levée du secret commercial, ces mécanismes
n'épousent pas entièrement les critères EITI. En
réalité, il s'agit de penser que les USA ne peuvent pas avoir
exactement le même soutien que le Canada sur le plan de la
législation interne relative aux industries extractives. L'on peut
cependant noter que sous le couvert de l'Alien Tort Claim Act de 1789,
les citoyens étrangers peuvent dénoncer et traduire en justice
devant une cour fédérale américaine les multinationales
convaincues de violations de droits de l'homme. C'est ainsi que la famille de
Ken Saro Wiwa a saisi la cour fédérale de New York au sujet des
violations des droits de l'homme commises par le groupe anglonéerlandais
Shell vis-à-vis de certaines populations Ogoni dans le Delta du Niger
dans la décennie 1990, notamment son rôle dans la pendaison de Ken
Saro Wiwa et de ses compagnons Ogoni en 1995. Le Foreign Corrupt Practice
Act du 10 novembre 1998 constitue aussi un cadre règlementaire du
soutien américain à la transparence des industries extractives,
parce qu'il punit les pratiques de corruption des firmes américaines
à l'étranger. Mais de façon concrète, les USA
contribuent pour plus de 500.000 dollars au fonds de donateurs que gère
la Banque Mondiale et, le 5 août à Nairobi au Kenya, la
secrétaire d'Etat américaine Hilary Rodham Clinton a salué
l'adhésion de certains pays africains à EITI, elle a
affirmé : «The solution starts with transparency. A famous
judge in my country once said that sunlight is the best disinfectant, and
there's a lot of sunlight in Africa. African countries are starting to embrace
this view through participation in the Extractive Industries
Transparency
1 Avec cette contribution, le Canada siège donc
au comité de gestion du Fonds multi-bailleurs car, tous les Etats qui
contribuent avec au moins de 500000$ a le droit d'y siéger.
2 Bugala Paul , Transparency begins at home An
Assessment of United States Revenue Transparency and Extractive Industries
Transparency Initiative Requirements, Oxfam America for Publish What You
Pay United States June 2006.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 96 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
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Initiative. Creating a favorable investment climate
requires countries to translate politics into governing» (la solution
commence par la transparence. Un fameux juge de mon pays disait une fois que le
soleil est le meilleur désinfectant, et il y a beaucoup de soleil en
Afrique. Les pays africains commencent à épouser cette opinion
à travers leur participation à l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives. Créant ainsi un climat favorable aux
investissements qui exige que les pays convertissent la politique en
gouvernance). C'est la suite logique d'un soutien de l'administration Obama tel
qu'exprimé plus tôt le 19 mai 2009 notamment par Michael Froman,
mais également par le Sénateur républicain Richard Lugar
de l'Indiana dans une lettre publiée par le New York Time1 du
13 Juin 2009. Dans cette lettre, il présentait EITI comme un des moyens
de lutte contre la corruption en Afrique, et encourageait la vingtaine d'Etats
engagés dans l'initiative à poursuivre leurs efforts. De
même, Alcee L. Hastings représentant démocrate de Floride,
a exprimé son soutien à EITI, en invitant l'administration Obama
à jouer un rôle déterminant pour la réussite de
l'initiative. C'est dire que le soutien des Etats-Unis à l'initiative
transcende les clivages partisans démocrates/républicains.
D'autres puissances telles que la France soutiennent l'initiative et le
président français Nicolas Sarkozy en visite au Niger le 27 mars
2009 a réitéré le soutien de son pays à EITI. La
Suisse a rejoint les rangs des pays soutenant l'initiative le 8 juin 2009. Par
la voix de son secrétaire d'Etat aux affaires économiques, la
confédération helvétique a annoncé son intention de
soutenir la mise en oeuvre de EITI par une participation de 3 millions de
dollars US au fonds multi-bailleurs. Lors de la 36ème
Assemblée Générale des Nations Unies, ces Etats leaders,
de concert avec d'autres Etats théâtres de la mise en
oeuvre2, ont donné à l'initiative un contenu juridique
international en soutenant une résolution sur la transparence dans les
industries extractives. Cela est une globalisation de la norme de la
transparence, c'est-à-dire une rupture avec la conception de Finnemore
et Sikkink qui considèrent que la norme doit être régionale
plutôt que globale3, pour lui permettre de prendre ancrage.
Toutefois, il faudrait lire à travers cette résolution, un souci
d'institutionnalisation dont le but est de vulgariser la transparence des
industries extractives. Le problème que cela pose est celui de
l'érosion du caractère volontaire de l'adhésion aux
principes de l'EITI. En effet, il s'agit d'une initiative volontaire mais
l'existence d'une résolution quoique non contraignante parce que produit
de l'Assemblée
1
http://www.nytimes.com/2009/06/13/opinion/l13africa.html?
r=2, visité le 19 juin 2009.
2 Cette résolution a été
initiée et co-sponsorée par: l'Australie, Azerbaïdjan, la
Belgique, le Canada, le Congo, la France, l'Allemagne, l'Irak, l'Italie, le
Kazakhstan, le Kirghizstan, le Liberia, la Moldavie, les Pays Bas, le Nigeria,
la Norvège, le Pérou, la Sierra Leone, l'Espagne, le Timor-Leste,
la Turquie, le Royaume-Uni et la Yémen
3 Elles disent: « Norms may be regional, for
example but not global » Finnemore et Sikkink op. cit. p. 892.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 97 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
générale, fait penser à une
évolution progressive vers l'impératif de la transparence. Cela
pourrait donc donner raison à ces auteurs déclinistes qui y
trouveraient l'illustration d'un retrait de l'Etat devant les organisations
internationales. A ce propos, la section suivante traite justement de l'Etat
comme acteur pertinent à travers son adhésion à des
groupes régionaux et globaux dans le climat de la postmodernité
politique qui crée d'autres niveaux pertinents d'action, mais qui
n'épuise pas comme nous venons de le voir la pertinence de l'Etat en
tant qu'acteur individuel.
Section 2 : La communautarisation de l'action
étatique pour la transparence des industries extractives : à la
recherche du niveau pertinent de soutien
Cette section vise dans le continuum de la
démonstration de la pertinence de l'acteur étatique, à
restituer le soutien de l'Etat à l'initiative dans le cadre des
organisations intergouvernementales. La présentation des organisations
intergouvernementales qui soutiennent l'initiative se fera donc en deux moments
: il s'agira d'abord d'insister sur le caractère intergouvernemental,
c'est-à-dire « multi-étatique » de chaque organisation,
ensuite de dire le cadre dans lequel s'exprime le soutien de l'organisation
à EITI. Le déferlement des chefs d'Etats des vingt
économies les plus développées de la planète
à Londres dès le 1er avril 2009, a lancé le
signal du sommet du G-20. Première réunion du genre, cette «
réunion des alcooliques anonymes dans un bar à vin » pour
reprendre la phrase de M. Jacques Attali, est censée constituer la
première phase d'une quête de solution à la crise actuelle
qui ébranle l'économie mondiale. Certes le G-20 n'est pas une
organisation internationale institutionnalisée à la
manière du FMI. Mais, l'intérêt de son évocation
dans cet espace qui se veut la tribune de l'apologie de l'Etat, réside
dans la complexité des phénomènes qui instiguent pareille
réunion. La réunion de Londres vise à réguler le
système financier ad majorem securitatem, afin de
prévenir à l'avenir l'avènement d'une crise de cet ordre.
Si la nécessité de réunir autant de puissances,
c'est-à-dire d'aller au-delà du G-8, est en soi le signe de la
pertinence de l'Etat mais de l'Etat dans une posture communautaire, le but de
cette section est de dire que la transparence des industries extractives est
l'occasion de la démonstration de la pertinence de l'Etat en tant
qu'acteur de relations internationales. Et cette pertinence est
manifestée dans l'action des organisations internationales, en tant
qu'elles sont
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Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 98 Yaoundé
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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le fruit de la volonté de mise en commun des Etats pour
solutionner des problèmes complexes mais aussi, de poursuivre des
objectifs communs1.
Le débat qui pendant un certain temps a opposé
John Mearsheimer à Robert O. Keohane au sujet de l'efficience des
institutions internationales qui seraient une « promesse manquée
» d'après le premier et des ordres efficients de la politique
internationale pour le second, est révélateur de l'importance de
ces organisations en tant qu'elles sont rerum c'est-à-dire
dotées de fonctions et selon qu'elles sont rerum novum
c'est-à-dire curiosité du fait de la nouveauté et donc
objet de science. En ignorant l'aspect premier, les réflexions sur la
constitution de ces objets d'analyse dramatisent des acceptions qui sont de
l'ordre du fonctionnalisme ou de
l' « intergouvernementalisme libéral ».
Les Nations Unies et l'Union Européenne ont
été bâties sur deux modèles fonctionnalistes
différents, et qui révèlent en même temps la
diversité des organisations internationales. Lorsque David
Mitrany2, étudiant les causes de l'échec de la SDN en
1943, trouve l'explication dans la volonté d'universaliser des
règles formelles destinées à régir les relations
entre les Etats, il annonce en même temps un modèle
fonctionnaliste qui s'inspire de la biologie et qui confère à
chaque organe une fonction au sein d'un corps. Ce modèle a
présidé à la création des Nations Unies3
en 1945 à San Francisco. Tandis que les néo-fonctionnalistes tels
que Ernst Haas et Léon Lindberg4 ont fait l'apologie d'un
modèle qui intègre les éléments sociopolitiques en
plus de ceux fonctionnels que présentait déjà Mitrany et,
qui laissent entrevoir un spill over (engrenage). Mais à la
différence de Mitrany, Haas et Lindberg étendent la notion de
spill over pour l'émanciper des seules griffes de la technique
afin qu'elle
1 A ce propos, l'on peut lire par exemple Inis L.
Claude Jr. (1956) Swords into powshares : the problems and progress of
international organization, 4th Edition, New York : Random
House. Il s'insurge contre l'idée que les organisations internationales
seraient destinées à supplanter les Etats. D'ailleurs comment
pourrait-il en être ainsi dès lors que les Etats sont des acteurs
et les organisations internationales des scènes où se joue la
politique mondiale, mais une scène construite par les Etats. Cette
scène a vocation à aider les Etats à solutionner des
problèmes communs, à permettre l'atteinte des objectifs communs
de sécurité, de paix et de développement. La charte des
Nations Unies est de ce point de vue révélatrice de cette
ambition d'intégration des solutions.
2 Mitrany David (1943) A working peace
system. Londres: Royal Institute of International Affairs.
3 Il faut noter que dès l'origine le
désir de création d'un organisme au sein duquel les
souverainetés des Etats devaient être préservées
mais qui aurait une effectivité, a irrigué les différentes
initiatives dès 1941 avec la signature de la Charte de l'Atlantique
entre Winston Churchill et Franklin Delano Roosevelt le 26 août 1941. Les
conférences de Dumbarton Oaks qui furent préparatoires de la
future ONU et qui se tinrent d'une part du 21 au 28 septembre 1944 entre les
USA, l'Angleterre et l'URSS et d'autre part du 29 septembre au 07 octobre 1944
entre les USA, l'Angleterre et la Chine, ont obéi à ce même
souci.
4 Lindberg Léon (1963) The political
dynamics of European economic integration. Stanford: Stanford University
Press; Ernst Haas (1958) The uniting of Europe. Londres: Stevens &
Sons.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 99 Yaoundé
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industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
soit aussi politique. Andrew Moravscik1 vient dans
le sillage de l'insertion du politique dans le processus de construction des
espaces d'intégration, relever que les gouvernants n'ont cessé de
contrôler le processus d'intégration européenne par des
calculs rationnels. Pierre de Senarclens et Yohan Ariffin diront de lui :
« Donnant à son approche la dénomination
d' « intergouvernementalisme libéral »,
Moravscik s'attache à montrer que l'intégration résulte de
choix rationnels effectués par les dirigeants nationaux pour soutenir
principalement les intérêts commerciaux des grands producteurs
nationaux »2. Quoiqu'il en soit, l'idée qui semble
ressortir de cette brève odyssée dans les méandres des
théories explicatives du fonctionnement des organisations
internationales, est celle qui les présente comme la juxtaposition des
Etats dans l'optique de l'atteinte des objectifs communs et en raison de la
complexité des faits qui s'opposent à eux.
Le caractère de plus en plus complexe de la
société internationale explique donc le regroupement des Etats.
L'on ne peut par exemple pas envisager l'atteinte de l'objectif de la
sécurité fut-elle intérieure en misant sur les seules
potentialités d'un Etat3. C'est ce qui fait dire à
certains auteurs tels que Bertrand Badie que, la souveraineté est
entrée dans la phase d'obsolescence car, la complexité des
problèmes entraîne l'interpénétration des
systèmes pour leur résolution4. La notion de «
communauté de sécurité » chère à Karl
Deutsch5, quel que soit le type6porte des marques de
cette conscience. Aussi, convient-il de préciser que l'incursion dans le
domaine des organisations internationales dans le cadre de cette section ne
relève
1 Moravscik Andrew (1999) The choice for Europe:
social purpose and state power from Messina to Maastricht. Londres: UCL
Press.
2 De Senarclens et Ariffin (2006) op. cit. p.
174.
3 Ce n'est pas non plus une
célébration de l'utopie de la sécurité globale
telle que dénoncée par Bernard Hours. Hours Bernard « La
production de l'utopie sécuritaire globale : de l'interdépendance
à l'insécurité » in in Bagayoko-Penone et Bernard
Hours (2005) Etats, ONG et production des normes sécuritaires dans
les pays du sud. Paris : l'Harmattan pp. 43-57.
4Badie Bertrand «Sécurité et
nouvelles relations internationales » in Bagayoko-Penone (2005) Etats,
ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du sud.
Paris : l'Harmattan pp. 33-42. Angéla Meyer, considérant le
cas des défis de la sécurité en Afrique, pense que les
réponses ne peuvent être apportées que par la
réussite des processus d'intégration régionale. Mais ce,
à condition que les Etats cessent d'être les seuls acteurs car, la
prise en compte pense-t-elle des acteurs privés comme condition
pertinente de solution des défis de sécurité, rendra plus
efficace et efficiente l'action des régions. Telle est en tout cas sa
pensée concernant l'espace CEMAC/CEEAC. Angéla Meyer «
L'intégration régionale et son influence sur la structure, la
sécurité et la stabilité d'Etats faibles : L'exemple de
quatre Etats centrafricains » Thèse de doctorat soutenue le 13
décembre 2006 à l'IEP de Paris.
5 Voir l'hommage rendu à Karl Deutsch par Dario
Battistella : Battistella D. « L'apport de Karl Deutsch à la
théorie des relations internationales » Revue internationale de
politique comparée, vol. 4, pp. 567-585.
6 Il en existe quatre : la communauté de
sécurité unifiée, la communauté de
sécurité pluraliste, les noncommunautés de
sécurité pluraliste et les non-communautés de
sécurité unifiée. Cette typologie est faite par Deutsch
dans la tradition libérale qui rompt avec la conception belliciste
réaliste des relations internationales. La question qu'il se pose
à l'origine de cette analyse est celle de savoir « comment les
hommes peuvent-ils apprendre à agir ensemble en vue d'éliminer la
guerre comme institution sociale ?». Battistella op. cit.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 100 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
nullement d'une sociologie d'icelles, mais participe de la
démonstration de la pertinence de l'acteur étatique qui se meut
seul ou en groupe. Dans le cadre de la section précédente, l'Etat
est apparu dans la solitude de son actorness alors qu'ici, il est dans
une posture postmoderne de la communautarisation. Souvenons-nous du sens
attribué au postmodernisme dans cette étude. Il obéit
à la vision qu'en ont les cosmopolitistes qui ne prennent plus l'Etat
comme l'unité de base de la vie politique mais plutôt,
considèrent les niveaux régional et global comme niveaux
pertinents d'analyse. Sans aller jusque-là, nous pensons que les
aléas de la postmodernité politique ont rendu digne
d'intérêt l'examen des configurations en scène dans les
organisations internationales. Il ne s'agit donc pas d'étudier
l'initiative comme une organisation internationale, mais de rendre raison de la
pertinence de l'Etat au travers des organisations internationales qui la
soutiennent. Ce soutien transparaît dans deux types d'organisations qui
sont économiques et politiques avant d'être régionales ou
globales.
Paragraphe I : Un soutien groupé des Etats dans
les organisations intergouvernementales économiques
L'intégration économique qui est le fait de la
mondialisation a rendu interconnectés les Etats. La complexité de
l'espace économique et surtout l'interdépendance des
micro-espaces est l'explication du processus intégratif des
organisations économiques. La communauté des buts qui crée
des espaces communautaires de décision et d'action, est également
l'occasion d'éprouver la pertinence de l'acteur étatique,
dès lors que l'on a postulé l'existence des organisations
intergouvernementales en terme non pas de rivalité avec les Etats, mais
comme une intégration en vue d'une action synergique pour les besoins
d'efficience et d'efficacité. Aussi, à l'ère où le
phénomène intégratif s'apparente à un effet de
mode, le fait communautaire se caractérise par son universalité.
Pour des impératifs de forme, la pertinence de l'Etat dans les
regroupements du sud (A) va précéder l'examen des organisations
du monde développé dans leur dramatisation de l'importance du
fait étatique (B).
A. La solidarité des regroupements
économiques du sud vis-à-vis des théâtres
d'implémentation de la transparence des industries
extractives
L'initiative de transparence des industries extractives en
tant qu'espace de mise en oeuvre d'une norme présumée exorciste
des démons de la conflictualité et de la paupérisation,
offre l'occasion de se pencher sur le soutien qu'elle reçoit des banques
du sud, notamment de la
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Banque Africaine de Développement et de la Banque
Asiatique de Développement qui sont dans l'immédiateté
géographique de plusieurs aires de mise en oeuvre.
1. La Banque Africaine de Développement et
l'EITI
La Banque africaine de développement est une
institution bancaire multinationale qui se donne comme objectif le
développement du continent noir1 malgré le
caractère mondial de son équipe dirigeante2. Alors, le
lancement de l'initiative en 2002 correspondant précisément
à ses buts et objectifs pour les pays africains, a trouvé un
écho favorable. L'annonce de l'adhésion de la Banque aux
principes de l'Extractive Industries Transparency Initiative s'est
faite à la veille de la conférence internationale d'Oslo tenue du
16 au 17 octobre 2006. Ceci, au lendemain d'une réunion entre des
représentants du NORAD, de la Banque Mondiale, de l'EITI et de la BAD
à Tunis. A l'ouverture de ladite réunion, madame Zeinab El Bakri
viceprésidente du groupe de la BAD déclarait:
«There is an important role for revenues generated
from oil and gas and other extractive industries in public financing of
economic and social development programmes. Opportunities for many
resource-rich countries in Africa lie in the fact more and more investors are
interested in extractive industries, but which present challenges with regard
to the management of revenues, ensuring accountability and avoiding corruption
on the one hand, while promoting sustainable development in the context of
transparency and fiduciary discipline on the other» (il y a un
rôle important pour les revenus générés par
l'exploitation du pétrole, du gaz et des autres industries extractives
dans le financement public des programmes de développement sociaux et
économiques. Les opportunités pour plusieurs pays riches en
ressources en Afrique reposent sur le fait que de plus en plus d'investisseurs
sont interessés par les industries extractives, mais celles-ci
présentent des défis au regard de la gestion des revenus,
assurant la responsabilité et évitant la corruption d'une part,
pendant qu'elles promeuvent le développement durable dans un contexte de
transparence et de discipline fiduciaire d'autre part).
Le soutien de la BAD à l'initiative se fait dans le
cadre du programme Bonne gouvernance financière (BFG)
de la banque adoptée en novembre 1999. Ce, dans l'optique d'assister
les
1 Avec la Banque asiatique de développement
et la BERD, la BAD constitue la catégorie des institutions
intergouvernementales à vocation régionale. C'est pourquoi elles
sont dans le cadre de EITI des institutions qui ont un engagement
régional alors que le FMI, le groupe de la banque mondiale et la banque
européenne d'investissement (BEI) sont des institutions à
engagement global.
2 Au 28 février 2009, la Banque africaine de
développement compte environ 110 gouverneurs dont 7 qui ont rejoint le
groupe en ce même mois de février (soit : 2 zambiens et les
nationalités suivantes avec chacune un gouverneur ; Uganda, Ghana,
Kenya, Corée et Autriche). Par ailleurs, presque une centaine de
nationalités sont représentées parmi les gouverneurs et
gouverneurs suppléants.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 102 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
pays dans leurs efforts de développement. Reconnaissant
les avancées de l'Afrique en matière de développement et
en imputant celles-ci aux budgets nationaux qui sont de plus en plus le reflet
des priorités économiques des pays, la BAD s'investit à
aider les pays africains dans leurs efforts de transparence budgétaire.
Il s'agit d'un soutien général pour la transparence dans la
gestion des budgets des Etats par :
· La mise en place de procédures budgétaires
transparentes et globales.
· La promotion de la responsabilité, de la
transparence et l'amélioration des contrôles
budgétaires.
De plus, l'action de la BAD vise un renforcement de
l'obligation de rendre compte de la gestion des recettes issues des industries
extractives. Il s'agit là, de l'une des approches de la Banque. En
effet, celle-ci opère dans le cadre du programme Bonne
gouvernance financière en s'appuyant sur six approches
à savoir : (1) le renforcement des systèmes fiscaux africains,
(2)la mise en place des procédures budgétaires transparentes et
globales, (3) la promotion de la responsabilité, de la transparence et
l'amélioration des contrôles budgétaires, (4) le
renforcement de l'obligation de rendre des comptes de la gestion des recettes
issues des industries extractives, (5) le soutien de la décentralisation
fiscale et (6)le renforcement de la gouvernance dans les Etats et les
situations fragiles et la gouvernance au sein de la banque.
Encadré : Déclaration de
soutien de Gabriel NEGATU, directeur du département gouvernance et de
gestion économique et financière à la Banque africaine de
développement à EITI.
La gestion financière publique constitue l'un des
instruments les plus importants pour le renforcement de la capacité des
États en Afrique. Elle renforce la mise en oeuvre saine d'une politique
économique en ayant un rôle influent sur l'allocation et
l'utilisation des ressources publiques. La transparence est une étape
nécessaire mais insuffisante vers une bonne gestion des finances
publiques. Le plan d'action et de direction stratégique de gouvernance
2008-2012 est le guide de la Banque africaine de développement pour
soutenir les efforts des pays membres régionaux pour améliorer la
gouvernance et lutter contre la corruption, et inclut l'ITIE et le
Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs (MAEP). La
transparence dans la déclaration des revenus des industries extractives
est essentielle, de même que l'ensemble de la chaîne de gestion des
ressources des industries extractives. Outre l'ITIE, d'autres initiatives
complémentaires ont vu le jour afin d'améliorer la gouvernance
des industries extractives, y compris l'African Legal Support Facility
et l'initiative de la Banque Mondiale pour soutenir l'ensemble de la
chaîne de gouvernance. Des efforts pour soutenir les réformes
fiscales comprennent des initiatives telles qu'AFRITAC, le Dialogue fiscal
international et le Forum sur l'administration fiscale africain. Des
organisations régionales telles que l'AFROSAI (Organisation africaine
des institutions supérieures de contrôle des finances) supervisent
la mise en oeuvre des normes d'audit internationales. La Banque africaine de
développement apporte son soutien à toutes ces initiatives et
s'efforce de garantir une meilleure coopération et coordination entre
elles.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
L'implication de la banque pour le renforcement de
l'obligation de rendre des comptes de la gestion faite des revenus issus des
industries extractives, qui est l'une des approches de la banque et qui est
directement reliée au soutien qu'elle apporte à l'initiative,
porte sur deux niveaux. Pour les pays qui mettent en oeuvre les principes de
l'EITI, il s'agit de les aider en les dotant des capacités
financières et techniques pour implémenter l'initiative. Le
second niveau consiste à convaincre les pays qui sont dotés de
richesses minières, pétrolières et gazières
d'adhérer aux principes de l'initiative.
2. La Banque Asiatique de Développement dans
l'EITI
La Banque asiatique de développement est une
institution bancaire multilatérale qui oeuvre au développement
des pays de l'Asie. Elle est d'ailleurs la première institution de ce
type à avoir engagé une action particulière en direction
de la gouvernance en 1995. Dès 1998, une politique de lutte contre la
corruption fut adoptée pour renforcer et élargir le travail de la
gouvernance. Et en 1999 la Banque a mis sur pied une stratégie de
réduction de la pauvreté contenue dans un document
intitulé Fighting poverty in Asia and the Pacific : The poverty
reduction strategy. Ce dernier s'appuie sur trois piliers à savoir
:
· La promotion de la croissance économique en faveur
des pauvres,
· La promotion d'un développement inclusif et
· La bonne gouvernance.
Le document cadre dit à ce sujet:»For poverty
reduction, ADB sees the twin pillars of pro-poor development, sustainable
economic growth and social development as the key elements in any framework for
reducing poverty. Successful achievement of either element requires sound
macroeconomic management and good governance, the third
pillar1». Ce cadre global et général de
réduction de la pauvreté comporte la conscience de
l'impératif de la bonne gouvernance. Ainsi, elle en constitue le
troisième pilier dans la mesure où elle facilite la participation
et assure l'utilisation transparente des fonds publics. Le dernier paragraphe
dans l'espace consacré à la bonne gouvernance comme pilier dans
la stratégie de réduction de la pauvreté souligne l'apport
des ONG qui, par le fait de leur expertise et de leur proximité
vis-à-vis des pauvres et des couches défavorisées, sont un
acteur pertinent dans la réussite de l'opération. Au-delà
de cette conscience précoce du rôle des ONG dans les initiatives
de développement, il faut dire que l'attention portée sur ce
document se justifie par le fait qu'il est le cadre dans lequel
s'enchâsse la participation de la Banque à EITI. Ce cadre est
1 Asian Development Bank (1999) Fighting poverty
in Asia and the Pacific : The poverty reduction strategy, p.6
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 104 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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cependant demeuré très général
car, même son renforcement en 2004 par l'ajout de cinq
thématiques1 n'a pas explicitement fait
référence à la transparence, ni aux industries
extractives. Il faudra attendre le lancement du GACAP II2 en juillet
2006 pour que progressivement mais encore de façon très
générale, la responsabilité et l'obligation de rendre des
comptes apparaissent comme un impératif.
La Banque asiatique de développement a donc
apporté son soutien à EITI par l'entremise de madame Ursula
Schaefer-Preuss, vice-présidente de la Banque pour le savoir, la gestion
et le développement durable. Elle déclarait à cette
occasion: «It is widely recognized that while large public sector
revenues from extractive industries hold great potential for economic growth
and poverty reduction, if transparency and accountability are weak, extractive
industries can lead to exacerbation of poverty, corruption, and conflict, ADB's
support of this initiative will help ensure that wealth generated from natural
resources is used to enhance a country's economic development».
Même si cinq pays seulement dans la région que couvre la Banque
mettent en oeuvre l'initiative à savoir l'Azerbaïdjan, le
Kazakhstan, la République Kirghize, la Mongolie et la Timor Leste, force
est de noter que le tout premier pays à avoir atteint la
conformité est l'Azerbaïdjan, un pays de la zone d'opération
de la Banque.
Encadré :
Déclaration de Ursula Schaefer-Preuss vice-présidente
de la Banque asiatique de développement au sujet de
EITI.
La Banque européenne d'investissement et la Banque
asiatique de développement ont rejoint en
2008 la liste des organisations soutenant l'ITIE. «
Il est de notoriété publique que, bien que les importants revenus
du secteur public générés par les industries extractives
détiennent le potentiel significatif d'augmenter la croissance
économique et de réduire la pauvreté, si la transparence
et la responsabilité sont faibles, les industries extractives peuvent
entraîner une exacerbation de la pauvreté, de la corruption et des
conflits... Le soutien apporté par la Banque asiatique de
développement à cette initiative contribuera à garantir
que la richesse générée par les ressources naturelles est
utilisée pour renforcer le développement économique d'un
pays. »
|
|
1 Ces thématiques sont :
l'égalité des genres, la durabilité environnementale, le
développement du secteur privé, la coopération
régionale et le développement des capacités.
2 Second Governance and Anticorruption Action
Plan, le GACAP II a été lancé en 2006 à la suite
d'une revue conduite par la Banque asiatique de développement en 2005.
Il vise l'amélioration de la performance de la Banque dans la mise en
oeuvre des politiques de gouvernance et de lutte contre la corruption dans les
secteurs et sous-secteurs d'activité de la Banque. Il est
detaillé dans: Asian Development Bank Second Governance and
Anticorruption Action Plan (GACAP II), Final Report, July 2006.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 105 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
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B. Le monde développé et son soutien
communautarisé à l'EITI : La modalité
économique
L'engagement des Etats du monde développé
regroupés au sein des organisations intergouvernementales
économiques sera lu par la participation de deux banques
européennes et des institutions de Bretton Woods. Les premières,
quoique comportant un engagement régional pour le cas de la BERD,
partagent avec les secondes l'implantation géographique dans ce que les
marxistes appellent le « centre ».
1. L'implication des banques européennes dans
l'Extractive Industries
Transparency Initiative : le cas de la BERD et de la
BEI
Deux banques européennes sont engagées à
soutenir l'initiative. Il s'agit de la Banque Européenne pour la
Reconstruction et le Développement (BERD) et la Banque Européenne
d'Investissement (BEI).
a) La Banque Européenne pour la Reconstruction et
le Développement et l'Initiative de transparence des industries
extractives
La BERD consacre à l'EITI un engagement
régional car, sa mission première consiste à oeuvrer pour
l'ouverture des pays de l'Europe centrale et orientale en plus de la Mongolie,
à l'économie de marché. Il faut noter que ces pays qui
font partie de l'ancien giron communiste, ne disposent guère des
structures et infrastructures compatibles pour un échange avec l'Europe
occidentale au sortir de la balkanisation de l'URSS. Aussi, la BERD est-elle
créée à Paris suite à l'Accord du 29 mai 1990 qui
entra en vigueur le 28 mars 1991 c'est-à-dire dans les temps qui ont
précédé la perestroïka1.
L'article 3 de l'Accord portant création de la BERD dit
dans ses alinéas 1 et 2 :
« La qualité de membre peut être
accordée : aux pays européens et aux pays noneuropéens qui
sont membres du Fonds Monétaire International ; et à la
Communauté économique européenne et à la Banque
européenne d'investissement. Les pays à qui la qualité de
membre peut être accordée conformément au paragraphe 1 du
présent article, mais qui ne le deviennent pas conformément
à l'article 61 du présent Accord, peuvent être
admis
1 L'on peut penser que la Perestroïka en tant
que processus de refondation de l'URSS a débuté avec la signature
des accords de Belovez en décembre 1991 créant la CEI et la
démission de Mikhaïl Gorbatchev du poste de président de
l'URSS qui cessa d'exister le 25 décembre 1991. C'est l'avis de
Anaïs Marin « Saint-Pétersbourg, ville-frontière
d'Europe. Extraversion, paradiplomatie et influence de la « capitale du
Nord »sur la politique étrangère de la
fédération de Russie » Thèse de doctorat soutenue le
1er décembre 2006 à l'IEP de Paris. p.22-23
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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comme membres, selon des conditions et modalités
que la Banque peut déterminer, par décision expresse des deux
tiers au moins du nombre des gouverneurs, représentant au moins les
trois quarts du nombre total des voix attribuées aux membres
».
C'est dire que, le membership est exclusivement
étatique et donc, le soutien de cette institution à l'initiative
est celui d'un ensemble d'Etats. Voilà qui invalide la thèse du
déclin de l'Etat alors que son existence solitaire ou en groupe est la
condition sine qua non pour le fonctionnement des initiatives qui
comme EITI, concourent à la résolution des problèmes
complexes de ces temps.
La corruption et la fraude sont deux fléaux qui
empoisonnent le climat de l'investissement. C'est pourquoi la transparence est
au coeur du mandat de la banque en tant qu'élément de la
démocratie pluraliste et de marché qu'elle promeut dans cet
ancien giron communiste1. La BERD et EITI ont donc en partage la
valeur et le souci de la transparence. En s'engageant à travailler avec
EITI, cette banque encourage les pays de sa zone d'opération2
à adopter les principes EITI. Elle s'est engagée notamment
à :
· S'impliquer activement dans le processus des
consultations d'EITI y compris en faisant des propositions dans le
développement des mécanismes techniques de reporting.
· Promouvoir la transparence dans les rapports des
revenus, de même qu'une transparence accrue sur les plans financiers et
organisationnels en se servant du guide EITI comme modèle pour une plus
grande transparence.
· Travailler en coopération avec d'autres
institutions financières internationales et les institutions
financières privées pour promouvoir les initiatives de
transparence et de gouvernance dans la communauté financière.
· Aider au renforcement des capacités dans les pays
d'opération afin de les aider à implémenter les
critères EITI.
1 L'article premier de l'Accord portant
création de la BERD dit d'ailleurs à ce sujet : «
L'objet de la Banque est,
en contribuant au progrès et à
la reconstruction économiques des pays d'Europe centrale et orientale
quis'engagent à respecter et mettent en pratique les
principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de
l'économie de marché, de favoriser la
transition de leurs économies vers des économies de
marché, et d'y promouvoir l'initiative privée et l'esprit
d'entreprise. L'objet de la Banque peut également être mis en
oeuvre en Mongolie sous les mêmes conditions. En conséquence,
toute référence dans le présent Accord et dans ses annexes
aux « pays d'Europe centrale et orientale », à un ou plusieurs
« pays bénéficiaires » ou aux « pays membres
bénéficiaires » s'applique également à la
Mongolie ».
2 Les pays mettant en oeuvre les principes de
l'initiative et qui sont dans sa zone d'action sont : l'Azerbaïdjan, le
Kazakhstan, le Kirghizstan et la Mongolie
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Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 107 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
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b) Le soutien du groupe de la Banque Européenne
d'Investissement à l'EITI
La deuxième banque d'Europe qui soutient l'initiative
est la Banque Européenne d'Investissement (BEI). C'est une institution
dont l'engagement y est à la fois global et régional. Global
parce qu'elle mène des activités dans le monde entier et donc,
peut avoir une influence effective dans tous les pays dans lesquels elle
finance des projets de développement. Ensuite régional parce
qu'elle est active dans plusieurs régions du globe où elle peut
donc peser de tout son poids dans l'adoption des principes EITI par les Etats
qui sollicitent son appui.
Le groupe BEI est l'organisation financière de l'Union
européenne. Il est constitué par la BEI, qui octroie des
prêts directs ou indirects et le FEI (Fonds Européen
d'Investissement) qui aide les entreprises innovantes par des activités
de capital-risque ou de garanties. Ils agissent dans le but de favoriser la
réalisation des objectifs fondamentaux et prioritaires de l'Union
européenne. Et donc, sont en quelque sorte la composante
financière de l'UE dont ils appliquent les normes.
Ayant fait le constat des conséquences d'une gestion
médiocre des affaires publiques par l'impact de la corruption et
l'absence de transparence, le groupe de la BEI qui oeuvre à la poursuite
de l'éradication de la pauvreté en tant qu'objectif premier du
millénaire pour le développement, soutient l'initiative qui vise
à donner corps à la transparence. Ainsi, en rejoignant la liste
des organisations qui soutiennent EITI en 2008, il s'est engagé à
appuyer les travaux de l'initiative dans les pays riches en ressources
extractives dans lesquels il intervient. De plus, il promeut l'initiative dans
le cadre de ses relations avec les Etats et les autorités nationales en
les encourageant à adopter les principes de l'initiative. Enfin, il
soutient les activités du secrétariat international EITI qui est
basé à Oslo. La BEI s'est engagée à promouvoir un
niveau élevé de transparence et la bonne gouvernance dans le
cadre de tous les projets qu'elle finance. En soutenant les objectifs de
l'EITI, elle réaffirme la déclaration sur la promotion de la
gouvernance d'entreprise qu'elle a signée avec d'autres institutions de
financement du développement, et confirme l'orientation de sa politique
dans le domaine de la lutte contre la fraude et la corruption.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Encadré : A
propos du soutien de la BEI à l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives
Des industries extractives correctement gérées
peuvent apporter une contribution significative au développement
économique et à la création d'emplois. La BEI est
convaincue qu'une meilleure transparence et une plus grande
responsabilité dans les industries extractives constituent des
éléments essentiels pour renforcer le développement
économique, réduire la pauvreté et assurer une plus grande
stabilité politique dans les pays riches en ressources naturelles... La
BEI apportera son soutien au travail de l'ITIE dans les pays riches en
ressources dans lesquels la banque est présente, en travaillant avec ses
sponsors de projet pour introduire une plus grande transparence et
cohérence dans la déclaration de l'information financière
au niveau du projet. En même temps, la BEI promouvra l'initiative
grâce à ses contacts avec les gouvernements et les
autorités nationales et encouragera ces derniers à adopter les
principes de l'ITIE quant à la déclaration de l'information
financière et à la publication des revenus issus des industries
extractives. La BEI soutiendra aussi activement le travail du
Secrétariat ITIE International dont le siège se trouve à
Oslo.
BANQUE EUROPÉENNE
D'INVESTISSEMENT
|
|
En plus de ces institutions intergouvernementales
européennes au sein desquelles les Etats font la démonstration de
la pertinence de leur actorat, il y a les institutions de Bretton Woods qui
relèvent aussi dans notre taxonomie des regroupements du monde
développé.
2. Les institutions de Bretton Woods et la transparence
des industries extractives
L'engagement de l'Etat dans l'initiative se lit
également au travers des institutions de Bretton Woods. Organismes
intergouvernementaux ayant vu le jour lors de la conférence tenue
près de Washington en 1944, le Fonds Monétaire International et
le Groupe de la Banque Mondiale poursuivent des objectifs de
développement dans le monde. Leur appui à la transparence dans
les industries extractives n'épouse pas le même schéma,
autrement dit leur parenté s'arrête à la lisière de
la communauté de leur sociogenèse.
a) L'initiative de transparence des industries
extractives dans la politique de transparence du Fonds Monétaire
International
L'antériorité du FMI par rapport à
l'initiative n'est pas uniquement de l'ordre du surgissement historique mais
également dans le domaine des initiatives de promotion de la
transparence même si ces dernières sont de portée plus
générale.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
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Fondé pour prévenir le retour aux politiques
économiques désastreuses qui ont conduit à la grande
dépression des années 1930, le FMI est une institution regroupant
185 Etats membres avec environ 2635 employés originaires de 143 pays
différents1. De nos jours, il a pour objectif de promouvoir
la coopération monétaire internationale, de faciliter l'expansion
et la croissance équilibrée du commerce mondial, de promouvoir la
stabilité des changes et de mettre ses ressources à la
disposition des pays confrontés à des difficultés de
balance de paiement2.
Le FMI entretient avec les pays riches en ressources
naturelles un dialogue autour des défis macroéconomiques auxquels
ils font face, à savoir la volatilité des prix internationaux et
la vulnérabilité fiscale que cela comporte ; le syndrome
hollandais ; l'équité intergénérationnelle
etc...Elle renforce aussi les institutions publiques car la faiblesse de
celles-ci entraîne une mauvaise gouvernance qui à son tour
explique largement l'absence de croissance. Pour tous ces défis, la
transparence semble être la panacée.
Le fonds a développé des instruments pour la
promotion de la transparence dans la gestion des économies en
général notamment, un standard pour améliorer la
disponibilité des statistiques compréhensibles et
up-to-date, des codes et manuels d'accompagnement sur la politique de
transparence des politiques monétaires, fiscales et financières.
A cet ensemble, vient s'ajouter un guide sur la transparence des revenus
des ressources naturelles. C'est dans la lignée de ce guide que se
situe l'engagement du fonds à EITI. En effet, ce guide est un espace
réduit d'un cadre plus large, le code de bonnes pratiques sur la
transparence fiscale adopté en 2005. Le guide sur la transparence
des revenus des ressources vise l'implémentation du code des bonnes
pratiques sur la transparence fiscale mais uniquement dans les pays
dotés de ressources naturelles qui font face aux problèmes de
gestion de leurs revenus. C'est précisément ce secteur que cible
EITI c'est pourquoi le Fonds considère que l'approche de l'initiative
est complémentaire de la sienne. Ainsi, le 17 mars 2005, M. Takatoshi
Kato directeur adjoint du FMI a déclaré le soutien du Fonds
à l'initiative lors de la conférence internationale de
Londres.
1 D'après le site du FMI
www.imf.org visité le 23 mars
2009.
2 C'est ainsi que, les difficultés de la
crise financière qui est née aux USA en été 2007
laissant présager des mauvaises années pour les pays pauvres, M.
Dominique Strauss-Kahn directeur du FMI a obtenu du sommet du G-20 tenu
à Londres du 1er au 2 avril 2009 que les Etats
développés versent 1100 milliards de dollars US à
l'institution dont il a la charge afin de soutenir les économies
fragiles qui seront davantage fragilisées par cette crise.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
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Le guide sur la transparence en tant qu'espace structurel de
soutien du Fonds à l'initiative, s'appuie sur une définition de
la transparence qui prend en compte quatre variables. Selon ce guide, la
transparence s'articule autour de :
· La clarté des rôles et des
responsabilités
· La publicité des informations relatives aux
finances
· L'ouverture de la préparation, de
l'exécution et des rapports des budgets
· L'assurance de l'intégrité.
Parmi ces quatre critères, le second à savoir
la publication des informations relatives aux finances est le cadre dans lequel
s'enchâsse le soutien du Fonds à l'initiative. C'est pourquoi le
FMI encourage les pays à prendre part à l'initiative, encourage
les pays candidats dans leur implémentation des principes EITI. A un
niveau plus global, le FMI travaille en collaboration avec le DFID et la Banque
Mondiale pour étendre la liste des candidats à l'initiative.
b) Le groupe de la Banque Mondiale et l'initiative de
transparence des industries extractives
Le Groupe de la Banque Mondiale est une des organisations
intergouvernementales les plus importantes de la transparence des industries
extractives, de par le rôle qu'il joue dans l'initiative mais
également pour son implication dans les projets d'exploitation des
industries extractives qu'il veut transparentes depuis que les organisations de
la société civile sont entrées en croisade contre son
soutien à des régimes autoritaires et à des projets
dévastateurs de l'environnement1. Le caractère
intergouvernemental ne souffre plus d'aucun doute puisque ce groupe
composé de cinq organismes, est largement représentatif des
nationalités du monde dans leur pluralité et leur
diversité2.
1 Voir par exemple: Pegg S. « Poverty
reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive
industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003;
Oxfam international, BIC, Campagna per la riforma della banca
mondiale «The World Bank group's mining operations; Tarnished gold:
Mining and the unmet promise of development», September 2006; Gary I.
& Karl T.L. « Bottom of barrel: African oil boom and the poor
»CRS: rapport de Juin 2003.
2 En effet, le groupe de la Banque Mondiale est
composé de la BIRD (Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement) qui a 185 pays membres, la SFI (Société
Financière Internationale) avec 181 Etats membres, de l'Agence
Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI) qui dispose de 173
Etats membres, du Centre International de Règlement des
Différents relatifs aux investissements (CIRDI) qui a 143 pays membres
et de l'IDA avec ses 168 membres. Voir le site
www.worldbank.org.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 111 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
En plus d'être un acteur déterminant dans les
projets d'exploitation des industries extractives par le biais de la SFI qui
finance directement certains projets dans le monde1, le groupe BM
possède une expérience dans les efforts de transparence dans ce
secteur d'activité, notamment avec la Revue des Industries Extractives
et son implication dans le projet pétrole TchadCameroun2.
Le lancement en juillet 2001 de la Revue des Industries
Extractives par le groupe de la banque mondiale était la
réalisation d'une promesse de M. James Wolfensohn faite aux
organisations de la société civile. En effet, lors de
l'assemblée générale de la BM tenue à Prague en
juin 2000, les OSC ont exprimé leurs doutes quant à la
possibilité pour la BM de lutter efficacement contre la pauvreté
avec sa participation dans les projets d'exploitation des industries
extractives. Il leur promit donc de réétudier le rôle de la
banque. La problématique du développement durable fut au centre
de cette revue qui devait réunir dans une triangulaire composée
des Etats, des industries extractives et des organisations de la
société civile autour de la question du développement par
le biais de l'exploitation minière, gazière et
pétrolière. La Revue posa donc l'impératif du
développement durable comme objectif à atteindre, à trois
conditions principales :
· Observer une gouvernance publique et industrielle
favorable aux pauvres, incluant une planification et une gestion proactives
destinées à optimiser la réduction de la pauvreté
grâce au développement durable ;
· Conduire des politiques sociales et environnementales
beaucoup plus efficaces ; et
· Promouvoir le respect des droits de l'Homme.
1 Le premier investissement de la SFI en Afrique a
été approuvé en 1960 sous forme d'un prêt de 2,8
millions de dollar en Tanzanie. De 1992 à 1999, elle a approuvé
33 projets en Afrique pour plus de 660 millions de dollar dans les industries
extractives. Considérant la décennie 1990-2000, les principaux
pays récipiendaires des financements de la Banque pour les industries
extractives étaient: le Cameroun (534 millions de dollar), le Tchad (491
millions USD), la Tanzanie (402 millions USD), le Nigeria (391 millions USD),
la Zambie (391 millions USD), la Côte d'Ivoire (199 millions USD) et le
Mali (108 millions USD) soit un total de 2.625 millions USD. En juillet 2006,
la Banque a accordé un prêt de 125 millions de dollars à
Newmont Mining Corporation pour extraire de l'or à Ahafo
à 300km d'Accra au Ghana. La même compagnie a reçu en 1993,
100 millions de dollar de la Banque pour l'exploitation de la mine de Cajamarca
au Pérou. Au Kyrgystan ; Kumtor Gold Mine a reçu en
1998, 40millions de dollar de la Banque Mondiale. Voilà quelques projets
financés par la BM au travers de la SFI. Voir Pegg S. « Poverty
reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive
industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003.
2 L'on peut également évoquer son
implication dans la construction de l'oléoduc Bakou-Tbilisi-Ceylan pour
lequel la SFI a déboursé 125 millions de dollars US mais en
raison du défi de la transparence que posait le projet Tchad-Cameroun,
défi rappelé par les organisations de la société
civile tant quant à l'impact sur le développement que sur
l'environnement, nous faisons le choix de n'évoquer que ce dernier.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
D'après ce document du groupe de la Banque mondiale
produit par M. Emil Salim, une gouvernance publique favorable aux pauvres passe
par :
· La promotion de la transparence des flux de revenus ;
· La promotion de la divulgation des documents liés
aux projets ;
· Le développement de la capacité à
gérer la fluctuation des revenus ;
· Le développement de la capacité à
gérer les revenus de manière responsable ;
· L'aide aux gouvernements pour l'élaboration des
cadres réglementaires et politiques modernes ; et
· L'intégration du public dans les processus
décisionnels tant au niveau local que national.
Toutefois, même si la Revue des Industries Extractives
a le mérite d'avoir rapproché la politique de la BM en principe
des Objectifs du Millénaire pour le Développement et l'esprit du
consensus de Monterrey1, les projets financés par la banque
n'ont fait l'objet d'une implémentation de la transparence telle que
voulue par les OSI que dans le cadre de l'EITI2 ce, pour ceux qui
sont localisés dans les pays candidats à l'initiative. Aussi,
lorsque Tony Blair lance l'initiative en 2002, la Banque Mondiale
possède déjà les éléments nécessaires
pour son implémentation et se trouve donc au centre du dispositif en
tant que pourvoyeur de fonds dans les grands projets des industries
extractives.
Le 9 décembre 2003, l'année même du
démarrage effectif de l'initiative, la Banque Mondiale annonce par son
chef du département pétrole, mine et gaz M. Rashad Kaldany
qu'elle lui accorde son soutien total. Il déclarait à cette
occasion:
«We believe this step will both underscore and
expand the leadership role that the Bank Group has had in fostering
transparency, ensuring accountability, and contributing to sustainable
development impact... We have gained more experience in working with companies
and governments on these issues, most recently through the BTC pipeline.
New
1 Le consensus de Monterrey a été
signé à l'issue de la conférence des Nations Unies pour le
financement du développement tenue du 18 au 22 mars 2002 à
Monterrey au Mexique. Les Etats du système des Nations Unies ont
trouvé un consensus autour de six actions prioritaires à savoir :
la mobilisation des financements internes pour le développement, la
mobilisation des financements étrangers pour le développement,
une augmentation de l'usage du financement et de l'expertise internationaux
pour le développement, le commerce international comme moteur du
développement, l'amélioration de la cohérence et de la
consistance des systèmes financiers, monétaires et commerciaux
internationaux dans le soutien au développement et la question de la
dette extérieure.
2 Il faut d'ailleurs signaler que le cas tchadien
est révélateur d'une situation ambiguë. Lorsque le 9
septembre 2008 la BM annonce son retrait du projet d'oléoduc
Tchad-Cameroun, cela fait suite au remboursement par le gouvernement tchadien
de la totalité de sa dette.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 113 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
research in this area has created more momentum in the
international community to focus on these issues...And the Extractive
Industries Review, which is now winding down under the leadership of Dr. Emil
Salim, has very clearly signaled that this is, and will be, a high-priority
issue for our stakeholders in civil society... This is the next evolutionary
step in our role as a neutral broker on these complex issues and we are
prepared to make a long-term commitment» (nous pensons que cette
étape va en même temps sous-influencer et étendre le
rôle du groupe dans l'encouragement de la transparence, assurant la
responsabilité et contribuant à un développement
durable...Nous avons gagné plus d'expérience en travaillant avec
les compagnies et les gouvernements sur ces questions, plus recemment encore
lors de la construction du pipeline reliant Bakou, Tbilisi et Ceylan. Une
nouvelle recherche dans ce domaine a crée plus d'élan au sein de
la communauté internationale qui se penche sur ces questions. Et la
revue des industries extractives qui sous la conduite du Dr Emil Salim tire
à sa fin, a très clairement signalé que cela est et sera
une question de haute priorité pour nos parties prenantes de la
société civile...Ceci est la prochaine étape dans notre
rôle en tant que courtier neutre dans ces questions complexes et nous
sommes préparés pour un engagement à long terme).
Le rôle qu'elle joue dans les projets d'exploitation
des industries extractives la place en position privilégiée pour
rassembler les Etats et les compagnies autour de cette initiative. En effet,
elle est avec le FMI un bailleur de fonds incontournable pour nombre de pays
riches en ressources extractives. De plus, les compagnies engagées dans
de grands projets d'extraction aiment solliciter son capital non pas par
carence de moyens, mais pour s'offrir ainsi une assurance tout-risque contre
les aléas des zones de faible gouvernance. Comme le déclarait
Miles Shaw à Luc Lamprière en 2001 au sujet du projet
d'oléoduc Tchad-Cameroun :
« Nous avons recherché la participation de la
Banque mondiale dans le contexte des risques politiques : le rôle de la
Banque constituait une part de l'effort pour minimiser les risques politiques.
Nous pouvons accepter le risque économique mais l'expertise de la Banque
et ses relations avec le gouvernement endossent le risque politique. Le
gouvernement tchadien a déclaré vouloir participer
financièrement à la TOTCO. Pour cela il a besoin de l'argent de
la Banque. Et cela n'allait qu'avec certaines conditions1
».
1 Luc Lamprière est journaliste et Miles
Shaw était en 2001 un porte-parole de ExxonMobil. Cette
déclaration est citée dans Martin Petry & Naygotimti
Bambé (2005) Le pétrole du Tchad : rêve ou cauchemar
pour les populations ? Paris : Karthala, p.33-34.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 114 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
La Banque se trouve donc à la tête du Multi
Donor Trust Fund qui est l'organe centralisateur des financements de
l'initiative. Elle est omniprésente dans le processus de mise en oeuvre
de l'initiative qu'elle soutient aux niveaux global et régional. Cet
intérêt de la Banque s'explique par la concordance de l'initiative
avec sa stratégie globale de lutte pour la gouvernance et contre la
corruption. Programme qui a d'ailleurs évolué, passant d'un
désintérêt vis-à-vis la chose politique à une
compréhension du caractère inséparable des sphères
économiques et politiques1. Aussi, le soutien de la Banque
mondiale à l'initiative entend-il s'étendre à d'autres
ressources naturelles, c'est le sens de l'initiative renforcée pour
la transparence des industries extractives (EITI++) lancée le 12
avril 2008 par M. Robert Zoellick président du groupe de la Banque
mondiale. Il s'agit de compléter le processus EITI qui s'arrête
à la déclaration et à la publication de recettes et des
paiements des revenus des industries extractives, en prêtant attention
à l'ensemble du processus d'utilisation des revenus mais cette fois-ci,
de toutes les ressources naturelles dont disposent les pays africains au sud du
Sahara2.
En somme, la Banque mondiale est un partenaire
privilégié de l'initiative dont elle soutient presque tous les
niveaux de la mise en oeuvre, en collaborant avec la totalité des pays
candidats mais aussi dans le cadre de l'administration du MDTF et aux
côtés du secrétariat international.
Si la modalité économique est centrale dans le
processus de mise en oeuvre de l'initiative, au travers des institutions
intergouvernementales qui sont engagées dans la mise en oeuvre de
l'ITIE, force est de noter que le politique n'est pas en reste. La pertinence
de l'actorité de l'Etat au travers des regroupements
intergouvernementaux est également validée par les organisations
internationales de type politique.
1 En effet, en 1992 dans son rapport
intitulé « Governance and development », la Banque mondiale
esquivait la question de la forme particulière que devait prendre un
régime politique dans le cadre de la bonne gouvernance, arguant que
cette question se situait « hors du mandat de la banque ». Dans le
rapport de 1997 « l'Etat dans un monde en développement », la
Banque mondiale a effectué une volte-face en intégrant la forme
des régimes politiques car entre temps, le PPTE qui vit le jour en
septembre 1996 comportait une conditionnalité des reformes
institutionnelles.
2 A l'origine EITI++ est destinée à
cette région du monde. Elle reçoit dès l'annonce de son
lancement, le soutien du président de la BAD, du ministre mauritanien du
Pétrole et des Mines, Mohamed El Moktar Ould Mohamed El Hacen, de la
Commission de l'Union africaine, en la personne de son vice-président,
Erastus Mwencha, et de Ousmane Doré, ministre guinéen de
l'Économie, des Finances et du Plan.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Paragraphe II : Les organisations internationales
politiques et la transparence des industrie extractives
Classées en deux types de façon arbitraire, ces
organisations sont engagées dans la mise en oeuvre de l'initiative tant
sur le plan régional que sur le plan global. C'est la seule
considération qui justifie leur catégorisation en un espace qui
privilégie l'affect intrahémisphérique au sud (A) et une
assistance des regroupements globaux (B).
A. L'affect intra-hémisphérique au sud
et le soutien à la transparence des industries
extractives
L'Union africaine et l'Organisation Internationale de la
Francophonie sont les socles de la démonstration de la pertinence de
l'Etat dans l'initiative à travers les organisations
intergouvernementales du sud.
1. L'Union Africaine et la transparence des industries
extractives : un soutien timide
Parmi les regroupements intergouvernementaux qui ont
annoncé leur soutien à l'initiative, l'Union Africaine est
particulière en raison du nombre de pays de son espace qui
implémentent les principes EITI, et de la superficialité de son
soutien. En effet, avec plus de quinze pays dans l'initiative, l'Union n'a pas
manifesté collectivement un grand engouement quant au soutien de
l'initiative et malgré les engagements contenus dans plusieurs textes de
base de l'Union, et qui rattachent le développement durable à la
bonne gouvernance. Peut-être cela est-il dû à la crainte que
suscite l'initiative par rapport à la souveraineté des Etats dont
le respect est l'un des principes fondateurs de l'Union. L'explication peut
également résider dans l'esprit de l'article 21 de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples qui dit : « Les peuples ont
la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles ; ce
droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations. En aucun
cas, un peuple ne peut en être privé1».
En réalité, l'argument de la
superficialité du soutien de l'Union africaine se fonde sur un certain
nombre de faits. Pendant que l'Acte constitutif de l'Union ratifié par
53 pays africains fixe au nombre de ses objectifs la promotion des principes et
des institutions démocratiques,
1 Voir la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples adoptée en juin 1981 à Nairobi dans le site
www.union-africaine.org/
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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la participation populaire et la bonne
gouvernance1, alors que le respect des principes
démocratiques, des droits de l'homme, de l'état de droit et de la
bonne gouvernance figure en bonne place dans l'Acte2, la Commission
de l'Union Africaine n'a accordé à l'initiative qu'un soutien
partagé, au sein d'un partenariat stratégique avec la Commission
Européenne. En effet, aucune déclaration commune à l'issue
d'un sommet ne porte comme cela a été le cas pour les
communiqués finaux des sommets du G83, une invitation des
pays à adhérer et à soutenir l'initiative4. La
généralité des appels à soutenir un
développement durable par la bonne gouvernance est-elle le signe de la
prudence diplomatique qui évite de blesser les susceptibilités ?
Toutefois, l'on notera que quoique timidement, l'Union a déclaré
soutenir l'initiative en partenariat avec l'Union européenne, dans le
cadre d'un ambitieux plan de relance du secteur de l'énergie lors d'une
réunion tenue à Bruxelles le 8 septembre 2008. Il faut
espérer que l'adhésion individuelle des pays africains à
l'initiative porte un jour au sein de la Commission une majorité
suffisante pour qu'un soutien franc et massif soit apporté à
l'adhésion aux principes de EITI.
2. La Francophonie ou l'unité linguistique au
service du développement durable
C'est sous l'impulsion de Léopold Sédar Senghor
du Sénégal, Habib Bourguiba de Tunisie, Hamani Diori du Niger et
du Prince Norodom Sihanouk du Cambodge, que les représentants de 21
Etats et gouvernements ont signé à Niamey, le 20 mars 1970, la
Convention portant création de l'Agence de Coopération Culturelle
et Technique (ACCT)5. C'est bien plus tard que la France va
récupérer le projet de ces chefs d'Etats qui voulaient par cette
organisation fondée sur le socle linguistique, contrer l'influence
anglosaxone au sein de l'OUA. Par la mue de ses institutions, l'ACCT devient
l'Agence de la Francophonie en 1997
1 Objectif (g) de l'article 3 de l'Acte constitutif
relatif aux objectifs de l'Union Africaine
2 Principe (m) de l'article 4 de l'Acte
constitutif relatif aux principes de l'Union Africaine. Il faut même
ajouter qu'il existe un Comité technique spécialisé
chargé de l'industrie, de la science et de la technologie, de
l'énergie, des ressources naturelles et de l'environnement (article 14
(d) de l'Acte constitutif de l'Union). Autant de choses qui laissent penser que
l'Union devait accueillir avec enthousiasme l'initiative mais il n'en est rien.
Peut-être la crainte de la perte de souveraineté de certains chefs
d'Etats a eu raison de l'intérêt général qu'aurait
pu promouvoir une certaine transparence dans la gestion des revenus des
industries extractives.
3 Depuis Evian, les sommets du G8 insistent
systématiquement sur la nécessité pour les pays en voie de
développement d'adhérer à EITI pour permettre par une
gestion transparente des revenus des ressources du soussol, un décollage
de leurs économies.
4 Depuis la déclaration de Syrte en
février 2004 c'est-à-dire l'année qui a suivi le lancement
officiel de l'initiative par la première conférence de Londres,
jusqu'à la déclaration d'Addis-Ababa faite lors de la
douzième session ordinaire de février 2009, aucune ne fait
mention à l'initiative de transparence des industries extractives
à laquelle les pays seraient conviés à adhérer pour
le développement du continent.
5 Voir le site
www.francophonie.org
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
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après une révision de sa charte. En 1998
à Bucarest, la conférence ministérielle prenant acte
de
la décision du Conseil permanent de la Francophonie, adopte
l'appellation de
l' « Organisation Internationale de la Francophonie
».
La déclaration de Hanoi de novembre 1997 commence
à insister sur la nécessité de renforcer la dimension
économique de la Francophonie. Elle exprime cette
nécessité en ces termes :
« Conscients de la nécessité de
renforcer la dimension économique de la Francophonie pour que, de pair
avec ses dimensions culturelle et politique, elle assure la
pérennité de la Francophonie dans le monde d'aujourd'hui et de
demain, et reconnaissant l'urgence de répondre au besoin de
développement de nos peuples, comme l'indique le thème du Sommet
de Hanoi : « Renforcement de la coopération et de la
solidarité francophones pour la paix et le développement
économique et social1 ».
Lors du Xème sommet des chefs d'Etats et de
gouvernements de la Francophonie tenu en novembre 2004 à Ouagadougou,
les membres ont adopté les nouvelles missions stratégiques de
l'organisation qui sont résumées dans l'article premier de la
Charte de 2005 qui dit :
« La Francophonie, consciente des liens que
créent entre ses membres le partage de la langue française et des
valeurs universelles, et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la
coopération, de la solidarité et du développement durable,
a pour objectifs d'aider : à l'instauration et au développement
de la démocratie, à la prévention, à la gestion et
au règlement des conflits, et au soutien à l'État de droit
et aux droits de l'Homme ; à l'intensification du dialogue des cultures
et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance
mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par des actions de
coopération multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs
économies ; à la promotion de l'éducation et de la
formation. Le Sommet peut assigner d'autres objectifs à la Francophonie
».
Ainsi, les initiatives qui oeuvrent à l'atteinte des
buts de développement contenus dans les objectifs du millénaire
pour le développement, trouvent la sympathie de la Francophonie, surtout
le développement durable qui s'appuie entre autre sur la gouvernance
démocratique2.
1 Paragraphe 3 de la déclaration de Hanoi de
novembre 1997
2 A ce sujet, le paragraphe 5 de la déclaration de
Québec dit que les membres de l'organisation sont:
« Convaincus
de la nécessité d'oeuvrer conjointement, au sein d'un espace
francophone solidaire, pour apporter,
par des actions ciblées, une
valeur ajoutée en faveur de la paix, de l'Etat de droit, de la
coopération et du
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 118 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Elle s'est donc engagée à l'issue du sommet de
Québec tenu du 17 au 19 octobre 2008, à promouvoir une meilleure
gestion des ressources, en soutenant les efforts déployés par les
institutions financières internationales pour élaborer des normes
et codes susceptibles d'être adoptés par les pays membres ;
à promouvoir la transparence, la responsabilité et la bonne
gouvernance dans le secteur des industries d'extraction, notamment en vue de
prendre en compte la dimension des « ressources naturelles » dans les
conflits armés et les situations de sortie de crise ; à
encourager à cet égard une adhésion plus large à
l'Initiative pour la Transparence des Industries d'Extraction (ITIE)
dont font déjà partie 14 pays appartenant à la
Francophonie, notamment par l'appui aux candidatures des pays membres de la
famille francophone 1».
B. L'assistance politique des regroupements globaux pour
des industries extractives transparentes
Deux organisations nous semblent illustrer l'importance de
l'actorité de l'Etat par son rôle au sein des
organisations intergouvernementales, dans la mesure de leur engagement dans
l'initiative.
1. La transparence des industries extractives dans
l'espace d'action de l'OCDE
L'Organisation pour la Coopération et le
Développement en Europe (OCDE) a annoncé son soutien à
l'initiative dès 2003, lors de la première conférence
internationale tenue à Londres. En mars 2005 lors de la seconde
conférence, l'organisation était présente et à
chaque occasion, elle réitérait la nécessité pour
les deux institutions de coopérer en raison des similitudes
noyées dans les objectifs poursuivis par elles. A l'occasion de la
conférence internationale d'Oslo, M. Manfred Schekulin, directeur du
comité des investissements de l'OCDE disait le 25 octobre 2006:
«As Chair of the OECD Investment Committee, I would
like to convey the Committee's continued strong support for the Extractive
Industries Transparency Initiative's (EITI) efforts to improve governance in
resource-rich countries... I would now like to call to your attention the
recent adoption at a high political level (in the OECD Council) of two
investment instruments that complement and reinforce EITI's aims» (en
tant que directeur du comité d'investissement de l'OCDE, je voudrais
conduire le soutien solide du comité aux efforts de
développement durable » pour marquer sa conscience
de l'impératif de soutenir ces aspects de la vie sociale comme gage
d'une réussite de la Francophonie.
1 Paragraphes 38, 39 et 40 de la déclaration
de Québec du 19 octobre 2008.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
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Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'initiative de transparence des industries extractives pour
l'amélioration de la gouvernance dans les pays riches en ressources...Je
voudrais à présent attirer votre attention sur la récente
adpotion à un niveau élévé (le conseil de l'OCDE),
de deux instruments d'investissement qui complètent et renforcent les
objectifs de EITI).
En effet, le soutien que l'OCDE accorde à l'initiative
se fait dans le cadre de deux outils qu'il a mis sur pied dans le but
d'améliorer la gouvernance dans les pays de son giron d'action. Il
s'agit du Policy framework for investment et de l'OECD risk
awareness tool for multinational enterprises in weak governance zone. Ces
deux instruments sont développés dans le cadre du comité
des investissements de l'OCDE qui est l'interlocuteur direct de l'initiative
dans cette organisation. L'un des instruments est destiné aux Etats qui
recherchent des investissements pour leur développement (a) et l'autre
est au service des entreprises qui souhaitent investir dans certains pays
(b).
a) Le Cadre d'Action pour
l'Investissement1
Le cadre d'action pour l'investissement est un
élément de l'initiative pour un investissement au service du
développement lancée à Johannesburg en novembre 2003. Il a
été adopté en mai 2006 par le conseil de l'OCDE qui est
l'organe suprême de l'institution. Il est bâti autour de dix points
qui sont : La politique d'investissement, la promotion et facilitation de
l'investissement, la politique commerciale, la politique de la concurrence, la
politique fiscale, le gouvernement d'entreprise, les politiques en faveur d'un
comportement responsable des entreprises, la mise en valeur des ressources
humaines, le développement des infrastructures et du secteur financier
et la gouvernance publique.
Parmi ces dix points, le dernier à savoir la «
gouvernance publique » est intimement lié à la transparence
que promeut l'EITI. C'est là la zone de congruence entre le cadre
d'action pour les investissements et l'initiative. Ce point se décline
en neuf questions dont l'avant dernière s'interroge sur l'existence par
le fait du gouvernement, des mécanismes d'examen pour évaluer
l'application des lois et règlements relatifs à la lutte contre
la corruption et l'intégrité. L'ultime question de ce point est
ainsi libellé : « Le gouvernement est-il partie à des
initiatives internationales visant à lutter contre la corruption et
à améliorer l'intégrité du secteur public ? Quels
mécanismes sont mis en place pour assurer l'application efficace et
en
1 D'après le texte original en anglais, il est
appelé OECD Policy Framework for Investment
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 120 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
temps voulu des conventions de lutte contre la corruption ?
Ces mécanismes contrôlent-ils l'application et l'exécution
des lois anti-corruption mettant en oeuvre les conventions ? ». Il
semblerait que l'initiative qui est en réalité un microcosme dans
le macrocosme de la lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance,
trouve l'espace de son émulation dans ce dixième point du cadre
d'action pour l'investissement.
b) L'outil de sensibilisation au risque de l'OCDE
destiné aux entreprises multinationales opérant dans les zones
à déficit de gouvernance1
Le second instrument de l'OCDE qui offre un espace de
congruence avec l'initiative est l'outil de sensibilisation au risque.
Destiné aux entreprises multinationales qui veulent investir, cet outil
s'intéresse aux risques et aux dilemmes éthiques auxquels font
face les entreprises dans les pays à déficit de
gouvernance2. Il a été développé dans le
cadre du suivi des investissements de l'OCDE par le Comité des
investissements en collaboration avec d'autres corps de l'OCDE3.
Après une large consultation qui a abouti à la collecte de 64
contributions, l'outil a été adopté le 8 juin 2006 lors
d'un conseil de l'OCDE, conformément à la recommandation du
communiqué final du sommet du G-8 tenue à Gleeneagles en
20054 qui demandait que l'OCDE développât un guide
à l'usage des multinationales opérant dans des zones à
faible gouvernance. L'idée que soutient cet instrument est que les
problèmes de développement ne peuvent être résolus
qu'avec le concours des populations et des dirigeants des zones
concernées, car ils sont mieux à même d'implémenter
les reformes qui s'imposent pour leur développement.
Cet instrument propose sept questions que doivent se poser
les entreprises quand elles veulent investir dans un pays. Elles vont de
l'obéissance aux lois et l'observance des instruments internationaux au
rôle des affaires dans les sociétés à faible
gouvernance, en passant par la connaissance des partenaires et clients dans les
affaires, les activités politiques et la possibilité de
s'exprimer sur les mauvaises pratiques.
1 En anglais OECD Risk Awareness Tool for
Multinational Enterprises in Weak Governance Zone
2 Appelées « weak
governance zone » dans le document elles sont définies comme:
« Investment environment in which government cannot or will not assure
their roles in protecting rights, providing basic public services and ensuring
that public sector management is effective ». Page 11 de l'OECD Risk
Awareness Tool for Multinational Enterprises in Weak Governance Zones
3 Notamment le groupe de travail sur la corruption
dans les transactions internationales d'affaire, le réseau du
comité de développement de l'assistance sur les conflits, la
coopération sur la paix et le développement et le comité
de la gouvernance publique en plus des ONG.
4 Voir le communiqué final du sommet de
Gleeneagles, au paragraphe 10C consacré à l'Afrique.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 121 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Les entreprises sont vivement conviées à
rejoindre dans le cadre du premier point, des initiatives telles que l'EITI
pour favoriser par leur engagement, la lutte contre la corruption dans les
secteurs comme les industries extractives. Par ailleurs, l'outil s'assure que
les entreprises collaborent avec d'autres entreprises et les gouvernements,
dans l'optique de publier les rapports fiables et transparents de leurs
activités. Surtout, les informations relatives à leurs
activités et aux taxes diverses qu'elles versent aux gouvernements
hôtes. Le rôle des entreprises dans le défi du
développement dans les zones à faible gouvernance est capital
dans l'élargissement des partenaires au développement, à
l'image de EITI qui s'ouvre à la société civile pour
créer un espace de concertation, le septième point qui s'articule
autour du rôle des affaires dans les sociétés à
déficit de gouvernance insiste sur la nécessité des
entreprises de s'interroger sur l'implication des autres secteurs de la
société dans la problématique du développement.
2. Les objectifs de développements des Nations
Unies et la transparence des industries extractives
Les Nations Unies sont l'architecte du cadre global qui sert
de substrat à la transparence des industries extractives. Leur soutien
à l'initiative relève donc de l'automaticité. La
déclaration du Millénaire qui est la matrice des Objectifs du
Millénaire pour le Développement a été
présentée comme un tournant dans l'existence des Nations Unies en
raison des buts qu'elle fixait pour l'humanité. Mais, cette
déclaration a également le mérite d'avoir accouché
d'un esprit propice au développement, qui a fixé des objectifs
quantifiables et comportant un délai dans le temps1. La
poursuite des huit objectifs1 fixés par les Nations Unies
comme buts à
1 C'est un mérite que ne manque pas de
souligner le secrétaire général Kofi Annan dans le rapport
2005 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement quand
il dit dans l'avant-propos: « En quoi les Objectifs du Millénaire
sont-ils si différents? Ils ont quatre particularités. En
premier lieu, ils sont axés sur l'homme, ils ont des délais
précis et ils sont quantifiables. En deuxième lieu, ils
supposent la formation d'un partenariat mondial et ne cachent pas le fait que
les pays en développement doivent balayer devant leur propre porte et
les pays développés les y aider. En troisième lieu,
ils jouissent d'un soutien politique inédit, ils sont
acceptés au plus haut niveau dans les pays développés, les
pays en développement, la société civile et les grands
organismes de développement. En quatrième lieu, ils sont
réalisables. L'année 2005 est capitale pour la réalisation
des Objectifs du Millénaire. En septembre, c'est-à-dire cinq ans
après l'adoption de la Déclaration du Millénaire et 10 ans
avant l'échéance des délais, les dirigeants du monde
entier se réuniront à l'ONU, à New York, pour voir comment
les promesses ont été accomplies et décider de ce qu'il
faudra encore entreprendre. Sous beaucoup d'aspects, le travail de 2005 sera
beaucoup plus difficile qu'en 2000 : il ne s'agira plus de fixer des objectifs,
mais de décider des moyens de les atteindre ». L'on peut penser
effectivement qu'il s'agit là d'un tournant décisif de l'ONU dont
les buts et principes tels qu'énumérés dans la Charte ne
font guère mention du développement durable. Mais la conscience
des menaces à la paix et à la sécurité que comporte
la pauvreté et l'inégale répartition des ressources qui
sont le fait de la corruption et de la gestion catastrophique des revenus des
ressources naturelles, a entraîné ce virage qui prend en compte
les objectifs de développement en vue
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
atteindre avant 2015 a justifié le lancement de moult
initiatives sous la férule de l'ONU, cherchant la formule
appropriée pour que décollent enfin les économies
attardées du globe. A Monterrey, l'ONU a réuni les chefs d'Etats
et de gouvernements pour financer le développement, comme l'indique le
rapport final de la conférence :
«We the heads of State and Government, gathered in
Monterrey, Mexico, on 21 and 22 March 2002, have resolved to address the
challenges of financing for development around the world, particularly in
developing countries. Our goal is to eradicate poverty, achieve sustained
economic growth and promote sustainable development as we advance to a fully
inclusive and equitable global economic system» (nous chefs d'Etats
et de gouvernements reunis à Monterrey au Mexique, le 21 et 22 mars
2002, avons resolu de nous pencher sur les défis du financement du
développement dans le monde, particulièrement dans les pays en
développement. Notre but est d'éradiquer la pauvreté, de
réaliser une croissance économique durable et de promouvoir un
développement durable alors que nous avançons vers un
sytème économique mondial totalement inclusif et
équitable).
L'on peut penser que cette quête de
développement par les Nations Unies est également au principe de
l'ajout d'un dixième point au Pacte Global qu'elles ont initié en
1999 et qui a été lancé dans sa phase
opérationnelle le 26 juillet 2000. En effet, depuis le 24 juin 2004, le
Pacte Mondial compte un dixième principe relatif à la lutte
contre la corruption. C'est tout naturellement donc que les Nations Unies se
sont engagées à soutenir l'EITI qu'elles ont presque
engendrée. En effet, dès le 21 décembre 19522,
l'ONU s'est inscrite dans la logique de la défense du droit des peuples
à exploiter librement leurs ressources naturelles, conformément
à l'article 1 alinéa 2 de la Charte qui énonce comme but
de l'Organisation inter alia, de développer entre les nations
des relations amicales fondées sur le respect du principe de
l'égalité de droits des peuples à disposer
d'eux-mêmes. Principe réitéré dans la
résolution 1314/XIII qui fait des recommandations concernant le respect
sur le plan international du droit des peuples et des nations à disposer
d'eux-mêmes.
d'assurer la paix, la sécurité, la
coopération internationale et les relations amicales entre les nations,
fondées sur le respect de l'égalité et de la
souveraineté des peuples.
1 Il s'agit par ordre et selon les Nations Unies,
d'éliminer l'extrême pauvreté et la faim, d'assurer
l'éducation primaire pour tous, de promouvoir l'égalité
des sexes et l'autonomisation des femmes, de réduire la mortalité
des enfants de moins de 5 ans, d'améliorer la santé maternelle,
de combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies, d'assurer un
environnement durable et enfin, de mettre en place un partenariat mondial pour
le développement
2 Voir la résolution 626/VII de
l'Assemblée générale du 21 décembre 1952 mais
également les résolutions 1515/XV du 15 décembre 1960 et
surtout la résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée
générale en date du 14 décembre 1962 sur la
«Souveraineté permanente sur les ressources naturelles».
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 123 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Le droit des peuples à exploiter librement leurs
ressources naturelles s'est souvent heurté à la corruption entre
autres écueils aussi, l'adoption en 2003 par les Nations Unies d'une
Convention contre la corruption1 et leur engagement au sein de
l'initiative s'est traduit par une résolution de l'Assemblée
générale votée le 11 septembre 2008 à
l'unanimité. Cette résolution introduite par une vingtaine de
pays2, appelle les pays membres des Nations Unies à adopter
et à implémenter la transparence notamment dans les industries,
comme elle est déjà mise en oeuvre dans les industries
extractives. Les Nations Unies continuent ainsi dans leur lutte contre la
pauvreté comme modalité déterminante pour la paix et la
stabilité, de soutenir ou d'initier des espaces pour la gouvernance et
la lutte contre la corruption dans le monde.
D'une façon générale, le soutien des
organisations intergouvernementales à EITI a des incidences sur la
souveraineté des Etats d'accueil. Il démontre
l'ambiguïté et l'équivoque que soulève Badie à
propos du multilatéralisme et de la régionalisation3.
Lorsque l'Etat qui reçoit le soutien est membre de l'organisation qui
soutient EITI, il rentabilise son appartenance à cette organisation,
tout en oeuvrant à conserver sa souveraineté. De l'autre
côté, l'organisation de par son implication, va revendiquer un
droit de regard sur l'usage des moyens alloués et donc, rendre relative
la souveraineté de l'Etat d'accueil. Quand l'Etat qui reçoit le
soutien n'appartient pas à l'organisation, comme par exemple les Etats
africains qui ne font pas partie de l'OCDE, il s'agit d'un jeu équivoque
dans lequel l'un tire les rentes de situation, et l'autre étend
l'influence des Etats qui la constitue. Manifestement, le soutien des
organisations intergouvernementales dramatise les logiques d'une
intégration recherchée autour d'une valeur communément
partagée, et la « réinvention de la puissance ».
Autrement dit, cette irruption du social qui se traduit entre autre par les
regroupements multilatéraux et régionaux, favorise la mise en
valeur de la morale de la transparence. Mais, comme l'on est en présence
d'une cohabitation de la puissance et de la morale, les organisations de type
FMI, OIF et même les organisations régionales deviennent des
espaces de recréation de la puissance où la souveraineté
se donne à voir dans sa matité. D'où peut-être
l'hésitation de l'UA qui est constitué d'Etats fiers de leurs
souverainetés et donc, ne sauraient encourager une initiative
1 Pour plus de détails, voir
http://www.unodc.org/unodc/en/crime
convention corruption.html.
2 Il s'agit d'une résolution
instiguée l'Azerbaïdjan et co-sponsorisée par l'Australie,
la Belgique, le Canada, le Congo, la France, l'Allemagne, l'Irak, l'Italie, le
Kazakhstan, le Kirghizstan, le Liberia, la Moldavie, les Pays Bas, le Nigeria,
la Norvège, le Pérou, la Sierra Leone, l'Espagne, le Timor-Leste,
la Turquie, le Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande de Nord et le
Yémen
3 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op.
cit. Chapitres 4 et 5. Badie B. La diplomatie des droits de l'homme,
op. cit. Chapitre 6.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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qui promeut l'érosion de leur essence. Deux
réalités se dégagent en somme : le soutien des
organisations intergouvernementales est le signe que la souveraineté est
devenue responsable, car elle a le souci de la commodité de vie de
l'autre proche ou lointain1. Et, les organisations
intergouvernementales offrent le spectacle d'une réinvention de la
puissance de l'Etat2.
En conclusion, la complexification de la scène
internationale3 est un fait avéré,
démontré par la profusion des acteurs qu'implique le
caractère complexe des problèmes. Cet état de fait est au
principe du lamento que certains auteurs relevant du courant
décliniste entonnent sur l'Etat. L'initiative de transparence des
industries extractives constitue comme beaucoup d'autres initiatives
lancées dans des secteurs aussi divers et variés que les
forêts, l'éducation, le gender empowering, la
santé etc... un espace où la multilatéralité
induite par les politiques publiques en quête d'efficacité, peut
comporter l'illusion du déclin de l'Etat. Il convient de ne pas perdre
de vue l'objectif de ce chapitre. Il est la tribune du plaidoyer de la
rémanence de l'Etat dans un contexte où la complexification des
problèmes rend incontournable l'intégration des autres acteurs de
la société dans la quête des solutions. Aussi, toute la
problématique autour de la fin des souverainetés trouve-t-elle sa
genèse dans cette excroissance des acteurs qui laisse penser à
l'obsolescence d'un contrôle sur le territoire par l'Etat.
Peut-être l'illusion est-elle entretenue par la fixation sur l'Etat
providentiel et omniprésent qui dans sa logique de centralisation des
polycentrismes, ou dans ses prérogatives évidentes en temps de
guerre et dans la reconstruction post-guerre, de même que dans sa
capacité de juguler les crises économiques, avait habitué
la population à une présence totale. Alors que la crise
économique et financière née aux Etats-Unis autour des
subprimes et des hedge fund en été 2007
pourrait conduire à une célébration nostalgique de
l'Etat-total comme seule solution, le paradoxe de la situation qui s'apparente
au dilemme aronien4,
1 Badie B. Un monde sans
souveraineté, op. cit.
2 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op.
cit. pp. 163-179.
3 James N. Rosenau relevait déjà
cette complexité dès le début de la décennie 1990
lorsqu'il proposait le passage de la notion de relations internationales qu'il
frappait d'obsolescence, à celle de « politique internationale
». Mais du fait des nouvelles structures et des nouveaux
procédés, la complexité était telle qu'il est
allé plus loin en formulant le concept de « politique
post-internationale ». Rosenau N. James (1990) Turbulence in world
politics: A theory of change and continuity. New Jersey: Princeton
University Press.
4 En effet, même si la réalité
de la présence des autres acteurs dans l'espace international et la
pertinence de leur action dans les Etats sont indiscutables, le monde qui fait
face à une crise ne peut compter que sur l'Etat. C'est dire que pendant
que les acteurs du marché et de la société civile
espèrent le retrait de l'Etat, il est advenu une situation de
dépression économique et financière qui nécessite
l'action de l'Etat. Ce dilemme en soit constitue un revers aux thèses du
déclinisme mais puisque tempus edad homo edacior, il serait
peut-être prématuré de célébrer le sacre de
l'Etat éternel comme solution à la première
dépression du troisième millénaire et donc, comme une
entité irremplaçable.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 125 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
conforte dans l'idée que l'Etat est encore un acteur
pertinent dont le déclin a été prématurément
annoncé.
Seul ou engagé dans une mouvance communautaire, l'Etat
se présente comme une entité incontournable pour la mise en
oeuvre de la transparence des industries extractives. Détenteur d'une
autorité rendue relative sur un territoire lui même discuté
par des acteurs privés, l'Etat cède ce qui lui reste
d'autorité à l'initiative, il régule mieux, coordonne les
opérations de transparence dans l'espace de son autorité.
Lorsqu'il n'est qu'un soutien à la mise en oeuvre sur un Etat autre, il
finance, soutient dans les instances intergouvernementales politiques et
économiques les efforts de transparence. L'Etat demeure donc pertinent
comme acteur sur la scène internationale.
En empruntant au vocabulaire théâtral comme cela
se fait depuis des décennies avec les termes tels que l'acteur et la
scène, l'on peut pousser la logique théâtrale plus en avant
en pensant que, de même que la scène dispose de deux
côtés (côté Cour et côté Jardin), aussi
vrai que le don d'ubiquité n'est pas de cet ordre, de même la
scène internationale a autant de place pour l'Etat que pour d'autres
acteurs. Chacun jouant un rôle, entrant en lien social avec les autres,
en raison des enjeux qu'offre l'espace international. La cascade des
autorités qui fait l'objet du chapitre suivant, ne consume pas la
pertinence de l'Etat mais au contraire, elle valide l'hypothèse de la
complexité qui est le signe de la relativité de la
souveraineté qui, loin d'être rendue obsolète par cette
excroissance d'acteurs, s'est transformée.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Chapitre 2 : Cascade d'autorités à
l'ère de la politique mondiale : le positionnement
marqué des
firmes multinationales et des organisations non gouvernementales
dans
l'EITI.
L'émergence d'une diplomatie parapublique a
favorisé l'éclosion et l'émulation des acteurs
privés dans l'arène internationale. La volonté d'aller
au-delà de l'Etat ou de le transformer s'est traduite par une
protubérance des acteurs privés transnationaux. Ainsi, la
diplomatie parapublique désigne l'action internationale des acteurs
privés mais qui n'est pas en rupture totale avec les
intérêts de l'Etat. Il ne s'agit pas d'une diplomatie
parallèle à celle de l'Etat qui donnerait naissance à ce
que Anaïs Marin1, à la suite des auteurs tels que
Panayotis Soldatos2 appelle la « paradiplomatie »,
c'est-à-dire une diplomatie qui est le fait des acteurs
infraétatiques tels que la ville ou la région et qui se fait en
contournant les canons de l'Etat. C'est donc une diplomatie portée par
des acteurs privés intra-(extra) étatiques3, mais qui
n'est pas totalement étrangère à l'Etat car ce dernier,
par le fait « intermestique4 », y garde une certaine
présence.
La réalité de la scène internationale en
tant qu'espace changeant et changé, interdit la lecture simpliste de la
politique internationale qui pourrait s'apparenter à une dyslexie. La
profusion des acteurs est un fait avéré de même que l'usure
de l'explication radicale des phénomènes politiques.
Désormais, selon le constat de Alex Warleigh5, l'on est
passé des relations internationales traditionnelles animées par
les Etats seuls sous les conditions d'anarchie à une étude de la
politique mondiale qui implique un changement des grilles de lecture. La
théorie
1 Anaïs Marin op. cit.
2 Voir par exemple : Panayotis Soldatos «
Cascading subnational paradiplomacy in an interdependant and transnational
world » in Earl H. Fry & Douglas M. Brown (ed.) States and
provinces in the international economy, Berkeley : University of
California Institute of governemental studies press, 1993, chapitre 2, pp. 45-
64.
3 Nous postulons ipso facto le
dépassement de l'opposition entre les concepts de « sovereignty
bound » et de « free-sovereignty actors » par lequel James
Rosenau désigne les acteurs privés qui échappent à
l'emprise de l'Etat et ceux qui sont confinés dans les limites
territoriales des Etats car nous estimons dans le cadre de cette étude
que l'interconnexion des choses publiques et privées dans ce sens,
explique en même temps que la complexité mais également,
donne du sens à notre hypothèse de la transformation de la
souveraineté. Désormais, la souveraineté trouve une
attitude sur-mesure par rapport à tous ces acteurs et devant toutes les
situations. Voir James Rosenau (1990) Turbulence in World Politics: A
theory of Change and Continuity. Princeton: Princeton University Press,
P.36
4 C'est un néologisme dont la
paternité est attribuée à Bayless Manning l'ancien
président du Council for Foreign Relations au USA. Par
ce terme, il traduit l'interconnexion des affaires domestiques avec celles
internationales dans la définition de la politique
étrangère d'un Etat. Anaïs Marin op. cit. p.38.
5 Warleigh, Alex «Learning from Europe? EU
studies and the re-thinking of international relations », European
Journal of International Relations, vol. 12, n°1, pp. 31-51.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 127 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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de la gouvernance globale1 devient ainsi
l'instrumentum laboris pour les analystes de la scène
internationale. Ce constat partagé par le professeur Luc Sindjoun qui
dit: «The evolution is toward the crisis of national monopoly in which
the global perspective is becoming important...The process and context of
globalization reconfigure the concept of sovereignty. The epistemological
obstacle is the attachment to Westphalia as a founding myth of international
relations2 » (l'évolution tend vers une crise du
monopole national dans laquelle la perspective globale devient importante...Le
processus et le contexte de mondialisation reconfigure le concept de
souveraineté. S'attacher à Westphalie comme mythe fondateur des
relations internationales est un obstacle épistémologique),
implique une considération des acteurs autres que l'Etat dans la
définition et la mise en oeuvre des politiques étatiques devenues
de plus en plus mondiales de par leur impact et l'attente qu'elles inspirent
dans la résolution des défis globaux. Cette
réalité3 n'use pas tous les possibles lorsqu'on pense
la souveraineté. La profusion des acteurs, si elle est
conditionnée par les défis et la complexification de la politique
mondiale, ne signifie pas la fin de la souveraineté. C'est pourquoi le
professeur Sindjoun poursuit en disant: «Meanwhile it is excessive to
proclaim the end of sovereignty, sovereignty still makes sense in international
relations through new meanings and specific uses4»
(pendant qu'il est excéssif de proclamer la fin de la
souveraineté, celle-ci continue de faire sens dans les relations
internationales à travers des significations nouvelles et des usages
spécifiques). Telle est la conviction qui irrigue cette
étude et la démonstration de la multi-actorité participe
de cette démonstration des transformations de la souveraineté. Au
nombre des acteurs privés dont l'action est proéminente, deux ont
retenu l'attention en raison de leur implication dans l'EITI, objet de cette
étude. Il s'agit des organisations non gouvernementales en tant que
composantes de la société civile (section 1) et des firmes
impliquées dans l'activité extractive qui représentent le
marché comme l'un des angles du triangle que forment l'Etat, la
société civile et le marché (section 2).
1 Par cette théorie, Robert E Kelly ajoute
un quatrième acteur au modèle des Relations Internationales en
plus des Etats, des organisations internationales et des firmes multinationales
; cet acteur est l'ONG. Kelly E. Robert « From International Relations to
global governance theory: Conceptualizing NGOs after the Rio breakthrough of
1992 » Journal of Civil Society, vol. 3, n°1, pp. 81-99,
2007.
2 Sindjoun Luc « Transformation of International
Relations: Between change and continuity » International Political
Science Review, vol.22, n° 3 p. 220 et 223, 2001.
3 James Rosenau dit au sujet de cette
complexité qu'il qualifie de chaos: « Indeed, we are on the verge
of living in a world (...) which constitute one single economic system, within
which private transnational actors allocate resources with global calculus
» Rosenau James « Patterned chaos in global life: structure and
process in the two worlds of world politics »International Political
Science Review, vol. 9, n° 4, p.327, 1988.
4 Sindjoun, idem.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Section 1 : Les ONG dans le défi de la
gouvernance globale : des promoteurs du « marché de la pitié
» dans la transparence des industries extractives
La littérature actuelle sur les organisations non
gouvernementales rend obsolète le constat de Norbert Götz. En
effet, ce dernier considère que malgré l'attention croissante
accordée aux ONG durant la décennie 1990, celles-ci ne sont pas
encore suffisamment comprises1. Il pense d'ailleurs que cette
compréhension partielle des ONG est entretenue par une certaine
négligence qui explique que les deux ouvrages majeurs des relations
internationales publiés entre 1995 et 2005 ne font pas
référence aux ONG. Il s'agit pense-t-il de Social Theory of
international politics de Alexander Wendt (1999) et de Tragedy of
Great Power Politics de John Mearsheimer (2001). Par-delà les
chapelles théoriques qui peuvent sous-tendre pareille allégation,
il est un fait à savoir que le phénomène de
l'«ongéisation » est un des traits dominants des façons
contemporaines de faire la politique. L'exigence de la gouvernance globale
interdit la marginalisation des acteurs privés avec un potentiel
cathartique avéré face aux défis actuels. Toutefois,
l'importance prise par ces organisations dans la définition des agendas
internationaux des Etats ou au sein des organisations internationales dont
Sydney Tarrow dit qu'elles servent de « récif de corail » aux
acteurs non-étatiques (les ONG inter alia), occulte
généralement ou favorise une utilisation confuse avec le concept
de la société civile. Cette section a l'ambition de rendre raison
de la charge heuristique mais aussi politique des organisations non
gouvernementales dans les processus complexes de la politique internationale.
Ce faisant, l'EITI va servir de talweg sur lequel coule le fleuve de la
réflexion non gouvernementale, en deux mouvements logiques. D'abord, un
discours sur les organisations non gouvernementales en tant qu'acteurs de la
politique internationale stricto sensu (paragraphe I),
ensuite un examen pratique de la praxis des organisations non gouvernementales
dans le cadre d'un espace précis attelé à faire corps et
chose la transparence dans les industries extractives (paragraphe II).
Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales :
des acteurs de la société civile impliqués dans la
promotion de la transparence des industries extractives
Nul ne peut s'exprimer sur les ONG sans se heurter à
la société civile en tant que concept matriciel ou alors pierre
sur laquelle on achoppe dans la poursuite du sens des premières. Aussi,
une étude qui vise à analyser le rôle des organisations non
gouvernementales doit-elle
1 Norbert Götz « Reframing NGOs: The
Identity of an International Relations Non-Starter » European Journal
of International Relations, vol. 14, n°2, pp. 231-258.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
restituer le couloir sémantique qu'elle va emprunter
dès lors qu'il s'agit de penser que la société civile ne
se réduit pas aux seules ONG mais que ces dernières, comme par le
fait du levain, semblent s'assimiler à la société
civile1.
A. La constitution d'une société civile
internationale autour de EITI ou l'apport du social dans la construction d'un
espace public dédié à la transparence des industries
extractives
Ce paragraphe vise à démontrer que la survenue
de EITI n'est pas ex nihilo mais, la suite logique d'un combat
mené par une société civile constituée depuis la
décennie 1990 sur plusieurs fronts et de façon disparate mais qui
connaît avec l'initiative, une certaine structuration, un certain ordre.
En cela, cette construction a été favorisée par trois
éléments que Bertrand Badie2 place au centre de la
« société ouverte », qui sert de lit à la
construction d'une société civile transnationale autour de la
transparence des industries extractives. La communication, premier de cette
triade d'éléments, a connu une évolution exponentielle
avec le développement des TIC. Cela a conduit à rendre possible
les deux autres éléments à savoir l'interdépendance
et la transnationalisation. Les détails de la formation d'une
société civile dont Publish What You Pay est le moment
paroxystique, ne trouvent de sens que parce que ces éléments
pavent la voie. Aussi, une coalition internationale s'est-elle construite,
mettant en commun des coalitions nationales. Cette émergence du social
qui laisserait penser à une revanche3, donne naissance
à des nouveaux bourgeois4 dont l'absence de
démocratie5 et la distance vis-à-vis des
populations6 laissent dubitatifs quand aux réels desseins.
1 Les textes fondateurs de l'initiative de
transparence des industries extractives font mention de la
société civile comme troisième ordre d'acteur qui avec les
Etats et les firmes du secteur extractif, constituent les trois
catégories à réunir autour de la table de la transparence.
Mais, les organisations non gouvernementales sont les représentants de
cette société civile, peut-être en raison des moyens et de
l'expertise dont elles sont nanties, et dont ne disposent pas les autres
composantes traditionnelles de la société civile telles que les
syndicats, les églises etc...occupent la place qui est
réservée à la société civile.
2 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op.
cit. Chapitre 2.
3 Badie B. La diplomatie des droits de
l'homme, op. cit. Voir particulièrement la troisième partie
de l'ouvrage.
4 Badie B. Idem, p. 270.
5 Jan Aart Scholte « Global civil society:
opportunity or obstacle to democracy? » Development Dialogue,
n°49, pp. 15-28, 2006.
6 Eva-Etzioni Halevy « Linkage deficit in
transnational politics » International Political Science Review,
vol. 23, n°2, pp. 203-222, 2002. L'on peut également voir au sujet
de cette configuration élitiste des nouveaux bourgeois internationaux,
Johan Galtung « Un continent invisible : les acteurs non territoriaux.
Vers une typologie des organisations internationales » in Georges Abi-Saab
Le concept d'organisation internationale, Paris : UNESCO, 1980, pp.
74-75.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Il convient de préciser d'entrée de jeu que le
lancement de l'EITI est survenu à la suite d'une certaine
cristallisation de l'activisme non gouvernemental au sujet des industries
extractives. Cette cristallisation a donc une histoire et un cursus qui
constituent la préhistoire de l'initiative, mais également le
moment de la formation de la société civile qui se mettra en
branle autour de EITI. Car, le moment de la contagion normative, le tipping
point que Kathryn Sikkink et Martha Finnemore1
considèrent comme le moment où une certaine masse critique
d'Etats adopte une norme, est en même temps que favorisé par cette
société civile, mais aussi précédé par une
intense activité de celle-ci dans des domaines aussi variés que
l'environnement, les droits de l'homme, l'éducation, le gender
empowering...Dans la mesure de cette étude, l'activité de la
société civile sera considérée uniquement en
rapport avec les domaines liés aux industries extractives ou dont
celles-ci influencent la marche. Ainsi, l'activisme des ONG au sujet des
violences autour de l'exploitation des ressources extractives, la
dénonciation des impacts néfastes de leur exploitation sur
l'environnement et le mépris des droits des populations riveraines et du
« complexe de corruption2 » qui se développe autour
des industries extractives, vont entre autre constituer la quintessence de cet
espace. Etant entendu par ailleurs que, ces facteurs expliquent surtout la
défense de la norme de la transparence comme facteur de
résolution des problèmes que cause l'activité extractive.
Le cas du Delta du Niger est dans ce cas, riche d'intérêt.
Les organisations non gouvernementales se sont très
vite inscrites dans une posture de dénonciation des dérives
autour des industries extractives. Le complexe formé autour de
l'exploitation pétrolière et gazière dans les trois Etats
pétroliers au Nigeria3 a offert l'occasion d'une
activité débordante des ONG. Le rôle néfaste du
pétrole dans le processus démocratique au Nigeria, tant au niveau
fédéral qu'à celui des Etats, a été
dénoncé à suffisance par les spécialistes des
sciences sociales4, mais également par les ONG. L'abondante
littérature qui restitue les enquêtes de Human Rights Watch sur la
violence et l'impasse démocratique dans les Etats du Delta du Niger
depuis la décennie 1990 traduit le souci de cette catégorie
d'acteur
1 Sikkink K. et Finnemore M. op. cit.
p.895
2 Par cette expression, Jean Pierre Olivier de
Sardan entend : « la corruption, le délit d'ingérence, les
détournements de fonds, le népotisme, les abus de pouvoir, les
malversations diverses, le délit d'initié, la
prévarication, le trafic d'influence et les abus de biens sociaux
». Lire De Sardan J.P.O. « L'économie morale de la corruption
en Afrique » Politique africaine n° 63, octobre 1996 p.16
3 River State, Bayelsa State et Niger Delta State.
4 L'on peut notamment lire : Obi I. Cyril (2004.),
»The Oil Paradox: Reflections on the Violent Dynamics of Petro-Politics
and (Mis) Governance in Nigeria's Niger Delta, Africa Institute Occasional
Paper No. 73, Pretoria: Africa Institute of South Africa, Obi I. Cyril
« Is Petroleum `Oiling' or Obstructing Democratic Struggles in Nigeria?
» Communication présentée lors de la 12ème
assemblée générale du CODESRIA, Yaoundé, 2008.
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de transformer les comportements dans le secteur des
industries extractives. La collusion entre les compagnies extractives dans le
cadre d'un consensus opaque et les milieux politiques dans cette région
précise a donné naissance à une privatisation de la
violence par le fait d'un soutien aux mercenaires. Les relations
présumées entre Alhadji Dokubo Asari, Ateke Tom et les
élites locales du Delta1 ont plombé le processus
démocratique mais pis encore, les populations minoritaires comme les
Itsekeris ont pâti de la confiscation par leurs élites, du pouvoir
au détriment des Ijaws et des Urhobos2. Cette situation prive
donc les populations de leurs droits les plus primordiaux mais comporte aussi
des conséquences sur le plan environnemental.
En effet, l'un des aspects lucratifs de l'activité des
milices ethniques est le bunkering c'està-dire le vol du
pétrole par le sabotage des pipelines. Il a été à
la source de nombreux déversements de pétrole avec des impacts
écologiques mais également des morts par calcinations des
populations. Certaines fois, ces déversements sont accidentels et
produisent des conséquences écologiques énormes et
irréparables3. D'autres part, les torchères de gaz
à ciel ouvert ont souvent été la cible des ONG
environnementales qui fustigent cette forme de pollution. Au Nigeria, les ONG
ont réussi par une plainte déposée contre Shell qui
excelle dans cette pratique des torchères, à obtenir la
condamnation de cette compagnie par une décision de la Haute Cour
fédérale datée du 14 novembre 2005 et qui demandait
à la compagnie Shell d'arrêter la pratique des torchères
dans la communauté Iwerekhan dans l'Etat du Delta. Le gouvernement
fédéral attentif aux plaintes des ONG environnementales au sujet
de ces déversements de gaz à ciel ouvert, a ordonné qu'au
1er janvier 2008 cette pratique
1 Lire à ce propos: Human Rights Watch
(2005) «Rivers and Blood: Guns, Oil and Power in Nigeria's Rivers
State» A Human Rights Watch Briefing Paper, Human Rights Watch (2007),
Criminal Politics: Violence, «Godfathers» and Corruption in
Nigeria», vol. 19, n°. 16 (A), New York: Human Rights Watch,
February; Human Rights Watch «La crise de Warri: le combustible de la
violence», décembre 2003 vol. 15, n°.18 (A); Ikelegbe, A.
(2006), «The Economy of Conflicts in the Oil Rich Niger Delta Region of
Nigeria, African and Asian Studies, vol. 5, n°1.
2 Les Ijaws, les Urhobos et les Itsekeris sont les
trois groupes qui peuplent la région du Delta du Niger.
3 En décembre 2007, nous avons
visité la localité de Ubeji qui est un village Itsekeris dans la
périphérie de Warri la capitale de l'Etat du Delta. Nous y avons
visité un site de mangrove entièrement carbonisé par un
incendie survenu six mois plus tôt après un déversement de
pétrole de la raffinerie voisine de Warri. Cette mangrove qui est la
mamelle nourricière du village, n'était plus propice à la
pêche car selon les villageois, le poisson sentait du pétrole
jusque dans ses entrailles. L'on s'est rendu compte de l'impact
écologique mais également de l'incidence sur la vie quotidienne
des populations de cette localité. Ce cas n'est qu'un exemple
illustratif car, de Port Harcourt à Warri, surtout après la
traversée du pont qui marque l'entrée dans l'Etat de Bayelsa,
l'on est frappé par le degré de pollutions des bras du Delta qui
sont ipso facto devenu inutiles pour ces populations de
pêcheurs.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 132 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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connaisse une fin, condamnant à une amende de 100 dollars
par mètre cube de gaz déversé, toute compagnie qui
s'adonnerait davantage à cette pratique polluante1.
L'arrestation de l'ancien gouverneur James Onanefe
Ibori2 de l'Etat du Delta au début de l'année 2008,
pour corruption est seulement une illustration de collusions
d'intérêt entre les politiques et les compagnies. Le concept de
petro-politics développé par John Clark3 pour
décrire le lien entre les sociétés
pétrolières et les pouvoirs politiques mais également son
incidence sur le développement économique des Etats, rend bien
compte de la complexité de la situation. Les organisations non
gouvernementales telles que le Secours Catholique, Oxfam,
Open Society ont rendu publiques les collusions entre les classes
politiques et les compagnies extractives. Elles ont souvent
dénoncé cette situation qui n'est pas spécifique au
Nigeria, et qui plombe les efforts de développement de certains pays.
Les cas du Congo et du Gabon que rappellent les procès intentés
par des ONG4 contre les présidents Obiang Nguema, Omar Bongo
et Sassou Nguesso en 2008, sont révélateurs de ce consensus
opaque que les ONG combattent bien avant le lancement de l'initiative. Aussi,
convient-il de rappeler que l'objectif de cet espace n'est pas de discourir sur
les fléaux qui ont conduit à la pensée d'une initiative de
transparence dans les industries extractives mais, de dire qu'avant que
l'initiative n'existe, il y avait une logique non gouvernementale
antérieure de dénonciation des mauvaises pratiques dans le
secteur extractif. Ainsi, l'initiative apparaît dès lors comme le
continuum historique d'un processus enclenché par les ONG dans une
perspective d'entreprenariat des normes.
1 A propos des activités des ONG contre la
pollution au Nigeria l'on peut s'intéresser à ce que fait
Environmental Right Action (ERA/Nigeria). L'un de ses leaders, Nnimmo
Bassey a présenté beaucoup de papiers sur ces questions et bien
d'autres lors des conférences internationales. On peut lire entre autre
: Nnimmo Bassey «African Challenges with Democracy and Governance - Case
Study Nigeria», paper presented at FoEI's IBGM Pre-conference on Democracy
for Human Development, Social and Environmental Justice held Sunday
th th
4 to Monday 5 November 2007 at Manzini, Swaziland; Nnimmo
Bassey «Environmental Impacts and the Vulnerability of Communities»,
Nnimmo Bassey «Oil, Environment and Crisis Economics» paper presented
at the Niger Delta Roundtable held at Ibom Hall, Uyo, on Thursday, 1 November
2007; Nnimmo Bassey (2007) «The Environment and sustainability in the
Niger Delta 2007-2017» working paper. Nnimmo Bassey «Environmental
Impacts and the Vulnerability of Communities» paper presented at the
ERA/OXFAM Workshop on EIA held in Warri, 9-11 April 2007
2 Accuse d'avoir détourné près
de 80 millions de dollars, il s'en défendait le 27 septembre 2009 en
arguant qu'il s'agit là d'un règlement de compte de la part du
président Oumarou Moussa Yar'Adua qui voudrait l'obliger à le
soutenir pour sa réélection en 2011.
3 Clark, John, «Petro-Politics in
Congo» Journal of Democracy, vol. 8, n° 3, July 1997, pp.
62-76
4 Il s'agit de Transparency International, Sherpa et
Global Witness entre autres, qui ont déposé une plainte au
pôle financier du parquet de Paris en mai 2009.
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Le lancement du processus de certification de Kimberley en
janvier 2003 est une autre résultante de l'activité des ONG qui
à l'instar de Human Rights Watch et Global Witness en
Angola et au Libéria, ont oeuvré pour que les « diamants de
sang » soient exclus du circuit de vente1. En effet, le
processus de Kimberley qui est soutenu par l'Assemblée
générale et le Conseil de Sécurité des Nations
Unies, et compte en 2007 soixante dix pays adhérents2 permet
d'endiguer les effets nocifs des diamants extraits des zones de conflit et qui
constituent donc une source et une ressource des conflits. Les diamants de RDC,
d'Angola3 et du Libéria4 ont constitué
l'élément essentiel dans les conflits recensés dans ces
pays.
De même, le rôle des ONG a été
notable dans les négociations en vue de la construction du pipeline
Tchad-Cameroun. En effet, inquiètes des résultats négatifs
de l'exploitation du pétrole dans d'autres pays, les ONG occidentales en
connexion avec certaines autres de la sous-région ont
dénoncé jusqu'au bout ce projet, arguant que les populations n'en
tireront pas profit, que les revenus serviront à l'achat des armes et
que le risque des nuisances environnementales potentielles est
grand5. La coordination de nombre de ces ONG autour de la
nécessité de la transparence en tant que début de solution
à ces problématiques variées, a donné naissance
à une coalition dont le rôle est central dans le lancement et la
réalité de
1 Les ONG ont réussi avant le lancement du
processus de Kimberley, d'obtenir un embargo sur les diamants angolais en 1998.
Cependant, la contrebande avait rendu ardu le contrôle de la provenance
des diamants car il fallait démontrer que les diamants proviennent bien
de l'Angola et qu'ils étaient placés sur le marché par
l'UNITA.
2 Le processus est rejoint en novembre 2007 par la
République démocratique du Congo.
3 Le premier ministre angolais Aguinaldo Jaime, a
lancé le 5 mars la campagne en vue de l'organisation à Luanda, en
novembre 2008 d'un sommet mondial des diamants sous le thème : « la
réputation du diamant ». Le lancement a été
effectué depuis le Metro convention center de Toronto, au
Canada où une délégation angolaise assistait à la
convention des prospecteurs et entrepreneurs du Canada. Le but était de
montrer une autre facette du rapport que l'Angola entretient désormais
avec le diamant. (Jeune Afrique n° 2409 du 11 au
17 mars 2007 p.64)
4 Le rôle des diamants dans le conflit dans
ce pays lui a valu de tomber sous le coup d'un embargo des Nations unies pour
ce qui est de l'exportation de ses diamants. Cet embargo fut levé le 27
avril 2007 par le Conseil de sécurité qui a voté à
l'unanimité pour la levée de l'embargo sur les exportations de
diamants dans sa résolution 1753. Régulièrement reconduite
depuis la résolution 1521 de 2003, cette mesure était l'une des
priorités de la présidente Ellen Johnson-Sirleaf qui a ainsi
exprimé son satisfecit. Soutenue par les Etats-Unis, cette
décision dont la prochaine étape sera l'adhésion au
processus de Kimberley, est également un signal fort envoyé
à la communauté internationale pour qu'elle continue de soutenir
la reconstruction de ce pays laminé par 14 ans de guerre
(Jeune Afrique n° du 6 au 12 mai 2007 p.80
5 Il faut cependant noter que les points de vue au
sein de la coalition des ONG étaient divergents. Pendant que les ONG
locales espéraient que le projet apporterait au Tchad les moyens pour
son décollage économique, les ONG étrangères,
occidentales en générale, fortes de leur expérience dans
le suivi des projets de cet ordre dans lesquels le groupe de la Banque mondiale
est impliquée, ne se faisaient pas d'illusion et plaidaient pour une
annulation pure et simple du projet. L'on peut penser que ces dernières
ont eu raison car, l'annonce du retrait de la Banque mondiale du projet en 2008
et les preuves de l'usage des revenus du pétrole pour l'achat des armes
malgré la loi 001 relative à la gestion du pétrole
tchadien ont fini de convaincre que le pétrole du Tchad est plus un
mirage qu'un miracle. C'est ce qui a fait dire à M. Samuel Nguiffo du
Centre pour l'Environnement et le Développement (CED) que la Banque
mondiale a fabriqué un nouveau tyran milliardaire car à l'entame
du projet, Idriss Deby Itno était juste dictateur mais aujourd'hui il a
en sa possession des comptes remplis de milliards. Voir l'article sur le
nouveau dictateur milliardaire sur
www.cedcameroun.org.
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l'initiative de transparence des industries extractives. Les
liens communs à ces plaidoyers sont tissés par l'usage des TIC
par l' « effet CNN » dont Bernard Kouchner1 est
passé maître. En effet, la maîtrise de l'outil Internet et
les relations développées par les ONG au sein du monde des
médias sont d'un apport central dans la présentation horresco
referens des méfaits de l'opacité sur les populations des
Etats riches en ressources extractives. En plus des faits qui sont objets de la
dénonciation, il se construit un réseau complexe de relations
entre les acteurs de la société civile au Sud et ceux du Nord
dans une logique mettant en exergue l'interdépendance et la
maîtrise de la communication qui sert à deux niveaux. D'une part,
la communication met en relation les divers protagonistes de la
société civile de par le monde d'autre part, elle sert à
renvoyer de façon brutale aux opinions publiques les faits crus de la
misère des mondes et des peuples afin de susciter de la pitié.
Les détails de la constitution d'une société civile autour
de la transparence des industries extractives donnent sens à la trilogie
communication-interdépendance-transnationalisation. Eu égard
à l'expertise requise, à l'instruction exigée et au
caractère fermé des réseaux, il en découle une
catégorie que Badie appelle les « nouveaux bourgeois
internationaux2 ». Cela, introduit un débat sur la
légitimité des acteurs de la société civile et la
représentativité des couches dont les problèmes sont au
coeur de l'activisme. Les ONG sont la composante la plus visible et la plus
active de cette société civile.
B. Considérations sémantique, historique
et typologique autour des organisations non gouvernementales
1. Eléments de définition d'un acteur
à l'identité vague
Le terme ONG proviendrait du système des Nations
Unies3 qui les définit comme des « associations à
but non lucratif impliquées dans le développement international
à l'aide de programmes vers l'étranger ou d'actions locales
liées aux problèmes du développement »4.
Cette définition qui rend compte du double caractère
interne/externe5 de l'action de l'ONG, ne précise pas qu'il
s'agit d'abord d'une structure de droit interne. Bien qu'elle donne
1 Voir dans l'ouvrage de Pierre Péan, Le
monde selon K. Paris : Fayard, 2009, comment M. Kouchner utilise les
médias pour faire parler les évènements et les images dans
un sens qui satisfait ses objectifs.
2 Badie B. La diplomatie des droits de
l'homme, op. cit. pp. 270-274.
3 Il aurait été utilisé pour la
première fois en 1949 par l'ONU.
4 Maradeix M-S. (1990) Les ONG américaines
en Afrique, Paris : Syros. p.23.
5 Yves Beigbeder rappelle les définitions
de l'Institut de droit international, du Conseil de l'Europe et de l'ECOSOC qui
ne diffèrent des définitions de l'association selon la loi
française de 1901 et l'article 60 du code civil suisse que par le
rôle international qui s'ajoute aux éléments constitutifs
qui sont surtout internes. Il existe en général une
différence entre la définition des ONG selon les organisations
intergouvernementales et les Etats nationaux chaque catégorie
privilégiant le ressort de sa compétence. Beigbeder Yves (1992)
Le rôle international des organisations internationales.
Bruxelles et Paris : Bruylant &LGDJ p. 8-10.
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l'impression de définir plutôt une ONG
internationale, Breton-le-Goff1évoque cet aspect quand elle
dit : « Une ONG est une structure privée de droit interne
regroupant des personnes privées ou publiques originaires de plusieurs
pays et qui oeuvre sans esprit de lucre à la réalisation d'un but
d'intérêt général international dans les pays autres
que celui de sa fondation ». Quand elle a précisé la nature
interne de l'acteur ONG, elle suscite un questionnement sur la destination
internationale de son action. En effet, sa définition de l'ONG a la
particularité d'ignorer que seul l'Etat a le droit d'avoir une action de
portée internationale d'après l'école réaliste. Sa
définition a donc un aspect pléonastique2. Samy Cohen
définit l'ONG en disant : « Dans son acception originelle, la plus
répandue, la notion d'ONG indique une association de solidarité
internationale à but non lucratif, apostolique, pétrie de valeurs
humanistes et indépendante des Etats ». Ainsi définie, l'ONG
« pétrie de valeurs humanistes et indépendante des Etats
»3 serait en quelque sorte le porte-fanion d'une système
international pacifié et angélique. Il exorcise l'ONG de toute
intention de contradiction vis-à-vis de l'Etat en même temps, en
fait tout simplement la voix des sans voix. Shamami Ahmed et David Potter quant
à eux s'alignent derrière l'affirmation des Nations Unies qui dit
: « Any international organisation which is not established by
intergovernmental agreement shall be considered as an NGO
»4. Cette définition révèle la
difficulté à cerner ce concept très vague. La
définition des ONG, au-delà des tentatives de la circonscrire au
rôle prétendument éthique qui lui serait quintessenciel et
qui ressort dans la plupart des définitions précédemment
évoquées, est problématique car elle peut renvoyer aux
associations à but non lucratif, aux OING, aux organismes populaires,
aux organisations partisanes et même aux sociétés
secrètes et aux groupes terroristes. Car en effet, tous ces ordres
d'organisations sont non gouvernementaux. Et c'est bien cela la
société civile dans ses distances par rapport aux institutions
politiques étatiques. Ainsi, Lorenzo Fioramonti5 abondant
dans le même sens, va considérer que le Ku Klux Klan et Al Qaeda
sont des
1 Breton-le-Goff G. (2001) L'influence des ONG
dans la négociation de quelques instruments internationaux
Bruxelles : Yvon Blais p.14.
2 En fait de pléonasme, Breton-le-Goff se
heurte simplement à un écueil très connu par les auteurs
qui ont écrit sur les ONG. Il s'agit de la contradiction entre le statut
juridique des ONG et la destination internationale de leur action. La
convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité
juridique des organisations non gouvernementales, adoptée le 24 octobre
1985 par le comité des ministres du conseil de l'Europe essaie de
pallier à cette contradiction mais, elle reste restreinte. Même si
elle entre en vigueur en janvier 1991, elle ne s'applique qu'aux Etats du
conseil de l'Union qui l'ont ratifiée (Belgique, Grèce,
Royaume-Uni et Suisse).
3 Cohen S. «Les ONG sont-elles
altermondialistes? » Humanitaire, n° 9, 2004, p. 104.
4 Shamami A. et Potter D. (2006) NGOs in
international politics, Bloomfield: Kummarian Press p. 8.
5 Voir Lorenzo Fioramonti op. cit. Mais
également Jude L. Fernando et Alan W. Heston « NGOs between states,
markets and civil society » Annals of the American Academy of
Political and Social Science, vol.554, n°8 (1997) p. 10
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 136 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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organisations non gouvernementales au sens où on
l'entend d'habitude. Aussi, au cours de cette étude l'on aura
l'impression que cette façon de percevoir l'organisation non
gouvernementale trouve nos faveurs car, lorsqu'on considère la coalition
internationale PWYP, on y trouve des instituts de recherches, des organisations
ecclésiales, des organisations non gouvernementales classiques mais
toutes ces organisations regroupées au sein de la coalition ont en
partage leur caractère non gouvernemental, c'est ce qui fonde leur
coalition. Certains auteurs préfèrent d'ailleurs s'exprimer en
termes d'Organisation de Solidarité Internationale (OSI) pour faire le
distinguo entre les organisations que regroupe le terme générique
d'ONG et les associations attelées à l'humanitaire et au
développement durable. Dans le cadre de cette étude, nous nous
situons dans l'entre-deux de ces nuances. En effet, nous prenons le concept
d'organisation non gouvernementale dans le sens que lui confère sa
distance vis-à-vis du gouvernement et le caractère non lucratif
de son action. Cependant, nous rétrécissons l'éventail aux
seules organisations qui oeuvrent pour des buts nobles, éthiques
disqualifiant ainsi les organisations terroristes et mafieuses de la course.
Quoiqu'il en soit, cette forme de regroupement des associations privées
a une histoire qui s'ancre dans la modernité politique en tant qu'elle
est caractérisée par l'émergence de l'Etat comme forme
d'organisation de la vie sociale, mais également en tant qu'elle est
symbolisée par les institutions démocratiques. Elle regroupe des
réalités multiples.
2. De la diversité au sein des ONG ou
l'humanitaire protéiforme.
Examiner la position de l'acteur ONG dans l'initiative c'est
préciser d'emblée deux choses. Premièrement, son action
dans EITI s'inscrit dans le cadre de la société civile.
Deuxièmement, l'ONG n'est pas une entité uniforme et portant le
même sens, tout nominalisme s'avérerait être un apriorisme.
Dans cet espace, il s'agit donc de restituer le caractère multiple des
ONG et de préciser la catégorie qui est à l'oeuvre dans
l'EITI.
Traditionnellement, on distingue les ONG des droits de
l'Homme, les ONG de développement et les ONG environnementales. Les
premières plongeraient leurs rémiges dans la philosophie des
Lumières, avec la création de la ligue des droits de l'Homme en
1898. Elles sont les plus lointaines dans l'histoire. Les ONG de
développement ont vu le jour lorsque la problématique du
développement des peuples a commencé à attirer
l'attention. Comme le dit Rouillé d'Orfeuil : « Les ONG de
développement sont elles aussi des héritières des
mouvements sociaux ou religieux qui ont accompagné souvent en la
critiquant l'action coloniale, les mouvements d'émancipation, voire les
guerres de libération, puis les premiers
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pas de ces pays du tiers-monde nouvellement
indépendants »1. Enfin, surviennent les ONG dites
environnementales qui n'ont pas d'antécédents. Elles sont
pionnières et ont oeuvré à sonner l'hallali sur le
dépérissement de la planète dès les années
1960 environ. Toutefois, l'on est tenté de s'interroger sur la
pertinence de la distinction faite entre ONG de développement et ONG
environnementales. La problématique du développement ne saurait
être détachée des questions environnementales2.
Cette réalité a d'ailleurs été perçue par
certaines ONG comme le Centre pour l'Environnement et le
Développement (CED), le Réseau de Lutte contre la
Faim (RELUFA)3...qui ne dissocient pas le développement
de l'environnement.
D'autre part, au-delà de cette typologie fondée
sur le critère du surgissement historique, l'on peut aussi
catégoriser les ONG suivant les hémisphères. Ainsi, on
aura les ONG du nord et celles du sud. Les premières
géographiquement situées dans l'hémisphère nord,
disposent de moyens colossaux et celles du sud qui sont moins pourvues,
travaillent en relais et en réseau avec celles du nord. Dans le cadre de
l'initiative, les ONG du nord telles CAFOD, CARE
international, Global witness, Save the children, Human
rights watch, Open society institute, Transparency
international et Oxfam ont instigué une action de
plaidoyer au sein de la coalition internationale publish what you pay,
ce qui a abouti au lancement de l'EITI. Dans les deux cas, les ONG dans
certains pays du sud ont suivi la cadence impulsée par celles du nord.
Il s'est formé au Cameroun notamment, une coalition publish what you
pay le 06 décembre 2005 en écho à la coalition
mondiale. Celle-ci comprend à ce jour 9 ONG dont : le CED, le RELUFA, le
RENAC, ERA/Cameroon, le FOCARFE, le service oecuménique pour la paix, le
service national Justice et Paix, AGAGES et Transparency
international/Cameroon. Des représentants d'ONG du nord sont
membres des instances internationales d'EITI. Au niveau national, les ONG parce
que membres de la société civile, comptent parmi ses
représentants dans les instances de l'initiative. La présence et
l'activisme
1 D'Orfeuil op. cit P. 21.
2 La définition du développement par
le rapport Bruntdland consolide d'ailleurs l'idée d'une
communauté de destins entre les questions environnementales et les
questions de développement. Se développer, c'est désormais
résoudre les défis de l'instant en utilisant les ressources
disponibles mais sans compromettre les chances des générations
futures d'assurer leur bien-être. Il s'agit d'une conception altruiste et
intergénérationnelle du développement.
3 Le CED et le RELUFA sont deux ONG camerounaises
membres de la coalition nationale publish what you pay ; elles
oeuvrent pour le développement, la protection des peuples autochtones,
la préservation de la biodiversité...Dans leur modus operandi,
elles considèrent par exemple que l'exploitation des ressources du sol
et du sous sol, en même temps qu'elle doit être un vecteur du
développement, doit respecter l'environnement et les droits des peuples
dont les terres abritent ces richesses. Telle est leur conviction, telle est
leur philosophie et ayant compris le lien entre les problématiques du
développement et de l'environnement, elles se trouvent à
l'avant-garde de cette lutte.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 138 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
de cet acteur aux côtés de l'Etat et des
compagnies extractives sont assez intéressants pour que puisse en
sourdre une étude. En effet, les ONG, une et multiple, en réseau
ou seules, font office de porte-faix du chagrin des victimes du paradoxe
d'abondance. A cet effet, à côté d'autres acteurs, elles
veillent à la transparence des industries extractives dans le cadre de
l'EITI.
Paragraphe II : Les ONG dans la mise en oeuvre de
l'Initiative de Transparence des Industries Extractives : la
dénonciation légitimante ou le fondement éthique d'une
catégorie d'acteurs en quête de scène
L'examen de la praxis des organisations non gouvernementales
dans l'initiative impose une attention à l'activité qui a
précédé le lancement officiel de celle-ci, tant ce moment
est révélateur des logiques à l'oeuvre et des
causalités de l'action. Aussi, s'agit-il de scruter la
préhistoire de l'initiative (A) avant d'y examiner proprement dit le
rôle des ONG.
A. «Publish What You Pay» ou la
création d'une scène pour la promotion de la transparence dans
les industries extractives.
L'action dispersée des ONG contre les fléaux
liés aux industries extractives va entrer dans un tournant
organisationnel avec la création d'une plate-forme institutionnelle en
juin 2002. Kathryn Sikkink et Martha Finnemore dressent dans leur cycle de vie
d'une norme, des étapes qu'elle doit forcément parcourir. Ainsi,
à la genèse d'une norme se trouve un entrepreneur de norme qui se
sert d'une plate-forme institutionnelle déjà existante ou alors
qu'il crée afin de favoriser la promotion de la norme dont il est
entrepreneur1. La transparence des industries extractives semble
obéir à ce schéma. Les activités isolées des
ONG telles que Global Witness et Human Rights Watch qui
dénonçaient les usages déviés des revenus du
pétrole et du diamant en Angola, en RDC et au Libéria ont fini
par trouver un récif de corail pour s'agripper, et constituer une action
efficace. En 1999, Global Witness publia un rapport intitulé « A
crude Awakening » dans lequel il exposait les liens entre les milieux
bancaires et pétroliers dans le pillage des richesses angolaises pendant
les quarante années de guerre civile qui ont ravagé ce pays. Au
nombre des recommandations conclusives, le rapport mentionna l'impératif
pour les compagnies extractives, de publier ce qu'elles paient à
l'Angola. « Publiez ce que vous payez » vit ainsi le jour en tant que
recommandation faite aux firmes.
1 Sikkink K et Finnemore M. art. cit. pp.
896-900
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Eu égard au caractère endémique de ce
mal qui n'était pas l'apanage de l'Angola, quelques ONG au nombre
desquelles Global Witness, CAFOD, Open Society Institute (OSI), Oxfam GB, Save
the Children UK et Transparency International UK décidèrent de
lancer une initiative internationale demandant aux compagnies de publier ce
qu'elles paient aux pays où elles opèrent. Le lancement d'une
plate-forme organisationnelle ou l'arrimage de la promotion d'une norme
à une plate-forme se fait en général autour d'une figure
principale. A l'instar des figures telles que Henri Dunant qui fut
transformé lors de la bataille de Solferino, Susan B. Anthony et
Elisabeth Cady Stanton, Georges Soros le fondateur de Open Society Institute a
joué un rôle important dans le lancement de Publish what you
pay en tant que plateforme du plaidoyer en faveur de la transparence dans
les industries extractives. En juin 2002 il lance la Campagne «
Publish What You Pay ». La petite coalition des ONG fondatrices a
été bientôt rejointe par d'autres telles que Catholic
Relief Services, Human Rights Watch, Partnership Africa/Canada, Pax
Christi/Pays Bas et le Secours Catholique / Caritas-France ainsi que par un
nombre croissant de groupes de pays en développement1. La
coalition a beaucoup grandi depuis le lancement de la campagne et continue de
croître au point d'être constituée de 300 ONG dans plusieurs
pays.
La coalition PCQVP/PWYP demande aux compagnies
multinationales pétrolières, minières et gazières
de révéler les mêmes informations de base concernant les
paiements nets effectués à un Etat du monde en
développement, qu'ils révèlent couramment dans les pays du
monde industrialisé. Les entreprises d`Etat doivent également
être rendues responsables financièrement des paiements faits
à leurs gouvernements et des revenus qu'elles génèrent.
Dans leur ensemble, ces renseignements aideront les citoyens des pays pauvres
mais riches en ressources naturelles à demander à leurs
gouvernements des comptes sur la gestion des revenus et de ce fait à
générer un débat démocratique sur leur emploi et
leur distribution. Les sociétés peuvent souvent être
perçues comme complices de la corruption et de la
détérioration des conditions sociales dans les pays où
elles opèrent, même quand elles fournissent une source importante
d'investissement qui, lorsqu'il est géré de façon
transparente et responsable, devrait être une source de croissance et de
développement bénéfique à tous les citoyens de ces
pays pauvres. L'action de la coalition s'inscrit donc dans le continuum d'un
engagement moral antérieur des ONG et constitue une plate-forme à
partir de laquelle les ONG ont lancé l'opération de contagion
normative en direction des Etats que Sikkink et
1 Voir le site de la coalition
www.publishwhatyoupay.org
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Finnemore appellent norms leaders, il s'agit pour le
cas qui nous intéresse de la Grande Bretagne et dans une certaine mesure
du G8.
B. Les organisations non gouvernementales et le
suivi de la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives: des
gardiennes du jardin de la transparence ?
D'emblée, il convient de préciser un fait qui
ne saurait passer inaperçu. Le livre source qui est le document de base
de l'EITI cite au nombre des parties prenantes impliquées dans la
transparence des industries extractives : les institutions publiques, le
secteur privé, la société civile, les exécutants de
l'EITI et les partenaires internationaux. Il s'agit d'une mise en scène
de trois secteurs à savoir, le secteur public, le marché et la
société civile en tant que « troisième secteur
». Or, le paragraphe qui va suivre parle des organisations non
gouvernementales. Aussi, cela mérite-t-il quelque explication. Comme il
est apparu dans l'espace définitionnel, le concept ONG renferme deux
éléments substantiels à savoir le fondement non lucratif
de son action et sa distance vis-à-vis des institutions
gouvernementales. Ceci implique qu'en principe toute organisation de la
société civile est non gouvernementale si l'on s'en tient
à la généralité de ce niveau de définition.
De plus, s'en tenir à la considération de l'ONG comme composante
de la société civile uniquement serait rendre compte
partiellement de son action dans le transparence des industries extractives.
Car, les ONG dans le cadre des coalitions nationales et internationales PWYP
oeuvrent pour la transparence des industries extractives et même dans le
cadre des comités de mise en oeuvre, leur action sort du lot en raison
des moyens et connexions extérieures dont elles disposent. Aussi, qu'il
nous soit permis d'utiliser de façon confuse les concepts de
société civile et d'ONG pour rendre raison de la participation
d'un troisième secteur dans l'initiative. Ce paragraphe va s'articuler
autour de la participation actorielle des ONG à l'initiative dans le
cadre des comités de mise en oeuvre et au niveau international (1),
ensuite un examen de la participation matérielle sera fait (2) pour
enfin analyser les difficultés liées au dur apprentissage de la
cohabitation de l'Etat avec la société civile dans certains
contextes (3).
1. La participation de la société civile
dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives : un
acteur en quête de scène
La jeunesse de l'initiative et son essence performative
interdisent toute évaluation sous forme de bilan cependant, l'on peut
sans être exhaustif rendre compte de certains aspects de la
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
participation des ONG dans la mise en oeuvre de la
transparence des industries extractives, pour restituer
l'actorité des organisations non gouvernementales dans la
politique mondiale. Le locus standi formalisé dont elles
jouissent en vertu du cinquième critère EITI qui dit que «
la société civile participe activement à la conception, au
suivi et à l'évaluation de ce processus et apporte sa
contribution au débat public », leur accorde tout droit d'agir dans
le cadre de l'initiative. Le premier signe de leur participation est
d'être un acteur incontournable pour que soit prise au sérieux
l'adhésion d'un pays aux principes de l'initiative. Car, faut-il le
rappeler, parmi les quatre conditions à remplir pour acquérir le
statut de candidat, figure en bonne place la formation d'une équipe de
suivi de la mise en oeuvre qui intègre la société civile.
Et selon le Livre Source, celle-ci comprend : les organisations de
base communautaire, les organisations non gouvernementales nationales, les
organisations non gouvernementales internationales et affiliées locaux,
les medias, les syndicats, les instituts universitaires et de recherche et les
organisations confessionnelles.
Au niveau supranational, c'est-à-dire au sein du
Conseil international EITI, les organisations de la société
civile sont représentées par : Revenue Watch Institute (Karin
Lissakers), Oxfam America (Bennett Freeman), PWYP/Congo (Christian Mounzeo),
Revenue Watch Kazakhstan (Anton Artemyev), Global Witness (Gavin Hayman) et
Transparency International/Nigeria (Humphrey Assisi Asobie). En plus de cette
présence au conseil d'administration, nombre d'organisations soutiennent
l'initiative au plan international. Il s'agit notamment de : Catholic Agency
for Overseas Development (CAFOD), Global Witness, Oxfam, Open Society
Institute, Publiez ce que vous payez, Revenue Watch Institute, Secours
Catholique (Caritas France) et Transparency International.
L'architecture institutionnelle du conseil d'administration
se reflète au niveau national où l'exigence de la prise en compte
des acteurs de la société civile impose la présence des
représentants des organisations non gouvernementales au sein des
comités de pilotage de la mise en oeuvre. Au Cameroun, le décret
n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 portant création, organisation et
fonctionnement du comité de mise en oeuvre de l'EITI assigne dix
sièges à la société civile tel que, deux
députés dont l'un de l'opposition et l'autre de la
majorité au pouvoir, un siège pour le coordonnateur national de
Transparency International, trois représentants des
collectivités locales décentralisées, un siège pour
le président de l'Union des Journalistes du Cameroun (UJC) et trois ONG
nationales.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
L'article 8 du décret n°2006-626 du 11 octobre
2006 portant création, attribution et composition du comité
exécutif de mise en oeuvre de l'EITI au Congo dispose que la
société civile a cinq représentants au sein dudit
comité1 avec un membre de la société civile
comme vice-président du comité exécutif2.
Tandis que le République démocratique du Congo a établi un
comité de pilotage qui compte huit (08) représentants de la
société civile et un conseil consultatif auquel siège
également huit (08) membres de la société
civile3. Tous les pays dont la candidature a été
validée ont certainement un comité de mise en oeuvre qui
intègre des membres issus des organisations de la société
civile4.
2. Les organisations de la société
civile dans la matérialisation de la transparence dans les industries
extractives : contribution à la construction d'un « marché
de valeurs »
La participation des organisations de la
société civile ne se limite cependant pas à une simple
présence au sein des instances de mise en oeuvre tant nationales
qu'internationales. Celles-ci jouent un rôle effectif qui se
décline en plusieurs actions allant de l'information du public au
financement, en passant par le contre-pouvoir face à la
complicité entre l'Etat et les industries extractives et la formation
des membres des comités aux rouages du suivi budgétaire.
Les organisations de la société civile
étant les gardiennes de l'intérêt général au
sein des comités de mise en oeuvre, elles ont la tâche de
participer à la vulgarisation de l'information
1 (01) membre du comité de liaison des ONG,
(1) membre du groupe thématique pétrole DSRP, (01) membre de la
coalition PWYP, (01) membre de la fédération nationale des
jeunesses et individualités du Congo et (01) membre du centre
d'échange et d'appui et de renforcement des capacités.
2 Il s'agit de M. Christian Mounzeo de l'ONG
Rencontre pour la Paix et les Droits de l'Homme (RPDH). Il est par ailleurs le
coordonnateur de la coalition PWYP au Congo et c'est à ce titre qu'il
siège au conseil d'administration international de l'ITIE.
3 Respectivement selon le décret n°
05/160 du 18 novembre 2006 portant création, organisation et
fonctionnement du comité de pilotage du comité national ITIE et
l'arrêté n°026/CAB/
MIN. PL/2007 portant nomination des
membres du conseil consultatif du comité national de mise en oeuvre de
l'ITIE.
4 Quelques exemples : au Niger, l'article 8 de
l'arrêté n°000073/PM du 04 juillet 2005 portant
création, attributions, composition et fonctionnement du dispositif
institutionnel de préparation et de suivi de la mise en oeuvre de l'ITIE
au Niger réserve des sièges à des membres dont on
soupçonne qu'ils sont de la société civile. Il s'agit de
deux représentants des medias public et privé, un
représentant du collectif d'ONG nationales, un représentant des
ONG internationales, un représentant du SYNTRAMIN et un
représentant du collectif des organisations de base. La Mauritanie a
accorde neuf (09) sièges aux organisations de la société
civile au sein du comité national de mise en oeuvre de l'ITIE selon le
décret n° 29-2006 modifiant certaines dispositions du décret
n° 2006-001 du 13 janvier 2006 portant création, organisation et
fonctionnement de l'ITIE en Mauritanie. Le NEITI Act au Nigeria stipule dans sa
section 6 paragraphe (a) que: «In making the appointment into the
NSWG, the president shall include ... representatives from civil
society».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
relative aux industries extractives car, il s'agit d'un
secteur inconnu pour la plupart des citoyens ordinaires. Au Niger, le
Réseau des Organisations pour la Transparence et l'Analyse
Budgétaire (ROTAB-PCQVP/Niger) a lancé un bulletin d'information
destiné au grand public au sujet des industries extractives qu'il veut
transparentes. Il a lancé un site Internet1 comme nombre de
coalitions nationales PWYP dans le but de rendre les informations locales
disponibles pour tous et de constituer des fora de discussion. Les
ateliers et autres journées d'information permettent aux ONG de rendre
publiques les informations relatives aux industries extractives. La coalition
camerounaise PWYP a ainsi organisé le 10 mai 2007 à Douala, le 08
et le 15 novembre 2007 à Limbé et Bertoua des journées
d'information publiques sur l'initiative de transparence des industries
extractives et la campagne « Publish What You Pay ». Le but de ces
journées était de maximiser l'efficacité de la coalition
et de toucher un large public tout en partageant les connaissances avec ce
dernier.
La formation est également l'un des domaines d'action
des organisations de la société civile. Eu égard à
la complexité des rouages du suivi budgétaire des industries
extractives, les membres des comités issus de la société
civile nécessitent souvent une formation appropriée que leur
offrent les institutions gouvernementales mais également les
organisations de la société civile. C'est ainsi que le ROTAB
-PWYP/Niger a initié du 30 au 31 août 2007 un atelier sur l'EITI.
Il s'est agi d'un atelier de formation destiné à la
société civile et animé par Mamane Sa Adamou de l'ONG
Alternative Espace Citoyen et de Bagna Aissata Fall. Un autre atelier
du même type fut organisé les 21 et 22 août à
l'ambassade du Canada à Niamey sur la problématique des
industries extractives au Niger. Ce dernier faisait suite à un atelier
antérieur organisé du 12 au 13 juillet 2006 par la même
organisation à savoir le Groupe de Réflexion et
d'Action. Au Cameroun, la coalition a organisé les 22 et 23 janvier
2008 un atelier de formation des membres de la coalition sur la gestion
financière et administrative d'un projet qui s'inscrivait dans une
série à la suite de l'atelier du 7 au 9 août 2007
destiné à la formation des membres de la coalition sur le suivi
du budget de l'Etat et la fiscalité pétrolière.
Le bon déroulement de ces ateliers requiert souvent
des moyens financiers dont ne disposent pas les organisations et les coalitions
qui se tournent donc vers leurs partenaires du monde développé.
L'atelier du ROTAB a ainsi bénéficié du financement de
Revenue Watch
1
www.tamtaminfo.org
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 144 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Institute, tandis que celui du GREN a été
sponsorisé par SWISSAID. Les organisations non gouvernementales prennent
ainsi part à la transparence des industries extractives par un apport
des financements. Voici quelques chiffres des financements reçus par la
coalition camerounaise PWYP pour l'année 2007.
Tableau 3 : les financements reçus par la
coalition PWYP/Cameroun en 2007
ONG donatrice
|
Montant du financement
|
%
|
Revenue Watch Institute
|
23.701.1751
|
53'2
|
Open Society Institute West Africa (OSIWA)
|
19. 232. 893
|
43'2
|
MISEREOR
|
1.632.498
|
03'6
|
TOTAL
|
44.566.566
|
100
|
|
Source : Rapport annuel 2007 de la coalition camerounaise
PWYP p. 20.
D'autre part, parce que gardiennes des opérations de
transparence, les organisations de la société civile veillent
à l'effectivité de la transparence dans les industries
extractives. Elles ont ainsi la charge de s'assurer que les rapports que
publient les Etats et qui sont censés rendre compte des paiements et
recettes issus des industries extractives sont fiables. Même s'il est
encore difficile de témoigner de la réalité des chiffres
livrés dans ces rapports, tant les Etats et les firmes disposent de
plusieurs outils pour tromper la vigilance des organisations de la
société civile, ces dernières ont souvent
dénoncé les irrégularités, prenant le peuple
à témoin. La publication des rapports de conciliation est souvent
l'occasion d'une inflation de condamnations d'un processus jugé
unfair, alors même que lesdites organisations qui se plaisent
à la stigmatisation a posteriori n'ont pas osé bloquer
la publication du rapport. En fait, l'adoption des textes et autres mesures qui
relèvent de la compétence du comité ne se fait pas par un
vote secret, du moins dans nombre de pays. Même si l'on peut avoir des
réserves quant aux agitations ex post des organisations de la
société civile, il demeure que dans l'optique de la description
de leur participation dans la mise en oeuvre, la publication des rapports dits
« d'évaluation indépendante » relève du
contre-pouvoir que sont censées représenter les ONG dans
l'initiative.
1 En FCFA la monnaie locale
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 145 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Ainsi, les sociétés civiles ont coutume de
dénoncer le mode adopté par la plupart des pays candidats pour la
publication des chiffres. A la différence de certains pays comme le
Nigeria la plupart des pays ont opté pour la publication des
données agrégées et ce, malgré l'insistance des
sociétés civiles qui jugent plus transparentes les données
désagrégées. Lorsqu'en avril 2007 le Gabon publie son
second rapport, la société civile juge que l'écart de
64.990.000 dollars est énorme. Elle condamne par ailleurs le fait que
Total Gabon, Total Participation et Shell Gabon
n'ont pas certifié leurs déclarations. De plus, le Gabon ayant
perçu son profit oil en nature et l'ayant commercialisé
sur le marché international par le truchement de Petrolin, le
fruit de la vente n'a pas été indiqué dans les
données et, ces anomalies ont entraîné une vague de
dénonciation de la part des organisations de la société
civile. La publication du troisième rapport gabonais a
révélé un écart de 63,4 millions de dollars pour
les produits pétroliers mais, ces écarts représentant
moins de 5%, sont jugés acceptables par le conciliateur
indépendant1.
La coalition camerounaise PWYP a publié une
déclaration sur le rapport de conciliation des chiffres et des volumes
dans le cadre de l'EITI au Cameroun2. En effet, le 26
décembre 2006 le gouvernement camerounais a rendu public son premier
rapport de la mise en oeuvre de l'EITI. La coalition a exprimé son rejet
du mode de publication des données, en estimant que la «
publication agrégée des chiffres biaise la transparence et
maintient l'opacité dans le processus, car ne permet pas entre autre,
d'identifier les flux entre les compagnies prises individuellement, et l'Etat
et ses démembrements. De la même manière, elle ne permet
pas d'identifier les compagnies défaillantes, ni de situer la
période des défaillances d'une année à l'autre
pendant la période considérée ». Tout se passe comme
si les membres de la coalition découvrent en même temps que le
public le rapport car, ils marquent leur surprise devant les écarts et
autres absences de déclarations de la part de l'Etat. Tout en restituant
certains des aspects de la dénonciation des sociétés
civiles dans le cadre de leur rôle de contrôle au sein des
comités de mise en oeuvre, il se dégage comme un laxisme de la
part de ces organisations devant la responsabilité lourde qui est la
leur, dans ces processus de transparence. Mais, en plus de ces
éléments qui relèveraient du laxisme, il existe des
preuves du malaise de certains Etats devant cette nouvelle donne qui suppose la
cohabitation avec des organisations de la
1 M. Anton Mélard de Feuerdant du cabinet
Ernst & Young qui s'occupe de la conciliation au Gabon disait d'ailleurs
à la suite des contestations consécutives à la publication
du premier rapport EITI Gabon que l'écart de 5% est acceptable car c'est
l'écart 0 qui serait plutôt suspect. M. Marc Ona Essangui de
Brainforest Gabon nous a tenu le même propos lors de son passage au
Cameroun en mars 2008.
2 Voir le site du Réseau de Lutte contre la
Faim
www.relufa.org.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 146 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
société civile dans la gestion des affaires
délicates telles que les revenus des industries extractives.
3. Obstacles à l'émulation de la
société civile sur les sentiers de la transparence Les
écluses sur le chemin de la participation effective de la
société civile sont de plusieurs natures. Il peut s'agir de
l'organisation insuffisante des réunions, de l'inaccessibilité
des documents à débattre lors des réunions ou des
problèmes lié au choix des membres de la société
civile.
Au Cameroun, un membre de la coalition nous a confié
que l'organisation des réunions à la hâte ne permettait pas
aux membres de la société civile domiciliés dans d'autres
villes que la capitale Yaoundé de s'y rendre à temps. Ce d'autant
plus que les documents soumis à l'ordre du jour ne sont jamais transmis
deux semaines avant la tenue des réunions comme l'ont souhaité
les organisations de la société civile. Un autre a avoué
aux enquêteurs de Revenue Watch Institute en charge de
recueillir les données pour l'évaluation de la mise en oeuvre de
l'EITI en 2006 que : « Les représentants de la
société civile n'ont pas eu la possibilité de contribuer
au plan de travail. Les représentants du gouvernement sont
arrivés à la réunion avec les documents et les ont
analysés pendant cette même réunion...Les
représentants de la société civile n'avaient pas eu le
temps de se préparer puisque les documents n'avaient pas
été distribués avant la réunion ». Cela
peut en partie expliquer l'impression de laxisme que dégagent les
critiques acerbes à l'endroit des textes que les détracteurs ont
eux-mêmes adoptés. Cette ruse de l'improviste qui consiste
à remettre les documents le jour de la réunion est un
stratagème apparemment répandu puisqu'un membre de la coalition
mauritanienne nous a confié la même inquitétude. Le rapport
Eye on EITI1 évoque les cas de la République
Kirghize où le comité s'est réuni seulement deux fois en
deux ans au lieu de quatre fois par an. Tandis qu'au Nigeria, le NSWG fait
aussi figure de mauvais élève en terme des réunions
annuelles.
Le souci de contrôler le processus de transparence a
conduit certains gouvernements à nommer les représentants de la
société civile au lieu que celle-ci désigne ses membres au
sein du comité. Au Cameroun, deux membres du parlement sont
considérés comme faisant partie de la société
civile. Si le ressortissant de l'opposition peut se targuer de jouir d'une
liberté
1 Un regard sur l'EITI : perspective de las
société civile et recommandations concernant l'EITI, Publish What
You Pay et Revenue Watch Institute, octobre 2006.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
d'esprit, peut-il en être de même de celui qui
est issu de la majorité au pouvoir ? Le Gabon dans la première
version de la composition de son groupe d'intérêt a assigné
les deux places réservées à la société
civile à deux membres du conseil économique et social qui est un
corps constitué de l'Etat et dont on ne peut douter de
l'inféodation à la politique gouvernementale. Il a fallu de vives
protestations de la société civile réelle pour qu'en 2006,
M. Marc Ona Essangui président de l'ONG Brainforest et Mgr Mike
S. Jocktane du Rassemblement des Eglises et ministères
pentecôtistes et charismatiques du Gabon remplacent les
précédents pseudo-représentants de la
société civile. En Mauritanie, le décret n° 2006-001
portant création, organisation et fonctionnement du Comité
National de l'Initiative sur la Transparence des Industries Extractives indique
au nombre des représentants de la société civile quatre
représentants des partis politiques. Les mêmes constatations ont
été faites pour ce qui concerne les comités de mise en
oeuvre de la Mongolie où le gouvernement a désigné comme
membres de la société civile des personnes qui
représentaient des intérêts privés des entreprises
et au Nigeria, avec le rôle prépondérant joué par
l'ancien président Olusegun Obasanjo dans la désignation des
membres de la société civile siégeant au sein du
comité des 28 personnes chargées de piloter la mise en oeuvre de
l'EITI.
A ces actions ou inactions qui illustrent le désir des
gouvernements de contrôler la totalité du processus de mise en
oeuvre de la transparence des industries extractives, il faut ajouter
l'intimidation et l'arrestation des membres de la société civile.
En plus des soucis de Marc Ona Essangui du Gabon et des sieurs Brice Mackosso
et Christian Mounzeo au Congo-Brazzaville déjà
évoqués dans cette étude, le cas de M. Golden Misabiko en
RDC vient enrichir la liste des victimes collatérales de l'activisme non
gouvernemental. Ce président de l'Association Africaine de
Défense des Droits de l'Homme (AADDH)/section du Katanga a publié
le 13 juillet 2009, un rapport intitulé « Mine uranifère de
Shinkolobwe : de l'exploitation illicite artisanale à l'accord entre la
RDC et le groupe nucléaire français AREVA ». En corollaire,
il a été appréhendé le 25 juillet par les services
de renseignements du pays pour « atteinte à la sûreté
de l'Etat ». Devant l'inquiétude suscitée par cette
unième interpellation la coalition internationale PWYP a adressé
le vendredi 7 août 2009, une lettre ouverte à madame Hillary
Clinton pour requérir un soutien plus affirmé du gouvernement
américain pour la transparence des industries extractives. Il faut y
ajouter les interpellations de MM. Wada Maman et Marou Amadou du
ROTAB/PCQVP/Niger en août 2009 par les autorités
nigériennes. Ces entraves sur la route de la transparence illustrent la
difficulté à se
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
départir d'un habitus de total contrôle des
institutions de l'Etat et traduit le bouleversement des habitudes qu'induit la
complexification de la politique internationale qui donne naissance à
des initiative telles que EITI, Global Compact etc. dans lesquelles les
gouvernements sont invités à tabler sur des questions relevant de
leur souveraineté avec des acteurs privés, même quand ils
sont fortement liés à l'extérieur ou sont tout simplement
étrangers.
Les ONG plus globalement ou bien les organisations de la
société civile si l'on veut s'entourer de la prudence
définitionnelle qu'exige le maniement d'un concept aussi ouvert, ne
constituent cependant pas le seul acteur dont l'irruption dans la politique
internationale est le signe de la complexité. Dans la
démonstration de ce premier niveau de la relativité de la
souveraineté, le foisonnement des acteurs qui ont acquis un locus
standi au sein des espaces de résolution des problèmes tout
aussi complexes, révèle que les ONG sont autant
déterminantes que les industries extractives en tant que
sociétés et donc, acteurs des « relations transnationales
». Les firmes transnationales en général et les firmes du
secteur des industries extractives vont constituer la quintessence de la
section suivante.
Section 2 : Les firmes multinationales du
secteur des industries extractives dans l'économie politique
internationale : affirmation de la qualité d'acteur et oppression de la
souveraineté
Cette section s'articule autour de l'idée que les
sociétés multinationales en général et les
multinationales des industries extractives en particulier, sont des acteurs
à part entière et confirmés de la politique internationale
et que cette affirmation de l'actorité comporte des
éléments de subversion de la souveraineté. Engagé
dans la démonstration de la relativité de la souveraineté
par la profusion des acteurs impliqués dans la politique internationale
et eu égard aux transactions complexes qui les lient, la pertinence de
l'idée d'une excroissance des acteurs a semblé constituer le
passage obligé pour que rendre raison de la relativité de la
souveraineté au travers des interactions complexes entre ceux-ci
possède un sens. Cette étude s'inscrit donc dans le sillage des
auteurs de la sociologie des relations internationales1 qui rendent
compte de la complexité de la scène internationale en raison de
l'irruption des acteurs privés à l'instar des multinationales,
des ONG, des organisations intergouvernementales et des
1 Notamment : Guillaume Devin (2002) Sociologie
des relations internationales. Paris : La découverte et Syros ;
Marcel Merle (1974), Sociologie des relations internationales, Paris :
Dalloz
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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mouvements transfrontaliers1. Elle confirme la
thèse de la complexité qui peut faire penser à une
obsolescence de la souveraineté devant le flux de border spanners
qui transgressent la territorialité, propriété
première de l'Etat. Cet espace qui se veut l'occasion de la
démonstration de l'actorness des multinationales comme acteurs
privés, impose quelques précisions sémantiques sur la
notion d'industries extractives.
La notion d'industries extractives renvoie à la fois
à un secteur d'activité et à une catégorie
d'acteur. C'est d'abord un secteur d'activité qui au sens du rapport de
la CNUCED 2007 sur les investissements dans le monde, assigne à la
notion la connotation figée et non la mobilité d'un acteur. Il y
est dit : « Dans le présent rapport, les industries extractives
sont définies comme les activités primaires concernant
l'extraction de ressources non renouvelables. Elles ne couvrent donc pas des
branches d'activité telles que l'agriculture, la sylviculture et la
pêche2 ». Ce sens ne contient pas la charge
sémantique que cette étude veut attribuer aux industries
extractives. En effet, selon la logique suivie, les industries extractives ne
sont pas ce secteur impersonnel et inerte mais, une version
écourtée de l'appellation sociétés des industries
extractives. Ce qui rend bien compte qu'il s'agit d'un acteur mouvant et
animé. De plus, l'importance des industries extractives en tant
qu'acteur de la politique mondiale sera croquée dans son
caractère dynamique. Jam dies, elles ont servi à la
poursuite de l'intérêt, animées par le seul désir de
faire du profit et ont ainsi été de acteurs centraux de la
mondialisation de l'économie libérale3avec les risques
et incidences que cela a induit. Leur importance contemporaine sera
nécessaire dans la résolution de certains des fléaux de la
mondialisation et à ce titre, leur place dans la transparence du secteur
est centrale. Dans les deux cas, il s'agit de dire que les multinationales des
industries extractives sont des acteurs pertinents dans la politique
mondiale.
Les sociétés multinationales du secteur des
industries extractives s'insèrent dans une composante plus large
à savoir les multinationales tout simplement. Aussi, un propos sur les
sociétés des industries extractives doit restituer le cadre
général de leur appartenance ce, dans un élan
d'affirmation de l'acteur (paragraphe I) pour ensuite examiner le cas
particulier de
1 D'où l'allégorie de la «
toile d'araignée » utilisée par John Burton pour traduire
l'enchevêtrement des acteurs qui ne peuvent plus être
appréhendés simplement par l'opposition Etats-acteurs
privés qui peuvent de temps en temps entrer en contact dans le cadre
d'un système à l'image des « boules de billards » que
critique d'ailleurs Arnold Wolfers.
2 CNUCED (2008) Rapport sur les investissements
dans le monde 2007 : Sociétés transnationales, industries
extractives et développement. Nations Unies : Genève,
p.33.
3 Lire à ce propos Wladimir Andreff (2003)
Les multinationales globales. Paris : La découverte.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 150 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
leur implication dans l'initiative de transparence des
industries extractives dans leur rapport à la transparence, parce que
subversives de la souveraineté étatique (paragraphe II).
Paragraphe I : Considérations
générales sur les multinationales du secteur des industries
extractives dans la politique internationale
La prononciation sur les industries extractives en tant
qu'acteurs pertinents de la politique internationale, par le fait de leur
implication dans l'Initiative de Transparence des Industries Extractives exige
de dire l'insertion dans un cadre plus large de cette catégorie
d'acteurs. En effet, va-t-on parler des industries extractives sans sacrifier
au devoir de les enchâsser dans les sociétés
multinationales ? Non pas cependant que toutes les firmes qui opèrent
dans ce domaine sont multinationales ou transnationales mais, c'est une
expression de la marginalisation expresse des sociétés
extractives confinées dans les frontières territoriales d'un seul
Etat car, de façon arbitraire, il nous a semblé pertinent
lorsqu'on veut démontrer les transformation de la souveraineté du
fait de l'action des acteurs privés, d'invoquer les
sociétés dont le champ d'action est multinational. Ainsi, ce
paragraphe obéit-il à cette gradation qui rend compte de la
généralité des multinationales (A) qui abritent en leur
sein des multinationales des industries extractives (B).
A. Les sociétés multinationales : le
renouveau d'un objet d'analyse ancien. 1. Eléments de
définition et d'histoire des sociétés
multinationales
L'émergence des sociétés transnationales ou
multinationales peut être liée à l'essor du
capitalisme. Tel semble être l'avis de Karl Max et
Engels qui dans le Manifeste du Particommuniste1,
liaient intimement le phénomène de transnationalisation des
sociétés nationales
au capitalisme. Ainsi, le fabuleux destin des
sociétés multinationales ne s'explique que par l'expansion du
capitalisme qui est un système bâti sur la quête du profit
à partir d'un capital. La définition de la société
multinationale comporte à la fois une simplicité et une dose de
complexité. En effet, si l'on s'en tient à son caractère
multinational c'est-à-dire le fait pour elle d'échapper à
l'emprise territoriale d'un seul Etat pour implanter des filiales à
l'étranger, il se dégage quelque facilité à la
définir car, il faudra tout simplement dans ce cas, restituer
l'importance d'un centre unique de décision et la saillie de
représentations outre-frontières.. Le tout premier
auteur à s'intéresser aux sociétés multinationales
est Maurice Byé de
1 Max et Engels cité par Jacques Huntzinger
(1987) Introduction aux relations internationales. Paris : Le Seuil,
p.53-54
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'Université de Paris. En 1953, il mena une
étude sur les « Grandes unités de production
interterritoriales ». Pour lui, ces grandes unités de production
inter-territoriales qui sont l'équivalent des multinationales, sont un
« ensemble intégré d'organisations de production
contrôlées en divers territoires par un centre unique de
décision1 ». Cette tendance à la
spécification de l'essence des multinationales sur la base de leur
multi-présence dans moult espaces territoriaux nationaux est fort
répandue car, Mucchielli se penchant à son tour sur cette
catégorie d'acteurs, la présente comme « toute entreprise
possédant au moins une unité de production à
l'étranger2». Cette unité de production
implantée à l'étranger doit être autre chose qu'une
succursale commerciale. Elle doit produire tout ou partie de ses produits
à l'extérieure de son territoire d'origine pour être
considérée comme une entreprise multinationale. C'est pourquoi
Wladimir Andreff3 estime que dès lors qu'une entreprise
possède ou contrôle des filiales de production ou des actifs
physiques et financiers dans au moins deux pays de l'économie mondiale,
elle peut être considérée comme multinationale. Et John
Dunning conforte cette vue en mettant une emphase particulière sur le
rôle de l'investissement direct étranger dans
l'appréhension du phénomène des sociétés
transnationales. Il parle de Multinational Producing Enterprise pour
designer la société qu'il considère transnationale et la
définit comme « an enterprise which owns or controls producing
facilities (i.e factories, mines, oil refineries or distribution outlets,
offices etc.) in more than one country4 ». Pareille
entreprise est distincte de ce qu'il appelle Multinational Trade Enterprise
(MTE) qui écoule tout simplement dans d'autres pays les produits
fabriqués dans le pays de son implantation. Mais, elle diffère
également de l'entreprise qui n'est transnationale que par la provenance
multinationale de ses capitaux (Multinational Owned Enterprise, MOE).
Johan Galtung ne souscrit pas à cette caractérisation et pense
que, la qualification multinationale d'une société sur la base de
son déploiement sur deux Etats seulement en fait une
société non pas multinationale, mais transnationale. De plus
pense-t-il, le principe de déséquilibre entre les Etats interdit
de parler de société multinationale car, l'asymétrie que
masque l'appellation « multinationale » est le signe d'une relation
de
1 Maurice Byé est cité par Jean Louis
Mucchielli (1998) Multinationales et mondialisation. Paris : Le Seuil,
p. 16
2 Mucchielli, op. cit. p. 18
3 Andreff W. op. cit. p.6
4 Dunning John H. «The multinational enterprise:
the background» in Dunning John H. (ed.) The multinational
enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. p. 16-17.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 152 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
domination à partir d'un Etat développé. Il
propose donc de parler d'OINGC (Organisation Inter Non Gouvernementale
Commerciale)1.
Même si quelques fois le terme multinational
au sens entendu dans cette étude peut échoir aux trois
catégories, nous faisons le choix sémantique de la
catégorie MPE. Cette structure définitionnelle exclut de notre
champ d'analyse certaines compagnies nationales qui comme la
Société Nationale des Hydrocarbures du Cameroun (SNH), la
Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) et bien
d'autres de la même catégorie, n'ont pas d'actifs physiques
à l'extérieur en terme de capacité de production.
D'ailleurs, elles ont un simple rôle de protection des
intérêts de leurs Etats respectifs dans les opérations
d'extraction. De plus, elles ont en général la charge de
gérer la part du profit oil qui à la suite des
opérations d'extraction, revient à leurs gouvernements pour
l'écouler sur le marché international.
Le parti pris transnationaliste dans la définition des
sociétés multinationales rend compte de la pertinence de
l'attribut qui accompagne ces entreprises. Cependant, il existe quelques
éléments de complexité et qui relèvent des
techniques économétriques particulières, et qui sont
porteurs d'une essence explicative des multinationales et des critères
de l'internationalisation d'une société. Déclarer qu'une
société est multinationale peut reposer sur des
éléments tels que son chiffre d'affaires, le chiffre de ses
ventes mondiales et la valeur des actifs possédés à
l'étranger2. On peut considérer que si une firme
possède au moins 10% du capital d'une entreprise
étrangère, cette dernière peut être sa filiale et
donc, faire de la première une firme multinationale. La mondialisation
qui a favorisé les fusions et rachats des sociétés les
unes par les autres, rend très complexe la définition sur le plan
technique de la société multinationale. Mucchielli dit à
cet effet : « le statut de multinationale est en fait une question de
degré. Il n'y a pas deux situations extrêmes : être
multinationale ou ne pas être
1 Johan Galtung, « Un continent invisible : les
acteurs non territoriaux, vers une typologie des organisations internationales
», Georges Abi-Saab, op. cit. p. 69.
2 La catégorisation de Perlmutter distingue
trois types, les firmes ethnocentriques tournées vers leurs
pays d'origine, avec un faible degré de multinationalisation qui n'est
que le prolongement de certaines activités nationales. Ensuite, le type
polycentrique : ici, l'entreprise est implantée dans plusieurs
pays et traite chacun comme un marché particulier. Enfin le type
géocentrique pour qui la firme est orientée vers le
marché mondial. Pour toutes ces catégories cependant, il existe
un degré de multinationalisation qui est certes relative mais l'on peut
penser que la catégorie ethnocentrique est une espèce en voie de
disparition car, les sites de matières premières de plus en plus
lointains, la variation du coût de la main d'oeuvre et les
facilités des marchés captifs exigent de la part des
sociétés un effort de multinationalisation, il y va même de
leur survie. Il considère cependant que seules les
sociétés qui couvrent la globalité du marché dans
le cadre du type géocentrique sont réellement multinationales.
Perlmutter H.V « The tortuous evolution of the multinational company
» Columbia Journal of World Business, January/February
1969 cité par Dunning John H. (1971) op. cit. p. 18
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 153 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
multinationale1 ». Dans le cadre de cette
analyse, sera considérée comme société
transnationale toute firme qui possède des unités de production
dans au moins un pays autre que celui d'origine et, les filiales commerciales
seront exclues du champ d'analyse.
Les sociétés multinationales actuelles
trouveraient leur origine dans les dernières décennies du
XIXème siècle2. Comme le dit Dunning :
« During the last half century, and particularly in the last twenty
years, a new and separately identifiable vehicle of international economic
activity has emerged as a result of the internationalization of the productive
activities of many activities3 ». Leur éclosion a
été rendue possible par le développement fulgurant des
moyens de communication et de transport à la fin du dix neuvième
siècle. Les câbles, les bateaux à vapeur et autres chemins
de fer et télégraphe ont crée un monde dans lequel la
multinationalisation des sociétés a trouvé un terrain
favorable. Robert Z. Aliber situe la croissance de ce phénomène
dans l'ère qui a vu naître les compagnies East Indies et
Hudson's Bay4. Quoiqu'il en soit, le
phénomène a gagné en importance au fur et à mesure
de l'interconnexion des Etats car, en 1914, 41 entreprises américaines
ont déjà au moins deux filiales à l'étranger. Il
s'agit notamment de Ford, Singer Sewing Machine, Westing
House, General Electric, International Harvester etc. Et, avant
cette année quarante firmes européennes ont des filiales à
l'étranger (notamment : Siemens, Bayer, AEG) et Michelin établit
sa première usine aux Etats-Unis en 19075. Toutefois la
timidité de la transnationalisation et le caractère
vertical6de leurs actions qui par le fait de l'économie
coloniale mais aussi de la prépondérance des firmes
américaines, allaient s'implanter vers les débouchés ou
vers les réservoirs de matières premières, a permis que le
processus fut ignoré pendant longtemps par les chercheurs. Il fallut
attendre la fin de l'organisation économique d'après
guerre7 pour que la complexification croissante de l'architecture
économique
1 Mucchielli op. cit. p.26
2 Wladmir Andreff rapporte que dès 1852, Colt
a implanté une usine à Londres, Bayer s'est installé aux
EtatsUnis en 1865 et Singer a ouvert une usine à Glasgow en 1867.
Andreff op. cit. p.8
3 Dunning John H. «The multinational enterprise:
the background» in Dunning John H. (ed.) The multinational
enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. p. 16
4 Aliber Z. Robert «The multinational enterprise
in a multiple currency world» in Dunning John H. (ed.) The
multinational enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. pp.
49-56.
5 Mucchielli op. cit. p18
6 Aliber op. cit. p. 49
7 Robert Gilpin parle d'une économie
fondée sur la triade USA-Japon- Europe occidentale et sous la coupole
des premiers. Des bouleversements survenus dans le courant des années
1970 tels que l'annonce d'une nouvelle politique économique par le
président Nixon le 15 août 1971 en réaction à un
déficit commercial des USA, la dévaluation du dollar en
décembre 1971 et février 1973. Mais ces événements
internes aux USA sont à conjuguer avec le rapprochement du pays avec la
Chine, et la marche vers la détente avec l'URSS. Toutes choses qui ont
rendu complexe un système jadis piloté par les Etats-Unis. Robert
Gilpin (1975) op. cit p. 38
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 154 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
mondiale autorise une excroissance des multinationalisations et
ipso facto, un intérêt pour la recherche. Cet
intérêt va révéler un acteur incontournable de la
politique internationale.
2. De la pertinence des sociétés
multinationales dans l'économie politique internationale
En 1960, Stephen Hymer un jeune canadien du MIT a produit une
thèse de doctorat sur les sociétés
multinationales1. Cette étude scientifique des firmes
multinationales qui constitue avec celle de Byé les premières
analyses du phénomène de transnationalisation des entreprises et
leur impact sur les pays, l'explique par la volonté d'assurer la
sécurité de son investissement et de contrôler l'ensemble
du rendement des capitaux investis d'une part et d'autre part, de modifier les
structures de compétition entre les firmes et organiser une sorte de
collusion avec ses filiales étrangères. Mais au-delà de
l'explication du phénomène, c'est un acteur
sous-évalué ou ignoré qui est révélé
à la communauté scientifique internationale. Son importance est
illustrée par le rôle qu'il joue dans l'investissement direct
étranger et donc dans la mondialisation de l'économie
internationale.
Si l'on peut blâmer l'action de certaines firmes
multinationales qui ont mené une politique étrangère
belliciste et quelques fois contre-productive pour les Etats2, au
point que dans les années 1960 le syndicaliste Charles Robinson accusait
les multinationales d'être responsables de l'inflation, force est de
noter que celles-ci sont responsables de l'augmentation des investissements
directs en direction de l'étranger, avec une nouvelle vague de
multinationales et donc d'IDE en provenance des Etats du tiers-monde dès
les années 1980.
Le paradigme du développement par l'investissement est
très centré sur le rôle et l'apport des investissements
directs étrangers dans les processus de développement des
Etats3. Il s'agit
1 Publié 16 ans plus tard : Hymer Stephen
(1976) The International operations of national firms : A study of foreign
direct investment. Cambridge: Massachusetts, MIT Press.
2 On rappellera les politiques de Elf au
Gabon et au Congo dans la guerre civile de 1997, l'affaire Elf avec
Loïc le Floch-Prigent, le soutien de United Fruit aux mercenaires
encadrés par la CIA pour le renversement du colonel Arbenz au Guatemala
en 1954, la collusion entre la CIA et International Telephone and
Telegraph dans la chute de Salvator Allende au Chili en 1973. Mais on peut
également évoquer les actions de Total et
Pepsico en Birmanie dans les années 1990 et même 2000.
3 Sur le paradigme du développement par
l'investissement appelé Investment Development Path, on peut
lire les travaux de John H. Dunning notamment: Dunning John H. (1993) «
The prospect of foreign direct investment in Central and Eastern Europe »
in Dunning John H. ed., The globalization of business. The challenge of the
1990s, London & New York : Routledge, pp. 220-241 ; Dunning John H.
(1993) Multinational enterprises and the global economy, Wokingham and
Reading: Addison-Wesley.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 155 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Yaoundé II/Cameroun)
d'une approche paradigmatique qui considère que les
changements structurels de l'économie conjugués avec la nature
des investissements directs étrangers sont les moteurs de la croissance
économique d'un Etat. En lieu et place de l'aide public au
développement, cette forme d'assistance au développement semble
séduire Fabienne Boudier-Bensebaa1 qui à la
lumière du cas des Etats de l'Europe centrale et de l'Est, tente
d'évaluer l'incidence de l'IDE sur les sentiers de développement
à la recherche des éléments
d'homogénéité. Mais, même si l'aspect comparatif de
son analyse n'est pas le centre de notre intérêt, elle
démontre l'impact de l'IDE dans le développement des Etats. Car,
son flux a le mérite de créer des emplois qui encouragent la
mobilité des travailleurs hautement éduqués
c'est-à-dire un transfert des technologies et de
l'expertise2.
Il ne suffit cependant pas qu'il existe un transfert de fonds
d'un pays à un autre pour que l'on parle d'investissement direct
étranger. Pour qu'un flux de capitaux prenne la coloration
d'investissement direct étranger, il faut qu'il existe une
capacité de contrôle ou un pouvoir d'influence sur la gestion
d'une entreprise étrangère, qu'il y ait un transfert de
compétences complexes et une logique de production. C'est dire que le
simple mouvement de capitaux ne suffit pas à conférer le
caractère d'investissement direct étranger à un
financement. L'on peut y voir la différence et même la cause
principale de l'échec d'une certaine politique d'aide au
développement qui transférait uniquement des fonds aux pays
sous-développés sans une logique et un arsenal de production des
richesses. Et, qui a conduit au recyclage de l'aide publique au
développement en produit de la corruption entre les élites des
pays en développement et les planners comme William
Easterly3 appelle les planificateurs du développement des
Etats depuis les institutions de Bretton Woods.
L'IDE est aussi différent d'un investissement de
portefeuille qui n'est qu'une prise de participation sous forme d'achat
d'actions ou autres modes qui ne sont perçus que comme un placement
financier. La banque de France par exemple définit l'IDE à partir
de certains critères tels que : la détention à
l'étranger d'une unité ayant une autonomie juridique ou une
1 Boudier-Bensebaa « FDI-assisted development
in the light of the investment development path paradigm: Evidence from Central
and Eastern European countries »Transnational Corporations, vol.
17, n° 1 (avril 2007) pp. 37-63.
2 Comme le démontrent Steven Globerman et
Daniel Shapiro pour le cas de la mobilité des travailleurs hautement
qualifiés dans l'espace OCDE. Globerman Steven & Shapiro Daniel
« The international mobility of highly educated workers among OECD
countries » International Corporations, vol. 17, n°1 (avril
2007) pp.1- 35.
3 A propos de l'échec des politiques d'aide au
développement planifiées depuis Washington et des effets pervers
desdites politiques, lire Easterly William (2006) The White man's
burden. London : Penguin Books Ltd
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
succursale, la détention d'une proportion
significative du capital donnant à l'investisseur résidant un
droit de regard dans la gestion de l'entreprise étrangère
investie ; pareille participation peut être supérieure ou
égale à 10%. Avec plus de 44.508 multinationales en 1957
possédant plus de 276.660 filiales en 1957 déjà, il y en
avait plus de 7.000 à la fin des années 1960 et 40.000 en 1997
d'après les Nations Unies. Le flux d'IDE que drainent ces
sociétés leur a conféré une importance indubitable
dans l'économie politique internationale au point que certains auteurs
tels que Raymond Vernon1 ont proclamé l'anachronisme de
l'Etatnation pour souligner l'importance des multinationales dans la
distribution du pouvoir dans la politique internationale. A ce sujet, Bergsten,
Keohane et Nye disent: «With regard to multinational enterprises, some
incautious or enthusiastic observers have gone too far in proclaiming the death
of the nation state in a world of interdependence2»
(à propos des entreprisess multinationales, certains observateurs
non avertis et enthousiastes sont allés trop loin en proclamant la mort
de l'Etat-nation dans un monde interdépendant). D'après le
rapport des Nations Unies sur les investissements dans le monde publié
en 2007, les IDE ont atteint par exemple en 2006, 1.306 milliards de dollars
soit une augmentation de 38% par rapport à 2005. Le record de 2000
(1.411 milliards de dollars) n'a pas pu être battu mais, l'on a toutefois
noté des chiffres exceptionnels avec des entrées des IDE dans les
pays développés qui ont connu une croissance de plus de 45%, des
entrées dans les pays en développement qui ont atteint le record
de 379 milliards de dollars ce, du fait notamment du boom des industries
extractives observé entre 2004 et 2008. Ce qui représente pour
l'entrée des IDE dans les pays en développement, une augmentation
de 21% par rapport à 2005 tandis que, les entrées de IDE dans les
pays en transition ont été évaluées à 69
milliards de dollars soit 68% d'augmentation. Tous les secteurs
d'activité ont connu une embellie depuis 1990 et les tableaux ci-dessous
donnent un aperçu des tendances en considérant les sorties et les
entrées des IDE en 1990 et en 2005.
1 Vernon Raymond (1971) Sovereignty at bay.
New York: Basic Books. On peut également lire pour cette école,
les auteurs tels que Kindleberger Charles et les travaux de Susan Strange sur
les firmes multinationales.
2 Bergsten Fred C., Keohane Robert O., Nye Joseph
S. «International economics and international relations: A framework for
analysis» in Bergsten Fred C and Krause B. Lawrence (Eds). (1975)
World Politics and International Economics. Washington DC: The
Brookings Institution, p. 11
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 157 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 4 : Stock estimé de l'IDE entrant par
secteur en 1990 et 2005 (en millions de dollars)
Secteurs
|
1990
|
2005
|
|
PVD
|
Monde
|
Pays développés
|
PVD
|
Monde
|
Primaire
|
139.013
|
27.847
|
166.860
|
551.2002
|
201.559
|
790.478
|
Manifacture
|
584.069
|
144.996
|
729.065
|
2.196.988
|
716.624
|
2.975.519
|
Services
|
713.721
|
155.123
|
868.844
|
4.683.574
|
1.339.703
|
6.110.761
|
Activités non spécialisées
|
9.662
|
4.767
|
14.429
|
108.101
|
48.668
|
164.998
|
|
Source : conçu à partir des
données du WIR 2007 de la CNUCED
Tableau 5 : Stock mondial estimé d'IDE sortant
par secteur, 1990 et 2005 (en millions de dollars)
Secteurs
|
1990
|
2005
|
|
PVD
|
Monde
|
Pays développés
|
PVD
|
Monde
|
Primaire
|
161.564
|
2.219
|
163.783
|
584.093
|
35.365
|
618.569
|
Manifacture
|
793.573
|
6.452
|
850.025
|
2.655.294
|
117.426
|
2.774.283
|
Services
|
834.927
|
834.927
|
846.550
|
6.264.620
|
870.740
|
7.095.563
|
Activités non spécialisées
|
4.139
|
716
|
4.855
|
66.959
|
21.538
|
88.676
|
|
Source : conçu à partir des
données du WIR 2007 de la CNUCED
Par delà la finesse que peut requérir
l'interprétation des chiffres, le constat de l'importance des flux des
IDE par le fait des multinationales valide la thèse de leur importance
sans cesse grandissante dans le sérail des acteurs de la politique
internationale, telle fut dès le départ toutefois la
présomption de cette étude et, qui contribue à la
démonstration de la relativité de la souveraineté dans un
contexte où la multiplication des acteurs a semblé signifier la
fin du principe structurant de leurs relations.
Cette émulation excroissante des multinationales, grande
composante qui comporte des micro-classes, a été prise au
sérieux par la communauté internationale dès la fin de
l'ordre
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 158 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
économique post-guerre dont Robert Gilpin1
pense qu'il était le fait des Etats-Unis d'Amérique en tant
qu'hégémon économique qui greffait autour de lui une
triade. Aussi, les changements dans l'environnement économique
perçus entre autre par la démultiplication des multinationales et
leur poids progressif va pousser les Nations Unies à encadrer leur
activité internationale2. L'adoption par l'ECOSOC de
l'expression « sociétés transnationales » traduit la
prise au sérieux de la menace de cette catégorie qui
échappe aux seules législations nationales puisque, s'inscrivant
dans l'espace transnational et comportant des risques réels au double
plan social et environnemental. A la faveur d'une résolution de l'ECOSOC
de 1972, un groupe constitué commit en 1974 un rapport intitulé
« Effets des sociétés multinationales sur le
développement et sur les relations internationales ». Le
désir de réguler et d'encadrer les activités de ces
acteurs conduisit le Conseil dans la foulée des recommandations dudit
rapport, à créer la même année la commission des STN
et le centre des STN. Les deux deviendront respectivement en 1993 et 1994 une
commission de la CNUCED et la division de l'investissement
international3. L'éventail de éléments porteurs
de sens dans la démonstration de l'importance, de la pertinence et de
l'affirmation actorielle des multinationales ne saurait être
épuisé dans un espace aussi réduit qui ne porte pas
exclusivement sur leur étude. Mais une catégorie dans ce vaste
ensemble, requiert notre attention de façon soutenue dans le cadre de
l'argumentaire relatif à la transformation de la souveraineté
dans la triangulaire complexe autour de la transparence des industries
extractives. Les multinationales des industries extractives sont la composante
précise qui constitue le substrat de notre réflexion.
B. Les firmes multinationales des industries extractives :
signe particulier de
l' « actorness» éprouvé des
sociétés multinationales.
L'importance des industries extractives dans les stocks d'IDE
et le rôle international de celles-ci dans les fléaux tels que les
conflits, la dégradation de l'environnement, le renforcement des
régimes autoritaires etc., sont des éléments en faveur de
l'actorat des multinationales des industries extractives dans la politique
mondiale. Tout en précisant que les
1 Gilpin Robert « Three models of the future
» in Bergsten Fred C and Krause B. Lawrence (eds.) (1975) World
Politics and International Economics. Washington DC: The Brookings
Institution, p.38
2 Voir Bernaz Nadia et Morin Jean François
« L'ONU et les STN : la nécessité d'une collaboration
opérationnelle en matière de droits sociaux internationaux »
in Boisson de Chazournes et Rostane Mehdi op. cit. pp. 61-83
3 D'autres regroupements ont pris au séreux
l'impact potentiel des STN sur le fonctionnement des affaires du monde et leur
ont crée des cadre d'émulation. Ainsi, le conseil
d'administration de l'OIT a approuvé la Déclaration de principe
tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale en 1977
et en 1998, la Sous commission pour la promotion des droits de l'homme de l'ONU
mit sur pieds un groupe de travail sur les sociétés
transnationales alors que plus tôt en 1976, le conseil de l'OCDE adopta
les principes directeurs à l'intention des entreprises
multinationales.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
multinationales en général peuvent par ces
mêmes éléments de comportementalité démontrer
leur actorat, il convient de percevoir dans le choix de cette ligne
argumentaire le signe de l'arbitraire. La découverte du pétrole
dans les dernières décennies du XIXème
siècle et les avancées technologiques ont donné lieu
à l'exploitation des hydrocarbures, rejoignant ainsi l'extraction des
métaux métalliques qui lui préexistait. L'activité
fut verticale dans les premières années de l'ère
post-coloniale mais surtout dans les temps précoloniaux, avec des firmes
des métropoles qui investissaient les aires de la colonialité
afin de pourvoir leurs pays en ressources nécessaires pour la survie et
l'expansion de leurs industries. De ce fait, dans la première
moitié du XXème siècle, le flux des IDE
générés par l'activité extractive était
principalement dirigé vers les pays en développement. Si cette
réalité révèle que les firmes des industries
extractives sont inscrites dans la transnationalité depuis très
longtemps, la vigueur pensons-nous de ce secteur s'est décuplée
avec la mondialisation économique qui draine avec elle la
compétitivité, l'impératif de rendement et
l'émergence des multinationales des pays en développement
dès le début des années 1980 dans un contexte de
ressources en progressive disparition. Une évolution qui tout en
n'étant pas une révolution, constitue avec l'ancienneté de
l'activité transnationale des firmes des industries extractives des
arguments en faveur de l'affirmation de l'actorat de ces dernières.
La création de l'OPEP lors de la conférence de
Bagdad tenue du 10 au 14 septembre 1960 et les nationalisations des industries
extractives dans les années 1970 c'est-à-dire au lendemain des
indépendances ont semblé ralentir l'activité du secteur.
Par exemple, les IDE des EtatsUnis dans le secteur seraient tombés sous
la barre de 40% en 1970 contre 50% au début du siècle. L'examen
des multinationales des industries extractives dans les années 1990
permet de dire l'importance de cette catégorie d'acteur dans la
politique internationale. Ce, au travers de leur poids dans la mondialisation
et donc sur l'échiquier économique international mais
également par l'examen des effets pervers de ladite mondialisation
traduits par les économies de guerre, la transnationalisation de la
violence et les interférences dans les architectures politiques des
Etats étrangers en majorité faibles.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
1. L'apport du sous-sol dans la mondialisation
économique
Au premier trimestre 2009, AREVA avait un chiffre d'affaire
de 3.003 milliards d'Euros soit environ 8% d'augmentation1. Ce
détail peut sembler vide de sens si l'on minore le rôle pivot des
industries extractives dans les économies des pays en
développement et de plus, il ne s'agit que d'un chiffre mais, d'un
chiffre révélateur du poids des intérêts de ce
secteur dans l'économie mondiale. L'égrenage du chapelet des
chiffres significatifs des industries extractives serait ardu et
délicat, tant les fluctuations des cours mondiaux se
caractérisent par leur instabilité. L'idée de ce
paragraphe est que, de par leur poids dans les investissements
étrangers, les multinationales des industries extractives constituent
des éléments incontournables dans la production et la
distribution du pouvoir dans la politique mondiale2ce, d'autant plus
que la richesse de certaines aires géographiques en ressources
extractives en fait des espaces privilégiés de politique des
ressources.
1Information prélevée dans le site
de la compagnie :
areva.com/servlet/home-fr.html,
visité le 29 avril 2009. Dans cette rubrique des chiffres, l'on peut
noter que le 20 mars 2007, le conseil d'administration de la filiale gabonaise
du groupe pétrolier français Total a annoncé que son
résultat net s'était élevé à 326,4 millions
de dollars en 2006, contre 316,8 millions l'année
précédente. En revanche, les volumes extraits diminuent : la
production de pétrole brut des champs opérés par Total
Gabon a atteint 30,9millions de barils en 2006, contre 35,7 millions en 2005.
La part de production liée aux participations de Total Gabon s'est
élevée en 2006 à 24,4 millions de barils, contre 28,1
millions de barils en 2005, soit environ 28% de la production nationale
gabonaise. Le chiffre d'affaire s'est élevé de 1,279 milliard de
dollars, en augmentation de 138,4 millions par rapport à 2005, soit une
progression de 12,1%. (Jeune Afrique N°2411 du
25 au 31 mars 2007 P 92). Le conseil d'administration de la compagnie
minière de l'Ogooué (Comilog), filiale du groupe français
Eramet affiche des résultats en hausse de 8% pour 2006. Plus de 3,2
millions de tonnes d minerais et d'aggloméré ont
été produites pour un chiffre d'affaires de 447,4 milliards de
FCFA et un résultat net d'exploitation de 34 milliards de FCFA contre 32
milliards en 2005. (Jeune Afrique N°2423 du 17
au 23 juin 2007 P.77)
2 Au Zimbabwe par exemple, même si les mines
d'or ne représentent que 4,5% du PIB et 5% de l'emploi, elles
contribuent pour 72% aux recettes en devises. (Jeune
Afrique N°2411 du 25 au 31 mars 2007 P. 92)
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 6 : position africaine dans la teneur en
certaines ressources du sous-sol en 2006
Bauxite
9%
|
Fer 4%
|
Plomb
3%
|
Zinc
4%
|
Nickel
7,5%
|
Manganèse 39%
|
Cuivre 5%
|
Cobalt
57%
|
Guinée
(89,0%)
Sierra Leone
(0,7%)
Ghana
(0,4%)
|
Af. Sud
(71%)
Mauritani e
(19,9)
Egypte
(4,7%)
|
Maroc
(39,5%)
Af. sud
(39,4)
Namibie
(13,4%)
|
Maroc
(39,5%)
Namibie
(29%)
Af. Sud
(12%)
|
Af. sud
(50,0%)
Botswana
(39,0%)
Zimbabwe
(9,7%)
|
Af. sud
(52,0%)
Gabon
(32,0%)
Ghana
(14,9)
|
Zambie
(63,0%)
RDC
(14,5%)
Af. sud
(10,3%)
|
RD Congo
(67,0%)
Zambie
(28,0%)
Maroc
(3,5%)
|
Or 21%
|
Uranium 16%
|
Phosphate 31%
|
Diamant 46%
|
Afrique du sud
(52,0%)
Ghana
(16,0%)
Mali
(9,4%)
Tanzanie
(9,2%)
Guinée
(2,8%)
|
Zimbabwe
(1,8%)
Côte d'ivoire
(1,6%)
Soudan
(<1%)
R.D Congo
(<1%)
Burundi
(<1%)
|
Niger
(45,5%)
Namibie
(44,7%)
Afrique du sud
(9,7%)
|
Maroc
(60,0%)
Tunisie
(17,3%)
Egypte
(5,7%)
Afrique du sud
(5,4%)
Sénégal
(3,0%)
|
Botswana
(35,3%)
RD Congo
(33,5%)
Afrique du sud
(17,5%)
Angola
(7,7%)
Namibie
(2,1%)
|
|
Source : Jeune Afrique
n°2431-2432 du 12 au 25 août 2007 p.117.
La prolifération des Etats-rentiers a obscurci le
potentiel de développement des industries extractives. En effet, le lien
entre l'instauration d'un système de rentes matérielles au sein
d'un Etat est difficile sans la détention des moyens de redistribution.
Dans la plupart des pays riches en ressources extractives, les revenus
tirés de la commercialisation de ces ressources constituent des facteurs
d'institutionnalisation de la pratique de la rente. Du coup, le potentiel de
développement des industries extractives se mute en facteur de
malédiction. Mick Moore1 impute en partie cette
réalité au fait d'escompter assurer un développement par
les revenues liés aux taxes. Il estime que les Etats qui
dépendent beaucoup des revenus non liés aux taxes ont une
meilleure probabilité à devenir démocratiques et
responsables que s'ils deviennent des « taxe-states ». Cependant,
cette position mérite quelque nuance car, ce n'est point la seule
présence des ressources en soi qui favorise l'absence de la
démocratie. Peut-on penser que l'absence des revenus pétroliers
ou autres dans un Etat fortement institutionnalisé explique mieux que la
force des institutions, la démocratie et la responsabilité ? Que
dira-t-on alors des Etats que l'on présente comme des bons exemples de
démocratie tel que le Botswana, le Ghana, l'Afrique du sud et le Liberia
et plus loin, l'Azerbaïdjan et qui ont des sous-sol
1 Moore Mick « Revenues state formation and the
quality of governance in developing countries» International Political
Science Review, vol. 25, n°3, pp. 297-319.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 162 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
munificents ? Même si l'on peut entrevoir la tare
principale de ces Etats qui ont centré leur développement sur la
manne que constituent les revenus pétroliers et miniers, il faut penser
que l'examen des dérives que drainent les multinationales des industries
extractives vont faire l'objet d'une attention particulière dans le
paragraphe suivant, et que pour l'instant, l'intérêt porté
sur l'apport de cette branche du secteur primaire dans l'économie
mondiale peut être difficile à inventorier en raison de
l'enchevêtrement des secteurs de production et de
l'interdépendance des branches d'activité. Aussi, allons-nous
nous limiter à l'examen du poids de l'IDE des industries extractives
dans les IDE globaux des multinationales dans le monde pour penser
l'affirmation des multinationales de ce secteur comme des acteurs pertinents de
la scène internationale. Et, à ce propos, les chiffres de la
CNUCED dans le rapport sur les investissements dans le monde publié en
2007 constituent le substrat de cette démonstration. D'après ce
document, le stock des investissements directs étrangers du secteur des
industries extractives a été estimé en 2005 à 755
milliards de dollars US. Les Etats-Unis par exemple auraient participé
à hauteur de 71% dans ce chiffre, pour leurs investissements dans les
hydrocarbures et 36% dans les mines. Mais l'émergence d'une forme d'IDE
en provenance des pays en développement, fait notable depuis le
début des années 1980, a boosté les chiffres avec l'Inde
qui a injecté 19% de ses IDE dans l'acquisition des STN des industries
extractives à l'étranger. En 2003, la Chine a contribué
à hauteur de 48% dans l'IDE des pays émergents, 33% et 14%
respectivement en 2004 et 2005 soit pour la dernière année 1
milliard de dollars. La Corée du sud a lancé des projets dans les
STN du secteur minier, allant de 141 en fin 2003 à 218 en fin 2006 ( de
0,5 milliard à 2,1 milliards $).
Tableau 7 : poids de l'IDE des industries extractives
dans l'IDE du secteur primaire sortant 1990 et 2005 (en millions de
dollars)
Secteur primaire
|
1990
|
2005
|
|
PVD
|
Monde
|
Pays développés
|
PVD
|
Monde
|
Agriculture, chasse, sylviculture et pêche
|
5.245
|
319
|
5564
|
4257
|
1575
|
5918
|
Mines, carrières et pétrole
|
156.319
|
1.900
|
158.217
|
577.362
|
33.791
|
610.176
|
Secteur primaire non spécifié
|
-
|
-
|
-
|
2.474
|
-
|
2.474
|
Total
|
161.564
|
2.219
|
163.783
|
584.093
|
33.365
|
618.569
|
|
Source : conçu à partir des
données de la WIR 2007 de la CNUCED.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 8 : poids de l'IDE des industries extractives
dans l'IDE du secteur primaire entrant 1990 et 2005 (en millions de
dollars)
Secteur primaire
|
1990
|
2005
|
|
PVD
|
Monde
|
Pays développés
|
PVD
|
Monde
|
Agriculture, chasse, sylviculture et pêche
|
-6
|
602
|
597
|
457
|
1.855
|
2.437
|
Mines, carrières et pétrole
|
8.985
|
3.237
|
12.221
|
68.758
|
14.988
|
88.643
|
Secteur primaire non spécifié
|
37
|
-
|
-
|
-131
|
-
|
-131
|
Total
|
9.016
|
3.839
|
12.855
|
69.084
|
16.843
|
90.949
|
|
Source : Conçu à partir des
données de la WIR 2007 de la CNUCED.
Le constat qui se dégage est celui du
différentiel très élevé entre les IDE des mines,
carrières et pétrole qui échoient à la branche des
industries extractives et les autres branches du secteur et l'incidence
économique peut faire l'objet d'une analyse autonome mais, lorsqu'on
soupçonne le poids des IDE et leur importance dans la relance de
certaines économies en panne de croissance, il apparaît que
l'importance des industries extractives leur confère une autorité
dans la politique mondiale.
Le World Investment Report 2007 montre de
façon globale que l'importance relative des STN varie selon les
industries extractives. Dans le secteur des métaux, 23 des 25 premiers
producteurs en 2005 étaient des STN privées, deux seulement
étaient des sociétés d'État. Dans le secteur du
pétrole et du gaz, la plus grande partie des 50 premiers producteurs
étaient des entreprises à capitaux publics majoritaires. Pour
l'essentiel, la production était contrôlée par des
entreprises d'État de pays en développement et de pays en
transition. Par exemple, en 2005, la production de la Saudi Aramco (Arabie
saoudite) était plus de deux fois supérieure à celle du
premier producteur privé de pétrole et de gaz, ExxonMobil
(États-Unis).Le Rapport met également en lumière
l'émergence de nouvelles STN dans le secteur des industries extractives.
Si les entreprises privées restent les plus grandes
sociétés en termes d'actifs étrangers, un certain nombre
d'entreprises de pays en développement, en particulier dans l'industrie
du pétrole et du gaz, se hissent rapidement au niveau mondial. La
production
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
étrangère combinée des sept plus grandes
entreprises d'État CNOOC, CNPC, Sinopec (Chine), Lukoil (Russie), ONGC
(Inde), Petrobras (Brésil) et Petronas (Malaisie) dépassait les
528 millions de barils équivalent pétrole en 2005, contre
seulement 22 millions dix ans auparavant. L'expansion de leurs activités
à l'étranger est en partie alimentée par la hausse de la
demande dans les pays asiatiques à forte croissance.
Toutefois, cette position privilégiée qui
traduit la qualité d'acteur confirmé des multinationales des
industries extractives ne va pas sans déviances dès lors qu'on
considère que la possession des facteurs de puissance dans la politique
internationale confère une légitimité dans la
revendication d'un rôle (éthique ou non) dans la définition
des contours des affaires du monde.
2. Du syndrome hollandais au syndrome de Monaco
: les impacts sociaux et sécuritaires de l'activité extractive
dans un monde globalisé.
Le grief politique dans certains Etats a partie liée
avec la présence des multinationales des industries extractives. Mieux,
les évènements tels que l'épisode de l'Exxon Valdez qui
échoua sur la côte de l'Alaska le 23 mars 1989 ou encore le
naufrage de l'Erika au large de la Bretagne le 12 décembre 1999,
catastrophes écologiques ayant entraîné des
réactions politiques de la part des gouvernements1, ont
démontré que les multinationales des industries extractives ont
un potentiel de nuisance avéré qui est consubstantiel au fait de
leur actorat. Leur responsabilité par le syndrome hollandais
dans le retard économique de certains Etats et l'image du syndrome de
Monaco2 pour dire leur action corrosive sur les tissus
sécuritaires des
1 À la suite de l'accident de L'EXXON
VALDEZ en 1989, les États-Unis, insatisfaits de la faiblesse des normes
internationales sur la prévention de la pollution par les navires, ont
adopté en 1990 le "Oil Pollution Act" (OPA 90). Par cette loi, ils ont
imposé unilatéralement des exigences de double coque tant pour
les pétroliers neufs que pour ceux existants, par le biais de limites
d'âge (à partir de 2005 entre 23 et 30 ans) et
d'échéances (2010 et 2015) pour l'abandon des pétroliers
à simple coque. Face à la mesure unilatérale des
Américains, l'Organisation maritime internationale (OMI ) a dû
suivre et a établi en 1992 des normes de double coque dans la convention
internationale sur la prévention de la pollution par les navires
(MARPOL). Cette convention exige que tous les pétroliers d'un port en
lourd égal ou supérieur à 600 tonnes TPL, livrés
à partir de juillet 1996, soient construits avec une double coque ou une
conception équivalente. Il n'y a donc plus de pétroliers à
coque simple de cette taille construits après cette date. Pour les
pétroliers à simple coque d'un port en lourd égal ou
supérieur à 20.000 tonnes TPL, livrés avant le 6 juillet
1996, cette convention internationale exige qu'ils se conforment aux normes
double coque au plus tard à l'âge de 25 ou 30 ans, selon qu'ils
ont ou non des citernes à ballast séparé.
2 Perousse de Montclos explique par cette
expression le fait pour les multinationales des industries extractives
de
créer des poches sécuritaires avec l'aide des
sociétés privées afin de protéger leurs
installations et leur personnel
et familles des agents. Voir Marc-Antoine
Perousse de Montclos « Les entreprises para-privées de coercition :
de
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Etats, sont porteurs de l'idée que cette catégorie
d'acteur manifeste son actorness également lisible au travers
des fléaux dont elle est l'instigatrice ou l'essence de la
pérennisation.
Le spectre s'étalant du syndrome hollandais au
syndrome de Monaco balaie au passage les corruptions endémiques et les
soutiens ouverts ou larvés aux régimes autoritaires, ainsi que la
paupérisation des populations qui passe quelques fois par la destruction
de leur environnement vital1. Ainsi, la liste très longue des
pays qui comme le Gabon et l'Angola2 ont une histoire longue
d'exploitation pétrolière mais qui ont
généré des millions de dollars de bénéfices
aux compagnies et dont les populations demeurent dans l'ornière des
quotidiennetés creuses, est l'élément matériel
d'une réalité qui fait date : le « paradoxe d'abondance
3». La responsabilité des multinationales est
très engagée dans la fabrication de cette pathologie propre
à certains Etats miniers et pétroliers. En effet, la
dépendance poussée de certains pays vis-à-vis des revenus
pétroliers et miniers comporte un chapelet de conséquences que
les multinationales du secteur n'hésitent pas souvent à
exacerber, en raison de la quête dépersonnalisée du profit.
Selon la typologie de Mick Moore, l'on peut noter entre autres
conséquences de cette hyper-dépendance : l'autonomie des
dirigeants vis-à-vis des citoyens qui n'ont plus besoin forcement de
payer les taxes et dont l'on peut acheter aisément la conscience.
L'intervention extérieure est le second ordre de conséquence et
coupe également le peuple de ses dirigeants. Ensuite vient le
coupism et counter coupism4, l'absence de
transparence dans la gestion des biens publics, l'absence d'une bureaucratie
publique effective et enfin l'absence de la conscience du bien
public5. Toutes choses qui fragilisent le climat et pour lesquelles
les multinationales sont souvent des architectes ou les maîtres d'oeuvre.
Par ces fenêtres de pratique qu'encouragent les multinationales, l'Etat
en Afrique
nouveaux mercenaires ? Pétrole et sécurité
privée au Nigeria : un complexe multiforme à l'épreuve du
`syndrome de Monaco' » Cultures et Conflits, n°52 4/2003
pp.117-138
1 Newmont Mining Corporation qui exploite
la mine d'or d'Ahafo à 300km d'Accra au Ghana est accusée d'avoir
causé de sérieux dommages environnementaux sur la région,
polluant les rivières voisines et ayant intoxiqué les
populations. La même compagnie exploitait la mine de Cajamarca au
Pérou. L'aventure s'est là aussi achevée en 2006 par des
protestations des populations riveraines qui lui reprochaient la pollution au
mercure de leurs rivières. Lire à ce propos : Labarthe G. (2007)
L'or africain, pillages, trafics et commerce international, Marseille
: Agone, p.45. L'on se souviendra aussi des ravages de la Royal Dutch Shell
dans le Delta du Niger.
2 Ces deux Etats ont des histoires
pétrolières et minières très tumultueuses, faites
des affaires Elf qui dramatisent les trafics d'armes en direction de l'Angola
dans les années 1990 par Arcadi Gaydamack avec la couverture des
dirigeants de Elf Aquitaine, notamment Loïc le Floch-Prigent, mais
également des dossiers de la juge française Eva Joly au sujet des
biens des présidents Bongo et Sassou Nguesso qui sont le produit de
l'usage privé des revenus du pétrole des deux Etats.
3 Karl Lynn T. (1997) The paradox of plenty: oil
boom and petro-state. Berkeley, London & Los Angeles : University of
California Press
4 La logique des coups d'Etat et contre coups
d'Etat
5 Moore Mick, art. cit. pp. 306-307
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
notamment peine à se sortir du
sous-développement car le rôle des firmes dans la fabrication des
régimes néopatrimoniaux est une des causes premières de la
panne de décollage économique.
De même, leur main de velours1
derrière les conflits sanglants et même génocidaires (le
cas du Darfour et du Rwanda) déclenche et entretient les conflits ce, en
raison des rivalités facilitées par la rareté des
ressources et l'envol du cours de certains minerais d'utilité
stratégique. L'occurrence de la guerre civile au Congo Brazzaville dans
les années 1990 ne fut pas uniquement le fait des appétits
politiques insatiables d'une certaine élite, mais aussi un clivage par
élites interposées pour le contrôle des ressources
pétrolières du pays, surtout que la perspective de la mise en
production des sites de Nkossa et Kitchina attisait les convoitises. Le Niger
est un autre théâtre de ces rivalités2 qui se
fondent sur la supposition d'un droit aux ressources stratégiques des
anciennes colonies d'Afrique au nom de la particularité de l'histoire
coloniale. En 1971, la France commence à exploiter la mine d'uranium
d'Arlit dans l'extrême nord du Niger. Pour les français ce site
est stratégique car, son uranium à haute teneur est indispensable
à leur programme électro-nucléaire et à leur
production d'armements. La nouveauté aujourd'hui réside dans le
déferlement de nouvelles sociétés étrangères
qui prospectent le sous-sol nigérien, des compagnies australiennes,
canadiennes mais surtout la China Nuclear Engineering and Construction
Corporation (CNECC). En 2006, cette dernière décroche un
permis sur le site de Téguidan Tessoumt qui dispose de réserves
estimées à 12.000 tonnes d'uranium et dont le début de
l'exploitation est prévu pour 2010. AREVA a obtenu un permis sur le
nouveau site d'Imouraren qui a 80.000 tonnes de réserves mais il n'est
plus le seul et de plus, la convention pluriannuelle qui le lie au Niger a
expiré le 31
1 Quelques fois, la violence a été
le fait direct des multinationales. Le 28 mai 1998, après une fin de non
recevoir opposée à la requête du Concerned Ilaje
Citizen (CIC) qui réclamait des réparations pour les
dommages causés par Chevron sur leur environnement, 121 jeunes de la
communauté Ilaje se sont rendus sur la plateforme de Parabe une
propriété de Chevron dans l'Etat de Ondo afin de requérir
un dialogue avec les dirigeants locaux de la compagnie. En réaction, des
forces de sécurité héliportées par des appareils de
la compagnies ont chargé le groupe de manifestants ; bilan : deux jeunes
tués, 30 blessés graves et 11 arrêtés qui vont subir
des tortures pendant leur détention dans un camp militaire. La juge
Susan Illston saisie de l'affaire va dire pour souligner la
responsabilité de Chevron: « Chevron Nigeria Limited (CNL)
personnel were directly involved in the attacks; CNL transported GCF (Nigerian
security forces), CNL paid the GSF; and CNL knew that GSF were prone to use
excessive force ». ERAction, n° 08,
July-October 2007. p.2
2 Au sujet des rivalités sur les questions
pétrolières et minières entre la France et d'autres
puissances telles que les Etats-Unis en Afrique, on peut lire : Yates Douglas
« Oil and Franco-American rivalry in Africa » papier
présenté lors du colloque l'Afrique, les Etats-Unis et la
France, Bordeaux,22-24 mai 1997 ; Henrotin J. dir. (2004) Au risque du
chaos : leçons politiques et stratégiques de la guerre
d'Irak, Paris : Armand Collin ; Bagayoko Penone-Niagalé «
France/Etats-Unis : le clash des stratégies ? »
Diplomate-Magazine, n°11, nov/dec. 2004. Mais lire surtout :
Lestrange Cédric, Paillard Christophe-Alexandre et Zelenko Pierre (2005)
Géopolitique du pétrole : un nouveau marché, de
nouveaux risques, des nouveaux mondes, Paris : Edition Technip.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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décembre 20071. Depuis 2006, Niamey veut
renégocier le prix de vente de son minerai à la hausse. C'est
dans ce contexte que la rébellion touarègue du MNJ (Mouvement des
Nigériens pour la Justice) éclate en février 2007. L'on
notera au passage le silence de la France et d'Areva lors du coup d'Etat du
jeudi 18 février 2010 par lequel des militaires conduits par le chef
d'escadron Salou Djibo ont fait main basse sur le pouvoir à Niamey et
mis aux arrêts le président Tandja et son gouvernement. L'uranium
nigérien était vendu en 2008 à Areva à 27.300 FCFA
le kilogramme alors qu'il se vend sur le marché mondial à
122.000FCFA2. Le Niger a d'ailleurs engagé une politique de
diversification de ses partenaires, en accordant un nouveau permis de
prospection et d'exploitation de l'uranium à une société
chinoise dans la région d'Azelik. Ce nouveau site uranifère a
été accordé à une société commune
sinonigérienne, la SOMINA (Société des mines d'Azelik),
créée en juin 2007. Le permis d'Azelik comprend deux
études, la première sur les impacts de l'exploitation de
l'uranium sur l'environnement et la seconde sur la faisabilité et la
rentabilité du gisement. La SOMINA espère pouvoir produire 700
tonnes d'uranium par an à partir de 2009 sur ce gisement. De plus, la
compagnie indienne Taurian Resources a elle aussi reçu un
permis d'exploitation dans une zone de 3000 km2 dans la région d'Arlit.
Cette diversification somme toute légitime des partenaires
d'exploitation peut être si ça ne l'est pas encore, source
d'exacerbation des tensions dans la région touarègue et servir de
prétexte pour encenser la rébellion du MNJ. Elle peut
également justifier l'instabilité politique au Niger en 2010 ce,
en conjugaison avec des facteurs strictement internes qui relèvent de la
volonté du président Mamadou Tandja de s'éterniser au
pouvoir en prorogeant son mandat jusqu'en 2012 à la suite de la
dissolution du conseil constitutionnel.
Dans ces cas, il s'est agi de rivalités entre les
firmes étrangères, dans cette querelle ancienne qui oppose la
France et ses firmes qui pensent se prévaloir d'une préemption de
pré carré d'une part et les firmes américaines
engagées avec leur gouvernement dans une logique de diversification des
sources énergétiques. Mais aussi de la volonté
française de préserver son pré carré inviolé
devant l'incursion des compagnies étrangères en quête de
ressources
1 En janvier 2009, les dirigeants de AREVA et le
gouvernement du président Mamadou Tandja ont conclu un nouvel accord
pour l'exploitation d'une mine géante à Imouraren dans le nord du
pays. Lors de sa visite au Niger le 27 mars de la même année, le
président Nicolas Sarkozy a taxé cet accord de partenariat «
gagnantgagnant » ce qui laisse supposer que les termes de l'accord sont
plus justes pour les deux Etats.
2 Jeune Afrique n°2430
du 5 au 11 août 2007 P.37
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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dont regorge le continent africain. La
prépondérance des entreprises chinoises1 dans
l'exploitation du pétrole soudanais a rendu le climat lourd entre le
gouvernement de Omar El Béchir et les puissances occidentales qui
indiquent sa responsabilité dans le génocide des
darfouri2. Le lancement d'un mandat d'arrêt contre lui le
mercredi 4 mars 2009 s'expliquerait en partie par les rivalités de
puissances autour des énormes ressources pétrolières
soudanaises. C'est penser que le puissant lobby des multinationales a
prévalu auprès du procureur Luis Moreno-Ocampo de la CPI. En
effet, le pétrole soudanais permet de voir à l'oeuvre les
principes du « consensus de Beijing ». Il s'agit du pendant chinois
du « consensus de Washington », et consiste en une approche
diplomatique qui prête une grande importance à la
non-ingérence de la Chine dans les affaires internes d'un Etat riche en
ressources extractives. La Chine ne prête pas attention aux
considérations de l'Occident sur certains Etats, et axe sa
coopération avec ses partenaires nantis de matières
premières, sur un développement qui privilégie les
infrastructures, l'économie et moins de considérations civiques.
L'illustration de cette politique est le « troc » entre le
gouvernement chinois et la RDC au sujet des contrats obtenus par Pékin
contre la construction des infrastructures en 2008. Cette approche a
séduit le président Omar El Béchir qui, n'ayant pas les
faveurs de l'Occident qui lui reproche d'être responsable du
génocide du Darfour, a cédé nombre de puits de
pétrole à la CNPC3. Sur les sept blocs qui sont en
production, six sont en coproduction entre la CNPC et les
sociétés d'Etat Sudapet pour le Nord et Nilepet pour le Sud. La
Chine tirerait 5% de son pétrole du Soudan d'après un rapport de
Global Witness4. De fait donc, les principes et les avantages de la
Chine au Soudan sont de nature à plomber davantage les chances de
l'Occident d'obtenir du président Omar Béchir par la pression,
les concessions escomptées. L'émission d'un mandat d'arrêt
à son endroit fait suite à une procédure qui depuis le 14
juillet 2008, fait pendre au dessus du président soudanais la menace
d'une poursuite par la CPI. Le procureur
1 La plus grosse compagnie
pétrolière chinoise, CNPC est entrée en discussion avec le
gouvernement soudanais au premier semestre 2007 pour l'exploitation du
pétrole et du gaz dans le nord du pays, près de la mer rouge.
CNPC s'est alliée pour l'occasion avec la compagnie nationale
indonésienne PT Pertamina. Les deux sociétés
espéraient obtenir une concession pour vingt six ans. Et ce, alors que
les occidentaux mettent la pression sur la Chine pour qu'elle réduise
ses investissements au Soudan en raison de la crise du Darfour. Ce signe parmi
tant d'autres du climat de rivalité au Soudan illustre le rôle
central des multinationales des industries extractives dans les conflits et les
rivalités potentiellement conflictogènes dans certains Etats.
Jeune Afrique n°2426 du 8 au 14 juillet 2007
p.11
2 Ce cas comme beaucoup d'autres, valide
l'hypothèse de la survenue d'un conflit dans les conditions de
l'abondance des ressources extractives. Lire à ce sujet Indra de Soysa
« The resource curse : Are civil wars driven by rapacity or paucity ?
» in Mats Berdal et David S. Malone op. cit. pp.113-135 ; mais
également les contribution de Virgina Gamba et Richard Cornwell
intitulé « Arms, elts and resources in the Angolan civil war »
in Berdal et Malone op.cit. pp. 157-171 et David Keen «
Incentives and disincentives for violence » in Berdal et Malone op.
cit. pp.19-41.
3 Notamment les blocs 1,2, 3, 4, 6 et 7, soit six des
sept blocs en production.
4 Voir le rapport «Fueling Mistrust» de
Global Witness publié en septembre 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 169 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Luis Moreno Ocampo avait ce même jour,
réclamé un mandat d'arrêt contre le président
Béchir pour « crime contre l'humanité », « crime
de guerre et génocide ». Un jour plus tard, il demandait son
inculpation. Et le jeudi 12 février 2009 les juges de la chambre
préliminaire de la CPI ont donc consenti à émettre ce
mandat d'arrêt international. Le chef d'accusation de « crime de
génocide » sera rajouté en février 2010 à la
liste des reproches faits au président Béchir.
La longévité au pouvoir n'est pas le seul fait
de la redistribution par des systèmes néopatrimoniaux bien
rodés qui en plus de produire le sous-développement1,
permettent à leurs concepteurs de se pérenniser aux affaires.
Elle repose aussi sur un consensus dans le cadre d'un cartel de gouvernement ou
par l'outil répressif qui fait planer l'épée de la
violence politique au dessus des têtes de l'opposition. Le virage pris
avec la fin de la Guerre Froide dans l'ingénierie politique dans
certains Etats faibles dramatise une rupture dans la continuité, une
rupforme (rupture + reforme) en quelque sorte. En effet, dans les
temps de la Guerre Froide, les enchères hautes de la ressource
stratégique concédaient une légitimité
extérieure mais capitale aux dirigeants desdits Etats et l'idée
de l'épuisement de cette ressource a conduit les ateliers politiques
à fabriquer une ressource qui s'inspire de la défunte : la
légitimité pourvue par les multinationales dans un contexte de
mondialisation des espaces et des marchés. Comme le démontre
William Reno2, le facteur exogène dans la fabrication des
élites et warlords dans la politique africaine se traduit par
les alliances et mésalliances avec les principales firmes dont les
ressources permettent d'accéder au pouvoir et d'asseoir son
autorité. Le prix à payer s'est avéré très
élevé pour les populations en RDC, en Sierra Leone et au
Libéria. Quoiqu'il en soit, la complexité de ces systèmes
qui échappent à l'explication facile et simpliste de la
répression ou de la cooptation3, a besoin du soutien des
multinationales des industries extractives en exercice dans les pays. Ce qui a
laissé penser à une certaine opinion africaine dans les
années 1990 que les dirigeants africains du pré carré
français étaient une fabrication de Elf Aquitaine. De toute
évidence, le rôle des
1 Médard Jean François « The
underdeveloped stat in Africa: political clientelism or neopatrimonialism?
» in Clapham Christopher (ed.), (1982) Private patronage and public
power: political clientelism and the modern state. London: Frances
Printer, pp. 161-189.
2 William Reno (1998), Warlords politics and
African states. London & Boulder: Lynne Rienner Publishers
3 Magaloni Beatriz « Credible power-sharing and
the longevity of authoritarian rule » Comparative Political
Studies, vol. 41, n°4/5 (2008) pp. 715-741
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
multinationales des industries extractives est central dans le
rythme des démocratisations, en Afrique notamment1.
En somme, tandis que l'école libérale
considère que les multinationales sont des facteurs pour le
développement des peuples2, car créatrices des
richesses dans ces espaces lointains de leur déploiement, l'école
de la dependencia3 qui impute aux multinationales le
sousdéveloppement des Etats, trouve des éléments
argumentaires propices dans le rapport des industries extractives avec les
Etats de leurs opérations tant l'issue est la
paupérisation4. Ce, au travers de la dégradation de
l'environnement qui hypothèque les activités
génératrices de richesses des populations ou les collusions par
le haut des élites avec les intérêts pétroliers et
miniers pour la constitution d'une « bourgeoisie compradore » dont
l'opulence tutoie l'indigence des populations. Toutes choses qui font penser
que considérer que si dolor gravis, brevis5 serait
une attitude vicieuse car, les dommages se transmettent à des
générations dans le temps long, la pauvreté dans ces
espaces de vie devient par le génie conjugué des élites et
des multinationales, quelle qu'en soit la forme, un manmade
product6. L'évocation des impacts néfastes des
multinationales des industries extractives dans la politique internationale
n'est pas le signe d'une volonté de procès moral auquel elles
seraient ici soumises, elle est uniquement un récital des
éléments dont l'examen révèle l'affirmation de la
qualité d'acteur et ipso facto, leur potentiel
souverainicidaire qui laisserait penser à la fin du principe fondateur
du paradigme westphalien. L'affirmation des multinationales des industries
extractives va avec son impact soupçonné ou avéré
sur la souveraineté. Il ne faudrait cependant pas céder
à
1 Voir les travaux de Cyril Obi pour le cas de la
démocratisation au Nigeria et les multinationales, notamment, Obi Cyril
« Is petroleum `oiling' or obstructing democratic struggles in Nigeria ?
» communication présentée à l'Assemblée
générale du CODESRIA à Yaoundé, 7-11
décembre 2008.
2 Voir à ce sujet les travaux de John
Dunning et Rajneesh Narula; notamment: Narula, Rajneesh et Johnn H. Dunning
« Industrial development, globalizations and multinational enterprises:
new realities for developing countries » Oxford Development
Studies, n° 28, vol. 2, pp. 141-167 (2000), Narula Rajneesh (1996)
Multinational Investment and economic structure: globalization and
competitiveness, London and New York: Routledge. Dunning John (1993)
Multinational Enterprise and the global economy, Wokingham and
Reading: Addison-Wesley.
3 Lire par exemple: Richard J. Barnet et Ronald E.
Muller (1975) Global reach: the power of multinational
corporations, London : Jonathan Cape.
4 Au point que certains auteurs se demandent si
les pays en développement doivent renoncer à l'extraction des
mines. Ce serait certainement excessif mais l'interrogation traduit le malaise
que peut ressentir un esprit bien pensant devant les infortunes des populations
des Etats miniers et pétroliers. Lire par exemple à ce sujet :
Graham A. Davis et John E. Tilton « Should developping countries renounce
mining ? A perspective on the debate » working paper daté de
décembre 2002. Mais également le rapport de Abi Diamond, Kato
Lambrechts et Simon Chase «Undermining development ? Copper mining in
Zambia » SCIAF, Christian AID et ACTSA, octobre 2007.
« A rich seam: who benefit from rising commodity prices »,
Christian AID, janvier 2007.
5 « Si la douleur est forte, elle est brève
»
6 L'on peut lire à ce sujet Ronald E.
Müller « Poverty is the product » Foreign Affairs,
n°3 (1973-1974) pp. 71- 102
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 171 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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la tentation dépendantiste, et oublier que les
multinationales ne remettent pas uniquement en cause la souveraineté par
leur impact négatif sur le développement des Etats. Comme le
démontre le paradigme du développement par l'investissement (IDP)
cher à John Dunning1, l'école libérale met en
exergue le potentiel et l'apport des multinationales dans le
développement des peuples, en raison des IDE qu'elles drainent, de
l'expertise qu'elles transfèrent et des recettes et taxes qu'elles
génèrent dans les Etats de leur implantation. Dans les deux sens
donc, qu'il s'agisse de l'apport bénéfique ou maléfique,
les multinationales démontrent la transformation de la
souveraineté, par le fait de leur qualité d'acteur
confirmé. Le cas précis de leur émulation dans
l'initiative de transparence des industries extractives joue cette double
partition d'affirmation de l'actorat et de pression sur la
souveraineté.
Paragraphe II : Praxis des multinationales dans
l'initiative de transparence des industries extractive : crise
éthologique ?
Après l'examen du monde global des multinationales
puis celui des multinationales des industries extractives, ce paragraphe a
vocation à scruter l'action des industries extractives en tant
qu'acteurs et non branche d'activité dans l'EITI. A propos de cette
distinction, le Livre source apporte un élément
d'arbitrage avec la définition qu'il confère aux industries
extractives. Il dit dans son glossaire: «les industries extractives
sont celles qui s'occupent de localiser et d'enlever les ressources naturelles
épuisables situées dans la croûte terrestre ou à
proximité de celle-ci ». Voilà qui tranche tout
débat sur la contenance sémantique de cette notion qui peut
être polysémique et, qui légitime la précision faite
plus haut sur l'utilisation de la notion d'industries extractives comme acteur
mouvant et non comme une branche d'activité figée du secteur
primaire. Cette catégorie d'acteur est cardinale dans l'initiative de
transparence des industries extractives car, les « transactions collusives
» qui ont souvent caractérisé les relations entre celle-ci
et l'Etat, tendent à évoluer vers une redéfinition des
rôles. Crise éthologique ou revisitation des fondements
stratégiques des industries extractives? Il est peut-être trop
tôt pour y répondre mais, quoiqu'il en soit, par le fait de cette
ouverture des écluses de l'opacité qui semble informer la praxis
des industries extractives, l'on perçoit la confirmation des acteurs
privés et donc, la relativité de la souveraineté qui
autorise et est expliquée cet état de fait.
1 John Dunning, op. cit.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 172 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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Toutefois, l'on peut se targuer de dire
péremptoirement que cette transformation n'est pas le signe d'une
attitude statocidaire car, tout comme les organisations de la
société civile qui agissent dans le cadre des Etats par
autorisation ou par déclaration, les industries extractives sont soit
créées par les Etats, soit autorisées dans leur exercice
par ce dernier1. D'ailleurs, l'on peut soupçonner
derrière les travaux de Ronald Müller2 que les
multinationales et donc les industries extractives sont des agents par
volonté ou par destination d'une diplomatie publique. En effet,
l'histoire rappelle (et en cela lui donne raison) que la célèbre
compagnie des Indes occidentales a joué un rôle déterminant
en lieu et place de la Couronne britannique pour l'assujettissement de cette
partie du globe à l'empire britannique3.
Cela dit, la transparence des industries extractives en tant
que tribune d'expression de l'actorat des industries extractives, dramatise
deux niveaux de pertinence : les industries extractives comme actants dans le
scénario de la transparence au plan international (A) et celles-ci dans
la matérialisation de la transparence au niveau des Etats (B).
1 La loi camerounaise n°665/PJL/AN du 9
décembre 1999 portant code pétrolier dit en ses articles 3 et 4 :
« Les gisements ou accumulations naturelles d'Hydrocarbures que
recèle le sol ou le sous-sol du Territoire Camerounais,
découverts ou non, sont et demeurent la propriété
exclusive de l'Etat. Aux fins des Opérations Pétrolières,
l'Etat exerce sur l'ensemble du Territoire Camerounais, des droits souverains.
Une personne physique ou morale y compris les propriétaires du sol, ne
peut entreprendre des Opérations Pétrolières que si elle a
été préalablement autorisée à le faire
». Le décret d'application n°2000/465 du 30 juin 2000 dudit
code pétrolier prévoit que les demandes d'autorisation de
prospection, de recherche, d'exploitation provisoire et d'exploitation sont
adressées au ministre chargé des hydrocarbures (art. 8, 15, 24 et
27). De même, l'article 8 alinéa 2 de la loi n°001-2001 du 16
avril 2001 portant code minier de la République du Cameroun dit : «
Toute personne physique ou morale désirant exercer une activité
minière doit, au préalable, obtenir un permis de reconnaissance
ou un titre minier, délivré dans les conditions fixées par
la présente loi ». Au Tchad, la Loi N°011/PR/1995 du 20 juin
1995 portant code minier rappelle que les richesses du sous-sol tchadien sont
la propriété de l'Etat c'est pourquoi, « Sous réserve
d'exceptions prévues au Code Minier, l'État peut accorder sur le
territoire de la République du Tchad à une ou plusieurs personnes
physiques de nationalité tchadienne ou étrangère ou
à une ou plusieurs sociétés de droit tchadien ou
étranger, dûment qualifiées selon le Code Minier, le droit
d'entreprendre et de conduire les activités qu'il régit.
L'exercice de ce droit est toutefois sujet à l'obtention de l'un ou
plusieurs des titres ou autorisations... » (art.7). Au Gabon, la Loi
n°14/74 du 21 janvier 1975 portant réglementation des
activités de recherche et d'exploitation pétrolière sur le
territoire de la République Gabonaise dit en son article 1er
: « Les activités de recherche et d'exploitation des hydrocarbures
liquides et gazeux sur le territoire national sont soumises aux dispositions de
la présente loi et des textes pris pour son application ». Pour les
pays de l'UEMOA, le Règlement n°18/2003/CM/UEMOA du 23
décembre 2003 portant code minier communautaire dit en son article 10 :
« L'occupation des terrains nécessaires à l'activité
de prospection, de recherche ou d'exploitation de substances minérales
et aux industries qui s'y rattachent ainsi que les relations entre les
propriétaires du sol et autres occupants et les détenteurs de
titres miniers s'effectuent, en l'absence de textes communautaires, selon les
conditions et modalités établies par la réglementation
nationale de chaque Etat membre ».
2 Lire notamment Müller E. Ronald et Barnet
Richard J., (1975) Global reach: The power of the multinational
corporations. London: Jonathan Cape, chap. 4 « Corporate diplomacy
and national loyalty »
3 L'on a également le cas du Cameroun dont
les traités de création furent signés entre deux maisons
commerciales allemandes et les chefs Duala. En effet, les 11 et 12 juillet
1884, Jim Ekwala de Deido, Ndum'a Lobe (Bell) et Dika Mpondo (Akwa)
signèrent avec les maisons commerciales Woermann et Jantzen &
Thormählen les traités qui conféraient la première
souveraineté du territoire dit Cameroons à l'Allemagne. Lire
à ce sujet, Owona Adalbert (1996) La naissance du Cameroun
1884-1914. Pars : l'Harmattan, pp. 30-39.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
A. L'affirmation actorielle des industries
extractives dans l'écriture d'un
scénario de la transparence au sein de
l'EITI : le niveau international Le discours sur la
participation actorielle des industries extractives dans EITI met en relief
deux niveaux d'expression de l'actorat. D'une part, il y a l'engagement
international et de l'autre, la participation au plan national. Ces niveaux
dégagent deux caractéristiques qui méritent d'être
soulignées. En effet, au plan international les industries extractives
participent de façon volontaire, contribuant ainsi à la
réussite de la mise en oeuvre alors que leur implication au plan
national peut être exigée par l'Etat qui est responsable de la
réussite du processus.
Les industries extractives sont une composante incontournable
dans la mise en oeuvre de la transparence. Le Livre Source
prévoit que les entreprises des industries extractives ont la
possibilité d'appuyer le développement et le perfectionnement de
l'EITI par la réalisation de certaines actions. Le moment fondateur de
la participation internationale d'une industrie extractive à
l'initiative est la déclaration d'adhésion. De façon
claire et sans équivoque, la firme doit annoncer sa détermination
à soutenir la mise en oeuvre de la transparence. Elle doit ensuite
confier la responsabilité stratégique de EITI à un haut
cadre en même temps qu'elle désigne un coordonnateur chargé
de l'initiative. C'est ainsi que, après avoir adhéré
à l'initiative le 17 juin 2003 c'est-à-dire lors de la
conférence fondatrice, le groupe nucléaire français AREVA
a désigné M. Olivier Loubière, déontologue du
groupe comme responsable stratégique1 de EITI tandis que M.
Yves Dufour le directeur de la communication et des relations externes de la
Business Unit Mines s'est vu confié la charge de coordonner la
participation de la compagnie à EITI. Le 1er février
2007, J. J. Mulva le président de Conocco Phillips a adressé une
lettre à M. Peter Eigen pour lui signifier l'adhésion de sa
compagnie aux principes EITI. Par la même occasion, il l'informait de la
désignation de M. Don Duncan, comme responsable stratégique de
l'implémentation des critères de l'initiative pour le compte de
l'entreprise.
Les industries extractives manifestent également leur
soutien à l'initiative par leur participation aux réunions
internationales. Les tableaux ci-après donnent un aperçu de la
présence des compagnies membres du conseil d'administration aux
réunions dudit conseil et à l'International Advisory Group
(IAG).
1 Quelques responsables stratégiques EITI
des compagnies : M. Graham Baxter (BP), M. Edward Bickham (Anglo American), M.
John Kelly (Exxon Mobil), M. Pedro E. Aguirre (PEMEX), M. Mike Wilkinson
(Shell), M. Stuart Brooks (Chevron), M. Jean François Lassalle (TOTAL),
M. Milas Evangelista de Sousa, (Petrobras) etc.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 9 : Indication de la participation des
compagnies extractives aux réunions de l'international Advisory Group
(IAG)
26/8/2005 (Londres)
|
21/10/2005 (Washington)
|
16/02/2006 (Abuja)
|
05/04/2006 (Bakou)
|
20/06/2006 (Londres)
|
BP
|
BP
|
Petrobras
|
BP
|
BP
|
Anglo American
|
Chevron
|
BP
|
Anglo American
|
Petrobras
|
Chevron
|
Petrobras
|
Chevron
|
Chevron
|
Anglo American
|
SOFAZ
|
Anglo American
|
|
Petrobras
|
Chevron
|
|
Tableau 10 : Indication de la participation des
compagnies extractives à quelques réunions du conseil
d'administration EITI
7/12/2006 (New York)
|
11/04/2007(Berlin)
|
27/09/2007(Oslo)
|
Petrobras
|
Petrobras
|
Petrobras
|
Chevron
|
Chevron
|
Chevron
|
BP
|
BP
|
BP
|
Anglo American
|
Anglo American
|
Anglo American
|
PEMEX
|
PEMEX
|
PEMEX
|
ExxonMobil
|
ExxonMobil
|
ExxonMobil
|
Shell
|
Shell
|
Shell
|
ICMM*
|
ICMM
|
ICMM
|
|
|
TOTAL
|
|
|
AREVA
|
|
*ICMM : L' International Council on Mining and Metals
représente les industries extractives minières dans le conseil
d'administration.
Source : Conçu à partir des minutes des
conseils d'administration de EITI.
Ensuite, la participation des industries extractives à
l'initiative se lit par l'insertion de leur soutien dans leurs rapports sur la
responsabilité sociale des entreprises. La mode actuelle est à la
publication des rapports sur la viabilité internationale ou la
responsabilité d'entreprise. L'intégration par chaque compagnie
d'un résumé de sa contribution à EITI dans l'un de ces
rapports constitue la cinquième marque de son soutien à
l'initiative1. Les compagnies peuvent
1 Puisque les compagnies publient des rapports de
fiabilité internationale et de responsabilité sociale au rythme
annuel, il serait donc particulièrement fastidieux de restituer ici la
totalité des quintessences des contributions des industries extractives
telles que mentionnées dans leurs rapports respectifs. Toutefois, pour
avoir un aperçu nous évoquons l'extrait que BHP Billiton a
consacré à sa contribution à EITI dans son
Sustainability Report 2005. Il y est dit: « BHP Billiton
continues to support the EITI, and we are committed to working with our host
governments that participate in this process and develop systems to report
these payments. The government of Trinidad and Tobago is actively committed to
implementing the EITI, and our petroleum asset in this country will report its
payments in its annual site-based sustainability report In May 2005, the
Peruvian Ministry of Energy and Mines issued a declaration marking Peru's
launch of the EITI. BHP Billiton will work with the
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 175 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
participer au financement de la transparence par une
contribution financière directe à l'effort de la mise en oeuvre.
Au total, la participation des industries extractives à l'initiative au
plan international est le fait d'une quarantaine de compagnies
extractives1.
Le processus de validation de la participation des industries
extractives au processus se fait sur la base des points autour desquels se
greffe leur implication à l'initiative. Le guide de validation
mis sur pied aux fins de vérification de la conformité de
l'action des parties prenantes, en rapport avec les prévisions du
Livre Source, comporte cinq (05) niveaux de validation. Il s'agit tour
à tour de mesurer l'adhésion des compagnies au processus par la
conformité quant à la publication d'une déclaration
d'adhésion, la publicisation des informations de soutien des compagnies
et l'implication au processus par la désignation des responsables EITI
et la présence aux conférences et réunions
internationales.
Encadré : Déclarations de
soutien de Royal Dutch Shell
Pour Shell, contribuer au développement durable
signifie aider à répondre aux besoins énergétiques
croissants dans le monde de manière économiquement,
écologiquement et socialement responsable. En bref, d'aider à
garantir un avenir énergétique responsable. Bien qu'il soit
important de répondre à la demande en énergie de
manière responsable, il est tout aussi important de s'assurer que les
revenus associés à l'exploitation des hydrocarbures profitent aux
citoyens des pays riches en ressources naturelles. Malgré la
volatilité des prix des ressources énergétiques, ces
derniers sont néanmoins plus élevés que par le
passé, ce qui représente une bonne opportunité pour les
gouvernements d'utiliser ces fonds afin d'accroître l'accès
à la santé, l'éducation et aux mesures de réduction
de la pauvreté. La pertinence de l'ITIE par rapport aux entreprises
souhaitant contribuer au développement de la société en
générale repose sur le fait que la publication des paiements
versés aux gouvernements permet au public d'accéder aux
informations, ce qui peut déboucher sur une discussion informée
sur l'utilisation des revenus issus des ressources naturelles. Soutenir l'ITIE
transforme la responsabilité des entreprises d'une théorie
générale à une pratique spécifique, ce qui
s'avère être une contribution très précieuse au
développement durable.
|
|
government of Peru to advance the initiative. The chart
above presents relevant BHP Billiton payments on a regional basis».
Il faut que les rapports des compagnies révèlent par ces aspects
de leur contribution à la mise en oeuvre de l'initiative leur soutien
à EITI.
1 Il s'agit en septembre 2009 des compagnies
suivantes : Alcoa, Anglo American, AngloGold Ashanti, Arcelor Mittal, Areva,
Barrick Gold, BG Group, BHP Billiton, BP, Chevron Corporation, ConocoPhilips,
DeBeers, Eni, ExxonMobil, Freeport-McMoRan Copper & Gold, GDF Suez, Gold
Fields, Hess Corporation, Lihir Gold, Norsk Hydro, Katanga Mining Limited,
Lonmin, Marathon, Mitsubishi Materials, Newmont, Nippon Mining & Metals,
Oxus Gold, Oz Minerals, Pemex, Petrobras, Repsol YPF, Rio Tinto, Santos, Shell,
Statoil Hydro, Sumitomo Metal Mining, Talisman Energy, Teck Cominco, TOTAL,
Vale, Woodside, Xstrata.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 176 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Quoique certains Etats y voient une incursion dans le champ
de leur souveraineté, l'on peut penser que la mollesse de l'agir
international des compagnies est informée par le souci de respecter
précisément cette « compétence des compétences
» des Etats. En effet, le sentiment de cette recherche de
neutralité est conforté par la participation déclaratoire
c'est-à-dire uniquement discursive des responsables stratégiques
au niveau le plus élevé de l'initiative. Certes, cette
présence fut-elle silencieuse constitue un quitus pour les compagnies
engagées au niveau national, afin qu'elles se livrent au jeu de la
transparence mais la nécessité d'une participation au niveau
national n'est pas uniquement la recherche d'une pleine transparence par la
scrutation des comptes des entreprises étatiques, il s'agit aussi de
s'assurer que les compagnies s'impliquent dans les aires de leurs
opérations.
B. Les industries extractives dans la
matérialisation de la transparence
dans les cadres stato-nationaux : le niveau
interne
La participation des industries extractives à
l'échelle des Etats pose d'entrée de jeu un imbroglio
définitionnel. Pour des besoins d'effectivité de la transparence,
les entreprises d'Etat sont invitées à s'impliquer de
manière active au processus de mise en oeuvre de l'initiative. C'est
ainsi que, des entreprises telles que la Société Nationale des
Hydrocarbures du Cameroun (SNH), la State Oil Company of Azerbaijan Republic
(SOCAR) et la Société Nationale des Pétroles du Congo
(SNPC) par exemple sont comptées au nombre des entreprises
engagées dans EITI. Et cela a le mérite de semer le flou sur la
tâche consistant à définir les industries extractives.
Peut-on compter au nombre de celles-ci des entreprises qui représentent
uniquement les intérêts de leurs Etats1 dans les
projets d'exploitation et sans réelle capacité d'autonomisation ?
En réalité, mis à part ce type d'entreprise, la
totalité des compagnies minières et pétrolières en
exercice dans le pays EITI sont multinationales. Cet état de fait
confère de la pertinence à l'option de définition ici
faite, en établissant une conflation de sens entre les industries
extractives et les firmes multinationales. De plus, le phénomène
des filiales qui a une forte prévalence dans cette branche
d'activité, autorise ce
1 A titre d'exemple, l'on a la
Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) au Cameroun qui dispose
de parts dans les multinationales en exercice au Cameroun avec, 20% des parts
de Total E&P Cameroun, 20% de PECTEN Cameroun, 20% des parts de PERENCO
Cameroun et 20% de Mobil Producing Cameroon Inc. Cela n'en fait pas pour autant
une multinationale puisqu `elle ne dispose pas d'activités hors du cadre
national et n'extrait pas des produits du sous-sol indépendamment de sa
présence partielle dans les filiales des multinationales
étrangères implantées au Cameroun.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
parti pris sémantique car, en raison de l'absence des
capitaux colossaux qu'exige l'activité extractive, eu égard au
fait que certaines fois l'investissement dans l'exploration peut
s'avérer contre-productif et du fait de la technologie spécifique
nécessaire, les pays nantis des ressources extractives se tournent
presque spontanément vers les grandes firmes multinationales. Celles-ci,
créent des sociétés de droit local ou établissent
des filiales dans le but de la proximité vis-à-vis du champ des
opérations1. Le schéma ci-après illustre cette
pratique autour de l'exploitation du gisement de gaz de Aguaytia au
Pérou par un consortium d'entreprises étrangères qui ont
regroupé leurs actions au sein du grupo Energetico Aguaytia ;
une société de droit péruvien créée
à cet effet.
Figure 4 : Le regroupement d'entreprises autour du gisement de
Aguaytia au Pérou

Duke Energy Company International
Scudder Latin
American Power Fund
The Maple Gas Corporation
El Paso Energy International Company
Pennsylvania
Power &Global
Light
Dynergy
Grupo Energetico Aguaytia
Source : Conçu à partir des
données du site
www.aguaytia.com
visité le 13 mai 2009
Le soutien des industries extractives révèle
par le fait des filiales et des sociétés ad hoc que
l'imbrication des choses du « dedans » avec celles du « dehors
» atteint toutes les branches d'activité. Si par le soutien
international une firme des industries extractives affirme son actorat
international, la création des sociétés de droit local
pour défendre ses intérêts constitue
1 La plupart des grandes firmes multinationales
des industries extractives ont des filiales dans les pays riches en ressources
où elles exercent. Quelques exemples : l'on parlera de TOTAL Cameroun,
TOTAL Gabon, GeovicCameroun, Shell-Gabon, Vaalco-Gabon, Amerada Hess-Gabon,
...Et s'agissant des sociétés de droit local, l'on peut
évoquer la Compagnie Industrielle et Commerciale des Mines du Gabon
(CICMG) qui est une société de droit gabonais créée
par les entreprises chinoises Xuzhou Huayan et Ningbo Huaneng Kuangye. Au
Cameroun, la compagnie Sundance Resources Limited a mis sur pied la
société Cam Iron SA dont elle détient 90% des parts contre
10% appartenant à des privés camerounais. Cette création
vise à l'exploitation du gisement de fer de Mbalam dans le Sud-Est du
pays.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 178 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
en même temps qu'une double subversion de la
souveraineté par le bas et par le haut, mais davantage elle brouille les
cartes de lecture des acteurs en scène. Sans compter qu'il s'agit
peut-être d'un subterfuge pour contourner les législations locales
qui se voudraient plus rigides à l'encontre des sociétés
étrangères. Aussi, l'on retrouvera les mêmes
multinationales qui soutiennent l'initiative au double plan national et
international. Cette complexification des relations sociales et de l'actorat
donne du sens à l'idée de la relativité de la
souveraineté car, jamais l'Etat n'a été aussi
fragilisé dans l'expression de son autorité qu'en ces temps
où il doit composer avec des acteurs qui favorisent un
enchevêtrement des espaces et des secteurs. Peutêtre qu'il faudrait
lire la scène internationale comme un espace d'émulation des
contraires, le site par excellence de la démonstration du primat de la
mesure aristotélicienne sur le fanatisme des positions figées.
Peut-être faut-il plutôt que d'opposer le requiem à
l'éloge Grotius à Hobbes1, se dire que la lecture de
la scène internationale dans tous les aspects de sa quiddité
passe par l'intégration des deux postures. Alors, l'on aura rendu
totalement raison de la souveraineté qui est, mais qui s'est muée
parce que devenue relative.
Dès lors que cette précision sur le contenu
sémantique des industries extractives a été faite, l'on
peut désormais s'atteler à ausculter l'affirmation de leur
actorat en tant que partie prenante de l'EITI. La transaction collusive entre
les Etats et les industries extractives, met en scène le rapport du
politique à l'économie tant dans les Etats d'origine des firmes
que dans les Etats riches en ressources. Elle dramatise par ailleurs l'impact
des firmes sur les Etats de leur déploiement. Cependant, par-delà
les niveaux de collusion qui peuvent justifier au plan national des
explications sous le prisme des paradigmes porteurs de l'affectio des
descripteurs des impacts sur le développement, impacts aussi bien
bénéfiques que maléfiques pour les Etats, le temps de
l'analyse de cet aspect de la complexité qui transparaît dans les
transactions est à venir. Pour l'heure, le temps est à l'examen
de l'affirmation de la qualité d'acteur des industries extractives selon
qu'elles participent au jeu de la transparence. Par ce fait même, elles
démontrent leur pertinence car, qu'est ce qu'être acteur sinon
faire preuve d'autonomie et disposer d'une marge de manoeuvre importante qui
confère la capacité d'influence sur le comportement des choses et
des êtres ; et dans le cas d'espèce, pouvoir déterminer la
comportementalité des Etats et des organisations de la
société civile dans le cadre de la triangulaire complexe.
1 Badie B. «Realism under praise or a requiem?
The paradigmatic debate in international relations» International
Political Science Review, vol. 22, n°3, pp. 253-260.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 179 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Yaoundé II/Cameroun)
Il existe des canons de participation dans la mise en oeuvre
de la transparence des industries extractives au niveau des Etats. Si le
soutien au plan international descend sur les Etats telle une nuée
venant du ciel, le niveau national permet une lecture des acteurs
infra-étatiques dans l'affirmation de leur actorat. C'est donc d'une
subversion de la souveraineté ou d'une démonstration de la
souveraineté relative par le bas qu'il s'agit. Ce d'autant plus que,
l'Etat est souverain dans la gestion des revenus de son sous-sol. L'une des
différences entre la participation internationale et celle nationale
réside dans cette opposition des sentiers d'incursion dans le champ de
la souveraineté. Le propos marxiste autour de la fabrication des poches
de pauvreté par les multinationales1 privilégie la
lecture transnationale de la domination du centre par le truchement des
multinationales. D'ailleurs autant Marx que Adam Smith ont souligné la
vocation transnationale du capital qui ne se laisse pas confiner dans
l'exiguïté d'un Etat. Il faut aller vers les contrées
lointaines acquérir les ressources nécessaires au fonctionnement
de l'industrie et conquérir les marchés utiles à
l'écoulement de la production. La dissemblance apparaît donc non
pas dans le cursus operatum du capital mais dans l'appréciation
des impacts de son usage. Cela dit, au plan national il s'agit de permettre au
conciliateur d'avoir un droit de regard sur les comptes de l'Etat autant que
sur ceux des compagnies pour dissoudre les liens jadis fameux de la collusion
entre ces deux acteurs.
La participation des industries extractives au processus de
mise en oeuvre de la transparence commence au plan national par leur
présence au sein des comités de mise en oeuvre. Quoique le
Livre Source ait omis au nombre de ses critères, de
préciser l'impératif de la présence des industries
extractives, oubli volontaire peut-être si l'on part du postulat de la
collusion entre l'Etat et les industries extractives, les quatre conditions
d'accessibilité au statut de candidat supposent qu'au préalable
un comité multi-parties prenantes a été mis sur pied et
intègre des représentants des industries extractives. Ainsi, au
Cameroun, le décret n° 2005/2176/PM du 16 juin 2005 portant
création, organisation et fonctionnement du comité de suivi de la
mise en oeuvre des principes de l'initiative de transparence des industries
extractives prévoit dans son article 3 que les industries extractives
seront représentées par : TOTAL Cameroun, PECTEN Cameroun,
PERENCO Cameroun et GEOVIC Cameroun2. Au
1 L'on peut lire à ce propos les travaux de
Ronald Müller, notamment : Müller R. « Poverty is the product
», art.cit., Barnett J. Richard, Müller E. Ronald «
Engines of development ? » in Barnett J. Richard, Müller E. Ronald
(1975) Global reach : The power of multinational corporations, London
: Jonathan Cape, pp.148-184.
2 Ce n'est point un effet de mode si les compagnies
très connues dans le champ international sont ici suivies du
nom des
pays dans le cadre de leur soutien à l'initiative, c'est
précisément pour faire le distinguo entre les
compagnies et
leurs filiales localisées. Cette précision vise à marteler
une fois encore le caractère éminemment
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Gabon, TOTAL Gabon et Marathon représentent le secteur
pétrolier dans le Groupe d'Intérêt tandis que Comilog y
siège au titre de son appartenance au secteur minier. Au Pérou,
les compagnies Southern Copper Corporation et Xstrata Copper
pour le secteur minier et Aguaytía Energy del Perú
S.R.L. et Repsol Exploración Perú Sucursal del
Perú pour les hydrocarbures siègent au sein de la Commission
de Travail qui veille à la mise en oeuvre des principes de la
transparence1. La Mauritanie a prévu dans le décret
n° 29-2006_/modifiant certaines dispositions du décret 2006-001 du
13 Janvier 2006 portant création, organisation et fonctionnement du
comité national de l'initiative sur la transparence des industries
extractives, que les industries extractives seraient représentées
par deux sociétés pétrolières et une compagnie
minière.
La réussite du processus est intimement liée
à la franchise qui conduirait autant les Etats que les compagnies
à ouvrir leurs comptes au conciliateur. Il faut cependant dire que EITI
est située à l'espace médian dans la chaîne de
production des ressources extractives. Les industries extractives et les Etats
ne sont interpellés que dans le but d'examiner les revenus et les
paiements issus de l'exploitation et dans certains cas de l'exploration. Autant
dire qu'en terme d'efficacité, l'on peut émettre des
réserves quant à la matérialisation de la transparence au
terme du processus, dès lors que les contrats signés entre les
Etats et les compagnies continuent d'être marqués du sceau de la
confidentialité2. De plus, quand bien même la
transnational des compagnies engagées dans
l'initiative. Ainsi, excuser la marginalisation volontaire des structures
étatiques qui comme le SOFAZ et SOCAR en Azerbaïdjan, la SNH et la
SONARA au Cameroun, la SOGARA et PETROGABON au Gabon, la Société
Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH) ne constituent point en notre sens des
industries extractives. D'ailleurs, la loi Camerounaise organisant le
comité de suivi de la mise en oeuvre classe la SNH et la SONARA dans la
rubrique des institutions gouvernementales plutôt que parmi les
industries extractives. Il en est ainsi systématiquement dans tous les
textes créateurs et organisateurs des comités de suivi de la mise
en oeuvre. Au Congo par exemple, la Congolaise de Raffinerie (CORAF) et la
Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) ne figurent
pas au nombre des partenaires privés que sont dans le cas
d'espèce : ENI Congo, Morel & Prom Congo, Chevron Congo, CONGOREP et
SOCO. Mieux encore, la SNPC est classée au milieu des
représentants de l'administration centrale.
1 Il faut dire que l'engagement du Pérou
dans la mise en oeuvre des critères de EITI s'inscrit dans le sillage de
la loi n° 27806 sur la transparence et l'accès aux informations
publiques du samedi 3 août 2002. La constitution de la Commission de
Travail du Pérou pour la mise en oeuvre de EITI peut être
consultée sur le site web de EITI Pérou :
http://www.minem.gob.pe/eiti/inicio
integrantes.asp. Par ailleurs, au Pérou la commission de travail
classe la Sociedad Nacional de Minería, Petróleo y Energía
parmi les industries extractives, cela pouvant se comprendre par la
nécessité de l'examiner pour que soit parfaite la transparence.
Mais, dans l'échelonnement à l'intérieur de la
catégorie industries extractives au sein de la Commission, cette
société est classée seule à côté des
autres qui sont regroupées par secteur. Ainsi, on a les compagnies
Southern Copper Corporation et Xstrata Copper pour le secteur minier et
Aguaytía Energy del Perú S.R.L. et Repsol Exploración
Perú Sucursal del Perú pour les hydrocarbures.
2 D'ailleurs, s'agissant de la
réalité de la transparence comme issue du processus,
l'Azerbaïdjan a atteint le statut
de conformité, ce qui suppose
que les conditions de transparence sont remplies dans les transactions entre
l'Etat
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 181 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
transparence serait effective, la traçabilité
qu'est censée produire l'initiative exclurait EITI qui se contenterait
depuis un banc de touche, d'apprécier l'immersion ou non des revenus des
industries extractives dans les abysses de la corruption.
Du reste, les revenus mis en index dans le processus sont
générés par les compagnies et en cela, leur implication
paraît être la condition sine qua non à la
réussite de l'initiative. Il s'agit dans le cadre de leur exercice d'un
ensemble de taxes et paiements que chaque compagnie doit verser à l'Etat
qui abrite les ressources. A titre d'exemple, au Cameroun la conciliation des
données a pris en compte les flux financiers suivants :
· Les enlèvements de l'huile en volume et en valeur
pour une quote-part de l'Etat ;
· La redevance minière proportionnelle ;
· Des droits fixes ;
· Des redevances superficiaires annuelles ;
· La redevance proportionnelle à la production en
volume et en valeur ;
· Des bonus de signature ;
· Des bonus de production ;
· Les prélèvements pétroliers
additionnels ;
· Des impôts sur les bénéfices des
sociétés ;
· Des redevances de la SNH et autres
bénéfices.
Eu égard à l'importance des compagnies dans
l'initiative, il est superflu de mentionner que leur implication totale dans le
jeu de la transparence est la condition du succès du processus.
Cependant, les compagnies dramatisent des fortunes diverses dans leur
participation à la mise en oeuvre des principes et critères EITI.
Le tableau ci-dessous rend compte du rapport que certaines entreprises du
pétrole et du gaz ont avec la transparence.
Azéri et les compagnies y opérant. Le Cameroun a
failli atteindre le même statut lors de la conférence de Doha au
Qatar, puisque remplissant de facto les conditions requises mais
l'évidence de l'imperfection de la transparence dans les industries
extractives au Cameroun crève les yeux. Les évaluateurs de la
pertinence de l'initiative auront matière à
réfléchir ; l'observation stricte des critères de l'EITI
est-elle synonyme de transparence effective ?
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 11 : Classement des entreprises
pétrolières et gazières selon leur degré de
transparence
Entreprises
|
Transparence en matière de paiements de
revenus
|
Divulgation complémentaire
|
Lutte contre la corruption et dénonciations des
mauvaises pratiques
|
Total général
pondéré
|
classement
|
Talisman Energy*
|
27,4%
|
34,4%
|
7,1%
|
68,9%
|
1
|
TransAtlantic Petroleum
|
9,8%
|
34,4%
|
0,0%
|
44,2%
|
2
|
Shell*
|
13,7%
|
6,6%
|
8,6%
|
28,9%
|
3
|
Chevron Texaco*
|
6,4%
|
15,2%
|
7,1%
|
28,7%
|
4
|
Nexen Inc
|
0,0%
|
18,5%
|
8,6%
|
27,1%
|
5
|
BP*
|
7,8%
|
9,3%
|
10,0%
|
27,1%
|
6
|
Statoil*
|
7,8%
|
10,6%
|
7,1%
|
25,6%
|
7
|
Exxon Mobil*
|
3,9%
|
12,7%
|
7,1%
|
23,8%
|
8
|
Unocal Corporation
|
0,0%
|
15,9%
|
7,1%
|
23,0%
|
9
|
Paladin Resources
|
0,0%
|
21,2%
|
0,0%
|
21,2%
|
10
|
Lion Energy
|
5,9%
|
10,6%
|
4,3%
|
20,7%
|
11
|
Norsk Hydro*
|
0,0%
|
13,2%
|
7,1%
|
20 ;4%
|
12
|
Amerada Hess
|
0,0%
|
10,6%
|
8,6%
|
19,2%
|
13
|
Conoco Philips*
|
0,0%
|
11,9%
|
7,1%
|
19,1%
|
14
|
Eni SpA*
|
0,0%
|
9,9%
|
8,6%
|
18,5%
|
15
|
Devon Energy
|
0,0%
|
10,6%
|
7,1%
|
19,1%
|
16
|
Santos Limited
|
0,0%
|
15,9%
|
0,0%
|
15,9%
|
17
|
Woodside* Petroleum
|
0,0%
|
10,6%
|
4,3%
|
14,9%
|
18
|
Repsol YPF*
|
2,0%
|
6,6%
|
4,3%
|
12,9
|
19
|
Premier Oil
|
0,0%
|
10,6%
|
10,6%
|
1,4%
|
20
|
Total*
|
2,9%
|
3,7%
|
2,9%
|
9,5%
|
21
|
CNPC
|
0,0%
|
5,3%
|
0,0%
|
5,3%
|
22
|
Lukoil
|
0,0%
|
5,3%
|
0,0%
|
5,3%
|
22
|
PetroChina
|
0,0%
|
2,6%
|
0,0%
|
2,6%
|
24
|
Petronas
|
0,0%
|
2,6%
|
0,0%
|
2,6%
|
24
|
* l'Astérix indique que la compagnie est partie prenante
dans la mise en oeuvre de EITI au niveau international
Source : le rapport Dépasser la
rhétorique, mesurer la transparence des revenus : les performances des
entreprises dans l'industrie du pétrole et du gaz, p.22.
Au total, les industries extractives et les organisations de la
société civile, aux deux niveaux
de leur émulation,
c'est-à-dire les niveaux national et international, manifestent la
pluralité
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 183 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
qui est désormais une des caractéristiques de la
scène internationale. Sans rentrer dans les débats d'une autre
époque qui faisaient étalage d'une joute oratoire autour de la
solitude ou de la magnitude de l'acteur étatique, le temps
présent selon qu'il est fondateur et talweg de cette étude, rend
compte de la coalescence d'acteurs dans la politique internationale.
D'ailleurs, l'appellation « politique internationale » qui prend
séance en lieu et place des « relations internationales
»1 n'est pas une maladresse mais, le signe de la
diversité des acteurs. L'Etat n'est plus le seul acteur des relations
internationales et c'est ce qui justifie le passage à la politique
internationale. Cela n'est pas nouveau et, même la posture de cette
étude n'est pas nouvelle (le but n'est pas d'inventer le silex), le fait
de l'initiative qui cristallise notre attention est un aspect de
l'originalité mais également une contribution à la
démonstration de la complexité. Au-delà de la
complexité, c'est en réalité la relativité de la
souveraineté qui constitue le point focal de ce propos. Par l'examen de
l'Initiative de Transparence des Industries Extractives, l'intention
d'assimiler la multiplication des acteurs à un premier argument
explicatif de la relativité de la souveraineté a pris corps.
En effet, de plus en plus de problèmes exigent pour
leur résolution des configurations qui mettent en relief le défi
de la coopération de l'Etat avec les systèmes sociaux. Ce
défi était déjà perçu en 1985 par Karl-Heinz
Röder2 et, même si l'auteur parlait en son temps plus
globalement dans une perspective qui oppose les Etats selon les aires de
développement, la réalité de l'émergence et de
l'affirmation de l'actorat privé est une évidence. Par le
truchement de cette initiative, il convenait de mettre l'emphase sur cela par
la mise en relief d'un espace de démonstration. Non pas pour une
acquiescientia in se ipso, mais parce que l'affirmation de la
relativité de la souveraineté et la démonstration de cette
allégation, toutes deux passeront par un examen serré d'un espace
qui est un laboratoire in vivo. Que la démultiplication des
acteurs qu'illustre cette partie soit, non pas le signe d'un désordre
qui crédibiliserait les thèses déclinistes, mais le
premier niveau de l'explication d'une souveraineté relative. Les
transactions qui s'opèrent au sein de cette initiative, tout en
1 Ce faisant, nous nous inscrivons dans la
foulée des auteurs qui comme Kenneth Waltz, percevait dès la fin
des années 1970 les changements dans le jeu international. De la
théorie des relations internationales, il passait à une
théorie de la politique internationale afin de rendre raison des
relations internationales comme des relations intergentes plutôt
que comme des relations exclusivement interétatiques. Progressivement,
la théorie va s'approprier cette réalité et
désormais, il paraît plus pertinent de parler de politique
internationale c'est-à-dire de conflictualité, de rivalité
et de gouvernement des conduites à l'échelle planétaire et
ce, du fait de tous les acteurs car même l'individu seul devient un
acteur déterminant du jeu mondial. Lire Kenneth Waltz (1979) Theory
of international politics. Massachusetts: Addison-Wesley.
2 Röder Karl-Heinz « A challenge to
cooperation between states of different social systems» International
Political Science Review, vol. 6, n° 1, pp. 35-43 (1985)
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
démontrant de façon corrélative l'usure
de l'opposition de l'éthique et de l'intérêt, constituent
le second niveau de la démonstration. Si l'interrogation sur la fin de
la souveraineté planait au dessus de la coalescence des acteurs,
l'affirmation de sa rémanence prend pied sur les multiples transactions
qu'impose la mondialisation des problèmes et des menaces.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)

Transactions complexes dans l'initiative de
transparence des industries extractives autour du
couple Intérêt-Ethique : les fruits de la morale
au
sein d'EITI.
DEUXIEME PARTIE :
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 186 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Deux idées coulent dans la veine de cette partie. D'une
part, la complexité des transactions qui caractérisent les
relations entre les Etats, les organisations de la société civile
et les industries extractives traduit la relativité de la
souveraineté qui, parce que molle désormais, autorise
l'entremêlement à l'interface de la statolité et de la non
gouvernementalité, des connexions multiples. Toutes ces transactions se
font dans la dramatisation d'un comportement éthique construit sur la
transparence des industries extractives, une des problématiques de la
mondialisation. D'autre part, la présomption de
l'extranéité de la morale en politique internationale s'essouffle
dans cette étude qui privilégie la coexistence pacifique et
consubstantielle entre les intérêts et la morale. Tout comme les
intérêts ne sont pas res non grata dans les
monastères, de même, la morale peut pertinemment s'exercer et a
d'ailleurs prise sur le domaine du politique.
Comment penser la transparence des industries extractives
comme exigence défendue par les Etats sans garder en mémoire
l'essence utilitaire de la démarche étatique ? Ce serait d'autre
part, proprement faire preuve de surdi-cécité intellectuelle que
d'occulter au motif de la recherche de l'objectivité en sciences
sociales, la part de morale que revêt la norme de la transparence. La
commisération des Etats et des acteurs privés vis-à-vis
des peuplés damnés des Etats pauvres mais riches en ressources
extractives, peut aussi bien relever d'un spectacle de
l'altérité, qu'être la traduction d'une «
éthique de responsabilité » ou mieux, d'une «
éthique de la responsabilité convaincue 1».
Qu'importe, le résultat étant dans les deux cas une
circularité sceptique qui explique qu'en dernière analyse,
l'intérêt sourdra de la morale et vice-versa. L'analyse en vaut la
peine. Après, le contenu sémantique à attribuer à
la norme dépendra des postures et des rentes de
situations2.
1 Cela découle de l'idée qu'en
réalité, une éthique pour l'éthique est presque
inexistante. L'éthique de conviction en tant qu'éthique du
révolutionnaire ou du sermonneur qui agit sans égard pour les
conséquences de ses actes ne s'oppose pas diamétralement à
l'éthique de responsabilité. Weber dit d'ailleurs à ce
propos que «non pas l'éthique de responsabilité soit
identique à l'absence de conviction, et l'thique de conviction identique
à l'absence de reponsabilité ». Weber Max Le savant et
le politique, Paris : La découverte (traduction et préface
de Catherine Colliot-Thérène), 2003, p. 192.
2 Comme le démontrent Kees Van Kersberger et
Bertjan Verbeek, les normes internationales ont suscité de
l'intérêt dans la théorie internationale dans le processus
de leur adoption mais après, leur implémentation est rendue
caduque par la saillie de sens que les acteurs leurs assignent à tous
les niveaux de l'actorité. La transparence des industries extractives
n'échappe pas à cette réalité. D'ailleurs
pensons-nous, ce flou sémantique ex post, ce fourre-tout
sémiologique encadre tous les enjeux qu'y défendent les parties
prenantes. C'est de plus le pilier autour duquel est bâtie la structure
utilitaire des acteurs. Lire Kersberger Kees Van et Verbeek Bertjan « The
politics of international norms: subsidiarity and the imperfect competence
regime of the European Union » European Journal of International
Relations, vol. 13, n°2, pp. 217-238 (2007).
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 187 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
La première partie a démontré la
pertinence des acteurs qui constituent les angles de la triangulaire complexe
et la cohabitation des ordres westphalien et privés comme fait de sens.
Celle-ci pour sa part, n'est pas l'expression de la sympathie pour la «
morisophie1 », elle se veut le signe d'une froide analyse des
enjeux qui structurent le jeu des acteurs impliqués dans l'initiative de
transparence des industries extractives. Elle n'est nullement un jugement de
valeur porté à l'endroit des protagonistes de la transparence.
L'on n'assiste pas à une crise du positivisme, encore moins à un
retour vers la subjectivité. La crise économique actuelle, parce
que crise c'est-à-dire krisis du grec (c'est-à-dire
« tournant » et « danger ou opportunité » du
Mandarin), est l'occasion de transcender les peurs de la taxonomie qui
classerait dans une catégorie néo-communiste les
dénonciateurs de la marginalisation de la morale dans le projet de la
mondialisation libérale. En tant que homo academicus, le
chercheur a l'obligation de restituer sans la tordre, la réalité
scientifique. Et la « neutralité axiologique » ne
s'éclipse pas devant l'envergure de la dérive utilitaire, elle
permet a contrario de palper sans laisser transparaître
l'ascendant spirituel et les considérations métaphysiques du
chercheur, la chose scientifique selon qu'elle est finie mais reliée
à l'Infinie dont elle est issue. La déconnexion des deux ordres
(fini et Infini) tout en justifiant la valse des immoralités, est au
principe du recul éthique. Là réside (et cette idée
fait du chemin en ces temps de crise des représentations capitalistes),
la source de l'apparence étique de l'éthique. Sans s'inscrire
dans une philosophie morale de la politique selon l'ordre de
l'évêque d'Hippone, en prescrivant l'amour de Dieu jusqu'à
l'oubli de soi, l'on doit considérer que les relations internationales
ne sont pas simplement intimement reliées à la
morale2mais que la morale parce qu'elle peut informer l'action des
protagonistes pour des finalités multiples et variées,
mérite que l'on y accorde de l'intérêt. Ne pas se laisser
cependant distraire par les acteurs qui parlent horresco referens des
misères du monde car, le malheur des uns peut constituer la source
d'enrichissement des autres3. Dans cette partie, l'éthique et
l'intérêt seront donc en dialogue. Le but n'est nullement
1 Science des moeurs d'après le socialiste
utopique français Charles Fourier.
2 Giesen Klaus-Gerd (1992) L'éthique des
relations internationales : les théories anglo-américaines
contemporaines. Bruxelles : Bruylant.
3 A ce sujet, le cas `Bernard Kouchner' est
très édifiant. Après avoir mené une intense
activité sur le champ humanitaire et écrit des ouvrages dans
lesquels il dessinait les grandes orientations de sa philosophie, entre autre
Le malheur des autres paru aux éditions Odile Jacob en 1991
..., il a engrangé un grand capital symbolique qui lui a valu
d'être : Secrétaire d'Etat chargé de l'Insertion sociale
(1988), Secrétaire d'Etat chargé de l'Action humanitaire (de 1988
à 1992), Ministre de la Santé et de l'Action humanitaire (de 1992
à 1993), Secrétaire d'Etat chargé de la Santé (de
1997 à 1999), Ministre délégué chargé de la
Santé (de 2001 à 2002) et depuis mai 2007, il est ministre
français des affaires étrangères. Mais il aura
manifestement aussi dans ses « combats humanitaires »,
engrangé du capital financier. Lire au sujet des conflits
d'intérêt qui font de Bernard Kouchner un « cheval blanc
» selon Pierre Péan : Pierre Péan (2009). Le monde selon
K. Paris : Fayard.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 188 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
de faire porter aux manipulateurs de la morale pour des buts
utilitaires, des cornes rouges du chapeau de Basile mais, de dire pourquoi les
acteurs entrent en lien social dans le cadre de l'initiative qui nous
intéresse et ce faisant, montrer comment la souveraineté est
définitivement relative. En effet, la relativité de la
souveraineté se fonde sur deux élements consubstantiels : le fait
multiactoriel qui autorise les transactions collusives et la prise en compte du
sort des autres dans un élan moral qui induit l'érosion de la
souveraineté des Etats. Ceteris paribus, cette partie est
d'abord un second niveau de démonstration de la relativité de la
souveraineté, relativité qui transparaît derrière
les transactions « innocentes » et collusives mais également
les interactions saines entre les acteurs dont la première partie a eu
le souci de dire l'affirmation et l'affermissement. Aussi, la structure binaire
de la partie présente-t-elle un premier chapitre qui rend raison du
caractère moral de la transparence des industries extractives qui,
phénomène construit sur la corde sensible de la morale, a la
prétention de remédier à une mal gouvernance d'un «
bien commun de l'humanité ». Mais à la
réalité, la rhétorique de la transparence des industries
extractives sert de fondement aux intérêts des acteurs en
présence, selon la logique défendue par Ariel
Colonomos1. Telle est la substance du deuxième chapitre de
cette partie. Le signe que la morale joue un rôle dans les relations
internationale mais, un rôle qui met en droit de penser que le cynisme
des Etats et la morale ne sont point antinomiques mais
complémentaires.
1 Colonomos A, La morale dans les relations
internationales, op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Chapitre 3 : Souveraineté et mondialisation des
risques et menaces : A la recherche d'une éthique de conviction dans les
transactions au sein de EITI.
Les ressources extractives qui sont des biens territorialement
situés et dont la souveraineté pleine et entière est
réservée aux Etats, seraient-elles devenues des biens
communs1 ? Les impacts de leur exploitation abusive et
désordonnée peuvent affecter la planète entière par
la pollution des écosystèmes, les conflits
déstabilisateurs pour des régions et, par effet d'engrenage,
entraîner une expansion des menaces telles que l'émigration, les
épidémies, la circulation des armes légères et de
petits calibres et l'exportation des conflits. Pour répondre à
ces menaces globales, la souveraineté a cessé d'être un
principe inaliénable pour devenir une réalité molle qui
s'adapte aux contextes.
La complexité des relations entre les différents
acteurs de la scène internationale, les anciens et les nouveaux promus,
est le trait et le fait de la post-modernité politique. A un monde
d'Etats, a succédé un monde d'acteurs2. Aujourd'hui,
l'évocation de la pensée de John Burton qui présentait le
monde comme une toile d'araignée est porteuse de pertinence.
L'excroissance des réseaux transnationaux trouve là une matrice
et une ambroisie pour faire et alimenter les dieux que célèbre la
complexité transnationale. Le contexte qui fonde cette globalisation des
espaces, pratiques et mouvements est le creuset d'où naissent des
espaces multi-acteurs dont les transactions à coloration éthique
sont frappées doublement du sceau de la complexité
(complexité de par les interactions qui lient les acteurs mais
également complexité dans la formulation des motivations
d'action). Autrement dit, complexité dans la distinction du
dicere et du facere. Où se situe donc la ligne de
démarcation entre l'éthique pour l'éthique dans
l'énonciation des mobiles de transaction et l'éthique
intéressée ?
1 Au sens de Josépha Laroche, les biens
communs ou global commons sont qualifiés ainsi parce qu'ils ne
peuvent faire l'objet d'aucune appropriation étatique, sont donc
reconnus comme patrimoine commun et en appellent à des techniques de
gestion collective. Toutefois, la question se pose parce que les ressources
extractives qui sont a contrario situées et sont du ressort des Etats en
raison des multiples résolutions onusiennes qui disent la
souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles. En même
temps les risques que crée leur exploitation anarchique et
désordonnée, affectent l'ensemble du globe. Peut-être
faudra-t-il élargir la compréhension des global commons.
Au sujet de sa compréhension des biens communs, lire Josépha
Laroche, La politique internationale, op. cit. p. 411. On peut
également lire Badie B. et Smouts M.C. (1999) Le retournement du
monde, Paris : Presses de la FNSP. Chapitre 6 qui porte sur «
l'émergence des biens communs ».
2 Non pas que le monde d'Etat a disparu, mais le
monde d'acteurs suppose la fin de l'unicité et de
l'unilatéralité et est porteur de multilatéralité
et est une superposition d'un monde statocentrique avec un monde multicentrique
selon l'allégation de James Rosenau. Et sur le plan des centres
d'intérêt, le statocentrisme partage désormais la
scène avec l'homocentrisme c'est-à-dire que les acteurs multiples
agissent aussi bien pour les Etats que pour le bien être, le
développement, la paix et la sécurité des individus, de
l'homme.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 190 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Sören Kierkegaard permet avec ses trois ordres d'y voir
plus clair. En effet, la distinction qu'il fait entre les ordres éthique
et religieux par les figures d'Abraham et d'Agamemnon, indique le chemin.
Appelés tous deux à sacrifier les fruits de leur virilité,
Abraham était prêt à offrir Isaac et Agamemnon sacrifia
Iphigénie aux dieux pour que le vent se lève et la flotte grecque
puisse repartir. A priori, dans un cas de figure, la relation
particulière entre Abraham et son Dieu motiva son presque acte tandis
que dans l'autre, Agamemnon se fit un héros du devoir. L'un posa un acte
religieux, tandis que l'autre commis un sacrifice éthique,
c'est-àdire susceptible de rendement. Ces deux faces de l'éthique
révèlent à terme, la circularité éthique qui
épuise la pertinence du « désintéressement »
cher à Kant.
Ce chapitre commence par exalter la pratique d'une
éthique «naïve » des acteurs, une éthique de
conviction selon la typologie weberienne, dans le contexte complexe de la
postmodernité et de la mondialité des risques et des menaces
(section II). Mais auparavant, nourrie de la conviction de l'affirmation de la
multi-actorité, ce chapitre se veut porteur de l'idée de
complexité qui, avec la multi-actorité, offre à
l'hypothèse de la souveraineté relative son domaine de
pertinence. Aussi, la complexité immanente à cette initiative et
typique des espaces de la gouvernance globale (donc de morale), va-t-elle
bénéficier de la première attention (section I). Car, en
réalité, elle fixe le cadre dans lequel s'enchâssent les
multiples interactions dont l'on subodore la senteur dans le déploiement
des éthiques des acteurs. D'une manière générale,
ce chapitre met en scène la transparence des industries extractives
comme une des questions éthiques qui inondent la mondialisation. Mais
comme le montre l'entame de la première section, il s'agit d'une
construction qui obéit à une mode politique de la construction
des domaines de pertinence et d'urgence en cette ère complexe de
l'enchevêtrement des ordres privé et westphalien.
Section 1 : Complexité des transactions
dans l'éthique à l'ère de la mondialisation.
Cette section s'attele à démontrer la
transformation de la souveraineté comme une conséquence de la
mondialisation. De plus, elle soutient l'idée que la résolution
des problèmes nés de la globalisation passe
inéluctablement par l'adoption d'un comportement éthique dans le
cadre d'une synergie des acteurs qui implique des transactions complexes entre
les acteurs d'une scène trinitaire et de plus en plus multi-acteurs.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Paragraphe I : La problématique de la transparence
des industries extractives : un aspect de la construction morale des
problèmes de la mondialisation
Dire que les problèmes de cette époque ne
peuvent être résolus dans le cadre des autarcies
éliminatoires serait un truisme. Cependant, lorsqu'on s'est rendu
à l'évidence de l'impératif d'une interdépendance
normative sur des questions amplifiées et vulgarisées par la
mondialisation, la question de la souveraineté se pose. Pas tant parce
qu'elle serait un problème exogène, mais
précisément parce que la mondialisation des problèmes et
des risques appelle une réponse mondialisée qui s'inscrit donc
forcement au-delà des logiques territoriales. C'est l'impression d'un
international sans territoire1 qui s'en dégage. Dans cet
environnement complexifié, des phénomènes d'importance
mineure ou circonscrite se sont transformés en problèmes publics,
par l'alchimie des jeux d'acteurs, des stratégies de légitimation
des statuts et l'ouverture de la société.
A. De la construction sociale d'une
problématique de la transparence des industries
extractives
La prise au sérieux d'un problème dans le
contexte de la diversité des acteurs est conditionnée par des
facteurs qui illustrent une construction publique des phénomènes
sociaux. L'on peut considérer que l'intrusion des acteurs privés
dans la scène jadis animée par les seuls Etats perturbe
l'inscription des problèmes dans les agendas publics. De plus, les
critères d'inscription des problèmes cessent d'être
exclusifs de la morale car, les acteurs privés fondent pour beaucoup
leur légitimité sur les valeurs défendues. En même
temps, il apparaît que les instances de dénonciation et de
résolution des problèmes jugés pertinents ne s'accommodent
plus de l'unilatéralisme. Mieux, pour avoir plus de chance d'être
entendue, l'action doit se mener dans le cadre des espaces institutionnellement
plus solides. La transparence des industries extractives révèle
à la lumière de la culture des problèmes publics que EITI
abrite une problématique construite. Cela s'affirme par des
éléments de convergence autour de l'historicité, de la
propriété concurrentielle, de la responsabilité...qui
proviennent des fondamentaux que Gusfield assignent à la transformation
d'un phénomène social en problème public2.
1 Cette situation entraînerait la mise en
cause de la conception des relations internationales fondées sur les
liens interétatiques. Toutefois pense Marcel Merle, faut-il encore
prouver cette disparition. Lire Marcel Merle « Un système
international sans territoire ? » Cultures et Conflits,
n°21-22, pp.289-309 (1996).
2 Gusfield Joseph (2009) La culture des
problèmes publics. L'alcool au volant : la production d'un ordre
symbolique, Paris : Economica.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
« Tous les problèmes sociaux ne deviennent pas
nécessairement des problèmes publics. Ils ne deviennent pas des
enjeux de conflits ou de controverses dans les arènes de l'action
publique1». Cette affirmation de Gusfield comporte une certaine
pertinence qui élimine également du domaine de la
durabilité et de la solidité institutionnelle, certaines
tentatives engagées dans la stigmatisation des pratiques de
l'opacité. Aussi, peut-on penser que le processus de mutation d'un
problème social en problème public obéit entre autre
à un tropisme culturel qui sert de substrat aux déterminants.
Tropisme culturel par opposition au déterminisme structurel qui explique
le temps long des comportements moulés par les lois et
institutions2. Pour cela, il faut prendre au sérieux des
notions telles que la propriété, la
responsabilité, la rhétorique et le
rituel qui sont les signes de la mise en branle d'une ascendance
culturelle qui se donne à voir dans l'élection de certains
problèmes à des moments donnés comme des problèmes
dignes de faire l'objet d'une action publique. Dans ce processus, les acteurs
rivalisent d'adresse et d'initiatives pour que soient portées dans le
domaine du pertinent les causes qu'ils estiment dignes d'intérêt.
Comme le dit Gusfield, « sans à la fois une croyance cognitive dans
la possibilité de l'altérer et un jugement moral portant sur son
caractère, un phénomène n'est pas un
problème3 ». Appliqué au problème de
l'opacité, la conviction que la transparence est la panacée qui
dépouille de leur essence les problèmes liés aux
industries extractives, le jugement moral porté sur la pratique
constituent les stimuli de l'action pour une inscription du problème
dans la préoccupation internationale. Pour cela, il faut un instigateur
de cette dynamique et une mise en scène de la
propriété. Ainsi, il est par exemple légitime que
Transparency International ou bien Open Society parlent de la
transparence des industries extractives, plutôt qu'une organisation telle
que la Croix Rouge. Les ONG dévouées à la
transparence et aux questions de développement se sont donc investies
dans la dénonciation de l'opacité. Les rapports alarmistes de
Global Witness au sujet des incidences de l'opacité en Angola,
au Congo et autres sont le signe de cette logique. En réaction à
cette appropriation de la cause de la transparence par les ONG, certains Etats
ont nié et continuent de penser que la question de la transparence n'est
pas une urgence face à certains problèmes jugés
prioritaires. Ainsi peut-on analyser le refus de certains pays riches en
ressources extractives à adhérer à EITI. La
propriété et la dénégation sont donc affaire de
pouvoir et d'autorité.
1 Gusfield, idem, p. 5.
2 Gusfield considère que de cette distinction
surgit le binôme Rhétorique et Rituel. L'un relevant de
la culture comme manière de percevoir et l'autre, de la structure comme
matrice des agir. Joseph Gusfield, idem.
3 Gusfield, idem, p. 10.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Ainsi, il s'agit de penser que la propriété
concurrentielle autour de EITII est signe de la construction d'une pertinence
du problème de la reddition des comptes. En effet, en saisissant la
propriété comme « la capacité à créer
ou à orienter la définition publique d'un
problème1 », l'on peut penser que la
problématique de la reddition des comptes selon qu'elle fait sens au
regard des initiatives diverses entreprises, laisse penser à un champ de
la morale concurrentielle. Ainsi, cette dernière en tant que
problème public est « une arène de conflit dans laquelle un
ensemble de groupes et d'institutions, y compris des administrations publiques,
rivalisent pour acquérir les titres de propriété de
problèmes publics2 ». EITI n'est pas la seule initiative
engagée pour la transparence des industries extractives. Les plaintes
introduites en France contre les présidents Sassou, Bongo et Obiang
Nguema au sujet des « biens mal acquis », sont en partie une
dénonciation de la gestion non transparente des revenus des industries
extractives dans leurs pays respectifs. En 2007, une plainte
déposée par Transparency International contre les chefs
d'Etats ci-dessus cités avait été classée sans
suite. Une seconde introduite plus tard, a été jugée
recevable par la juge Françoise Desset du pôle financier de Paris
en mai 2009. Il s'agit d'une initiative contre l'opacité et,
au-delà du fait que les instigateurs de cette action sont membres de la
coalition internationale PWYP, c'est la marque d'une concurrence normative mais
davantage, le signe qu'il existe d'autres espaces d'exigence d'une reddition
des comptes. Les campagnes de Global Witness en Angola pour mettre
à nu les pratiques d'opacité qui ont favorisé l'extension
de la guerre civile dans ce pays3, sont également des
initiatives visant à encourager plus de transparence dans la gestion des
industries extractives. L'Association pour les Droits de l'Homme d'Espagne a
saisi la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples en 2008, sur
la base de l'article 55 de la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples, afin qu'elle reconnaisse la spoliation systématique des
richesses du peuple équato-guinéen par le clan Nguema/Mongomo.
Fondé sur les révélations du rapport Money laundering
and foreign corruption : Enforcement and effectiveness of the Patriot Act, case
study involving Riggs Bank, d'une sous-commission de la commission des
affaires gouvernementales du Sénat américain publié le 15
juillet 2004, et qui révèle des transactions suspectes du clan
Nguema
1 Gusfield Joseph La culture des problèmes
publics. op. cit. pp.10-11.
2 Gusfield, idem, p. 16.
3 Voir notamment le rapport «A crude awakening.
The role of the oil and banking industries in the Angolan civil war and
plundering of the state assets», Global Witness, 1999.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 194 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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en direction de l'Espagne, l'organisation non gouvernementale
APDHE a introduit une plainte le 22 octobre 2008 auprès du juge Baltasar
Garzon1.
L'action pionnière de l'Eglise catholique dans les
Etats du Golfe de Guinée est également à souligner dans la
perspective de la propriété concurrentielle. En effet, en se
fondant sur la doctrine sociale de l'Eglise, les conférences
épiscopales du Congo et du Cameroun et les commissions nationales
Justice et Paix ont lancé dans les années 1990 des campagnes pour
demander que la transparence se fasse autour de la gestion des revenus du
pétrole dans la sous-région Afrique centrale. Ainsi, dans une
lettre pastorale « Le Congo a faim et soif » de 1998, l'Eglise
catholique a posé pour la première fois, la question de la
transparence dans la gestion du revenus des hydrocarbures au Congo. C'est dans
le continuum de cet engagement que la conférence épiscopale sur
le pétrole fut organisée en juin 2002 à Brazzaville au
Congo. La conférence demandait que le Parlement congolais votât
une loi de gestion des revenus sur le modèle tchadien2. Du 11
au 20 février 2003, une délégation congolaise
composée de la Conférence épiscopale, de l'Eglise
évangélique, de la commission Justice et Paix et de
l'observatoire des droits de l'homme séjourna à Paris, et
rencontra la direction de TotalFinaElf pour l'interpeller sur le besoin d'une
meilleure gestion des revenus pétroliers3.
Cependant, toutes les initiatives ne connaissent pas la
solidité institutionnelle d'EITI. Aussi, lorsque la construction du
phénomène de l'opacité en problème public retient
l'attention, est-il mieux indiqué de prendre comme
référence une initiative qui s'affirme par son caractère
institutionnalisé. Toutefois, toutes les initiatives entreprises sur la
question de la transparence des industries extractives obéissent plus ou
moins au schéma de construction du problème esquissé par
Joseph Gusfield4, et qui sert de modèle à la
transformation de l'opacité en problème inscrit au centre des
stratégies des acteurs, dans le monde complexe de la cohabitation des
ordres westphalien et privé. Quand cela a été dit, l'on
doit donc se rappeler que EITI est une plateforme dévouée
à la résolution du problème de l'opacité. Comment
comprendre que cette pratique qui a prise sur la réalité des
Etats depuis des décennies, soit devenue un problème auquel est
consacré une initiative ? L'idée de ce paragraphe est de dire
1
http://www.justiceinitiative.org/db/resources2?res
id=104098
2 Voir le rapport « Le pétrole du
Congo-Brazzaville. Pour qui coule l'or noir ? » Commission Episcopale
Justice et Paix, en collaboration avec Secours Catholique, Caritas/France, la
CIMADE et CRS, 2003.
3 Voir «Transparency: A christian concern.
Catholic social teaching and the case for transparent and accountable practices
in extractive industries», a position paper of CIDSE, Pax Christi
International and Caritas France, September 2003.
4 Gusfield Joseph La culture des problèmes
publics op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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que EITI est une manifestation de la fabrication de certains
problèmes en domaines de pertinence dans le vaste espace de la
scène internationale, processus lors duquel la culture et la morale
jouent un rôle déterminant. La transparence n'est donc pas une
initiative ex nihilo.
Le second élément dans la transformation du
problème est la responsabilité. La responsabilité
causale incombe à celui qui est à l'origine du problème.
Il s'agit dans le cas des industries extractives, du travail de
dénonciation des dérives opacitaires des Etats et des firmes
extractives. Mais, à ces catégories incombe également la
responsabilité politique car, cette dernière répond
à la question Que doit-on faire ? La structure et le
fonctionnement de EITI indiquent que la responsabilité causale
étant le fait des Etats et des firmes, la responsabilité
politique est également de leur ressort. L'atmosphère
générale est baignée par une perspective culturelle de
l'action sociale. En effet, comme le pense John G. Ruggie pour dire que les
idées et valeurs informent la conduite propre d'un Etat, la culture de
l'hégémon actuel informe les actions des acteurs qui lui sont
affiliés1. A la différence de certaines autres
initiatives dévouées à la cause de la transparence dans
les industries extractives, EITI se caractérise par sa forte structure
institutionnelle qui est le signe de la réussite de la transformation de
l'opacité en problème public. Cependant, toutes ces initiatives
ont en partage une dimension morale. Cette dernière est ce qui permet de
qualifier de pénible une situation et donc, qui justifie le
déploiement des stratégies et des acteurs pour la solution. La
dimension morale de EITI explique par-delà les éléments
démonstratifs de la métamorphose d'un problème social en
problème public, que la prise en compte d'un problème comme digne
de faire l'objet d'une politique publique doit beaucoup à l'activation
de la morale. Initialement porté par les ONG, le projet moral inscrit
dans la transparence des industries extractives est devenu le
théâtre d'une concurrence morale2. Autant les Etats que
les firmes sont devenus en plus des ONG, des défenseurs d'une morale de
la transparence dans les industries extractives. L'on peut donc penser que le
projet initial des ONG a réussi à mobiliser les énergies
autour de cette question devenue problème public. C'est le signe que les
questions morales ont prise sur le réel de la politique internationale,
elles sont prises au sérieux selon qu'une ingénierie
particulière déployée par les entrepreneurs moraux
réussit à les faire inscrire dans l'ordre des problèmes
dignes d'action. L'objectif de ce chapitre étant de dire l'essence
morale de la transparence des industries extractives, essence qui justifie
son
1 Ruggie J.G. Constructing the world polity.
Essays on international institutionalization, op. cit. chapitre 4.
2 Au sujet de la concurrence morale dans les relations
internationales, voir Monique Canto-Sperber, (2005) Le bien, la guerre et
la terreur. Pour une morale internationale. Paris : Plon, pp. 117-133.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
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Politique présentée à l'Université de
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inscription dans l'agenda des préoccupations des
acteurs réunis au sein des deux ordres interconnectés, l'on peut
penser que cette essence morale est construite et son exhibition est
déterminante dans la transformation de ce phénomène en
problème public.
Au demeurant, il existe des niveaux différents de
transparence. La transparence en tant que concept dément
l'universalisme. Si la mesure de la transparence au sein de EITI se fait
à l'aune des rapports de conciliation, il existe bien une
préhistoire de la transparence. Comme le démontre le cas du
Cameroun, les sociétés d'Etats telles que la
Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) ont rendu publiques
certaines données avant 2003. Cependant, la réduction de la
transparence à l'affichage des chiffres dans la revue de la
société laisse quelques doutes sur la fiabilité. Cela peut
justifier la réticence de la société civile à
prendre au sérieux ces données. D'abord, parce qu'elles sont
l'émanation de la SNH et indiquent simplement la participation de la SNH
au budget de l'Etat. Ensuite, parce qu'elles ne peuvent que difficilement
être confrontées aux chiffres des auditeurs. Cependant, il s'agit
bien d'un premier effort de transparence. La Société Nationale
des Pétroles du Congo (SNPC) a une certaine tradition d'audits avec le
cabinet KPMG. Celle-ci a d'ailleurs justifié les réticences de ce
pays à adhérer à EITI, au motif qu'il faisait
déjà preuve de transparence en exigeant des audits à la
SPNC. Certaines autres sociétés d'Etat comme le State Oil
Fund of Azerbaijan (SOFAZ) ont un système d'audits internes qui
précède le lancement de EITI. La RDC quant à elle s'est
attaquée à la partie la plus problématique de la
chaîne des industries extractives à savoir les contrats, en
lançant le 11 juin 2007 l'audit d'une soixantaine de contrats. L'examen
minutieux de ces contrats incriminés1 montre que
d'énormes avantages fiscaux ont été consentis aux
sociétés minières. La cession de permis miniers aux
privés n'est pas condamnables en soi mais ces permis ont
été sous-évalués, voire jamais payés,
grâce à des complicités au sein de l'appareil de l'Etat.
Une commission d'une trentaine d'experts a été chargée de
mener à bien des audits. L'examen s'est fait au cas par cas et des
propositions seront faites « en vue de corriger les
déséquilibres constatés ». Les résultats de
ces audits ont pu révéler de sérieuses poches
d'opacité. 35 experts appuyés par la Fondation Carter et la
banque Rothschild ont passé au crible à partir de juin 2007 tous
les contrats miniers concédés par l'Etat congolais. Il en
découle que « le patrimoine national (Gécamines,
Minière de
1 Le Central African Mining & Exploration
Company (CAMEC) dirigé par l'homme d'affaire zimbabwéen
Billy Rautenbach, s'est vu retirer sa licence d'exploitation de mines de cuivre
du Katanga par les autorités congolaises. La CAMEC fait partie des
entreprises ayant conclu un accord de joint-venture avec la Gécamines,
un des contrats qui font actuellement l'objet d'un contrôle pointilleux
de la part de l'administration.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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Bakwanga, office des mines d'or de Kilo Moto) a
été bradé, avec la complicité des plus hautes
autorités ». Sur un total de 61 contrats examinés, pas un
seul n'est conforme. La commission a suggéré la
renégociation ou l'amendement de trente-huit d'entre eux et l'annulation
pure et simple de vingt-trois autres1. De grands noms furent
épinglés comme De Beers, BHP Billiton, Mindev, Lunding Holdings,
Anvil Mining ou encore East China
Corporation2. Il s'agit d'une autre forme de
transparence que l'on recherche par les audits non plus des revenus, mais des
contrats afin de rompre un pan d'opacité qui prévaut
généralement entre l'Etat et les firmes3.
Aussi, si dans la perception de Gusfield les problèmes
publics ont une histoire, cela étant le révélateur de
l'évolution temporelle des phénomènes, l'on peut
également considérer que l'objectivation de la reddition des
comptes à un moment donné procède de la construction des
problèmes. En somme, l'antériorité des efforts de
transparence observés dans certains pays, la concurrence notée
dans la propriété des problèmes publics ainsi que le
rapport de force au sujet de la responsabilité politique et causale de
l'opacité dénotent d'une entreprise de construction
c'est-à-dire de constitution d'un domaine de pertinence autour de la
reddition des comptes, ce qui est un préalable à son inscription
dans l'agenda politique international. Dès lors que la reddition des
comptes se présente comme un problème, elle admet pour sa
résolution un déploiement des acteurs et apparaît dans son
aspect moral.
B. La création des espaces trinitaires : une
exigence d'efficacité et
d'efficience4
L'initiative de transparence des industries extractives est un
espace multi-acteurs de la gouvernance mondiale. A ce titre, elle répond
aux schémas trinitaires qui caractérisent les espaces de la
gouvernance mondiale. Il s'agit cependant d'une situation imposée par la
relativisation de la souveraineté en même temps qu'elle en est
l'incidence, mais également un corollaire de l'irruption des valeurs
éthiques sur la scène internationale consécutive à
la célébration de l'individu à côté des
Etats.
1 Jeune Afrique n° 2444
du 11 au 17 novembre 2007, p.71
2 Les deux premières compagnies sont parties
prenantes de EITI.
3 Jeune Afrique n° 2423
du 17 au 23 juin 2007, p.17
4 Cette quête d'efficience et
d'efficacité n'est pas antinomique de la capacité
politico-militaire des Etats. Au contraire, il y a coexistence entre les deux
réalités. L'efficacité ne fait pas ombrage à la
légitimité des Etats comme le pense James Rosenau, l'on est en
présence de deux ordres pertinents qui se chevauchement et coproduisent
les normes internationales. A propos de l'éclipse de la
légitimité étatique devant l'impératif de
l'efficacité, lire : Rosenau J. Turbulence in world politics,
op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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1. Souveraineté et gouvernance globale : A
propos des espaces de gouvernance La « révolution
copernicienne » qui s'est opérée lors du déplacement
du centre de gravité, de l'Etat à l'individu1 et qui
est consubstantielle à l'éthique comme pratique dans l'ordre
international car, intégrant les valeurs planétaires au
traitement étatique des politiques, a favorisé la naissance des
espaces de gouvernance pour réprimer la
gouvernabilité2. Les « impératifs éthiques
» imposent la création des espaces d'émulation des acteurs
privés et de concertation entre les acteurs de tous les bords.
Toutefois, au rebours de la pensée du professeur Mouelle Kombi, les
ordres westphalien et post-genevois ne s'opposent ni ne s'étalent dans
la linéarité mais, ils cohabitent et participent également
à la complexification des relations collusives entre les acteurs.
L'éthique est devenue une modalité
incontournable de la politique mondiale car, les fondements moraux en
même temps que les sources morales de la légitimité des ONG
au sein des espaces de gouvernance ne sauraient être ignorées. Il
existe une co-détermination entre d'une part les espaces triangulaires
de la gouvernance et d'autre part, la pratique de l'éthique
internationale. La prise en compte de l'individu et de sa destinée, la
finitude de l'être et la philosophie humaniste qui ont
présidé à la célébration du droit
international humanitaire, constituent des facteurs abrasifs de la
rigidité stato-territoriale de la souveraineté comme principe
structurant de l'ordre westphalien. Quelque part, l'éclosion de l'ordre
post-genevois qui a consacré le droit de l'individu, tendance qui a
jailli avec l'esprit des Lumières, porte les ingrédients pour une
gouvernance qui prenne en compte la diversité des acteurs. Il met donc
de plus en plus à la confluence des bornes de compétence
actorielle particulière des zones de convergence objectives qui en
appellent à une synthèse des pratiques, à une mollesse des
positions du fait du marchandage des statuts et à une hybridation des
visées, objectifs et conduites. La souveraineté propre à
l'Etat cède du terrain devant l'urgence d'une coproduction
internationale de l'éthique. De même, les impératifs
réalistes de la « realpolitik » s'émancipent de la
rigueur pour opérer sur le spectre de la puissance, un centrage propre
à favoriser la cohabitation génératrice de
complexité.
1 Mouelle Kombi « Ethique et souveraineté
dans l'ordre juridique international », art. cit. pp. 39-44.
2 La gouvernabilité suppose au sens de
Michel Foucauld et à sa suite de Jean François Bayart, le
gouvernement des conduites. Elle comporte une certaine dose de condescendance
de l'Etat vis-à-vis des autres acteurs. Au contraire, la gouvernance
intègre les autres acteurs et les responsabilise dans la conduite des
politiques.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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Au rebours des espaces traditionnels onusiens qui sont le
reflet d'un méta-droit1, supranational qui s'impose aux
Etats, EITI est un espace triangulaire qui a deux théâtres. La
réalité là-bas étant réflexive ici, les
niveaux supranational et national constituent deux espaces triangulaires
où, les Etats, les sociétés civiles et le marché
forment un espace intégré pour l'implémentation de la
transparence.
La double phénoménologie matérielle et
actorielle est à l'image de la souveraineté dont les fortunes
sont lisibles au travers de la coalescence d'acteurs et des interactions entre
eux, mais également de l'éthique qui, matière autour de
laquelle se joue la complexité, esquisse un schéma de la
gouvernance.
2. EITI : un espace de
gouvernance2 dans la politique mondiale
Les éléments constitutifs de la gouvernance sont
le multilatéralisme c'est-à-dire, l'implication des acteurs
autres dans les processus de décision aux côtés des Etats
et des organisations internationales, mais aussi leur responsabilisation, pour
que leur soit épargné la dérision qu'impose le rôle
de figurant dans le jeu politique mondial. Les espaces de gouvernance tels
qu'entendus dans cette étude, s'enchâssent dans la matrice
descriptive ainsi présentée. Nul ne peut nier au regard de la
panoplie d'acteurs et de leur diversité, de leur rôle réel
ainsi que de leur importance dans l'implémentation de la transparence
des industries extractives, le caractère multi-acteurs de cette
initiative. En elle, se vérifie l'hypothèse de la
relativité de la souveraineté du fait de la diversification et de
l'affirmation des acteurs, et des transactions complexes qui les lient.
Initiative qui réunit les Etats, les organisations de
la société civile et les firmes, EITI est le lieu du
rassemblement de moult acteurs puisqu'en plus de ces catégories
citées, les organisations intergouvernementales de nature politique et
économique constituent des pôles importants, selon qu'elles sont
des manifestations de la qualité d'acteur de l'Etat.
1 Le méta-droit permet un locus standi des
autres acteurs qui épuisent la pertinence de l'idée de
l'exclusivité de la production normative de l'Etat. A ce propos, Boisson
de Chazournes dit : « La mondialisation et le lot de complexité et
d'interdépendance qu'elle entraîne avec elle met fin au
modèle linéaire de la pensée du droit international et
consacre l'avènement d'un modèle circulaire ou récursif en
vertu duquel une pluralité d'acteurs se succède aux commandes du
navire affréteur du processus normatif » Boisson de Chazournes, L.
« gouvernance et régulation au 21ème
siècle : quelques propos iconoclastes » in L. Boisson de Chazournes
et R. Mehdi (dir.) op. cit. p. 22-23.
2 Par l'expression « espace de gouvernance
», nous entendons ces lieux d'expression de la pluralité où
les acteurs se penchent sur les problèmes de la mondialisation, sans
condescendance pour, en raison de la complexité qui les
caractérise, apporter des solutions concertées qui prennent en
compte les droits de tout le monde. Francis Snyder préfère
l'expression « sites de gouvernance ». Voir Snyder Francis «
Gouverner la mondialisation économique : Pluralisme juridique mondial et
droit européen », L'observateur des Nations Unies,
n°13, 2002.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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Tableau 12 : Panorama des acteurs au sein de
EITI
Etats
|
Organisations de
la société civile
|
Firmes
|
Organisations intergouvernementales
|
Etat de mise en oeuvre
|
Etatssoutien
|
- Albanie
|
- Australie
|
- Catholic
|
- Anglo
|
- B.A.D
|
- Azerbaïdjan
|
- Belgique
|
Agency for
|
-American
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- L'U. A
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- Burkina Faso
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- Canada
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Overseas
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- AngloGold -
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- B. As. D
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- Burundi
|
- Allemagne
|
Development
|
Ashanti
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- B.E.R.D
|
- Cameroun
|
- France
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(CAFOD)
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- ArcelorMittal
|
- B.E.I
|
- Centrafrique
|
- Italie
|
- Global
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- Areva
|
- L'U. E
|
- Côte d'Ivoire
|
- Pays-Bas
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Witness
|
- Barrick Gold
|
- Le G8
|
- Congo
|
- Norvège
|
- Oxfam
|
- BG Group
|
- Le FMI
|
- Congo (R. D)
|
- Espagne
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- Open Society
|
- BHP Billiton
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- O.I.F
|
-Guinée
|
- Suède
|
Institute
|
- BP
|
- L'O.N.U
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équatoriale
|
- Royaume-
|
- Publiez ce que
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- Chevron
|
- La Banque mondiale
|
- Gabon
|
Uni
|
vous payez
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Corporation
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- La Banque Inter-
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- Ghana
|
- Etats-Unis
|
- Revenue
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- ConocoPhilips
|
Américaine de
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- Guinée
|
-Suisse
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Watch Institute
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-DeBeers
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Développement
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- Kazakhstan
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- Secours
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-ExxonMobil
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- Kirghizistan
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Catholique
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-GDF Suez
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- Libéria
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(Caritas France)
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-Hess Corporation
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- Madagascar
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- Transparency
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-Norsk Hydro
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- Mali
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International
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-KatangaMining -
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- Mauritanie
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Limited
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- Mongolie
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- Lonmin
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- Niger
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- Marathon
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- Nigéria
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- Newmont
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- Norvège
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- Nippon Mining &
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- Pérou
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Metals
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- Sao Tomé et
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- Noble Energy
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Principe
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- Oxus Gold
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-Sierra Leone
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- Pemex
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- Tanzanie
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- Petrobras
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- Tchad
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- Repsol YPF
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- Timor-Leste
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- Rio Tinto
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- Yémen
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- Santos
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- Zambie
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- Shell
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- Statoil Hydro
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- Talisman Energy
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- TOTAL
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- Woodside
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- Xstrata
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Source : A partir du rapport de suivi de la mise
en oeuvre 2007-2008 et des données recueillies dans le site
www.eitransparency.org le 02
février 2010.
Comme le révèle le tableau ci-dessus,
l'initiative de transparence des industries extractives est un espace
d'émulation de l'actorat multiforme. D'une part, il y a les Etats,
acteurs traditionnellement crédités du droit exclusif à la
qualité d'acteur sur la scène internationale. L'Etat seul ou en
groupe (car les organisations intergouvernementales qui y apportent leur
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 201 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
soutien à la réussite de l'entreprise de la
transparence sont des manifestations de l'intergouvernementalisme
d'efficacité ; fruit de la mise en synergie des efforts étatiques
pour faire face aux défis qu'impose l'intégration des
systèmes), continue d'exercer son autorité dans un climat de
contestation internationale qui est le fait des acteurs privés. Deux
types d'Etats sont impliqués dans l'initiative et se démarquent
les uns des autres selon qu'ils soutiennent ou qu'ils mettent en oeuvre
l'initiative de transparence. Les organisations de la société
civile1 et les firmes multinationales des industries extractives
complètent le tableau.
Il faut ensuite prendre au serieux la responsabilisation qui
est le second trait caractéristique de ces « communautés de
responsabilité ». La création d'un espace de
gouvernance2 va de pair avec la responsabilisation des acteurs. La
contestation de la centralité étatique qui a nourri une certaine
littérature décliniste3se dilue en partie dans la
cession d'une part de l'action internationale aux acteurs privés. Mieux,
le tiraillement actif entre les acteurs de la diversité internationale
rend compte d'un partage de responsabilité qui induit au travers des
transactions multiples, un rôle organisateur qui échoit aux Etats.
Ainsi, les Etats donnent le tempo dans l'initiative de transparence
des industries extractives. Ils valident et invalident les acteurs qui sont
invités au banquet de la transparence. De plus, ils offrent le cadre de
la mise en oeuvre et de ce fait, ils font respecter sur leur territoire
l'autorité qui, étant leur attribut régalien, s'impose
à tous y compris aux acteurs qui se prévalent d'une
déterritorialisation pourvoyeuse de pan-nationalité et de
non-nationalité (des acteurs foot-loose). Les acteurs
privés n'en sont pas moins des figurants d'un spectacle stato-centrique.
Ils jouissent de la
1 L'on notera au passage que toutes sont des ONG au
sens communément répandu du terme. On n'y retrouve pas de
syndicats, ni de confessions religieuses comme quoi l'imbroglio au sujet de la
définition de l'ONG se dissipe dès lors que l'on se situe dans
les couloirs de l'international et du supranational alors que dans les cadre
nationaux, la notion d'ONG s'élargit pour signifier tout se qui est
extra-gouvernemental et distant du secteur du marché.
2 Bruno Jobert confère à ce terme un
sens qui le met en contradiction avec la régulation. Il estime que la
gouvernance diffère de la régulation au niveau de l'instant
d'émergence de la politique et l'attitude des acteurs. Dans la
première pense-t-il, « s'assimile avec la visée classique du
politique comme processus de pilotage fondé sur une séparation
des problèmes considérés comme un donné
préconstruit et l'action visant à les résoudre. Cependant,
la régulation rejette l'idée d'un ordre imposé d'en haut
par un acteur introuvable. C'est dire, que la régulation selon lui est
porteuse de la réalité de l'horizontalité. Tel n'est pas
notre compréhension de ces notions que nous utilisons de façon
interchangeable et auxquelles nous infusons l'idée de la
verticalité mais une verticalité qui respecte la
multilatéralité et la diversité tout en reconnaissant
à l'Etat sa part de supériorité et de
régulation de la société. Lire Jobert Bruno
« La régulation politique : le point de vue d'un politiste »
Droit et Société, vol. 24, pp. 119-144 (1998). Zaki
Laïdi semble définir la gouvernance sur la base de
l'horizontalité. Il dit en effet : « La gouvernance mondiale est
l'ensemble des processus par lesquels les règles collectives sont
élaborées, décidées, légitimées,
mises en oeuvre et contrôlées ». Zaki Laïdi « Les
enjeux de la gouvernance mondiale », AFRI, 2002, p. 269
cité par Sandrine Maljean-Dubois « La `gouvernance internationale
des questions environnementales'. Les ONG dans le fonctionnement institutionnel
des conventions internationales de protection de l'environnement » in
Boisson de Chazournes et Mehdi, op. cit. p. 87.
3 Voir les travaux de Susan Strange et Josépha
Laroche.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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pleine compétence, sans être des
péri-souverainetés, ils se distinguent par leur activisme et leur
action qui complètent sans s'en détacher, l'action d'un Etat
replié sur ses piliers régaliens et qui sous-traite des espaces
périphériques de sa compétence. Aussi, dire que
l'horizontalité est le trait premier de la gouvernance ou de la
régulation apparaît comme une surestimation des acteurs
privés. Leur action est certaine mais, elle n'est pas totalement
déconnectée des Etats.
Au bout du compte, la gouvernance qui est consécutive
à la mondialisation, comporte deux traits de caractère. Le
premier est la multi-actorité qui a fait l'objet du propos récent
dans la linéarité ascendante. Elle impose deux constats. D'abord,
la multiplication des acteurs c'est-àdire la rémanence des
autorités étatiques et l'affirmation de l'actorat privé,
ensuite la complexité qui se joue dans des espaces construits sous la
poussée de la mondialisation. C'est le signe de la relativité de
la souveraineté. Le second trait de caractère est la moralisation
des comportements sur la scène internationale. Comme un effet de mode,
l'on assiste au tatouage des marques éthiques sur les faces visibles
parce qu'extérieures des acteurs de la scène internationale. Si
les problèmes de la mondialisation imposent en raison de la
complexité des transactions une synergie active, la glissade
éthique en plus d'être une incidence de l'interdépendance
des systèmes sous le réverbère de la mondialisation, est
une variable à intégrer parce que désormais
incontournable. La superposition des mondes statocentrique et homocentrique
entraîne une arrivée des émotions dans l'arène
politique internationale. La transparence des industries extractives, politique
de la mondialisation et qui se déploie sur un espace de la gouvernance,
a une immédiateté éthique qu'il convient de scruter sans
idée préconçue dans un premier temps, même si la
séparation stricte des comportements éthiques de la
rationalité procèderait de la naïveté.
Paragraphe II : Ethique et problèmes de la
mondialisation : la transparence des industries extractives dans les
schémas de la gouvernance mondiale
L'ambition première de cette section est de planter le
décor qui abrite les transactions complexes autour du couple
éthique -intérêt. Le paragraphe précédent
avait vocation à rendre raison de l'affinité élective
entre la mondialisation et le surgissement des espaces particuliers qui
tolèrent la cohabitation entre l'Etat et les acteurs privés car,
la multiplication et l'affirmation des acteurs est l'acte premier d'un
scénario de la complexité qui rend compte des transformations de
la souveraineté. Ce paragraphe, second de l'espace, met en relief la
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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dimension éthique que comporte la mondialisation et
cette émergence des espaces de gouvernance. EITI est l'un de ces espaces
bâtis par les acteurs inscrits dans l'ère de la mondialisation. Ce
faisant, selon le raisonnement qui sert de fil d'Ariane à cette section,
elle s'inscrit dans une tendance qui tend à construire
systématiquement des espaces triangulaires autour des questions de
portée globale et l'irruption du monde homocentrique aux
côtés du monde statocentrique apporte l'émotion en
politique internationale.
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Mondialisation et Souveraineté
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Multiplication des acteurs/ affirmation des acteurs
multiples
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Ethique au fondement des intérêts des
acteurs
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Construction des problématiques éthiques
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Figure 5 : les incidences de la mondialisation et de la
transformation de la souveraineté
Ainsi présenté, le monde actuel conduit à
pister les fortunes de la souveraineté dans les méandres de la
mondialité complexifiée et sur les traces des acteurs multiples.
Dès lors que l'on a validé l'hypothèse de la
multiplication des acteurs, une fois que l'on a indiqué que la
construction des espaces de la gouvernance en plus d'impliquer une
multilatéralité, est le signe de la transformation de la
souveraineté, il convient de se pencher sur la conscience éthique
qui est un talweg dans lequel coule l'initiative de transparence des industries
extractives. Mais, en plus d'être un lieu, la conscience éthique
actuelle est une manière d'être. La distinction naît
à partir à l'instant de la prise de conscience de la
pluralité des éthiques. Il existe une éthique
antérieure et une éthique postérieure selon la taxonomie
de Paul Ricoeur1. De même, existe-t-il une gradation entre la
morale qui peut renvoyer à une pan-éthique donc, qui commande
à l'homme des domaines du permis et de l'interdit. Cette acception est
proche de celle de Spinoza2 qui dans son Ethique, se fait
le prédicateur d'une vie de vertu greffée sur la crainte d'une
divinité qui existe. Et, l'éthique serait dans ce sens
assimilable à des éthiques régionales de l'ordre de
l'éthique médicale et professionnelle. A l'interface des deux
niveaux, il existe une couche intermédiaire qui s'abreuve de la morale
et s'applique à des espaces
1 Ricoeur P. Ethique et Infini, op. cit.
2 Spinoza B. (1961) Ethique, (collection Les
Grands Textes), Paris : PUF.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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restreints. Ainsi, elle est une miniaturisation du tout et une
totalisation du partiel, une infinie dans le fini en même temps qu'un
fini issu de l'Infini. L'Infini qui vient à la rencontre du fini est
lisible dans certaines questions globales telles que le développement
durable avec la foule de ses incidences et le fini qui va à la rencontre
de l'Infini, ce sont les systèmes politiques qui se moralisent dans le
cadre de la moralisation des polités.
A. La transparence des industries extractives
dans la mouvance moralisante de la mondialisation
Le concept de développement durable est large et ne
saurait discriminer la problématique de la transparence des industries
extractives pour deux raisons principales. D'abord, le développement ne
se fait point en laissant à la marge certaines couches sociales et
ensuite, le développement durable ne se fait pas dans une attitude
ravageuse des ressources et de l'environnement au grand dam des
générations futures. C'est la morale qui vient s'imposer dans la
manière de conduire les politiques de développement. C'est la
morale qui vient instruire les acteurs attelés au développement
des peuples et des nations.
1. La transparence des industries extractives et la prise
en compte des droits des communautés autochtones
Cet espace ne se veut point la tribune pour un plaidoyer de la
liberté exclusive et marginale des couches défavorisées,
encore moins l'accréditation d'une vision irrédentiste du monde.
Il est uniquement le détail d'une marginalisation de certains «
cadets sociaux1 » par le train de la mondialisation.
D'où l'hypothèse d'une résurgence de la conscience
éthique dont EITI serait l'une des facettes visibles, en réaction
à cette exclusion qui peut devenir productrice de désordre et de
conflits sociaux déstabilisateurs et générateurs d'une
cascade de menaces transnationales. Il s'agit de rendre compte d'une
manifestation de l'éthique globale, face à une injustice que rien
n'explique, au regard des élans éthiques contenus dans les textes
fondateurs des régimes internationaux dans lesquels, les Etats ont
répandu les dispositions morales restées cependant lettre morte.
Sans affirmer que ce retour global vers l'éthique est une
conséquence de la multilatéralisation qui laisse de la place aux
acteurs de la société civile, avec leur dose d'émotion
réelle et théâtrale, l'on peut tout de même arguer
que la naissance
1 Il faut entendre « cadets sociaux » ici
dans un sens où ils réfèrent à ces membres de la
communauté qui sont mis sur le banc de l'évolution du monde par
les acteurs majeurs et les flux de la mondialisation. C'est aller audelà
du sens que leur confère J.F Bayart, c'est-à-dire les acteurs de
l'arrière scène, ces gens qui petites, constituent la foule d'en
bas. (Voir Bayart J. F. (1985) L'Etat au Cameroun, 2nde
édition, Paris : Presses de la fondation nationale des sciences
politiques, chapitre VII.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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des espaces de gouvernance, négation du one man
show de l'Etat, favorise une nuance dans la conduite
réaliste1 des affaires du monde.
La morale de la transparence des industries extractives est
donc présente, comme l'atteste son inscription institutionnalisée
dans l'espace EITI. Ce dernier espace, constitue de ce point de vue le lieu
d'expression de la concurrence morale2 en vue de la prise en compte
des droits des communautés autochtones, c'est-à-dire riveraines
des lieux d'opération des firmes3. Cela dit, EITI contribue
à modifier la conduite des acteurs vis-à-vis des ces
communautés de plusieurs manières. Il faut rappeler en passant
que l'une des causes qui ont mis sur le domaine de la publicité les
ravages de l'opacité et justifié le lancement de EITI, est la
justice en terme du ressenti des revenus des industries extractives dans le
vécu quotidien des communautés riveraines des sites d'extraction
(la justice distributive). En même temps que les revenus de
l'exploitation des ressources abritées par leurs terres ne leur
profitaient pas, ces communautés payaient le prix fort de
l'activité extractive en terme de pollution environnementale, de
prolifération des maladies et autres vices importés par les
colonies de travailleurs et la dégradation de leur environnement vital.
EITI contribue donc à corriger ces torts par la prise en compte des
droits de ces communautés en les comptant parmi la communauté de
la transparence dans le cadre du stakeholding.
L'on peut penser qu'au-delà des usages
détournés des luttes4, les ONG sont en possession d'un
certain capital social dans la défense des droits de ces
communautés. Cette lutte des
1 Il s'agit de penser comme certains auteurs que le
réalisme des Etats n'est pas incompatible avec la morale. Voir par
exemple : Sindjoun Luc « La loyauté démocratique dans les
relations internationales : sociologie des normes de civilité
internationale », Etudes Internationales, vol. 32, n°1, pp.
31-50, mars 2001. Mais également Klaus-Gerd Giesen L'éthique
des relations internationales, op. cit. notamment le chapitre 2. En
percevant la transparence comme une norme éthique qui est du ressort du
macrocosme démocratique, l'on peut aussi lire Wheeler N.J., «
Guardian Angel or global gangster : a review of the ethical claims of
international society » Political Studies ; vol. 44, n°1,
pp. 123-135, mars 1996.
2 La concurrence morale selon Monique Canto-Sperber
met en scène des acteurs multiples dans la dramatisation d'une conduite
morale. Il peut s'agir des Etats, des organisations internationales, des
juridictions internationales, de l'ONU, de la communauté des Etats
démocratiques, de l'humanité et de la société
civile mondiale. Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit des Etats,
des firmes et des ONG. Voir Monique Canto-Sperber, Le bien, la guerre et la
terreur, op. cit. pp. 117-133.
3 La notion de communauté autochtone n'est
pas à confondre ici avec celle de peuple autochtone qui referme une
autre connotation sémantique. En effet, la distinction que nous faisons
se fonde sur le fait que tous les peuples autochtones ne sont pas situés
sur des terres d'opération des firmes. De plus, les populations dont les
terres abritent les ressources extractives ne sont pas toutes
considérées comme des peuples autochtones. Aussi,
préférons-nous la notion englobante de communautés
autochtones pour dire cette nuance.
4 L'on peut voir par exemple comment les ONG
utilisent leur maîtrise des connaissances autochtones à des fins
capitalistes. Jude Fernando dit à ce propos que « NGOs
criticisms of the state and the transnational corporations and their insistence
on the need to promote development practices in ways relevant to the interests
of local culture provide a much broad space and more seductive ways of
connecting local communities with the centre of
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 206 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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ONG est antérieure à l'initiative et a pris un
relief particulier avec la naissance d'une instance qui vise en amont, à
faire chose et corps la transparence. Il faut dire que l'objectif direct et
unique de la transparence des industries extractives n'est pas la satisfaction
des droits des communautés locales. Cependant, dans l'ordre des jadis
impossibles rendus possibles, figure la prise en compte de ces droits. Non pas
qu'aucune prise en compte de ces droits n'est antérieure à EITI.
En effet, l'on sait par exemple que la loi n° 001/PR/99 du 11 janvier 1999
portant gestion des revenus pétroliers au Tchad prévoit dans son
article 8 que 5% des redevances sont destinées aux collectivités
décentralisées de la région productrice
conformément aux dispositions de l'article 2121 de la
Constitution. Cette loi a d'ailleurs fait dire au ministre tchadien des
finances en septembre 2004, que son pays serait précurseur de
EITI2. Au Nigeria, la question de la prise en compte des droits des
communautés de la région du Delta du Niger dans la
répartition de la manne pétrolière est un sujet de
préoccupation des différentes administrations depuis les
britanniques. L'ancien premier ministre Tafar Belawa avait établi le
Niger Delta Development Authority (NDDA) et après son
assassinat, le Niger Delta Basin Authority et plus tard sous
le général Ibrahim Babangida, le Oil Mineral
Producing Area Development Commission fut lancé. Il est vrai
que ces structures visaient non seulement à intégrer les droits
des communautés locales dans la répartition de la manne
pétrolières, mais il s'est agi également d'un combat entre
les Etats producteurs des hydrocarbures et ceux qui, sans en produire,
étaient jugés privilégiés dans le
bénéfice qu'ils tiraient des revenus du pétrole.
L'instance qui a succédé à toutes celles mises sur pied
auparavant est le Niger Delta Development Commission (NDDC)
établi par l'ancien président Olusegun Obasanjo et passé
sous forme de loi à l'Assemblée fédérale en 2002.
Cette commission doit recevoir une part des revenus des hydrocarbures par an,
afin de financer des projets de développement communautaire,
conformément à la constitution nigériane de 1999 qui dit
que 13% des revenus doivent être versés à la région
qui produit les hydrocarbures.
capitalism ». Jude F. Fernando «NGOs and
production of indigenous knowledge under conditions of postmodernity »
The Annals of the American Academy of Political and Social Science,
n°590, p. 69.
1 L'article 212 de la constitution tchadienne du 31
mars 1996 dit : « Les ressources des Collectivités
Territoriales Décentralisées sont constituées notamment
par : les produits des impôts et taxes votés par les
Assemblées des Collectivités Territoriales
Décentralisées et perçus directement par elles; la part
qui leur revient de droit sur le produit des impôts et taxes
perçus au profit du budget de l'État; les produits des dotations
et les subventions attribués par l'Etat; le produit des emprunts
contractés par les Collectivités Territoriales
Décentralisées, soit sur le marché intérieur, soit
sur le marché extérieur après accord des autorités
monétaires nationales, avec ou sans garantie de l'Etat; les dons et
legs; les revenus de leur patrimoine; le pourcentage sur le produit des
ressources du sol et du sous-sol exploitées sur leur territoire
».
2 Benoît Massuyeau et Delphine Dorbeau- Fachier
« Gouvernance pétrolière au Tchad : la loi de gestion des
revenus pétroliers » Afrique contemporaine, vol. 216,
n°4, p. 143.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 207 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
L'on peut considérer que, par le flux des revenus
générés pas les industries extractives dans un
environnement de transparence favorisée par EITI, les Etats peuvent
mieux conduire des projets de développement des communautés
riveraines. Cependant, la mystique de l'unité nationale qui interdit un
développement déséquilibré des régions des
pays, rend prudents les Etats quant à accorder une attention
particulière aux communautés locales des sites d'extraction.
Ainsi, l'acteur qui rend mieux compte des mutations qu'autorise EITI dans son
rapport aux communautés est la firme extractive. Comprenons-nous bien.
Le lancement de EITI ne coïncide pas avec les premières actions
sociales des firmes en direction des communautés autochtones, il est un
facteur de renforcement d'une logique que certaines firmes avaient
déjà adoptée.
L'action des firmes retient donc beaucoup plus l'attention en
raison du caractère de lieu commun que revêt l'investissement des
ONG dans la rhétorique des causes désespérées des
communautés locales qui seraient l'antienne légitimante de leur
action. De plus, comme souligné plus haut, les Etats répugnent
l'idée de soutenir ouvertement les communautés locales riveraines
des sites d'exploitation, au risque de déclencher une vague de
revendications primordialistes fondées sur l'abri ou non des ressources
extractives sur leurs territoires. Cependant, les firmes ont une
responsabilité naturelle vis-à-vis des
communautés car, elles sont au quotidien en contact avec elles et le
sentiment d'injustice a pour corollaire la destruction de leurs
équipements et le péril qui menace leurs employés. Les
multiples destructions des installations de Shell dans le Delta du Niger et les
enlèvements de ses employés constituent des faits justificatifs
de la méfiance des firmes. EITI crée alors les conditions d'une
amplification des pratiques morales de la part des firmes en direction des
populations riveraines des sites d'exploitation. Dans son rapport de
durabilité 2008, Shell dit avoir versé conformément aux
dispositions de la loi créant le Niger Delta Development
Commission, 56,8 millions de dollars au titre de sa contribution au
développement des communautés riveraines. De plus, Shell
Petroleum Development Company (SDPC) l'une de ses filiales
nigérianes a mis sur pied un programme de développement des
communautés qui lui a coûté 25,2 millions de dollars en
2008, dans le cadre du financement de 80 projets de développement
communautaire. Tout cela se fait dans le cadre d'un mémorandum
général d'entente introduit en 2006 pour améliorer les
engagements de Shell vis-à-vis des communautés. Par ailleurs, la
compagnie Shell soutient des projets de développement des
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
communautés par le biais de sa Fondation1.
Les compagnies s'inscrivent de plus en plus dans une logique de partenariat et
ne considèrent plus leur rapport aux communautés en terme de
philanthropie. La compagnie Conoco Philips travaille par exemple en Alaska dans
la région North Slope au coeur de huit (8) communautés Inupiats
qui, en plus d'être des communautés riveraines, sont des peuples
autochtones. Conformément à l'esprit de la déclaration des
Nations Unies sur les droits des peuples autochtones du 13 septembre 2007,
notamment les dispositions qui rappellent leurs droits sur les terres, les
ressources et territoires2 et le respect de leurs
cultures3, la compagnie organise constamment des réunions
d'échanges avec elles, et ces séances de travail sont très
souvent tenues en leur langue. Les Communities Advisory Council (CAC)
et des Citizen Advisory Panel (CAP) ont été mis sur pied
par Conoco Philips et ces instances sont présentes autour de 11
raffineries pour constituer des espaces de rencontre et de travail entre les
représentants des communautés et la firme. La compagnie Anglo
American quant à elle, a financé en 2008 onze projets autour de
ses sites d'opération en Afrique du Sud. C'est dans ce cadre que le
docteur Lona Maphuthuma a pu ouvrir son propre cabinet à Bungersfort,
par le biais de la filiale locale Anglo Zimele4. Au Chili, cette
même compagnie a établi en 2007 le programme EMERGE. Celui-ci vise
à améliorer le bien-être des communautés locales
riveraines. Il procure à ces communautés l'assistance
financière et technique nécessaire pour la réalisation des
projets de développement. Les actions sociales des firmes en direction
des communautés locales sont devenues l'instrument d'un investissement
des compagnies.
En somme, les acteurs de la transparence des industries
extractives ont inscrit dans leur conscience l'impératif de
l'amélioration des conditions de vie des communautés autochtones
riveraines des sites d'extraction, afin de corriger une injustice causée
par l'opacité qui avait droit de cité dans ce secteur
d'activité. Si les faits ne sont pas directement visibles pour ce qui
concerne l'Etat, les ONG et les firmes quant à elles fondent sur une
action directe et parallèle aux retombées liées aux taxes
et autre loyalties, leur investissement social en direction des
1 Voir Royal Dutch Shell PLC Sustainability
Report, 2008, page 20.
2 L'article 26 (1) de cette déclaration dit
: « les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et
ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont
acquis ou utilisés. (2) les peuples autochtones ont le droit de
posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les
terres, territoires et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils leur
appartiennent ou qu'ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi
que ceux qu'ils ont acquis ».
3 Notamment l'article 13 (1) qui dit : «
Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d'utiliser, de
développer et de transmettre aux générations futures leur
histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur
système d'écriture et leur littérature, ainsi que de
choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les
lieux et les personnes ».
4 Anglo American, Making a difference, Report to
society, 2008, p. 25.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 209 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
communautés. La transparence des industries extractives
encourage par ailleurs une prise de conscience plus aigue des périls
environnementaux liés à l'activité extractive.
2. La transparence des industries extractives et la
question environnementale Les industries extractives ne peuvent se
développer sans atteinte à l'intégrité de
l'environnement. La distance entre les « have and have not »
et la pollution sont deux problèmes majeurs de ce
siècle1. Les combats écologiques et le
développement de l'écopolitique internationale semblent au
premier abord ressortir de la conscience que la « mère-terre »
est menacée de péril et que le destin de l'humanité
étant intimement lié à un espace vital, il convient de
réprimer les élans de destruction de la
planète2. La conférence de Copenhague de
décembre 2009 a été l'occasion d'une mise en
évidence de la prise de conscience du péril qui ménace la
planète par les dirigeants et les activistes de tous les bords. Les sons
dissonnants et la difficulté des négociations3
trouvent en partie leur origine dans les différences de conceptions
d'une solution pérenne, mais l'idée est partagée selon
laquelle, si rien n'est fait notre planète court vers sa fin. Ce
discours eschatologique est au fondément d'une action « morale
» des acteurs de la communauté internationale qui se sont donc
penchés sur le sort de la planète à Copenhague. Une
éthique de la transparence dans les industries extractives répond
de ce fait à une mouvance mondiale de l'éthique qui se donne
à voir dans les transactions complexes entre les différents
acteurs de la scène mondiale autour des questions du changement
climatique, de la préservation des écosystèmes fragiles et
de la protection des espèces menacées. La projection du film
Home de Yann-Arthus Bertrand en juin 2009 en France, les
investissements de Nicolas Hulot (notamment la projection en France en octobre
2009 de son film Le syndrome du Titanic) attirent l'attention
peut-être de façon alarmiste sur les périls de notre
planète, mais cette logique participe d'une prise de conscience
éthique qui explique en partie cet acharnement au sujet des risques
environnementaux. Sans
1 Asuncion Lera ST. Clair « Global Poverty:
Development Ethics Meets Global Justice» Globalizations, vol. 3,
n° 2, p.139, June 2006.
2 Point de vue alarmiste qui n'est pas totalement
partagé par Marie Claude Smouts pour qui il y a surenchère au
sujet des forêts tropicales et surestimation du risque pour des
visées politiques. Voir Smouts Marie Claude (2001) Forêts
tropicales, jungles internationales. Les revers d'une écopolitique
mondiale, Paris : Presses des science po.
3 Pour eviter l'enlisement et obténir un
accord décisif à l'issue de Copenhague, le président
français Nicolas Sarkozy a réuni les chefs d'Etats de la COMEFAC
partageant en commun le bassin du Congo à Paris le 16 décembre
2009. Pendant ce dejeuner de travail, ces différents chefs d'Etats ont
adopté une position unanime faisant de la forêt du bassin du Congo
une solution possible à la lutte contre les changements climatiques et
donc, une aide financière conséquente à l'adresse des pays
de ce bassin.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 210 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
minorer le fait que l'environnement fait vendre1 et
donne une personnalité politique2, l'intention est de penser
que dans la logique d'une démonstration de la prévalence d'une
attitude méga-éthique, la transparence des industries extractives
s'insère dans les débats mondiaux qui, par la technicité
et l'expertise qu'ils requièrent, sont devenus des espaces de
gouvernance au sein desquels la complexité des transactions n'a
d'égale que la « logique floue » des acteurs3. Les
questions de protection de l'environnement sont devenues des thèmes de
débat dans des espaces multilatéraux surtout à partir de
la conférence de Stockholm de 1972.
Sans ignorer l'activisme non gouvernemental et
transnational4 dans la bataille pour l'environnement, les espaces de
multilatéralisme nous intéressent au premier chef en raison de la
centralité des deux éléments fondateurs de la
problématique de cette étude. L'affirmation des acteurs multiples
et la prévalence de la complexité dans les interactions autour
des questions morales constituent le fil d'Ariane qui conduit au coeur d'une
affirmation de la relativité de la souveraineté. Aussi, la
transparence des industries extractives en tant que norme morale est-elle
inscrite dans un espace multilatéral dans l'optique de résoudre
moult fléaux qu'implique l'activité extractive. L'extraction
anarchique et effrénée des matières premières est
une source de pollution et donc de menaces graves pour l'environnement. Les
images de ces cours d'eau pollués en Equateur et dont l'incidence est
l'apparition des chancres sur les peaux des populations riveraines qui y
touchent, sont souvent diffusées pour prendre à témoin
l'ensemble du globe sur les méfaits de l'exploitation extractive. Les
produits utilisés qui sont entre autre le mercure, constituent des
facteurs dégradants de
1 Ce que Josépha Laroche appelle «
éco-business ». Laroche J. (1998) Politique internationale, op.
cit. pp. 420- 422. Et Elkington et Burke parlent de capitalisme
vert. Elkington John, Burke Tom (1987) The green capitalists:
Industry's search for environmental excellence, London: Gollancz.
2 Le score important des Verts aux élections
européennes de Juin 2009 en France est en partie le résultat de
la propagande environnementaliste des activistes qui tirent l'hallali sur le
dépérissement de la planète. La mise à
l'écart des problématiques écologiques par certains hommes
politiques leur coûterait obligatoirement une partie de leur
électorat. L'on note par exemple que les partis politiques en France
« se mettent au vert » de façon plus marquée.
L'organisation des grenelles de l'environnement et les créations des
ministères de l'environnement depuis la décennie 1990 participent
de la politisation de la question environnementale. Le respect de
l'environnement a désormais une place importante dans les agendas
politiques.
3 Ainsi, les questions de gouvernance globale dans
leur complexité et leur multi-actorité, sont souvent
débattues lors des grandes conférences internationales : Rio de
Janeiro sur l'environnement en 1992, Johannesburg autour du
développement durable en 2002, New York sur l'enfance, Copenhague autour
du développement social et Beijing en 1995 a réuni les experts au
sujet de la femme. L'établissement d'un Agenda 21 et la création
d'une Commission du développement durable participent de cette
évolution vers le traitement mondial des problèmes globaux, ce
qui en soi laisse penser que la complexité qui est le fait et la cause
de la relativisation de la souveraineté, est inhérente à
la globalisation.
4 Voir par exemple: Thomas Princen « Ivory,
conservatism, and environmental transnational coalitions », in
Risse-Kappen (ed.) Bringing transnational relations back in, op. cit.
pp. 227-253.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 211 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'environnement. Newmont Mining est par exemple
indexé au Pérou comme une entreprise pollueuse qui a
déversé 150 kilogrammes de mercure mettant en danger les
écosystèmes autour des villes de Choropampa, Magdalena et San
Juan. Cette compagnie utilise du cyanure dans des mines à ciel ouvert
à Ahafo au Ghana. Comment ne pas faire mention du cas de Royal Dutch
Shell rendu célèbre par ses violations du droit de
l'environnement au Nigeria, notamment dans les trois Etats du Delta du Niger.
L'on ne peut comprendre la pétroviolence au Nigeria sans prendre en
compte les exigences d'une compensation de la part des populations qui
déplorent la pollution de leur environnement vital. Les bras du Niger
qui arrosent la région sont pratiquement devenus des environnements
stériles au grand dam de ces populations qui vivent en partie de la
pêche. Dans d'autres pays, les nuages de poussière soulevés
par l'activité d'exploitation aurifère sont sources de
contaminations diverses sur des rayons importants. Certes, le problème
de la pollution du fait de l'exploitation extractive est réel. A
l'ère de la gouvernance mondiale où les problèmes
échappent aux exigences du confinement, une résolution des
problèmes de l'environnement ne saurait minorer l'impact des industries
extractives et donc, promouvoir la transparence du secteur est en quelque sorte
un début de solution. En réalité, parce que condition
sine qua non à un partage juste et équitable des
richesses d'un Etat, la transparence permet de faire parvenir aux populations
immédiatement victimes des impacts environnementaux directs de
l'exploitation, les fruits de leur sol et sous-sol. Ce d'autant plus que, la
dégradation de leur environnement vital provoque un changement de
régime de vie qui nécessite une plus grande assistance de l'Etat
qui en a les moyens parce que gestionnaire des revenus du sous-sol.
Les études d'impact environnemental1
trouvent dès lors leur domaine de pertinence dans la mise en oeuvre du
principe de prévention. En effet, la prévention constitue avec le
développement durable les fondements de la gestion des ressources
naturelles. Si EITI ne concerne pas les activités en amont,
c'est-à-dire celles relatives à la cession des contrats, la
matérialisation de la transparence peut tout de même constituer
une incitation à l'application du principe de prévention par
l'exigence et l'observance réelle de la présentation d'une
étude d'impact environnemental comme gage d'un respect de
l'environnement au cours de
1 Elles sont devenues systématiquement
demandées avant toute signature d'un contrat minier ou pétrolier.
La loi malienne n° 04/037 du 2 août 2004 portant code
pétrolier définit l'étude d'impact environnemental comme
le document que doit soumettre le titulaire d'une Convention au Ministre
chargé de l'Environnement et comprenant: l'identification, la
description, l'évaluation des effets et les mesures correctives
envisagées des projets d'Opérations Pétrolières sur
l'homme, la faune et la flore, le sol, l'eau, l'air, le climat et le paysage, y
compris les interactions entre ces facteurs, le patrimoine culturel et d'autres
biens matériels, dont le contenu est déterminé par
décret. (Article 1 al. 11).
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'exploitation. Le principe pollueur-payeur (PPP) est de ce
point de vue, une solution ex post qui s'invite dès lors que la
prévention s'est avérée incapable de réprimer les
élans destructeurs des compagnies. L'OCDE qui a préconisé
ce principe dès 1972 s'est ainsi placée aux avantpostes de la
moralisation de l'activité industrielle, mais également de
l'activité extractive. Les Etats ne sont pas à la traîne
dans ce domaine. En effet, pour limiter le potentiel polluant des industries
extractives, au-delà des initiatives globales qui, tant sur les plans de
la prévention que de la répression privilégient des
actions concertées, certains Etats ont entrepris de constitutionnaliser
la protection de l'environnement. Ainsi, en plus des études d'impact
environnemental qui sont exigées avant la cession des contrats
d'exploitation, le Sénégal par exemple a inscrit dans sa
constitution le droit de l'individu à un environnement
sain1.
Au final, après avoir démontré que la
matérialité de la mondialisation se fonde sur une reconversion
éthique des acteurs, dès lors que nous avons axé le propos
autour de l'éthique comme l'une des préoccupations centrales des
espaces de la mondialisation, il convient de dire l'émergence des
puissances normatives comme l'autre environnement propice à la fixation
de la transparence des industries extractives dans une atmosphère
éthique globale. La norme de la transparence selon qu'elle se fait corps
et chose n'est pas une entreprise ex nihilo. Elle est dans l'aire du
temps. La composition des « communautés de responsabilité
» qui laisse penser à un retrait de l'Etat participe d'une
modélisation de la nouvelle scène mondiale. Aussi, les puissances
normatives ou la normativisation des puissances est le cadre global
d'émulation de l'éthique, et donc de la transparence dans les
industries extractives. En d'autres termes, après le discours sur la
matière, voici que les acteurs opèrent le virage éthique.
C'est l'ère de la cohabitation entre les valeurs idéalistes et la
traditionnelle realpolitik des Etats.
B. L'émergence de la puissance normative :
EITI un trait de la moralisation des systèmes politiques
mondiaux
Ce paragraphe a l'ambition de dire la
généralisation de la conscience éthique comme un substrat
dans lequel s'enchâsse l'initiative de transparence des industries
extractives. Dans cet environnement de l' « éthique sociale »,
il s'agit de considérer la conduite des acteurs dans la globalité
de la chose éthique. Ce changement comportemental des acteurs a induit
un changement paradigmatique (1) qui permet de mieux lire la conduite des
acteurs (2).
1 Article 8 constitution sénégalaise du
22 janvier 2001.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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1. Un changement théorique ...
En effet, EITI n'est pas un espace pionnier, encore moins une
forme de regroupement déconnecté dans un monde étrangement
différent. Elle est inscrite dans une mouvance mondiale
d'idéalisation de la politique, non pas que le réalisme est
obsolète1mais, davantage parce que les valeurs
idéalistes et morales sont désormais des portes d'entrée
de la politique africaine2 en particulier, mais également
mondiale. Si la transparence des industries extractives se donne à voir
comme la promotion d'une valeur morale, le fait étatique y est
éminemment notable car, même les espaces de gouvernance dont le
surgissement a partie liée avec la transformation de la
souveraineté, ne constituent pas des espaces ingouvernables. Aussi, le
rôle de l'Etat y est-il déterminant. En attendant qu'une nouvelle
forme d'organisation sociale se substitue à l'Etat, celui-ci
malgré sa « mauvaise santé de fer », reste
l'unité sociale pertinente. Les contraintes du changement
d'époque et l'irruption d'acteurs nouveaux, faits et effets de la
transformation de la souveraineté, diversifient les sources de
légitimité et les sensibilités3. La
révolution homocentrique comporte l'exigence de prise en compte des
émotions et des idées en science politique plus largement et dans
les relations internationales en particulier4. Ainsi, Ngaire Woods
avait-elle raison de dénoncer la négligence des idées
économiques notamment dans les relations internationales. L'obsession
positiviste des faits a omis de relever que les choses-pensées
précèdent les choses-faites et que de ce fait, les choses ne sont
point suspendues dans un vide idéel mais s'agencent avec les
idées.
Se prononcer sur la transformation de la souveraineté
par le truchement d'une lecture de la transparence des industries extractives,
c'est obligatoirement se trouver au carrefour de trois considérations
qu'il importe de rappeler. Il s'agit de l'affirmation des acteurs multiples, de
l'émergence des espaces de gouvernance et d'un réveil de la
conscience éthique. Le propos autour de la conscience éthique
permet en même temps qu'une démonstration de l'ancrage de
1 Badie B. « Realism under praise or a
requiem... », art. cit.
2 Sindjoun L. « Positivism, ethics and politics
in Africa », art. cit.
3 Les variables nationales de
légitimité ne sont pas pertinentes lorsqu'il s'agit de traiter de
la démocratie à l'échelle transnationale et
supranationale. Aussi, l'irruption des acteurs non étatiques dans la
gouvernance globale induit-elle des nouveaux indicateurs de
légitimité qui au-delà de la
représentativité et de la responsabilité, s'appuient sur
le critère normatif. Lire à ce propos Karin Backstränd
« Democratizing global environmental governance? Stakeholder after the
World Summit on Sustainable Development» European Journal of
International Relations, vol. 12, n°4, pp. 467-498, 2006.
4 Ngaire Woods « Economics ideas and
international relations: beyond rational neglect » International
Studies Quarterly, n°39, pp.161-180, 1995.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 214 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
EITI dans un environnement plus large, une prise de parole
pour contribuer à la « rupture instauratrice » que certains
auteurs ont entamé dans la relativisation de la dichotomie
éthique/intérêt1. Le constat du virage normatif
des Etats et regroupements d'Etats se fait à l'aune d'une théorie
des relations internationales transformées.
Selon le voeu de Eytan Gilboa, l'émergence de nouveaux
acteurs dans les affaires internationales et l'interdépendance
considérable entre tous les acteurs devraient entraîner une
révision de la diplomatie publique qui a prévalu pendant la
guerre froide2. L'on tendrait alors vers quelque chose qui soit
à l'interstice du réalisme et de l'idéalisme
c'est-à-dire, un usage des idées et des normes pour la poursuite
des intérêts supérieurs de l'Etat3. La
théorie contemporaine des relations internationales omnibulée par
le positivisme a frappé d'ostracisme la pensée idéaliste
dans l'analyse des affaires internationales surtout à l'ère de la
domination réaliste. Le doute conséquentialiste de Stanley
Hoffmann4 portait déjà les germes de l'usure de la
pensée réaliste. Restauration néoréaliste de
l'éthique5, cette idée a fait du chemin et la
postmodernité politique se caractérise par la cohabitation
sereine entre la morale et l'intérêt. C'est le cadre
d'émulation des puissances éthiques qui structurent la politique
internationale actuelle. Nombre de faits ont donné leur faveur à
ce virage éthique généralisé dans les relations
internationales.
La fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin qui en
était le symbole ont constitué des éléments
déclencheurs d'une régénération de la
théorie des relations internationales. Dans cet âge
post-hégémonique, c'est-à-dire de la fin de
l'unilatéralisme américain6, la logique qui
bourgeonnait au lendemain de la fin de la guerre froide accentue le
multilatéralisme qui
1 Notamment Luc Sindjoun et Ariel Colonomos dans des
travaux cités plus haut.
2 Eytan Gilboa, « Searching for a theory of
public diplomacy » art. cit. p. 59.
3 Les imaginations diverses ont formulé des
concepts pour dire cette solution médiane dans l'ethos de la politique
internationale. Joseph Nye parle de « soft power », Wilson III parle
quant à lui de « smart power ». Il existe également le
concept de « Noopolitik » forgé par John Arquilla et David
Ronfeldt. Il renvoie simplement à l'usage en priorité des
valeurs, normes, idées, lois et l'éthique dans la poursuite de la
politique étrangère d'un Etat. Voir au sujet de la noopolitik,
Arquilla, John, and David Ronfeldt. 1999. The emergence of Noopolitik:
Toward an American information strategy. Santa Monica, CA: Rand.
4 Stanley Hoffmann considère qu'il est
difficile d'imaginer un homme d'Etat qui ne cherche pas à évaluer
les conséquences et dont les décisions sont faites sans
référence au contexte, mais pense-t-il encore, il y a un danger
constant de diluer ou de se débarrasser des principes et de glisser vers
un simple opportunisme quand les conséquences et le contexte deviennent
les considérations dominantes. En cela, il remet en cause le
conséquentialisme éthique du réalisme. A vrai dire, il est
l'artisan pionnier d'un glissement du conséquentialisme des actes vers
un conséquentialisme des règles. Lire Stanley Hoffmann (1988)
The political Ethics of International Relations, New York: Carnegie
Council on Ethics and International Affairs.
5 Klaus-Gerd Giesen, L'éthique des
relations internationales, op. cit. Chapitre VI.
6 Fred Halliday « International relations in a
post-hegemonic age » International Affairs, vol. 85, n°1,
pp. 37-51, 2009. Bertrand Badie qualifie cette ère d' « apolaire
». Voir Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. Chapitre 6
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 215 Yaoundé
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
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suppose la prise en compte de toutes les sensibilités
dans la définition des agendas mais surtout, cette époque porte
la marque d'une moralisation des comportements politiques internationaux. Il
est cependant naïf de prétendre à une moralisation qui
serait le fruit du troc du réalisme des Etats contre l'humanisme. Cet
état de fait impose un dosage savant entre le « nationalisme
méthodologique » et le « cosmopolitisme méthodologique
», alliant ainsi une analyse politologique centrée sur l'Etat et le
gouvernement comme pierre angulaire et une analyse fondée sur les
logiques transnationales et supranationales1. En
réalité, comme le pense Garrett Wallace Brown, une
priorité accordée au cosmopolitisme kantien ne plaide pas pour
une immédiate destruction des Etats et l'autodétermination qui
est un aspect de leur souveraineté2. Le parti pris pour la
conciliation de la théorie de la puissance (Réalisme) et le
Transnationalisme comme la marque de l'interdépendance et de la
transaction s'adosse donc sur les travaux antérieurs qui, dans le cadre
de la démonstration d'une prévalence de l'éthique sociale
globale comme retour aux valeurs, constitue la matrice du raisonnement. Une
recherche des causes d'un tel virage pourrait conduire à la prise en
compte de l'intégration des travaux des philosophes dans les relations
internationales3 et la professionnalisation croissante des
enseignants et chercheurs qui défendraient donc des
intérêts et valeurs corporatistes4. Ces
éléments explicatifs de l'atténuation du réalisme
et qui constituent les fondements du néoréalisme5
marquent également le début d'une sublimation paradigmatique
autour des valeurs incorporées dans la théorie internationale.
Ces éléments d'illustration du changement théorique se
vérifient dans les comportements des puissances de la scène
internationale ; c'est d'ailleurs sur cet ancrage pratique et concret que l'on
accroche l'initiative de transparence des industries extractives en tant
qu'espace de gouvernance morale initié et pleinement soutenu par les
acteurs de la mondialisation.
2. ...à la suite d'un changement des pratiques
politiques
1 Ulrich Beck, Pouvoir et contre pouvoir à
l'ère de la mondialisation, op. cit.
2 Garrett Wallace Brown « State sovereignty,
federalism and Kantian cosmopolitanism » European Journal of
International Relations, vol. 11, n°4, pp. 495-522, 2005.
3 C'est un effort fait notamment par
Frédéric Ramel. Voir Ramel Frédéric (avec la
collaboration de David Cumin), Philosophie des relations
internationales, Paris : Presses des sciences po. 2002.
4 Klaus-Gerd Giesen, op. cit. p. 244.
5 Ce qui fait dire à Klaus-Gerd Giesen que
le réalisme n'est pas différent du néoréalisme, le
second étant simplement une version atténuée du premier,
par la prise en compte de l'éthique. Ainsi, le scepticisme
éthique est banni du néoréalisme, le
conséquentialisme éthique est
régénéré et l'empirisme éthique s'est
enrichi d'une éthique néo-empirique fondée sur la
théorie des régimes. Ce qui fait dire à Giesen : « Et
il nous semble qu'en général le néo-réalisme est
effectivement un réalisme soft, éliminant ou adoucissant
les éléments les plus extrémistes de la théorie
classique dont les auteurs néo-réalistes continuent pourtant
à se réclamer ». Klaus-Gerd Giesen, op. cit. p.
240.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 216 Yaoundé
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industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Le paradigme de la gouvernance participative a vu le jour dans
la décennie 1990. Il suppose la prise en compte à
différents niveaux, de la participation des acteurs variés
surtout les groupes majeurs (syndicats, ONG, femmes, enfants, peuples
autochtones et jeunes). L'ambition de traiter des problèmes de la
mondialisation sans laisser à la marge de l'évolution des
catégories âprement défendues par les groupes majeurs,
injecte impérativement des considérations morales dans la
conduite des politiques. Au niveau national, le retour à la norme
constitutionnelle de l'égalité des peuples d'une nation sous la
bannière étatique devient pressant. Les droits des
minorités occupent de plus en plus les acteurs réunis dans le
cadre de la gouvernance étatique. La transparence des industries
extractives au niveau des Etats vise au final un partage équitable des
revenus tirés de l'exploitation des ressources du sous-sol. Même
les défenseurs acharnés des droits des minorités avancent
fièrement cet argument pour rendre légitime leur action, afin de
susciter une adhésion massive derrière ces luttes
stratégicomorales. Le questionnement des schémas
institutionnalisés de développement1 prend en compte
le degré de discrimination que les planners2
laissent transparaître dans leur définition des politiques de
développement. Cette reconversion des subsides du développement
par volonté ou par destination, accentue la pauvreté des couches
défavorisées. Ces dénégations de place au chapitre
et bien d'autres encore, font que la centralité du débat
éthique dans les cadres stato-nationaux est devenue une question
à la fois morale et politique. L'intérêt réside
moins dans la cohabitation des deux aspects que dans l'effet induit de cette
réalité. En effet, l'on peut penser que l'intensité de la
prise en compte des droits des minorités et des couches
défavorisées serait moindre si les Etats détenaient
l'absolue autorité sur les choses et les êtres. L'irruption des
acteurs de la société civile au sein même des Etats met un
bémol à l'élan autoritaire et discriminatoire des Etats.
De fait, l'intensification du discours éthique a partie liée avec
la multiplication des autorités.
1 Heloise Weber « A political analysis of the
formal comparative method: Historicizing the globalization and the development
debate » Globalizations, vol. 4, n°4, pp.559-572, December
2007. Egalement Marcus Taylor «Rethinking the global production of uneven
development » Globalizations, vol. 4, n°4, pp. 529-542,
December 2007.
2 C'est ainsi que William Easterly appellent ces
planificateurs de développement qui conçoivent des plans depuis
Washington sans prendre en compte les réalités locales, ce qui a
pour corollaire l'adoption des plans lourdement financés mais aux
résultats invisibles. Il propose à la place des
searchers qui vont étudier au cas par cas les problèmes
afin d'y apporter des solutions adaptées. Le refus de la seconde
approche de façon systématique et l'entêtement à
poursuivre la première est de son avis une ruse pour la reconversion de
l'aide au développement. Un cercle vicieux qui implique les
élites des pays en voie de développement qu'il qualifie de
fardeau de l'homme blanc. William R. Easterly (2006) The white man's
burden, why the West's efforts to aid the Rest have done so much ill and so
little good, London: Penguins Books
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Au plan transnational, l'absence d'une autorité
crée une zone d'incertitude qui accueille les acteurs capables de
représentation, afin que dans le cadre des espaces de gouvernance les
sujets contemporains soient débattus. Et, là aussi, compte tenu
de l'inadaptation des critères nationaux de légitimité, la
représentation et le bien-fondé des problématiques selon
que l'on veut les résoudre constituent des facteurs pertinents de
légitimation de la présence et de l'action. Or, le consensus se
trouve facilement autour des questions morales de justice, de paix,
d'égalité et de démocratie comme le substrat où
peuvent s'épanouir ces valeurs. C'est pourquoi l'Union Européenne
par exemple a inscrit la conditionnalité démocratique1
dans sa politique d'aide aux pays en développement et comme un
critère pour l'adhésion à l'Union des
voisins2.
L'exemple justement de l'UE est le plus visible (pas le seul
cependant car les USA sont dans une logique de soft power depuis
environ la fin du reaganisme qui s'évertuait à promouvoir la
pensée classique du réalisme3). Puissance normative
c'est-à-dire « puissance qui s'efforce de promouvoir à
l'échelle mondiale des standards régulateurs et prescriptifs
capables de générer de la stabilité et de la
prévisibilité dans le jeu mondial4 », l'Union
Européenne se fait le chantre d'une conception plus humaine du monde.
Elle s'investit ainsi dans la promotion des droits de l'homme, et participe
à (ou initie) des opérations de maintien de la paix. Une fois
encore, l'on peut penser que la diversité des Etats qui composent l'UE
impose une prise en compte de l'humanitaire. C'est fort de cela que Ian Manners
juge que l'UE est une puissance éthique parce qu'elle change les normes
et les prescriptions de la politique mondiale en passant de la
centralité étatique à une centralité
humanitaire5. Manifestement, la conduite interne et internationale
des Etats s'abreuve désormais aux sources de l'humanité qui
seule, explique cette avancée vers le passé. Les pères du
jus naturalis tels que Francisco de Vitoria et Francisco
Suarez de l'école de Salamanque, et le
1 Ode Jacquemin « La conditionnalité
démocratique de l'Union Européenne : Une voie pour
l'universalisation des droits de l'homme ? Mise en oeuvre, critiques et bilan
» Working Paper n°3, CRIDHO, 2006, 27p.
2 Voir l'article 11.1 du traité de
Maastricht de 1992 qui établit les bases juridiques nécessaires
au développement de cette conditionnalité dans les relations
extérieures de l'Union et dans ses relations de coopération au
développement.
3 Le Clintonisme par exemple est un virage
politique vers la nuance dans la realpolitik américaine. Ses appels
à la paix démocratique, son implication pour la paix en Afrique
et la lutte contre le SIDA et les autres pandémies a laissé
croire à une « diplomatie Mère Térésa ».
Lire par exemple la thèse de Jean Daniel ABA « Les modalités
d'élaboration de la politique africaine des Etats-Unis depuis la fin de
la guerre froide » Université Paris II Sorbonne, 2001.
4 Zaki Laïdi « Peut-on prendre la puissance
européenne au sérieux ? » Cahiers européens,
n°5, 2005, p. 12.
5 Ian Manners «The normative ethics of the
European Union » International Affairs, vol. 84, n°1, pp.
45-60, 2008.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
wilsonisme ont été taxés
d'irréalistes dans un monde prétendument mû par les seuls
intérêts qui expliquent la prévalence d'un état de
conflit permanent, nourri par les concupiscences charnelles des appétits
mondains des Etats et la quête de puissance1. Voilà
que, les Etats, les ONG et même les firmes entonnent un hymne à
l'éthique.
Une fois que l'on a discouru sur ces éléments
caractérisés par leur globalité et leur
généralité, il convient de scruter la conduite
éthique des acteurs au ras-du-sol c'est-à-dire, voir comment dans
la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives,
le comportement des acteurs impliqués peut recevoir le crédit
d'une éthique de conviction. Ce sera l'objet de la section suivante. Il
s'agit de penser que les Etats, les ONG et les firmes des industries
extractives sont inscrits dans un processus éthique par le seul fait de
leur adhésion aux principes de la transparence des industries
extractives. Cela se rapporte et se rattache à des valeurs
méga-éthiques telles que la démocratie, la justice, la
moralisation de la mondialisation, la défense de l'environnement et des
droits des minorités et couches défavorisées. La structure
de cette section obéit à une logique qui continue de penser
pertinente, la dichotomie acteurs étatiques/ acteurs privés mais
est au fait de la congruence des agir de ces acteurs différents, selon
qu'ils trouvent des espaces de proximité dans le caractère global
de l'éthique sociale. De ce fait, le premier paragraphe va pister
l'action éthique desdits acteurs dans le processus de
démocratisation et le second s'attelera à dire l'agir
éthique de ces mêmes acteurs dans les processus de
développement. Il s'agit de penser que le développement et la
démocratie sont deux processus éminemment éthiques.
Section 2 : A la recherche des
éléments d'une éthique de conviction dans la conduite des
acteurs de la transparence des industries extractives.
La transparence des industries extractives semble au premier
abord une entreprise éthique, c'est-à-dire un dessein de mettre
sur pied un comportement éthique en soi, mais qui de plus, de par les
incidences qu'il a sur la communauté des hommes produit le bien. Dans la
compréhension de l'éthique, l'idée récurrente est
la quête du bien. Stupeur pour les sceptiques réalistes,
l'idée d'un empire du bien selon qu'il se donne à voir dans la
conduite
1 Cathal Nolan trouve d'ailleurs que c'est une
déformation qui est inculquée aux étudiants des relations
internationales que de célébrer le discours qui sépare la
morale de la puissance. Il cite Reinhold Neibur en disant: «
International politics is where conscience and power meet and work out
tentative uneasy compromises ». Cathal Nolan «Norms and
principles that govern international relation », op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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des acteurs et dans le fruit de leurs actions est envisageable
dans cette ère de la mondialisation et c'est cela l'une des
nouveautés. Que l'on se comprenne bien. Cette section n'est nullement la
célébration d'une civilisation totalement éthique qui
aurait enfin jeté dans la géhenne les démons de
l'intérêt qui sont souvent au centre des conflits, des guerres,
corruptions et autres immoralités. D'autre part, il ne s'agit pas de
penser l'éthique ici comme une manière d'être, l'on
parlerait alors de l'éthique protestante1, de
l'éthique catholique2, de l'éthique
journalistique3 etc. Ce sont là des «
méta-éthiques ». Mais pensons l'éthique comme une
valeur supérieure, l'éthique supérieure, selon l'ordre de
Spinoza. L'éthique est assimilée au bien, à la conduite
qui produit du bien. De plus, il faut penser que l'éthique est porteuse
du sens de la justice selon la conception aristotélicienne. En effet,
dans Ethique à Nicomaque, Aristote fait le distinguo entre la
« justice corrective » et la « justice distributive ». La
dernière évoquée renvoie à l'idée que les
ressources doivent être reparties avec équité sans que le
mérite ou la légitimité y soient des facteurs de
marginalisation, mais la seule appartenance à la communauté
suffit à imposer une possession pour chacun de sa «juste part
». Toutefois, en arrière plan l'idée du bien projette son
ombre sur la justice distributive d'Aristote. Aussi, pardelà les
relativismes qui induisent une certaine prudence dans le maniement des concepts
tels que le développement et la démocratie, l'on postule leur
centralité, leur essence éthique, et leur position au
débouché de la transparence des industries extractives en tant
que processus. Il s'agit de penser que le point de mire de la transparence est
de faire chose et corps la démocratie et le développement au
service des peuples. En réalité, la transparence des industries
extractives est un moyen qui vise in fine un but. Qu'il s'agisse du
développement ou de la démocratie que l'on considère
« naïvement » comme des entreprises dépouillées de
visées utilitaires, ce sont deux buts qui partagent la transparence
comme condition de faisabilité. Ces deux objectifs sont exigeants d'une
action synergique aussi, leur atteinte par la transparence des industries
extractives exige-t-elle des transactions de natures multiples et diverses
entre les acteurs. Le lien social une fois encore est
célébré au travers du branle-bas pour la poursuite d'une
valeur éthique. C'est dire que, la transparence des industries
1 Max Weber, Ethique protestante et esprit du
capitalisme, op. cit.
2 Au sujet de l'éthique catholique, lire les
travaux de HEC de Montréal. Par exemple : Omar Aktouf, Renée
Bédard et Alain Chanlat « Management, éthique catholique et
esprit du catholicisme : l'exemple québécois »
Sociologie du travail, vol. 34, n°1, pp. 83-99, 1992.
3 Il existe une façon de parler de
l'éthique qui l'assimile à une manière d'être d'une
catégorie professionnelle ou d'un domaine d'activité. C'est ce
que Max Weber appelle beiruft, c'est-à-dire la vocation. Ainsi,
Daniel Bell dira -t-il du capitalisme : « Lorsque la morale puritaine fit
défaut à la société bourgeoise, il ne resta que
l'hédonisme et le système capitalisme perdit son éthique
transcendantale ». Daniel Bell, Les contradictions culturelles du
capitalisme, op. cit. C'est dire que dans ce sens, l'éthique
devient ce qui fait une chose et est donc immanente alors que l'éthique
dans notre sens est une valeur supérieure transcendante que l'on cherche
à atteindre par une conduite bonne pour son avancement et pour le bien
commun.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 220 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
extractives comme chemin vers la démocratie et le
développement est une norme éthique qui comporte la
complexité comme trait de caractère. L'on peut imaginer des
acteurs dans une logique solitaire en vue de la poursuite des
intérêts particularistes et égoïstes mais, il est
presque impossible d'envisager la mise en oeuvre de la morale par un acteur
seul. Il existe trois raisons à cela. Considérant l'Etat, la
morale n'est pas le fondement de son action. Il est davantage
intéressé par la quête de puissance qui est l'absolue
nécessité pour la survie sur la scène internationale. Les
firmes quant à elle sont à la quête du profit et cela est
une lapalissade. Les ONG, porteuses d'espérance en raison du ton
humanitaire de leur discours, sont dépourvues de puissance souveraine et
de capacité d'influence de la scène mondiale prises isolement.
Elles ont besoin de l'assistance des Etats pour faire passer les normes
éthiques car, ces derniers sont les seuls à disposer du
rule-making en tant que souveraineté1.
Dans ces conditions de nécessaires transactions entre
trois catégories d'acteurs, la souveraineté qui est donc relative
se donne à voir dans sa relativité quand ces acteurs multiples,
affirmés dans leur qualité d'acteur, enjambent les
frontières des Etats sans considération et quand, tout compte
fait, l'Etat parce que seul acteur doté de souveraineté,
influence la forme finale des espaces de gouvernance. Tout au long de la
section, il faut rester informé de ce que dans la gouvernance globale,
la présomption d'une éthique sociale suppose des valeurs
partagées par la communauté de la gouvernance.
Paragraphe I : L'initiative de transparence des
industries extractives : un espace de la démocratisation ?
Dès l'abord, l'on affirme la multiplicité des
schémas de démocratisation et moult compréhensions de la
démocratie en partant du constat que la démocratie au sein d'un
Etat ne peut revêtir la même tunique sémantique que la
démocratie au plan transnational2. L'objet d'attention dans
cette étude est une initiative qui est multi- layered. Elle
mêle les faits internes aux faits internationaux et met en scène
un espace de gouvernance qui comme tous ses semblables, se caractérise
par la participation de la société civile, la
représentation et l'exigence de transparence des processus politiques.
En général, la participation des couches affectées par les
problèmes de la mondialisation est requise pour un souci d'efficience.
De
1 Janice Thompson, art. cit.
2 Voir David Held (1995) Democracy and the global
order: From the Modern state to cosmopolitan governance. Stanford, CA:
Stanford University Press.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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plus, la responsabilité et la transparence sont
considérées traditionnellement comme des conditions
nécessaires à la mise en oeuvre des politiques
globales1.
Fort de tout ce qui précède, l'option pour le
modèle de stakeholder democracy de Karin
Backstränd2 permettra de montrer comment les différents
acteurs de la communauté de la transparence sont impliqués dans
l'implémentation de la transparence, mais en réalité d'une
norme plus grande à savoir la démocratie.
Le modèle de stakeholder democracy tire sa
substance éthique de son potentiel de protection des couches
vulnérables, de la représentation fonctionnelle et du fait que
les représentants sont affectés par l'objet dont les
délibérations visent la transformation. Il s'oppose en
l'épuisant, à l'idée d'un modèle consacré de
démocratie. C'est la fin de l'exclusivité des figures
électorales et parlementaires de la démocratie. La tradition de
l'étude de la démocratisation et plus précisément,
le courant de la consolidologie met l'emphase sur des variables estimées
incontournables à la consolidation démocratique. Il s'agit
notamment de penser que la participation, la compétition
électorale et le respect des droits civiques et des libertés sont
des traits autour desquels se déroulent les pugilats intellectuels
relatifs à la compréhension des processus de
démocratisation. Le stakeholder democracy s'échappe de
ces carcans et n'en est pas moins pertinent cependant, tant la
représentation et les délibérations en même temps
que la légitimité des représentants et du sujet
débattu en font un idéal-type démocratique propre à
compenser les manques et limites liés au fait de l'absence d'une
autorité suprême transnationale garante de la démocratie au
plan international. Backstränd dit à ce propos: «
Representation beyond elections allows for the representation of more
varied and differentiated perspectives, and more emphasis on deliberative
features compensate for the relative absence of electoral
bases3» (la représentation au-delà des
elections permet une représentation des perspectives plus varies et
differenciées. Elle permet également de mettre l'accent sur les
traits de la délibération qui compensent l'absence relative des
bases électorales). Cela dit, dans le paradigme de la
gouvernance participative, le modèle de la démocratie des parties
prenantes permet de rendre raison de ce qui se joue dans les fora
multi-
1 Considérant les politiques environnementales
globales, lire Paul Wapner (1996) Environmental activism and world civic
politics. Albany, NY : State University of New York.
2 Karin Backstränd, «Democratizing global
environmental governance? Stakeholder democracy after the world summit on
sustainable development» European Journal of International
Relations, vol. 12, n°4, pp. 467-498, 2006.
3 Karin Backstränd, idem, p. 472.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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Politique présentée à l'Université de
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parties prenantes. Ce, en scrutant non plus les logiques
actorielles qui sont marquées du sceau de la relativité de la
souveraineté, mais davantage, en s'intéressant aux normes,
structures et processus qui gouvernent les prises de décision au plan
international.
Le modèle de stakeholders democracy comporte
un certain nombre de traits qui le distinguent des autres modèles et,
qui en font un cadre pertinent de l'explication de la démocratie par la
mise en oeuvre de la transparence comme norme internationale. Il serait
difficile et même surréaliste de s'accrocher à
l'idée d'un monisme explicatif informé par le cadre
stato-national comme repère de projection. En réalité,
dans l'espace transnational, les élections et la représentation
parlementaire sont dénuées de signification, tant l'inexistence
d'une autorité supranationale de l'envergure de l'Etat empêche
tout mimétisme. Ni pouvoir suprême à conquérir, ni
parlement où siéger, ce qui renforce l'épuisement des
modèles traditionnels de démocratie qui sont restés
coincés aux mâchoires de l'Etat-nation comme niveau d'analyse.
Aussi, le critère de la compétition électorale qui est
centrale dans les acceptions de la démocratie selon Schumpeter,
Dahl1, et même Larry Diamond, Lipset et
Linz2devient relatif car, à ce niveau de perception de la
politique, les concepts de légitimité, représentation et
participation acquièrent un sens nouveau. En considérant la
transparence comme une norme éthique qui s'épanouit dans une
éthique plus large à savoir la démocratie, comment
envisager la conversion de la compréhension classique des concepts de
participation, responsabilité et légitimité au niveau
supranational, en ayant le regard rivé sur EITI ?
A. Participation et responsabiité au sein de
l'Extractive Industries Transparency Initiative.
Dire que EITI est un espace de gouvernance, c'est postuler le
fait de la multiplicité des acteurs en son sein. En effet, comme s'est
attelé à le démontrer la première partie de la
présente étude, l'initiative est un espace qui confirme l'actorat
étatique en même temps qu'elle permet l'affirmation des acteurs
privés. Ainsi, ce paragraphe ne revient pas sur ces
éléments préalables, mais se prononce sur la participation
en tant qu'elle trahit une mise en oeuvre de la démocratie sous le
couvert de la transparence des industries extractives. De même, la
responsabilité (accountability) qui est un trait incontournable
de la gouvernance et
1 Dahl Robert (1971) Poliarchy. Participation and
opposition , New Haven: Yale University Press
2 Diamond L., Lipset M.S., Linz J.J. (dir.) Les
pays en voie de développement et l'expérience de la
démocratisation, Paris: Fayard, 1993.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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donc de la démocratie, prend séance aux
côtés de la participation afin de constituer la quintessence du
paragraphe.
1. Un espace de participation
hétérogène ou la diversité des transactions comme
marque de l'éthique
Le propre de la gouvernance est de mettre fin à
l'illusion de l'unilatéralité qui avait prise sur le réel
avec les temps classiques du penser politique. Cela suppose deux choses :
l'injection des normes éthiques dans la conduite des affaires et une
prise en compte de la diversité qui est source de transactions qui
relativisent la souveraineté de l'Etat. L'intimité qui
prévaut entre la démocratie et la gouvernance se fonde sur le
principe de la multi-actorité1. La décompression
autoritaire caractéristique de la démocratisation correspond
généralement à la prise de parole par des acteurs autres
que l'Etat. Le pluralisme et l'ouverture créent des conditions d'une
responsabilisation et d'une transparence accrues de la vie publique. C'est dire
l'affinité élective qui existe entre la démocratie et la
participation multiple. La démocratie ne signifie-telle pas l'irruption
de la multitude dans l'espace de gouvernement ? Irruption indirecte au travers
des représentants, qui viennent troubler la quiétude de l'Etat,
et qui mettent fin à la conduite unilatérale des affaires
publiques. Cette réalité est valable tant dans le cadre de l'Etat
qu'au plan international. Et, l'initiative est présente sur ces deux
plans. C'est pourquoi au plan national, les comités de mise en oeuvre
sont autant de lieux de délibération que l'on voudrait
démocratiques, du moins de par la participation.
Le premier niveau de lecture de la démocratie est le
pluralisme participatif. A cet égard, la constellation actorielle autour
de l'initiative doit être lue comme le signe de la vitalité mais,
aussi comme un aspect de la démocratie c'est-à-dire un
élément de la pacification de la vie politique. En
réalité, l'apologie démocratophile n'est pas l'objet de ce
propos. Il s'agit de penser que, sous le prisme du modèle de
stakeholder democracy, l'initiative de transparence des industries
extractives apparaît comme une matérialisation de
l'éthique. En même temps, la mise en oeuvre de cette
éthique sociale met en branle une multitude d'acteurs en interaction. La
souveraineté comme cible de démonstration, se
révèle une fois encore dans sa relativité car, la
participation multi-actorielle met en scène un Etat qui négocie
mais qui possède encore l'ultima ratio dans l'incarnation de la
transparence des industries extractives. Il faut penser la participation comme
la prise en compte de l'actorat multiple dans l'EITI. Ces divers acteurs
1 Ahmedou Ould Abdallah, Démocratie et
gouvernance, Washington D.C : coalition mondiale pour l'Afrique, 2000.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
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qui sont les Etats, les firmes et les organisations de la
société civile, trouvent un espace de délibération
au sein des comités de mise en oeuvre et dans les fora et
conférences internationaux où, réunis pour les besoins de
la cause de la transparence, ils prennent en compte la nécessité
de donner une réalité à celle-ci en tant qu'elle est
solution à beaucoup de problèmes symboliques de l'injustice, de
la guerre, des déplacements des populations, toutes choses par ailleurs
qui sont du ressort de la morale.
La démocratie délibérative, modèle
que défend Patricja Dabrowska1 en regard des nouveaux moyens
de participation qu'offre l'UE aux acteurs, partage avec le stakeholder
democracy la conviction qu'aucune délibération
c'est-à-dire prise de décision commune autour des questions
concernant la communauté des hommes n'est valable si des
catégories multiples ne sont pas représentées. Le
débat public devient dès lors une exigence car, la
démocratie vise en priorité la pacification de la vie publique
par la levée de la suspicion qu'engendre l'opacité. La
transparence se construit et se fait chose et corps dans des lieux où
l'impression de représentation épuise la contestation.
D'ailleurs, le sentiment de justice et de prise en compte des problèmes
des couches défavorisées et des populations tout court naît
de l'inscription de ceux-ci dans les agendas politiques. L'Union
Européenne par exemple, dans son destin de rapprochement
vis-à-vis de la population, ne se donne pas seulement pour but de
régler les problèmes sociaux. Elle intègre la
société civile comme acteur, dans l'optique d'envoyer un signal
de proximité aux peuples, mais elle est surtout consciente de ce que la
résolution des problèmes passe par l'implication des
sociétés civiles qui dans leur rapport privilégié
avec les populations, font un écho parfait de leurs souffrances. En soi,
la participation selon qu'elle est ouverture et intégration de la
diversité, comporte donc une essence éthique. Dès lors
qu'on a invalidé l'hypothèse de la mise en oeuvre de la
transparence en tant que norme éthique par un seul acteur, ce du fait de
l'absence de volonté ou de moyens, l'on comprend alors aisément
que la participation, ce premier niveau de lecture d'un processus
démocratique, est éminemment morale.
Le sentiment d'appartenance à une communauté
c'est-à-dire un ensemble qui a en partage des éléments
fondamentaux de socialité, l'impression d'écoute que procure
l'inscription d'un problème dans les agendas politiques, et le fait
d'être représenté aux lieux de décisions sont
1 Patricja Dabrowska « Civil society
involvement in the EU regulations on GMOs: From the design of a participatory
garden to growing trees of European public debate» Journal of Civil
Society, vol. 3, n°3, pp. 287- 304, December 2007.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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les substrats d'une vie juste. Les marchands d'illusion de
justice et d'éthique activent précisément ces leviers afin
de susciter l'adhésion qui légitime leur entrée en lien
social. Aussi, la participation implique-t-elle la représentation. De
même qu'au plan national les élus du peuple symbolisent la
démocratie athénienne qui fut représentative lato
sensu, les membres de la communauté de la transparence doivent
être en réalité un échantillon représentatif
de la multitude des hommes. Le résumé de la polité autour
de la transparence à un triangle dont les sommets sont l'Etat, les
firmes et les organisations non gouvernementales exprime mal la justice
qu'impose la représentation. Certaines fois, les comités de mise
en oeuvre de la transparence se contentent d'inviter à une séance
ponctuelle, certains chefs des villages riverains des sites d'exploitation.
Ceux-ci ne disposent point d'un statut permanent dans les instances de la mise
en oeuvre. Pis encore, pour ce qui concerne les pays de l'Afrique centrale
engagés dans EITI, l'on n'a pas le souvenir qu'un autochtone ait
représenté les peuples autochtones lors d'une conférence
internationale EITI.
2. Les rapports de conciliation des chiffres et
volumes : une responsabilité biaisée Le principe de
responsabilité démocratique c'est-à-dire
l'accountability, est symbolisé par les rapports de
conciliation des chiffres et volumes. C'est le coeur même de
l'initiative. Faut-il le rappeler, le but de EITI est de donner corps à
la transparence dans le domaine des industries extractives en rendant lisible
les recettes et les paiements relatifs à l'exploitation des ressources
du sous-sol. Pour ce faire, l'Etat et les firmes sont les acteurs principaux du
scénario de la transparence car, ils sont le point focal du processus,
le lieu de cristallisation des attentions. La société civile ou
plus précisément les organisations non gouvernementales qui y
siègent font office de cerbères, pour veiller à l'usure du
consensus opaque qui a gouverné pendant longtemps les relations entre
les Etats et les firmes. L'esprit et la lettre des critères 1 et 3 de
EITI rendent compte de cette exigence de transparence qui se donne à
voir dans la matérialité d'un rapport public. L'un et l'autre
critère disent :
« (1) Tous les paiements versés par les
entreprises aux gouvernements, au titre de l'exploitation
pétrolière, gazière et minière (« les
paiements ») et toutes les recettes matérielles, reçues par
les gouvernements de la part des entreprise pétrolières,
gazières et minières (« recettes »), sont
publiées et diffusés régulièrement au grand public
sous une forme accessible, complète et compréhensible. (3) Les
paiements et recettes sont rapprochés, conformément aux normes
internationales en matière d'audit, par un administrateur
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 226 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
indépendant digne de confiance, qui publie son opinion
sur ce rapprochement de comptes et sur d'éventuelles discordances
».
Il se trouve que, compte tenu de la centralité de cette
publication des recettes et paiements, les autres aspects démocratiques
du processus (la participation et la légitimité) pivotent autour
du souci de réussite de la transparence. Ce but éthique
c'est-à-dire de justice et d'équité mais également
de poursuite du bien, obéit à une logique de recherche de
bien-être commun, de commodité d'existence. Il tire les attributs
de son existence à la source de l'injustice constatée dans la
répartition des revenus des ressources extractives de certains pays. Le
bien sous-tend donc cette quête de transparence. Le discours explicatif
du processus s'abreuve d'éthique comme l'on trouve dans la
fraîcheur de l'eau, les ressorts de la continuation dans une marche
difficile.
In concreto, toutes les compagnies en exercice dans
un pays candidat à l'initiative sont invitées à
déclarer leurs paiements préalablement audités à un
conciliateur. De même, l'Etat déclare les recettes que lui a
rapportées l'activité extractive et le conciliateur1
compare les deux types de déclaration. S'il existe un
différentiel, il doit se prononcer sur cet écart. En
théorie, les choses devraient se passer aussi simplement. Mais la
réalité de la transparence laisse place à une
pléiade de questions quant à la responsabilité des uns et
des autres et cela plus largement, laisse des sérieux doutes quant
à la capacité de cette initiative à incarner la
transparence dans les industries extractives. En réalité, c'est
le lieu s'il le fallait encore, de dire que la souveraineté de l'Etat
continue d'avoir prise sur le réel. Le comité qui a la charge du
recrutement du conciliateur est formé et piloté par les
gouvernements. Autant dire qu'en dernier ressort, c'est la volonté
étatique qui se fait en matière de transparence. Et, la
publication des rapports laisse transparaître cette emprise des Etats.
Les Etats sont les seuls capables de contraindre les firmes exerçant sur
leurs territoires à déclarer les paiements au nom des clauses de
confidentialité que comportent systématiquement les contrats
pétroliers et miniers. Il existe donc mille stratagèmes qui
traduisent le fait que les Etats donnent le tempo et le rythme de la
transparence des industries extractives. Au demeurant, la transparence fait du
chemin avec des fortunes diverses dans les pays candidats, certains faisant le
choix d'une
1 Le conciliateur est une personne morale de
réputation internationale dans l'audit des comptes. Le cabinet Ernst
& Young a confectionné les rapports du Gabon, de la Mauritanie et de
l'Azerbaïdjan tandis que le groupe Hart a été chargé
de la production du rapport du Nigeria. Le cabinet Crane & White Associates
a fait les rapports de la Mongolie et du Libéria. Les rapports du Ghana
ont été produits par Boas & Associates.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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publication agrégée des rapports tandis que
d'autres moins enclins à la transparence, exploitent l'espace
d'incertitude du Livre Source qui laisse aux Etats la latitude du
choix du mode de divulgation . A ce propos, le Livre Source dit :
« Les parties prenantes doivent décider si elles souhaitent que
les déclarations des entreprises et du gouvernement d'accueil mis
à la disposition du public présentent des agrégats ou des
données ventilées. La décision définitive incombe
au gouvernement d'accueil1 ».
B. Légitimité et
illégitimité de la transparence des industries
extractives
Par-delà les significations nombreuses que l'on peut
reconnaître à la notion de légitimité, elle est
appréhendée dans ce propos comme le troisième socle du
modèle de stakeholders democracy. La trilogie weberienne de la
légitimité révèle qu'une chose est légitime
parce qu'elle sied. Ainsi, un leader est traditionnellement légitime
quand il est porteur d'onction successorale traditionnelle, un leader est
légitime sur le plan légal-rationnel quand les urnes lui en
confèrent la force et un homme est investi de légitimité
charismatique dès lors qu'il s'impose par son charisme. Vue sous cet
angle, la légitimité s'apparente à ce qui fait qu'une
chose ou une situation est acceptable. Ainsi, la transparence des industries
extractives devient légitime dès lors qu'elle est acceptable. Ce
qui conditionne son acceptabilité, c'est son caractère juste
selon l'esprit de la justice distributrice de Aristote. Cela suppose que, la
transparence qui est au coeur du processus doit convaincre par son
utilité éthique pour être validée comme
légitime. L'éthique devient la condition de
légitimité des acteurs et du processus. Ipso facto, le
regard sur la légitimité et l'exploration de quelques indicateurs
d'illégitimité recherchent les substrats éthiques qui
donnent sens et essence aux acteurs et au processus. En même temps, la
scrutation de la légitimité comme troisième moment de
l'analyse d'un déploiement éthique via la
démocratie offre l'occasion de s'interroger sur quelques actes qui
stressent le processus. En se penchant sur la légitimité des
acteurs et la légitimité matérielle de l'initiative en
tant que processus multi-acteurs, il s'agit de trouver un prétexte pour
examiner au fond en corollaire, les réticences à la transparence
comme éléments delégitimants du processus.
1. L'éthique légitimante
1 Action préconisée 20 (a) du Livre
Source. Cette disposition du Livre Source est révélatrice de la
préséance des Etats dans la mise en oeuvre de la transparence.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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Traditionnellement, lorsqu'on parle en démocratie de la
légitimité, il s'agit de s'interroger sur le caractère
juste de l'occupation du pouvoir par un ou quelques-uns. C'est le peuple qui
procure cette légitimité, quelle qu'en soit la forme prise. Le
lien au peuple constitue le lieu de procuration du sceptre de gouvernement. Il
peut s'agir d'un lien clientéliste, charismatique ou même
programmatique1, ce qui importe est l'acceptation comme
légitime du dépositaire ultime de l'autorité
étatique. Transposée sur l'initiative de transparence des
industries extractives, il s'agit de considérer ceux qui parlent au nom
de toute la communauté et même tout simplement, l'initiative qui
les regroupe, comme objets pouvant révéler quelque
légitimité. Dans le sillage de Karin Backstränd, l'on
considère que la légitimité constitue avec la
participation et la responsabilité des éléments
fondamentaux du modèle de stakeholders democracy. Mais
en amont, il convient de rappeler que ce propos sur les déterminants
démocratiques trouve sa justification dans le fait de penser que la
transparence des industries extractives est une mise en oeuvre de
l'éthique dans le cadre d'une mouvance naïve de
démocratisation.
La légitimité des acteurs impliqués dans
EITI est le produit de l'intérêt éthique. C'est
l'éthique qui leur octroie l'acceptation populaire dans leur
participation à l'initiative. L'Etat a une responsabilité
éthique vis-à-vis des populations. En fait, la faillite de
certains Etats2 a rendu normale la démission de ceux-ci de
leurs devoirs éthiques de redistribution, de justice,
d'équité et de paix. En même temps, l'institutionnalisation
de l'opacité pour des fins de perpétuation au pouvoir a rendu mal
approprié le discours sur la transparence laissant penser que les Etats
sont des réalités suspendues dans le vide, sans rapport avec les
populations. Le retour vers les valeurs d'humanité qui fondent l'Etat
moderne est donc la légitimation absolue de la présence de l'Etat
dans l'initiative. Outre le fait de devoir rendre des comptes, la conscience
éthique du rôle de l'Etat auprès de ses citoyens semble
plus que tout autre motif, informer la participation car, faut-il le rappeler,
l'Etat est souverain et s'il consent à rendre des comptes à ses
sujets, cela est moins une contrainte que l'acceptation d'une éthique
supérieure au fonctionnement de la société sous l'emprise
de la raison d'Etat. La conformité aux principes et critères de
EITI est donc de ce point de vue la quête d'une respectabilité
c'est-àdire un pilier soutenant la légitimité d'un Etat.
Par ricochet, EITI en tant qu'institution avérée,
1 Herbert Kitschelt « Linkages between citizens
and politicians in democratic polities » Comparative Political
Studies, vol. 33, n° 6/7, pp. 845-879, August/September 2000.
2 Lire William Zartman (ed.) Collapsed states. The
disintregration and restration of legitimate authority, Boulder, London:
Lynne Rienner, 1995.
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est un espace de relookage de l'image de l'Etat vis-à-vis
de ses sujets mais aussi à l'égard de la communauté
internationale.
Le virage éthique des firmes des industries extractives
qui sont des porte-fanions sinon l'image même du capitalisme peut
obéir à d'autres logiques, mais nul ne peut ignorer que
pardelà les visées, la façade est éthique. Quant
aux ONG, leur existence en tant qu'acteur repose sinon totalement, du moins
majoritairement sur leur présomption éthique. Pour exister et
être prises au sérieux, les organisations non gouvernementales
font prévaloir une certaine intimité avec les valeurs
éthiques d'humanité et de justice sociale. Le signe de cette
affinité élective entre les ONG et l'éthique est entre
autre la condition de leur émergence. Les grandes ONG comme on l'a vu,
ont émergé à la suite de crises humanitaires, qu'elles
soient le fait de la guerre ou des calamités naturelles. Les scandales
incriminant les ONG trouvent leur relief particulier sur cette essence et, que
celles-ci soient parties prenantes à l'initiative peut sembler
être le gage de la réussite et la garantie que le processus ne
sera point gauchisé. Comme on le voit, l'éthique est ce qui
procure aux acteurs impliqués dans l'initiative leur domaine de
pertinence et le quitus de la population.
Considérée comme un tout, la plateforme
institutionnelle qu'est EITI présente deux traits de caractère
proéminents. D'une part, elle est le lieu de la rencontre de plusieurs
acteurs qui interagissent, ce qui n'est envisageable que dans le cadre d'une
souveraineté relative. D'autre part, comme l'ensemble des espaces de
gouvernance qui ont vu le jour à la faveur de la mondialisation, elle
est légitime parce qu'elle poursuit un objectif éthique. Certains
cherchent à rendre réel l'impact de la vente des produits
forestiers, d'autres oeuvrent à mettre fin aux trafics des enfants, aux
conflits, à restaurer la paix et l'espérance. EITI quant à
elle, cherche à donner corps à la transparence pour que les
revenus des industries extractives deviennent profitables pour toute la
population. Autrement dit, la légitimité des acteurs est
individuelle et collective tout à la fois. Toutefois, l'élan
éthique et la bonne volonté qui sont traduits par le
déferlement des acteurs légitimés par le récit
éthique de leur engagement comporte des éléments
d'imperfection.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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2. Une mise en oeuvre imparfaite de l'initiative de
transparence des industries extractives
En même temps que l'on relève l'incapacité
de EITI à donner corps à la transparence des industries
extractives, c'est-à-dire à favoriser le triomphe total de
l'éthique, l'on souligne les limites du modèle de Karin
Backstränd. Le propos sur l'imparfaite mise en oeuvre de l'initiative suit
le sentier argumentatif emprunté lors de l'établissement d'un
lien éthique entre la transparence des industries extractives et la
démocratie. La participation révèle un exclusivisme de
nature à alimenter la poursuite de l'opacité comme jeu
institué. La rétribution à la suite de la cooptation
renforce les pouvoirs autoritaires1par opposition aux
démocraties. Le triangle actoriel dans la transparence des industries
extractives ne rend pas suffisamment compte de l'éventail large des
catégories affectées par l'opacité. Dès lors qu'on
valide l'idée d'une prise en compte de la multitude comme condition de
faisabilité de l'entreprise éthique, l'évidence logique du
biais de la transparence apparaît et, les dérives opacitaires et
sectaires de la communauté de transparence s'imposent comme faits.
Peut-on penser que le sort du peuple est mis en avant quand l'espace de
débat de leur destinée s'apparente à un espace bourgeois
habermassien ? La préoccupation morale qui confère à EITI
sa légitimité risque fort bien de se noyer dans les coupes de
champagnes qui sont légion dans les soirées de frasque, où
l'on parle de la misère des peuples en exaltant l'exubérance et
l'opulence des gens du haut. Peut-être la participation populaire qui
fait défaut explique-t-elle en partie l'impopularité de
l'initiative (si ce n'est sa méconnaissance totale) auprès des
peuples qui partagent l'immédiateté des zones minières et
pétrolières.
La responsabilité n'échappe pas à cette
culture de l'imperfection qui fait ombrage à la morale. Les rapports de
conciliation des chiffres et volumes qui constituent le point d'orgue d'un
processus d'ouverture des écluses de l'opacité, brillent par leur
frilosité dans le cadre d'une culture de l'atermoiement. Ils laissent
penser à la théorie éliassienne des
configurations2. C'est-à-dire, un jeu qui met en scène
des acteurs qui se caractérisent par les figures interdépendantes
et toujours changeantes qu'ils forment, de même que les actions et
relations réciproques qui les lient. De ce point de vue,
l'incomplétude des rapports de conciliation des chiffres et volumes est
une conséquence normale de cette configuration mouvante qu'est EITI. Le
fruit de l'interdépendance est observable dans les rapports selon
1 Beartriz Magaloni «Credible power sharing and
the longevity of authoritarian rule» Comparative Political
Studies, vol. 41, n°4/5, pp. 715-741, 2008.
2 Voir Norbert Elias (1991) Qu'est ce que la
sociologie ?, La Tour d'Aigues : Edition de l'Aube, notamment les pages
146-161.
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transparence des
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qu'ils sont l'issu d'un travail de groupe. En même
temps, les jeux de force au sein de ce groupe donnent naissance à des
rapports insatisfaisants pour certaines catégories (les ONG notamment)
qui les dénoncent systématiquement à l'occasion des
publications. Le caractère inaccompli des rapports de conciliation est
expliqué par les écarts constatés. Il existe un
écart acceptable (5%) qui peut se justifier par les fluctuations de la
monnaie de change et autres spécificités et technicités de
l'économie internationale1. Cependant, la chronique des
écarts extravagants s'écrirait avec les noms de sinon tous, du
moins la plupart des pays candidats ayant produit des rapports2.
L'on assiste à une prévalence du dilatoire qui laisse toujours
espérer que le prochain rapport sera meilleur et, l'on a l'impression
que cela participe du dessein de rendre infaisable la transparence totale. Un
autre stratagème est d'omettre d'intégrer soit certaines
compagnies, soit certains types de revenus pour les prendre en compte
progressivement3. Et, la position des organisations de la
société civile est énigmatique à ce propos.
Après chaque publication d'un rapport, elles publient un rapport dans
lequel elles fustigent l'absence de certaines déclarations, la non prise
en compte de certaines firmes dans la conciliation, espèrent que le
prochain rapport va y remédier, alors même que ladite
société civile a donné son quitus à la publication
du rapport auparavant.
Plus globalement, l'initiative de transparence des industries
extractives donne l'impression d'incomplétude. La réalité
d'une incarnation de la transparence se présente nuancée
dès lors
1 Les avis diffèrent sur la valeur de cet
écart. Après la publication du second rapport du Gabon le 5 avril
2007, l'on a noté un écart pour ce qui concerne les mines de
4.113.000 FCFA en raison de la quasi-virginité de l'exploitation
minière au Gabon en cette date. Cependant, l'écart
pétrolier était de 64.990.000 US $. Cela équivalait
à 3% des recettes de l'Etat Gabonais pour la période
considérée. Anton Mélard de Feuerdant du cabinet Ernst
& Young responsable de la conciliation des données au Gabon explique
que 5% d'écart sont acceptable et Marc Ona Essangui que nous avons
rencontré confirme que cet écart est acceptable car, poursuit-il,
l'écart zéro serait suspect. Certes, mais près de 65
millions de dollars n'est-ce pas beaucoup en terme d'écart ? Cet
écart peut-il être justifié uniquement par les fluctuations
du dollars et autres pareilles choses ?
2 Quelques écarts : Cameroun (2001-2004) :
3515,98 USD, Cameroun (2005) : 1370,54 USD. Ghana (2nd rapport
couvrant la période de Juillet à Décembre 2004) : l'Etat a
perçu 79, 230,121 Cedis de plus que ce qui a été
déclaré versé par les compagnies. Guinée : pour la
période 2005, l'Etat a perçu 7000 USD de plus que ce que
déclaraient les firmes. Mauritanie : Le second rapport couvrant la
période 2006 et publié le 31 juillet 2007 a
révélé une différence de 4678 000 USD de plus
perçus par l'Etat par rapport à ce qui a été
déclaré par les firmes dans le secteur pétrolier et 556
millions d'Ouguiyas de plus que ce qui a été
déclaré par les compagnies minières. Le rapport gabonais
de 2006 a révélé une différence de 5, 693 milliards
de FCFA entre ce qui a été déclaré par les
compagnies et ce que l'Etat gabonais a perçu.
3 Dans le second rapport EITI du Gabon, Total
Gabon, Total Participation et Shell Gabon n'ont pas remis à temps leurs
données certifiées par un commissaire aux comptes. Celles-ci
n'ont donc pas été prises en compte lors de la publication du
rapport. Au Cameroun, le premier rapport publié en novembre 2006 n'a
pris en compte que les compagnies suivantes : Total E&P Cameroun, Pecten
Cameroun, Perenco Cameroun, Exxon Mobil Cameroun et SNH fonctionnement. Le
second rapport quant à lui, publié en mars 2007, va
considérer en plus de ces sociétés, Euroil Ltd, Addax
Petroleum ; Noble; Turnberry Ressources INC; Tullow Cameroon LTD; Sterling
Cameroon LTD ; RSM Production Corporation ; Société Nationale de
Raffinage (SONARA). Par ailleurs, concernant les revenus pris en compte, le
premier rapport de la Mauritanie n'a pris en compte que les redevances
superficielles annuelles et les bonus. Dans le second, l'on y a ajouté
les taxes rémunératoires, la redevance annuelle unique et
d'autres dividendes versés à l'Etat.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
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qu'elle s'insère entre deux zones d'ombre. Sur le
spectre de l'activité extractive, EITI ignore les étapes de la
signature des contrats et de l'utilisation post-transparence. L'on pourrait
voir en l'initiative un projet rédhibitoire, un oripeau éthique
dont la mise en oeuvre totale, sincère et intégrale ne suffirait
pas à constituer un palier satisfaisant de l'éthique
démocratique. L'on peut faire le pari que la réussite du
processus de mise en oeuvre ne sera nullement synonyme de fin du paradoxe
d'abondance, de corruption etc. A titre d'illustration, le Cameroun
était en passe d'atteindre le statut de conformité de
l'initiative au début de l'année 2009, traduisant ainsi le
satisfecit du secrétariat international quant à la transparence
des industries extractives dans ce pays. Cela aurait été juste
car, le Cameroun remplit les quatre conditions requises à cet
effet1et s'ouvre donc le chemin de la validation. Le 21 janvier
2010, madame Emma Irwin du cabinet Synergy Global Consulting/ IDL
Group recrutée pour conduire le processus de validation de EITI au
Cameroun a présenté son rapport au comité national.
Malgré quelques remarques faites sur les entraves à la
transparence dans les industries extractives, le pays s'ouvre peut-être
la voie au statut de conformité lors du prochain conseil. Par ailleurs,
la réunion du Comité EITI de la Guinée Equatoriale tenue
le 30 janvier 2010 a permis le choix du cabinet Hart Nurse Limited
pour conduire le processus de validation dans ce pays qui prépare encore
son premier rapport par les soins du cabinet Deloitte.
Paragraphe II : L'incidence économique dans une
conception holistique de l'éthique : la transparence des industries
extractives dans la problématique du développement des
peuples
La souveraineté est relative. Telle est l'antienne qui
rythme ici la cérémonie non pas de requiem mais de
célébration de la mue d'un concept cardinal dans la science des
relations internationales. Cette relativité nous l'avons vu, est
perceptible au travers de l'affirmation de l'actorat multiple qu'illustre fort
bien l'actorité des firmes et des organisations non gouvernementales
lato sensu dans la mise en oeuvre de la transparence des industries
extractives, aux côtés des Etats seuls ou engagés dans
l'intergouvernementalisme. Cette relativité se lit également dans
la complexité des transactions qui s'opèrent entre ces acteurs
différents, dans les espaces de gouvernance que fabrique la
mondialisation où, l'irruption de
1 A savoir : avoir fait une déclaration
officielle d'adhésion aux principes EITI, avoir désigné
une haute personnalité du gouvernement pour conduire les
opérations de mise en oeuvre, avoir mis sur pied une équipe
multi-acteurs qui intègre l'Etat, les compagnies et la
société civile et avoir publié des rapports sous une forme
accessible. En même temps, il faut signaler que l'Azerbaïdjan qui
est le premier pays jugé conforme, ne dispose pas de comité de
mise en oeuvre au sens où l'entend le Livre Source et cela n'a pas
empêché qu'il soit admis au statut de conformité.
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l'individu est au centre des attentions dans une
révolution qui fait passer du monde statocentrique à un monde
homocentrique. Dans ces espaces de gouvernance, la règle est la
complexité et, l'irruption de l'individu est cause de l'arrivée
des sentiments, des états d'âme et des misères de l'homme
dans les agendas politiques mondiaux. Le chercheur en sciences sociales ne doit
pas être indifférent à la morale qui en est corollaire.
L'on assiste donc à un relatif renouveau paradigmatique qui associe
à ce réveil éthique favorisé par la mondialisation
et ses avatars, une cohabitation sereine et pacifique mais également
fructueuse et heuristique entre la morale et l'intérêt. Par
conséquent, le couple utopisme-réalisme gagne en pertinence.
Une fois que l'on a dit cela, le présent propos se
révèle comme la suite logique dans l'ordre ainsi esquissé,
d'un discours qui après avoir démontré l'affirmation de la
multiplicité des acteurs et dans la foulée la création des
espaces de gouvernances caractéristiques de la mondialisation et
caractérisés par la complexité des transactions, la
démocratie ayant été évoquée comme premier
élément de méga-éthique sociale de l'ordre du
politique, le développement s'invite donc comme le second
élément qui est lui, du domaine d'abord économique. Deux
mouvements rythment ce paragraphe. D'abord, le développement selon qu'il
est compromis par des pratiques d'opacité, et en cela, les conflits et
la corruption apparaissent comme les signes visibles de cette absence de
transparence dans les industries extractives (A). Ensuite, un examen de la
participation particulière de EITI dans ce qu'elle contribue à
redresser la barre en vue du développement des Etats c'est-à-dire
à la réalisation d'une mission morale, par le concours des
ressources propres des Etats et de façon participative (B).
A. Les effets d'un manque de transparence dans les
industries extractives
sur le développement des peuples ou la
négation d'une morale de la
transparence comme explication de l'absence de
développement
Il est urgent de sacrifier à un devoir : celui de dire
à l'abord que le développement est bel et bien une de ces
problématiques rattrapées par la mondialisation et la foule des
individus qui la portent. Peut-on légitimement et pertinemment parler de
développement aujourd'hui sans rendre raison de ce que son
accomplissement n'est plus du seul ressort des Etats mais que les organisations
non gouvernementales sont les mæstri apparents de la partition
du développement sur lequel elles fondent leur légitimité
et leur survie ? Comme indiqué plus haut, la mondialisation est
créatrice de trois faits : les espaces de gouvernance qui se
caractérisent par les transactions complexes en leur sein,
animées par un actorat multiple et
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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l'éveil de la conscience éthique facilité
par l'arrivée d'acteurs qui n'ont pas la froideur du Léviathan et
la responsabilisation de l'Etat. Le développement est un des sujets
débattus dans ces espaces. Et ce faisant, il est le reflet du projet
éthique qui a fini par emballer même les Etats et les firmes
extractives pourtant réputés par leurs comportements rationnels.
Le déficit de transparence a hypothéqué le
développement de plusieurs Etats. Dire que EITI est un signe du
développement autrement, c'est penser que les facteurs de la stagnation
du développement se dilueront devant l'ouverture des écluses de
la transparence. Faut-il rappeler que le discours sur le développement
dans cette section se justifie par l'écho du palier économique au
palier politique, et davantage par la conviction de l'existence de la morale
dans la politique mondiale1. Si l'on est convaincu de cette
présence de la morale, et si au surplus on concède à la
transparence des industries extractives quelque essence éthique, alors
son évocation ne porte pas les stigmates de la digression. D'autre part,
la logique qui préside à ce paragraphe est celle qui se fonde sur
la conviction que le sous-développement est en partie lié
à l'absence de transparence. EITI devient dès lors le signe d'une
autre option de développement. Il faut pour cela s'en
référer aux manifestations et autres signes visibles de l'absence
de transparence.
La déshumanisation paradoxale de la
société qui se construit autour du sacro-saint principe
d'individualisme, a donné lieu à l'insouciance de l'autre. Comme
le rappelle Daniel Bell : «L'idée fondamentale du modernisme, la
tendance répandue dans la civilisation occidentale depuis le XVIe
siècle est la suivante : l'unité de la société
n'est ni le groupe, ni la corporation, ni la tribu, ni la cité, mais
l'individu2 ». Cet état d'esprit fortement
incrusté dans les habitus, a fini par rendre insensible devant la
misère. La banalisation des pratiques de corruption et la vulgarisation
des conflits à l'ombre de l'opacité dans certains régimes
politiques sont la conséquence de cette individualisation poussée
de la vie. Elles sont également une cause du paradoxe d'abondance qui
exprime la négation de la morale de la transparence.
1 Comme le démontre Canto-Sperber, la morale
est présente et pour ce qui concerne la transparence, la morale quoique
ambiguë, est présente par le régime international des droits
de l'homme donc aussi, du droit au développement. Canto-Sperber, op.
cit. pp. 97-103.
2 Daniel Bell (1979) Les contradictions
culturelles du capitalisme, Paris, PUF, p. 26.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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Conflits
Corruption
Sous-
développement
Opacité/ manque de transparence
Figure 6 : le biais de la corruption et des conflits entre
l'opacité et le sous-développement.
Après des décennies de guerre civile, ne
pouvait-on pas s'attendre à une meilleure considération de la vie
de l'autre au Soudan et en Angola ? Et pourtant l'opacité dans les
industries extractives constitue un facteur potentiel de rechute dans la
spirale de la guerre et donc, une unième compromission des chances de
développement, malgré l'embellie qu'autorise les présences
notables des puissances en quête de matières premières.
Comme le révèle Global Witness1 pour le cas du Soudan,
l'absence de transparence dans le partage des revenus de l'exploitation du
pétrole entre les deux parties du pays est un facteur potentiel de
résurgence de la guerre. En effet, conformément à l'accord
de paix intégrale de Naivasha (Kenya) de janvier 2005, et
précisément au protocole de partage des revenus signés le
7 janvier 2004, les revenus du pétrole doivent être
partagés entre Khartoum et Juba. C'est parce qu'en partie, la guerre
civile antérieure était nourrie par le greed que
suscitent les énormes réserves pétrolières qui sont
pour la plupart situées dans le sud Soudan2. L'absence de
transparence va peut-être entraîner une recrudescence de la
conflictualité qui obère les efforts de développement. Le
postulat de la paix positive ne reçoit pas ici les faveurs des acteurs
qui mettent en avant leurs intérêts immédiats. Le
binôme opacité-conflit comporte donc un domaine de pertinence qui
s'amplifie au gré des cas de figure.
La longue guerre civile angolaise a indubitablement
été alimentée par les énormes ressources
pétrolières et diamantifères du sous-sol de ce pays.
L'absence de transparence a rendu possible l'usage à des fins
guerrières, des revenus qui ont ipso facto, manqué de
servir au développement du pays. La guerre civile congolaise de 1997,
provoquée entre autre par la
1 Voir «Fueling the mistrust. The need for
transparency in Sudan oil industry» Global Witness Report,
September 2009.
2 Une semaine après la publication de ce
rapport, le gouvernement de Khartoum à invité Global Witness
à travailler avec lui dans le sens d'une gestion plus transparente
desdits revenus. C'est peut-être le signe que conscient de
l'inévitabilité de la guerre dans des conditions
d'opacité, Khartoum souhaite dissiper la méfiance en s'ouvrant
à un degré de transparence.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 236 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
collusion entre les firmes et le pouvoir politique de
Brazzaville, démontra également que l'opacité dans la
gestion des revenus du pétrole donne les moyens de s'armer et de
soutenir l'effort de guerre. Même la fameuse loi 001/99 du Tchad qui a
souvent été vantée pour son caractère pionnier dans
la volonté de gérer avec transparence les revenus du
pétrole en Afrique, a cédé devant la tentation de
l'armement comme condition pour faire face à la conflictualité.
Les attaques multiples des rebelles depuis le Soudan, dans la perspective
justement de contrôler la manne pétrolière, ont
causé en 2005 une révision de cette loi, la rendant moins
transparente et en partie détournée des ambitions originelles,
afin de soutenir l'effort de guerre. Au surplus, la violence par le fait des
industries extractives n'est pas uniquement le corollaire des conflits
provoqués et entretenus par la manne qu'elles génèrent.
Une autre forme de violence est lisible au travers de la complicité
entre les Etats et les firmes dans la violation des droits de l'homme. Cette
fois-ci, il s'agit d'une violence d'Etat en direction des civils. Ainsi, Total
et Chevron ont-elles été accusées par l'ONG
américaine Earth Rights International en septembre
20091, d'être en même temps que la caution
financière, mais également des alliées de la junte birmane
dans les violations de droits de l'homme qui sont reprochées à ce
régime, concernant précisément le projet gazier de Yadana.
Avec 4,83 milliards de dollars dans des comptes des banques singapouriennes,
notamment l'Overseas Chinese Banking Corporation (OCBC) et le groupe
DBS, les sanctions internationales et autres embargos n'ont qu'un effet
résiduel sur le régime. Les violations directes des droits par
les travaux forcés imposés aux populations riveraines et le
caractère douteux de l'étude d'impact environnemental et social
réalisée par l'organisation américaine CDA sont une
négation des droits primordiaux de l'homme, mais constituent
également un frein au développement du pays. En bref, l'absence
de transparence apparaît comme un facteur de sous-développement,
par le truchement des conflits qu'elle favorise.
La corruption est l'autre élément justificatif
du sous-développement, et qui a les faveurs de l'opacité. Le
choix de ces deux éléments à savoir les conflits et la
corruption est arbitraire, et vise à établir le lien entre
l'opacité et l'absence de développement comme corollaire du rejet
de la transparence par certains Etats. Ce qui concoure à
démontrer la relation entre la transparence des industries extractives
et le développement. Il faut cependant retenir de la corruption dans ce
cadre, un sens large dans la logique de ce que Jean-Pierre Olivier de
1 «Total impact: The human rights, environmental,
and financial impacts of Total and Chevron's Yadana gas project in
military-ruled Burma (Myanmar)», A report by Earth Rights
International, September 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 237 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Sardan1appelle le « complexe de corruption
» c'est-à-dire : « la corruption, le délit
d'ingérence, les détournements de fonds, le népotisme, les
abus de pouvoir, les malversations diverses, le délit d'initié,
la prévarication, le trafic d'influence et les abus de biens sociaux
». Certains des palliers de cette perception de la corruption impliquent
l'installation ou le positionnement des membres de la famille et des
cronies à la tête des institutions qui gèrent les
revenus des industries extractives ou simplement les mouvement des ressources
du soussol. L'on pourrait ainsi comprendre la confiscation des revenus de la
Guinée Equatoriale par le clan Obiang/Mongomo telle que
dénoncée par l'APDHE ou les ONG Transparency International et le
CCFD2 comme des cas de corruption partiellement explicatifs de
l'absence de développement.
De même, des cas tels que la présence de
Christelle Sassou Nguesso à la tête de la Congolaise de Trading
(COTRADE) qui est une filiale de la SNPC, la possession d'actions dans la
Sociedade de Hydrocarbonetos de Angola (SHA) par des proches du
président Dos Santos relèvent du népotisme et du
favoritisme qu'autorisent l'opacité et compromettent le
développement des pays. En effet, la SHA est sous le contrôle de
la SONANGOL. Cependant,
M. Manuel Domingos Vicente directeur de la seconde, est
actionnaire de la première. De plus, des proches du président Dos
Santos tels que le général Manuel Vieira Helder Dias Jr.
(conseiller militaire du président), José Pedro de Morais Jr.
(ministre des finances en 2007) et Leopoldino Fragoso do Nasciemento (ancien
membre du gouvernement) sont actionnaires de la SONANGOL3. Dans ces
conditions, il est difficile de promouvoir la transparence. C'est en partie ce
qui a poussé la Banque Mondiale à demander une plus grande
transparence dans la gestion de la SONAGOL en début octobre
20074. Car, en 2006, le pays produisait 1,5 millions de barils par
jour, cette production devrait passer à 2 millions de barils par jour en
2008 et à 2,6 millions de barils par jour en 2011. En 2006, l'Angola a
gagné plus de 30 milliards de dollars grâce à ses
exportations de pétrole cependant, selon les rapports de la Banque
Mondiale, 70% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, la
majorité de ses
1 De Sardan J.P.O. « L'économie morale de
la corruption en Afrique » Politique africaine n° 63,
octobre 1996 p.16.
2 Le 23 septembre 2009, le président Obiang
Nguema a intenté une action en justice contre le CCFD et Transparency
International pour diffamation dans le cadre de l'affaire dite des « Biens
mal acquis ».
3 «Angola: private oil firm has shareholders with
same names as top government officials », Global Witness media briefing, 4
August 2009.
4 Jeune Afrique n°2440 du 14 au 20
octobre 2007, p.7.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
habitants n'a pas accès aux soins médicaux les plus
élémentaires et près d'un enfant sur quatre meurt avant
son cinquième anniversaire1.
La réalité de la corruption est palpable aussi
dans certains procès ou dénonciation de la pratique par certains
Etats. Même si certaines puissances restent muettes devant les actes de
corruption, quoique certaines dénonciations portent des colorations
utilitaires, l'on peut de façon prosaïque, penser que la
dénonciation est la reconnaissance de l'existence du fait et d'ailleurs,
les institutions de Bretton Woods estiment que la corruption est l'explication
première de l'absence de développement dans ces pays riches en
ressources naturelles. Ceteris paribus, la convocation de M.
Christophe de Margerie le 21 mars 2007 par les policiers de la brigade de la
répression de la délinquance économique de Paris, et sa
mise en examen pour « corruption et abus de biens sociaux » par le
juge Courroye est un procès contre la corruption. En effet, lors de la
signature en 1997 du contrat pour l'exploitation du champ gazier South Pars en
Iran, Total, Gazprom et Petronas auraient versé environ 60 millions
d'euros aux dirigeants iraniens. Christophe de Margerie qui était
à l'époque des faits directeur général
Moyen-Orient, aurait participé à cet acte de corruption. L'on
pourrait également évoquer l'enquête judiciaire dont fit
l'objet la compagnie australienne Woodside pour corruption en 2007. M. Chriss
Elisson alors ministre australien de la justice a engagé cette
procédure contre Woodside, à qui il était reproché
« d'avoir versé des pots-de-vin et de l'argent liquide à des
responsables mauritaniens en échange d'avantages qui lui ont
été accordés dans les contrats de partage de production
pétrolière et d'autres marchés douteux2 ».
Manifestement, les cas de corruption dans les industries extractives sont
légion. L'intérêt en fait réside dans leur potentiel
explicatif de l'absence de développement et de la prévalence du
paradoxe d'abondance. Car, si les débats sur les causes de la permanence
de la pauvreté dans des Etats aux sous-sols munificents se prolongent
indéfiniment, l'on peut prendre au sérieux la corruption et les
conflits dans ces joutes argumentaires. Et donc, penser que la
réalité de la pauvreté comme corollaire de l'absence de
transparence dans les industries extractives est palpable dans les
données macroéconomiques des Etats membres de EITI.
1 Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars
2007, p. 42
2 Jeune Afrique n°2422 du 10 au 16 juin
2007, p.84.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 239 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 13 : les indicateurs du développement
humain dans les pays mettant en oeuvre EITI en juillet 2009.
pays
|
Habitants
|
% de mortalité
|
Esp. De vie
|
%
alpha b.
|
%de mort. infantile
|
%de chôma ge
|
%de croissan ce
|
Dette publique
|
Pop. Sous le seuil de pauvreté
|
Albanie
|
3.639.453
|
5,44/1000
|
77,96
|
98,7
|
57,22/1000
|
12,5%
|
6,1%
|
51,2% du
|
25%
|
|
|
|
|
%
|
|
(2008)
|
|
PIB
|
|
Azerbaï
|
8.238.672
|
8,32/1000
|
66,66
|
98,8
|
54,6/1000
|
0,8%
|
11,6%
|
(5,2% du
|
24%
|
djan
|
|
|
|
%
|
|
(2008)
|
(2008)
|
PIB)
|
(2005)
|
Burkin
|
15.746.23
|
13,5/1000
|
52,95
|
21,8
|
84,49/1000
|
77%
|
4,5%
|
ND
|
46,4%
|
a Faso
|
2
|
(2008)
|
|
%
|
|
(2004)
|
|
|
(2004)
|
Camero
|
18.879.30
|
12,45/1000
|
53,69
|
67,9
|
63,34/1000
|
30%
|
3,9%
|
11,9%du
|
48%
|
un
|
1
|
(2008)
|
|
%
|
|
(2008)
|
(2008)
|
PIB
|
(2000)
|
Congo
|
4.012.809
|
12,28/1000
|
54,15
|
83,8
|
79,78/1000
|
ND
|
8,1%
|
ND
|
ND
|
|
|
(2008)
|
|
%
|
|
|
(2008)
|
|
|
Côte
|
20.617.06
|
11,17/1000
|
55,45
|
48,7%
|
68,06/1000
|
40-45%
|
2,7%
|
58,3% du
|
42%
|
d'Ivoire
|
8
|
(2008)
|
|
|
|
Avec la
|
(2008)
|
PIB
|
(2006)
|
|
|
|
|
|
|
guerre
|
|
|
|
Gabon
|
1.514.993
|
12,59/1000
|
53,11
|
63,2%
|
51,78/1000
|
21%
|
3,6%
|
26,3% du
|
ND
|
|
|
(2008)
|
|
|
|
(2006)
|
(2008)
|
PIB
|
|
Ghana
|
23.832.49
|
9,39/1000
|
59,85
|
57,9%
|
51,09/1000
|
11%
|
6,3%
|
66% du
|
28,5%
|
|
5
|
(2009)
|
|
|
|
(2000)
|
|
PIB
|
(2007)
|
Guinée
|
10.057.97
|
11,29/1000
|
57,09
|
29,5%
|
65,22/1000
|
ND
|
29%
|
ND
|
47%
|
|
5
|
(2008)
|
|
|
|
|
(2008)
|
|
(2008)
|
|
(Juillet
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Guinée
|
633.441
|
9,72/1000
|
61,61
|
87%
|
81,58/1000
|
30%
|
11,2%
|
9,3% du
|
ND
|
Equator
|
(juillet
|
(2008)
|
|
|
|
(1998)
|
(2008)
|
PIB
|
|
iale
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Kazakh
|
15.399.43
|
9,39/1000
|
67,87
|
99,5%
|
25,73/1000
|
6,9%
|
3%
|
9,1% du
|
13,8%
|
stan
|
7
|
(2008)
|
|
|
|
(2008)
|
(2008)
|
PIB
|
(2007)
|
|
(Juillet
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Kirghizs
|
5.431.747
|
6,97/1000
|
69,43
|
98,7%
|
31,26/1000
|
18%
|
6%
|
ND
|
40%
|
tan
|
(Juillet
|
(2008)
|
|
|
|
(2004)
|
(2008)
|
|
(2008)
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Libéria
|
3.441.790
|
21,45/1000
|
62,89
|
68,9%
|
138,24/100
|
85%
|
7,5%
|
ND
|
80%
|
|
(juillet
|
(2008)
|
|
|
0
|
(2003)
|
(2008)
|
|
(2000)
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Madaga
|
20.653.55
|
8,32/1000
|
62,89
|
68,9%
|
84,2/1000
|
ND
|
7%
|
ND
|
50%
|
scar
|
6
|
(2008)
|
|
|
|
|
(2008)
|
|
|
|
(juillet
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Mali
|
12.666.98
|
16,16/1000
|
50,35
|
46,44
|
102,05/100
|
30%
|
4,2%
|
ND
|
36,1%(2
|
|
7
|
(2008)
|
|
%
|
0
|
|
(2008)
|
|
005)
|
|
(juillet
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Maurita
|
3.129.486
|
11,61/1000
|
60,37
|
51,2%
|
63,42/1000
|
30%
|
3,5%
|
ND
|
40%
|
nie
|
(juillet
|
(2008)
|
|
|
|
(2008)
|
(2008)
|
|
(2004)
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Mongoli e
|
ND
|
ND
|
ND
|
ND
|
ND
|
ND
|
ND
|
ND
|
ND
|
Mozam
|
21.669.27
|
20,29/1000(
|
41,18
|
47,8%
|
105,8/1000
|
21%
|
6,5%
|
21,4% du
|
70%(20
|
bique
|
9
|
2008)
|
|
|
|
(1997)
|
(2005)
|
PIB
|
01)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(2008)
|
|
Niger
|
15,306.25
|
20,26/1000
|
52,6
|
28,7%
|
116,66/100
|
ND
|
5,9%
|
ND
|
63%
|
|
2
|
(2008)
|
|
|
0
|
|
(2008)
|
|
(1993)
|
Nigeria
|
142.229.0
|
16,88/1000
|
46,94
|
68%
|
94,35/1000
|
4,9%
|
6,1%
|
12,2%
|
70%
|
|
90
|
(2008)
|
|
|
|
(2007)
|
(2008)
|
du PIB
|
(20
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(2008)
|
07)
|
Norvège
|
4.660.539
|
9,33/1000
|
79,95
|
100%
|
3,58/100
|
2,6%
|
1,8%
|
52% du
|
ND
|
|
|
(2008)
|
|
|
0
|
(2008)
|
(2008)
|
PIB
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(2007)
|
|
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 240 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Pérou
|
29.546.96 3
|
6,16/1000
(2008)
|
70,74
|
92,9%
|
28,62/10 00
|
8,4%
(2008)
|
9,2%
(2008)
|
24,1% du PIB (2008)
|
44,5% (2006)
|
RCA
|
4.511.488
|
18,04/1000
(2008)
|
44,47
|
48,6%
|
80,62/1000
|
8%
(2001)
|
3,5%
(2005)
|
ND
|
ND
|
RDC
|
68.692.5
|
11,88/1000
|
54,3
|
67,2%
|
81,21/1000
|
ND
|
8%
|
ND
|
ND
|
|
42
|
(2008)
|
6
|
|
|
|
|
|
|
Sao
|
212.679
|
5,98/1000
|
68,32
|
84,9%
|
37,12/1000
|
ND
|
5,5%
|
ND
|
54%
|
Tomé
|
(juillet
|
(2008)
|
|
|
|
|
|
|
(2004)
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Sierra
|
6.440.053
|
22,26/1000
|
41,24
|
35,1%
|
154,43/1000
|
ND
|
6%
|
ND
|
70,2%
|
Leone
|
(juillet
|
(2008)
|
|
|
|
|
(2008)
|
|
(2004)
|
|
2009)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Tanzani
|
41.048.53
|
12,92/1000
|
52,01
|
69,4%
|
69,28/1000
|
ND
|
7,1%
|
22% du
|
36%
|
e
|
2
|
(2009)
|
|
|
|
|
(2008)
|
PIB
|
|
Tchad
|
10.329.20
|
16,39/1000
|
47,7
|
25,7%
|
98,69/1000
|
ND
|
1,7%
|
ND
|
80%
|
|
8
|
(2008)
|
|
|
|
|
(2008)
|
|
(2001)
|
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(Juillet
|
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2008)
|
|
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|
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|
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|
Timor
|
1.131.612
|
6,02/1000
|
67,27
|
58,6%
|
40,65/1000
|
20%
|
4,7%
|
ND
|
42%
|
Leste
|
|
(2008)
|
|
|
|
(2006)
|
(2008)
|
|
(2003)
|
Yémen
|
23.822.78
|
7,83/1000
|
63,7
|
50,2%
|
54,7/1000
|
35%
|
3,2%
|
31,8%
|
45,2%
|
|
3
|
(2008)
|
|
|
|
(2003)
|
(2008)
|
du PIB
|
(2003)
|
|
(juillet
|
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(2008)
|
|
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2009)
|
|
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|
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|
|
Zambie
|
11.862.74
|
21,35/1000
|
38,63
|
80,6%
|
101,2/1000
|
50%
|
5,8%
|
25,7%
|
86%
|
|
0
|
(2008)
|
|
|
|
(2000)
|
(2008)
|
du PIB
|
(1993)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(2008)
|
|
Source : conçu à partir des
données recueillies dans le site de la CIA
www.cia.state.gov
Le tableau ci-dessus illustre bien que la pauvreté est
une réalité et peut-être plus étonnamment, le signe
du paradoxe d'abondance dans des Etats qui pourtant très riches en
ressources naturelles, possèdent ces indicateurs alarmants du
sous-développement. Certains pays tels que le Tchad, la Zambie, la
Sierra Léone et le Nigeria ont plus de 70% de leurs populations vivant
sous le seuil de pauvreté. Les taux de mortalité infantile sont
très alarmants, et il existe des taux de chômage qui atteignent
parfois 85% pour le Libéria en 2003 et 77% pour le Burkina Faso en 2004.
Un regard attentif porté sur ces données informe sur le
degré d'absence de développement dans les pays mettant en oeuvre
la transparence des industries extractives. L'on ne saurait oublier que la
plupart de ces pays ne disposent ni de la technologie appropriée pour
l'exploitation des ressources dont ils regorgent, ni des capitaux requis et
donc, sont dépendants des pays industrialisés.
L'impérialisme moderne y trouve des éléments de sa mue en
impérialisme post-moderne. En effet, comme le souligne Ankie
Hookvelt1, la mutation de l'impérialisme se fait par
l'entremise des acteurs privés de type ONG et firmes, qui contribuent
à perpétuer la domination du centre sur la
périphérie. Ce phénomène qui vide certains Etats de
leur souveraineté tout en renforçant celle des autres, est
créateur de sous-développement en tant qu'injustice induite par
la quête de puissance des
1 Ankie Hookvelt «Globalization and post-modern
imperialism » Globalizations, vol. 3, n°2, pp. 159-174
(2006).
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 241 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Etats. Au sein des Etats EITI, l'on ne peut ignorer
l'existence d'une différence de classes quelques fois très
marquée, qui dramatise l'inégalité de
bénéfice des revenus des industries extractives. EITI porte donc
des germes d'un développement qui se nourrit au creuset de la
transparence dans la gestion des revenus des industries extractives.
B. L'initiative de transparence des industries
extractives : un espace de gouvernance pour un développement
repensé.
Le rappel des objectifs du lancement de l'initiative de
transparence des industries extractives peut paraître superflu, au vue du
temps et de l'espace consacrés à la démonstration des
fortunes relativisées de la souveraineté dans cet espace de
gouvernance. Cependant, pareil préalable tire son importance de la
nécessité de ne pas suspendre dans un vide idéel, le
propos visant à dire l'intimité entre le développement, le
réveil de la conscience éthique répandue dans l'ère
de la mondialisation et EITI. Que l'on se souvienne que parmi les
problématiques qui ont rendu impérative une telle initiative,
figure le sous-développement. Le paradoxe de l'abondance a suffisamment
déjoué les pronostics des planificateurs du développement
et les entrepreneurs de l'aide, pour que la solution fut imaginée comme
résidant dans l'amont de la chaîne de production des ressources.
Ainsi, l'indisponibilité des ressources propres des Etats
sous-développés qui paradoxalement sont des pourvoyeurs mondiaux
de matières premières pour bon nombre d'entre eux, explique que
l'exclamation ait viré à l'interrogation. Que faire pour
développer le monde ? Il va sans dire que cette question est
éminemment éthique dès lors que l'on considère que
développer c'est procurer du pain, des soins, de l'éducation, de
la sécurité, de la commodité de vie à sinon tous,
du moins à la majorité de la population du monde. Parce qu'elle
répond à cette question, EITI est donc sur le plan
économique une initiative éthique. Quand on a dit cela, il reste
à démontrer ce que cette initiative éthique apporte de
nouveaux dans les schèmes de développement, après
l'échec devenu quasi-naturel des politiques pensées de
l'extérieur.
De même, l'inefficacité quelques fois
relevée des plans d'aide conçus de l'extérieur et
financés de l'extérieur mais surtout, leur «
inadaptabilité » qui se donne à voir quelque fois dans leur
inefficacité, rendrait pertinent le slogan du développement
autrement1. Peut-être estil temps de mettre fin à
l'ingénierie du développement qui procure des plans
pré-faits dans l'optique de les appliquer dans les horizons autres. Pour
ces raisons et parce que la conviction
1 Cristina Rojas, art. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
que la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des
industries extractives est d'abord et aussi une oeuvre éthique, ce
propos se greffe autour de l'idée que EITI est avec d'autres espaces de
gouvernance, le lieu de la reconsidération des schémas de
développement. Ce, pour dire que comme la démocratie, le
développement est une problématique éthique telle qu'en
impose la mondialisation et il s'agit de problématiques qui sont
spécifiques par la multi-actorité qu'elles affirment, par les
transactions multiples et complexes qu'elles favorisent et par l'impossible
discrimination des questions éthiques qu'elles induisent. In
fine, le développement tout comme la démocratie est une
problématique éthique qui permet de se rendre à
l'évidence que la souveraineté s'est transformée, elle se
préoccupe au passage du sort de l'humanité en se
dépouillant de son goût très poussé pour la
puissance.
L'initiative permet à l'Etat de disposer des ressources
de son développement. La dispersion des revenus issus des industries
extractives dans les multiples couloirs de la corruption et leur gaspillage
dans les conflits armés ont constitué un frein au
décollage économique des Etats. La réussite de
l'initiative aurait le mérite de procurer désormais aux pays en
développement les moyens de leurs industrialisations. D'ailleurs
à ce propos, l'initiative PPTE a démontré la
capacité des Etats à disposer des fonds. Fait étonnant
cependant, le développement des Etats pauvres s'est souvent
appuyé sur des fonds escomptés de l'aide extérieur. Or,
tous les Etats candidats à EITI ont en partage d'abriter d'immenses
richesses extractives. C'est la condition sine qua non de leur
appartenance à l'initiative. Selon les données de EITI
présentes sur le site de l'initiative1, au Gabon 60% des
revenus proviennent des hydrocarbures qui constituent 80% des exportations du
pays et 45% du PIB. Au Ghana, l'or compte pour 34% des exportations du pays et
12% du PIB. En Guinée, la bauxite et l'aluminium représentent 18%
des revenus, 94% des exportations et 20% du PIB. Au Kazakhstan les
hydrocarbures représentent 21% des revenus, 50% des exportations et 22%
du PIB. En Mauritanie, le fer apporte 11% des revenus, constitue 50% des
exportations et 18% du PIB. En Mongolie, les ressources extractives
représentent 46% des exportations et 24% du PIB tandis que le Nigeria
tire 77% de ses revenus des hydrocarbures qui constituent 96% des exportations
et 44% du PIB du pays... De plus, si l'on considère les recettes
déclarées par les Etats au titre des rapports de conciliation des
chiffres et volumes tels qu'exigés par la mise en oeuvre de EITI, l'on
se rend à l'évidence que les ressources endogènes aux
Etats en développement sont de nature à favoriser un
développement auto-centré. Le rapport de conciliation du
Cameroun
1 Voir
www.eitransparency.org
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
pour l'année 2004 révèle que le
gouvernement a perçu de la part des compagnies pétrolières
en cette année 203.483,54$. Le Gabon au cours de la même
année aurait récolté 1.805.653$1. Le rapport de
conciliation du Libéria publié en février 2009
révèle que l'Etat a perçu 29.443.339 $ en 2008 au titre de
l'exploitation des ressources extractives et forestières2. Le
survol des revenus déclarés de l'exploitation des richesses du
sol et du sous-sol montre un flux important de revenus. En prenant pour vrais
ces chiffres, c'est-à-dire en minorant le fait de la rémanence de
l'opacité que traduisent les écarts constatés entre les
déclarations de paiement des compagnies et les déclarations de
recettes des Etats, l'on peut penser que la présence de ces ressources
ayant une histoire antérieure à EITI, le fait novateur est que de
par son but, l'initiative permet de rendre disponibles les revenus comme
condition nécessaire au projet de développement. Il s'agit de
penser en réalité que, la portée éthique de EITI se
laisse voir aussi dans son originalité par le fait de vouloir le
bien-être des peuples, et de les y associer par ce premier niveau
c'est-à-dire l'usage de leurs ressources propres. C'est un premier coup
porté au messianisme et à l'illusion d'un développement
exogène portée par la négligence de la
realpolitik des Etats qui ont fini par installer le syndrome du mal
développement comme une pandémie incurable. Par ce premier fait,
EITI est l'occasion d'un autre développement. La responsabilité
internationale n'est pas écartée, mais elle vient en renfort
à un effort entrepris par les acteurs concernés au premier
chef.
Ensuite, le caractère multi-acteurs de l'initiative
sonne le glas des politiques de développement conçues et
portées par les institutions gouvernementales ou intergouvernementales
uniquement. Si l'on considère que nul ne peut planifier le
développement sans en avoir les moyens, alors l'initiative selon qu'elle
est quête de sécurisation des ressources du développement
des Etats, parce qu'elle sacralise l'actorat multiple à tous les moments
de sa mise en oeuvre, promeut un développement participatif. Par le jeu
des représentations et de la responsabilité, ce sont les voix de
l'ensemble de la population mais surtout celle des oubliés de la
mondialisation qui sont portées en écho. Ce faisant, le
développement devient une affaire de tous car les incidences de son
absence sont totales. L'on peut penser que l'implication de tous les membres de
la communauté de la transparence dans la quête du
développement est également un gage de réussite.
L'étroitesse des canaux d'aide au développement a
été un facteur de distraction des fonds d'aide. Si la
1 Voir le rapport de l'expert indépendant EITI
2005 pour le Gabon.
2 Il faut dire que le Liberia est le premier pays
à avoir effectivement incorporé les revenus de l'exploitation
forestière dans le processus EITI.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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transparence sécurise les avoirs propres d'un Etat, il
faut prendre au sérieux le rôle de la multi-actorité dans
la pensée d'un développement endogène. En somme, EITI est
une initiative éthique parce qu'au plan du développement, elle
recherche d'une manière originale et différente, la
commodité de vie des populations.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Chapitre 4: Vers l'« éthique de la
conviction responsable » dans la structuration de
l'interaction au sein
de l'EITI : l'exaltation du paradigme de l'intérêt ou la
transparence
spécieuse
Les relations sociales sont caractérisées par la
prévalence des rationalités différentes qui
privilégient les intérêts des acteurs. Cette
réalité qui a justifié la conviction d'un pessimisme
anthropologique chez Machiavel est un des éléments transversaux
de l'humanité, au-delà des siècles et de leurs
spécificités. Il s'agit manifestement d'un trait de
l'ipséité humaine ab homini condita et dont la
rémanence a partie liée avec l'instinct de l'avoir
perpétuel. A l'échelle des groupes sociaux, la transposition des
comportementalités idiosyncrasiques n'a pas manqué de peindre les
interactions de la couleur des « valeurs » propres aux hominiens.
Rien d'étonnant donc que les interactions sociales soient utilitaires.
La transparence des industries extractives est un espace témoin de la
communautarisation des efforts des groupes sociaux essentiellement
différents de par leurs visées, leur ontologie et leurs
visées téléologiques. A l'instant de l'observation des
transactions qui prévalent entre les trois angles de la triangulaire
complexe autour de la transparence des industries extractives, deux
éléments d'apparence incompatibles vont servir de gouvernail pour
aider à la préservation de la cohérence de cette
étude. L'intérêt et la morale constituent par l'illusion de
leur opposition quintessencielle, la souche de ce chapitre qui met en
scène la place de la morale dans la formation des intérêts
des acteurs1. C'est la consécration de la
réalité d'une « éthique de la responsabilité
convaincue » ou d'une « éthique de la conviction responsable
».
Ce chapitre est bâti autour de l'idée de
l'existence d'une multitude de transactions complexes entre les Etats, les ONG
et les industries extractives, transactions rythmées par la recherche de
l'intérêt par-delà le discours qui frise la promotion de la
norme morale de la transparence. Aussi, l'Etat sera le maître du jeu
(section I), essayant avec plus ou moins de succès de diriger en sa
faveur les interactions avec les deux autres acteurs mais aussi avec ses
alter ego ; les acteurs privés seront examinés dans les
transactions dont elles structurent également la dramatisation en tant
qu'acteurs rationnels (section II).
1 Ariel Colonomos, La morale dans les relations
internationales, op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Section 1 : « L'Etat n'a pas d'ami... »
: Une lecture statocentrée de l'initiative de transparence des
industries extractives
Une vingtaine de pays africains mettent en oeuvre les
principes de l'initiative aux côtés d'Etats asiatiques,
latino-américains et européen. A quoi se rapporte dans ce cas
l'examen de la structuration par l'Etat des liens utilitaires dans cette
initiative ? Le préalable de la mêmété de sens de
l'Etat est-il établi ? Deux devoirs méritent d'être
sacrifiés, avant tout propos en profondeur tendant à
démontrer la prévalence de l'intérêt dans cette
section. Primo facie, faire la reddition de compte de l'impertinence
du nominalisme dans la manipulation du concept « Etat ».
Secundo, procéder à la réhabilitation de
l'Afrique comme objet pertinent et équivalent aux autres blocs
régionaux dans la science des relations internationales. Le premier
devoir est lésé en raison du trop grand index mis sur lui dans la
partie consacrée à la démonstration de la qualité
d'acteur de l'Etat. Quant au second, il mérite une attention soutenue.
La réhabilitation de l'Afrique mérite attention en raison du
nombre de ses Etats parties-prenantes à l'Initiative, et par la
caractère caduc que revêtirait une étude des relations
internationales qui porte sur un continent longtemps méconnu par la
théorie des relations internationales dont nous avons fait l'option
d'usage, le réalisme notamment1.
En posant comme postulat que l'Afrique est désormais
équivalente aux autres blocs régionaux dans la théorie des
relations internationales, en présumant sur la base de cette
équivalence que l'Asie et l'Amérique latine sont pareillement
considérées par la théorie, l'on peut donc pertinemment
examiner l'interpénétration des systèmes étatiques
(paragraphe I) au sein de EITI, dans l'optique d'une quête de
l'intérêt avant d'envisager l'instrumentalisation par l'Etat des
acteurs privés dans le même but (paragraphe II).
Paragraphe I : Le sacre de l'intérêt ou le
scepticisme éthique : le fondement utilitaire du lien
interétatique dans la transparence des industries
extractives.
L'un des espaces de divergence entre Raymond Aron et Hans
Morgenthau à savoir le point central du réalisme qui est la
puissance pour le premier et l'intérêt national pour le second,
n'abrase pas le développement d'une pensée autour de
l'idée que la transaction entre les Etats dans l'initiative est nourrie
par la quête de l'intérêt ou de la puissance. D'ailleurs,
les deux
1 A ce sujet lire Sindjoun L. « L'Afrique dans
la science des Relations Internationales : notes introductives et provisoires
pour une sociologie de la connaissance internationaliste » Revue
africaine de sociologie, vol.3, n°2, pp. 142-167, 1999.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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sont interchangeables et, le débat sur la formulation
lexicale du motif utilitaire qui met en branle les Etats ne peut que distraire
de l'essentiel. Le parti pris weberien dans ce paragraphe se justifie par la
conviction que l'Etat entre en interaction avec ses pairs dans la politique
internationale, dans le but de maximiser sa puissance ou l'intérêt
national. Cela dit, à l'image des sceptiques tels que Hans Morgenthau et
Thomas Hobbes, l'on considère que la transparence des industries
extractives vise prioritairement la poursuite des intérêts pour
les deux catégories d'Etat qui y sont impliquées. Dans cette
perspective, l'économie est considérée comme un facteur de
puissance au service des Etats1. Ce d'autant plus que, la norme une
fois qu'elle est adoptée devient polysémique2 et cette
mollesse sémantique autorise son objectivation pour les
intérêts multiples et variés.
A. L'Etat-soutien à EITI et les délices
de la transparence des industries extractives
Nombre d'idées peuvent trahir l'élan utilitaire
de l'engagement des Etats-soutien à l'Initiative. Il s'agit des
objectifs spécifiques qu'ils peuvent atteindre du fait de leur
engagement dans EITI et la liste présentée dans cette
étude n'a aucune prétention à l'exhaustivité.
1. La préservation et l'expansion des zones
d'influence
Les rivalités entre les puissances mondiales autour des
marchés captifs et des sources d'énergies, constituent l'une des
explications des tensions dans la politique internationale. L'état de
nature hobbesien est alors dans le cas des industries extractives, la
résultante d'une compétition à somme nulle autour des
ressources non renouvelables. Cependant, la civilisation des moeurs
internationales interdit dans une certaine mesure le conflit armé entre
les démocraties3. A la suite de Tzvetan Todorov, l'on peut
dont considérer que « la défense de
1 Dans la lignée des travaux des auteurs
réalistes tels que Robert Gilpin. Lire notamment Gilpin Robert, (1987)
The political economy of international relations, Princeton: Princeton
University Press.
2 Kersberger Kees Van et Verbeek Bertjan « The
politics of international norms: subsidiarity and the imperfect competence
regime of the European Union » European Journal of International
Relations, vol. 13, n°2, pp. 217- 238 (2007).
3 Les puissances dont les multinationales sont en
compétition dans les pays riches en ressources extractives, sont des
démocraties à des degrés divers. Or, la multiplication des
démocraties est un frein à l'état de nature qui justifie
la survenue de la guerre. C'est l'idée de la pax democratica
qui est ainsi promue dans cette école de pensée qui explique
l'obsolescence de la guerre par la multiplication des démocraties. Lire
par exemple: Russet Bruce (1993), Grasping the Democratic Peace. Principle
for a Post-cold War World, Princeton: Princeton University Press;
Vennesson Pascal, «Renaissante ou obsolète? La guerre
aujourd'hui» Revue française de
science politique, vol. 48 n° 3-4
(juin-août 1998) pp. 515-533, mais plus particulièrement, les
pages 516 à522 oül'auteur présente sa
pensée sur la paix démocratique et l'accompagne d'une
critique.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 248 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'intérêt national et de la
sécurité n'a rien de déshonorant ; quand elle peut
coïncider avec la promotion des régimes libéraux ailleurs,
c'est encore mieux1 ». S'interrogeant sur la pertinence de
l'usage de la guerre préventive dans la poursuite de
l'hégémonie mondiale, Todorov estime que les objectifs de
sécurité et de défense des intérêts nationaux
peuvent mieux être poursuivis par cette stratégie qui allie les
objectifs vitaux des Etats aux idées libérales qui se greffent
sur la morale. C'est cela même que Joseph Nye appelle le « pouvoir
en douceur » (soft power)2. La poursuite des objectifs
de puissance par la promotion des valeurs démocratiques et morales qui
sont en soi, exemptes de toute coloration de puissance et
d'hégémonie.
Le projet de transparence dans les industries extractives
permet alors aux Etats qui soutiennent l'Initiative de contrer par exemple la
montée en puissance de la Chine et des nouvelles puissances telles que
les NDASE3 qui quelques fois, fondent leur quête de ressources
minérales et minières sur le mépris de la morale. Pour les
Etats qui se seront ralliés à la norme de la transparence telle
que promue par l'occident, ils devront se voir indiquer les termes de
référence, la conduite et même les canons de la
transparence. De plus, la sécurité énergétique est
un module central dans la sécurité nationale des Etats et, la
crainte de perdre les prés carrés devant l'assaut des puissances
émergentes et dans le contexte de la mondialisation, impose le
changement d'approche dans le rapport aux Etats riches en ressources
minérales. La transparence devient alors un prétexte pour les uns
qui veulent conserver leurs aires d'influence et les autres qui y fondent leur
intrusion dans les espaces géopolitiques occupés. Dans toutes les
possibilités, l'on ne peut minorer l'aspect particulaire de la politique
étrangère des Etats qui est animée de logiques multiples
et diverses. La prise en compte du fait satellitaire dans la
détermination de la politique étrangère des Etats qui
soutiennent EITI, permet de nuancer l'assomption d'une poursuite de
l'intérêt national par le seul fait de la transparence. Si la
transparence est une modalité, il en existe certainement d'autres.
Aussi, convient-il de rappeler que ce propos ne résume pas à la
transparence des industries extractives l'ensemble des stratégies de
préservation et de conquête des zones
1 Todorov Tzvetan (2003) Le nouveau
désordre mondial ; réflexion d'un européen, Paris :
Robert Laffont, p.26
2 A propos du soft power, lire Nye Joseph (1992)
Le leadership américain : Quand les règles du jeu
changent, Nancy : Presses universitaires de Nancy ; Nye Joseph Jr. «
Public diplomacy and soft power » The Annals of the American Academy
of Political and Social Science, n° 616, pp. 94 -109 (2008). On peut
également lire les travaux de Ernest Wilson qui dans une approche
développée et améliorée, parle désormais de
smart power, c'està-dire une conjonction du hard et du soft power.
Wilson Ernest J. « Hard Power, Soft Power, Smart Power », »
The Annals of the American Academy of Political and Social Science,
n° 616, pp. 110- 124 (2008).
3 Les Nouveaux Dragons d'Asie du Sud-Est.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 249 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
d'influence, elle est simplement une parmi tant d'autres,
l'expression du choix du soft power dans certaines conditions de
politique étrangère.
2. Action rhétorique : la transparence des
industries extractives ou la « quête
intéressée d'un nouvel humanisme » au
service de la sécurité des Etats.
A l'instar de Dionyssis Dimitrakopoulos1 qui
explique par l'adoption de certaines normes par les acteurs, la quête des
intérêts personnels, l'on peut appréhender la transparence
des industries extractives comme une action rhétorique
c'est-à-dire « strategic use of norms based arguments
». L'adhésion à une norme en raison du gain qu'il procure
aux acteurs, notamment aux Etats comme le relève Bertrand
Badie2. L'Etat sera à ce propos appréhendé
comme un acteur unitaire, uniquement pour des besoins d'analyse tant il est
illusoire de considérer que derrière le vocable `Etat' il s'agit
d'une intelligence unique qui s'échapperait des courants foisonnant au
sein des structures de gouvernements. Une fois que ce préalable est
établi, l'on peut arguer que les impératifs sécuritaires
sont également au fondement de l'adhésion des Etats-soutien
à l'initiative. La transparence devient un mécanisme qui
constitue une solution pour les problèmes de sécurité des
Etats à l'ère de la globalisation des menaces qui implique par
effet de levier, une globalisation des stratégies de solution, surtout
que les frontières ne constituent plus des cloisons étanches.
Badie dit à ce propos : « au-delà de ce nouveau regard
utilitaire porté sur la démocratie, c'est bien une nouvelle
vision à la sécurité qui s'impose. Une nouvelle culture
stratégique se construit sur les dépouilles du système
bipolaire ; elle est constituée d'idées nouvelles, de perceptions
inédites, de significations réinterprétées : la
sécurité se détache de plus en plus des
considérations territoriales et stato-territoriales ; elle
s'émancipe d'une référence militaire qui, au temps de la
guerre froide, se voulait monopolistique ou, du moins, dominante3
».
Si « the quest for transparency is inevitably resisted
by power holders in the name of security 4», ce qui augure
de la méfiance des sujets à la transparence, celle-ci en tant
1 Dionyssis Dimitrakopoulos « Norms,
strategies and political change: Explaining the establishment of the Convention
on the future of Europe » European Journal of International Relations,
vol. 14, n°2, pp. 319-342 (2008).
2 Badie B. La diplomatie des droits de
l'homme, op. cit. Notamment le chapitre IV
3 Badie B., idem, p. 124.
4 Robertson R. (2007), «Open societies, closed
minds? Exploring ubiquity of suspicion» Globalizations, vol.4,
n°3, p. 401.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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qu'idéologie1 soulève l'interrogation
de son usage. Celui qui se fait transparent au-delà de l`acceptable
s'expose à la vulnérabilité de même, celui qui
promeut la transparence peut ipso facto accéder aux
arcanes des Etats de la mise en oeuvre pour défendre sa
sécurité nationale. Il y a donc un lien entre la transparence et
la sécurité. Le lancement de EITI en 2002, dans les heures
chaudes de la lutte contre le terrorisme global inspire une pensée de
l'usage des normes pour des buts de sécurité nationale et de
géopolitique. Si l'on considère par exemple la région du
Golfe de Guinée qui s'illustre par son intérêt
stratégique actuel, les leçons de l'aventure américaine au
Golfe arabo-persique incitent à plus de responsabilité de la part
des dirigeants, en vue d'éviter le mécontentement populaire
qu'induit le sentiment de ne pas bénéficier des revenus de
ressources de son pays. Aussi, le changement de stratégie des
américains après le 11 septembre prend-il en compte la
satisfaction des « alliés silencieux », satisfaction que peut
procurer la transparence des industries extractives. L'immensité des
revenus que génèrent les industries extractives et le
degré d'évasion desdits revenus constituent des motifs de crainte
pour les Etats qui combattent les réseaux terroristes. En effet, le
terrorisme et les coups d'Etat s'abreuvent à la source des financements
occultes que favorisent les détournements divers opérés
dans les Etats faiblement institutionnalisés. Il est de bonne guerre de
s'inquiéter des usages que l'on pourrait faire des fonds
déviés des caisses de l'Etat. La déstabilisation de
certaines régions telles que le golfe de Guinée par des
pouvoiristes dotés de moyens colossaux mettrait à mal la
stratégie de diversification de l'importation du pétrole mise en
place par les puissances occidentales2.
La spécificité de cette initiative qui promeut
le développement autrement3 interpelle à plus d'un
titre. L'opacité a été un mode de gouvernement
encouragé par l'occident pendant des décennies car elle a permis
la pérennisation des régimes fidèles à la
tête des Etats dont les sous-sols sont stratégiques pour les
puissances occidentales. D'où vient-il donc que ces mêmes
puissances montrent un intérêt soudain pour le
développement de ces entités qui hier n'inspiraient pas un
impératif d'évolution ? Le réalisme des Etats a-t-il
cédé la place à
1 Au sens boudonien du terme c'est-à-dire
dans la conscience que l'homo ideologicus n'est pas aussi irrationnel
qu'on le pensait. Celui qui promeut une idéologie poursuit des objectifs
mais comme on le verra par la suite, celui qui est exposé à
l'idéologie n'est pas irrationnel, il adhère à une
idéologie en raison des rentes de l'idéologie. Boudon Raymond
(1986) L'idéologie, Paris : Fayard.
2 Nous avons dans le cadre de notre mémoire
de DEA montré comment le souci de cette diversification des sources
énergétiques par les USA favorise la sécurisation des pays
qui à l'instar des Etats du Golfe de Guinée, possèdent des
ressources convoitées par le pays de l'oncle Sam. L'une des
stratégie est la promotion de la démocratie pour sécuriser
les intérêts du pays dans les régions lointaines, afin
d'éviter leur irruption dans les Etats-Unis.
3 Rojas Christina, (2007) «International
political economy; development otherwise», Globalizations, vol.
4, n°4, pp 573-587.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 251 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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l'humanisme ? « Les normes ne peuvent pas être
séparées de la rationalité...et le tournant vers la
pensée idéationnelle n'est pas nouveau 1»
rappellent Finnemore et Sikkink. En réalité, EITI est un espace
fabriqué par l'Etat et accueilli par ce dernier pour poursuivre ses
intérêts vitaux. Par cette initiative, l'Etat du Nord utilise la
tactique du « larvatus prodeo »2, opérant
ainsi une mutation de sa politique étrangère.
3. La `nouvelle raison d'Etat' ou l'international comme
compensation des carences internes
La promotion de la transparence des industries extractives
sonne comme un évitement quelques fois des problèmes internes ou
bien, comme la recherche d'une légitimité postiche tissée
dans les fibres du rayonnement international. Parce qu'il arrive que des
gouvernements en crise de popularité aillent jouer sur la scène
internationale la carte du relookage, ainsi la transparence des industries
extractive offre par la célébration d'un humanisme
rédempteur, le tabernacle du salut de certains dirigeants en panne de
légitimité. Lorsque le Premier Ministre britannique Gordon Brown
se retrouve avec une côte de popularité dont les instituts
d'enquête d'opinions disent qu'elle n'excède guère 24%,
celui-ci mise sur l'organisation du sommet du G-20 que son pays a abrité
le 02 avril 2009 et promet d'organiser avant la fin de la même
année un autre sommet. L'on peut soupçonner derrière cette
mise en avant, quelque tentative de relance de sa popularité, en jouant
sur la fibre de la moralisation du capitalisme qu'incidemment la tenue et
l'étendue de ce sommet visaient. Dans ce cas, il s'agirait de la
dramatisation d'une tactique politique dont les fruits escomptés sont un
redécollage dans les sondages et une nouvelle santé de la
popularité. Ce cas de figure illustre la prévalence de ce que
Klaus Dieter-Wolf3 appelle la « nouvelle raison d'Etat ».
La coopération intergouvernementale devient donc une nouvelle raison
d'Etat qui permet aux dirigeants d'échapper aux contraintes domestiques
surtout lorsqu'elles leur sont défavorables. L'examen de l'initiative de
transparence des industries extractives permet de se rendre à
l'évidence de la similitude avec les situations de nouvelle raison
d'Etat. En prenant le soin d'éviter une étude d'impact de la
délégation collusive sur les processus de démocratisation,
à la suite de Mathias
1 Finnemore M. et Sikkink K. (1998), art.
cit. pp. 888-889.
2 « J'avance masqué », phrase empruntée
à René Descartes qui en avait fait sa devise.
3 Certes, il utilise le concept pour
dénoncer par le fait de la `délégation collusive', les
entraves à la démocratie car, cette délégation
collusive se fonde sur le contournement des parlements et donc, préserve
les gouvernants du contrôle parlementaire. Mais, c'est l'aspect qui met
en relief la quête d'un souffle nouveau dans les couloirs de la
coopération intergouvernementale qui retient l'attention ici. Klaus
Dieter Wolf «The new raison d'Etat as a problem for democracy in world
society », European Journal of International Relations, vol. 5,
n°3, pp. 333-363 (1999).
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Koenig Archibugi1, l'on peut poser
l'hypothèse de la durabilité de EITI en tant qu'institution
internationale fondée sur la nouvelle raison d'Etat. Le soutien d'une
initiative qui promeut la valeur morale de la transparence dans les industries
extractives est potentiellement source d'un capital interne de
popularité.
Mais par extension, les retombées symboliques de
l'engagement dans l'initiative peuvent pareillement constituer une
véritable aubaine de communication des Etats, dans l'optique d'une
séduction des nations abris des ressources extractives.
L'adhésion et le soutien à l'initiative sont de ce point de vue
une opération de séduction d'un peuple dont l'antipathie profite
aux puissances rivales. En témoignent, les multiples contrats
accordés aux chinois, américains, indiens... par des pays qui
jam dies ne pouvaient entreprendre pareille initiative sans que le
régime n'essuie les foudres de Paris. La république du Congo sous
Pascal Lissouba a connu une guerre civile dans les années 1990, une
guerre dont le vecteur était la rivalité pétrolière
nourrie par la prétention d'une préemption française sur
le pétrole congolais. L'octroi par le gouvernement congolais de quelques
contrats à des compagnies américaines2 à la
faveur de la mise en exploitation de N'kossa et Kitchina a servi de
prétexte à l'armement du général Denis Sassou
Nguesso, plongeant le pays dans une guerre civile dont il porte encore
aujourd'hui les stigmates.
4. La transparence au service de la prévention des
conflits armés
La considération des transactions entre les Etats dans
la triangulaire complexe donne l'occasion de constater que la transparence des
industries extractives permet également aux Etats-soutien de juguler
l'expansion de la conflictualité dans les Etats de la mise en oeuvre.
Que l'on se souvienne qu'au nombre des causalités de la
conflictualité, figure en bonne place la course pour les ressources
naturelles mais, avec les conflits comme corollaire de l'incompatibilité
des appétits et flamme maintenue par les ressources extractives, les
objectifs des politiques étrangères des puissances du monde
développé sont menacés de péril. En effet,
1 Koenig Archibugi souscrit à la pertinence
de la délégation collusive mais se détourne de
l'évaluation de son impact réel sur la démocratisation.
Koenig Archibugi Mathias « International governance as new Raison d'Etat?
The case of the EU common foreign and security policy » European
Journal of International Relations, vol. 10, n°2, pp. 147-188 (2004).
L'on peut également lire les travaux de Judith Goldstein sur
l'application de la nouvelle Raison d'Etat au sujet de l'Accord de Libre
Echange entre les USA et le Canada en 1988. Goldstein, Judith
«International Law and Domestic Institutions: Reconciling North American
«Unfair» Trade Laws», International Organization vol.
50, n°4, pp. 541-64, (1996).
2 Au sujet de la rivalité
franco-américaine autour du pétrole africain, lire Douglas Yates
« Oil and the francoamerican rivalry in Africa » papier
présenté au colloque l'Afrique, les Etats-Unis et la
France, Bordeaux, 22-24 mai 1997.
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transparence des
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la transnationalisation des conflits du fait de
l'activité des entrepreneurs de la conflictualité1
menace les enjeux stratégiques et géopolitiques des
Etats-soutien. Les guerres autour des ressources extractives démentent
l'espérance de Philippe Braud qui se cristallise sur la fin de la guerre
privée comme facteur du décollage économique. Il affirme
qu' : « au contraire, c'est la fin des guerres privées, le retour
à un minimum de sécurité, l'émergence de pouvoirs
politiques moins prédateurs qui conditionnent un décollage
économique durable2». Certes l'auteur s'inscrit dans une
logique propre à Charles Tilly, expliquant l'avènement de l'ordre
par la violence. La violence devient alors créatrice d'ordre et de
l'état de société. Mais, l'entretien de cette ligne
réflexive ne devrait pas marginaliser l'évidence des conflits
déstructurants dans les aires de faible gouvernance. Ceteris
paribus, la transparence des industries extractives permet de juguler la
conflictualité par moult mécanismes. D'abord, par la
traçabilité des revenus dont on peut garantir désormais
qu'ils ne serviront pas à l'achat des armes nécessaires pour la
survenue des conflits armés. Ensuite, il sera vain pour une
rébellion d'éclater dans le but de contrôler la manne
pétrolière et minière si les canaux de la gestion sont
devenus totalement transparents. Le projet de distraction des revenus
s'inscrira alors dans l'ordre de l'illusion. Ceci est toutefois
conditionné par l'implémentation effective de l'initiative. La
purification des structures domestiques d'un Etat de mise en oeuvre permet aux
Etats dont les compagnies sont investies dans l'exploitation des ressources,
d'avoir la tranquillité que procure un Etat au facteur risque
zéro. L'influence visée sur la politique des Etats de la mise en
oeuvre relativement aux questions de résolution des conflits passe par
deux facteurs selon l'ordre de Thomas Risse-Kappen3. En effet, les
Etats qui soutiennent l'initiative, étant inscrit dans une logique de
l'actorité transnationale, s'appliquent donc à eux les
préalables d'accession aux systèmes politiques des Etats de mise
en oeuvre et de contribution aux coalitions gagnantes pour changer les
décisions, dans le sens de l'adoption de l'EITI comme source potentielle
de pacification de l'atmosphère conflictuelle qui caractérise les
Etats dotés de ressources extractives. In fine, la forclusion
de la conflictualité sert les intérêts autant des
Etats-soutien que ceux de la mise en oeuvre. Toutefois, le présent
espace étant prioritairement aménagé pour la
démonstration des bénéfices qu'en tirent les premiers, il
est de bonne guerre de minorer l'incidence utilitaire de la transparence sur
les
1 En effet, comme l'a démontré
William Reno, l'émergence des warlord dans les Etats aux
structures institutionnelles fragiles dépend pour partie des
entrepreneurs de la conflictualité qui défient les
frontières nationales pour s'inscrire dans la transnationalité
ce, grâce à la globalisation de l'économie. Reno William,
op. cit.
2 Braud Philippe (2004) Les violences
politiques, Paris : Seuil, p. 8.
3 Risse-Kappen Th. (1995) (Eds.) Bringing
transnational relations back in, Cambridge: Cambridge University Press, p.
25.
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Etats de la mise en oeuvre pour la reléguer à
l'espace prévu à cet égard, puisque abusus non tollit
usum.
5. L'exportation d'un modèle étatique par
le soutien de la transparence des industries extractives.
Dans l'ordre des possibles créés par la
transparence des industries extractives en tant qu'initiative, et
considérant les transactions qui se tissent alentour et dont les moteurs
sont de nature utilitaire, il n'est pas insensé d'envisager
l'exportation d'un modèle étatique. La mondialisation
économique a pris un relief particulièrement proéminent en
raison des effets très visibles des finances et des
délocalisations des entreprises. Les stigmatisations de Sophia
Mappa1 et du forum de Delphes quant à la volonté
occidentale d'uniformisation des systèmes politiques sous le couvert de
la mondialisation, trahissent une acception de la mondialisation qui
s'apparente à la dilution des localismes dans un globalisme en
réalité local. Il s'agirait de la phagocytose des modèles
sociopolitiques autres par le modèle américain et plus largement
occidental. Ainsi, l'on se trouverait devant une obligation adressée aux
sociétés périphériques, celle-ci les astreignant
à la dépendance de sentier, le sentier qu'est le
schéma institutionnel de l'occident. Peut-être est-ce le signe de
la carence ou, mieux, la mort du génie humain qui n'étant plus
apte à la production des schèmes de gouvernement, se confinerait
dans une préproduction politique des canaux institutionnels. Mamoudou
Gazibo aurait-il alors raison de penser que « dans un monde où le
répertoire institutionnel est limité les nouvelles
démocraties apprennent des vieilles et les unes des
autres2» ?
En adoptant de façon circonstancielle la posture de la
consolidologie comme entreprise promue de l'extérieur, la question du
pourquoi de la promotion de la transparence en tant que comportement
démocratique comporte des relents utilitaires. L'on ne peut
élaguer la possibilité d'une promotion démocratique ad
honores, uniquement motivée par l'ethnocentrisme, encore qu'il est
difficile de le classer dans le registre de la gratuité. Il s'agit
1 Sophia Mappa s'est distinguée avec son
relativisme culturel qui est en réalité une certaine vision
nouvelle et révolutionnaire de l'anthropologie politique, et qui
épuise la thèse de la théorie du rail. Le parcours qui
conduit de la primitivité à la civilisation n'est plus
linéaire. Il n'est plus question d'aller de Teotihuacán à
Chicago en empruntant le parcours linéaire qui possède des
étapes. Avec des auteurs tels que Clifford Geertz qui a travaillé
à montré que l'exotisme de Bali cache un type d'Etat et donc le
nominalisme est un fanatisme, Sophia Mappa s'attele a démontrer
l'impertinence des politiques copier-coller des institutions internationales en
direction des pays en développement car pense-t-elle, elles sont
inadaptées. Lire par exemple : Mappa Sophia (dir.), (2004) Les
métamorphoses du politique au Nord et au Sud, Paris : Karthala ;
Mappa Sophia (1995) Développer par la démocratie ? Injonction
occidentale et exigences planétaires, Paris : Karthala.
2 Gazibo Mamoudou, op. cit. p. 146.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 255 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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pour l'Etat-soutien à l'initiative, de porter vers les
aires de l'incivilité politique qui se donne à voir dans
l'opacité et la gestion patrimoniale de la res publica, le
message mieux, le gaudum magnum de la civilisation par la
transparence. La projection de ce type d'Etat qui se singularise par la
banalisation, la réification de la pratique démocratique dont la
transparence est l'un des aspects, crée un lien intime entre les deux
catégories d'Etat. Il semble évident que le soutien des Etats
vis-à-vis des espaces d'implémentation de l'initiative est une
ingérence démocratique au sens de Philippe Moreau-Defarges,
c'est-à-dire « toute démarche par laquelle une personne ou
une entité cherche à peser sur le comportement d'une autre
personne ou d'une autre entité1». Quoiqu'il s'inscrive
par la suite dans une posture de dénonciation de l'illusion identitaire,
citant au passage John Stuart Mill qui disait : « la démocratie ne
s'impose pas, elle est un apprentissage compliqué, différent
d'une société à l'autre. Toute société
s'engageant dans une expérience démocratique, le fait avec son
histoire, sa culture, ses schémas politiques2 »,
l'ingérence démocratique telle qu'il la dépeint porte un
projet d'exportation de l'idéal-type occidental de l'Etat. Au passage,
l'on peut relever avec lui la condescendance de celui qui s'adonne à
l'ingérence démocratique car il s'accrédite du
système idéal de gouvernement.
Au final, le dessein d'instaurer un « isomorphisme
institutionnel » dans les Etats de la mise en oeuvre par les Etats qui
soutiennent l'initiative établit un climat propice aux échanges
et donc, ouvre des marchés nouveaux aux Etats-soutien. A l'heure du
« Trade not Aid », l'intégration des systèmes
périphériques au centre par la transparence comme habitude
à adopter dans l'art du gouvernement, permettrait une globalisation
parfaite de l'économie mondiale. Les bénéfices de cette
uniformisation sont-ils uniquement pour les Etats de la mise en oeuvre comme
semble le signifier le discours qui accompagne ce processus? Rien n'est moins
sûr, tant l'engouement des promoteurs de la transparence trahit par leur
excitation, l'appétit du gain utilitaire que générera une
parfaite transparence dans les Etats candidats à l'initiative.
1 Philippe Moreau-Defarges s'inscrit clairement
contre la projection de l'Etat démocratique par le fait d'une
ingérence démocratique. Au passage, il nous confie que la
promotion démocratique est une exportation du modèle
étatique de celui qui s'exporte. Moreau-Defarges Philippe (2000) Un
monde d'ingérence, Paris : Presses de science po, 2e
Edition, lire notamment le chapitre 4 qui s'intitule « Mondialisation de
la démocratie et ingérence internationale ».
2 John Stuart Mill Quelques mots sur la
non-intervention (1859) in Moreau-Defarges op. cit. p. 87.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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B. L'Etat de la mise en oeuvre de l'initiative et les
retombées de la transparence des industries extractives
Les Etats de la mise en oeuvre capitalisent également
leur interaction avec les Etats promoteurs de la transparence. Le
fac-similé de l'ossature démocratique qui place sur un
piédestal la transparence en général et la transparence
des industries extractives en particulier, est le prétexte pour une
captation des rentes pour les Etats, une opportunité de renforcement des
légitimités et un espace de rayonnement international. Que se
joue-t-il dans EITI sinon la conformité à une norme
modélisée par les ONG à l'origine et
récupérée par les Etats ensuite ? La transparence devient
un prétexte, un lieu de pouvoir dans lequel les Etats de la mise en
oeuvre dramatisent une amélioration de leurs images. Au principe de cet
espace consacré à la démonstration des retombées de
la transparence des industries extractives pour les Etats d'accueil, il
convient de dire que le dévouement, l'acharnement à atteindre la
conformité aux principes et critères EITI est informé
principalement par la respectabilité que cela confère et l'impact
sur l'image des Etats. Autrement dit, il ne suffit pas d'adhérer aux
principes mais, les retombées multiples revendiquées ou
escomptées semblent liées à la conformité. En cela,
les ONG qui ont oeuvré à l'avènement de cette initiative
peuvent se prévaloir d'avoir impacté sur la conduite des Etats.
Il convient de préciser que si les retombées de la transparence
sont récoltées par l'adhésion à l'initiative, elles
sont davantage confirmées par la conformité aux principes et
critères EITI qui consacre une parfaite adhésion auxdits
principes. Aussi, les retombées ici évoquées sont la
conséquence d'un processus qui commence par l'adhésion et qui a
pour point d'orgue la conformité.
La politique des Etats pense Ulrich Beck1, est
restée confinée aux horizons nationaux dans un monde où
les problèmes, les menaces et les opportunités sont
désormais du ressort de l'international. Si poursuit Beck, les
organisations de la société civile et les acteurs
économiques ayant compris le virage, ont répondu à l'appel
de la transnationalisation de leurs actions comme impératif de la
mondialisation, et si cela leur permet de répondre aux défis
posés par la mondialisation, l'Etat malheureusement est en passe de
perdre du champ devant ces acteurs privés. Il faut pense-t-il, que
l'Etat adosse son action sur le régime cosmopolitique fondé
autour des principes des droits de l'homme et de la démocratie pour
pouvoir rétablir le primat de la diplomatie publique étatique.
L'arrimage au courant cosmopolitique, en plus de donner à l'Etat les
armes pour la bataille de la mondialisation, met un bémol aux
récits de la
1 Beck Ulrich (2005) Pouvoir et contre-pouvoir
à l'ère de la mondialisation, Paris : Flammarion.
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souveraineté longtemps présentée comme
réalité de l'ordre de Manus (soit elle existe, soit elle n'existe
pas). La mâat ne résiderait-elle pas dans la mesure qui
commande de s'émanciper de tout radicalisme ? La contre-offensive de
l'Etat devant les risques de déclassement l'inscrit dans une posture
transnationale. L'Etat va jouer son destin sur les aires de la
globalité, des espaces qui comme l'EITI, offre des retombées
symboliques et concrètes.
1. Les Etats de la mise en oeuvre de l'EITI dans le
meta-jeu mondial: le rayonnement international des Etats en jeu
Il n'est pas aisé d'évaluer les apports directs
de l'initiative sur les Etats de la mise en oeuvre car, au-delà de
l'illusion de l'immédiateté qui renvoie en la corrompant l'image
d'une entreprise morale, les effets corrélatifs de la transparence sur
les Etats ne se donnent pas à voir au premier abord. En inscrivant
l'action de l'Etat dans le « cosmopolitisme
méthodologique1» qui se fonde sur les logiques et
dynamiques transnationales et supranationales2, l'on peut envisager
l'adhésion des Etats aux principes de la transparence des industries
extractives comme une quête de la reconnaissance internationale et de la
respectabilité qui étaient pour eux un luxe, en raison de
l'ontologie de ces systèmes politiques.
L'adhésion de certains Etats à EITI prend un
relief particulier pour l'analyste en raison de la prévalence d'un type
étatique inapproprié dans ces aires territoriales. L'Etat selon
qu'il y est et fonctionne, pose le problème de la transparence. L'Etat,
un et multiple tout à la fois, est ce prédateur3qui a
agglutiné les sociétés autres dans l'espoir de les
assimiler totalement. Produit de l'occident, l'Etat en tant que forme
d'organisation sociale s'est heurté à l'exotisme
1 Ulrich Beck propose de le substituer au nationalisme
méthodologique qui considère l'Etat et le gouvernement comme la
pierre angulaire de l'analyse politologique. Ulrich Beck, Pouvoir et
contre-pouvoir, op. cit.
2 Cela suppose comme préalable de
considérer l'Etat comme un acteur transnational. Idée que ne
partage pas Stephen D. Krasner pour qui, les acteurs transnationaux excluent
les officiels des gouvernements. Toutefois, il reconnaît que les Etats
sont exposés aux pénétrations des acteurs transnationaux.
Stephen D. Krasner « Power politics, institutions and transnational
relations » in Risse-Kappen (Eds) Bringing transnational relations
back in, op. cit. pp. 257-279.
3 L'Etat comme il a été abondamment
rappelé dans cette étude, est une réalité
protéiforme. Selon qu'on s'éloigne de son espace de
jaillissement, il prend des allures exotiques du fait de sa contextualisation.
Ipso facto, l'Etat dans cet espace doit être entendu comme le
fruit de l'ancrage dans une culture autre, d'un modèle importé.
C'est ce modèle qui dans son implémentation de l'initiative,
cherche à se faire admettre au cercle des Etats accomplis. C'est l'Etat
qui, prédateur, ayant agglutiné les systèmes autres pour
n'être plus que la seule organisation politique universellement
revendiquée, continue son processus de maturation c'est-à-dire
d'occidentalisation. A propos de l'Etat prédateur, lire par exemple :
Darbon Dominique « L'Etat prédateur », Afrique
politique, n°39, pp. 37-45, oct. 1990
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des localismes des ailleurs. La greffe a tourné
à la créolisation1. De ce mélange, a jailli du
magma informe de l'incivilité des « autres », l'Etat
néopatrimonial. Savant dosage du patrimonialisme2 ambiant et
des structures légales rationnelles que draine l'Etat occidental, l'Etat
ailleurs3 fonctionne depuis les indépendances comme une
res privata. Pour tenter d'expliquer cette institutionnalisation qui
donne raison à O'Donnell4qui pense que le
clientélisme, trait caractéristique de cet Etat est une
institution là où on pensait ne pas en trouver,
Englebert5 estime que la source est dans le degré variable de
congruence entre les structures politiques préexistantes et l'Etat
importé. Au demeurant, l'essentiel réside plus dans le modus
operandi que dans l'architectonique de l'Etat.
Le fonctionnement de cet Etat laisse transparaître
l'opacité comme une règle du jeu. Le pouvoir est entouré
de mystère, de flou voire de mystique. La boîte noire est d'une
noirceur exagérée. La puissance dévolue aux
autorités dirigeantes ne permet aucune possibilité de reddition
des comptes. L'Etat est alors perçu comme un gâteau dont il faut
se rapprocher pour en goûter la saveur. Cette réalité fait
fi du type de régime ; battant en brèche l'argument de ceux qui
comme Linda Kirschke6, pensent qu'un Etat est d'autant plus enclin
au néopatrimonialisme que son architecture est du type
semi-présidentiel. Dans pareil environnement, le « complexe de
corruption » c'est-à-dire : « la corruption, le délit
d'ingérence, les détournements de fonds, le népotisme, les
abus de pouvoir, les malversations diverses, le délit d'initié,
la prévarication, le trafic d'influence et les abus de biens
sociaux7» trouve un lit favorable. La corruption devient un
outil de gouvernement. En effet, si le pouvoir s'adosse sur l'obéissance
et la crainte, la corruption parce qu'elle récompense les
cronies,
1Créolisation au sens de Robin Cohen,
c'est-à-dire une voie médiane entre le primordialisme et la
standardisation en tant que paradigmes écarlates qui fustigent toute
interpénétration. Lire Cohen Robin (2007) «Creolization and
cultural globalization: the soft sounds of fugitive power»
Globalizations, vol. n° 3, pp.369-384.
2 Il faut apprehender le terme patrimonialisme ici
au sens de Victor T. Levine (1980: 658) : « If patriarchy is the
commonwealth of biological kinship, patrimonialism grants fictive kinship to
those whose ties with the head of the household may be base on other than
biological or family liaisons, for example contracts, alliance, coercion or
titular services »
3 C'est-à-dire l'Etat qui n'est plus tout
à fait le parangon occidental qui est parti en odyssée, mais
n'est pas non
plus une réalité vidée de sa
quiddité occidentale originelle par les ritualités, les liturgies
et la « spectacularité
caractéristiques » des
sociétés périphériques. Sindjoun Luc, L'Etat
ailleurs : entre noyau dur et case vide, op. cit.
4 O'Donnell Guillermo, « Another
institutionalisation: Latin America and elsewhere» Working paper
n°222, (1996)
5 Englebert Pierre (2000), « Pre-colonial
institutions, post-colonial states, and economic development in tropical Africa
», Political research quarterly, vol. 53, n°1, pp. 7-36.
6 Kirschke L. (2007) « Semipresidentialism and
the perils of power sharing in neopatrimonial state», Comparative
political studies, vol. 40, n° 11, pp. 1377-1394.
7 De Sardan J.P.O. (1996) « L'économie
morale de la corruption en Afrique » Politique africaine n°
63, pp. 97- 117.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
assure au dirigeant la domination sur ses sujets1.
De plus, il faut satisfaire aux exigences de ceux qui par une parenté
réelle ou fictive, font allégeance au prince. Le lien
clientéliste devient une source de légitimité au
même titre que le lien charismatique et le lien
programmatique2. Défaut de légitimité ou non,
le clientélisme3 est le substrat sur lequel se fonde la
longévité aux affaires des dirigeants de ces Etats.
L'Etat incarné dans ses dirigeants, devient ambigu et
son ambiguïté trouve sa source dans la relation particulière
qu'il entretient avec la société4. La redistribution
devient un devoir. Du chef au subalterne, toutes les strates sociales cherchent
des revenus pour satisfaire à ce devoir de réussite sociale.
D'autre part, le grégarisme sociologique d'une couche sociale
moyennement alphabétisée, la transposition des pratiques de
générosité sociale dans les couloirs impersonnels de
l'Etat et bien d'autres raisons encore font naître un discours de
légitimation de la corruption5. Scandale pour l'occidental,
ce discours ne peut se comprendre que dans le contexte africain et même
noir africain dans lequel « on va faire comment ? » traduit le
suivisme dans un comportement non rationnel et la mêmété
des moeurs. Nul ne voulant laisser des traces de la ponction qu'il opère
dans les caisses de la res publica, l'opacité a donc droit de
cité, comme stratagème de camouflage des basses pratiques
égocentriques et anti-républicaines.
En plus de constituer un mode gouvernemental parallèle
au modèle qui se veut universel6, le
néopatrimonialisme est responsable de mille maux que combat la
communauté internationale et dans l'ordre généalogique des
causalités, son remplacement par la démocratie pleine et
libérale qui se donne à voir au travers des pratiques telles que
la transparence, est restitution
1 Darden Keith (2008) « The integrity of corrupt
states: Graft as an informal institution» Politics and society,
vol.36, n°1, pp.35-60.
2 Kitschelt Herbert (2000) «Linkages between
citizens and politicians in democratic polities », Comparative
political studies, vol. 33, n°6/7, pp. 845-879.
3 Anne Grzymala-Busse définit le
clientélisme ainsi: « clientelism consists of the contingent and
targeted distribution of selective goods to supporters in exchange for their
loyalty », Grzymala-Busse A. « Beyond clientelism, incumbent state
capture and state formation» Comparative political studies, vol.
41, n° 4/5, p.639 (pp. 638-673), april-may 2008.
4 Médard J.-F., (1999) « L'Etat
néopatrimonialisé» Afrique politique, n°39,
pp.25-36.
5 Jean Pierre Olivier de Sardan et Giorgio Blundo
ont tenté de démontrer la légitimation de la corruption
dans les discours tout au moins, par la banalisation du concept au travers
d'une sémiologie qui s'ancre progressivement dans la culture populaire
et perd le sens de tabou social qu'enfreignent généralement les
délinquants sociaux. Blundo G. et De Sardan J.P.O. 2001 «
Sémiologie populaire de la corruption » Politique africaine,
n°. 83, pp.98-114.
6 Par le fait même, l'Etat
néopatrimonial est une poche de résistance à la fin de
l'histoire que Francis Fukuyama liait à la victoire de la
démocratie libérale. Fukuyama Francis (1993), La fin de
l'histoire et le dernier homme. Paris : Flammarion.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 260 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
de l'honorabilité des dirigeants. Pour siéger au
banquet des noces démocratiques, les dirigeants des Etats de la mise en
oeuvre de l'initiative entendent acquérir leur carton d'invitation par
l'adhésion aux principes de EITI. L'observation de la
réalité de la mise en oeuvre conforte dans l'idée que la
candidature des Etats à l'initiative est une manifestation de
l'éthique de responsabilité. Il existe en effet un gap
énorme entre la conformité formelle aux principes et
critères EITI qui confère le statut « conforme » et la
transparence effective dans la gestion des revenus du secteur extractif.
Convaincus de leur faiblesse relative, les Etats de la mise en oeuvre trouvent
dans l'adhésion à l'initiative un double gain : la satisfaction
des Etats -soutien d'avoir affaire à des Etats qui accueillent avec
faveur les principes démocratiques, et les prébendes multiformes
de la transparence. Si l'on considère les Etats de la CEMAC, ils sont
tous candidats à l'initiative. Les évènements
récents1 au Tchad et en RCA (les conflits et rebellions
endémiques) posent un réel problème de gouvernance. Le
Tchad est entré en crise ouverte avec la Banque Mondiale au sujet de la
loi sur la gestion des revenus de la manne pétrolière. Née
autour de la révision de la loi n°001/PR/1999 portant gestion des
revenus du pétrole, cette crise est en réalité un conflit
de souveraineté. La constitution tchadienne reconnaît la
souveraineté du pays sur ses ressources naturelles2. En
même temps, la Banque mondiale, au nom du rôle joué dans le
financement du projet pétrole N'djamena, estime être fondée
à dicter la gestion du fonds des générations futures que
la président tchadien a utilisé finalement à des fins
d'armements. Le Tchad remboursera précipitamment sa dette à la
Banque mondiale, visant ainsi recouvrer la pleine souveraineté sur les
revenus de son pétrole. Le divorce fut consommé entre le Tchad et
la Banque mondiale. Cependant, à la faveur de son adhésion
à EITI, il peut parce qu'il démontre une volonté de faire
le pari de la transparence, siéger à nouveau au plan
international au sein d'une initiative fortement soutenue par la Banque. Le
Congo, le Gabon et la Guinée Equatoriale font de par leurs dirigeants,
l'objet d'enquêtes judiciaires en France sur les biens personnels des
présidents Sassou, Bongo et Obiang Nguema. C'est la prévalence
d'une gestion opaque des fonds publics qui met ainsi à mal
l'implémentation de la transparence, surtout qu'il s'agit de trois Etats
pétroliers dans la
1Le 14 novembre 2005 une colonne rebelle du SCUD
lance une offensive au Tchad depuis le Soudan voisin. Le1er
février 2008, une coalition de groupes rebelles attaque N'djamena. Le
président tchadien avait failli être renversé après
cette attaque qui a conduit les rebelles jusqu'aux portes du palais
présidentiel que dût défendre le président Deby
à la tête de ses troupes. L'attaque avait été
repoussée, notamment grâce à l'aide française. Ce
sera le début d'une série d'attaques contre le président
Déby qui aura eu à faire face à des incursions à
répétition des rebelles depuis le Soudan. Le 1er avril
des combats éclatent dans la région d'Adré entre des
rebelles tchadiens et les forces gouvernementales, le 4 mai, l'UFR (Union des
Forces de la Résistance) de Timan Erdimi lance une nouvelle attaque sur
le Tchad.
2 l'article 57 alinéa 2 de la Constitution
tchadienne du 31 mars 1996 dit à ce sujet : « l'État exerce
sa souveraineté entière et permanente sur toutes les richesses et
les ressources naturelles nationales.(...) Toutefois, il peut concéder
l'exploration et l'exploitation de ces ressources naturelles à
l'initiative privée ».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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sous-région Afrique centrale. La conformité aux
critères et principes EITI devient dès lors une fabuleuse
occasion de relookage de l'image internationale de ces Etats. Il s'agit d'une
opportunité inouïe de communication pour des Etats en quête
de reconsidération internationale. C'est ainsi que l'on peut comprendre
les efforts des Etats à revendiquer la conformité à EITI,
même lorsque manifestement toutes les étapes y conduisant ne
semblent pas observées1. A la réalité,
l'inscription dans la catégorie conforme permet une amélioration
de l'image des Etats, ce qui les rend attractifs pour les investissements. EITI
devient un espace de réhabilitation des Etats. Derrière la
hiérarchie non adhérents-adhérents-candidatsconformes
se cache peut-être une taxonomie du type Etats
fréquentables-Etats moyennement fréquentables-Etats non
fréquentables (Etats parténaires-Etats parias) qui
traduirait donc un investissement de la puissance dans le champ de la norme.
L'Azerbaïdjan a été le premier Etat
jugé conforme aux principes et critères EITI ce, depuis le 16
février 2009. C'est dire que le pays est conforme aux standards de la
transparence convenus par l'initiative que soutiennent la Banque Mondiale, la
plupart des institutions intergouvernementales politiques et
économiques2 et la quasi-totalité des puissances du
G8. L'enjeu est énorme pour un Etat jugé conforme car, il
s'inscrit ipso facto sur la liste des pays fréquentables et
attractifs aux investissements occidentaux et par extension, étrangers.
Cette quête de crédibilité et de respectabilité que
procure l'image d'un Etat conforme aux critères de transparence,
justifie l'acharnement des Etats à atteindre le statut de
conformité. Le 11 mars 2009, la coalition azérie qui
représente la société civile dans le Mémorandum
d'Entente a tenu une conférence de presse au lendemain de la parution du
neuvième rapport de conciliation d'Azerbaïdjan. Ce fut l'occasion
pour les membres de cette coalition, de déplorer les entorses du
gouvernement au respect des différentes étapes de la mise en
oeuvre. L'un des critères de conformité est la publication des
rapports dans un langage accessible à l'opinion et leur vulgarisation.
Ce critère de l'avis des membres de la coalition n'est pas
respecté car, seuls quelques journaux publient les rapports dans un
style inaccessible à tout le monde. Une absence de concertation entre le
gouvernement, les compagnies et la société civile avant la
1 Le 21 janvier 2010, madame Emma Irwin du cabinet
Synergy Global Consulting/ IDL Group recruté pour conduire le
processus de validation EITI au Cameroun a présenté son rapport
au comité national. Malgré quelques remarques faites sur les
entraves à la transparence dans les industries extractives, le pays
s'ouvre peutêtre la voie au statut de conformité lors du prochain
conseil. La réunion du Comité EITI de la Guinée
Equatoriale tenue le 30 janvier 2010 a permis le choix du cabinet Hart
Nurse Limited pour conduire le processus de validation dans ce pays qui
prépare encore son premier rapport par les soins du cabinet
Deloitte. Cependant, peut-on sérieusement penser que la
transparence est devenue une réalité dans le secteur des
industries extractives au Cameroun et en Guinée Equatoriale?
2 Comme nous l'avons démontré au premier
chapitre de notre travail.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 262 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
publication des rapports fut également soulignée
par la coalition. Nombre de vices de procédure qui, mis ensemble,
laissent penser que l'accès au statut de conformité est un
sésame qui donne droit à la respectabilité internationale,
lequel n'a pas de prix et ne peut donc être empêché par
quelques aspects procéduraux que l'on peut très bien contourner.
C'est ce qui ressort de cette opinion de Oktay Gulaliyev qui est membre de la
coalition azérie : « Azerbaijan's being member of one more
international body is a good step from point of impact of country, it is
success, but it is not solution of existing problems. Terms forwarded to our
country while becoming member, shown that we are right in suggestions we are
suggested. Because when said that multi-stakeholder working group must be
created related to implementation of EITI, Government Commission said that
there is no any necessity for it. We were saying that there has to be a working
plan that balances an action, but they said it is not important. We suggested
to improve understanding memorandum and reports, and to make them accessible
for community, but there were no any steps. There is no any serious works in
direction of solution of these problems till present» (le fait pour
l'Azerbaïdjan de faire partie d'un autre organe international est un bon
geste pour l'image du pays, c'est un succès mais, ce n'est pas la
solution aux problèmes réels du pays. En devenant membre de EITI,
les termes qui nous ont été présentés laissent
croire que nous avons raison de faire nos suggestions. Lorsqu'il nous a
été dit de mettre sur pied un groupe de travail multi-parties
prenantes pour la mise en oeuvre de l'initiative, la commission gouvernementale
a jugé que ce n'était pas nécessaire. L'on nous avait dit
de dresser un plan d'actions mais le gouvernement a considéré
qu'il n'était pas important. Nous avons suggéré
d'améliorer le Mémorandum d'Entente et les rapports pour les
rendre accessibles à la communauté mais rien n'a
été fait jusqu'à ce jour pour résoudre ces
problèmes). Cette allégation démontre deux choses :
d'abord que les retombées en terme d'image et de prise au sérieux
d'un Etat conforme aux principes EITI sont réelles et escomptées.
De plus, il s'agit de la preuve que cette « raison d'Etat » d'un
autre type, peut faire fi des étapes exigées pour l'atteinte de
la conformité, parce que la conformité est une ressource
mobilisable pour la poursuite des intérêts nationaux des Etats
d'accueil en terme d'investissements attirés et de respectabilité
internationale acquise.
Il est presque certain si l'on se range dans le scepticisme
éthique de Hans Morgenthau que, d'un Etat il ne faudrait nullement
attendre de la morale réelle car, l'Etat n'est aucunement une
entité unitaire mais, un ensemble hétérogène de
personnalités dont les valeurs morales prennent des conceptions
différentes. Il considère que là où la
responsabilité gouvernementale
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 263 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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est diffusée parmi un grand nombre d'individus, la morale
en tant que système de retenue dans la politique internationale est
impossible1.
2. L'instrumentalisation à des fins de
légitimation internationale de l'EITI par les Etats
d'accueil.
Cela entraînant ceci, la légitimité
internationale devient une quête incessante car, lorsque le dirigeant ne
réussit pas à se servir dans les trois catégories
weberiennes de légitimité2, l'acceptation par les
pairs au plan international annihile les efforts internes de contestation du
régime. C'est d'ailleurs ce qui explique que les présidents qui
accèdent au pouvoir par le fait des armes ou des soulèvements
comme le capitaine Moussa Dadis Camara de Guinée ou encore Andry
Rajoelina de Madagascar3, font de la reconnaissance internationale
de leurs autorités, l'acte premier du scénario de gouvernement.
Au surplus, la «collusive delegation», c'est-à-dire
« attempt by government to loosen domestic constraints by shifting
decision-making to international settings and organizations4
», si tant est que lesdits régimes peuvent se prévaloir
d'une place au « jardin des délices démocratiques »,
permet une fois encore d'échapper au poids des exigences internes de la
gouvernance, par l'engagement aux initiatives qui comme EITI, permettent de
distraire les citoyens et renvoyer à la communauté internationale
l'image d'un Etat en phase avec les grands chantiers de la gouvernance
mondiale. Il en résulte alors des régimes connectés
à la politique transnationale mais sans ancrage avec la
population5. Les initiatives comme EITI s'avèrent être
des espaces transnationaux où des Etats jouent la carte de leur
reconnaissance plutôt que d'être le lieu de la transcription des
problèmes que rencontrent les populations.
S'engager à mettre en oeuvre l'initiative, c'est
admettre que les principes qui président à la démocratie
libérale comportent des éléments d'universalité.
Cet acte attire la sympathie des Etats qui sont des chantres de la
démocratie. Ainsi, pour paraître des bons élèves de
la démocratie c'est-à-dire de la transparence, des Etats adoptent
une tactique qui leur confère la
1 Morgenthau H. J. Politics among nations...
op. cit. p. 251
2 Il s'agit de la légitimité
legale-rationnelle, de la légitimité traditionnelle et de la
légitimité charismatique. Max Weber (1971) Economie et
Société 1921. Traduction française Paris, Plon.
3 L'un et l'autre accèdent au pouvoir
après des coups de force. Le 25 décembre 2008 le capitaine Mussa
Dadis Camara s'auto-proclame président de la république à
la tête du CNDD. Le 17 mars 2009, le directoire militaire confie le
pouvoir à Andry Rajoelina dit « TGV ».
4 Mathias Koenig-Archibugi « International
governance as new Raison d'Etat? », art. cit. Conclusion.
5 C'est ce que Eva Etzioni-Halevy appelle «
linkage deficit », c'est-à-dire cette déconnection des
élites de la politique transnationale vis-à-vis des populations
dont elles disent représenter les intérêts. Eva
Etzioni-Halevy « Linkage deficit in transnational politics »
International Political Science Review, vol. 23, n°2 pp.
203-222.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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sympathie de la communauté des Etats
développés défenseurs de la démocratie. Mais
l'adhésion et plus loin la conformité aux critères et
principes de l'initiative sont également l'assurance que l'Etat
d'accueil est dans une mouvance démocratisante et donc, frappe aux
portes de la communauté des Etats civilisés. Quelques fois, c'est
un signe que l'on renonce aux démons du passé et que l'on se
tourne résolument vers l'avenir qui se construit avec la transparence
plutôt que les conflits. La communauté internationale
récompense alors cette conduite qui stimulerait d'autres Etats à
la conformité. Le 27 avril 2007, le Conseil de Sécurité
des Nations Unies a voté à l'unanimité la levée
d'embargo sur les exportations de diamants du Libéria dans sa
résolution 1753. Régulièrement reconduite depuis la
résolution 1521 de 2003, cette mesure était l'une des
priorités de la présidente Ellen Johnson-Sirleaf qui a ainsi
exprimé son satisfecit. Soutenue par les Etats-Unis, cette
décision dont la prochaine étape sera l'adhésion au
processus de Kimberley est également un signal fort envoyé
à la communauté internationale pour qu'elle continue de soutenir
la reconstruction de ce pays dévasté par 14 ans de guerre. Mais,
c'est également une reconnaissance des efforts fournis par ce pays sur
les sentiers de la démocratisation, et donc aussi pour son
implémentation de l'initiative qui interdit la répétition
des pratiques qui jadis, ont entraîné les horreurs du conflit.
C'est donc dans cette veine que le Libéria a été admis au
statut de conformité le 14 octobre 2009. L'on peut penser que la
conformité aux principes EITI devient alors un instrument qui, ayant
considérablement amélioré l'image du Libéria, lui
aura attiré la sympathie des Etats occidentaux. Certes, il ne s'agit pas
d'un fait isolé car, l'élection d'une femme dans cet Etat qui
sort d'une longue instabilité est à conjuguer avec la
conformité à EITI pour comprendre les faveurs de l'occident pour
ce pays désormais présenté comme un des modèles de
démocratie dans la sous-région. La conformité
s'avère donc être une importante ressource mobilisée par
certains pays pour améliorer leur image et gagner en
respectabilité internationale, échappant ainsi à la
catégorie des parias et des Etats mal cotés dans les cercles
d'investisseurs. Au surplus, l'adhésion aux critères et principes
de l'initiative attire les faveurs du monde développé qui
délie plus facilement la bourse pour soutenir l'effort de
transparence.
3. Les financements directs et indirects de la
transparence
La problématique de la transparence des industries
extractives s'est posée avec acuité, à l'heure de la
demande pressante des pays pauvres pour la remise de leur dette par les
bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. Un effort de
transparence est alors apparu incontournable pour que le paradoxe de
l'endettement des pays très riches en ressources extractives se
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transparence des
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transforme en aspérité dans des régimes
engagés dans le chantier de la mise en oeuvre de l'initiative de
transparence des industries extractives. Cependant, par-delà les
retombées indirectes de la remise de la dette aux pays par les `Etats
soutien de la transparence', il existe des rentes directes inhérentes
à l'adhésion aux principes et critères EITI.
Dans l'impossibilité d'accéder aux comptes des
Etats de mise en oeuvre pour, en cassant le mystère qui les entoure,
faire la comptabilité des financements reçus, il convient de lire
au travers des budgets et du rapport du fonds des donateurs multi-bailleurs,
les espérances et réalités de l'acquisition des fonds par
les Etats. La tendance qui transparaît dans l'examen des budgets et des
plans d'actions budgétisés des Etats de la mise en oeuvre est
celle de l'espérance que la Banque Mondiale au travers du
Multi-Donors Trust Fund (MDTF) finance sinon la totalité, du
moins la grande majorité des dépenses qu'engendrent les
activités de la mise en oeuvre. Ainsi, l'observation du plan d'action du
Cameroun pour la période 2001-2004 révèle que, six des
treize rubriques1 du plan d'action sont escomptées être
financées par la Banque mondiale. Tandis que les autres rubriques ne
nécessitent pas de financements, autant dire qu'en réalité
le total financement de la mise en oeuvre de la transparence dans la
période considérée reposait sur l'apport extérieur,
notamment en provenance de la Banque mondiale et de son fonds
multi-bailleurs2.
1 Voir le tableau ci-dessous sur la matrice des
actions du comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'ITIE
au Cameroun.
2 Le plan d'action du Cameroun pour la
période indique d'ailleurs à la page 5 que : « En dehors
des activités propres au Comité qui sont supportées par le
budget du Ministère de l'Economie et des Finances, les actions de mise
en oeuvre de l'EITI bénéficieront du concours financier de la
Banque Mondiale »
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 266 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Tableau 14 : Matrice des actions du comité de
suivi de la mise en oeuvre des principes de l'ITIE au Cameroun
Activités
|
Echéance
|
Sources de
Financement
|
1) Examen du plan d'actions par le Comité
|
Fin Oct. 2005
|
=
|
2) Identification des Sociétés extractives au
Cameroun
|
Fin Oct. 2005
|
=
|
3) Définition des TDR de la société de
Conciliation des chiffres et des volumes
|
Mi-janv. 2006
|
=
|
4) Appel d'offres international pour le recrutement du
conciliateur
|
Fin janv. 2006
|
=
|
5) recrutement du conciliateur
|
15 mars 2006
|
Banque mondiale
|
6) Validation des formats
|
Fin mars 2006
|
=
|
7) Déclaration des chiffres et des volumes par les
Sociétés et par l'Etat pour la période (2001- 2004)
|
15 avril 2006
|
Banque mondiale
|
8) Séminaire de formation des membres du
Comité
|
Fin avril 2006
|
=
|
9) Préparation et présentation du premier rapport
EITI (période 2001-2004)
|
15 juin 2006
|
Banque mondiale
|
10) Approbation et Publication du premier rapport EITI
(période 2001-2004)
|
Fin juin 2006
|
Banque mondiale
|
11) Déclaration des chiffres et des volumes par les
Sociétés et par l'Etat pour l'exercice 2005
|
1er novembre
|
=
|
12) Préparation et présentation du
deuxième rapport EITI (exercice 2005)
|
Fin nov. 2006
|
Banque mondiale
|
13) Approbation et Publication du deuxième rapport EITI
(exercice 2005)
|
Fin déc. 2006
|
Banque mondiale
|
|
Source : Extrait du Plan d'action de la mise en oeuvre
de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives au Cameroun.
Le Libéria a mis sur pied un budget pour la
période juillet 2007-juin 2008 estimé à 662,340 $ dont
103,500 USD promis par la Banque mondiale. La majorité du montant
restant devait être potentiellement pourvue par les partenaires
bilatéraux du développement au Libéria. Aussi, la France
s'était engagée à contribuer à hauteur de 14000
USD, la Norvège par le biais du Norvegian Trust Fund for
Governance a offert 150000USD, tandis que la Banque Africaine de
Développement avait fait la promesse de contribuer sans préciser
le montant de son apport. Le Congo a révélé dans son plan
d'actions rendu public en décembre 2007 que la mise en oeuvre de
l'initiative nécessiterait 1.200.000.000 FCFA dont au moins deux tiers
escomptés des partenaires au développement et des Etats-soutien
à EITI. Une vue panoramique des budgets et des plans d'actions rend
visible le fait de la rentabilisation des opérations de la
transparence1. L'initiative apparaît dès lors comme une
occasion de lever les
1 Le plan d'actions du Pérou pour la mise en
oeuvre de l'initiative daté du 30 juin 2005 dit : « Es
importante destacar la voluntad del Banco Mundial para financiar el inicio de
la implementación de la EITI en el Perú, para lo cual se
contaría con un total de aproximadamente US$ 350.000 a ser utilizados
hasta Diciembre 2006. Para el éxito pleno y sobretodo para asegurar la
sostenibilidad del proceso, el Grupo de Trabajo identificará y
comprometerá otras fuentes de financiamiento durante el proceso de
implementación inicial».
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 267 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
fonds dont l'octroi dans les conditions différentes
serait difficile ou mieux, entouré de conditionnalités
insoutenables. La conditionnalité de la transparence devient alors une
moindre hypothèque qui rapporte des financements importants. Le Fonds
des Donateurs Multi-bailleurs a été établi pour
centraliser les financements de la transparence par les Etats et les
institutions qui soutiennent la mise en oeuvre de EITI. L'encadré
ci-dessous fait état des financements perçus par certains Etats
et en passe d'être perçus.
Encadré: A propos des financements dans
le cadre du MDTF
Nine MDTF Grant Agreements have been signed--with Cameroon,
Ghana, Guinea, Liberia (April 2008), Mauritania, Mongolia, Nigeria, Peru, and
Yemen (April 2008)--for a total value of US$4.76 million, of which US$2.54
million had been spent by recipients as of March 31, 2008. Grant Agreements for
the Democratic Republic of Congo, in the amount of US$0.8 million, and
Madagascar, in the amount of US$0.35 million, are under preparation. Over the
next three to six months, Grant Agreements with Equatorial Guinea, Kyrgyz
Republic, Mali, Niger, and Republic of Congo are likely, while over the next
six to 12 months (or more) Grant Agreements with Cote d'Ivoire, Sao Tome and
Principe, Sierra Leone, and Timor-Leste are expected. Over the next several
months some grant recipients will exhaust MDTF grants/complete their Grant
Agreements--this is already the case with Nigeria. The Management Committee
needs to decide if «second phase» support will be provided to
countries that request additional MDTF grants (Mauritania and Ghana have also
indicated that they will request additional funds). This issue will be covered
in the discussion of the FY09-10 MDTF work program during the Management
Committee meeting.
Paragraphe II : L'Etat transcendant ?
L'instrumentalisation des acteurs privés par l'Etat au sein de EITI :
les ONG et les firmes au service de la diplomatie étatique.
Dès lors que l'on a marginalisé les
considérations relatives à l'impertinence d'une vision
nominaliste de l'Etat, une fois que l'idée de la transformation de la
souveraineté a gagné en potentiel séductif, la
problématique de la relativité ne saurait totalement être
argumentée sous le seul prisme des transactions interétatiques,
surtout quand on a invalidé la thèse du statisme1
sempiternel. Aussi, l'initiative offre-t-elle l'occasion de palper par le
truchement du lien rationnel qui lie l'Etat aux acteurs privés y
impliqués, en plus de la privatisation de l'action
1 Il faut reconnaître que si le statisme est
une posture qui met l'Etat au centre de la politique internationale, il
possède encore quelque chance de pertinence. Mais s'il est perçu
comme la posture qui fait de l'Etat le seul acteur, alors il s'inscrit sur la
liste des attitudes à dénoncer. Notons par exemple qu'un auteur
tel que Stephen D. Krasner déroule sa posture statiste mais
reconnaît que les acteurs transnationaux sont une composante naturelle du
système des Etats souverains. Aussi, pense-t-il que l'Etat est le plus
fort des acteurs parce qu'il est celui dont la structure doit mouler les autres
acteurs. Même si l'on pense que cette posture comporte quelque
élément d'exagération, car les acteurs privés
peuvent se mouvoir indépendamment des doctrines étatiques, il
apparaît que l'Etat dessine le cadre d'action des acteurs privés,
que ce soit leurs Etats d'origine ou bien ceux de leur implantation. Lire par
exemple : Krasner S. D. « Power politics institutions and transnational
relations » in Risse -Kappen Th. op. cit. pp. 257-279.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
étatique, la mollesse de la
souveraineté1 qui cesse d'être la réalité
rigide et inflexible qui constitue le substrat de la pensée
réaliste orthodoxe. C'est parce que l'interpénétration des
acteurs privés avec l'Etat constitue une modalité incontournable
de l'ère de la souveraineté molle que, de plus en plus d'espaces
d'émulation de la politique internationale sont devenus des lieux de la
constellation des acteurs et de l'excroissance des interactions.
La gouvernementalité c'est-à-dire « une
configuration ou une séquence historique dont on entend analyser le
gouvernement comme mode de structuration du champ d'action des individus ou des
groupes », cède le pas à la gouvernance2, qui se
substitue à la première3. L'un des aspects de la
gouvernance tient à sa nature intégrative des logiques
éparses et des acteurs multiples. L'on se croirait en présence
d'une anarchie gouvernementale mais, dans ce foisonnement, l'hypothèse
de la perte de contrôle étatique s'invalide dès lors que la
poursuite de la politique et de la diplomatie publiques de l'Etat se fait par
des acteurs privés . Certains apparaissent alors comme des maîtres
des horloges4, des stratèges qui utilisent au gré de
leurs objectifs les composantes privées en exercice sur leurs
territoires. Dans ce cas, il faut envisager comme acception pertinente, la
privatisation de l'Etat telle qu'envisagée par Béatrice Hibou.
Elle dit : « réfléchir sur l'hypothèse de la
`privatisation des Etats', c'est se laisser la possibilité de penser
d'éventuels nouveaux modes de pouvoirs et de gouvernement, d'entrevoir
de nouvelles représentations du politique. C'est également se
donner l'opportunité
1 La souveraineté cesse d'être le
totem qui interdirait toute interférence dans les affaires des Etats
nation car désormais, à la suite de Janice E. Thomson, l'on peut
dire que dans son compartiment « law enforcing », l'action de l'Etat
laisse de la place aux acteurs privés, tandis que le « law making
», parce que relevant du ressort ultime de l'Etat, peut exclure ceux-ci.
Janice E. Thompson « State sovereignty in international relations:
Bridging the gap between theory and empirical research » International
Studies Quarterly, n°39, pp. 213-233 (1995).
2 De l'étymologie latine guvernare
qui veut dire piloter un navire ou naviguer, le sens premier du vocable
gouvernance tend à évoluer vers une idée de
l'intégration de la réalité multi-actorielle dans
l'élaboration et la conduite des politiques publiques. Les usages
coloniaux du concept distillaient déjà l'idée de la
collégialité ou du moins de la prise en compte d'avis et acteurs
différents de l'Etat dans la conduite des affaires publiques. C'est ce
sens qui comporte l'idée de l'intégration des acteurs
privés dans le law enforcing qui est restitué ici.
Pierre de Senarclens et Yohan Ariffin, La politique internationale :
théories et enjeux contemporains, op. cit. pp.184-188. Cependant,
la gouvernance, lorsqu'elle est précédée de l'adjectif
« bonne », peut également dans certaines de ses
définitions, laisser transparaître plutôt que l'aspect
intégratif des acteurs privés, le souci de la transparence et de
l'impartialité. Ceci n'exclut toutefois pas cela car, la
multi-actorité permet un contrôle et une reddition de comptes
comme conséquence logique d'une politique publique, dans le cadre de
l'évaluation comme moment ultime dans la chaîne de l'action
publique. Ainsi, Sophie Lewandowski rappelle la définition de la bonne
gouvernance par la Banque mondiale en : « la gouvernance est la
gestion impartiale, transparente des affaires publiques à travers la
création d'un système de règles acceptées comme
constituant l'autorité légitime, dans le but de promouvoir et de
valoriser des valeurs sociétales visées par les individus et les
groupes ». Lewandowski Sophie « Les compromis d'une ONG
burkinabé entre politiques de `bonne gouvernance' et pouvoirs locaux
» Afrique contemporaine, vol. 221, n°1, pp. 131-152
(2007)
3 Bayart Jean François (2004) Le
gouvernement du monde, une critique politique de la globalisation, Paris:
Fayard.
4 Philippe Delmas, Le maître des horloges,
op. cit.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 269 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
d'envisager les stratégies étatiques qui
paraissent en retrait, en déclin, voire en décomposition comme
faisant partie du processus de formation continue de l'Etat, comme une nouvelle
modalité de production du politique1».
S'insérant pour les besoins de clarification du
paragraphe dans ce couloir de la privatisation des modes étatiques,
tendance qui se généralise et échappe désormais au
tabou qui jadis, créait des pronaos et des naos, sanctuaires inviolables
de la compétence exclusive des Etats, l'on peut penser que l'initiative
offre l'occasion d'éprouver au travers de la capitalisation par l'Etat
du lien qui l'unit aux acteurs privés, l'hypothèse de la
privatisation. Aucun domaine de l'action étatique n'échappe
désormais aux acteurs privés dont l'apport s'avère de plus
en plus incontournable pour la résolution des problèmes
complexes2. Cela dit, ce paragraphe présente une structure en
deux temps, le premier temps porte sur le lien entre les Etats et les ONG (A)
tandis que le second se penche sur l'interaction entre les Etats et les firmes
(B).
A. La cession de la flexibilité et de
l'expertise des ONG au Léviathan
Les configurations relationnelles dans l'initiative de
transparence des industries extractives imposent la distinction entre les
transactions dont le maître à jouer est l'Etat d'origine des
grandes ONG internationales (1), et celles qui se jouent dans les sites de la
mise en oeuvre (2).
1. Les ONG acteurs d'une diplomatie non gouvernementale
au service de l'Etat L'opinion déclare en général
l'existence d'un lien collusif entre les grandes puissances et certaines
grandes ONG qui exercent dans les pays du Sud. Sans s'abreuver jusqu'à
la lie à la source populaire, l'on peut émettre
l'hypothèse de la véracité partielle de cette idée
répandue.
1 Ce faisant, Béatrice Hibou souscrit
à la gouvernementalité de Bayart. Hibou Béatrice (1999)
(dir.) La privatisation des Etats, Paris : Karthala. Il s'agit de
faire usage de ce que Achille Mbembe appelle le « gouvernement
privé indirect », mode opératoire par lequel l'Etat laisse
dans un contexte de crise de l'Etat-total et de l'Etat omniprésent,
certaines de ses charges aux acteurs privés pour se replier sur les
fonctions régaliennes. Lire Joseph Achille Mbembe (2000) De la
postcolonie : essai sur l'imagination politique dans l'Afrique
subsaharienne, Paris : Karthala.
2 L'on peut à ce propos lire l'ouvrage
collectif dirigé par Niagalé Bagayoko-Penone et Bernard Hours sur
l'implication des ONG dans la production des normes sécuritaires dans
les pays du Sud. Bagayoko-Penone N. et Hours B. (dir.) Etats, ONG et
production des normes sécuritaires dans les pays du Sud. Paris :
l'Harmattan, 2005. Mais on peut également lire : Sven Bislev «
Globalization, state transformation and public transformation »
International Political Science Review, vol. 25, n°3, pp. 281-296
(2004) ; Avent Deborah « NGOs, Corporations and security transformation in
Africa » International Relations, vol. 21, n°2, pp. 143-161
(2007). Il arrive même que l'Etat se désengage du fait de sa
faiblesse des fonctions régaliennes, concurrencé en cela par les
acteurs privés. La permanence de l'insécurité et la
mollesse de la réponse étatique dans le Delta du Niger a conduit
les compagnies pétrolières à instaurer et à piloter
les questions sécuritaires en partenariat avec les compagnies
privées de sécurité. Antoine Perousse de Montclos appelle
le système qui en résulte le « syndrome de Monaco ».
Voir Perousse de Montclos M. A « Les entreprises para-privées de
coercition : de nouveaux mercenaires ? Pétrole et sécurité
privée au Nigeria : un complexe multiforme à l'épreuve du
`syndrome de Monaco' » Cultures et Conflits, n°52, 4/2003,
pp.117-138.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 270 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Et sur cette base, considérer que la diplomatie des
grandes puissances se privatise de plus en plus, ce en totale conformité
avec la réalité complexifiée de la politique
internationale contemporaine. La déclaration de Boubacar Niane va dans
le sens de cette collusion qui favorise l'atteinte des intérêts
des Etats occidentaux. Il dit : « les grandes ONG, notamment
européennes et nord américaines apparaissent comme des relais de
leurs gouvernements respectifs dans la mise en oeuvre de leurs politiques de
coopération. Entre autres exemples poursuit-il, on peut noter que entre
70% et 90% des ressources des ONG américaines proviennent du
gouvernement américain1 ». Le fait du financement public
des ONG ne doit pas susciter de l'étonnement, si l'on échappe
à l'illusion de la non gouvernementalité que favorise le sigle.
Comme le pensent certains auteurs, les ONG ont connu l'essor et se sont vues
assignées des missions humanitaires à la suite des conflits ayant
ainsi la tâche ingrate de panser les blessures causées par les
Etats, dans la poursuite brutale des objectifs de leurs politiques de
puissance2. L'affirmation de la collusion ou mieux, de
l'instrumentalisation des ONG par les Etats repose sur le
financement3 mais pas seulement, car la lisière entre les
deux secteurs paraît très floue4.
C'est ce qui fait dire à Fernando et Heston que: «
But NGOs function within the boundaries set by the states and are subjects
to various laws and regulations. Moreover, there is more
1 Niane Boubacar « Du gouvernement des ONG au
Sénégal ? » in Yann Lebeau, Boubacar Niane, Anne Pirion et
Monique de Saint Martin (dir.) Etats et acteurs émergents en
Afrique, Paris : Karthala/IFRA, 2003, p.88. Mais au-delà de
l'affirmation de Niane, l'on sait que le Congrès américain a
créé en 1969 l'Inter-American Foundation (IAF) dans la
quête d'une nouvelle méthode d'assistance au développement.
Elle avait mission de soutenir les organisations privées dans la mise en
oeuvre d'une stratégie de développement alternative. Les ONG
étaient au premier rang des organisations qu'elle finançait.
2 Bertrand Badie fonde d'ailleurs sur cette
collusion, l'établissement d'un nouvel ordre humanitaire, après
la double faillite de l'Etat et du privé dans la gestion de
l'humanitaire. Voir Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op.
cit. pp. 258- 268.
3 Au Kazakhstan, le financement des ONG par l'Etat
est institutionnalisé. D'après la section 5.2 de la Constitution
Kazakh, le financement par l'Etat des associations publiques est interdit.
Cependant, le code civil kazakh est très imprécis sur le sens
à attribuer à l' « association publique ». Du coup, la
Loi sur le Contrat Social de l'Etat adoptée le 12 avril 2005 autorise le
financement des ONG. Ainsi, en 2005 par exemple, près de 3,5 millions de
dollars US ont été alloués aux ONG kazakh. Certes, ce
couloir est aménagé pour éviter que les ONG sollicitent
des financements extérieurs qui les rendraient autonomes
vis-à-vis du gouvernement. Lire Vsevolod Ovcharenko « Government
financing of NGOs in Kazakhstan: Overview of a controversial experience »
The International Journal of Non-for-Profit Law, vol.8, Issue
n°4, August 2006.
4 Dans certains pays comme la Pologne, la
Tchéquie, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie, la
Roumanie, l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie, il existe des bureaux de
liaison établis pour servir d'espace de la coopération entre les
Etats et les ONG. Il s'agit d'une formalisation de la
complémentarité des deux secteurs. Maria Gerasimova « The
liaison office as a tool for successive NGO-government cooperation: An overview
of the Central and Eastern European and Baltic countries' experience»
The International Journal of Non-for-Profit Law, vol. 7, Issue
n°3, June 2005.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 271 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
and more evidence of increasing collaboration between
governments and NGOs1» (mais les ONG fonctionnent au sein
des Etats et sont sujettes à des lois et régulations. De plus, il
y a de plus en plus de preuves d'une collaboration croissante entre les ONG et
les Etats). En réalité, c'est la traduction de l'esprit
européen qui se construit sur la responsabilisation de la
société civile et qui se donne pour but d'exporter ce
schéma de gouvernement. Jadis, les ONG avaient un discours alternatif
qui se justifiait par le climat de répression qui prévalait dans
les régions telles que l'Amérique Latine et l'Europe centrale et
de l'Est. Au point que, l'Etat était considéré comme
ennemi2. Désormais, avec la fin relative des autoritarismes
et la chute du communisme, les problèmes de l'heure exigent moins une
opposition qu'une complémentarité entre l'Etat et les ONG. La
théorie démocratique qui s'exporte vers les horizons autres met
un index particulier sur la participation de la société civile
à la mise en oeuvre des politiques3. Sur la base de la
supposition de ce lien collusif, l'on peut arguer que la transparence des
industries extractives en tant que plateforme qui met en scène des ONG,
n'échappe pas à cette logique. Aussi, l'examen de la
genèse de ce que d'aucuns ont appelé l' « initiative Blair
» révèle-t-il la prégnance d'un changement de
politique étrangère en Grande Bretagne, changement qui se fonde
sur un caractère éthique de la politique du New Labour.
L'adhésion de certains pays à cette démarche
témoigne de la conformité de leurs politiques à cette
façon intégrative de faire.
1 Fernando L. Jude et Heston Alan W. « NGOs
between states, markets and civil society » The Annals of the American
Academy of Political and Social Science, vol. 554, n°8, pp. 8-20
(1997)
2 La réinvention de la société
civile que prônent certains auteurs, se justifie par l'avènement
de la démocratie libérale qui abrase la pertinence d'un discours
alternatif des ONG dans le contexte des autoritarismes. Ainsi, les grandes ONG
deviennent des relais de la politique des Etats, non plus pour combattre le
communisme et les autoritarismes, mais la revisitation nécessaire des
objectifs des ONG les conduit vers les actions en faveur du
développement. Or, elles sont plus proches des populations et sont
dotées d'une expertise avérée. Faute de procéder
à ce revirement impératif, les ONG peuvent se retrouver
déconnectées des réalités contemporaines. Lire au
sujet de la reinvention des ONG les travaux de Anthony Bebbington notamment,
Bebbington Anthony J. « Reinventing NGOs and rethinking alternatives in
the Andes », The Annals of the American Academy of Political and
Social Science, vol. 554, pp. 117-135 (Nov. 1997); Anthony J. Bebbington,
Diana Mitlin et Sam Hickey« Reclaiming development? NGOs and the challenge
of alternatives» World Development, vol. 35, n°10, pp.
1699-1720 (2007).
3 Ce lien collusif perd donc la connotation
péjorative car il s'agit d'une façon de faire la politique qui
implique totalement la société civile et les ONG qui en sont la
composante la plus active et bruyante. L'on peut pertinemment consulter les
travaux de Patricja Dabrowska sur la participation de la société
civile dans les processus décisionnels de l'Union Européenne.
Dabrowska P. « Civil society involvement in the EU regulations on GMOs:
From the design of a participation garden to growing trees of European public
debate » Journal of Civil Society, vol.3, n°3, pp. 287-304
(Dec. 2007); Dabrowska, P. (2006) Hybrid solutions for hybrid products? EU
governance of GMOs, Doctoral Thesis, Department of Law, European
University Institute, Florence, 2006. Mais l'on peut également lire pour
conforter la vue de la collusion entre les Etats et les ONG comme une
modalité de la politique contemporaine: Ekovitch Stephen «Les ONG
et la politique étrangère des EtatsUnis
»Géostratégiques, n°16, pp. 67-81 (Mai 2007).
Lire également l'ouvrage de Henri Rouillé d'Orfeuil (2006) La
diplomatie non gouvernementale. Les ONG peuvent-elles changer le monde?
Paris : Editions de l'Atelier.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 272 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
En mai 1997, Tony Linton Blair forme son tout premier cabinet.
Il annonce dès cet instant sa volonté de refonder la politique
étrangère de la Couronne, en opérant un virage
éthique et en intensifiant l'aide publique au développement.
Robin Cook son ministre des affaires étrangères déclarait
le 12 mai 1997 : « Notre politique étrangère doit avoir une
dimension éthique et nous devons encourager l'exigence d'autres peuples
à obtenir ces critères démocratiques sur lesquels nous
insistons nous-mêmes1». Le soutien annoncé pour
l'implémentation des critères démocratiques dans les pays
pauvres passait donc par une intensification de l'aide2. Aussi, Tony
Blair annonçait-t-il à Johannesburg en septembre 20023
que l'aide britannique à l'Afrique passerait à 1 milliard de
livre sterling par an dès 2006.
Le lien collusif entre le gouvernement britannique et les ONG
servira de stratégie pour l'atteinte des objectifs de cette nouvelle
diplomatie « éthique ». En notant que dans son discours Tony
Blair a averti que pareil soutien accordé à l'Afrique «
n'est pas de la charité mais un investissement pour notre avenir
commun », l'implémentation de la nouvelle stratégie
s'appuyait sur les ONG et en cela, Oxfam, Save the Children
et Christian Aid sont centrales dans la politique africaine du New
Labour. Katharine Quarmby4 pense que Oxfam connaît des
échecs dans son activité en Afrique à cause des liens
privilégiés qu'elle entretient avec le gouvernement. Sans
rechercher ici les issues de la privatisation de la diplomatie étatique,
l'intérêt réside dans la démonstration du fait
collusif.
La collusion pour le cas de la politique du New
Labour5 qui sert d'exemple mais qui n'est pas un cas
isolé, se donne à voir au travers de la proximité des
stratégies, dans la communauté des campagnes et dans
l'échange de personnels. A la suite de la guerre en Iraq, le premier
ministre britannique a vu sa politique étrangère
désapprouvée par l'opinion anglaise et même
1 Robin Cook cité par François Gaulme
« Le sursaut africain du New Labour : principes, promesses et
résultats » Afrique Contemporaine, Automne 2003, p.74.
2 L'Overseas Development Administration
(ODA) va devenir le Department for International Development (DFID),
c'est-à-dire une structure pleinement autonome qui ne sera plus
contrôlée comme la première par le Foreign
Office.
3 L'on notera au passage que c'est lors de ce
sommet pour le développement durable que le premier ministre britannique
avait annoncé le lancement de l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives. Voici un extrait de son propos : « l'Afrique
est pour moi une passion. Fier de notre leadership pour la remise de la dette,
fier des ressources que nous allons dégager pour l'aide au
développement, nous voulons donner plus encore à l'avenir... ceci
implique d'approfondir notre partenariat avec l'Afrique. Je puis vous annoncer
qu'à compter de 2006, la Grande Bretagne accordera 1 milliard de livre
sterling par an. Ce n'est pas de la charité, mais un investissement de
notre avenir collectif ».
4 Quarmby K. « Why Oxfam is failing in Africa
» New Statesman du 30 mai 2005.
5 Le cas du New Labour est retenu comme exemple
pour démontrer la poursuite de la politique étrangère des
Etats par les ONG en raison du rôle que celui-ci a joué dans la
conception et la genèse de l'initiative qui constitue l'objet de cette
étude.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 273 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
étrangère, elle lui reprochait ce suivisme
inconditionnel vis-à-vis de l'administration Bush. L'impératif
d'un retour à l'éthique annoncée en 1997 se posait comme
condition pour la sérénité politique. Le lancement de la
campagne Make Poverty History1 constitua une
opportunité de dérouler la corde éthique, en s'appropriant
et même en tentant de récupérer la lutte des 450 ONG
regroupées autour de la campagne. Les liens privilégiés
qui existent entre Oxfam et le gouvernement Blair sont apparus évidents
dans le comportement de cette ONG à laquelle les autres reprochaient
d'épouser systématiquement les opinions du gouvernement. Mais
mieux encore que les supputations sur des liens présumés ou
accomplis entre les deux sphères, l'échange de personnel donne un
aperçu plus évident du fait collusif entre l'Etat et les ONG.
Frank Judd, un ancien directeur de Oxfam a travaillé pour le
Labour dans les années 1990, et a été le
porte-parole du parti sur les questions de développement international.
Shriti Vadera, conseillère de Gordon Brown sur les questions de
développement international était un fidéicommissaire de
Oxfam tandis que Justin Forsyth fut un directeur de campagne et des politiques
à Oxfam avant de devenir un des conseillers de Tony Blair.
La présentation du fait collusif dans la relation que
les Etats instaurent avec les ONG ferait figure de poncif si elle constituait
une oeuvre structurée autour de la narration des évidences de la
collusion. Au surplus, elle serait un non-evènement politologique tant
sont légion les cas de collusion des intérêts privés
avec ceux publics. L'Etat, parce qu'il est et se veut être ad vitam
aeternam le détenteur exclusif du monopole de la contrainte et de
la violence physique et symbolique légitime, ne saurait se voir
interdire l'usage à des besoins d'intérêt national et de
Raison d'Etat, des éléments constitutifs de sa morphologie.
Aussi, l'on comprend la place des ONG dans les « guerres de palais »
où comme en Amérique latine, les Etats Unis se sont
appuyés sur le prétexte de la poursuite des droits de l'homme par
les organisations privées et des professionnels de la
société civile en lien avec différentes administrations
américaines. Le rôle de la Fondation Ford et de Human Right Watch
est de ce point de vue très significatif de la collusion des
intérêts américains avec l'action des organisations de la
société civile dans l'avancement de la démocratie en
Amérique latine2. Cela va dans le sens de Steven Ekovitch qui
fait explicitement des ONG américaines les instruments de la politique
étrangère
1 Avec Commission for Africa Report,
Make poverty history constituent les instruments de ce que Ankie
Hookvelt appelle l' « impérialisme postmoderne ». Ankie
Hookvelt « Globalization and post-modern imperialism »
Globalizations, vol. 3, n°2, pp. 159-174 (2006)
2 Voir à ce sujet Yves Delazay et Bryant G.
Garth (2002) La mondialisation des guerres de palais. La restructuration du
pouvoir d'Etat en Amérique latine, entre notables du droits et «
Chicago Boys », Paris : Seuil, notamment le chapitre VIII.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
américaine. Il dit à ce sujet : « elles
(les ONG) peuvent également être engagées dans toutes
sortes d'activités dans les pays étrangers, qu'il s'agisse
d'Etats ou de sociétés civiles. Leurs activités sont
parfois activement soutenues par Washington et sa diplomatie. Dans ce cas, les
ONG se transforment au moins partiellement en vecteurs de l'influence
américaine1 ».
En mai 2009, Transparency International en
collaboration avec quelques autres ONG telles que Sherpa et Global
Witness, a introduit une plainte contre les présidents Sassou
Nguesso du Congo, Omar Bongo du Gabon et Obiang Nguema de la Guinée
Equatoriale. Cette plainte déposée auprès du pôle
financier du parquet de Paris, a été jugée recevable par
madame Françoise Desset et, elle est la seconde du genre après
celle de 2007 classée sans suite2. Il est reproché aux
présidents ainsi indexés de confisquer les richesses de leurs
Etats au détriment des populations qui sont parmi les plus pauvres au
monde. Au-delà du récit éthique qui autorise pareille
initiative, il demeure que Transparency International et Global
Witness semblent servir consciemment ou inconsciemment les
intérêts des puissances anglo-saxonnes soucieuses de bousculer le
pré carré français, et fragiliser l'influence de la France
dans la sous-région Afrique centrale. Sherpa est une ONG établie
à Paris. Il est présidé par William Bourdon un avocat qui
a défendu William Lee un autre avocat américain. Parmi les
mécènes de Sherpa, on trouve Sigfried Rausing Trust qui est
basé à Londres mais serait très lié aux Fondations
américaines. Il s'agit d'un groupe qui dénonce
régulièrement le rôle de la France dans le génocide
rwandais. Le plus important contributeur de cette ONG est Open Society
Institute, la Fondation de Georges Soros qui investit beaucoup d'argent dans le
groupe américain Carlyle un important fournisseur du Pentagone.
Très proche de la famille Bush, Soros se serait rallié
désormais au nouveau président des Etats-Unis d'Amérique
Barack Obama. Sherpa compte aussi parmi ses donateurs Global
Witness3. Il ne s'agit pas de se prononcer sur la
véracité ou non des faits qui sont reprochés aux
présidents visés, mais manifestement la guerre pour un «
magistère d'influence » est déclarée entre les
puissances pour le contrôle des immenses ressources extractives dont
regorgent les Etats du Golfe de Guinée. Et dans cette guerre, les ONG ne
sont pas neutres. Cela peut inspirer le même commentaire du rapport du
CCFD-Terre Solidaire sur les « biens mal acquis » de certains
dirigeants4. Il s'agit de penser que les ONG sont des acteurs
incontournables dans la
1 Steven Ekovitch « Les ONG et la politique
étrangère des Etats-Unis
»Géostratégiques, n°16, mai 2007, p. 68.
2 Le 29 octobre 2009, cette autre plainte a
été jugé irrecevable par la cour d'appel de Paris.
3 Voir l'article de Albert Duvillard «ONG en eaux
troubles» dans Le Point, n°1924 du 30 juillet 2009, pp.
33-36.
4 Antoine Dulin et Jean Merckaert « Biens mal
acquis. A qui profite le crime ? » Rapport CCFD-Terre Solidaire, Juin
2009.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
diplomatie des puissances. Ipso facto, Johan Galtung
a raison de considérer que les acteurs non territoriaux à
l'exception des OTRANG (organisation transnationale non gouvernementale) ne
peuvent pas se targuer de quelque indépendance vis-à-vis des
Etats. Il dit : « une conclusion évidente se dégage de
toutes ces observations : les deux systèmes -le système
territorial et le système non territorial- ne sont pas
indépendants l'un de l'autre et il n'y a aucune raison d'espérer
qu'ils le deviendront. Les systèmes non territoriaux d'aujourd'hui sont
des instruments aux mains des unités territoriales qui savent comment
les utiliser et comme nous l'avons indiqué, il ne s'agit pas uniquement
des grandes puissances1 ».
Dès lors que l'on cesse d'appréhender les ONG
comme des monolithes figés et inamovibles, l'on peut alors les envisager
comme des organisations fonctionnelles qui évoluent et sont
vouées à des tâches dont l'Etat peut être
l'instigateur2. A ce titre, la transaction entre l'Etat et les ONG
au bénéfice du premier cesse de relever de l'extraordinaire pour
s'inscrire dans la normalité de la politique contemporaine. C'est au
travers de ces usages nouveaux des acteurs privés et
singulièrement des ONG qu'il faudra lire la souveraineté,
réalité molle qui se rend relative, en démontrant le souci
de l'autre c'est-à-dire une responsabilité qui induit des
transactions entre l'Etat et les ONG. Cette précision rend superflu tout
discours sur le fait collusif au service de l'Etat de la mise en oeuvre car,
l'exploration de l'hypothèse de l'existence d'une société
civile autonome creuset des ONG dans ces aires porte quelque
intérêt heuristique en tant qu'elle permet la démonstration
de la manipulation des ONG par l'Etat pour la conduite selon le voeu de ce
dernier, du processus de mise en oeuvre de la transparence des industries
extractives.
2. L'illusion de la pureté de la
société civile dans les aires d'implémentation de l'EITI
?
L'affirmation de l'inexistence de la société
civile dans les Etats de la mise en oeuvre comporte un risque
d'exagération, tant on y note la profusion des organisations distinctes
des Etats qui y revendiquent l'accès aux processus de décision.
L'idée de ce paragraphe est de dire que la manipulation excessive de la
société civile par les Etats dans ces espaces territoriaux
où la pratique démocratique est en implantation, donne
l'impression d'une
1 Johan Galtung «Un continent invisible: les
acteurs non territoriaux...» art. cit. p.76.
2 C'est ce qui fait dire à Norbert Götz
que: « Rather than designating a normative end, NGOs belong to the
category of functional concepts such as the state power, structure and agency
». Götz Norbert « Reframing NGOs: the identity of an
International Relations non-starter» European Journal of International
Relations, vol. 14, n°2, p. 236
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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« dédifférenciation ». La mise en
oeuvre de la transparence des industries extractives est une démarche
processuelle faites d'étapes qui, comme autant de bornes sur le sentier
de la pratique démocratique, indiquent le chemin parcouru. La
candidature d'un pays est conditionnée par la constitution d'une
équipe de parties prenantes au nombre desquelles les ONG figurent en
bonne place en tant que porte-fanions de la société civile.
L'oubli de la réalité des contextes dans
lesquels l'initiative est déployée comme une entreprise de
promotion de la norme de la transparence, peut conduire à la glissade
vers une conception universaliste de la société civile. La
transparence se pose comme impératif précisément parce que
le déficit démocratique se donne à voir dans l'absence ou
la marginalisation d'une « société civile » qui soit un
contre-pouvoir face à l'opacité ambiante, être le gendarme,
le porte-parole des faibles. Ainsi, le spectacle de l'invitation des
organisations de la société civile au banquet de la transparence
offre-t-elle de scènes de l'auto-assujettissement desdites organisations
qui se prédisposent à la manipulation étatique. Lorsqu'en
2005 le gouvernement camerounais, soucieux de constituer un comité de
suivi de la mise en oeuvre de EITI, se tailla de toute pièce sa «
société civile », le fait a suscité le haro des ONG
influentes et réputées de la place qui, parce que
financées depuis l'extérieur, se présentent comme la
société civile camerounaise. En réponse, le
gouvernement convoqua près de 300 ONG camerounaises à
l'hôtel Mont Fébé de Yaoundé pour leur exposer la
situation et surtout, leur demander trois représentants pour le
comité. Au terme de la réunion, chaque représentant d'ONG
reçut une enveloppe de 50.000 FCFA représentant le remboursement
des frais de transport. Cette démarche eut pour effet de semer le
trouble au sein des ONG en leur miroitant les rentes de la perspective
d'appartenir au comité.
Ce premier niveau de l'instrumentalisation des ONG par les
Etats est généralement suivi par la vulgarisation des jetons de
présence qui vont grossissant, selon que les décisions à
adopter sont d'une importance capitale pour l'Etat. L'appeal des ONG
en rapport avec les jetons de présence1, les rend
vulnérables devant les Etats qui, dans la poursuite des objectifs dont
l'initiative est un moyen, se servent d'elles comme garantie. En fait,
l'illusion que la présence des organisations de la société
civile dans les comités de mise en oeuvre est gage de
1 Le 3 avril 2008, lors d'une réunion du
comité EITI Cameroun qui avait pour seul point à l'ordre du jour
l'adoption du budget 2008, grande fut notre surprise d'entendre les
représentants d'ONG au sein du comité prendre la parole pour
demander que soit revue à la hausse le montant des jetons de
présence qui s'élevaient jusque-là à 200.000 FCFA.
La raison avancée était qu'en ces temps où le baril de
brut avait franchi le cap de 100 dollars, 400.000 FCFA ne représentaient
que de l'argent d poche car le gouvernement percevait des millions de dollars
de l'exploitation pétrolière. Il est apparu comme une
atmosphère de concertation préalable entre les membres d'ONG afin
de plaider pour une revalorisation des jetons de présence.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 277 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
la bonne volonté de donner corps à la transparence,
sert d'opportunité aux Etats qui les utilisent comme assurance.
De plus, la considération des trois mises en garde de
Sydney Tarrow1, précisément celle relative à la
rémanence de l'Etat comme acteur politique dominant dans l'espace
international, justifie que ce dernier use de ce privilège pour conduire
ses affaires en s'appuyant sur les atouts des autres acteurs. La politique
mondiale devient dès lors une polité dans laquelle les Etats sont
prépondérants car, disposant d'une capacité d'influence
sur les autres acteurs notamment les ONG dont ils exploitent l'expertise et les
informations en vue de rendre efficientes leurs politiques. Ainsi, les
considérations de Paul Wapner qui lit la politique mondiale en terme
d'horizontalité (horizontal politics) et pense la politique
au-delà de l'Etat2, perdent en pertinence tant les Etats
gardent le contrôle sur nombre d'aspects de la vie
internationale3. De plus, au plan interne, l'on ne peut pas
considérer que les ONG échappent totalement aux Etats pour
s'inscrire dans des relations horizontales avec leurs alter ego du
monde, puisque l'existence d'une relation verticale au sein même de
l'Etat révèle la mainmise de celui-ci sur son territoire et ses
administrés.
Considérant la transparence des industries extractives
stricto sensu, l'acceptation même de l'idée de la
coproduction d'un environnement démocratique par l'intégration
des organisations de la société civile est
révélatrice de l'arrière-pensée de capitalisation
de l'interaction par les Etats. Ces contextes particuliers dans lesquels la
démocratie va à son rythme auraient-ils tout d'un coup l'affect
de la responsabilité au point d'envisager l'ouverture dont on sait
qu'elle provoquerait la fin de certains régimes ? L'on peut pertinemment
appréhender la parlementarisation de l'espace politique dans les Etats
de la mise en oeuvre, parlementarisation en tant qu'elle est la
tolérance de l'autre que l'on redoute dans un contexte de moeurs
politiques civilisées, comme une simulation dans le prolongement
1 Sidney Tarrow rappelle que très souvent
l'on oublie trois leçons que l'histoire nous a enseigné à
savoir : premièrement que l'Etat demeure l'acteur dominant dans la
plupart des domaines de la politique, malgré le lien fréquemment
fait entre les forces transnationales et la globalisation, la politique
transnationale a vu le jour bien longtemps avant la globalisation et, les Etats
ont souvent aussi mené des politiques transnationales. Sidney Tarrow
« Transnational politics: contention and institutions in international
politics » Annual Review of Political Science, n°4, pp.1-20
(2001).
2 Wapner P. (1996) Environmental activism and
world civic politics, Albany: State University NY Press.
3 Comme le montrent certains cas de figure dans
lesquels l'Etat se sert des acteurs transnationaux. Lire par exemple Peter
Hägel et Pauline Peretz « States and transnational actors: who's
influencing whom? A case study in Jewish Diaspora politics during the Cold War
» European Journal of International Relations, vol. 11, n°4,
pp 67-493.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 278 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
sindjounien1 de la trilogie de Hirschmann. Les ONG
seraient alors des objets de conformité des Etats aux normes
démocratiques internationales, une démocratie en oripeau dont le
lointain aperçu renvoie une image réflexive de la norme promue.
Si l'on ne se laisse pas distraire par l'effet d'optique, l'on peut observer
que les ONG servent à la formation d'une illusion de conformité
démocratique, à la simulation. L'Etat est donc de toute
évidence toujours détenteur d'une capacité d'action qui
lui permet d'entrer en interaction avec les autres acteurs dont
l'émergence semblait sonner le glas, entonner le requiem de
l'Etat. Les firmes n'échappent pas à cette instrumentalisation
étatique dont la fin est la préservation des
intérêts des Etats.
B. Du consensus opaque à la transparence
collusive : les industries extractives et l'Etat, idylle éternelle d'un
couple fusionnel
Le postulat de base de ce sous-paragraphe est l'idée
réaliste selon laquelle l'Etat utilise les autres acteurs pour la
poursuite de l'intérêt et de la puissance2. En effet,
le réalisme, comme le relève Colonomos3 pour le
déplorer, considère que l'Etat est un acteur unitaire dont la
politique étrangère s'appuie sur toutes les composantes. Pendant
longtemps (et aujourd'hui encore), la puissance d'un Etat s'est lue au travers
des fleurons de son économie. Le Japon et les USA ont fait fortune par
la maîtrise de la technologie productrice et surtout dans le quadrillage
des marchés par leurs firmes. L'un et l'autre, dans les applications de
ce que Peter Katzenstein et Yutaka Tsujinaka appellent « buying » et
« bullying4 », ont confirmé l'impact de l'Etat dans
la conduite de la diplomatie d'entreprise. Dans le domaine des mines et
hydrocarbures, le caractère stratégique des ressources
énergétiques confère aux firmes y exerçant, une
certaine identité qui est intimement liée à l'Etat
d'origine de celles-ci. L'intérêt national peut être
intimement lié à des ressources telles que le pétrole et
donc, faire des compagnies pétrolières des acteurs
décisifs dans la poursuite des objectifs de la puissance.
1 Voir Sindjoun Luc « La loyauté
démocratique dans les relations internationales : sociologie des normes
de civilité internationale » Etudes Internationales,
vol.32, n°1, pp.31-50 (mars 2001).
2 Cette idée qui s'oppose à
l'acception de Susan Strange pour qui le marché est un pouvoir autonome,
est promue notamment par Robert Gilpin. Lire par exemple Gilpin Robert (1975)
US Power and The Multinational Corporations: the Political Economy of
Foreign Direct Investment. New York: Basic Books.
3 Colonomos, A. La morale dans les relations
internationales, op. cit. p.61.
4 Le concept de buying dénote pour
ces deux auteurs le fait pour les firmes étrangères d
`acquérir des intérêts économiques dans le pays pour
exercer une influence indirecte dans le pays hôte. Le bullying
consiste pour une firme d'utiliser l'influence directe au plus haut niveau
politique pour se donner de l'importance dans le pays hôte. Un
troisième concept, celui de binding rend compte de la
coopération des firmes avec les bureaucraties et les syndicats des pays
hôtes. Peter J. Katzenstein et Yutaka Tsujinaka « `Bullying»,
`'buying» and `binding»: the US-Japanese transnational relations and
domestic structures » in Thomas Risse-Kappen (ed.) Bringing
transnational relations back in, op. cit. pp. 79-111.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
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D'autre part, lorsqu'on considère les pays hôtes
des firmes des industries extractives, la posture statiste voudrait que l'on ne
perde pas de vue que les structures domestiques moulent les comportements des
acteurs transnationaux1 ; c'est de toute façon la
réalité qui sous-tend à la seconde articulation de ce
sous-paragraphe. Toutefois, ceci n'excluant pas cela, les acteurs
transnationaux sont des acteurs rationnels qui ne se fondent pas totalement
dans le moule étatique des comportementalités.
1. Les firmes transnationales dans la transparence des
industries extractives: les contours d'une action des firmes au service de
l'Etat
Les Etats sont dans une logique de poursuite des objectifs de
politique étrangère et nul ne peut s'offusquer de ce que la norme
éthique de la transparence soit instrumentalisée à cette
fin. Lorsque le premier ministre français François Fillon, en
visite au Cameroun du 20 au 22 mai 2009 tient un discours mettant l'emphase sur
la transparence comme mode opératoire de la politique française
en Afrique sous l'ère Sarkozy, il s'agit de l'énonciation d'une
logique nouvelle. La transparence des industries extractives est donc la
matérialisation de cette nouvelle orientation dans un secteur
précis. Par-delà les développements au sujet de la
matière, la mise en oeuvre de cette politique s'appuie sur des acteurs
publics et privés et, désormais, l'Etat ne compte plus uniquement
sur ses démembrements dans le cadre d'une diplomatie classique et d'une
para-diplomatie. Parce que les acteurs privés sont devenus des agents
d'une diplomatie parapublique au service de l'Etat, les firmes font la
démonstration des délices d'une diplomatie d'affaire2
au service de l'Etat. Peut-on encore dès lors parler de réalisme
? Certainement !
Sur la foi de quatre éléments3, le
réalisme se présente comme la théorie de la puissance et
de l'intérêt. La moralisation de la politique
étrangère des Etats permet d'atteindre des buts de
1 Lire à ce sujet l'ouvrage collectif
dirigé par Thomas Risse-Kappen sur les acteurs transnationaux,
précisément les contributions de Stephen Krasner « Power
politics, institutions, and transnational relations » in Risse-Kappen
(1995) op. cit. pp. 257-279. Mais aussi Cal Clark et Steve Chan «
MNCs and developmentalism: domestic structure as an explanation for the East
Asian dynamism » in Risse-Kappen (1995) op. cit. pp. 112-145.
2 La notion de diplomatie d'affaire ou
corporate diplomacy décrit cette forme de diplomatie conduite
par les firmes et donc les retombées sont bénéfiques pour
les Etats. Elle rime avec une loyauté nationale. Voir par exemple
Richard J. Barnet et Ronald E. Müller (1975) Global reach :...
op. cit. pp. 72-103.
3Il s'agit comme le rappelle encore Dario
Battistella de : la prévalence de l'anarchie dans le système
international, les Etats-nations comme acteurs rationnels qui cherchent
à maximiser leur intérêt national défini en terme de
puissance, la prévalence du rapport de force ou l'équilibre de la
puissance qui permet de maintenir une paix précaire et les Etats-nations
considérés comme les acteurs principaux des relations
internationales. Voir Battistella Dario « Le réalisme
réfuté ? » Etudes Internationales, vol. 34,
n°4, pp. 615-616, décembre 2004.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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puissance1 ; il ne s'agit donc pas d'abandonner la
maxime de l'intérêt et de la puissance, mais d'intégrer les
exigences de ce temps2 dans la conduite des affaires du monde car,
le temps de la Guerre Froide est révolu. De plus, par delà les
temps et les époques, la notion d'intérêt demeure
transversale dans la conduite des Etats. La prise en compte des acteurs
nouveaux libérés du musellement de la Guerre Froide
n'épuise pas le domaine des efficiences du réalisme mais,
l'enrichit des considérations nouvelles. C'est le vin nouveau dans de
nouvelles outres, le risque d'implosion est nul, l'anomie n'est pas
envisageable. Ceteris paribus, la pertinence de ce réalisme
moral se lit au travers des usages étatiques de la diplomatie
corporative.
Si la crise philippine3 de 1973 a
révélé une firme américaine en opposition avec la
politique de la Maison Blanche, le rôle de ITT dans le renversement de
Salvador Allende par le général Augusto Pinochet dans la
même décennie 1970 illustre les interpénétrations
qui existent entre les Etats et leurs firmes dans le design des
régions géopolitiques. Dans la droite ligne de la
démonstration de cette collusion selon qu'elle est le fait de l'Etat qui
mène les jeux, s'inscrit cet espace, en considérant le cas
précis de la transparence des industries extractives.
Le premier niveau de lecture de la diplomatie d'affaire comme
tremplin de la politique étrangère des pays d'origine des firmes
est la tempérance du climat social comme incidence de la transparence
des industries extractives. Les firmes ont leur part de mérite dans cet
état de fait. La stabilité sociale repose sur des variables
telles que le bien-être social. Il n'y a de paix que dans un
environnement de repus. Or, les firmes des industries extractives constituent
des vecteurs de développement dans ces sociétés richement
dotées de ressources du sous-sol. Dans la quête d'un climat social
stable dans les espaces de mise en oeuvre de l'initiative, climat qui
arrangerait les affaires des Etats développés, les industries
extractives ont une responsabilité cruciale dans la pacification des
Etats. D'ailleurs, ces dernières ont quelques
1 C'est pour cela que Adrian Hyde-Price assimile
l'action de l'Europe qui se définit comme une puissance éthique,
à une déclinaison du réalisme structurel. Lire notamment
Hyde-Price A. « A `tragic actor' ? A realist perspective on `ethical
Europe' » International Affairs, vol. 84, n°1, pp.29-44
(2008) ; Hyde-Price A. « Normative power Europe : a realist critique
» Journal of European Public Policy, vol. 13, n°2, pp.
217-234 (March 2006).
2 A ce titre, le smart power qui est la
politique du bâton et de la carotte s'applique mieux, évitant
d'adopter des politiques étrangères déconnectées
des réalités inhérentes aux espaces de la mise en oeuvre.
Le smart power comme paradigme mesuré alterne l'usage de la
puissance hard et de la puissance soft. Voir Ernest J.
Wilson, III « Hard Power, Soft Power, Smart Power» The Annals of
the American Academy of Political and Social Science, n°616, pp.
110-124 (mars 2008).
3 En 1973, la filiale locale de Exxon aux Philippines
refusa de vendre du pétrole à la Navy dans la baie du
Subic par solidarité avec les pays arabes qui voulaient boycotter les
produits américains.
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fois été des acteurs importants dans le
délitement du climat politique des pays. La pacification du climat
social par la participation au bien-être des populations passe par
l'implication des firmes dans le processus de développement des
régions d'opération, au-delà des revenus qu'elles
engendrent aux Etats. Conocco Phillips a crée dans ce sens, des
structures de concertation pour penser en coopération avec les
populations riveraines de ses raffineries, les meilleurs formules de
développement. Les Community Advisory Council (CAC) et les Citizen
Advisory Panel (CAP) sont ces espaces de concertation1. Ils ont par
ailleurs, le mérite de contribuer à la pacification du climat par
le dialogue qu'ils favorisent et empêchent ipso facto la
montée des violences du fait du saut de leur couche par les compagnies
en quête de la seule reconnaissance étatique. Ce souci de
pacification et de pérennisation de la paix sociale a conduit le groupe
Anglo American à solliciter un vote des populations locales sur un
projet autorisé par le gouvernement péruvien. En effet, en avril
2007, la firme a reçu le quitus du gouvernement pour le projet
d'exploitation de Michiquillay au nord du Pérou. La compagnie, soucieuse
de la paix sociale dans les sites d'opération, a sollicité le
vote des populations de Michiquillay et de La Encanada. Celles-ci ont
approuvé le projet à 60% et il s'agit d'un projet de 403 millions
de dollars dont la moitié est censée être affectée
au développement des communautés2. Ainsi, par simple
« raison pratique », les Etats-soutien à l'initiative
auraientils intérêt à s'appuyer sur les pratiques de
transparence adoptées par les compagnies originaires de leurs espaces
territoriaux, pour fabriquer la stabilité politique dans leurs espaces
de convoitise ou d'influence.
Corrélativement, les coups d'Etat et rebellions
encouragés par les concupiscences développées par la
perspective d'un contrôle des gisements de ressources et la manne qui en
découle3, peuvent connaître un bémol avec
l'institutionnalisation de la transparence comme façon de gouverner. En
effet, nul ne peut ignorer le potentiel nuisible de l'opacité dans ce
qu'elle laisse penser que l'accès au pouvoir est synonyme de
contrôle des richesses sans exigence de responsabilité. La
vulgarisation des warlords tels que Charles Taylor, Jonas Savimbi et
Laurent Nkunda prend un ancrage dans la conviction de ce vacuum et
s'appuie sur
1 Conocco Phillips' Sustainable Report 2006, p. 10
2 Anglo American, Making difference, Report to society
2008, p. 38.
3 Voir les travaux de Paul Collier au sujet des
déterminants économiques dans la survenue et la continuation des
conflits. Mais également certains travaux qui, transcendant la
dichotomie greed/grievance dans l'explication des conflits, expliquent aussi en
partie ceux-ci par les déterminants économiques. Notamment, Karen
Ballentine et Heiko Nitzschke, «Beyond greed and grievance: Policy lessons
from studies in the political economy of armed conflict », International
Peace Academy report, October 2003.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 282 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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les connections extérieures qui facilitent par le fait
globalisateur, l'écoulement dans les marchés informels et
parallèles des produits de ce braconnage social1.
De même, l'opération de séduction des
« alliés silencieux » que sont les autres peuples, s'appuie
sur la revisitation des modèles de politique étrangère.
L'intérêt national des puissances du monde développé
a cessé d'être défendu uniquement par une cooptation des
élites au pouvoir. L'expérience du golfe arabo-persique a
démontré que la longue entente entre les puissances et les
leaders quelques fois contestés et légitimement contestables, a
créé un déphasage entre les actions des puissances et les
aspirations des populations. Considérant le cas des Etats-Unis au Golfe,
Henry Hyde s'interrogeant sur les raisons qui y ont conduit au
développement de l'image caricaturale et destructrice des Etats-Unis y
répond en disant : « Il apparaît de plus en plus clairement
qu'une grande partie du problème vient de l'inefficacité et
souvent de la vétusté de nos méthodes2 ».
Il naît donc la nécessité d'utiliser un peu
d'idéalisme dans la poursuite de la sécurité nationale
américaine. Il poursuit en disant : « Mon raisonnement est le
suivant : En nous concentrant sur nos relations avec les gouvernants
étrangers et les organisations internationales, nous en sommes venus
à négliger un groupe de puissants alliés : les autres
peuples du monde3 ». Ces peuples qu'il qualifie d' «
alliés silencieux » défendront mieux les
intérêts américains. Il faut tout simplement oeuvrer
à se faire connaître par eux, les intégrer dans le plan du
développement du monde. Ce, d'autant plus que le terrorisme est en
partie l'expression d'une impuissance. Celle d'un peuple au banc de la
société et qui n'a plus d'espoir. Porter l'espoir à ces
peuples par la liberté, la justice et le développement
économique est un objectif de la nouvelle stratégie
américaine de sécurité nationale. Mais, « la
propagation de ces principes à l'étranger bénéficie
non seulement aux populations d'autres pays, mais renforce également la
sécurité nationale des Etats-Unis en réduisant les risques
de conflits entre les nations4». La condition de ce
développement est un usage transparent et rationnel des énormes
ressources dont regorgent les sous-sols de ces aires privilégiées
de pauvreté. L'adhésion des firmes au jeu de la transparence
participe donc de la facilitation de l'atteinte des objectifs ainsi
déclinés sous la forme du réalisme éthique.
1 Lire à ce sujet William Reno, Warlord
Politics and African States, op. cit.
2 Hyde Henry 2002, «La diplomatie publique et la
politique étrangère des Etats-Unis: parler à nos
alliés silencieux » Revue électronique de
Département d'Etat américain ; vol.7 n° 4, p. 25,
(décembre 2002).
3 Hyde, art. cit. p. 26.
4 Lieber (K) et Lieber (R)., «La stratégie
de sécurité nationale du président Bush » Revue
électronique du département d'Etat américain. vol.7,
n° 4, p. 29 (décembre 2002).
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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en Science
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Yaoundé II/Cameroun)
La problématique de la transparence peut être
intimement liée à la question de sécurité.
Audelà de la simple suspicion, on peut pertinemment penser que
l'exigence de transparence est consubstantielle à l'idée de
sécurité nationale1 des Etats-soutien. Dans la
poursuite de la sécurité énergétique des pays
développés, surtout en ces temps d'instabilité des points
géopolitiques2à laquelle il faut adjoindre la
raréfaction des ressources qui sont non renouvelables, un usage
transparent des revenus permettrait de codifier l'exploitation, en mettant un
frein à l'exploitation anarchique. Un scramble vers les
ressources du sous-sol dépouille l'humanité des ressources utiles
à sa préservation, mais plus encore, ces ressources
relèvent de la sécurité nationale de certains Etats,
sécurité définie en terme
énergétique3. Les firmes sont d'autant plus agents de
la diplomatie d'affaire au service des Etats que, il est arrivé qu'elles
comptent parmi leur personnel des agents secrets acteurs d'une diplomatie
secrète dans un contexte de rivalité entre les puissances. Aussi,
Loïc-le-Floch Prigent rapporte que Pierre Guillaumat qui fut
désigné par le général De Gaulle pour le Bureau de
Recherches du Pétrole (BRP), avait réussi à lier les
opérations de la SDECE française avec celles de Elf Aquitaine. Il
en est de même des activités de Maurice Robert qui, en Afrique, a
lié les activités de la section africaine de la SDECE avec Elf au
point que cette firme était devenue un repère des agents secrets
ayant mission de maintenir le contrôle de la France sur ses ex-colonies.
Les firmes extractives seraient donc dans cette configuration, des agents de la
préservation de la sécurité énergétique des
Etats. Mais une sécurité dont la poursuite a changé,
passant de la collusion opaque à la collusion transparente car, leur
pratique de la transparence est bénéfique aux Etats qui en
même temps qu'ils voient assurés pour longtemps leur
approvisionnements énergétiques, ont aussi accès aux
revenus des Etats et donc, assurent leur sécurité en terre
étrangère par une prévention de l'irruption des menaces
transnationales sur leurs théâtres nationaux. A ce dernier sujet,
l'on sait que depuis le début de la guerre totale contre le terrorisme
au lendemain du 11 septembre 2001, la levée partielle du secret bancaire
aura permis la découverte des immenses sommes déposées
dans les banques occidentales par les pontes des régimes des Etats
nanties de ressources extractives. C'est en partie sur la base de la preuve de
ces avoirs que l'ex-ambassadeur américain au
1 Une approche sectorielle de la
sécurité selon l'appréhension de certains auteurs. Voir
par exemple Niagalé Bagayoko-Penone et Bernard Hours (dir.) Etats,
ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du Sud, op.
cit. Partie IV.
2 Le Golfe arabo-persique qui se présente
comme un espace instable pour les intérêts étrangers depuis
la seconde guerre du golfe, le golfe d'Aden qui est devenu un haut lieu de la
piraterie maritime, le golfe de guinée menacé désormais
par les mouvements rebelles du Delta du Niger qui ont les moyens de la pratique
de la piraterie maritime.
3 Lire à ce sujet Pierre Péan (1983)
Affaires africaines, Paris : Fayard.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Cameroun M. Niels Marquardt a prôné l'application de
l'article 66 de la Constitution camerounaise et soutenu la guerre contre la
corruption et les détournements des fonds publics1.
L'importance des firmes des industries extractives dans les
pays à économies fragiles renseigne sur la place de la
conditionnalité démocratique dans la signature des contrats
d'exploration et d'exploitation. Les Etats-soutien usent donc de leurs firmes
comme des facilitateurs dans la promotion de la consolidation
démocratique. En somme, la collusion utilitaire entre les Etats et les
firmes pour l'exaltation des intérêts étatiques se lit dans
la conscience des objectifs poursuivis par les Etats en matière
énergétique, sécuritaire et géopolitique.
Dès lors, dans l'attente de fabrication d'un espace de
démonstration de la transaction collusive au profit des firmes, il est
de bon ton de penser que dans la poursuite de ces objectifs
précédemment indiqués, les Etats utilisent les firmes. En
dépit de l'absence de données indicatives de cette collusion,
absence qui s'explique par le caractère secret de ce type de pratique
qui ne se donne pas à voir au premier abord, l'esquisse théorique
de ce soupçon a nourri le discours sur cet espace discursif. Les
indicateurs de cette collusion orientent également vers les sites de la
mise en oeuvre où l'Etat hôte des firmes se sert de leur
présence pour, par le fait de l'initiative, engranger un capital
utilitaire propice à l'avancement de ses buts de politique
intérieure et étrangère.
2. Les structures domestiques et les firmes
multinationales des industries extractives : les usages étatiques des
firmes dans la politique des Etats hôtes.
L'entrée des firmes dans les Etats hôtes quoique
faibles sur le plan institutionnel, ne se fait pas comme l'entrée dans
un pandémonium. La faiblesse de ces Etats ne les rend pas similaires
à des terrae nullius où l'auctoritas n'existe
pas, et où la capacité d'influence de la part des institutions
étatiques n'existe pas. De même que les firmes, parce qu'acteurs
transnationaux ne peuvent impacter sur les structures domestiques avec des
nuances selon les structures en
1 L'article 66 de la constitution camerounaise du
18 janvier 1996 dit : « Le Président de la République,
Le Premier Ministre, les membres du Gouvernement et assimilés, Le
Président et les membres du bureau de l'Assemblée Nationale, Le
Président et les membres du bureau du Sénat, les
députés, les sénateurs, tout détenteurs d'un mandat
électif, les Secrétaires Généraux des
Ministères et assimilés, les Directeurs des administrations
centrales, les Directeurs Généraux des entreprises publiques et
para - publiques, les Magistrats, les personnels des administrations
chargés de l'assiette, du recouvrement et du maniement des recettes
publiques, tout gestionnaire de crédits et des biens publics, doivent
faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début et
à la fin de leur mandat ou de leur fonction. Une loi détermine
les autres catégories de personnes assujetties aux dispositions du
présent article et en précise les modalités
d'application ».
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 285 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
question et selon le degré d'institutionnalisation
internationale1 de la transparence des industries extractives, de
même les structures domestiques ne sont-elles pas de monolithes muets et
figés. L'Etat hôte appréhendé comme une structure
domestique, informe sur le désir de considérer non pas les
structures sociétales, mais davantage les institutions politiques et
dans une certaine mesure, les réseaux politiques reliant ceux-ci aux
premiers2. Autrement dit, il s'agit de considérer comme
Krasner3 que l'Etat est dans l'interaction avec les acteurs
transnationaux, le moteur dont la structure doit mouler les autres acteurs.
C'est reconnaître à l'Etat une certaine souveraineté qui
exclut toute essence passive d'un acteur dont le territoire reçoit, et
dont l'autorité s'exerce dans l'octroie de l'autorisation
d'opération aux firmes des industries extractives.
Persévérant dans l'appréhension relative de la
souveraineté étatique, la reconnaissance de la capacité
d'influence de l'Etat sur les acteurs transnationaux en exercice sur son
territoire permet de rendre raison de l'opérationnalisation des firmes
des industries extractives par l'Etat. Il s'agit de penser qu'au-delà de
l'influence passive de l'Etat sur les acteurs transnationaux qui
pénètrent son territoire, ce dernier peut activement utiliser ces
acteurs pour des buts servant son intérêt. Le cas des firmes
extractives selon qu'elles sont engagées dans une transaction complexe
avec les Etats qui en récoltent les prébendes est digne
d'intérêt.
La paix sociale est une quête perpétuelle dans
les sociétés politiques4et l'accréditation des
firmes contribue à la pacification et au maintien de la
stabilité. L'hypothèse de la démocratie comme gage de la
paix sociale est ici retenue, lisible au travers de l'implication des firmes
dans la transparence. La rébellion du mouvement touarègue du MNJ
au Mali repose sur la
1 Thomas Risse-Kappen pense que l'impact des
acteurs transnationaux ou des coalitions d'acteurs transnationaux sur les Etats
d'accueil est variable selon ces deux éléments. Thomas
Risse-Kappen (Ed.), Bringing Transnational Relations Back in, op.
cit.
2 Risse-Kappen traduit le concept de domestic
structure en lui conférant le contenu d'institutions politiques,
structures sociétales et réseaux politiques servant de pont entre
les deux niveaux de l'Etat. Risse-Kappen op. cit. p. 20
3 Stephen D. Krasner « Power Politics,
Institutions and Transnational Relations » in Thomas Risse-Kappen,
op. cit. pp. 257-289.
4 Cependant, il ne faut pas considérer que
la paix est une recherche généralisée dans les
sphères de gouvernement. Il ne faut pas perdre de vue que certains
s'accommodent du gouvernement par la violence. Pis encore, certains dirigeants
s'accommodent du climat de violence qui seul peut leur céder le droit de
conserver le pouvoir. La Côte d'Ivoire est un exemple où la
violence a servi tant à Guillaume Soro qu'au président Gbagbo.
L'on peut penser que le rétablissement de la démocratie aurait
exclut du jeu certains acteurs en manque de légitimité extensive.
Et que l'entretien du climat de guerre qui a rendu possible le renvoi continu
des élections aura permis un sursis du président Gbagbo au
pouvoir, étant donné que dans le cadre des élections
à venir en novembre 2009, nul ne peut prédire le camp victorieux.
A propos de l'absence de paix comme instrument de gouvernement, lire par
exemple Chabal P. et Daloz J.P. (1999) Africa works : Disorder as political
instrument, Bloomington et Indianapolis : Indiana University Press. Mais
l'on peut aussi lire les travaux de Charles Tilly qui ressortent la violence
comme facteur de la création des Etats. Charles Tilly (1975) (ed.)
The formation of national state in Western Europe, Princeton: Pinceton
University Press.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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revendication d'une part conséquente des revenus de
l'uranium dont est dotée la région touarègue d'Arlit. Le
sentiment d'injustice nourri par l'opacité qui est entretenue par la
transaction collusive entre le gouvernement malien et la firme française
AREVA peut avoir compté parmi les facteurs explicatifs de la naissance
des mouvements tels que le MNJ et à des partisans tels que Ali Agbanga.
Les rébellions successives et atomiques du Tchad faisant du Darfour
voisin une base arrière, sont omnibulées par le pétrole
que le consortium ExxonChevron-Petronas extirpe du bassin de Doba dans le sud
tchadien. De même, l'instabilité chronique dans le Delta du Niger,
instabilité entretenue par un foisonnement de mouvements
armés1 se justifie par l'action des firmes
pétrolières qui sont dans une transaction opaque et collusive
avec le gouvernement fédéral et les élites locales. En
réalité, la carte politique dans les trois Etats
pétroliers du Delta du Niger ne saurait se jouer sans les compagnies
pétrolières qui financent, soutiennent et assurent l'essentiel
des réalisations sociales en terme de routes, dispensaires et autres
écoles, afin de pacifier le climat lourd de révolte2.
Le soutien des firmes est ainsi capital pour les élites politiques de
cette région qui instrumentalisent les bandes armées pour inciter
une plus grande dépendance des compagnies vis-à-vis d'elles, dans
l'optique de la pacification. L'absence d'un fair play anime le
sentiment de frustration et d'injustice qui est à la source de la
rébellion armée. La banalisation de la violence devient un mode
d'accès au pouvoir plutôt que la démocratie qui abhorre la
violence et la forclos.
Dans ce climat de banalisation de la violence, les firmes
constituent un acteur clé dans la mise hors jeu des mécanismes de
barbarie dans la conquête du pouvoir. Aussi, même si les
délices de l'opacité interdisent toute jubilation et tout
empressement de la part des Etats qui y voient fondre les milliards de francs
de l'absence de transparence, l'adhésion des firmes à la
transparence entraîne quelque accalmie et le gage que les démons
de l'opacité peuvent céder la place à une transparence
effective qui rendraient aux populations locales souvent marginalisées,
la pleine appartenance à l'Etat, par le bénéfice des
revenus des ressources de leurs terres3. A ce sujet, Chevron qui est
investi dans l'exploitation pétrolière dans le Delta du
1 On y recense beaucoup de mouvements rebelles,
notamment : Niger Delta People's Volunteer Force (NDPVF), de Alhaji Dokubo,
Niger Delta Vigilante (NDV), de Ateke Tom et d'autres mouvements tels que
Icelanders, Greenlanders, KKK, Germans, Dey Gbam, Mafia Lords, et Vultures qui
furent formés dans les années 1990 comme des fraternités
dans les universités.
2 En 2009, le président nigérian M.
Moussa Yar'Adua a présenté une offre d'amnistie aux groupes
rebelles qui acceptent de déposer les armes. Le 3 octobre de la
même année, Tom Akete a accepté cette offre d'amnistie.
3 En général, les peuples dont les
terres abritent les ressources quant celles-ci ne sont pas off-shore, se voient
souvent dans un contexte d'opacité, écartés de la gestion
des revenus et c'est en cela que réside la survenue des conflits et
rébellions armés. Tel est le cas des Touarègues du Mali,
des peuples du Delta du Niger (principalement les Itsikeris, les Urhobos et les
Ijaws), les darfouri (populations noires du Darfour). C'est au
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Niger, a signé entre 2005 et 2006, des memoranda
d'entente global avec huit groupes de communautés locales ainsi que
leurs gouvernements. Le but visé était de créer des outils
de développement propices à la pacification du climat social dans
cette région où, les multiples frustrations ont favorisé
l'escalade de la violence. Ainsi, au titre de ces memoranda, des Regional
Development Councils (RDC) ont vu le jour, afin de passer de la
philanthropie à un modèle de développement durable et
participatif profitable aux communautés. C'est dans le cadre de ces RDC
que les projets d'électrification rurale, de construction des routes,
écoles et dispensaires pilotés par Chevron sont financés.
Depuis la signature des memoranda, la compagnie affirme avoir
déboursé plus de 32 millions de dollars pour la
réalisation des projets définis avec les
communautés1. Les firmes deviennent ainsi des coproducteurs
de la paix sociale dans les cadres territoriaux des Etats selon le principe de
la transparence comme gage de la paix.
De plus, les Etats ont besoin des firmes pour produire des
richesses et absorber l'immense couche de la population qui manque d'emploi. En
plus de l'investissement direct étranger que drainent les firmes du
secteur extractif en direction des pays hôtes, elles créent des
emplois. L'adhésion des firmes à la transparence est le signal
envoyé aux potentiels agents de production des richesses et des emplois
dans les industries extractives. Surtout que, la plupart de pays engagés
dans l'initiative comptent pour beaucoup sur les richesses de leurs sous-sols
pour booster leur développement. De toute évidence, l'engagement
des firmes dans la transaction complexe qui prévaut dans la transparence
des industries extractives participe du soin de l'image de l'Etat hôte.
Le risque-pays s'en trouve amoindri, laissant ainsi aux compagnies autres qui
sont en quête de lieux sûrs d'investissement, l'attrait pour ces
sites jadis damnés en raison des syndromes de l'instabilité
chronique qui se développait autour des industries extractives.
Section 2 : La connotation utilitaire de l'action
non gouvernementale dans la transparence des industries extractives
Les Etats n'ont nullement le monopole de la diplomatie
publique2. Comme le démontre Eytan Gilboa1,
l'absurdité consisterait à imputer la diplomatie publique aux
seuls Etats ; car,
Tchad que curieusement la guerre pétrolière est une
guerre fratricide opposant les Zaghawas et quelques fois même les cousins
i. e le président Déby et ses frères tels que Mahamat
Nour.
1 Chevron, «Developing partnerships »,
Corporate Social Responsibility Report 2008.
2 La diplomatie publique ne doit pas être
comprise uniquement comme l'action extérieure de l'Etat. Elle est
en
réalité toute action entreprise en direction des
populations d'un autre Etat dans le but d'influencer les actions de
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 288 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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le contexte post-guerre froide se caractérise par
l'importance des acteurs non étatiques dans les affaires
internationales. En même temps, les acteurs non étatiques ne sont
pas irrationnels au point de constituer des fantoches d'une diplomatie publique
uniquement bénéfique aux Etats. Si l'idéologie
démocratique lève les foules et mobilise les acteurs de moult
bords, si les acteurs privés impliqués dans le déploiement
de la diplomatie étatique servent par volonté ou par destination
les intérêts des Etats, la fièvre idéologique n'a
pas réussi par les convulsions spasmodiques, à dépouiller
ceux-ci de leur rationalité. L'homo ideologicus n'est donc pas
aussi irrationnel qu'il ne paraît2. Dès lors que l'on a
retenu cette posture qui reconnaît aux acteurs privés quelque
rationalité qui peut s'exercer dans l'initiative de transparence des
industries extractives, l'on peut donc pertinemment considérer que les
ONG et les firmes impliquées dans l'initiative jouent dans les
transactions qui les mettent en relation les uns avec les autres et avec les
Etats, la carte de leurs intérêts. Et ce faisant, au-delà
de la cristallisation de l'attention sur les intérêts au sein
d'une initiative qui se veut le véhicule d'une norme éthique,
c'est la souveraineté qui dévoile sa nature relative et se donne
à voir non pas comme l'ombre diaphane d'un principe mort, mais comme un
principe changeant et au fait des changements des temps présents.
La juxtaposition de la problématique de la
souveraineté relative et de la relative distance entre l'éthique
et l'intérêt est le fil d'Ariane de cette étude. L'emphase
mise à quelque moment de l'argumentation ne doit pas distraire de cette
cohérence qui se veut la matrice de l'analyse. Aussi, tout en faisant la
démonstration de la prévalence des intérêts dans la
conduite des acteurs privés, il ne faut pas rester omnibulé par
le récit utilitaire qui épuise le récit éthique des
ONG (paragraphe I) et des firmes des industries extractives (paragraphe II).
Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales et
le spectacle de l'altérité : l'EITI, un théâtre de
l'humanisme captieux
leur gouvernement. Elle peut être le fait d'un Etat,
mais depuis la fin de la guerre froide et l'émergence de nouveaux
acteurs, elle est également menée par les acteurs non
étatiques. A propos de la diplomatie publique, lire par exemple :
Malone, Gifford. «Managing public diplomacy», Washington
Quarterly, vol. 8, n°3, pp. 199- 213 (1985). Leonard, Mark. (2002)
Public diplomacy, London: Foreign Policy Centre.
1 Dans son examen critique des réflexions
sur la théorie et la méthodologie dans la diplomatie publique,
Gilboa appréhende celle-ci comme étant le fait des Etats et des
acteurs privés. Eytan Gilboa « Searching for a theory of public
diplomacy » The Annals of the American Academy of Political and Social
Science, n°616, pp. 55-77 (march 2008).
2 Telle est la thèse de Raymond Boudon. Lire
Boudon Raymond (1986) L'idéologie Paris : Fayard.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Le pessimisme non-gouvernemental de Bernard
Hours1trahit la probabilité d'un récit captieux
s'agissant de l'humanitaire proclamé à cor et à cri par
les organisations non gouvernementales. Telle est l'idée que s'attele
à démontrer ce paragraphe en s'articulant autour des transactions
multiples qui lient les ONG des deux types d'Etat (c'est-à-dire les
Etats d'origine et les Etats hôte des ONG). La complexité
transparaît dès l'imagination des interactions possibles entre
ONG, les ONG et les Etats, les ONG et les firmes. Pour des commodités de
cohérence, les deux sous-paragraphes vont obéir à une
logique arbitraire qui se fonde sur les interactions privées (A) et les
transactions qui mettent en scène l'Etat et les ONG (B).
A. Les fruits de l'interaction privée : les
ONG au coeur des transactions utilitaires dans l'initiative de transparence des
industries extractives
De l'avis du professeur Sindjoun, « la formation d'un
réseau d'ONG luttant pour la bonne gestion des ressources issues de
l'exploitation pétrolière au Tchad, leur action relayée
par les partenaires et sponsors occidentaux entraînent l'intensification
de la crise de la souveraineté de l'Etat tchadien sur ses ressources
naturelles2». Si la crise renvoie au tournant, alors l'on peut
souscrire à cette affirmation, considérant que la
souveraineté est ainsi passée à l'étape de sa
relativisation c'est-à-dire que désormais, la question des
ressources naturelles ne peut plus être la chasse gardée de la
seule compétence des Etats. Ainsi, les ONG comptent parmi les multiples
acteurs impliqués dans la gestion des revenus des produits du sous-sol
et du sol. Le débat se serait avéré très bref si
tel était le point d'ancrage réel du discours. Mais en plus de la
relativité de la souveraineté qui se donne à voir dans
l'implication des acteurs nouveaux dont l'émergence et l'affirmation
sont des signes de la position théorique considérée, la
complexité des interactions qui les mettent en branle mais davantage, la
spéciosité de leur engagement éthique qui trahit une
quête des rentes matérielles et immatérielles de
l'engagement dans l'initiative sont les ressorts de cet espace. Que le lecteur
ne dissocie point les deux problématiques, puissent-elles toutes deux
servir de boussole à quiconque lit cette étude : la
relativité de la souveraineté se donne à voir dans la
multiplication des acteurs, aux transactions complexes qui les lient, mais la
relativité de l'opposition entre l'éthique et
l'intérêt complète le tableau de la scène
écrite de notre étude.
1 L'anthropologue Bernard Hours est très
sceptique quant à la capacité des organisations non
gouvernementales à produire une action humanitaire
dépouillée de la prééminence de
l'intérêt. Lire par exemple : Hours Bernard (1998)
L'idéologie humanitaire ou le spectacle de l'altérité
perdue, Paris : l'Harmattan.
2 Sindjoun Luc (2002) Sociologie des relations
internationales africaines, Paris : Karthala, p. 119.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Politique présentée à l'Université de
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Les organisations non gouvernementales impliquées dans
l'initiative de transparence des industries extractives offrent une
unième occasion de discourir sur les motivations
intéressées de l'action prétendument humanitaire des
acteurs privés. Dans les multiples relations qu'elles ont avec les
firmes et les unes les autres, nombre de retombées donnent l'impression
d'un bal des dupes.
1. Une logique de diversification des sources de
légitimité : la transparence des industries extractives
pourvoyeuse d'un supplément de légitimité
Dès lors qu'on trouve consensus autour de l'idée
que la distance proclamée des ONG vis-à-vis de l'Etat et du
marché est devenue inexistante1 et que la promiscuité
des différents acteurs de tous les ressorts est un non
évènement scientifique, il serait intéressant de croquer
les sources de légitimité que procure une adhésion aux
principes de la transparence des industries extractives, de consulter le
vade-mecum de l'hypocrisie organisée des organisations non
gouvernementales. L'on ne peut comprendre les luttes pour une
accréditation dans les comités de mise en oeuvre de l'initiative,
que par moult incidences qui font sens. Faire partie de cette élite qui
siège pour traiter le cancer de l'opacité est en soi un
privilège car source de légitimité. Dans cette ère
postmoderne, la régulation politique crée de la place pour les
acteurs nouveaux2 et, les ONG sont devenues des messies
annonciateurs d'une salvation des pauvres dont l'opacité s'est
avérée un joug lourd dont il faut les soulager. Le message ou
mieux, le récit est plutôt captieux que porteur d'une puissance
cathartique réelle. Cette réalité transparaît au
travers de l'ambiguïté qui prévaut entre le discours
dénonciateur et radical qui met en scène une opposition
éthique avec les Etats et les firmes, tandis qu'en même temps, ce
radicalisme rhétorique fond devant la pratique non gouvernementale qui
est plutôt collusive vis-à-vis des autres acteurs de la
triade3. Aussi, peut-on dénoncer le mépris d'une
quête du soutien populaire des ONG qui pourraient ainsi s'allier aux
populations qu'elles disent défendre, afin de densifier la pression sur
les Etats et les firmes. A cela, un membre de la coalition
camerounaise4 a rétorqué que ce serait créer
des problèmes supplémentaires et que le
1 Jude L. Fernando et Alan W. Heston « NGOs
between states, markets and civil society » The Annals of the American
Academy of Political and Social Science, vol. 554, n°8 pp. 8-20
(1997).
2 Boisson de Chazournes L. et Mehdi R. Une
société internationale en mutation...op. cit.
3 Pech Thierry et Padis Marc-Olivier (2004) Les
multinationales du coeur : les ONG, la politique et le marché,
Paris : Le Seuil.
4 Interrogé le 30 août 2009 à
Yaoundé (Cameroun).
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 291 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
fait pour un citoyen de savoir que l'activité
pétrolière rapporte des milliards à son pays est sans
intérêt dès lors que son quotidien n'est pas l'objet d'un
impact réel. Pendant un certain temps au cours de l'année 2009,
des populations de Libreville se sont agités après la publication
des deux premiers rapports de conciliations qui révélaient
à un peuple souvent tenu à l'écart de la gestion des
revenus du sous-sol, des sommes importantes que génère
l'activité extractive. La discussion avec le membre de la
société civile camerounaise cidessus- cité portait en
réalité sur l'absence d'ancrage populaire de EITI au Cameroun,
où on a l'impression que, de « nouveaux bourgeois » de cet
espace public construit, après avoir eu accès au chapitre, ont
gagné la légitimité qui en fait des interlocuteurs uniques
et valables de la communauté internationale de la transparence des
industries extractives. Autrement dit, le malheur des autres leur aurait servi
de caution légitimante.
L'important est d'exister et à l'échelle
internationale, il faut exhiber un motif d'action qui fait sens. Ainsi, la
solidarité tiers-mondiste a donné naissance à une
idéologie humanitaire triomphante depuis les années
19801. De même, dans les cas de l'Amérique Latine et de
l'Europe de l'Est et du centre2, le discours alternatif qui mettait
sur un piédestal le projet de la prise en charge des populations
brimées par les systèmes politiques locaux, et mises au banc par
les autoritarismes qui se constituaient, levait les foules et procurait une
légitimité aux ONG, un quitus d'existence surtout eu égard
à leur technicité et à leur flexibilité. Dans la
même veine, la transparence des industries extractives constitue
l'occasion pour les ONG d'envahir un espace dont l'occupation sous le
prétexte du containment des autoritarismes et du communisme a
perdu toute raison d'être. La transparence s'avère donc une
nouvelle source de légitimité de l'action internationale des ONG
du nord qui investissent le sud et celles du sud qui trouvent un locus
standi dans les instances internationales telles que la Banque mondiale.
Désormais, nul ne saurait discourir de la transparence des industries
extractives dans l'ignorance de certains noms de leaders et d'ONG qui sont les
propriétaires de cette chasse gardée. Ainsi, Revenue
Watch Institute, Oxfam America, Global Witness, Transparency International et
autres coalitions nationales au sud, gagnent-elles des attributs
supplémentaires de légitimité. L'on dirait pour ce qui est
des ONG du sud et de leurs leaders,
1 Hours Bernard « ONG et idéologie de la
solidarité : du développement à l'humanitaire » in
Deler J.P, Faure Y-A., Piveteau A. et Roca P.J. (1998) ONG et
développement, Paris : Karthala, pp. 33-46.
2 Voir à ce sujet : Anthony J. Bebbington
« Reinventing NGOs and rethinking alternative in the Andes » The
Annals of American Academy of Political and Social Science, n° 554,
pp.117-135 (november 1997) ; mais aussi à propos de la
réinvention de la société civile en raison de la fin de la
pertinence de cet argument, lire Mary Kaldor (2003) Global civil society :
An answer to war. Cambridge: Polity Press; Marc Morjé Howard (2003)
The weakness of civil society in post-communist Europe, Cambridge:
Cambridge University Press.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 292 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
qu'ils ont trouvé dans la transparence des industries
extractives, les ressorts d'une nouvelle jeunesse. Ainsi, les positions de M.
Marc Ona Essangui lors des élections présidentielles gabonaises
du 30 août 2009 ont-elles un relief et un auditoire accru en raison des
galons qu'il aurait gagnés dans sa lutte pour la transparence au Gabon.
MM. Brice Mackosso et Christian Mounzeo, comme la plupart de ces leaders d'ONG
du sud, passent très peu de temps dans leurs pays, ils sont devenus les
nouvelles vedettes d'une bataille internationale de la transparence qui se
mène dans les luxueux hôtels de Washington, Doha, Oslo et autres.
La transparence leur a bâti une carrure internationale ou renforcé
leur statut dans le « marché des valeurs ». Les ONG ont
reçu ipso facto le carton d'invitation au banquet de la
transparence, et leur présence n'y est pas contestable. Elles sont les
destinataires légitimes et légitimés des espoirs de la
transparence pour le peuple.
Les ONG ont souvent fondé leur identité sur la
prétention de la distance vis-à-vis de l'Etat. Dans le contexte
du néopatrimonialisme qui est le trait commun aux Etats qui sont parties
à l'initiative, les processus de « dédifférenciation
» rendent floues les frontières entre les sociétés
civiles et les institutions gouvernementales1. Au Cameroun, la loi
sur les ONG stipule que celles-ci, si elles sont reconnues d'utilité
publique, peuvent recevoir des financements de la part du gouvernement. L'on ne
sait pas si de facto certaines ONG reçoivent des subventions
gouvernementales, mais toujours est-il que comme nous le confiait le même
membre de la coalition camerounaise PWYP, « le comportement de certaines
ONG de la coalition est sujet à caution, elles s'opposent
systématiquement à toutes les initiatives émanant de leurs
pairs, et se font les porte-parole du gouvernement ». Peut-être
pense-il, le refus du gouvernement d'octroyer des statuts au nombre important
d'ONG qui en font la demande, est-il justifié par la crainte d'une
profusion de demande de subventions en corollaire. L'on sait cependant que 80%
de l'aide des pays du nord transite par les grande ONG telles que Oxfam, CARE
International, Transparency International et par des fondations privées
qui à leur tour, financent les ONG du sud engagées dans la
transparence des industries extractives. De fait donc, par ONG ou organismes
interposés, l'Etat offre à certaines ONG les attributs de leur
légitimité, par le truchement des moyens de fonctionnement. De
plus, la démocratisation réduit significativement les
comportements répressifs et donc, le prétexte de l'assistance
aux
1 L'on peut penser quelques fois que cela n'est pas
le trait des Etats néopatrimoniaux, en raison des transactions
collusives qui existent entre les Etats institutionnellement différents
et surtout, dans le cadre de ce que Elisa Reis appelle «lasting
marriage» entre l'Etat et la nation. Elisa P.Reis «The lasting
marriage between nation and the state despite globalization »,
International Political Science Review, vol. 25, n°10, pp.
251-257, (2004).
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 293 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
opprimés ne justifie plus le déferlement non
gouvernemental des années 19801. L'épuisement de cette
identité qui a justifié la cyclothymie de la destinée des
ONG tout au long de l'histoire de leur existence, disloque les fondements de
leur action des temps passés. Mais, le secret de la renaissance
réside dans l'adaptation aux logiques de son temps. La transparence des
industries extractives est l'une de ces raisons d'action qui, plus fines et
moins grossières, procure une identité aux ONG (on parle d'ONG de
développement), mais aussi une légitimité que valide la
globalisation et la gouvernance mondiale. Consubstantielle à cette
quête de légitimité, il y a le syndrome du passager
clandestin.
2. Le syndrome du « passager clandestin » ou
l'activisme non gouvernemental au service de l'ambition personnelle des
leaders.
Le rôle des entrepreneurs privés dans la mise en
oeuvre de la norme de la transparence ne souffre d'aucune remise en cause, tant
leur activisme aussi bien lors de l'émergence de la norme que pendant
les phases suivantes à savoir la cascade et
l'internalisation2, est déterminant pour l'incarnation de la
norme. Et comme le disent Sikkink et Finnemore, au-delà du récit
humanitaire des ces entrepreneurs, « of course, many norms
entrepreneurs do not act against their interests as they act in accordance with
a redefined understanding of their interests3 » et leurs
intérêts sont divers et variés. Celui qui retient
l'attention ici inter alia, c'est l'activation et l'objectivation d'un
activisme humanitaire résiduel aux retombées personnelles
essentielles. La norme sert d'abord celui qui la promeut semble penser Wayne
Sandholtz quand il dit: « However, normative reasoning is prior to
utility calculations and arguing about rules is an avoidable part of pursuing
evaluated end4 ». Cependant, il ne faut pas toujours
penser que la promotion d'une norme profite uniquement à des acteurs
impersonnels parce qu'institutionnels. Dans l'ordre des retombées
matérielles et immatérielles que génère l'
«effet CNN », il faut envisager l'ascension politique des dirigeants
comme un niveau des possibles. Le cas le plus spectaculaire est celui de M.
Bernard Kouchner qui a trouvé dans l'action humanitaire les ressources
de sa projection dans la vie politique. Non pas que l'action humanitaire en soi
n'est pas politique, s'inscrivant dans les logiques idéelles
1 Bebbington A. J., «Reinventing NGOs... art.
cit.
2 Selon la distinction de Sikkink et Finnemore «
International norm dynamics and political change » art. cit.
p.896.
3 Sikkink K. et Finnemore M. « International norm
dynamics and political change » art. cit, p. 898.
4 Wayne Sandholtz « Dynamics of international
norm change: rules against wartime plunder» European Journal of
International Relations, vol. 14, n°1, p.104.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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conflictuelles des acteurs multiples du scénario
humanitaire. Aussi, la transparence des industries extractives a ses «
stars » de la société civile, ces hommes dont l'action non
gouvernementale au sein de l'initiative a contribué à renforcer
l'aura internationale. Des noms tels que George Sorros, Mateo Peligrini et plus
près de nous, Marc Ona Essangui, Brice Mackosso, Christian Mounzeo sont
incontournables dans l'élaboration d'une catégorie nourrie par le
désir de sanctuarisation de l'activité non gouvernementale qui
aurait alors ses « leaders naturels1 ».
Quoiqu'il en soit, l'existence de ces leaders aux ambitions
personnelles affichées ou larvées, s'appuie sur une
maîtrise des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, et d'un génie particulier dans la construction des
réseaux protéiformes et multi-coloration, qui sont le lieu de
l'investissement d'un effort de rassemblement des alliés. Deux cas de
figure peuvent illustrer cette mise à profit de l'activisme pour la
transparence des industries extractives. Les noms du député
tchadien Ngarleji Yorongar et de Marc Ona Essangui du Gabon figurent sur la
table des acteurs de la scène de la transparence. Le dernier,
après des diplômes de psychologie et d'informatique, a servi au
centre culturel français de Libreville. Il a par ailleurs
été membre du conseil économique et social de 1993
à 1997. Les deux figures partagent en commun un passé d'agent de
l'Etat. Car, le député Yorongar a servi dans la haute
administration tchadienne avant de s'inscrire dans la dénonciation et
l'opposition2. Les stratégies de positionnement dans le
« marché des valeurs » de ces deux acteurs se tissent autour
d'une vie associative nationale3 qui les prédispose à
servir de relais locaux aux entrepreneurs moraux internationaux en quête
de pivots nationaux au Sud. Ainsi, lorsque le projet pétrole
Tchad-Cameroun mobilisait les activistes occidentaux, M. Yorongar fut l'un
des
1 Les soupçons et la méfiance que
suscite cette espérance de monopolisation d'un espace devenu le capital
marchand des leaders, a justifié toutes les difficultés que nous
avons rencontrées dans la conduite de notre recherche. En effet, et
paradoxalement, les ONG engagées dans l'initiative ont fait preuve
d'opacité plus que n'en auraient fait les Etats et les firmes. A la
réflexion, l'on se rend compte que la transparence est le lieu
d'investissement des entrepreneurs politiques sous le masque de l'humanitaire
et de la solidarité internationale.
2 Ancien secrétaire général
adjoint du Gouvernement, Ancien Ministre de la Fonction publique, Ancien
Secrétaire d'État à l'Inspection Générale et
au Contrôle d'État (IGCE), Chef de service adjoint au
Ministère des Finances à N'Djaména, Adjoint au
Sous-Préfet de Moundou, Sous-Préfet de Mbaïnarmar, Adjoint
au Préfet, puis Préfet du Guéra, Consultant à
l'Organisation de Coopération et de Développement Economique
(OCDE) à Paris, Directeur administratif et financier du Bureau Africain
des Sciences de l'Education (BASE) à Kisangani (Zaïre), Directeur
de l'Institut International des Assurances (IIA) à Yaoundé
(Cameroun). (
www.yorongar.com visité le
04 octobre 2009).
3 En plus d'être le fondateur de Brainforest,
Marc Ona Essangui est membre de plusieurs associations. L'honorable Yorongar
quant à lui, est président du Groupe Parlementaire FEDERATION, il
est le coordinateur exécutif fédéral de FAR/PARTI
FEDERATION, il est également le président de la Fondation pour le
Respect des Lois et des Libertés (FORELLI) et le directeur des
publications La Roue et Le Phare Républicain.
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transparence des
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échos favorables à la construction d'un
réseau international pour la défense des droits du peuple
tchadien. Lors du second séminaire des droits de l'homme à
Wustrow (Allemagne) tenu en septembre 1997, M. Yorongar fut invité par
les organisateurs. C'est au cours de ce séminaire que le groupe de
travail des ONG allemandes sur le projet pétrole Tchad-Cameroun vit le
jour1. Ce fut le début d'une recherche menée par le
député tchadien au sujet du projet, exploitant ainsi
l'intérêt que celui-ci représentait pour certaines ONG
allemandes. La connexion de ces leaders aux réseaux internationaux leur
procure une visibilité et les informations nécessaires, en
même temps qu'une certaine protection diplomatique de la part des Etats
du nord. En effet, lors des multiples intimidations et arrestations qui
arpentent ces chemins de la pitié2, les puissances
occidentales, faisant suite aux demandes pressantes des ONG coalisées du
nord, ont souvent fait preuve de diligence dans la condamnation des affres que
ces leaders de la société civile subissent de la part de leurs
Etats. Mais, la reconnaissance internationale exprimée par des
prestigieux prix, accentue la pertinence de ces acteurs, et les situe sur la
scène politique aussi bien nationale qu'internationale. En septembre
2001, Marc Ona a été nominé au Stockholm Challenge
Awards et le 20 avril 2009, il a reçu le prix international Goldman
pour son action dans la protection de l'environnement. La dénonciation
des injustices est donc une stratégie géniale de propulsion sur
l'international, quand en plus la maîtrise de l'outil Internet est mise
à contribution. De même qu'un warlord s'appuie sur les
alliés extérieurs pour se rendre pertinent dans le champ
politique interne, ces acteurs cherchent activement le parapluie des chantres
de l'humanitaire au sein de la Banque mondiale, du parlement européen
etc., faisant au passage la démonstration des critiques acerbes
vis-à-vis de leurs pays par des positions véhémentes et
dénonciatrices qui donnent de ceux-ci, l'image de territoires
condamnés à la disparition, tant y sont poussées les
pratiques de corruption et d'opacité. Il naît à la
congruence de l'officiellement politique et de l'officiellement non
gouvernemental, une classe d'élites privées qui se frayent un
chemin dans les labyrinthes de la mondialisation. Cette classe devient comme
pour le cas du FMI et de l'UE3, l'indicateur d'une absence de lien
entre les populations dont elle dit défendre les intérêts
et la communauté de la transparence qui se réunit dans des
luxueux hôtels à Doha, Berlin, Oslo, Londres etc. Cette
configuration donne naissance à un espace public bourgeois
1 Pétry et Bambe, op. cit. p. 67.
2 Le député Yorongar aurait subi
entre le 4 juillet 1996 et le 3 février 2008, 14 enlèvements
suivis quelques fois de torture. (
www.yorongar.com ). Les
tribulations dont a souvent été victime Marc Ona ont
déjà fait l'objet de développement dans cette
étude.
3 Lire à ce sujet Eva Etzioni-Halevy
«Linkage deficit in transnational politics » International
Political Science Review, vol. 23, n°2, pp. 203-222 (2002).
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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Politique présentée à l'Université de
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où se rassemblent les élites publiques et
privées pour débattre des problèmes des populations, avec
la probabilité d'une inefficacité qu'autorise la
déconnexion des ordres d'intérêt et de
préoccupation1. En somme, les transactions complexes qui
s'établissent entre les ONG et avec les firmes, donnent naissance
à une classe de privilégiés, interlocuteurs uniques des
grandes ONG et des organisations internationales. La crédibilité
de ces interlocuteurs a été bâtie sur la foi de leur
dénonciation quelque fois exagérée des dérives de
la gestion étatique, ce, amplifié par le seul souci de la part de
leurs bailleurs de fonds d'épuiser les sommes collectées, dans un
cycle vicieux de reconversion de l'aide multilatérale2.
B. Les fruits des transactions avec l'Etat : les
ONG dans le complexe du
financement de la transparence des industries
extractives.
Deux précisions s'imposent d'emblée. D'abord, le
souci de restituer la complexité des transactions n'a pas
été occulté par la démonstration de
l'intérêt comme motif d'entrée en lien social mais,
derrière l'idée du primat accordé aux retombées de
la transparence, se trouve la réalité que le financement des ONG
est une procédure complexe car les fonds proviennent des Etats, des
firmes et des particuliers. Autrement dit, la provenance des fonds constitue en
soi le signe de la complexité. Ensuite, cela impliquant ceci, la
question du financement des ONG ressort dans l'espace réservé aux
fruits de la transaction avec l'Etat car de près ou de loin, il existe
souvent une relation de promiscuité entre les Etats et les grands
ONG3 dans le financement de leurs relais du sud. En effet, les Etats
du nord adoptent des budgets d'aide au développement, véhiculent
cette aide par les grandes ONG de leur sphère, celles-ci financent leurs
relais au sud pour la mise en oeuvre des politiques convenues. Des
équipes viennent des grandes ONG de façon périodique pour
procéder à l'évaluation des performances des
bénéficiaires des fonds. Les fonds octroyés par les
grandes ONG et les fondations telles
1 De plus, la société civile globale
qui naît de la mise ensemble des coalitions nationales ne peut pas
favoriser la démocratie à l'échelle transnationale car,
les pratiques nationales s'y transposent, l'on devient témoin des
collusions opaques qui laissent penser que les ONG ne jouent pas
véritablement leur rôle déclaré. Ce qui fait dire
à Lorenzo Fioramonti que la société civile globale
présente les mêmes manques de démocratie que les
institutions internationales. Ce qui en soi affecte sa légitimité
et pose la question de sa contribution à la démocratie globale.
Fioramonti Lorenzo « The internal contradictions of global civil society:
what impact on global democracy? » Development Dialogue,
n°49, pp. 131-142, (November 2007).
2 Lire à ce sujet Michael Maren (1997) The
road to hell: the ravaging effects of foreign aid and international
charity, New York: The Free Press.
3 Ainsi, Nick Darden pense que l'arrivée du
New Labour a conduit à un saut qualitatif dans la
problématique des ONG, en accentuant notamment le financement
étatique de celles-ci. Plus d'un tiers des revenus des ONG en Grande
Bretagne proviendrait désormais du gouvernement, de l'UE ou d'autres
agences de loterie nationale qui sont cependant responsable devant le
gouvernement. Nick Darden « From charity to solidarity »
Globalizations, vol. 3, n° 2, pp. 261-263 (2006).
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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Rainforest Foundation peuvent aussi être
l'émanation des dons privés et des firmes par fondations
interposées. Aussi, deux articulations vont servir de substrat à
la démonstration d'une quête des financements comme moteur de
l'activisme non gouvernemental en général et dans le cas
spécifique de la transparence des industries extractives.
1. Les rentes de la transparence ou la transparence des
rentes ?
La problématique de la transparence dans les industries
extractives remet à l'ordre du jour la question des motivations de
l'engagement éthique des acteurs non gouvernementaux. L'on ne sait si
les rentes de la transparence ont pris plus d'importance que la transparence
des rentes, tant l'agitation et les allégations de certains leaders
d'ONG laissent transparaître une attitude de convoitise des richesses que
génèrent les firmes et dont sont remplies les caisses de l'Etat.
Le récit de la transparence devient un alibi, l'objectif étant de
prendre part au banquet des délices de l'opacité. Cette
réalité transgresse la dichotomie fondée sur
l'appartenance hémisphérique des ONG. Deux exemples illustrent ce
propos, il s'agit de la conduite des ONG dans le suivi du projet pétrole
Tchad Cameroun qui est communément appelé le « projet
pipeline » et la surévaluation de la pratique du per diem
dans les comités de la mise en oeuvre de EITI.
a) Les ONG dans le suivi du projet pétrole
Tchad-Cameroun
L'évocation du pipeline Tchad-Cameroun dans la
transparence des industries extractives ne vise aucunement à identifier
la façon dont la loi 001 du 30 décembre 1999 réglemente la
gestion du pétrole tchadien au processus EITI1. D'ailleurs,
il ne saurait en être ainsi puisqu'il existe des différences
fondamentales entre les deux. La loi 001 n'implique pas les organisations de la
société civile dans la gestion des revenus pétroliers, il
s'agit d'une loi qui ne concerne que les revenus du pétrole et n'exige
pas la publication des recettes gouvernementales en matière
pétrolière. Alors que la Banque mondiale s'est retirée du
projet, il n'existe plus de garantie que la bonne gestion des revenus
pétroliers sera une priorité du gouvernement tchadien, ni
même que les droits de passage au Cameroun seront gérés de
façon transparente. Comprenons-nous bien. L'intérêt pour
une évocation du pipeline Tchad-
1 Cette précision s'impose car,
réunis en septembre 2004 avec ses collègues ministres des
finances de la zone franc, le ministre tchadien aurait indiqué que son
pays était un précurseur de l' « initiative Blair »
(EITI). Benoît Massuyeau et Delphine Dorbeau-Falchier « Gouvernance
pétrolière au Tchad : la loi de gestion des revenus
pétroliers » Afrique Contemporaine, vol. 216, n°4,
pp. 139-156 (2005).
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 298 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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Cameroun réside dans la prévalence du
syndrome du paillasson1(doormat syndrom) dans le processus
de son suivi par les ONG. Aussi, certains détails concernant le projet
seront occultés en raison de leur excentration par rapport au fait du
doormat syndrom. A ce propos, l'on appréhende le comportement
des ONG nationales et internationales autour du pipeline comme la manifestation
d'une concentration autour d'un centre d'intérêt. C'est la
mondialisation d'un combat local qui sert autant les intérêts des
ONG des deux Etats concernés que celles du Nord qui y trouvent des
relais sur le terrain2. En effet, le projet se présentant
comme un centre de lutte et de déploiement des stratégies pour
l'existence, les ONG tchadiennes et camerounaises ont fait appel aux puissantes
ONG du nord pour s'allier à elles dans ce combat contre les Etats
camerounais et tchadien. Le biais médiatique et les réseaux
internationaux se sont avérés importants dans la mise en
scène de ce combat vicié de l'humanitaire. Tandis que les ONG du
Nord ont obtenu que la Banque mondiale garde un regard sur la gestion du
pétrole tchadien (du moins jusqu'en 2005), les ONG locales ont
tiré des rentes diverses.
Le « Projet d'exploitation pétrolière et
d'oléoduc Tchad-Cameroun » de son appellation intégrale,
permet l'exportation vers les côtes camerounaises du pétrole
tiré du sous-sol tchadien, dans les champs de Komé, Miandoum et
Bolobo dans le bassin de Doba. Le tracé de l'oléoduc parcourt
quelques 1070 km de distance, soit 170 km au Tchad et 880 km en territoire
camerounais. La construction dudit oléoduc et l'exploitation du
pétrole tchadien comportaient des espoirs mais aussi des craintes quant
à la protection de l'environnement. Très vite, les ONG y ont
trouvé l'espace d'un investissement, le plateau de lecture du
récit alarmiste sur les dangers environnementaux et le risque d'une
reproduction du Delta du Niger3. Rapidement les ONG du nord et du
sud se mirent en réseau pour constituer un contre poids à
l'action des compagnies engagées dans le project. Un premier niveau
d'interrogation est la cacophonie qui naquit au sujet des buts du plaidoyer. En
effet, tandis que les ONG tchadien se battaient pour que l'exploitation
pétrolière profite réellement au peuple tchadien en
constituant un facteur de développement, les ONG occidentales et avec
elles, celles
1 Le fait pour les ONG de mettre en avant les
misères des populations pour en tirer les financements et les rentes
diverses mais le sort des populations n'est en réalité pas leur
préoccupation première.
2 L'on peut lire au sujet de la concentration des
centres dans l'activisme international, le travail de Dezalay et Garth au sujet
des guerres de palais en Amérique latine. Yves Dezalay et Briant G.
Garth, La mondialisation des guerres de palais, op. cit.
3 Surtout que lorsqu'en novembre 1995 le leader du
MOSOP Ken Saro Wiwa est pendu pour son engagement dans la défense des
droits des Ogonis, les tractations vont bon train pour la constitution d'un
réseau d'ONG capables de stopper le projet.
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Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 299 Yaoundé
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camerounaises plaidaient pour l'arrêt du projet au motif
que les risques environnementaux étaient
considérables1. L'on peut penser qu'à ce niveau
déjà, les ONG étrangères furent en totale
déconnexion avec les populations tchadiennes, à moins que ce
fût l'illustration qu'en réalité les ONG n'oeuvrent pas
pour les populations mais pour elles-mêmes.
Lorsque commencèrent les travaux de construction de
l'oléoduc quelques ONG s'attelèrent à assurer le suivi du
pipeline à partir de mai 2001, ayant pour tâche
principale de rassembler les informations concernant les droits de l'homme, les
impacts sociaux, économiques et environnementaux. Pour cela, les ONG
disposaient de 80 observateurs disposés le long du
tracé2. De plus, les ONG camerounaises parties du GIC se
donnèrent pour mission de veiller à ce que les compensations
soient effectives, que les impacts sociaux du pipeline soient positifs, que le
passage de l'oléoduc dans les entrailles de la terre de ces populations
constitue pour elles une source d'amélioration du quotidien. C'est sur
ces engagements que l'on se penche pour évaluer l'action de suivi des
ONG, qui semble révéler une instrumentalisation du discours
éthique pour des retombées matérielles et
immatérielles.
Il n'est point aisé de dire le montant des rentes de la
transparence, l'on se contente donc de soupçonner derrière le
comportement collusif des ONG une quête de rentes. Lors d'une
réunion tenue à l'hôtel Hilton de Yaoundé (Cameroun)
avec les membres du Groupe International Consultatif (GIC) le mardi 27 novembre
2007, M. Honoré Ndoumbe Nkotto relevait le phénomène de la
babélisation au sein des ONG engagées dans le suivi du pipeline.
Fonctionnaire de son état, il lui semble naturel de défendre les
positions étatiques, tandis que la dénonciation quasi-automatique
de certaines ONG telles que le CED et le RELUFA qui recevraient des
financements colossaux de la part de certains bailleurs de fonds internationaux
contribue à distendre les rapports au sein des ONG. Au nombre des
agacements que suscitent les immobilismes, l'on peut noter justement celui du
RELUFA et du CED qui ont annoncé à l'occasion de cette
réunion leur projet de boycott des rencontres organisées à
cet effet, tant le gouvernement ne joue pas le jeu de la transparence. Mais
au-delà des disparités d'humeur de
1 A ce propos, Petry et Bambé disent :
« contrairement à un certain nombre d'organisations
écologiques internationales, les organisations tchadiennes
étaient en principe pour l'exploitation pétrolière car
elles y voyaient une chance pour le développement de leur pays ».
Martin Petry et Naygotimti Bambé (2005) Le pétrole du Tchad,
rêve ou cauchemar pour les populations, Paris : Karthala, p. 53.
2 Le SeP sillonnait la région
s'étendant de la frontière du Tchad (Mberi et Mbeboum) à
la ville de Belabo au Cameroun soit 430 km couverts par 30 observateurs. ERA
couvrait un territoire long de 330 km allant de Belabo à Mvengué
tandis que le CED sillonnait la région comprise entre Mvengué et
l'océan atlantique, soit une distance de 120 km. La FOCARFE quant
à elle, s'occupaient des relations publiques, produisait notamment le
pipeline journal, Petry et Bambé op. cit. pp.
210-211.
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Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 300 Yaoundé
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Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
cette nature, l'on peut penser que les ONG impliquées
dans le suivi du pipeline ont sacrifié la misère des populations
riveraines qui fit hier leur légitimité sur l'autel de leur
reconnaissance en tant qu'acteurs pertinents et des financements qu'offre la
défense des droits des populations vulnérables.
Pour tester la véracité de cette
allégation, une descente de terrain effectuée du 14 au 27
août 2008 sur la partie sud du tracé nous a permis de
vérifier les sentiments des populations à l'endroit de la
compagnie COTCO qui gère l'oléoduc, mais également des ONG
qui se sont fait leurs médiateurs, affirmant oeuvrer au respects de
leurs droits. Il faut dire en passant que certaines populations nous ont
confié que les ONG ont contribué à les faire
adhérer aux positions du gouvernement camerounais et de COTCO. 156
villages traversés par le pipeline furent ainsi visités,
s'étendant sur deux régions (le Centre et le Sud) et sept
départements (la Haute Sanaga, la Lékie, le Mfoundi, le Nyong et
So'o, la Mefou et Afamba, la Mefou et Akono et l'Océan). Après
notre passage, il apparut que certains problèmes dénoncés
par les ONG perdurent, malgré les multitudes de réunions à
tous les niveaux et ce, cinq ans après le début de transport du
pétrole. Du 29 au 30 novembre 2007, le comité de pilotage et de
suivi du pipeline (CPSP1) a organisé un forum d'information
sur le pipeline Tchad- Cameroun à Yaoundé. Au cours de ce moment
d'échange, le Directeur Général de la Cameroon Oil
Transportation Company (COTCO) a énoncé quatre termes qui
disait-il, constituent le mot d'ordre de sa compagnie :
Transparence- Equité- Commun
accord et Solution durable. Dans cette optique, les
ONG constituent les gendarmes, ce sont elles qui comme dans EITI, veillent
à la protection des intérêts des populations, c'est leur
raison d'être en général, et plus encore dans cette
plateforme. Ainsi, la rémanence et la perpétuation des
problèmes dont la résolution constituait l'antienne de leur
légitimation dans le suivi du pipeline leur est imputable dans une
certaine mesure.
Au terme de l'enquête, il apparut que les populations de
la zone balayée ne sont pas satisfaites du passage de l'oléoduc
car pensent-elles, il les a laissés plus pauvres qu'avant car,
même certaines de leurs terres leur ont été
ôtées par l'Etat. Les compensations qui devaient leur être
versées en échange du préjudice de la perte de leurs
terres et cultures, ont été pour la plupart pas perçues et
quand elles étaient perçues, elles comportaient des
défauts. Les ONG ont manqué l'occasion de démontrer leur
rôle dans l'atténuation des effets de la collusion qui
1 Le Comité de Pilotage et de Suivi des
Pipelines (CPSP) est une plateforme tripartite qui réunit les Etats
camerounais et tchadien, les compagnies TOTCO et COTCO.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
existait entre les deux Etats et les compagnies
impliquées puisque la divergence des intérêts était
annoncée ; les Etats courtisant les compagnies afin que la manne
pétrolière tombe sur leurs territoires, les compagnies lorgnant
vers les bénéfices futurs d'une telle opération, les ONG
recherchant la « sauvegarde de l'environnement et le développement
durable » pour les populations. En relevant que le pourcentage de la
population interrogée est d'environ 60% des populations de l'ensemble
des villages, les données qui tiennent lieu de résultat sont
certainement une révélation édulcorée de la
réalité du mal. Le fait est que, pour collecter ces
données, il fallait quelques fois passer pour des agents de la COTCO
car, le sentiment de déception qui anime les populations
vis-à-vis des ONG impliquées dans le suivi nous avait valu
l'expulsion et le mutisme dans certaines localités. Même si cette
usurpation d'identité peut biaiser les faits car les populations
exagéraient les faits dans l'espoir d'une autre compensation, le cas du
suivi du pipeline est un cas d'école du syndrome du paillasson. Ce
d'autant plus que, de temps en temps les ONG redescendent sur le tracé
de l'oléoduc pour collecter les faits d'une méprise de la
population par les Etats tchadien et camerounais, dans le but de lever les
fonds auprès des grandes ONG qui oeuvrent à la
préservation de l'environnement et des droits des peuples
autochtones1. Le tableau ci-dessous donne une vue synoptique des
revendications sociales des populations le long du pipeline, dans les
régions du centre et du sud.
Tableau 15 : Récapitulatif des statistiques des
problèmes de la population le long du tronçon centre-sud en
août 2008.
|
Compensation
|
Compensation
|
Entretien
|
Problèmes
|
Autres
|
1 Il faut d'ailleurs avouer que c'est à ce
titre que notre collecte de données a été organisée
et financée par deux ONG camerounaises membre de la coalition PWYP. Les
faits ainsi collectés devaient servir à attirer l'attention des
bailleurs de fonds sur le fait que cinq ans après le début de
l'exploitation de l'oléoduc, les populations sont abandonnées
à elles-mêmes, avec des problèmes irrésolus dont
certains datent de l'époque du début des travaux de
construction.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Départements
|
Individuelle
|
Collective
|
Emprise
|
d'eau
|
|
Haute Sanaga
|
10
|
2
|
6
|
13
|
3
|
Mefou et Afamba
|
|
|
2
|
1
|
|
Lékie
|
6
|
1
|
3
|
9
|
1
|
Mfoundi
|
|
|
|
1
|
|
Mefou et Akono
|
|
1
|
3
|
7
|
1
|
Nyong et So'o
|
2
|
7
|
|
|
1
|
Océan
|
1
|
2
|
15
|
16
|
2
|
Total
|
19
|
13
|
29
|
47
|
8
|
Source : confectionné par l'auteur.
b) La surévaluation du per diem comme le
signe d'une quête des rentes de la transparence.
L'élément le plus visible et palpable de la
cupidité non gouvernementale est le per diem. L'engagement dans la
transparence des industries extractives, la participation aux réunions
nécessitent quelques fois des frais de fonctionnement et les moyens de
transports pour ceux des membres du comité qui, comme un parlementaire
camerounais qui habite la région de Bakassi (c'est-à-dire
à plus de 500km de Yaoundé), résident loin de la capitale
où se tiennent généralement les séances de travail.
Cette précision faite, l'on ne saurait donc comprendre cet acharnement
persistant de certaines ONG sur le per diem que par l'analyse des quêtes
de subsides.
L'observation de la plateforme institutionnelle qu'est EITI
révèle une multitude de logiques porteuses d'une volonté
bien dramatisée de production d'ipséité. Sur la
scène internationale, il faut exister, être légitime et
pouvoir survivre. En plus d'exercer et de signifier leur présence dans
un espace politique sans cesse élargi, les ONG mènent des
activités normatives en tirant leur force de leur influence technique
acquise pour combler les lacunes de l'Etat1. Pendant que l'Etat
certes quelques fois faible ou illustration de l'échec du concept
d'Etat2 existe et puise sa légitimité des pouvoirs
établis et dispose d'une quiddité reconnue et acceptée
universellement, l'ONG fabrique sa légitimité avec des outils
ramassés à la brocante des misères du monde.
Au-delà de la transparence, c'est le bien-être social des peuples
qu'il s'agit de promouvoir par l'accountability dans les industries
extractives. Cependant, les ONG impliquées dans EITI mettent beaucoup
plus en avant la quête de légitimité et de rentes que la
1 Wafo Samuel. « Les ONG et le
développement du droit international de l'environnement : Analyse
normatives des ONG environnementales » Thèse de doctorat de
3ème Cycle, IRIC, 1999-2000.
2 Brooks R.E. (2005) « Failed states or states as
failure? »University of Chicago Law Review, pp. 1-15.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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connexion des préoccupations du « bas » aux
cercles de décisions gouvernementales. Lorsque Anthony
Bebbington1citant Thomas Carroll épouse sa définition
des ONG qu'il présente comme des: «private,
professionally-staffed, non-membership, and intermediary development
organizations », il souligne que dans le cas spécifique du
déploiement des organisations non gouvernementales dans les Andes, ces
acteurs sont restés accrochés à l'espace inexistant entre
deux couches sociales. Même si les causes ici n'étaient pas les
mêmes là-bas, l'on note un bis repetita dans
EITI. Plutôt que de s'approcher des peuples du `bas' dont les affres sont
présentées comme motif d'action, la praxis des ONG est
restée coincée aux crochets de la transnationalité. L'on
comprendra alors le ton goguenard de Bernard Hours2 pour moquer leur
inefficacité. Fustiger l'attitude exagérément
transnationale des ONG, c'est dire que celles-ci, dans leur quête de
subsides matériels et immatériels, se mettent au diapason de la
globalisation.
Alors que la question de la capacité d'EITI à
donner corps à la transparence fut posée à un membre de la
coalition camerounaise publish what you pay, il répondit par la
négative, ajoutant qu'il n'est personnellement impliqué dans
cette initiative qu'en raison des avantages qu'elle draine. Ainsi, il
révéla au recoin d'une indiscrétion la confluence de la
quête de légitimité et de subsides qui préside
à l'engagement de certaines ONG à l'initiative. L'entreprise des
normes s'est mutée en entreprise politique et économique. Les
débats houleux quant à la négociation des frais de
participation des ONG aux réunions des comités EITI sont le signe
d'une gloutonnerie qui marginalise l'intérêt du peuple au profit
des appétits personnels. Nombre de membres d'ONG
représentées au sein des instances EITI sont muettes sur les
rentes de la transparence qu'ils récoltent. L'article 8 du décret
N° 2005/2176/PM du 16 juin 2005 portant création, organisation et
fonctionnement du comité camerounais de suivi et de mise en oeuvre de
l'EITI, dit dans ses alinéas 1 et 2 que : « les fonctions de
Président, de membre du comité et du secrétariat technique
sont gratuites. Toutefois, il peut leur être allouées ainsi qu'aux
personnes invitées à titre consultatif, des indemnités de
session dont les montants sont fixés par le ministre des finances
»3. Cette attitude intéressée qui préside
à
1 Bebbington A. J « Reinventing NGOs and
rethinking alternatives in the Andes », art. cit. p.
2 Hours B. (1998) L'idéologie humanitaire
ou le spectre de l'altérité perdue, Paris: L'Harmattan.
3 A titre de comparaison, le budget EITI Liberia
pour l'exercice 2007-2008 ne fait aucunement mention d'une indemnisation des
membres du comité de mise en oeuvre. Au Gabon, l'arrêté
N°229/MEFBP du 24 février 2005 portant création,
fonctionnement et désignation des membres du Groupe de Travail EITI est
muet sur l'indemnisation desdits membres, l'article 3 parle uniquement de
`budget de fonctionnement et d' `investissement'. L'article 6 du décret
N°000535/PR/MEFBP du 8 juillet 2005 portant création, attribution
et organisation du Groupe d'intérêt EITI Gabon dit : « les
fonctions de membres du groupe d'intérêt sont
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 304 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'entrée en transaction de certaines ONG dans le cadre
de l'initiative, les expose à l'antinomie provoquée par les
Etats1 qui leur offre des sommes d'argent2 pour les
opposer et créer des ONG fictives pro-gouvernementales
réfractaires à la contestation. L'autre trait de la
spéciosité du récit éthique des ONG est la
corruption dans les milieux des ONG.
2. De la corruption au sein des ONG : un indicateur de la
spéciosité du récit éthique dans la transparence
des industries extractives
L'illusion du désintéressement des ONG est
fortement dissipée par les pratiques de corruption qui minent le monde
de l'activisme non gouvernemental. Pendant des décennies, les ONG ont
porté le flambeau de la lutte contre la corruption et ont fondé
sur la présomption de leur moralité différente, leur
identité et leur légitimité. Les scandales de
l'opacité dans la gestion des revenus tirés des industries
extractives ont été souvent présentés horresco
referens par les ONG comme des pratiques condamnables parce qu'elles
paupérisent les populations. Cette dénonciation qui a pour but de
leur attirer la sympathie des bailleurs de fonds souvent situés en
occident, est également à bien y regarder, rédhibitoire.
En effet, en appréhendant la corruption dans le sillage de Jean Pierre
Olivier de Sardan3, c'est-à-dire comme un complexe, la
mêmété des pratiques gouvernementales et non
gouvernementales révèle que les stratégies de lutte contre
la pauvreté doivent s'étendre aux ONG car, leur morale est
captieuse. Dans cette étude, l'évocation de la corruption des ONG
est porteuse d'un double sens. Alors que la dénonciation de la
corruption comme une incidence de l'opacité dans la gestion des revenus
des industries extractives a offert un couloir de légitimité aux
ONG pour siéger dans l'initiative, en leur faisant le crédit
d'une moralité différente, l'on se rend compte de l'illusion
éthique de celles-ci. Peut-on faire confiance aux ONG en tant que
passerelles du financement
gratuites ». Au Congo, le décret N°2006-626
du 11 octobre 2006 portant création, attribution et composition du
comité exécutif de mise en oeuvre de l'EITI dit en son article 12
: « les fonctions de membre du comité exécutif donnent lieu
à perception d'une indemnité de session versée chaque fois
qu'il se réunit, le montant de cette indemnité est fixé
par arrêté du ministre des finances ».
1 Lire à ce sujet, Obadare E. «Second
thoughts on civil society: the state, civic associations and the antinomies of
the public sphere in Africa» Journal of civil society, vol.1,
n°3, pp.267-281. (2005)
2 Au Cameroun, l'Etat offre entre 380 et 760 euros
aux personnes ayant assisté aux réunions du comité
multipartite. A notre connaissance, il y a juste deux représentants
d'ONG qui se sont toujours inscrits en faux contre cet achat de la conscience
des ONG, il s'agit des représentants du CED et du RELUFA. Il fat
même dire que lors de la réunion EITI tenue au ministère
camerounais des finances le 03 avril 2008, lorsque l'adoption du budget annuel
comme point de l'ordre du jour a été mise en débat,
certains membres du comité représentant les ONG ont
demandé que soit doublée la prime de présence car
disaient-ils, « par rapport aux milliards que rapporte le pétrole
camerounais, ce per diem représente de l'argent de poche ».
3De Sardan J.P.O. (1996) « L'économie
morale de la corruption en Afrique » Politique africaine n°
63, pp. 97- 117.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
du développement et de la transparence dans les industries
extractives ? En paraphrasant un peu Perousse de Montclos1, cette
interrogation demeure d'actualité.
Au-delà des per diems qui induisent un certain
malaise quand ils deviennent la motivation principale de l'activisme pour la
transparence, moult autres stratagèmes permettent aux ONG de soustraire
des fonds destinés au financement du développement. Les
détournements des fonds ont souvent été signalés
par certains bailleurs de fonds occidentaux. Du 16 au 20 octobre 2002, un
membre de la maison-mère de SNV visita les bureaux de cette organisation
à Yaoundé2. Il fut scandalisé par les
découvertes qu'il avait faites quant aux trous financiers
injustifiés et à la mauvaise gestion des fonds alloués
à l'organisation. Dans un rapport confidentiel transmis à la
hiérarchie hollandaise, il décrivait un chaos administratif avec
une perte de 600.000 guilders3, les agents de
l'organisation se contentaient de rester cloîtrés dans les luxueux
bureaux de Yaoundé, perdant tout contact avec les populations dont les
difficultés ont justifié les financements.
L'autre tactique de soustraction des fonds levés pour
le financement des projets de développement ou la transparence consiste
à gonfler les salaires des employés. En effet, la grille
salariale du personnel de certaines ONG locales au Cameroun par exemple
s'étend de 50.000 à 450.000 FCFA4. Si l'on
considère le salaire moyen d'un contractuel d'ONG titulaire d'une
maîtrise, dans des ONG nationales consultées au Cameroun, il est
d'environ 160.000 FCFA. Cependant, la grille salariale datée du
1er avril 2008 dispose que les agents de l'Etat titulaire du
même diplôme sont rémunérés au moins de
184.299 FCFA, ladite rémunération pouvant aller jusqu'à
336.718 FCFA. Il convient au surplus, de préciser que ce ne sont
là que des barèmes antérieurs à mars 2009, mois au
cours duquel les salaires des agents de l'Etat a été
réévalués de 30%, pendant que les ONG consultées
ont gardé statiques leurs salaires. Mais dans les projets soumis aux
bailleurs de fonds pour financement, les salaires sont
surévalués, pour représenter au moins le SMIC. Ce qui est
raisonnable dans la mentalité des occidentaux,
1 Le financement international de la reconstruction
de l'Asie du sud-Est après le tsunami de décembre 2004 a permis
de se rendre compte des déviances capitalistes des ONG humanitaires. Si
à cela on adjoint l'épisode de l'Arche de Zoé au Tchad,
cela fait beaucoup et amène à s'interroger sur la moralité
des ONG. Lire au sujet du financement de la reconstruction post-tsunami, Marc
Antoine Perousse de Montclos « Les ONG humanitaires sur la sellette »
Etudes, tome 406, pp. 607-616, décembre 2005.
2 Ces informations nous ont été
transmises par Harm Ede Botje et Ruth Hopkins qui ont écrit un article
intitulé « Expensive poverty fighters » dans le magazine
Vrij Nederland le 01 janvier 2006.
3 Monnaie hollandaise
4 Sur la base d'un journal de paie d'une ONG
camerounaise en janvier 2007. Sur la base de ce journal de paie, le salaire
moyen des employés est de 160.000 FCFA.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
mais hors de propos dans le contexte des pays subsahariens. Du
coup, les rapports financiers des activités annuelles ne sont jamais
accessibles que pour les évaluateurs de projets qui sont envoyés
par les bailleurs de fonds. Aucun autre employé que les responsables
d'ONG n'y a accès car, les décalages sont quelques fois
colossaux. Le différentiel va bien sûr dans le compte des
responsables1.
Cette absence d'éthique que M. Nzeusseu2 de
Transparency International-Cameroon met sur le compte de l'appât
du gain, transparaît plus clairement au travers des budgets conçus
lors des ateliers. A titre d'exemple, voici ci-dessous deux cas de budgets.
Tableau 16 : projet de budget des journées de
réflexion sur la situation actuelle de la gouvernance dans la gestion du
secteur forestier camerounais.
Rubrique
|
Prix unitaire
|
Nombre/Quantité
|
Nombre de
jours
|
Prix total
|
Location salles
|
|
- Salle de 200
|
250.000
|
01
|
03
|
750.000
|
places
-Salle secrétariat
|
50.000
|
01
|
03
|
150.000
|
Charges de
personnels
|
|
-Intervenants
|
100.000
|
07
|
01
|
700.000
|
-Modérateurs
|
50.000
|
04
|
01
|
200.000
|
-Traducteurs
|
100.000
|
02
|
03
|
600.000
|
-Chef secr.
|
75.000
|
04
|
01
|
225.000
|
Tech.
|
|
|
|
|
- membres secr.
|
50.000
|
02
|
03
|
300.000
|
Tech.
|
50.000
|
01
|
03
|
150.000
|
- secrétaires
|
30.000
|
10
|
03
|
900.000
|
-Hôtesses
|
|
|
|
|
Location de
matériels
|
|
-photocopieur
|
150.000
|
01
|
03
|
450.000
|
- photocopies
|
35
|
10.000
|
|
350.000
|
-ordinateurs
|
150.000
|
01
|
03
|
450.000
|
- reliures
|
|
|
|
300.000
|
-vidéo projecteurs
|
75.000
|
01
|
03
|
225.000
|
Restauration
|
|
1 Pour des raisons évidentes, l'on ne peut
citer des exemples de cas, car les sources qui nous ont renseigné en
nous fournissant certains documents ont requis l'anonymat.
2 Interrogé en février 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 307 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
-pause café
|
2.500
|
150
|
03
|
1.125.000
|
-Cocktails
|
4.000
|
150
|
02
|
1.200.000
|
- Buffets
|
8.000
|
150
|
02
|
2.400.000
|
Promotion
|
|
-Banderoles
|
|
|
|
700.000
|
-Double-face de
|
|
|
|
|
-Promotion
|
|
|
|
|
-Badges et
contacts médias
|
|
|
|
|
Total
|
|
|
|
11.175.000
|
Tableau 17 : Budget de l'atelier d'information et
état des lieux des industries extractives au Cameroun
Catégorie
|
N°. unités
|
Coût unitaire
|
Total (Fcfa)
|
Transport des participants hors de Yaoundé (aller
et retour)
|
|
|
|
Yokadouma -Yaoundé
|
1
|
25 000
|
25 000
|
Lomié -Yaoundé
|
1
|
20 000
|
20 000
|
Douala - Yaoundé
|
3
|
18 000
|
36 000
|
Sous total 1
|
|
|
81 000
|
Indemnité transport participants résidant
à Yaoundé
|
30 pers x 2 jours
|
5 000
|
300 000
|
Sous-total 2
|
|
|
300 000
|
logistique
|
|
|
|
Location salle de réunion
|
2 jours
|
60 000
|
120 000
|
Sous-total 3
|
|
|
120 000
|
Accommodation
|
|
|
|
Logement des participants
|
5 pers x 2 jours
|
15 000/j/P
|
150 000
|
Restauration des participants
|
35 pers x 2 jours
|
6 000/J/P
|
420
000
|
Pause café matin
|
35 pers x 2jours
|
2 000/j/P
|
140 000
|
Pause café après midi
|
35 pers x 2jours
|
2 000/J/P
|
140 000
|
achat gobelet
|
1 paquet de 100
|
2 000
|
2 000
|
Eau
|
10 palettes
|
2 000
|
20 000
|
Sous-total 4
|
|
|
872 000
|
Per diem
|
|
|
|
Per diem participants locaux hors Yaoundé
|
5 pers x 2 jours
|
10 000/J/P
|
100 000
|
Sous-total 6
|
|
|
100 000
|
Matériels
|
|
|
|
Location Vidéo projecteur (hors
|
2j
|
50 000
|
50 000
|
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 308 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
montant à décaisser)
|
|
|
|
|
blocs notes
|
35
|
|
1 000
|
35 000
|
bics
|
35
|
|
100
|
3 500
|
scotch
|
1 rouleau
|
|
1 000
|
1 000
|
Papier (flip chart)
|
1
|
|
6 500
|
6 500
|
Marqueurs
|
6
|
|
1 000
|
6 000
|
Photocopies
|
forfaits
|
|
50 000
|
50 000
|
Sous-total 7
|
|
|
|
152 000
|
|
|
|
|
|
Personnes Ressources
|
|
8
|
50 000
|
400 000
|
Personnes Ressources
|
|
|
|
|
Sous-total 7
|
|
|
|
400 000
|
|
|
|
|
|
DIVERS
|
|
|
|
|
Transport achat matériel
|
|
|
|
10 000
|
Communication
|
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20 000
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Rédaction rapport
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15 000
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Sous-total 8
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45 000
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Total
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Imprévus (5%)
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103 500
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Total Général
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2 173 500
|
Les deux cas de budgets présentés dans les
tableaux ci-dessus, illustrent deux stratégies de soustraction de fonds.
Dans le premier cas, il s'agit du gonflement des couloirs de dépenses.
Par exemple, a-t-on besoin de faire budgétiser les photocopies à
350.000 FCFA alors que dans le même temps un photocopieur sera
loué à 450.000 FCFA ? A quoi rime la location d'un ordinateur
à 450.000 alors que toute ONG sérieuse dispose d'ordinateurs sur
lesquels travaille son personnel ? Pourquoi ne pas acheter un ordinateur
définitivement à moins de 450.000 afin de ne plus avoir à
en louer lors des prochains ateliers ? Pourquoi louer une salle qui coûte
250.000 F alors que comme en témoigne le second cas, l'on peut avoir une
salle à quatre fois moins dans un grand hôtel de la ville ? Dans
le cas du premier budget, il apparaît que pas moins de 2.770.000 FCFA
sont destinés à alimenter les caisses noires d'un leader
d'ONG.
Le second cas est illustratif de l'opacité qui
prévaut dans les ONG. Celui qui a eu la charge de préparer ce
budget, s'est vu interdire tout accès à la version validée
par son chef, dès lors que la version a été jugée
valable. Le fait peut paraître banal, mais en réalité, il
s'agit du signe que la version qui a été soumise aux bailleurs de
fonds lors de la justification des dépenses, et qui forcément
était en conformité avec le rapport financier de l'atelier que
personne d'autre au sein de l'organisation n'a vu, comportait des chiffres
différents c'est-à-dire démultipliés.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 309 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Toutes choses, qui justifient la perte de
crédibilité des ONG que relève de plus en plus de
critiques de l'activité non gouvernementale1.
Paragraphe II : Les firmes multinationales du secteur des
industries extractives dans le système capitaliste : l'illusion du
désintéressement.
L'engagement des firmes dans l'initiative de transparence des
industries extractives correspond à des schémas
managériaux modernes qui intègrent le dialogue multi-parties
prenantes, les relations publiques, la quête d'un capital social et le
dialogue avec les ONG. L'on est passé au-delà des sentiers jadis
fréquentés de l'opacité que battaient les firmes en la
fière compagnie des Etats. La relation s'est complexifiée. Elle
intègre désormais tous ceux qui affectent et sont affectés
par l'activité extractive2. Il s'agit d'un éventail
actoriel très large dont les populations autochtones, les
collectivités territoriales décentralisées, les
régions, les ONG, les syndicats et les Etats constituent les saillies.
L'intégration de ces multiples parties prenantes est vitale pour les
firmes. Deux éléments en sont proéminents :
l'intégration d'un actorat plus large et la quête d'un capital
social pour la mutation du capitalisme classique en « capitalisme
créatif », c'est-à-dire que la création des richesses
se fait dans le même temps que la pratique de la solidarité.
Peut-être faut-il inverser l'appréhension en considérant
que le capitalisme créatif pratique la charité pour créer
des richesses donc, pratique l'éthique comme moyen pour mieux
créer la plus-value. Dans cette veine, deux moments principaux font ce
paragraphe qui s'attele à démontrer que l'adoption de la
transparence par certaines firmes répond à une logique de
markethique, qui passe par la transition de l'actionnariat au
multiactorat, il s'agit de deux manifestations de la tentation éthique
du capitalisme (A) qui cachent des retombées pour les firmes que la
transparence des industries extractive rend possibles (B). Celles qui l'ont
compris et le mettent en oeuvre engrangent un capital social qui leur permet de
prendre de l'avance dans la compétition corporative pour l'accès
aux espaces énergétiques concurrentiels.
A. Deux manifestations de la « tentation
éthique » du capitalisme
1 Lire par exemple : Margaret Gibelman et Sheldon R.
Gelman « A loss of credibility : Patterns of wrongdoing among NGOs »
International Journal of Voluntary and Non-for-profit, vol. 15,
n°4, pp. 355-381 (2004)
2 C'est ainsi que Freeman définit une partie
prenante, en insistant sur le lien d'impact dans les deux sens. L'impact d'une
part de la firme sur les autres et l'impact en retour des autres acteurs sur
les activités de la firme. La définition des parties prenantes se
forge donc à la congruence des impacts mutuels. Lire Freeman R.E.,
(1984) Strategic Management. A Stakeholder Approach. Marshfield, M.A:
Pitman.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
En postulant le rôle central des firmes multinationales
dans la propagation du capitalisme, l'affirmation d'une tentation
éthique du capitalisme comme le fait de celles-ci ne devrait pas poser
de problème de principe. Ce virage présumé se
décline entre autre par l'usage inflationniste de l'éthique
d'entreprise ou markethique selon un néologisme restitutif du
signifié et par l'agrandissement de la communauté corporative
à travers l'usure de la théorie de l'agence.
1. A l'ère du marketing éthique : la
transparence des industries extractives au service de la
performance
Les firmes dans l'entreprise de la transparence des industries
extractives sont le signe de la figure paradoxale du capitalisme et de la
morale. Va-t-on penser que les firmes du secteur des industries extractives ont
subitement renoncé au profit pour se lancer dans la promotion de la
morale ? La morale semble plutôt être devenue un effet de mode dans
le vocabulaire entrepreunarial, l'allusion éthique dans le capitalisme
semblant être la marque du piège utilitaire. Il s'agit dans cet
espace de penser que la transparence en tant que norme éthique, a
reçu les faveurs des firmes parce qu'elle permet à celles-ci de
mieux rentabiliser leurs investissements. D'ailleurs, les firmes le confessent.
Dans le rapport annuel 2008 de Rio Tinto, il est dit : « our
commitment to sustainable developement is delivering a range of long term
benefits such as the successful start up of new minerals sands mining project
in Madagascar...We aim to build enduring relationship with our stakeholders
that are characterised by mutual respect, active partnership and long term
commitment. In the long run, the trust that is engendered by solid
relationships will reinforce Rio Tinto's ability to gain preferential access to
resources1 » (notre engagement au développement
durable consiste en la délivrance d'un ensemble de
bénéfices à long terme tels que l'exploitation
réussie des nouvelles mines à Madagascar...Nous avons l'intention
de bâtir une relation durable avec nos parties prenantes, une relation
caractérisée par le respect mutuel, un partenariat actif et un
engagement à long terme. Dans la durée, la confiance
engendrée par ces solides relations va renforcer l'aptitude de Rio Tinto
à avoir un accès préférentiel aux ressources). Dans
l'ordre des résultats, Rio Tinto énonce qu'il a en raison de son
engagement éthique, été admis sur la liste de la FTSE4
Good and Dow Jones Sustainability World, ainsi que dans le Stoxx Index et le
Climate Disclosure Index.
1 Rio Tinto Annual Report 2008, p. 79 et 83 .
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 311 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Les scandales au centre desquels les compagnies se sont
retrouvées1, les impacts environnementaux et sociaux
néfastes de leur activité ont fini de convaincre les populations
que les firmes extractives drainent avec elles un cortège de
fléaux. La contestation des multinationales touche leur image et
partant, leur gestion selon qu'elle est conditionnée désormais
par une bonne conduite. Le marketing des firmes ne peut plus se
concevoir sans les considérations éthiques ; « ethic
pays » répète-t-on sans cesse dans les écoles de
commerces et ce n'est pas qu'un creux slogan. Les firmes sont engagées
dans un relookage éthique réel. Dans le but de renforcer la
gouvernance sociale, le groupe Conocco Philips a crée en 2002 un
comité de divulgation pour superviser ses activités de
divulgation et les procédures de contrôle. Mieux encore, la
direction de la compagnie a adopté en 2004 une résolution
stipulant qu'elle n'approuvera plus des investissements dans les pays
sensibles, à moins que ceux-ci ne se conforment à la lettre et
à l'esprit de toutes les restrictions américaines. En effet, la
figure du capitalisme créatif se croque sur le papyrus à
deux faces dont l'intérêt et les valeurs morales sont comme pour
le dieu Janus, les deux visages. Le déploiement de Bill et Melinda Gates
par exemple sur les terrains de la charité ne cache guère les
visées utilitaires car, les concernés déclarent vouloir
créer des richesses en faisant de l'humanitaire2. De
même, lorsque De Beers annonçait le 5 octobre 1999 l'arrêt
de ses achats des diamants angolais, exception faite de ceux exploités
par SDM avec qui il avait un partenariat3, c'était la mise en
scène d'une attitude éthique traduisant la distance
vis-à-vis des diamants de sang. Cette attitude certes morale, ne peut
pas uniquement s'expliquer par un accès d'éthique sans lien avec
le souci de l'image internationale de la compagnie.
Qu'il s'agisse de l'éthique d'entreprise ou du
markethique, termes interchangeables en raison de leur
mêmété de sens, leur rôle premier est
d'améliorer l'image de l'entreprise. Si cet « enfant né de
l'union entre le marketing et l'éthique4 » laisse
perplexe certains auteurs, c'est précisément parce que son
invocation masque insuffisamment les visées utilitaires qu'il
1 Notamment la pendaison de Ken Saro Wiwa et de ses
frères Ogoni en 1995 pour laquelle l'on sait que la compagnie
néerlandaise Shell a joué un rôle actif. Le 9 juin 2009, en
acceptant de payer une indemnité de 15,5 millions de dollars à la
famille de Saro Wiwa, Shell a évité un procès perdu
d'avance mais davantage, elle a avoué le fait de son implication dans
cette tragédie. L'on peut également noter la participation de
Total et Chevron aux violations des droits de l'homme par la junte birmane.
2 A ce propos, Bill Gates déclare que le
renouveau du capitalisme se trouve dans le capitalisme créatif qui
profiterait à toute l'humanité. Il explique que cette notion de
capitalisme créatif doit associer les deux principaux buts de la nature
humaine à savoir la satisfaction de ses propres intérêts et
l'altruisme. Jeune Afrique hors-serie, n° 18, l'état de
l'Afrique 2008, p.120-121.
3 Richard H. Dietrich « Ethical considerations
for multinationals in Angola » in Jakkie Cilliers & Christian Dietrich
(2000) Angola's war economy, the role of oil and diamond , Pretoria :
ISS, p.251.
4 André Comte-Sponville, op. cit. p.
40
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
véhicule1. L'éthique améliore
l'image et donc les ventes des firmes. C'est la première raison de
l'engagement de certaines firmes dans l'EITI. C'est la suite dans un cadre
institutionnel précis, des actions disparates que posaient des firmes
pour améliorer leur image. Ainsi, en 1998, Chevron a
dépensé 1,1 millions de dollars dans la construction des
écoles, dispensaires, et autres financements des activités
communautaires et environnementales. British Petroleum quant à lui a
fait un don de 7 millions de dollars dans le cadre d'un accord avec USAID, pour
que la Croix Rouge puisse soutenir l'Angola dans l'épreuve de la guerre
civile, au cours de la même année2. Le virage
éthique des firmes est palpable dans les rapports annuels des firmes qui
s'obligent d'y faire apparaître leurs réalisations
socio-environnementales, afin de séduire les publics sceptiques et
dubitatifs quant aux potentialités éthiques des compagnies.
Ainsi, le rapport 20083 de la compagnie Anglo American qui est
partie prenante au niveau international de EITI révèle-t-il que
76,2 millions de dollars ont été investis dans le social en 2008,
soit 71% en Afrique. Les tableaux ci-dessous donnent de façon exhaustive
les traits de cet investissement social.
Tableau 18 : Traits de l'investissement social de Anglo
American (2002-2008).
Année
|
Montant (en million de $)
|
Pourcentage
|
2002
|
28,8
|
0,9%
|
2003
|
38,3
|
1,5%
|
2004
|
47,4
|
1,1%
|
2005
|
56,7
|
1,0%
|
2006
|
50,3
|
0,7%
|
2007
|
60,5
|
0,7%
|
2008
|
76,2
|
1,1%
|
Source: Making a difference, Report to Society 2008, p.
48.
Tableau 19 : Soutien de Anglo American par cause et par
région en 2008
Causes
|
Montant
|
pourcentage
|
Régions
|
Montants
|
pourcentage
|
1 En effet, Comte-Sponville par exemple dit
être perplexe pour trois raisons principales. Premièrement, la
vertu à elle seule ne fait pas gagner de l'argent pense-t-il. Ensuite,
l'emprunt du même chemin par l'économie et la morale,
l'intérêt et le devoir ne pose par définition aucun
problème moral. Enfin, le choix de la morale comme mobil d'action ne
garantit pas que l'action est morale. En cela, le fait utilitaire de
l'éthique dans le markethique transparaît avec
proéminence. Comte-Sponville, Le capitalisme est-il moral ? op.
cit. pp.42-43.
2 Richard H. Dietrich «Ethical considerations for
multinationals in Angola », Jakkie Cilliers & Christian Dietrich
(2000) op. cit. p.244.
3 Anglo American, «Making a difference,
Report to Society» 2008.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 313 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
|
(millions $)
|
|
|
(millions $)
|
|
Santé/VIH
|
4,1
|
5%
|
Afrique du
Sud
|
50,4
|
66%
|
Jeunesse et
éducation
|
10,5
|
14%
|
Reste de
l'Afrique
|
3,8
|
5%
|
Environnement
|
1,6
|
2%
|
Grande Bretagne
|
3,2
|
4%
|
Développement des
communautés
|
30,2
|
40
|
Reste de
l'Europe
|
0,5
|
1%
|
Arts, culture et héritage
|
7,2
|
9%
|
Les Amériques
|
17
|
22%
|
Logement
|
0,1
|
0%
|
Australie
|
0,6
|
1%
|
Autres
|
22,5
|
29%
|
Asie
|
0,6
|
1%
|
Source: Making a difference, Report to Society 2008, p.
48
Il ne s'agit point d'instaurer les « barbaries de
l'éthique et de la morale » car, en réalité la
confusion des ordres débouchant sur ces barbaries, est une des
explications de la spéciosité du virage
éthique1. Le discours sur la responsabilité sociale
des entreprises est un écho à la voix plaignante des populations
qui dénoncent les impacts néfastes de l'activité des
firmes. Il s'agit avec le concept de développement durable, de
généreux concepts qui sont de la poudre aux yeux, de l'image et
des relations publiques. Cela s'apparente à des opérations de
communication d'entreprise dont les desseins de séduction de la
population transparaissent par-delà les archétypes de la langue
de bois qui, ornée de la savante rhétorique publicitaire, essaie
de convaincre que l'entreprise par ce virage, signifie la mutation du
capitalisme. Richard Dietrich dit à ce propos: « Corporate
social responsibility is not charity, an activity separate from the company's
business. In the past, corporations measured their good deeds in terms of
philanthropy, but contemporary measures involve conducting business in an
ethically manner, with charity as an added extra... Social responsibility does
not have to be entirely altruistic, for there are opportunities in doing good
that positively affect the first bottom line, such as increased employee pride,
better relations with local communities, and a more stable, prosperous
future2» (la responsabilité sociale des enterprises
n'est pas de la charité, une activité sans lien avec les affaires
de la compagnie. Autrefois, les compagnies mesuraient leurs bons actes en terme
de philanthropie, mais les mesures contemporaines intègrent la conduite
éthique des affaires, avec la charité comme un bonus...La
responsabilité sociale ne doit pas être entièrement
altruiste car, il y a des possibilités d'affecter positivement la
1 Cette opposition des ordres justifie la
négation de toute morale au capitalisme chez André Comte
Sponville. Il considère en effet que l'ordre techno-scientifique duquel
relève l'économie donc le capitalise et l'ordre de la morale et
de l'éthique sont parallèles et le ridicule ou la tyrannie
résulterait de toute volonté de soumettre l'un à l'autre.
La confusion des ordres est tout simplement ridicule. Comte-Sponville op.
cit.
2 Richard H. Dietrich « Ethical considerations
for multinationals in Angola », Jakkie Cilliers & Christian Dietrich
(2000) op. cit. p.241
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 314 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
conduite de la compagnie en faisant du bien. Il s'agit par
exemple de l'amélioration de la fierté de l'employé, de
meilleures relations avec les communautés locales et un futur plus
stable et prospère). Les firmes qui sont les acteurs concernés au
premier chef par cette attitude éthique reconnaissent qu'il y a des
retombées qui en sont le corollaire. Ainsi, M. Rex W. Tillerson le PDG
de Exxon Mobil dit : « in such turbulent times, successful companies
are those that see business discipline and corporate citizenship as
interlinked...We believe companies that retain a systematic focus on corporate
governance, ethics safety, environmental performance and community engagement
in the down-cycle will be best placed to succeed in the
up-cycle1» (en ces temps difficiles, les compagnies qui
connaissent du succès sont celles qui font un lien entre la discipline
dans les affaires et la citoyenneté responsable...Nous croyons que les
compagnies qui prêtent une attention systématique à la
gouvernance sociale, la sécurité éthique, la performance
environnementale et l'implication des communautés en amont, sont bien
placées pour connaître du succès en aval). Dans la
même veine, madame Babs, Supply Chain Manager d'Arcelor Mittal
Distribution au Luxembourg declare: « We believe that good business
practices are the essential foundation for long-term and sustainable business
success. A reputation for high standards of ethics, accountability and
transparency is an invaluable business asset, and underpins our ambition to be
a leader in our sector2» (nous croyons que les bonnes
pratiques dans les affaires sont une fondation essentielle pour un
succès durable et à long terme dans les affaires. Une
réputation pour le respect des standards élevés
d'éthique, de responsabilité et de transparence est un atout
incommensurable dans les affaires, et sert de fondement à notre ambition
de leadership dans notre secteur).
Les firmes s'improvisent agents de la promotion de la norme et
donc, épousent les schémas discursifs et actionnels3
des entrepreneurs des normes pour ainsi, activer la corde humanitaire et morale
qui blouse tant les populations dont la rationalité n'est que fort
réduite et peu au fait de la ruse. Les firmes possèdent presque
toutes des Fondations qui investissent dans le social. Elles servent entre
autre, au financement de certaines ONG qui oeuvrent dans l'humanitaire. En 2008
uniquement, la Fondation Anglo American a financé l'ONG
Sightsavers
1 Exxon Mobil 2008 Corporate Citizenship Report, p.
3.
2 Arcelor Mittal, « How will we achieve safe
sustainability steel? Corporate Responsibility Report 2008», p. 16.
3 Notamment le paradigme de l'action
rhétorique dont parle Dimitrakopoulos. C'est-à-dire un usage
stratégique de la norme pour des buts autres en laissant penser que l'on
est en présence d'un parnasse normatif. Dionyssis Dimitrakopoulos «
Norms, strategies and political change: Explaining the establishment of the
convention on the future of Europe » European Journal of International
Relations, vol. 14, n°2, pp. 319-342.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 315 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
International pour l'ouverture d'une clinique
spécialisée dans le traitement des pathologies des yeux en
Guinée Conakry. Elle a financé les activités de
Starfish pour sa lutte contre le VIH/SIDA en Afrique du Sud,
octroyé des fonds à Plan International pour un projet
d'adduction d'eau potable en Chine ainsi qu'à l'association
Pro-Mujer au Pérou et Children of the
Andes1. Le 7 juillet 2009, le groupe nucléaire
français AREVA, l'association SHERPA et Médecins du Monde ont
signé un accord de partenariat pour la mise en place d'un observatoire
de santé autour des sites miniers de AREVA au Gabon et au Niger.
De même, il est intéressant d'observer le
déploiement du greenwashing2 qui peut-être lu
dans l'effet de mode qui consiste pour les compagnies pétrolières
par exemple, de mettre sur pied des Fondations qui combattent les effets
pervers de l'exploitation pétrolière. De plus, des actions
conjointes sont posées entre les firmes et certaines ONG dans le but de
verdir leur image. Ainsi, le 27 mars 2008, Shell et IUCN ont rendu
public à Gland en Suisse, un rapport dans lequel ils relevaient l'apport
de la protection de l'environnement pour les affaires. A l'occasion de cette
diffusion, M. Joshua Bishop qui est Senior Adviser on Economics and the
Environment à IUCN disait:
« There are numerous pro-biodiversity business
opportunities that can generate significant profits as well as benefits for
nature, but a few inspiring examples aren't enough. This report shows how to
achieve a major increase in business investment in biodiversity conservation,
by linking policy reforms, technical assistance and innovative financing tools
» (il y a de nombreuses opportunités dans les affaires
respectueuses de la biodiversité qui peuvent générer des
profits significatifs aussi bien que des bénéfices pour la
nature, mais quelques exemples ne suffisent pas. Ce rapport montre comment
réaliser une amélioration majeure en affaire, en investissant
dans la conservation de la biodiversité, en reliant des politiques de
reformes, l'assistance technique et des instruments financiers innovants).
Et Sachin Kapila, Group Biodiversity Adviser à
Shell de renchérir:
« For businesses to conserve biodiversity it must
ultimately become more profitable to protect nature and use natural resources
sustainably, rather than ignore or destroy it» (pour que les affaires
protégent la biodiversité, il doit devenir plus profitable de
protéger la nature et utiliser les resources naturelles de façon
durable, plutôt que les ignorer ou les détruire).
1 Anglo American Making a difference, Report to
Society 2008, p, 49.
2 Terme anglais qui signifie littéralement
« peindre en vert son image ».
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 316 Yaoundé
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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L'intérêt réside moins dans la
promiscuité des deux ordres que dans la finalité qui est la
rentabilisation d'une conduite morale. C'est le sens du partenariat
établi entre Anglo American et CARE International sur les questions de
développement depuis 2003, et Fauna & Flora International sur les
questions environnementales, mais également, de l'accord de
coopération signé en 2009 entre Shell et Nature Conservancy.
2. From shareholders to stakeholders:
l'éthique comme impératif dans la complexitédes
transactions des acteurs pour la performance et la
compétitivité.
Si le markethique vise à soigner l'image de
l'entreprise pour améliorer la performance sociale, et ce faisant
s'appuie sur une instigation managériale en direction de
l'extérieur, l'extension des parties prenantes quant à elle
permet d'adopter une approche intégrée dans la poursuite du
même objectif. Il s'agit de faire le relookage de l'image de la firme au
devant des acteurs externes, en les associant à l'opération.
Dès les années 1970, la prise de conscience de l'impact des
compagnies sur leur environnement externe, et qui en fait des responsables
devant un public plus large, a nourri les écrits1. Depuis
lors, les firmes ont cessé d'être la seule affaire des
actionnaires dans leur relation avec les gestionnaires de leurs actifs. C'est
le passage des Shareholders aux Stakeholders. Cette
révolution signifie en même temps l'usure de la théorie de
l'agence. Cette dernière concentre l'attention sur les relations entre
les gestionnaires et les actionnaires, les premiers ne rendant compte qu'aux
seconds. Or, comme le disent et font certains auteurs, l'analyse des
responsabilités sociales des firmes doit rester informée de la
coalescence d'acteurs autres qui impactent ou sont impactés par
l'activité des firmes. Esther Ortiz Martinez et David Crowther disent:
« Additionally there are a wide variety of other stakeholders who
justifiably have a concern with those activities and are affected by those
activities2» (en plus, il y a une large varieté
d'autres parties prenantes qui de façon justifiée, ont à
voir avec ces activités et sont affectées par elles). Cette
réalité a présidé au passage vers
l'intégration de toutes les composantes qui sont membres de la
communauté corporative. Le model de Stakeholder fut introduit
dans la théorie du management par Freeman. Il définit un
stakeholder comme « any group or individual who can affect or
is
1 Même si l'inclination pour les
retombées financières a souvent inhibé cette
nécessité de responsabilité sociale. Lire à ce
sujet Ackerman R.W. (1975) The social challenge to business.
Cambridge, M.A: Harvard University Press.
2 Ortiz Martinez Esther et Crowther David « Is
disclosure the right way to comply with stakeholders? The Shell case »
Business Ethics, vol. 17, n°1, p. 14, January 2008.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
affected by the achievement of the firm's
objectives1 » (tout groupe ou individu qui peut affecter
ou est affecté par la poursuite des objectifs des firmes). Le passage
vers une communauté corporative élargie justifie les implications
des acteurs tels que les ONG dans la conduite sociale des firmes, ce qui serait
apparu comme une immixtion dans le passé. C'est d'ailleurs dans ce
couloir que se puise la légitimité des organisations de la
société civile quand elles jouent les superviseurs de l'action
sociale et environnementale des firmes. Alors que ces dernières, dans un
premier temps, validaient l'idée d'une intégration des parties
prenantes mais se prévalaient d'une prééminence qui
n'autorise que l'information dans un sens, celui des managers en
direction des autres parties, l'on est désormais en présence
d'une co-construction des responsabilités et obligations éthiques
par le dialogue multi-partie prenantes2.
Cependant, ce seul élargissement ne garantit pas la
prise en compte des valeurs éthiques, tant la
prépondérance des uns sur les autres biaiserait le jeu de la
transparence. Un véritable espace de dialogue est nécessaire.
C'est-à-dire ce que Burchell et Cook identifient comme « a
channel through which to transcend traditional conflictual processes of
communication between organisations and develop a more progressive form of
engagement and understanding3» (un canal par lequel
transcender les processus conflictuels traditionnels dans la communication
entre les organisations et développer une forme plus progressive
d'engagement et de comprehension). La définition du dialogue, ses issues
potentielles et les défis relatifs à la création d'un
véritable dialogue entre les parties prenantes est une
préoccupation pour la doctrine4. L'on ne saurait imaginer la
promotion des valeurs éthiques dans un environnement de
discussion5 c'est-à-dire, dans un contexte où une des
parties prenantes cherche à imposer aux autres sa pensée. Ainsi,
l'avis des populations de Michiquillay au Pérou a été
requis pour le lancement du projet d'exploitation des ressources de cette
localité par Anglo American en 2008. De même, les multiples
memoranda d'entente avec les communautés sont-ils le reflet de la prise
en compte des parties prenantes les plus directement affectées par
l'activité extractive. Il ne faut cependant pas perdre de vue que
l'élargissement de la communauté corporative dans le cadre des
memoranda est le signe qu
1 Freeman R.E., (1984) Strategic management. A
stakeholder approach, op. cit. p.25
2 Lire par exemple Blair M. M. « For whom should
corporations be run? An economic rationale for stakeholder management »
Long Range Planning, vol. 32, n°2, pp. 195-200 (1998).
3 Burchell et Cook, art. cit. p.37.
4 Voir Jon Burchell et Joanne Cook « Stakeholder
dialogue and organisational learning: Changing relationship between companies
and NGOs » Business Ethics, vol. 17, n°1, pp. 35-46, janvier
2008.
5 A propos de la distinction entre le dialogue et
la discussion lire: Chapman C., Ramondt L. et Smiley G. « Strong
community, deep learning: exploring the link » Innovations in
Education and Teaching International, vol.42, n°3, pp. 217-230
(2005).
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
trahit le réalisme des firmes. Avec les attaques
répétées des installations de Shell au Nigeria, notamment
celle de la plateforme de Bonga en juin 2008 à titre d'exemple, le
mémorandum devient un élément de pacification du climat
social autour des sites d'extraction. Certes, la notion même de
l'éthique est relative1 et laisse penser que celui qui en est
porteur véhicule des valeurs à coloration ethnocentrique.
Toutefois, le dialogue en plus d'être une nécessité de
l'élargissement de la communauté corporative, est potentiellement
créateur d'opportunités nouvelles dans l'optique de la
rentabilisation de l'usure de la théorie de l'agence. En effet, la
création d'un processus effectif de dialogue est pleine de défis
mais si elle réussit, elle peut créer des opportunités
intéressantes2. Ainsi, la création d'un espace
dialogique entre les firmes des industries extractives et les ONG permet
l'amélioration de la performance sociale des premières, car leur
blason est redoré par la collaboration d'avec les ONG dont la population
pense que tout ce qu'elles font est bénéfique pour elles et
morale. C'est dans cette optique que les firmes signent systématiquement
des conventions de partenariat avec des ONG de renom, afin de signifier ainsi
leur conscience des responsabilités sociales et humanitaires qui leur
incombent. C'est dans ce cadre que les conventions de partenariat qui lient
Anglo American avec CARE International pour les questions de
développement, et Fauna & Flora pour des questions
environnementales, Shell et l'IUCN, AREVA, Médecins du Monde et
SHERPA... sont porteuses de sens. Les ONG dans cette perspective, deviennent la
caution morale des firmes mais pas seulement, elles deviennent selon le voeu de
Morsing et Schultz, des parties prenantes engagées pleinement dans les
processus de sense-making (processus par lequel l'on tente de
comprendre ce que les autres veulent et y conférer un sens) et de
sense-giving (processus tendant à influencer la manière
dont l'autre comprend et donne un sens) qui améliorent les
espérances mutuelles3. En effet, pensent-ils: « The
stakeholder relationship is assumed to consist of interactive, mutually engaged
and responsive relationships that establish the very context of doing modern
business, and create the ground work for transparency and
accountability4» (la relation entre les parties prenantes
est censée consister en des liens interactifs et mutuellement engageants
et réceptifs qui établissent le contexte même des affaires
modernes, et créer un cadre pour la transparence et la
responsabilité).
1 Voir Anne Fagot-Largeault « Les
problèmes du relativisme moral » in Jean Pierre Changeux (dir.),
op. cit. pp. 41-58.
2 Burchell et Cook, art. cit. Dans cette
même logique voir aussi Andriof J. et Waddock S. (2002) « Unfolding
stakeholder engagement» in Andriof J., Waddock S., Husted B. et Rahman S.
S. (eds) Unfolding stakeholder thinking: theory, responsibility and
engagement. Sheffield: Greenleaf, pp. 19-42.
3 Mette Morsing et Majken Schultz « Corporate
social responsibility communication: Stakeholder information, response and
involvement strategies » Business Ethics, vol. 15, n°4, pp.
323-338, October 2006.
4 Mette Morsing et Majken Schultz, idem,
p.325.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Ces deux manifestations de la tentation éthique du
capitalisme plantent le décor mais en même temps constituent en
eux-mêmes, des espaces de récolte des avantages d'un engagement
éthique de l'ordre de la responsabilité. Ce qui n'abrase ni ne
rend superflue toute évocation d'autres formes de rentes de la
transparence pour les firmes impliquées dans la mise en oeuvre de
EITI.
B. A propos des fruits du marketing éthique :
évocation de quelques retombées de l'éthique de
responsabilité pour les compagnies extractives
Dire que la transparence des industries extractives est une
aubaine pour les compagnies extractives est un euphémisme. Le
caractère moral voulu à la chose interdirait pareille affirmation
et pourtant, cet espace trinitaire des bénéfices n'exclut et ne
saurait exclure des firmes dont les buts déclarés d'existence
sont fortement et sans ambiguïté utilitaires. Si EITI est un fier
milieu de déploiement du marketing éthique, une plateforme de
mise en oeuvre de l'éthique entrepreneuriale, rien d'étonnant
donc que les auteurs en attendent les retombées. L'on pourrait supputer
que les firmes ne se seraient jamais engagées dans l'initiative si leur
intérêt n'était pas assuré d'en sortir plus grandi.
Cette logique capitaliste ne devrait pas offusquer, « les affaires sont
les affaires » a-t-on coutume de répéter. In
concreto, quelques points saillants mais qui ne sont pas les seuls,
permettent de penser que l'adhésion des firmes à l'éthique
de la transparence est un choix rationnel préalablement bien
pensé. Ceci étant, tous les bénéfices de cet
engagement moral ne sauraient être mentionnés dans cet espace, en
raison du caractère éminemment dynamique de cette plateforme qui
n'a pas encore une décennie d'existence.
Les firmes se prévalent responsables et leur
performance sociale est intimement liée à l'image qu'elles
projettent. Aussi, la transparence est-elle une modalité de
démonstration de la crédibilité internationale qui leur
permet d'obtenir des contrats juteux. Dans des pays suffisamment
démocratiques, la négociation des contrats ne se fait pas au
mépris de l'étape consistant en la validation parlementaire. L'un
des points majeurs est la crédibilité internationale qui convainc
les parlementaires de ce que la firme n'est pas un « rogue firm
». C'est ainsi que, les firmes engagées dans EITI exhibent cette
adhésion aux principes de la transparence comme une réalisation
majeure dans la responsabilité sociale des entreprises. L'ensemble des
firmes membres de EITI font paraître dans leurs rapports de
durabilité, leur soutien aux principes EITI. En plus de rappeler qu'elle
soutient l'initiative depuis ses origines,
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transparence des
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la compagnie française Total ne manque pas de signaler
dans son rapport « Environnement et Société 2008 »
qu'elle a participé en novembre 2008 à la promotion des principes
EITI auprès des pays du Maghreb, du Mashrek et du Soudan dans le cadre
d'un séminaire organisé par la BAD à Tunis1. Il
faut rappeler qu'au 15 septembre 2009, aucun de ces pays n'était membre
de EITI. Ou encore, le fait pour cette même compagnie d'avoir depuis
février un représentant membre titulaire au sein du conseil EITI,
en la personne de Jean-François Lassale. La crédibilité
internationale est également un signal envoyé en direction des
populations qui sont désormais des acteurs intégrés dans
l'exploitation des ressources de leur environnement vital. Elles veulent
souvent avoir la garantie d'une conduite responsable des firmes auxquelles
l'Etat en amont, confie leur destin d'une certaine façon. L'on
imaginerait sans effort qu'une compagnie qui s'engage dans l'exploitation des
hydrocarbures au Nigeria aura à coeur de faire la démonstration
en direction des populations, de son engagement à faire de la
transparence un de ses modes opératoires, seule autorisation
d'espérer que les revenus parviendront aux populations. Il ne saurait
s'agir d'un humanisme ad rem, mais plutôt d'un bouclier
éthique dans l'optique de se prémunir des violences et
destructions des installations. Le corollaire de cette crédibilisation
par le fait de la transparence, est l'usage concurrentiel de l'image qui en
ressort dans la projection des firmes vers les zones d'importance vitale pour
les firmes.
Par ailleurs, la pacification du climat social par l'adoption
des principes de la transparence est une condition sine qua non
à l'exploitation ataraxique des ressources du sous-sol. Les
investissements colossaux qu'exige l'activité extractive ne sauraient
être rentables si la paix sociale est une gageure. L'on peut dire que
l'un des défis auxquels les firmes sont confrontées dans leurs
activités est la quête de la paix sociale. Un environnement de
paix est l'élément de base pour un développement
fondé sur le paradigme de l'IDP2 qui s'appuie sur l'apport de
l'investissement direct étranger or, comme précédemment
souligné, les firmes sont les principaux vecteurs de l'IDE.
Par-delà les bénéfices qu'en tirent les Etats en terme
d'emplois créés, de flux financiers entrants et de
crédibilisation du pays par l'amenuisement du risque pays, les firmes
font des bénéfices exorbitants et ont pour cela besoin d'un
environnement propice, c'est-à-dire de paix. L'on ne dira jamais assez
le potentiel pacificateur de l'initiative
1 TOTAL « Environnement et Société
: nos responsabilités d'entreprise » Rapport de durabilité
2008, p. 15.
2 Investment Development Path, paradigme
sur lequel John Dunning a amplement travaillé. Voir par exemple Dunning
John H. (1988) Explaining international production, London: Unwin
Hyman mais aussi Dunning John H. et Rajneesh Narula (1996) « The
Investment development path revisited: some emerging issues », in John H.
Dunning and Rajneesh Narula, eds., Foreign Direct Investment and
Governments, London and New York: Routledge, pp. 1-41 etc.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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industries extractives : la dialectique de la
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qui, par l'usage des tous les segments sociaux qui se
définissent par leur quiddité pacifique, ces acteurs dont le
conatus est la paix, mais également par le rêve qu'elle
porte de voir les flux financiers que génère l'activité
extractive aboutir sur la table des foyers modestes, EITI s'avère ad
usum pacem pour la plus grande satisfaction des compagnies extractives.

Conclusion générale
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
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Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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Cette recherche s'est proposée de répondre
à certaines interrogations relatives à la souveraineté,
à son essence dans le contexte de la promotion d'une norme
éthique mettant en scène des acteurs aussi variés que les
Etats, les ONG et les firmes extractives. Il s'est agi pour nous, de
démontrer que par le fait de l'excroissance des acteurs au sein de EITI
et au travers de la mise en index des questions morales telles que la
transparence des industries extractives dans les relations internationales, la
souveraineté se donne à voir dans sa relativité. Parvenu
au point d'orgue, l'on peut en esquisser un bilan qui tient à la fois du
domaine théorique et empirique.
A. Bilan empirique : le fondement moral des
intérêts à l'interstice des ordres étatique et
privé.
Les observations empiriques autour de cette recherche ont
porté sur les acteurs en scène, sur les processus de leur action
intégrative orientée vers la complexité et sur le lien qui
unit la souveraineté en tant qu'elle est quête et expression de la
puissance, et la transparence selon qu'elle est éthique.
L'hypothèse de la relativité de la souveraineté s'est
démontrée autour de l'affirmation des acteurs multiples, au
travers de la complexité des transactions collusives entre les
différents acteurs et dans l'interpénétration de la morale
et de la puissance dans les relations internationales. Cela constitue en
même temps les provisions de cette odyssée dans les
méandres de l'international qui, complexe, livre certaines de ses
facettes par l'observation des pans de sa vaste réalité. La
transformation de la souveraineté par la reddition des comptes, en une
souveraineté responsable trouve son domaine de réalité
dans la coexistence de deux ordres en transactions collusives et dans la prise
en compte des valeurs morales dans la conduite des politiques de puissance.
1. EITI et la rémanence de l'ordre
westphalien
La place et le rôle de l'Etat dans l'initiative de
transparence des industries extractives révèlent que l'ordre
westphalien fondé sur la centralité des Etats n'est pas
révolu. En effet, de par son territoire qu'il cède à
l'initiative et au travers des divers aspects de sa participation à la
transparence des industries extractives, l'Etat constitue un acteur important.
Qu'il s'agisse de l'Etat en tant qu'acteur solitaire ou dans le cadre des
organisations internationales, Etat développé ou Etat du sud,
l'Etat continue d'occuper une place importante dans la politique mondiale.
Aussi, son principe structurant est-il rémanent mais transformé,
bousculé dans les
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fondements de son absolutisme. Dire que l'ordre
étatique est rémanent, c'est reconnaître que la
souveraineté conserve quelque domaine de pertinence. Cependant,
l'observation de EITI selon qu'elle est le lieu de l'interaction entre les
acteurs divers au mépris de la « compétence des
compétences », autorise à une déclaration de la
transformation de la souveraineté. Cette étude permet de faire le
constat que l'ordre des Etats demeure, mais que la souveraineté a
évolué vers la responsabilité. C'est le signe que la
mondialisation qui autorise le déferlement des acteurs privés
n'abrase point la pertinence de la qualité d'acteur de l'Etat. Pour
reprendre Bertrand Badie, « aucune des catégories anciennes de
l'action internationale n'a été abolie1». L'on
n'est certes plus dans l'ère bismarckienne où le « fait
international était comme socialement immaculé2
», mais le système international construit depuis Von
Rochau3 sur la reconnaissance de l'Etat comme acteur exclusif et qui
a nourri l'empire réaliste dans la science des relations
internationales, s'est dépouillé au contact de la mondialisation,
de quelques traits de son essence. L'Etat demeure pertinent et partant, c'est
le système fondé sur Westphalie qui continue d'exister. Mais, il
n'est plus seul et, les acteurs privés ont gagné en pertinence. A
ce sujet, Badie dira : «la politique internationale des droits de l'homme
n'abolit nullement le passé ; elle ne remplace pas l'ordre du cynisme
par celui de la morale ; elle ne substitue pas les ONG humanitaires aux Etats
westphaliens4 ». Cette position structure la pensée de
l'Ecole anglaise des relations internationales. En effet, fondée sur
trois concepts-clé à savoir : le système international, la
société internationale et la société mondiale,
cette école place l'Etat au coeur des relations internationales. Qu'il
s'agisse du solidarisme ou alors du pluralisme, les objectifs de paix, de
sécurité et la prise en compte des questions morales, sont le
fait des Etats. Cela crée d'ailleurs un domaine de ressemblance entre
cette école et le constructivsme d'Alexander Wendt5. A propos
de l'Etat en tant qu'unité pertinente et même centrale dans la
pensée anglaise des relations internationales, Andrew Linklater et
Hidemi Suganami rappellent que : « the uniqueness of the English
school can be found on its focus on how sovereign states learn to
control violent tendencies by agreeing on some universal moral
1 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit.
p.275.
2 Badie, idem, p. 9.
3 Badie, idem, pp. 17-44. L'auteur montre
dans cet espace comment la construction de l'international s'est faite de Von
Rochau aux réalistes contemporains sur l'exclusion de la
société de l'arène internationale.
4 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme,
op. cit. p. 11.
5 Dario Battistella dit du constructivisme
d'Alexander Wendt : « exprimé autrement, le constructivise de Wendt
est un statocentrisme. Non pas qu'il nie le rôle des acteurs
non-étatiques, mais il estime que leur rôle est indirect dans le
domaine de la violence internationale ». Voir Battistella D.
Théorie des relations internationales, op. cit. p. 297.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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and legal principles which bind them closely in an
international society1 » (la spécificité de
l'école anglaise réside dans la façon dont les Etats
souvérains apprennent à maîtriser les tendances à la
violence, en se mettant d'accord sur certains principes légaux et moraux
qui les constituent en societé internationale ). Cette conception
strictement statocentrée des relations internatonales est imputée
à ce que l'on pourrait appeler l'école anglaise classique des
relations internationales, soulignée par Barry Buzan. En effet, ce
dernier dans sa critique de l'explication insuffisante et résiduelle du
concept de « societé mondiale » par les premiers auteurs de
cette école, reconnaît que, le système international se
structure autour d'une politique de puissance entre les Etats, dans les
conditions d'anarchie. La société internationale quant à
elle, est fondée sur la pensée de Grotius, autour de
l'institutionnalisation d'intérêts partagés mais parmi les
Etats. Alors que, la société mondiale quoiqu'en reconnaissant le
rôle des acteurs non-étatiques, considère néanmoins
que le système étatique les transcende2. C'est dire la
reconnaissance malgré les dissensus au sujet de la centralité ou
non de l'ordre étatique, que ce dernier n'est pas dissipé par la
bourrasque de la mondialisation. A côté des Etatsnation
déployant leur diplomatie traditionnelle dans l'EITI, il y a l'ordre des
acteurs privés qui complètent le tableau entremêlé
de l'international abri des deux logiques non concurrentielles mais en
interdépendance.
2. La pertinence des acteurs privés dans
EITI
L'initiative, alibi pour une scrutation des fortunes de la
souveraineté, a offert l'occasion de constater une excroissance
d'acteurs dont l'importance et l'affirmation donnent de la scène
internationale l'impression d'un chaos3. L'affirmation
réaliste d'une prévalence de l'anarchie repose sur l'absence
d'autorité centrale. Toutefois, les Etats parce que
considérés comme les acteurs principaux de la scène,
oeuvrent par l'équilibre de puissance à la réalisation
d'un certain ordre dans ce système anarchique. A la faveur de la
démocratisation de la scène c'està-dire de l'irruption
participative des acteurs privés dans le naos de la
décision internationale informée par les reflets nationaux, il y
a comme une impression de désordre amplifiée par le rôle
des acteurs privés qui s'érigent en garants de la morale,
notamment les organisations non
1 Andrew Linklater & Hidemi Suganami (2006)
The English school of International Relations. A contemporary
Reassessment, Cambridge: Cambridge Unversity Press, p. 121.
2 Barry Buzan (2004) From international society to
world society. English school theory and the social structure of globalization,
Cambridge: Cambridge University Press, voir notamment le premier
chapitre.
3 L'international est devenu le site du
déferlement des acteurs qui vont y tisser des réseaux sustenteurs
de légitimité. Il en découle une opération de
conversion des valeurs, des ressources et des logistiques qui fait penser
à un renversement du sens habituel qui fait de l'interne la rampe de
projection des acteurs vers l'international. Voir à ce sujet, Ariel
Colonomos (dir.) (1995) Sociologie des réseaux transnationaux.
Communautés, entreprises et individus : lien social et système
international, Paris : L'Harmattan.
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gouvernementales. L'émergence des pôles multiples
d'autorité a accentué la crainte de la confusion.
Cette recherche est donc également l'occasion du
constat d'une foule immense de firmes et d'ONG qui gagnent leur locus
standi sur la scène internationale, et dont le rôle s'est
enrichi en raison du caractère complexe des problématiques que
soulève la mondialisation. Peut-on imaginer un projet de transparence
sans les firmes dont les activités sont sources des revenus visés
par la bonne gestion ? Le consensus opaque pouvait-il être
ébranlé sans la présence d'un acteur tiers
crédité de quelque distance vis-à-vis de l'Etat et du
marché ? De toute évidence, l'initiative est le signe que les
acteurs privés seront désormais dans leur rôle quand ils
auront à exercer le contre-pouvoir dans les politiques menées par
les Etats et les institutions multilatérales. Ce n'est pas une
nouveauté, mais l'on doit noter que l'initiative en tant qu'objet
d'étude observé, a permis l'inscription des acteurs privés
dans le cadre du penser institutionnel, aux côtés des acteurs
gouvernementaux. C'est comme dirait Badie, la revanche de Grotius sur Hobbes
mieux, « à la filiation Hobbes-Weber-Morgenthau, se substitue le
lignage Durkheim-Mitrany-Parsons...1 ». C'est la
consécration d'un ordre international fondé autour du
binôme Weber-Durkheim. C'est-à-dire l'entremêlement d'un
ordre animé par les Etats avec une architecture socialement
informée et maculée. Même l'école anglaise
caractérisée par son statocentrisme, a subi une revisitation de
la part de Buzan2 pour dire l'usure de l'inamovibilité de la
pensée internationaliste à l'ère de la mondialisation. Son
propos sur la societé mondiale se structure autour de la conviction que
la mondialisation impose non seulement la prise en compte des questions
sociales, mais également une pertinence des acteurs non-étatiques
dans la solution et la conduite des problèmes de la globalité.
Aussi, considère-t-il la société mondiale comme le domaine
des acteurs nonétatiques3. Il dit de façon explicite:
« although I have borrowed ideas from Wendt and in some ways recast
English school theory in Wendtian terms (...), I have not followed him into the
confines of state centrism4» (même si j'ai
emprunté certaines idées de Wendt et d'une certaine
manière retouché l'école anglaise en des termes propres
à lui..., je ne l'ai pas suivi dans son confinement stato-centrique). En
fin de compte, en reconnaissant que la societé internationale est
fondée sur les Etats et que la societé mondiale s'appuie sur les
acteurs non-étatiques (ce
1 Badie, Le diplomate et l'intrus, op. cit.
p.81.
2 Buzan, op. cit.
3 Buzan, idem, voir la figure à la
page 98.
4 Buzan, idem, p. 230.
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qui fonde leur distinction), mais cohabitent, Barry Buzan
revisite l'école anglaise en l'ajustant au contexte de la
mondialisation. Ce faisant, il la situe dans la sphère des courants qui
reconnaissent la juxtaposition des ordres privé et étatique,
juxtaposition qui explique et qui est expliquée par la relativité
de la souveraineté. La territorialité n'a donc pas cedé la
place à la détérritorialisation, mais les deux
s'entremêlent1.
Le fait multi-actoriel qui nourrit la consécration de
la cohabitation des deux ordres sur la scène internationale est
porté par cette expression multiple des acteurs nouveaux et anciens dans
les configurations qui trahissent mieux qu'un désordre, une organisation
dans des espaces construits. Etats et acteurs non-étatiques sont des
pôles d'autorité affirmés et autonomes certes, mais
là s'achève l'impression d'inorganisation car dès lors que
l'humanité est au coeur de la préoccupation des décideurs,
l'attention se cristallise et la communauté internationale qui en soi
est passée d'un ensemble d'Etats et organisations internationales
à une configuration plus large, se retrouve et crée les
conditions de solution. L'impression de désordre qui serait née
de l'émergence des pôles d'autorité multiples en
concurrence apparente avec l'Etat, se dilue dans les eaux agitées de la
transaction autour des problématiques éthiques construites comme
par connivence par la communauté des acteurs du système.
L'initiative de transparence des industries extractives c'est d'abord un espace
de synergie, une plateforme institutionnelle où la centralité de
l'Etat se confirme dans le rôle qui lui est échu en tant que
métronome du jeu de la transparence.
Les symposium et forum internationaux au sujet des questions
aussi diverses et variées que la gestion des forêts, les questions
migratoires, l'aide humanitaire, la défense des droits des
minorités etc. sont le miroir où est réfléchie la
scène internationale actuelle dans son aspect complexe. Les Etats
réunissent systématiquement les acteurs privés autour de
ces questions car semble-t-il, l'efficacité passe par la prise en compte
des expertises multiples. Peut-être qu'une autre explication à
cette fin de la discrimination réside dans la mutation de l'Etat qui, en
raison des crises diverses (crise des représentations, crise des
légitimités, crise des autorités et crises
économiques), se confine aux tâches régaliennes. Cette
idée qui s'épanouit dans les courants de la fin de
l'Etat-providence devrait mieux spécifier la teneur de « fonctions
régaliennes » car, l'un des traits de la post-modernité et
de la mondialisation est la complexité des problèmes. Au nom de
cette complexité, l'énumération de certains domaines tels
que la
1 Buzan, idem, p. 92.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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sécurité, les affaires étrangères,
la défense et la souveraineté au nombre des fonctions
régaliennes qui bénéficient d'une attention soutenue de
l'Etat tandis que les autres domaines seraient relégués au second
plan, comporte quelque facilité. Un problème simple d'apparence
peut gagner en importance au point de devenir une question de
sécurité nationale d'un pays. L'épidémie AH1N1 qui
a vu le jour au Mexique est passé en quelque mois au stade de
pandémie, s'invitant dans les agendas des Etats et bouleversant les
habitudes. Finalement, la situation est plus complexe et appelle à la
prudence quant au maniement de certains concepts qui hier avaient quelque
pertinence, mais qui sont devenus relatifs à l'aune de la
mondialisation.
L'on fait le constat d'ordre, dans ce chaos apparent de la
scène internationale. Cet ordre est structuré dans des espaces de
gouvernance et EITI, permet de se rendre à l'évidence des poches
d'ordre construites autour des problèmes de la mondialisation.
De plus, si les acteurs privés ont trouvé avec
l'Etat le lieu d'une cohabitation bénéfique dans les espaces de
gouvernance, l'initiative de transparence a également
révélé que les processus de régionalisation en
cours participent de la construction d'un certain ordre à partir des
éléments porteurs de germes de désordre dans leur
affirmation. En effet, les Etats réunis au sein des organisations
régionales, par leur adoption des initiatives multi-acteurs, rendent
témoignage de ce qu'ils sont favorables à la création des
espaces de gouvernance. L'exemple de l'Union Européenne qui bâtit
son modèle démocratique sur la participation de la
société civile, vient rappeler une pratique onusienne, celle de
l'accréditation des ONG à l'ECOSOC en vertu de l'article 71 de la
Charte qui l'autorise. L'Union africaine plus récente est inscrite dans
cette même logique, elle privilégie l'implication des acteurs
privés dans la définition et la mise en oeuvre des politiques
publiques. Autrement dit, les Etats ne se construisent pas uniquement des
espaces plus grands de coexistence dans la quête de niveaux pertinents
d'intégration et d'efficacité, mais ils invitent également
au banquet de la gouvernance mondiale les acteurs privés.
La première partie de cette recherche a permis de
constater l'affirmation des acteurs étatiques et privés sur la
scène internationale, au travers d'une odyssée dans les
méandres de l'initiative de transparence des industries extractives.
L'Etat a été vu dans le déploiement de sa
centralité en tant qu'acteur individuel, mais aussi dans l'action
collective des organisations intergouvernementales. L'Etat seul, comme
réceptacle de la mise en oeuvre car il offre son
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
territoire et ses institutions. Mais également l'Etat
d'ailleurs qui, au travers du soutien de la France, de l'Allemagne, de la
Suisse, de la Grande Bretagne,de la Norvège etc., se déploie sur
les sites de son exil pour affirmer que les déclarations de son
déclin sont précipitées. A côté de l'Etat,
les ONG et les firmes entre autres acteurs privés se sont
montrées des pôles pertinents d'autorité de la politique
mondiale post-Rio. La crainte du désordre née de cette
excroissance d'acteurs qui a nourrit l'illusion de la fin de la
souveraineté, s'est estompée avec la prévalence d'un ordre
structuré au sein des espaces de gouvernance. En effet, le
troisième chapitre a principalement démontré que EITI est
certes le signe de la multiplication des autorités, mais c'est aussi un
espace fermé de transactions complexes qui rendent relative la
souveraineté. L'on peut l'affirmer au regard des acteurs multiples qui
transgressent les frontières des Etats, et qui par le bas, tutoient la
puissance publique. C'est l'épuisement des constitutions politistes en
chapelles favorables ou opposées à l'idée d'une
souveraineté forte. Une fois encore, manipuler un concept tel que la
souveraineté en cette ère de la mondialisation impose la prudence
de la relativité. EITI en donne une preuve supplémentaire. A la
prise en compte des collusions comme marque de la souveraineté
transformée par le fait de deux ordres entremêlés, il faut
associer la prise au sérieux des pratiques morales dans les conduites de
puissance.
3. Morale et puissance : les deux faces de la politique
mondiale
A côté des résultats
révélés par la conduite des acteurs sur la scène
internationale, cette recherche a été l'occasion d'un constat de
la pertinence de la relativité dans l'adoption des positions
éthiques. En réalité, la colonisation de la science des
relations internationales par les auteurs réalistes et la victoire des
logiques de puissance sur la norme en tant que morale à promouvoir
pendant la guerre froide, ont en partie consacré la dichotomie relative
norme/puissance. Les courants de pensée, les écoles
théoriques et même les paradigmes consacrés ont
été le reflet de cette séparation. La souveraineté
qui illustre la puissance selon qu'elle est au coeur du système
international mais aussi en tant qu'elle est le signe distinctif de la
statolité, symbolisait l'emprise de la rationalité sur les
considérations morales. Les juristes internationalistes ont souvent
d'ailleurs montré leur embarras devant la césure ainsi
posée par la coutume internationale. L'ordre juridique international est
fondé sur Westphalie, c'est-à-dire sur l'intangibilité des
frontières et la souveraineté qui est le principe structurant des
Etats acteurs de la scène. En même temps, l'évolution du
droit des Etats vers les droits des individus suppose la fissuration du marbre
westphalien afin de rendre possible le déploiement
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 330 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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du droit derrière les lignes de la souveraineté.
Les procès d'anciens chefs d'Etats tels que Charles Ghankay Taylor et
Slobodan Milosevic sont le signe d'une évolution des pratiques
internationales. Cependant, il ne semble pas exister un consensus autour du
traitement de la souveraineté, marque de la puissance face aux questions
morales.
L'examen de l'initiative de transparence des industries
extractives laisse penser que le dilemme du choix ne se pose pas en
réalité car, la puissance et la norme ne s'opposent point. L'on
doit peut-être envisager a contrario, la recherche autour des
zones de congruence comme le site pertinent de la compréhension de la
scène internationale telle qu'elle se donne à voir dans la
réalité de son fonctionnement. L'arrière-pensée
dogmatique qui découle de l'empire rationaliste mais, qui en fait est le
dogme des puissances conceptuelles et théoriques dominantes, cesse
d'être la toile de fond de la scène pour être une maladresse
structurelle de la pensée internationaliste. La puissance,
l'intérêt et les valeurs morales ne s'opposent pas, ils sont tout
simplement d'ordres distincts et le sentiment de désordre s'arrête
là, pour se muter en ordre dès lors que la relativité en
tant que résultat majeur de cette recherche, impose la nuance et la
retenue. Le fait saillant est que le manichéisme muselle les
génies de la pensée, pour accorder ses faveurs à la
paresse du paroissialisme structurel des courants empiriques. Nul n'est certain
de palper une question internationale en cette ère de la mondialisation
sans devoir sacrifier à l'alchimie de la fusion de l'eau et du feu.
Telles ont été présentées souvent les postures
empiriques qui relèvent de la morale et de la puissance. D'ailleurs,
fait notable pour mériter d'être signalé, le discours sur
les normes morales a souvent fait sursauter les pontifes établis de la
pensée positiviste. Ceux-ci considèrent que le propos sur les
normes ne peut revêtir la cape de la scientificité dès lors
qu'il s'exprime sur les choses et les convictions personnelles.
L'objectivité semble ne pas être du domaine de la morale
frappée ipso facto d'ostracisme en raison de la
subjectivité qui lui serait inhérente. Le chercheur en science
sociale serait dès lors appelé à devenir traître
à son groupe selon le conseil de Norbert Elias, pour éviter le
jugement de valeur. Va-t-on reprocher à un chercheur de trahir par
quelques aspérités ça et là dans son travail ses
doutes quant à certaines normes qu'il étudie ? Le fait en soi
est-il le signe d'un manque d'objectivité ? La cloison entre puissance
et morale apparaît dès lors comme un mythe construit et entretenu
pendant l'hégémonie réaliste et qui se doit d'être
déconstruit à l'ère de la politique mondiale car, de plus
en plus de sujets portent sur les normes et leur examen ne saurait se voir
taxé systématiquement de subjectivité au motif que le
risque de prescription est supérieur à l'hypothèse d'une
analyse froide.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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EITI est finalement un site d'expression de morale et de
puissance. Ce n'est pas nécessairement faire oeuvre de philosophie des
relations internationales1 que de se pencher sur des questions comme
celle de la promotion des normes en relations internationales. La rupture
franche est à rechercher, quand on sait que dans le cas de la promotion
de la transparence des industries extractives, le modelage d'une scène
internationale propice aux politiques de puissances des Etats leaders passe par
la ruse morale. Même les réalistes tels que Morgenthau et Raymond
Aron ont démontré leur conscience de la nécessité
d'une prise en compte des normes morales dans la fabrication et la
structuration de la puissance2. La notion de prudence (phronesis
chez Aristote) puise sa pertinence dans cette conscience et elle informe
sur la prééminence chez ces auteurs d'une « éthique
de la responsabilité convaincue ou d'une éthique de la conviction
responsable ». La transparence des industries extractives est l'occasion
d'un retour vers la reconnaissance du lien intime entre la morale et la
puissance3. L'inséparabilité des deux notions permet
d'envisager une éthique des relations internationales.
Le réalisme moral de l'école anglaise des
relations internationales qui place l'Etat au coeur de la politique mondiale,
dans la poursuite des objectifs moraux rappelle en même temps que le
constructivisme de Wendt, que les objectifs de puissance ne s'opposent pas
automatiquement à la morale. Le pluralisme et le solidarisme qui sont
les pierres angulaires de l'école anglaise ne sont rien d'autre que la
reconnaissance de la place de la morale à côté de la
puissance. En fait, la cohabitation du solidarisme et du pluralisme est une
face visible de la cohabitation entre la morale et la puissance. Le
système intérétatique dont la centralité fait
l'unanimité de cette école dans sa version première,
reconnaît la guerre et l'anarchie comme des données réelles
de la scène internationale. Cependant, parce que les Etats sont capables
de se mettre d'accord sur certains buts primordiaux, ce qui est la substance du
rationalisme tel
1 Philosophie ici comme prescription du devoir
être des acteurs. Il existe d'ailleurs une philosophie des relations
internationales comme le démontre Frédéric Ramel. Lire
Frédéric Ramel (avec la collaboration de David Cumin)
Philosophie des relations internationales, Paris : Presses de science
po, 2002.
2 A ce propos, les normes peuvent constituer des
facteurs de guerre. Voir Tal Dingott Alkoper « The role of Rights in the
social construction of wars: From the Crusades to humanitarian interventions
» Millennium-Journal of International Studies, vol. 36,
n°1, pp. 1-27, 2007.
3 D'ailleurs, la construction européenne se
fait en prenant au sérieux cette cohabitation. Ce qui fait penser
à d'aucuns que l'UE est une puissance normative exclusivement. Il s'agit
pour elle, de bâtir ses fondements et sa légitimité
internationale sur la prise de conscience des différences et des
précarités. Adrian Hyde-Price pense cependant et à raison
que, c'est une manifestation de la puissance par l'avancement des principes
moraux. Il va plus loin, il crédite la théorie réaliste
d'une fondation théorique et conceptuelle éthique, à la
lumière de la guerre contre le terrorisme. Voir à ce sujet:
Adrian Hyde-Price « Realist Ethics and the `War on Terror' »
Globalizations, vol. 6, n° 1, pp. 23-40, March 2009.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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que perçu par les coryphés de cette
école1, le pluralisme devient mieux qu'une
tolérance
morale, le sacre du relativisme moral. Comme le rappelle
Simon Caney2, la préference de
l' « association pratique » par Terry Nardin repose
sur cet argument du pluralisme qui suppose que, différentes
communautés ont différents codes moraux. Ce faisant, la
tolérance devient de mise. Le solidarisme quant à lui esquisse
clairement la prégnance de la morale dans les relations
intérétatiques comme une poursuite, dans une perspective du
rationalisme de Grotius. Les dissensus sur la place des acteurs
non-étatiques dans la pensée anglaise des relations
internationales n'ont pas atteint la cohabitation de la morale et de la
puissance. En effet, comme le rappellent Linklater et Suganami : « the
focus on norms and values is a distinctive feature of the English school
approach to the study of world politics3 » (l'accent mis
sur les normes et valeurs est le trait distinctif de l'approche de
l'école anglaise des relations internationales). Ainsi, de même
que le pluralisme et le solidarisme cohabitent, la distinction entre la
coopération et le conflit, l'intérêt et la norme, la
puissance et la valeur, le réel et l'idéal cesse d'être
pertinente. Cette realité puise sa véracité dans le
caractère historiquement situé, émotionnellement
informé et spécifiquement universel des acteurs et
identités des acteurs de l'international. Ce que de l'avis de
Kratochwil, l'immédiatété universaliste et globalisante de
la politique, et une logique transhistorique conduisent souvent à
minorer, ignorant le rôle des passions auprès des
intérêts dont sont porteurs les projets des
acteurs4.
A ce propos, cette recherche semble laisser croire que la
prise en compte du lien intime entre les notions de morale et de puissance dans
la lecture des relations internationales, est le premier acte dans
l'écriture d'une théorie totale, complète, fidèle
et juste des relations internationales. Ce constat fait au travers de l'examen
des fortunes de la souveraineté selon qu'elle est rythmée par les
questions complexes de la mondialisation, ne porte point à notre sens
une marque de sacrilège. C'est dire finalement que Colonomos a raison de
penser que la morale participe à la formation des intérêts
et quand on a dit cela, le choix ne s'impose plus entre la morale et la
puissance5.
1 Linklater et Suganami, op. cit. p. 44.
2 Voir Simon Camey « Human Rights and the rights
of states: Terry Nardin on non intervention» International
Political Science Review, vol. 18, n°1, pp. 27-37.
3 Linklater et Suganami, op. cit. p. 11.
4 Friedrich Kratochwill « Re-thinking the `Inter'
in International Politics » Millennium-Journal of International
Studies, vol. 35, n°3, pp. 495-511, 2007.
5 Ariel Colonomos, la morale dans les relations
internationales, op. cit.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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en Science
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B. Bilan théorique : vers le dépassement
des archipels paradigmatiques.
La complexité de la scène internationale qui
résulte de l'enchevêtrement de l'ordre westphalien avec l'ordre
des acteurs privés, donne l'impression d'une entropie. Comme le souligne
Badie : « la réalité nouvelle est celle de l'entrée
des sociétés dans l'arène internationale et l'ignorer
constitue désormais un rêve risqué1 ». Cet
état de fait qui se complexifie davantage avec l'imbrication de la
morale et de l'intérêt, a imposé la convocation de trois
grilles de lecture dont les forces explicatives n'excluent pas des faiblesses.
Ces forces et faiblesses induisent une mise en péril des archipels
paradigmatiques si l'on veut rendre compte de la réalité totale
de la scène internationale.
1. Forces et faiblesses des grilles
convoquées
Le réalisme qui focalise l'attention sur l'Etat, a
permis de rendre raison de la place mieux, du redéploiement de l'acteur
étatique sur la scène internationale. En effet, EITI offre
l'occasion de faire le constat que l'ordre bismarckien fondé sur l'Etat
comme acteur de la scène internationale demeure. De même, la
puissance qui se puise à la source de la morale donne-t-elle à
notre étude, la preuve que le Réalisme a le mérite de
rendre compte de la ruse. En réalité, la mutation qui est au
fondement du néoréalisme, mutation par laquelle la grille
réaliste prend en compte la morale, constitue une des forces du
réalisme tel qu'invoqué dans notre étude.
L'entêtement à rester figé dans la conception du
réalisme n'aurait pas permis un examen approfondi de la transparence des
industries extractives. La force du réalisme se trouve également
dans sa tendance à présenter la scène comme un espace
d'anarchie. Si Badie perçoit l'arène internationale comme une
entropie du fait de la revanche de la société sur le
système westphalien2, c'est en raison du sentiment d'anarchie
que cela induit. Ce même sentiment que l'on retrouve dans l'initiative de
transparence des industries extractives, aurait laissé place au doute.
Cependant, le réalisme en tant que théorie de la puissance, aura
permis de lire dans cette anomie apparente, la construction d'un ordre
insoupçonné qui se structure autour de l'intérêt.
Cependant, le réalisme comporte des faiblesses qui
auraient pu en faire une grille inappropriée pour l'examen de la
transparence des industries extractives. La critique du
1 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit.
p. 277.
2 Badie B. idem.
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kissingerisme développée par Ariel
Colonomos1est d'abord une critique morale. Mais au-delà de
Kissinger, c'est à la théorie réaliste en soi que
s'adresse cette critique qui révèle une de ses faiblesses.
L'obsession de la puissance pour les réalistes a détourné
leur intérêt de la morale. Si la morale n'a pas droit de
cité dans l'arène internationale, alors l'effort de
compréhension de la transparence des industries extractives exclut les
entrepreneurs moraux, et donc ne rend pas compte de la totalité des
logiques à l'oeuvre dans EITI. Cependant, alors que cette «
exclusion » de la morale du champ réaliste sert de substrat
à l'idée de l'objectivité du réalisme par
opposition à l'idéalisme, l'expression à vocation
normative de cette théorie laisse penser à une science à
l'impératif. Comme le rappelle Colonomos2, le style discursif
de Morgenthau dans la phraséologie « l'Etat doit maximiser
sa puissance et doit s'attacher à poursuivre
l'intérêt... », met en scène une expression injonctive
et donc normative. Cela invalide l'hypothèse objectiviste du
réalisme. En rapport avec la transparence des industries extractives, la
prétention réaliste à l'objectivité
empêcherait l'examen des logiques morales dans la structuration du jeu
des acteurs, tandis que ce caractère normatif que trahit le ton
réaliste serait porteur d'un projet d'érection de la puissance en
norme.
Le postulat réaliste qui fait de l'Etat sinon l'unique
du moins l'acteur majoritaire de la scène internationale, a le
mérite d'avoir permis de comprendre le rôle des Etats dans EITI.
Cependant, c'est un postulat qui porte l'illusion du nominalisme. Le
réalisme transcende les cloisons, voit la puissance sous un même
prisme dans toutes les aires géographiques. EITI est quant à
elle, une initiative transnationale, transcontinentale et donc incorpore des
aires très variées où l'Etat et la puissance n'ont pas la
même connotation. Nul ne peut sérieusement arguer que l'Etat en
Asie a les mêmes modes de fonctionnement que l'Etat en Afrique ou l'Etat
occidental. Du coup, la considération de ces ensembles disparates est
une illusion. Ainsi, Colonomos a-t-il raison de penser que « le
réalisme forge une théorie explicative qui fait fi de toute
barrière géographique, culturelle, démographique et
sociale3 ». D'autre part, sur un plan interne, le
réalisme considère l'Etat comme un acteur unitaire et impersonnel
qui aurait une rationalité unique et dépassionnée. La
transparence des industries extractives nous permet de constater que les
politiques publiques étant le fait d'un ou plusieurs départements
ministériels, la cohésion qu'insuffle l'exécutif en tant
qu'inspirateur de la politique nationale, devient fébrile devant les
logiques au sein d'un même ministère, et pis encore entre les
1 Colonomos A. La morale dans les relations
internationales, op. cit. pp. 72-75
2 Colonomos, idem, p.61
3 Colonomos, idem, p. 62.
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ministères et services différents. Les
incohérences entre les sociétés d'Etats en charge de la
commercialisation du profit-oil en nature dans les Etats tels que le
Congo le Gabon, et les administrations de trésor et de finance, rendent
raison de ce que l'Etat ne saurait être un acteur unitaire
travaillé par une seule logique fut-il un Etat archi-totalitaire.
Le transnationalisme est la grille qui aura permis
par-delà les considérations d'essence et d'être des
acteurs, de consolider la conviction que le glissement vers une
souveraineté responsable est un fait avéré. EITI met en
scène des acteurs qui brillent par leur irrévérence
vis-à-vis des souverainetés étatiques. Si l'on
considère le transnationalisme comme une manière d'être des
acteurs, l'on comprend dès lors que le border spanning qui est
devenu le jeu favori des acteurs de la scène internationale ne se joue
que sur l'espace de la relativité de la souveraineté.
L'activité des firmes comme celle des ONG et des Etats s'inscrit dans la
logique de la transnationalisation. C'est l'un des traits de la
société ouverte que décrit Badie1. Aussi, l'on
peut penser que le mérite premier du transnationalisme est de permettre
de lire l'action de ces acteurs qui enjambent les frontières
étatiques. Cependant, la tendance généralisée
à la transnationalisation qui se conforte avec l'épuisement de la
distinction externe/interne érode l'exceptionnalité
théorique du paradigme transnationaliste. Toute activité
politique contemporaine est exposée à la transnationalisation. De
plus, la souveraineté n'est plus un principe capable d'opérer le
containment des acteurs privés dans leur élan de
perturbation des autorités étatiques qui s'exercent sur les
territoires. Ainsi, le transnationalisme apparaît simplement comme une
manière d'être sur la scène internationale
plutôt qu'une théorie digne d'un intérêt rigoureux.
Ce d'autant que, le réalisme, l'idéalisme, le constructivisme,
l'interdépendance et autre fonctionnalisme expliquent également
l'activité des acteurs qui s'inscrivent dans la transnationalité.
Il se dégage l'impression que le transnationalisme s'est vidé de
son essence par le fait de la mondialisation qui rend impertinente, toute
action recluse dans les cadres strictement stato-territoriaux des Etats.
La troisième grille qui aura servi à l'examen de
la transparence dans les industries extractives est le constructivisme.
L'opacité dans ce secteur d'activité est un
phénomène vieux. Son inscription dans l'agenda de la politique
mondiale dans la décennie 1990, les
1 Badie considère que les
sociétés qui font leur entrée dans l'arène brisent
la tradition d'une société internationale construite de Von
Rochau aux réalistes contemporains et qui était fondée sur
la diplomatie des Etats. Cette intrusion donne dès lors naissance
à une société ouverte qui se caractérise par :
l'interdépendance, la transnationalisation et la communication. Badie
B., Le diplomate et l'intrus, op. cit. Lire notamment les pages 45
à 78.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 336 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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causes que défendent les entrepreneurs moraux y
affiliés ainsi que sa transformation en problème
public1 sont des éléments d'une construction sociale
de la réalité. La déconstruction de cette
réalité a été rendue possible par l'outil
constructiviste. Aussi, le constructivisme démontre-t-il le
mérite de permettre une déconstruction des réalités
et faits sociaux inscrits dans la politique internationale. Ce faisant, il se
révèle également comme un Janus dont l'une des faces
constitue la force et l'autre son talon d'Achille. C'est une théorie
post-positiviste.
Le constructivisme qui offre l'occasion de discourir sans
complexe des valeurs, normes et idéaux et dans ce cas précis de
la transparence, semble ainsi relever du post-positivisme. D'abord, parce qu'il
est observation des faits qu'il permet de déconstruire. De ce point de
vue, il est une théorie positiviste qui examine les faits, l'orthodoxie
obsessionnelle du positivisme qui sert une antienne au sujet des faits est donc
respectée. C'est cela l'aspect objectif du constructivisme et en cela
réside sa force dans cette étude. En effet, il est la grille qui
aura permis de lire avec pertinence la logique des membres de la
communauté de la transparence. Autrement, les motivations profondes des
uns et des autres, ainsi que leurs identités construites auraient
échappé à l'examen. Ensuite, il est post-positiviste parce
qu'il va au-delà de l'observation objective, pour s'exprimer sur les
normes et valeurs qui modèlent la société. C'est ce que le
professeur Sindjoun appelle l' « idéalisme structurel »,
c'est-à-dire un idéalisme agissant qui informe les structures
à la différence de l'idéalisme naïf des
révolutionnaires qui relève de l'éthique de conviction, de
la « morale du grand Inquisiteur ». Le constructivisme se situe alors
dans la posture d'une évolution des mentalités théoriques
et incite à un dépassement des archipels paradigmatiques. Tout se
passe finalement comme si l'ère post-positiviste tend à rendre
aux théories, le magma originel qui scelle la proximité et
l'identité des couloirs de pensée autour des valeurs et normes.
Que l'on se souvienne que la pomme de discorde qui a causé la
babélisation théorique est entre autre, le fait de la place
à accorder aux valeurs et normes dans la science des relations
internationales. Inclure les valeurs et normes dans la théorie
relève du bon sens, de la « raison pratique » tant leur
influence est réelle dans la conduite des acteurs. L'irruption de la
multitude entraîne avec elle l'irruption des émotions de la
multitude sur la scène internationale. Rendre raison de la conduite de
cette multitude qui explique l'affirmation de l'actorat multiple, c'est
être au fait des valeurs et normes qui les font mouvoir. Le
constructivisme a donc le mérite d'avoir permis de concilier la
puissance et les valeurs dans la compréhension de la transparence des
1 Voir Joseph Gusfield op. cit.
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industries extractives. C'est également en cela que
réside le défi. Comment le constructivisme peut-il demeurer
scientifique en touchant de si près aux valeurs et normes ? Comment
rester objectif lorsque la promiscuité d'avec les valeurs et
idéaux peut être source de contagion émotionnelle
génératrice de subjectivité ?
La faiblesse manifeste du constructivisme est la manipulation
des valeurs et normes qui sont traditionnellement frappées d'exclusion
dans la science en raison de leur caractère subjectif. Aussi, le
constructivisme aura-t-il entraîné dans son élan de
subjectivité, notre étude vers le sentiment d'un jugement de
valeur. En effet, dire que la communauté de la transparence est une
communauté motivée, intéressée, c'est devoir se
prononcer pour juger la conduite des acteurs, devenir moralisateur. Si tout est
construit, alors la déconstruction de la réalité sociale
comporte le risque de basculer vers la condamnation et la stigmatisation. C'est
un risque qui a accompagné cette étude d'un bout à
l'autre.
2. Par-delà les forces et faiblesses : vers le
dépassement des archipels théoriques et paradigmatiques
?
L'on peut penser que nul n'a le droit de se priver de
goûter aux joies de l'analyse internationaliste au motif que le sujet
étudié relève de la morale et que le risque du parti pris
est élevé. La mondialisation de la scène internationale
s'assimile à la démocratisation c'est-àdire à
l'irruption de la multitude et, cela entraînant ceci, les archipels de la
pensée théorique doivent être dépassés. Ce
n'est que de cette façon que le réalisme et l'idéalisme,
l'utopisme et le positivisme rendront raison ensemble de ce que la morale ne
s'oppose pas nécessairement à la puissance. Le post-positivisme a
effectivement le rôle et la responsabilité, de rendre compte de la
nécessité de mêler les postures théoriques afin de
permettre à la science des relations internationales d'évoluer
avec son temps, et de ne pas toujours être à la traîne
derrière les concepts qui auront évolué avec le temps. A
ce propos, Dario Battistella esquisse quatre caractéristiques du
post-positivisme qui participent du dépassement des positions
figées et intègrent la necéssité d'une
méthode pluraliste. Sur le plan épistémologique, le
postpositivisme critique les approches positivistes et empiriquement
vérifiables. Méthodologiquement, il rejette
l'hégémonie d'une seule méthode scientifique en faveur de
la pluralité. Ontologiquement, il défie la conception
rationaliste de la nature et des actions
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
sociales pour souligner au contraire la construction sociale des
identités des acteurs. Et normativement, le post-positivisme condamne la
théorisation axiologiquement neutre1.
Dès lors que l'on a admis que la politique
internationale est le domaine d'une saine cohabitation entre la morale et les
intérêts, entre la puissance et les valeurs, l'effet induit sur le
plan théorique est le pluralisme. D'ailleurs, en cela réside
l'illusion d'une théorie des relations internationales. Non pas qu'une
théorie explicative de ce domaine de la science politique ne doive
exister, mais parce qu'une seule théorie serait incapable de rendre
compte de la réalité totale de la politique internationale. Selon
Jean-Louis Martres, l'obstination à la bataille
hégémonique entre diverses théories, bataille qui est
culturellement maculée et dont le ferment occidental qui s'accommode
d'une vision manicchéenne de la réalité, a permis les
vélleités hégémoniques de certaines théories
au détriment d'autres, a rendu pendant longtemps mal perçue une
approche pluraliste dans l'analyse de la politique mondiale. Le
syncrétisme devient alors la solution pour rendre raison de la
réalité complexe et composite de la politique
internationale2. Toute analyse de la réalité
internationale qui a pensé les valeurs et les intérêts en
terme de juxtaposition et non d'exclusion, a eu l'impératif d'une
approche pluraliste, transcendant les îlots théoriques dans
lesquels se sont installés durablement et avec aise, certains courants
de pensée. L'école anglaise des relations internationales,
inscrite dans une prise en compte des normes et valeurs dans un monde
dominé par les Etats en quête d'objectifs de puissance, a su se
plier à l'exigence méthodologique du pluralisme. Andrew Linklater
et Higemi Suganami disent à ce sujet: « It has been argued that
the English school is committed to methodological pluralism and does not
priviledge any single dimension of world politics. This is a useful reminder
that its members do not believe order and society in international relations
can be understood in isolation from geopolitical rivalries and cosmopolitan
attachments3» (il a souvent été dit que
l'école anglaise a une approche méthodologique pluraliste et ne
privilégie pas une seule dimension de la politique mondiale. Cela
constitue un rappel utile à savoir que, ses membres ne croient pas que
l'ordre et la société dans les relations internationales peuvent
être compris à partir d'une observation isolée des
rivalités géopolitiques et des convictions cosmopolitiques). Et
comme le rappelle Barry Buzan, cette école est une théorie
précsement parce que, en plus de s'intéresser aux
1 Dario Battistella, théories des relations
internationales, op. cit. p. 301.
2 Jean Louis Martres « De la
necéssité d'une théorie des relations internatinales.
L'illusion paradimatique » working paper.
3 Linklater et Suganami, op. cit. p. 119.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
sociétés de second ordre, elle a une approche
méthodologique pluraliste qui rend l'inconciliabilité des
paradigmes impertinente1.
La bataille théorique est une bataille de puissance.
Chaque courant déploie son génie cognitif pour imposer l'empire
de sa grille. Il faut rappeler que la théorie est par essence un
instrument à usage ex post c'est-à-dire, un outil qui a
vocation à servir pour constater ce qui se joue, un instrument que le
chercheur utilise, lui qui arrive « quand les lampions sont éteints
». Aussi, l'archipelisation des courants théoriques qui
s'érige en norme dans la science des relations internationales est-elle
de ce point de vue, une attitude à proscrire. En effet, la
prétention à l'unicité d'une théorie et le monisme
explicatif permettent de rendre compte de façon partielle et parcellaire
de la réalité internationale. Peut-être c'est cela
l'idée qui a souvent présidé à l'adoption de
plusieurs paradigmes distincts et complémentaires ; tentant ainsi de
rendre raison de la complexité de la réalité de la
scène internationale qui autorise l'usure du monisme explicatif. Cette
même complexité autorise de s'émanciper des schèmes
comportementaux consacrés dans la discipline, et qui se fondent autour
de l'idée que le réalisme notamment ne saurait être
opérationnalisé pour dire le comportement éthique des
Etats. Cette opinion a eu les faveurs de l'ère de
l'hégémonie réaliste sans surprise, car l'Etat est
perçu par eux comme l'acteur central et quelques fois unique des
relations internationales2. Les couloirs consacrés de la
réflexion internationaliste s'avèrent aigus dès lors que
l'on se met dans la peau d'un observateur des nouvelles relations
internationales. Les archipels théoriques marqués sur la carte de
la pensée politique internationaliste sont désormais
exposés à la tectonique des plaques de la sociologie des
nouvelles relations internationales3. Ils ne sauraient
résister à leur confinement qui se construit à la
congruence des valeurs et de la puissance, des normes selon qu'elles connotent
un devoir être et les faits qui disent ce qui est. `Ce qui est' est
l'issue d'un processus idéel qui se solde par la matérialisation
d'une pensée de `ce qui doit être'. Autrement dit, la
pensée précède l'action et cela impliquant ceci, les
faits
1 Barry Buzan, op. cit. pp. 24-26.
2 A ce propos, Frédéric Ramel tentant
de situer la genèse d'une philosophie des relations internationales,
trouve dans le moment médiéval qui coïncide avec la
formation de l'Etat moderne l'instant de son émergence. Point de vue
contestable de l'auteur qui assimile une philosophie des relations
internationales presque exclusivement aux seules relations
interétatiques et qui leur donne pour vocation première l'examen
de la polémologie internationale. Il s'agit d'une onction
accordée au réalisme en tant que théorie qui sanctuarise
l'Etat. Voir Frédéric Ramel (avec la collaboration de David
Cumin) Philosophie des relations internationales, Paris : Presses de
science po, 2002.
3 C'est ce qui fait penser à Mervyn Frost
que les normes sont indissociables des faits empiriques dans l'étude de
la scène internationale. Voir Mervyn Frost (1996) Ethics in
International Relations: A constitutive theory, Cambridge: Cambridge
University Press.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 340 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

Références
bibliographiques
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
informent une conception du monde ; ils imposent une
réalité. Les idées moulent les faits, ceux-ci à
leur tour induisent des idées dans une circularité
congénitale1.
Il est devenu quasi-obsolète de rattacher le
réalisme à la puissance stricto sensu, dès lors
que le déclin du communisme a marqué l'avènement d'un
monde post-guerre froide. Ce changement là est la ruine des paradigmes
réalistes. Non point que la quête de puissance n'a plus prise sur
les motivations des acteurs, mais davantage, celle-ci est devenue plus
soft. L'on note la cohabitation sereine du hard power et du
soft power. L'explication de la conduite de puissance des Etats
s'accommode désormais fort bien de l'idéalisme. L'ouverture des
mentalités à la fin des rigidités positionnelles a permis
de faire le constat du préjudice imposé à la science des
relations internationales, en restant accroché aux mâchoires des
favelas théoriques. Le réalisme n'a pas cessé de
rimer avec puissance mais, il a nuancé ses positions pour traduire sa
conscience de l'évolution de la scène internationale. Klaus-Gerd
Giesen2 pense d'ailleurs que la prise en compte de cette
évolution est au principe de l'émergence du
néoréalisme en tant qu'il est le prolongement théorique du
réalisme qui se mute en se moralisant. A ce propos pense-t-il, le
néoréalisme se caractérise par le bannissement du
scepticisme, la régénération du conséquentialisme
et la naissance d'une éthique néo-empiriste des régimes.
Refuser cette mutation dans la pensée des relations internationales
entraîne à manquer l'occasion de faire avancer la discipline. Au
nom d'une antinomie consacrée entre l'utopisme en tant que
préséance de la recommandation comportementale qui se veut la
source d'un monde rêvé, et le positivisme qui privilégie
davantage les faits, la science des relations internationales se fait du tort,
en laissant perdurer l'illusion que les choses-pensées diffèrent
des choses-faites. Peut-être faut-il rappeler que les choses sont d'abord
pensées, et lorsqu'elles sont faites, elles informent ensuite la forme
que prennent les sociétés. Autrement dit, toutes les
réalités sont construites par les idées et pour les
comprendre, il faut convoquer les idées. C'est pourquoi, l'apport
constructiviste dans cette recherche a permis de transcender les cloisons de
l'insularité des archipels théoriques, pour surfer dans la
relativité des chapelles théoriques afin de rendre raison de la
relativité de la souveraineté. D'ailleurs à propos de la
non-exclusion naturelle des théories, Dario Battistella rappelle les
traits réalistes du
1 C'est l'idée que défend Kathryn
Sikkink qui parle d'une approche interactive qui commence avec l`engagement
éthique qui inspire le choix du sujet et les résultats de la
recherche qui modèlent les jugements éthiques du chercheur. En
cela, elle veut transcender la dichotomie
déontologie/conséquentialisme dans l'étude de
l'éthique. Kathryn Sikkink « The role of consequences, comparison
and counterfactuals in constructivist ethical thought » in Richard M.
Price, op. cit. pp.83-111.
2 Klaus-Gerd Giesen op. cit. pp. 238-260.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
Politique présentée à l'Université de
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constructivisme d'Alexander Wendt. Taxé de
stato-centrisme1, le constructivisme de Wendt se fonde sur l'Etat
auquel il reconnaît seul l'autorité dans les relations
internationales. De plus, l'intérêt national est au coeur de sa
réflexion. Autant la centralité de l'Etat que
l'intérêt national sont des colonnes de la réflexion
réaliste. Mieux, le constructivisme de Wendt met en relation ces
éléments de réalisme avec la morale. Battistella dit :
« en résumé, chez Wendt, l'intérêt national qui
guide le comportement d'un Etat bien qu'il se réfère aux
exigences de sécurité et de survie d'un Etat, est
enchâssé dans les normes et valeurs qui façonnent ses
identités2 ». Aussi, présente-t-il le
constructivisme comme une synthèse, une voie médiane entre le
réalisme et les théories libérales3.
1 Battistella, D. théorie des relations
internationales, op. cit. p. 297.
2 Battistella, D. Idem p.301.
3 A. Cohen, B. Lacroix et Ph. Riutort (Dir.)
Nouveau manuel de science politique, op. cit. pp. 676-678.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
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Yaoundé II/Cameroun)
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Governance - Case Study Nigeria», paper presented at FoEI's IBGM
Pre-conference on Democracy for Human
th th
Development, Social and Environmental Justice held Sunday 4 to
Monday 5 November 2007 at Manzini, Swaziland.
· Nnimmo Bassey «Environmental Impacts and the
Vulnerability of Communities», working paper, 2008.
· Nnimmo Bassey «Oil, Environment and Crisis
Economics» paper presented at the
Niger Delta Roundtable held at Ibom
Hall, Uyo, on Thursday, 1 November 2007.
· Nnimmo Bassey (2007) «The Environment and
sustainability in the Niger Delta 2007- 2017» working paper.
· Nnimmo Bassey «Environmental Impacts and the
Vulnerability of Communities» paper presented at the ERA/OXFAM Workshop on
EIA held in Warri, 9-11 April 2007
· Oxfam America « Trésor cache? A la
recherché des revenus de l'exploitation aurifère du Mali »,
2006.
· Oxfam international, BIC, Campagna per la riforma
della banca mondiale «The World Bank group's mining operations; Tarnished
gold: Mining and the unmet promise of development», September 2006.
· Publish what you pay et Revenue Watch Institute «Un
regard sur EITI, perspectives de la société civile et
recommandations concernant EITI», Octobre 2006.
· Open society institute, Cafod, secours catholique,
Care, Save the children, World vision, Publish what you pay «
Dépasser la rhétorique. Mesurer la transparence des revenus : les
performances des entreprises dans l'industrie du pétrole et du gaz
»,2005.
· Oxfam et al. « Tarnished gold: Mining and unmet
promise of development» September 2006.
· Pegg Scott « Poverty reduction or poverty
exacerbation? World Bank group support for extractive industries in
Africa» Report for Oxfam America, April 2003.
· Ross Michael «Extractive sector and the poor»,
Report for Oxfam America, October 2001.
· SCIAF, Christian Aid et ActSa «Undermining
development? Copper mining in Zambia», October 2007.
· Shell Sustainable Report 2008.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
· Rio Tinto's Annual Report 2008.
· Talisman Energy, « Integrate. Connect. Respect
» Corporate Social Responsibility Report, 2008.
· Total «Environnement et Société, nos
responsabilités d'entreprise» 2008.
Textes, résolutions et conventions
internationales :
· La Résolution 626 (VII) de l'Assemblée
générale des Nations Unies portant sur le droit d'exploiter
librement les richesses et les ressources naturelles du 21 décembre
1952.
· La Résolution 1515(XV) de l'Assemblée
générale des Nations Unies portant action concertée en vue
du développement économique des pays économiquement peu
développés du 15 décembre 1960.
· La Résolution 1314 (XIII) de l'Assemblée
générale des Nations Unies portant recommandations concernant le
respect sur le plan international, du droit des peuples et des nations à
disposer d'eux même du 12 décembre 1958.
· La Résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée
générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1962
portant souveraineté permanente des peuples sur les ressources
naturelles.
· La Résolution 41/128 du 4 décembre 1986 de
l'Assemblée générale des Nations Unies portant
déclaration des Nations Unies sur le droit au développement.
· La résolution 2200 A (XXI) du 16
décembre 1966 de l'Assemblée générale des Nations
Unies portant Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels des peuples.
· La convention européenne sur la reconnaissance de
la personnalité juridique des organisations internationales non
gouvernementales du 24 avril 1986.
· La charte africaine des droits de l'homme et des peuples
de juin 1981.
· Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones du 13 septembre 2007.
· La déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement du 12 août 1992.
· Le pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels des peuples de l'Assemblée
générale des Nations Unies adopté dans sa
résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Sélection de certains sites Internet
consultés:
· Le site officiel de l'Extractive Industries
Transparency Initiative : http:/
www.eitransparency.org
dernière consultation le 13 janvier 2010.
· Les sites officiels de certains pays pour la mise en
oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives :
EITI/ Cameroun http://www.eiticameroon.org/
EITI/Madagascar :
http://www.mines.gov.mg/eiti/
EITI/Gabon :
http://www.eitigabon.org/,
EITI/Mauritanie :
http://www.cnitie.mr/,
EITI/Mongolie :
http://eitimongolia.mn/index.php?&lang
id=2,
EITI/Nigeria :
http://www.neiti.org/,
EITI/Pérou :
http://www.minem.gob.pe/eiti/inicio
integrantes.asp.
· Le site du Central Intelligence Agency (CIA):
Http//
www.cia.gov/library/publications/
the-world-factbook/geos/html. Consulté en juin 2009.
· Le site du Fonds Monétaire International (FMI):
www.imf.org consulté
regulièrement au cours de l'année 2009.
· Le site de la Banque Mondiale :
www.worldbank.org consulté
regulièrement au cours de l'année 2009.
· Le site de l'Union Africaine :
www.union-africaine.org/ consulté
regulièrement au cours de l'année 2009.
· Le site de l'Organisation Internationale de la
Francophonie :
www.francophonie.org
consulté en août 2009.
· Le site de la coalition internationale Publish What
You Pay (PWYP) :
www.publishwhatyoupay.org
consulté regulièrement jusqu'en décembre 2009.
· Le site du Centre pour l'Environnement et le
Développement (CED) :
www.cedcameroun.org
dernière consultation en mi janvier 2010.
· Le site du Réseau des Organisations pour la
Transparence et l'Analyse Budgétaire
(ROTAB) :
www.tamtaminfo.org
consulté en mai 2009.
· Le site du Réseau de Lutte contre la Faim (RELUFA)
:
www.relufa.org dernière
consultation en février 2009.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
· Le site de AREVA
www.areva.com/servlet/home-fr.html
consulté le 29 avril 2009.
Quelques journaux
cités
· Duvillard Albert «ONG en eaux troubles» Le
Point, n°1924 du 30 juillet 2009, pp. 33- 36.
· ERAction, n° 08, July-October 2007.
· Harm Ede Botje et Ruth Hopkins « Expensive poverty
fighters » Vrij Nederland du 1er janvier 2006.
· « Total, un patron dans la tourmente
» Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars 2007 p.19
· « Angola : Où va l'argent du
pétrole ? » Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars
2007 p. 42.
· « La SNPC boude les Etats Unis » Jeune
Afrique n° 2411 du 25 au 31 mars 2007 p.92.
· « Diamant : L'ONU libère Monrovia »
Jeune Afrique n°2417 du 6 au 12 mai 2007 p.80
· « RDC : Périlleux audit des contrats miniers
» Jeune Afrique n° 2423 du 17 au 23 juin 2007 p.17
· « Mauritanie : Les déboires de Woodside
» Jeune Afrique n°2422 du 10 au 16 juin 2007 p.84
· « RDC : Entreprise indésirable »
Jeune Afrique n° 2434 du 2 au 8 septembre 2007 p.8
· « Niger : Coup de pioche dans le pré
carré » Jeune Afrique n°2430 du 5 au 11 août
2007 p.37
· « Angola : Glasnost à la Sonangol ? »
Jeune Afrique n°2440 du 14 au 20 octobre 2007 p.7
· « RDC : Audit minier sans concession »
Jeune Afrique n° 2444 du 11 au 17 novembre 2007 p.71
· « Cameroun : Merci au pétrole tchadien !
» Jeune Afrique n° 2425 du 1er au 7 juillet 2007
p.11
· Jeune Afrique n°2423 du 17 au 23 juin
2007.
· Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars
2007.
· Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars
2007.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
· Jeune Afrique n° 2409 du 11 au 17 mars
2007.
· Jeune Afrique n° du 6 au 12 mai 2007.
· Jeune Afrique n°2430 du 5 au 11 août
2007.
· Jeune Afrique n°2426 du 8 au 14 juillet
2007.
· Jeune Afrique hors-serie, n° 18, «
l'état de l'Afrique » 2008, p.120-121.
· Quarmby Katharine « Why Oxfam is failing in Africa
» New Statesman du 30 mai 2005.

ANNEXES
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Annexe n°1
La carte des pays EITI en décembre
2009

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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Annexe n°2:
Listes de quelques personnes interrogées dans le
cadre de la recherche
· M. Samuel NGUIFFO: Centre pour l'Environnement et le
Développement (CED). B.P. 3430 Yaoundé
Cameroun.
www.cedcameroun.org
· M. Honoré NDOUMBE NKOTTO : Fondation
Camerounaise d'Actions Rationalisées et de Formation sur l'Environnement
(FOCARFE). B.P : 3494 Yaoundé
www.aedev.org/focarfe/
· M. Valery NODEM : Réseau de Lutte contre la Faim
(RELUFA). B.P : 1003 Yaoundé
www.relufa.org .
· M. Morris ALAGOA : Membre de la société
civile (ERA/FOE Nigeria) de l'Etat
pétrolier de Bayelsa dans la Delta
du Niger. Interrogé le 4 décembre 2007 à Warri.
· M. Serge Dieudonné MOUNTHOU : Membre de l'ONG
Service National Justice et Paix (Congo) membre de la coalition congolaise
PWYP. Interrogé le 4 décembre 2007.
· M. Boubacar SANGARE SIDIKI : Membre de l'ONG malienne
Fondation pour le Développement du Sahel (FDS). Interrogé le 5
décembre 2007.
· Rev. Nnimmo BASSEY: Executive director of Environment
Rights Action/ Friends of the Earth, Nigeria. P.O. Box: 10577, Benin City,
Nigeria. www.eraction.org
· M. Nassingar RIMTEBAYE RIM: Coordonnateur de la
Commission Permanente Pétrole N'djamena, B.P: 4082. interrogé le
30 novembre 2007.
· M. Noble WADZAH: Friends of the Earth/Ghana,
interrogé le 5 décembre 2007.
· M. Marc ONA ESSANGUI, coordonnateur de Brainforest
Gabon, membre de la coalition gabonaise PWYP et membre du groupe de travail
EITI Gabon. Interrogé le 26 mars 2008.
· M. Tim BITTIGER, conseiller politique du chairman de EITI
(interrogé à répétition en ligne).
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Annexe n° 3
La résolution de l'Assemblée
générale des Nations Unies Sixty-second
session encourageant
la mise en oeuvre de l'initiative des
industries
extractives.
Agenda item 56
Globalisation and
interdependence
Australia, Azerbaijan, Belgium, Canada, Congo, France,
Germany, Iraq, Italy, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Liberia, Moldova, Netherlands,
Nigeria, Norway, Peru, Sierra Leone, Spain, Timor-Leste, Turkey, United Kingdom
of Great Britain and Northern Ireland and Yemen: draft resolution
Strengthening transparency in industries
The General Assembly,
Recalling the 2005 World Summit Outcome,
Reaffirming the Accra Accord, the outcome of the twelfth
session of the United Nations Conference on Trade and Development,
Recalling the United Nations Convention against
Corruption, which reaffirms that corruption is no longer a local matter but a
transnational phenomenon that affects all societies and economies, making
international cooperation to prevent and control it essential,
Further recalling the resolution 1803 of 14 December
1962, in which it declared that the right of peoples and nations to permanent
sovereignty over their natural wealth and resources must be exercised in the
interest of their national development and of the well-being of the people of
the State concerned,
Reaffirming that every State has and shall freely
exercise full permanent sovereignty over all its wealth, natural resources and
economic activities,
Taking note of all relevant voluntary initiatives,
including the Extractive Industries Transparency Initiative, aimed at improving
transparency in the extractive industries,
Convinced that rule-based and predictable trade and
financial systems are
essential to promote transparency in trade and
financial industries and
combat corruption in commercial and financial
transactions in all countries,
1. Emphasizes that transparency and accountability
are objectives that should be embraced and promoted by all Member States,
regardless of their size, level of development or resource endowment.
2. Reaffirms, as stated in the UN Convention against
Corruption, the need to combat corruption and enhance transparency, in
accordance with the fundamental principles of domestic law and take such
measures as may be necessary to enhance transparency in public administration,
including with regard to organization, functioning and decision-making
processes, where appropriate.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
3. Encourages the international community to
strengthen, as appropriate, upon request, capacity building of natural
resources endowed States, especially those emerging from conflict situations to
negotiate mutually satisfactory, transparent and equitable contractual terms
for the use, extraction and processing of their natural resources.
4. Notes the efforts of countries that are
participating in all relevant voluntary initiatives, to improve transparency
and accountability in industries, including the Extractive Industries
Transparency Initiative in the extractive sector and to share their experience
with the interested Member States.
5. Reaffirms its commitment to governance, equity
and transparency in the financial, monetary and trading systems, as well as its
commitment to open, equitable, rule-based, predictable and non-discriminatory
multilateral trading and financial systems.
6. Encourages business and industry, in particular
transnational corporations, to establish world-wide corporate policies on
sustainable development, arrange for environmentally sound technologies to be
available to affiliates owned substantially by their parent company in
developing countries without extra external charges, to modify procedures in
order to reflect local ecological conditions and share experiences with local
authorities, national Governments and international organizations.
7. Urges the private sectors, including corporations
engaged in the extractive industries to ensure transparency and verifiable
processes, while adhering to and promoting the principles of honesty,
transparency and accountability, in order to maximise private sector's
contribution to the realisation of social and people-centred sustainable
development.
Annexe n°4
Quelques textes
officiels de la mise en oeuvre de EITI dans certains pays.
La
déclaration d'adhésion du Tchad à EITI.
Le Tchad adhère à l'Initiative sur la Transparence
des Industries Extractives (EITI) (Texte intégral)
Par La Primature lundi, le 27 août 2007
REPUBLIQUE DU TCHAD UNITE - TRAVAIL - PROGRES
********** ********* Cabinet du Premier Ministre **********
N'Djamena, le 20 Août 2007
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
N°836/PM/CAB/07
Déclaration de la République du Tchad à
l'Initiative sur la Transparence des Industries Extractives (EITI)
La République du Tchad a promulgué des textes
juridiques et a mis en place des mécanismes relatifs à la gestion
spécifique de ses revenus pétroliers dans le but d'appliquer les
principes de base de la bonne gouvernance et de créer les conditions du
développement économique, social et culturel, répondant
ainsi aux aspirations légitimes du peuple tchadien.
Dans cette perspective et pour renforcer en amont cette option
fondamentale, étant donné le rôle majeur que jouent et
joueront encore les industries extractives dans le développement du
Tchad, le Gouvernement décide solennellement d'adhérer à
l'Initiative de Transparence des Industries Extractives (EITI), lancée
à l'occasion du Sommet Mondial sur le Développement Durable, tenu
à Johannesburg en septembre 2002 et concrétisée lors de la
conférence internationale d'Oslo tenue en octobre 2006, par la mise en
oeuvre des instances de gouvernance (Conférence, Conseil international
et Secrétariat international).
Les principes de cette initiative seront désormais
appliqués au Tchad et les revenus tirés des industries
extractives seront déclarés et utilisés dans la
transparence totale.
Le Premier Ministre,
Chef du Gouvernement
Dr. Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Décret EITI Cameroun
Décret n° 2005/2176/PM du 16 juin 2005
portant création, organisation et fonctionnement du
comité de suivi
de la mise en oeuvre des principes de l'initiative de
transparence des industries extractives
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
Vu
la Constitution ;
Vu
le décret n092/089 du 4 mai 1992 précisant les
attributions du Premier Ministre, modifié et complété par
le décret n° 95/145 du 4 août 1995 ;
Vu
le décret n° 2004/320 du 8 décembre 2004
portant organisation du Gouvernement ;
Vu
le décret n° 2004/321 du 8 décembre 2004
portant nomination d'un Premier Ministre,
Décrète :
CHAPITRE I
DISPOSITIONS GENERALES
Article 1er : Il est créé auprès du
Ministre de l'Economie et des Finances, un Comité de suivi de la mise en
oeuvre des principes de l'initiative de transparence des industries
extractives, ciaprès désigné « le Comité
», et dont l'organisation et le fonctionnement sont fixés par le
présent décret.
Article 2 : Le Comité a pour mission d'assurer le suivi
de la mise en oeuvre des principes et mesures convenues dans le cadre de
l'initiative de transparence des industries extractives, en
abrégé « EITI ».
A ce titre, il est notamment chargé :
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
- d'élaborer le plan d'action gouvernemental pour la mise
en oeuvre des principes de
l'EITI et de veiller à son application ;
- d'identifier les obstacles à la mise en oeuvre des
principes de l'ElTI et de proposer au
Gouvernement des mesures pour lever ces obstacles ;
- d'assurer la conduite de la réalisation des audits des
comptes des industries extractives
par des cabinets internationaux ;
- de veiller, au moins une fois par an, à la confection
par un cabinet spécialisé indépendant dit
«administrateur EITI », d'un état de concordance des paiements
effectués par les industries extractives au profit de l'Etat et des
sommes effectivement enregistrées dans la comptabilité de l'Etat,
sur la base des audits des comptes sus-mentionnés ;
- d'approuver et de diffuser le rapport sur les revenus des
industries extractives ;
- d'assurer la publication sur le site Internet du Gouvernement
et dans les médias, des
informations exhaustives sur les paiements et les recettes
perçues par l'Etat des industries extractives, ainsi que des rapports de
«l'administrateur EITI» concernant leur concordance ;
- de rechercher pour le compte du Gouvernement l'assistance
technique et financière
internationale utile pour la mise en oeuvre
durable des principes de l'EITI ;
- de participer aux rencontres internationales sur l'EITI.
CHAPITRE Il
DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT
Article 3 : Présidé par le Ministre de l'Economie
et des Finances ou son représentant, le Comité comprend les
membres ci-après :
A- Membres représentant le secteur public et parapublic
:
- le Ministre chargé des mines ou son représentant
;
- le Ministre chargé des industries ou son
représentant ;
- le Ministre chargé de la justice ou son
représentant ;
- un (1) représentant de la Présidence de la
République ;
- un (1) représentant des Services du Premier Ministre
;
- l'Administrateur Directeur Général de la
Société Nationale des Hydrocarbures ;
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
- le Président de l'Observatoire de Lutte contre la
Corruption.
B- Membres représentant le secteur privé :
- le Directeur Général de TOTAL Cameroun ou son
représentant ;
- le Directeur Général de PECTEN Cameroun ou son
représentant ;
- le Directeur Général de PERENCO Cameroun ou son
représentant ;
- le Directeur Général de GEOVIC Cameroun ou son
représentant ;
- le Président de la Chambre de Commerce, d'Industrie,
des Mines et de l'Artisanat ;
- le Président du Groupement Interpatronal du
Cameroun.
C- Membres représentant la société civile
:
- deux (2) membres du Parlement, dont l'un de la majorité
et l'autre issu de l'opposition
- le Président de la section camerounaise de Transparency
International ;
- trois (3) représentants des Organisations Non
Gouvernementales ; (Mais au Cameroun
quel rôle joue la coalition EITI/PWYP qui dispose de 8
membres au Comité ? )
- trois (3) représentants des Collectivités
Territoriales Décentralisées ;
- le Président de l'Union des Journalistes Camerounais.
Article 4 : Le Président du Comité peut inviter,
à son initiative ou à celle des autres membres, toute personne
à prendre part aux travaux du Comité, en raison de ses
compétences sur les questions à examiner.
Article 5 :
(1) Le Comité se réunit en tant que de besoin, au
moins une (1) fois par semestre, sur convocation de son Président.
2) Les convocations, accompagnées des documents de
travail nécessaires, sont adressées aux membres sept (7) jours au
moins avant la date de la réunion. Elles doivent indiquer la date,
l'heure, l'ordre du jour et le lieu de la réunion.
(3) Le Comité délibère valablement si la
moitié au moins de ses membres sont présents.
(4) Les délibérations du Comité sont
adoptées à la majorité des trois quarts (3/4) des membres
présents.
Article 6 : Pour l'accomplissement de ses missions, le
Comité est assisté d'un Secrétariat Technique placé
sous la coordination du Secrétariat Général du
Ministère de l'Economie et des Finances et comprenant des
représentants du secteur public et parapublic, du secteur privé
et de la société civile
Article 7 :
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
(1) Sous l'autorité du Président du Comité,
le Secrétariat Technique visé à l'article 6 ci-dessus, est
chargé :
- d'instruire et de préparer, en relation avec le
Comité Technique de Suivi des Programmes Economiques et les autres
Administrations et organismes concernés, les dossiers à soumettre
au Comité ;
- d'assurer le secrétariat du Comité ;
- de suivre l'exécution des missions et des
résolutions du Comité ;
- de préparer les programmes d'action et les rapports
d'activités du Comité ;
- de conserver les archives et la documentation du Comité
;
- d'exécuter toutes autres missions à lui
confiées par le Comité ou son Président.
(2) L'organisation et les modalités de fonctionnement du
Secrétariat Technique du Comité sont fixés par
arrêté du Ministre de l'Economie et des Finances.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
Article 8 :
(1) Les fonctions de Président, de membre du
Comité et du Secrétariat Technique sont gratuites.
(2) Toutefois, il peut leur être alloué, ainsi
qu'aux personnes invitées à titre consultatif, des
indemnités de session dont les montants sont fixés par le
Ministre de l'Economie et des Finances.
(3) Les frais de transport des membres résidant hors du
lieu de la réunion leur sont remboursés à l'occasion des
sessions du Comité, sur présentation des pièces
justificatives. Article 9 :
(1) Les frais de fonctionnement du Comité sont
supportés par le budget du Ministère de l'Economie et des
Finances.
(2) Le Comité peut recevoir des dons, legs et autres
appuis des partenaires au développement. Dans ce cas, la gestion de ces
dons, legs et autres appuis obéit aux procédures du donateur.
Article 10 : Le Ministre de l'Economie et des Finances est chargé de
l'exécution du présent décret qui sera enregistré,
publié suivant la procédure d'urgence, puis inséré
au Journal Officiel en français et en anglais./-
Yaoundé, le 16 juin 2005
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
(é) Inoni Ephraim
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Governance of EITI Implementation in Liberia
The Liberia Extractive Industries Transparency Initiative (LEITI)
is led by a governing board called the LEITI multi-stakeholders Steering Group
("Group"). Membership in the Group includes
1. the Government of Liberia, represented by the Ministers of
Finance; the Minister of Lands, Mines, and Energy, The Minister of Internal
Affairs, and other agencies;
2. the Civil Society, represented by the Publish What You Pay,
the Liberia National Bar Association (ordre des avocats du Liberia), and the
National Council of Chiefs and Traditional leaders; and
3. the Private Sector, represented by Arcelor Mittal Liberia,
Amlib, Liberia Timbers Association, and the Miners and Brokers Association.
|
The Group is chaired by the Minister of Finance, who is also the
LEITI Champion. The Minister of Lands, Mines and Energy is the co-chairperson
of the Group.
The LEITI also has a distinct Secretariat that is established,
staffed and supported by the Group. The four-person Secretariat is headed by T.
Negbalee Warner. The Deputy Head of the Secretariat is Edward R Smith and the
Executive Secretary is Hnede Berrian.
LEITI Chairperson
Hon. Antoinette M. Sayeh
LEITI Chairperson
Ministry of Finance
Post Box 10-9013
Monrovia, Liberia
Tel: +231 6 656 707
E-Mail:
libfinancemin@yahoo.com
LEITI Focal Point
T. Negbalee Warner
Head of Secretariat
Post Box 4074
4th Floor, Ministry of Finance Building
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 387 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
INITIATIVE POUR LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES
EXTRATIVES (EITI) AU
GABON
PETROLE
ARRETE N° 00056 /MEFBP
Portant
nomination des membres du Groupe d'intérêt de linitiative de
Transparence
des Industries Extratives.
Retour
MINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES, DU BUDGET ET DE
LA
PRIVATISATION
REPUBLIQUE GABONAISE
Union-Travail-Justice
Arrêté N ° 00056 /MEFBP ,
portant nomination des membres du Groupe d'intérêt de l'Initiative
de transparence des industries extractives.
Le Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie, des Finances,
du Budget et de la Privatisation
Vu la Constitution ;
Vu le Décret n° 715/PR du 4 septembre 2004, fixant la
composition du gouvernement de la République , ensemble les textes
modificatifs subséquents ;
Vu le Décret n° 1207/PR/MINECOFIN du 17 novembre
19 77, portant organisation du ministère de l'Economie, des Finances, du
Budget et de la privatisation, ensemble les textes modificatifs
subséquents ;
Vu le Décret n° 134O/PR/MEFBP du 20 septembre
1996, portant création du Comité Interministériel de Suivi
du Programme d'Ajustement Structurel, ensemble les textes modificatifs
subséquents ;
Vu le Décret n° 001140/PR/MEFBP du 18 décembre
2002 , portant Code des Marchés Publics ;
Vu le Décret n° 000535/PR/ME FBP du 8 juillet
2005, portant création, attribution et organisation du Groupe
d'Intérêt de l'Initiative pour la Transparence des Industries
Extractives ;
Vu l'arrêté n° 229/MEFBP du 24 février
2OO5, portan t création, fonctionnement et
désignation des membres du Groupe de travail de
l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives, en
abrégé EITI ;
Vu les nécessités de service.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 388 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Arrête
Article 1 er Le présent
arrêté pris en application de l'article 4 du Décret
n°
OOO535/PR/MEFBP du 08 juillet 2005, porte nomination des membres
du Groupe
d'Intérêt de l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives, en abrégé EITI.
Article.2 : Sont nommés membres du Groupe
d'Intérêt de l'Initiative de Transparence
des Industries Extractives :
Pour le compte. de l'administration :
· M. Fidèle NTSISSI, Président ;
· M. Hyacinthe MOUNGUENGUI-MOUCKAGA, Vice Président
;
· M. Régis IMMONGAULT, Secrétaire Permanent
;
· Mrs Hervé NNANG E. et Jean Félicien
MAKANGA, représentant le ministère des
mines, de l'énergie, du pétrole et des ressources
hydrauliques.
Pour le compte de la société civile :
· Mme Rosine LANGANGOUET et M. Jean Baptiste BIKALOU.
Pour le compte du secteur pétrolier :
· un représentant de Total Gabon ;
· un représentant de Marathon. Pour le compte du
secteur minier : - un représentant de Comilog. Article 3
: Le présent arrêté qui prend effet pour compter
de sa date de signature sera
enregistré et communiqué partout où besoin
sera.
Fait à Libreville, le 27 juillet 2005. Paul
TOUNGUI.-

Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 391 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 392 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des
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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 393 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 394 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 395 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 396 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 398 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 399 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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Yaoundé II/Cameroun)

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 400 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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en Science
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Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 401 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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des
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la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique
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Mauritanie Decret 20 0 6 - 02 9 Décret n°
2006-29
Décret n° 29-2006~~~~/modifiant
certaines dispositions du décret 2006-001 du 13 Janvier 2006 portant
création, organisation et fonctionnement du comité national de
l'initiative sur la transparence des industries extractives
Le Premier Ministre,
Vu La Constitution du 20 Juillet 1991 ;
Vu L'ordonnance n° 001-2005 du 06
Août 2005 portant promulgation de la Charte
constitutionnelle définissant l'organisation et le
fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels pendant la période
transitoire ;
Vu Le décret n° 028- 92 du 18 Avril
1992 relatif aux attributions du Premier
Ministre ;
Vu Le décret n° 093- 2005 du 07
Août 2005 portant nomination du Premier
Ministre ;
Vu Le décret n° 095- 2005 du 10
Août 2005 portant nomination des membres du
gouvernement ;
Vu Le décret n° 157- 84 du 29
Décembre 1984 portant règlement organique relatif
aux attributions des Ministres ;
Vu Le décret n° 05- 2000 du 10
Janvier 2000 fixant les attributions du Ministre des
Finances et l'organisation de l'administration centrale de son
département ;
Vu Le décret n° 68- 98 du 18 Juin
1998 fixant les attributions du Ministre des
Affaires Economiques et du Développement et l'organisation
de l'administration Centrale de son département ;
Vu Le décret n° 078- 2005 du 28 Juin
2005 fixant les attributions du Ministre de
l'Energie et du Pétrole et l'organisation de
l'administration centrale et de son département ;
Vu Le décret n° 023- 2004 du 11 Mars
2004 fixant les attributions du Ministre des
Mines et de l'Industrie et l'organisation de l'administration
centrale de son département ;
Le Conseil des Ministres, entendu le 1er Mars
2006
Décrète
Article 1er :
Les dispositions de l'article 3 et de l'article 4 du
décret 2006-001 du 13 Janvier 2006 portant création, organisation
et fonctionnement du comité national de l'initiative sur la transparence
des industries extractives sont modifiées comme suit :
Article 3 (nouveau): Le Comité national est
présidé par le Conseiller du Premier Ministre, chargé de
l'action économique et comprend les membres suivants :
- Un représentant du Ministre des Finances ;
- Un représentant du Ministre des Affaires Economiques et
du Développement ; - Un représentant du Ministre de l'Energie et
du Pétrole ;
- Un représentant du Ministre des Mines et de l'Industrie
;
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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- Un représentant du Gouverneur de la Banque Centrale de
Mauritanie ; - Un représentant de la Société Mauritanienne
des Hydrocarbures ;
- Un représentant de la Société Nationale
Industrielle et Minière ;
- Deux représentants des Sociétés
pétrolières ;
- Un représentant des Sociétés
Minières ;
- Quatre représentants des partis politiques ;
- Deux représentants des syndicats ;
- Deux représentants de la Confédération
Nationale du Patronat de Mauritanie ;
- Deux représentants des ONG locales ;
- Un représentant de l'Association des Maires de
Mauritanie ;
- Un représentant de l'Ordre National des Experts
Comptables ;
- Un représentant de l'Ordre National des Avocats ;
- Le représentant de Transparency International à
Nouakchott ;
- Deux représentants de la presse officielle et
indépendante ;
- Deux représentants des milieux académiques et
universitaires.
Article 4 (nouveau) : Le Comité National se
réunit en session ordinaire trois fois par an sur convocation de son
Président qui fixe l'ordre du jour de la réunion. Il
délibère valablement si la moitié des membres sont
présents.
Le Comité National peut inviter à ses
réunions, ou entendre, toute personne dont la présence est
jugée nécessaire.
Le comité national peut instituer en son sein un
comité de suivi dont il détermine la composition et le mandat. Le
comité de suivi est présidé par le Président du
Comité National.
Le reste sans changement.
Article 2 : Le présent décret
abroge toutes les dispositions antérieures contraires.
Article 3 : Le Ministre des Finances, le
Ministre des Affaires Economiques et du Développement, le Ministre de
l'Energie et du Pétrole et le Ministre des Mines et de l'Industrie sont
chargés chacun en ce qui le concerne de l'application du présent
décret qui sera publié au journal Officiel de la
République Islamique de Mauritanie.
Nouakchott, le
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
SIDI MOHAMED OULD BOUBACAR
Le Ministre des Finances Le Ministres des Affaires
Economiques et du Développement ABDALLAH OULD
SOULEYMANE MOHAMED OULD EL ABED OULD CHEIKH-SIDIA
Le Ministre de l'Energie et du Pétrole Le Ministre des
Mines et de
l'Industrie
MOHAMED ALY OULD SIDI MOHAMED MOHAMED
OULD ISMAIL OULD ABEIDNA
Ampliations:
|
|
- MSG/PCMJD
|
2
|
- SSG/PM
|
2
|
- Ministères
|
30
|
- J.O
|
2
|
- Arch
|
2
|
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 404 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Annexe n° : 5
Le Livre Source
EITI.
ITIE Initiative pour la transparence des industries
extractives
Initiative pour la transparence des
industries
extractives
Livre source
Mars 2005
Le livre source a été rédigé par le
Secrétariat international ITIE auprès du ministère
britannique
du Développement international (DFID). Il est susceptible
de modification à la lumière des
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
expériences ultérieures. Des renseignements
supplémentaires vous sont proposés via
eiti@dfid.co.uk , par DFID, et sur
le site Internet ITIE :
www.eitransparency.org
Livre source : Initiative pour la transparence des industries
extractives
Livre source : Initiative pour la transparence des industries
extractives
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Principes et critères
ITIE
ITIE : Antécédents
ITIE : Parties prenantes
ITIE : Principes et critères
Chapitre 2 : Conseils indicatifs à l'intention des
pays riches en ressources
Vue d'ensemble
Phases de mise en oeuvre
Résumé des actions préconisées et
supplémentaires
Démarrage
A. Adhésion
B. Mise en route
C. Développement du processus
Mise en oeuvre
D. Divulgation et publication
E. Diffusion auprès du public et discussion
Examen de la mise en oeuvre de l'ITIE
F. Examen
Chapitre 3 : Conseils indicatifs à l'intention des
entreprises extractives Vue d'ensemble
Résumé des actions préconisées et
supplémentaires pour les entreprises
Approbation
A. Adhésion
B. Appui international Appui au niveau du pays
C1. Pays exécutant
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
. Pays non exécutant
Glossaire
Annexe
Exemples de modèles de déclaration (gabarits)
à remplir pour l'industrie pétrolière, gazière et
minière
Introduction
ITIE : de quoi s'agit-il ?
Dans de nombreux pays, les recettes provenant de la production
pétrolière, gazière et minière s'associent à
la pauvreté, au conflit et à la corruption. C'est ce que l'on
appelle couramment « la malédiction des ressources naturelles
» - qui tient souvent d'un manque de transparence et du non-respect de
l'obligation de rendre des comptes sur les paiements que les entreprises
versent au gouvernement et sur les recettes que les gouvernements
reçoivent de ces mêmes entreprises.L'initiative pour la
transparence des industries extractives (ITIE) vise à combler cette
lacune. Lancée sur une base volontaire et bénéficiant de
l'appui d'une coalition d'entreprises, de gouvernements, d'investisseurs et
d'organisations de la société civile, l'initiative accompagne
d'autres efforts destinés à accroître la transparence des
pratiques budgétaires de l'Etat, amorçant un processus qui
permettra aux citoyens de demander des comptes à leur gouvernement en ce
qui concerne l'utilisation de ces recettes.
Transparence et développement : le cas de Sao
Tomé et Principe
Sao Tomé et Principe fait partie depuis
très peu des producteurs de pétrole en Afrique. Une grande partie
de sa population est actuellement pauvre, mais le gouvernement reconnaît
que l'exploitation du pétrole - à condition d'être
gérée de manière transparente - offre la
possibilité d'un vrai changement dans la vie des gens. En
décembre 2004, le président Fradique de Menezes signe une loi
régissant la perception, l'investissement et l'utilisation des recettes
pétrolières en vue d'une promotion optimale du progrès
économique et social du pays. La loi prévoit l'accès
public à l'information sur l'ensemble des versements au fonds. Lors de
la signature, le président déclare « Rien ne sera
caché, rien ne sera gaspillé. »
Le livre source
Puisant dans les expériences de la phase pilote de
l'ITIE, ce livre source constitue un guide indicatif pour les pays souhaitant
mettre en oeuvre l'initiative, ainsi que pour les entreprises et autres parties
prenantes souhaitant soutenir cette mise en oeuvre. Le premier chapitre
évoque brièvement l'évolution de l'ITIE, depuis son
lancement lors du Sommet mondial sur le développement durable en 2002
jusqu'à la phase actuelle de mise en oeuvre (à partir de mars
2005), en passant par la phase pilote (juin 2003 - mars 2005). Il énonce
les principes et critères de l'ITIE qui constituent le noyau de la mise
en oeuvre pour l'ensemble des pays participants. Le
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
deuxième chapitre présente des exemples
d'actions entreprises par des pays pendant la phase pilote, actions qui sont
à la fois compatibles avec les principes et critères ITIE et
adaptées aux circonstances des pays individuels. Le troisième
chapitre propose des exemples semblables pour les entreprises qui soutiennent
la mise en oeuvre de l'ITIE.
Chapitre 1
Principes et critères ITIE
ITIE : Antécédents
La promotion, dans les pays qui dépendent des recettes
des industries pétrolière, gazière et minière,
d'une plus grande transparence et de l'obligation de rendre des comptes permet
de mitiger les effets potentiellement négatifs d'une mauvaise gestion
des recettes, afin que ces dernières deviennent plutôt le moteur
d'une croissance économique à long terme qui contribue au
développement durable et à la réduction de la
pauvreté.
Qu'est-ce qu'un pays riche en ressources ?
Selon le projet de Guide sur la transparence des recettes
des ressources (décembre 2004) du Fonds monétaire
international (FMI), un pays est jugé riche en hydrocarbures et/ou
ressources minérales s'il satisfait aux critères suivants : (i)
un pourcentage moyen de recettes dérivant des hydrocarbures et/ou des
minerais représentant au moins 25 % des recettes budgétaires
totales pour les trois années précédentes ; ou (ii) un
pourcentage moyen de recettes d'exportation des hydrocarbures et/ou des
minerais représentant au moins 25 % des recettes totales d'exportation
pour les trois années précédentes. Les pays riches en
ressources, les entreprises extractives et la communauté internationale
ont le même intérêt à soutenir les efforts visant
à accroître la transparence et renforcer l'obligation de rendre
des comptes. De nombreux pays ont déjà enregistré des
progrès importants dans ce domaine. La communauté internationale
vient en appui à ces efforts. En 2003, à Evian, les pays G8 ont
émis la déclaration Lutter contre la corruption et
améliorer la transparence. A Sea Island, des Pactes sur la
transparence ont été arrêtés avec quatre pays,
en 2004. Le FMI préconise, dans le Code de bonnes pratiques en
matière de transparence des finances publiques et le manuel qui s'y
associe, la transparence des finances publiques dans les Etats membres, tandis
que le suivi de la mise en oeuvre du code est assuré par la
rédaction de Rapports sur l'observation des normes et codes
(RONC). Aussi bien le FMI que la Banque mondiale favorisent, par le biais
de conseils sur les mesures à prendre, de prêts axés sur
les politiques générales, de prêts pour les projets et
d'assistance technique, une gestion plus efficace des recettes provenant des
ressources. Comme complément de ces efforts d'amélioration de la
gouvernance, l'ITIE a été lancée par Tony Blair en
septembre 2002. L'ITIE constitue un bon point de départ pour approfondir
l'analyse et la
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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discussion relative à la gestion des recettes. Depuis
ses débuts, l'ITIE bénéficie d'un large soutien
international, mais l'initiative met l'accent sur le niveau national.
L'appropriation de l'ITIE par le pays et la participation des entreprises sont
un signe, sur le plan aussi bien national qu'international, d'un engagement
vis-à-vis du respect de la transparence et de l'obligation de rendre des
comptes dans la vie publique, le fonctionnement de l'Etat et le monde du
commerce. Les avantages pour les pays exécutants sont essentiellement
réalisés dans le cadre - ou comme point de démarrage -
d'efforts plus étendus pour améliorer la gouvernance. Une bonne
gestion des recettes provenant des ressources permet d'améliorer la
gestion de ces ressources et devrait favoriser une plus grande stabilité
économique et politique. Ceci peut, à son tour, aider à
empêcher les conflits qui touchent les secteurs pétrolier, minier
et gazier. La mise en oeuvre permet également d'améliorer le
climat d'investissement, parce qu'elle indique clairement aux investisseurs et
aux institutions financières internationales que le gouvernement s'est
engagé en faveur d'une plus grande transparence. Les avantages, pour les
entreprises et les investisseurs, tiennent de l'atténuation des risques
sur le plan de la politique et des réputations. L'instabilité
politique que provoque une gouvernance opaque constitue évidemment une
menace pour les investissements. Dans le cas des industries extractives, les
investissements étant à forte intensité de capitaux et
dépendants de la stabilité à long terme pour produire un
rendement, la réduction d'une telle instabilité est avantageuse.
La transparence peut également contribuer à créer une
situation équitable pour toutes les entreprises et, en rendant public ce
qu'il verse au gouvernement, une entreprise illustre la contribution que son
investissement apporte au pays. Les avantages pour la société
civile tiennent du volume plus important d'informations disponibles dans le
domaine public sur les recettes que les gouvernements gèrent au nom des
citoyens, ces derniers pouvant ainsi plus facilement demander des comptes
à leur gouvernement.
ITIE : Parties prenantes
Au niveau national, l'ITIE est une initiative dirigée
par le gouvernement. Cependant, les principes et critères ITIE
préconisent la participation active d'autres partenaires provenant de la
société dans son ensemble. La direction et la participation
locales sont indispensables et l'engagement actif, public, de toute une
série d'acteurs s'impose. Le terme « partie prenante »
s'applique à tout particulier, communauté, groupe ou organisation
s'intéressant au résultat de l'ITIE, y compris aussi bien ceux
qui en sont touchés (que l'impact soit positif ou négatif) que
ceux qui sont en mesure de l'influencer (d'une manière positive ou
négative). Les parties prenantes se trouvent au sein des institutions
étatiques, du secteur privé et de la société
civile. La catégorie des parties prenantes comprend les acteurs clefs et
les parties intéressées dans le sens plus large,
distingués selon le niveau d'intérêt et le degré
d'influence exercée sur la mise en oeuvre. La composition du
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
groupe peut varier d'un pays à l'autre, mais des acteurs
similaires sont susceptibles d'être concernés dans l'ensemble des
pays.
Qui est-ce qui pourrait être partie
prenante?
Institutions publiques
~ Pouvoir exécutif
Services responsables de la gestion des ressources naturelles
Services responsables de la perception et de la gestion des
recettes
Services responsables du développement économique,
de la réglementation du secteur privé et de l'administration
publique
~ Corps législatif
- Comités budgétaires et /ou des ressources
naturelles
- Echelons infra nationaux du gouvernement
~ Institutions d'audit (Cour des comptes, ...)
Secteur privé
ct Entreprises présentes dans le pays
- Entreprises publiques nationales
- Entreprises publiques internationales
- Entreprises privées nationales
- Entreprises privées internationales
ct Investisseurs
ct Associations commerciales
Société civile
~ Organisations de base communautaires
~ Organisations non-gouvernementales nationales (ONG)
~ ONG internationales et leurs affiliés locaux
ct Médias, syndicats, instituts universitaires et de
recherche, organisations confessionnelles Exécutants ITIE
~ Administrateurs, commissaires aux comptes et/ou organismes de
divulgation Partenaires internationaux
~ Institutions internationales (FMI, Banque mondiale, Nations
unies)
~ Donateurs
ITIE :Principes et critères
Toute une série de pays, d'entreprises et
d'organisations de la société civile ont assisté à
la
conférence de Lancaster House à Londres (2003), sous les
auspices du gouvernement du
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Yaoundé II/Cameroun)
Royaume-Uni. Les participants se sont mis d'accord sur une
Déclaration de principes visant à accroître la transparence
des paiements et des recettes dans le secteur des industries extractives.
Baptisés principes de l'ITIE, ils représentent la pierre
angulaire de l'initiative. Suite à la conférence de Lancaster
House, l'ITIE continue de s'attirer un soutien au niveau international de la
part des gouvernements, des grandes sociétés multinationales, des
investisseurs institutionnels dont les actifs sous gestion
s'élèvent à près de 7 trillions de dollars, des
organisations nongouvernementales et des institutions internationales.
Plus important encore, certains pays - notamment
l'Azerbaïdjan, la république du Congo, le Ghana, la
République kirghize, le Nigeria, Sao Tomé et Principe, le Timor
oriental et la Trinité-etTobago - commencent à interpréter
et à mettre en application les principes, jouant ainsi un rôle
central dans la conception de l'ITIE. Il s'agit d'une phase pilote d'une grande
importance pour l'ITIE. S'inspirant des principes, les pays exécutants
placent l'ITIE dans le contexte d'autres initiatives nationales, formulent des
plans de travail et mettent en place des procédures permettant au pays
de s'approprier le processus. Pendant cette phase, la diversité des
expériences de mise en oeuvre de l'ITIE permet d'enrichir l'initiative.
Elle contribue également au débat plus général
concernant la nécessité de consignes claires en matière de
mise en oeuvre qui respectent néanmoins le caractère volontaire
de l'initiative et les spécificités des différents pays.
Au-delà de la phase pilote, pour que l'on puisse élargir l'ITIE
à d'autres pays riches en ressources, il importe d'arrêter un
ensemble de critères ITIE acceptables pour tous les pays souhaitant
mettre en oeuvre l'ITIE. Lors de la conférence ITIE à Londres, en
2005, les participants approuvent les critères, tout en encourageant les
pays à surpasser, dans la mesure du possible, ces exigences minimales.
Ils constatent l'importance de mettre les enseignements tirés de la
phase pilote à la disposition des pays exécutants et des
entreprises apportant leur concours. Ils voient d'un oeil favorable les
consignes relatives aux pratiques exemplaires énoncées dans le
Code des bonnes pratiques en matière de transparence des finances
publiques et le Manuel sur la transparence des finances
publiques. Par ailleurs, pour les participants, le livre source ITIE
représente un guide supplémentaire illustrant les
modalités de mise en oeuvre.
Les principes ITIE
1. Nous partageons la même conviction que l'exploitation
prudente des richesses en ressources naturelles devrait constituer un moteur
important pour la croissance économique durable qui contribue au
développement durable et à la réduction de la
pauvreté mais qui, faute d'une bonne gestion, peut avoir des
répercussions défavorables sur le plan économique et
social.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 411 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
2. Nous affirmons que la gestion des richesses en ressources
naturelles au profit des citoyens d'un pays relève de la
compétence des gouvernements souverains, qui s'en chargent dans
l'intérêt de leur développement national.
3. Nous reconnaissons que les avantages de l'extraction des
ressources se manifestent sous la forme de flux de recettes s'étalant
sur un grand nombre d'années et peuvent dépendre fortement des
prix.
4. Nous reconnaissons que la compréhension du public
des recettes et des dépenses des gouvernements dans la durée est
susceptible de contribuer au débat public et de faciliter le choix
d'options appropriées et réalistes favorisant le
développement durable.
5. Nous soulignons l'importance, pour les gouvernements et
les entreprises extractives, d'assurer la transparence, ainsi que la
nécessité de renforcer la gestion des finances publiques et faire
respecter l'obligation de rendre des comptes.
6. Nous reconnaissons qu'il convient de situer les efforts pour
parvenir à une plus grande transparence dans un contexte de respect des
contrats et des lois.
7. Nous reconnaissons que la transparence financière est
un moyen susceptible de contribuer à l'amélioration du climat
pour l'investissement direct intérieur et étranger.
8. Nos croyons au principe et à la pratique de la
responsabilité du gouvernement devant tous les citoyens en ce qui
concerne l'intendance des flux de recettes et des dépenses publiques.
9. Nous nous engageons à encourager le respect de hauts
niveaux de transparence et de responsabilité dans la vie publique, le
fonctionnement de l'Etat et le monde du commerce.
10. Nous croyons à la nécessité d'une
approche cohérente et réalisable de la divulgation des paiements
et des recettes, cette approche devant être simple à adopter et
à mettre en application.
11. Nous sommes d'avis que la divulgation des paiements dans un
pays donné devrait impliquer toutes les entreprises extractives
présentes dans ce pays-là.
12. Lorsqu'il s'agit de trouver des solutions, nous
considérons que toutes les parties prenantes - les gouvernements et
leurs agences, les entreprises extractives, les sociétés de
service, les organisations multilatérales, les organisations
financières, les investisseurs et les organisations non gouvernementales
- ont des contributions importantes et pertinentes à apporter.
Les critères ITIE
1. Tous les paiements matériels, versés par les
entreprises aux gouvernements, au titre de l'exploitation
pétrolière, gazière et minière (« les
paiements ») et toutes les recettes matérielles, reçues par
les gouvernements de la part des entreprises pétrolières,
gazières et minières (« les recettes »), sont
publiés et diffusés régulièrement au grand public
sous une forme accessible, complète et compréhensible.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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2. Lorsque de tels audits n'existent pas, les paiements et
recettes font l'objet d'un audit indépendant crédible,
conformément aux normes internationales en matière d'audit.
3. Les paiements et recettes sont rapprochés,
conformément aux normes internationales en matière d'audit, par
un administrateur indépendant digne de confiance, qui publie son opinion
sur ce rapprochement de comptes et sur d'éventuelles discordances.
4. Cette démarche s'étend à l'ensemble
des entreprises, y compris les entreprises d'Etat.
5. La société civile participe activement à
la conception, au suivi et à l'évaluation de ce processus et
apporte sa contribution au débat public.
6. Le gouvernement d'accueil élabore un plan de
travail public, financièrement viable, relatif aux
éléments ci-dessus, avec le concours des institutions
financières internationales le cas échéant, ce plan
étant assorti de cibles mesurables, d'un calendrier de mise en oeuvre et
d'une évaluation des contraintes éventuelles sur le plan des
capacités.
Chapitre 2
Conseils indicatifs à l'intention des pays riches en
ressources
Vue d'ensemble
Tout pays dans lequel il existe des industries extractives
importantes est encouragé à accroître la transparence de sa
gestion des recettes tirées de l'exploitation pétrolière,
gazière et minière. Les pays riches en ressources sont
également incités, au lieu de se contenter d'approuver les
principes ITIE, à mettre en oeuvre l'initiative même. La mise en
oeuvre durable de l'ITIE exige du gouvernement qu'il s'engage sur le plan
à la fois politique et financier. Le secrétariat international
ITIE, les organisations internationales et les agences de développement
proposent également d'apporter un appui technique et financier à
la mise en oeuvre.
Lorsqu'il a choisi de participer à l'ITIE, chaque
pays/secteur doit élaborer son propre modèle de mise en oeuvre.
Néanmoins, certains enseignements généraux ont pu
être tirés des expériences de la phase pilote.
Phases de mise en oeuvre
Comme le montre le graphique ci-dessous, le démarrage,
la mise en oeuvre et l'examen sont les trois phases essentielles de l'ITIE.
Chaque phase représente une étape clef du processus d'assurer la
transparence des recettes.
A DEMARRER METTRE EN OEUVRE
P
P
R EXAMINER
O
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U
V
E
R
Lorsqu'il a approuvé l'ITIE, le pays passe - en
consultation avec les parties prenantes clefs - au
démarrage, en établissant des structures
décisionnelles, en esquissant un plan de travail et en organisant le
renforcement des capacités et le financement durable du programme. La
prochaine phase, c'est-à-dire la mise en oeuvre,
constitue le noyau de l'ITIE. Le gouvernement, les entreprises et les
organisations de la société civile ont chacun un rôle
important à jouer au niveau de la divulgation, de la diffusion et de la
discussion des recettes déclarées. La création d'un climat
de confiance est d'autant plus facile quand un consensus se dégage de ce
processus. La troisième phase comporte l'examen du
processus de mise en oeuvre. C'est à ce moment-là que l'on
évoque les problèmes et les possibilités
d'amélioration en vue d'orienter les décisions et les actions
futures.
Démarrage : Le consensus est-il atteint
en ce qui concerne l'élaboration et la planification de l'initiative
?
A ce stade, c'est au gouvernement de faire progresser
l'initiative, veillant à ce que les structures et processus
décisionnels, le personnel et les mécanismes de financement
soient en place. En règle générale, ceci n'implique pas
d'actions ou de coûts extraordinaires. Le gouvernement doit s'efforcer de
prendre contact, dès le début, avec les organisations de la
société civile et les représentants de l'industrie. Un
pays a démarré l'ITIE quand les parties prenantes clefs se sont
mises d'accord sur les objectifs, les acquis et le plan de travail futur du
processus dans un pays souhaitant mettre en oeuvre l'ITIE.
Mise en oeuvre : Les paiements et recettes des
industries extractives sont-ils publiés sous une forme crédible
et compréhensible ?
Un pays met en oeuvre l'ITIE quand il est en mesure de
démontrer - avec un engagement sans réserve de la part des
parties prenantes - l'existence d'un cycle régulier de divulgation, de
diffusion et de discussion des recettes des industries extractives. Tous les
pays exécutants doivent se conformer aux principes et critères
ITIE, étant entendu que le modèle exact de mise en oeuvre dans un
pays donné doit tenir compte du contexte culturel et juridique dudit
pays.
Examen : La restitution annuelle aux parties
prenantes en ce qui concerne le processus de mise en oeuvre est-elle
prévue ? Il convient d'améliorer la mise en oeuvre de l'ITIE avec
le temps, à la lumière des expériences. Les gouvernements
doivent faciliter ce processus en créant les conditions et structures
nécessaires pour que les parties prenantes aient leur mot à dire
sur les
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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plans futurs. Les organisations de la société
civile doivent collaborer étroitement avec le gouvernement et les
industries extractives en vue d'assurer une surveillance supplémentaire
du processus. A titre d'exemple, un examen de la mise en oeuvre de l'ITIE
pourrait déboucher sur une ré-élaboration du processus
décisionnel, le remplacement des représentants des parties
prenantes et l'adaptation des programmes de renforcement des
capacités.
Résumé des actions
préconisées et supplémentaires
Le tableau ci-dessus présente un guide pour les pays
adoptant les critères ITIE. Il s'inspire des enseignements tirés
de la mise en oeuvre au Nigeria, en Azerbaïdjan, au Ghana et en
République kirghize.
Les actions préconisées (bleu
foncé) sont celles jugées importantes pour une mise en oeuvre
efficace, tandis que les actions supplémentaires (bleu)
se réfèrent à d'autres activités pouvant être
entreprises pour améliorer la mise en oeuvre.
Actions préconisées Actions
supplémentaires
Démarrage
A. Adhésion
1. Le gouvernement a-t-il identifié les parties prenantes
clefs ?
A1. Le gouvernement a-t-il entrepris une évaluation
officielle des parties prenantes, a-t-il identifié les moteurs, la
faisabilité et l'impact de la mise en oeuvre de l'ITIE ?
2. Le gouvernement a-t-il émis une déclaration
publique, sans équivoque, sur son intention de mettre en oeuvre l'ITIE
?
3. Le gouvernement a-t-il étudié le cadre
juridique pour identifier d'éventuels obstacles à la mise en
oeuvre de l'ITIE ?
A3. Le gouvernement a-t-il publié sur son site Internet
l'information existante sur les recettes ?
B. Mise en route
4. Le gouvernement a-t-il nommé une personne pour diriger
la mise en oeuvre de l'ITIE ? Cette nomination a-t-il fait l'objet d'une
annonce publique ?
5. Le gouvernement a-t-il prévu la participation, aux
organes décisionnels de l'ITIE, de cadres supérieurs des
ministères et services pertinents? 6. Le gouvernement s'est-il
engagé en faveur de la direction de l'ITIE par des représentants
gouvernementaux de haut niveau ?
7. Le gouvernement a-t-il établi une structure
décisionnelle bien définie pour l'ITIE ?
8. Le gouvernement a-t-il confirmé un plan de travail
pour la mise en oeuvre de l'ITIE ?
9. La composition des comités officiels assure-t-elle une
représentation équilibrée des intérêts des
différentes parties prenantes ?
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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A9. Les représentants des entreprises et des organisations
de la société civile au sein des comités ITIE sont-ils de
haut niveau?
9 a. Le gouvernement a-t-il identifié et établi des
mécanismes de vulgarisation auprès d'un éventail plus
large de parties prenantes ?
10. Le gouvernement a-t-il identifié et établi des
sources de financement durable pour la mise en oeuvre de l'ITIE ?
A10. Le gouvernement s'est-il assuré de la
disponibilité de capitaux de départ auprès des
organisations internationales ?
11. Le gouvernement a-t-il cherché à sensibiliser
les agences gouvernementales et d'autres acteurs clefs et parties
intéressées aux enjeux de l'ITIE ?
C. Développement du processus
12. La plupart des parties prenantes clefs sont-elles d'accord
avec le processus de conception des modèles de déclaration ?
A12. Des dispositions ont-elles été prises pour
aider les parties prenantes à comprendre les modèles de
déclaration et remplir les gabarits ?
13. Est-ce qu'on a nommé un administrateur
considéré par la plupart des parties prenantes clefs comme digne
de confiance et impartial ?
14. Des dispositions ont-elles été prises pour
assurer le financement durable du rôle d'administrateur ?
15. Est-ce qu'on a identifié les besoins en
matière de renforcement des capacités des parties prenantes clefs
? 16. Des dispositions ont-elles été prises pour la
réalisation de programmes formels et informels de renforcement des
capacités avant la divulgation ?
Mise en oeuvre
D. Divulgation et publication
17. Qu'est-ce qui sera divulgué, qui va divulguer et
comment ? 17 a. Quels sont les flux d'avantages à déclarer ?
A17 a. Existe-t-il d'autres flux d'avantages pouvant être
déclarés à titre facultatif ?
17 b. Comment s'assurer que toutes les entreprises
présentent des déclarations ?
17 c. De quelle manière les gouvernements et entreprises
vont-ils présenter leurs déclarations ?
18. Est-ce que les déclarations présentées
sur les paiements et recettes sont crédibles ?
18 a. Si de tels audits n'existent pas déjà, un
cabinet ou des cabinets d'audit ont-ils été identifiés
pour mener un audit crédible et indépendant des paiements et
recettes ?
19. De quelle façon l'administrateur va-t-il
préparer le Rapport ITIE ?
A19 a. A-t-on identifié une marge d'erreur acceptable dans
le cadre du processus de présentation des déclarations ?
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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en Science
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A 19b. Des dispositions ont-elles été prises pour
qu'un audit indépendant des chiffres déclarés puisse
être mené si la plupart des parties prenantes le demandent ?
20. De quelle façon le Rapport ITIE va-t-il être
divulgué ?
20 a. Faut-il présenter, dans le Rapport ITIE, des
agrégats ou des données ventilées ?
E. Diffusion auprès du public et
discussion
21. Le Rapport ITIE est-il accessible et compréhensible
?
21 a. Des procédures permettant d'assurer une diffusion
large des résultats sont-elles en place ?
22. Les parties prenantes clefs ont-elles participé
à une discussion des résultats sur le plan des recettes et
paiements déclarés ?
A 22. Cette discussion s'est-elle élargi aux parties
intéressées dans le sens plus large ? Examen
F. Examen
A23 a. Existe-t-il un mécanisme formel d'évaluation
indépendante ?
23. Des dispositions ont-elles été prises pour le
suivi et évaluation de l'ITIE ?
A23 b. Les renseignements tirés ont-ils été
transmis à d'autres pays et parties prenantes ?
24. La conception des processus décisionnels et autres
a-t-elle été influencée par des mécanismes de
restitution ?
Démarrage
A. Adhésion
Action préconisée 1 : Le gouvernement a-t-il
identifié les parties prenantes clefs ? Les principes ITIE affirment que
toutes les parties prenantes - y compris les gouvernements et leurs agences,
les entreprises extractives, les sociétés de service, les
organisations multilatérales, les institutions financières, les
investisseurs et les organisations non-gouvernementales - ont des contributions
importantes et pertinentes à apporter lors de la mise en oeuvre. Il
importe d'identifier, tout au début du processus, les acteurs clefs et
les parties intéressées dans le sens plus large. La composition
du groupe peut varier d'un pays à l'autre, mais doit assurer la
représentation de toutes les parties dont l'engagement est indispensable
pour mener à bien l'initiative. Il convient d'identifier et prendre
contact avec ces parties prenantes dès que possible en vue d'une mise en
oeuvre efficace. L'engagement, l'appropriation et la crédibilité
de l'ITIE dans un pays donné sont fonction de l'appréciation, par
les parties prenantes clefs, des avantages et de l'opportunité de
l'initiative.
Action supplémentaire A1 : Le gouvernement a-t-il
entrepris une évaluation officielle des parties
prenantes, a-t-il
identifié les moteurs, la faisabilité et l'impact de la mise en
oeuvre de l'ITIE ?
Dans certains pays, les parties prenantes sont
relativement peu nombreuses et faciles à identifier.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
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Cependant, dans beaucoup d'autres pays, où l'ampleur et
la complexité du secteur font proliférer les parties
intéressées, une analyse plus approfondie et formelle de ces
parties et des moteurs de la mise en oeuvre ITIE est indiquée, afin
d'orienter la décision du pays quant aux modalités de mise en
oeuvre de l'ITIE.
Action préconisée 2 : Le gouvernement a-t-il
émis une déclaration publique, sans équivoque, concernant
son intention de mettre en oeuvre l'ITIE ?
Pour commencer le processus de sensibilisation du public, le
gouvernement doit émettre - et publier dans les médias locaux -
une déclaration publique, sans équivoque, sur son engagement en
faveur des principes et de la mise en oeuvre de l'ITIE.
Etude de cas 1
Au Nigeria, les 28 membres du groupe de travail
national des parties prenantes (NSWG) représentent les parties prenantes
clefs identifiées. Il s'agit de la société civile (2), des
médias (1), de l'assemblée nationale (2), des assemblées
des Etats (2), des entreprises pétrolières nationales et
multinationales (3), du secteur privé organisé (4) et du
gouvernement fédéral (14)
La déclaration d'engagement vis-à-vis de la mise
en oeuvre, au lieu de se contenter d'approuver l'ITIE, doit indiquer les
mesures que le gouvernement a prises ou va prendre dans des délais
raisonnables (et précisés) pour respecter les critères
ITIE. Il appartient au chef de l'Etat ou à un représentant
désigné du gouvernement d'émettre cette
déclaration. Le gouvernement a intérêt à
créer, sur Internet, un site ITIE national sur lequel il publiera cette
déclaration. Une copie de la déclaration doit être
envoyée au Secrétariat international de l'ITIE pour qu'il la
publie sur son propre site Internet.
Action préconisée 3 : Le gouvernement a-t-il
étudié le cadre juridique pour identifier d'éventuels
obstacles à la mise en oeuvre de l'ITIE ?
Dès lors que l'ITIE rentre sans problème dans le
cadre juridique d'une administration fiscale qui fonctionne bien et
prévoit des mécanismes de contrôle fiscal, elle ne suppose
pas de charges extraordinaires pour le gouvernement. Cependant, quand cela
n'est pas le cas, d'autres dispositions sont à prendre : faire garantir
l'ITIE par la loi, établir de nouvelles politiques et lois relatives
à la transparence, aux recettes et aux industries, modifier les
politiques et lois existantes ayant trait à l'ITIE. Lorsque de mesures
législatives supplémentaires s'imposent, le gouvernement doit
d'abord s'assurer que les lois existantes sont claires et cohérentes.
Les gouvernements peuvent envisager de faire figurer, dans les lois
anti-corruption, la transparence de la gestion des recettes provenant des
industries extractives ou de compléter cette transparence par des
mesures contre la corruption ou prévoyant la protection juridique des
fonctionnaires qui dénoncent des pratiques qui vont à l'encontre
du bien public.
Action supplémentaire A3 : Le gouvernement a-t-il
publié sur son site Internet l'information
disponible sur les
recettes ? Aussi incomplets que soient les chiffres, la publication des
recettes
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
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connues - de préférence celles provenant du
secteur des industries extractives - peut servir de référence
pour juger des progrès en matière d'amélioration de la
qualité des données. L'idéal serait que le gouvernement
publie cette information sur son propre site Internet avec un lien clair au
site ITIE national. Ce premier rapport sur les recettes provenant des
industries extractives est un gage de l'engagement du gouvernement
vis-à-vis de la transparence.
Etude de cas 2
En République kirghize, des lois
spécifiques sont à promulguer pour autoriser l'audit
indépendant des entreprises d'Etat. En Azerbaïdjan, il n'y a pas de
modifications législatives à apporter, mais le protocole d'accord
entre les différentes parties prenantes a force de loi.
Etude de cas 3
Au Nigeria, un projet de loi sur l'ITIE complète
la législation proposée en matière de
responsabilité financière et de liberté de
l'information.
B. Mise en route
Action préconisée 4 : Le gouvernement a-t-il
nommé une personne pour diriger la mise en oeuvre de l'ITIE ? Cette
nomination a-t-elle fait l'objet d'une annonce publique ?
Le gouvernement doit nommer une personne haut placée,
qui bénéficie de la confiance de l'ensemble des parties
prenantes, pour diriger la mise en oeuvre de l'ITIE. Puisque cela suppose
normalement la collaboration de plusieurs ministères et agences, la
personne concernée doit être habilitée à
gérer ce processus. Jusqu'ici, ces responsables ont été
choisis au sein des ministères ou services pertinents. Ils ont parfois
besoin du soutien d'un adjoint et d'effectifs, mais la création d'une
unité spéciale n'est pas toujours nécessaire. Dans tous
les cas, les responsabilités du rôle de coordination doivent
être bien précisées et la personne concernée doit
être libre d'exercer ses fonctions en l'absence d'influence politique
injustifiable. Quand un site ITIE national est créé sur Internet,
le nom et les coordonnées de la personne doivent y figurer afin que l'on
puisse lui demander - et demander au gouvernement - de rendre des comptes.
Action préconisée 5 : Le gouvernement a-t-il
prévu la participation, aux organismes décisionnels de l'ITIE, de
cadres supérieurs des ministères et services pertinents? Tout en
sachant que les cadres supérieurs ont un emploi du temps très
chargé, l'ITIE nécessite la collaboration de toute une
série de ministères et d'agences gouvernementales aux niveaux
aussi bien central que régional. Il importe donc que le gouvernement
confirme la représentation d'un groupe spécifique de cadres
supérieurs au sein des comités officiels.
Action préconisée 6 : Le gouvernement s'est-il
engagé en faveur de la direction de l'ITIE par des représentants
gouvernementaux de haut niveau ? L'appui soutenu des hauts dirigeants
politiques aide souvent à maintenir le dynamisme de l'ITIE et à
résoudre les problèmes qui surgissent pendant la mise en
oeuvre.
Etude de cas 4
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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Au Ghana, les termes de référence
détaillés du secrétariat ITIE, unité
spéciale créée au sein du ministère des Mines qui
sert de point central de coordination, sont à la disposition du
public.
Etude de cas 5
En République kirghize, le comité ITIE
compte parmi ses membres les principaux conseillers du Premier ministre, ainsi
que les plus hauts fonctionnaires des ministères des Finances, de
l'Industrie et du Commerce, des Affaires étrangères et du service
juridique.
Etude de cas 6
En République kirghize, le comité
consultatif ITIE est présidé par Premier ministre, tandis que le
sousministre des Finances assure la présidence du comité
exécutif ITIE et dirige l'initiative dans son ensemble.
Action préconisée 7 : Le gouvernement a-t-il
établi une structure décisionnelle bien définie pour
l'ITIE ? Les décisions relatives à l'ITIE doivent être
prises en consultation avec un certain nombre de parties prenantes,
d'organisations, de représentants sectoriels et de partenaires
différents. Quelle que soit la structure de gouvernance que l'on choisit
afin de mettre en oeuvre l'ITIE, le gouvernement doit donc s'assurer que les
responsabilités et rôles décisionnels sont clairement
définis, que la consultation et la prise de décisions sont bien
coordonnées.
Action préconisée 8 : Le gouvernement a-t-il
confirmé un plan de travail pour la mise en oeuvre de l'ITIE ? Pour
marquer son engagement en faveur de la mise en oeuvre de l'ITIE, le
gouvernement doit se mettre d'accord avec les parties prenantes clefs sur un
plan de travail qu'il mettra à la disposition du public. Un plan de
travail pour la poursuite de la mise en oeuvre devrait prévoir, entre
autres, le renforcement des capacités du gouvernement, des industries et
des ONG locales, des mesures visant à faciliter le rapprochement des
paiements et des recettes, l'évaluation des progrès par rapport
aux objectifs fixés pour chaque acteur avec des coûts et des
délais convenus. Il est préférable de publier ce plan de
travail sur le site ITIE national pour que toutes les parties prenantes soient
informées à l'avance des actions et procédures
prévues, notamment en ce qui concerne le renforcement des
capacités, l'établissement des rapports et la diffusion des
résultats.
Action préconisée 9 : La composition des
comités officiels assure-t-elle une représentation
équilibrée des différentes parties prenantes? Compte tenu
du nombre vraisemblablement important de parties prenantes, alors qu'un
comité de coordination doit forcément limiter le nombre de ses
membres, une décision pragmatique doit être prise concernant la
composition du comité, pour que celui-ci respecte la diversité,
l'inclusion et la représentation des différentes parties
prenantes.
Etude de cas 7
Au Ghana, le comité exécutif (CE) a 17
membres : 12 représentants du gouvernement, une
association
industrielle qui représente les entreprises, des
représentants des donateurs et un groupe de la société
civile. A
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son tour, le CE organise une « table ronde »
pour discuter des différents points de vue à propos de l'ITIE et
transmettre les commentaires au CE.
Etude de cas 8
En Azerbaïdjan, les différentes parties
prenantes ont signé un protocole d'accord qui indique leurs rôles
et obligations respectifs. Il a été publié sur le site
ITIE national
http://www.oilfund.az/doc/memorandum_en.doc.
Action supplémentaire A9 : Les représentants des
entreprises et les organisations de la société civile au sein des
comités ITIE sont-ils de haut niveau?
Le niveau des représentants de la société
civile et des entreprises au sein des comités ITIE varie d'un pays
à l'autre, ce qui témoigne des différences sur le plan des
motivations des parties prenantes et des résultats escomptés de
la mise en oeuvre. On considère généralement, toutefois,
qu'une représentation de haut niveau de la société civile
et du secteur privé augmente l'efficacité des comités. En
plus d'une représentation de niveau convenable, il convient aussi
d'assurer un taux faible de renouvellement des membres ou bien, si cela
s'avère impossible, de veiller à ce que les organisations se
chargent de l'information complète de leurs nouveaux
représentants.
Action préconisée 9 a : Le gouvernement a-t-il
identifié et établi des mécanismes de vulgarisation
auprès d'un éventail plus large de parties prenantes ? Sur le
plan de la gouvernance, toutes les parties prenantes identifiées pendant
la phase d'adhésion doivent être en mesure de faire
représenter leurs propres intérêts dans le cadre du
développement de l'ITIE. Plus particulièrement, il importe de
toucher les petites et moyennes entreprises et les organisations de la
société civile et, au lieu de se limiter à la capitale, de
penser aussi aux organisations dans les régions. Comme mentionné
ci-dessus, le gouvernement a intérêt à créer un site
ITIE national sur Internet. Toutes les informations concernant l'organisation
du processus ITIE, la gouvernance et la vulgarisation peuvent y être
publiées.
Action préconisée 10 : Le gouvernement a-t-il
identifié et établi des sources de financement durable pour la
mise en oeuvre de l'ITIE ? Pour que le processus de mise en oeuvre puisse se
pérenniser, le gouvernement doit identifier dès que possible une
source nationale de financement durable. Il peut envisager de couvrir les
coûts de l'ITIE à partir des recettes pétrolières ou
minérales, éventuellement à l'issue d'une période
de mise en route : après les trois premiers cycles de
déclaration, par exemple.
Etude de cas 9
Le Nigeria, voulant assurer une large
représentation au sein du groupe de travail des parties prenantes, en a
changé la composition initiale pour inclure les médias, les
syndicats et un avocat. Les membres sont tenus de faire preuve de la
crédibilité nécessaire et de se faire accréditer
par le groupe qu'ils affirment représenter. Etude de cas 10
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Yaoundé II/Cameroun)
Certaines parties prenantes considèrent que le
comité exécutif au Ghana devrait s'élargir aux
représentants des petites et moyennes entreprises. Dans
l'intérêt de faire participer ce groupe, sa représentation
pourrait être organisée par le biais d'une association
sectorielle.
Etude de cas 11
Au Nigeria, le projet de loi ITIE propose une ligne
budgétaire d'appui à la mise en oeuvre de l'ITIE. Le gouvernement
du Kirghizistan a affecté, à l'audit de la société
minière d'Etat, une petite partie du produit de la vente de sa
participation dans une mine. En Azerbaïdjan, les entreprises et le
gouvernement prévoient de payer les coûts à tour de
rôle.
Action supplémentaire A10 : le gouvernement s'est-il
assuré de la disponibilité de capitaux de départ
auprès des organisations internationales ? Les organisations
internationales et certains pays se sont engagés à apporter un
soutien approprié, sur le plan financier, technique ou diplomatique, aux
pays ITIE lors des premiers stades de développement de l'ITIE. Etant
donné que ce soutien extérieur, qui peut porter, entre autres,
sur l'animation de réunions entre les partenaires ITIE ou l'envoi de
consultants techniques pour appuyer la mise en oeuvre, ne doit pas affaiblir
l'appropriation du processus par le gouvernement d'accueil, il convient
d'étudier la manière de pérenniser le soutien après
l'apport initial. Action préconisée 11 : Le gouvernement a-t-il
cherché à sensibiliser les agences gouvernementales et d'autres
acteurs clefs et parties intéressées aux enjeux de l'ITIE ?
L'ITIE étant un processus appartenant au gouvernement, celui-ci doit
penser d'abord à sensibiliser d'abord les organismes gouvernementaux
concernés (ministères du Pétrole ou des Mines,
ministère des Finances, Cour des comptes). Les agences gouvernementales
doivent veiller à ce que les Documents de stratégie sur la
réduction de la pauvreté, ainsi que les discussions et
consultations préalables à la rédaction des documents,
tiennent compte des enjeux des recettes tirées des ressources
naturelles. Dans le même temps, le gouvernement doit démarrer un
programme durable de renforcement des capacités des parties prenantes
clefs. Les enjeux des recettes provenant des industries extractives sont peu
connues ou mal comprises dans de nombreux pays (voir Etude de cas 13). Dans les
pays qui sont en train de mettre en oeuvre l'ITIE, les gouvernements ont
lancé une série de programmes de sensibilisation et de
renforcement des capacités pour un éventail plus large de parties
prenantes. Ces programmes peuvent concerner la participation des médias
au lancement de l'ITIE, l'élaboration d'une stratégie de
communication publique pour le ministère concerné ou
l'intégration, dans le programme d'enseignement des écoles
publiques, une présentation de l'importance à la fois des
recettes provenant des ressources et de l'obligation des gouvernements de
rendre des comptes.
Etude de cas 12
Au Ghana, DFID a apporté son concours à une
grande conférence de lancement de l'ITIE qui a : promu l'image de ITIE
et l'a mise plus en vue dans le pays ;
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
échangé des informations sur la situation
actuelle de l'ITIE dans d'autres pays pilotes ;
constaté l'état d'avancement de la mise en
oeuvre de l'ITIE dans le pays ; identifié les opportunités et
contraintes du processus ITIE.
Etude de cas 13
Lors d'une enquête sur les idées et
connaissances des parties prenantes au Nigeria, on a demandé aux
enquêtés (dont des travailleurs employés dans l'industrie
pétrolière, des hommes et femmes d'affaires et des enseignants) :
« Qui obtient quoi à partir d'un baril de pétrole ? »
Selon l'opinion générale, compte tenu d'un prix de 30$ le baril,
le coût de production serait de 5$ environ, le gouvernement obtiendrait
5$ et les 20$ restants seraient acquis à l'entreprise.
C. Développement du processus
Action préconisée 12 : La plupart des parties
prenantes clefs sont-elles d'accord avec le processus de conception des
modèles de déclaration ? Des exemples de gabarit (voir les
modèles de déclaration figurant en annexe au livre source) ont
été mis au point pour la divulgation des recettes dans le cadre
de l'ITIE. Pendant la mise en oeuvre de l'ITIE, les pays sont tenus de modifier
et d'élargir les modèles afin de tenir compte des situations et
exigences spécifiques au pays et au secteur.
Dans certains pays, la tâche de coordonner les
modifications des modèles de déclaration est confiée
à une personne ou une organisation, auquel cas il importe non seulement
de s'assurer des capacités techniques de cette dernière mais
aussi de veiller à ce qu'elle ait la confiance des parties prenantes
clefs auxquelles elle doit être accessible.
Action supplémentaire A12 : Des dispositions ont-elles
été prises pour aider les parties prenantes à comprendre
les modèles de déclaration et remplir les gabarits ? La
discussion et l'examen de l'ampleur de la divulgation dans les
déclarations se voient parfois limiter par un manque de connaissances
techniques permettant d'interpréter le détail des
différents flux de recettes pétrolières et minières
et de les comptabiliser correctement.
Action préconisée 13 : A-t-on nommé un
administrateur considéré par la plupart des parties prenantes
clefs comme digne de confiance et impartial ? Il convient de nommer un
administrateur pour recueillir et évaluer les données sur les
recettes présentées par les entreprises et le gouvernement. Les
parties prenantes doivent absolument croire à l'impartialité et
à la compétence de l'administrateur. Celui-ci peut être un
cabinet d'audit privé, un particulier ou un organisme officiel existant
ou spécialement créé que tout le monde considère
comme indépendant du gouvernement et à l'abri de son influence.
Les conflits d'intérêt, réels ou imaginés, peuvent
présenter des difficultés. Si, par exemple, l'administrateur
nommé est un cabinet d'audit qui s'occupe déjà de l'audit
de l'une des entreprises déclarantes, s'il est en relation avec un
responsable gouvernemental qui s'occupe des flux de recettes, on pourrait
croire à l'existence d'un conflit.
Etude de cas 14
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
En Azerbaïdjan, un comité spécial,
composé de représentants du gouvernement, des entreprises et des
ONG, a été créé pour gérer le processus
d'appel d'offres et nommer un administrateur indépendant (rôle que
joue actuellement un cabinet d'audit) chargé de compiler les chiffres
sur les paiements et recettes.
Action préconisée 14 : Des dispositions
ont-elles été prises pour assurer le financement durable du
rôle d'administrateur ? Suivant le niveau de détail exigé
par les parties prenantes, le processus de compilation ou d'audit des
données sur les recettes, présentées par l'ensemble des
agences gouvernementales concernées et toutes les entreprises
extractives, peut devenir assez complexe, ce qui ne manquera pas d'avoir des
conséquences sur le plan des coûts. Même lorsque le
financement initial provient d'une source extérieure, le gouvernement a
intérêt à identifier, dès le début, une
source de financement durable. Action préconisée 15 : Est-ce
qu'on a identifié les besoins en matière de renforcement des
capacités des parties prenantes clefs ? Les modalités de
déclaration dans le cadre de l'ITIE doivent être faciles à
comprendre, de façon à minimiser les besoins en renforcement des
capacités pour les gens susceptibles d'utiliser les rapports.
Néanmoins, pour que le processus soit crédible, il importe que
les parties prenantes clefs comprennent les mécanismes de
déclaration.
Le renforcement des capacités n'est pas une simple
question de suivi ou d'audit des compétences. Le gouvernement, les
organisations de la société civile et, dans certains cas, les
acteurs industriels font état de besoins en matière
d'établissement de réseaux et de renforcement des
capacités logistiques, techniques et décisionnelles, afin de
savoir « ce qu'il faut essayer de repérer » lors des
transactions industrielles et comment faire passer le message aux acteurs
gouvernementaux et industriels.
Action préconisée 16 : Des dispositions
ont-elles été prises pour la réalisation de programmes
formels et informels de renforcement des capacités avant la divulgation
? Il faut du temps pour aborder les besoins identifiés sur le plan des
capacités, d'où l'importance de s'y mettre dès que
possible. Avant la mise en oeuvre, des programmes adaptés de
sensibilisation et de renforcement des capacités par rapport aux aspects
importants de l'ITIE doivent être lancés.
Etude de cas 15
Au Nigeria, certains besoins de renforcement des
capacités ont déjà été identifiés,
dont :
le renforcement des capacités techniques des
organisations de la société civile pour qu'elles puissent jouer
leur rôle actuel d'une manière plus efficace
le renforcement des capacités techniques des
parties déclarantes afin qu'elles puissent remplir les gabarits le
renforcement des capacités logistiques du gouvernement pour rationaliser
les systèmes d'exécution
le renforcement des capacités du gouvernement en
matière d'établissement de réseaux pour une
meilleure
coordination des efforts
le renforcement des connaissances techniques permettant
de comprendre les recettes des industries pétrolière et
minière, les éléments de base de la gestion fiscale, les
rôles et responsabilités
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
'amélioration des capacités des ONG et
entreprises en matière de prise de décisions et
établissement du consensus.
Ceci permettra d'améliorer le processus dès le
début, tout en représentant une sorte de « victoire facile
» pour les pays cherchant à démontrer leur engagement
vis-à-vis de la mise en oeuvre. Comme dans le cas de la mise en oeuvre
en elle-même, il importe d'identifier des sources de financement durable
pour ces programmes.
Etude de cas 16
Au Nigeria, ce sont les donateurs internationaux qui,
jusqu'ici, ont contribué 90 % du financement destiné au
renforcement des capacités de la société civile pour
qu'elle puisse appuyer la mise en oeuvre de l'ITIE. Cependant, les
organisations de la société civile comprennent bien la
nécessité d'assurer des sources de revenus durables et souhaitent
recevoir des conseils en matière de développement de campagnes de
collecte de fonds au niveau local.
Mise en oeuvre
D. Divulgation et publication
Action préconisé 17 : Qu'est-ce qui sera
divulgué, qui va divulguer et comment ?
Pendant la phase de démarrage, le processus
d'élaboration des modèles de déclaration, pour les
entreprises et les gouvernements, doit être déterminé et un
administrateur chargé de produire le Rapport ITIE doit être
identifié. Au début de la mise en oeuvre, il importe de bien
préciser l'ampleur et la nature de la divulgation qui doit figurer dans
les déclarations. Le renforcement des capacités s'impose pour que
toutes les parties prenantes puissent participer à la discussion. Le
plus souvent, le gouvernement et les entreprises sont les principaux acteurs,
mais il est conseillé de tout faire pour assurer la participation de
l'ensemble des parties concernées. La décision relative à
l'ampleur de la divulgation est susceptible d'être conditionnée
par le régime fiscal qui, dans de nombreux cas, correspond au contrat de
partage de la production. Si les parties prenantes sont d'avis que certains
coûts admissibles (sécurité, formation, infrastructures)
doivent également y figurer, les détails peuvent être
repris dans des notes annexes. Plus généralement, les
déclarations ITIE peuvent utilement indiquer dans quelle mesure les
coûts sous-jacents des flux d'avantages ont fait l'objet d'un audit
indépendant.
Action préconisée 17 a. Quels sont les flux
d'avantages à déclarer ?
On entend par flux d'avantages toute source potentielle des
avantages économiques que le gouvernement d'accueil reçoit d'une
industrie extractive. Ces flux ne sont pas censés comprendre les
avantages économiques indirects tels que la construction des
infrastructures ou l'emploi de personnel local. Tous les flux d'avantages
pertinents doivent être déclarés. Un flux d'avantages
est
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
jugé pertinent si le rapport ITIE définitif risque
d'être faussé du fait de son omission ou sa déclaration
erronée.
Etude de cas 17
Questions relatives à l'ampleur de la divulgation
dans le modèle de déclaration au Nigeria :
Les coûts non techniques tels que les coûts
de sécurité sont-ils compris ?
De quelle manière sont présentés les
frais d'extraction dans un audit lorsque certaines sociétés
retiennent 3 % au titre du développement des infrastructures
nécessaires ?
Les dépenses consacrées par les
entreprises au développement des écoles et centres de
santé, ainsi qu'au paiement d'autres salaires, sont-elles
déclarées comme « coûts de production » ou comme
investissement social de l'entreprise ?
Etude de cas 18
Au Ghana, les organisations déclarantes ont
accepté de divulguer le montant des recettes semestrielles. Les
redevances, l'impôt sur les sociétés, la retenue de
l'impôt sur le revenu à la source, la cotisation pour la
reconstruction et les charges diverses sont autant de flux d'avantages
déclarés. Par ailleurs, les entreprises partenaires ont
décidé de publier les contributions - ventilées entre les
secteurs (éducation, santé, infrastructures) - apportées
aux communautés depuis 2002.
Il est conseillé de qualifier un flux d'avantages de
pertinent s'il représente : Alternative 1 : plus de A% de la valeur
totale de la production estimée par le gouvernement d'accueil pendant la
période de déclaration ; Alternative 2 : plus de B% de la valeur
totale de la production estimée par l'entreprise dans le pays d'accueil
pendant la période de déclaration ; Alternative 3 : plus de C
millions de USD [ou D millions en devise locale].
Exemples de flux d'avantages :
Flux d'avantages Description
détaillée
Droit du gouvernement d'accueil à la production. Il
s'agit de la part de la production totale réservée au
gouvernement d'accueil. Ce droit peut être transféré
directement au gouvernement d'accueil ou à l'entreprise d'Etat
nationale. Par ailleurs, ce flux peut être en nature et/ou en
espèces.
Droit de l'entreprise d'Etat nationale à la production.
Il s'agit de la part de la production totale réservée à
l'entreprise d'Etat nationale. Ce droit provient des prises de participation de
l'entreprise d'Etat nationale. Ce flux peut être en nature et/ou en
espèces.
Impôts sur les bénéfices
Ce sont les impôts prélevés sur les
bénéfices des activités en amont de l'entreprise.
Redevances
Les dispositions relatives aux redevances varient en fonction
du régime fiscal des gouvernements d'accueil. A titre d'exemple, une
entreprise peut être tenue de vendre l'ensemble de la production et de
verser au gouvernement une proportion du produit de la vente. Dans d'autres
cas, le
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 426 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
gouvernement d'accueil s'intéresse plus directement
à la production sous-jacente et prend des dispositions de vente
indépendamment du concessionnaire. Ces « redevances »
ressemblent davantage au droit d'un gouvernement d'accueil à la
production.
Flux d'avantages Description
détaillée
Dividendes Dividende versé au gouvernement d'accueil en
tant qu'actionnaire de l'entreprise d'Etat nationale au titre des actions ou de
toute distribution de bénéfices concernant toute forme de capital
autre que les créances ou le capital d'emprunt.
Prime (signature, découverte, production)
Paiements liés aux primes au titre ou en récompense
:
des adjudications, attributions et transferts de droits
d'extraction ;
de la réalisation de certains niveaux de production ou
accomplissement de certains objectifs ; de la découverte de
réserves/gisements supplémentaires de minerais.
Frais d'attribution de permis, frais de location, « droits
d'entrée » et autres contreparties de licence et/ou concession
Paiements au gouvernement d'accueil et/ou à l'entreprise
d'Etat nationale au titre :
de l'acceptation et/ou du commencement de l'exploration et/ou du
maintien d'un permis ou d'une concession (frais d'attribution de
permis/concession)
de la réalisation de travaux d'exploration et/ou collecte
de données (« droits d'entrée »). Ces paiements sont
susceptibles d'être effectués pendant la pré-production.
de la location/location à bail de la concession ou de la
zone d'exploitation.
Autres avantages importants pour les gouvernements d'accueil
Les taxes prélevées sur le revenu, la production
ou les bénéfices des entreprises font partie de ces flux
d'avantages, qui excluent les taxes prélevées sur la consommation
: taxes sur la valeur ajoutée, impôts sur le revenu personnel,
taxes sur les ventes.
Il faut, pour assurer une transparence complète,
prêter une attention toute particulière à
l'évaluation des flux d'avantages en nature, sous peine de voir surgir
des écarts sensibles. A titre d'exemple, la république du Congo
utilise le « prix fiscal » (un prix convenu par baril) pour convertir
les « coûts en dollars » en « coûts en barils »
lors du calcul des barils de bénéfices à partager selon
les termes des contrats de partage de la production. Si un tel prix de
référence était utilisé dans les modèles de
déclaration, il faudrait y rajouter des notes indiquant qui a vendu le
pétrole, qui a profité de la vente, quel prix a été
obtenu et quel était le rapport entre ce prix et le prix de
référence. Par ailleurs, les notes pourraient comparer les prix
de référence utilisés aux prix de référence
internationalement admis.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Action supplémentaire A17 a : Existe-t-il d'autres flux
d'avantages pouvant être déclarés à titre facultatif
? Il existe parfois des flux d'avantages qui ne sont pas très importants
mais que les entreprises ou des gouvernements d'accueil souhaitent
déclarer volontairement. Lorsque de tels flux d'avantages sont
identifiés, il importe de s'assurer que leur déclaration n'influe
pas sur la compréhension de l'information présentée.
Action préconisée 17 b : Comment s'assurer que toutes les
entreprises présentent des déclarations ? Les gouvernements
doivent étudier les meilleurs moyens de s'assurer que toutes les
entreprises présentent leur déclaration au moment voulu et
suivant le modèle convenu. Si, dans certains pays, il suffit de
prévoir des accords volontaires avec les entreprises, la création
d'un cadre juridique peut s'avérer nécessaire dans d'autres pays.
On peut s'attendre à ce que les gouvernements mettant en oeuvre l'ITIE
viennent au bout de toutes les possibilités légales de
contraindre les entreprises à collaborer. Par ailleurs, ils peuvent
envisager de faire de la collaboration ITIE une condition de tout contrat avec
une entreprise nouvelle ou existante.
L'obligation de présenter des déclarations ITIE
doit s'appliquer à toutes les entreprises extractives (y compris les
entreprises internationales, nationales et d'Etat) présentes dans le
pays. Une entité (petit exploitant) doit être
exonérée de cette obligation uniquement lorsqu'elle est en mesure
de démontrer, avec un degré élevé de certitude, que
les montants qu'elle déclare seraient de toute façon sans
importance. Il se peut que certains gouvernements souhaitent déclarer la
somme du flux d'avantages provenant de ces petits exploitants. Lorsque celle-ci
représente une partie importante des recettes totales perçues,
l'établissement d'un seuil convenable est d'une importance capitale.
Action préconisée 17 c : De quelle manière
les gouvernements et entreprises vont-ils présenter leurs
déclarations ?
La discussion des projets de modèles de
déclaration doit aboutir à un accord sur les principes et le
traitement comptables des déclarations dans le cadre de l'ITIE afin de
pouvoir comparer l'information provenant respectivement des entreprises et du
gouvernement d'accueil.
Des différences sur le plan des périodes
comptables, des devises et des unités peuvent être la source
d'écarts justifiables, dépassant de loin les marges d'erreur
normalement acceptées, entre l'état consolidé des recettes
du gouvernement et l'état consolidé des contributions des
entreprises. Pour réduire les écarts justifiables et
éviter de retarder le processus de divulgation, ces variables doivent
être normalisées au moyen d'une procédure comptable
mutuellement agréée.
L'expérience acquise lors de la mise en oeuvre permettra
sans doute de perfectionner ces consignes.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Système comptable : Etant donné
que les gouvernements d'accueil ne sont généralement pas en
mesure d'estimer les comptes de régularisation des recettes attendues
des entreprises pour une période donnée, il est conseillé
à toutes les entités de tenir une comptabilité de caisse.
Puisque la méthode de la comptabilité d'exercice est
utilisée pour les rapports réguliers des entreprises, on peut
demander aux commissaires aux comptes des entreprises d'inclure un compte
collectif en vue de rapprocher les paiements en espèces et l'information
comptable dans leurs états financiers.
Devise comptable : Les gouvernements et les
entreprises doivent se mettre d'accord sur la devise comptable. Dans le cas du
secteur minier, où la plupart des flux d'avantages sont versés en
devise locale, il est conseillé de se servir de cette dernière
comme unité de compte, tandis que l'unité de compte doit
être le dollar US pour le secteur des hydrocarbures, puisque le cours du
marché est exprimé en dollars US. Néanmoins, un pays peut
choisir de publier les paiements et recettes ITIE à la fois en devise
locale et en dollars US - pour que les chiffres soient plus
compréhensibles pour la population locale, par exemple. Pour les
opérations effectuées dans des devises autres que l'unité
de compte, il est conseillé de se servir du taux de change mensuel ou
trimestriel moyen pour la conversion en devise comptable.
Période comptable : Puisque, pour la
plupart, les entreprises pétrolières, gazières et
minières, rédigent des rapports internes mensuels ou trimestriels
mais des rapports externes annuels, il faut se mettre d'accord sur la
périodicité qui convient le mieux aux entités
déclarantes. Les déclarations ITIE doivent être
préparées au moins tous les ans, mais des déclarations
semestrielles peuvent être plus indiquées dans certains cas.
Présentation des gabarits (modèles de
déclaration) : Les entreprises et le gouvernement ont
intérêt à synchroniser autant que possible la
présentation des déclarations par les administrateurs, afin de
garantir la crédibilité du processus.
Par ailleurs, les déclarations doivent être
présentées en temps opportun. Plus le temps de préparation
est long, moins les déclarations sont utiles aux fins des débats
politiques relatifs aux paiements et recettes signalées.
Action préconisée 18 : Les déclarations
présentées sur les paiements et recettes sont-elles
crédibles ?
La crédibilité du processus ITIE passe par la
crédibilité des données relatives aux paiements et
recettes qui sont présentées à l'administrateur par les
entreprises et le gouvernement. Il est conseillé de s'en tenir, dans la
mesure du possible, aux procédures et institutions existantes et aux
normes internationales. Dans la pratique, le processus pourrait être le
suivant :
Les entreprises obtiennent de la part de leur commissaire aux
comptes externe un avis selon lequel l'information qu'elles prévoient de
présenter aux fins de l'ITIE correspond à leurs états
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
financiers. Une demande de « procédures
spéciales » peut être jointe aux termes de
référence de l'audit externe. Les commissaires aux comptes ont
à rapprocher la comptabilité de caisse des entreprises et les
états financiers préparés selon la méthode de la
comptabilité d'exercice. Il convient de respecter les normes
internationales pertinentes en matière d'audit.
De même, le commissaire aux comptes du gouvernement doit
donner un avis sur l'exactitude des comptes présentés par le
gouvernement.
Action préconisée 18 a. Si de tels audits
n'existent pas déjà, un cabinet ou des cabinets d'audit ont-ils
été identifiés pour mener un audit crédible et
indépendant des paiements et recettes ?
Tous les paiements et recettes déclarés dans le
cadre de l'ITIE doivent faire l'objet d'un audit indépendant
crédible. Lorsque les entreprises présentent des données
sur les paiements qui ont été vérifiées par leur
propre commissaire indépendant, il n'y a normalement pas besoin d'un
autre audit. Quand ces audits n'ont pas lieu - ou si l'audit n'est pas
jugé crédible - il faut passer à l'audit,
éventuellement en nommant un commissaire aux comptes suivant une
procédure de soumission concurrentielle indépendante.
Action préconisée 19 : De quelle façon
l'administrateur va-t-il préparer le Rapport ITIE ? L'administrateur
identifié pendant la phase de démarrage reçoit
les déclarations des entreprises et du gouvernement et cherche à
rapprocher les comptes respectivement des entreprises et du gouvernement pour
en faire la base du Rapport ITIE du pays exécutant. L'avis d'un
commissaire aux comptes indépendant peut être demandé sur
le Rapport ITIE.
Une procédure doit être arrêtée pour
régulariser tout écart ou manque de cohérence
constaté dans le Rapport ITIE. Si le rapprochement des comptes fait
apparaître des discordances nécessitant la modification des
déclarations, le commissaire aux comptes externe de l'entreprise ou le
commissaire aux comptes du gouvernement, selon les cas, doit approuver les
modifications. Il convient de discuter des mesures à prendre en cas
d'irrégularités importantes non résolues.
Action supplémentaire A19 a : Est-ce qu'on a
identifié une marge d'erreur acceptable dans le cadre du processus de
déclaration ? Lorsqu'elles se sont mises d'accord sur la normalisation
du processus de déclaration, les parties prenantes clefs doivent, avant
la mise en oeuvre, arrêter une marge d'erreur acceptable par rapport
à tout écart constaté par l'administrateur entre les
contributions versées par l'industrie extractive et les recettes
d'extraction perçues par le gouvernement d'accueil.
Etude de cas 19
En Azerbaïdjan, les « attributions du
commissaire aux comptes » indiquent les procédures de gestion des
écarts et irrégularités dépassant une marge
d'erreur convenue :
(a) En cas d'irrégularités, le
comité doit fournir au cabinet d'audit une analyse
détaillée du montant global et de la ventilation entre les
entreprises individuelles.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
(b) Si cette analyse ne permet pas de résoudre les
irrégularités constatées, le cabinet d'audit y attirera
l'attention des entités déclarantes concernées auxquelles
il sera demandé de présenter des pièces
justificatives.
Certaines parties prenantes ITIE affirment, compte tenu du
fait que les premières étapes de tout nouveau programme ou
initiative sont souvent caractérisées par un certain nombre
d'erreurs, que la marge d'erreur acceptable pour le premier cycle de
déclaration devrait être plus importante ou qu'un rapport «
de vérification » devrait être préparé, sans
être publié, qui identifie et gère les « écarts
justifiables » afin d'éviter toute controverse publique inutile.
Action supplémentaire A 19b : Des dispositions
ont-elles été prises pour qu'un audit indépendant des
chiffres déclarés puisse être mené si la plupart des
parties prenantes le demandent ? Dans certains pays, l'inquiétude
relative à la crédibilité des audits existants ou au
processus de déclaration peut amener les parties prenantes à
demander la nomination d'un commissaire aux comptes indépendant pour
compiler et évaluer les données présentées par les
entreprises et le gouvernement sur les paiements et recettes.
Même lorsqu'il est décidé de ne pas mener
un deuxième audit de déclarations déjà
vérifiées, rien n'empêche l'administrateur d'accéder
aux données des entreprises ou du gouvernement si cela s'avère
nécessaire pour régulariser les discordances des
déclarations relatives aux paiements et recettes.
Action préconisée 20 : De quelle façon le
Rapport ITIE va-t-il être divulgué ?
Les parties prenantes doivent se mettre d'accord sur
l'attribution de la responsabilité de divulguer les résultats de
la mise en oeuvre de l'ITIE. Dans certains cas, l'administrateur peut aussi
être chargé de la divulgation mais, jusqu'ici, on a
généralement préféré nommer une organisation
différente. Quelle que soit l'organisation (ou la personne)
chargée de divulguer les résultats, elle doit être
considérée par la plupart des parties prenantes clefs comme
impartiale et digne de confiance. Par ailleurs, elle doit posséder la
capacité et l'aptitude à divulguer les résultats d'une
manière compréhensible et à les diffuser au public d'une
manière accessible.
Etude de cas 20
La Cour des comptes de la République kirghize a
décidé que la marge d'erreur en matière d'écarts
entre les chiffres du gouvernement et des industries extractives ne doit pas
dépasser 1 %.
Etude de cas 21
Au Nigeria, toutes les parties se sont mises d'accord,
afin de renforcer la confiance du public, que les paiements
déclarés dans le cadre de l'ITIE doivent faire l'objet d'un
audit. Le processus de sélection du commissaire aux comptes
indépendant a été décidé et un appel
d'offres a été lancé.
Etude de cas 22
En République kirghize, la Commission
statistique est chargée de la divulgation, cette responsabilité
incombant à la Commission ITIE nationale en Azerbaïdjan. Au
Nigeria, la décision sera prise par le groupe de travail national des
parties prenantes.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
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Yaoundé II/Cameroun)
Action préconisée 20 a : Faut-il présenter,
dans le Rapport ITIE, des agrégats ou des données
ventilées ?
Les parties prenantes doivent décider si elles
souhaitent que les déclarations des entreprises et du gouvernemental
d'accueil mis à la disposition du public présentent des
agrégats ou des donnés ventilées. La décision
définitive incombe au gouvernement d'accueil.
Dans le cas d'une divulgation globale, un seul chiffre
(agrégat) est divulgué pour chaque flux d'avantages, d'où
la nécessité de veiller à ce que le processus
d'agrégation soit jugé fiable.
Dans le cas d'une divulgation ventilée,
l'agrégat est ventilé entre les entreprises et/ou les
permis/concessions, d'où la nécessité de veiller à
ce que les données ventilées soient comparables et
compréhensibles. L'ITIE a pour principe d'atteindre son objectif d'une
plus grande transparence tout en respectant les contrats et lois existants. Il
faut veiller tout particulièrement à maintenir l'équilibre
entre la présomption de divulgation suivant l'ITIE et le souci de
préserver la confidentialité commerciale des entreprises.
E. Diffusion auprès du public et discussion
:
Action préconisée 21. Le Rapport ITIE est-il
accessible et compréhensible ? La mise en oeuvre complète de
l'ITIE dans son ensemble exige la divulgation de la totalité des
paiements et recettes d'une manière accessible, détaillée
et compréhensible pour le grand public. Dans de nombreux pays, il
convient de publier le Rapport ITIE sur Internet, sur le site ITIE national
dont l'établissement est conseillé lors du démarrage. Le
processus de diffusion des résultats doit tenir compte du fait que
toutes les différentes parties prenantes n'ont pas le même
accès aux données, d'où l'intérêt de faire
appel à toute une série de médias : journaux,
télévision, radio, ateliers locaux.
Etude de cas 23
En Azerbaïdjan, compte tenu des soucis
exprimés quant aux clauses de confidentialité des entreprises,
l'approche globale a été adoptée pour le premier cycle de
déclaration.
En République Kirghize, la question
d'agrégation de ne se pose pas de la même façon, le secteur
étant dominé par une seule entreprise.
Etude de cas 24
Au Nigeria, les parties prenantes proposent à
l'organisation déclarante de prévoir une série de
programmes portant aussi bien sur la divulgation que sur la sensibilisation
à l'ITIE, y compris des débats télévisés,
des émissions radio en langues locales, des sites Internet, des
brochures et des séminaires dans les établissements scolaires et
universités.
Etude de cas 25
Suivant les consignes relatives aux déclarations
ITIE, au Ghana, les résultats doivent être « faciles
à
comprendre pour un utilisateur ayant des connaissances raisonnables
du secteur minier ... et prêt à étudier
l'information
assez consciencieusement ». Le groupe de travail consultatif, au Nigeria,
déclare que les résultats
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
doivent être « factuels,
non-interprétatifs et simples » et il propose, à l'instar de
la coalition en Azerbaïdjan, qu'une brochure explicative accompagne les
résultats.
Action préconisée 21 a : Des procédures
permettant d'assurer une diffusion large des résultats sont-elles en
place ?
Pour que la mise en oeuvre de l'ITIE dans un pays ne soit pas
un simple exercice technique de divulgation, il importe d'assurer une large
diffusion des résultats, plaçant les recettes
pétrolières, gazières et minières dans le contexte
de la gestion globale des finances publiques. Les gouvernements sont
incités tout particulièrement à mettre en application les
principes, proposés par le Code des bonnes pratiques en
matière de transparence des finances publiques du FMI, de
préparation, exécution et information budgétaires
transparentes, en même temps qu'ils lancent des campagnes de
vulgarisation bien ciblées. La plupart des pays qui ont commencé
à mettre en oeuvre l'ITIE prévoient d'organiser une série
de séances et ateliers d'information - aux niveaux national et local -
afin de favoriser une présentation responsable des enjeux. Les
résultats doivent être compréhensibles pour les parties
prenantes, d'où l'importance de prendre en considération les
questions linguistiques, notamment la traduction en langues locales le cas
échéant.
Action préconisée 22 : Les parties prenantes
clefs ont-elles participé à une discussion des résultats
sur le plan des recettes et paiements déclarés ? Une fois que les
résultats seront dans le domaine public, le gouvernement doit se montrer
proactif et organiser une discussion publique sur les recettes
déclarées. Pour que l'ITIE soit efficace, les acteurs clefs
doivent être en mesure de discuter, évaluer et interpréter
les résultats. Cette discussion témoigne de la volonté du
gouvernement de prendre ses responsabilités et rendre des comptes sur
les recettes des industries extractives.
Action supplémentaire A 22 : Cette discussion s'est-elle
élargi aux parties intéressées dans le sens plus large
?
La participation d'autres parties intéressées au
stade de discussion peut enrichir le processus. Dans la mesure du possible, des
mécanismes doivent être prévus pour que ces parties
puissent exprimer leurs points de vue et aider à interpréter les
chiffres déclarés, car l'intégration de leurs
contributions est susceptible d'assurer un soutien plus large et de renforcer
la légitimité du processus et des institutions
concernées.
Etude de cas 26
En République kirghize, le ministère des
Finances envisage de créer un service de communications chargé du
dialogue avec le public à propos de la gestion des finances
publiques.
Examen de la mise en oeuvre de l'ITIE
F. Examen
Action préconisée 23 : Des dispositions ont-elles
été prises pour le suivi et évaluation de l'ITIE ?
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Un examen du processus ITIE permet au pays d'évaluer
les avantages de la mise en oeuvre, de montrer aux autres les performances du
pays et de se concentrer sur l'amélioration de la mise en oeuvre
à l'avenir. Il incombe aux parties prenantes clefs de déterminer
les termes de référence de l'examen et d'y participer
(grâce aux enquêtes ou entretiens). Pendant cette phase, les
organisations de la société civile, chargées d'assurer une
surveillance complémentaire du processus, ont l'occasion de collaborer
étroitement avec le gouvernement.
Action supplémentaire A23 a : Existe-t-il un
mécanisme formel d'évaluation indépendante ? L'existence
d'un mécanisme formel d'évaluation indépendante a pour
avantage de renforcer la crédibilité du processus ITIE aux yeux
des parties prenantes à la fois nationales et internationales. Un
évaluateur indépendant peut présenter un rapport impartial
allant au coeur de questions importantes, notamment « Le processus
sera-t-il durable ? » et « Quels sont les enseignements à
tirer afin d'améliorer les rôles du gouvernement, des industries
extractives et de la société civile ?» Action
supplémentaire A23 b : Les renseignements tirés ont-ils
été transmis à d'autres pays et parties prenantes ?
L'échange des enseignements tirés, avec d'autres
pays qui mettent en oeuvre ou envisagent de mettre en oeuvre l'ITIE, aide ces
pays tout en permettant au pays qui communique les enseignements de s'attribuer
le mérite des réformes qu'il a entreprises. Il incombe au
Secrétariat ITIE de coordonner l'échange des expériences -
au moyen d'ateliers régionaux et mondiaux, de révision du livre
source et de publication sur le site Internet ITIE.
Action préconisée 24 : La conception des processus
décisionnels et autres a-t-elle été influencée par
des mécanismes de restitution ?
La mise en oeuvre de l'ITIE doit se perfectionner à la
lumière des expériences, car il s'agit d'un processus «
d'apprentissage sur le tas ». L'efficacité et la durabilité
de la mise en oeuvre passent par la restitution aux parties prenantes et
l'intégration de leurs réactions.
Chapitre 3
Conseils indicatifs à l'intention des entreprises
extractives Vue d'ensemble
La mise en oeuvre de l'ITIE incombe aux différents pays
riches en ressources. Cependant, l'ITIE reconnaît que les entreprises ont
également un rôle critique à jouer pour que les objectifs
soient atteints. Aucune distinction n'est actuellement opérée
entre les entreprises internationales, nationales, publiques ou privées,
malgré le fait qu'un certain nombre des actions supplémentaires
proposées ne s'appliquent pas à toutes les entreprises (question
qui fera l'objet d'un traitement supplémentaire dans les éditions
futures du livre source). Les présentes consignes portent sur les
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
différents rôles pouvant être joués par
les entreprises extractives, en séparant le rôle d'approbation de
l'ITIE du rôle d'appui au niveau des pays (aussi bien exécutants
que non exécutants).
Résumé des actions
préconisées et supplémentaires pour les
entreprises
Tout en reconnaissant aussi bien le caractère
volontaire de l'ITIE que l'intérêt des entreprises extractives (et
d'autres parties prenantes) à identifier les mesures qu'elles peuvent
prendre en appui à l'ITIE, les présentes consignes identifient
les actions (en vert foncé) que les entreprises soutenant l'ITIE sont
encouragées à réaliser pour que la mise en oeuvre soit
efficace, ainsi que les actions supplémentaires (en vert) qu'elles
peuvent réaliser pour améliorer la mise en oeuvre. Ces actions
viennent en appui aux actions décrites dans les conseils indicatifs
à l'intention des pays riches en ressources.
Actions des entreprises Actions supplémentaires
des entreprises
Approbation
A. Adhésion
25. L'entreprise a-t-elle émis une déclaration
publique, sans équivoque, concernant son intention d'appuyer la mise en
oeuvre de l'ITIE ? A25. L'ITIE est-elle intégrée dans les
politiques et/ou le système de rapports internes ?
26. L'entreprise a-t-elle nommé une personne
chargée de diriger la mise en oeuvre de l'ITIE ?
B. Soutien international
Intervenir lors des conférences ;
Intervenir lors des conférences internes et externes au
sujet de la transparence/gestion des recettes et de l'ITIE ;
Commenter les révisions des documents de base orientant la
mise en oeuvre de l'ITIE ;
Faciliter la collecte d'exemples de bonnes pratiques ITIE et en
assurer la diffusion à l'échelle mondiale ;
Evoquer l'ITIE dans le cadre de l'interaction stratégique
avec leur propre gouvernement (ou tout autre gouvernement) ;
Se montrer proactives vis-à-vis des parties prenantes pour
inciter à la transparence des recettes ; Appuyer l'intégration
des approches ITIE dans les pratiques exemplaires et les lignes directrices des
industries extractives ; collaborer lors de la mise en application.
Appui au niveau du pays
27. L'audit de l'entreprise satisfait-il aux normes
internationales ?
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
A27. L'entreprise a-t-elle encouragé d'autres entreprises
à préconiser une plus grande transparence ?
C1. Pays exécutant
28. L'entreprise s'est-elle engagée vis-à-vis du
démarrage de l'ITIE dans les pays exécutants où elle
opère ?
29. L'entreprise s'est-elle engagé vis-à-vis de la
mise en oeuvre de l'ITIE dans les pays exécutants où elle
opère ?
30. L'entreprise s'est-elle engagé vis-à-vis de
l'examen de l'ITIE dans les pays exécutants où elle opère
?
. Pays non-exécutant
Discuter de la transparence avec les donateurs et IFI ;
Organiser des ateliers.
Approbation
A. Adhésion
Action des entreprises 25 : L'entreprise a-t-elle émis une
déclaration publique, sans équivoque, concernant son intention
d'appuyer les pays ayant choisi de mettre en oeuvre l'ITIE ?
Toutes les entreprises extractives sont encouragées
à approuver les principes et critères ITIE. Elles sont
également incitées à indiquer leur volonté d'aider
les pays qui choisissent de mettre en oeuvre l'ITIE. Compte tenu du fait que la
responsabilité de la mise en oeuvre incombe essentiellement au pays
concerné, les entreprises doivent éviter de donner l'impression
d'exercer une pression sur les pays d'accueil. La déclaration
d'approbation, émise par le PDG ou un représentant
délégué, doit être publiée sur le site
Internet de l'entreprise et/ou dans un rapport annuel ; une copie de la
déclaration doit être envoyée au Secrétariat
international ITIE en vue de sa publication sur le site Internet ITIE. La
déclaration peut présenter une liste des pays dans lesquels
l'entreprise est présente et a l'intention d'appuyer la mise en oeuvre
de l'ITIE.
Action supplémentaire des entreprises A25 : L'ITIE
est-elle intégrée dans les politiques et/ou le système de
rapports internes ?
Une entreprise peut envisager d'intégrer les principes
et critères ITIE dans sa propre politique générale ou ses
rapports internes. Par ailleurs, les entreprises peuvent envisager d'informer
leur personnel des possibilités d'appui à la mise en oeuvre de
l'ITIE dans les pays exécutants où elles sont
présentes.
Action des entreprises 26 : L'entreprise a-t-elle nommé
une personne chargée de diriger la mise en oeuvre de l'ITIE ?
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
L'entreprise doit charger un cadre supérieur de diriger
la mise en oeuvre de l'ITIE et la sensibilisation au sein de l'entreprise. Elle
peut envisager de publier le nom et les coordonnées du responsable sur
son site Internet.
B. Soutien international
Au siège et/ou au niveau international, les entreprises
ont la possibilité d'appuyer le développement et le
perfectionnement de l'ITIE par la réalisation des actions suivantes,
entre autres :
Intervenir lors des conférences internes et externes au
sujet de la transparence/gestion des recettes et de l'ITIE ;
Commenter les révisions des documents de base orientant la
mise en oeuvre de l'ITIE ;
Faciliter la collecte d'exemples de bonnes pratiques ITIE et en
assurer la diffusion à l'échelle mondiale ;
Evoquer l'ITIE dans le cadre de l'interaction stratégique
avec leur propre gouvernement (ou tout autre gouvernement) ;
Se montrer proactives vis-à-vis des parties prenantes pour
inciter à la transparence ;
Appuyer l'intégration des approches ITIE dans les
pratiques exemplaires et les lignes directrices de l'industrie ; collaborer
lors de la mise en application.
Appui au niveau du pays
Action des entreprises 27 : L'audit de l'entreprise satisfait-il
aux normes internationales ?
On peut s'attendre à ce que les entreprises
internationales se conforment aux normes en matière de transparence et
de divulgation, liées à l'audit, suivant les principes de gestion
d'entreprise de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCED). Par ailleurs, ces entreprises sont normalement
tenues, du fait des règles en matière de cotation
boursière, de se conformer aux normes internationalement
acceptées de comptabilité et d'audit, y compris les
recommandations de la Déclaration sur les pratiques conseillées
du Comité comptable de l'industrie pétrolière (2001).
Le projet de guide du FMI, qui recommande que les entreprises
nationales et d'Etat soient tenues de respecter les normes universelles en
matière d'audit, note qu'une surveillance de la part de la Cour des
comptes pourrait être indiquée, là où le mandat de
cette institution s'étend à l'audit des entreprises d'Etat. Une
entreprise doit réagir positivement et publiquement face à tout
changement d'orientation du gouvernement d'accueil en faveur d'une transparence
accrue. Selon les cas, elle peut prendre des mesures en partenariat avec
d'autres entreprises opérant dans le pays.
Action supplémentaire des entreprises A27 : A27.
L'entreprise a-t-elle encouragé d'autres entreprises à
préconiser une plus grande transparence ?
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Certaines entreprises sont en mesure d'encourager d'autres
entreprises opérant dans ces pays à donner une réponse
positive aux démarches du pays d'accueil, démontrant ainsi la
totalité de la contribution apportée par le secteur à
l'économie du gouvernement d'accueil. Lorsqu'un gouvernement d'accueil
décide de mettre en oeuvre l'ITIE, les entreprises qui connaissent mieux
l'ITIE devraient se charger d'informer d'autres entreprises opérant dans
le pays qui ne sont pas au courant de l'initiative.
C1. Pays exécutant
Selon les principes ITIE, toutes les entreprises extractives
dans un pays exécutant doivent être tenues de présenter des
déclarations. C'est aux pays exécutants de décider de la
meilleure façon d'obtenir la déclaration de chaque entreprise en
temps opportun : accord volontaire ou établissement d'un cadre juridique
en fonction des circonstances du pays [action préconisée pour les
pays 17 b].
Si le pays dans lequel opère une entreprise a choisi de
mettre en oeuvre l'ITIE, il est normal que l'entreprise participe aux efforts
du pays dès le début. Les principales responsabilités des
entreprises concernent la préparation des déclarations suivant
les gabarits [voir les actions préconisées pour les pays dans les
sections C et D - développement du processus]. En tant que parties
prenantes, la plupart des entreprises doivent également jouer un
rôle dans d'autres aspects de la mise en oeuvre.
Action des entreprises 28 : [Démarrage dans le
pays] : L'entreprise s'est-elle engagé vis-à-vis du
démarrage de l'ITIE dans les pays exécutants où elle
opère ? Pour s'engager sans réserve vis-à-vis du
démarrage :
L'entreprise a-t-elle identifié - et prévu dans
son budget - les coûts (frais indirects, renforcement des
capacités, coûts indirects tels que le temps de travail du
personnel) de sa participation à la préparation des
déclarations ITIE et à d'autres éléments du
processus ITIE [action préconisée pour les pays 15] ?
L'entreprise a-t-elle participé à l'identification
d'un administrateur et/ou d'un commissaire aux comptes [action
préconisée pour les pays C13] ?
L'entreprise a-t-elle pris contact avec les parties prenantes
pour les aider à comprendre la transparence des recettes [action
préconisée d'appui aux pays 11] ?
L'entreprise a-t-elle pris contact avec les parties prenantes
pour évaluer les besoins en matière de renforcement des
capacités ; est-ce qu'elle a décidé de l'appui qu'elle
pourrait donner par rapport à l'action préconisée pour les
pays 16 ?
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Action des entreprises 29 : [Mise en oeuvre dans le
pays] : s'est-elle engagé vis-à-vis de la mise en oeuvre de
l'ITIE dans les pays exécutants où elle opère ?
Pour s'engager sans réserve vis-à-vis de la mise en
oeuvre :
L'entreprise a-t-elle amorcé un dialogue avec le
gouvernement concernant l'élaboration des modèles de
déclaration [action préconisée pour les pays 12] ?
Une décision a-t-elle été prise quant
à la divulgation (agrégats ou données ventilées)
[action préconisée pour les pays 20 a] ?
Le consensus est-il atteint quant au choix des flux d'avantages
à déclarer [action préconisée pour les pays 17 a]
?
Le consensus est-il atteint quant à la ventilation :
entre les échelons du gouvernement et entre les types de paiement (droit
à la production, redevances, frais, etc.) [action
préconisée pour les pays 17 a] ?
L'information de l'entreprise est-elle présentée
dans le format convenu - en retenant le système, la
périodicité, la méthode de comptabilité et
l'unité de compte qui ont été arrêtés [action
préconisée pour les pays 17 c] ?
L'entreprise a-t-elle chargé son commissaire aux comptes
externe de l'audit de ses déclarations de paiements (comptabilité
de caisse) pour les pays exécutants [critère ITIE 2] ?
L'entreprise a-t-elle participé à la nomination
d'une agence de divulgation digne de confiance et impartiale [action
préconisée pour les pays 20] ?
L'entreprise a-t-elle pris part à la diffusion
auprès du public et à la discussion des résultats [action
préconisée pour les pays 22] ?
Action des entreprises 30 : [Examen dans le pays]
:L'entreprise s'est-elle engagé vis-à-vis de l'examen de l'ITIE
dans les pays exécutants où elle opère ?
Pour s'engager sans réserve vis-à-vis de l'examen
:
L'entreprise a-t-elle participé à la
détermination des termes de référence de l'examen [action
préconisée pour les pays 23] ?
L'entreprise a-t-elle distillé et échangé
les enseignements tirés de sa participation à l'ITIE sur le plan
national et international [action préconisée pour les pays 23 et
action supplémentaire pour les pays A23 b] ?
. Pays non-exécutant
Une grande partie du dialogue relatif à la transparence
étant susceptible de se dérouler de gouvernement à
gouvernement ou lors des discussions régulières entre les
gouvernements ou organisations internationales, une entreprise peut envisager
d'aborder le thème de la transparence
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
avec les donateurs et les organisations internationales afin de
marquer son engagement en faveur de la transparence.
Une entreprise peut discuter des options et des prochaines
démarches avec une série de parties prenantes, dont les
organisations de la société civile, en tant que participant ou
co-organisateur d'un atelier.
Glossaire
Terme Définition
Comptabilité d'exercice
Système comptable typique des entreprises dans lequel
les revenus sont constatés lorsqu'ils sont gagnés et les
dépenses sont constatées lorsqu'elles sont encourues. Il
diffère de la comptabilité de caisse, qui constate les
transactions quand des fonds sont reçus ou payés.
Organisme administratif (ou administrateur)
Un tiers indépendant responsable de l'agrégation et
de l'analyse des déclarations présentées par les
entreprises et les gouvernements d'accueil.
Audit Inspection des comptes d'une organisation,
généralement par un organisme indépendant. Flux
d'avantages Une source potentielle des avantages économiques que le
gouvernement d'accueil reçoit de la part des industries extractives. Les
avantages économiques indirects tels que la construction des
infrastructures et l'emploi du personnel local ne sont pas
considérés, pour les fins des présentes consignes de
déclaration, comme des flux d'avantages.
Comptabilité de caisse
Système comptable typique des gouvernements - et
recommandé pour les déclarations ITIE - qui enregistre uniquement
les paiements et recettes en espèces qui se rapportent aux transactions
d'une entité, contrairement à la comptabilité d'exercice
qui constate les revenus quand ils sont gagnés et les dépenses
quand elles sont encourues.
Industries extractives
Les industries extractives sont celles qui s'occupent de
localiser et d'enlever les ressources naturelles épuisables
situées dans la croûte terrestre ou à proximité de
celle-ci. Les ressources naturelles épuisables sont celles que les
êtres humains ne sont pas capables de remplacer dans leur état
d'origine.
Rapport ITIE Rapport, préparé par l'administrateur
dans le cadre de la mise en oeuvre de l'ITIE, sur les paiements et recettes.
Pays d'accueil Limites territoriales sous la juridiction d'un
gouvernement d'accueil, dans lesquelles une entreprise a des
intérêts économiques relatifs à l'industrie
extractive.
Terme Définition
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Gouvernement d'accueil
Les régimes et institutions de gouvernement d'un Etat
dans les limites territoriales duquel opèrent les entreprises
extractives. Le terme s'étend aux représentants locaux,
régionaux, étatiques et fédéraux de ces
régimes et institutions et des entités contrôlées
par ces régimes et institutions, mais exclut les entreprises d'Etat
nationales.
Entreprise internationale
Pour les besoins de ce livre source, la catégorie des
entreprises internationales comprend :
Les sociétés publiques et privées
intervenant dans les activités en amont des industries extractives en
dehors des limites territoriales du pays dans lequel elles ont leur
siège.
Les entreprises d'Etat opérant en dehors des limites
territoriales du gouvernement qui les contrôle.
Permis (d'exploitation)
Arrangement entre une entreprise extractive et le gouvernement
d'accueil concernant une zone géographique ou géologique et
l'exploitation de minerais. Pour les besoins du livre source, le terme
s'applique également à une licence, un droit de superficie, une
zone de contrat, un bail, un bloc.
Entreprise nationale
Pour les besoins de ce livre source, la catégorie des
entreprises nationales comprend les sociétés publiques et
privées intervenant dans les activités en amont des industries
extractives dans les limites territoriales du pays dans lequel elles ont leur
siège.
Entreprise d'Etat nationale
Entreprise contrôlée par le gouvernement
d'accueil qui mène les activités en amont des industries
extractives dans le pays d'accueil. Une entreprise est contrôlée
dans la mesure où le gouvernement d'accueil a la faculté
d'orienter ses politiques financières et d'exploitation afin de tirer
profit de ses activités.
Terme Définition
Paiements Pour les besoins de l'ITIE, la catégorie des
paiements comprend tous les paiements matériels, relatifs à la
production pétrolière, gazière et minière,
versés par les entreprises au gouvernement.
Accord de partage de la production
Convention entre le gouvernement d'accueil et un investisseur,
accordant à celui-ci le droit exclusif de prospection,
développement et extraction des minerais en échange d'une part de
la production.
Entité déclarante
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Entreprises et gouvernements qui préparent et
présentent des déclarations suivant les gabarits.
Modèles de déclaration
Gabarits que les entreprises internationales, nationales et
étatiques et les gouvernements d'accueil utilisent pour les
déclarations qu'ils présentent à l'administrateur dans le
cadre de la mise en oeuvre de l'ITIE.
Recettes
Pour les besoins de l'ITIE, la catégorie des recettes
comprend toutes les recettes matérielles perçues par les
gouvernements de la part des entreprises pétrolières,
gazières et minières.
Activité en amont
La catégorie des activités en amont comprend
toutes les activités liées à l'exploration, au
développement et à la production des ressources minérales
jusqu'au moment où les minerais extraits sont dans un état
commercialisable sans transformation ultérieure.
Annexe :
Exemples de modèles de déclaration (gabarits)
Exemple de modèles de déclaration
:
Ces gabarits ont été préparés
à l'intention de l'ITIE en 2003. D'autres exemples et des informations
supplémentaires sur les modèles de déclaration sont
disponibles auprès de :
http://www.eitransparency.org/reportingguidelines.htm
A. Gabarit de saisie pour une entité
déclarante d'un gouvernement d'accueil (pétrole et gaz) Pays
d'accueil déclarant le :
Période de déclaration :
Champ 1 Flux d'avantages
Ligne
Réf. Consignes
Section 6
Réf. Volume
Valeur
1 Flux d'avantages des entreprises internationales
seulement
1a) Droit du gouvernement d'accueil à la production des
entreprises internationales i) Flux de production - en nature
* [préciser la nature de la production et des
unités]
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
* [préciser la nature de la production et des
unités] ii) Flux de production - en espèces
2 Flux d'avantages des entreprises d'Etat
nationales
2a) Droit du gouvernement d'accueil à la production des
entreprises d'Etat nationales
i) Flux de production - en nature
* [préciser la nature de la production et des
unités]
* [préciser la nature de la production et des
unités]
ii) Flux de production - en espèces
Champ 1 Flux d'avantages (suite)
Ligne
Réf. Consignes
Section 6
Réf. Volume
Valeur
3 Flux d'avantages d'une entreprise d'Etat internationale
et nationale
3a) Impôt sur les bénéfices iii
3b) Redevances iv
- en espèces
- en nature
3c) Dividendes v
3d) Primes de signature et primes de production vi
3e) Frais d'attribution de permis, frais de location, «
droits d'entrée » et autres contreparties de licences/concessions
vii
3f) Autres paiements aux gouvernements d'accueil, à
savoir :
viii
Champ 2 Flux d'avantages
Ligne
Réf. Consignes
Section 6
Réf.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Volume Valeur
4 Champ 2 Flux d'avantages (divulgation
facultative)
Aval du gouvernement d'accueil
Nous acceptons notre responsabilité en matière de
présentation juste du modèle de déclaration
conformément aux directives de déclaration, exception faite de
:
B. Gabarit de saisie pour les entités
déclarantes (entreprises pétrolières et gazières)
Nom de l'entreprise :
Pays d'accueil déclarant le :
Période de déclaration :
Champ 1 Flux d'avantages
Ligne
Réf. Consignes
Section 6
Réf.
Volume Valeur
1 Flux d'avantages à déclarer par les
entreprises internationales seulement
1a) Droit du gouvernement d'accueil à la production au
gouvernement d'accueil ii) Flux de production - en nature
* [préciser la nature de la production et des
unités] * [préciser la nature de la production et des
unités] ii) Flux de production - en espèces
1b) Droit du gouvernement d'accueil à la production
à l'entreprise d'Etat nationale
i) Flux de production - en nature
* [préciser la nature de la production et des
unités]
* [préciser la nature de la production et des
unités]
ii) Flux de production - en espèces
2 Flux d'avantages à déclarer par les
entreprises étatiques nationales seulement
2a) i) Prise de participation des entreprises d'Etat nationales
dans le droit à la production du
gouvernement d'accueil - en nature i* [préciser la nature
de la production et des unités]
* [préciser la nature de la production et des
unités]
ii) Prise de participation des entreprises d'Etat nationales dans
le droit à la production du gouvernement d'accueil - en
espèces
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
2b) Production reçue par le flux de production de
l'entreprise d'Etat nationale - en nature
Champ 1 Flux d'avantages (suite)
Ligne
Réf.
Consignes
Section 6
Réf.
Volume Valeur
2c) Droit de l'entreprise d'Etat nationale à la
production1 ii
i) Droit à la production - en nature ii
* [préciser la nature de la production et des
unités]
* [préciser la nature de la production et des
unités]
ii) Droit à la production - en espèces ii
2d) Droit à la production reçu pour le compte du
gouvernement d'accueil
i) Flux de production - en nature
* [préciser la nature de la production et des
unités]
* [préciser la nature de la production et des
unités]
ii) Droit à la production reçu pour le compte du
gouvernement d'accueil - en espèces
3 Paiements au gouvernement d'accueil/à
l'entreprise d'Etat nationale
3a) Impôt sur les bénéfices
3b) Redevances
- en espèces
- en nature
3c) Dividendes v
3d) Primes de signature et primes de production
3e) Frais d'attribution de permis, frais de location, «
droits d'entrée » et autres contreparties de
licences/concessions
3f) Autres paiements aux gouvernements d'accueil, à
savoir : 1 Le droit de l'entreprise d'Etat nationale se
réfère à sa part de la production là où elle
est partie contractante,
entre autres en cas de participation dans une
licence/concession en plus du droit à la production du gouvernement
d'accueil.
Champ 2 Flux d'avantages
Ligne
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des
industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Réf. Consignes
Section 6
Réf.
Volume Valeur
4 Champ 2 Flux d'avantages (divulgation
facultative)
Aval de la direction
Nous acceptons [ou, au nom du conseil d'administration (ou
organe semblable), nous acceptons] notre responsabilité en
matière de présentation juste du modèle de
déclaration conformément aux consignes de déclaration,
exception faite de :
C. Gabarit de saisie des agrégats (entreprises
minières)
Pays d'accueil déclarant le :
Période de déclaration :
Champ 1 Flux d'avantages
Ligne
Réf.
Consignes
Section 6
Réf.
Volume Valeur
1 Flux d'avantages d'une entreprise d'Etat internationale
et nationale
1a) Impôt sur les bénéfices
1b) Redevances
- en espèces
- en nature
1c) Frais d'attribution de permis, frais de location, «
droits d'entrée » et autres contreparties de
licences/concessions
1d) Primes de signature et primes de production
1e) Dividendes
1f) Autres paiements aux gouvernements d'accueil, à
savoir (y compris paiements effectués au moyen de la production) :
Publié par le ministère britannique du
développement international (DFID)
Le siège du DFID est sis : 1 Palace Street LONDON SW1E 5HE
, Royaume-UniEt : Abercrombie House, Eaglesham Road, East Kilbride
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science
Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
GLASGOW G75 8EA Royaume-UniTél. +44 (0) 20 7023 0000
Fax : +44 (0) 20 7023 0016
Site Internet :
www.dfid.gov.uk
E-mail :
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Bureau de renseignements : 0845 3004100
Ou +44 1355 84 3132 (à partir de l'étranger)
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mentionné, le titre et la source de la publication devant être
précisés.
Publié par le ministère britannique du
Développement international (DFID). Imprimé au Royaume-Uni, 2005,
sur support recyclé comportant 80% de déchets de consommation et
20% de pulpe à papier vierge entièrement sans chlore.
Référence du produit : PD 042
ISBN : 1 86192 707 X.