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Les états, les organisations non gouvernementales et la transparence des industries extractives: la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité

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par Paul Elvic J. BATCHOM
Université de Yaoundé II/SOA - Doctorat/Ph.D 2010
  

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    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    UNIVERSITE DE YAOUNDE II
    THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II

     
     
     

    FACULTE DES SCIENCES
    JURIDIQUES ET POLITIQUES

    FACULTY OF LAW AND
    POLITICAL SCIENCE

     
     

    DEPARTEMENT DE SCIENCE
    POLITIQUE

    DEPARTMENT OF POLITICAL
    SCIENCE

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    LES ETATS, LES ORGANISATIONS NON
    GOUVERNEMENTALES ET LA TRANSPARENCE

    DES INDUSTRIES EXTRACTIVES :

    LA DIALECTIQUE DE LA SOUVERAINETE ET
    DE LA RESPONSABILITE

    These de Doctorat en science politique

    Présentée et soutenue publiquement par :
    Paul Elviclizome BATCHOM

    Sous la direction de :

    M. Luc SINDJOUN
    Agrégé de science politique
    Professeur des Universités à l'Université de Yaoundé II
    Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer

    13 avril 2010

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Thèse soutenue publiquement le 13 avril 2010 à l'Université de Yaoundé II/SOA

    Devant un Jury composé de:

    PRESIDENT : M. Bertrand BADIE, Professeur des Universités à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris

    MEMBRES :

    · M. Narcisse MOUELLE KOMBI, Professeur des Universités à l'Université de Yaoundé II/SOA

    · M. Jean Emmanuel PONDI, Professeur des Universités à l'Université de Yaoundé II/SOA

    · M. André TCHOUPIE, Maitre de Conférences à l'Université de DSCHANG

    · M. Luc SINDJOUN, Professeur des Universités à l'Université de Yaoundé II/SOA (directeur de la thèse)

    MENTION : Très Honorable avec les félicitations du Jury

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de ii Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Les avis contenus dans cette thèse n'engagent ni l'Université, ni l'organisation
    qui l'a financée.
    Ils sont de la responsabilité de son auteur.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    · A la mémoire de ma soeur THERESE FRIDOLINE qui a quitté la vie comme Ulysse quitta Nausicaa...

    · Pour toi ma fille PHARES ABIGAIL...

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    RESUME/ SUMMARY

    A côté de l'Etat qui se redéploie et conserve ipso facto sa pertinence comme acteur de la scene internationale, les acteurs privés de type ONG et firmes des industries extractives développent avec lui, des transactions complexes qui illustrent la relativité actuelle du principe de souveraineté. L'excroissance et l'affirmation des acteurs multiples, les transactions complexes entre lesdits acteurs et le réveil de la conscience éthique sont autant de phénomênes qui, se développant au sein des espaces de gouvernance comme EITI, rendent intelligible le discours sur la transformation de la souveraineté. Celle-ci est devenue responsable du fait de l'irruption du social dans l'arêne internationale. Cette irruption, par le fait de la prise en compte des acteurs sociaux et des problématiques sociales, impose la conscience du sort de l'autre proche ou lointain. Autant les Etats que les acteurs privés dramatisent la prise en compte de l'éthique comme modalité pertinente dans la politique mondiale. En même temps, la transparence des industries extractives en tant que norme morale promue par l'Initiative objet de cette étude, entretient l'illusion d'une pratique de l'éthique de conviction. A l'intersection de ces deux ordres d'acteurs se développent les questions éthiques qui autorisent une prise au sérieux de la morale dans les relations internationales mais, une posture qui restitue le potentiel avéré de la morale dans la formation des intérêts et des identités des acteurs.

    Beside the state re-opening out its actorness in the international arena, nonstate actors such as NGOs and extractive industries firms are making themselves pertinent and developing with states, complex transactions that show the current relativity of sovereignty. The plural affirmation of actors, the complex transactions among them and a certain accentuation of moral consciousness about some matters are such the phenomena that, developing themselves inside governance spaces like EITI, render interesting the idea of sovereignty's transformation. Sovereignty has changed into responsibility because society has burst into the international arena through the pertinence of social actors and social problematic and thus, the fate of the "other" close or far has come to the attention. Meanwhile state and nonstate actors are dramatizing a moral conduct as a pertinent variable of international politics through the Extractive Industries Transparency Initiative, this study shows that at the intersection of state and private orders, moral behaviours are informing the formation of actors' interests and identities.

    Mots clés: Souveraineté- Ethique- Etat- ONG- Industries extractives- TransparenceIntérêt- Firmes multinationales.

    Key Words: Sovereignty- Ethics- State- NGO- Extractive Industries- Transparency- Interest-Multinational Firms.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Remerciement s

    Qu'il nous soit permis de trouver en cet espace la tribune pour dire notre gratitude a l'endroit de certaines grandes times dont l'implication directe ou indirecte a permis la réalisation de ce travail de recherche et par extension, nos études supérieures :

    A monsieur le professeur Luc SINDJOUN pour la disponibilité et la rigueur avec lesquelles il a assuré le suivi de cette these.

    A monsieur le professeur Narcisse MOUE LLE KOMBI, Directeur de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC).

    A monsieur le professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU qui a souvent quitté ses attributs de Directeur Adjoint chargé des Etudes de l'IRIC pour être un ainé qui conseille et galvanise.

    A tous les enseignants du département de science politique de l'Université de Yaoundé II/SOA pour avoir tissé assidilment le bagage de notre formation de politiste ; tout particulierement, les professeurs Paul NTUNGWE NDUE, Ibrahim MOUICHE, a messieurs Louis Martin NGONO et Jean Daniel ABA etc.

    Notre gratitude va également a l'endroit d'une dame anonyme, inspiratrice et instigatrice de nos études supérieures. Madame Maguy KONO puissiez-vous trouver dans ces quelques lignes le souvenir éternel d'un élêve qui n'a jamais oublié votre geste. Simple geste qui a encouragé et inspiré tout un cursus académique. A b imo pectore, nous vous témoignons notre gratitude éternelle.

    Au Centre pour l'Environnement et le Développement (CED) qui a assuré un soutien financier, documentaire et logistique sans lequel cette oeuvre n'aurait point été réalisable.

    A monsieur Samuel Alain NGUIFFO TENE qui nous a fait l'honneur de son amitié et de son soutien.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de vi Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Que les jeunes collègues de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) trouvent ici le signe d'une considération du cadet qu'ils ont souvent encadré et encouragé. Nous pensons notamment a Mme Mireille MANGA EDIMO épouse EWANGUE, M. Yves Paul MANDJEM, Mme Olga MBANG WERIWO, Mlle OWONA MFEGUE Koura Félicité, aux docteurs ABDUL AZIZ Yaouba, Armand E LONO, Stéphane NGWANZA et Jean KENFACK. Mais également un signe de gratitude aux ainés qui, parce que membres du corps enseignant de l'IRIC, nous ont fait l'honneur de leur encadrement et de leurs conseils. Notamment, les professeurs Laurent ZANG, Alain Didier O LINGA, Jean Emmanuel PONDI, au Ministre Peter AGBOR TABI, aux Docteurs Wullson MVOMO E LA, Gabriel EBA EBE et Paulette MVOMO E LA.

    Nous manifestons une gratitude a vous, amis de toujours qui nous avez sans relache tendu la main pour nous relever, soutenir et indiquer le chemin. Nous pensons particulièrement a Armand ATANGANA MBARGA (l' g homme simple »), Emmanuel HOPP NWAHA, Marie Angele BANASSOUBECK SEN, Serge Thierry VANGASSE, Simon STUCKELBERGER, Annelies HICKENDORF, Christiana ORAGBADE, Jacques Landry EFFOUDOU MOUABOU LOU, Linda NZOUANGO, Adrien Patrick ENOUGA BENYOMO, Gédéon MPACKO EKE LLE, Serge Christian ALIMA ZOA, Martine MENGUE MFON LETRANE, Stéphane EKANGA, Paul NUEMBISSI KOM...

    Au personnel d'appui de l'IRIC qui nous a témoigné sa sympathie, en particulier madame NGO HOYA Augustine, M. Lucien TICKY, M. NGOU Ibrahim, Mme Irene TCHUENTE.

    A monsieur LIKA'A Marcel et madame pour m'avoir offert un foyer et une éducation. A monsieur et madame BAYIHA pour m'avoir accordé leur soutien tout au long du temps. Et a BAYIHA Denis qui m'a encouragé malgré l'adversité

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de vii Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    a poursuivre mes études. A vous mes parents g omnes generans generat simili si bi ». Trouvez dans ce premier balbutiement scientifique, la vengeance de votre droit a l'éducation bafoué, le signe que g celui qui met sa confiance dans le Seigneur est comme le mont Sion, jamais il ne chancellera ». Merci pour le don de la vie que vous m'avez fait.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de viii Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sigles et abréviations

    AADDH : Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme.

    ACCT: Agence de Coopération Culturelle et Technique.

    ANLC: Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption.

    BAD: Banque Africaine de Développement.

    BEI: Banque Européenne d'Investissement.

    BERD: Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement.

    BP: British Petroleum.

    BRP: Bureau de Recherches du Pétrole.

    CAC: Community Advisory Council.

    CAP: Citizen Advisory Panel.

    CAFOD: Catholic Agency For Overseas Development.

    CARE: Cooperation for American Relief in Europe/Everywhere.

    CCFD: Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement.

    CED: Centre pour l'Environnement le Développement.

    CEMAC : Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale.

    CIA: Central Intelligence Agency.

    CICMG : Compagnie Industrielle et Commerciale des Mines du Gabon.

    CIISE : Commission Internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des États.

    CIMADE: Comité Inter Mouvement auprès des Evacués.

    CNECC: China Nuclear Engineering and Construction Corporation.

    CNPC: Chinese National Petroleum Company.

    COMILOG: Compagnie Minière de l'Ogooué.

    CORAF : Congolaise des Raffineries.

    COTCO: Cameroon Oil Transportation Company.

    CPSP: Comité de Pilotage et de Suivi des Pipelines.

    DFID: Department for International Development.

    DSRP: Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté.

    EITI : Extractive Industries Transparency Initiative

    FMI: Fonds Monétaire International.

    FOCARFE: Fondation Camerounaise d'Actions Rationalisées et de Formation sur

    l'Environnement.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    FOIA: Freedom of Information Act.

    FOSCPG: Front des Organisations de la Société Civile Contre la Pauvreté au Gabon.

    FUSAD : Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques.

    GACAP: Governance and Anti Corruption Action Plan.

    GIC: Groupe International Consultatif.

    IAG: International Advisory Group.

    ICMM: International Council for Mines and Metals.

    IDE: Investissement Direct Etranger.

    IDP: Investment Development Path.

    IUCN: International Union for Conservation Nature.

    MAEP: Mécanisme Africain d'Evaluation par les Pairs.

    MDTF: Multi Donors Trust Fund.

    MNJ : Mouvement des Nigériens pour la Justice.

    MOE: Multinational Owned Entreprise.

    MOSOP: Movement for the Survival of Ogoni People.

    MPE: Multinational Producing Entreprise.

    MTE: Multinational Trade Entreprise.

    NDASE : Nouveau Dragon d'Asie du Sud-Est.

    NDPVF: Niger Delta People's Volunteer Force.

    NDV: Niger Delta Vigilante.

    NEITI: Nigeria Extractive Industries Transparency Initiative.

    NORAD: Norway Agency for Development.

    NSWG: National Stakeholders Working Group.

    OCDE: Organisation pour le Coopération et le Développement en Europe.

    ODA : Overseas Development Administration.

    OGM: Organisme Génétiquement Modifié.

    OIF : Organisation Internationale de la Francophonie.

    OINGC : Organisation Internationale Non Gouvernementale Commerciale.

    OMI : Organisation Maritime Internationale.

    ONG : Organisation Non Gouvernementale.

    ONU : Organisation de Nations Unies.

    OPA : Oil Pollution Act.

    OPEP: Organisation des Pays Producteurs de Pétrole.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    OSC : Organisation de la Société Civile.

    OSI : Open Society Institute.

    OSI : Organisation de Solidarité Internationale.

    OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

    OUA: Organisation de l'Unité Africaine.

    OXFAM: Oxford Committee for Famine Relief

    PCQVP/PWYP: Publiez Ce Que Vous Payez/ Publish What You Pay.

    RELUFA: Réseau de Lutte contre la Faim.

    RCA: République Centrafricaine.

    RDC: République Démocratique du Congo.

    ROTAB: Réseau des Organisations pour la Transparence et l'Analyse Budgétaire.

    RPDH : Rencontre pour la Paix et les Droits de l'Homme.

    RWI: Revenue Watch Institute.

    SeP : Service Oecuménique pour la Paix.

    SMH: Société Mauritanienne des Hydrocarbures.

    SMIC: Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance.

    SNH: Société Nationale des Hydrocarbures.

    SNPC: Société Nationale des Pétroles du Congo.

    SOCAR: State Oil Company of Azerbaijan Republic.

    SOFAZ: State Oil Fund of Azerbaijan.

    SOGARA: Société Gabonaise des Raffineries.

    SOMINA: Société des Mines d'Azelik.

    SONARA: Société Nationale des Raffineries.

    STN: Société Transnationale.

    TOTCO: Tchad Oil Transportation Company.

    UA : Union Africaine

    UE: Union Européenne.

    UJC: Union des Journalistes du Cameroun.

    YEITI: Yémen Extractive Industries Transparency Initiative.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Liste des figures et tableaux :

    A. Les figures :

    Figure 1: la triangulaire complexe autour de la transparence des industries extractives 43

    Figure 2: les transactions complexes au sein de EITI 43

    Figure 3: le modèle d'analyse 45

    Figure 4 : Le regroupement d'entreprises autour du gisement de Aguaytia au Pérou 178

    Figure 5 : les incidences de la mondialisation et de la transformation de la souveraineté 204

    Figure 6 : le biais de la corruption et des conflits entre l'opacité et le sous-développement 236

    B. Les tableaux :

    Tableau 1: les Etats mettant en oeuvre l'EITI au 15 février 2010 78

    Tableau 2 : Accords de dons du MDTF au 31 mars 2008 92

    Tableau 3 : les financements reçus par la coalition PWYP/Cameroun en 2007 145

    Tableau 4 : Stock estimé de l'IDE entrant par secteur en 1990 et 2005 (en millions de dollars)

    158

    Tableau 5 : Stock mondial estimé d'IDE sortant par secteur, 1990 et 2005 (en millions de dollars) 158

    Tableau 6 : position africaine dans la teneur en certaines ressources du sous-sol en 2006 162

    Tableau 7 : poids de l'IDE des industries extractives dans l'IDE du secteur primaire sortant 1990 et 2005 (en millions de dollars) 163

    Tableau 8 : poids de l'IDE des industries extractives dans l'IDE du secteur primaire entrant 1990 et 2005 (en millions de dollars) 164

    Tableau 9 : Indication de la participation des compagnies extractives aux réunions de l'international Advisory Group (IAG) 175

    Tableau 10 : Indication de la participation des compagnies extractives à quelques réunions du conseil d'administration EITI 175

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Tableau 11 : Classement des entreprises pétrolières et gazières selon leur degré de transparence 183

    Tableau 12 : Panorama des acteurs au sein de EITI 201

    Tableau 13 : les indicateurs du développement humain dans les pays mettant en oeuvre EITI en juillet 2009. 240

    Tableau 14 : Matrice des actions du comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'ITIE au Cameroun 267

    Tableau 15 : Récapitulatif des statistiques des problèmes de la population le long du tronçon centre-sud en août 2008. 303

    Tableau 16 : projet de budget des journées de réflexion sur la situation actuelle de la gouvernance dans la gestion du secteur forestier camerounais. 307

    Tableau 17 : Budget de l'atelier d'information et état des lieux des industries extractives au Cameroun 308

    Tableau 18 : Traits de l'investissement social de Anglo American (2002-2008). 313

    Tableau 19 : Soutien de Anglo American par cause et par région en 2008 314

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Table des matières

    DEDICACE iv

    RESUME/ SUMMARY v

    Remerciements vi

    Sigles et abréviations ix

    Liste des figures et tableaux : xii

    Table des matières xiv

    INTRODUCTION GENERALE 1

    A. DE LA CONSTRUCTION D'UNE PROBLEMATIQUE : LA SOUVERAINETE ENTRE ABSOLUTISME ET

    OBSOLESCENCE. 2

    1. Du rapport souveraineté / raison d'Etat 2

    a) La souveraineté comme matrice de la raison d'Etat 3

    b) L'Etat : une scène commune à la souveraineté et à la raison d'Etat 4

    c) Souveraineté et raison d'Etat : une communauté de destin 5

    2. La souveraineté : un concept aux multiples dimensions 7

    a) La souveraineté comme principe absolu 8

    b) L'approche dynamique de la souveraineté 14

    · De l'obsolescence de la souveraineté 14

    · La post-modernité contre la souveraineté ? 17

    · La souveraineté responsable : le choix de la relativité. 20

    3. Second niveau de problématisation: la dimension éthique du capitalisme,

    l'intérêt ou la morale ? 22

    a) Du capitalisme en bref 23

    b) L'instant de la révolution 26

    c) Morale ou éthique ? 26

    d) Morale et capitalisme : la place de l'éthique dans l'économie politiquecapitaliste 28

    · Le mercantilisme ou l'emprise de l'Etat sur l'économie 29

    · Le libéralisme ou l'enrichissement en l'absence de l'Etat et de la morale 31

    4. La question de recherche 36

    5. Triple réalité à l'ère de la souveraineté relative: le triangle heuristique 39

    B. LES HYPOTHESES 41

    1. Hypothèse principale 41

    2. Les hypothèses secondaires 42

    C. DE LA CONSTRUCTION D'UN MODELE D'ANALYSE 44

    D. LE CADRE THEORIQUE : UNE LECTURE TRANSNATIONALE DES INTERETS CONSTRUITS 46

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    1. Le Transnationalisme : une explication partielle des transactions au sein de EITI. ..

    46

    a) Par-delà les mouvements sociaux : diversité de l'action transnationale 46

    b) EITI au coeur de la théorie des mouvements sociaux. 50

    2. Du réalisme ou la revanche de l'Etat sur les acteurs privés. 52

    a) La pertinence du réalisme dans l'étude de la transparence des industries

    extractives 52

    b) Les logiques réalistes dans l'étude de la transparence des industries extractives..

    56

    3. L'apport du constructivisme dans la compréhension de la transparence des industries extractives. 60

    E. ANNONCE DU PLAN 65

    PREMIERE PARTIE :L'EXCROISSANCE DES INTERVENANTS DANS LA POLITIQUE INTERNATIONALE : EXAMEN DE LA TRANSFORMATION DE LA SOUVERAINETE SOUS LE PRISME DE L'EXTRACTIVE INDUSTRIES TRANSPARENCY INITIATIVE. 67

    CHAPITRE 1 : EITI ET LE REDEPLOIEMENT DE L'ETAT, UNE LECTURE STATOCENTREE DE LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVE OU L'AFFIRMATION DE LA PERTINENCE DU SYSTEME ETATIQUE 70

    SECTION 1: DEPLOIEMENT D'UN ETAT-FLUIDE DANS LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES : ENTRE UNIVERSALISME ET AUTOCHTONIE. 70

    Paragraphe I : Croquis d'une catégorie créole: le site de la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives ou la pertinence du baroque. . 71

    A. L'espace de la mise en oeuvre : territorialité et autorité de l'Etat 71

    1. Territorialité et autorité : des notions centrales mais relatives 71

    2. Voyage au coeur de la diversité 75

    B. La double phénoménologie régulatrice dans la transparence des industries extractives 81

    1. De la puissance régulatrice de l'Etat dans la détermination du comportement des acteurs dans l'Extractive Industries Transparency Initiative 81

    2. De la régulation matérielle du processus de transparence des industries extractives 85
    Paragraphe II : L'incursion démocratique des Etats-soutien dans les espaces de la mise

    en oeuvre: participation et respect de la norme au centre d'une interférence 87

    A. L'impératif de participation : un fondement inter alia de la démocratie 88

    B. L'expédition normative sur les sites de la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives 93

    SECTION 2 : LA COMMUNAUTARISATION DE L'ACTION ETATIQUE POUR LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES : A LA RECHERCHE DU NIVEAU PERTINENT DE SOUTIEN 98

    Paragraphe I : Un soutien groupé des Etats dans les organisations intergouvernementales économiques 101

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de xv Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    A. La solidarité des regroupements économiques du sud vis-à-vis des théâtres

    d'implémentation de la transparence des industries extractives 101

    1. La Banque Africaine de Développement et l'EITI 102

    2. La Banque Asiatique de Développement dans l'EITI 104

    B. Le monde développé et son soutien communautarisé à l'EITI : La modalité économique 106

    1. L'implication des banques européennes dans l'Extractive Industries Transparency Initiative : le cas de la BERD et de la BEI 106

    a) La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement et l'Initiative de transparence des industries extractives 106

    b) Le soutien du groupe de la Banque Européenne d'Investissement à l'EITI..
    108

    2. Les institutions de Bretton Woods et la transparence des industries extractives 109

    a) L'initiative de transparence des industries extractives dans la politique de transparence du Fonds Monétaire International 109

    b) Le groupe de la Banque Mondiale et l'initiative de transparence des

    industries extractives 111

    Paragraphe II : Les organisations internationales politiques et la transparence des industrie extractives 116

    A. L'affect intra-hémisphérique au sud et le soutien à la transparence des industries extractives 116

    1. L'Union Africaine et la transparence des industries extractives : un soutien timide 116

    2. La Francophonie ou l'unité linguistique au service du développement durable 117

    B. L'assistance politique des regroupements globaux pour des industries extractives transparentes 119

    1. La transparence des industries extractives dans l'espace d'action de l'OCDE ..

    119

    a) Le Cadre d'Action pour l'Investissement 120

    b) L'outil de sensibilisation au risque de l'OCDE destiné aux entreprises multinationales opérant dans les zones à déficit de gouvernance 121

    2. Les objectifs de développements des Nations Unies et la transparence des industries extractives 122

    CHAPITRE 2 : CASCADE D'AUTORITES A L'ERE DE LA POLITIQUE MONDIALE : LE POSITIONNEMENT MARQUE DES FIRMES MULTINATIONALES ET DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES DANS L'EITI. 127

    SECTION 1 : LES ONG DANS LE DEFI DE LA GOUVERNANCE GLOBALE : DES PROMOTEURS DU « MARCHE DE LA PITIE » DANS LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES 129

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales : des acteurs de la société civile impliqués dans la promotion de la transparence des industries extractives 130

    A. La constitution d'une société civile internationale autour de EITI ou l'apport du social dans la construction d'un espace public dédié à la transparence des industries extractives 130

    B. Considérations sémantique, historique et typologique autour des

    organisations non gouvernementales 135

    1. Eléments de définition d'un acteur à l'identité vague 135

    2. De la diversité au sein des ONG ou l'humanitaire protéiforme. 137
    Paragraphe II : Les ONG dans la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives : la dénonciation légitimante ou le fondement éthique d'une catégorie d'acteurs en quête de scène 139

    A. «Publish What You Pay» ou la création d'une scène pour la promotion de la transparence dans les industries extractives 139

    B. Les organisations non gouvernementales et le suivi de la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives: des gardiennes du jardin de la transparence ? 141

    1. La participation de la société civile dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives : un acteur en quête de scène 142

    2. Les organisations de la société civile dans la matérialisation de la transparence dans les industries extractives : contribution à la construction d'un « marché de valeurs » 144

    3. Obstacles à l'émulation de la société civile sur les sentiers de la transparence 147

    SECTION 2 : LES FIRMES MULTINATIONALES DU SECTEUR DES INDUSTRIES EXTRACTIVES DANS L'ECONOMIE POLITIQUE INTERNATIONALE : AFFIRMATION DE LA QUALITE D'ACTEUR ET OPPRESSION DE LA SOUVERAINETE

    149

    Paragraphe I : Considérations générales sur les multinationales du secteur des

    industries extractives dans la politique internationale 151

    A. Les sociétés multinationales : le renouveau d'un objet d'analyse ancien. 151

    1. Eléments de définition et d'histoire des sociétés multinationales 151

    2. De la pertinence des sociétés multinationales dans l'économie politique internationale 155

    B. Les firmes multinationales des industries extractives : signe particulier de l' ``

    actorness» éprouvé des sociétés multinationales. 160

    1. L'apport du sous-sol dans la mondialisation économique 161

    2. Du syndrome hollandais au syndrome de Monaco : les impacts sociaux et

    sécuritaires de l'activité extractive dans un monde globalisé. 165
    Paragraphe II : Praxis des multinationales dans l'initiative de transparence des

    industries extractive : crise éthologique ? 172

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    A. L'affirmation actorielle des industries extractives dans l'écriture d'un scénario de la transparence au sein de l'EITI : le niveau international 174

    B. Les industries extractives dans la matérialisation de la transparence dans les

    cadres stato-nationaux : le niveau interne 177

    DEUXIEME PARTIE : TRANSACTIONS COMPLEXES DANS L'INITIATIVE DE TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES AUTOUR DU COUPLE INTERET-ETHIQUE : LES FRUITS DE LA MORALE AU SEIN DE EITI. 186

    CHAPITRE 3 : SOUVERAINETE ET MONDIALISATION DES RISQUES ET MENACES : A LA RECHERCHE D'UNE ETHIQUE DE CONVICTION DANS LES TRANSACTIONS AU SEIN DE EITI.

    190

    SECTION 1 : COMPLEXITE DES TRANSACTIONS DANS L'ETHIQUE A L'ERE DE LA MONDIALISATION. 192

    Paragraphe I : La problématique de la transparence des industries extractives : un aspect de la construction morale des problèmes de la mondialisation 192

    A. De la construction sociale d'une problématique de la transparence des industries extractives 192

    B. La création des espaces trinitaires : une exigence d'efficacité et d'efficience 199

    1. Souveraineté et gouvernance globale : A propos des espaces de

    gouvernance 199

    2. EITI : un espace de gouvernance dans la politique mondiale 200
    Paragraphe II : Ethique et problèmes de la mondialisation : la transparence des industries extractives dans les schémas de la gouvernance mondiale 204

    A. La transparence des industries extractives dans la mouvance moralisante de la mondialisation 205

    1. La transparence des industries extractives et la prise en compte des droits des communautés autochtones 205

    2. La transparence des industries extractives et la question environnementale .
    210

    B. L'émergence de la puissance normative : EITI un trait de la moralisation des

    systèmes politiques mondiaux 214

    1. Un changement théorique 214

    2. ...à la suite d'un changement des pratiques politiques 217

    SECTION 2 : A LA RECHERCHE DES ELEMENTS D'UNE ETHIQUE DE CONVICTION DANS LA CONDUITE DES ACTEURS DE LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES. 219

    Paragraphe I : L'initiative de transparence des industries extractives : un espace de la démocratisation ? 221

    A. Participation et responsabilité au sein de l'Extractive Industries Transparency

    Initiative. 223

    1. Un espace de participation hétérogène ou la diversité des transactions

    comme marque de l'éthique 224

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de xviii Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    2. Les rapports de conciliation des chiffres et volumes : une responsabilité

    biaisée 226

    B. Légitimité et illégitimité de la transparence des industries extractives 228

    1. L'éthique légitimante 229

    2. Une mise en oeuvre imparfaite de l'initiative de transparence des industries

    extractives 231
    Paragraphe II : L'incidence économique dans une conception holistique de l'éthique : la transparence des industries extractives dans la problématique du développement

    des peuples 233

    A. Les effets d'un manque de transparence dans les industries extractives sur le développement des peuples ou la négation d'une morale de la transparence comme explication de l'absence de développement 234

    B. L'initiative de transparence des industries extractives : un espace de gouvernance pour un développement repensé. 242

    CHAPITRE 4: VERS L'« ETHIQUE DE LA CONVICTION RESPONSABLE » DANS LA STRUCTURATION DE L'INTERACTION AU SEIN DE L'EITI : L'EXALTATION DU PARADIGME DE L'INTERET OU LA TRANSPARENCE SPECIEUSE 246

    SECTION 1 : « L'ETAT N'A PAS D'AMI... » : UNE LECTURE STATOCENTREE DE L'INITIATIVE DE TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES 247

    Paragraphe I : Le sacre de l'intérêt ou le scepticisme éthique : le fondement utilitaire du lien interétatique dans la transparence des industries extractives 247

    A. L'Etat-soutien à EITI et les délices de la transparence des industries extractives .

    248

    1. La préservation et l'expansion des zones d'influence 248

    2. Action rhétorique : la transparence des industries extractives ou la « quête intéressée d'un nouvel humanisme » au service de la sécurité des Etats. 250

    3. La `nouvelle raison d'Etat' ou l'international comme compensation des

    carences internes 252

    4. La transparence au service de la prévention des conflits armés 253

    5. L'exportation d'un modèle étatique par le soutien de la transparence des industries extractives. 255

    B. L'Etat de la mise en oeuvre de l'initiative et les retombées de la transparence des industries extractives 257

    1. Les Etats de la mise en oeuvre de l'EITI dans le meta-jeu mondial: le rayonnement international des Etats en jeu 258

    2. L'instrumentalisation à des fins de légitimation internationale de l'EITI par

    les Etats d'accueil 264

    3. Les financements directs et indirects de la transparence 265
    Paragraphe II : L'Etat transcendant ? L'instrumentalisation des acteurs privés par l'Etat au sein de EITI : les ONG et les firmes au service de la diplomatie étatique. 268

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    A. La cession de la flexibilité et de l'expertise des ONG au Léviathan 270

    1. Les ONG acteurs d'une diplomatie non gouvernementale au service de l'Etat
    270

    2. L'illusion de la pureté de la société civile dans les aires d'implémentation de l'EITI ? 277

    B. Du consensus opaque à la transparence collusive : les industries extractives et l'Etat, idylle éternelle d'un couple fusionnel 279

    1. Les firmes transnationales dans la transparence des industries extractives: les contours d'une action des firmes au service de l'Etat 280

    2. Les structures domestiques et les firmes multinationales des industries extractives : les usages étatiques des firmes dans la politique des Etats hôtes 285

    SECTION 2 : LA CONNOTATION UTILITAIRE DE L'ACTION NON GOUVERNEMENTALE DANS LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES 288

    Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales et le spectacle de l'altérité : l'EITI, un théâtre de l'humanisme captieux 290

    A. Les fruits de l'interaction privée : les ONG au coeur des transactions utilitaires dans l'initiative de transparence des industries extractives 290

    1. Une logique de diversification des sources de légitimité : la transparence des industries extractives pourvoyeuse d'un supplément de légitimité 291

    2. Le syndrome du « passager clandestin » ou l'activisme non gouvernemental au service de l'ambition personnelle des leaders. 294

    B. Les fruits des transactions avec l'Etat : les ONG dans le complexe du

    financement de la transparence des industries extractives. 297

    1. Les rentes de la transparence ou la transparence des rentes ? 298

    a) Les ONG dans le suivi du projet pétrole Tchad-Cameroun 298

    b) La surévaluation du per diem comme le signe d'une quête des rentes de la transparence. 303

    2. De la corruption au sein des ONG : un indicateur de la spéciosité du récit éthique dans la transparence des industries extractives 305
    Paragraphe II : Les firmes multinationales du secteur des industries extractives dans

    le système capitaliste : l'illusion du désintéressement. 310

    A. Deux manifestations de la « tentation éthique » du capitalisme 311

    1. A l'ère du marketing éthique : la transparence des industries extractives au service de la performance 311

    2. From shareholders to stakeholders: l'éthique comme impératif dans la complexité des transactions des acteurs pour la performance et la compétitivité.
    317

    B. A propos des fruits du marketing éthique : évocation de quelques retombées

    de l'éthique de responsabilité pour les compagnies extractives 320

    CONCLUSION GENERALE 323

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    A. BILAN EMPIRIQUE : LE FONDEMENT MORAL DES INTERETS A L'INTERSTICE DES ORDRES ETATIQUE ET

    PRIVE. 324

    1. EITI et la rémanence de l'ordre westphalien 324

    2. La pertinence des acteurs privés dans EITI 326

    3. Morale et puissance : les deux faces de la politique mondiale 330

    B. BILAN THEORIQUE : VERS LE DEPASSEMENT DES ARCHIPELS PARADIGMATIQUES. 334

    1. Forces et faiblesses des grilles convoquées 334

    2. Par-delà les forces et faiblesses : vers le dépassement des archipels théoriques et paradigmatiques ? 338

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 343

    ANNEXES 377

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de xxi Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Introduction générale

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Introduction générale :

    La fin du monopole étatique est le fait des acteurs de la société civile venant de tous les horizons dire leur droit au chapitre, de même que des firmes multinationales qui ont vu leur importance amplifiée par la mondialisation. Les acteurs privés accentuent ainsi la pression sur le principe de souveraineté et donc, sur l'Etat qui en est le ferment et le fondement. L'ouverture progressive des écluses de la souveraineté et l'irruption des acteurs privés dans les sphères décisionnelles où se structure la marche du monde a fini de donner l'impression de sonner le glas de l'ordre westphalien. De la configuration nouvelle, ont jailli des espaces nouveaux de gouvernance (concept dont l'émergence a également partie liée avec cette fièvre), dans lesquels l'Etat partage la qualité d'acteur avec des entrepreneurs privés en vue d'apporter solution aux problèmes complexes de la mondialisation. A Johannesburg, l'ancien Premier Ministre britannique Tony Blair lança en 2002 l'Extractive Industries Transparency Initiative (EITI), plateforme multi-acteurs consacrée à l'incarnation de la transparence. Espace d'émulation de l'actorat multiple et multiforme, site de transactions complexes, EITI n'est pas moins le théâtre d'une mise en avant de l'éthique dans le capitalisme. Ipso facto, deux concepts cardinaux sont mis en relief : la souveraineté et l'éthique. Comment envisager la mise en oeuvre de l'un alors que le système international est bâti sur la présomption de l'intangibilité de l'autre ? Face à ce dilemme normatif, une déconstruction de la critique politiste de la souveraineté est semble-t-il, le préalable à tout discours. Ce, dans le but de palper la souveraineté sans l'idée-reçue de sa forme absolue qu'impose à la discipline le mythe westphalien qui autorise donc l'idée d'une obsolescence.

    A. De la construction d'une problématique : La souveraineté entre absolutisme et obsolescence.

    1. Du rapport souveraineté / raison d'Etat

    La transparence des industries extractives comme norme promue et défendue par les Etats et les acteurs privés, est confrontée à deux concepts fondamentaux de l'autorité étatique : la souveraineté et la raison d'Etat. A priori, le cousinage des deux concepts ne paraît pas relever de l'évidence et de toute façon, il prendrait fin à la lisière de la différenciation justifiée par le degré d'omnipotence du dépositaire de l'un et de l'autre. Pourtant, leur interconnexion se fonde au carrefour de l'Etat. Trois niveaux d'argumentation permettent de mettre en relief la communauté de sens et d'essence des deux concepts à savoir : le rôle matriciel de la

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 2 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    souveraineté vis-à-vis de la raison d'Etat, l'Etat comme scène que partagent les deux concepts et la communauté de destin de ceux-ci.

    a) La souveraineté comme matrice de la raison d'Etat

    La souveraineté est l'autorité suprême reconnue à un Etat, et qui le place au dessus de toute autre autorité1. « La politique c'est le pouvoir et le pouvoir c'est la souveraineté » dit Gérard Mairet2. Autrement dit, aucune norme ne s'impose à celui qui est souverain car il est source de norme et norme supérieure. Mieux, les normes issues de sa volonté sont incontestables et définitives. « Une telle conception pense Olivier Beaud, exclut l'intervention d'un tiers que ce soit en amont ou en aval de la décision : en amont, parce que le souverain ne reconnaît aucun droit de veto ou de co-décision à une autorité politique tierce, en aval parce qu'il ne reconnaît pas davantage à une autorité juridictionnelle le soin de contrôler sa décision »3. Au sein de son territoire, l'Etat détient le monopole de la contrainte et donc, est détenteur de la plenitudo potestas. Cela l'exempte de toute norme imposée de l'extérieur comme de l'intérieur car il est dépositaire de la puissance absolue qui peut être perpétuelle ou mortelle. La raison d'Etat découle de la souveraineté. Elle désigne le droit dont dispose un Etat de violer la loi ou la norme « momentanément4 » au nom de la nécessité ou de l'intérêt. Ce n'est pas l' « injure de l'Etat faite à la raison5 » ou bien le prétexte d'établissement d'un régime perpétuel d'exception. C'est l'établissement d'une raison propre à l'Etat, distincte de la morale chrétienne et de la loi naturelle. La raison d'Etat, c'est la distance prise par l'Etat vis-à-vis de Dieu et de la nature ; c'est la construction d'une raison souveraine de l'Etat6. En raison de la nécessité7 qui conditionne la préservation de l'Etat, ce dernier peut

    1 Les déclinaisons des dimensions de la souveraineté au cours de cette étude reviendront amplement sur les sens de la souveraineté. Cette acception n'est juste que l'idée centrale des diverses conceptions de la notion de la souveraineté.

    2 Mairet Gérard (1997) Le principe de souveraineté, Paris : Gallimard, P. 20.

    3 Olivier Beaud pousse la réflexion plus loin en plaçant le souverain au dessus de la constitution qui est pourtant loi fondamentale d'un Etat. Beaud Olivier « Le souverain » Pouvoirs, Revue française d'études constitutionnelles et politiques, n° 67, P.36-37, 1993.

    4 Il convient de noter que la violation pérenne de la norme est la négation des fondements de l'Etat moderne car, un homme seul qui viole permanemment les lois est très vite qualifié de tyran et conduit donc l'Etat vers un régime redouté par l'ensemble des théoriciens de l'Etat. Machiavel précise d'ailleurs que c'est la « necessitas » qui suspend le cours de licéité et elle n'est pas perpétuelle. La multitude souveraine qui s'installe durablement dans l'exception fait resurgir l'état de nature hobbesien et conduirait vers le chaos.

    5 Parce qu'elle est le droit de l'Etat d'échapper au droit, Gérald Sfez pense qu'elle est l'injure de l'Etat faite à la raison. Sfez Gérald (2000) Les doctrines de la raison d'Etat, Paris : Armand Colin, introduction.

    6 D'après Gérard Mairet, le fondement de la souveraineté est cette distance d'avec Dieu et la nature. Si en se distinguant des morales qui en découlent l'Etat se construit une raison, celle-ci et la souveraineté partagerait donc par nature, d'être l'incidence de cette distance.

    7 Machiavel parle de « necessitas », Botero parle d'intérêt pour désigner une seule et même chose. Le point de
    rupture survient quand il faut dire celui dont l'intérêt est motif d'action. Sfez pense que la nécessité
    machiavélienne est centrée sur le prince alors que celle de Botero se focalise sur l'Etat comme communauté

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    « momentanément » mettre entre parenthèse les normes dont il est l'instigateur. En fait, la souveraineté confère à l'Etat ce droit, le droit de se soustraire aux normes ; la souveraineté donne à l'Etat sa raison1. Autrement dit, si l'Etat peut se permettre de violer les lois et normes dont il est l'instigateur et celles qui émanent d'autres sources, c'est en raison de sa souveraineté.

    b) L'Etat : une scène commune à la souveraineté et à la raison d'Etat

    De plus, même si les pré-machiavéliens ont discouru sur des pratiques étatiques qui s'apparentent à la raison d'Etat, ils n'ont pas conceptualisé cette notion. Machiavel a également manqué de fournir à la notion de raison d'Etat une valeur conceptuelle tant il l'a centrée sur le prince nouveau, qui est avant tout soucieux de la quête et de la conservation de son pouvoir que de la conservation de l'Etat. Or, l'essence même de la raison d'Etat, c'est de veiller à la conservation de l'Etat. C'est pour cette raison que l'on reconnaît à Botero le mérite d'avoir conféré à la raison d'Etat une valeur conceptuelle car, il a placé la conservation de l'Etat au centre de la préoccupation de celle-ci. « L'innovation de Botero dit Gérard Sfez, est de conférer à la raison d'Etat un véritable domaine de réalité »2. Il n'y a donc pas de raison d'Etat sans Etat et pas d'Etat sans souveraineté.

    La modernité politique est caractérisée par l'affirmation de l'Etat comme modèle d'organisation de la vie sociale. En même temps qu'il se crée autour de son indépendance vis-à-vis de l'Eglise et de la loi naturelle, l'Etat se forge sa raison en vertu de sa souveraineté. L'histoire de la constitution de l'Etat selon Hobbes est celle de l'auto-assujettissement des hommes au souverain en vue de la sécurité. Hobbes apparaît comme le théoricien de la souveraineté en tant que principe intégrateur des hommes et des humeurs disparates, le principe qui crée l'ordre à partir du désordre, le faber de la cohésion au nom de l'initiative de loi qui est sa prérogative première et exclusive. Pas de souveraineté sans raison d'Etat c'est-àdire, une part de secret qui revient au souverain en tant qu'il est source de la norme et la

    d'hommes dont il faut assurer la commodité d'existence. Quel que soit l'auteur, l'accord est trouvé : « necessitas legem non habet » Sfez, op. cit.

    1 Il y a 40 ans environ, le gouvernement britannique avait vendu à l'armée américaine l'île de Diego Garcia, violant ainsi le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, sans compter les droits des peuples de disposer de leurs terres. Autant de normes sur lesquelles la communauté internationale avec en tête les puissances telles que le Grande Bretagne a bâti le système des Nations Unies. Après plusieurs plaintes et procès qui donnent raison aux populations de ce territoire britannique d'outre-mer (archipel du Chagos), le 22 octobre 2008 la chambre britannique des Lords a estimé que la rétrocession de l'île à ces populations constitue un préjudice à la sécurité internationale. La raison d'Etat a été invoquée par les Lords. Il s'agit d'une violation de certaines normes internationales, au nom d'un intérêt prétendument commun à la société internationale. La négation de la souveraineté à un peuple se justifie par la raison d'Etat d'un pays investi d'une souveraineté qui lui autorise le viol de la norme préétablie.

    2 Sfez Gérard op. cit P. 60

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    norme même. Pas de raison d'Etat sans souveraineté qui consacre le droit d'échapper au droit, la norme de la violation de la norme.

    c) Souveraineté et raison d'Etat : une communauté de destin

    Les débats autour de celui dont l'intérêt est cause de violation de la norme sont illustratifs des querelles autour du dépositaire de la souveraineté et, est un autre trait de la parenté des deux concepts. Qui est souverain ; le roi ou le royaume ? L'intérêt qui motive l'activation de la raison d'Etat appartient-il au roi ou au royaume ? La figure machiavélienne du prince dépositaire de la plenitudo potestas colle bien avec l'idée de la souveraineté centralisée, au nom d'une ratio status regis fondée sur le pessimisme anthropologique, la quête d'un intérêt prétendument commun mais privé et la toute puissance de la `necessitas'. Si la souveraineté est dévolue à une personne qui parle au nom de l'Etat, l'on assiste à la confusion de sa raison avec celle de l'Etat. Ainsi, ce sont ses nécessités qui motiveront l'activation de la raison d'Etat. Les deux concepts peuvent donc partager ce trait de parenté gauchisé qu'est l'investissement de la souveraineté et donc, de la raison de l'Etat sur un seul homme. La raison d'Etat machiavélienne est l'illustration du gauchissement de la raison d'Etat et donc de la souveraineté. Par ailleurs, la raison d'Etat parce que tirant sa quiddité de la souveraineté, peut être d'essence fragmentaire et étrangère à l'Etat. Autrement dit, de même que la souveraineté forte d'un seul entraîne le gauchissement des la raison d'Etat, de même l'absence ou la diffusion de la souveraineté sur plusieurs pôles a pour conséquence l'émergence d'une raison d'Etat qui vise la conservation d'Etats autres que celui de son déploiement. A ce propos, l'examen des résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la souveraineté permanente des peuples sur leurs richesses et leurs ressources naturelles est fortement édifiant1. Souveraineté des peuples ou souveraineté des Etats ?

    Avant la vague des indépendances des années 1960, lesdites résolutions parlent de souveraineté des peuples et des nations, peut-être pour ne pas tenir en marge les territoires coloniaux qui, nantis de ressources naturelles, n'ont pas qualité de membres des Nations Unies puisque n'étant pas des Etats au sens du droit international. Le peuple n'ayant pas de raison, l'on ne saurait identifier une quelconque raison d'Etat dans ces conditions d'absence d'Etat sinon, celle des Etats colonisateurs qui revendiquaient la souveraineté sur lesdits

    1 Notamment la résolution 626 (VII) du 21 décembre 1952 sur le droit d'exploiter librement les richesses et les ressources naturelles et la résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962 sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    territoires1. Le contexte même de l'adoption de ces résolutions informe sur les enjeux de l'époque. La commission pour la souveraineté permanente sur les ressources naturelles qui est créée par la résolution 1314(XIII) du 12 décembre 1958, est l'expression d'un droit incorporé dans un autre plus général, le « droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes ». A partir de 1960, l'accession en vague des territoires à l'indépendance va modifier le vocabulaire onusien sur la souveraineté. Désormais, l'on parle de souveraineté des Etats tout simplement. La résolution 1515 (XV) du 15 décembre 1960 commence d'ailleurs par relever l'adhésion de plusieurs nouveaux membres à l'ONU. Dès lors qu'on a établi que la souveraineté et la raison d'Etat ont une communauté de destin, qu'elles ont comme site commun de déploiement l'Etat et que la première fonde la seconde, il demeure que la question du niveau pertinent de dévolution de la souveraineté et donc du dépositaire de l'intérêt qui est motif d'action semble révélatrice d'une « logique floue ». En effet, si l'on s'évade de la conception rousseauienne de la souveraineté qui en fait un agrégat des puissances individuelles dans le cadre d'une souveraineté populaire, que peut présager la confusion entre la « souveraineté des peuples et des nations sur leurs ressources naturelles » et la souveraineté des Etats membres des Nations Unies ? Manifestement, le lien commun est l'exclusivité de gestion et d'usage des ressources naturelles par les peuples nouvellement indépendants.

    De plus, il se dégage l'impression que pour moraliser la raison d'Etat, il faut nécessairement porter des coups à la souveraineté. Giovanni Botero donne raison à Sfez qui pense que : « La raison d'Etat, c'est l'Etat qui se raisonne et passe à la défensive pour se garder »2. En effet, Botero rompt avec Machiavel en inféodant à nouveau la raison d'Etat à la conscience morale. Il oppose l'intérêt public à la nécessité machiavélienne. L'Etat pense - t-il, oeuvre à sa conservation par l'assurance de la paix civile et, la police est ainsi préférée à l'armée qui assure les conquêtes3. L'Etat se conserve ensuite par le bonheur qu'il assure au peuple, bonheur et non commodité d'existence. C'est pourquoi il encourage un mercantilisme4 qui a vocation à enrichir l'Etat par l'industrie et le commerce pour le bonheur des citoyens. Ce faisant, Botero passe de la `légitime offense' machiavélienne à la

    1 En effet, ces territoires n'étaient pas des terra nullius et par le principe de succession des Etats, par les traités signés avec les chefs des peuples autochtones, les Etats colonisateurs ont acquis la souveraineté sur ces territoires et donc, les considéraient comme des espaces relevant de leurs autorités respectives.

    2 Sfez Gerald, op.cit. P.62

    3 La pensée machiavélienne privilégie les conquêtes armées et postule la « légitime offense » alors que Botero met en avant l'exigence de la paix civile et c'est la police pense - t- il qui en est garante.

    4 Descendre Romain « Raison d'Etat, puissance et économie. Le mercantilisme de Giovanni Botero » Revue de métaphysique et de morale, n°39, 2003, pp. 311-321.

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    légitime défense. Mais, la révolution se trouve aussi dans l'assujettissement de la politique à la morale. Hier, Machiavel a expulsé la morale de la politique, aujourd'hui Botero l'y réintroduit. « Botero dit Sfez, refuse d'attribuer de valeur absolue à la puissance d'Etat et maintient l'idée de la subordination de la raison d'Etat à la conscience et de la puissance d'Etat à l'autorité religieuse »1. Il pense contre Machiavel et Tacite que la morale religieuse est ce qui ne peut être transgressé par la raison d'Etat. L'Etat n'est pas souverain vis-à-vis de l'Eglise. Botero porte ainsi à la souveraineté ses premiers coups car il place l'Etat et sa raison sous la férule de l'Eglise et de la morale. Tout se passe comme si moraliser ou « raisonner la raison d'Etat » est un processus qui fragilise automatiquement la souveraineté et amène à sa reconsidération. Mireille Delmas-Marty dans un ouvrage2 sur la création d'un droit européen, révèle l'incompatibilité de la raison d'Etat raisonnée avec une souveraineté rigide et absolue. En effet, la création d'une Europe des droits de l'homme est l'occasion de la communautarisation des politiques nationales. Ceci implique la cession d'une parcelle de souveraineté nationale au profit d'un niveau supérieur, le niveau régional. Les Etats ainsi engagés dans ce processus de régionalisation doivent abandonner les « clauses échappatoires » qui peuvent servir de refuges à la raison d'Etat pour construire un espace plus grand, un espace intégratif et intégré.

    Par ces trois éléments de similitude qui n'en excluent pas d'autres, la souveraineté et la raison d'Etat paraissent sinon interchangeables, du moins consubstantielles. Les fortunes de la souveraineté informent celles de la raison d'Etat.

    2. La souveraineté : un concept aux multiples dimensions

    L'initiative de transparence des industries extractives (EITI) remet-elle en cause la souveraineté des Etats ? Cette question remet à l'ordre du jour le débat autour de la souveraineté. L'interpellation est ainsi faite quant aux fortunes de la souveraineté dans un monde transformé. Y répondre c'est dire le dessein de positionner cette recherche dans le continuum de la conception dynamique de la souveraineté, se situant entre la rupture et la continuité3 ; ce qui expliquerait alors le rôle nouveau reconnu aux acteurs privés tels que les ONG et les compagnies extractives. En effet, deux écoles s'opposent dans ce débat et

    1 Sfez, op.cit P.65.

    2 Delmas-Marty Mireille (1989) Raisonner la raison d'Etat : Vers une Europe des droits de l'homme, Paris : PUF.

    3 En réalité, la conception dynamique de la souveraineté traduit l'évolution de celle-ci vers un niveau autre que celui des origines. On peut donc avoir une évolution vers l'obsolescence, une évolution vers la démystification, ou encore une évolution vers une perception plus globale qui installerait les frontières des Etats et donc de leurs souverainetés sur les lisières sous-régionales, régionales et même globales. Il s'agit ici d'admettre que le dynamisme de la souveraineté la conduit vers l'évolution, mais la situant dans l'espace heuristiquement riche compris entre la rupture et la continuité.

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    s'affrontent autour de la fixité de la souveraineté. L'une prônant l'absolutisme de la souveraineté, se décline en des dimensions mythique, perpétuelle et juridique. L'autre, dynamique, est démontrée par les dimensions obsolète, postmoderne et relative de la souveraineté.

    a) La souveraineté comme principe absolu

    La conception absolutiste de la souveraineté lui confère un caractère inamovible. Celle-ci procure à la souveraineté une essence, une teneur inchangeable, permanente. Elle fait de la souveraineté une réalité qui justifie les conflits, les cloisons territoriales et abstraites de tout temps. Mais au sein de cette conception, l'on relève trois dimensions d'appréhension : une dimension absolue perpétuelle, une dimension mythique et une dimension juridique.

    Dans une ère où la défense des entités territoriales contre les invasions étrangères était au coeur des préoccupations, l'anarchie hobbesienne1faisait planer de la suspicion entre les entités politiques, surtout lorsque les menaces à la stabilité interne provenaient de l'extérieur, dans une Europe en proie aux schismes et autres révolutions. Penser alors la souveraineté comme pouvoir absolu dévolu au souverain, était envisageable non pas que ce fut une réalité absolue mais plus, la fabrication in vitro d'un principe destiné à produire de l'ordre. Un mythe fondateur d'un ordre nouveau2 . Ainsi, Thomas Hobbes dans sa définition de la République annonce déjà sa conception de ce qui plusieurs siècles durant, va structurer la conduite des affaires du monde. Il dit : « Une république est dite être instituée quand une multitude d'hommes s'accordent et conviennent par convention; chacun avec chacun, que, quels que soient l'homme, ou l'assemblée d'hommes auxquels la majorité donnera le droit de présenter la personne de tous, c'est-à-dire d'être leur représentant, chacun, aussi bien celui qui a voté pour que celui qui a voté contre, autorisera toutes les actions et tous les jugements de cet homme, ou assemblée d'hommes, de la même manière que si c'étaient ses propres actions et jugements, afin que les hommes vivent entre eux dans la paix, et qu'ils soient protégés contre

    1 Alexander Wendt faisant sa classification des anarchies, parle de trois types: l'anarchie hobbesienne dans laquelle les Etats se considèrent comme ennemis, l'anarchie lockéenne au sein de laquelle les Etats se regardent comme des rivaux et l'anarchie kantienne où les Etats se regardent en amis. Wendt Alexander (1999), Social theory of international politics, Cambridge :Cambridge University Press, chap.6

    2 Il faut dire qu'en même temps qu'il est l'un des théoriciens de l'absolutisme, Hobbes est aussi avec Locke l'un des bâtisseurs de la souveraineté en tant qu'elle est mythe fondateur. La création de Léviathan à partir d'une mise en commun des libertés pour la sécurité, rappelle le passage de l'état de nature lockéen au `civil government'. L'histoire regorge de tels mythes qui ont structuré la pensée des hommes car le souci de justifier et donc de légitimer l'Etat en tant que société de vie commune, imposait que l'on construise des mythes explicatifs de la domination d'un ou de quelques-uns sur la multitude. Qui vous a établi au dessus des autres ? La souveraineté en tant que mythe, a donc vocation à préserver le corps social du chaos, de l'anomie.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 8 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    les autres1 ». La distinction entre `eux' et `nous', la cloison et la méfiance vis-à-vis des ennemis extérieurs vont ériger la souveraineté en sacro-saint principe exorcisant les démons de la déstabilisation. La hantise de l'insécurité a justifié l'omnipotence du souverain sur les sujets.

    Quant à Vattel2, sa conception de la souveraineté découle de la nation. Cette dernière est pour lui un corps politique, une société d'hommes unis dans le but de promouvoir leur sécurité mutuelle par la combinaison de leurs forces. Il faut une autorité pour réguler l'action de ces hommes divers vers l'atteinte de l'objectif de sécurité. Cette autorité politique est donc la souveraineté et celui qui en est investi est le souverain. Il complète cette présentation de la souveraineté interne par celle externe en affirmant que toute nation qui se gouverne ellemême, quelle que soit sa forme, sans dépendance vis-à-vis d'un pouvoir étranger est un Etat souverain. Ses droits sont naturellement les mêmes que ceux de tout autre Etat. Cet absolutisme proclamé de la souveraineté tant à l'intérieur qu'à l'extérieur est aussi prôné par Jehan Bodin qui en fait une «puissance perpétuelle »3. Morgenthau la définit ainsi: « Sovereignty is the supreme legal authority of the nation to give and enforce the law within a certain territory and, in consequence independence from the authority of any other nation and equality with it under international law ». Il distingue la souveraineté du roi sur ses sujets de celle de tout Etat vis-à-vis de ses pairs dans le système international. Pour l'une et l'autre, il proclame l'inviolabilité sauf dans le cas des arrangements entre Etats. Toutefois, l'intérêt réside moins dans la distinction et les conditions de perte de la souveraineté que dans sa conception. En effet, la synonymie qu'il établit entre la souveraineté, l'indépendance, l'égalité et l'unanimité, soulève des interrogations quant aux faits de la scène internationale tel que la prévalence d'un hégémon qui impose sa loi à tous. L'indépendance suppose que la souveraineté suprême échoit à la nation sur elle-même et qu'il n'y a pas d'autorité au dessus d'elle. L'égalité met tous les Etats sous le droit international mais jamais les uns sous le couvert des autres et l'unanimité stipule qu'aucune décision ne m'engage sans mon consentement4. L'observation de la scène internationale révèle plutôt la difficulté à parler d'indépendance, d'égalité et d'unanimité dans un monde où prévaut comme le dit Morgenthau lui-même, la quête de puissance. L'on comprend dès lors que les conditions de perte de la

    1 Hobbes Thomas (1651) Léviathan. Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république écclésiatique et civile, traduction de Philippe Folliot (2004), troisième partie, chap. XVIII, P. 14

    2 De Vattel Emmerich (1758) The law of Nations or the principles of natural law, Edition mise en ligne sur http://www. uqac.uquebec.ca.index.htm, revue par Paul Tremblay en 2002. Chap.1 section 1-4.

    3 Bodin jean (1986) Les six livres de la république, Paris : Fayard.

    4 Morgenthau H. J. (1950), Politics among nations; the struggle for power and peace, 6eme Edition, New York: Alfred A. Knopf, P.331-332;

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    souveraineté telles qu'il les énonce laissent planer comme un nuage de contradiction si ce n'est l'illustration de la difficulté à cerner ce concept mouvant et évolutif1. En même temps, cette contradiction se renforce par la reconnaissance de l'impact du droit international sur les souverainetés des nations. En effet, si l'auteur assujettit toutes les nations au droit international, il annonce déjà ipso facto inconsciemment, le rôle d'acteurs autres qui peuvent intervenir dans l'initiation de ce droit et dans son exécution. Même en précisant les situations particulières qui favorisent la perte de souveraineté du fait du droit international, il ne semble pas qu'il y ait dans sa logique une césure franche entre la souveraineté absolue qu'il prône et la souveraineté en situation permanente de menace. Toutes deux restent fortement drainées par le souci de la non ingérence.

    La souveraineté « morgenthauienne » est révélatrice de la dimension juridique qu'il faut intégrer pour une compréhension totale de la souveraineté en tant qu'elle est absolue. La souveraineté telle que pensée par Morgenthau est essentiellement juridique. Elle est le droit de faire le droit dans un territoire sans influence extérieure, le droit pour un ou quelques-uns de décider souverainement au nom de la multitude. De plus, l'évocation de la souveraineté comme principe juridique peut laisser penser qu'en raison des concepts nouveaux tels que le droit d'ingérence et la responsabilité de protéger, l'essence absolue de la souveraineté céderait la place à l'essence dynamique. Considérant le droit communautaire CEMAC, il se fonde sur le consensualisme des sources juridiques. En clair, le consensualisme et le consentement qui fondent les traités constitutifs d'espaces communautaires atténuent l'effet corrosif des intégrations qui sont alors non pas des tentatives de réduction de la souveraineté, mais la concordance des volontés. Le jus tractatum tel que codifié par la convention de Vienne du 23 mai 1969 reconnaît la souveraineté des Etats qui signent un traité, « c'est-à-dire un acte écrit, né de la concordance des volontés... d'Etats souverains et engendrant des effets ou des obligations juridiques à l'égard de ces Etats2 ». Les obligations juridiques ainsi acceptées ne constituent pas une entorse à la souveraineté des Etats car, « sans doute ayant ainsi accepté de se soumettre à diverses obligations, les Etats membres (d'une organisation sous-régionale ou régionale) avalisent en même temps une certaine restriction à leurs prérogatives internes et internationales. Cependant, ils n'ont fait que valoriser un attribut essentiel de leur

    1 Morgenthau pense qu'une nation A perd sa souveraineté si elle permet à B de mettre un veto à sa décision. Une nation A perd également sa souveraineté si son gouvernement n'a plus qu'une existence apparente mais les décisions sont prises par B. Morgenthau, op. cit. p. 334-336.

    2 Mouelle Kombi N.E « les aspects juridiques d'une union monétaire : l'exemple de l'Union Monétaire d'Afrique Centrale » Revue Générale de Droit International Public, Juillet-septembre 2001, n°3 P.528 ;

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    souveraineté : le jus tractatum 1». L'impression de contradiction que l'on peut percevoir dans ces subtilités du droit, selon qu'il doit s'appliquer en sauvegardant la souveraineté, est renforcée par le dilemme causé par les exigences morales face aux situations de violation du droit international humanitaire.

    Alors que le droit international sacralise la souveraineté et fonde sur elle la régulation des Etats en tant que sujets de droit, certains évènements ont démontré un malaise à rester accroché aux mâchoires de l'absolutisme de la souveraineté. Le Rwanda, Srebrenica, le Kosovo ont démontré le dilemme qui naît lorsque le droit fait face à la décrépitude morale dans l'arène internationale. L'article 2(1) de la charte des Nations Unies qui proclame l'égalité souveraine des Etats et son implication qui est la non-ingérence doit-il demeurer inviolé ou bien la communauté internationale doit-elle s'auto-flageller en renonçant aux principes qu'elle s'est forgée ? La résolution 43/131 du 8 décembre 1988 de l'Assemblée Générale de l'ONU portant droit d'ingérence, le rapport de la Commission Internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des Etats (CIISE) du 30 septembre 2001 tentent de répondre à la question de Kofi Annan. Ce dernier se demandait comment se comporter devant les situations telles que le Rwanda et Srebrenica, si l'ingérence pose un problème au principe de souveraineté. A cette inquiétude le droit répond par des biais : droit d'ingérence, responsabilité d'intervenir, responsabilité de protéger. Toutefois, devant la position ambiguë du droit qui prévaudra en autorisant une intervention ici et le respect strict de la non-ingérence là-bas, l'on peut penser que la dimension juridique donne encore la part belle à la permanence de la souveraineté.

    John Charvet estime que dans un sens relativement superficiel de la souveraineté, les pratiques d'intervention au nom de la protection des droits de l'Homme ont altéré substantiellement la position de l'Etat mais que dans un sens profond de la souveraineté, ces pratiques nouvelles ne marquent pas de changement sur le statut de l'Etat2. C'est une position qui consiste à penser que la souveraineté en tant que principe juridique demeure pertinente et permanente3, deux niveaux d'appréhension voient le jour, posant le problème du niveau

    1 Mouelle Kombi N.E «L'intégration régionale en Afrique centrale : entre interétatisme et supranationalisme » in Ben Hammouda, Bekolo-Ebe et Touna Mama L'intégration régionale en Afrique centrale ; bilan et perspectives, Paris : Karthala. P.209. Il s'appuie pour le dire sur l'arrêt de la CPJI du 17 août 1923 au sujet de l'affaire du Vapeur de Wimbledon qui dit : « la faculté de contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l'Etat ».

    2 Charvet John «The idea of state sovereignty and the right of humanitarian intervention» International Political Science Review, vol. 18, n°1, pp. 39-48, (1997).

    3 En cela, il rejoint Janice E. Thomson. En effet, celle-ci est sceptique quant à l'érosion de la souveraineté. La
    définition de la souveraineté par le `contrôle' (Rule-enforcing) plutôt que par l'autorité' (Rule-making) a
    entraîné les analystes interdependantistes à considérer que la souveraineté des Etats est érodée par le fait des

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    pertinent de la souveraineté. Toutes les dichotomies trouvent alors un espace d'émulation : souveraineté absolue/souveraineté juridique, souveraineté légale/souveraineté législative, ce d'autant plus que la souveraineté comporte une double exigence. En effet, à l'extérieur, elle suppose la responsabilité de respecter la souveraineté des autres Etats et à l'intérieur, elle implique la responsabilité de protéger les citoyens des abus et autres violations. En somme, la dimension juridique de la souveraineté patauge encore dans l'indécision qui empêche de partir d'une volonté de quadrillage de la scène internationale par un droit international décalé, et la nécessité de s'extirper du manichéisme juridique.

    Nathan Klassen affirme dans le sillage de ses précurseurs, l'absolutisme de la souveraineté. Il dit: «sovereignty is an absolute concept and certainly autonomy is a component of sovereignty».1 L'examen des trois dimensions démonstratives du caractère absolu, c'est-à-dire permanent de la souveraineté à l'aune de la transparence des industries extractives comme exigence, révèle en gros l'incompatibilité. Les fondements absolu, mythique et juridique de la souveraineté interdisent précisément toute immixtion dans les affaires internes des Etats. Les ressources extractives d'un pays appartiennent exclusivement à son peuple. La résolution 1803 de l'Assemblée Générale des Nations Unies datée du 14 décembre 1962 proclame la « souveraineté permanente des peuples sur leurs ressources naturelles ». Elle vient compléter la résolution 1314 de la même instance datée du 12 décembre 1958, qui en même temps qu'elle donne des recommandations concernant le respect du droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes, crée la « commission pour la souveraineté permanente sur les ressources naturelles ». L'on peut y ajouter la résolution 626 du 21 décembre 1952 énonçant le droit des peuples d'exploiter librement les richesses et les ressources naturelles. L'autorité et la légitimité des dirigeants étant l'émanation des peuples, cette souveraineté des peuples proclamée par le droit international relatif aux ressources naturelles est exercée par les dirigeants. Or, le projet de transparence dans les industries extractives comporte en soi une négation de la rigidité des frontières. De plus, l'hésitation du droit à s'inscrire résolument dans la flexibilité, lui a fait manquer l'occasion d'autoriser l'émulation de telles entreprises car, la mal gouvernance peut aussi être cause d'un génocide silencieux, au même titre que les

    divers flux qu'occasionne la globalisation. Or dit-elle, l' « autorité méta-politique » de l'Etat qui lui confère l'ultime décision sur la fabrication des règles et des normes, est le signe que la souveraineté est sauve. Dans l'application des lois, l'Etat peut s'inscrire dans un multilatéralisme qui s'impose avec la globalisation, mais cela n'est en rien le signe de l'érosion de la souveraineté. Thomson J.E « State sovereignty in international Relations: Bridging the gap between theory and empirical research »International Studies Quarterly n°39, pp. 213-233, (1995).

    1 Klassen, Nathan (2005) «State autonomy and encryption: an examination of technology's ability to impact state autonomy», Journal of military and strategic studies, 8(1), p.1.

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    nettoyages ethniques. Alors l'urgence qui a justifié une codification par le « droit des résolutions » (droit non contraignant au nom du sacro-saint principe de la souveraineté) ici, peut aussi servir de prétexte pour une codification là-bas.

    Cependant, le processus d'adoption et d'exécution des résolutions met en exergue les conflits qui existent au sein des Nations Unies. Et, ceux-ci expliquent pour partie la convocation de la souveraineté pour s'opposer à la « puissance du nombre » et à la « puissance matérielle ». Comme le montre Mohammed Bedjaoui, l'accession massive des Etats à l'indépendance dans les années 1960 a favorisé le basculement de la majorité à l'Assemblée générale des Nations Unies. Alors, les résolutions en tant que source de droit vont devenir le théâtre de l'opposition entre le tiers-monde et les pays industrialisés en vue de l'instauration d'un nouvel ordre économique international1. Si le « courant majoritaire » parvient par l'avantage du nombre à faire passer une résolution, le « stagnant minoritaire » possède encore l'arme de l'inexécution si ses intérêts sont menacés. Aussi, peut-on comprendre aisément que les résolutions concernant le « droit des peuples à disposer librement de leurs ressources naturelles » ne soient pas souvent exécutées, en raison de l'intérêt que lesdites ressources représentent pour les nations industrialisées qui, fort des stratagèmes multiples2, s'opposent à l'application stricte de certaines résolutions. Face aux offensives du tiers-monde, la riposte des pays développés pour empêcher l'adoption d'une résolution peut activer l' « arme absolue » de l'inexécution3. La résolution comme espace d'expression des conflits politiques révèle que la souveraineté est souvent convoquée pour préserver les intérêts des Etats au sein des Nations Unies. Ce, d'autant plus qu'au plan international, la volonté de la majorité ne s'impose pas à la minorité à cause précisément de la souveraineté des Etats. En principe, en cas d'exécution des résolutions dans la prééminence du droit sur les intérêts politiques, la souveraineté juridique prônée par ces textes de droit est antinomique de l'étude de la transparence des industries extractives qui ne peut se faire en négligeant les interférences multiples dans les espaces de souveraineté étatique qu'autorise EITI. Ce qui est contraire à l'esprit des résolutions onusiennes sur cette question. Mais, la

    1 Bedjaoui Mohammed « Un point de vue du tiers monde sur l'organisation internationale » in Georges AbiSaab (dir.) (1980) Le concept d'organisation internationale, Paris : Unesco, pp. 223-292.

    2 Dans le cadre de ce que Mohammed Bedjaoui appelle la riposte des Etats industrialisés, ces derniers utilisent des stratégies telles que le procès de la « majorité automatique » qui est favorisée par le grand nombre des Etats du tiers monde. Ils font prévaloir le phénomène de la clientèle de vote par lequel ils s'assurent les votes de certains Etats du tiers monde en échange d'avantages divers. Ils entretiennent et récupèrent les divergences entre les pays du tiers monde. Ils procèdent aux agressions et déstabilisations politiques de certains Etats comme ce fut le cas au Chili de Salvador Allende. Ils menacent quelques fois de se retirer des organisations internationales (les USA se sont retirer de l'OIT en 1976) pour les paralyser, quand ce n'est pas leur droit de veto qui est activé. Bedjaoui, M. idem, pp. 236-256.

    3 Bedjaoui, idem, pp. 262-265.

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    puissance matérielle des Etats industrialisés fragilise ce principe, et permet l'immixtion de ceux-ci dans les affaires de ceux-là. Alors, dans les deux cas, il apparaît surtout que le sens conféré à la souveraineté juridique au plan international est incompatible avec la transparence des industries extractives, sous réserve des incursions qu'autorise le refus d'exécution des résolutions, en raison de la puissance dont disposent certains Etats. L'on ne saurait dès lors imaginer la transparence des industries extractives comme initiative impliquant des acteurs privés et étrangers, dans le contexte de la souveraineté absolue.

    b) L'approche dynamique de la souveraineté

    La seconde conception dite dynamique se fonde sur l'évolution de la souveraineté et, se décline en trois dimensions : la dimension obsolète c'est-à-dire de l'absolutisme vers l'obsolescence, le versant postmoderne qui établit la frontière de la souveraineté au niveau macro et enfin le caractère relatif de la souveraineté.


    · De l'obsolescence de la souverainetéLa souveraineté qui est un principe de la modernité politique, aurait connu une fin avec

    l'inflation de la violence caractéristique du XXème siècle. Telle est la position de Gérard Mairet1 qui estime que, l'importance de la souveraineté réside dans sa capacité à permettre que la société se conserve et connaisse la sécurité. Même s'il admet que les Etats et les populations n'ont pas pour autant disparu, Mairet en déclarant la fin de l'ère de la souveraineté s'illustre par son positionnement en faveur du déclin de celle-ci, qui aurait connu un âge d'or avec la modernité politique dont elle a constitué un principe matérialisé dans la construction de la territorialité politique des Etats. L'on peut s'interroger cependant sur la disparition totale du principe de souveraineté alors que survit l'Etat dont il est le ferment et le fondement. A côté de cette déclaration de décès, résonne le son de certains auteurs qui comme Krasner s'étonnent de l'emphase mise sur la globalisation. Cette dernière pense-t-il, est vieille et cela implique que des quatre types de souveraineté qu'il distingue2, la « westphalian sovereingty » est une fiction car à aucun moment de l'histoire de l'humanité, il n'y a eu exclusion des sources extérieures d'autorité de jure et de facto. En gros dit-il, le principe de souveraineté comme principe régulateur des relations internationales est une hypocrisie

    1 Mairet Gérard (1997) Le principe de souveraineté, histoire et fondement du pouvoir moderne, Paris : Gallimard.

    2 Pour définir la souveraineté, Krasner effectue une classification de quatre types de souverainetés. `Domestic sovereignty' comme la structure d'autorité au sein d'un pays, `Vattelian sovereignty', `interdependance sovereignty' et `international legal sovereignty'. Krasner S.D. (1999), « Abiding sovereignty » International political science review, vol. 22, n°3, pp. 231-233.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 14 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    organisée1. Cette mouvance tend à nier l'existence de la souveraineté, ou à afficher son acte de décès au nom de la mondialisation, vieille réalité qui s'amplifie. La globalisation et les flux divers auraient retourné le monde au point que Badie2 parle de capacité de l'Etat plutôt que souveraineté.

    Les analyses de l'interdépendance libérale justifient par ces flux observés aux frontières des Etats, la subversion de la souveraineté. Le rejet de l'interétatisme par Nye et Keohane3 dès les années 1970 et l'affirmation que la politique internationale est plutôt transnationale qu'internationale, sont des éléments qui à la suite des travaux de Arnold Wolfers4, viennent remettre en cause l'accent très souvent mis sur l'Etat et donc, la souveraineté qui en est le principe fondateur. En effet ce courant de pensée suppose que la souveraineté de l'Etat serait érodée par les flux occasionnés par l'interdépendance économique, la démocratie, la technologie ; et de ce fait, que l'Etat a perdu le contrôle sur ses frontières5. Rejettant cette acception, Janice Thompson dit: « Sovereignty is not about state control but about state authority. The question is whether or not the state's ability to make authoritative political decisions has eroded; that is whether ultimate political authority has shifted from state to non-state actors or institutions6» (la souveraineté ne renvoie pas au contrôle étatique mais, à l'autorité de l'Etat. La question est de savoir si oui ou non la capacité de l'Etat à prendre des décisions politiques avec autorité est érodée; c'est-à-dire, si l'autorité politique ultime est passée de l'Etat aux acteurs et institutions non-étatiques). Fondant la souveraineté sur l'autorité plutôt que sur le contrôle qui appelle à contribution d'autres acteurs de la scène internationale, elle rejette l'idée de l'érosion de la souveraineté étatique.

    L'économie politique internationale s'appuie sur l'interaction entre le marché et l'Etat pour dire l'obsolescence de la souveraineté parce qu'annonçant le déclin ou le retrait de l'Etat. Dès 1987, Robert Gilpin7 s'interrogeait sur les leviers qui déterminent le fonctionnement du marché et les incidences réciproques des variations dans le fonctionnement de l'Etat et du

    1 Krasner S.D Sovereignty: organized hypocrisy op. cit.

    2 Badie B. «De la souveraineté à la capacité de l'Etat» in Smouts M.C Les nouvelles relations internationales, pratique et théorie, Paris : Presses de science Po, 1998, pp.37-56.

    3 Robert O. Keohane, Joseph S. Nye (Eds), (1972) Transnational relations and world politics, Cambridge: Harvard University Press. Keohane R. Nye J. (1977) Power and interdependence: World politics in transition, Boston: Little Brown.

    4 Wolfers Arnold (1962) (Eds) Discord and collaboration: Essays on International Politics, Baltimore: John Hopkins Press.

    5 Krasner est sceptique quant à la nouveauté de cette interdépendance car pense-t-il, ces phénomènes sont observables depuis des siècles. Krasner S.D « Approaches to the State : Alternative Conceptions and Historical Dynamics » Comparative Politics, n°16, pp. 223-246 (1984)

    6 Thompson Janice « State Sovereignty in International Relations: Bridging the Gap between Theory and Empirical Research» International Studies Quarterly, n°39, pp. 213-233 (1995)

    7 Gilpin Robert (1987) The Political Economy of International Relations, Princeton: Princeton University Press.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 15 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    marché. Même s'il est resté centré sur l'Etat dans son interaction avec le marché, en montrant comment le fonctionnement de l'Etat ne peut minorer les idées économiques tant les deux interagissent1, Gilpin a posé les jalons d'un courant de pensée qui très vite, va remettre en cause la souveraineté des Etats au nom de l'interpénétration avec le marché. Dans leur ouvrage intitulé Triangular diplomacy, John Stopford et Susan Strange2 démontrent que l'on est passé des rivalités par affinité sectorielle (Etats contre Etats, Firmes contre firmes), à l'imbrication des Etats et des marchés pour la production et la distribution des richesses. Le marché cesse d'être l'instrument du politique, pour devenir une autorité propre et statocidaire. Plus tard en 19963 Susan Strange pousse plus loin l'analyse et affirme que: « The impersonal forces of world markets integrated over the postwar period more by private enterprise in finance, industry and trade than by the cooperative decisions of governments, are now more powerful than the state to whom ultimate political authority over society and economy is supposed to belong»4(les forces impersonnelles des marchés mondiaux intégrés pendant la période d'après guerre plus par les entreprises privées de finance, de l'industrie et du commerce que par les décisions de coopération gouvernementale, sont à présent plus puissantes que l'Etat auquel est censé appartenir l'autorité politique ultime sur la société et l'économie). En clair, elle annonce le recul de l'autorité étatique devant le pouvoir des sociétés multinationales et transnationales. Josépha Laroche souscrit totalement à cette logique, elle fustige les travaux du droit international public, des géopoliticiens, de l'école française de l'histoire politique et plus récemment des réalistes qui ont mis un accent « exagéré » sur l'Etat alors que pense-t-elle, la politique internationale n'est plus le lieu d'expression du monopole étatique5. Laroche pense l'Etat en terme d'âge d'or et de déclin. Celui-ci serait entré dans sa phase de déclin qui se traduit par l'échec de sa greffe dans les sociétés autres, les contraintes internes et les défis transnationaux. A l'intérieur, l'Etat fait face aux nationalismes et à l'extérieur, il doit se frotter aux violences transfrontalières et à l'impossibilité de faire face aux flux médiatiques et migratoires. En même temps, la mondialisation aurait favorisé l'émergence de nouveaux intervenants tels que les organisations internationales, les ONG, les firmes transnationales et les individus en réseaux.

    1 Quoique Ngaire Woods pense que les idées plus globalement et les idées économiques particulièrement ont été négligées dans la théorie des Relations Internationales. Ngaire Woods « Economics Ideas and International Relations : Beyond Rational Neglect » International Studies Quarterly, n°39, pp. 161-180 (1995)

    2 Stopford J. Strange S. (1991) Rival states, rival firms: Competition for world market shares, Cambridge: Cambridge University Press.

    3 Strange Susan (1996) The Retreat of the State: The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge: Cambridge University Press.

    4 Strange (1996) op. cit. P 4

    5 Laroche Josepha (1998) Politique internationale, Paris: LGDJ.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 16 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Ces analyses de l'économie politique internationale ont le mérite de faire prendre conscience de la complexité de la politique internationale qui ne saurait être le fait des seuls Etats. De plus, elles rendent raison du rôle souvent ignoré de l'économie dans la structuration de la scène mondiale. Ce faisant, elles postulent le retrait de l'Etat et donc de la souveraineté. Elles permettent de comprendre les logiques qui animent les firmes transnationales qui sont impliquées dans EITI ; elles constituent par ailleurs un apport dans la compréhension du système complexe post-guerre froide et même post-Georgie dans lequel l'économique fait corps avec le politique1. Toutefois, cette tendance à proclamer ex abrupto le déclin de l'Etat génère un certain malaise quand on a en mémoire le rôle que jouent les Etats dans la régulation des systèmes politiques. L'Etat n'est-il pas le dépositaire en dernière instance de l'autorité, c'est-à-dire de ce que Thompson appelle « rule-making » ? Il nous semble donc plus judicieux de postuler qu'un relatif retrait de l'Etat du fait de l'exigence de la mondialisation et l'émergence de nouveaux acteurs ont constitué la toile d'une scène internationale complexe dont la lecture nécessite mieux qu'une posture simpliste à partir d'une école théorique, un cocktail théorique qui soit en soi, le signe de la complexité.


    · La post-modernité contre la souveraineté ?

    L'école du cosmopolitisme trouve dans cette négation de la souveraineté un terreau favorable pour faire germer ses positions. Au nom de la globalisation, les auteurs tels que Paul Kennedy2 inscrivent leurs travaux dans une indifférence totale du concept de souveraineté. Certes, le fait de ne pas évoquer ce concept ne signifie pas sa négation, mais l'extrême célébration des bienfaits de la globalisation fait penser que les territoires et leur principe fondateur sont devenus impertinents3. Les « socialités post-nationales ou transnationales » se construisent d'ailleurs sur la méconnaissance de l'intégrité identitaire et nationale. La « coprésence partielle » d'un migrant est le fait d'une subversion vis-à-vis de son territoire

    1 A titre d'illustration, l'on se souviendra de la crise financière et de son incidence sur les Etats, en même temps que du rôle que tente de jouer l'Etat pour qu'elle soit résorbée. D'autre part, le rôle du géant gazier russe Gazprom dans la crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine en janvier 2009 avec des incidences sur les relations entre la fédération russe et l'Union Européenne, rappelle que l'économie joue un rôle non négligeable dans les relations interétatiques.

    2 Lire par exemple: Kennedy Paul (2007) « The subversive element in inter-personal relations-cultural border crossings and the third spaces: Skilled migrants at work and the play in the global system » Globalizations, vol. 4, n°3 pp. 355-368.

    3 L'on notera toutefois que la globalisation que célèbrent les cosmopolitistes comporte en soi les ingrédients d'une avancée vers le passé. En effet, comme le montrent des auteurs tels que Arjun Appadurai, Christophe Jaffrelot et Alain Dieckhoff, les peurs que suscite la globalisation sont génératrices des sentiments de nationalisme et d'irrédentisme qui peuvent quelquefois déboucher sur des violences. La crainte d'une absorption par le global crée des replis identitaires de nature à renforcer les appartenances primordialistes. Voir par exemple : Appadurai A. (2007) La géographie de la colère : la violence à l'âge de la globalisation, Paris : Payot. Dieckhoff Alain et Jaffrelot Christophe « La résilience du nationalisme face aux régionalismes et à la mondialisation » Critique Internationale n°23, pp. 125-139, avril 2004.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    d'origine et d'un refus d'assimilation totale au pays d'accueil. Les troisièmes espaces de socialité qui en découlent se construisent par ce que Robin Cohen appelle le « troisième paradigme » c'est-à-dire l' « hybridation »1.

    La problématique des intégrations sous-régionales et régionales a déplacé la frontière de l'Etat en la superposant sur la frontière des espaces globaux. Souveraine mondialisation irrévérencieuse des territoires, le global comme unité d'analyse du système mondial redonne de la pertinence au paradigme nostalgique de Roland Robertson. Le postmodernisme se particularise par la prétention du dépassement des cadres stato-nationaux. La pertinence de cette posture se mesure à la possibilité de rendre raison de l'action des acteurs transnationaux qui, dans le cadre de l'initiative de transparence des industries extractives, interagissent avec l'Etat. C'est le signe que le national comme niveau d'analyse de la scène politique mondiale est en perte de vitesse au profit du global mais plus fréquemment, du régional. Les politiques des puissances européennes sont dans cette mouvance de régionalisation, l'européanisation des politiques publiques des nations européennes illustre cette quête d'efficacité par la régionalisation. Cependant, l'initiative de transparence des industries extractives est aussi l'occasion de l'affirmation de l'inamovibilité de l'Etat dont la postmodernité2 laissait penser qu'il est obsolète. Badie qui observe le processus d'intégration régionale comme signe de l'irruption du social sur la scène internationale, note tout de même que l'incertitude y est du fait de la réinvention de la puissance étatique par certaines stratégies de survie du système westphalien3. C'est penser avec Justin Rosenberg que la mondialisation comme théorie explicative des phénomènes de la supraterritorialité n'est pas en contradiction avec le système interétatique de Westphalie4. Compris comme le dépassement absolu de la territorialité, l'approche postmoderne de la souveraineté ne permet pas d'analyser avec pertinence les transactions complexes dont l'EITI est le théâtre. Car, elle exclut l'Etat en tant que creuset de la souveraineté du domaine de la pertinence analytique.

    1 Robin Cohen pense qu'à côté des paradigmes « primordialiste » et « uniformiste », se trouve le paradigme de l' « hybridation ». Cohen Robin (2007) « Creolization and the cultural globalization: the soft sounds of fugitive power » Globalizations, vol.4, n°3, pp. 369-384.

    2 Il faut saisir ici la postmodernité comme l'affirmation du dépassement de l'Etat comme niveau d'analyse des relations internationales et la conviction que les niveaux régional et global sont plus appropriés pour la compréhension de la politique internationale au XXIème siècle. Cette conception n'a évidemment rien à voir avec le sens que Jacques Chevallier confère à la post-modernité c'est à dire, l'exacerbation des dimensions déjà présentes au coeur de la modernité (l'individualisme, la toute puissance de la Raison, la croyance en la vertu de la science...) et l'émergence des potentialités différentes. Autrement dit, Chevallier fait une autopsie de l'Etat plutôt que la sociologie de son fonctionnement dans la politique internationale. Lire Jacques Chevallier (2004) L'Etat post-moderne, Paris : LGDJ, 2ème Edition.

    3 Bertrand Badie (2008) Le diplomate et l'inclus, Paris : Fayard, pp. 153-184.

    4 Justin Rosenberg, The follies of globalization theory. Polemical essays, London, New York: Verso.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 18 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Les expéditions humanitaires dans le cadre d'un droit d'ingérence1 qui autorise les incursions dans les sanctuaires étatiques ont justifié d'une part la négation de la souveraineté, d'autre part l'affirmation de son obsolescence. Autrement dit, cette dimension se situe aux antipodes de la souveraineté comme principe absolu erga omnes. En même temps, transforme le principe de raison d'Etat en lui donnant des assises morales. Autrement dit, un Etat va violer la norme de la non-ingérence au nom de la morale qui exige que soient condamnés les crimes contre l'humanité et autres crimes de guerre. Ce courant, en même temps qu'il nie à la souveraineté quelque pertinence, retient de la raison d'Etat son aspect moral.

    La considération des dimensions obsolète et postmoderne2 de la souveraineté explique le déploiement des acteurs privés qui sans égard pour les frontières nationales, se meuvent au gré de leurs intérêts. La mondialisation des espaces et du temps a encouragé une interconnexion des réseaux et des acteurs qui drainent avec eux, les pratiques et les intérêts. La globalisation faut-il le rappeler, trouve sa pertinence dans la négation de la souveraineté en tant que principe fondateur du monde des Etats et de leur fonctionnement sur la sphère internationale. La chute des frontières devant les flux globalisants ouvre la boîte de Pandore des pratiques immorales qui affluent alors sur les sanctuaires nationaux. Toutes ces guerres autour des industries extractives au Liberia, en RDC, en Angola etc... impliquent des acteurs multiples dont l'action s'inscrit dans la transnationalité. L'impact de ces acteurs favorise des enrichissements par le fait de l'exploitation des ressources naturelles en temps de paix comme en temps de guerre. Autrement dit, les dimensions obsolète et postmoderne permettent de comprendre les problématiques développées autour des guerres comme le musellement de la transparence par l'afflux des acteurs multiples du fait de la globalisation. Elles permettent également de comprendre la transparence des industries extractives comme initiative qui implique pleinement les acteurs privés car, l'obsolescence de la souveraineté ou sa suspension

    1 Le 8 décembre 1988, le Conseil de Sécurité des Nations Unies adopte la résolution 43/131 portant conditions d'assistance en cas de situation d'urgence. Ainsi naquit sous l'impulsion de la France le droit d'ingérence que Armand Rolin appelle « droit de l'urgence » voir Rolin A. (dir.) (2006) Situations d'urgence et droits fondamentaux,Paris : l'Harmattan. P. 11. Ce droit est un coup dur porté à la souveraineté des Etats mais il faut relever le paradoxe qu'il comporte. En effet, au nom de la souveraineté des peuples dont l'Etat a failli dans la protection des droits, ce qui est la responsabilité interne de la souveraineté, un Etat tiers ou une communauté d'Etats peut violer la souveraineté internationale d'un autre Etat. Cela nous a fait dire plus haut que la dimension juridique de la souveraineté se caractérise par son ambiguïté. A propos du droit d'ingérence, lire par exemple: Zorgbibe Charles (1996) Le droit d'ingérence, Paris : PUF. Bettati Mario (1996) Le droit d'ingérence, mutation de l'ordre international, Paris : Odile Jacob.

    2 Il faut saisir la postmodernité ici comme une réalisation incomplète de la « deuxième modernité » de Ulrich Beck. Ce dernier assimile la postmodernité à une abolition des frontières. Or, dans notre perception, la dimension postmoderne de la souveraineté suppose l'extension de la frontière dans laquelle s'exerce la souveraineté aux niveaux sous-régional et régional. Voir Beck Ulrich (1986) La société du risque. Sur la voie d'une autre modernité, Paris : Aubier.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 19 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    sur les espaces de la globalisation autorise l'épanouissement de tous les acteurs, la démocratisation de la scène mondiale. Mais cette approche est muette sur le rôle que continue de jouer l'Etat dans la régulation de son espace de souveraineté car, elle privilégie les pool de souveraineté ou son absence totale. En fait de démocratisation de la scène mondiale, l'on assiste du fait de la postmodernité, à la contagion de l'anarchie internationale à l'espace interne. Ce contexte en même temps qu'il permet l'euphorie des acteurs transnationaux et privés, réduit l'Etat à un simple statut d'observateur et donc, ne permet pas de rendre compte du rôle de ce dernier dans l'initiative de transparence des industries extractives. En effet, cette dimension de la souveraineté est trop ouverte pour que l'Etat puisse se prévaloir du rôle régulateur qui est le sien dans son espace territorial. L'Etat semble inexistant dans ce contexte et, les subversions externes qui sont le fait des acteurs transnationaux et celles internes qui sont l'ouvrage des entrepreneurs identitaires, dont l'action est fondée sur le repli aux cellules primordialistes, semblent laisser le Léviathan spectateur devant le scénario d'une histoire qu'il a écrite au cours des siècles. Cette dimension est beaucoup trop ouverte pour rendre pertinemment raison de la complexité des interactions que met en scène l'EITI.


    · La souveraineté responsable : le choix de la relativité.

    Une troisième approche dite relative, appelle donc à la prudence quant à l'appréciation des fortunes de la souveraineté. Les relations internationales contemporaines remettent en cause les radicalismes positionnels à l'égard de la souveraineté. N'est-il- pas excessif d'arguer que la souveraineté est restée la même heri et hodie ? Les mutations observées dans la vie politique internationale ont-elles laissé indifférents les courants théoriques ? Si le contexte, les formes et les acteurs des relations internationales changent, les acceptions que l'on a des principes structurants de celles-ci devraient par un effet de levier, connaître un sort similaire. Dire que la souveraineté n'a jamais existé ou alors qu'elle est prévalente avec la même intensité qu'au temps des seigneuries, c'est tomber dans le double piège du « toujours ainsi » et du « tout est nouveau »1. Une sociologie de la scène internationale révèle que même si la souveraineté est une fiction, c'est une fiction qui produit des effets de réalité. Comment comprendre l'incursion russe dans le territoire géorgien en août 2008 sinon par la volonté de la Russie de préserver son territoire de l'avancée vers l'Est de l'OTAN, et donc par les inquiétudes que procure la soif de souveraineté. Comme le rappelle Helen Thompson, les écoles du libéralisme et du cosmopolitisme n'ont fait aucun cas de la souveraineté. C'est ce

    1 Voir Sindjoun Luc «Transformation of International Relations-Between change and continuity: Introduction» International political science review, vol. 22, n°3 p.221, (2001).

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 20 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    qui justifie son ardeur à la défendre dans un contexte de mondialisation avancée1, preuve que les discours sur la fin de la souveraineté n'éludent pas la réalité de son existence, de sa résistance face aux forces de la transnationalisation. Il devient alors intéressant d'appréhender la scène internationale en terme de systèmes ouverts comme le conseillent Christopher Ansell et Steven Weber2, c'est-à-dire intégrer les exigences actuelles d'ouverture à la nécessité de préserver l'autonomie des sanctuaires territoriaux. C'est ainsi que Bertrand Badie, prenant acte de la rémanence de l'autorité étatique mais en même temps de l'entrée dans l'arène des sociétés3, parle d'un glissement de la souveraineté vers la responsabilité réciproque4. L'heure est donc à la reconnaissance de la nuance dans la considération de la souveraineté en tant que principe. La souveraineté est devenue responsable5, encadrée. C'est dans cet environnement qu'Ariel Colonomos considère que la chute du Mur de Berlin met en ruine l'idée d'une société internationale qui se fonde uniquement sur la puissance et la force. Ces deux facteurs portés par les Etats, seraient désormais en cohabitation avec les valeurs et la morale que véhiculent les nouveaux protagonistes entrés en scène à la faveur de la rupture de la décennie 1990. Toutefois, la morale ainsi invoquée, servirait à la formation des intérêts6. La souveraineté devient ainsi un principe dont la transformation conduit à l'excroissance des acteurs autour des valeurs et de la morale. C'est dans ce continuum que se situe notre étude qui, mettant en scène des acteurs privés en collusion avec les Etats, démontre comment la transparence des industries extractives sert les intérêts multiples des acteurs dans le cadre d'un enchevêtrement des ordres étatique et privé. Le versant moral de l'analyse sous-tend la responsabilité de la souveraineté qui, parce que le sort de l'autre proche ou lointain est l'objet de l'attention des acteurs désormais, se mue en principe relatif, principe de responsabilité.

    Ce premier niveau de la problématique qui présente l'orientation vers une approche relative de la souveraineté, permet de faire le constat de la partialité des postures privilégiant le choix

    1 Thompson, Helen «The case of external sovereignty» European Journal of International Relations, vol. 12, n°12, pp. 251-274, (2006).

    2 Ansell K. C. & Weber S. (1999), «Organizing international politics: Sovereignty and open systems» International political science review, vol.20, n°1, pp. 73-93.

    3 Lire par exemple : Badie B. (2009) Le diplomate et l'intrus, l'entrée des sociétés dans l'arène internationale, Paris : Fayard, mais également Badie B. (2002) La diplomatie des droits de l'homme, entre éthique et volonté de puissance, Paris : Fayard. Dans ces deux ouvrages, l'auteur affirme une coexistence des ordres westphalien et privé.

    4 Badie B. (1999) Un monde sans souveraineté, les Etats entre ruse et responsabilité, Paris : Fayard. Mais cette idée revient systématiquement dans les travaux de Badie, aussi peut-on lire certains autres de ses travaux à ce sujet.

    5 La notion de responsabilité écologique fait partie de ces thématiques nouvelles qui renforcent la co nviction de la mutation de la souveraineté en responsabilité. Au sjuet de la souveraineté qui serait devenue responsable par le fait de la prise en compte des causes écologiques, lire par exemple : Karen Liftin (ed) The greening of sovereignty, London : MIT Press, 1998.

    6 Colonomos A. (2005) La morale dans les relations internationales, Paris : Odile Jacob.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 21 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    de l'absoluité ou de l'obsolescence. Certes, chacune de ces postures comporte quelques éléments de pertinence et dans les faits, l'on peut rencontrer des situations dans lesquelles les Etats, jaloux de leur existence internationale fondée sur la reconnaissance de leur souveraineté, défendent celle-ci comme une réalité absolue et inconditionnelle. L'implication des Etats dans l'initiative ici étudiée, impose une prise en compte de cette réalité. De même, l'excroissance des acteurs privés irrévérencieux de la souveraineté autorise une prise au sérieux de l'allégation d'une obsolescence du principe de souveraineté, qui serait rentré dans le déclin avec notamment la mondialisation et ses phénomènes tels que la globalisation et la banalisation des interactions et de la violence. La souveraineté comme principe structurant des relations internationales, se donne dès lors à voir comme un principe relatif. Telle est la posture qui encadre notre étude.

    3. Second niveau de problématisation: la dimension éthique du capitalisme, l'intérêt ou la morale ?

    L'inflation discursive sur l'éthique dans les entreprises en général et dans les firmes transnationales en particulier comporte une certaine illusion du fait nouveau. L'emphase mise sur le développement durable en ce qu'il est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs1 », est une illustration de la rhétorique de la morale dont se sont saisies les entreprises tant dans leurs déploiements transnationaux que nationaux. L' «Agenda 21 » rappelle les principes et les applications de cette logique qui dès le sommet de la Terre de Rio en 1992, est au coeur de l'activité transnationale de certains acteurs. En 2002 à Johannesburg, l'accentuation de cette logique a fini de faire penser que la contagion du virus de la morale dans la production capitaliste a pris l'envergure d'une pandémie. Alors, fait nouveau ou résurgence d'une dialectique tapie dans les fourrés de l'Histoire tout au long des siècles ?

    La transparence des industries extractives pose à côté de la problématique de la souveraineté, le problème du rapport du capitalisme à l'éthique. Car, le déploiement de l'activité des firmes transnationales constitue l'illustration parfaite du capitalisme industriel. Mais lorsqu'on en vient à exiger la transparence dans leurs activités, dès lors qu'elles adhèrent à la norme éthique de la transparence, c'est la morale qui en tant qu'elle est le dernier espoir de la stabilisation d'une société qui vogue à vau-l'eau vers le chaos, est invitée dans les structures capitalistes. Au premier abord, le fait paraît surprenant et nouveau mais, la scrutation de

    1 C'est ainsi que le rapport Brundtland définit le développement durable. Cette définition comporte en soi l'exigence de moralisation dans l'utilisation des ressources car, elles ne sont pas éternelles.

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    l'histoire semble révéler une existence de la conscience éthique dans la pensée de certains théoriciens du capitalisme, quoique d'autres y furent hostiles.

    a) Du capitalisme en bref

    Il convient d'abord de discourir sur le capitalisme, du moins sur ses grandes lignes. Au-delà de la longue histoire du capital dans les modes humains de production des richesses, le capitalisme en tant que système de production des richesses ne s'est développé qu'au XVème et XVIème siècles. Le capital s'il est indispensable au développement du capitalisme et même s'il prête au système son radical dans la construction lexicale, n'est pas l'unique caractéristique du capitalisme. Comme le fait remarquer Aristote, les cités grecques avaient déjà l'art de ces échanges et procédés qui permettent de créer des richesses à partir d'un capital1. Inscrivant dans le même esprit l'activité économique de type capitaliste dans la préhistoire du capitalisme en tant que système de production élaboré, Jean-marie Albertini et Ahmed Silem disent : « Si les spéculations théoriques et explicatives sont récentes, les prescriptions économiques sont sans doute presque aussi anciennes que l'invention de l'économie. Le code du roi Hammourabi, la sagesse égyptienne ou la Bible comportent des recommandations morales à portée économique2 ». Max Weber livre les grands traits qui à son sens, fondent le capitalisme, dans une taxonomie qui crée une affinité élective entre l'esprit du capitalisme et l'éthique protestante3. Weber estime que le capitalisme se fonde sur

    1 Dans son ouvrage La politique, Aristote décrit déjà le passage d'une économie de subsistance à une économie monétaire. Dans ces temps, se situe d'après lui la genèse de la monnaie dont il condamne l'accumulation pour elle-même et la spéculation marchande qui permet son obtention. L'on peut y déceler déjà la présence de la morale qui subrepticement, se glissait dans la pensée de l'auteur. Aristote (1971) La politique, Paris : Gonthier PP.13-35.

    2 Albertini J-M et Silem A (1983) Comprendre les théories économiques : petit guide des grands courants, Paris : Seuil p.10

    3 En cela, Weber fera face à une opposition virulente de la part des auteurs tels que Albert Hirschmann. En effet, Albert Hirschmann en s'appuyant sur Steward et Montesquieu montre que les intérêts économiques sont peu à peu compris au XVIIIème siècle comme le seul moyen de dompter les passions politiques. Ce faisant, il entend montrer que contrairement à ce qu'affirme Weber, l'esprit capitaliste s'enracine dans le société et ne s'affirme pas uniquement comme un élément exogène qui découle du protestantisme pour irriguer la société entière. Voir Hirschman Albert O. (1977) The passions and interests: political arguments for capitalism before its triumph, Princeton: Princeton University Press. Omar Aktouf, Renée Bédard et Alain Chanlat quant à eux, démontrent que l'éthique catholique peut également être facteur de développement par une adoption et une affinité avec le capitalisme. Prenant l'exemple québécois, ils montrent que l'éthique catholique combinée avec la mentalité rurale ont permis de sortir le Québec de sa position de traîne. Aktouf Omar, Bédard Renée et Chanlat Alain « Management, éthique catholique et esprit du capitalisme : l'exemple québécois » Sociologie du travail, vol.34 n° 1 pp. 83-99. Daniel Bell pense par exemple que : « Au début du capitalisme, le puritanisme et la morale protestante firent échec au libre mouvement de l'économie. On travaillait parce qu'on était créé pour cela et pour accomplir son devoir envers la collectivité. Mais l'éthique protestante fut minée, non pas par le modernisme, mais par le capitalisme lui-même. Le plus grand instrument de destruction de l'éthique protestante fut l'invention du crédit ». Bell D. (1979) Les contradictions culturelles du capitalisme, Paris : PUF, p.31

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    la recherche systématique, rationnelle et déculpabilisée du profit1, une grande sobriété face aux plaisirs de la vie et le souci constant d'épargne2. Encore faut-il préciser que cette conception weberienne est la description édulcorée de ce que les temps présents nous révèlent s'agissant du capitalisme. Puisque le capital a précédé le capitalisme, comprendre ce dernier c'est examiner les points qui font sa quiddité. Ce qui fait le capitalisme pense Immanuel Wallerstein3, ce n'est pas le capital puisque les systèmes historiques depuis le néanderthal ont connu sous une forme ou une autre l'accumulation des stocks de richesses. Ce qui fait le capitalisme pense-t-il, c'est que le capital est employé de façon délibérée dans le but premier de son auto-expansion. Deux éléments constituent donc les piliers du système capitaliste : la quête incessante et auto-entretenue de l'accumulation et les relations que le détenteur du capital est amené à établir avec d'autres pour réaliser cette accumulation. L'histoire de ce capitalisme commencerait en Europe à la fin du XVème siècle4.

    Les classiques à la suite d'Adam Smith ont poussé plus loin la théorisation sur le libéralisme qui est le substrat du capitalisme, en prônant le « laisser-faire ». Le marché serait ainsi allergique à l'intervention de l'Etat : la dérégulation est devenue le symbole de l'économie capitaliste. C'est dire qu'en plus des éléments qu'énumère Weber, il faut évoquer la dérégulation. Même si l'accumulation de la monnaie, le protectionnisme, l'intervention active de l'Etat ont constitué des mécanismes essentiels pour la transition du capitalisme marchand au capitalisme industriel5, l'assise acquise par la capitalisme au lendemain de la révolution industrielle a permis que, par le fait de l'enrichissement des forces du marché, l'émancipation soit revendiquée et vécue par le secteur mercantile. Le capitalisme est purement rationaliste, il sacralise la recherche du profit qu'il établit comme fin dernière.

    Il a fallu que ce laisser-faire conduise à la crise économique de 1929 pour que les théoriciens s'interrogent sur la dérégulation. John Maynard Keynes va publier en 1936, en pleine crise, la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie. Dans cet ouvrage, il va fustiger le laisser-faire qui conduit le monde vers le précipice. La dernière chance du capitalisme disait-

    1 Gilles Dostaler situe cette tendance au sortir de la féodalité car dit-il, « le profit financier et commercial sera le plus puissant levier de la transition de l'ordre féodal à l'ordre capitaliste ». Gilles Dostaler « Transition et pensée économique dans l'histoire » Cahiers de recherche sociologique, vol. 1. septembre 1983. p. 10

    2 Max Weber (1967) Ethique protestante et esprit du capitalisme, Paris : Plon

    3 Wallerstein I. (1983) Le capitalisme historique Paris : La découverte, traduction de Philippe Steiner et Christian Tutin

    4 Wallerstein (1983) op. cit. P19

    5 Dostaler Gilles « Transition et pensée économique dans l'histoire » Cahiers de recherche sociologique, Vol. 1 septembre 1983. p. 12

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    il, réside dans l'intervention de l'Etat1. En même temps, il réactualisait au sein de l'école capitaliste, le débat entre l'intérêt et la morale. En 1936, il écrivait: « I am sure that the power of vested interest is vastly exaggerated compared with the gradual encroachment of ideas2» (je suis sûr que le pouvoir des intérêts est amplement exagéré par rapport à l'empiètement graduel des idées). Cette allégation trouve de la pertinence, à l'heure où les chefs d'Etats les plus puissants du monde se réunissent à Davos pour se pencher sur les crises financière et économique actuelles, alors que la Chine et la Russie, adoptant un ton goguenard, moquent le capitalisme qui a conduit vers ce chaos financier et économique. L'intervention de l'Etat est requise pour stabiliser l'économie mondiale mais de façon unanime, les Etats réclament la moralisation du système financier et des fleurons de l'économie mondiale. Cette actualité soulève deux questions d'apparence indépendantes mais liées. Celle de la place de l'Etat dans l'économie politique internationale face aux acteurs économiques transnationaux, et le débat éthique dans le capitalisme. En effet, prôner le retrait de l'Etat par la dérégulation qui est au coeur du capitalisme, c'est penser que les firmes transnationales doivent obéir uniquement aux forces du marché, c'est-à-dire qu'elles sont totalement affranchies de la tutelle de l'Etat. Cela fait débat dans la théorie des relations internationales. La seconde question pose le problème de la place de l'éthique dans le capitalisme, alors que la nouvelle économie fait fi de la morale dans le système de production. L'usage du capital de façon déculpabilisée pour la quête du profit, semble ainsi être l'élément fondateur du capitalisme. La morale aristotélicienne fustige pareille pratique car Aristote condamne le prêt à intérêt, le commerce, l'accaparement du surplus matériel. La relation qui lie le détenteur du capital aux autres, dans le processus de production est l'espace pertinent pour scruter les fortunes du débat autour de la prise en compte ou non des valeurs morales dans la poursuite des intérêts privés. En souscrivant à la délimitation spatiotemporelle effectuée par les économistes, et qui situent le développement du capitalisme à partir du XVème siècle en Europe, une visitation des théories capitalistes dans ce qu'elles rendent compte de la place de la morale dans le système de production capitaliste, partira de ces temps qui constituent la fin de l'ère médiévale, au sortir de la féodalité.

    1 Notons la similitude avec le temps présent. Le laisser-faire et le retrait de l'Etat que les auteurs de l'économie politique internationale à l'instar de Josépha Laroche célébraient comme la victoire des forces transnationales du marché sur l'Etat, a conduit à une crise dont la cause principale est la poursuite effrénée et cupide du profit. L'Etat est appelé à la rescousse dans plusieurs aires, pour soutenir les secteurs financier et économiques qui se meurent. Les plans de relance sont à la mode dans les pays développés et dans les nouveaux pays industrialisés.

    2 Keynes cité par Ngaire Woods; Woods « Economics ideas and international relations: Beyond the rational neglect » International Studies Quarterly (1995) n° 39 p.165.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 25 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    b) L'instant de la révolution

    Le développement du capitalisme s'est opéré au XVème, au sortir du Moyen Age à l'heure du questionnement des valeurs médiévales inspirées du catholicisme romain, valeurs portées notamment par les scolastiques. Les progrès techniques illustrés par l'invention de l'imprimerie en 1440, la Reforme luthérienne qui débuta en 1517 vont constituer les ingrédients d'une « rupture instauratrice ». La propagation des oeuvres antiques et leur exploitation par les sujets, ont conduit au questionnement des valeurs chrétiennes intégrées dans l'habitus des populations. La liberté de ton des penseurs, la défiance vis-à-vis de la morale chrétienne ont favorisé la Renaissance. Avec elle, la Reforme qui toutes deux ont créé les conditions d'un tournant réaliste et le rejet de la morale. C'est dans ce contexte libératoire que parut en janvier 1532 la première édition du Prince de Machiavel, véritable symbole du rejet de la morale.

    Le capitalisme qui préexistait à cette époque et qui était essentiellement la production des richesses grâce à la détention du capital, prend une nouvelle ampleur et entraîne des questionnements quant au traitement des oeuvres, les conditions de rentabilité, la justesse du profit et l'exagération de la recherche de l'intérêt. Avec la sortie du Moyen Age, la morale cesse d'être une exigence absolue, un « impératif catégorique » pour les penseurs qui désormais, chercheront à s'en tenir à la « vérité effective des choses » plutôt qu'à la prescription des schèmes de conduite. Désormais, la morale ne constitue plus un cadre de raisonnement qu'il ne faut transgresser. L'on pourrait dire en s'inspirant de Saint Augustin que l'homme du Moyen-âge a l'exigence de l'amour de Dieu jusqu'à l'oubli de soi, l'homme de la Renaissance a l'amour de soi jusqu'à l'oubli de Dieu, celui de la Reforme a créé un interface entre la cité de Dieu et la cité terrestre. L'examen du rapport de l'intérêt qui constitue l'objectif du capitalisme et la morale se fera à partir de cette époque qui inaugure une autre façon de penser et qui abrite le développement du capitalisme.

    c) Morale ou éthique ?

    Quoique l'on n'en sache toujours peu, la théorie de choix rationnels1 a irradié les champs disciplinaires à profusion des écrits qui mettent en exergue les intérêts comme motivation d'action des acteurs. Le parti pris rationaliste dans la pensée politique et dans les us économiques de ce temps a éclipsé les valeurs morales et donc, l'éthique en tant qu'elle est non pas seulement une réflexion sur les fins ultimes2mais, une « éthique post-métaphysique »

    1 Donald P. Green; Ian Shapiro « Choix rationnels et politique : pourquoi en savons-nous toujours aussi peu? » Revue française de science politique, vol. 45, n° 1 p. 96 - 130, 1995.

    2 Foulquié Paul (1962) Dictionnaire de la langue philosophique, Paris : Puf, P.237

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    au sens de Emmanuel Levinas.1C'est-à-dire, une conception qui va au-delà de la contemplation des « choses premières », des fondations, des axiomes. Considérer l'éthique dans son rapport aux choses serait alors plus intéressant puisque cela implique la considération de son impact sur la matérialité. C'est en cela que le pseudo-débat sur la différence entre morale et éthique trouve un dénouement car, comme le dit Patrick Pharo, « il est sans doute inutile de durcir artificiellement l'opposition entre l'éthique et la morale ou encore la moralité2 » puisque cette inflexion sémantique du langage n'abrase pas la réalité de la rencontre des deux termes au carrefour de l'agir moral, c'est-à-dire que le discours savant n'empêche pas quand on parle de morale ou d'éthique, de percevoir la mêmété au rebours de la stigmatisation de l'immoralité. Dans son Ethique Spinoza nous livre un véritable discours sur la morale3. Ayant démontré l'absoluité de l'existence de Dieu, il consacre sa réflexion à une explication des sentiments qui doivent animer l'homme vis-à-vis de Dieu. Il s'agit d'une opposition entre le Bonum et le Malum, qui révèle en filigrane l'idée de morale. Et pourtant, il traite bien de l'éthique. Seule la morale ou l'éthique permet à l'homme d'échapper à l'esclavage c'est à dire « l'impuissance de l'homme à gouverner et à contenir ses sentiments ». A son sens, l'éthique correspondrait à la morale et vice-versa.

    L'étymologie des deux termes renforce cette conviction et milite en faveur de leur utilisation confuse pour traduire la mêmété de leur signification. Comme le fait remarquer Paul Ricoeur,4 rien dans l'étymologie ou dans l'histoire de l'emploi des termes n'impose une distinction entre les deux. En effet, l'un (la morale) vient du latin mores et l'autre (l'éthique) découle du grec ethiqué ; tous deux renvoient cependant à l'idée de moeurs. Peut-être une gradation arbitraire peut paraître bienséante, supposant une distinction qui s'alimente du caractère optatif de l'éthique et de la connotation impérative de la morale. La pensée de la morale kantienne peut donner du crédit à pareille distinction, pour gloser sur la primauté de l'un sur l'autre. Dans la conception aristotélicienne, l'éthique a une perspective téléologique, visant une fin (telos) telle est l'esprit de l'Ethique à Nicomaque et dans la conception kantienne déclinée dans Critique de la raison pratique, la morale est définie par son caractère d'obligation. Vu sous ces aspects, l'on pourrait alors parler des deux concepts comme une opposition entre Aristote et Kant.

    1 Cité par Damian Byers et Carl Rhodes « Ethics, alterity, and organizational justice » Business Ethics, vol.16, n°3, p. 240, juillet 1997.

    2 Pharo Patrick « Ethique et sociologie. Perspective actuelles de la sociologie morale » L'Année sociologique, vol. 54, n° 2, p. 324, 2004.

    3 Spinoza (1961) Ethique, Paris : PUF

    4 Ricoeur P. (1990) Ethique et morale : soi-même comme un autre, Paris : Le Seuil p.200-201

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    Dans cette étude, les deux termes seront usités de façon interchangeable, renvoyant tantôt à la déontologie, tantôt à la téléologie1. Une confusion délibérée des sens qui vise à relever d'une part le caractère « juste et bon » de la transparence, dans une perspective qui nie le relativisme moral et d'autre part, l'aspect normatif de la morale qui régule les conduites (la norme régulatrice au sens de Sikkink et Finnemore). Mais la morale est relative. Blaise Pascal disait : « on ne voit rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat2 ». La morale est universelle, selon la tradition kantienne et même si l'on peut considérer que l'éthique quelques fois prend la connotation de l'application parcellaire de la morale dans des domaines précis3, il vaut mieux les employer confusément, en gardant l'attention figée sur l'incidence normative qu'elles impliquent. Sans insister sur la « circularité sceptique » que peut induire le relativisme moral, à savoir qu'il n'y a aucune morale absolument valide ; cela entraînant l'incapacité de fonder une morale valide, nous considérons l'exigence de transparence dans les industries extractives comme une morale qui impose une éthique comportementale de la part des Etats et des compagnies extractives. Autrement dit, la transparence devient un comportement éthique qui s'impose aux acteurs comme norme morale. C'est donner raison à Ricoeur qui pense que la visée éthique doit passer par le crible de la norme4. C'est dire à quel point la mêmété constitue à notre sens le trait premier qui caractérise les deux termes.

    d) Morale et capitalisme : la place de l'éthique dans l'économie politique5capitaliste L'emprise de la raison sur les comportements ressort des traits caractéristiques de la modernité et même de la post-modernité politique, dans laquelle à croire Jacques Chevalier6, le sacre de la raison et l'individualisation poussée de la société ont conduit le monde vers la configuration d'une «société anonyme », (zweckverband) selon le mot de Ulrich Beck. La théorie économique abreuvée à la source du capitalisme, a marginalisé très souvent la morale,

    1 Nous serons d'ailleurs ce faisant, resté fidèle à la plupart des travaux des philosophes de la morale qui pensent que les deux termes sont d'égale signification. L'on trouvera de temps à autre des gradations de primeur, mais au fond, l'idée semble être celle de la confusion de sens. Telle est la position par exemple de Anne Fagot-Largeault « Les problèmes du relativisme moral » in Changeux J.P (dir.) (1997) Une même éthique pour tous ? Paris : Odile Jacob pp. 41- 58, également de Emmanuel Levinas (1981) Ethique et infini, paris : Fayard.

    2 Pascal B. (1995) Pensées, Paris : Gallimard, p. 230

    3 Ce que Paul Ricoeur appelle les meta-éthiques qui sont du domaine de l' « éthique postérieure » par opposition à l' « éthique antérieure » qui s'apparentant à la morale, transcende les microcosmes des secteurs d'activité. Les éthiques professionnelles correspondent alors à des manifestations de l' « éthique postérieure ». Paul Ricoeur (1990) op.cit

    4 Ricoeur (1990) op. cit ; p. 201.

    5 Ici, l'économie politique est perçue comme le science qui étudie la production et la distribution des richesses dans la société, il s'agit de la science fondée en 1616 par Antoine Montchrestien dans son Traité d'économie politique paru la même année. Elle surplombe les multiples écoles qui se développent en son sein.

    6 Chevalier Jacques (2004) L'Etat post-moderne, Paris : LGDJ.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 28 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    donnant raison à Ngaire Woods1 qui dénonce la négligence des constructions idéelles et même idéalistes dans la structuration des relations internationales. Procédant à une marginalisation volontaire des théories marxistes et socialistes qui n'évoquent le capitalisme que pour le dénoncer et le fustiger, nous allons chercher la trace de la morale dans le capitalisme, et ausculter les fortunes qui lui sont réservées.


    · Le mercantilisme ou l'emprise de l'Etat sur l'économie

    Dans le contexte d'émergence du mouvement de vigueur contre les idées morales au sortir de la féodalité, le désir d'émancipation à l'égard de l'Eglise et des conceptions médiévales de la primauté du surnaturel a consacré l'absoluité de l'Etat et de la richesse. Le mercantilisme vit le jour dans ces temps, prônant la grandeur de l'Etat par l'enrichissement des sujets. Cet enrichissement advient à la faveur de l'excédant des exportations. C'est un courant de pensée qui s'oppose à l'idée machiavélienne selon laquelle « dans un gouvernement bien organisé, l'Etat doit être riche et les citoyens pauvres ». Au contraire, la prospérité du commerce d'une nation entraîne l'expansion de la puissance politique du souverain. L'enrichissement devient la fin ultime de l'Etat incarné en ses dirigeants qui veulent renforcer sa souveraineté. Deux auteurs symbolisent cette école : John Hales et Antoine Montchrestien.

    John Hales a écrit en 1549 le Discours sur la prospérité de ce royaume d'Angleterre. Il met en avant l'intérêt de l'Etat et l'enrichissement comme la vraie fin de la vie humaine. Pour lui, la solidarité des intérêts économiques sert de lien entre les individus et la République, ce lien est plutôt de nature économique que politique ou sociale. On retrouve pareille conception chez Giovanni Botero pour qui l'enjeu n'est plus le pouvoir du prince mais la puissance de l'Etat, sa capacité à se maintenir, à maintenir sa « domination et seigneurie ». Ainsi, la population devient un enjeu de pouvoir : un Etat doit être peuplé, sa population doit être riche, son organisation spatiale doit favoriser les échanges2. Mais lui, il privilégie l'usage de ce lien à des fins politiques.

    Antoine Montchrestien a écrit en 1616 un Traité d'économie politique dans lequel il fait l'apologie du travail qui seul, sert à produire des richesses. Ce faisant, il adopte un ton laudatif vis-à-vis du désir de profit. L'Etat pense-t-il, doit s'occuper à stimuler la production et les échanges. Comme le dit en résumé Henri Denis : « Les mercantilistes font de la richesse la fin

    1 Ngaire Woods « Economic ideas and international relations: Beyond the rational neglect » International Studies Quarterly, n° 39, pp. 161-180, 1995.

    2 Voir à ce sujet la thèse de Romain Descendre « L'état du monde. Raison d'état et géopolitique chez Giovanni Botero (1544- 1617).

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    de la vie sociale. Mais ils n'entendent pas attaquer de front l'idée de la primauté de l'Etat1. Au contraire, ils s'efforcent de montrer qu'une telle conception est en parfaite harmonie avec celle qui voit dans la puissance de l'Etat le but suprême de l'activité humaine2». En plus de l'emphase mise sur le désir de profit matériel qui entraîne l'abandon de la morale, le mercantilisme place l'Etat au centre de l'enjeu et, ipso facto, se positionne dans cet espace de l'économie politique qui affirme la centralité de l'Etat3.

    Cette école rappelle fort à propos le réalisme dans ce qu'il met l'intérêt de l'Etat au centre des préoccupations des dirigeants. Le chapitre XVII du Prince4 met en scène la nécessitas qui ne s'encombre pas de la morale, pour la préservation de l'intérêt de l'Etat. La tradition réaliste s'est construite autour de quatre piliers dont l'un est l'intérêt comme mobile de l'action. Dans une société mondiale où le rapport de force et les désirs de puissance sont informés par l'instinct de survie car l'anarchie hobbesienne étant l'atmosphère générale, les Etats sont uniquement mus par leurs intérêts. Et, ces intérêts n'ont pas de limites. Le second principe du réalisme de Hans Morgenthau dit: « The main signpost that helps political realism to find its way through the landscape of international politics is the concept of interest defined in terms of power5 » (le principal indicateur qui aide le réalisme politique à trouver son chemin à travers le paysage de la politique internationale est le concept d'intérêt défini en terme de puissance). Cette conception rationaliste du monde implique que l'Etat qui est reconnu comme le seul acteur utilisera les autres secteurs de la vie nationale pour la poursuite de ses intérêts. C'est ainsi que, l'économie sera un instrument de puissance. Toutefois, comme le souligne Ngaire Woods, « realists do not suggest that ideas play absolutely no role in international relations. Empirically, they admit that states virtually always express and justify their policies in idealistic ways or in ways suggesting that they are guided by particular sets of ideas6» (les realistes ne disent pas que les idées ne jouent absolument aucun rôle dans les

    1 Ce point de vue est contesté par Jean-Marie Albertini et Ahmed Salem qui disent : « En considérant l'enrichissement comme une fin louable, les mercantilistes furent les premiers à véritablement autonomiser l'économie » Albertini et Salem (1983) Comprendre les théories économiques : Petit guide des grands courants, Paris : Le Seuil p. 13.

    2 Denis Henri (1966) Histoire de la pensée économique, Paris : PUF, p.108.

    3 Montchrestien est présenté comme le fondateur de l'économie politique avec son Traité d'économie politique publié en 1616. Mais, Henri Denis dit de Pierre le Pesant seigneur de Boisguillebert qu'il est selon lui le véritable fondateur de l'économie politique parce qu'il fut le premier à concevoir la loi qui, naturelle, régit la totalité de la sphère des échanges et de la production sans qu'elle soit l'émanation d'une puissance étatique. Ce point de vue rejoint la position de Susan Strange et Josépha Laroche qui pensent que l'économie politique se fonde sur le vacuum laissé par l'Etat en déclin et la prépondérance des acteurs économiques internationaux.

    4 Machiavel, N (1980) Le prince, Paris: Flammarion pp 137-140.

    5 Morgenthau H. J. (1985) Politics among nations: The struggles of power and peace, 6eme Ed. New York: Alfred A. Knopf p.5

    6 Ngaire Woods, op. cit. p.164

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    relations internationales. De façon empirique, ils admettent que les Etats expriment et justifient toujours virtuellemnt leurs politiques de manière idéaliste ou d'une façon qui laisse penser qu'ils sont guidés par certaines idées). A cet égard, Morgenthau pense que même si le réalisme politique est au fait du sens moral des actions politiques, il considère que les principes moraux ne peuvent pas être appliqués en l'état, c'est-à-dire dans leur formulation abstraite et immédiate mais qu'ils doivent être filtrés selon les circonstances de temps et de lieu1.

    Une projection de notre étude dans le sillage du mercantilisme permettrait de rendre raison du rôle que les Etats font jouer aux firmes multinationales, faisant fi des préoccupations morales pour la maximisation de leurs intérêts définis en terme de richesse et de prestige. Mais, s'en tenir à cette école conduirait à la négligence d'un pan important de l'étude qui seul, peut expliquer la liberté de ton et d'action de certaines firmes et organisations non gouvernementales. Le mercantilisme est ainsi une explication partielle de la transaction entre les acteurs de cette étude ainsi que des motifs d'entrée en lien social qui les mettent en branle.


    · Le libéralisme ou l'enrichissement en l'absence de l'Etat et de la morale

    Le postulat de base du libéralisme est que les mécanismes naturels gouvernent l'ensemble de la vie économique2. Ainsi, la liberté des échanges est la condition nécessaire et suffisante de l'ordre économique. C'est dire que le libéralisme rejette le cloisonnement. Citant Sir Dudley North dans Discourse upon trade, Henri Denis dit : « Du point de vue du commerce, le monde entier n'est qu'une seule nation ou qu'un seul peuple au sein duquel les nations sont comme des personnes. Il n'appartient en aucun cas à la loi de fixer les prix dans le commerce car, leurs niveaux doivent se fixer et se fixent eux-mêmes3». Cela renvoie à l'idée d'économiemonde chère à Immanuel Wallerstein. En effet, quoiqu'en ne souscrivant pas à l'idée de la dérégulation économique4, il conçoit le monde comme un système intégré. En plus de rejeter l'autorité étatique, le libéralisme abhorre la morale. Quelques courants au sein de l'école libérale permettent de s'en rendre compte.

    La physiocratie. Il s'agit d'un courant de pensée économique qui relève de la philosophie
    politique. La physiocratie s'appuie sur l'idée que la nature toute entière est un ordre voulu par

    1 Telle est la teneur du quatrième principe du réalisme de Morgenthau. Morgenthau op. cit. p. 12.

    2 Ce que Pierre Rosanvallon place au principe du règne des procédures anonymes et impersonnelles qui fondent l'utopie du capitalisme. Rosanvallon P (1979) Le capitalisme utopique, Paris : Le Seuil.

    3 Denis (1966) op. cit. p.141.

    4 Il dit notamment: «Un second mythe idéologique a pris place à côté de celui de l'autonomie du marché vis-à-vis de l'Etat : celui de la souveraineté étatique. L'Etat moderne n'a jamais constitué une entité politique entièrement autonome », c'est pourquoi il pense le monde comme une économie-monde. Wallerstein (1983) Le capitalisme historique Paris : La découverte p. 55-58.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 31 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Dieu. C'est un ordre intangible et connaissable. L'un des penseurs de cette école est François Quesnay qui publia en 1747 l'Essai sur l'économie animale. D'après Quesnay, la science est matérialiste puisqu'elle combine des notions qui ont leur origine dans la matière ; il associe matérialisme et spiritualisme. C'est pourquoi les physiocrates sont souvent taxés de philosophes économiques mais, leur adhésion aux idées morales véhiculées par la foi n'a pas réussi à les éloigner du matérialisme utilitariste. A ce propos, Denis dit : « Pour Quesnay, il est au moins un domaine qui ne relève à aucun degré de la morale, c'est le domaine économique... le droit naturel d'après les physiocrates est donc le droit de jouir de sa vie et d'exercer ses facultés1».

    Le libéralisme d'Adam Smith. Qualifié de « patriarche de l'école classique2 » de la pensée économique, Adam Smith est le véritable théoricien de la dérégulation et des grands traits du capitalisme dans ce qu'il a d'utilitariste. Et pourtant, si l'on évoque très souvent son ouvrage intitulé Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, généralement appelé la richesse des nations, et publié en 1776, l'on occulte souvent celui qui l'a précédé (La théorie des sentiments moraux, 1759) et qui est un traité sur l'éthique.

    En effet, Adam Smith qui aurait eu dans les premières années de ses humanités la tentation d'intégrer les Ordres, avait un très grand attrait pour la morale. En 1752, il obtint une chaire de philosophie morale à Glasgow et c'est tout naturellement qu'il se penche d'abord sur les questions morales3. Dans la théorie des sentiments moraux, il esquisse sa philosophie morale. L'homme agit toujours pour se procurer un plaisir ou éviter la douleur cela conduit à une interrogation : Si l'homme agit uniquement guidé par son intérêt personnel, comment expliquer l'existence du sentiment du devoir ? Tandis qu'à cette question les moralistes répondent arguant que l'obligation morale est une manifestation de l'action de Dieu qui commande de faire le bien et d'éviter le mal, Smith rejette cette idée lorsqu'il est confronté au problème de la coexistence des mobiles égoïstes et désintéressés. Il estime que l'homme est porté dans son action non seulement par son intérêt, mais également par le jugement que les autres portent sur lui. La sympathie pense-t-il, est le catalyseur de l'agir moral de l'homme. Toutefois, il procède à une dichotomie qui oppose les classes moyennes et inférieures aux hautes classes. Les premières se caractérisent à son avis par la conviction que la route du mérite est celle de la fortune (chance) d'où l'attrait pour la vertu, tandis que pour la seconde catégorie, la route de la fortune c'est l'adresse et la flatterie ce qui conduit vers l'intérêt

    1 Denis, op.cit. p.158-159.

    2 Soule George (1952) Qu'est ce que l'économie politique? Paris : Nouveaux Horizons, p.57.

    3 Soule op.cit p.60.

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    égoïste. Il dit : « Les amants de la fortune abandonnent trop souvent la route de la vertu pour parvenir à la position qu'ils envient, car malheureusement, la route de la fortune et celle de la vertu sont souvent opposées l'une de l'autre »1.

    Au contraire des physiocrates, Smith reconnaît le problème de la justice sociale mais il défend une position libérale qui consiste à penser que la liberté dans la poursuite de la richesse est la condition nécessaire de tout progrès. Les injustices engendrées ce faisant, ne seraient pas aussi considérables et inacceptables qu'on pourrait l'imaginer. Même s'il admet par ailleurs que les satisfactions morales sont plus importantes que les satisfactions matérielles2, il se fait tout de même le chantre de l'utilitarisme . C'est l'aspect de sa pensée le plus connu qu'il a d'ailleurs promu car, il s'attaque vivement au christianisme traditionnel qui prône le mépris du monde. Le second Smith qui apparaît dans la richesse des nations, est une transfiguration de l'homme de la théorie des sentiments moraux. L'histoire a surtout retenu de lui son apport à la déshumanisation du mode de production capitaliste, car l'agrégation des principes smithiens avec l'individualisme exacerbé des Lumières sous l'onction de la révolution industrielle a donné naissance à un capitalisme florissant mais froid. L'on peut donc penser que même si les premières années de la vie de penseur d'Adam Smith furent illuminées par un éclair moral et éthique, sa pensée a considérablement servi de substrat à la propagation du capitalisme moderne.

    Cette pensée smithienne est impropre à la démonstration de notre étude car, d'une part, elle met hors jeu l'Etat dont la participation n'est guère souhaitée dans la structuration des mécanismes de production et d'échange, et d'autre part parce qu'elle interdit l'entrée en lien social au motif d'une quête de l'éthique. Ainsi, la transparence des industries extractives en tant que transactions entre les Etats, les ONG et les compagnies extractives, ne peut être pensée sous le prisme de l'éthique si l'on s'en tient au libéralisme d'Adam Smith. Toutefois, elle explique l'activité rationnelle de quête de profit des acteurs en tant qu'entrepreneurs économiques qui ne subissent pas les restrictions imposées par la souveraineté étatique, et qui ne tiennent aucun cas de la morale ou mieux, l'instrumentalise froidement pour la quête de

    1 Smith A. Théorie des sentiments moraux, p. 109 cité par Denis op. cit. p. 185.

    2 Il dit : « Pour tout ce qui constitue le véritable bonheur, les déshérités ne sont en rien inférieurs à ceux qui paraissent placés au-dessus d'eux. Tous les rangs de la société sont au même niveau, quant au bien-être du corps et à la sérénité de l'âme et le mendiant qui se chauffe au soleil le long d'une haie, possède ordinairement cette paix et cette tranquillité que les rois poursuivent toujours ». Il conseillera donc à l'homme comme but à son activité, à la fois la conquête de la richesse et de la sagesse. (Théorie des sentiments moraux p.341 cité par Denis op.cit. p. 187).

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 33 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    l'intérêt. La pensée libérale d'Adam Smith constitue donc une explication partielle de notre étude.

    La pensée neo-classique du capitalisme. Elle reforme la théorie du libéralisme classique en y réinjectant des idées morales. Deux auteurs issues des écoles de Vienne1 et de Lausanne illustrent cette reforme du libéralisme.

    Par l'opposition de l'utilité sociale à l'avantage privé, Friedrich von Wieser nie l'individualisme au profit de la collectivité. Denis dit de lui : « La véritable originalité de Wieser tient au fait qu'il reconnaît très ouvertement qu'à côté de l'individu l'Etat existe et joue un rôle dans l'économie or, l'Etat pense-t-il, ne cherche pas à rendre maxima des satisfactions individuelles ; mais il recherche l'utilité sociale2 ». C'est à cette utilité sociale que Wieser donne le nom de `valeur naturelle'. C'est une tâche politique que de rechercher cette utilité. Autrement dit, il rejette la dérégulation et l'immoralité qu'elle comporte. Non pas que l'Etat soit moral en soi mais, dans la quête d'utilité sociale, l'on soupçonne l'idée de justice. John Maynard Keynes va prôner la réintroduction de l'Etat dans l'économie politique en 1936 dans Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, en pleine crise car il aura constaté que cette dérive vers l'anonymat et l'impersonnel constituait un passeport vers le chaos. Dans ce retrait de l'Etat en faveur des règles de procédures anonymes et impersonnelles, se trouve l'utopie du capitalisme3.

    Léon Walras qui appartient à l'école de Lausanne a publié en 1874 Eléments d'économie politique pure. Il se déclare partisan de la justice sociale, mais en même temps, il a une confiance absolue dans les vertus du libre-marché. Il pense qu'il faut édifier une doctrine capable de concilier le libéralisme qui assure l'expansion de la production avec le socialisme qui veut réaliser la justice. Cela étant possible si l'on distingue ce qui relève de la science de ce qui relève de la morale. A son avis, si la science économique dit pourquoi la concurrence est le seul moyen d'assurer le développement, la morale dit quand et comment l'on doit intervenir pour rendre juste la répartition de cette richesse.

    Il s'agit là, d'un courant qui peut à plus d'un titre constituer un substrat pertinent à notre étude. D'abord parce qu'il autorise l'Etat à intervenir pour créer un équilibre social, ensuite parce qu'il tient compte de la morale et donc de l'éthique dans les relations de production et de distribution des richesses. Certes, l'allusion à la morale peut constituer une « tentation

    1 Précisément la seconde génération de l'école de Vienne formée par les auteurs tels que Friedrich Von Wieser et E. Von Böhm-Bawerk. La première génération est celle du fondateur Carl Menger qui vécut entre 1840 et 1921.

    2 Denis (1966) op. cit. p.512

    3 Rosanvallon P. (1979) Le capitalisme utopique : histoire de l'idée du marché, Paris : Le Seuil.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 34 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    éthique » qui laisse dubitatif, au regard des « équilibres aujourd'hui vacillants entre les moyens déployés et les finalités humaines1 ». Parce qu'il autorise l'intervention de l'Etat, nous allons comprendre le rôle des Etats dans la régulation normative des industries extractives. Et parce qu'il tolère la morale, la transparence en tant que norme éthique n'est pas incongrue dans la triangulaire entre des Etats qui veillent à son implémentation, des ONG qui constituent peu ou prou des garantes de la morale, et des firmes qui n'ont guère de choix que de se plier à l'éthique pour des questions d'opportunisme et de survie dans la longue durée. Notre étude se situera donc dans le sillage du courant néo-classique du capitalisme, car comme ce dernier courant, elle admet l'importance de la morale dans les relations de production et de distribution des richesses. La tendance à la moralisation du capitalisme est dans l'air du temps. Les voix en faveur de sa mutation mettent en exergue la nécessité de prise en compte du péril de la planète qui subit de plus en plus des changements climatiques et, les ressources naturelles étant des biens non renouvelables, il convient de les ménager en adoptant une éthique responsable. Ainsi, comme le pensent Alain Chaveau et Jean-Jacques Rosé : « Si les firmes n'intègrent pas rapidement les principes de responsabilité sociale et du développement durable, le risque est grand que la société leur retire ce que les anglo-saxons appellent `licence to operate'. Car une partie de la société remet brutalement en cause le système capitaliste2». C'est dire que l'environnement et la pauvreté que porte l'idée de développement durable s'invitent dans le système capitaliste. Peut-être le capitalisme est-il à un moment critique de son évolution et, sa survie passe par sa mutation qui tiendra forcément compte des dimensions morales3 dans le système de production et de distribution des richesses.

    Les théories économiques relevant du mercantilisme mettent l'accent sur la place trop importante de l'Etat dans les rapports de production et de distribution des richesses. De plus, elles expulsent la morale du processus capitaliste. Elles permettent donc à la limite, de restituer la présence et l'importance des Etats dans l'initiative de transparence des industries extractives. Mais, par le fait même de leur exclusion de la morale et du « trop d'Etat » qu'elles autorisent, elles deviennent des outils impropres à la démonstration totale de notre étude. Le libéralisme quant à lui, expulse en même temps que l'Etat mais également la morale des processus de production capitaliste. Ce double rejet permet de voir à l'oeuvre les forces

    1 Salmon Anne (2007) La tentation éthique du capitalisme, Paris : La découverte.

    2 Chaveau A. et Rosé J.J (2003) L'entreprise responsable : développement durable, responsabilité sociale de l'entreprise, éthique, Paris : Edition d'Organisation, Introduction.

    3 Même si André Comte-Sponville pense que le capitalisme est amoral par essence. Voir Comte-Sponville A. (2009) Le capitalisme est -il moral ? Paris : Albin Michel.

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    impersonnelles de production et l'émulation libre des acteurs privés mais, interdit tout discours qui mettrait ensemble la quête du profit, la morale et un rôle important attribué à l'Etat. Or, tels sont les éléments qui particularisent notre étude, à savoir que la production capitaliste n'est pas antinomique de la présence de l'Etat et de la morale. Le libéralisme permet pour ainsi dire, de rendre compte de façon partielle de la réalité de l'EITI. Aussi, avons-nous trouvé dans l'école néo-classique du libéralisme, une pensée favorable qui permet de rendre raison de ce que la transparence des industries extractives est non pas le rejet des principes capitalistes, mais une mutation dans les pratiques qui met fin à l'exclusion systématique de la morale et de l'Etat dans la praxéologie capitaliste. C'est pourquoi cette étude qui porte sur la transparence des industries extractives, idée qui voit le jour précisément lors du sommet de Johannesburg où l'on a longuement préconisé la prise en compte des impératifs de développement durable et de respect de l'environnement, rappelant l'esprit du sommet de la Terre de Rio de Janeiro, a l'ambition de se pencher sur la « tentation éthique » du capitalisme, pour en examiner les contours, les motifs et la réalité. Elle a l'ambition de démontrer que les impératifs éthiques ne s'opposent pas essentiellement aux intérêts qui fondent l'esprit du capitalisme.

    4. La question de recherche

    La littérature sur les industries extractives est relativement rare et quand elle a existé, elle a circonscrit divers centres d'intérêt qui tendent à faire des industries extractives la clé algébrique explicative des phénomènes sociaux néfastes.

    Le rôle des industries extractives en tant que générateur et essence des conflits armés a été relevé dans une certaine littérature, notamment par William Reno1 et Paul Collier2...Au principe et au coeur des conflits armés, les industries extractives occupent une place jadis ignorée en raison du trop grand relief mis sur les dommages et autres ravages causés par la confrontation armée. Désormais, le conflit armé n'est plus seulement la rupture, l'effondrement d'un système de vie ataraxique mais, l'initiation d'un autre système fondé sur l'accumulation en temps de guerre. Les conflits cessent d'être justifiés par les seules quêtes de pouvoir politique ou la résurgence des haines ancestrales, mais aussi par la captation des rentes matérielles que génèrent les industries extractives.

    1 Lire notamment Reno William «Shadow states and the political economy of civil wars » in Berdals &Malone (2002) Greed and Grievance, Boulder &London: Lynne Rienner Publisher pp.43-68

    2 Collier Paul « Doing Well out of War » in Berdal &Malone op. cit. pp.91-111, Collier P. (2000) «Economics causes of civil conflict and their implications for policy» The World Bank, Washington.

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    Dans le cadre des « shadow states1 » où la corruption est un mode de gouvernement, le renflouement des comptes personnels des dirigeants permet de satisfaire aux attentes des « cronies » et de s'attacher leur soutien ; condition essentielle pour ces régimes souvent sans ancrage de légitimité populaire. L'immensité des revenus générés par le secteur des industries extractives constitue de ce point de vue une aubaine pour les dirigeants2. Ils peuvent ainsi s'armer contre les menaces internes de subversion, et s'assurer la clientèle nécessaire à la pérennité aux affaires3. Au nom d'une souveraineté et d'une raison d'Etat gauchisées, les industries extractives servent à consolider la perversion de l'intérêt de l'Etat. Cette littérature n'a pas mis en relief ces aspects et donc, a raté l'occasion de souligner l'émasculation de l'intérêt de l'Etat au nom de l'intérêt des princes de type machiavélien.

    D'autre part, paradoxalement, les ressources du sous-sol ont contribué à la production de certains types d'Etat, aires privilégiées des fléaux tels que la faim, la corruption, la guerre etc. Ce phénomène que Terry Lynn Karl4 appelle « paradoxe d'abondance », est fabriqué par les entrepreneurs de la misère, et a nourri les écrits des auteurs intrigués par le rôle des industries extractives dans la fabrication des aires de pauvreté dans le monde. Les Etats entretiennent avec les industries extractives une intimité qui encourage la collusion des intérêts et l'opacité. En cela réside certainement l'explication du « paradoxe d'abondance » en tant qu'il est l'exclamation devant la distance entre la munificence des sous-sols de certains pays et leur niveau de développement. Ce centre d'intérêt implique un autre qui lui est consécutif.

    En effet, si la collusion des intérêts de certains groupes au sein de l'Etat avec les industries extractives a engendré l'effilochement du tissu sécuritaire des Etats, comme le démontrent Nain Kuma5 et Philippe Copinschi6, la réponse de l'Etat a été d'y ouvrir un espace de participation pour les acteurs privés. Le lien social autour des industries extractives est ainsi étudié dans sa faculté à juguler l'insécurité et rendre possible la poursuite de l'exploitation

    1 Par cette expression, William Reno désigne un type d'Etat informel qui est le produit d'un gouvernement personnalisé, habituellement construit derrière la façade d'une souveraineté de droit. Il s'appuie sur des réseaux personnels construits par les dirigeants et qui fonctionne comme un Etat à l'ombre des institutions formelles. Voir Reno W. « Shadow States and the Political Economy of Civil War » in Berdal & Malone, op.cit pp. 43-68.

    2 Cela a le mérite d'accentuer ce que Paul Collier appelle « the natural resources trap » voir Collier P. (2007) Bottom billion : why the poorest countries are failing and what can be done about it, Oxford : Oxford University Press pp. 38-52.

    3 Lire notamment Heilbrunn John R. « Dictators, oil and corruption in Africa » communication présentée lors de la réunion annuelle de l'American Political Science Association, Chicago, 1-4 septembre 2004.

    4 Karl T. L. (1997) op. cit.

    5 Nain Kuma Vivian (2003) « Oil exploitation and the state sovereignty of African states : The example of Cameroon and Nigeria, an international perspective » Thèse de doctorat de troisième cycle présentée à l'IRIC.

    6 Copinschi Philippe «compagnies pétrolières, ONG et producteurs des normes sécuritaires dans les pays pétroliers du golfe de Guinée » in Bagayoko-Penone N. & Hours Bernard (dir.) Etats, ONG et producteurs des normes sécuritaires dans les pays du sud, Paris, l'Harmattan, 2005.

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    pacifique des ressources. Il ne met pas en scène la transparence comme jeu normal dans le fonctionnement de l'Etat. Mieux, la problématique de l'invitation des acteurs privés dans l'intimité du «consensus opaque », lieu des agapes entre l'Etat et les industries extractives, serait le symptôme du « syndrome de Monaco », c'est-à-dire l'organisation d'une minorité enrichie par les industries extractives dans ce cas, pour se prémunir des assauts de la majorité qui n'en tire aucun avantage1. Puissent l'implication des acteurs privés et l'incantation de la transparence dans ce centre d'intérêt ne pas être cause d'illusion d'optique.

    Par ailleurs, les industries extractives sont au centre des enjeux de pouvoir qui mettent en scène les puissances étrangères sur des théâtres d'action éloignés de leurs aires territoriales. Cet aspect a été relevé par Douglas Yates2. En effet, il fait le constat de la rivalité entre deux puissances dans l'espace du Golfe de Guinée. D'une part la France qui se prévaut d'une longue histoire dans l'exploitation du pétrole de la région, et d'autre part les USA qui venant relativement tardivement dans cette zone, vont forcément bousculer les acquis français pour se faire de la place. Mais au-delà de la rivalité franco-américaine, l'on assiste aussi à un véritable « scramble » vers le pétrole africain, avec le cortège de maux que cela entraîne sur le plan de la gouvernance et, qui facilite l'accaparement de l'industrie pétrolière africaine par des firmes étrangères. La cause de ce monopole réside-t-elle dans les facteurs historiques tels que l'esclavage, le colonialisme ? Ou plutôt dans la prévalence du néocolonialisme, la vigueur des multinationales ou alors dans la personnalité des dirigeants et la spécificité des modes de gouvernement dans cette région ? Telles sont les questions auxquelles Douglas Yates essaie de trouver des réponses.

    Tout se passe comme si dans la recherche de l'explication de ces faits sociaux que sont les conflits, le sous-développement et la pérennité au pouvoir, les auteurs se sont bornés à recueillir la première couche explicative. En effet, si tous ces domaines font problème, c'est moins parce que les industries extractives sont porteuses de damnation que parce qu'elles sont gérées de façon opaque. Il faut certainement remonter plus loin dans la généalogie des causalités pour comprendre qu'au principe de ces problématiques se trouve le déficit de transparence. Même lorsque Ariel Susan Aaronson3 se penche sur la problématique de la transparence, c'est d'abord pour évaluer l'évolution de son implémentation par l'EITI et les

    1 Lire à ce sujet Marc-Antoine Perousse de Montclos « Les entreprises para-privées de coercition : de nouveaux mercenaires ? Pétrole et sécurité privée au Nigeria : un complexe multiforme à l'épreuve du `syndrome de Monaco' » Cultures et Conflits, n°52 4/2003 pp.117-138.

    2 Yates Douglas « Oil and the Franco-American Rivalry in Africa » papier présenté lors du colloque L'Afrique, les Etats-Unis et la France Bordeaux, 22-24 mai 1997.

    3 Ariel Susan Aaronson « Oil and public interest » mise en ligne sur http:/ www.eitransparency.org et consulté le 16 juillet 2008.

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    conditions de sa faisabilité. De fait, la transparence des industries extractives per se a manqué de susciter l'intérêt d'une problématisation, d'abord en tant qu'objet d'une initiative supranationale qui se déploie au sein des territoires étatiques, ensuite en tant que première couche explicative d'épiphénomènes mais aussi comme une juxtaposition des intérêts capitalistes avec l'éthique ou la morale. Cette étude vise à combler ces manques.

    A l'image de la diplomatie des droits de l'homme1, la transparence des industries extractives dément-elle la substitution du cynisme réaliste par la morale, l'ordre des Etats par les acteurs privés ? Autrement dit, comment la transparence des industries extractives en tant que valeur morale, participe-t-elle à la formation des intérêts dans le cadre d'un enchevêtrement des ordres étatique et privé ? Plus globalement, comment passe-t-on de l'affirmation forte de la souveraineté des Etats notamment par la résolution 1803, à une affirmation plus relative et relationnelle illustrée par la résolution du 11 septembre 2008, qui renforce la transparence dans les industries extractives? Comment la cohabitation de l'intérêt qui est au fondement du système capitaliste et de la morale fait-t-elle sens ? Comment envisager la promotion d'une norme morale au sein d'un secteur d'activité capitaliste ? Comment comprendre la matité actuelle de la souveraineté des Etats, au regard de la problématique de la transparence des industries extractives ?

    5. Triple réalité à l'ère de la souveraineté relative: le triangle heuristique La transformation de la souveraineté que met en scène la transparence des industries extractives révèle au détour de la multiplication des acteurs, une dramatisation congénitale et consubstantielle de la morale dans la politique mondiale. Dire que la souveraineté s'est mutée en responsabilité, c'est avancer l'hypothèse de l'enchevêtrement des ordres westphalien et privé. En effet, au nom de la responsabilité qui impose la prise au sérieux du sort de l'autre, les transactions collusives entre l'Etat et les acteurs privés dans la recherche des solutions aux problèmes deviennent un phénomène normal, et donc autorisent l'enchevêtrement des ordres. C'est d'autre part, expliquer la présence de la morale dans la politique mondiale par cette transformation de la souveraineté en responsabilité. En effet, parce que devenue responsable, la souveraineté autorise au-delà des irrévérences vis-à-vis des territoires, le « souci » de ce qui advient de l'autre proche ou lointain2. C'est là le fondement de l'ingérence moralisante et moralisatrice dans les espaces des autres Etats. Dans ce contexte, l'émulation des acteurs nonterritoriaux paraît moins condamnable car, la souveraineté est devenue relative, les différents

    1 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme. Entre éthique et volonté de puissance, Paris : Fayard, 2002.

    2 Voir à ce sujet Badie Bertrand (1999) Un monde sans souveraineté. Les Etats entre ruse et responsabilité, Paris : Fayard.

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    acteurs sont omnibulés plus par le sort de l'homme que par l'espace fin de la souveraineté qui demande révérence. Mieux encore, certains Etats au nom de la responsabilité qu'ils ont de produire de la sécurité et du bien-être à leurs populations, devant leur faillite à ces devoirs, autorisent le dépassement de leurs souverainetés par des acteurs tels que les institutions internationales, les organisations régionales et même d'autres Etats pour leur accorder un soutien, et implorent les investissements des firmes étrangères pour créer des emplois et des richesses1. La littérature réaliste a accordé une grande importance au rôle de l'Etat dans les relations internationales2. C'est lui qui crée des richesses et les alloue aux sujets, il est garant de la sécurité et l'unique source d'autorité. Mais, l'école réaliste s'appuie sur deux éléments qui sont d'un apport précieux dans cette étude : la centralité de l'acteur étatique et l'anarchie. Si cette centralité est de moins en moins évidente eu égard à la concurrence des acteurs privés, il demeure que même les domaines que l'on semblait lier à l'émergence des acteurs de type ONG comme la morale qui leur confère leur domaine de légitimité, sont le lieu du déploiement de l'actorat étatique. En effet, deux réalités apparaissent proéminentes dans notre étude et en cela, elle s'inscrit dans la suite d'une sociologie des relations internationales qui seule, permet de dépasser le schéma weberien pour lui associer une lecture durkheimienne3. Il s'agit premièrement de la coexistence de l'ordre étatique avec l'ordre privé qui encourage l'irruption du social. Le social est donc présent dans la politique mondiale par le biais des acteurs sociaux et des problématiques sociales qui échappent au seul domaine de la diplomatie étatique4. C'est à cette seule condition que les acteurs privés en tant qu'illustration de l'irruption de la société dans l'arène internationale peuvent être compris comme pertinents5. Une fois que ce préalable a été établi, l'on comprend dès lors que l'Etat et les acteurs privés soient inscrits dans des transactions collusives dans le cadre de la transparence des industries extractives. La seconde réalité est celle de la présence de la morale dans la politique mondiale.

    La présence de la morale dans la politique mondiale n'est pas antinomique de l'actorat étatique. Primo facie, parce que la morale est bien présente, peut-être quelque fois de façon

    1 Badie B. idem, p.109.

    2 Dario Battistella rappelle à ce propos la centralité de l'Etat comme l'un des quatre points saillants de la littérature réaliste. Battistella, théorie des relations internationales, op. cit. p. 114. Au sujet de la place centrale accordée à l'Etat dans les relations internationales, voir également Henry Kissinger, Diplomatie, Paris : Fayard, 1996 ; Hans J. Morgenthau, Politics among nations, op. cit. ; Arnold Wolfers, Discord and collaboration, Baltimore : The Johns Hopkins University Press, 1962. Le dilemme aronien se fonde précisement sur la centralité que Raymond Aron a attribuée à l'Etat dans les relations internationales mais, un Etat dont il reconnaissait le retrait progressif par le fait des acteurs privés.

    3 A la suite des travaux de Bertrand Badie.

    4 Bertrand Badie (2009) Le diplomate et l'intrus (l'entrée des sociétés dans l'arène internationale), Paris : Fayard

    5 Voir à ce sujet Bertrand Badie (2009) Le diplomate et l'intrus op. cit.

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    ambiguë dans les régimes internationaux des droits de l'homme, la justice internationale, les interventions humanitaires et désormais aussi, dans la promotion de la transparence des industries extractives. Ensuite, parce que dans le déploiement de la morale, l'Etat joue aussi sa partition dans le cadre d'une morale concurrentielle1. La définition et la conception de cette morale peuvent faire l'objet de débat, mais il existe des valeurs partagées ancrées dans le droit naturel, les codex organiques et fondateurs de la communauté internationale et les textes fondateurs des grandes religions. C'est ainsi que Canto-Sperber2 s'insurge à la fois contre le « relativisme fataliste » et l'unilatéralisme moral, le second étant au fondement de l'action des Etats inscrits dans une « quête trompeuse d'universel » aux relents impérialistes3. Ces deux réalités informent et induisent une troisième qui est bien dramatisée par Ariel Colonomos à savoir que, les attitudes morales et les récits éthiques des acteurs ainsi rendus pertinents par la souveraineté responsable, participent à la formation de leurs intérêts4. Ainsi, au carrefour d'une triangulaire5 formée par les Etats, les ONG et les firmes multinationales des industries extractives, la démonstration de la souveraineté relative devient l'occasion de dire la réalité d'une morale dans les relations internationales, mais une « morale réaliste6 ». Notre étude se situe donc au carrefour de deux problématiques interconnectées. La question d'une transformation de la souveraineté comporte de façon consubstantielle, celle de la place de la morale dans les relations de production et donc, dans relations internationales contemporaines. Nous situons notre analyse dans l'espace complexe dans lequel le discours sur les fortunes de la souveraineté en ces temps de mondialisation prend inévitablement en compte la question morale. Puisque notre étude porte sur un objet qui a partie liée avec la production capitaliste, il s'agit de faire un lien entre la souveraineté responsable et son incidence morale dans un secteur d'activité capitaliste.

    B. Les hypothèses

    1. Hypothèse principale

    Nous postulons que la transformation de la souveraineté à l'oeuvre dans le cadre de l'EITI traduit la dynamique de l'Etat impliqué dans des transactions collusives avec les ONG et les firmes multinationales ; elle relève des logiques d'adaptation aux contraintes nées de la

    1 Monique Canto-Sperber (2005) Le bien, la guerre et la terreur, pou r une morale internationale. Paris : Plon.

    2 Canto-Sperber, op. cit.

    3 Badie, B. (2002) La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. Chapitre 2.

    4 Ariel Colonomos (2005) La morale dans les relations internationales, Paris : Odile Jacob.

    5 A la suite de Badie B., «Realism under Praise, or a Requiem? The paradigmatic debate in International Relations » International Political Science Review, vol. 22, n°3, (2001), p. 256

    6 Voir Alexander Wendt, Social theory of international politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    complexité croissante de la politique internationale : la souveraineté apparaît alors comme une configuration mouvante.

    2. Les hypothèses secondaires

    La transparence des industries extractives constitue une occasion de l'affirmation concurrente et complémentaire de l'Etat et d'autres acteurs tels que les ONG et les firmes transnationales, qui sont devenus incontournables dans l'économie politique internationale. C'est également un champ d'expression de la complexité des transactions entre les différents acteurs de la scène internationale ; complexité dans les liens et complexité dans les motivations d'action et d'interaction. A côté d'un ordre fondé sur les Etats et qui demeure pertinent, les acteurs privés ont gagné la scène, et il ne s'agit point d'une substitution des ordres, mais selon l'idée de Badie1, d'une juxtaposition au sein de laquelle a lieu la mise en index des questions morales. Cependant, il apparaît que les valeurs et questions morales ainsi soulevées, participent à la formation des intérêts des acteurs ; l'attitude éthique des acteurs dissimule quelques fois des visées de puissance et d'intérêt2. Tout ceci se fait à la faveur de la transformation de la souveraineté qui est devenue une configuration mouvante, une souveraineté responsable. Les transactions qui s'opèrent dans le cadre de cette triangulaire3 complexe s'illustrent selon et dans deux schémas. Le premier qui a la forme d'un triangle pour restituer l'aspect triangulaire de la structure d'interactions, présente les trois pôles d'autorité à l'oeuvre dans EITI. Il s'agit notamment des Etats, des ONG et des firmes qui sont cependant, en interactions les uns avec les autres. D'où les flèches qui sur les côtés, indiquent dans la figure 1 ci-dessous les deux sens de l'interaction. Ce premier schéma est cependant une démonstration partielle des interactions, parce qu'il a surtout vocation à dire la nature triangulaire des relations autour de la transparence des industries extractives. C'est pourquoi, la seconde figure qui a l'aspect d'ensembles, met en scène la complexité tant dans les transactions que dans les motivations d'entrée en lien social. Elle montre d'une part comment chaque acteur est en transaction avec les autres, y compris ses alter ego : elle complète donc la triangulaire. Par ailleurs, elle rend compte du comportement moral ou utilitaire des acteurs,

    1 Badie démontre par exemple que, si les acteurs privés qui gagnent la scène se meuvent dans l'ignorance de l'ordre étatique, leur action est vouée à la catastrophe. L'action humanitaire a connu une ascension irrésistible qui se serait avérée en catastrophe dès lors qu'elle a voulu se départir des Etats. Un nouvel ordre humanitaire se fonde donc à son avis sur le retour de l'Etat, autant dire une cohabitation des deux ordres. Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, Paris : Fayard, 2002, partie III surtout.

    2 A l'image de Ariel Colonomos qui pense que les valeurs morales jouent un rôle dans la formation des intérêts. Voir Colonomos Ariel (2005) La morale des relations internationales, Paris : Odile Jacob.

    3 Nous parlons de triangulaire parce que par l'expression « industries extractives », nous entendons les compagnies extractives, ce qui correspond mieux à la définition des industries extractives que nous retenons et qui est en conformité avec la conception du Livre Source EITI.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    selon qu'ils sont motivés par l'intérêt ou la morale mais, dit également la fébrilité de la conviction dans l'usage de la morale. Rien n'interdit d'en faire usage par pur utilitarisme. Ces explications ressortent des schémas qui suivent :

    Les

    ONG

    Les Etats

    Les industries extractives

    Figure 1: la triangulaire complexe autour de la transparence des industries extractives

    Firmes

    Etats

    ONG

    Etats ONG Firmes

    Intérêt

    Morale

    Utilitaire

    Ethique

    Acteurs Acteurs Motivation d'action Issue d'action

    Figure 2: les transactions complexes au sein de EITI

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    C. De la construction d'un modèle d'analyse

    Les perspectives et idées nouvelles dégagées dans une recherche doivent pouvoir être exploitées au mieux pour comprendre et étudier de manière précise les phénomènes concrets qui préoccupent le chercheur, sans quoi ils ne servent pas à grand-chose, pensent Quivy et Van Campenhoudt. C'est pourquoi poursuivent-ils, il faut les traduire dans un langage et sous des formes qui les rendent propres à guider le travail systématique de collecte et d'analyse de données d'observation ou d'expérimentation qui doit suivre. Le modèle d'analyse dont l'importance est ainsi déclinée, constitue dès lors une charnière entre la problématique retenue et le travail d'élucidation1. C'est ainsi que, dans le cadre d'un travail de conceptualisation, nous avons présenté la notion de souveraineté dans la diversité de ses sens, afin d'en retenir au final, des perspectives de définition qui induisent sa transformation à l'oeuvre dans l'EITI, transformation lisible au travers de la multiplication des acteurs et d'une pertinence de la morale dans les transactions collusives entre les divers acteurs. Mais il aura fallu auparavant, discriminer certaines de ses dimensions qui sont impropres à la démonstration de sa relativité. Aussi, les dimensions absolue ou obsolète ont-elles été élaguées, pour laisser la place à la dimension relative comme critère pour estimer le degré de transformation de la souveraineté.

    La transformation de la souveraineté à l'oeuvre dans l'initiative de transparence des industries extractives peut-être analysée à l'aide des indicateurs qui restituent la réalité des transactions complexes, collusives et multiples entre les différents acteurs de la triangulaire ici retenue. Qu'il s'agisse des relations entre les Etats, les ONG, les firmes ou les interactions diverses qui peuvent exister entre les divers pôles d'autorité, toutes ces transactions rendent raison de la souveraineté qui s'est transformée, et mettent en scène la réalité de la morale de la transparence comme variable pertinente de la politique internationale. En effet, l'élément qui fait mouvoir par conviction ou par responsabilité les acteurs ainsi réunis, est la transparence des industries extractives en tant qu'elle est une valeur morale. Grâce à ces indicateurs observables, la transformation de la souveraineté devient une réalité perceptible. De façon schématique, le lien entre ces différentes étapes se structure comme suit :

    1 Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Bordas, 1988, p. 101.

    Concepts hypothèse

    Transformation de la souveraineté à l'oeuvre dans EITI. Les Etats dans des transactions collusives avec les ONG et les firmes multinationales, cela relève des logiques d'adaptation à la complexité de la politique internationale. La souveraineté apparaît comme une configuration mouvante.

    Absolue

    Postmoderne

    - Souveraineté - Raison d'Etat - morale

    Dimension

    Dynamique

    Relative

    Obsolète

    Les indicateurs

    Les pressions de l'Etat sur les compagnies extractives

    Les relations entre les compagnies et l'Etat

    Des relations entre les compagnies et les ONG

    Les pressions de l'Etat d'origine des ONG

    sur l'Etat d'extraction

    Transparence
    (Morale)

    Des relations entre ONG des deux types d'Etat

    Les pressions de l'Etat d'extraction sur ses ONG

    La pression des ONG sur les pays d'extraction

    La pression des ONG sur leurs Etats d'origine

    Figure 3: le modèle d'analyse

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    D. Le cadre théorique : une lecture transnationale des intérêts construits

    Le cadre théorique de cette étude est bâti autour du réalisme, du transnationalisme et du constructivisme. En effet, la rencontre des deux premières théories s'opère autour de la norme pour permettre d'expliquer comment au motif de promouvoir la transparence, des acteurs privés (en l'occurrence les ONG et les firmes) entrent en transaction avec l'Etat souverain.

    Traditionnellement, l'étude des acteurs privés dans la science des relations internationales est rattachée au transnationalisme. C'est cette posture théorique qui permet d'expliquer l'action des acteurs autres que l'Etat, pour sortir ainsi de l'hégémonie de l'école réaliste. Toutefois, dans cette étude il y a lieu de noter que s'arrêter à la dimension transnationale reviendrait à rendre compte de façon partielle de la réalité. Dans le cas particulier de la promotion de la norme de la transparence par les acteurs privés avec une emphase sur les ONG et les compagnies extractives, il s'agit d'examiner le jeu dans le cadre d'une triangulaire complexe par le moyen d'une triangulaire théorique. Une triangulaire dont les éléments constitutifs sont le Réalisme, le Transnationalisme et le Constructivisme social.

    1. Le Transnationalisme : une explication partielle des transactions au sein de EITI.

    a) Par-delà les mouvements sociaux : diversité de l'action transnationale

    Les ONG, les Etats et les compagnies extractives interagissent pour assainir la gestion des revenus tirés des ressources extractives. Cette action qui est menée dans le cadre de l'initiative de transparence des industries extractives, a deux niveaux de perception : l'un stato-national et l'autre supranational. De par les buts déclarés, pour les ONG l'humanisme transfrontalier semble être le fil conducteur de leur action. Cette tâche coïncide avec une « nouvelle scène mondiale qui est tantôt aterritoriale, tantôt soumise à la concurrence de plusieurs logiques contradictoires et de plus en plus rarement, banalement statonationales »1. La pratique des ONG et des sociétés transnationales transgressant les frontières trouve une légitimité dans un monde retourné qui laisse penser au chaos2. En effet, sortant progressivement de l'ornière réaliste qui procurait une explication très générale de la politique internationale3, la théorie a

    1 Badie B. (1995) La fin des territoires, essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect, Paris: Fayard p.14

    2 Badie B. & Smouts M.C. (1999) Le retournement du monde, sociologie de la scène internationale, 3ème Ed. Paris : Presses des sciences po et Dalloz

    3 A ce propos, Pierre de Senarclens dit : « Plus généralement, les défauts du réalisme sont liés à la démesure de ses ambitions théoriques, comme en témoigne la quête d'une explication globale des relations internationales se résumant à la recherche d'une rationalité univoque ». De Senarclens (2006) La politique internationale : Théories et enjeux contemporains, Paris : Armand Colin 5e Ed. p. 51

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    permis de rendre compte de la complexité des faits politiques internationalisés. La nature même de l'Etat est protéiforme et les relations qu'il entretient tant à l'intérieur qu'à l'extérieur avec d'autres acteurs sont multiples et complexes. Ce contexte propice à l'enchevêtrement des systèmes est le substrat sur lequel s'enchâsse l'action transnationale des ONG. OXFAM, Transparency International et autres CAFOD, Open society ne se laissent pas intimider par les discours souverainistes des dirigeants du sud. Ces derniers, accrochés au concept de souveraineté, expriment leur sidération devant les ONG qui font du monde un village. Comment pourrait-il en être autrement dans une société internationale globalisée ? On ne peut pas imaginer que le jeu de la politique internationale soit animé par des pôles étatiques autarciques, sans rapport les uns des autres ou bien que l'illusion de l'Etat comme seul acteur de la politique internationale soit entretenue c'est-à-dire, faire table rase du rôle des acteurs privés. L'on est passé de la confrontation à l'enchevêtrement. Le prétexte de la souveraineté ne lève plus les foules, ni ne les fascine1. Le contexte est favorable à l'émergence de nouvelles façons de faire la politique qui ne s'encombrent plus des interdictions que suscitait la souveraineté. Au principe de la fin des territoires2 et d'un droit d'ingérence3, se trouve la conviction que la frontière n'est plus/pas une cloison étanche. A côté des problèmes qui se posent sur la frontier4 et, qui pour leur résolution en appellent à une rencontre sur le fin espace d'intersection ou scapes5, il y a ceux qui naissent dans le sanctuaire des cadres statonationaux. Leur solution interdit l'absolutisation de la distinction externe/interne. D'ailleurs, l'imbrication entre les deux sphères est si poussée que Risse-Kappen pense que l'impact des acteurs ou coalitions d'acteurs transnationaux sur la politique interne d'un Etat sur une question précise, dépend d'une part de la structure interne de l'Etat en question et d'autre part, du niveau d'institutionnalisation et de coopération sur la question au plan international6. L'hypothèse d'une gouvernance mondiale7ou globale8 devient plausible tant les problèmes et

    1 D'ailleurs, Janice Thomson pense que dans ce que traditionnellement les auteurs prennent pour la souveraineté c'est-à-dire le contrôle (Rule-enforcing), l'Etat a besoin de faire preuve de bilatéralisme pour que soit efficace son action, et bien implémentées les règles dont il a l'autorité ultime pour l'élaboration (Rule-making). Thomson (1995) op. cit.

    2 Badie (1995) op.cit.

    3 Bettati M. (1996), Le droit d'ingérence, mutation de l'ordre international, Paris : Odile Jacob.

    4 Rosenau N.J. (1997), Along the domestic-foreign frontier exploring governance in a turbulent world, Cambridge: Cambridge University Press.

    5 Appadurai A. (1991) Modernity at large: Cultural dimensions of globalization, Minneapolis: University of Minnesota Press

    6 Risse-Kappen Th. (Eds) (1995) Bringing Transnational Relations Back in, Cambridge: Cambridge University Press, Introduction.

    7 Laroche J. (2003), Mondialisation et gouvernance globale. Paris: PUF.

    8 Kelly R. E. (2007) «From international relations to global governance theory: conceptualizing NGOs after the Rio breakthrough of 1992» Journal of civil society, vol.3, n°1 pp.81-99.

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    les règles du jeu se sont globalisés. Dans cet environnement mondialisé où « ...le citoyen passe de moins en moins par son Etat pour pénétrer sur la scène internationale, tandis que la société civile s'internationalise sans trop de difficultés »1, il est tout à fait congru de postuler que le transnationalisme permet d'analyser l'action des ONG et des firmes transnationales aux côtés des Etats pour la gestion transparente des ressources extractives. Mais de quel transnationalisme parle-t-on?

    Charles Tilly et Sidney Tarrow disent: « Like domestic institutions that constitute national political opportunity structure, internationalization is like a coral of reef around which national governments, firms and nonstate actors graviate 2» (tout comme les institutions domestiques qui constituent une structure d'opportunité de la politique nationale, l'internationalisation est comme un récif corallien autour duquel les gouvernements nationaux, les firmes et les acteurs non-étatiques gravitent). Il faut certainement rappeler que le transnationalisme permet l'analyse de toute action et des phénomènes qui transgressent la frontière. Ces relations transnationales sont definies par Thomas Risse-Kappen comme: « Regular interactions across national boundaries when at least one actor is a non-state agent or does not operate on behalf of a national government or an intergovernmental organization »3 (des interactions régulières par dessus les frontières nationales quand au moins un des acteurs est un agent non-étatique ou n'opère pas pour le compte d'un gouvernement ou d'une organisation intergouvernementale). Ce sont d'ailleurs ces phénomènes qui transgressent les frontières et qui échappent quelques fois au contrôle des Etats, qui ont inspiré Nye et Keohane4quand ils ont théorisé pour la première fois le transnationalisme. En effet, Nye et Keohane rompant avec la mode de l'époque qui était à la célébration exagérée du modèle réaliste, vont inaugurer dès 1972 une nouvelle approche. S'inscrivant dans la lignée des travaux de Arnold Wolfers5, ils avaient pour ambition, de démontrer que la politique internationale n'est pas uniquement interétatique mais transnationale. C'est une posture mieux, une attitude dans la lecture de la scène mondiale qui s'intéresse aux phénomènes sociaux transnationalisés en sortant des schémas préétablis de l'hégémonie étatique dans la perception du rôle des acteurs. Aussi, l'activité des individus

    1 Badie B. & Smouts M.C. op. cit. p. 17;

    2 Tilly, Charles et Tarrow Sidney (2007) Contentious politics, Boulder, CO: Paradigm. p.117.

    3 Risse-Kappen Th. (Eds.) (1995) Bringing Transnational Relations Back In. Cambridge: Cambridge University Press, Introduction.

    4 Nye J.& Keohane R. (1971) Transnational relations and world politic., Cambridge, MA: Harvard University Press.

    5 Lire par exemple Arnold Wolfers (Eds.) (1962) Discord and Collaboration: Essays on International Politics. Baltimore: John Hopkins Press.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 48 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    par-delà les frontières est une forme de relation transnationale. Elle donne sens au concept de `transnation' chez Appadurai. Par la transnation, ce dernier désigne l'ensemble constitué par les nationaux et la composante diasporique d'un peuple. Cette même forme de transnationalisme est au principe des mécanismes qui génèrent les « citoyennetés à trait d'union ».

    De plus, les acteurs internes c'est-à-dire qui sont au sein de l'Etat, n'ont pas le monopole de l'action transnationale. L'Etat, s'il faut s'en référer à l'histoire, a inscrit son action dans le transnationalisme dès ses origines1. De par les traités, les accords, les contacts multiples, l'interférence dans les affaires intérieures d'autres Etats (généralement faibles), le rôle joué par les Etats dans la construction des institutions internationales, l'Etat est un acteur transnational2. Cette conviction de l'auteur de `la troisième vague' peut prêter du crédit à la pensée de Stephen D. Krasner3pour qui la souveraineté est une hypocrisie organisée. En effet, si depuis ses origines l'Etat s'est déployé par une activité transnationale, alors vaines sont les tentatives d'érection de la souveraineté en monument dans la science des relations internationales. La mondialisation elle-même, serait un phénomène dont les rémiges plongent dans l'océan originel des temps inorganisés du passé.

    L'activité des églises et des sociétés multinationales s'inscrit également dans le cadre des relations transnationales. La solidarité transfrontalière qui se nourrit par l' « opium du peuple », met sur un piédestal la croyance à un monothéisme, nonobstant les différences multiples liées à la race, aux continents...ce, par-delà les frontières. Cela s'observe heri et hodie. Que l'on observe l'antique religion chrétienne désormais ramifiée ou les nouvelles religiosités du type baconien qui déifient l'homme par le medium de la `connaissance', le constat est que la religion ne relie plus seulement l'homme à la divinité, mais aussi les hommes les uns aux autres. Dans la religion, l'espace devient un comme s'il y eut création d'un temple unique au dessus du créé et donc, qui ne subirait pas les contraintes de la territorialité.

    Les multinationales quant à elles, sont à la recherche des marchés captifs ou tout simplement de débouchés. Les compagnies telles que Shell, De Beers, Total, Talisman Energy...sont des acteurs dont l'activité ne saurait être confinée dans un cadre stato-national, puisque la mondialisation de l'économie autorise le déploiement des entreprises dans les

    1 Certes, les faits illustrent cette réalité mais lorsque la théorie des relations internationales s'est penchée sur les relations transnationales, elle y a vu toutes les transactions entre les acteurs exceptée les relations transnationales au sens des relations Etats-Etats. C'est ce que semble penser Risse-Kappen (op. cit. P.7).

    2 Huntington S.P. (1973) « Transnational organizations »World politics, n° 25, pp.333-368.

    3 Krasner S. D. (1999) op.cit

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    confins des espaces attractifs. La quasi-totalité des firmes impliquées dans EITI sont transnationales, puisque ayant des activités implantées dans plusieurs Etats. Dans ces conditions, postuler l'autarcie c'est faire preuve de dyslexie dans l'appréhension de la scène internationale. Le transnationalisme est dans l'ère du temps. Les ONG, acteurs de la politique internationale inscrivent également leur action dans l'espace transnational. Toutefois, « si les transnationalistes ont pour point de départ la même unité fondamentale d'analyse que les libéraux à savoir les individus agissant seuls ou en groupes, ils ont une conception fondamentalement différente de cet acteur de référence qu'est l'individu, des relations qu'il entretient avec l'Etat, du rôle qu'il joue sur la scène mondiale »1.C'est dire, que quand on a expliqué que l'action des ONG dans la lutte pour la gestion transparente des ressources extractives peut être lue par la grille transnationaliste, on n'a pas fini à partir des motivations qui informent cette action, de démontrer que le transnationalisme mieux qu'une théorie, est une attitude qu'impose l'imbrication des systèmes.

    b) EITI au coeur de la théorie des mouvements sociaux.

    L'analyse des organisations non gouvernementales dans l'initiative de transparence des industries extractives ressortit de l'examen d'un mouvement social. La théorie des mouvements sociaux révèle certaines approches qui permettent de les analyser et de les comprendre. L'on a d'une part l'approche dominante qui est le modèle des processus politiques et, face à elle, les modèles marxiste, historique, féministe, ethnographique...

    Le modèle des processus politiques transcende l'explication hâtive de l'adhésion à un mouvement social par la peur que suscitent les profonds bouleversements propres à ces temps. Cette explication passionnelle, ne rend pas compte de la rationalité des adhérents, encore moins des leaders desdits mouvements. Comme le dit Cyrus Ernesto Zirakzadeh: « Stated differently, the political-process scholars wanted everyone to cease seeing movements primarily as semi-therapeutic responses by frightened individuals to large-scale social change2» (présenté différemment, les chercheurs travaillant sur les processus politiques voulaient chacun, cesser de percevoir ces mouvements premièrement comme des réponses semi-therapeutiques au service d'individus effrayés par le changement social de grande ampleur). L'observation des mouvements sociaux sous l'angle du modèle des processus politiques révèle la prégnance d'un leader qui est un véritable entrepreneur politique et qui instrumentalise la culture. Dans le processus de frame making, l'entrepreneur politique a

    1 Battistella D. (2006) Théories des relations internationales, 2e Ed. Paris: Presses des sciences po. p.189.

    2 Zirakzadeh C.E « Crossing frontiers: Theoretical innovations in the study of social movements » International political science review, vol. 29, n°5 (2008) p.528.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 50 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    besoin de construire un master frame (i.e a frame that rallies followers behind a movement organization or a coalition of movement organizations1) [un cadre qui rallie les sympathisants derrière une organisation ou une coalition d'organisations]. Ainsi, ce modèle privilégie l'acteur rationnel dans les mouvements sociaux. C'est une approche défendue notamment par Charles Tilly et Sidney Tarrow2 qui estiment que, contrairement aux critiques de certains auteurs3 qui reprochent au modèle des processus politiques de rendre compte des faits propres aux mouvements qui veulent changer le comportement des Etats et non ceux qui veulent changer la notion de codes culturels dominants, il n'y a pas de mal à cibler une catégorie de mouvements. Par ailleurs, Jasper et Goodwin4considèrent que l'approche des processus politiques est très large pour rendre compte des particularités, par exemple les mouvements punk qui oeuvrent à changer la notion de déviance et de normalité. Cette approche nous permettra de rendre compte du potentiel rationnel des ONG qui ne sont plus seulement l'âme d'une société en dépérissement, mais aussi des mouvements conduits par des leaders entrepreneurs politiques qui savent magistralement jouer avec les enjeux et les récits humanitaires.

    A côté de cette approche l'on peut également noter l'approche historique. En effet, les mouvements sociaux peuvent être lus dans leur historicité. Charles Kurzman5 par exemple, se penchant sur la révolution iranienne, démontre que du chaos des choix, des priorités et des objectifs qui régnait en 1978 en Iran, a jailli un mouvement dont on ne peut pas dire qu'il a été planifié totalement par quelque entrepreneur politique. Il pense que les identités et les préférences ne sont pas aussi stables qu'on le suppose. Ceci démontre que les mouvements sociaux ont une genèse qui peut être spontanée quelques fois. Mais les luttes de classes ne sont pas à exclure des mouvements sociaux. Certains auteurs à filiation marxiste tels que Jeffrey Paige6, mettent l'accent sur les différences de classe au sein des mouvements sociaux. C'est en prenant en compte ces modèles que l'on peut comprendre la constitution par l'EITI, d'une « société civile internationale bourgeoise » qui est happée au sommet des sphères de gouvernement du monde. Les ONG deviennent de ce fait des agents d'une action déconnectée

    1 Zirakzadeh C.E idem.

    2 Tilly Ch. Et Tarrow S. (2007) op. cit.

    3 Voir le chapitre commun de Jeff Goodwin et James Jasper dans: Goodwin, Jeff et Jasper James (2004) Rethinking social movement: Structure, meaning and Emotion. Lanham, MD: Rowman and Littlefield p. 92.

    4 op.cit.

    5 Kurzman Charles (2004) The unthinkable revolution of Iran, 1977-1979. Cambridge, MA: Harvard University Press.

    6 Voir par exemple: Paige Jeffrey (1975) Agrarian revolution: Social movements and export agriculture in the underdeveloped world. New York: Free Press, Paige Jeffrey (1997) Coffee and Power: Revolution and the rise of democracy in Central America. Cambridge, MA: University Press.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 51 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    des populations qui sont au coeur des refrains humanitaires. De plus, le mouvement social pour la transparence des industries extractives est historiquement daté et a surgi dans le contexte d'une inaction. Au-delà des modèles explicatifs des mouvements sociaux, il apparaît que l'appréhension de ceux-ci exige effectivement comme le pense Zirakzadeh, une transgression des frontières théoriques. En effet, le choix exclusif de l'approche des processus politiques ne permet pas de rendre raison de la charge émotionnelle et psychologique qui se dégage de l'engagement pour la transparence des industries extractives. D'autre part, comme le laissent entrevoir les contributions à l'ouvrage collectif dirigé par Quintan Wiktorowicz1, le modèle des processus politiques doit prendre en compte les réalités ethnographiques, sociales et même psychologiques des aires géographiques pour restituer la totalité des logiques qui informent l'émergence d'un mouvement social. Cet éclectisme théorique nous semble pertinent dans l'analyse que nous faisons de la transparence des industries extractives en tant que mouvement social porté par les organisations non gouvernementales.

    En effet, peut-on penser que l'EITI en tant qu'initiative qui met en scène un mouvement social porté par les ONG s'explique uniquement par l'humanisme transfrontalier que célèbrent les ONG ? Le transnationalisme comme posture d'analyse permet de rendre compte de ce que l'action des ONG, acteurs régis par les droits internes des Etats, tutoie les cloisons territoriales pour s'inscrire dans l'international. De plus, les firmes du secteur des industries extractives et les Etats sont également engagés dans des relations transnationales. Pour rendre raison de cela, la grille transnationaliste semble mieux adaptée. A première vue, l'on peut penser que ce faisant, la centralité de l'acteur étatique est remise en question. Il peut même se dégager une impression de concurrence. Toutefois, ce serait proprement occulter le réel que de ne pas rendre raison de la part de régulation, du degré de manipulation et de récupération de l'action des acteurs privés (et donc des ONG et des firmes multinationales) par les Etats dans cette politique publique particulière.

    2. Du réalisme ou la revanche de l'Etat sur les acteurs privés.

    a) La pertinence du réalisme dans l'étude de la transparence des industries

    extractives

    La transparence des industries extractives pivote autour d'une norme éthique. Quelle pertinence peut avoir la convocation du réalisme dans pareille étude ? Quel crédit peut-on accorder à une étude qui traite de la morale, et qui se veut ne serait-ce que partiellement réaliste ? L'école réaliste dans la science des relations internationales a souvent été présentée

    1 Wiktorowicz Quintan (Ed.) (2004), Islamic Activism: A social movement theory approach. Bloomington: Indiana University Press.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    comme une théorie de la puissance et de l' « être » plutôt que du «devoir être ». De ce fait, l'éthique semble ne pas convenir à l'analyse de la scène internationale présentée comme le prolongement de l'état de nature hobbesien. Mais au sein même de la théorie réaliste, l'on peut d'après le classement de Klaus-Gerd Giesen1, déceler trois courants dont deux, tendent à démentir la thèse de l'absence de l'éthique dans la théorie réaliste.

    Le scepticisme éthique se refuse à toute considération éthique car, la nature même de la scène internationale est incompatible avec une quelconque célébration de l'éthique. L'élaboration de normes concrètes en ce qui concerne le domaine des relations internationales est impossible à cause de la spécificité de la sphère des relations internationales. C'est une sphère imprégnée de volonté de puissance et des tensions irrationnelles entre les Etats. Cette sphère est donc inappropriée pour l'adoption des normes éthiques2. Cela fait dire à Klaus-Gerd Giesen que : « puisque les acteurs étatiques n'obtempéreraient qu'à des considérations relevant de l'intérêt national et de la Raison d'Etat, une éthique à proprement parler internationale serait selon eux tout simplement illusoire et impraticable3 ». Dans la perception des sceptiques éthiques, « la puissance des forts et la Raison d'Etat annulent toute interrogation éthique dans les relations interétatiques4». En fait, les sceptiques à l'instar de Hans Morgenthau opposent la puissance à la morale. Cependant, ils reconnaissent que la sagesse pratique (prudence ou phronesis d'après Aristote), peut imposer une attitude éthique à un Etat dans une circonstance particulière. Imaginons que dans la perspective d'une élection, en vue de récolter les voix de l'électorat conservateur, un chef d'Etat décide d'interdire l'avortement. Le caractère moral de cet acte ne trahit pas l'adhésion à l'éthique du dirigeant selon les sceptiques, mais une attitude prudente qui met plutôt en relief l'éthique individuelle selon la maxime des scholastiques « omnis virtus moralis debet esse prudens ». Celle-ci est opposable à une éthique sociale qui serait une adhésion à la morale à l'échelle de la société.

    C'est le principe weberien de l'éthique de la responsabilité en tant qu'attitude propre à un dirigeant devant une situation concrète. Cette adhésion ad hoc à la morale n'est nullement la preuve d'une sympathie vis-à-vis des normes éthiques. Elle ne peut en conséquence être que le fait d'un individu. Toutefois, dans le contexte d'un Etat démocratique, les gens ordinaires réunis au sein de l'opinion nationale, peuvent envoyer des signaux éthiques à leurs dirigeants

    1Giesen Karl-Gerd (1992) L'éthique des relations internationales. Les théories anglo-américaines contemporaines. Bruxelles : Bruylant chap. III

    2 Dean Acheson disait à ce sujet : « le vocabulaire de la morale et de l'éthique est inadéquat pour discuter ou tester la politique des Etats ». Dean Acheson « Ethics in international relations today » cité par Giesen à la page 81.

    3 Giesen (1992) op. cit. P.65

    4Giesen (1992) op. cit. p.66

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    qui les intègrent dans l'élaboration de leurs politiques. Telle peut être perçue la politique américaine de promotion de la démocratie dans le monde, comme une exportation de l'ethos démocratique du peuple américain. Ce courant réaliste, de par son rejet de la morale1est inadapté pour notre étude qui s'articule autour de la norme éthique de la transparence dans les industries extractives. Ainsi, le réalisme serait une théorie impropre à l'analyse que nous entreprenons si nous l'appréhendons sous l'angle du scepticisme éthique.

    Au sein de la théorie réaliste, il existe un autre courant qui s'est opposé à cette conception. L'empirisme éthique considère que l'on ne saurait opposer la puissance à la morale. Edward H. Carr l'un des chantres de ce courant considère qu'en politique, il est aussi fatal d'ignorer la puissance que d'ignorer la morale. Comme le rappelle Giesen, Carr rejette fermement dans son ouvrage intitulé The twenty year's crisis 1919-1939, le divorce entre la puissance et la morale. Par cette opposition aux sceptiques, il admet que le réalisme n'est pas incompatible avec l'éthique. De plus, David Hume2 autre défenseur du courant de l'empirisme éthique récuse l'état de nature hobbesien car pense-t-il, les hommes n'ont pas pu vivre dans cet état de barbarie. Son état de nature confère le bénéfice de la civilité aux hommes, il postule un Etat premier sans gouvernement qui mettait en relief certaines normes de justice. Il convient d'après Hume, de se pencher sur les conventions, les coutumes, les moeurs et les valeurs supranationales pour chercher à déceler la présence de la morale. En battant en brèche l'idée d'une éthique individuelle caractéristique des dirigeants par opposition à une éthique sociale inadaptée, l'empirisme éthique insiste sur l'existence d'une communauté mondiale perceptible à travers le comportement des gens. Des normes éthiques supranationales s'imposeraient donc aux hommes. Par la reconnaissance de la dualité réelle de la puissance et de la morale dans la sphère des relations internationales, l'empirisme éthique donne sens à l'invocation du réalisme dans cette étude. Car effectivement, les usages réalistes de l'éthique de la transparence dans les industries extractives, non seulement ils donnent de la pertinence à ce choix, mais plus encore révèlent comme une complémentarité entre ce courant et le conséquentialisme éthique ; autre courant réaliste.

    1 S'inspirant des anciens qui écrivent qu'Achille et beaucoup d'autres princes furent confiés au centaure Chiron pour qu'il participa à leur éducation, Machiavel qui a poussé le scepticisme éthique à son apothéose, conseille au prince d'acquérir les qualités que reçurent Achille et autres auprès de Chiron ; à savoir, devenir en eux une part d'animal. A ce propos, il leur conseille de prendre le lion et le renard en exemple. Il dit : « Puis donc qu'un prince est obligé de savoir bien user de la bête, il doit parmi elles prendre le renard et le lion, car le lion ne se défend pas des rets, le renard ne se défend pas des loups. Il faut donc être renard pour connaître les rets et lion pour effrayer les loups ». Autant dire qu'il leur proscrit la morale. Machiavel N. (1980) Le prince. Paris : GF Flammarion, p. 141

    2 David Hume (1740) A treatrise of human nature, vol. 3 London: john Noon p.64-65 cité par Giesen (1992) op. cit. p. 89.

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    Si le scepticisme éthique récuse l'idée de normes éthiques dans la sphère des relations internationales et l'empirisme éthique convie à scruter la réalité des conventions et coutumes internationales, le conséquentialisme autre courant selon la typologie de Giesen banalise la notion d'éthique. Il pourrait se situer sur le spectre du réalisme éthique au versant opposé à l'empirisme. En effet, pendant que l'empirisme postule l'existence d'une éthique réaliste dans les relations internationales, le conséquentialisme va rechercher dans les effets des actes, c'est-à-dire à la fin du spectre, l'attribut moral d'un acte.

    Le conséquentialisme est défini par Samuel Scheffler1 comme : « une doctrine morale qui dit que l'acte juste dans n'importe quelle situation donnée est celui qui va produire le meilleur résultat possible tel qu'il est jugé d'un point de vue impersonnel, et qui donne un poids égal aux intérêts de tout un chacun ». Il s'agit d'un courant du réalisme qui met l'emphase sur la finalité de l'acte plutôt que sur sa nature. Avec ce courant, l'on observe toute la relativité de l'éthique dans la tradition pascalienne2. Un acte gagne l'attribut moral dès lors que par son impact, il constitue pour un grand nombre une source de satisfaction. Un auteur comme Kenneth Thompson, caractérise la relativité de la morale conséquentialiste à deux niveaux. Pour lui, il n'y a pas de principe moral premier qui pourrait arbitrer dans une situation donnée des conflits inévitables entre les acteurs. Ainsi, il postule une éthique ex-post et une « éthique situationniste ». En effet, dans Ethics and national purpose3, il énonce dans la pure tradition conséquentialiste que l'on ne doit point rechercher une éthique abstraite qui présiderait à toutes les décisions mais plutôt, évaluer la portée éthique d'un acte à l'aune de son impact et du satisfecit qu'il procure à un grand nombre. En 1960, il poursuit en optant pour une éthique situationniste qui implique l' « équilibrage des fins morales par rapport aux circonstances pratiques4 ». Du fait de cette double relativité des principes moraux, leur application dépend d'un calcul prospectif sur les conséquences probables de l'acte. En cela, peut résider un usage rationnel dans l'optique de la prudence de l'éthique de la responsabilité. En effet, si l'adoption de la norme de la transparence peut constituer une source de satisfaction pour la majorité, l'adhésion à son principe sera en même temps un choix éthique de la responsabilité et une prudence propre aux hommes de gouvernement.

    1 Scheffler Samuel (Eds) (1988) Consequentialism and its critics. Oxford: Oxford University Press p.1 cité par Giesen (1992) op. cit. p.102.

    2 Pascal disait : « on ne voit rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat » in Pascal B (1995) Pensées, Paris : Gallimard, p. 230

    3 Thompson Kenneth (1957) Ethics and national purpose. New York: Council on religion and International Affairs

    4 Thompson Kenneth « The problem of means » Worldview, vol. 3 n° 6 (1960) P. 5

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    Ainsi, par la procuration de ces deux courants au sein du réalisme, nous pensons ne plus être dans l'aire de l'oxymore en utilisant l'expression réalisme éthique1 au sens de Klaus-Gerd Giesen. Le réalisme pouvait sembler lointain à notre étude, au regard de la cristallisation de la puissance comme principe agissant des relations internationales (intergentes). Mais, par le fait même du principe de l'éthique de la responsabilité qui serait « essentiellement une éthique de l'homme d'Etat, et par conséquent une éthique largement individuelle par opposition à l'éthique sociale2» et qui apparaît comme une réalité transversale au trois courants réalistes sus-évoqués, il nous semble que cette notion weberienne d'éthique de la responsabilité constitue l'unité normative du réalisme. Le débat autour de cette notion entre les courants empirique et sceptique a permis de l'étendre aux personnes morales ( les Etats) par exemple, et de dire qu'à l'ère de la démocratie, le prince n'est plus un dirigeant seul face aux contingences et tensions irrationnelles de la scène internationale. De ce fait, si le réalisme a souscrit à la notion d'éthique de la responsabilité3 par-delà les chapelles, nous pensons qu'il est légitime de le convoquer dans cette étude, ne serait-ce que parce qu'il permet de comprendre les usages rationnels de la transparence de industries extractives en tant que norme éthique à un moment plutôt qu'à un autre.

    b) Les logiques réalistes dans l'étude de la transparence des industries

    extractives

    Quand on examine l'action des ONG, des Etats et des firmes dans l'initiative de transparence des industries extractives, de quoi parle-t-on ? On parle d'acteurs privés qui s'ingèrent dans un domaine de la souveraineté de l'Etat. On parle d'acteurs infra-étatiques qui déclarent leur indépendance vis-à-vis de l'Etat. Faut-il penser avec Pierre de Senarclens4que : « Les interactions de plus en plus fortes entre les Etats se traduisant par l'apparition de nombreuses institutions internationales et d'acteurs non-gouvernementaux rendent le réalisme inadapté à l'étude de ce nouvel environnement » ? Il ne faut pas se laisser distraire par les incantations des nostalgiques de la souveraineté. Fiction et hypocrisie organisée5, fiction en crise6mais fiction en mutation qui produit des effets de réalité7, la souveraineté est un concept qui a permis que beaucoup d'encre coulât. Le sociologue des relations internationales fonde son analyse sur des faits. Que disent les faits ? Et à ce niveau, il

    1 Giesen (1992) op. cit. p. 33

    2 Giesen (1992) op. cit. p. 46

    3 Giesen (1992)op. cit. p.63

    4 De Senarclens P. (2002) La mondialisation - théorie, enjeux et débats, 3ème Ed. Paris : Armand Colin p. 94

    5 Krasner (1999 &2001) op. cit

    6 Badie (1999) op. cit

    7 Sindjoun (2001) op.cit

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    faut percevoir le réalisme comme une théorie ex post c'est-à-dire une constatation a posteriori de la façon dont fonctionne la scène internationale. Aussi loin que remonte l'histoire des communautés, peut-on penser que la souveraineté au sens de Bodin1a rythmé et conditionné la vie des sociétés politiques ? Lire le monde avec les lunettes réalistes, c'est constater (et non dogmatiser) que le sacro-saint principe de la souveraineté est relatif. C'est constater que l'Etat comme forme d'organisation sociale demeure pertinent et central. C'est penser que la quête (pacifique ou violente) de l'intérêt national est au coeur de l'action des Etats. C'est penser qu'en fonction des conjonctures, l'Etat peut décharger certaines de ses fonctions les moins importantes sur d'autres acteurs, renforcer ipso facto son action internationale et son emprise nationale. C'est à ce niveau que ce modèle d'analyse trouve sa pertinence.

    L'analyse de l'action des ONG aux côtés des Etats dans la lutte pour la gestion transparence des ressources extractives implique un questionnement sur les motivations et la nature de cette action. Paradoxalement, y répondre conduit entre autre à une certaine sociologie de l'Etat qui s'étend sur la sphère internationale. Cette approche trahit la reconnaissance de la centralité de l'acteur étatique dans les relations internationales et l'intérêt national comme moteur des rapports qui lient les Etats entre eux et avec les autres acteurs. Autrement dit, pour rendre compte des motivations et de la nature de l'action des ONG et des firmes transnationales, il faudrait interroger le comportement de l'Etat en préjugeant de la rationalité limitée des premières devant ce dernier.

    Mieux que le concept de souveraineté qui selon certains constituait l'essence du réalisme, celui de l'intérêt national est à notre sens son point focal. Dans un contexte de globalisation, parler de souveraineté comme d'une réalité peut paraître impertinent. Même en faisant des incursions dans l'histoire, aucun moment ne se caractérise par la rigidité des Etats qui auraient un contrôle strict de leurs champs de souveraineté. En lieu et place d'une souveraineté dure, il serait bien pensé de parler d'une souveraineté molle, malléable. Le consensus réaliste2 lui attribuait des vertus qu'elle n'a jamais eues. D'aucuns parlent désormais non plus de souveraineté de l'Etat mais de sa capacité3ou de son autonomie4. L'inscription de l'action non gouvernementale dans l'espace ouvert de la globalité renforce l'impression que la

    1 Bodin J. (1986) Les six livres de la République, Paris : Fayard.

    2 Il s'agit de cette idée acceptée des réalistes selon laquelle la souveraineté serait au coeur de la politique internationale.

    3 Badie B. «De la souveraineté à la capacité de l'Etat» in Smouts M.C. (1998) Les nouvelles relations internationales, pratique et théorie, Presses des sciences po.

    4 Klassen op. cit

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    souveraineté est une prestidigitation. Le monde est retourné1 et cela n'a pas échappé aux réalistes d'hier qui, conscients du changement, se sont jetés dans l'usage des préfixes pour nuancer leur propos. Rosenau2cherchant à négocier le passage dans la turbulence, a déplacé le centre d'action pour le déposer sur l'interface des espaces, opposant les acteurs nouveaux à l'Etat, sur la frontier3. Ce même effort a donné naissance aux espaces qu'Appadurai appelle scapes. L'enchevêtrement des systèmes, l'irruption des acteurs et facteurs nouveaux a-t-il eu pour corollaire l'obsolescence du réalisme ? Mettre du vin ancien dans de nouvelles outres change-t-il la qualité du vin ?

    Le contexte a véritablement changé. Le fonctionnement du monde pendant la Guerre Froide favorisait le musellement des acteurs mineurs. L'irruption de ces derniers après la chute du mur de Berlin n'a pas nécessairement signifié leur prépondérance par rapport à l'Etat. Depuis ses origines, l'Etat a recherché ses intérêts dans son rapport aux autres. Cette pratique échappe aux gêoles du temps et de l'espace. L'élément transversal dans l'histoire des relations internationales, celui qui a survécu aux différentes transformations de la politique internationale est la quête de l'intérêt. Le deuxième principe de Morgenthau4le rappelle: « The main signpost that helps political realism to find its way through the landscape of international politics is the concept of interest defined in terms of power» (le principal indicateur qui aide le réalisme politique à trouver son chemin à travers le paysage de la politique internationale est le concept d'intérêt défini en terme de puissance). Il ne semble pas que l'irruption de nouveaux acteurs ait détourné l'Etat de cet objectif. L'avènement d'un monde nouveau a permis à cet acteur rationnel qu'est l'Etat d'adapter son rapport à l'autre. C'est l'Etat qui définit la ligne budgétaire, c'est lui qui décerne les contrats de prospection et d'exploitation minière et pétrolière. C'est encore l'Etat qui juge pertinentes ou non les remarques et recommandations des ONG en rapport avec l'activité extractive. Peut-on imaginer l'implémentation efficiente de l'EITI sans la présence et le rôle déterminant de l'Etat ? Si l'on s'accorde à penser que la centralité de l'acteur étatique est un donné, que l'intérêt national est servi au travers des ONG (par volonté ou par destination), alors il ne serait pas exagéré d'affirmer que de par l'angle adopté dans cette étude le réalisme des Etats demeure pertinent. Mais, il faut préciser que ce ne sont guère les ONG qui sont des acteurs

    1 Lire à ce sujet Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts (1999) Le retournement du monde. Sociologie de le scène internationale, Paris : Presses de Sciences po-Dalloz.

    2 Rosenau N.J (1990), Turbulence in world politics; a theory of change and continuity, Princeton: Princeton University Press

    3 Rosenau (1997) op. cit

    4 Morgenthau H.J (1986) Politics among nations, the struggle for power and peace, 6th Ed. New York: Alfred A.Knopf p. 85.

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    pratiquant le réalisme mais, parce qu'il y a décharge, elles peuvent devenir des instruments du réalisme des Etats. Par ricochet, cette étude permet de poser un regard nouveau sur le rapport qui lie l'Etat à ces acteurs dont le surgissement avait semblé signifier le début de son déclin, pour constater que ces acteurs dont l'action est pro et infra étatique plutôt que peri-étatique, contribuent à renforcer la « statolité ».

    Le réalisme classique présentait l'état de guerre permanente comme le trait caractéristique de la société internationale1. Bien que cela ait sa part de vérité, on ne peut pas dire que la poursuite des intérêts nationaux passe inévitablement par la banalisation du conflit violent. Si la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens, on peut de nos jours être porté à croire que la politique est devenue une autre façon efficiente de faire la guerre. La civilisation des moeurs2 politiques fait du chemin. Certes, penser que la politique internationale est complètement pacifiée serait céder à l'illusion de la mêmété mais, précisément du fait de cette ambivalence de la scène internationale, les Etats ont des politiques étrangères contextualisées. Si les questions stratégiques et géostratégiques imposent que la force soit l'outil de la politique de puissance dans certaines parties du globe, la crainte de la contagion et de l'embrasement généralisé peut exiger qu'une attitude plus soft soit affichée dans d'autres. On s'inscrirait alors dans la logique du « pouvoir en douceur » de Joseph Nye3. Il s'agit d'allier idéalisme et réalisme4 par le truchement d'une action transnationale des ONG. Qu'on ne soit donc guère surpris de ne pas percevoir dans cet espace des notions polémogènes que l'on rattache en général au réalisme, alors qu'il est pressenti pour être la grille, la clé algébrique qui permettra de lire l'action des ONG à côte des Etats pour la bonne gestion des ressources extractives dans le cadre de l'EITI.

    L'usage du Transnationalisme et du Réalisme permet d'analyser le rôle des acteurs privés dans leur rapport à l'Etat. La transparence des industries extractives comme initiative mettant

    1 Notamment : Von Clausewitz C. (1956) De la guerre, Paris: Minuit. p. 67. Aron R. (1984) Paix et guerre entre les nations, 8ème Ed. Paris : Calmann-Lévy.

    2 Lire Elias Norbert & Dunning Eric (1994) Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Paris : Fayard. Elias Norbert (1973) La civilisation des moeurs, Paris : Calmann-Lévy.

    3 Voir : Nye Joseph Jr. (1992) Le leadership américain, quand les règles du jeu changent, Nancy : Presses universitaire de Nancy. Mais également Nye J. Jr. (2008) « Public diplomacy and Soft power » The Annals of the American Academy of political and social science, N°616, pp. 94- 109.

    4 Au cours de la conférence Wriston 2002 présentée au Manhattan Institute de New York le 1er octobre 2002, Condolezza Rice alors conseillère du président Bush en matière de sécurité nationale disait : « Pour simplifier à l'excès, disons que les réalistes minimisent l'importance des valeurs et de la structure interne des Etats et mettent au contraire l'accent sur l'équilibre des pouvoirs. Les idéalistes accordent la primauté aux valeurs comme la liberté, la démocratie, les Droits de l'Homme... en tant que responsable politique, je peux vous assurer que ces catégories masquent la réalité. En réalité, pouvoir et valeur sont complètement indissociables ». C'est dire que la défense des valeurs morales ne proscrit pas la quête de puissance et d'intérêt. Celui qui se fait le chantre d'une norme est à percevoir en même temps comme un acteur rationnel en quête de maximisation de son intérêt.

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    en scène des acteurs aussi variés que l'Etat, les ONG, les compagnies extractives... autour de la norme de la transparence, invoque une autre grille explicative. Au coeur de cette analyse, se trouve la norme de la transparence qui semble entrer en collision avec celle de la souveraineté, de même que la morale qui s'oppose souvent à la puissance. Pour transcender ces clivages et dilemmes, l'apport du constructivisme s'avère impérieux.

    3. L'apport du constructivisme dans la compréhension de la transparence des industries extractives.

    La promotion de la transparence des industries extractives pose un dilemme normatif en même temps qu'une opposition essentielle des valeurs. D'une part, il s'agit de mettre en oeuvre la norme de la transparence en transcendant la norme de la souveraineté qui est au coeur de la construction du système international westphalien. Et d'autre part, c'est la pertinence des valeurs et idées dans la politique mondiale qui se laisse voir dans la nécessité d'implémenter la transparence dans un espace d'activité capitaliste à savoir les industries extractives. Par-delà les grilles réaliste et transnationaliste qui permettent de rendre raison de la prévalence de la puissance et de la relativisation de la souveraineté en tant qu'expression de cette puissance, le constructivisme est d'un précieux apport dans le décodage de la logique des acteurs impliqués dans l'initiative. Les deux apports principaux dans cette étude se greffent autour de ce dilemme normatif et de l'opposition entre l'empirisme et le normativisme selon qu'ils sont l'un et l'autre motivés par la morale et l'intérêt.

    Le constructivisme est de ce point de vue, appréhendé comme « a tradition of social and political thought that sees the world as not just consisting of material forces but of ideational social phenomena through which we interpret the material and construct our societies1 » (une tradition de pensée politique et sociale qui voit le monde non pas seulement comme un ensemble de forces matérielles mais aussi, un phénomène social idéel par lequel nous interprétons la matière et construisons nos sociétés). Ainsi perçu, le constructivisme permet d'interpréter les faits selon qu'ils sont construits. Ce sont deux directions de lecture qu'offre cette grille. D'abord, elle révèle que les idées permettent d'interpréter les faits et ensuite, les idées permettent la construction des sociétés. Contrairement à la tradition utilitariste et néoutilitariste qui privilégie la conduite rationnelle des acteurs dont l'identité et les intérêts seraient figés, le constructivisme social tel qu'appréhendé par John Gerard Ruggie2, permet de

    1 Richard M. Price (Ed.) (2008) Moral limit and possibility in world politics, Cambridge: Cambridge University Press, p. 19.

    2 John Gerard Ruggie (1998), Constructing the world polity. Essays on international institutionalization, London and New York: Routledge.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 60 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    palper les acteurs et les intérêts comme des données socialement construites. En cela, les identités et les intérêts apparaissent construits car, l'identité des acteurs est un construit du fait des normes constitutives et, les idées et valeurs forment les préférences et intérêts desdits acteurs. Cela dit, il apparaît que l'opposition entre normativisme et empirisme ne tient plus. De même, les valeurs morales ne s'opposent plus à la puissance car les sociétés se construisent à partir des perceptions du monde qui sont le fruit des valeurs dont on est investi. Les normes et valeurs donnent une signification à l'intérêt et à la puissance. Elles complètent donc le réalisme et le rationalisme sans s'y opposer1. De façon globale, le constructivisme donne deux clés à la lecture de la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives. La première clé permet de déconstruire le récit éthique des acteurs, afin de mettre à nu les non-dits d'un engagement prétendument moral. La seconde clé permet quant à elle, de transcender la dichotomie morale versus intérêt. Mais plus en profondeur, il s'agit dans cette étude de s'inspirer des six apports du constructivisme esquissés par Richard Price2, pour démontrer comment la transparence des industries extractives met fin au dilemme normatif initial, et en corollaire, dire la fin de l'opposition morale/intérêt comme l'un des postulats de base de la recherche. Ne jamais envisager l'éthique séparément de l'empirisme, cela donne du sens à l'approche même de cette recherche qui appréhende la transparence à côté de la quête de puissance des Etats. De ce point de vue, l'hypocrisie, le troisième apport dans l'ordre de Price est centrale dans la compréhension de la conduite des acteurs engagés dans une éthique de responsabilité3. Il s'agit de penser que, les protagonistes de la transparence avancent des motifs moraux, notamment, le souci de la transparence qui serait motrice du développement des peuples, alors même que les fins visées sont d'ordre utilitaire. Dans le contexte de cette promotion, l'on peut s'interroger sur la part du non-dit qui justifie l'engouement des puissances occidentales. L'Angolagate4 et l'affaire Elf par exemple sont suffisamment opaques pour que la transparence ne puisse être une leçon dispensée par la France par

    1 Lire à ce propos Martha Finnemore (1996) National Interest and International Society, Ithaca, NY: Cornell University Press.

    2 Price idem, il s'agit notamment de la puissance, de la complicité et de la cooptation, du dilemme moral, de l'hypocrisie, du gap entre la norme et les faits et, la logique de l'agence comme reflet des identités des acteurs.

    3 Elle correspond à l'étape des conséquences dans la typologie de Christian Reus-Smit. En effet, Reus-Smit identifie six apports qu'il met en rapport avec les six apports de Price. Il s'agit de l'idiographie, du diagnostic, des conséquences, des principes, du contexte et de la capacité. Christian Reus-Smit «Constructivism and the structure of ethical reasoning » in Richard M. Price (ed.) Moral limit and possibility in world politics, Cambridge: Cambridge University Press, 2008.

    4 Il s'agit d'une affaire judiciaire en France dans laquelle sont impliquées plusieurs hautes personnalités politiques. En 1994, en pleine guerre civile angolaise, des armes de fabrication française et soviétique sont vendues au régime de Eduardo Dos Santos pour un total de 790 millions de dollars US. Dans ce marché, de nombreuses personnalités dont Charles Pasqua auraient touché des commissions. La vente a été pilotée par Arcadi Gaydamak et Pierre Falcone, l'entreprise Thompson et la banque BNP-Paribas étaient impliquées.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    exemple. La raison d'Etat resurgit et elle justifie l'insulte faite à la norme ici, et l'élan laudateur à son endroit là-bas. En d'autres termes, parce que la promotion des normes s'inscrit dans la transnationalité et sert en général l'intérêt des Etats ou celui des acteurs privés, elle se situe à la croisée du Transnationalisme et du Réalisme1.

    La norme est doublement porteuse du projet de changement. En tant que « standard of appropriate behaviour for actor with a given identity2 » (standard de comportement approprié pour un acteur d'identité quelconque), elle vise à imposer à certaines catégories une conduite qui tranche avec la règle établie3. C'est ainsi que la transparence est prescrite aux dirigeants des Etats candidats à l'EITI, pour constituer une révolution dans des contextes fortement marqués par l'opacité en matière de gestion des revenus des industries extractives. C'est la matérialisation du second apport de Price qui se structure autour de l'agence c'est-à-dire de la production des identités et acteurs dans la fonctionnalité constitutive de la norme. Les acteurs adaptent des comportements stratégiques, discursifs et normatifs. Alors, les entrepreneurs moraux ne sont pas irrationnels parce qu'impliqués dans les plateformes. Comme le souligne

    1 Zaki Laidi oppose deux modèles potentiels d'organisation du système international, le modèle souverainiste et celui de la gouvernance. Dans sa catégorisation, le second modèle tenterait de tempérer le réalisme des Etats en gouvernant la mondialisation par les normes et les règles. Depuis le début de cette étude, nous tentons de transcender cette dichotomie et au lieu de faire des normes l'apanage du modèle de la gouvernance, nous pensons qu'elles sont communes aux deux modèles d'organisation. C'est d'ailleurs pourquoi elles servent de point de croisée entre les deux théories explicatives des deux modèles de notre point de vue. De plus, le 15 novembre 2008, les travaux du G20 réuni à Washington ont été lancés. Il s'agit lors de ces travaux qui se tiennent dans un contexte international marqué par la crise financière, de réglementer la gouvernance. Mais, il serait très naïf de penser que les intérêts vont être délaissés, s'agissant notamment du secret bancaire, des paradis fiscaux etc. Le système financier international issu de Bretton Woods ne va pas être moralisé au point de sacrifier les sempiternels intérêts des puissances mondiales. Lire Laïdi Zaki « Peut-on prendre la puissance européenne au sérieux ? » Cahiers Européens N°4, 2005. A ce sujet, la définition des relations internationales par Reinhold Nebor est très illustrative. Il pense en effet que : « International Relations are where conscience and power meet and work out tentative uneasy compromises ». Reinhold Nebor est cité par Cathal Nolan dans « Norms and principles that govern international relations » communication présentée à l'International Forum Series en avril1998.

    2 Finnemore et Sikkink (1998), « International norms dynamics and political change » International Organization P.891. Cette définition est adoptée à partir des travaux de Audie Klotz, lire notamment : Klotz Audie (1995) Norms in International Relations : The struggle against apartheid, Ithaca, NY : Cornell University Press ; Klotz Audie « Transnational activism and global transformations : The anti-apartheid and abolitionist experiences » European Journal of International Relations, vol.8 (1) : 49-76, 2002. Badie quant à lui définit la norme comme « une règle admise, plus ou moins formalisée, correspondant aux attentes d'une collectivité, impliquant des sanctions acceptables et assurant un minimum de régulation sociale ». Il épouse ainsi la définition durkheimienne de la norme. Badie B. « Sécurité et nouvelles relations internationales »in Bagayoko-Penone & Hours (2005) art. cit. p.34.

    3 Il s'agit notamment de la norme dite régulatrice qui a vocation à imposer un comportement. A côté d'elle, il y a les normes constitutives qui elles, créent des nouvelles catégories d'acteurs, d'intérêts et d'actions. En réalité, EITI selon qu'elle est une initiative de transparence, révèle que cette dernière échoit à la fois aux deux types de normes. Il s'agit d'une initiative qui vise à conduire les gouvernements de l'opacité vers la transparence. En cela, elle est régulatrice. Par ailleurs, elle crée inéluctablement des intérêts nouveaux et, elle met en scène des acteurs certes pas nouveaux en eux-mêmes, mais dans la gestion des ressources extractives ils sont nouveaux car, les ONG ne jouaient sinon aucun, du moins un rôle marginal dans les industries extractives. A propos de la distinction entre les normes régulatrices et les normes constitutives, voir Finnemore et Sikkink (1998) op.cit p.891.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 62 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Thomas Risse Kappen1, les relents de l'action des entrepreneurs sont très souvent stratégiques et discursifs. Une fois encore, l'hypocrisie est proéminente dans la promotion des normes.

    En croquant sur l'espace de l'EITI le schéma du cycle de vie de la norme selon Finnemore et Sikkink, l'on peut percevoir la mêmété des entreprises de promotion des normes2et donc, justifier ce choix complémentaire en démontrant son opérationnalité. Il faut le dire pour le surligner, en même temps qu'elles sont abstraites et ne sont perçues que par les effets qu'elles produisent3, les normes sont diverses et relatives. La norme est une fabrication idéelle mieux, une construction artéfactuelle que l'on met en branle au gré des intérêts. Mais au demeurant, leur déploiement est révérencieux d'une orthodoxie vieille de plusieurs siècles4. Même si la prise en compte des normes dans la compréhension de la société internationale a souffert la marginalisation durant les années 1970-1980, en raison de l'irruption des méthodes de l'économie dans les modèles théoriques et du béhaviourisme5, les normes n'ont jamais été absentes de la politique internationale6. Cela dit, penchons nous sur le schéma cyclique de la vie d'une norme.

    Le moment fondateur d'une norme est son émergence dans la généalogie de Finnemore et Sikkink. Cette étape est inimaginable sans les entrepreneurs de normes et une plateforme organisationnelle. A l'aube de l'EITI, il y a eu les ONG qui sous la houlette de leaders tels que Georges Soros, vont porter sur la scène le joug des peuples victimes des guerres et des autoritarismes du fait des industries extractives. Ces ONG vont constituer une coalition qui correspond à la plateforme organisationnelle qui sert de base de lancement de toute l'activité de lobbying. Il s'agit dans le cas d'espèce, de la coalition Publish What You Pay lancée en 2002 et qui a été l'instance de déploiement de l'entreprenariat normatif précurseur de EITI. A ce stade de la vie d'une norme, la persuasion7 occupe une place privilégiée car, il faut que les

    1 Cité par Richard M. Price à la page 20.

    2 Ici il s'agit de la transparence, ailleurs il pourrait s'agir de la lutte contre l'esclavage et de l'apartheid comme s'y est intéressé Audie Klotz (1995) op.cit et Audie Klotz « Transnational activism and global transformations : The anti Apartheid and abolitionist experiences » European Journal of International Relations vol.8 (1) : 49-76, 2002. Ou même, de la lutte contre les pillages en temps de guerre Sandholtz (2008) op.cit la motivation semble répondre à l'exigence de promouvoir les intérêts et les modus operandi sont les mêmes.

    3 Finnemore & Sikkink disent: « We can only have indirect evidence of norms just as we can only have indirect evidence of most other motivations for political actions » Finnemore et Sikkink, 1998 op. cit. P892.

    4 Lire Audie Klotz (1995) op. cit. à propos de l'action des anti-apartheid et les abolitionnistes.

    5 Finnemore et Sikkink (1998) op. cit. p 889

    6 Cathal Nolan dans un titre porteur de sens, parle de « Norms and principles that govern international relations » pour fustiger l'ostracisme dont ont été frappées les normes dans les courants dominants de la pensée politique ces dernières décennies, alors même que la scène mondiale n'est pas cette anarchie hobbesienne que les réalistes ont souvent plaquée au regard des étudiants des relations internationales. Nolan (2001) op. cit.

    7 L'importance de la persuasion comme entreprise ouverte ou comme « rhétorique de l'action » qui serait une
    ruse dont le but final est de persuader les acteurs à intégrer la norme, est au coeur du dispositif du déploiement
    normatif. Finnemore & Sikkink (1998) op. cit. p.914, Klotz (1995) op. cit. pp.22-33, et Rodger A. Payne

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 63 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    entrepreneurs de normes qui n'ont aucun pouvoir d'imposition sur les destinataires réussissent à transmettre aux acteurs étatiques l'affect de la norme en promotion. La persuasion qui est: « the process by which agent act becomes social structure, ideas become norms and the subjective becomes the intersubjective1 » (le processus par lequel l'acte d'un agent devient une structure sociale, les idées deviennent des normes et le subjectif devient intersubjectif), est donc le processus de transmission de témoin et conditionne le succès de l'étape qui introduit la cascade des normes. Une définition linéaire de la persuasion suppose qu'un acteur A veut persuader les Etats B, C, D du bien-fondé d'oeuvrer pour la promotion d'une norme sur la scène mondiale. Rodger Payne2 soulignera à ce propos le rôle de la « communication persuasive » dans le processus de contagion normative.

    Lorsqu'un nombre suffisant d'Etats appelés « leaders des normes3 » adoptent la norme pour en faire la promotion, l'on passe à la cascade des normes qui est la deuxième étape de la vie d'une norme. Cette étape se particularise par le projet de faire intégrer la nouvelle conduite à des Etats par d'autres Etats. Le jeu se fait désormais entre deux types d'Etats : un leader de norme et un destinataire de l'activité normative. En cela, la période 2004-2008 constitue un espace intéressant car elle a vu l'adhésion de plusieurs Etats à l'EITI. Ensuite survient la phase d'internalisation qui doit connaître son apothéose avec la conformité parfaite d'avec la norme. L'élément de mesurabilité pour le cas de la transparence des industries extractives est un rapport de conciliation des chiffres et des volumes qui doit être le reflet fidèle de la réalité des recettes et des paiements entre les compagnies et les Etats.

    Un relief particulier doit cependant être mis sur l'intérêt dans la promotion de la transparence. Au-delà de la quête de légitimité et de l'estime de soi par les dirigeants, l'intérêt est central à ce niveau. Dès lors que deux Etats sont en interaction, l'intérêt s'invite et cela renvoie au réalisme en tant que poursuite d'un intérêt. En effet, les normes sont indissociables de la rationalité. La question de la nature du lien qui les unit divise encore les auteurs.

    « Persuasion, Frames and Norms construction » European Journal of International Relations, vol. 7(1) : 37-61, 2001 mettent en relief cette centralité de la persuasion. Cependant, Dionyssis Dimitrakopoulos relativise l'importance de la persuasion car pense-t-il, même en l'absence des preuves d'existence de celle-ci, une norme peut être adoptée. Voir Dimitrakopoulos D. « Norms, strategies and political change: Explaining the establishment of the convention on the future of Europe » European Journal of International Relations, vol.14 (2): 319-342, 2008.

    1 Finnemore & Sikkink (1998), op. cit. P. 914. Payne (2001) op. cit., p.38.

    2 Rodger A. Payne (2001), op. cit.

    3 Pour ce qui concerne EITI, ces leaders de normes sont : le Canada, la France, la Grande Bretagne, les USA, l'Allemagne, la Norvège, la Belgique et à ces Etats, s'ajoutent les institutions telles que la Banque Mondiale, le FMI, le G8, etc. autant dire que l'ensemble du monde développé est résolu à faire de la transparence dans les industries extractives une réalité. Cette phase est appelée « tipping point » par Finnemore et Sikkink (1998) op. cit.

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    Toutefois, l'on note que les acteurs politiques utilisent des stratégies pour poursuivre leurs intérêts, les normes modèlent ces stratégies en influençant les termes des débats qui précèdent les décisions politiques1. De toute évidence, «norms and rationality are thus intimately connected but scholars disagree about the precise nature of their relationship2» (les normes et la rationalité sont ainsi intimement liées mais les érudits ne s'accordent pas sur la nature précise de leur relation). De l'entrepreneur des normes aux destinataires des normes, l'intérêt est le moteur d'action.

    Le désir d'uniformisation de la scène politique mondiale par l'exportation des pratiques occidentales vers les horizons nouveaux participe en partie de la défense ou de la poursuite des intérêts étatiques. Qu'il s'agisse de l' « action rhétorique » ou de la rhétorique de l'action, l'intérêt qui commande à l'engagement d'un acteur dans la promotion d'une norme est la célébration des objectifs des forts et des puissants et, donc vers un monde globalisé dans lequel les frontières deviennent impertinentes, tant les entrepreneurs des normes sont devenus des « borders spanners ». Cela conduit à des oxymores du type « constitutionnalisme globalisant3 », les biens publics mondiaux... qui portent une dose de spéciosité très élevée dans un monde où le réalisme n'a point cédé la place à l'humanisme.

    E. Annonce du plan

    Notre étude qui vise à démontrer la transformation de la souveraineté à l'oeuvre dans le cadre de l'EITI, ce qui traduit la dynamique de l'Etat impliqué dans des transactions collusives avec les ONG et les firmes multinationales, se structure en deux parties. D'abord, une première partie qui se développe autour de l'idée de la multiplication des acteurs de la scène internationale, ce qui est au fondement de la cohabitation des ordres privé et étatique. Cette partie comporte deux chapitres. L'un sur la rémanence de la pertinence du système westphalien incarné par les Etats, et le second qui démontre par le truchement de EITI, la cascade des autorités par l'émulation des acteurs privés. La seconde partie du travail quant à elle, développe une idée qui est consubstantielle à la première, à savoir le développement des problématiques éthiques (chapitre 3) par les acteurs multiples, dans les conditions de responsabilité. Mais cet investissement des « marchés de la pitié » occulte fort mal la persistance de l'intérêt comme motif d'action dans la conduite des acteurs. Telle est la substance du chapitre 4. Toutes choses par ailleurs qui concourent à la démonstration de la

    1 Lire par exemple Dionyssis Dimitrakopoulos « Norms, strategies and political change » European Journal of International Relations, vol. 14(2) : 319-342, 2008.

    2 Finnemore et Sikkink (1998) op. cit P. 888

    3 Lire à ce propos: Julian Go « A globalizing constitutionalism? Views from the postcolony 1945-2000 » International Sociology, vol.18 (1): 71-95, 2003.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 65 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    transformation de la souveraineté en une souveraineté responsable, par l'excroissance des acteurs et par la prévalence des interactions complexes autour d'une « éthique de la responsabilité convaincue ».

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    PREMIERE PARTIE :

    L'excroissance des intervenants dans la politique

    internationale : Examen de la transformation de

    la souveraineté sous le prisme de l'Extractive

    Industries Transparency Initiative.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 67 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    L'inquiétude de certains auteurs devant les flux de la mondialisation qui ont fragilisé la souveraineté des Etats a porté son écho jusqu'aux extrémités de l'univers scientifique. Ce qui a eu pour impact, d'attirer l'attention des chercheurs sur les fortunes de la souveraineté, afin d'examiner la portée réelle de la globalisation sur les sanctuaires territoriaux. Le foisonnement des acteurs de moult natures sur l'espace-monde constitue en même temps qu'une source d'étude, une nouveauté à la faveur de la rupture des contraintes imposées par un fonctionnement bipolaire du monde. Le monde post-Guerre Froide et post-2001 se caractérise par l'émulation d'acteurs nouveaux pour la conduite des affaires devenues globales1. La sécurité d'un Etat ne relève désormais plus de sa seule compétence exclusive, ni encore moins de sa politique étrangère stricto sensu. Et, même sur le plan interne, le monopole de la contrainte physique et symbolique n'est plus du seul ressort des gouvernements en tant qu'ils sont l'incarnation des Etats. Des acteurs jadis inféodés à l'Etat, sont devenus très pertinents en gagnant leur locus standi du fait de leur expertise ou de leur connaissance des terrains d'action. La complexification des problèmes a entraîné une complexification des solutions, de par les intervenants qui sont mis à contribution et de par les mécanismes préconisés. L'on est passé à de nouvelles formes de diplomatie qui laissent penser qu'il y a la « transformation de l'équilibre nous-je ».

    Nombre de faits laissent perplexe devant la souveraineté. De l'intérieur, le bal des entrepreneurs identitaires de toutes sortes fait croire que les fondations de l'Etat sont menacées d'écroulement. Face à ces crises internes, il y a les multiples signes d'irrévérence des border spanners qui transgressent les lois de la territorialité. Ce serait précisément faire preuve de cécité que de ne pas voir ces logiques nouvelles. De même, ne pas prêter l'oreille aux analyses des auteurs qui attirent l'attention sur ces bouleversements serait faire preuve d'une surdité coupable pour l'avancement de la science. Cependant, la démultiplication des facteurs et l'irruption de nouveaux acteurs constituent-ils des arguments en faveur de l'exécution du requiem de la souveraineté ? Sommes-nous parvenus à la fin de l'histoire de la souveraineté ? Nous pensons que la profusion des acteurs est un fait. L'Extractive Industries Transparency Initiative est un des espaces qui démontrent précisément l'excroissance des intervenants dans la politique internationale contemporaine. Mais, il est aussi le signe de la

    1 Bertrand Badie appelle cela la revanche du social et la caractérise par la coloration sociale des enjeux internationaux qui deviennent de moins en moins politico-militaires, et la présence des acteurs sociaux sur la scène internationale. Badie B, La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. p. 237, mais également, Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit.

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    survie de l'Etat. Aussi, nous entreprenons dans le cadre de cette première partie, d'abonder dans le sens d'une excroissance des intervenants dans la politique internationale. Ce faisant, nous accorderons à l'Etat une place de choix dans la mesure où nous récusons l'hypothèse de la fin de la souveraineté mais parlerons de sa transformation à la suite des travaux de Bertrand Badie, c'est l'Etat qui dans son redeploiement, est le symbole de cette transformation (chapitre 1). Ensuite, nous accorderons un espace à quelques autres intervenants, en l'occurrence les ONG et les industries extractives en tant qu'acteurs (chapitre 2). Tout cela, pour dire qu'en dépit de la coalescence des acteurs dans la politique internationale, l'on n'assiste pas encore à la fin de la souveraineté. Mais la réalité de la multiplication des acteurs est immuable et a justifié les interrogations sur les fortunes de la souveraineté. La politique internationale est devenue si complexe qu'elle a cessé d'être l'espace de l'interétatisme qui au passage, acceptait de temps à autre de prendre des avis des amici curiae que sont les acteurs privés. L'on est en présence d'une transformation de la souveraineté et partant, des modes d'action sur la scène internationale.

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    Chapitre 1 : EITI et le redéploiement de l'Etat, une lecture stato-centrée de la transparence des industries extractive ou l'affirmation de la pertinence du système étatique

    La mondialisation n'est pas l'occasion d'une révolution brutale qui aurait entraîné la dilution des anciens acteurs dans les nouveaux, ni leur évanescence face à l'irruption des nouveaux intervenants. L'Etat est un acteur ancien de la scène internationale qui aurait laborieusement vu le jour entre le XIVème et le XVème siècle en Europe. L'EITI est un espace qui démontre primo facie la persistance de cet acteur séculaire sur la scène internationale, mais un acteur qui se redéploie face aux contraintes de la mondialisation. Il se redéploie seul (section I) ou en groupe (section II) dans les espaces autres que celui de sa genèse et en cela, il est un et multiple tout à la fois. En se projetant, il se laisse capturer par les lieux exotiques, îles d'escale de son odyssée1.

    SECTION 1: Déploiement d'un Etat-fluide dans la transparence des industries extractives : entre universalisme et autochtonie.

    La transparence des industries en tant qu'initiative est l'espace d'une démonstration de la « statolité » affirmée, établie et même rebelle. L'Etat est une réalité historique qui laisse transparaître deux types de contrastes dès lors qu'il est pensé en rapport avec les espaces autres que celui de son origine. En effet, discourir sur la pertinence de l'acteur étatique sur la scène internationale en s'appuyant pour cela sur l'initiative, c'est envisager l'Etat comme une réalité molle, un Etat-fluide. L'exigence de sa fluidité naît à la congruence de la spécificité de son aire de germination et de la particularité des espaces convoités de son implantation. La double extranéité de l'Etat par rapport à l'Afrique par exemple (mais aussi à l'Asie et à l'Amérique latine) suppose que celui-ci a été introduit depuis l'Occident et s'appuie sur un archétype unitariste2 qui est impropre à la terre de Toumaï où la communauté relève de l'identité. L'initiative offre ainsi, l'occasion de l'appréhension de l'Etat dans des

    1 Etienne Le Roy parle de l'Odyssée de l'Etat pour signifier son errance, à l'image d'Ulysse errant sur les mers. Ce périple de l'Etat est multi-centenaire et l'actualité laisse penser qu'il sera pendant un temps encore, l'organisateur de la vie en communauté et dans la société. L'Etat n'est décidément pas inutile. Lire Etienne Le Roy « L'Odyssée de l'Etat » Politique africaine, n°61 mars 1996 pp.5-17

    2 Le Roy pense en effet que l'Etat dans son errance a de temps à autre effectué des terrages sur des espaces qui n'ont pas de base unitaire mais plutôt, sont des sociétés communautaristes. Pour cela, seule l'indigénisation permet l'évitement d'un échec de la transposition des dispositifs occidentaux tels quels. Le Roy op. cit. p.8-11

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    circonstances de temps et de lieux. Clifford Geertz s'intéressant à l'Etat à Bali1 a remis en cause le schéma weberien de l'Etat très rationaliste qui ne s'encombre pas des éléments indigènes qui font vivre l'institution. L'impersonnalité de l'Etat en tant qu'institution dépouillée des ivresses de la théatocratie2 et des rites exotiques a nourrit l'illusion identitaire3, reléguant dans la catégorie des Etats flanqués d'une épithète, l'Etat ailleurs4.

    L'espace de la mise en oeuvre de l'initiative est une mosaïque de peuples, de cultures, de terroirs regroupés sous le vocable de l'Etat. Cette diversité va certainement informer les nuances dans la réception de l'initiative. L'Etat de l'EITI est un, mais multiple tout à la fois. Celui qui met en oeuvre l'initiative et celui qui la soutient ; celui issu de la colonisation et celui qui fut colonisateur ; celui en voie de développement et celui développé.

    Paragraphe I : Croquis d'une catégorie créole: le site de la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives ou la pertinence du baroque.

    Il s'agit de penser que l'examen des sites de la mise en oeuvre de l'initiative en tant qu'ils révèlent la prégnance de l'acteur étatique, passe par une démonstration du binôme territorialité-autorité comme exclusivité de l'Etat (A). De plus, un voyage au coeur des espaces territoriaux divers et variés de la mise en oeuvre constituera l'argumentation matérielle en faveur de cette allégation (B).

    A. L'espace de la mise en oeuvre : territorialité et autorité de l'Etat

    1. Territorialité et autorité : des notions centrales mais relatives

    L'Etat procure à l'initiative l'espace de sa mise en oeuvre parce que la territorialité est un attribut exclusif de l'Etat ou des regroupements étatiques. Si l'on peut avoir des territoires

    1 Geertz Clifford (1983) Bali. Paris : Gallimard

    2 C'est d'ailleurs pensons-nous, l'illustration d'un ethnocentrisme d'un genre vicieux. Lorsque la politique se donne en spectacle en occident, nul ne démontre qu'il s'agit peut-être d'un trait inhérent au pouvoir que de se donner à voir dans les signes et les symboles. Ainsi, seulement de cette façon on ne taxera plus de tropicalisme les messes politiques dans les contrées autres que l'occident. D'ailleurs, comme le montrent des auteurs tels que Marc Abélès (2007) Le spectacle du pouvoir. Paris : l'Herne, Roger-Gérard Schwarzenberg (1977) L'Etatspectacle. Paris : Flammarion. Claude Rivière (1988) Les liturgies politiques. Paris : PUF, la politique admet toujours une dose élevée de symbole, de spectacle et de rites.

    3 Bayart Jean François (1996) L'illusion identitaire. Paris : Fayard

    4 Pourtant, comme semble le penser la professeur Sindjoun, l' « Etat ailleurs » relève de la spécificité car il est fortement marqué du sceau de la société qui l'abrite, tant il est socialisé par celle-ci en même temps qu'il étatise la société. L'Etat pense-t-il, est banal car il est fonction des usages et des investissements des acteurs compte tenu des enjeux locaux. Sindjoun Luc (2002) L'Etat ailleurs : Entre noyau dur et case vide. Paris : Economica

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    sans Etat1. Il n'existe pas d'Etat atérritorial. C'est ce qui fait dire à Carré de Malberg que : « le territoire ne fait pas partie de l'avoir de l'Etat, mais de son être2 ». L'Etat est différenciation c'est-à-dire constitution d'une classe en face de la société3 mais il est aussi et surtout un territoire. Les théories du territoire peuvent être regroupées autour de quatre mouvements. D'abord, le territoire comme élément constitutif de l'Etat c'est-à-dire qu'il faut un territoire pour le développement normal de l'Etat. Cette conception a motivé la pensée des pères de la géopolitique tels que Kjellen et Friedrich Ratzel. Le territoire est aussi l'objet de la souveraineté de l'Etat, en tant qu'il est objet d'un imperium et celui d'un dominium. Le territoire est par ailleurs la marque de la limite entre `eux' et `nous' dans une perspective de démarcation de l'aire de la souveraineté. C'est pourquoi le territoire est en dernière analyse le titre positif de l'exercice de la compétence des compétences. Cette composante de l'Etat qui suscite des définitions les plus diverses possibles en fonction des disciplines et des sensibilités, est incontournable dans l'affirmation de la statolité. Gérard Bergeron rappelle que « par dessus tout, il importe de ne jamais oublier le territoire dont on peut dire au sens premier qu'il supporte tout le reste et qu'il est la donnée la plus déterminante et la plus constante ne serait-ce que par son inertie »4. S'agissant des industries extractives, nul ne peut prétendre à l'analyse de l'initiative y relative en minorant l'essence primordiale de l'Etat en tant que territoire qui est le cadre munificent d'exploitation des ressources. En effet, les richesses du sol et du sous-sol dont les revenus sont au coeur de l'initiative sont précisément localisées dans le territoire des Etats. Ce territoire comprend aussi bien la terre ferme que la mer jusqu'aux limites des eaux territoriales d'un Etat. L'on peut y ajouter les zones économiques exclusives (ZEE) qui ont un régime juridique particulier en raison des articles 55 et 56 de la convention de Montego Bay5. Les plateformes pétrolières offshore en haute mer et dans les eaux territoriales des Etats, les sites d'opérations onshore mais aussi les mines

    1 Les cas de la Palestine et de l'Antarctique encore que pour ce qui concerne ce dernier territoire, les Etats dans leur folie pétrolière sont en train d'étendre sur lui les attributs de leur autorité. Ainsi, la Russie a implanté son drapeau dans les profondeurs de l'antarctique en 2008, elle pourrait bien être suivie en cela par d'autres puissances.

    2 Carré de Malberg Raymond (1985) Contribution à la théorie générale de l'Etat. Paris : CNRS (une réimpression des Editions Sirey) volume 1. p.4

    3 Pierre Clastres pense qu'il faut discourir sur la société sans la rattacher systématiquement à l'Etat. C'est à ce prix qu'il veut initier une nouvelle anthropologie qui considère les sociétés comme des réalités autonomes, prenant ainsi ses distances de l'Etat-glouton. Clastres Pierre (1974) La société contre l'Etat. Paris : Minuit

    4 Bergeron Gérard (1990) Petit traité de l'Etat. Paris : PUF p.12

    5 L'article 56 dit notamment : « Dans la zone économique exclusive, l'Etat côtier a 1) des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins et de leurs sous-sols, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants et des vents ».

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    diverses pour les pierres précieuses sont abrités soit par le sol et le sous-sol des Etats, soit par leurs eaux. Le territoire a donc ipso facto, la fonction supplémentaire de creuset des richesses qui conditionnent l'adhésion d'un Etat à EITI. Il s'agit de penser que l'examen en aval de la propriété territoriale de l'Etat comme site de mise en oeuvre de l'initiative n'est pas déconnecté de l'amont qui suppose l'hébergement des ressources.

    L'examen de la qualité d'acteur au sein de l'EITI confirme que seul l'Etat est titulaire d'un territoire1. La suspension dans l'espace transnational des actions non étatiques n'est que par trop limitée par la loi de la pesanteur qui les dépose sur un espace territorial. L'initiative en tant que création abstraite trouve un ancrage sur le réel par son déploiement dans un Etat. Aussi, ce dernier se révèle-t-il dans son second aspect comme une autorité qui s'exerce dans son aire de compétence. La seconde dimension de l'Etat, c'est-à-dire comme organe contrôlant les principaux moyens de coercition sur un territoire donné, le régulateur de la vie sociale, s'exprime donc par le fait de la cession d'un droit d'implémentation. L'Etat qui s'engage à mettre en oeuvre l'initiative cède en même temps à celle-ci le droit de se déployer sur son sol. En cela, l'Etat exprime sa territorialité et son autorité dans l'initiative de transparence des industries extractives.

    Cependant, les notions de territorialité et d'autorité que l'on peut retrouver au fondement et au coeur de l'Etat ne sont pas des données figées. Si la réalité des frontières nourrit et entretient l'illusion de la permanence de la territorialité et de l'autorité dans un espace

    1 Les Etats sont très jaloux ipso facto de leur territoire, ils ont toujours pris la peine de le sécuriser car, s'il est l'assurance de leur existence, le territoire est une donnée dont la perte fait tressaillir de crainte les Etats car elle leur enlève le droit d'exister en tant que tel. La codification de l'espace territorial est un impératif au vue des Etats tant dans le droit public interne que dans le droit international. La sauvegarde de l'intégrité de son territoire exige de le cerner, de le protéger des irrédentismes et des invasions externes. Les caractères indivisibles, inaliénables et irréductibles des Etats ressortent dans plusieurs constitutions. La constitution des Etats-Unis du 17 septembre 1787 dans sa section VIII et à l'article 1er ; l'article 3 de la constitution malgache du 27 avril 2007; l'article 1er de la constitution tchadienne du 31 mars 1996 ; l'article 1er de la constitution du Niger du 9 août 1999 ; l'article 2 de la constitution ivoirienne du 4 novembre 1960 ; l'article 8 de la constitution péruvienne du 9 avril 1933 et la constitution norvégienne du 17 mai 1814 dans son article 8 portent toutes sur l'autel de la sacralité, l'intégrité des territoires respectifs de ces Etats. L'on notera par ailleurs que les Etats africains dès les premières années des indépendances, vont s'empresser de codifier par la voie constitutionnelle la nécessité et même l'impératif de l'intégrité territoriale. La raison réside certainement dans la crainte de l'éclatement des nationalismes et des irrédentismes car les Etats ont été taillés sur les mesures indifférentes des réalités sociologiques de la dispersion des peuples. D'ailleurs, appliquant en cela le principe de l'uti possidetis, les articles 2 et 3 de la charte constitutive de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) font de la défense et du respect de l'intangibilité des frontières heritées de la colonisation et donc de l'intégrité territoriale des Etats africains un principe cardinal de l'organisation. Ces articles avalisent donc les frontières et donc les territoires hérités de la colonisation. L'acte constitutif de l'Union africaine reprend ce principe du respect de l'intégrité territoriale dans son article 3 (b), en affirmant comme l'un des objectifs, de « défendre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de ses Etats membres ».

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    géographique, si EITI est rendue possible par l'emprise sur le réel que lui confère la qualité d'acteur des Etats, les territoires et l'autorité ont glissé vers la relativité et la responsabilité1. Ce double dépassement du territoire et de l'autorité informe cette étude qui, quoiqu'elle relève la qualité d'acteur de l'Etat, consacre aussi la pertinence des acteurs non-territoriaux2 qui transgressent aussi bien l'autorité étatique que les lois de la territorialité. Ainsi, la pertinence de l'Etat en tant que territoire et autorité qui se redéploie dans l'initiative est à relativiser par le fait des acteurs privés et des réseaux et autres allégeances multiples qui dénotent la prolifération des espaces. La figure de cette exigence de relativité dans la manipulation des concepts de territoire et d'autorité est la firme multinationale. Aterritoriale par excellence, elle exploite des richesses qui sont territorialement situées, enfouies dans le sol ou le sous-sol d'un Etat. C'est le sacre du territorial et de l'aterritorial, de l'autorité et de la non-autorité, de la souveraineté et de la non-souveraineté. A ce sujet, Badie dit : « les rapports entre nations- d'ailleurs de plus en plus difficile à territorialiser- ne sont désormais qu'un aspect du fonctionnement d'une scène mondiale faite de réseaux, de prolifération et de volatilité d'allégeances qui s'inscrivent elles-mêmes dans plusieurs espaces3 ». C'est la célébration de la supraterritorialité que les théories de la globalisation dressent comme réalité expliquée par le phénomène de la mondialisation. Cependant, si le système westphalien fondé sur la fixité d'un territoire qui abrite l'autorité suprême d'un Etat est dépassé, ce n'est pas l'histoire de son abolition qui est écrite dans cette étude. Se fondant sur les travaux de Jan Aart Scholte, Justin Rosenberg4 rejoint Badie pour penser que le dépassement du territoire par l'émergence d'un ordre supraterritorial à la faveur de la mondialisation ne signifie point la disparition des territoires, mais leur dépassement est aussi l'occasion d'une cohabitation entre deux ordres : l'ordre territorial et l'ordre supraterritorial. Rosenberg faisant écho à la pensée de Scholte à ce sujet dit : « For him (Scholte), globalisation shows no sign of erasing the state. And this is not simply because, having unfolded mainly since the 1960s', it needs more time to work its full effects. On the contrary, careful as ever, he has already told us that globalisation, despite being defined as the rise of supraterritorial space, is nonetheless not antithetical to territoriality. However, it has transcended the territorialist geography that sovereignty

    1 Voir à ce sujet Bertrand Badie (1995) La fin des territoires, essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect, Paris : Fayard et Badie Bertrand (1999) Un monde sans souveraineté, les Etats entre ruse et responsabilité, Paris : Fayard.

    2 Par cette appellation, Johan Galtung qualifie ces acteurs qui se différencient des acteurs territoriaux qui disposent d'une emprise territoriale. Voir Johan Galtung « un continent invisible : les acteurs non territoriaux, vers une typologie des organisations internationales » in Georges Abi-Saab (dir.) Le concept d'organisation internationale, Paris : Unesco, 1980, pp. 68-77.

    3 Bertrand Badie La fin des territoires, op. cit. p. 14.

    4 Rosenberg Justin, op. cit.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    presupposes and as a result it has brought the end of sovereignty1 » (pour lui [Jan Art Scholte], la globalisation ne revèle pas des signes d'effacement de l'Etat. Et ce n'est pas uniquement parce que se déployant principalement depuis les années 1960, elle a besoin de plus de temps pour revéler ses effets. Au contraire, prudent comme toujours, il nous a déjà dit que la mondialisation, malgré qu'elle est définie comme l'augmentation de l'espace supraterritoriale n'est néanmoins pas antinomique de la territorialité. Cependant, elle a transcendé la géographie territorialiste que présuppose la souveraineté et comme incidence, elle a mis fin à la souveraineté). Ainsi, les deux auteurs nous invitent à intégrer la nécessité d'une considération du fait supraterritorial corollaire de la mondialisation, mais qui ne discrimine pas le territoire et donc l'Etat comme lieu pertinent d'observation des relations internationales.

    2. Voyage au coeur de la diversité

    L'espace multiforme et divers de l'initiative est un ensemble d'Etats dont l'histoire territoriale et la géographie politique sont révélatrices d'une spécificité. Au nombre des trente Etats qui implémentaient l'initiative en décembre 2009, vingt huit ont été des colonies soit 95,83% en terme de ratio. Les seuls qui n'aient pas goûté aux délices de la colonisation donc, qui ne soient pas des territoires hérités de l'architecture coloniale sont le Libéria2 et la Norvège3. Parmi les six pays qui appartiennent au continent asiatique, trois ont été des colonies russes.

    L'Azerbaïdjan est un territoire vaste de 86.600 km2 peuplé d'environ 8177717 habitants selon l'estimation de la CIA en juillet 2008. Il produit environ 1099 baril de pétrole par jour avec des réserves prouvées estimées à 7 milliards de barils en janvier 2008. Le gaz naturel qu'il a produit en 2007 est estimé à 977 milliards de m3. Ses réserves prouvées sont de 849,5 milliards m3. Le pays produit par ailleurs du fer et de la bauxite4. A ce jour, c'est l'unique pays qui a atteint la phase de conformité de l'initiative, ayant respecté toutes les étapes de la mise en oeuvre.

    1 Rosenberg, idem, pp. 33-34.

    2 En effet, ce pays est une création de l'American Colonization Society qui en 1816, le fonda pour favoriser le retour des esclaves sur le sol africain. En 1821, la Society obtint des terres sur le cap de Mesurado et y fonda Monrovia en mémoire du président Monroe. Il fut dirigé dès 1841 par Joseph Jenkins Roberts qui fut le premier gouverneur noir de Monrovia. Même si le pays est dit être devenu indépendant en juillet 1846, on ne peut pas dire qu'il a subi la colonisation au sens premier du terme. Il semblerait plutôt qu'il y ait eu en 1846 une reconnaissance internationale du Liberia en tant qu'Etat.

    3 A cette date, la Norvège est le seul pays de l'OCDE à implémenter l'initiative de transparence des industries extractives.

    4 Ces données sont fournies par la CIA dans son factbook disponible dans le site www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/az.html visité le 13 mars 2009.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 75 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Le Kazakhstan qui dispose de la plus grande réserve de pétrole de la région de la Caspienne est un Etat de 2717300 km2 de superficie ; il regorge en plus de chromium, de zinc, de cuivre, de manganèse, de fer, de charbon, d'or, d'uranium, de nickel... D'après BP Statistical Review of World Energy 2007, le Kazakhstan détient des réserves de pétrole estimées à 40 milliards de barils et selon la même source, le pays disposerait de 106000 milliards de mètres cube de réserves de gaz naturel. La CIA estime que ce pays produit 1445 millions de barils de brut par jour, 2788 milliards de m3 de gaz naturel (en 2007) et détient des réserves prouvées de pétrole de 30 milliards de barils (au 1er janvier 2008)1. C'est un ancien Etat de l'URSS qui a accédé à son indépendance le 16 décembre 1991 à la faveur de la balkanisation de l'empire soviétique. L'Azerbaïdjan, le Kirghizstan et le Kazakhstan constituent les trois pays de l'initiative qu appartenaient à l'ancien bloc soviétique et qui par le fait de leur indépendance, ont conservé leur territoires qu'ils mettent aujourd'hui à la disposition d'une initiative qui promeut les valeurs occidentales ; preuve s'il en faut de la fin de l'ère communiste, en dépit des élans de nostalgie.

    Un des pays de l'Asie est une ancienne colonie chinoise qui a accédé à l'indépendance le 11 juillet 1921. La Mongolie est un Etat de 1564116 kilomètres carrés qui a annoncé sa volonté de mettre en oeuvre les principes de transparence dans les industries extractive en décembre 2005. Le gouvernement mongol a énoncé les tâches et fonctions des organisations administratives de l'Etat pour une mise en oeuvre efficace de l'initiative. La résolution n° 80 du 8 mars 2007 est l'instrument de cette volonté de donner à l'initiative un cadre d'émulation et d'efficience. C'est l'expression de l'autorité de l'Etat qui seul, autorise la mise en oeuvre dans son territoire et en tant qu'autorité, il s'exprime par des textes de loi. Le Timor Leste autre pays d'Asie, implémente l'initiative à laquelle il a adhéré le 22 février 2008. C'est un pays de 15.007 kilomètres carrés qui regorge d'or, de gaz naturel et qui a produit en 2007 78480 barils de brut par jour et dont les réserves sont indéterminées. Ses réserves de gaz naturel quant à elles sont estimées à 200 milliards de m3 par la CIA en janvier 2006. Ancienne colonie du Portugal, le pays a accédé à la souveraineté internationale le 28 novembre 1975 mais la domination de l'Indonésie sur le pays a perpétué la colonisation. Ce n'est que le 20 mai 2002 que le Timor Leste a vu son indépendance internationale reconnue par l'Indonésie.

    Le Yémen a adhéré à l'initiative le 27 septembre 2007 mais le pays a affiché son désir de mettre en oeuvre les principes de la transparence dans les industries extractives dès mars 2007

    1 www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/kz.html visité le 13 mars 2009.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 76 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    par un décret qui était suivi sur le plan de l'établissement d'un cadre institutionnel de la mise en oeuvre par un arrêté du ministre du pétrole et des mines de 2007 qui mettait sur pied un Conseil National EITI et un secrétariat du YEITI1. En novembre 1918, le Yémen du nord s'émancipe de l'empire Ottoman. Il faudra attendre le 30 novembre 1967 pour que le Yémen du sud accède à son tour à l'indépendance. Il s'en suivra l'unification des deux pays le 22 mai 1990 qui est retenu comme date d'indépendance du pays. Ce pays large de 527970 kilomètres carrés dispose de larges réserves de pétroles estimées par la CIA2 à 3 milliards de barils au 1er janvier 2008 de même que des réserves de gaz naturel de 478,5 milliards de m3 d'après la même source à la même période. Il est par ailleurs l'abri d'importants gisements d'or, de cuivre, de marbre et de nickel.

    L'exploration des données et de l'histoire de ces pays révèle que tous ont été sous la domination étrangère et ont hérité d'un territoire dont ils perpétuent l'autorité et la sécurisation. Cette présentation ne marginalise pas les Etats africains et bien sûr le Pérou qui est un Etat de l'Amérique latine. Une vingtaine de pays africains aussi divers et variés que le Cameroun, le Niger et Madagascar implémentent l'initiative en juillet 2009. Au-delà de l'emprise territoriale qu'ils ont sur leurs Etats en vertu de l'uti possidetis juris par lequel ils ont adopté les frontières héritées de la colonisation, ces Etats ont manifesté l'expression de leur autoritas, en acceptant d'adhérer à EITI. Considérant les plus récents adhérents, on a la République centrafricaine, le Burkina Faso, la Zambie, le Mozambique et la Tanzanie. La RCA a adhéré à l'initiative le 30 août 2007 et est devenu un pays candidat le 21 novembre 2008 ; c'est un territoire de 622984 km2 de superficie qui a accédé à l'indépendance le 13 août 1960. Le pays abrite de l'or, de l'uranium du diamant et du pétrole. Le tableau ci-après donne un aperçu des Etats qui mettent en oeuvre EITI, il est évolutif en raison du caractère dynamique de cette initiative qui est progressivement rejointe par d'autres Etats.

    1www.eitransparency.org/yemen visité le 09 mars 2009.

    2 www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ym.html visité le 13 mars 2009.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 77 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Tableau 1: les Etats mettant en oeuvre l'EITI au 15 février 2010

    Pays

    Date d'adhésion/ de
    candidature

    Rapports publiés

    Statut

    Afrique

    Burkina Faso

    15 mai 2008

    0

    Candidat

    Cameroun

    17 mars 2005

    02

    Candidat

    Congo

    Juin2004

    0

    Candidat

    Côte d'Ivoire

    12 mai 2008

    0

    Candidat

    Gabon

    Mars 2005

    03

    Candidat

    Ghana

    Juin 2005

    02

    Candidat

    Guinée1

    28 décembre 2004

    01

    Candidat

    Guinée Eq.

    22 février 2008

    0

    Candidat

    Liberia

    7 mai 2007

    01

    Conforme

    Madagascar

    22 février 2008

    0

    Candidat

    Mali

    2e trimestre 2006

    0

    Candidat

    Mauritanie

    20 septembre 2005

    02

    Candidat

    Mozambique

    15 mai 2008

    0

    Candidat

    Niger

    Mars 2005/ 27 août

    2007

    0

    Candidat

    Nigeria

    Février 2004

    02

    Candidat

    RCA

    30/8/2007 - 21/11/2008

    0

    Candidat

    RDC

    17 mars 2005

    0

    Candidat

    Sao Tomé

    22 février 2008

    0

    Candidat

    Sierra Leone

    22 février 2008

    0

    Candidat

    Tanzanie

    16 février 2009

    0

    Candidat

    Tchad

    20 août 2007

    0

    Candidat

    Zambie

    15 mai 2008

    0

    Candidat

    Asie

    Afghanistan

    10 février 2010

    0

    Candidat

    Albanie

    15 mai 2008

    0

    Candidat

    Azerbaïdjan

    Juin 2003

    11

    Conforme

    Iraq

    10 février 2010

    0

    Candidat

    Kazakhstan

    2005/10 mars 2007

    02

    Candidat

    Kirghizstan

    30 juin 2004

    01

    Candidat

    Mongolie

    Décembre 2005

    02

     

    Timor Leste

    22 février 2008

    1

    Candidat

    Yemen

    27 septembre 2007

    0

    Candidat

    Amérique

    Pérou

    14 septembre 2004

    01

    Candidat

    Europe

    Norvège

    11 février 2009

    1

    Candidat

    Source : confectionné à partir des informations révélées par le site de EITI et certains sites des Etats de mise en oeuvre.

    L'intérêt de la présentation panoramique des Etats africains impliqués dans l'initiative peut aussi résider dans la manifestation de l'autorité juridique de ces Etats jeunes au plan du

    1 En raison des evènements politiques en cours au pays à la fin d'année 2009, la Guinée a sollicité le 19 décembre 2009, une suspension en tant que membre de l'initiative de transparence des industries extractives qu'elle rejoindra une fois la tempête passée.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 78 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    droit international car, ayant acquis leurs indépendances dans la seconde moitié de XXème siècle. Le déploiement de leur capacité juridique dans l'initiative conforte la thèse de l'Etat pertinent et récuse l'argument du déclin. Le voyage au coeur de l'arsenal juridique des Etats africains dans la mise en oeuvre de l'initiative et précisément dans la construction d'un cadre légal et juridique propice à l'implémentation de EITI est le signe d'une capacité juridique affirmée desdits Etats. Ce n'est donc point le récital des instruments juridiques mis sur pieds à cet effet qui est l'objet de l'espace mais, l'affirmation ipso facto de la statolité des territoires africains évoqués et la centralité de l'Etat.

    Le Cameroun, par la lettre n°05/1702/OF MINEFI /CTS/SP du 1er avril 2005 du ministre de l'économie et des finances, réaffirmait son adhésion totale aux principes EITI. Conformémént à cette volonté, le premier ministre par le décret n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 créait un comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'initiative de transparence des industries extractives. L'article 3 dudit décret donne la composition du comité. Il s'agit d'un corps de 23 membres dont 7 representent le secteur public et parapublic, 6 representent le secteur privé et 10 viennent de la société civile. En attendant qu'une loi offre à l'initiative un cadre normatif pérenne au Cameroun, le décret de 2005 et la décision ministérielle n°002328/MINEFI/CAB du 15 Septembre 2005 portant création du secrétariat technique du comité de suivi et de mise en oeuvre des principes EITI offrent le cadre institutionnel pour l'initiative. La Mauritanie quant à elle a créé par le décret n° 2006-001 du 13 janvier 2006 un comité national de mise en oeuvre de l'EITI. La République démocratique du Congo par décret n°05/160 du 18 novembre 2005 a mis sur pied le cadre institutionnel pour la création et la composition d'un comité national de l'EITI, tandis qu'au Tchad, la société civile a conçu un projet de décret qui a été deposé à la présidence de la République tchadienne et qui amenage un espace pour la création d'un haut conseil national EITI1. Comme au niveau supranational, la structure de l'initiative à l'échelle nationale obéit d'après le Livre Source2 à une composition qui se doit de tenir compte de la pluralité des provenances sociales des parties prenantes. Le Gabon a bâti son cadre de mise en oeuvre de l'initiative autour d'un décret et de deux arrêtés. En effet, par l'arrêté n° 229/MEFBP du 24 février 2005, le ministre de l'Economie des Finances, du Budget et de la Planification a créé le groupe de travail en indiquant son fonctionnement et

    1 Auparavant, le Tchad avait annoncé sa volonté de faire partie de l'initiative par une déclaration publique. Il s'agit de la lettre n°836/PM/CAB/07.

    2 Le Livre Source est le document cadre de l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives. Il informe sur les détails de l'initiative et les étapes à franchir dans son implémentation. Il a été rédigé et publié par le gouvernement britannique à travers le Department for International Development à Londres en Mars 2005.

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    désignant ses membres. Plus tard, en juillet de la même année, le président Omar Bongo Ondimba a pris un décret créant un groupe d'intérêt. Le décret n°000535/PR/MEFBP du 8 juillet 2005 sera complété par l'arrêté n° 00056/MEFBP qui nomme les membres du groupe d'intérêt crée par le décret ci-dessus mentionné. Le Congo voisin adosse son implémentation de l'initiative sur le décret n° 2006-626 du 11 octobre 2006 qui crée le comité exécutif EITI/Congo, indique ses attributions et sa composition. La mise en oeuvre de EITI au Burkina Faso repose sur le cade bâti autour des décrets n° 2008/810/Pres/PM/MEF/MCE et n° 2008/811/Pres/PM/MEF/MCE du 17 décembre 2008 qui créent le comité de mise en oeuvre et en nomment les membres. L'Albanie quant à elle fonde sa mise en oeuvre sur une ordonnance du premier ministre datée du 27 décembre 2008. Il s'agit de l'ordonnance n° NR156.

    Au-delà des similitudes structurelles, l'on peut penser que la domestication des principes de l'initiative répondra à l'exigence d'intégration de la réalité de chaque Etat. Au Nigeria, le Nigeria extractive industries transparency initiative Act passé le 25 Mai 2007 à l'Assemblée nationale fédérale et signé trois jours plus tard par le président Olusegun Obasanjo, offre le cadre normatif de mise en place des principes EITI1. En son article 6, cette loi donne au président le pouvoir de constituer un groupe de travail (National stakeholders working group) chapeauté par un chairman et formé de 28 membres. Cette structure nationale comprend des individus issus de la société civile, les représentants des syndicats du secteur des industries extractives, des experts des industries extractives et un membre de chacune des six régions géopolitiques. L'extension infinie de la présentation des structures étatiques mises en place pour l'implémentation de l'initiative ne révélera rien d'autre que cet isomorphisme institutionnel transnational. Il s'agit d'une exigence des principes EITI qui stipule que le gouvernement procède à la « dédifférenciation2 ». En effet, la structuration nationale de l'EITI laisse transparaître le souci d'agglomérer différents acteurs pour que soit possible la solution pérenne au déficit de transparence. Cela procède effectivement de la « dédifférenciation » qui suppose la levée des cloisons qui jadis séparaient l'Etat de la société.

    1 Le Libéria est le second pays ayant passé une loi pour la mise en oeuvre de EITI. En effet, le vendredi 10 juillet 2009, le Liberia EITI Act a été signé par la présidente Helen Johnson Sirleaf ; offrant ainsi un cadre juridique pérenne à la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives au Libéria. La Norvège sera de la partie, en passant une loi (« Regulation on reporting and reconciliation of revenue flows from petroleum activity ») qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2008, six mois seulement après son admission au statut de candidat.

    2 Pierre Birnbaum pense que l'Etat s'est bâti sur la séparation de la classe dirigeante d'avec la société. Par la dédifférenciation, il entend l'imbrication des deux composantes, un certain retour à l'enchevêtrement originel des classes sociales. Voir à ce sujet : Birnbaum P. « La fin de l'Etat? »Revue française de science politique, N°6 1986 pp.983.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 80 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    B. La double phénoménologie régulatrice dans la transparence des industries extractives

    La démonstration de la pertinence de l'Etat comme acteur qui échappe à la logique du déclin, et donc qui confirme la pertinence de l'ordre westphalien se fait non seulement par la cession de son territoire et donc de son autorité sur ledit territoire dans la mise en oeuvre de l'initiative, mais également par la régulation des opérations quotidiennes de l'implémentation. Le potentiel ou mieux, la capacité régulatrice de l'Etat se lit au double plan actoriel et matériel. Dès lors que l'on a retenu de la régulation un sens qui donne de la puissance à l'Etat, il convient de se pencher sur les éléments factuels de l'initiative qui justifient cet alignement et confortent ipso facto que l'Etat demeure un acteur pertinent. Il s'agit donc au travers de deux moments fixés autour de la régulation actorielle et de la régulation matérielle, de scruter la capacité régulatrice de l'Etat.

    1. De la puissance régulatrice de l'Etat dans la détermination du comportement

    des acteurs dans l'Extractive Industries Transparency Initiative

    Le Livre Source qui constitue le parchemin des acteurs dans l'entreprise de la transparence dans les industries extractives, se caractérise par la proéminence de l'acteur Etat au travers du terme « gouvernement ». En effet, considérant les étapes de la mise en oeuvre de l'initiative, l'Etat est le seul responsable de la réussite du processus. Il doit s'assurer que les quatre conditions qui conduisent au statut de candidat sont remplies1. Au-delà de cette profusion du terme « gouvernement » dans le vocabulaire du Livre Source, l'Etat est réellement investi d'une responsabilité centrale dans le processus de mise en oeuvre. D'ailleurs, cette interpellation inflationniste du gouvernement est révélatrice du poids de l'Etat dans l'initiative. Une vue panoramique de quelques pays permet de saisir la centralité de l'Etat en tant qu'acteur.

    Dans tous les pays candidats à EITI, c'est l'Etat qui a la charge de fixer le nombre de membres des comités de mise en oeuvre. Il faut noter que dans la traduction de son autorité,

    1 En effet, dès lors qu'un pays donné a annoncé sa volonté de mettre en oeuvre les principes de transparence promus par EITI, il lui faut remplir quatre conditions afin de gagner le statut de candidat. Il faut précisément : par une déclaration officielle, annoncer sa volonté d'adhérer à l'initiative, nommer un responsable de la mise en oeuvre qui soit un haut cadre de l'administration, former un comité de mise en oeuvre qui intègre les acteurs de la société civile et du secteur des industries extractives et établir un plan d'action. Ces conditions remplies, l'Etat peut être déclaré candidat par une décision du conseil international EITI. Il a donc deux ans pour se mettre en conformité avec les autres critères qui se lisent au travers des rapports de conciliation de chiffres des recettes et paiements des industries extractives. Chaque étape est contrôlée par une opération de validation.

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    une fois qu'il a créé les institutions de la transparence, après qu'il ait fixé les prérogatives des structures ainsi créées, il repartit les représentativités. Le décret n° 2005/2176/PM du 16 juin 2005 qui crée, organise et indique le fonctionnement du comité de suivi de la mise en oeuvre de l'EITI au Cameroun précise dans son article 3 que les institutions publiques et parapubliques seront représentées dans ledit comité par 7 membres, le secteur privé par 6 membres et la société civile quant à elle aura 10 membres. Un arrêté pris plus tard, indiquera nommément les membres des institutions publiques et parapubliques. Pour les deux autres secteurs, les propositions doivent être validées par le gouvernement. La confirmation des propositions des autres secteurs ne relève pas de l'automaticité. En effet, le Congo offre un précédent dans les contentieux de la transparence avec les cas Mounzeo et Mackosso. Conformément aux indications du Livre Source, la société civile congolaise qui avait reconnu l'activisme de ces deux membres les proposa comme représentants au sein du comité national de mise en oeuvre de EITI au Congo. Cette proposition de la coalition Publish What You Pay Congo fut rejetée en mars 2007 car, leur agitation n'était pas du goût du gouvernement du président Sassou Nguesso1.

    L'Etat tient à son autorité en ce qui concerne la nomination des membres des comités de mise en oeuvre de l'initiative. L'article 9 du décret n°2006-626 du 11 octobre 2006 portant création, attributions et composition du comité exécutif de mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives au Congo dit : « les membres du comité exécutif sont nommés par décret sur proposition des différentes entités qu'ils représentent pour un mandat de deux ans non renouvelable ». Le même décret dans son article 8 donne composition de ce comité exécutif tel que : 12 représentants des institutions publiques et parapubliques, 6 pour le secteur des industries extractives et autant pour la société civile.

    Le 31 juillet 2007, le président Theodoro Obiang Nguema a nommé « en vertu de l'article 39 de la constitution », madame Francisca Tatchoup Belope et monsieur Santiago Nsobega Barreiros respectivement coordinatrice et coordonnateur adjoint de la commission nationale de mise en oeuvre de EITI. Le texte de leur nomination dit expressément « en vertu de l'article 39 » de la constitution pour marquer la légitimité de ce pouvoir inscrit dans la loi

    1 Il faut d'ailleurs signaler au passage que les conflits autour de la désignation des membres de la société civile ont donné du retard au processus de mise en oeuvre au Congo. Le pays a adhéré à l'initiative le 10 Juin 2004 et deux ans plus tard, il n'avait pas encore de plan d'action. Il faudra attendre le 21 décembre 2007 pour qu'un plan d'action condensé soit mis sur pied.

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    fondamentale1. Dans cet Etat pétrolier, la participation de la société civile à l'initiative est règlementée par un décret particulier. En effet, la commission nationale que préside Francisca Tatchoup Belope est créée par le décret n° 87/2005 du 4 mai 2005 alors qu'un autre décret, celui n° 42/2007 du 30 juillet 2007 a été pris précisément pour réglementer la participation de la société civile dans l'initiative. Il s'agit là, d'une expression de l'autorité de l'Etat qui tient à se faire connaître.

    L'Etat ne détient pas seulement en dernière analyse l'exclusivité du rule-making2 mais il a aussi prise sur la conduite des acteurs de la transparence. Et en cela, l'allégation de la gouvernance qui suppose une intégration participative et responsabilisante des acteurs privés perd de sa pertinence, tant la gouvernementalité est substituée à la gouvernance selon la tradition foucaldienne reprise par Jean François Bayart3. C'est-à-dire que le gouvernement conduit les conduites, passant d'une logique de conduite de gouvernement à un gouvernement des conduites.

    Le processus de mise en oeuvre de l'initiative a pris du retard au Congo entre autres raisons, à cause des tensions entre le gouvernement et la société civile. Alors que l'une des quatre conditions à la candidature à EITI est la participation de la société civile, le gouvernement

    1 L'article 39 de la constitution de Guinée Equatoriale énumère les pouvoirs du chef de l'Etat en ces termes : « Le Président de la République exerce par ailleurs les pouvoirs suivants : garantit la stricte application de cette loi fondamentale, le fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de l'Etat. Convoque et préside le conseil de Ministres. Dicte en conseil de Ministres les décrets lois dans les termes établis à l'article 64-i) de cette loi fondamentale. Est le chef suprême des forces armées nationales et de le sécurité de l'Etat. Le Président de la République garantit la sécurité de l'Etat à l'extérieur déclare la guerre et conclut la paix. Nomme et révoque le Premier Ministre conformément à la constitution. Ratifie la décision de la chambre des représentants du peuple au sujet des élections, et de son Président et des autres membres du bureau conformément à cette loi fondamentale et au propre règlement intérieur de la Chambre. Nomme et révoque aux hautes fonctions civiles et militaires. Peut déléguer au Premier Ministre le pouvoir de nommer les autres fonctionnaires civiles et Militaires. Négocie et signe les accords et traités internationaux conformément à la loi fondamentale. Représente la Guinée Équatoriale dans les relations internationales, reçoit et accrédite les ambassadeurs et autorise aux Consuls l'exercice de leurs fonctions. Gratifie des titres, distinctions honorifiques de " la considération de l'Etat. Exerce le droit de grâce. Convoque les élections générales prévues dans cette loi fondamentale. Convoque le référendum conformément à cette loi fondamentale. Approuve en conseil de Ministres le plan national de développement. Dispose du droit de dissolution de la chambre des Représentants du Peuple, conformément aux dispositions de cette loi fondamentale. Exerce les autres attributions et prérogatives que lui confère la loi. »

    2 Janice Thomson fait une différence entre le rule-making et le rule-enforcing. A son avis, même si les acteurs non-étatiques ont le locus standi dans le rule-enforcing c'est-à-dire dans l'implémentation d'une loi, c'est l'Etat qui en tant que garant de la souveraineté détient le monopole sur l'adoption ou non de cette loi. Si le rule-enforcing autorise la latéralité, le rule-making met en relief la verticalité de la loi. Voir Thomson J.E « State sovereignty in international Relations: Bridging the gap between theory and empirical research »International Studies Quarterly (1995)39:213-233.

    3 Bayart Jean François (2004) Le gouvernement du monde ; une critique politique de la mondialisation. Paris : Fayard. L'on peut également lire Béatrice Hibou qui citant Bayart, dit : « La gouvernementalité désigne une configuration ou une séquence historique dont on entend analyser le gouvernement comme mode de structuration du champ d'action des individus ou des groupes » Béatrice Hibou (dir.) (1999) La privatisation des Etats. Paris : Karthala, p. 35

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 83 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    congolais a engagé un bras de fer contre sa société civile indocile. Le 6 avril 2006, Christian Mounzeo et Brice Mackosso ont été interpellés, relâchés dans la nuit puis de nouveau arrêtés le 7 avril, ils passeront deux semaines en prison, sur ordre du gouvernement qui tenait ainsi à rappeler qu'il est le maître du jeu de la transparence.

    Au Gabon, les péripéties de Marc Ona Ossangui, coordonnateur de la coalition gabonaise de PCQVP et membre du comité multipartite chargé de la mise en oeuvre au Gabon de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives, sont par ailleurs révélatrices de la mainmise de l'Etat sur le destin des acteurs impliqués dans l'initiative. La Gendarmerie Nationale gabonaise a tenté d'arrêter mardi 29 juillet 2008 cinq personnes qui assistaient à une réunion du Front des Organisations de la Société Civile contre la Pauvreté au Gabon (FOSCPG) à Libreville. Au nombre des personnes interpellées se trouvait Marc Ona. Cet épisode est l'un des plus récents car, en janvier de la même année, 22 ONG ont été suspendues au motif d'une confusion des genres1. En juin 2008, alors que Marc Ona Essangui avait obtenu un visa pour se rendre à New York où il devait prendre part à une réunion sur la gestion des revenus des industries extractives, il s'est vu interdire l'accès à l'avion par des éléments de la police gabonaise. Au Niger, les membres de la société civile impliqués dans le combat pour la transparence dans les industries extractives font également l'objet d'intimidations et d'arrestations. L'on peut noter par exemple l'arrestation de M. Wada Maman le 22 août 2009 à Niamey. Il est le secrétaire général de l'Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption (ANLC), et membre de la coalition ROTAB/PCQVP/Niger. Il lui a été reproché d'avoir participé à une manifestation non autorisée. De même, le 10 août 2009 c'est-à-dire avant l'interpellation de M. Wada, le président du Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques (FUSAD) et membre de la coalition ROTAB/PCQVP du Niger a été arrêté suite à la publication d'une déclaration dénonçant le régime du président Tandja.

    Le survol des pays implémentant l'initiative permet de faire le constat des contentieux autour de la désignation des membres de la société civile, contentieux qui illustrent le contrôle que l'Etat revendique sur l'espace de son autorité. Pendant que dans des pays tels que l'Azerbaïdjan et le Ghana il n'existe pas de comités tripartites mais les gouvernements ont

    1 En effet, à la suite d'une conférence de presse tenue le 9 janvier 2008 par une vingtaine d'associations regroupant les coalitions PWYP, la coalition contre la vie chère, la coalition contre les dérives sectaires au Gabon et la plate-forme « Environnement Gabon », le ministre de l'Intérieur Monsieur André Mba Obame a pris une mesure qui suspendait lesdites organisations. Rencontré le mercredi 26 mars 2008, Marc Ona Essangui nous confiait qu'en réalité ces menaces et intimidations sont justifiées par la vigueur de la société civile au Gabon.

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    pris le soin d'impliquer des représentants de la société civile, d'autres pays ont de façon statutaire institutionnalisé la participation de la société civile. Cependant, l'indépendance et la participation des membres de la société civile sont remises en cause dixit les membres de certaines sociétés civiles. Le rapport Un regard sur l'EITI publié en octobre 2006 par PWYP international et Revenue Watch Institute (RWI) indique que dans les pays tels que le Kazakhstan1, le Cameroun, la Mauritanie et la Mongolie, les membres de la coalition se plaignent de l'interférence des gouvernements dans le choix des représentants des sociétés civiles. D'après une déclaration de la coalition camerounaise PWYP portant sur le rapport de conciliation des chiffres et des volumes au Cameroun pour la période 2001-2004, la société civile s'est trouvée de façon répétée devant le fait accompli par un certain nombre de décisions prises par le gouvernement. Ce qui ne lui a pas permis de participer pleinement au suivi de l'initiative.

    Cette emprise des gouvernements sur les acteurs de la transparence constitue une des deux facettes de la régulation étatique de l'initiative. En effet, en plus de l'actorat, l'Etat régule aussi la matérialité de l'initiative.

    2. De la régulation matérielle du processus de transparence des industries extractives

    Il convient de rappeler que la régulation dont il s'agit ici est le fait de l'Etat qui implémente l'initiative. Il s'agit de dire que l'Etat de la mise en oeuvre se présente comme un « acteur séquent ». Après la démonstration de l'autorité de l'Etat sur le territoire politique, il faut aussi dire sa souveraineté sur le territoire des politiques. Et dans cette prérogative, il exerce une double compétence : une compétence sur les actants et une compétence sur les actes.

    L'initiative de transparence des industries extractives est un espace de démonstration de l'emprise de l'Etat sur les politiques2. L'ensemble des plans d'actions qui sont une des quatre conditions pour acquérir le statut de candidat, est le fait des Etats. Il faut dire que

    1 D'après le rapport Un regard sur l'EITI, un membre de la coalition PWYP au Kazakhstan déclare : « Certains représentants de la société civile du conseil national des parties prenantes ont apparemment été choisis par le ministre de l'Energie...la nomination et l'élection des représentants n'ont été ni claires, ni transparentes. Certains des groupes retenus connaissaient mal l'EITI et ne semblent guère s'y intéresser, au vu de leur absence répétée aux nombreuses... tout ceci a beaucoup ralenti le processus ».

    2 A ce propos, la présidente du Libéria Helen Johnson-Sirleaf déclarait lors de la 4ème conférence globale EITI tenue à Doha au Qatar du 16 au 18 février 2009, que la mise en oeuvre effective de l'initiative nécessite une réelle volonté politique. Il n'y a que l'Etat qui peut générer cette volonté politique et en assurer la matérialisation.

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    l'administrateur1 désigné par l'Etat pour conduire les opérations de transparence, est en charge du suivi de la mise en oeuvre et donc, il lui incombe la tâche de préparer les plans d'actions qu'il pourra présenter aux autres acteurs pour validation2.

    C'est aussi l'Etat qui, par l'administrateur qu'il a choisi, recrute le cabinet d'experts pour la conciliation des chiffres et des volumes. Ainsi, le cabinet Crane White & Associates a été recruté par le gouvernement de Mongolie pour la production des rapports de conciliation. Le Nigeria et le Cameroun ont jeté leur dévolu sur le cabinet Hart Group, même si le Cameroun a trouvé intéressant de recruter un second cabinet (Mazars) pour l'associer au premier. La Mauritanie, l'Azerbaïdjan et le Gabon ont recruté le cabinet parisien Ernst & Young alors que le Ghana a confié ses opérations de conciliation à Boas & Associates. L'on notera au passage la filiation anglo-saxone de ces cabinets qui traduisent peut-être ainsi une mode de gestion et une dynamique impulsée depuis l'hégémon actuel, la suprématie de la culture anglo-saxonne qui se déploie par ses modes consacrés de gestion des Etats.

    Le financement des opérations de transparence est une autre expression de la régulation étatique. D'après le rapport annuel du Multi-Donor Trust Fund(MDTF) committee of management rendu public en mai 2008, il est dit que le Cameroun et le Ghana ont couvert les frais liés à la production de leurs rapports de conciliation des chiffres. Le Gabon et l'Azerbaïdjan ont pris en charge, toutes les dépenses qu'impliquait la mise en oeuvre de l'initiative. La Mauritanie quant à elle a couvert les frais du secrétariat local et quelques autres activités telles que les séminaires et les ateliers. Le Timor-Leste a alloué un budget au fonctionnement du secrétariat EITI mais également pour le renforcement des capacités des

    1 La désignation de l'administrateur est un pouvoir exclusif de l'Etat. Il est même précisé qu'il doit s'agir d'une haute personnalité pour qu'elle ait une autorité suffisante sur le comité. Ainsi, le Cameroun a désigné M. Alfred Bagueka Assobo comme président du comité de mise en oeuvre, le Gabon a désigné M. Fidèle Ntsissi un directeur du cabinet du président de la république gabonaise, le Congo a désigné M. Michel Okoko un conseiller du ministre congolais de l'économie, des finances et du budget. La RDC a nommé M. Jean Pierre Muteba Luhunga, la Mauritanie a nommé M. Mohammed Ould Nany, la Guinée Equatoriale a mis à la tête de la commission nationale de mise en oeuvre Mme Francisca Tatchoup Belope. Au Niger, c'est M. Abdoul Aziz Askia qui pilote la mise en oeuvre, tandis que la Guinée a confié sa mise en oeuvre à M. Mamadou Dabry, la Côte d'Ivoire à M. Koffi N'dri, la Norvège a désigné M. Lars Erik, la Zambie a nommé M. Likolo Ndalamei. En RCA la mise en oeuvre de EITI est conduite par M. Robert Moidokana. En Mongolie, M. Sh. Tsolmon conduit les opérations de mise en oeuvre de EITI, Aset Magauov en est responsable au Kazakhstan, M. Harifidy Janset Ramilison à Madagascar, M. Togola au Mali et M. Kairat Djumaliev au Kirghizstan etc.. Tous sont des hauts cadres dans les administrations respectives de leurs pays.

    2 A propos de cette validation par les autres acteurs de l'initiative, les représentants de la société civile au Cameroun et au Gabon notamment, se plaignent de ce que la plupart des documents qui nécessitent une validation par eux, leur sont présentés non pas deux semaines avant la réunion pour qu'ils aient le temps de s'en imprégner, mais en général le jour même de la réunion. Ceci a pour conséquence, de le empêcher de prendre connaissance au fond des documents. Il s'agit pensent-ils, d'une stratégie du fait accompli qui vise à minorer les risques de rejet du document.

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    acteurs. Le Nigeria et la RDC ont prévu des couloirs budgétaires pour supporter les dépenses liées aux plans d'actions. Par ailleurs, tous les pays ont assumé des dépenses relatives au renforcement des capacités des acteurs impliqués dans la transparence des industries extractives. La plupart des plans d'actions cependant, quand ils sont budgétisés comme c'est le cas pour le Libéria, ne disent pas quel est l'apport de l'Etat. L'on fait le constat que les pays misent très souvent sur l'appui extérieur provenant notamment de la Banque Mondiale. Dans sa lettre n° 552/ MINEFI/CAB/CT2 adressée au représentant résident de la Banque Mondiale à Yaoundé en 2005, M. Polycarpe Abah Abah alors ministre de l'économie et des finances de la République du Cameroun a joint une copie du projet de plan d'action budgétisé. La rubrique concernant la provenance des financements indiquait systématiquement la Banque comme pourvoyeuse escomptée des fonds.

    L'Etat est à notre sens un acteur dont la pertinence et la centralité dans l'initiative de transparence des industries extractives battent en brèche les thèses du déclinisme. Cependant, nous n'avons jusque-là examiné que l'Etat théâtre de l'implémentation. Il convient dès lors de se pencher sur une autre catégorie d'Etat à l'oeuvre à savoir l'Etat-soutien à l'initiative. Dès lors qu'on a postulé au début de cette étude que le nominalisme est à proscrire quand on traite de l'Etat, pareille démarche prend sens.

    Paragraphe II : L'incursion démocratique des Etats-soutien dans les espaces de la

    mise en oeuvre: participation et respect de la norme au centre d'une interférence

    Une fois que l'on a rendu compte de l'importance de l'acteur Etat dans la structuration du jeu international, en le peignant comme un acteur solitaire mais surtout sous l'angle de l'acteur récepteur de la norme, il demeure que la catégorie Etat n'est pas cernée dans sa totalité. En effet, sans nécessairement souscrire au schéma marxiste qui impose une lecture centre-périphérie de la scène internationale, force est de noter que comme deux outres symétriques sur l'épaule du porteur, les Etats de la mise en oeuvre et ceux qui soutiennent l'initiative se renvoient l'image et dramatisent une disparité dans l'appréhension du phénomène Etat. Le but de cet espace étant de démontrer l'impertinence des thèses déclinistes, nous pensons que l'Etat parce qu'il soutient les opérations de la mise en oeuvre de l'initiative dans des espaces lointains, permet de par son activité qui participe de la promotion de l'Etat, d'affirmer sa centralité. Il s'agit de penser que par la promotion de la participation comme fondement important de la démocratie et au travers de la promotion de la norme de la transparence, l'Etat-soutien démontre que l'Etat demeure un acteur central dans les relations

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 87 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    internationales. Toutefois, l'Etat ne peut pas jouer en solo la partition de la promotion démocratique. C'est pourquoi il convient de préciser que cet espace ne se veut pas le lieu d'un plaidoyer en faveur d'une « illusion héroïque » confinée sur l'Etat qui serait une sorte de deus ex machina sur la scène internationale. Il s'agit de penser que l'intervention de l'Etat-soutien se présente sous les aspects de la promotion de la participation (A) et de la norme de la transparence (B). Toutes choses par ailleurs qui échoient à la consolidation de la démocratie. Mais l'on aura noté au passage le souci de faire graviter la réflexion autour de l'actorat et de l'essence de l'initiative. La participation promouvant l'actorat privé et la transparence étant perçue comme l'illustration matérielle d'une pratique à réifier.

    A. L'impératif de participation : un fondement inter alia de la démocratie

    D'une façon générale, nous considérons que l'implication de l'Etat développé dans l'initiative est une entreprise qui relève de l'assistance à la consolidation démocratique. Le projet de civilisation des peuples en marge de la conception occidentale n'a pas changé1de nos jours. Toutefois, ce n'est pas ici le lieu d'une démonstration des usages géopolitiques de la démocratie2. Il s'agit juste de penser que la promotion de la norme de la transparence dans les industries extractives par certaines puissances occidentales s'inscrit dans la promotion de la démocratie en tant qu'elle est compétition électorale, respect des libertés individuelles et des droits civiques mais surtout parce qu'elle est participation, c'est-à-dire accountability et responsability.

    Dès lors qu'on a validé l'hypothèse de la participation comme un des éléments fondamentaux dans la perception de la démocratie, une fois qu'on a souscrit au parallèle que Graciela Ducatenzeiler3 établit entre la définition de la démocratie et le sens de la consolidation, mais aussi le sens à assigner à la transition, l'on peut désormais se pencher sur la réalité de la consolidation démocratique dans l'initiative, en tant qu'elle est promotion de la participation. Car, la consolidation devient alors au sens de Leonardo Morlino « un processus

    1 Par le traité de Tordesillas en 1494 fut formalisé un accord entre l'Espagne et le Portugal sur le partage du nouveau monde. A y voir de près, ce traité qui s'appuie sur la bulle papale Inter certera divina du pape Alexandre VI dans le cadre de ce que les historiens ont appelé donatio alexandro, portait déjà la croyance à la supériorité de la civilisation européenne qu'il fallait apporter aux autres peuples du monde. D'ailleurs, l'exclusion de la France de ces agapes suscita la colère du roi François 1er qui s'exclama dans une célèbre boutade : « j'aimerais bien voir le testament d'Adam qui m'interdit le partage du monde ».

    2 Cette perception de la promotion démocratique sera présentée plus loin dans l'étude, en s'appuyant sur les points de vue d'auteurs tels que David Slater « Imperial Geopolitics and the Promise of Democracy » Development and Change 38(6): 1041-1054 (2007).

    3 Ducatenzeiler Graciela « Nouvelles approches à l'étude de la consolidation démocratique » Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 8, n°2, p. 191.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 88 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    par lequel sont établies les structures démocratiques ainsi que les relations entre le régime politique et la société civile1 », c'est-à-dire un processus mais, qui institutionnalisera donc rendra durable la participation de la société civile. Les moments démocratiques que retient Mamoudou Gazibo2 sont la transition, la consolidation et la rupture. Il s'inscrit en cela dans la tradition des comparatistes qui se sont consacrés à la « transitologie » et à la « consolidologie ». Toutefois comme eux, il semble penser que seule la transition démocratique peut être le fruit d'une ingérence étrangère dans le cadre de ce que Larry Diamond appelle la « révolution démocratique globale ». Ainsi, pense-t-il que, « dans un monde où le répertoire institutionnel est limité, les nouvelles démocraties apprennent des vieilles et les unes des autres3». La mondialisation de la démocratie deviendrait donc à ce titre une explication de l'impact externe sur la démocratie au moment de la transition4.

    Nous préconisons la consolidation comme entreprise possiblement encouragée par l'interférence extérieure5. A partir de cet instant, l'on peut comprendre les actions des Etats qui soutiennent l'initiative dans les espaces de son implémentation. Par l'ironie du sort, les acteurs dont on dit que le dynamisme entraîne le déclin de l'Etat6 sont ceux-là même précisément que l'action de l'Etat implique dans le processus de mise en oeuvre de la transparence des industries extractives. Si l'on peut penser que les industries extractives en tant que firmes ont souvent été dans une « transaction collusive » avec les Etats, il apparaît cependant que l'Etat procède à l'empowerment de la société civile dans les aires de la mise en oeuvre. Le soutien des Etats développés à l'initiative est explicitement conditionné par

    1 Morlino Leonardo « Consolidation démocratique : la théorie de l'ancrage »Revue internationale de politique comparée, vol. 8 n°2 pp. 247.

    2 Gazibo Mamoudou « Le néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus de démocratisation » Politique et sociétés, vol. 21, n°3, pp. 139-160 (2002).

    3 Gazibo op. cit. p. 146.

    4 Guy Hermet « Un concept et son opérationnalisation : la transition démocratique en Amérique latine et dans les anciens pays communistes » Revue internationale de politique comparée, vol. 1 n°2 (1994) p. 298. Allant dans le même sens, Adam Przeworski prône la diffusion des modèles démocratiques à partir des vieilles démocraties. Przeworski A. (1991) Democracy and the market: political and economic reforms in Eastern Europe and Latin America. Cambridge: Cambridge University Press p. 98.

    5 Nous nous inscrivons dans la lignée des auteurs tels que Staffan Lindberg. En effet, examinant la consolidation de la démocratie en Afrique, ce dernier considère que les pressions internationales ont quelques fois des opportunités de changer fondamentalement les Etats dans leur processus de consolidation démocratique. Staffan I. Lindberg « Forms of states, governance, and Regimes: Reconceptualizing the prospects for democratic consolidation in Africa» International Political Science Review, vol. 22, n°2, pp. 173-199 (2001).

    6 Josépha Laroche et Susan Strange notamment considèrent que le dynamisme des acteurs privés est à l'origine du déclin de l'Etat. Dans cette étude et comme le révèle cette initiative, c'est l'Etat qui insiste pour que la triangulaire soit formée, afin de favoriser l'implémentation de la norme de la transparence. Ce fait est suffisamment éloquent pour constituer un démenti sérieux des thèses développées sur le déclin de l'Etat.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    l'implication de la société civile dans une tripartite1. Cela correspond entre autre à l'orientation de la politique européenne qui promeut la démocratie par la participation et donc, tout naturellement exporte ce schéma vers les terres autres. Si la participation n'est plus effective la démocratie entre en crise. Telle est la conviction de la politique européenne2. C'est une architecture politique qui est expérimentée au sein de l'Union Européenne en tant qu'ensemble d'Etats et qui trouve sa sociogenèse dans la diplomatie de certains pays comme le Royaume Uni3. L'idée que les puissances européennes se font de la démocratie est celle de la participation de la société civile. Aussi, elles tentent de donner à l'UE en tant que niveau d'action qu'elles veulent pertinent et unique, cette structure qui reflète les démocraties nationales. La régulation européenne en matière d'Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) est un laboratoire d'observation de cette tendance4. Dès lors, l'on comprend les stigmatisations et au-delà, les condamnations véhémentes des Etats-soutien à l'endroit du gouvernement gabonais lorsqu'il a décidé de suspendre des coalitions d'ONG en janvier 2008. Au nombre de ces ONG figuraient les membres de la coalition gabonaise PWYP et cette suspension fut perçue comme une restriction de la participation ou une tentative de musellement de la société civile.

    1 Le cinquième critère EITI est précis sur ce point lorsqu'il dit: « La société civile participe activement à la conception, au suivi et à l'évaluation de ce processus et apporte sa contribution au débat ». Il faut certainement rappeler qu'aucun des pays de la mise en oeuvre n'a été l'auteur de la conception de ces critères. Ceux-ci sont le fruit de certain Etats-soutien.

    2 On peut lire à ce propos les travaux de Köhler-Koch Beate et Finke Barbara « The institutional shaping of EUsociety relations: a contribution to democracy via participation» Journal of civil society, Vol.3, N°3, pp.205- 211(2007); Kohler-Koch, B. & Rittberger, B. (2007) (Eds), Debating the Democratic Legitimacy of the European Union. Lanham: Rowman & Littlefield.

    3 Il faut dire que le virage diplomatique d'abord des Etats-Unis sous Bill Clinton dans son concept de New Democrats, ensuite de la Grande Bretagne sous l'impulsion de Tony Blair qui lança le New Labour en 1997, privilégie l'assistance au développement par la participation de la société civile. Il s'est agi de penser que la prévalence de l'opacité dans certaines régions du globe explique la pérennisation de la pauvreté et du sousdéveloppement. Aussi faut-il comprendre l'implication de ces puissances à la tête d'un groupe de puissances toutes occidentales (Australie, Belgique, Canada, Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède, Royaume-Uni, Etats-Unis) comme la matérialisation d'une nouvelle diplomatie. Lire à ce sujet : François Gaulme « Le sursaut africain du New Labour : principes, promesses et résultats » Afrique contemporaine, n° 207, automne 2003, pp. 71-97.

    4 Dabrowska Patrycja « Civil society involvement in the EU regulations on GMOs: from the design of a participatory garden to the growing trees of European public debate » Journal of civil society, vol. 3, n°3 pp. 287-304 (2007).

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 90 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Encadré : Déclarations de soutien de la Norvège à l'initiative

    La Norvège, par le biais de son programme Pétrole pour le développement (OfD) et d'un soutien financier direct de la part du gouvernement norvégien, soutient fortement l'ITIE en encourageant tous ses pays coopérants à mettre en oeuvre les principes ITIE. Le programme Pétrole pour le développement est présent dans vingt-cinq pays et son objectif général est d'aider les pays en développement, à la demande de ces derniers, dans leurs efforts pour gérer les ressources de pétrole de manière à générer une croissance économique et à promouvoir le bien-être de la population de façon écologiquement durable. Une transparence et une bonne gouvernance sont des éléments clés qui doivent être mis en oeuvre afin de lutter contre « la malédiction des ressources ». Il existe aussi une coopération pratique plus générale entre nos deux organisations. Au Ghana et dans la région de l'Afrique de l'Ouest, le programme Pétrole pour le développement et l'ITIE soulignent de concert l'importance de la transparence et de la bonne gouvernance dans le développement d'une politique suffisante. La Norvège comme l'ITIE étaient représentées au Forum national 2008 sur le développement du pétrole et du gaz au Ghana. Ce Forum était organisé par le gouvernement afin d'assurer un débat ouvert et général sur la manière dont le Ghana pourrait bénéficier des ressources de pétrole et de gaz récemment découvertes au large de ses côtes. Sur ce point, le ministre norvégien du Développement et de l'Environnement, Erik Solheim, ainsi que le président du conseil d'administration de l'ITIE, Peter Eigen, et le professeur Humphrey Assisi Asobie, président d'ITIE Nigeria, étaient des intervenants clés dans ce forum. Par la suite, une déclaration fut publiée par les représentants des groupes de la société civile. Le Forum a rassemblé environ 500 participants représentant des parties prenantes d'horizons divers et a abordé des questions primordiales relatives aux activités pétrolières.

    La stigmatisation des rémanences de l'autoritarisme dans le comportement de certains dirigeants n'est pas le seul niveau de promotion de la participation. Considérant en effet ces obstacles à la participation, l'issue des conflits sociaux qu'ils génèrent entre les gouvernements et les sociétés civiles est souvent possible grâce à la médiation des Etats développés qui soutiennent l'initiative. Ce soutien est soit direct, soit sous-traité par les ONG du nord qui sont le véhicule principal de l'aide au développement en direction des Etats de la mise en oeuvre. La pression des chancelleries occidentales sur le gouvernement gabonais et le lobbying des ONG auprès de leurs gouvernements en Europe et aux USA ont abouti à la levée de la suspension des 22 ONG. Dans cette même logique, l'on peut se rappeler le courrier de cinq sénateurs1 de la commission Tom Landos des droits de l'homme adressé le 21 janvier 2009 au président Omar Bongo, pour voler au secours de Marc Ona Essangui. En effet, en raison des intimidations multiples, des interdictions de sortie du pays et des interpellations dont a été victime Marc Ona du fait de son activisme, les membres ci-dessus cités du Sénat américain ont tenu à rappeler au gouvernement gabonais ses engagements en tant que candidat EITI, statut qui l'oblige à faire preuve de tolérance vis-à-vis des membres de la société civile.

    1 Il s'agit de Donald Payne, james P. McGovern, Edward R. Royce, Barney Frank et Gwen Moore

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    Les Etats de la mise en oeuvre récoltent la manne que draine l'initiative et, l'argument financier joue un rôle déterminant dans la résolution des contentieux entre les acteurs de la transparence. En général, le soutien financier des Etats développés est soit bilatéral, soit canalisé à travers le Multi Donor Trust Fund. Ainsi, le 31 mars 2008, le MDTF totalisait 16,94 millions de dollars versés par les donateurs, contre 13,3 millions de dollars récoltés au 30 septembre 2007. Le tableau ci-dessous donne quelques traits des financements que l'initiative octroie aux Etats de la mise en oeuvre à travers son fonds multi bailleurs.

    Tableau 2 : Accords de dons du MDTF au 31 mars 2008

    pays

    N° de don

    date

    Montant
    du don
    (US$)

    Montant dépensé (US$)

    Balance (US$)

    % dépensé

    Nigeria

    TF056072

    03/28/2008

    2220000

    1799000

    421000

    81

    Cameroun

    TF056698

    06/30/2008

    130000

    127000

    3000

    98

    Mauritanie

    TF056657

    06/30/2008

    240000

    169000

    71000

    70

    Pérou

    TF057870

    06/30/2008

    300000

    0

    300000

    0

    Ghana

    TF057337

    12/31/2008

    249000

    113000

    136000

    45

    Mongolie

    TF058156

    12/31/2008

    304000

    127000

    177000

    42

    Liberia

    TF090446

    06/30/2009

    400000

    N/A

    400000

    0

    Guinée

    TF056637

    09/20/2009

    569000

    206000

    363000

    36

    Yémen

    TF090446

    10/31/2010

    350000

    N/A

    350000

    0

    total

    4762000

    2541 000

    2221000

    53

    Source : Le rapport du Fonds multi donateur d'avril 2008 page 4.

    L'on notera par ailleurs que l'assistance offerte par les Etats qui soutiennent l'initiative donc, la consolidation de la participation, est en rupture avec ce que font d'autres puissances, la Chine en l'occurrence qui ne s'encombre pas de la conditionnalité démocratique dans l'octroi de son assistance1.

    La participation est donc un des chantiers du déploiement du soutien des Etats développés qui sont dans une logique d'assistance à la consolidation démocratique. En plus de celle-ci, le

    1Lire par exemple: He Wenping, Chibuzo Nwoke, Anna Erikson et Osita Agbu « Common cause, different approaches: China and Norway in Nigeria» Research Report 2008-014. Ce rapport met en lumière la différence d'approche entre le soutien qu'un pays adhérents à l'EITI (la Norvège) apporte au Nigeria et l'assistance chinoise en direction du même pays.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 92 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    soutien à l'initiative par les Etats développés se lit aussi par l'appui à la matérialisation de la transparence en tant que norme démocratique.

    B. L'expédition normative sur les sites de la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives

    La transparence des industries extractives est une norme et en tant que telle, sa promotion est l'occasion du décryptage de l'importance et de la pertinence de l'Etat en tant qu'acteur de la scène internationale. Non pas que les espaces de la mise en oeuvre ne révèlent pas cet aspect de l'importance de l'Etat mais, il s'agit d'un choix que de penser illustrer par l'Etat-soutien l'impact de l'acteur étatique dans la promotion de la transparence comme norme à la fois régulatrice et constitutive. La transparence des industries extractives est donc doublement l'occasion de la démonstration de l'importance de l'Etat. D'abord l'Etat récepteur de la norme, parce qu'elle prend corps dans un environnement étatique et institutionnel. Ensuite parce que la norme de la transparence, de même que les lois anciennes régulatrices des sociétés juive et grecque furent promues par les législateurs à l'instar de Moïse et Lycurgue, a besoin d'un leader qui dans les sentiers de la vie sociale, se fait le pèlerin de la norme. Dans le cas présent, le leader est un Etat qui travaille à la socialisation de la norme par d'autres Etats. Par delà les usages géopolitiques et donc rationalistes de la norme, sa promotion plus précisément sa socialisation, est le fait de l'investissement de l'Etat1.

    La célébration de la transfiguration des acteurs privés, transfiguration qui aurait eu lieu au Tabor de la mondialisation, est l'occasion du fait de la transe collective des adeptes de cette communauté, de l'oubli d'un fait fondateur. En effet, nul ne peut prétendre à la promotion d'une norme auprès d'un Etat s'il n'est peu ou prou lié de quelque façon à un Etat. L'on est d'avis que la transparence des industries extractives est à l'origine un projet des organisations de la société civile. Mais très au fait des réalités internationales, ces organisations en l'occurrence Global Witness et Open Society Institute ont tôt fait de requérir le soutien des Etats du nord dans le cadre de la cascade des normes afin que ces Etats leaders agissent sur les Etats mauvais gestionnaires des revenus des industries extractives. La persuasion est de ce point de vue une modalité d'action déterminante parce qu'elle permet de convaincre les Etats

    1 En cela, nous prenons appui sur Finnemore et Sikkink qui dans le cycle de la vie d'une norme, établissent que le passage de l'émergence d'une norme à sa cascade se caractérise par son appropriation par un ou plusieurs Etats qui se chargeront donc de sa socialisation auprès des Etats cibles. Finnemore M. et Sikkink K. « International norms dynamics and political change » International Organization, vol. 52, n°4 (automne 1998) p. 896- 897.

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    du bien fondé de l'adoption d'une norme1. Cet argument est discuté par Dionyssis Dimitrakopoulos2. En effet, ce dernier pense que les auteurs intéressés par la promotion des normes ont mis une emphase exagérée sur la persuasion en minorant ce qu'il appelle « action rhétorique » c'est-à-dire, un usage stratégique des arguments sous le couvert de la norme3. Encore qu'il est réellement très difficile de percevoir une démarcation nette entre la persuasion et l'action rhétorique tant les deux ont pour issue finale, de convaincre l'Etat cible du bien fondé de la norme en promotion. C'est d'ailleurs cette stratégie de l'action rhétorique qui est déployée dans l'initiative, où il existe une inflation discursive sur la justesse de la transparence qui ouvre les voies au développement4selon l'école qui crée une affinité élective entre le développement économique et la démocratie. Tant il est vrai que, la transparence des industries extractives participe de la consolidation démocratique5.

    Pour contourner la contestation de la conformité selon l'expression de Antje Wiener, l'une des approches peut-être en plus de la persuasion et de l'action rhétorique donc de la ruse, les interventions discursives. Il dit en effet: « social change occurs as a result of discursive interventions uttered by both norms setters and norms followers 6» (le changement social

    1 Martha Finnemore et Kathryn Sikkink présentent la persuasion comme le mécanisme principal de la promotion des normes, en minorant toutes les autres démarches qui partent de la pression ouverte à la pression larvée. Finnemore M. et Sikkink K. op. cit. p. 898. Rodger A. Payne parle quant à lui, de la «communication persuasive»qui jouerait un rôle déterminant dans la construction et la promotion des normes. Car, il ne faudrait pas privilégier l'explication de l'adoption d'une norme par la violence que comporte le coercive compellence i.e, le fait pour un pays d'adhérer à une norme sous la menace d'un Etat puissant. De plus, dans un monde où la civilisation des moeurs politiques a fini d'éradiquer la barbarie inhérente à l'état de nature hobbesien, les Etats qui se réclament tous de la démocratie, font de moins en moins de la langue dans les relations internationales perçues comme des relations intergentes, une arme de destruction massive. Lire Payne A. Rodger, «Persuasion, frames and norms construction », European Journal of International Relations, vol. 7 n°1, pp. 37-61 (2001).

    2 Dimitrakopoulos Dionyssis « Norms strategies and political change: explaining the establishment of the convention on the future of Europe » European Journal of International Relations, vol. 14, n°2, pp. 319-342 (2008).

    3 C'est dans ce sens qu'il faut percevoir les discours des Etats qui soutiennent l'initiative quand ils présentent cette dernière comme une panacée pour les problèmes africains, quelques fois sans dire le niveau de rentabilité de la transparence pour leurs économies. Le Canada à ce titre fait une fois encore exception en déclarant que la transparence des industries va créer un climat favorable à l'épanouissement de ses compagnies dans les espaces de leur activité, donc voit la chose en termes de gagnant-gagnant. Tel n'est pas le cas de certaines puissances comme la France et la Grande Bretagne qui justifient d'abord la promotion de la transparence par le souci humanitaire de sortir les pays riches en ressources mais très obérés de l'ornière.

    4 L'on ne relève pas cependant assez que la transparence est une médaille à deux faces qui expose le pays de l'implémentation à la fragilité sécuritaire. A ce propos, les travaux de Roland Robertson sont d'une portée pertinente dans la mesure où il relève le parallèle qui existe entre la transparence et la sécurité. Voir Robertson R., «Open societies, closed minds? Exploring the ubiquity of suspicion and voyeurism », Globalizations, vol. 4, n° 3 pp. 399-416 (September 2007).

    5 Voir par exemple: Jörg Faust « Democratic's dividend: political order and economic productivity » World Political Science Review vol.3, issue 2, (2007) p. 1-26.

    6 Wiener Antje « contested compliance: Interventions on the normative structure of world politics » European Journal of International Relations, vol. 10, n° 2, p. 192, 2004.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 94 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    advient comme un resultat des interventions discursives prononcées autant par les initiateurs des normes que par les metteurs en oeuvres de celles-ci).

    Par des stratégies multiples, certains Etats développés se sont constitués en leaders de la norme de la transparence à la suite de la Grande Bretagne de Tony Blair, pour se faire les hérauts de la transparence des industries extractives. La représentation géographique de ces Etats se met en porte-à-faux de l'argument selon lequel les Etats Unis sont une puissance souverainiste tandis que l'Europe est une puissance normative qui se donne pour but de moraliser la mondialisation1. En effet, cette coalition d'Etats est composée des USA, de la France, de la Grande Bretagne, de l'Italie, du Canada, de l'Australie, de l'Allemagne, de la Norvège, de la Suède, la Belgique, les Pays-Bas et l'Espagne.

    Dans la promotion de la transparence des industries extractives, les Etats leaders ont des modus operandi variés. Le Canada par exemple, a une approche originale qui consiste à chercher une solution au problème de l'opacité dans les industries extractives en contraignant ses firmes multinationales du secteur à une législation qui en fait des compagnies plus investies à l'affect de la transparence que d'autres. Dans un rapport2 publié par Save the children en 2005 et qui évaluait les performances de l'industrie du gaz et du pétrole, il est apparu que Talisman Energy et TransAtlantic Petroleum qui sont deux firmes canadiennes détiennent les deux meilleurs scores en matière de transparence dans les industries extractives. Le Canada a réitéré le 10 février 2007 par la voix de son ministre des finances, l'honorable Jim Flaherty son soutien à l'initiative. Au sortir d'une réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales du G7, monsieur Flaherty déclarait : « La responsabilité, la transparence et l'équité sont les principes de ce partenariat international conçu pour accroître la divulgation des revenus tirés des ressources dans les pays en développement. Ce sont des principes que le Canada appuie et nous avons l'intention de jouer un rôle de chef de file pour que les citoyens, et non seulement les gouvernements ou les sociétés étrangères, partagent les fruits de la prospérité dans ces pays.» Il fut en cela suivi par l'honorable Peter Mackay ministre des Affaires étrangères et ministre chargé de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique qui disait : « au cours de l'année écoulée, mon ministère a consulté des entreprises canadiennes et la société civile dans le but

    1 Voir par exemple Zaki Laïdi « Peut-on prendre la puissance européenne au sérieux ? Cahiers européens n° 5/ 2005, 32 pages.

    2 « Dépasser la rhétorique, mesurer la transparence des revenus : les performances des entreprises publiques dans l'industrie du pétrole et du gaz » rapport de Save the children, 2005.

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    d'améliorer les pratiques socio-environnementales des sociétés exerçant des activités extractives à l'étranger. Le nouveau gouvernement du Canada a été à l'écoute et notre appui favorisera la transparence et la règle de droit ». L'aide du Canada se compose d'une contribution de 750.000 $1 au fonds fiduciaire des donateurs de l'EITI, de même que d'un fonds annuel permanent de 100.000 $. Le Canada a également indiqué qu'il fournira un soutien technique dans des domaines tels que la gouvernance d'entreprise, de concert avec d'importantes sociétés minières du Canada2.

    Dans un rapport fait par Paul Bugala pour le compte de Oxfam America, il apparaît que les Etats-Unis ont des mécanismes internes de transparence dans les industries extractives mais en raison des restrictions imposées par exemple par le Federal Accounting Standart Board, le Freedom of Information Act (FOIA) qui interdit la levée du secret commercial, ces mécanismes n'épousent pas entièrement les critères EITI. En réalité, il s'agit de penser que les USA ne peuvent pas avoir exactement le même soutien que le Canada sur le plan de la législation interne relative aux industries extractives. L'on peut cependant noter que sous le couvert de l'Alien Tort Claim Act de 1789, les citoyens étrangers peuvent dénoncer et traduire en justice devant une cour fédérale américaine les multinationales convaincues de violations de droits de l'homme. C'est ainsi que la famille de Ken Saro Wiwa a saisi la cour fédérale de New York au sujet des violations des droits de l'homme commises par le groupe anglonéerlandais Shell vis-à-vis de certaines populations Ogoni dans le Delta du Niger dans la décennie 1990, notamment son rôle dans la pendaison de Ken Saro Wiwa et de ses compagnons Ogoni en 1995. Le Foreign Corrupt Practice Act du 10 novembre 1998 constitue aussi un cadre règlementaire du soutien américain à la transparence des industries extractives, parce qu'il punit les pratiques de corruption des firmes américaines à l'étranger. Mais de façon concrète, les USA contribuent pour plus de 500.000 dollars au fonds de donateurs que gère la Banque Mondiale et, le 5 août à Nairobi au Kenya, la secrétaire d'Etat américaine Hilary Rodham Clinton a salué l'adhésion de certains pays africains à EITI, elle a affirmé : «The solution starts with transparency. A famous judge in my country once said that sunlight is the best disinfectant, and there's a lot of sunlight in Africa. African countries are starting to embrace this view through participation in the Extractive Industries Transparency

    1 Avec cette contribution, le Canada siège donc au comité de gestion du Fonds multi-bailleurs car, tous les Etats qui contribuent avec au moins de 500000$ a le droit d'y siéger.

    2 Bugala Paul , Transparency begins at home An Assessment of United States Revenue Transparency and Extractive Industries Transparency Initiative Requirements, Oxfam America for Publish What You Pay United States June 2006.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 96 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Initiative. Creating a favorable investment climate requires countries to translate politics into governing» (la solution commence par la transparence. Un fameux juge de mon pays disait une fois que le soleil est le meilleur désinfectant, et il y a beaucoup de soleil en Afrique. Les pays africains commencent à épouser cette opinion à travers leur participation à l'Initiative de Transparence des Industries Extractives. Créant ainsi un climat favorable aux investissements qui exige que les pays convertissent la politique en gouvernance). C'est la suite logique d'un soutien de l'administration Obama tel qu'exprimé plus tôt le 19 mai 2009 notamment par Michael Froman, mais également par le Sénateur républicain Richard Lugar de l'Indiana dans une lettre publiée par le New York Time1 du 13 Juin 2009. Dans cette lettre, il présentait EITI comme un des moyens de lutte contre la corruption en Afrique, et encourageait la vingtaine d'Etats engagés dans l'initiative à poursuivre leurs efforts. De même, Alcee L. Hastings représentant démocrate de Floride, a exprimé son soutien à EITI, en invitant l'administration Obama à jouer un rôle déterminant pour la réussite de l'initiative. C'est dire que le soutien des Etats-Unis à l'initiative transcende les clivages partisans démocrates/républicains. D'autres puissances telles que la France soutiennent l'initiative et le président français Nicolas Sarkozy en visite au Niger le 27 mars 2009 a réitéré le soutien de son pays à EITI. La Suisse a rejoint les rangs des pays soutenant l'initiative le 8 juin 2009. Par la voix de son secrétaire d'Etat aux affaires économiques, la confédération helvétique a annoncé son intention de soutenir la mise en oeuvre de EITI par une participation de 3 millions de dollars US au fonds multi-bailleurs. Lors de la 36ème Assemblée Générale des Nations Unies, ces Etats leaders, de concert avec d'autres Etats théâtres de la mise en oeuvre2, ont donné à l'initiative un contenu juridique international en soutenant une résolution sur la transparence dans les industries extractives. Cela est une globalisation de la norme de la transparence, c'est-à-dire une rupture avec la conception de Finnemore et Sikkink qui considèrent que la norme doit être régionale plutôt que globale3, pour lui permettre de prendre ancrage. Toutefois, il faudrait lire à travers cette résolution, un souci d'institutionnalisation dont le but est de vulgariser la transparence des industries extractives. Le problème que cela pose est celui de l'érosion du caractère volontaire de l'adhésion aux principes de l'EITI. En effet, il s'agit d'une initiative volontaire mais l'existence d'une résolution quoique non contraignante parce que produit de l'Assemblée

    1 http://www.nytimes.com/2009/06/13/opinion/l13africa.html? r=2, visité le 19 juin 2009.

    2 Cette résolution a été initiée et co-sponsorée par: l'Australie, Azerbaïdjan, la Belgique, le Canada, le Congo, la France, l'Allemagne, l'Irak, l'Italie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Liberia, la Moldavie, les Pays Bas, le Nigeria, la Norvège, le Pérou, la Sierra Leone, l'Espagne, le Timor-Leste, la Turquie, le Royaume-Uni et la Yémen

    3 Elles disent: « Norms may be regional, for example but not global » Finnemore et Sikkink op. cit. p. 892.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 97 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    générale, fait penser à une évolution progressive vers l'impératif de la transparence. Cela pourrait donc donner raison à ces auteurs déclinistes qui y trouveraient l'illustration d'un retrait de l'Etat devant les organisations internationales. A ce propos, la section suivante traite justement de l'Etat comme acteur pertinent à travers son adhésion à des groupes régionaux et globaux dans le climat de la postmodernité politique qui crée d'autres niveaux pertinents d'action, mais qui n'épuise pas comme nous venons de le voir la pertinence de l'Etat en tant qu'acteur individuel.

    Section 2 : La communautarisation de l'action étatique pour la transparence des industries extractives : à la recherche du niveau pertinent de soutien

    Cette section vise dans le continuum de la démonstration de la pertinence de l'acteur étatique, à restituer le soutien de l'Etat à l'initiative dans le cadre des organisations intergouvernementales. La présentation des organisations intergouvernementales qui soutiennent l'initiative se fera donc en deux moments : il s'agira d'abord d'insister sur le caractère intergouvernemental, c'est-à-dire « multi-étatique » de chaque organisation, ensuite de dire le cadre dans lequel s'exprime le soutien de l'organisation à EITI. Le déferlement des chefs d'Etats des vingt économies les plus développées de la planète à Londres dès le 1er avril 2009, a lancé le signal du sommet du G-20. Première réunion du genre, cette « réunion des alcooliques anonymes dans un bar à vin » pour reprendre la phrase de M. Jacques Attali, est censée constituer la première phase d'une quête de solution à la crise actuelle qui ébranle l'économie mondiale. Certes le G-20 n'est pas une organisation internationale institutionnalisée à la manière du FMI. Mais, l'intérêt de son évocation dans cet espace qui se veut la tribune de l'apologie de l'Etat, réside dans la complexité des phénomènes qui instiguent pareille réunion. La réunion de Londres vise à réguler le système financier ad majorem securitatem, afin de prévenir à l'avenir l'avènement d'une crise de cet ordre. Si la nécessité de réunir autant de puissances, c'est-à-dire d'aller au-delà du G-8, est en soi le signe de la pertinence de l'Etat mais de l'Etat dans une posture communautaire, le but de cette section est de dire que la transparence des industries extractives est l'occasion de la démonstration de la pertinence de l'Etat en tant qu'acteur de relations internationales. Et cette pertinence est manifestée dans l'action des organisations internationales, en tant qu'elles sont

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 98 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    le fruit de la volonté de mise en commun des Etats pour solutionner des problèmes complexes mais aussi, de poursuivre des objectifs communs1.

    Le débat qui pendant un certain temps a opposé John Mearsheimer à Robert O. Keohane au sujet de l'efficience des institutions internationales qui seraient une « promesse manquée » d'après le premier et des ordres efficients de la politique internationale pour le second, est révélateur de l'importance de ces organisations en tant qu'elles sont rerum c'est-à-dire dotées de fonctions et selon qu'elles sont rerum novum c'est-à-dire curiosité du fait de la nouveauté et donc objet de science. En ignorant l'aspect premier, les réflexions sur la constitution de ces objets d'analyse dramatisent des acceptions qui sont de l'ordre du fonctionnalisme ou de

    l' « intergouvernementalisme libéral ».

    Les Nations Unies et l'Union Européenne ont été bâties sur deux modèles fonctionnalistes différents, et qui révèlent en même temps la diversité des organisations internationales. Lorsque David Mitrany2, étudiant les causes de l'échec de la SDN en 1943, trouve l'explication dans la volonté d'universaliser des règles formelles destinées à régir les relations entre les Etats, il annonce en même temps un modèle fonctionnaliste qui s'inspire de la biologie et qui confère à chaque organe une fonction au sein d'un corps. Ce modèle a présidé à la création des Nations Unies3 en 1945 à San Francisco. Tandis que les néo-fonctionnalistes tels que Ernst Haas et Léon Lindberg4 ont fait l'apologie d'un modèle qui intègre les éléments sociopolitiques en plus de ceux fonctionnels que présentait déjà Mitrany et, qui laissent entrevoir un spill over (engrenage). Mais à la différence de Mitrany, Haas et Lindberg étendent la notion de spill over pour l'émanciper des seules griffes de la technique afin qu'elle

    1 A ce propos, l'on peut lire par exemple Inis L. Claude Jr. (1956) Swords into powshares : the problems and progress of international organization, 4th Edition, New York : Random House. Il s'insurge contre l'idée que les organisations internationales seraient destinées à supplanter les Etats. D'ailleurs comment pourrait-il en être ainsi dès lors que les Etats sont des acteurs et les organisations internationales des scènes où se joue la politique mondiale, mais une scène construite par les Etats. Cette scène a vocation à aider les Etats à solutionner des problèmes communs, à permettre l'atteinte des objectifs communs de sécurité, de paix et de développement. La charte des Nations Unies est de ce point de vue révélatrice de cette ambition d'intégration des solutions.

    2 Mitrany David (1943) A working peace system. Londres: Royal Institute of International Affairs.

    3 Il faut noter que dès l'origine le désir de création d'un organisme au sein duquel les souverainetés des Etats devaient être préservées mais qui aurait une effectivité, a irrigué les différentes initiatives dès 1941 avec la signature de la Charte de l'Atlantique entre Winston Churchill et Franklin Delano Roosevelt le 26 août 1941. Les conférences de Dumbarton Oaks qui furent préparatoires de la future ONU et qui se tinrent d'une part du 21 au 28 septembre 1944 entre les USA, l'Angleterre et l'URSS et d'autre part du 29 septembre au 07 octobre 1944 entre les USA, l'Angleterre et la Chine, ont obéi à ce même souci.

    4 Lindberg Léon (1963) The political dynamics of European economic integration. Stanford: Stanford University Press; Ernst Haas (1958) The uniting of Europe. Londres: Stevens & Sons.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 99 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    soit aussi politique. Andrew Moravscik1 vient dans le sillage de l'insertion du politique dans le processus de construction des espaces d'intégration, relever que les gouvernants n'ont cessé de contrôler le processus d'intégration européenne par des calculs rationnels. Pierre de Senarclens et Yohan Ariffin diront de lui : « Donnant à son approche la dénomination

    d' « intergouvernementalisme libéral », Moravscik s'attache à montrer que l'intégration résulte de choix rationnels effectués par les dirigeants nationaux pour soutenir principalement les intérêts commerciaux des grands producteurs nationaux »2. Quoiqu'il en soit, l'idée qui semble ressortir de cette brève odyssée dans les méandres des théories explicatives du fonctionnement des organisations internationales, est celle qui les présente comme la juxtaposition des Etats dans l'optique de l'atteinte des objectifs communs et en raison de la complexité des faits qui s'opposent à eux.

    Le caractère de plus en plus complexe de la société internationale explique donc le regroupement des Etats. L'on ne peut par exemple pas envisager l'atteinte de l'objectif de la sécurité fut-elle intérieure en misant sur les seules potentialités d'un Etat3. C'est ce qui fait dire à certains auteurs tels que Bertrand Badie que, la souveraineté est entrée dans la phase d'obsolescence car, la complexité des problèmes entraîne l'interpénétration des systèmes pour leur résolution4. La notion de « communauté de sécurité » chère à Karl Deutsch5, quel que soit le type6porte des marques de cette conscience. Aussi, convient-il de préciser que l'incursion dans le domaine des organisations internationales dans le cadre de cette section ne relève

    1 Moravscik Andrew (1999) The choice for Europe: social purpose and state power from Messina to Maastricht. Londres: UCL Press.

    2 De Senarclens et Ariffin (2006) op. cit. p. 174.

    3 Ce n'est pas non plus une célébration de l'utopie de la sécurité globale telle que dénoncée par Bernard Hours. Hours Bernard « La production de l'utopie sécuritaire globale : de l'interdépendance à l'insécurité » in in Bagayoko-Penone et Bernard Hours (2005) Etats, ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du sud. Paris : l'Harmattan pp. 43-57.

    4Badie Bertrand «Sécurité et nouvelles relations internationales » in Bagayoko-Penone (2005) Etats, ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du sud. Paris : l'Harmattan pp. 33-42. Angéla Meyer, considérant le cas des défis de la sécurité en Afrique, pense que les réponses ne peuvent être apportées que par la réussite des processus d'intégration régionale. Mais ce, à condition que les Etats cessent d'être les seuls acteurs car, la prise en compte pense-t-elle des acteurs privés comme condition pertinente de solution des défis de sécurité, rendra plus efficace et efficiente l'action des régions. Telle est en tout cas sa pensée concernant l'espace CEMAC/CEEAC. Angéla Meyer « L'intégration régionale et son influence sur la structure, la sécurité et la stabilité d'Etats faibles : L'exemple de quatre Etats centrafricains » Thèse de doctorat soutenue le 13 décembre 2006 à l'IEP de Paris.

    5 Voir l'hommage rendu à Karl Deutsch par Dario Battistella : Battistella D. « L'apport de Karl Deutsch à la théorie des relations internationales » Revue internationale de politique comparée, vol. 4, pp. 567-585.

    6 Il en existe quatre : la communauté de sécurité unifiée, la communauté de sécurité pluraliste, les noncommunautés de sécurité pluraliste et les non-communautés de sécurité unifiée. Cette typologie est faite par Deutsch dans la tradition libérale qui rompt avec la conception belliciste réaliste des relations internationales. La question qu'il se pose à l'origine de cette analyse est celle de savoir « comment les hommes peuvent-ils apprendre à agir ensemble en vue d'éliminer la guerre comme institution sociale ?». Battistella op. cit.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 100 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    nullement d'une sociologie d'icelles, mais participe de la démonstration de la pertinence de l'acteur étatique qui se meut seul ou en groupe. Dans le cadre de la section précédente, l'Etat est apparu dans la solitude de son actorness alors qu'ici, il est dans une posture postmoderne de la communautarisation. Souvenons-nous du sens attribué au postmodernisme dans cette étude. Il obéit à la vision qu'en ont les cosmopolitistes qui ne prennent plus l'Etat comme l'unité de base de la vie politique mais plutôt, considèrent les niveaux régional et global comme niveaux pertinents d'analyse. Sans aller jusque-là, nous pensons que les aléas de la postmodernité politique ont rendu digne d'intérêt l'examen des configurations en scène dans les organisations internationales. Il ne s'agit donc pas d'étudier l'initiative comme une organisation internationale, mais de rendre raison de la pertinence de l'Etat au travers des organisations internationales qui la soutiennent. Ce soutien transparaît dans deux types d'organisations qui sont économiques et politiques avant d'être régionales ou globales.

    Paragraphe I : Un soutien groupé des Etats dans les organisations intergouvernementales économiques

    L'intégration économique qui est le fait de la mondialisation a rendu interconnectés les Etats. La complexité de l'espace économique et surtout l'interdépendance des micro-espaces est l'explication du processus intégratif des organisations économiques. La communauté des buts qui crée des espaces communautaires de décision et d'action, est également l'occasion d'éprouver la pertinence de l'acteur étatique, dès lors que l'on a postulé l'existence des organisations intergouvernementales en terme non pas de rivalité avec les Etats, mais comme une intégration en vue d'une action synergique pour les besoins d'efficience et d'efficacité. Aussi, à l'ère où le phénomène intégratif s'apparente à un effet de mode, le fait communautaire se caractérise par son universalité. Pour des impératifs de forme, la pertinence de l'Etat dans les regroupements du sud (A) va précéder l'examen des organisations du monde développé dans leur dramatisation de l'importance du fait étatique (B).

    A. La solidarité des regroupements économiques du sud vis-à-vis des théâtres d'implémentation de la transparence des industries extractives

    L'initiative de transparence des industries extractives en tant qu'espace de mise en oeuvre d'une norme présumée exorciste des démons de la conflictualité et de la paupérisation, offre l'occasion de se pencher sur le soutien qu'elle reçoit des banques du sud, notamment de la

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    Banque Africaine de Développement et de la Banque Asiatique de Développement qui sont dans l'immédiateté géographique de plusieurs aires de mise en oeuvre.

    1. La Banque Africaine de Développement et l'EITI

    La Banque africaine de développement est une institution bancaire multinationale qui se donne comme objectif le développement du continent noir1 malgré le caractère mondial de son équipe dirigeante2. Alors, le lancement de l'initiative en 2002 correspondant précisément à ses buts et objectifs pour les pays africains, a trouvé un écho favorable. L'annonce de l'adhésion de la Banque aux principes de l'Extractive Industries Transparency Initiative s'est faite à la veille de la conférence internationale d'Oslo tenue du 16 au 17 octobre 2006. Ceci, au lendemain d'une réunion entre des représentants du NORAD, de la Banque Mondiale, de l'EITI et de la BAD à Tunis. A l'ouverture de ladite réunion, madame Zeinab El Bakri viceprésidente du groupe de la BAD déclarait:

    «There is an important role for revenues generated from oil and gas and other extractive industries in public financing of economic and social development programmes. Opportunities for many resource-rich countries in Africa lie in the fact more and more investors are interested in extractive industries, but which present challenges with regard to the management of revenues, ensuring accountability and avoiding corruption on the one hand, while promoting sustainable development in the context of transparency and fiduciary discipline on the other» (il y a un rôle important pour les revenus générés par l'exploitation du pétrole, du gaz et des autres industries extractives dans le financement public des programmes de développement sociaux et économiques. Les opportunités pour plusieurs pays riches en ressources en Afrique reposent sur le fait que de plus en plus d'investisseurs sont interessés par les industries extractives, mais celles-ci présentent des défis au regard de la gestion des revenus, assurant la responsabilité et évitant la corruption d'une part, pendant qu'elles promeuvent le développement durable dans un contexte de transparence et de discipline fiduciaire d'autre part).

    Le soutien de la BAD à l'initiative se fait dans le cadre du programme Bonne gouvernance financière (BFG) de la banque adoptée en novembre 1999. Ce, dans l'optique d'assister les

    1 Avec la Banque asiatique de développement et la BERD, la BAD constitue la catégorie des institutions intergouvernementales à vocation régionale. C'est pourquoi elles sont dans le cadre de EITI des institutions qui ont un engagement régional alors que le FMI, le groupe de la banque mondiale et la banque européenne d'investissement (BEI) sont des institutions à engagement global.

    2 Au 28 février 2009, la Banque africaine de développement compte environ 110 gouverneurs dont 7 qui ont rejoint le groupe en ce même mois de février (soit : 2 zambiens et les nationalités suivantes avec chacune un gouverneur ; Uganda, Ghana, Kenya, Corée et Autriche). Par ailleurs, presque une centaine de nationalités sont représentées parmi les gouverneurs et gouverneurs suppléants.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 102 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    pays dans leurs efforts de développement. Reconnaissant les avancées de l'Afrique en matière de développement et en imputant celles-ci aux budgets nationaux qui sont de plus en plus le reflet des priorités économiques des pays, la BAD s'investit à aider les pays africains dans leurs efforts de transparence budgétaire. Il s'agit d'un soutien général pour la transparence dans la gestion des budgets des Etats par :

    · La mise en place de procédures budgétaires transparentes et globales.

    · La promotion de la responsabilité, de la transparence et l'amélioration des contrôles budgétaires.

    De plus, l'action de la BAD vise un renforcement de l'obligation de rendre compte de la gestion des recettes issues des industries extractives. Il s'agit là, de l'une des approches de la Banque. En effet, celle-ci opère dans le cadre du programme Bonne gouvernance financière en s'appuyant sur six approches à savoir : (1) le renforcement des systèmes fiscaux africains, (2)la mise en place des procédures budgétaires transparentes et globales, (3) la promotion de la responsabilité, de la transparence et l'amélioration des contrôles budgétaires, (4) le renforcement de l'obligation de rendre des comptes de la gestion des recettes issues des industries extractives, (5) le soutien de la décentralisation fiscale et (6)le renforcement de la gouvernance dans les Etats et les situations fragiles et la gouvernance au sein de la banque.

    Encadré : Déclaration de soutien de Gabriel NEGATU, directeur du département gouvernance et de gestion économique et financière à la Banque africaine de développement à EITI.

    La gestion financière publique constitue l'un des instruments les plus importants pour le renforcement de la capacité des États en Afrique. Elle renforce la mise en oeuvre saine d'une politique économique en ayant un rôle influent sur l'allocation et l'utilisation des ressources publiques. La transparence est une étape nécessaire mais insuffisante vers une bonne gestion des finances publiques. Le plan d'action et de direction stratégique de gouvernance 2008-2012 est le guide de la Banque africaine de développement pour soutenir les efforts des pays membres régionaux pour améliorer la gouvernance et lutter contre la corruption, et inclut l'ITIE et le Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs (MAEP). La transparence dans la déclaration des revenus des industries extractives est essentielle, de même que l'ensemble de la chaîne de gestion des ressources des industries extractives. Outre l'ITIE, d'autres initiatives complémentaires ont vu le jour afin d'améliorer la gouvernance des industries extractives, y compris l'African Legal Support Facility et l'initiative de la Banque Mondiale pour soutenir l'ensemble de la chaîne de gouvernance. Des efforts pour soutenir les réformes fiscales comprennent des initiatives telles qu'AFRITAC, le Dialogue fiscal international et le Forum sur l'administration fiscale africain. Des organisations régionales telles que l'AFROSAI (Organisation africaine des institutions supérieures de contrôle des finances) supervisent la mise en oeuvre des normes d'audit internationales. La Banque africaine de développement apporte son soutien à toutes ces initiatives et s'efforce de garantir une meilleure coopération et coordination entre elles.

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    L'implication de la banque pour le renforcement de l'obligation de rendre des comptes de la gestion faite des revenus issus des industries extractives, qui est l'une des approches de la banque et qui est directement reliée au soutien qu'elle apporte à l'initiative, porte sur deux niveaux. Pour les pays qui mettent en oeuvre les principes de l'EITI, il s'agit de les aider en les dotant des capacités financières et techniques pour implémenter l'initiative. Le second niveau consiste à convaincre les pays qui sont dotés de richesses minières, pétrolières et gazières d'adhérer aux principes de l'initiative.

    2. La Banque Asiatique de Développement dans l'EITI

    La Banque asiatique de développement est une institution bancaire multilatérale qui oeuvre au développement des pays de l'Asie. Elle est d'ailleurs la première institution de ce type à avoir engagé une action particulière en direction de la gouvernance en 1995. Dès 1998, une politique de lutte contre la corruption fut adoptée pour renforcer et élargir le travail de la gouvernance. Et en 1999 la Banque a mis sur pied une stratégie de réduction de la pauvreté contenue dans un document intitulé Fighting poverty in Asia and the Pacific : The poverty reduction strategy. Ce dernier s'appuie sur trois piliers à savoir :

    · La promotion de la croissance économique en faveur des pauvres,

    · La promotion d'un développement inclusif et

    · La bonne gouvernance.

    Le document cadre dit à ce sujet:»For poverty reduction, ADB sees the twin pillars of pro-poor development, sustainable economic growth and social development as the key elements in any framework for reducing poverty. Successful achievement of either element requires sound macroeconomic management and good governance, the third pillar1». Ce cadre global et général de réduction de la pauvreté comporte la conscience de l'impératif de la bonne gouvernance. Ainsi, elle en constitue le troisième pilier dans la mesure où elle facilite la participation et assure l'utilisation transparente des fonds publics. Le dernier paragraphe dans l'espace consacré à la bonne gouvernance comme pilier dans la stratégie de réduction de la pauvreté souligne l'apport des ONG qui, par le fait de leur expertise et de leur proximité vis-à-vis des pauvres et des couches défavorisées, sont un acteur pertinent dans la réussite de l'opération. Au-delà de cette conscience précoce du rôle des ONG dans les initiatives de développement, il faut dire que l'attention portée sur ce document se justifie par le fait qu'il est le cadre dans lequel s'enchâsse la participation de la Banque à EITI. Ce cadre est

    1 Asian Development Bank (1999) Fighting poverty in Asia and the Pacific : The poverty reduction strategy, p.6

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 104 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    cependant demeuré très général car, même son renforcement en 2004 par l'ajout de cinq thématiques1 n'a pas explicitement fait référence à la transparence, ni aux industries extractives. Il faudra attendre le lancement du GACAP II2 en juillet 2006 pour que progressivement mais encore de façon très générale, la responsabilité et l'obligation de rendre des comptes apparaissent comme un impératif.

    La Banque asiatique de développement a donc apporté son soutien à EITI par l'entremise de madame Ursula Schaefer-Preuss, vice-présidente de la Banque pour le savoir, la gestion et le développement durable. Elle déclarait à cette occasion: «It is widely recognized that while large public sector revenues from extractive industries hold great potential for economic growth and poverty reduction, if transparency and accountability are weak, extractive industries can lead to exacerbation of poverty, corruption, and conflict, ADB's support of this initiative will help ensure that wealth generated from natural resources is used to enhance a country's economic development». Même si cinq pays seulement dans la région que couvre la Banque mettent en oeuvre l'initiative à savoir l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, la République Kirghize, la Mongolie et la Timor Leste, force est de noter que le tout premier pays à avoir atteint la conformité est l'Azerbaïdjan, un pays de la zone d'opération de la Banque.

    Encadré : Déclaration de Ursula Schaefer-Preuss vice-présidente de la Banque asiatique de développement au sujet de EITI.

    La Banque européenne d'investissement et la Banque asiatique de développement ont rejoint en

    2008 la liste des organisations soutenant l'ITIE. « Il est de notoriété publique que, bien que les importants revenus du secteur public générés par les industries extractives détiennent le potentiel significatif d'augmenter la croissance économique et de réduire la pauvreté, si la transparence et la responsabilité sont faibles, les industries extractives peuvent entraîner une exacerbation de la pauvreté, de la corruption et des conflits... Le soutien apporté par la Banque asiatique de développement à cette initiative contribuera à garantir que la richesse générée par les ressources naturelles est utilisée pour renforcer le développement économique d'un pays. »

     

    1 Ces thématiques sont : l'égalité des genres, la durabilité environnementale, le développement du secteur privé, la coopération régionale et le développement des capacités.

    2 Second Governance and Anticorruption Action Plan, le GACAP II a été lancé en 2006 à la suite d'une revue conduite par la Banque asiatique de développement en 2005. Il vise l'amélioration de la performance de la Banque dans la mise en oeuvre des politiques de gouvernance et de lutte contre la corruption dans les secteurs et sous-secteurs d'activité de la Banque. Il est detaillé dans: Asian Development Bank Second Governance and Anticorruption Action Plan (GACAP II), Final Report, July 2006.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 105 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    B. Le monde développé et son soutien communautarisé à l'EITI : La modalité économique

    L'engagement des Etats du monde développé regroupés au sein des organisations intergouvernementales économiques sera lu par la participation de deux banques européennes et des institutions de Bretton Woods. Les premières, quoique comportant un engagement régional pour le cas de la BERD, partagent avec les secondes l'implantation géographique dans ce que les marxistes appellent le « centre ».

    1. L'implication des banques européennes dans l'Extractive Industries

    Transparency Initiative : le cas de la BERD et de la BEI

    Deux banques européennes sont engagées à soutenir l'initiative. Il s'agit de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) et la Banque Européenne d'Investissement (BEI).

    a) La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement et l'Initiative de transparence des industries extractives

    La BERD consacre à l'EITI un engagement régional car, sa mission première consiste à oeuvrer pour l'ouverture des pays de l'Europe centrale et orientale en plus de la Mongolie, à l'économie de marché. Il faut noter que ces pays qui font partie de l'ancien giron communiste, ne disposent guère des structures et infrastructures compatibles pour un échange avec l'Europe occidentale au sortir de la balkanisation de l'URSS. Aussi, la BERD est-elle créée à Paris suite à l'Accord du 29 mai 1990 qui entra en vigueur le 28 mars 1991 c'est-à-dire dans les temps qui ont précédé la perestroïka1.

    L'article 3 de l'Accord portant création de la BERD dit dans ses alinéas 1 et 2 :

    « La qualité de membre peut être accordée : aux pays européens et aux pays noneuropéens qui sont membres du Fonds Monétaire International ; et à la Communauté économique européenne et à la Banque européenne d'investissement. Les pays à qui la qualité de membre peut être accordée conformément au paragraphe 1 du présent article, mais qui ne le deviennent pas conformément à l'article 61 du présent Accord, peuvent être admis

    1 L'on peut penser que la Perestroïka en tant que processus de refondation de l'URSS a débuté avec la signature des accords de Belovez en décembre 1991 créant la CEI et la démission de Mikhaïl Gorbatchev du poste de président de l'URSS qui cessa d'exister le 25 décembre 1991. C'est l'avis de Anaïs Marin « Saint-Pétersbourg, ville-frontière d'Europe. Extraversion, paradiplomatie et influence de la « capitale du Nord »sur la politique étrangère de la fédération de Russie » Thèse de doctorat soutenue le 1er décembre 2006 à l'IEP de Paris. p.22-23

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    comme membres, selon des conditions et modalités que la Banque peut déterminer, par décision expresse des deux tiers au moins du nombre des gouverneurs, représentant au moins les trois quarts du nombre total des voix attribuées aux membres ».

    C'est dire que, le membership est exclusivement étatique et donc, le soutien de cette institution à l'initiative est celui d'un ensemble d'Etats. Voilà qui invalide la thèse du déclin de l'Etat alors que son existence solitaire ou en groupe est la condition sine qua non pour le fonctionnement des initiatives qui comme EITI, concourent à la résolution des problèmes complexes de ces temps.

    La corruption et la fraude sont deux fléaux qui empoisonnent le climat de l'investissement. C'est pourquoi la transparence est au coeur du mandat de la banque en tant qu'élément de la démocratie pluraliste et de marché qu'elle promeut dans cet ancien giron communiste1. La BERD et EITI ont donc en partage la valeur et le souci de la transparence. En s'engageant à travailler avec EITI, cette banque encourage les pays de sa zone d'opération2 à adopter les principes EITI. Elle s'est engagée notamment à :

    · S'impliquer activement dans le processus des consultations d'EITI y compris en faisant des propositions dans le développement des mécanismes techniques de reporting.

    · Promouvoir la transparence dans les rapports des revenus, de même qu'une transparence accrue sur les plans financiers et organisationnels en se servant du guide EITI comme modèle pour une plus grande transparence.

    · Travailler en coopération avec d'autres institutions financières internationales et les institutions financières privées pour promouvoir les initiatives de transparence et de gouvernance dans la communauté financière.

    · Aider au renforcement des capacités dans les pays d'opération afin de les aider à implémenter les critères EITI.

    1 L'article premier de l'Accord portant création de la BERD dit d'ailleurs à ce sujet : « L'objet de la Banque est,
    en contribuant au progrès et à la reconstruction économiques des pays d'Europe centrale et orientale quis'engagent à respecter et mettent en pratique les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de

    l'économie de marché, de favoriser la transition de leurs économies vers des économies de marché, et d'y promouvoir l'initiative privée et l'esprit d'entreprise. L'objet de la Banque peut également être mis en oeuvre en Mongolie sous les mêmes conditions. En conséquence, toute référence dans le présent Accord et dans ses annexes aux « pays d'Europe centrale et orientale », à un ou plusieurs « pays bénéficiaires » ou aux « pays membres bénéficiaires » s'applique également à la Mongolie ».

    2 Les pays mettant en oeuvre les principes de l'initiative et qui sont dans sa zone d'action sont : l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizstan et la Mongolie

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 107 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    b) Le soutien du groupe de la Banque Européenne d'Investissement à l'EITI

    La deuxième banque d'Europe qui soutient l'initiative est la Banque Européenne d'Investissement (BEI). C'est une institution dont l'engagement y est à la fois global et régional. Global parce qu'elle mène des activités dans le monde entier et donc, peut avoir une influence effective dans tous les pays dans lesquels elle finance des projets de développement. Ensuite régional parce qu'elle est active dans plusieurs régions du globe où elle peut donc peser de tout son poids dans l'adoption des principes EITI par les Etats qui sollicitent son appui.

    Le groupe BEI est l'organisation financière de l'Union européenne. Il est constitué par la BEI, qui octroie des prêts directs ou indirects et le FEI (Fonds Européen d'Investissement) qui aide les entreprises innovantes par des activités de capital-risque ou de garanties. Ils agissent dans le but de favoriser la réalisation des objectifs fondamentaux et prioritaires de l'Union européenne. Et donc, sont en quelque sorte la composante financière de l'UE dont ils appliquent les normes.

    Ayant fait le constat des conséquences d'une gestion médiocre des affaires publiques par l'impact de la corruption et l'absence de transparence, le groupe de la BEI qui oeuvre à la poursuite de l'éradication de la pauvreté en tant qu'objectif premier du millénaire pour le développement, soutient l'initiative qui vise à donner corps à la transparence. Ainsi, en rejoignant la liste des organisations qui soutiennent EITI en 2008, il s'est engagé à appuyer les travaux de l'initiative dans les pays riches en ressources extractives dans lesquels il intervient. De plus, il promeut l'initiative dans le cadre de ses relations avec les Etats et les autorités nationales en les encourageant à adopter les principes de l'initiative. Enfin, il soutient les activités du secrétariat international EITI qui est basé à Oslo. La BEI s'est engagée à promouvoir un niveau élevé de transparence et la bonne gouvernance dans le cadre de tous les projets qu'elle finance. En soutenant les objectifs de l'EITI, elle réaffirme la déclaration sur la promotion de la gouvernance d'entreprise qu'elle a signée avec d'autres institutions de financement du développement, et confirme l'orientation de sa politique dans le domaine de la lutte contre la fraude et la corruption.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Encadré : A propos du soutien de la BEI à l'Initiative de Transparence des Industries Extractives

    Des industries extractives correctement gérées peuvent apporter une contribution significative au développement économique et à la création d'emplois. La BEI est convaincue qu'une meilleure transparence et une plus grande responsabilité dans les industries extractives constituent des éléments essentiels pour renforcer le développement économique, réduire la pauvreté et assurer une plus grande stabilité politique dans les pays riches en ressources naturelles... La BEI apportera son soutien au travail de l'ITIE dans les pays riches en ressources dans lesquels la banque est présente, en travaillant avec ses sponsors de projet pour introduire une plus grande transparence et cohérence dans la déclaration de l'information financière au niveau du projet. En même temps, la BEI promouvra l'initiative grâce à ses contacts avec les gouvernements et les autorités nationales et encouragera ces derniers à adopter les principes de l'ITIE quant à la déclaration de l'information financière et à la publication des revenus issus des industries extractives. La BEI soutiendra aussi activement le travail du Secrétariat ITIE International dont le siège se trouve à Oslo.

    BANQUE EUROPÉENNE D'INVESTISSEMENT

     

    En plus de ces institutions intergouvernementales européennes au sein desquelles les Etats font la démonstration de la pertinence de leur actorat, il y a les institutions de Bretton Woods qui relèvent aussi dans notre taxonomie des regroupements du monde développé.

    2. Les institutions de Bretton Woods et la transparence des industries extractives

    L'engagement de l'Etat dans l'initiative se lit également au travers des institutions de Bretton Woods. Organismes intergouvernementaux ayant vu le jour lors de la conférence tenue près de Washington en 1944, le Fonds Monétaire International et le Groupe de la Banque Mondiale poursuivent des objectifs de développement dans le monde. Leur appui à la transparence dans les industries extractives n'épouse pas le même schéma, autrement dit leur parenté s'arrête à la lisière de la communauté de leur sociogenèse.

    a) L'initiative de transparence des industries extractives dans la politique de transparence du Fonds Monétaire International

    L'antériorité du FMI par rapport à l'initiative n'est pas uniquement de l'ordre du surgissement historique mais également dans le domaine des initiatives de promotion de la transparence même si ces dernières sont de portée plus générale.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Fondé pour prévenir le retour aux politiques économiques désastreuses qui ont conduit à la grande dépression des années 1930, le FMI est une institution regroupant 185 Etats membres avec environ 2635 employés originaires de 143 pays différents1. De nos jours, il a pour objectif de promouvoir la coopération monétaire internationale, de faciliter l'expansion et la croissance équilibrée du commerce mondial, de promouvoir la stabilité des changes et de mettre ses ressources à la disposition des pays confrontés à des difficultés de balance de paiement2.

    Le FMI entretient avec les pays riches en ressources naturelles un dialogue autour des défis macroéconomiques auxquels ils font face, à savoir la volatilité des prix internationaux et la vulnérabilité fiscale que cela comporte ; le syndrome hollandais ; l'équité intergénérationnelle etc...Elle renforce aussi les institutions publiques car la faiblesse de celles-ci entraîne une mauvaise gouvernance qui à son tour explique largement l'absence de croissance. Pour tous ces défis, la transparence semble être la panacée.

    Le fonds a développé des instruments pour la promotion de la transparence dans la gestion des économies en général notamment, un standard pour améliorer la disponibilité des statistiques compréhensibles et up-to-date, des codes et manuels d'accompagnement sur la politique de transparence des politiques monétaires, fiscales et financières. A cet ensemble, vient s'ajouter un guide sur la transparence des revenus des ressources naturelles. C'est dans la lignée de ce guide que se situe l'engagement du fonds à EITI. En effet, ce guide est un espace réduit d'un cadre plus large, le code de bonnes pratiques sur la transparence fiscale adopté en 2005. Le guide sur la transparence des revenus des ressources vise l'implémentation du code des bonnes pratiques sur la transparence fiscale mais uniquement dans les pays dotés de ressources naturelles qui font face aux problèmes de gestion de leurs revenus. C'est précisément ce secteur que cible EITI c'est pourquoi le Fonds considère que l'approche de l'initiative est complémentaire de la sienne. Ainsi, le 17 mars 2005, M. Takatoshi Kato directeur adjoint du FMI a déclaré le soutien du Fonds à l'initiative lors de la conférence internationale de Londres.

    1 D'après le site du FMI www.imf.org visité le 23 mars 2009.

    2 C'est ainsi que, les difficultés de la crise financière qui est née aux USA en été 2007 laissant présager des mauvaises années pour les pays pauvres, M. Dominique Strauss-Kahn directeur du FMI a obtenu du sommet du G-20 tenu à Londres du 1er au 2 avril 2009 que les Etats développés versent 1100 milliards de dollars US à l'institution dont il a la charge afin de soutenir les économies fragiles qui seront davantage fragilisées par cette crise.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Le guide sur la transparence en tant qu'espace structurel de soutien du Fonds à l'initiative, s'appuie sur une définition de la transparence qui prend en compte quatre variables. Selon ce guide, la transparence s'articule autour de :

    · La clarté des rôles et des responsabilités

    · La publicité des informations relatives aux finances

    · L'ouverture de la préparation, de l'exécution et des rapports des budgets

    · L'assurance de l'intégrité.

    Parmi ces quatre critères, le second à savoir la publication des informations relatives aux finances est le cadre dans lequel s'enchâsse le soutien du Fonds à l'initiative. C'est pourquoi le FMI encourage les pays à prendre part à l'initiative, encourage les pays candidats dans leur implémentation des principes EITI. A un niveau plus global, le FMI travaille en collaboration avec le DFID et la Banque Mondiale pour étendre la liste des candidats à l'initiative.

    b) Le groupe de la Banque Mondiale et l'initiative de transparence des industries extractives

    Le Groupe de la Banque Mondiale est une des organisations intergouvernementales les plus importantes de la transparence des industries extractives, de par le rôle qu'il joue dans l'initiative mais également pour son implication dans les projets d'exploitation des industries extractives qu'il veut transparentes depuis que les organisations de la société civile sont entrées en croisade contre son soutien à des régimes autoritaires et à des projets dévastateurs de l'environnement1. Le caractère intergouvernemental ne souffre plus d'aucun doute puisque ce groupe composé de cinq organismes, est largement représentatif des nationalités du monde dans leur pluralité et leur diversité2.

    1 Voir par exemple: Pegg S. « Poverty reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003; Oxfam international, BIC, Campagna per la riforma della banca mondiale «The World Bank group's mining operations; Tarnished gold: Mining and the unmet promise of development», September 2006; Gary I. & Karl T.L. « Bottom of barrel: African oil boom and the poor »CRS: rapport de Juin 2003.

    2 En effet, le groupe de la Banque Mondiale est composé de la BIRD (Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement) qui a 185 pays membres, la SFI (Société Financière Internationale) avec 181 Etats membres, de l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI) qui dispose de 173 Etats membres, du Centre International de Règlement des Différents relatifs aux investissements (CIRDI) qui a 143 pays membres et de l'IDA avec ses 168 membres. Voir le site www.worldbank.org.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 111 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    En plus d'être un acteur déterminant dans les projets d'exploitation des industries extractives par le biais de la SFI qui finance directement certains projets dans le monde1, le groupe BM possède une expérience dans les efforts de transparence dans ce secteur d'activité, notamment avec la Revue des Industries Extractives et son implication dans le projet pétrole TchadCameroun2.

    Le lancement en juillet 2001 de la Revue des Industries Extractives par le groupe de la banque mondiale était la réalisation d'une promesse de M. James Wolfensohn faite aux organisations de la société civile. En effet, lors de l'assemblée générale de la BM tenue à Prague en juin 2000, les OSC ont exprimé leurs doutes quant à la possibilité pour la BM de lutter efficacement contre la pauvreté avec sa participation dans les projets d'exploitation des industries extractives. Il leur promit donc de réétudier le rôle de la banque. La problématique du développement durable fut au centre de cette revue qui devait réunir dans une triangulaire composée des Etats, des industries extractives et des organisations de la société civile autour de la question du développement par le biais de l'exploitation minière, gazière et pétrolière. La Revue posa donc l'impératif du développement durable comme objectif à atteindre, à trois conditions principales :

    · Observer une gouvernance publique et industrielle favorable aux pauvres, incluant une planification et une gestion proactives destinées à optimiser la réduction de la pauvreté grâce au développement durable ;

    · Conduire des politiques sociales et environnementales beaucoup plus efficaces ; et

    · Promouvoir le respect des droits de l'Homme.

    1 Le premier investissement de la SFI en Afrique a été approuvé en 1960 sous forme d'un prêt de 2,8 millions de dollar en Tanzanie. De 1992 à 1999, elle a approuvé 33 projets en Afrique pour plus de 660 millions de dollar dans les industries extractives. Considérant la décennie 1990-2000, les principaux pays récipiendaires des financements de la Banque pour les industries extractives étaient: le Cameroun (534 millions de dollar), le Tchad (491 millions USD), la Tanzanie (402 millions USD), le Nigeria (391 millions USD), la Zambie (391 millions USD), la Côte d'Ivoire (199 millions USD) et le Mali (108 millions USD) soit un total de 2.625 millions USD. En juillet 2006, la Banque a accordé un prêt de 125 millions de dollars à Newmont Mining Corporation pour extraire de l'or à Ahafo à 300km d'Accra au Ghana. La même compagnie a reçu en 1993, 100 millions de dollar de la Banque pour l'exploitation de la mine de Cajamarca au Pérou. Au Kyrgystan ; Kumtor Gold Mine a reçu en 1998, 40millions de dollar de la Banque Mondiale. Voilà quelques projets financés par la BM au travers de la SFI. Voir Pegg S. « Poverty reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003.

    2 L'on peut également évoquer son implication dans la construction de l'oléoduc Bakou-Tbilisi-Ceylan pour lequel la SFI a déboursé 125 millions de dollars US mais en raison du défi de la transparence que posait le projet Tchad-Cameroun, défi rappelé par les organisations de la société civile tant quant à l'impact sur le développement que sur l'environnement, nous faisons le choix de n'évoquer que ce dernier.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    D'après ce document du groupe de la Banque mondiale produit par M. Emil Salim, une gouvernance publique favorable aux pauvres passe par :

    · La promotion de la transparence des flux de revenus ;

    · La promotion de la divulgation des documents liés aux projets ;

    · Le développement de la capacité à gérer la fluctuation des revenus ;

    · Le développement de la capacité à gérer les revenus de manière responsable ;

    · L'aide aux gouvernements pour l'élaboration des cadres réglementaires et politiques modernes ; et

    · L'intégration du public dans les processus décisionnels tant au niveau local que national.

    Toutefois, même si la Revue des Industries Extractives a le mérite d'avoir rapproché la politique de la BM en principe des Objectifs du Millénaire pour le Développement et l'esprit du consensus de Monterrey1, les projets financés par la banque n'ont fait l'objet d'une implémentation de la transparence telle que voulue par les OSI que dans le cadre de l'EITI2 ce, pour ceux qui sont localisés dans les pays candidats à l'initiative. Aussi, lorsque Tony Blair lance l'initiative en 2002, la Banque Mondiale possède déjà les éléments nécessaires pour son implémentation et se trouve donc au centre du dispositif en tant que pourvoyeur de fonds dans les grands projets des industries extractives.

    Le 9 décembre 2003, l'année même du démarrage effectif de l'initiative, la Banque Mondiale annonce par son chef du département pétrole, mine et gaz M. Rashad Kaldany qu'elle lui accorde son soutien total. Il déclarait à cette occasion:

    «We believe this step will both underscore and expand the leadership role that the Bank Group has had in fostering transparency, ensuring accountability, and contributing to sustainable development impact... We have gained more experience in working with companies and governments on these issues, most recently through the BTC pipeline. New

    1 Le consensus de Monterrey a été signé à l'issue de la conférence des Nations Unies pour le financement du développement tenue du 18 au 22 mars 2002 à Monterrey au Mexique. Les Etats du système des Nations Unies ont trouvé un consensus autour de six actions prioritaires à savoir : la mobilisation des financements internes pour le développement, la mobilisation des financements étrangers pour le développement, une augmentation de l'usage du financement et de l'expertise internationaux pour le développement, le commerce international comme moteur du développement, l'amélioration de la cohérence et de la consistance des systèmes financiers, monétaires et commerciaux internationaux dans le soutien au développement et la question de la dette extérieure.

    2 Il faut d'ailleurs signaler que le cas tchadien est révélateur d'une situation ambiguë. Lorsque le 9 septembre 2008 la BM annonce son retrait du projet d'oléoduc Tchad-Cameroun, cela fait suite au remboursement par le gouvernement tchadien de la totalité de sa dette.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 113 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    research in this area has created more momentum in the international community to focus on these issues...And the Extractive Industries Review, which is now winding down under the leadership of Dr. Emil Salim, has very clearly signaled that this is, and will be, a high-priority issue for our stakeholders in civil society... This is the next evolutionary step in our role as a neutral broker on these complex issues and we are prepared to make a long-term commitment» (nous pensons que cette étape va en même temps sous-influencer et étendre le rôle du groupe dans l'encouragement de la transparence, assurant la responsabilité et contribuant à un développement durable...Nous avons gagné plus d'expérience en travaillant avec les compagnies et les gouvernements sur ces questions, plus recemment encore lors de la construction du pipeline reliant Bakou, Tbilisi et Ceylan. Une nouvelle recherche dans ce domaine a crée plus d'élan au sein de la communauté internationale qui se penche sur ces questions. Et la revue des industries extractives qui sous la conduite du Dr Emil Salim tire à sa fin, a très clairement signalé que cela est et sera une question de haute priorité pour nos parties prenantes de la société civile...Ceci est la prochaine étape dans notre rôle en tant que courtier neutre dans ces questions complexes et nous sommes préparés pour un engagement à long terme).

    Le rôle qu'elle joue dans les projets d'exploitation des industries extractives la place en position privilégiée pour rassembler les Etats et les compagnies autour de cette initiative. En effet, elle est avec le FMI un bailleur de fonds incontournable pour nombre de pays riches en ressources extractives. De plus, les compagnies engagées dans de grands projets d'extraction aiment solliciter son capital non pas par carence de moyens, mais pour s'offrir ainsi une assurance tout-risque contre les aléas des zones de faible gouvernance. Comme le déclarait Miles Shaw à Luc Lamprière en 2001 au sujet du projet d'oléoduc Tchad-Cameroun :

    « Nous avons recherché la participation de la Banque mondiale dans le contexte des risques politiques : le rôle de la Banque constituait une part de l'effort pour minimiser les risques politiques. Nous pouvons accepter le risque économique mais l'expertise de la Banque et ses relations avec le gouvernement endossent le risque politique. Le gouvernement tchadien a déclaré vouloir participer financièrement à la TOTCO. Pour cela il a besoin de l'argent de la Banque. Et cela n'allait qu'avec certaines conditions1 ».

    1 Luc Lamprière est journaliste et Miles Shaw était en 2001 un porte-parole de ExxonMobil. Cette déclaration est citée dans Martin Petry & Naygotimti Bambé (2005) Le pétrole du Tchad : rêve ou cauchemar pour les populations ? Paris : Karthala, p.33-34.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 114 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    La Banque se trouve donc à la tête du Multi Donor Trust Fund qui est l'organe centralisateur des financements de l'initiative. Elle est omniprésente dans le processus de mise en oeuvre de l'initiative qu'elle soutient aux niveaux global et régional. Cet intérêt de la Banque s'explique par la concordance de l'initiative avec sa stratégie globale de lutte pour la gouvernance et contre la corruption. Programme qui a d'ailleurs évolué, passant d'un désintérêt vis-à-vis la chose politique à une compréhension du caractère inséparable des sphères économiques et politiques1. Aussi, le soutien de la Banque mondiale à l'initiative entend-il s'étendre à d'autres ressources naturelles, c'est le sens de l'initiative renforcée pour la transparence des industries extractives (EITI++) lancée le 12 avril 2008 par M. Robert Zoellick président du groupe de la Banque mondiale. Il s'agit de compléter le processus EITI qui s'arrête à la déclaration et à la publication de recettes et des paiements des revenus des industries extractives, en prêtant attention à l'ensemble du processus d'utilisation des revenus mais cette fois-ci, de toutes les ressources naturelles dont disposent les pays africains au sud du Sahara2.

    En somme, la Banque mondiale est un partenaire privilégié de l'initiative dont elle soutient presque tous les niveaux de la mise en oeuvre, en collaborant avec la totalité des pays candidats mais aussi dans le cadre de l'administration du MDTF et aux côtés du secrétariat international.

    Si la modalité économique est centrale dans le processus de mise en oeuvre de l'initiative, au travers des institutions intergouvernementales qui sont engagées dans la mise en oeuvre de l'ITIE, force est de noter que le politique n'est pas en reste. La pertinence de l'actorité de l'Etat au travers des regroupements intergouvernementaux est également validée par les organisations internationales de type politique.

    1 En effet, en 1992 dans son rapport intitulé « Governance and development », la Banque mondiale esquivait la question de la forme particulière que devait prendre un régime politique dans le cadre de la bonne gouvernance, arguant que cette question se situait « hors du mandat de la banque ». Dans le rapport de 1997 « l'Etat dans un monde en développement », la Banque mondiale a effectué une volte-face en intégrant la forme des régimes politiques car entre temps, le PPTE qui vit le jour en septembre 1996 comportait une conditionnalité des reformes institutionnelles.

    2 A l'origine EITI++ est destinée à cette région du monde. Elle reçoit dès l'annonce de son lancement, le soutien du président de la BAD, du ministre mauritanien du Pétrole et des Mines, Mohamed El Moktar Ould Mohamed El Hacen, de la Commission de l'Union africaine, en la personne de son vice-président, Erastus Mwencha, et de Ousmane Doré, ministre guinéen de l'Économie, des Finances et du Plan.

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    Paragraphe II : Les organisations internationales politiques et la transparence des industrie extractives

    Classées en deux types de façon arbitraire, ces organisations sont engagées dans la mise en oeuvre de l'initiative tant sur le plan régional que sur le plan global. C'est la seule considération qui justifie leur catégorisation en un espace qui privilégie l'affect intrahémisphérique au sud (A) et une assistance des regroupements globaux (B).

    A. L'affect intra-hémisphérique au sud et le soutien à la transparence des industries extractives

    L'Union africaine et l'Organisation Internationale de la Francophonie sont les socles de la démonstration de la pertinence de l'Etat dans l'initiative à travers les organisations intergouvernementales du sud.

    1. L'Union Africaine et la transparence des industries extractives : un soutien timide

    Parmi les regroupements intergouvernementaux qui ont annoncé leur soutien à l'initiative, l'Union Africaine est particulière en raison du nombre de pays de son espace qui implémentent les principes EITI, et de la superficialité de son soutien. En effet, avec plus de quinze pays dans l'initiative, l'Union n'a pas manifesté collectivement un grand engouement quant au soutien de l'initiative et malgré les engagements contenus dans plusieurs textes de base de l'Union, et qui rattachent le développement durable à la bonne gouvernance. Peut-être cela est-il dû à la crainte que suscite l'initiative par rapport à la souveraineté des Etats dont le respect est l'un des principes fondateurs de l'Union. L'explication peut également résider dans l'esprit de l'article 21 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui dit : « Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles ; ce droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé1».

    En réalité, l'argument de la superficialité du soutien de l'Union africaine se fonde sur un certain nombre de faits. Pendant que l'Acte constitutif de l'Union ratifié par 53 pays africains fixe au nombre de ses objectifs la promotion des principes et des institutions démocratiques,

    1 Voir la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples adoptée en juin 1981 à Nairobi dans le site www.union-africaine.org/

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    la participation populaire et la bonne gouvernance1, alors que le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme, de l'état de droit et de la bonne gouvernance figure en bonne place dans l'Acte2, la Commission de l'Union Africaine n'a accordé à l'initiative qu'un soutien partagé, au sein d'un partenariat stratégique avec la Commission Européenne. En effet, aucune déclaration commune à l'issue d'un sommet ne porte comme cela a été le cas pour les communiqués finaux des sommets du G83, une invitation des pays à adhérer et à soutenir l'initiative4. La généralité des appels à soutenir un développement durable par la bonne gouvernance est-elle le signe de la prudence diplomatique qui évite de blesser les susceptibilités ? Toutefois, l'on notera que quoique timidement, l'Union a déclaré soutenir l'initiative en partenariat avec l'Union européenne, dans le cadre d'un ambitieux plan de relance du secteur de l'énergie lors d'une réunion tenue à Bruxelles le 8 septembre 2008. Il faut espérer que l'adhésion individuelle des pays africains à l'initiative porte un jour au sein de la Commission une majorité suffisante pour qu'un soutien franc et massif soit apporté à l'adhésion aux principes de EITI.

    2. La Francophonie ou l'unité linguistique au service du développement durable

    C'est sous l'impulsion de Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Habib Bourguiba de Tunisie, Hamani Diori du Niger et du Prince Norodom Sihanouk du Cambodge, que les représentants de 21 Etats et gouvernements ont signé à Niamey, le 20 mars 1970, la Convention portant création de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT)5. C'est bien plus tard que la France va récupérer le projet de ces chefs d'Etats qui voulaient par cette organisation fondée sur le socle linguistique, contrer l'influence anglosaxone au sein de l'OUA. Par la mue de ses institutions, l'ACCT devient l'Agence de la Francophonie en 1997

    1 Objectif (g) de l'article 3 de l'Acte constitutif relatif aux objectifs de l'Union Africaine

    2 Principe (m) de l'article 4 de l'Acte constitutif relatif aux principes de l'Union Africaine. Il faut même ajouter qu'il existe un Comité technique spécialisé chargé de l'industrie, de la science et de la technologie, de l'énergie, des ressources naturelles et de l'environnement (article 14 (d) de l'Acte constitutif de l'Union). Autant de choses qui laissent penser que l'Union devait accueillir avec enthousiasme l'initiative mais il n'en est rien. Peut-être la crainte de la perte de souveraineté de certains chefs d'Etats a eu raison de l'intérêt général qu'aurait pu promouvoir une certaine transparence dans la gestion des revenus des industries extractives.

    3 Depuis Evian, les sommets du G8 insistent systématiquement sur la nécessité pour les pays en voie de développement d'adhérer à EITI pour permettre par une gestion transparente des revenus des ressources du soussol, un décollage de leurs économies.

    4 Depuis la déclaration de Syrte en février 2004 c'est-à-dire l'année qui a suivi le lancement officiel de l'initiative par la première conférence de Londres, jusqu'à la déclaration d'Addis-Ababa faite lors de la douzième session ordinaire de février 2009, aucune ne fait mention à l'initiative de transparence des industries extractives à laquelle les pays seraient conviés à adhérer pour le développement du continent.

    5 Voir le site www.francophonie.org

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    après une révision de sa charte. En 1998 à Bucarest, la conférence ministérielle prenant acte
    de la décision du Conseil permanent de la Francophonie, adopte l'appellation de

    l' « Organisation Internationale de la Francophonie ».

    La déclaration de Hanoi de novembre 1997 commence à insister sur la nécessité de renforcer la dimension économique de la Francophonie. Elle exprime cette nécessité en ces termes :

    « Conscients de la nécessité de renforcer la dimension économique de la Francophonie pour que, de pair avec ses dimensions culturelle et politique, elle assure la pérennité de la Francophonie dans le monde d'aujourd'hui et de demain, et reconnaissant l'urgence de répondre au besoin de développement de nos peuples, comme l'indique le thème du Sommet de Hanoi : « Renforcement de la coopération et de la solidarité francophones pour la paix et le développement économique et social1 ».

    Lors du Xème sommet des chefs d'Etats et de gouvernements de la Francophonie tenu en novembre 2004 à Ouagadougou, les membres ont adopté les nouvelles missions stratégiques de l'organisation qui sont résumées dans l'article premier de la Charte de 2005 qui dit :

    « La Francophonie, consciente des liens que créent entre ses membres le partage de la langue française et des valeurs universelles, et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la coopération, de la solidarité et du développement durable, a pour objectifs d'aider : à l'instauration et au développement de la démocratie, à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et au soutien à l'État de droit et aux droits de l'Homme ; à l'intensification du dialogue des cultures et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs économies ; à la promotion de l'éducation et de la formation. Le Sommet peut assigner d'autres objectifs à la Francophonie ».

    Ainsi, les initiatives qui oeuvrent à l'atteinte des buts de développement contenus dans les objectifs du millénaire pour le développement, trouvent la sympathie de la Francophonie, surtout le développement durable qui s'appuie entre autre sur la gouvernance démocratique2.

    1 Paragraphe 3 de la déclaration de Hanoi de novembre 1997

    2 A ce sujet, le paragraphe 5 de la déclaration de Québec dit que les membres de l'organisation sont:
    « Convaincus de la nécessité d'oeuvrer conjointement, au sein d'un espace francophone solidaire, pour apporter,
    par des actions ciblées, une valeur ajoutée en faveur de la paix, de l'Etat de droit, de la coopération et du

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 118 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Elle s'est donc engagée à l'issue du sommet de Québec tenu du 17 au 19 octobre 2008, à promouvoir une meilleure gestion des ressources, en soutenant les efforts déployés par les institutions financières internationales pour élaborer des normes et codes susceptibles d'être adoptés par les pays membres ; à promouvoir la transparence, la responsabilité et la bonne gouvernance dans le secteur des industries d'extraction, notamment en vue de prendre en compte la dimension des « ressources naturelles » dans les conflits armés et les situations de sortie de crise ; à encourager à cet égard une adhésion plus large à l'Initiative pour la Transparence des Industries d'Extraction (ITIE) dont font déjà partie 14 pays appartenant à la Francophonie, notamment par l'appui aux candidatures des pays membres de la famille francophone 1».

    B. L'assistance politique des regroupements globaux pour des industries extractives transparentes

    Deux organisations nous semblent illustrer l'importance de l'actorité de l'Etat par son rôle au sein des organisations intergouvernementales, dans la mesure de leur engagement dans l'initiative.

    1. La transparence des industries extractives dans l'espace d'action de l'OCDE

    L'Organisation pour la Coopération et le Développement en Europe (OCDE) a annoncé son soutien à l'initiative dès 2003, lors de la première conférence internationale tenue à Londres. En mars 2005 lors de la seconde conférence, l'organisation était présente et à chaque occasion, elle réitérait la nécessité pour les deux institutions de coopérer en raison des similitudes noyées dans les objectifs poursuivis par elles. A l'occasion de la conférence internationale d'Oslo, M. Manfred Schekulin, directeur du comité des investissements de l'OCDE disait le 25 octobre 2006:

    «As Chair of the OECD Investment Committee, I would like to convey the Committee's continued strong support for the Extractive Industries Transparency Initiative's (EITI) efforts to improve governance in resource-rich countries... I would now like to call to your attention the recent adoption at a high political level (in the OECD Council) of two investment instruments that complement and reinforce EITI's aims» (en tant que directeur du comité d'investissement de l'OCDE, je voudrais conduire le soutien solide du comité aux efforts de

    développement durable » pour marquer sa conscience de l'impératif de soutenir ces aspects de la vie sociale comme gage d'une réussite de la Francophonie.

    1 Paragraphes 38, 39 et 40 de la déclaration de Québec du 19 octobre 2008.

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    l'initiative de transparence des industries extractives pour l'amélioration de la gouvernance dans les pays riches en ressources...Je voudrais à présent attirer votre attention sur la récente adpotion à un niveau élévé (le conseil de l'OCDE), de deux instruments d'investissement qui complètent et renforcent les objectifs de EITI).

    En effet, le soutien que l'OCDE accorde à l'initiative se fait dans le cadre de deux outils qu'il a mis sur pied dans le but d'améliorer la gouvernance dans les pays de son giron d'action. Il s'agit du Policy framework for investment et de l'OECD risk awareness tool for multinational enterprises in weak governance zone. Ces deux instruments sont développés dans le cadre du comité des investissements de l'OCDE qui est l'interlocuteur direct de l'initiative dans cette organisation. L'un des instruments est destiné aux Etats qui recherchent des investissements pour leur développement (a) et l'autre est au service des entreprises qui souhaitent investir dans certains pays (b).

    a) Le Cadre d'Action pour l'Investissement1

    Le cadre d'action pour l'investissement est un élément de l'initiative pour un investissement au service du développement lancée à Johannesburg en novembre 2003. Il a été adopté en mai 2006 par le conseil de l'OCDE qui est l'organe suprême de l'institution. Il est bâti autour de dix points qui sont : La politique d'investissement, la promotion et facilitation de l'investissement, la politique commerciale, la politique de la concurrence, la politique fiscale, le gouvernement d'entreprise, les politiques en faveur d'un comportement responsable des entreprises, la mise en valeur des ressources humaines, le développement des infrastructures et du secteur financier et la gouvernance publique.

    Parmi ces dix points, le dernier à savoir la « gouvernance publique » est intimement lié à la transparence que promeut l'EITI. C'est là la zone de congruence entre le cadre d'action pour les investissements et l'initiative. Ce point se décline en neuf questions dont l'avant dernière s'interroge sur l'existence par le fait du gouvernement, des mécanismes d'examen pour évaluer l'application des lois et règlements relatifs à la lutte contre la corruption et l'intégrité. L'ultime question de ce point est ainsi libellé : « Le gouvernement est-il partie à des initiatives internationales visant à lutter contre la corruption et à améliorer l'intégrité du secteur public ? Quels mécanismes sont mis en place pour assurer l'application efficace et en

    1 D'après le texte original en anglais, il est appelé OECD Policy Framework for Investment

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 120 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    temps voulu des conventions de lutte contre la corruption ? Ces mécanismes contrôlent-ils l'application et l'exécution des lois anti-corruption mettant en oeuvre les conventions ? ». Il semblerait que l'initiative qui est en réalité un microcosme dans le macrocosme de la lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance, trouve l'espace de son émulation dans ce dixième point du cadre d'action pour l'investissement.

    b) L'outil de sensibilisation au risque de l'OCDE destiné aux entreprises multinationales opérant dans les zones à déficit de gouvernance1

    Le second instrument de l'OCDE qui offre un espace de congruence avec l'initiative est l'outil de sensibilisation au risque. Destiné aux entreprises multinationales qui veulent investir, cet outil s'intéresse aux risques et aux dilemmes éthiques auxquels font face les entreprises dans les pays à déficit de gouvernance2. Il a été développé dans le cadre du suivi des investissements de l'OCDE par le Comité des investissements en collaboration avec d'autres corps de l'OCDE3. Après une large consultation qui a abouti à la collecte de 64 contributions, l'outil a été adopté le 8 juin 2006 lors d'un conseil de l'OCDE, conformément à la recommandation du communiqué final du sommet du G-8 tenue à Gleeneagles en 20054 qui demandait que l'OCDE développât un guide à l'usage des multinationales opérant dans des zones à faible gouvernance. L'idée que soutient cet instrument est que les problèmes de développement ne peuvent être résolus qu'avec le concours des populations et des dirigeants des zones concernées, car ils sont mieux à même d'implémenter les reformes qui s'imposent pour leur développement.

    Cet instrument propose sept questions que doivent se poser les entreprises quand elles veulent investir dans un pays. Elles vont de l'obéissance aux lois et l'observance des instruments internationaux au rôle des affaires dans les sociétés à faible gouvernance, en passant par la connaissance des partenaires et clients dans les affaires, les activités politiques et la possibilité de s'exprimer sur les mauvaises pratiques.

    1 En anglais OECD Risk Awareness Tool for Multinational Enterprises in Weak Governance Zone

    2 Appelées « weak governance zone » dans le document elles sont définies comme: « Investment environment in which government cannot or will not assure their roles in protecting rights, providing basic public services and ensuring that public sector management is effective ». Page 11 de l'OECD Risk Awareness Tool for Multinational Enterprises in Weak Governance Zones

    3 Notamment le groupe de travail sur la corruption dans les transactions internationales d'affaire, le réseau du comité de développement de l'assistance sur les conflits, la coopération sur la paix et le développement et le comité de la gouvernance publique en plus des ONG.

    4 Voir le communiqué final du sommet de Gleeneagles, au paragraphe 10C consacré à l'Afrique.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 121 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Les entreprises sont vivement conviées à rejoindre dans le cadre du premier point, des initiatives telles que l'EITI pour favoriser par leur engagement, la lutte contre la corruption dans les secteurs comme les industries extractives. Par ailleurs, l'outil s'assure que les entreprises collaborent avec d'autres entreprises et les gouvernements, dans l'optique de publier les rapports fiables et transparents de leurs activités. Surtout, les informations relatives à leurs activités et aux taxes diverses qu'elles versent aux gouvernements hôtes. Le rôle des entreprises dans le défi du développement dans les zones à faible gouvernance est capital dans l'élargissement des partenaires au développement, à l'image de EITI qui s'ouvre à la société civile pour créer un espace de concertation, le septième point qui s'articule autour du rôle des affaires dans les sociétés à déficit de gouvernance insiste sur la nécessité des entreprises de s'interroger sur l'implication des autres secteurs de la société dans la problématique du développement.

    2. Les objectifs de développements des Nations Unies et la transparence des industries extractives

    Les Nations Unies sont l'architecte du cadre global qui sert de substrat à la transparence des industries extractives. Leur soutien à l'initiative relève donc de l'automaticité. La déclaration du Millénaire qui est la matrice des Objectifs du Millénaire pour le Développement a été présentée comme un tournant dans l'existence des Nations Unies en raison des buts qu'elle fixait pour l'humanité. Mais, cette déclaration a également le mérite d'avoir accouché d'un esprit propice au développement, qui a fixé des objectifs quantifiables et comportant un délai dans le temps1. La poursuite des huit objectifs1 fixés par les Nations Unies comme buts à

    1 C'est un mérite que ne manque pas de souligner le secrétaire général Kofi Annan dans le rapport 2005 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement quand il dit dans l'avant-propos: « En quoi les Objectifs du Millénaire sont-ils si différents? Ils ont quatre particularités. En premier lieu, ils sont axés sur l'homme, ils ont des délais précis et ils sont quantifiables. En deuxième lieu, ils supposent la formation d'un partenariat mondial et ne cachent pas le fait que les pays en développement doivent balayer devant leur propre porte et les pays développés les y aider. En troisième lieu, ils jouissent d'un soutien politique inédit, ils sont acceptés au plus haut niveau dans les pays développés, les pays en développement, la société civile et les grands organismes de développement. En quatrième lieu, ils sont réalisables. L'année 2005 est capitale pour la réalisation des Objectifs du Millénaire. En septembre, c'est-à-dire cinq ans après l'adoption de la Déclaration du Millénaire et 10 ans avant l'échéance des délais, les dirigeants du monde entier se réuniront à l'ONU, à New York, pour voir comment les promesses ont été accomplies et décider de ce qu'il faudra encore entreprendre. Sous beaucoup d'aspects, le travail de 2005 sera beaucoup plus difficile qu'en 2000 : il ne s'agira plus de fixer des objectifs, mais de décider des moyens de les atteindre ». L'on peut penser effectivement qu'il s'agit là d'un tournant décisif de l'ONU dont les buts et principes tels qu'énumérés dans la Charte ne font guère mention du développement durable. Mais la conscience des menaces à la paix et à la sécurité que comporte la pauvreté et l'inégale répartition des ressources qui sont le fait de la corruption et de la gestion catastrophique des revenus des ressources naturelles, a entraîné ce virage qui prend en compte les objectifs de développement en vue

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    atteindre avant 2015 a justifié le lancement de moult initiatives sous la férule de l'ONU, cherchant la formule appropriée pour que décollent enfin les économies attardées du globe. A Monterrey, l'ONU a réuni les chefs d'Etats et de gouvernements pour financer le développement, comme l'indique le rapport final de la conférence :

    «We the heads of State and Government, gathered in Monterrey, Mexico, on 21 and 22 March 2002, have resolved to address the challenges of financing for development around the world, particularly in developing countries. Our goal is to eradicate poverty, achieve sustained economic growth and promote sustainable development as we advance to a fully inclusive and equitable global economic system» (nous chefs d'Etats et de gouvernements reunis à Monterrey au Mexique, le 21 et 22 mars 2002, avons resolu de nous pencher sur les défis du financement du développement dans le monde, particulièrement dans les pays en développement. Notre but est d'éradiquer la pauvreté, de réaliser une croissance économique durable et de promouvoir un développement durable alors que nous avançons vers un sytème économique mondial totalement inclusif et équitable).

    L'on peut penser que cette quête de développement par les Nations Unies est également au principe de l'ajout d'un dixième point au Pacte Global qu'elles ont initié en 1999 et qui a été lancé dans sa phase opérationnelle le 26 juillet 2000. En effet, depuis le 24 juin 2004, le Pacte Mondial compte un dixième principe relatif à la lutte contre la corruption. C'est tout naturellement donc que les Nations Unies se sont engagées à soutenir l'EITI qu'elles ont presque engendrée. En effet, dès le 21 décembre 19522, l'ONU s'est inscrite dans la logique de la défense du droit des peuples à exploiter librement leurs ressources naturelles, conformément à l'article 1 alinéa 2 de la Charte qui énonce comme but de l'Organisation inter alia, de développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples à disposer d'eux-mêmes. Principe réitéré dans la résolution 1314/XIII qui fait des recommandations concernant le respect sur le plan international du droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes.

    d'assurer la paix, la sécurité, la coopération internationale et les relations amicales entre les nations, fondées sur le respect de l'égalité et de la souveraineté des peuples.

    1 Il s'agit par ordre et selon les Nations Unies, d'éliminer l'extrême pauvreté et la faim, d'assurer l'éducation primaire pour tous, de promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, de réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans, d'améliorer la santé maternelle, de combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies, d'assurer un environnement durable et enfin, de mettre en place un partenariat mondial pour le développement

    2 Voir la résolution 626/VII de l'Assemblée générale du 21 décembre 1952 mais également les résolutions 1515/XV du 15 décembre 1960 et surtout la résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1962 sur la «Souveraineté permanente sur les ressources naturelles».

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 123 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Le droit des peuples à exploiter librement leurs ressources naturelles s'est souvent heurté à la corruption entre autres écueils aussi, l'adoption en 2003 par les Nations Unies d'une Convention contre la corruption1 et leur engagement au sein de l'initiative s'est traduit par une résolution de l'Assemblée générale votée le 11 septembre 2008 à l'unanimité. Cette résolution introduite par une vingtaine de pays2, appelle les pays membres des Nations Unies à adopter et à implémenter la transparence notamment dans les industries, comme elle est déjà mise en oeuvre dans les industries extractives. Les Nations Unies continuent ainsi dans leur lutte contre la pauvreté comme modalité déterminante pour la paix et la stabilité, de soutenir ou d'initier des espaces pour la gouvernance et la lutte contre la corruption dans le monde.

    D'une façon générale, le soutien des organisations intergouvernementales à EITI a des incidences sur la souveraineté des Etats d'accueil. Il démontre l'ambiguïté et l'équivoque que soulève Badie à propos du multilatéralisme et de la régionalisation3. Lorsque l'Etat qui reçoit le soutien est membre de l'organisation qui soutient EITI, il rentabilise son appartenance à cette organisation, tout en oeuvrant à conserver sa souveraineté. De l'autre côté, l'organisation de par son implication, va revendiquer un droit de regard sur l'usage des moyens alloués et donc, rendre relative la souveraineté de l'Etat d'accueil. Quand l'Etat qui reçoit le soutien n'appartient pas à l'organisation, comme par exemple les Etats africains qui ne font pas partie de l'OCDE, il s'agit d'un jeu équivoque dans lequel l'un tire les rentes de situation, et l'autre étend l'influence des Etats qui la constitue. Manifestement, le soutien des organisations intergouvernementales dramatise les logiques d'une intégration recherchée autour d'une valeur communément partagée, et la « réinvention de la puissance ». Autrement dit, cette irruption du social qui se traduit entre autre par les regroupements multilatéraux et régionaux, favorise la mise en valeur de la morale de la transparence. Mais, comme l'on est en présence d'une cohabitation de la puissance et de la morale, les organisations de type FMI, OIF et même les organisations régionales deviennent des espaces de recréation de la puissance où la souveraineté se donne à voir dans sa matité. D'où peut-être l'hésitation de l'UA qui est constitué d'Etats fiers de leurs souverainetés et donc, ne sauraient encourager une initiative

    1 Pour plus de détails, voir http://www.unodc.org/unodc/en/crime convention corruption.html.

    2 Il s'agit d'une résolution instiguée l'Azerbaïdjan et co-sponsorisée par l'Australie, la Belgique, le Canada, le Congo, la France, l'Allemagne, l'Irak, l'Italie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Liberia, la Moldavie, les Pays Bas, le Nigeria, la Norvège, le Pérou, la Sierra Leone, l'Espagne, le Timor-Leste, la Turquie, le Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande de Nord et le Yémen

    3 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. Chapitres 4 et 5. Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. Chapitre 6.

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    qui promeut l'érosion de leur essence. Deux réalités se dégagent en somme : le soutien des organisations intergouvernementales est le signe que la souveraineté est devenue responsable, car elle a le souci de la commodité de vie de l'autre proche ou lointain1. Et, les organisations intergouvernementales offrent le spectacle d'une réinvention de la puissance de l'Etat2.

    En conclusion, la complexification de la scène internationale3 est un fait avéré, démontré par la profusion des acteurs qu'implique le caractère complexe des problèmes. Cet état de fait est au principe du lamento que certains auteurs relevant du courant décliniste entonnent sur l'Etat. L'initiative de transparence des industries extractives constitue comme beaucoup d'autres initiatives lancées dans des secteurs aussi divers et variés que les forêts, l'éducation, le gender empowering, la santé etc... un espace où la multilatéralité induite par les politiques publiques en quête d'efficacité, peut comporter l'illusion du déclin de l'Etat. Il convient de ne pas perdre de vue l'objectif de ce chapitre. Il est la tribune du plaidoyer de la rémanence de l'Etat dans un contexte où la complexification des problèmes rend incontournable l'intégration des autres acteurs de la société dans la quête des solutions. Aussi, toute la problématique autour de la fin des souverainetés trouve-t-elle sa genèse dans cette excroissance des acteurs qui laisse penser à l'obsolescence d'un contrôle sur le territoire par l'Etat. Peut-être l'illusion est-elle entretenue par la fixation sur l'Etat providentiel et omniprésent qui dans sa logique de centralisation des polycentrismes, ou dans ses prérogatives évidentes en temps de guerre et dans la reconstruction post-guerre, de même que dans sa capacité de juguler les crises économiques, avait habitué la population à une présence totale. Alors que la crise économique et financière née aux Etats-Unis autour des subprimes et des hedge fund en été 2007 pourrait conduire à une célébration nostalgique de l'Etat-total comme seule solution, le paradoxe de la situation qui s'apparente au dilemme aronien4,

    1 Badie B. Un monde sans souveraineté, op. cit.

    2 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. pp. 163-179.

    3 James N. Rosenau relevait déjà cette complexité dès le début de la décennie 1990 lorsqu'il proposait le passage de la notion de relations internationales qu'il frappait d'obsolescence, à celle de « politique internationale ». Mais du fait des nouvelles structures et des nouveaux procédés, la complexité était telle qu'il est allé plus loin en formulant le concept de « politique post-internationale ». Rosenau N. James (1990) Turbulence in world politics: A theory of change and continuity. New Jersey: Princeton University Press.

    4 En effet, même si la réalité de la présence des autres acteurs dans l'espace international et la pertinence de leur action dans les Etats sont indiscutables, le monde qui fait face à une crise ne peut compter que sur l'Etat. C'est dire que pendant que les acteurs du marché et de la société civile espèrent le retrait de l'Etat, il est advenu une situation de dépression économique et financière qui nécessite l'action de l'Etat. Ce dilemme en soit constitue un revers aux thèses du déclinisme mais puisque tempus edad homo edacior, il serait peut-être prématuré de célébrer le sacre de l'Etat éternel comme solution à la première dépression du troisième millénaire et donc, comme une entité irremplaçable.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 125 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    conforte dans l'idée que l'Etat est encore un acteur pertinent dont le déclin a été prématurément annoncé.

    Seul ou engagé dans une mouvance communautaire, l'Etat se présente comme une entité incontournable pour la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives. Détenteur d'une autorité rendue relative sur un territoire lui même discuté par des acteurs privés, l'Etat cède ce qui lui reste d'autorité à l'initiative, il régule mieux, coordonne les opérations de transparence dans l'espace de son autorité. Lorsqu'il n'est qu'un soutien à la mise en oeuvre sur un Etat autre, il finance, soutient dans les instances intergouvernementales politiques et économiques les efforts de transparence. L'Etat demeure donc pertinent comme acteur sur la scène internationale.

    En empruntant au vocabulaire théâtral comme cela se fait depuis des décennies avec les termes tels que l'acteur et la scène, l'on peut pousser la logique théâtrale plus en avant en pensant que, de même que la scène dispose de deux côtés (côté Cour et côté Jardin), aussi vrai que le don d'ubiquité n'est pas de cet ordre, de même la scène internationale a autant de place pour l'Etat que pour d'autres acteurs. Chacun jouant un rôle, entrant en lien social avec les autres, en raison des enjeux qu'offre l'espace international. La cascade des autorités qui fait l'objet du chapitre suivant, ne consume pas la pertinence de l'Etat mais au contraire, elle valide l'hypothèse de la complexité qui est le signe de la relativité de la souveraineté qui, loin d'être rendue obsolète par cette excroissance d'acteurs, s'est transformée.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Chapitre 2 : Cascade d'autorités à l'ère de la politique mondiale : le positionnement
    marqué des firmes multinationales et des organisations non gouvernementales dans
    l'EITI.

    L'émergence d'une diplomatie parapublique a favorisé l'éclosion et l'émulation des acteurs privés dans l'arène internationale. La volonté d'aller au-delà de l'Etat ou de le transformer s'est traduite par une protubérance des acteurs privés transnationaux. Ainsi, la diplomatie parapublique désigne l'action internationale des acteurs privés mais qui n'est pas en rupture totale avec les intérêts de l'Etat. Il ne s'agit pas d'une diplomatie parallèle à celle de l'Etat qui donnerait naissance à ce que Anaïs Marin1, à la suite des auteurs tels que Panayotis Soldatos2 appelle la « paradiplomatie », c'est-à-dire une diplomatie qui est le fait des acteurs infraétatiques tels que la ville ou la région et qui se fait en contournant les canons de l'Etat. C'est donc une diplomatie portée par des acteurs privés intra-(extra) étatiques3, mais qui n'est pas totalement étrangère à l'Etat car ce dernier, par le fait « intermestique4 », y garde une certaine présence.

    La réalité de la scène internationale en tant qu'espace changeant et changé, interdit la lecture simpliste de la politique internationale qui pourrait s'apparenter à une dyslexie. La profusion des acteurs est un fait avéré de même que l'usure de l'explication radicale des phénomènes politiques. Désormais, selon le constat de Alex Warleigh5, l'on est passé des relations internationales traditionnelles animées par les Etats seuls sous les conditions d'anarchie à une étude de la politique mondiale qui implique un changement des grilles de lecture. La théorie

    1 Anaïs Marin op. cit.

    2 Voir par exemple : Panayotis Soldatos « Cascading subnational paradiplomacy in an interdependant and transnational world » in Earl H. Fry & Douglas M. Brown (ed.) States and provinces in the international economy, Berkeley : University of California Institute of governemental studies press, 1993, chapitre 2, pp. 45- 64.

    3 Nous postulons ipso facto le dépassement de l'opposition entre les concepts de « sovereignty bound » et de « free-sovereignty actors » par lequel James Rosenau désigne les acteurs privés qui échappent à l'emprise de l'Etat et ceux qui sont confinés dans les limites territoriales des Etats car nous estimons dans le cadre de cette étude que l'interconnexion des choses publiques et privées dans ce sens, explique en même temps que la complexité mais également, donne du sens à notre hypothèse de la transformation de la souveraineté. Désormais, la souveraineté trouve une attitude sur-mesure par rapport à tous ces acteurs et devant toutes les situations. Voir James Rosenau (1990) Turbulence in World Politics: A theory of Change and Continuity. Princeton: Princeton University Press, P.36

    4 C'est un néologisme dont la paternité est attribuée à Bayless Manning l'ancien président du Council for Foreign Relations au USA. Par ce terme, il traduit l'interconnexion des affaires domestiques avec celles internationales dans la définition de la politique étrangère d'un Etat. Anaïs Marin op. cit. p.38.

    5 Warleigh, Alex «Learning from Europe? EU studies and the re-thinking of international relations », European Journal of International Relations, vol. 12, n°1, pp. 31-51.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 127 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    de la gouvernance globale1 devient ainsi l'instrumentum laboris pour les analystes de la scène internationale. Ce constat partagé par le professeur Luc Sindjoun qui dit: «The evolution is toward the crisis of national monopoly in which the global perspective is becoming important...The process and context of globalization reconfigure the concept of sovereignty. The epistemological obstacle is the attachment to Westphalia as a founding myth of international relations2 » (l'évolution tend vers une crise du monopole national dans laquelle la perspective globale devient importante...Le processus et le contexte de mondialisation reconfigure le concept de souveraineté. S'attacher à Westphalie comme mythe fondateur des relations internationales est un obstacle épistémologique), implique une considération des acteurs autres que l'Etat dans la définition et la mise en oeuvre des politiques étatiques devenues de plus en plus mondiales de par leur impact et l'attente qu'elles inspirent dans la résolution des défis globaux. Cette réalité3 n'use pas tous les possibles lorsqu'on pense la souveraineté. La profusion des acteurs, si elle est conditionnée par les défis et la complexification de la politique mondiale, ne signifie pas la fin de la souveraineté. C'est pourquoi le professeur Sindjoun poursuit en disant: «Meanwhile it is excessive to proclaim the end of sovereignty, sovereignty still makes sense in international relations through new meanings and specific uses4» (pendant qu'il est excéssif de proclamer la fin de la souveraineté, celle-ci continue de faire sens dans les relations internationales à travers des significations nouvelles et des usages spécifiques). Telle est la conviction qui irrigue cette étude et la démonstration de la multi-actorité participe de cette démonstration des transformations de la souveraineté. Au nombre des acteurs privés dont l'action est proéminente, deux ont retenu l'attention en raison de leur implication dans l'EITI, objet de cette étude. Il s'agit des organisations non gouvernementales en tant que composantes de la société civile (section 1) et des firmes impliquées dans l'activité extractive qui représentent le marché comme l'un des angles du triangle que forment l'Etat, la société civile et le marché (section 2).

    1 Par cette théorie, Robert E Kelly ajoute un quatrième acteur au modèle des Relations Internationales en plus des Etats, des organisations internationales et des firmes multinationales ; cet acteur est l'ONG. Kelly E. Robert « From International Relations to global governance theory: Conceptualizing NGOs after the Rio breakthrough of 1992 » Journal of Civil Society, vol. 3, n°1, pp. 81-99, 2007.

    2 Sindjoun Luc « Transformation of International Relations: Between change and continuity » International Political Science Review, vol.22, n° 3 p. 220 et 223, 2001.

    3 James Rosenau dit au sujet de cette complexité qu'il qualifie de chaos: « Indeed, we are on the verge of living in a world (...) which constitute one single economic system, within which private transnational actors allocate resources with global calculus » Rosenau James « Patterned chaos in global life: structure and process in the two worlds of world politics »International Political Science Review, vol. 9, n° 4, p.327, 1988.

    4 Sindjoun, idem.

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    Section 1 : Les ONG dans le défi de la gouvernance globale : des promoteurs du « marché de la pitié » dans la transparence des industries extractives

    La littérature actuelle sur les organisations non gouvernementales rend obsolète le constat de Norbert Götz. En effet, ce dernier considère que malgré l'attention croissante accordée aux ONG durant la décennie 1990, celles-ci ne sont pas encore suffisamment comprises1. Il pense d'ailleurs que cette compréhension partielle des ONG est entretenue par une certaine négligence qui explique que les deux ouvrages majeurs des relations internationales publiés entre 1995 et 2005 ne font pas référence aux ONG. Il s'agit pense-t-il de Social Theory of international politics de Alexander Wendt (1999) et de Tragedy of Great Power Politics de John Mearsheimer (2001). Par-delà les chapelles théoriques qui peuvent sous-tendre pareille allégation, il est un fait à savoir que le phénomène de l'«ongéisation » est un des traits dominants des façons contemporaines de faire la politique. L'exigence de la gouvernance globale interdit la marginalisation des acteurs privés avec un potentiel cathartique avéré face aux défis actuels. Toutefois, l'importance prise par ces organisations dans la définition des agendas internationaux des Etats ou au sein des organisations internationales dont Sydney Tarrow dit qu'elles servent de « récif de corail » aux acteurs non-étatiques (les ONG inter alia), occulte généralement ou favorise une utilisation confuse avec le concept de la société civile. Cette section a l'ambition de rendre raison de la charge heuristique mais aussi politique des organisations non gouvernementales dans les processus complexes de la politique internationale. Ce faisant, l'EITI va servir de talweg sur lequel coule le fleuve de la réflexion non gouvernementale, en deux mouvements logiques. D'abord, un discours sur les organisations non gouvernementales en tant qu'acteurs de la politique internationale stricto sensu (paragraphe I), ensuite un examen pratique de la praxis des organisations non gouvernementales dans le cadre d'un espace précis attelé à faire corps et chose la transparence dans les industries extractives (paragraphe II).

    Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales : des acteurs de la société civile impliqués dans la promotion de la transparence des industries extractives

    Nul ne peut s'exprimer sur les ONG sans se heurter à la société civile en tant que concept matriciel ou alors pierre sur laquelle on achoppe dans la poursuite du sens des premières. Aussi, une étude qui vise à analyser le rôle des organisations non gouvernementales doit-elle

    1 Norbert Götz « Reframing NGOs: The Identity of an International Relations Non-Starter » European Journal of International Relations, vol. 14, n°2, pp. 231-258.

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    restituer le couloir sémantique qu'elle va emprunter dès lors qu'il s'agit de penser que la société civile ne se réduit pas aux seules ONG mais que ces dernières, comme par le fait du levain, semblent s'assimiler à la société civile1.

    A. La constitution d'une société civile internationale autour de EITI ou l'apport du social dans la construction d'un espace public dédié à la transparence des industries extractives

    Ce paragraphe vise à démontrer que la survenue de EITI n'est pas ex nihilo mais, la suite logique d'un combat mené par une société civile constituée depuis la décennie 1990 sur plusieurs fronts et de façon disparate mais qui connaît avec l'initiative, une certaine structuration, un certain ordre. En cela, cette construction a été favorisée par trois éléments que Bertrand Badie2 place au centre de la « société ouverte », qui sert de lit à la construction d'une société civile transnationale autour de la transparence des industries extractives. La communication, premier de cette triade d'éléments, a connu une évolution exponentielle avec le développement des TIC. Cela a conduit à rendre possible les deux autres éléments à savoir l'interdépendance et la transnationalisation. Les détails de la formation d'une société civile dont Publish What You Pay est le moment paroxystique, ne trouvent de sens que parce que ces éléments pavent la voie. Aussi, une coalition internationale s'est-elle construite, mettant en commun des coalitions nationales. Cette émergence du social qui laisserait penser à une revanche3, donne naissance à des nouveaux bourgeois4 dont l'absence de démocratie5 et la distance vis-à-vis des populations6 laissent dubitatifs quand aux réels desseins.

    1 Les textes fondateurs de l'initiative de transparence des industries extractives font mention de la société civile comme troisième ordre d'acteur qui avec les Etats et les firmes du secteur extractif, constituent les trois catégories à réunir autour de la table de la transparence. Mais, les organisations non gouvernementales sont les représentants de cette société civile, peut-être en raison des moyens et de l'expertise dont elles sont nanties, et dont ne disposent pas les autres composantes traditionnelles de la société civile telles que les syndicats, les églises etc...occupent la place qui est réservée à la société civile.

    2 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. Chapitre 2.

    3 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. Voir particulièrement la troisième partie de l'ouvrage.

    4 Badie B. Idem, p. 270.

    5 Jan Aart Scholte « Global civil society: opportunity or obstacle to democracy? » Development Dialogue, n°49, pp. 15-28, 2006.

    6 Eva-Etzioni Halevy « Linkage deficit in transnational politics » International Political Science Review, vol. 23, n°2, pp. 203-222, 2002. L'on peut également voir au sujet de cette configuration élitiste des nouveaux bourgeois internationaux, Johan Galtung « Un continent invisible : les acteurs non territoriaux. Vers une typologie des organisations internationales » in Georges Abi-Saab Le concept d'organisation internationale, Paris : UNESCO, 1980, pp. 74-75.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Il convient de préciser d'entrée de jeu que le lancement de l'EITI est survenu à la suite d'une certaine cristallisation de l'activisme non gouvernemental au sujet des industries extractives. Cette cristallisation a donc une histoire et un cursus qui constituent la préhistoire de l'initiative, mais également le moment de la formation de la société civile qui se mettra en branle autour de EITI. Car, le moment de la contagion normative, le tipping point que Kathryn Sikkink et Martha Finnemore1 considèrent comme le moment où une certaine masse critique d'Etats adopte une norme, est en même temps que favorisé par cette société civile, mais aussi précédé par une intense activité de celle-ci dans des domaines aussi variés que l'environnement, les droits de l'homme, l'éducation, le gender empowering...Dans la mesure de cette étude, l'activité de la société civile sera considérée uniquement en rapport avec les domaines liés aux industries extractives ou dont celles-ci influencent la marche. Ainsi, l'activisme des ONG au sujet des violences autour de l'exploitation des ressources extractives, la dénonciation des impacts néfastes de leur exploitation sur l'environnement et le mépris des droits des populations riveraines et du « complexe de corruption2 » qui se développe autour des industries extractives, vont entre autre constituer la quintessence de cet espace. Etant entendu par ailleurs que, ces facteurs expliquent surtout la défense de la norme de la transparence comme facteur de résolution des problèmes que cause l'activité extractive. Le cas du Delta du Niger est dans ce cas, riche d'intérêt.

    Les organisations non gouvernementales se sont très vite inscrites dans une posture de dénonciation des dérives autour des industries extractives. Le complexe formé autour de l'exploitation pétrolière et gazière dans les trois Etats pétroliers au Nigeria3 a offert l'occasion d'une activité débordante des ONG. Le rôle néfaste du pétrole dans le processus démocratique au Nigeria, tant au niveau fédéral qu'à celui des Etats, a été dénoncé à suffisance par les spécialistes des sciences sociales4, mais également par les ONG. L'abondante littérature qui restitue les enquêtes de Human Rights Watch sur la violence et l'impasse démocratique dans les Etats du Delta du Niger depuis la décennie 1990 traduit le souci de cette catégorie d'acteur

    1 Sikkink K. et Finnemore M. op. cit. p.895

    2 Par cette expression, Jean Pierre Olivier de Sardan entend : « la corruption, le délit d'ingérence, les détournements de fonds, le népotisme, les abus de pouvoir, les malversations diverses, le délit d'initié, la prévarication, le trafic d'influence et les abus de biens sociaux ». Lire De Sardan J.P.O. « L'économie morale de la corruption en Afrique » Politique africaine n° 63, octobre 1996 p.16

    3 River State, Bayelsa State et Niger Delta State.

    4 L'on peut notamment lire : Obi I. Cyril (2004.), »The Oil Paradox: Reflections on the Violent Dynamics of Petro-Politics and (Mis) Governance in Nigeria's Niger Delta, Africa Institute Occasional Paper No. 73, Pretoria: Africa Institute of South Africa, Obi I. Cyril « Is Petroleum `Oiling' or Obstructing Democratic Struggles in Nigeria? » Communication présentée lors de la 12ème assemblée générale du CODESRIA, Yaoundé, 2008.

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    de transformer les comportements dans le secteur des industries extractives. La collusion entre les compagnies extractives dans le cadre d'un consensus opaque et les milieux politiques dans cette région précise a donné naissance à une privatisation de la violence par le fait d'un soutien aux mercenaires. Les relations présumées entre Alhadji Dokubo Asari, Ateke Tom et les élites locales du Delta1 ont plombé le processus démocratique mais pis encore, les populations minoritaires comme les Itsekeris ont pâti de la confiscation par leurs élites, du pouvoir au détriment des Ijaws et des Urhobos2. Cette situation prive donc les populations de leurs droits les plus primordiaux mais comporte aussi des conséquences sur le plan environnemental.

    En effet, l'un des aspects lucratifs de l'activité des milices ethniques est le bunkering c'està-dire le vol du pétrole par le sabotage des pipelines. Il a été à la source de nombreux déversements de pétrole avec des impacts écologiques mais également des morts par calcinations des populations. Certaines fois, ces déversements sont accidentels et produisent des conséquences écologiques énormes et irréparables3. D'autres part, les torchères de gaz à ciel ouvert ont souvent été la cible des ONG environnementales qui fustigent cette forme de pollution. Au Nigeria, les ONG ont réussi par une plainte déposée contre Shell qui excelle dans cette pratique des torchères, à obtenir la condamnation de cette compagnie par une décision de la Haute Cour fédérale datée du 14 novembre 2005 et qui demandait à la compagnie Shell d'arrêter la pratique des torchères dans la communauté Iwerekhan dans l'Etat du Delta. Le gouvernement fédéral attentif aux plaintes des ONG environnementales au sujet de ces déversements de gaz à ciel ouvert, a ordonné qu'au 1er janvier 2008 cette pratique

    1 Lire à ce propos: Human Rights Watch (2005) «Rivers and Blood: Guns, Oil and Power in Nigeria's Rivers State» A Human Rights Watch Briefing Paper, Human Rights Watch (2007), Criminal Politics: Violence, «Godfathers» and Corruption in Nigeria», vol. 19, n°. 16 (A), New York: Human Rights Watch, February; Human Rights Watch «La crise de Warri: le combustible de la violence», décembre 2003 vol. 15, n°.18 (A); Ikelegbe, A. (2006), «The Economy of Conflicts in the Oil Rich Niger Delta Region of Nigeria, African and Asian Studies, vol. 5, n°1.

    2 Les Ijaws, les Urhobos et les Itsekeris sont les trois groupes qui peuplent la région du Delta du Niger.

    3 En décembre 2007, nous avons visité la localité de Ubeji qui est un village Itsekeris dans la périphérie de Warri la capitale de l'Etat du Delta. Nous y avons visité un site de mangrove entièrement carbonisé par un incendie survenu six mois plus tôt après un déversement de pétrole de la raffinerie voisine de Warri. Cette mangrove qui est la mamelle nourricière du village, n'était plus propice à la pêche car selon les villageois, le poisson sentait du pétrole jusque dans ses entrailles. L'on s'est rendu compte de l'impact écologique mais également de l'incidence sur la vie quotidienne des populations de cette localité. Ce cas n'est qu'un exemple illustratif car, de Port Harcourt à Warri, surtout après la traversée du pont qui marque l'entrée dans l'Etat de Bayelsa, l'on est frappé par le degré de pollutions des bras du Delta qui sont ipso facto devenu inutiles pour ces populations de pêcheurs.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 132 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    connaisse une fin, condamnant à une amende de 100 dollars par mètre cube de gaz déversé, toute compagnie qui s'adonnerait davantage à cette pratique polluante1.

    L'arrestation de l'ancien gouverneur James Onanefe Ibori2 de l'Etat du Delta au début de l'année 2008, pour corruption est seulement une illustration de collusions d'intérêt entre les politiques et les compagnies. Le concept de petro-politics développé par John Clark3 pour décrire le lien entre les sociétés pétrolières et les pouvoirs politiques mais également son incidence sur le développement économique des Etats, rend bien compte de la complexité de la situation. Les organisations non gouvernementales telles que le Secours Catholique, Oxfam, Open Society ont rendu publiques les collusions entre les classes politiques et les compagnies extractives. Elles ont souvent dénoncé cette situation qui n'est pas spécifique au Nigeria, et qui plombe les efforts de développement de certains pays. Les cas du Congo et du Gabon que rappellent les procès intentés par des ONG4 contre les présidents Obiang Nguema, Omar Bongo et Sassou Nguesso en 2008, sont révélateurs de ce consensus opaque que les ONG combattent bien avant le lancement de l'initiative. Aussi, convient-il de rappeler que l'objectif de cet espace n'est pas de discourir sur les fléaux qui ont conduit à la pensée d'une initiative de transparence dans les industries extractives mais, de dire qu'avant que l'initiative n'existe, il y avait une logique non gouvernementale antérieure de dénonciation des mauvaises pratiques dans le secteur extractif. Ainsi, l'initiative apparaît dès lors comme le continuum historique d'un processus enclenché par les ONG dans une perspective d'entreprenariat des normes.

    1 A propos des activités des ONG contre la pollution au Nigeria l'on peut s'intéresser à ce que fait Environmental Right Action (ERA/Nigeria). L'un de ses leaders, Nnimmo Bassey a présenté beaucoup de papiers sur ces questions et bien d'autres lors des conférences internationales. On peut lire entre autre : Nnimmo Bassey «African Challenges with Democracy and Governance - Case Study Nigeria», paper presented at FoEI's IBGM Pre-conference on Democracy for Human Development, Social and Environmental Justice held Sunday

    th th

    4 to Monday 5 November 2007 at Manzini, Swaziland; Nnimmo Bassey «Environmental Impacts and the Vulnerability of Communities», Nnimmo Bassey «Oil, Environment and Crisis Economics» paper presented at the Niger Delta Roundtable held at Ibom Hall, Uyo, on Thursday, 1 November 2007; Nnimmo Bassey (2007) «The Environment and sustainability in the Niger Delta 2007-2017» working paper. Nnimmo Bassey «Environmental Impacts and the Vulnerability of Communities» paper presented at the ERA/OXFAM Workshop on EIA held in Warri, 9-11 April 2007

    2 Accuse d'avoir détourné près de 80 millions de dollars, il s'en défendait le 27 septembre 2009 en arguant qu'il s'agit là d'un règlement de compte de la part du président Oumarou Moussa Yar'Adua qui voudrait l'obliger à le soutenir pour sa réélection en 2011.

    3 Clark, John, «Petro-Politics in Congo» Journal of Democracy, vol. 8, n° 3, July 1997, pp. 62-76

    4 Il s'agit de Transparency International, Sherpa et Global Witness entre autres, qui ont déposé une plainte au pôle financier du parquet de Paris en mai 2009.

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    Le lancement du processus de certification de Kimberley en janvier 2003 est une autre résultante de l'activité des ONG qui à l'instar de Human Rights Watch et Global Witness en Angola et au Libéria, ont oeuvré pour que les « diamants de sang » soient exclus du circuit de vente1. En effet, le processus de Kimberley qui est soutenu par l'Assemblée générale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies, et compte en 2007 soixante dix pays adhérents2 permet d'endiguer les effets nocifs des diamants extraits des zones de conflit et qui constituent donc une source et une ressource des conflits. Les diamants de RDC, d'Angola3 et du Libéria4 ont constitué l'élément essentiel dans les conflits recensés dans ces pays.

    De même, le rôle des ONG a été notable dans les négociations en vue de la construction du pipeline Tchad-Cameroun. En effet, inquiètes des résultats négatifs de l'exploitation du pétrole dans d'autres pays, les ONG occidentales en connexion avec certaines autres de la sous-région ont dénoncé jusqu'au bout ce projet, arguant que les populations n'en tireront pas profit, que les revenus serviront à l'achat des armes et que le risque des nuisances environnementales potentielles est grand5. La coordination de nombre de ces ONG autour de la nécessité de la transparence en tant que début de solution à ces problématiques variées, a donné naissance à une coalition dont le rôle est central dans le lancement et la réalité de

    1 Les ONG ont réussi avant le lancement du processus de Kimberley, d'obtenir un embargo sur les diamants angolais en 1998. Cependant, la contrebande avait rendu ardu le contrôle de la provenance des diamants car il fallait démontrer que les diamants proviennent bien de l'Angola et qu'ils étaient placés sur le marché par l'UNITA.

    2 Le processus est rejoint en novembre 2007 par la République démocratique du Congo.

    3 Le premier ministre angolais Aguinaldo Jaime, a lancé le 5 mars la campagne en vue de l'organisation à Luanda, en novembre 2008 d'un sommet mondial des diamants sous le thème : « la réputation du diamant ». Le lancement a été effectué depuis le Metro convention center de Toronto, au Canada où une délégation angolaise assistait à la convention des prospecteurs et entrepreneurs du Canada. Le but était de montrer une autre facette du rapport que l'Angola entretient désormais avec le diamant. (Jeune Afrique n° 2409 du 11 au 17 mars 2007 p.64)

    4 Le rôle des diamants dans le conflit dans ce pays lui a valu de tomber sous le coup d'un embargo des Nations unies pour ce qui est de l'exportation de ses diamants. Cet embargo fut levé le 27 avril 2007 par le Conseil de sécurité qui a voté à l'unanimité pour la levée de l'embargo sur les exportations de diamants dans sa résolution 1753. Régulièrement reconduite depuis la résolution 1521 de 2003, cette mesure était l'une des priorités de la présidente Ellen Johnson-Sirleaf qui a ainsi exprimé son satisfecit. Soutenue par les Etats-Unis, cette décision dont la prochaine étape sera l'adhésion au processus de Kimberley, est également un signal fort envoyé à la communauté internationale pour qu'elle continue de soutenir la reconstruction de ce pays laminé par 14 ans de guerre (Jeune Afrique n° du 6 au 12 mai 2007 p.80

    5 Il faut cependant noter que les points de vue au sein de la coalition des ONG étaient divergents. Pendant que les ONG locales espéraient que le projet apporterait au Tchad les moyens pour son décollage économique, les ONG étrangères, occidentales en générale, fortes de leur expérience dans le suivi des projets de cet ordre dans lesquels le groupe de la Banque mondiale est impliquée, ne se faisaient pas d'illusion et plaidaient pour une annulation pure et simple du projet. L'on peut penser que ces dernières ont eu raison car, l'annonce du retrait de la Banque mondiale du projet en 2008 et les preuves de l'usage des revenus du pétrole pour l'achat des armes malgré la loi 001 relative à la gestion du pétrole tchadien ont fini de convaincre que le pétrole du Tchad est plus un mirage qu'un miracle. C'est ce qui a fait dire à M. Samuel Nguiffo du Centre pour l'Environnement et le Développement (CED) que la Banque mondiale a fabriqué un nouveau tyran milliardaire car à l'entame du projet, Idriss Deby Itno était juste dictateur mais aujourd'hui il a en sa possession des comptes remplis de milliards. Voir l'article sur le nouveau dictateur milliardaire sur www.cedcameroun.org.

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    l'initiative de transparence des industries extractives. Les liens communs à ces plaidoyers sont tissés par l'usage des TIC par l' « effet CNN » dont Bernard Kouchner1 est passé maître. En effet, la maîtrise de l'outil Internet et les relations développées par les ONG au sein du monde des médias sont d'un apport central dans la présentation horresco referens des méfaits de l'opacité sur les populations des Etats riches en ressources extractives. En plus des faits qui sont objets de la dénonciation, il se construit un réseau complexe de relations entre les acteurs de la société civile au Sud et ceux du Nord dans une logique mettant en exergue l'interdépendance et la maîtrise de la communication qui sert à deux niveaux. D'une part, la communication met en relation les divers protagonistes de la société civile de par le monde d'autre part, elle sert à renvoyer de façon brutale aux opinions publiques les faits crus de la misère des mondes et des peuples afin de susciter de la pitié. Les détails de la constitution d'une société civile autour de la transparence des industries extractives donnent sens à la trilogie communication-interdépendance-transnationalisation. Eu égard à l'expertise requise, à l'instruction exigée et au caractère fermé des réseaux, il en découle une catégorie que Badie appelle les « nouveaux bourgeois internationaux2 ». Cela, introduit un débat sur la légitimité des acteurs de la société civile et la représentativité des couches dont les problèmes sont au coeur de l'activisme. Les ONG sont la composante la plus visible et la plus active de cette société civile.

    B. Considérations sémantique, historique et typologique autour des organisations non gouvernementales

    1. Eléments de définition d'un acteur à l'identité vague

    Le terme ONG proviendrait du système des Nations Unies3 qui les définit comme des « associations à but non lucratif impliquées dans le développement international à l'aide de programmes vers l'étranger ou d'actions locales liées aux problèmes du développement »4. Cette définition qui rend compte du double caractère interne/externe5 de l'action de l'ONG, ne précise pas qu'il s'agit d'abord d'une structure de droit interne. Bien qu'elle donne

    1 Voir dans l'ouvrage de Pierre Péan, Le monde selon K. Paris : Fayard, 2009, comment M. Kouchner utilise les médias pour faire parler les évènements et les images dans un sens qui satisfait ses objectifs.

    2 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. pp. 270-274.

    3 Il aurait été utilisé pour la première fois en 1949 par l'ONU.

    4 Maradeix M-S. (1990) Les ONG américaines en Afrique, Paris : Syros. p.23.

    5 Yves Beigbeder rappelle les définitions de l'Institut de droit international, du Conseil de l'Europe et de l'ECOSOC qui ne diffèrent des définitions de l'association selon la loi française de 1901 et l'article 60 du code civil suisse que par le rôle international qui s'ajoute aux éléments constitutifs qui sont surtout internes. Il existe en général une différence entre la définition des ONG selon les organisations intergouvernementales et les Etats nationaux chaque catégorie privilégiant le ressort de sa compétence. Beigbeder Yves (1992) Le rôle international des organisations internationales. Bruxelles et Paris : Bruylant &LGDJ p. 8-10.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    l'impression de définir plutôt une ONG internationale, Breton-le-Goff1évoque cet aspect quand elle dit : « Une ONG est une structure privée de droit interne regroupant des personnes privées ou publiques originaires de plusieurs pays et qui oeuvre sans esprit de lucre à la réalisation d'un but d'intérêt général international dans les pays autres que celui de sa fondation ». Quand elle a précisé la nature interne de l'acteur ONG, elle suscite un questionnement sur la destination internationale de son action. En effet, sa définition de l'ONG a la particularité d'ignorer que seul l'Etat a le droit d'avoir une action de portée internationale d'après l'école réaliste. Sa définition a donc un aspect pléonastique2. Samy Cohen définit l'ONG en disant : « Dans son acception originelle, la plus répandue, la notion d'ONG indique une association de solidarité internationale à but non lucratif, apostolique, pétrie de valeurs humanistes et indépendante des Etats ». Ainsi définie, l'ONG « pétrie de valeurs humanistes et indépendante des Etats »3 serait en quelque sorte le porte-fanion d'une système international pacifié et angélique. Il exorcise l'ONG de toute intention de contradiction vis-à-vis de l'Etat en même temps, en fait tout simplement la voix des sans voix. Shamami Ahmed et David Potter quant à eux s'alignent derrière l'affirmation des Nations Unies qui dit : « Any international organisation which is not established by intergovernmental agreement shall be considered as an NGO »4. Cette définition révèle la difficulté à cerner ce concept très vague. La définition des ONG, au-delà des tentatives de la circonscrire au rôle prétendument éthique qui lui serait quintessenciel et qui ressort dans la plupart des définitions précédemment évoquées, est problématique car elle peut renvoyer aux associations à but non lucratif, aux OING, aux organismes populaires, aux organisations partisanes et même aux sociétés secrètes et aux groupes terroristes. Car en effet, tous ces ordres d'organisations sont non gouvernementaux. Et c'est bien cela la société civile dans ses distances par rapport aux institutions politiques étatiques. Ainsi, Lorenzo Fioramonti5 abondant dans le même sens, va considérer que le Ku Klux Klan et Al Qaeda sont des

    1 Breton-le-Goff G. (2001) L'influence des ONG dans la négociation de quelques instruments internationaux Bruxelles : Yvon Blais p.14.

    2 En fait de pléonasme, Breton-le-Goff se heurte simplement à un écueil très connu par les auteurs qui ont écrit sur les ONG. Il s'agit de la contradiction entre le statut juridique des ONG et la destination internationale de leur action. La convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations non gouvernementales, adoptée le 24 octobre 1985 par le comité des ministres du conseil de l'Europe essaie de pallier à cette contradiction mais, elle reste restreinte. Même si elle entre en vigueur en janvier 1991, elle ne s'applique qu'aux Etats du conseil de l'Union qui l'ont ratifiée (Belgique, Grèce, Royaume-Uni et Suisse).

    3 Cohen S. «Les ONG sont-elles altermondialistes? » Humanitaire, n° 9, 2004, p. 104.

    4 Shamami A. et Potter D. (2006) NGOs in international politics, Bloomfield: Kummarian Press p. 8.

    5 Voir Lorenzo Fioramonti op. cit. Mais également Jude L. Fernando et Alan W. Heston « NGOs between states, markets and civil society » Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol.554, n°8 (1997) p. 10

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 136 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    organisations non gouvernementales au sens où on l'entend d'habitude. Aussi, au cours de cette étude l'on aura l'impression que cette façon de percevoir l'organisation non gouvernementale trouve nos faveurs car, lorsqu'on considère la coalition internationale PWYP, on y trouve des instituts de recherches, des organisations ecclésiales, des organisations non gouvernementales classiques mais toutes ces organisations regroupées au sein de la coalition ont en partage leur caractère non gouvernemental, c'est ce qui fonde leur coalition. Certains auteurs préfèrent d'ailleurs s'exprimer en termes d'Organisation de Solidarité Internationale (OSI) pour faire le distinguo entre les organisations que regroupe le terme générique d'ONG et les associations attelées à l'humanitaire et au développement durable. Dans le cadre de cette étude, nous nous situons dans l'entre-deux de ces nuances. En effet, nous prenons le concept d'organisation non gouvernementale dans le sens que lui confère sa distance vis-à-vis du gouvernement et le caractère non lucratif de son action. Cependant, nous rétrécissons l'éventail aux seules organisations qui oeuvrent pour des buts nobles, éthiques disqualifiant ainsi les organisations terroristes et mafieuses de la course. Quoiqu'il en soit, cette forme de regroupement des associations privées a une histoire qui s'ancre dans la modernité politique en tant qu'elle est caractérisée par l'émergence de l'Etat comme forme d'organisation de la vie sociale, mais également en tant qu'elle est symbolisée par les institutions démocratiques. Elle regroupe des réalités multiples.

    2. De la diversité au sein des ONG ou l'humanitaire protéiforme.

    Examiner la position de l'acteur ONG dans l'initiative c'est préciser d'emblée deux choses. Premièrement, son action dans EITI s'inscrit dans le cadre de la société civile. Deuxièmement, l'ONG n'est pas une entité uniforme et portant le même sens, tout nominalisme s'avérerait être un apriorisme. Dans cet espace, il s'agit donc de restituer le caractère multiple des ONG et de préciser la catégorie qui est à l'oeuvre dans l'EITI.

    Traditionnellement, on distingue les ONG des droits de l'Homme, les ONG de développement et les ONG environnementales. Les premières plongeraient leurs rémiges dans la philosophie des Lumières, avec la création de la ligue des droits de l'Homme en 1898. Elles sont les plus lointaines dans l'histoire. Les ONG de développement ont vu le jour lorsque la problématique du développement des peuples a commencé à attirer l'attention. Comme le dit Rouillé d'Orfeuil : « Les ONG de développement sont elles aussi des héritières des mouvements sociaux ou religieux qui ont accompagné souvent en la critiquant l'action coloniale, les mouvements d'émancipation, voire les guerres de libération, puis les premiers

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    pas de ces pays du tiers-monde nouvellement indépendants »1. Enfin, surviennent les ONG dites environnementales qui n'ont pas d'antécédents. Elles sont pionnières et ont oeuvré à sonner l'hallali sur le dépérissement de la planète dès les années 1960 environ. Toutefois, l'on est tenté de s'interroger sur la pertinence de la distinction faite entre ONG de développement et ONG environnementales. La problématique du développement ne saurait être détachée des questions environnementales2. Cette réalité a d'ailleurs été perçue par certaines ONG comme le Centre pour l'Environnement et le Développement (CED), le Réseau de Lutte contre la Faim (RELUFA)3...qui ne dissocient pas le développement de l'environnement.

    D'autre part, au-delà de cette typologie fondée sur le critère du surgissement historique, l'on peut aussi catégoriser les ONG suivant les hémisphères. Ainsi, on aura les ONG du nord et celles du sud. Les premières géographiquement situées dans l'hémisphère nord, disposent de moyens colossaux et celles du sud qui sont moins pourvues, travaillent en relais et en réseau avec celles du nord. Dans le cadre de l'initiative, les ONG du nord telles CAFOD, CARE international, Global witness, Save the children, Human rights watch, Open society institute, Transparency international et Oxfam ont instigué une action de plaidoyer au sein de la coalition internationale publish what you pay, ce qui a abouti au lancement de l'EITI. Dans les deux cas, les ONG dans certains pays du sud ont suivi la cadence impulsée par celles du nord. Il s'est formé au Cameroun notamment, une coalition publish what you pay le 06 décembre 2005 en écho à la coalition mondiale. Celle-ci comprend à ce jour 9 ONG dont : le CED, le RELUFA, le RENAC, ERA/Cameroon, le FOCARFE, le service oecuménique pour la paix, le service national Justice et Paix, AGAGES et Transparency international/Cameroon. Des représentants d'ONG du nord sont membres des instances internationales d'EITI. Au niveau national, les ONG parce que membres de la société civile, comptent parmi ses représentants dans les instances de l'initiative. La présence et l'activisme

    1 D'Orfeuil op. cit P. 21.

    2 La définition du développement par le rapport Bruntdland consolide d'ailleurs l'idée d'une communauté de destins entre les questions environnementales et les questions de développement. Se développer, c'est désormais résoudre les défis de l'instant en utilisant les ressources disponibles mais sans compromettre les chances des générations futures d'assurer leur bien-être. Il s'agit d'une conception altruiste et intergénérationnelle du développement.

    3 Le CED et le RELUFA sont deux ONG camerounaises membres de la coalition nationale publish what you pay ; elles oeuvrent pour le développement, la protection des peuples autochtones, la préservation de la biodiversité...Dans leur modus operandi, elles considèrent par exemple que l'exploitation des ressources du sol et du sous sol, en même temps qu'elle doit être un vecteur du développement, doit respecter l'environnement et les droits des peuples dont les terres abritent ces richesses. Telle est leur conviction, telle est leur philosophie et ayant compris le lien entre les problématiques du développement et de l'environnement, elles se trouvent à l'avant-garde de cette lutte.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 138 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    de cet acteur aux côtés de l'Etat et des compagnies extractives sont assez intéressants pour que puisse en sourdre une étude. En effet, les ONG, une et multiple, en réseau ou seules, font office de porte-faix du chagrin des victimes du paradoxe d'abondance. A cet effet, à côté d'autres acteurs, elles veillent à la transparence des industries extractives dans le cadre de l'EITI.

    Paragraphe II : Les ONG dans la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives : la dénonciation légitimante ou le fondement éthique d'une catégorie d'acteurs en quête de scène

    L'examen de la praxis des organisations non gouvernementales dans l'initiative impose une attention à l'activité qui a précédé le lancement officiel de celle-ci, tant ce moment est révélateur des logiques à l'oeuvre et des causalités de l'action. Aussi, s'agit-il de scruter la préhistoire de l'initiative (A) avant d'y examiner proprement dit le rôle des ONG.

    A. «Publish What You Pay» ou la création d'une scène pour la promotion de la transparence dans les industries extractives.

    L'action dispersée des ONG contre les fléaux liés aux industries extractives va entrer dans un tournant organisationnel avec la création d'une plate-forme institutionnelle en juin 2002. Kathryn Sikkink et Martha Finnemore dressent dans leur cycle de vie d'une norme, des étapes qu'elle doit forcément parcourir. Ainsi, à la genèse d'une norme se trouve un entrepreneur de norme qui se sert d'une plate-forme institutionnelle déjà existante ou alors qu'il crée afin de favoriser la promotion de la norme dont il est entrepreneur1. La transparence des industries extractives semble obéir à ce schéma. Les activités isolées des ONG telles que Global Witness et Human Rights Watch qui dénonçaient les usages déviés des revenus du pétrole et du diamant en Angola, en RDC et au Libéria ont fini par trouver un récif de corail pour s'agripper, et constituer une action efficace. En 1999, Global Witness publia un rapport intitulé « A crude Awakening » dans lequel il exposait les liens entre les milieux bancaires et pétroliers dans le pillage des richesses angolaises pendant les quarante années de guerre civile qui ont ravagé ce pays. Au nombre des recommandations conclusives, le rapport mentionna l'impératif pour les compagnies extractives, de publier ce qu'elles paient à l'Angola. « Publiez ce que vous payez » vit ainsi le jour en tant que recommandation faite aux firmes.

    1 Sikkink K et Finnemore M. art. cit. pp. 896-900

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    Eu égard au caractère endémique de ce mal qui n'était pas l'apanage de l'Angola, quelques ONG au nombre desquelles Global Witness, CAFOD, Open Society Institute (OSI), Oxfam GB, Save the Children UK et Transparency International UK décidèrent de lancer une initiative internationale demandant aux compagnies de publier ce qu'elles paient aux pays où elles opèrent. Le lancement d'une plate-forme organisationnelle ou l'arrimage de la promotion d'une norme à une plate-forme se fait en général autour d'une figure principale. A l'instar des figures telles que Henri Dunant qui fut transformé lors de la bataille de Solferino, Susan B. Anthony et Elisabeth Cady Stanton, Georges Soros le fondateur de Open Society Institute a joué un rôle important dans le lancement de Publish what you pay en tant que plateforme du plaidoyer en faveur de la transparence dans les industries extractives. En juin 2002 il lance la Campagne « Publish What You Pay ». La petite coalition des ONG fondatrices a été bientôt rejointe par d'autres telles que Catholic Relief Services, Human Rights Watch, Partnership Africa/Canada, Pax Christi/Pays Bas et le Secours Catholique / Caritas-France ainsi que par un nombre croissant de groupes de pays en développement1. La coalition a beaucoup grandi depuis le lancement de la campagne et continue de croître au point d'être constituée de 300 ONG dans plusieurs pays.

    La coalition PCQVP/PWYP demande aux compagnies multinationales pétrolières, minières et gazières de révéler les mêmes informations de base concernant les paiements nets effectués à un Etat du monde en développement, qu'ils révèlent couramment dans les pays du monde industrialisé. Les entreprises d`Etat doivent également être rendues responsables financièrement des paiements faits à leurs gouvernements et des revenus qu'elles génèrent. Dans leur ensemble, ces renseignements aideront les citoyens des pays pauvres mais riches en ressources naturelles à demander à leurs gouvernements des comptes sur la gestion des revenus et de ce fait à générer un débat démocratique sur leur emploi et leur distribution. Les sociétés peuvent souvent être perçues comme complices de la corruption et de la détérioration des conditions sociales dans les pays où elles opèrent, même quand elles fournissent une source importante d'investissement qui, lorsqu'il est géré de façon transparente et responsable, devrait être une source de croissance et de développement bénéfique à tous les citoyens de ces pays pauvres. L'action de la coalition s'inscrit donc dans le continuum d'un engagement moral antérieur des ONG et constitue une plate-forme à partir de laquelle les ONG ont lancé l'opération de contagion normative en direction des Etats que Sikkink et

    1 Voir le site de la coalition www.publishwhatyoupay.org

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    Finnemore appellent norms leaders, il s'agit pour le cas qui nous intéresse de la Grande Bretagne et dans une certaine mesure du G8.

    B. Les organisations non gouvernementales et le suivi de la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives: des gardiennes du jardin de la transparence ?

    D'emblée, il convient de préciser un fait qui ne saurait passer inaperçu. Le livre source qui est le document de base de l'EITI cite au nombre des parties prenantes impliquées dans la transparence des industries extractives : les institutions publiques, le secteur privé, la société civile, les exécutants de l'EITI et les partenaires internationaux. Il s'agit d'une mise en scène de trois secteurs à savoir, le secteur public, le marché et la société civile en tant que « troisième secteur ». Or, le paragraphe qui va suivre parle des organisations non gouvernementales. Aussi, cela mérite-t-il quelque explication. Comme il est apparu dans l'espace définitionnel, le concept ONG renferme deux éléments substantiels à savoir le fondement non lucratif de son action et sa distance vis-à-vis des institutions gouvernementales. Ceci implique qu'en principe toute organisation de la société civile est non gouvernementale si l'on s'en tient à la généralité de ce niveau de définition. De plus, s'en tenir à la considération de l'ONG comme composante de la société civile uniquement serait rendre compte partiellement de son action dans le transparence des industries extractives. Car, les ONG dans le cadre des coalitions nationales et internationales PWYP oeuvrent pour la transparence des industries extractives et même dans le cadre des comités de mise en oeuvre, leur action sort du lot en raison des moyens et connexions extérieures dont elles disposent. Aussi, qu'il nous soit permis d'utiliser de façon confuse les concepts de société civile et d'ONG pour rendre raison de la participation d'un troisième secteur dans l'initiative. Ce paragraphe va s'articuler autour de la participation actorielle des ONG à l'initiative dans le cadre des comités de mise en oeuvre et au niveau international (1), ensuite un examen de la participation matérielle sera fait (2) pour enfin analyser les difficultés liées au dur apprentissage de la cohabitation de l'Etat avec la société civile dans certains contextes (3).

    1. La participation de la société civile dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives : un acteur en quête de scène

    La jeunesse de l'initiative et son essence performative interdisent toute évaluation sous forme de bilan cependant, l'on peut sans être exhaustif rendre compte de certains aspects de la

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    participation des ONG dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives, pour restituer l'actorité des organisations non gouvernementales dans la politique mondiale. Le locus standi formalisé dont elles jouissent en vertu du cinquième critère EITI qui dit que « la société civile participe activement à la conception, au suivi et à l'évaluation de ce processus et apporte sa contribution au débat public », leur accorde tout droit d'agir dans le cadre de l'initiative. Le premier signe de leur participation est d'être un acteur incontournable pour que soit prise au sérieux l'adhésion d'un pays aux principes de l'initiative. Car, faut-il le rappeler, parmi les quatre conditions à remplir pour acquérir le statut de candidat, figure en bonne place la formation d'une équipe de suivi de la mise en oeuvre qui intègre la société civile. Et selon le Livre Source, celle-ci comprend : les organisations de base communautaire, les organisations non gouvernementales nationales, les organisations non gouvernementales internationales et affiliées locaux, les medias, les syndicats, les instituts universitaires et de recherche et les organisations confessionnelles.

    Au niveau supranational, c'est-à-dire au sein du Conseil international EITI, les organisations de la société civile sont représentées par : Revenue Watch Institute (Karin Lissakers), Oxfam America (Bennett Freeman), PWYP/Congo (Christian Mounzeo), Revenue Watch Kazakhstan (Anton Artemyev), Global Witness (Gavin Hayman) et Transparency International/Nigeria (Humphrey Assisi Asobie). En plus de cette présence au conseil d'administration, nombre d'organisations soutiennent l'initiative au plan international. Il s'agit notamment de : Catholic Agency for Overseas Development (CAFOD), Global Witness, Oxfam, Open Society Institute, Publiez ce que vous payez, Revenue Watch Institute, Secours Catholique (Caritas France) et Transparency International.

    L'architecture institutionnelle du conseil d'administration se reflète au niveau national où l'exigence de la prise en compte des acteurs de la société civile impose la présence des représentants des organisations non gouvernementales au sein des comités de pilotage de la mise en oeuvre. Au Cameroun, le décret n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 portant création, organisation et fonctionnement du comité de mise en oeuvre de l'EITI assigne dix sièges à la société civile tel que, deux députés dont l'un de l'opposition et l'autre de la majorité au pouvoir, un siège pour le coordonnateur national de Transparency International, trois représentants des collectivités locales décentralisées, un siège pour le président de l'Union des Journalistes du Cameroun (UJC) et trois ONG nationales.

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    L'article 8 du décret n°2006-626 du 11 octobre 2006 portant création, attribution et composition du comité exécutif de mise en oeuvre de l'EITI au Congo dispose que la société civile a cinq représentants au sein dudit comité1 avec un membre de la société civile comme vice-président du comité exécutif2. Tandis que le République démocratique du Congo a établi un comité de pilotage qui compte huit (08) représentants de la société civile et un conseil consultatif auquel siège également huit (08) membres de la société civile3. Tous les pays dont la candidature a été validée ont certainement un comité de mise en oeuvre qui intègre des membres issus des organisations de la société civile4.

    2. Les organisations de la société civile dans la matérialisation de la transparence dans les industries extractives : contribution à la construction d'un « marché de valeurs »

    La participation des organisations de la société civile ne se limite cependant pas à une simple présence au sein des instances de mise en oeuvre tant nationales qu'internationales. Celles-ci jouent un rôle effectif qui se décline en plusieurs actions allant de l'information du public au financement, en passant par le contre-pouvoir face à la complicité entre l'Etat et les industries extractives et la formation des membres des comités aux rouages du suivi budgétaire.

    Les organisations de la société civile étant les gardiennes de l'intérêt général au sein des comités de mise en oeuvre, elles ont la tâche de participer à la vulgarisation de l'information

    1 (01) membre du comité de liaison des ONG, (1) membre du groupe thématique pétrole DSRP, (01) membre de la coalition PWYP, (01) membre de la fédération nationale des jeunesses et individualités du Congo et (01) membre du centre d'échange et d'appui et de renforcement des capacités.

    2 Il s'agit de M. Christian Mounzeo de l'ONG Rencontre pour la Paix et les Droits de l'Homme (RPDH). Il est par ailleurs le coordonnateur de la coalition PWYP au Congo et c'est à ce titre qu'il siège au conseil d'administration international de l'ITIE.

    3 Respectivement selon le décret n° 05/160 du 18 novembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement du comité de pilotage du comité national ITIE et l'arrêté n°026/CAB/ MIN. PL/2007 portant nomination des membres du conseil consultatif du comité national de mise en oeuvre de l'ITIE.

    4 Quelques exemples : au Niger, l'article 8 de l'arrêté n°000073/PM du 04 juillet 2005 portant création, attributions, composition et fonctionnement du dispositif institutionnel de préparation et de suivi de la mise en oeuvre de l'ITIE au Niger réserve des sièges à des membres dont on soupçonne qu'ils sont de la société civile. Il s'agit de deux représentants des medias public et privé, un représentant du collectif d'ONG nationales, un représentant des ONG internationales, un représentant du SYNTRAMIN et un représentant du collectif des organisations de base. La Mauritanie a accorde neuf (09) sièges aux organisations de la société civile au sein du comité national de mise en oeuvre de l'ITIE selon le décret n° 29-2006 modifiant certaines dispositions du décret n° 2006-001 du 13 janvier 2006 portant création, organisation et fonctionnement de l'ITIE en Mauritanie. Le NEITI Act au Nigeria stipule dans sa section 6 paragraphe (a) que: «In making the appointment into the NSWG, the president shall include ... representatives from civil society».

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    relative aux industries extractives car, il s'agit d'un secteur inconnu pour la plupart des citoyens ordinaires. Au Niger, le Réseau des Organisations pour la Transparence et l'Analyse Budgétaire (ROTAB-PCQVP/Niger) a lancé un bulletin d'information destiné au grand public au sujet des industries extractives qu'il veut transparentes. Il a lancé un site Internet1 comme nombre de coalitions nationales PWYP dans le but de rendre les informations locales disponibles pour tous et de constituer des fora de discussion. Les ateliers et autres journées d'information permettent aux ONG de rendre publiques les informations relatives aux industries extractives. La coalition camerounaise PWYP a ainsi organisé le 10 mai 2007 à Douala, le 08 et le 15 novembre 2007 à Limbé et Bertoua des journées d'information publiques sur l'initiative de transparence des industries extractives et la campagne « Publish What You Pay ». Le but de ces journées était de maximiser l'efficacité de la coalition et de toucher un large public tout en partageant les connaissances avec ce dernier.

    La formation est également l'un des domaines d'action des organisations de la société civile. Eu égard à la complexité des rouages du suivi budgétaire des industries extractives, les membres des comités issus de la société civile nécessitent souvent une formation appropriée que leur offrent les institutions gouvernementales mais également les organisations de la société civile. C'est ainsi que le ROTAB -PWYP/Niger a initié du 30 au 31 août 2007 un atelier sur l'EITI. Il s'est agi d'un atelier de formation destiné à la société civile et animé par Mamane Sa Adamou de l'ONG Alternative Espace Citoyen et de Bagna Aissata Fall. Un autre atelier du même type fut organisé les 21 et 22 août à l'ambassade du Canada à Niamey sur la problématique des industries extractives au Niger. Ce dernier faisait suite à un atelier antérieur organisé du 12 au 13 juillet 2006 par la même organisation à savoir le Groupe de Réflexion et d'Action. Au Cameroun, la coalition a organisé les 22 et 23 janvier 2008 un atelier de formation des membres de la coalition sur la gestion financière et administrative d'un projet qui s'inscrivait dans une série à la suite de l'atelier du 7 au 9 août 2007 destiné à la formation des membres de la coalition sur le suivi du budget de l'Etat et la fiscalité pétrolière.

    Le bon déroulement de ces ateliers requiert souvent des moyens financiers dont ne disposent pas les organisations et les coalitions qui se tournent donc vers leurs partenaires du monde développé. L'atelier du ROTAB a ainsi bénéficié du financement de Revenue Watch

    1 www.tamtaminfo.org

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 144 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Institute, tandis que celui du GREN a été sponsorisé par SWISSAID. Les organisations non gouvernementales prennent ainsi part à la transparence des industries extractives par un apport des financements. Voici quelques chiffres des financements reçus par la coalition camerounaise PWYP pour l'année 2007.

    Tableau 3 : les financements reçus par la coalition PWYP/Cameroun en 2007

    ONG donatrice

    Montant du financement

    %

    Revenue Watch Institute

    23.701.1751

    53'2

    Open Society Institute West Africa (OSIWA)

    19. 232. 893

    43'2

    MISEREOR

    1.632.498

    03'6

    TOTAL

    44.566.566

    100

     

    Source : Rapport annuel 2007 de la coalition camerounaise PWYP p. 20.

    D'autre part, parce que gardiennes des opérations de transparence, les organisations de la société civile veillent à l'effectivité de la transparence dans les industries extractives. Elles ont ainsi la charge de s'assurer que les rapports que publient les Etats et qui sont censés rendre compte des paiements et recettes issus des industries extractives sont fiables. Même s'il est encore difficile de témoigner de la réalité des chiffres livrés dans ces rapports, tant les Etats et les firmes disposent de plusieurs outils pour tromper la vigilance des organisations de la société civile, ces dernières ont souvent dénoncé les irrégularités, prenant le peuple à témoin. La publication des rapports de conciliation est souvent l'occasion d'une inflation de condamnations d'un processus jugé unfair, alors même que lesdites organisations qui se plaisent à la stigmatisation a posteriori n'ont pas osé bloquer la publication du rapport. En fait, l'adoption des textes et autres mesures qui relèvent de la compétence du comité ne se fait pas par un vote secret, du moins dans nombre de pays. Même si l'on peut avoir des réserves quant aux agitations ex post des organisations de la société civile, il demeure que dans l'optique de la description de leur participation dans la mise en oeuvre, la publication des rapports dits « d'évaluation indépendante » relève du contre-pouvoir que sont censées représenter les ONG dans l'initiative.

    1 En FCFA la monnaie locale

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    Ainsi, les sociétés civiles ont coutume de dénoncer le mode adopté par la plupart des pays candidats pour la publication des chiffres. A la différence de certains pays comme le Nigeria la plupart des pays ont opté pour la publication des données agrégées et ce, malgré l'insistance des sociétés civiles qui jugent plus transparentes les données désagrégées. Lorsqu'en avril 2007 le Gabon publie son second rapport, la société civile juge que l'écart de 64.990.000 dollars est énorme. Elle condamne par ailleurs le fait que Total Gabon, Total Participation et Shell Gabon n'ont pas certifié leurs déclarations. De plus, le Gabon ayant perçu son profit oil en nature et l'ayant commercialisé sur le marché international par le truchement de Petrolin, le fruit de la vente n'a pas été indiqué dans les données et, ces anomalies ont entraîné une vague de dénonciation de la part des organisations de la société civile. La publication du troisième rapport gabonais a révélé un écart de 63,4 millions de dollars pour les produits pétroliers mais, ces écarts représentant moins de 5%, sont jugés acceptables par le conciliateur indépendant1.

    La coalition camerounaise PWYP a publié une déclaration sur le rapport de conciliation des chiffres et des volumes dans le cadre de l'EITI au Cameroun2. En effet, le 26 décembre 2006 le gouvernement camerounais a rendu public son premier rapport de la mise en oeuvre de l'EITI. La coalition a exprimé son rejet du mode de publication des données, en estimant que la « publication agrégée des chiffres biaise la transparence et maintient l'opacité dans le processus, car ne permet pas entre autre, d'identifier les flux entre les compagnies prises individuellement, et l'Etat et ses démembrements. De la même manière, elle ne permet pas d'identifier les compagnies défaillantes, ni de situer la période des défaillances d'une année à l'autre pendant la période considérée ». Tout se passe comme si les membres de la coalition découvrent en même temps que le public le rapport car, ils marquent leur surprise devant les écarts et autres absences de déclarations de la part de l'Etat. Tout en restituant certains des aspects de la dénonciation des sociétés civiles dans le cadre de leur rôle de contrôle au sein des comités de mise en oeuvre, il se dégage comme un laxisme de la part de ces organisations devant la responsabilité lourde qui est la leur, dans ces processus de transparence. Mais, en plus de ces éléments qui relèveraient du laxisme, il existe des preuves du malaise de certains Etats devant cette nouvelle donne qui suppose la cohabitation avec des organisations de la

    1 M. Anton Mélard de Feuerdant du cabinet Ernst & Young qui s'occupe de la conciliation au Gabon disait d'ailleurs à la suite des contestations consécutives à la publication du premier rapport EITI Gabon que l'écart de 5% est acceptable car c'est l'écart 0 qui serait plutôt suspect. M. Marc Ona Essangui de Brainforest Gabon nous a tenu le même propos lors de son passage au Cameroun en mars 2008.

    2 Voir le site du Réseau de Lutte contre la Faim www.relufa.org.

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    société civile dans la gestion des affaires délicates telles que les revenus des industries extractives.

    3. Obstacles à l'émulation de la société civile sur les sentiers de la transparence Les écluses sur le chemin de la participation effective de la société civile sont de plusieurs natures. Il peut s'agir de l'organisation insuffisante des réunions, de l'inaccessibilité des documents à débattre lors des réunions ou des problèmes lié au choix des membres de la société civile.

    Au Cameroun, un membre de la coalition nous a confié que l'organisation des réunions à la hâte ne permettait pas aux membres de la société civile domiciliés dans d'autres villes que la capitale Yaoundé de s'y rendre à temps. Ce d'autant plus que les documents soumis à l'ordre du jour ne sont jamais transmis deux semaines avant la tenue des réunions comme l'ont souhaité les organisations de la société civile. Un autre a avoué aux enquêteurs de Revenue Watch Institute en charge de recueillir les données pour l'évaluation de la mise en oeuvre de l'EITI en 2006 que : « Les représentants de la société civile n'ont pas eu la possibilité de contribuer au plan de travail. Les représentants du gouvernement sont arrivés à la réunion avec les documents et les ont analysés pendant cette même réunion...Les représentants de la société civile n'avaient pas eu le temps de se préparer puisque les documents n'avaient pas été distribués avant la réunion ». Cela peut en partie expliquer l'impression de laxisme que dégagent les critiques acerbes à l'endroit des textes que les détracteurs ont eux-mêmes adoptés. Cette ruse de l'improviste qui consiste à remettre les documents le jour de la réunion est un stratagème apparemment répandu puisqu'un membre de la coalition mauritanienne nous a confié la même inquitétude. Le rapport Eye on EITI1 évoque les cas de la République Kirghize où le comité s'est réuni seulement deux fois en deux ans au lieu de quatre fois par an. Tandis qu'au Nigeria, le NSWG fait aussi figure de mauvais élève en terme des réunions annuelles.

    Le souci de contrôler le processus de transparence a conduit certains gouvernements à nommer les représentants de la société civile au lieu que celle-ci désigne ses membres au sein du comité. Au Cameroun, deux membres du parlement sont considérés comme faisant partie de la société civile. Si le ressortissant de l'opposition peut se targuer de jouir d'une liberté

    1 Un regard sur l'EITI : perspective de las société civile et recommandations concernant l'EITI, Publish What You Pay et Revenue Watch Institute, octobre 2006.

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    d'esprit, peut-il en être de même de celui qui est issu de la majorité au pouvoir ? Le Gabon dans la première version de la composition de son groupe d'intérêt a assigné les deux places réservées à la société civile à deux membres du conseil économique et social qui est un corps constitué de l'Etat et dont on ne peut douter de l'inféodation à la politique gouvernementale. Il a fallu de vives protestations de la société civile réelle pour qu'en 2006, M. Marc Ona Essangui président de l'ONG Brainforest et Mgr Mike S. Jocktane du Rassemblement des Eglises et ministères pentecôtistes et charismatiques du Gabon remplacent les précédents pseudo-représentants de la société civile. En Mauritanie, le décret n° 2006-001 portant création, organisation et fonctionnement du Comité National de l'Initiative sur la Transparence des Industries Extractives indique au nombre des représentants de la société civile quatre représentants des partis politiques. Les mêmes constatations ont été faites pour ce qui concerne les comités de mise en oeuvre de la Mongolie où le gouvernement a désigné comme membres de la société civile des personnes qui représentaient des intérêts privés des entreprises et au Nigeria, avec le rôle prépondérant joué par l'ancien président Olusegun Obasanjo dans la désignation des membres de la société civile siégeant au sein du comité des 28 personnes chargées de piloter la mise en oeuvre de l'EITI.

    A ces actions ou inactions qui illustrent le désir des gouvernements de contrôler la totalité du processus de mise en oeuvre de la transparence des industries extractives, il faut ajouter l'intimidation et l'arrestation des membres de la société civile. En plus des soucis de Marc Ona Essangui du Gabon et des sieurs Brice Mackosso et Christian Mounzeo au Congo-Brazzaville déjà évoqués dans cette étude, le cas de M. Golden Misabiko en RDC vient enrichir la liste des victimes collatérales de l'activisme non gouvernemental. Ce président de l'Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme (AADDH)/section du Katanga a publié le 13 juillet 2009, un rapport intitulé « Mine uranifère de Shinkolobwe : de l'exploitation illicite artisanale à l'accord entre la RDC et le groupe nucléaire français AREVA ». En corollaire, il a été appréhendé le 25 juillet par les services de renseignements du pays pour « atteinte à la sûreté de l'Etat ». Devant l'inquiétude suscitée par cette unième interpellation la coalition internationale PWYP a adressé le vendredi 7 août 2009, une lettre ouverte à madame Hillary Clinton pour requérir un soutien plus affirmé du gouvernement américain pour la transparence des industries extractives. Il faut y ajouter les interpellations de MM. Wada Maman et Marou Amadou du ROTAB/PCQVP/Niger en août 2009 par les autorités nigériennes. Ces entraves sur la route de la transparence illustrent la difficulté à se

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    départir d'un habitus de total contrôle des institutions de l'Etat et traduit le bouleversement des habitudes qu'induit la complexification de la politique internationale qui donne naissance à des initiative telles que EITI, Global Compact etc. dans lesquelles les gouvernements sont invités à tabler sur des questions relevant de leur souveraineté avec des acteurs privés, même quand ils sont fortement liés à l'extérieur ou sont tout simplement étrangers.

    Les ONG plus globalement ou bien les organisations de la société civile si l'on veut s'entourer de la prudence définitionnelle qu'exige le maniement d'un concept aussi ouvert, ne constituent cependant pas le seul acteur dont l'irruption dans la politique internationale est le signe de la complexité. Dans la démonstration de ce premier niveau de la relativité de la souveraineté, le foisonnement des acteurs qui ont acquis un locus standi au sein des espaces de résolution des problèmes tout aussi complexes, révèle que les ONG sont autant déterminantes que les industries extractives en tant que sociétés et donc, acteurs des « relations transnationales ». Les firmes transnationales en général et les firmes du secteur des industries extractives vont constituer la quintessence de la section suivante.

    Section 2 : Les firmes multinationales du secteur des industries extractives dans l'économie politique internationale : affirmation de la qualité d'acteur et oppression de la souveraineté

    Cette section s'articule autour de l'idée que les sociétés multinationales en général et les multinationales des industries extractives en particulier, sont des acteurs à part entière et confirmés de la politique internationale et que cette affirmation de l'actorité comporte des éléments de subversion de la souveraineté. Engagé dans la démonstration de la relativité de la souveraineté par la profusion des acteurs impliqués dans la politique internationale et eu égard aux transactions complexes qui les lient, la pertinence de l'idée d'une excroissance des acteurs a semblé constituer le passage obligé pour que rendre raison de la relativité de la souveraineté au travers des interactions complexes entre ceux-ci possède un sens. Cette étude s'inscrit donc dans le sillage des auteurs de la sociologie des relations internationales1 qui rendent compte de la complexité de la scène internationale en raison de l'irruption des acteurs privés à l'instar des multinationales, des ONG, des organisations intergouvernementales et des

    1 Notamment : Guillaume Devin (2002) Sociologie des relations internationales. Paris : La découverte et Syros ; Marcel Merle (1974), Sociologie des relations internationales, Paris : Dalloz

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    mouvements transfrontaliers1. Elle confirme la thèse de la complexité qui peut faire penser à une obsolescence de la souveraineté devant le flux de border spanners qui transgressent la territorialité, propriété première de l'Etat. Cet espace qui se veut l'occasion de la démonstration de l'actorness des multinationales comme acteurs privés, impose quelques précisions sémantiques sur la notion d'industries extractives.

    La notion d'industries extractives renvoie à la fois à un secteur d'activité et à une catégorie d'acteur. C'est d'abord un secteur d'activité qui au sens du rapport de la CNUCED 2007 sur les investissements dans le monde, assigne à la notion la connotation figée et non la mobilité d'un acteur. Il y est dit : « Dans le présent rapport, les industries extractives sont définies comme les activités primaires concernant l'extraction de ressources non renouvelables. Elles ne couvrent donc pas des branches d'activité telles que l'agriculture, la sylviculture et la pêche2 ». Ce sens ne contient pas la charge sémantique que cette étude veut attribuer aux industries extractives. En effet, selon la logique suivie, les industries extractives ne sont pas ce secteur impersonnel et inerte mais, une version écourtée de l'appellation sociétés des industries extractives. Ce qui rend bien compte qu'il s'agit d'un acteur mouvant et animé. De plus, l'importance des industries extractives en tant qu'acteur de la politique mondiale sera croquée dans son caractère dynamique. Jam dies, elles ont servi à la poursuite de l'intérêt, animées par le seul désir de faire du profit et ont ainsi été de acteurs centraux de la mondialisation de l'économie libérale3avec les risques et incidences que cela a induit. Leur importance contemporaine sera nécessaire dans la résolution de certains des fléaux de la mondialisation et à ce titre, leur place dans la transparence du secteur est centrale. Dans les deux cas, il s'agit de dire que les multinationales des industries extractives sont des acteurs pertinents dans la politique mondiale.

    Les sociétés multinationales du secteur des industries extractives s'insèrent dans une composante plus large à savoir les multinationales tout simplement. Aussi, un propos sur les sociétés des industries extractives doit restituer le cadre général de leur appartenance ce, dans un élan d'affirmation de l'acteur (paragraphe I) pour ensuite examiner le cas particulier de

    1 D'où l'allégorie de la « toile d'araignée » utilisée par John Burton pour traduire l'enchevêtrement des acteurs qui ne peuvent plus être appréhendés simplement par l'opposition Etats-acteurs privés qui peuvent de temps en temps entrer en contact dans le cadre d'un système à l'image des « boules de billards » que critique d'ailleurs Arnold Wolfers.

    2 CNUCED (2008) Rapport sur les investissements dans le monde 2007 : Sociétés transnationales, industries extractives et développement. Nations Unies : Genève, p.33.

    3 Lire à ce propos Wladimir Andreff (2003) Les multinationales globales. Paris : La découverte.

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    leur implication dans l'initiative de transparence des industries extractives dans leur rapport à la transparence, parce que subversives de la souveraineté étatique (paragraphe II).

    Paragraphe I : Considérations générales sur les multinationales du secteur des industries extractives dans la politique internationale

    La prononciation sur les industries extractives en tant qu'acteurs pertinents de la politique internationale, par le fait de leur implication dans l'Initiative de Transparence des Industries Extractives exige de dire l'insertion dans un cadre plus large de cette catégorie d'acteurs. En effet, va-t-on parler des industries extractives sans sacrifier au devoir de les enchâsser dans les sociétés multinationales ? Non pas cependant que toutes les firmes qui opèrent dans ce domaine sont multinationales ou transnationales mais, c'est une expression de la marginalisation expresse des sociétés extractives confinées dans les frontières territoriales d'un seul Etat car, de façon arbitraire, il nous a semblé pertinent lorsqu'on veut démontrer les transformation de la souveraineté du fait de l'action des acteurs privés, d'invoquer les sociétés dont le champ d'action est multinational. Ainsi, ce paragraphe obéit-il à cette gradation qui rend compte de la généralité des multinationales (A) qui abritent en leur sein des multinationales des industries extractives (B).

    A. Les sociétés multinationales : le renouveau d'un objet d'analyse ancien. 1. Eléments de définition et d'histoire des sociétés multinationales

    L'émergence des sociétés transnationales ou multinationales peut être liée à l'essor du

    capitalisme. Tel semble être l'avis de Karl Max et Engels qui dans le Manifeste du Particommuniste1, liaient intimement le phénomène de transnationalisation des sociétés nationales

    au capitalisme. Ainsi, le fabuleux destin des sociétés multinationales ne s'explique que par l'expansion du capitalisme qui est un système bâti sur la quête du profit à partir d'un capital. La définition de la société multinationale comporte à la fois une simplicité et une dose de complexité. En effet, si l'on s'en tient à son caractère multinational c'est-à-dire le fait pour elle d'échapper à l'emprise territoriale d'un seul Etat pour implanter des filiales à l'étranger, il se dégage quelque facilité à la définir car, il faudra tout simplement dans ce cas, restituer l'importance d'un centre unique de décision et la saillie de représentations outre-frontières.. Le tout premier auteur à s'intéresser aux sociétés multinationales est Maurice Byé de

    1 Max et Engels cité par Jacques Huntzinger (1987) Introduction aux relations internationales. Paris : Le Seuil, p.53-54

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    l'Université de Paris. En 1953, il mena une étude sur les « Grandes unités de production interterritoriales ». Pour lui, ces grandes unités de production inter-territoriales qui sont l'équivalent des multinationales, sont un « ensemble intégré d'organisations de production contrôlées en divers territoires par un centre unique de décision1 ». Cette tendance à la spécification de l'essence des multinationales sur la base de leur multi-présence dans moult espaces territoriaux nationaux est fort répandue car, Mucchielli se penchant à son tour sur cette catégorie d'acteurs, la présente comme « toute entreprise possédant au moins une unité de production à l'étranger2». Cette unité de production implantée à l'étranger doit être autre chose qu'une succursale commerciale. Elle doit produire tout ou partie de ses produits à l'extérieure de son territoire d'origine pour être considérée comme une entreprise multinationale. C'est pourquoi Wladimir Andreff3 estime que dès lors qu'une entreprise possède ou contrôle des filiales de production ou des actifs physiques et financiers dans au moins deux pays de l'économie mondiale, elle peut être considérée comme multinationale. Et John Dunning conforte cette vue en mettant une emphase particulière sur le rôle de l'investissement direct étranger dans l'appréhension du phénomène des sociétés transnationales. Il parle de Multinational Producing Enterprise pour designer la société qu'il considère transnationale et la définit comme « an enterprise which owns or controls producing facilities (i.e factories, mines, oil refineries or distribution outlets, offices etc.) in more than one country4 ». Pareille entreprise est distincte de ce qu'il appelle Multinational Trade Enterprise (MTE) qui écoule tout simplement dans d'autres pays les produits fabriqués dans le pays de son implantation. Mais, elle diffère également de l'entreprise qui n'est transnationale que par la provenance multinationale de ses capitaux (Multinational Owned Enterprise, MOE). Johan Galtung ne souscrit pas à cette caractérisation et pense que, la qualification multinationale d'une société sur la base de son déploiement sur deux Etats seulement en fait une société non pas multinationale, mais transnationale. De plus pense-t-il, le principe de déséquilibre entre les Etats interdit de parler de société multinationale car, l'asymétrie que masque l'appellation « multinationale » est le signe d'une relation de

    1 Maurice Byé est cité par Jean Louis Mucchielli (1998) Multinationales et mondialisation. Paris : Le Seuil, p. 16

    2 Mucchielli, op. cit. p. 18

    3 Andreff W. op. cit. p.6

    4 Dunning John H. «The multinational enterprise: the background» in Dunning John H. (ed.) The multinational enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. p. 16-17.

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    domination à partir d'un Etat développé. Il propose donc de parler d'OINGC (Organisation Inter Non Gouvernementale Commerciale)1.

    Même si quelques fois le terme multinational au sens entendu dans cette étude peut échoir aux trois catégories, nous faisons le choix sémantique de la catégorie MPE. Cette structure définitionnelle exclut de notre champ d'analyse certaines compagnies nationales qui comme la Société Nationale des Hydrocarbures du Cameroun (SNH), la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) et bien d'autres de la même catégorie, n'ont pas d'actifs physiques à l'extérieur en terme de capacité de production. D'ailleurs, elles ont un simple rôle de protection des intérêts de leurs Etats respectifs dans les opérations d'extraction. De plus, elles ont en général la charge de gérer la part du profit oil qui à la suite des opérations d'extraction, revient à leurs gouvernements pour l'écouler sur le marché international.

    Le parti pris transnationaliste dans la définition des sociétés multinationales rend compte de la pertinence de l'attribut qui accompagne ces entreprises. Cependant, il existe quelques éléments de complexité et qui relèvent des techniques économétriques particulières, et qui sont porteurs d'une essence explicative des multinationales et des critères de l'internationalisation d'une société. Déclarer qu'une société est multinationale peut reposer sur des éléments tels que son chiffre d'affaires, le chiffre de ses ventes mondiales et la valeur des actifs possédés à l'étranger2. On peut considérer que si une firme possède au moins 10% du capital d'une entreprise étrangère, cette dernière peut être sa filiale et donc, faire de la première une firme multinationale. La mondialisation qui a favorisé les fusions et rachats des sociétés les unes par les autres, rend très complexe la définition sur le plan technique de la société multinationale. Mucchielli dit à cet effet : « le statut de multinationale est en fait une question de degré. Il n'y a pas deux situations extrêmes : être multinationale ou ne pas être

    1 Johan Galtung, « Un continent invisible : les acteurs non territoriaux, vers une typologie des organisations internationales », Georges Abi-Saab, op. cit. p. 69.

    2 La catégorisation de Perlmutter distingue trois types, les firmes ethnocentriques tournées vers leurs pays d'origine, avec un faible degré de multinationalisation qui n'est que le prolongement de certaines activités nationales. Ensuite, le type polycentrique : ici, l'entreprise est implantée dans plusieurs pays et traite chacun comme un marché particulier. Enfin le type géocentrique pour qui la firme est orientée vers le marché mondial. Pour toutes ces catégories cependant, il existe un degré de multinationalisation qui est certes relative mais l'on peut penser que la catégorie ethnocentrique est une espèce en voie de disparition car, les sites de matières premières de plus en plus lointains, la variation du coût de la main d'oeuvre et les facilités des marchés captifs exigent de la part des sociétés un effort de multinationalisation, il y va même de leur survie. Il considère cependant que seules les sociétés qui couvrent la globalité du marché dans le cadre du type géocentrique sont réellement multinationales. Perlmutter H.V « The tortuous evolution of the multinational company » Columbia Journal of World Business, January/February 1969 cité par Dunning John H. (1971) op. cit. p. 18

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    multinationale1 ». Dans le cadre de cette analyse, sera considérée comme société transnationale toute firme qui possède des unités de production dans au moins un pays autre que celui d'origine et, les filiales commerciales seront exclues du champ d'analyse.

    Les sociétés multinationales actuelles trouveraient leur origine dans les dernières décennies du XIXème siècle2. Comme le dit Dunning : « During the last half century, and particularly in the last twenty years, a new and separately identifiable vehicle of international economic activity has emerged as a result of the internationalization of the productive activities of many activities3 ». Leur éclosion a été rendue possible par le développement fulgurant des moyens de communication et de transport à la fin du dix neuvième siècle. Les câbles, les bateaux à vapeur et autres chemins de fer et télégraphe ont crée un monde dans lequel la multinationalisation des sociétés a trouvé un terrain favorable. Robert Z. Aliber situe la croissance de ce phénomène dans l'ère qui a vu naître les compagnies East Indies et Hudson's Bay4. Quoiqu'il en soit, le phénomène a gagné en importance au fur et à mesure de l'interconnexion des Etats car, en 1914, 41 entreprises américaines ont déjà au moins deux filiales à l'étranger. Il s'agit notamment de Ford, Singer Sewing Machine, Westing House, General Electric, International Harvester etc. Et, avant cette année quarante firmes européennes ont des filiales à l'étranger (notamment : Siemens, Bayer, AEG) et Michelin établit sa première usine aux Etats-Unis en 19075. Toutefois la timidité de la transnationalisation et le caractère vertical6de leurs actions qui par le fait de l'économie coloniale mais aussi de la prépondérance des firmes américaines, allaient s'implanter vers les débouchés ou vers les réservoirs de matières premières, a permis que le processus fut ignoré pendant longtemps par les chercheurs. Il fallut attendre la fin de l'organisation économique d'après guerre7 pour que la complexification croissante de l'architecture économique

    1 Mucchielli op. cit. p.26

    2 Wladmir Andreff rapporte que dès 1852, Colt a implanté une usine à Londres, Bayer s'est installé aux EtatsUnis en 1865 et Singer a ouvert une usine à Glasgow en 1867. Andreff op. cit. p.8

    3 Dunning John H. «The multinational enterprise: the background» in Dunning John H. (ed.) The multinational enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. p. 16

    4 Aliber Z. Robert «The multinational enterprise in a multiple currency world» in Dunning John H. (ed.) The multinational enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. pp. 49-56.

    5 Mucchielli op. cit. p18

    6 Aliber op. cit. p. 49

    7 Robert Gilpin parle d'une économie fondée sur la triade USA-Japon- Europe occidentale et sous la coupole des premiers. Des bouleversements survenus dans le courant des années 1970 tels que l'annonce d'une nouvelle politique économique par le président Nixon le 15 août 1971 en réaction à un déficit commercial des USA, la dévaluation du dollar en décembre 1971 et février 1973. Mais ces événements internes aux USA sont à conjuguer avec le rapprochement du pays avec la Chine, et la marche vers la détente avec l'URSS. Toutes choses qui ont rendu complexe un système jadis piloté par les Etats-Unis. Robert Gilpin (1975) op. cit p. 38

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    mondiale autorise une excroissance des multinationalisations et ipso facto, un intérêt pour la recherche. Cet intérêt va révéler un acteur incontournable de la politique internationale.

    2. De la pertinence des sociétés multinationales dans l'économie politique internationale

    En 1960, Stephen Hymer un jeune canadien du MIT a produit une thèse de doctorat sur les sociétés multinationales1. Cette étude scientifique des firmes multinationales qui constitue avec celle de Byé les premières analyses du phénomène de transnationalisation des entreprises et leur impact sur les pays, l'explique par la volonté d'assurer la sécurité de son investissement et de contrôler l'ensemble du rendement des capitaux investis d'une part et d'autre part, de modifier les structures de compétition entre les firmes et organiser une sorte de collusion avec ses filiales étrangères. Mais au-delà de l'explication du phénomène, c'est un acteur sous-évalué ou ignoré qui est révélé à la communauté scientifique internationale. Son importance est illustrée par le rôle qu'il joue dans l'investissement direct étranger et donc dans la mondialisation de l'économie internationale.

    Si l'on peut blâmer l'action de certaines firmes multinationales qui ont mené une politique étrangère belliciste et quelques fois contre-productive pour les Etats2, au point que dans les années 1960 le syndicaliste Charles Robinson accusait les multinationales d'être responsables de l'inflation, force est de noter que celles-ci sont responsables de l'augmentation des investissements directs en direction de l'étranger, avec une nouvelle vague de multinationales et donc d'IDE en provenance des Etats du tiers-monde dès les années 1980.

    Le paradigme du développement par l'investissement est très centré sur le rôle et l'apport des investissements directs étrangers dans les processus de développement des Etats3. Il s'agit

    1 Publié 16 ans plus tard : Hymer Stephen (1976) The International operations of national firms : A study of foreign direct investment. Cambridge: Massachusetts, MIT Press.

    2 On rappellera les politiques de Elf au Gabon et au Congo dans la guerre civile de 1997, l'affaire Elf avec Loïc le Floch-Prigent, le soutien de United Fruit aux mercenaires encadrés par la CIA pour le renversement du colonel Arbenz au Guatemala en 1954, la collusion entre la CIA et International Telephone and Telegraph dans la chute de Salvator Allende au Chili en 1973. Mais on peut également évoquer les actions de Total et Pepsico en Birmanie dans les années 1990 et même 2000.

    3 Sur le paradigme du développement par l'investissement appelé Investment Development Path, on peut lire les travaux de John H. Dunning notamment: Dunning John H. (1993) « The prospect of foreign direct investment in Central and Eastern Europe » in Dunning John H. ed., The globalization of business. The challenge of the 1990s, London & New York : Routledge, pp. 220-241 ; Dunning John H. (1993) Multinational enterprises and the global economy, Wokingham and Reading: Addison-Wesley.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 155 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    d'une approche paradigmatique qui considère que les changements structurels de l'économie conjugués avec la nature des investissements directs étrangers sont les moteurs de la croissance économique d'un Etat. En lieu et place de l'aide public au développement, cette forme d'assistance au développement semble séduire Fabienne Boudier-Bensebaa1 qui à la lumière du cas des Etats de l'Europe centrale et de l'Est, tente d'évaluer l'incidence de l'IDE sur les sentiers de développement à la recherche des éléments d'homogénéité. Mais, même si l'aspect comparatif de son analyse n'est pas le centre de notre intérêt, elle démontre l'impact de l'IDE dans le développement des Etats. Car, son flux a le mérite de créer des emplois qui encouragent la mobilité des travailleurs hautement éduqués c'est-à-dire un transfert des technologies et de l'expertise2.

    Il ne suffit cependant pas qu'il existe un transfert de fonds d'un pays à un autre pour que l'on parle d'investissement direct étranger. Pour qu'un flux de capitaux prenne la coloration d'investissement direct étranger, il faut qu'il existe une capacité de contrôle ou un pouvoir d'influence sur la gestion d'une entreprise étrangère, qu'il y ait un transfert de compétences complexes et une logique de production. C'est dire que le simple mouvement de capitaux ne suffit pas à conférer le caractère d'investissement direct étranger à un financement. L'on peut y voir la différence et même la cause principale de l'échec d'une certaine politique d'aide au développement qui transférait uniquement des fonds aux pays sous-développés sans une logique et un arsenal de production des richesses. Et, qui a conduit au recyclage de l'aide publique au développement en produit de la corruption entre les élites des pays en développement et les planners comme William Easterly3 appelle les planificateurs du développement des Etats depuis les institutions de Bretton Woods.

    L'IDE est aussi différent d'un investissement de portefeuille qui n'est qu'une prise de participation sous forme d'achat d'actions ou autres modes qui ne sont perçus que comme un placement financier. La banque de France par exemple définit l'IDE à partir de certains critères tels que : la détention à l'étranger d'une unité ayant une autonomie juridique ou une

    1 Boudier-Bensebaa « FDI-assisted development in the light of the investment development path paradigm: Evidence from Central and Eastern European countries »Transnational Corporations, vol. 17, n° 1 (avril 2007) pp. 37-63.

    2 Comme le démontrent Steven Globerman et Daniel Shapiro pour le cas de la mobilité des travailleurs hautement qualifiés dans l'espace OCDE. Globerman Steven & Shapiro Daniel « The international mobility of highly educated workers among OECD countries » International Corporations, vol. 17, n°1 (avril 2007) pp.1- 35.

    3 A propos de l'échec des politiques d'aide au développement planifiées depuis Washington et des effets pervers desdites politiques, lire Easterly William (2006) The White man's burden. London : Penguin Books Ltd

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    succursale, la détention d'une proportion significative du capital donnant à l'investisseur résidant un droit de regard dans la gestion de l'entreprise étrangère investie ; pareille participation peut être supérieure ou égale à 10%. Avec plus de 44.508 multinationales en 1957 possédant plus de 276.660 filiales en 1957 déjà, il y en avait plus de 7.000 à la fin des années 1960 et 40.000 en 1997 d'après les Nations Unies. Le flux d'IDE que drainent ces sociétés leur a conféré une importance indubitable dans l'économie politique internationale au point que certains auteurs tels que Raymond Vernon1 ont proclamé l'anachronisme de l'Etatnation pour souligner l'importance des multinationales dans la distribution du pouvoir dans la politique internationale. A ce sujet, Bergsten, Keohane et Nye disent: «With regard to multinational enterprises, some incautious or enthusiastic observers have gone too far in proclaiming the death of the nation state in a world of interdependence2» (à propos des entreprisess multinationales, certains observateurs non avertis et enthousiastes sont allés trop loin en proclamant la mort de l'Etat-nation dans un monde interdépendant). D'après le rapport des Nations Unies sur les investissements dans le monde publié en 2007, les IDE ont atteint par exemple en 2006, 1.306 milliards de dollars soit une augmentation de 38% par rapport à 2005. Le record de 2000 (1.411 milliards de dollars) n'a pas pu être battu mais, l'on a toutefois noté des chiffres exceptionnels avec des entrées des IDE dans les pays développés qui ont connu une croissance de plus de 45%, des entrées dans les pays en développement qui ont atteint le record de 379 milliards de dollars ce, du fait notamment du boom des industries extractives observé entre 2004 et 2008. Ce qui représente pour l'entrée des IDE dans les pays en développement, une augmentation de 21% par rapport à 2005 tandis que, les entrées de IDE dans les pays en transition ont été évaluées à 69 milliards de dollars soit 68% d'augmentation. Tous les secteurs d'activité ont connu une embellie depuis 1990 et les tableaux ci-dessous donnent un aperçu des tendances en considérant les sorties et les entrées des IDE en 1990 et en 2005.

    1 Vernon Raymond (1971) Sovereignty at bay. New York: Basic Books. On peut également lire pour cette école, les auteurs tels que Kindleberger Charles et les travaux de Susan Strange sur les firmes multinationales.

    2 Bergsten Fred C., Keohane Robert O., Nye Joseph S. «International economics and international relations: A framework for analysis» in Bergsten Fred C and Krause B. Lawrence (Eds). (1975) World Politics and International Economics. Washington DC: The Brookings Institution, p. 11

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 157 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Tableau 4 : Stock estimé de l'IDE entrant par secteur en 1990 et 2005 (en millions de dollars)

    Secteurs

    1990

    2005

     

    PVD

    Monde

    Pays
    développés

    PVD

    Monde

    Primaire

    139.013

    27.847

    166.860

    551.2002

    201.559

    790.478

    Manifacture

    584.069

    144.996

    729.065

    2.196.988

    716.624

    2.975.519

    Services

    713.721

    155.123

    868.844

    4.683.574

    1.339.703

    6.110.761

    Activités
    non
    spécialisées

    9.662

    4.767

    14.429

    108.101

    48.668

    164.998

     

    Source : conçu à partir des données du WIR 2007 de la CNUCED

    Tableau 5 : Stock mondial estimé d'IDE sortant par secteur, 1990 et 2005 (en millions de dollars)

    Secteurs

    1990

    2005

     

    PVD

    Monde

    Pays
    développés

    PVD

    Monde

    Primaire

    161.564

    2.219

    163.783

    584.093

    35.365

    618.569

    Manifacture

    793.573

    6.452

    850.025

    2.655.294

    117.426

    2.774.283

    Services

    834.927

    834.927

    846.550

    6.264.620

    870.740

    7.095.563

    Activités
    non
    spécialisées

    4.139

    716

    4.855

    66.959

    21.538

    88.676

     

    Source : conçu à partir des données du WIR 2007 de la CNUCED

    Par delà la finesse que peut requérir l'interprétation des chiffres, le constat de l'importance des flux des IDE par le fait des multinationales valide la thèse de leur importance sans cesse grandissante dans le sérail des acteurs de la politique internationale, telle fut dès le départ toutefois la présomption de cette étude et, qui contribue à la démonstration de la relativité de la souveraineté dans un contexte où la multiplication des acteurs a semblé signifier la fin du principe structurant de leurs relations.

    Cette émulation excroissante des multinationales, grande composante qui comporte des micro-classes, a été prise au sérieux par la communauté internationale dès la fin de l'ordre

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    économique post-guerre dont Robert Gilpin1 pense qu'il était le fait des Etats-Unis d'Amérique en tant qu'hégémon économique qui greffait autour de lui une triade. Aussi, les changements dans l'environnement économique perçus entre autre par la démultiplication des multinationales et leur poids progressif va pousser les Nations Unies à encadrer leur activité internationale2. L'adoption par l'ECOSOC de l'expression « sociétés transnationales » traduit la prise au sérieux de la menace de cette catégorie qui échappe aux seules législations nationales puisque, s'inscrivant dans l'espace transnational et comportant des risques réels au double plan social et environnemental. A la faveur d'une résolution de l'ECOSOC de 1972, un groupe constitué commit en 1974 un rapport intitulé « Effets des sociétés multinationales sur le développement et sur les relations internationales ». Le désir de réguler et d'encadrer les activités de ces acteurs conduisit le Conseil dans la foulée des recommandations dudit rapport, à créer la même année la commission des STN et le centre des STN. Les deux deviendront respectivement en 1993 et 1994 une commission de la CNUCED et la division de l'investissement international3. L'éventail de éléments porteurs de sens dans la démonstration de l'importance, de la pertinence et de l'affirmation actorielle des multinationales ne saurait être épuisé dans un espace aussi réduit qui ne porte pas exclusivement sur leur étude. Mais une catégorie dans ce vaste ensemble, requiert notre attention de façon soutenue dans le cadre de l'argumentaire relatif à la transformation de la souveraineté dans la triangulaire complexe autour de la transparence des industries extractives. Les multinationales des industries extractives sont la composante précise qui constitue le substrat de notre réflexion.

    B. Les firmes multinationales des industries extractives : signe particulier de

    l' « actorness» éprouvé des sociétés multinationales.

    L'importance des industries extractives dans les stocks d'IDE et le rôle international de celles-ci dans les fléaux tels que les conflits, la dégradation de l'environnement, le renforcement des régimes autoritaires etc., sont des éléments en faveur de l'actorat des multinationales des industries extractives dans la politique mondiale. Tout en précisant que les

    1 Gilpin Robert « Three models of the future » in Bergsten Fred C and Krause B. Lawrence (eds.) (1975) World Politics and International Economics. Washington DC: The Brookings Institution, p.38

    2 Voir Bernaz Nadia et Morin Jean François « L'ONU et les STN : la nécessité d'une collaboration opérationnelle en matière de droits sociaux internationaux » in Boisson de Chazournes et Rostane Mehdi op. cit. pp. 61-83

    3 D'autres regroupements ont pris au séreux l'impact potentiel des STN sur le fonctionnement des affaires du monde et leur ont crée des cadre d'émulation. Ainsi, le conseil d'administration de l'OIT a approuvé la Déclaration de principe tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale en 1977 et en 1998, la Sous commission pour la promotion des droits de l'homme de l'ONU mit sur pieds un groupe de travail sur les sociétés transnationales alors que plus tôt en 1976, le conseil de l'OCDE adopta les principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales.

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    multinationales en général peuvent par ces mêmes éléments de comportementalité démontrer leur actorat, il convient de percevoir dans le choix de cette ligne argumentaire le signe de l'arbitraire. La découverte du pétrole dans les dernières décennies du XIXème siècle et les avancées technologiques ont donné lieu à l'exploitation des hydrocarbures, rejoignant ainsi l'extraction des métaux métalliques qui lui préexistait. L'activité fut verticale dans les premières années de l'ère post-coloniale mais surtout dans les temps précoloniaux, avec des firmes des métropoles qui investissaient les aires de la colonialité afin de pourvoir leurs pays en ressources nécessaires pour la survie et l'expansion de leurs industries. De ce fait, dans la première moitié du XXème siècle, le flux des IDE générés par l'activité extractive était principalement dirigé vers les pays en développement. Si cette réalité révèle que les firmes des industries extractives sont inscrites dans la transnationalité depuis très longtemps, la vigueur pensons-nous de ce secteur s'est décuplée avec la mondialisation économique qui draine avec elle la compétitivité, l'impératif de rendement et l'émergence des multinationales des pays en développement dès le début des années 1980 dans un contexte de ressources en progressive disparition. Une évolution qui tout en n'étant pas une révolution, constitue avec l'ancienneté de l'activité transnationale des firmes des industries extractives des arguments en faveur de l'affirmation de l'actorat de ces dernières.

    La création de l'OPEP lors de la conférence de Bagdad tenue du 10 au 14 septembre 1960 et les nationalisations des industries extractives dans les années 1970 c'est-à-dire au lendemain des indépendances ont semblé ralentir l'activité du secteur. Par exemple, les IDE des EtatsUnis dans le secteur seraient tombés sous la barre de 40% en 1970 contre 50% au début du siècle. L'examen des multinationales des industries extractives dans les années 1990 permet de dire l'importance de cette catégorie d'acteur dans la politique internationale. Ce, au travers de leur poids dans la mondialisation et donc sur l'échiquier économique international mais également par l'examen des effets pervers de ladite mondialisation traduits par les économies de guerre, la transnationalisation de la violence et les interférences dans les architectures politiques des Etats étrangers en majorité faibles.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    1. L'apport du sous-sol dans la mondialisation économique

    Au premier trimestre 2009, AREVA avait un chiffre d'affaire de 3.003 milliards d'Euros soit environ 8% d'augmentation1. Ce détail peut sembler vide de sens si l'on minore le rôle pivot des industries extractives dans les économies des pays en développement et de plus, il ne s'agit que d'un chiffre mais, d'un chiffre révélateur du poids des intérêts de ce secteur dans l'économie mondiale. L'égrenage du chapelet des chiffres significatifs des industries extractives serait ardu et délicat, tant les fluctuations des cours mondiaux se caractérisent par leur instabilité. L'idée de ce paragraphe est que, de par leur poids dans les investissements étrangers, les multinationales des industries extractives constituent des éléments incontournables dans la production et la distribution du pouvoir dans la politique mondiale2ce, d'autant plus que la richesse de certaines aires géographiques en ressources extractives en fait des espaces privilégiés de politique des ressources.

    1Information prélevée dans le site de la compagnie : areva.com/servlet/home-fr.html, visité le 29 avril 2009. Dans cette rubrique des chiffres, l'on peut noter que le 20 mars 2007, le conseil d'administration de la filiale gabonaise du groupe pétrolier français Total a annoncé que son résultat net s'était élevé à 326,4 millions de dollars en 2006, contre 316,8 millions l'année précédente. En revanche, les volumes extraits diminuent : la production de pétrole brut des champs opérés par Total Gabon a atteint 30,9millions de barils en 2006, contre 35,7 millions en 2005. La part de production liée aux participations de Total Gabon s'est élevée en 2006 à 24,4 millions de barils, contre 28,1 millions de barils en 2005, soit environ 28% de la production nationale gabonaise. Le chiffre d'affaire s'est élevé de 1,279 milliard de dollars, en augmentation de 138,4 millions par rapport à 2005, soit une progression de 12,1%. (Jeune Afrique N°2411 du 25 au 31 mars 2007 P 92). Le conseil d'administration de la compagnie minière de l'Ogooué (Comilog), filiale du groupe français Eramet affiche des résultats en hausse de 8% pour 2006. Plus de 3,2 millions de tonnes d minerais et d'aggloméré ont été produites pour un chiffre d'affaires de 447,4 milliards de FCFA et un résultat net d'exploitation de 34 milliards de FCFA contre 32 milliards en 2005. (Jeune Afrique N°2423 du 17 au 23 juin 2007 P.77)

    2 Au Zimbabwe par exemple, même si les mines d'or ne représentent que 4,5% du PIB et 5% de l'emploi, elles contribuent pour 72% aux recettes en devises. (Jeune Afrique N°2411 du 25 au 31 mars 2007 P. 92)

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    Tableau 6 : position africaine dans la teneur en certaines ressources du sous-sol en 2006

    Bauxite

    9%

    Fer
    4%

    Plomb

    3%

    Zinc

    4%

    Nickel

    7,5%

    Manganèse 39%

    Cuivre 5%

    Cobalt

    57%

    Guinée

    (89,0%)

    Sierra
    Leone

    (0,7%)

    Ghana

    (0,4%)

    Af. Sud

    (71%)

    Mauritani e

    (19,9)

    Egypte

    (4,7%)

    Maroc

    (39,5%)

    Af. sud

    (39,4)

    Namibie

    (13,4%)

    Maroc

    (39,5%)

    Namibie

    (29%)

    Af. Sud

    (12%)

    Af. sud

    (50,0%)

    Botswana

    (39,0%)

    Zimbabwe

    (9,7%)

    Af. sud

    (52,0%)

    Gabon

    (32,0%)

    Ghana

    (14,9)

    Zambie

    (63,0%)

    RDC

    (14,5%)

    Af. sud

    (10,3%)

    RD Congo

    (67,0%)

    Zambie

    (28,0%)

    Maroc

    (3,5%)

    Or 21%

    Uranium 16%

    Phosphate 31%

    Diamant 46%

    Afrique du sud

    (52,0%)

    Ghana

    (16,0%)

    Mali

    (9,4%)

    Tanzanie

    (9,2%)

    Guinée

    (2,8%)

    Zimbabwe

    (1,8%)

    Côte d'ivoire

    (1,6%)

    Soudan

    (<1%)

    R.D Congo

    (<1%)

    Burundi

    (<1%)

    Niger

    (45,5%)

    Namibie

    (44,7%)

    Afrique du sud

    (9,7%)

    Maroc

    (60,0%)

    Tunisie

    (17,3%)

    Egypte

    (5,7%)

    Afrique du sud

    (5,4%)

    Sénégal

    (3,0%)

    Botswana

    (35,3%)

    RD Congo

    (33,5%)

    Afrique du sud

    (17,5%)

    Angola

    (7,7%)

    Namibie

    (2,1%)

     

    Source : Jeune Afrique n°2431-2432 du 12 au 25 août 2007 p.117.

    La prolifération des Etats-rentiers a obscurci le potentiel de développement des industries extractives. En effet, le lien entre l'instauration d'un système de rentes matérielles au sein d'un Etat est difficile sans la détention des moyens de redistribution. Dans la plupart des pays riches en ressources extractives, les revenus tirés de la commercialisation de ces ressources constituent des facteurs d'institutionnalisation de la pratique de la rente. Du coup, le potentiel de développement des industries extractives se mute en facteur de malédiction. Mick Moore1 impute en partie cette réalité au fait d'escompter assurer un développement par les revenues liés aux taxes. Il estime que les Etats qui dépendent beaucoup des revenus non liés aux taxes ont une meilleure probabilité à devenir démocratiques et responsables que s'ils deviennent des « taxe-states ». Cependant, cette position mérite quelque nuance car, ce n'est point la seule présence des ressources en soi qui favorise l'absence de la démocratie. Peut-on penser que l'absence des revenus pétroliers ou autres dans un Etat fortement institutionnalisé explique mieux que la force des institutions, la démocratie et la responsabilité ? Que dira-t-on alors des Etats que l'on présente comme des bons exemples de démocratie tel que le Botswana, le Ghana, l'Afrique du sud et le Liberia et plus loin, l'Azerbaïdjan et qui ont des sous-sol

    1 Moore Mick « Revenues state formation and the quality of governance in developing countries» International Political Science Review, vol. 25, n°3, pp. 297-319.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 162 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    munificents ? Même si l'on peut entrevoir la tare principale de ces Etats qui ont centré leur développement sur la manne que constituent les revenus pétroliers et miniers, il faut penser que l'examen des dérives que drainent les multinationales des industries extractives vont faire l'objet d'une attention particulière dans le paragraphe suivant, et que pour l'instant, l'intérêt porté sur l'apport de cette branche du secteur primaire dans l'économie mondiale peut être difficile à inventorier en raison de l'enchevêtrement des secteurs de production et de l'interdépendance des branches d'activité. Aussi, allons-nous nous limiter à l'examen du poids de l'IDE des industries extractives dans les IDE globaux des multinationales dans le monde pour penser l'affirmation des multinationales de ce secteur comme des acteurs pertinents de la scène internationale. Et, à ce propos, les chiffres de la CNUCED dans le rapport sur les investissements dans le monde publié en 2007 constituent le substrat de cette démonstration. D'après ce document, le stock des investissements directs étrangers du secteur des industries extractives a été estimé en 2005 à 755 milliards de dollars US. Les Etats-Unis par exemple auraient participé à hauteur de 71% dans ce chiffre, pour leurs investissements dans les hydrocarbures et 36% dans les mines. Mais l'émergence d'une forme d'IDE en provenance des pays en développement, fait notable depuis le début des années 1980, a boosté les chiffres avec l'Inde qui a injecté 19% de ses IDE dans l'acquisition des STN des industries extractives à l'étranger. En 2003, la Chine a contribué à hauteur de 48% dans l'IDE des pays émergents, 33% et 14% respectivement en 2004 et 2005 soit pour la dernière année 1 milliard de dollars. La Corée du sud a lancé des projets dans les STN du secteur minier, allant de 141 en fin 2003 à 218 en fin 2006 ( de 0,5 milliard à 2,1 milliards $).

    Tableau 7 : poids de l'IDE des industries extractives dans l'IDE du secteur primaire sortant 1990 et 2005 (en millions de dollars)

    Secteur
    primaire

    1990

    2005

     

    PVD

    Monde

    Pays
    développés

    PVD

    Monde

    Agriculture,
    chasse,
    sylviculture
    et pêche

    5.245

    319

    5564

    4257

    1575

    5918

    Mines,
    carrières et
    pétrole

    156.319

    1.900

    158.217

    577.362

    33.791

    610.176

    Secteur
    primaire
    non spécifié

    -

    -

    -

    2.474

    -

    2.474

    Total

    161.564

    2.219

    163.783

    584.093

    33.365

    618.569

     

    Source : conçu à partir des données de la WIR 2007 de la CNUCED.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Tableau 8 : poids de l'IDE des industries extractives dans l'IDE du secteur primaire entrant 1990 et 2005 (en millions de dollars)

    Secteur
    primaire

    1990

    2005

     

    PVD

    Monde

    Pays
    développés

    PVD

    Monde

    Agriculture,
    chasse,
    sylviculture
    et pêche

    -6

    602

    597

    457

    1.855

    2.437

    Mines,
    carrières et
    pétrole

    8.985

    3.237

    12.221

    68.758

    14.988

    88.643

    Secteur
    primaire
    non spécifié

    37

    -

    -

    -131

    -

    -131

    Total

    9.016

    3.839

    12.855

    69.084

    16.843

    90.949

     

    Source : Conçu à partir des données de la WIR 2007 de la CNUCED.

    Le constat qui se dégage est celui du différentiel très élevé entre les IDE des mines, carrières et pétrole qui échoient à la branche des industries extractives et les autres branches du secteur et l'incidence économique peut faire l'objet d'une analyse autonome mais, lorsqu'on soupçonne le poids des IDE et leur importance dans la relance de certaines économies en panne de croissance, il apparaît que l'importance des industries extractives leur confère une autorité dans la politique mondiale.

    Le World Investment Report 2007 montre de façon globale que l'importance relative des STN varie selon les industries extractives. Dans le secteur des métaux, 23 des 25 premiers producteurs en 2005 étaient des STN privées, deux seulement étaient des sociétés d'État. Dans le secteur du pétrole et du gaz, la plus grande partie des 50 premiers producteurs étaient des entreprises à capitaux publics majoritaires. Pour l'essentiel, la production était contrôlée par des entreprises d'État de pays en développement et de pays en transition. Par exemple, en 2005, la production de la Saudi Aramco (Arabie saoudite) était plus de deux fois supérieure à celle du premier producteur privé de pétrole et de gaz, ExxonMobil (États-Unis).Le Rapport met également en lumière l'émergence de nouvelles STN dans le secteur des industries extractives. Si les entreprises privées restent les plus grandes sociétés en termes d'actifs étrangers, un certain nombre d'entreprises de pays en développement, en particulier dans l'industrie du pétrole et du gaz, se hissent rapidement au niveau mondial. La production

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    étrangère combinée des sept plus grandes entreprises d'État CNOOC, CNPC, Sinopec (Chine), Lukoil (Russie), ONGC (Inde), Petrobras (Brésil) et Petronas (Malaisie) dépassait les 528 millions de barils équivalent pétrole en 2005, contre seulement 22 millions dix ans auparavant. L'expansion de leurs activités à l'étranger est en partie alimentée par la hausse de la demande dans les pays asiatiques à forte croissance.

    Toutefois, cette position privilégiée qui traduit la qualité d'acteur confirmé des multinationales des industries extractives ne va pas sans déviances dès lors qu'on considère que la possession des facteurs de puissance dans la politique internationale confère une légitimité dans la revendication d'un rôle (éthique ou non) dans la définition des contours des affaires du monde.

    2. Du syndrome hollandais au syndrome de Monaco : les impacts sociaux et sécuritaires de l'activité extractive dans un monde globalisé.

    Le grief politique dans certains Etats a partie liée avec la présence des multinationales des industries extractives. Mieux, les évènements tels que l'épisode de l'Exxon Valdez qui échoua sur la côte de l'Alaska le 23 mars 1989 ou encore le naufrage de l'Erika au large de la Bretagne le 12 décembre 1999, catastrophes écologiques ayant entraîné des réactions politiques de la part des gouvernements1, ont démontré que les multinationales des industries extractives ont un potentiel de nuisance avéré qui est consubstantiel au fait de leur actorat. Leur responsabilité par le syndrome hollandais dans le retard économique de certains Etats et l'image du syndrome de Monaco2 pour dire leur action corrosive sur les tissus sécuritaires des

    1 À la suite de l'accident de L'EXXON VALDEZ en 1989, les États-Unis, insatisfaits de la faiblesse des normes internationales sur la prévention de la pollution par les navires, ont adopté en 1990 le "Oil Pollution Act" (OPA 90). Par cette loi, ils ont imposé unilatéralement des exigences de double coque tant pour les pétroliers neufs que pour ceux existants, par le biais de limites d'âge (à partir de 2005 entre 23 et 30 ans) et d'échéances (2010 et 2015) pour l'abandon des pétroliers à simple coque. Face à la mesure unilatérale des Américains, l'Organisation maritime internationale (OMI ) a dû suivre et a établi en 1992 des normes de double coque dans la convention internationale sur la prévention de la pollution par les navires (MARPOL). Cette convention exige que tous les pétroliers d'un port en lourd égal ou supérieur à 600 tonnes TPL, livrés à partir de juillet 1996, soient construits avec une double coque ou une conception équivalente. Il n'y a donc plus de pétroliers à coque simple de cette taille construits après cette date. Pour les pétroliers à simple coque d'un port en lourd égal ou supérieur à 20.000 tonnes TPL, livrés avant le 6 juillet 1996, cette convention internationale exige qu'ils se conforment aux normes double coque au plus tard à l'âge de 25 ou 30 ans, selon qu'ils ont ou non des citernes à ballast séparé.

    2 Perousse de Montclos explique par cette expression le fait pour les multinationales des industries extractives de
    créer des poches sécuritaires avec l'aide des sociétés privées afin de protéger leurs installations et leur personnel
    et familles des agents. Voir Marc-Antoine Perousse de Montclos « Les entreprises para-privées de coercition : de

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    Etats, sont porteurs de l'idée que cette catégorie d'acteur manifeste son actorness également lisible au travers des fléaux dont elle est l'instigatrice ou l'essence de la pérennisation.

    Le spectre s'étalant du syndrome hollandais au syndrome de Monaco balaie au passage les corruptions endémiques et les soutiens ouverts ou larvés aux régimes autoritaires, ainsi que la paupérisation des populations qui passe quelques fois par la destruction de leur environnement vital1. Ainsi, la liste très longue des pays qui comme le Gabon et l'Angola2 ont une histoire longue d'exploitation pétrolière mais qui ont généré des millions de dollars de bénéfices aux compagnies et dont les populations demeurent dans l'ornière des quotidiennetés creuses, est l'élément matériel d'une réalité qui fait date : le « paradoxe d'abondance 3». La responsabilité des multinationales est très engagée dans la fabrication de cette pathologie propre à certains Etats miniers et pétroliers. En effet, la dépendance poussée de certains pays vis-à-vis des revenus pétroliers et miniers comporte un chapelet de conséquences que les multinationales du secteur n'hésitent pas souvent à exacerber, en raison de la quête dépersonnalisée du profit. Selon la typologie de Mick Moore, l'on peut noter entre autres conséquences de cette hyper-dépendance : l'autonomie des dirigeants vis-à-vis des citoyens qui n'ont plus besoin forcement de payer les taxes et dont l'on peut acheter aisément la conscience. L'intervention extérieure est le second ordre de conséquence et coupe également le peuple de ses dirigeants. Ensuite vient le coupism et counter coupism4, l'absence de transparence dans la gestion des biens publics, l'absence d'une bureaucratie publique effective et enfin l'absence de la conscience du bien public5. Toutes choses qui fragilisent le climat et pour lesquelles les multinationales sont souvent des architectes ou les maîtres d'oeuvre. Par ces fenêtres de pratique qu'encouragent les multinationales, l'Etat en Afrique

    nouveaux mercenaires ? Pétrole et sécurité privée au Nigeria : un complexe multiforme à l'épreuve du `syndrome de Monaco' » Cultures et Conflits, n°52 4/2003 pp.117-138

    1 Newmont Mining Corporation qui exploite la mine d'or d'Ahafo à 300km d'Accra au Ghana est accusée d'avoir causé de sérieux dommages environnementaux sur la région, polluant les rivières voisines et ayant intoxiqué les populations. La même compagnie exploitait la mine de Cajamarca au Pérou. L'aventure s'est là aussi achevée en 2006 par des protestations des populations riveraines qui lui reprochaient la pollution au mercure de leurs rivières. Lire à ce propos : Labarthe G. (2007) L'or africain, pillages, trafics et commerce international, Marseille : Agone, p.45. L'on se souviendra aussi des ravages de la Royal Dutch Shell dans le Delta du Niger.

    2 Ces deux Etats ont des histoires pétrolières et minières très tumultueuses, faites des affaires Elf qui dramatisent les trafics d'armes en direction de l'Angola dans les années 1990 par Arcadi Gaydamack avec la couverture des dirigeants de Elf Aquitaine, notamment Loïc le Floch-Prigent, mais également des dossiers de la juge française Eva Joly au sujet des biens des présidents Bongo et Sassou Nguesso qui sont le produit de l'usage privé des revenus du pétrole des deux Etats.

    3 Karl Lynn T. (1997) The paradox of plenty: oil boom and petro-state. Berkeley, London & Los Angeles : University of California Press

    4 La logique des coups d'Etat et contre coups d'Etat

    5 Moore Mick, art. cit. pp. 306-307

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    notamment peine à se sortir du sous-développement car le rôle des firmes dans la fabrication des régimes néopatrimoniaux est une des causes premières de la panne de décollage économique.

    De même, leur main de velours1 derrière les conflits sanglants et même génocidaires (le cas du Darfour et du Rwanda) déclenche et entretient les conflits ce, en raison des rivalités facilitées par la rareté des ressources et l'envol du cours de certains minerais d'utilité stratégique. L'occurrence de la guerre civile au Congo Brazzaville dans les années 1990 ne fut pas uniquement le fait des appétits politiques insatiables d'une certaine élite, mais aussi un clivage par élites interposées pour le contrôle des ressources pétrolières du pays, surtout que la perspective de la mise en production des sites de Nkossa et Kitchina attisait les convoitises. Le Niger est un autre théâtre de ces rivalités2 qui se fondent sur la supposition d'un droit aux ressources stratégiques des anciennes colonies d'Afrique au nom de la particularité de l'histoire coloniale. En 1971, la France commence à exploiter la mine d'uranium d'Arlit dans l'extrême nord du Niger. Pour les français ce site est stratégique car, son uranium à haute teneur est indispensable à leur programme électro-nucléaire et à leur production d'armements. La nouveauté aujourd'hui réside dans le déferlement de nouvelles sociétés étrangères qui prospectent le sous-sol nigérien, des compagnies australiennes, canadiennes mais surtout la China Nuclear Engineering and Construction Corporation (CNECC). En 2006, cette dernière décroche un permis sur le site de Téguidan Tessoumt qui dispose de réserves estimées à 12.000 tonnes d'uranium et dont le début de l'exploitation est prévu pour 2010. AREVA a obtenu un permis sur le nouveau site d'Imouraren qui a 80.000 tonnes de réserves mais il n'est plus le seul et de plus, la convention pluriannuelle qui le lie au Niger a expiré le 31

    1 Quelques fois, la violence a été le fait direct des multinationales. Le 28 mai 1998, après une fin de non recevoir opposée à la requête du Concerned Ilaje Citizen (CIC) qui réclamait des réparations pour les dommages causés par Chevron sur leur environnement, 121 jeunes de la communauté Ilaje se sont rendus sur la plateforme de Parabe une propriété de Chevron dans l'Etat de Ondo afin de requérir un dialogue avec les dirigeants locaux de la compagnie. En réaction, des forces de sécurité héliportées par des appareils de la compagnies ont chargé le groupe de manifestants ; bilan : deux jeunes tués, 30 blessés graves et 11 arrêtés qui vont subir des tortures pendant leur détention dans un camp militaire. La juge Susan Illston saisie de l'affaire va dire pour souligner la responsabilité de Chevron: « Chevron Nigeria Limited (CNL) personnel were directly involved in the attacks; CNL transported GCF (Nigerian security forces), CNL paid the GSF; and CNL knew that GSF were prone to use excessive force ». ERAction, n° 08, July-October 2007. p.2

    2 Au sujet des rivalités sur les questions pétrolières et minières entre la France et d'autres puissances telles que les Etats-Unis en Afrique, on peut lire : Yates Douglas « Oil and Franco-American rivalry in Africa » papier présenté lors du colloque l'Afrique, les Etats-Unis et la France, Bordeaux,22-24 mai 1997 ; Henrotin J. dir. (2004) Au risque du chaos : leçons politiques et stratégiques de la guerre d'Irak, Paris : Armand Collin ; Bagayoko Penone-Niagalé « France/Etats-Unis : le clash des stratégies ? » Diplomate-Magazine, n°11, nov/dec. 2004. Mais lire surtout : Lestrange Cédric, Paillard Christophe-Alexandre et Zelenko Pierre (2005) Géopolitique du pétrole : un nouveau marché, de nouveaux risques, des nouveaux mondes, Paris : Edition Technip.

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    décembre 20071. Depuis 2006, Niamey veut renégocier le prix de vente de son minerai à la hausse. C'est dans ce contexte que la rébellion touarègue du MNJ (Mouvement des Nigériens pour la Justice) éclate en février 2007. L'on notera au passage le silence de la France et d'Areva lors du coup d'Etat du jeudi 18 février 2010 par lequel des militaires conduits par le chef d'escadron Salou Djibo ont fait main basse sur le pouvoir à Niamey et mis aux arrêts le président Tandja et son gouvernement. L'uranium nigérien était vendu en 2008 à Areva à 27.300 FCFA le kilogramme alors qu'il se vend sur le marché mondial à 122.000FCFA2. Le Niger a d'ailleurs engagé une politique de diversification de ses partenaires, en accordant un nouveau permis de prospection et d'exploitation de l'uranium à une société chinoise dans la région d'Azelik. Ce nouveau site uranifère a été accordé à une société commune sinonigérienne, la SOMINA (Société des mines d'Azelik), créée en juin 2007. Le permis d'Azelik comprend deux études, la première sur les impacts de l'exploitation de l'uranium sur l'environnement et la seconde sur la faisabilité et la rentabilité du gisement. La SOMINA espère pouvoir produire 700 tonnes d'uranium par an à partir de 2009 sur ce gisement. De plus, la compagnie indienne Taurian Resources a elle aussi reçu un permis d'exploitation dans une zone de 3000 km2 dans la région d'Arlit. Cette diversification somme toute légitime des partenaires d'exploitation peut être si ça ne l'est pas encore, source d'exacerbation des tensions dans la région touarègue et servir de prétexte pour encenser la rébellion du MNJ. Elle peut également justifier l'instabilité politique au Niger en 2010 ce, en conjugaison avec des facteurs strictement internes qui relèvent de la volonté du président Mamadou Tandja de s'éterniser au pouvoir en prorogeant son mandat jusqu'en 2012 à la suite de la dissolution du conseil constitutionnel.

    Dans ces cas, il s'est agi de rivalités entre les firmes étrangères, dans cette querelle ancienne qui oppose la France et ses firmes qui pensent se prévaloir d'une préemption de pré carré d'une part et les firmes américaines engagées avec leur gouvernement dans une logique de diversification des sources énergétiques. Mais aussi de la volonté française de préserver son pré carré inviolé devant l'incursion des compagnies étrangères en quête de ressources

    1 En janvier 2009, les dirigeants de AREVA et le gouvernement du président Mamadou Tandja ont conclu un nouvel accord pour l'exploitation d'une mine géante à Imouraren dans le nord du pays. Lors de sa visite au Niger le 27 mars de la même année, le président Nicolas Sarkozy a taxé cet accord de partenariat « gagnantgagnant » ce qui laisse supposer que les termes de l'accord sont plus justes pour les deux Etats.

    2 Jeune Afrique n°2430 du 5 au 11 août 2007 P.37

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    dont regorge le continent africain. La prépondérance des entreprises chinoises1 dans l'exploitation du pétrole soudanais a rendu le climat lourd entre le gouvernement de Omar El Béchir et les puissances occidentales qui indiquent sa responsabilité dans le génocide des darfouri2. Le lancement d'un mandat d'arrêt contre lui le mercredi 4 mars 2009 s'expliquerait en partie par les rivalités de puissances autour des énormes ressources pétrolières soudanaises. C'est penser que le puissant lobby des multinationales a prévalu auprès du procureur Luis Moreno-Ocampo de la CPI. En effet, le pétrole soudanais permet de voir à l'oeuvre les principes du « consensus de Beijing ». Il s'agit du pendant chinois du « consensus de Washington », et consiste en une approche diplomatique qui prête une grande importance à la non-ingérence de la Chine dans les affaires internes d'un Etat riche en ressources extractives. La Chine ne prête pas attention aux considérations de l'Occident sur certains Etats, et axe sa coopération avec ses partenaires nantis de matières premières, sur un développement qui privilégie les infrastructures, l'économie et moins de considérations civiques. L'illustration de cette politique est le « troc » entre le gouvernement chinois et la RDC au sujet des contrats obtenus par Pékin contre la construction des infrastructures en 2008. Cette approche a séduit le président Omar El Béchir qui, n'ayant pas les faveurs de l'Occident qui lui reproche d'être responsable du génocide du Darfour, a cédé nombre de puits de pétrole à la CNPC3. Sur les sept blocs qui sont en production, six sont en coproduction entre la CNPC et les sociétés d'Etat Sudapet pour le Nord et Nilepet pour le Sud. La Chine tirerait 5% de son pétrole du Soudan d'après un rapport de Global Witness4. De fait donc, les principes et les avantages de la Chine au Soudan sont de nature à plomber davantage les chances de l'Occident d'obtenir du président Omar Béchir par la pression, les concessions escomptées. L'émission d'un mandat d'arrêt à son endroit fait suite à une procédure qui depuis le 14 juillet 2008, fait pendre au dessus du président soudanais la menace d'une poursuite par la CPI. Le procureur

    1 La plus grosse compagnie pétrolière chinoise, CNPC est entrée en discussion avec le gouvernement soudanais au premier semestre 2007 pour l'exploitation du pétrole et du gaz dans le nord du pays, près de la mer rouge. CNPC s'est alliée pour l'occasion avec la compagnie nationale indonésienne PT Pertamina. Les deux sociétés espéraient obtenir une concession pour vingt six ans. Et ce, alors que les occidentaux mettent la pression sur la Chine pour qu'elle réduise ses investissements au Soudan en raison de la crise du Darfour. Ce signe parmi tant d'autres du climat de rivalité au Soudan illustre le rôle central des multinationales des industries extractives dans les conflits et les rivalités potentiellement conflictogènes dans certains Etats. Jeune Afrique n°2426 du 8 au 14 juillet 2007 p.11

    2 Ce cas comme beaucoup d'autres, valide l'hypothèse de la survenue d'un conflit dans les conditions de l'abondance des ressources extractives. Lire à ce sujet Indra de Soysa « The resource curse : Are civil wars driven by rapacity or paucity ? » in Mats Berdal et David S. Malone op. cit. pp.113-135 ; mais également les contribution de Virgina Gamba et Richard Cornwell intitulé « Arms, elts and resources in the Angolan civil war » in Berdal et Malone op.cit. pp. 157-171 et David Keen « Incentives and disincentives for violence » in Berdal et Malone op. cit. pp.19-41.

    3 Notamment les blocs 1,2, 3, 4, 6 et 7, soit six des sept blocs en production.

    4 Voir le rapport «Fueling Mistrust» de Global Witness publié en septembre 2009.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 169 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Luis Moreno Ocampo avait ce même jour, réclamé un mandat d'arrêt contre le président Béchir pour « crime contre l'humanité », « crime de guerre et génocide ». Un jour plus tard, il demandait son inculpation. Et le jeudi 12 février 2009 les juges de la chambre préliminaire de la CPI ont donc consenti à émettre ce mandat d'arrêt international. Le chef d'accusation de « crime de génocide » sera rajouté en février 2010 à la liste des reproches faits au président Béchir.

    La longévité au pouvoir n'est pas le seul fait de la redistribution par des systèmes néopatrimoniaux bien rodés qui en plus de produire le sous-développement1, permettent à leurs concepteurs de se pérenniser aux affaires. Elle repose aussi sur un consensus dans le cadre d'un cartel de gouvernement ou par l'outil répressif qui fait planer l'épée de la violence politique au dessus des têtes de l'opposition. Le virage pris avec la fin de la Guerre Froide dans l'ingénierie politique dans certains Etats faibles dramatise une rupture dans la continuité, une rupforme (rupture + reforme) en quelque sorte. En effet, dans les temps de la Guerre Froide, les enchères hautes de la ressource stratégique concédaient une légitimité extérieure mais capitale aux dirigeants desdits Etats et l'idée de l'épuisement de cette ressource a conduit les ateliers politiques à fabriquer une ressource qui s'inspire de la défunte : la légitimité pourvue par les multinationales dans un contexte de mondialisation des espaces et des marchés. Comme le démontre William Reno2, le facteur exogène dans la fabrication des élites et warlords dans la politique africaine se traduit par les alliances et mésalliances avec les principales firmes dont les ressources permettent d'accéder au pouvoir et d'asseoir son autorité. Le prix à payer s'est avéré très élevé pour les populations en RDC, en Sierra Leone et au Libéria. Quoiqu'il en soit, la complexité de ces systèmes qui échappent à l'explication facile et simpliste de la répression ou de la cooptation3, a besoin du soutien des multinationales des industries extractives en exercice dans les pays. Ce qui a laissé penser à une certaine opinion africaine dans les années 1990 que les dirigeants africains du pré carré français étaient une fabrication de Elf Aquitaine. De toute évidence, le rôle des

    1 Médard Jean François « The underdeveloped stat in Africa: political clientelism or neopatrimonialism? » in Clapham Christopher (ed.), (1982) Private patronage and public power: political clientelism and the modern state. London: Frances Printer, pp. 161-189.

    2 William Reno (1998), Warlords politics and African states. London & Boulder: Lynne Rienner Publishers

    3 Magaloni Beatriz « Credible power-sharing and the longevity of authoritarian rule » Comparative Political Studies, vol. 41, n°4/5 (2008) pp. 715-741

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    multinationales des industries extractives est central dans le rythme des démocratisations, en Afrique notamment1.

    En somme, tandis que l'école libérale considère que les multinationales sont des facteurs pour le développement des peuples2, car créatrices des richesses dans ces espaces lointains de leur déploiement, l'école de la dependencia3 qui impute aux multinationales le sousdéveloppement des Etats, trouve des éléments argumentaires propices dans le rapport des industries extractives avec les Etats de leurs opérations tant l'issue est la paupérisation4. Ce, au travers de la dégradation de l'environnement qui hypothèque les activités génératrices de richesses des populations ou les collusions par le haut des élites avec les intérêts pétroliers et miniers pour la constitution d'une « bourgeoisie compradore » dont l'opulence tutoie l'indigence des populations. Toutes choses qui font penser que considérer que si dolor gravis, brevis5 serait une attitude vicieuse car, les dommages se transmettent à des générations dans le temps long, la pauvreté dans ces espaces de vie devient par le génie conjugué des élites et des multinationales, quelle qu'en soit la forme, un manmade product6. L'évocation des impacts néfastes des multinationales des industries extractives dans la politique internationale n'est pas le signe d'une volonté de procès moral auquel elles seraient ici soumises, elle est uniquement un récital des éléments dont l'examen révèle l'affirmation de la qualité d'acteur et ipso facto, leur potentiel souverainicidaire qui laisserait penser à la fin du principe fondateur du paradigme westphalien. L'affirmation des multinationales des industries extractives va avec son impact soupçonné ou avéré sur la souveraineté. Il ne faudrait cependant pas céder à

    1 Voir les travaux de Cyril Obi pour le cas de la démocratisation au Nigeria et les multinationales, notamment, Obi Cyril « Is petroleum `oiling' or obstructing democratic struggles in Nigeria ? » communication présentée à l'Assemblée générale du CODESRIA à Yaoundé, 7-11 décembre 2008.

    2 Voir à ce sujet les travaux de John Dunning et Rajneesh Narula; notamment: Narula, Rajneesh et Johnn H. Dunning « Industrial development, globalizations and multinational enterprises: new realities for developing countries » Oxford Development Studies, n° 28, vol. 2, pp. 141-167 (2000), Narula Rajneesh (1996) Multinational Investment and economic structure: globalization and competitiveness, London and New York: Routledge. Dunning John (1993) Multinational Enterprise and the global economy, Wokingham and Reading: Addison-Wesley.

    3 Lire par exemple: Richard J. Barnet et Ronald E. Muller (1975) Global reach: the power of multinational corporations, London : Jonathan Cape.

    4 Au point que certains auteurs se demandent si les pays en développement doivent renoncer à l'extraction des mines. Ce serait certainement excessif mais l'interrogation traduit le malaise que peut ressentir un esprit bien pensant devant les infortunes des populations des Etats miniers et pétroliers. Lire par exemple à ce sujet : Graham A. Davis et John E. Tilton « Should developping countries renounce mining ? A perspective on the debate » working paper daté de décembre 2002. Mais également le rapport de Abi Diamond, Kato Lambrechts et Simon Chase «Undermining development ? Copper mining in Zambia » SCIAF, Christian AID et ACTSA, octobre 2007. « A rich seam: who benefit from rising commodity prices », Christian AID, janvier 2007.

    5 « Si la douleur est forte, elle est brève »

    6 L'on peut lire à ce sujet Ronald E. Müller « Poverty is the product » Foreign Affairs, n°3 (1973-1974) pp. 71- 102

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 171 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    la tentation dépendantiste, et oublier que les multinationales ne remettent pas uniquement en cause la souveraineté par leur impact négatif sur le développement des Etats. Comme le démontre le paradigme du développement par l'investissement (IDP) cher à John Dunning1, l'école libérale met en exergue le potentiel et l'apport des multinationales dans le développement des peuples, en raison des IDE qu'elles drainent, de l'expertise qu'elles transfèrent et des recettes et taxes qu'elles génèrent dans les Etats de leur implantation. Dans les deux sens donc, qu'il s'agisse de l'apport bénéfique ou maléfique, les multinationales démontrent la transformation de la souveraineté, par le fait de leur qualité d'acteur confirmé. Le cas précis de leur émulation dans l'initiative de transparence des industries extractives joue cette double partition d'affirmation de l'actorat et de pression sur la souveraineté.

    Paragraphe II : Praxis des multinationales dans l'initiative de transparence des industries extractive : crise éthologique ?

    Après l'examen du monde global des multinationales puis celui des multinationales des industries extractives, ce paragraphe a vocation à scruter l'action des industries extractives en tant qu'acteurs et non branche d'activité dans l'EITI. A propos de cette distinction, le Livre source apporte un élément d'arbitrage avec la définition qu'il confère aux industries extractives. Il dit dans son glossaire: «les industries extractives sont celles qui s'occupent de localiser et d'enlever les ressources naturelles épuisables situées dans la croûte terrestre ou à proximité de celle-ci ». Voilà qui tranche tout débat sur la contenance sémantique de cette notion qui peut être polysémique et, qui légitime la précision faite plus haut sur l'utilisation de la notion d'industries extractives comme acteur mouvant et non comme une branche d'activité figée du secteur primaire. Cette catégorie d'acteur est cardinale dans l'initiative de transparence des industries extractives car, les « transactions collusives » qui ont souvent caractérisé les relations entre celle-ci et l'Etat, tendent à évoluer vers une redéfinition des rôles. Crise éthologique ou revisitation des fondements stratégiques des industries extractives? Il est peut-être trop tôt pour y répondre mais, quoiqu'il en soit, par le fait de cette ouverture des écluses de l'opacité qui semble informer la praxis des industries extractives, l'on perçoit la confirmation des acteurs privés et donc, la relativité de la souveraineté qui autorise et est expliquée cet état de fait.

    1 John Dunning, op. cit.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 172 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Toutefois, l'on peut se targuer de dire péremptoirement que cette transformation n'est pas le signe d'une attitude statocidaire car, tout comme les organisations de la société civile qui agissent dans le cadre des Etats par autorisation ou par déclaration, les industries extractives sont soit créées par les Etats, soit autorisées dans leur exercice par ce dernier1. D'ailleurs, l'on peut soupçonner derrière les travaux de Ronald Müller2 que les multinationales et donc les industries extractives sont des agents par volonté ou par destination d'une diplomatie publique. En effet, l'histoire rappelle (et en cela lui donne raison) que la célèbre compagnie des Indes occidentales a joué un rôle déterminant en lieu et place de la Couronne britannique pour l'assujettissement de cette partie du globe à l'empire britannique3.

    Cela dit, la transparence des industries extractives en tant que tribune d'expression de l'actorat des industries extractives, dramatise deux niveaux de pertinence : les industries extractives comme actants dans le scénario de la transparence au plan international (A) et celles-ci dans la matérialisation de la transparence au niveau des Etats (B).

    1 La loi camerounaise n°665/PJL/AN du 9 décembre 1999 portant code pétrolier dit en ses articles 3 et 4 : « Les gisements ou accumulations naturelles d'Hydrocarbures que recèle le sol ou le sous-sol du Territoire Camerounais, découverts ou non, sont et demeurent la propriété exclusive de l'Etat. Aux fins des Opérations Pétrolières, l'Etat exerce sur l'ensemble du Territoire Camerounais, des droits souverains. Une personne physique ou morale y compris les propriétaires du sol, ne peut entreprendre des Opérations Pétrolières que si elle a été préalablement autorisée à le faire ». Le décret d'application n°2000/465 du 30 juin 2000 dudit code pétrolier prévoit que les demandes d'autorisation de prospection, de recherche, d'exploitation provisoire et d'exploitation sont adressées au ministre chargé des hydrocarbures (art. 8, 15, 24 et 27). De même, l'article 8 alinéa 2 de la loi n°001-2001 du 16 avril 2001 portant code minier de la République du Cameroun dit : « Toute personne physique ou morale désirant exercer une activité minière doit, au préalable, obtenir un permis de reconnaissance ou un titre minier, délivré dans les conditions fixées par la présente loi ». Au Tchad, la Loi N°011/PR/1995 du 20 juin 1995 portant code minier rappelle que les richesses du sous-sol tchadien sont la propriété de l'Etat c'est pourquoi, « Sous réserve d'exceptions prévues au Code Minier, l'État peut accorder sur le territoire de la République du Tchad à une ou plusieurs personnes physiques de nationalité tchadienne ou étrangère ou à une ou plusieurs sociétés de droit tchadien ou étranger, dûment qualifiées selon le Code Minier, le droit d'entreprendre et de conduire les activités qu'il régit. L'exercice de ce droit est toutefois sujet à l'obtention de l'un ou plusieurs des titres ou autorisations... » (art.7). Au Gabon, la Loi n°14/74 du 21 janvier 1975 portant réglementation des activités de recherche et d'exploitation pétrolière sur le territoire de la République Gabonaise dit en son article 1er : « Les activités de recherche et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux sur le territoire national sont soumises aux dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application ». Pour les pays de l'UEMOA, le Règlement n°18/2003/CM/UEMOA du 23 décembre 2003 portant code minier communautaire dit en son article 10 : « L'occupation des terrains nécessaires à l'activité de prospection, de recherche ou d'exploitation de substances minérales et aux industries qui s'y rattachent ainsi que les relations entre les propriétaires du sol et autres occupants et les détenteurs de titres miniers s'effectuent, en l'absence de textes communautaires, selon les conditions et modalités établies par la réglementation nationale de chaque Etat membre ».

    2 Lire notamment Müller E. Ronald et Barnet Richard J., (1975) Global reach: The power of the multinational corporations. London: Jonathan Cape, chap. 4 « Corporate diplomacy and national loyalty »

    3 L'on a également le cas du Cameroun dont les traités de création furent signés entre deux maisons commerciales allemandes et les chefs Duala. En effet, les 11 et 12 juillet 1884, Jim Ekwala de Deido, Ndum'a Lobe (Bell) et Dika Mpondo (Akwa) signèrent avec les maisons commerciales Woermann et Jantzen & Thormählen les traités qui conféraient la première souveraineté du territoire dit Cameroons à l'Allemagne. Lire à ce sujet, Owona Adalbert (1996) La naissance du Cameroun 1884-1914. Pars : l'Harmattan, pp. 30-39.

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    A. L'affirmation actorielle des industries extractives dans l'écriture d'un

    scénario de la transparence au sein de l'EITI : le niveau international Le discours sur la participation actorielle des industries extractives dans EITI met en relief deux niveaux d'expression de l'actorat. D'une part, il y a l'engagement international et de l'autre, la participation au plan national. Ces niveaux dégagent deux caractéristiques qui méritent d'être soulignées. En effet, au plan international les industries extractives participent de façon volontaire, contribuant ainsi à la réussite de la mise en oeuvre alors que leur implication au plan national peut être exigée par l'Etat qui est responsable de la réussite du processus.

    Les industries extractives sont une composante incontournable dans la mise en oeuvre de la transparence. Le Livre Source prévoit que les entreprises des industries extractives ont la possibilité d'appuyer le développement et le perfectionnement de l'EITI par la réalisation de certaines actions. Le moment fondateur de la participation internationale d'une industrie extractive à l'initiative est la déclaration d'adhésion. De façon claire et sans équivoque, la firme doit annoncer sa détermination à soutenir la mise en oeuvre de la transparence. Elle doit ensuite confier la responsabilité stratégique de EITI à un haut cadre en même temps qu'elle désigne un coordonnateur chargé de l'initiative. C'est ainsi que, après avoir adhéré à l'initiative le 17 juin 2003 c'est-à-dire lors de la conférence fondatrice, le groupe nucléaire français AREVA a désigné M. Olivier Loubière, déontologue du groupe comme responsable stratégique1 de EITI tandis que M. Yves Dufour le directeur de la communication et des relations externes de la Business Unit Mines s'est vu confié la charge de coordonner la participation de la compagnie à EITI. Le 1er février 2007, J. J. Mulva le président de Conocco Phillips a adressé une lettre à M. Peter Eigen pour lui signifier l'adhésion de sa compagnie aux principes EITI. Par la même occasion, il l'informait de la désignation de M. Don Duncan, comme responsable stratégique de l'implémentation des critères de l'initiative pour le compte de l'entreprise.

    Les industries extractives manifestent également leur soutien à l'initiative par leur participation aux réunions internationales. Les tableaux ci-après donnent un aperçu de la présence des compagnies membres du conseil d'administration aux réunions dudit conseil et à l'International Advisory Group (IAG).

    1 Quelques responsables stratégiques EITI des compagnies : M. Graham Baxter (BP), M. Edward Bickham (Anglo American), M. John Kelly (Exxon Mobil), M. Pedro E. Aguirre (PEMEX), M. Mike Wilkinson (Shell), M. Stuart Brooks (Chevron), M. Jean François Lassalle (TOTAL), M. Milas Evangelista de Sousa, (Petrobras) etc.

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    Tableau 9 : Indication de la participation des compagnies extractives aux réunions de l'international Advisory Group (IAG)

    26/8/2005 (Londres)

    21/10/2005 (Washington)

    16/02/2006 (Abuja)

    05/04/2006 (Bakou)

    20/06/2006 (Londres)

    BP

    BP

    Petrobras

    BP

    BP

    Anglo American

    Chevron

    BP

    Anglo American

    Petrobras

    Chevron

    Petrobras

    Chevron

    Chevron

    Anglo American

    SOFAZ

    Anglo American

     

    Petrobras

    Chevron

     

    Tableau 10 : Indication de la participation des compagnies extractives à quelques réunions du conseil d'administration EITI

    7/12/2006 (New York)

    11/04/2007(Berlin)

    27/09/2007(Oslo)

    Petrobras

    Petrobras

    Petrobras

    Chevron

    Chevron

    Chevron

    BP

    BP

    BP

    Anglo American

    Anglo American

    Anglo American

    PEMEX

    PEMEX

    PEMEX

    ExxonMobil

    ExxonMobil

    ExxonMobil

    Shell

    Shell

    Shell

    ICMM*

    ICMM

    ICMM

     
     

    TOTAL

     
     

    AREVA

     

    *ICMM : L' International Council on Mining and Metals représente les industries extractives minières dans le conseil d'administration.

    Source : Conçu à partir des minutes des conseils d'administration de EITI.

    Ensuite, la participation des industries extractives à l'initiative se lit par l'insertion de leur soutien dans leurs rapports sur la responsabilité sociale des entreprises. La mode actuelle est à la publication des rapports sur la viabilité internationale ou la responsabilité d'entreprise. L'intégration par chaque compagnie d'un résumé de sa contribution à EITI dans l'un de ces rapports constitue la cinquième marque de son soutien à l'initiative1. Les compagnies peuvent

    1 Puisque les compagnies publient des rapports de fiabilité internationale et de responsabilité sociale au rythme annuel, il serait donc particulièrement fastidieux de restituer ici la totalité des quintessences des contributions des industries extractives telles que mentionnées dans leurs rapports respectifs. Toutefois, pour avoir un aperçu nous évoquons l'extrait que BHP Billiton a consacré à sa contribution à EITI dans son Sustainability Report 2005. Il y est dit: « BHP Billiton continues to support the EITI, and we are committed to working with our host governments that participate in this process and develop systems to report these payments. The government of Trinidad and Tobago is actively committed to implementing the EITI, and our petroleum asset in this country will report its payments in its annual site-based sustainability report In May 2005, the Peruvian Ministry of Energy and Mines issued a declaration marking Peru's launch of the EITI. BHP Billiton will work with the

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 175 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    participer au financement de la transparence par une contribution financière directe à l'effort de la mise en oeuvre. Au total, la participation des industries extractives à l'initiative au plan international est le fait d'une quarantaine de compagnies extractives1.

    Le processus de validation de la participation des industries extractives au processus se fait sur la base des points autour desquels se greffe leur implication à l'initiative. Le guide de validation mis sur pied aux fins de vérification de la conformité de l'action des parties prenantes, en rapport avec les prévisions du Livre Source, comporte cinq (05) niveaux de validation. Il s'agit tour à tour de mesurer l'adhésion des compagnies au processus par la conformité quant à la publication d'une déclaration d'adhésion, la publicisation des informations de soutien des compagnies et l'implication au processus par la désignation des responsables EITI et la présence aux conférences et réunions internationales.

    Encadré : Déclarations de soutien de Royal Dutch Shell

    Pour Shell, contribuer au développement durable signifie aider à répondre aux besoins énergétiques croissants dans le monde de manière économiquement, écologiquement et socialement responsable. En bref, d'aider à garantir un avenir énergétique responsable. Bien qu'il soit important de répondre à la demande en énergie de manière responsable, il est tout aussi important de s'assurer que les revenus associés à l'exploitation des hydrocarbures profitent aux citoyens des pays riches en ressources naturelles. Malgré la volatilité des prix des ressources énergétiques, ces derniers sont néanmoins plus élevés que par le passé, ce qui représente une bonne opportunité pour les gouvernements d'utiliser ces fonds afin d'accroître l'accès à la santé, l'éducation et aux mesures de réduction de la pauvreté. La pertinence de l'ITIE par rapport aux entreprises souhaitant contribuer au développement de la société en générale repose sur le fait que la publication des paiements versés aux gouvernements permet au public d'accéder aux informations, ce qui peut déboucher sur une discussion informée sur l'utilisation des revenus issus des ressources naturelles. Soutenir l'ITIE transforme la responsabilité des entreprises d'une théorie générale à une pratique spécifique, ce qui s'avère être une contribution très précieuse au développement durable.

     

    government of Peru to advance the initiative. The chart above presents relevant BHP Billiton payments on a regional basis». Il faut que les rapports des compagnies révèlent par ces aspects de leur contribution à la mise en oeuvre de l'initiative leur soutien à EITI.

    1 Il s'agit en septembre 2009 des compagnies suivantes : Alcoa, Anglo American, AngloGold Ashanti, Arcelor Mittal, Areva, Barrick Gold, BG Group, BHP Billiton, BP, Chevron Corporation, ConocoPhilips, DeBeers, Eni, ExxonMobil, Freeport-McMoRan Copper & Gold, GDF Suez, Gold Fields, Hess Corporation, Lihir Gold, Norsk Hydro, Katanga Mining Limited, Lonmin, Marathon, Mitsubishi Materials, Newmont, Nippon Mining & Metals, Oxus Gold, Oz Minerals, Pemex, Petrobras, Repsol YPF, Rio Tinto, Santos, Shell, Statoil Hydro, Sumitomo Metal Mining, Talisman Energy, Teck Cominco, TOTAL, Vale, Woodside, Xstrata.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 176 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Quoique certains Etats y voient une incursion dans le champ de leur souveraineté, l'on peut penser que la mollesse de l'agir international des compagnies est informée par le souci de respecter précisément cette « compétence des compétences » des Etats. En effet, le sentiment de cette recherche de neutralité est conforté par la participation déclaratoire c'est-à-dire uniquement discursive des responsables stratégiques au niveau le plus élevé de l'initiative. Certes, cette présence fut-elle silencieuse constitue un quitus pour les compagnies engagées au niveau national, afin qu'elles se livrent au jeu de la transparence mais la nécessité d'une participation au niveau national n'est pas uniquement la recherche d'une pleine transparence par la scrutation des comptes des entreprises étatiques, il s'agit aussi de s'assurer que les compagnies s'impliquent dans les aires de leurs opérations.

    B. Les industries extractives dans la matérialisation de la transparence

    dans les cadres stato-nationaux : le niveau interne

    La participation des industries extractives à l'échelle des Etats pose d'entrée de jeu un imbroglio définitionnel. Pour des besoins d'effectivité de la transparence, les entreprises d'Etat sont invitées à s'impliquer de manière active au processus de mise en oeuvre de l'initiative. C'est ainsi que, des entreprises telles que la Société Nationale des Hydrocarbures du Cameroun (SNH), la State Oil Company of Azerbaijan Republic (SOCAR) et la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) par exemple sont comptées au nombre des entreprises engagées dans EITI. Et cela a le mérite de semer le flou sur la tâche consistant à définir les industries extractives. Peut-on compter au nombre de celles-ci des entreprises qui représentent uniquement les intérêts de leurs Etats1 dans les projets d'exploitation et sans réelle capacité d'autonomisation ? En réalité, mis à part ce type d'entreprise, la totalité des compagnies minières et pétrolières en exercice dans le pays EITI sont multinationales. Cet état de fait confère de la pertinence à l'option de définition ici faite, en établissant une conflation de sens entre les industries extractives et les firmes multinationales. De plus, le phénomène des filiales qui a une forte prévalence dans cette branche d'activité, autorise ce

    1 A titre d'exemple, l'on a la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) au Cameroun qui dispose de parts dans les multinationales en exercice au Cameroun avec, 20% des parts de Total E&P Cameroun, 20% de PECTEN Cameroun, 20% des parts de PERENCO Cameroun et 20% de Mobil Producing Cameroon Inc. Cela n'en fait pas pour autant une multinationale puisqu `elle ne dispose pas d'activités hors du cadre national et n'extrait pas des produits du sous-sol indépendamment de sa présence partielle dans les filiales des multinationales étrangères implantées au Cameroun.

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    parti pris sémantique car, en raison de l'absence des capitaux colossaux qu'exige l'activité extractive, eu égard au fait que certaines fois l'investissement dans l'exploration peut s'avérer contre-productif et du fait de la technologie spécifique nécessaire, les pays nantis des ressources extractives se tournent presque spontanément vers les grandes firmes multinationales. Celles-ci, créent des sociétés de droit local ou établissent des filiales dans le but de la proximité vis-à-vis du champ des opérations1. Le schéma ci-après illustre cette pratique autour de l'exploitation du gisement de gaz de Aguaytia au Pérou par un consortium d'entreprises étrangères qui ont regroupé leurs actions au sein du grupo Energetico Aguaytia ; une société de droit péruvien créée à cet effet.

    Figure 4 : Le regroupement d'entreprises autour du gisement de Aguaytia au Pérou

    Duke Energy Company International

    Scudder Latin
    American Power Fund

    The Maple Gas Corporation

    El Paso Energy International Company

    Pennsylvania
    Power &Global
    Light

    Dynergy

    Grupo Energetico Aguaytia

    Source : Conçu à partir des données du site www.aguaytia.com visité le 13 mai 2009

    Le soutien des industries extractives révèle par le fait des filiales et des sociétés ad hoc que l'imbrication des choses du « dedans » avec celles du « dehors » atteint toutes les branches d'activité. Si par le soutien international une firme des industries extractives affirme son actorat international, la création des sociétés de droit local pour défendre ses intérêts constitue

    1 La plupart des grandes firmes multinationales des industries extractives ont des filiales dans les pays riches en ressources où elles exercent. Quelques exemples : l'on parlera de TOTAL Cameroun, TOTAL Gabon, GeovicCameroun, Shell-Gabon, Vaalco-Gabon, Amerada Hess-Gabon, ...Et s'agissant des sociétés de droit local, l'on peut évoquer la Compagnie Industrielle et Commerciale des Mines du Gabon (CICMG) qui est une société de droit gabonais créée par les entreprises chinoises Xuzhou Huayan et Ningbo Huaneng Kuangye. Au Cameroun, la compagnie Sundance Resources Limited a mis sur pied la société Cam Iron SA dont elle détient 90% des parts contre 10% appartenant à des privés camerounais. Cette création vise à l'exploitation du gisement de fer de Mbalam dans le Sud-Est du pays.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 178 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    en même temps qu'une double subversion de la souveraineté par le bas et par le haut, mais davantage elle brouille les cartes de lecture des acteurs en scène. Sans compter qu'il s'agit peut-être d'un subterfuge pour contourner les législations locales qui se voudraient plus rigides à l'encontre des sociétés étrangères. Aussi, l'on retrouvera les mêmes multinationales qui soutiennent l'initiative au double plan national et international. Cette complexification des relations sociales et de l'actorat donne du sens à l'idée de la relativité de la souveraineté car, jamais l'Etat n'a été aussi fragilisé dans l'expression de son autorité qu'en ces temps où il doit composer avec des acteurs qui favorisent un enchevêtrement des espaces et des secteurs. Peutêtre qu'il faudrait lire la scène internationale comme un espace d'émulation des contraires, le site par excellence de la démonstration du primat de la mesure aristotélicienne sur le fanatisme des positions figées. Peut-être faut-il plutôt que d'opposer le requiem à l'éloge Grotius à Hobbes1, se dire que la lecture de la scène internationale dans tous les aspects de sa quiddité passe par l'intégration des deux postures. Alors, l'on aura rendu totalement raison de la souveraineté qui est, mais qui s'est muée parce que devenue relative.

    Dès lors que cette précision sur le contenu sémantique des industries extractives a été faite, l'on peut désormais s'atteler à ausculter l'affirmation de leur actorat en tant que partie prenante de l'EITI. La transaction collusive entre les Etats et les industries extractives, met en scène le rapport du politique à l'économie tant dans les Etats d'origine des firmes que dans les Etats riches en ressources. Elle dramatise par ailleurs l'impact des firmes sur les Etats de leur déploiement. Cependant, par-delà les niveaux de collusion qui peuvent justifier au plan national des explications sous le prisme des paradigmes porteurs de l'affectio des descripteurs des impacts sur le développement, impacts aussi bien bénéfiques que maléfiques pour les Etats, le temps de l'analyse de cet aspect de la complexité qui transparaît dans les transactions est à venir. Pour l'heure, le temps est à l'examen de l'affirmation de la qualité d'acteur des industries extractives selon qu'elles participent au jeu de la transparence. Par ce fait même, elles démontrent leur pertinence car, qu'est ce qu'être acteur sinon faire preuve d'autonomie et disposer d'une marge de manoeuvre importante qui confère la capacité d'influence sur le comportement des choses et des êtres ; et dans le cas d'espèce, pouvoir déterminer la comportementalité des Etats et des organisations de la société civile dans le cadre de la triangulaire complexe.

    1 Badie B. «Realism under praise or a requiem? The paradigmatic debate in international relations» International Political Science Review, vol. 22, n°3, pp. 253-260.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 179 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Il existe des canons de participation dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives au niveau des Etats. Si le soutien au plan international descend sur les Etats telle une nuée venant du ciel, le niveau national permet une lecture des acteurs infra-étatiques dans l'affirmation de leur actorat. C'est donc d'une subversion de la souveraineté ou d'une démonstration de la souveraineté relative par le bas qu'il s'agit. Ce d'autant plus que, l'Etat est souverain dans la gestion des revenus de son sous-sol. L'une des différences entre la participation internationale et celle nationale réside dans cette opposition des sentiers d'incursion dans le champ de la souveraineté. Le propos marxiste autour de la fabrication des poches de pauvreté par les multinationales1 privilégie la lecture transnationale de la domination du centre par le truchement des multinationales. D'ailleurs autant Marx que Adam Smith ont souligné la vocation transnationale du capital qui ne se laisse pas confiner dans l'exiguïté d'un Etat. Il faut aller vers les contrées lointaines acquérir les ressources nécessaires au fonctionnement de l'industrie et conquérir les marchés utiles à l'écoulement de la production. La dissemblance apparaît donc non pas dans le cursus operatum du capital mais dans l'appréciation des impacts de son usage. Cela dit, au plan national il s'agit de permettre au conciliateur d'avoir un droit de regard sur les comptes de l'Etat autant que sur ceux des compagnies pour dissoudre les liens jadis fameux de la collusion entre ces deux acteurs.

    La participation des industries extractives au processus de mise en oeuvre de la transparence commence au plan national par leur présence au sein des comités de mise en oeuvre. Quoique le Livre Source ait omis au nombre de ses critères, de préciser l'impératif de la présence des industries extractives, oubli volontaire peut-être si l'on part du postulat de la collusion entre l'Etat et les industries extractives, les quatre conditions d'accessibilité au statut de candidat supposent qu'au préalable un comité multi-parties prenantes a été mis sur pied et intègre des représentants des industries extractives. Ainsi, au Cameroun, le décret n° 2005/2176/PM du 16 juin 2005 portant création, organisation et fonctionnement du comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'initiative de transparence des industries extractives prévoit dans son article 3 que les industries extractives seront représentées par : TOTAL Cameroun, PECTEN Cameroun, PERENCO Cameroun et GEOVIC Cameroun2. Au

    1 L'on peut lire à ce propos les travaux de Ronald Müller, notamment : Müller R. « Poverty is the product », art.cit., Barnett J. Richard, Müller E. Ronald « Engines of development ? » in Barnett J. Richard, Müller E. Ronald (1975) Global reach : The power of multinational corporations, London : Jonathan Cape, pp.148-184.

    2 Ce n'est point un effet de mode si les compagnies très connues dans le champ international sont ici suivies du
    nom des pays dans le cadre de leur soutien à l'initiative, c'est précisément pour faire le distinguo entre les
    compagnies et leurs filiales localisées. Cette précision vise à marteler une fois encore le caractère éminemment

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    Gabon, TOTAL Gabon et Marathon représentent le secteur pétrolier dans le Groupe d'Intérêt tandis que Comilog y siège au titre de son appartenance au secteur minier. Au Pérou, les compagnies Southern Copper Corporation et Xstrata Copper pour le secteur minier et Aguaytía Energy del Perú S.R.L. et Repsol Exploración Perú Sucursal del Perú pour les hydrocarbures siègent au sein de la Commission de Travail qui veille à la mise en oeuvre des principes de la transparence1. La Mauritanie a prévu dans le décret n° 29-2006_/modifiant certaines dispositions du décret 2006-001 du 13 Janvier 2006 portant création, organisation et fonctionnement du comité national de l'initiative sur la transparence des industries extractives, que les industries extractives seraient représentées par deux sociétés pétrolières et une compagnie minière.

    La réussite du processus est intimement liée à la franchise qui conduirait autant les Etats que les compagnies à ouvrir leurs comptes au conciliateur. Il faut cependant dire que EITI est située à l'espace médian dans la chaîne de production des ressources extractives. Les industries extractives et les Etats ne sont interpellés que dans le but d'examiner les revenus et les paiements issus de l'exploitation et dans certains cas de l'exploration. Autant dire qu'en terme d'efficacité, l'on peut émettre des réserves quant à la matérialisation de la transparence au terme du processus, dès lors que les contrats signés entre les Etats et les compagnies continuent d'être marqués du sceau de la confidentialité2. De plus, quand bien même la

    transnational des compagnies engagées dans l'initiative. Ainsi, excuser la marginalisation volontaire des structures étatiques qui comme le SOFAZ et SOCAR en Azerbaïdjan, la SNH et la SONARA au Cameroun, la SOGARA et PETROGABON au Gabon, la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH) ne constituent point en notre sens des industries extractives. D'ailleurs, la loi Camerounaise organisant le comité de suivi de la mise en oeuvre classe la SNH et la SONARA dans la rubrique des institutions gouvernementales plutôt que parmi les industries extractives. Il en est ainsi systématiquement dans tous les textes créateurs et organisateurs des comités de suivi de la mise en oeuvre. Au Congo par exemple, la Congolaise de Raffinerie (CORAF) et la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) ne figurent pas au nombre des partenaires privés que sont dans le cas d'espèce : ENI Congo, Morel & Prom Congo, Chevron Congo, CONGOREP et SOCO. Mieux encore, la SNPC est classée au milieu des représentants de l'administration centrale.

    1 Il faut dire que l'engagement du Pérou dans la mise en oeuvre des critères de EITI s'inscrit dans le sillage de la loi n° 27806 sur la transparence et l'accès aux informations publiques du samedi 3 août 2002. La constitution de la Commission de Travail du Pérou pour la mise en oeuvre de EITI peut être consultée sur le site web de EITI Pérou : http://www.minem.gob.pe/eiti/inicio integrantes.asp. Par ailleurs, au Pérou la commission de travail classe la Sociedad Nacional de Minería, Petróleo y Energía parmi les industries extractives, cela pouvant se comprendre par la nécessité de l'examiner pour que soit parfaite la transparence. Mais, dans l'échelonnement à l'intérieur de la catégorie industries extractives au sein de la Commission, cette société est classée seule à côté des autres qui sont regroupées par secteur. Ainsi, on a les compagnies Southern Copper Corporation et Xstrata Copper pour le secteur minier et Aguaytía Energy del Perú S.R.L. et Repsol Exploración Perú Sucursal del Perú pour les hydrocarbures.

    2 D'ailleurs, s'agissant de la réalité de la transparence comme issue du processus, l'Azerbaïdjan a atteint le statut
    de conformité, ce qui suppose que les conditions de transparence sont remplies dans les transactions entre l'Etat

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 181 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    transparence serait effective, la traçabilité qu'est censée produire l'initiative exclurait EITI qui se contenterait depuis un banc de touche, d'apprécier l'immersion ou non des revenus des industries extractives dans les abysses de la corruption.

    Du reste, les revenus mis en index dans le processus sont générés par les compagnies et en cela, leur implication paraît être la condition sine qua non à la réussite de l'initiative. Il s'agit dans le cadre de leur exercice d'un ensemble de taxes et paiements que chaque compagnie doit verser à l'Etat qui abrite les ressources. A titre d'exemple, au Cameroun la conciliation des données a pris en compte les flux financiers suivants :

    · Les enlèvements de l'huile en volume et en valeur pour une quote-part de l'Etat ;

    · La redevance minière proportionnelle ;

    · Des droits fixes ;

    · Des redevances superficiaires annuelles ;

    · La redevance proportionnelle à la production en volume et en valeur ;

    · Des bonus de signature ;

    · Des bonus de production ;

    · Les prélèvements pétroliers additionnels ;

    · Des impôts sur les bénéfices des sociétés ;

    · Des redevances de la SNH et autres bénéfices.

    Eu égard à l'importance des compagnies dans l'initiative, il est superflu de mentionner que leur implication totale dans le jeu de la transparence est la condition du succès du processus. Cependant, les compagnies dramatisent des fortunes diverses dans leur participation à la mise en oeuvre des principes et critères EITI. Le tableau ci-dessous rend compte du rapport que certaines entreprises du pétrole et du gaz ont avec la transparence.

    Azéri et les compagnies y opérant. Le Cameroun a failli atteindre le même statut lors de la conférence de Doha au Qatar, puisque remplissant de facto les conditions requises mais l'évidence de l'imperfection de la transparence dans les industries extractives au Cameroun crève les yeux. Les évaluateurs de la pertinence de l'initiative auront matière à réfléchir ; l'observation stricte des critères de l'EITI est-elle synonyme de transparence effective ?

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Tableau 11 : Classement des entreprises pétrolières et gazières selon leur degré de transparence

    Entreprises

    Transparence en matière de paiements de revenus

    Divulgation complémentaire

    Lutte contre la corruption et dénonciations des mauvaises pratiques

    Total général

    pondéré

    classement

    Talisman Energy*

    27,4%

    34,4%

    7,1%

    68,9%

    1

    TransAtlantic Petroleum

    9,8%

    34,4%

    0,0%

    44,2%

    2

    Shell*

    13,7%

    6,6%

    8,6%

    28,9%

    3

    Chevron
    Texaco*

    6,4%

    15,2%

    7,1%

    28,7%

    4

    Nexen Inc

    0,0%

    18,5%

    8,6%

    27,1%

    5

    BP*

    7,8%

    9,3%

    10,0%

    27,1%

    6

    Statoil*

    7,8%

    10,6%

    7,1%

    25,6%

    7

    Exxon Mobil*

    3,9%

    12,7%

    7,1%

    23,8%

    8

    Unocal Corporation

    0,0%

    15,9%

    7,1%

    23,0%

    9

    Paladin Resources

    0,0%

    21,2%

    0,0%

    21,2%

    10

    Lion Energy

    5,9%

    10,6%

    4,3%

    20,7%

    11

    Norsk Hydro*

    0,0%

    13,2%

    7,1%

    20 ;4%

    12

    Amerada Hess

    0,0%

    10,6%

    8,6%

    19,2%

    13

    Conoco
    Philips*

    0,0%

    11,9%

    7,1%

    19,1%

    14

    Eni SpA*

    0,0%

    9,9%

    8,6%

    18,5%

    15

    Devon Energy

    0,0%

    10,6%

    7,1%

    19,1%

    16

    Santos Limited

    0,0%

    15,9%

    0,0%

    15,9%

    17

    Woodside* Petroleum

    0,0%

    10,6%

    4,3%

    14,9%

    18

    Repsol YPF*

    2,0%

    6,6%

    4,3%

    12,9

    19

    Premier Oil

    0,0%

    10,6%

    10,6%

    1,4%

    20

    Total*

    2,9%

    3,7%

    2,9%

    9,5%

    21

    CNPC

    0,0%

    5,3%

    0,0%

    5,3%

    22

    Lukoil

    0,0%

    5,3%

    0,0%

    5,3%

    22

    PetroChina

    0,0%

    2,6%

    0,0%

    2,6%

    24

    Petronas

    0,0%

    2,6%

    0,0%

    2,6%

    24

    * l'Astérix indique que la compagnie est partie prenante dans la mise en oeuvre de EITI au niveau international

    Source : le rapport Dépasser la rhétorique, mesurer la transparence des revenus : les performances des entreprises dans l'industrie du pétrole et du gaz, p.22.

    Au total, les industries extractives et les organisations de la société civile, aux deux niveaux
    de leur émulation, c'est-à-dire les niveaux national et international, manifestent la pluralité

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 183 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    qui est désormais une des caractéristiques de la scène internationale. Sans rentrer dans les débats d'une autre époque qui faisaient étalage d'une joute oratoire autour de la solitude ou de la magnitude de l'acteur étatique, le temps présent selon qu'il est fondateur et talweg de cette étude, rend compte de la coalescence d'acteurs dans la politique internationale. D'ailleurs, l'appellation « politique internationale » qui prend séance en lieu et place des « relations internationales »1 n'est pas une maladresse mais, le signe de la diversité des acteurs. L'Etat n'est plus le seul acteur des relations internationales et c'est ce qui justifie le passage à la politique internationale. Cela n'est pas nouveau et, même la posture de cette étude n'est pas nouvelle (le but n'est pas d'inventer le silex), le fait de l'initiative qui cristallise notre attention est un aspect de l'originalité mais également une contribution à la démonstration de la complexité. Au-delà de la complexité, c'est en réalité la relativité de la souveraineté qui constitue le point focal de ce propos. Par l'examen de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives, l'intention d'assimiler la multiplication des acteurs à un premier argument explicatif de la relativité de la souveraineté a pris corps.

    En effet, de plus en plus de problèmes exigent pour leur résolution des configurations qui mettent en relief le défi de la coopération de l'Etat avec les systèmes sociaux. Ce défi était déjà perçu en 1985 par Karl-Heinz Röder2 et, même si l'auteur parlait en son temps plus globalement dans une perspective qui oppose les Etats selon les aires de développement, la réalité de l'émergence et de l'affirmation de l'actorat privé est une évidence. Par le truchement de cette initiative, il convenait de mettre l'emphase sur cela par la mise en relief d'un espace de démonstration. Non pas pour une acquiescientia in se ipso, mais parce que l'affirmation de la relativité de la souveraineté et la démonstration de cette allégation, toutes deux passeront par un examen serré d'un espace qui est un laboratoire in vivo. Que la démultiplication des acteurs qu'illustre cette partie soit, non pas le signe d'un désordre qui crédibiliserait les thèses déclinistes, mais le premier niveau de l'explication d'une souveraineté relative. Les transactions qui s'opèrent au sein de cette initiative, tout en

    1 Ce faisant, nous nous inscrivons dans la foulée des auteurs qui comme Kenneth Waltz, percevait dès la fin des années 1970 les changements dans le jeu international. De la théorie des relations internationales, il passait à une théorie de la politique internationale afin de rendre raison des relations internationales comme des relations intergentes plutôt que comme des relations exclusivement interétatiques. Progressivement, la théorie va s'approprier cette réalité et désormais, il paraît plus pertinent de parler de politique internationale c'est-à-dire de conflictualité, de rivalité et de gouvernement des conduites à l'échelle planétaire et ce, du fait de tous les acteurs car même l'individu seul devient un acteur déterminant du jeu mondial. Lire Kenneth Waltz (1979) Theory of international politics. Massachusetts: Addison-Wesley.

    2 Röder Karl-Heinz « A challenge to cooperation between states of different social systems» International Political Science Review, vol. 6, n° 1, pp. 35-43 (1985)

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    démontrant de façon corrélative l'usure de l'opposition de l'éthique et de l'intérêt, constituent le second niveau de la démonstration. Si l'interrogation sur la fin de la souveraineté planait au dessus de la coalescence des acteurs, l'affirmation de sa rémanence prend pied sur les multiples transactions qu'impose la mondialisation des problèmes et des menaces.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Transactions complexes dans l'initiative de

    transparence des industries extractives autour du

    couple Intérêt-Ethique : les fruits de la morale au

    sein d'EITI.

    DEUXIEME PARTIE :

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 186 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Deux idées coulent dans la veine de cette partie. D'une part, la complexité des transactions qui caractérisent les relations entre les Etats, les organisations de la société civile et les industries extractives traduit la relativité de la souveraineté qui, parce que molle désormais, autorise l'entremêlement à l'interface de la statolité et de la non gouvernementalité, des connexions multiples. Toutes ces transactions se font dans la dramatisation d'un comportement éthique construit sur la transparence des industries extractives, une des problématiques de la mondialisation. D'autre part, la présomption de l'extranéité de la morale en politique internationale s'essouffle dans cette étude qui privilégie la coexistence pacifique et consubstantielle entre les intérêts et la morale. Tout comme les intérêts ne sont pas res non grata dans les monastères, de même, la morale peut pertinemment s'exercer et a d'ailleurs prise sur le domaine du politique.

    Comment penser la transparence des industries extractives comme exigence défendue par les Etats sans garder en mémoire l'essence utilitaire de la démarche étatique ? Ce serait d'autre part, proprement faire preuve de surdi-cécité intellectuelle que d'occulter au motif de la recherche de l'objectivité en sciences sociales, la part de morale que revêt la norme de la transparence. La commisération des Etats et des acteurs privés vis-à-vis des peuplés damnés des Etats pauvres mais riches en ressources extractives, peut aussi bien relever d'un spectacle de l'altérité, qu'être la traduction d'une « éthique de responsabilité » ou mieux, d'une « éthique de la responsabilité convaincue 1». Qu'importe, le résultat étant dans les deux cas une circularité sceptique qui explique qu'en dernière analyse, l'intérêt sourdra de la morale et vice-versa. L'analyse en vaut la peine. Après, le contenu sémantique à attribuer à la norme dépendra des postures et des rentes de situations2.

    1 Cela découle de l'idée qu'en réalité, une éthique pour l'éthique est presque inexistante. L'éthique de conviction en tant qu'éthique du révolutionnaire ou du sermonneur qui agit sans égard pour les conséquences de ses actes ne s'oppose pas diamétralement à l'éthique de responsabilité. Weber dit d'ailleurs à ce propos que «non pas l'éthique de responsabilité soit identique à l'absence de conviction, et l'thique de conviction identique à l'absence de reponsabilité ». Weber Max Le savant et le politique, Paris : La découverte (traduction et préface de Catherine Colliot-Thérène), 2003, p. 192.

    2 Comme le démontrent Kees Van Kersberger et Bertjan Verbeek, les normes internationales ont suscité de l'intérêt dans la théorie internationale dans le processus de leur adoption mais après, leur implémentation est rendue caduque par la saillie de sens que les acteurs leurs assignent à tous les niveaux de l'actorité. La transparence des industries extractives n'échappe pas à cette réalité. D'ailleurs pensons-nous, ce flou sémantique ex post, ce fourre-tout sémiologique encadre tous les enjeux qu'y défendent les parties prenantes. C'est de plus le pilier autour duquel est bâtie la structure utilitaire des acteurs. Lire Kersberger Kees Van et Verbeek Bertjan « The politics of international norms: subsidiarity and the imperfect competence regime of the European Union » European Journal of International Relations, vol. 13, n°2, pp. 217-238 (2007).

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 187 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    La première partie a démontré la pertinence des acteurs qui constituent les angles de la triangulaire complexe et la cohabitation des ordres westphalien et privés comme fait de sens. Celle-ci pour sa part, n'est pas l'expression de la sympathie pour la « morisophie1 », elle se veut le signe d'une froide analyse des enjeux qui structurent le jeu des acteurs impliqués dans l'initiative de transparence des industries extractives. Elle n'est nullement un jugement de valeur porté à l'endroit des protagonistes de la transparence. L'on n'assiste pas à une crise du positivisme, encore moins à un retour vers la subjectivité. La crise économique actuelle, parce que crise c'est-à-dire krisis du grec (c'est-à-dire « tournant » et « danger ou opportunité » du Mandarin), est l'occasion de transcender les peurs de la taxonomie qui classerait dans une catégorie néo-communiste les dénonciateurs de la marginalisation de la morale dans le projet de la mondialisation libérale. En tant que homo academicus, le chercheur a l'obligation de restituer sans la tordre, la réalité scientifique. Et la « neutralité axiologique » ne s'éclipse pas devant l'envergure de la dérive utilitaire, elle permet a contrario de palper sans laisser transparaître l'ascendant spirituel et les considérations métaphysiques du chercheur, la chose scientifique selon qu'elle est finie mais reliée à l'Infinie dont elle est issue. La déconnexion des deux ordres (fini et Infini) tout en justifiant la valse des immoralités, est au principe du recul éthique. Là réside (et cette idée fait du chemin en ces temps de crise des représentations capitalistes), la source de l'apparence étique de l'éthique. Sans s'inscrire dans une philosophie morale de la politique selon l'ordre de l'évêque d'Hippone, en prescrivant l'amour de Dieu jusqu'à l'oubli de soi, l'on doit considérer que les relations internationales ne sont pas simplement intimement reliées à la morale2mais que la morale parce qu'elle peut informer l'action des protagonistes pour des finalités multiples et variées, mérite que l'on y accorde de l'intérêt. Ne pas se laisser cependant distraire par les acteurs qui parlent horresco referens des misères du monde car, le malheur des uns peut constituer la source d'enrichissement des autres3. Dans cette partie, l'éthique et l'intérêt seront donc en dialogue. Le but n'est nullement

    1 Science des moeurs d'après le socialiste utopique français Charles Fourier.

    2 Giesen Klaus-Gerd (1992) L'éthique des relations internationales : les théories anglo-américaines contemporaines. Bruxelles : Bruylant.

    3 A ce sujet, le cas `Bernard Kouchner' est très édifiant. Après avoir mené une intense activité sur le champ humanitaire et écrit des ouvrages dans lesquels il dessinait les grandes orientations de sa philosophie, entre autre Le malheur des autres paru aux éditions Odile Jacob en 1991 ..., il a engrangé un grand capital symbolique qui lui a valu d'être : Secrétaire d'Etat chargé de l'Insertion sociale (1988), Secrétaire d'Etat chargé de l'Action humanitaire (de 1988 à 1992), Ministre de la Santé et de l'Action humanitaire (de 1992 à 1993), Secrétaire d'Etat chargé de la Santé (de 1997 à 1999), Ministre délégué chargé de la Santé (de 2001 à 2002) et depuis mai 2007, il est ministre français des affaires étrangères. Mais il aura manifestement aussi dans ses « combats humanitaires », engrangé du capital financier. Lire au sujet des conflits d'intérêt qui font de Bernard Kouchner un « cheval blanc » selon Pierre Péan : Pierre Péan (2009). Le monde selon K. Paris : Fayard.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 188 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    de faire porter aux manipulateurs de la morale pour des buts utilitaires, des cornes rouges du chapeau de Basile mais, de dire pourquoi les acteurs entrent en lien social dans le cadre de l'initiative qui nous intéresse et ce faisant, montrer comment la souveraineté est définitivement relative. En effet, la relativité de la souveraineté se fonde sur deux élements consubstantiels : le fait multiactoriel qui autorise les transactions collusives et la prise en compte du sort des autres dans un élan moral qui induit l'érosion de la souveraineté des Etats. Ceteris paribus, cette partie est d'abord un second niveau de démonstration de la relativité de la souveraineté, relativité qui transparaît derrière les transactions « innocentes » et collusives mais également les interactions saines entre les acteurs dont la première partie a eu le souci de dire l'affirmation et l'affermissement. Aussi, la structure binaire de la partie présente-t-elle un premier chapitre qui rend raison du caractère moral de la transparence des industries extractives qui, phénomène construit sur la corde sensible de la morale, a la prétention de remédier à une mal gouvernance d'un « bien commun de l'humanité ». Mais à la réalité, la rhétorique de la transparence des industries extractives sert de fondement aux intérêts des acteurs en présence, selon la logique défendue par Ariel Colonomos1. Telle est la substance du deuxième chapitre de cette partie. Le signe que la morale joue un rôle dans les relations internationale mais, un rôle qui met en droit de penser que le cynisme des Etats et la morale ne sont point antinomiques mais complémentaires.

    1 Colonomos A, La morale dans les relations internationales, op. cit.

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    Chapitre 3 : Souveraineté et mondialisation des risques et menaces : A la recherche d'une éthique de conviction dans les transactions au sein de EITI.

    Les ressources extractives qui sont des biens territorialement situés et dont la souveraineté pleine et entière est réservée aux Etats, seraient-elles devenues des biens communs1 ? Les impacts de leur exploitation abusive et désordonnée peuvent affecter la planète entière par la pollution des écosystèmes, les conflits déstabilisateurs pour des régions et, par effet d'engrenage, entraîner une expansion des menaces telles que l'émigration, les épidémies, la circulation des armes légères et de petits calibres et l'exportation des conflits. Pour répondre à ces menaces globales, la souveraineté a cessé d'être un principe inaliénable pour devenir une réalité molle qui s'adapte aux contextes.

    La complexité des relations entre les différents acteurs de la scène internationale, les anciens et les nouveaux promus, est le trait et le fait de la post-modernité politique. A un monde d'Etats, a succédé un monde d'acteurs2. Aujourd'hui, l'évocation de la pensée de John Burton qui présentait le monde comme une toile d'araignée est porteuse de pertinence. L'excroissance des réseaux transnationaux trouve là une matrice et une ambroisie pour faire et alimenter les dieux que célèbre la complexité transnationale. Le contexte qui fonde cette globalisation des espaces, pratiques et mouvements est le creuset d'où naissent des espaces multi-acteurs dont les transactions à coloration éthique sont frappées doublement du sceau de la complexité (complexité de par les interactions qui lient les acteurs mais également complexité dans la formulation des motivations d'action). Autrement dit, complexité dans la distinction du dicere et du facere. Où se situe donc la ligne de démarcation entre l'éthique pour l'éthique dans l'énonciation des mobiles de transaction et l'éthique intéressée ?

    1 Au sens de Josépha Laroche, les biens communs ou global commons sont qualifiés ainsi parce qu'ils ne peuvent faire l'objet d'aucune appropriation étatique, sont donc reconnus comme patrimoine commun et en appellent à des techniques de gestion collective. Toutefois, la question se pose parce que les ressources extractives qui sont a contrario situées et sont du ressort des Etats en raison des multiples résolutions onusiennes qui disent la souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles. En même temps les risques que crée leur exploitation anarchique et désordonnée, affectent l'ensemble du globe. Peut-être faudra-t-il élargir la compréhension des global commons. Au sujet de sa compréhension des biens communs, lire Josépha Laroche, La politique internationale, op. cit. p. 411. On peut également lire Badie B. et Smouts M.C. (1999) Le retournement du monde, Paris : Presses de la FNSP. Chapitre 6 qui porte sur « l'émergence des biens communs ».

    2 Non pas que le monde d'Etat a disparu, mais le monde d'acteurs suppose la fin de l'unicité et de l'unilatéralité et est porteur de multilatéralité et est une superposition d'un monde statocentrique avec un monde multicentrique selon l'allégation de James Rosenau. Et sur le plan des centres d'intérêt, le statocentrisme partage désormais la scène avec l'homocentrisme c'est-à-dire que les acteurs multiples agissent aussi bien pour les Etats que pour le bien être, le développement, la paix et la sécurité des individus, de l'homme.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 190 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Sören Kierkegaard permet avec ses trois ordres d'y voir plus clair. En effet, la distinction qu'il fait entre les ordres éthique et religieux par les figures d'Abraham et d'Agamemnon, indique le chemin. Appelés tous deux à sacrifier les fruits de leur virilité, Abraham était prêt à offrir Isaac et Agamemnon sacrifia Iphigénie aux dieux pour que le vent se lève et la flotte grecque puisse repartir. A priori, dans un cas de figure, la relation particulière entre Abraham et son Dieu motiva son presque acte tandis que dans l'autre, Agamemnon se fit un héros du devoir. L'un posa un acte religieux, tandis que l'autre commis un sacrifice éthique, c'est-àdire susceptible de rendement. Ces deux faces de l'éthique révèlent à terme, la circularité éthique qui épuise la pertinence du « désintéressement » cher à Kant.

    Ce chapitre commence par exalter la pratique d'une éthique «naïve » des acteurs, une éthique de conviction selon la typologie weberienne, dans le contexte complexe de la postmodernité et de la mondialité des risques et des menaces (section II). Mais auparavant, nourrie de la conviction de l'affirmation de la multi-actorité, ce chapitre se veut porteur de l'idée de complexité qui, avec la multi-actorité, offre à l'hypothèse de la souveraineté relative son domaine de pertinence. Aussi, la complexité immanente à cette initiative et typique des espaces de la gouvernance globale (donc de morale), va-t-elle bénéficier de la première attention (section I). Car, en réalité, elle fixe le cadre dans lequel s'enchâssent les multiples interactions dont l'on subodore la senteur dans le déploiement des éthiques des acteurs. D'une manière générale, ce chapitre met en scène la transparence des industries extractives comme une des questions éthiques qui inondent la mondialisation. Mais comme le montre l'entame de la première section, il s'agit d'une construction qui obéit à une mode politique de la construction des domaines de pertinence et d'urgence en cette ère complexe de l'enchevêtrement des ordres privé et westphalien.

    Section 1 : Complexité des transactions dans l'éthique à l'ère de la mondialisation.

    Cette section s'attele à démontrer la transformation de la souveraineté comme une conséquence de la mondialisation. De plus, elle soutient l'idée que la résolution des problèmes nés de la globalisation passe inéluctablement par l'adoption d'un comportement éthique dans le cadre d'une synergie des acteurs qui implique des transactions complexes entre les acteurs d'une scène trinitaire et de plus en plus multi-acteurs.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Paragraphe I : La problématique de la transparence des industries extractives : un aspect de la construction morale des problèmes de la mondialisation

    Dire que les problèmes de cette époque ne peuvent être résolus dans le cadre des autarcies éliminatoires serait un truisme. Cependant, lorsqu'on s'est rendu à l'évidence de l'impératif d'une interdépendance normative sur des questions amplifiées et vulgarisées par la mondialisation, la question de la souveraineté se pose. Pas tant parce qu'elle serait un problème exogène, mais précisément parce que la mondialisation des problèmes et des risques appelle une réponse mondialisée qui s'inscrit donc forcement au-delà des logiques territoriales. C'est l'impression d'un international sans territoire1 qui s'en dégage. Dans cet environnement complexifié, des phénomènes d'importance mineure ou circonscrite se sont transformés en problèmes publics, par l'alchimie des jeux d'acteurs, des stratégies de légitimation des statuts et l'ouverture de la société.

    A. De la construction sociale d'une problématique de la transparence des industries extractives

    La prise au sérieux d'un problème dans le contexte de la diversité des acteurs est conditionnée par des facteurs qui illustrent une construction publique des phénomènes sociaux. L'on peut considérer que l'intrusion des acteurs privés dans la scène jadis animée par les seuls Etats perturbe l'inscription des problèmes dans les agendas publics. De plus, les critères d'inscription des problèmes cessent d'être exclusifs de la morale car, les acteurs privés fondent pour beaucoup leur légitimité sur les valeurs défendues. En même temps, il apparaît que les instances de dénonciation et de résolution des problèmes jugés pertinents ne s'accommodent plus de l'unilatéralisme. Mieux, pour avoir plus de chance d'être entendue, l'action doit se mener dans le cadre des espaces institutionnellement plus solides. La transparence des industries extractives révèle à la lumière de la culture des problèmes publics que EITI abrite une problématique construite. Cela s'affirme par des éléments de convergence autour de l'historicité, de la propriété concurrentielle, de la responsabilité...qui proviennent des fondamentaux que Gusfield assignent à la transformation d'un phénomène social en problème public2.

    1 Cette situation entraînerait la mise en cause de la conception des relations internationales fondées sur les liens interétatiques. Toutefois pense Marcel Merle, faut-il encore prouver cette disparition. Lire Marcel Merle « Un système international sans territoire ? » Cultures et Conflits, n°21-22, pp.289-309 (1996).

    2 Gusfield Joseph (2009) La culture des problèmes publics. L'alcool au volant : la production d'un ordre symbolique, Paris : Economica.

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    « Tous les problèmes sociaux ne deviennent pas nécessairement des problèmes publics. Ils ne deviennent pas des enjeux de conflits ou de controverses dans les arènes de l'action publique1». Cette affirmation de Gusfield comporte une certaine pertinence qui élimine également du domaine de la durabilité et de la solidité institutionnelle, certaines tentatives engagées dans la stigmatisation des pratiques de l'opacité. Aussi, peut-on penser que le processus de mutation d'un problème social en problème public obéit entre autre à un tropisme culturel qui sert de substrat aux déterminants. Tropisme culturel par opposition au déterminisme structurel qui explique le temps long des comportements moulés par les lois et institutions2. Pour cela, il faut prendre au sérieux des notions telles que la propriété, la responsabilité, la rhétorique et le rituel qui sont les signes de la mise en branle d'une ascendance culturelle qui se donne à voir dans l'élection de certains problèmes à des moments donnés comme des problèmes dignes de faire l'objet d'une action publique. Dans ce processus, les acteurs rivalisent d'adresse et d'initiatives pour que soient portées dans le domaine du pertinent les causes qu'ils estiment dignes d'intérêt. Comme le dit Gusfield, « sans à la fois une croyance cognitive dans la possibilité de l'altérer et un jugement moral portant sur son caractère, un phénomène n'est pas un problème3 ». Appliqué au problème de l'opacité, la conviction que la transparence est la panacée qui dépouille de leur essence les problèmes liés aux industries extractives, le jugement moral porté sur la pratique constituent les stimuli de l'action pour une inscription du problème dans la préoccupation internationale. Pour cela, il faut un instigateur de cette dynamique et une mise en scène de la propriété. Ainsi, il est par exemple légitime que Transparency International ou bien Open Society parlent de la transparence des industries extractives, plutôt qu'une organisation telle que la Croix Rouge. Les ONG dévouées à la transparence et aux questions de développement se sont donc investies dans la dénonciation de l'opacité. Les rapports alarmistes de Global Witness au sujet des incidences de l'opacité en Angola, au Congo et autres sont le signe de cette logique. En réaction à cette appropriation de la cause de la transparence par les ONG, certains Etats ont nié et continuent de penser que la question de la transparence n'est pas une urgence face à certains problèmes jugés prioritaires. Ainsi peut-on analyser le refus de certains pays riches en ressources extractives à adhérer à EITI. La propriété et la dénégation sont donc affaire de pouvoir et d'autorité.

    1 Gusfield, idem, p. 5.

    2 Gusfield considère que de cette distinction surgit le binôme Rhétorique et Rituel. L'un relevant de la culture comme manière de percevoir et l'autre, de la structure comme matrice des agir. Joseph Gusfield, idem.

    3 Gusfield, idem, p. 10.

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    Ainsi, il s'agit de penser que la propriété concurrentielle autour de EITII est signe de la construction d'une pertinence du problème de la reddition des comptes. En effet, en saisissant la propriété comme « la capacité à créer ou à orienter la définition publique d'un problème1 », l'on peut penser que la problématique de la reddition des comptes selon qu'elle fait sens au regard des initiatives diverses entreprises, laisse penser à un champ de la morale concurrentielle. Ainsi, cette dernière en tant que problème public est « une arène de conflit dans laquelle un ensemble de groupes et d'institutions, y compris des administrations publiques, rivalisent pour acquérir les titres de propriété de problèmes publics2 ». EITI n'est pas la seule initiative engagée pour la transparence des industries extractives. Les plaintes introduites en France contre les présidents Sassou, Bongo et Obiang Nguema au sujet des « biens mal acquis », sont en partie une dénonciation de la gestion non transparente des revenus des industries extractives dans leurs pays respectifs. En 2007, une plainte déposée par Transparency International contre les chefs d'Etats ci-dessus cités avait été classée sans suite. Une seconde introduite plus tard, a été jugée recevable par la juge Françoise Desset du pôle financier de Paris en mai 2009. Il s'agit d'une initiative contre l'opacité et, au-delà du fait que les instigateurs de cette action sont membres de la coalition internationale PWYP, c'est la marque d'une concurrence normative mais davantage, le signe qu'il existe d'autres espaces d'exigence d'une reddition des comptes. Les campagnes de Global Witness en Angola pour mettre à nu les pratiques d'opacité qui ont favorisé l'extension de la guerre civile dans ce pays3, sont également des initiatives visant à encourager plus de transparence dans la gestion des industries extractives. L'Association pour les Droits de l'Homme d'Espagne a saisi la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples en 2008, sur la base de l'article 55 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, afin qu'elle reconnaisse la spoliation systématique des richesses du peuple équato-guinéen par le clan Nguema/Mongomo. Fondé sur les révélations du rapport Money laundering and foreign corruption : Enforcement and effectiveness of the Patriot Act, case study involving Riggs Bank, d'une sous-commission de la commission des affaires gouvernementales du Sénat américain publié le 15 juillet 2004, et qui révèle des transactions suspectes du clan Nguema

    1 Gusfield Joseph La culture des problèmes publics. op. cit. pp.10-11.

    2 Gusfield, idem, p. 16.

    3 Voir notamment le rapport «A crude awakening. The role of the oil and banking industries in the Angolan civil war and plundering of the state assets», Global Witness, 1999.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 194 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    en direction de l'Espagne, l'organisation non gouvernementale APDHE a introduit une plainte le 22 octobre 2008 auprès du juge Baltasar Garzon1.

    L'action pionnière de l'Eglise catholique dans les Etats du Golfe de Guinée est également à souligner dans la perspective de la propriété concurrentielle. En effet, en se fondant sur la doctrine sociale de l'Eglise, les conférences épiscopales du Congo et du Cameroun et les commissions nationales Justice et Paix ont lancé dans les années 1990 des campagnes pour demander que la transparence se fasse autour de la gestion des revenus du pétrole dans la sous-région Afrique centrale. Ainsi, dans une lettre pastorale « Le Congo a faim et soif » de 1998, l'Eglise catholique a posé pour la première fois, la question de la transparence dans la gestion du revenus des hydrocarbures au Congo. C'est dans le continuum de cet engagement que la conférence épiscopale sur le pétrole fut organisée en juin 2002 à Brazzaville au Congo. La conférence demandait que le Parlement congolais votât une loi de gestion des revenus sur le modèle tchadien2. Du 11 au 20 février 2003, une délégation congolaise composée de la Conférence épiscopale, de l'Eglise évangélique, de la commission Justice et Paix et de l'observatoire des droits de l'homme séjourna à Paris, et rencontra la direction de TotalFinaElf pour l'interpeller sur le besoin d'une meilleure gestion des revenus pétroliers3.

    Cependant, toutes les initiatives ne connaissent pas la solidité institutionnelle d'EITI. Aussi, lorsque la construction du phénomène de l'opacité en problème public retient l'attention, est-il mieux indiqué de prendre comme référence une initiative qui s'affirme par son caractère institutionnalisé. Toutefois, toutes les initiatives entreprises sur la question de la transparence des industries extractives obéissent plus ou moins au schéma de construction du problème esquissé par Joseph Gusfield4, et qui sert de modèle à la transformation de l'opacité en problème inscrit au centre des stratégies des acteurs, dans le monde complexe de la cohabitation des ordres westphalien et privé. Quand cela a été dit, l'on doit donc se rappeler que EITI est une plateforme dévouée à la résolution du problème de l'opacité. Comment comprendre que cette pratique qui a prise sur la réalité des Etats depuis des décennies, soit devenue un problème auquel est consacré une initiative ? L'idée de ce paragraphe est de dire

    1 http://www.justiceinitiative.org/db/resources2?res id=104098

    2 Voir le rapport « Le pétrole du Congo-Brazzaville. Pour qui coule l'or noir ? » Commission Episcopale Justice et Paix, en collaboration avec Secours Catholique, Caritas/France, la CIMADE et CRS, 2003.

    3 Voir «Transparency: A christian concern. Catholic social teaching and the case for transparent and accountable practices in extractive industries», a position paper of CIDSE, Pax Christi International and Caritas France, September 2003.

    4 Gusfield Joseph La culture des problèmes publics op. cit.

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    que EITI est une manifestation de la fabrication de certains problèmes en domaines de pertinence dans le vaste espace de la scène internationale, processus lors duquel la culture et la morale jouent un rôle déterminant. La transparence n'est donc pas une initiative ex nihilo.

    Le second élément dans la transformation du problème est la responsabilité. La responsabilité causale incombe à celui qui est à l'origine du problème. Il s'agit dans le cas des industries extractives, du travail de dénonciation des dérives opacitaires des Etats et des firmes extractives. Mais, à ces catégories incombe également la responsabilité politique car, cette dernière répond à la question Que doit-on faire ? La structure et le fonctionnement de EITI indiquent que la responsabilité causale étant le fait des Etats et des firmes, la responsabilité politique est également de leur ressort. L'atmosphère générale est baignée par une perspective culturelle de l'action sociale. En effet, comme le pense John G. Ruggie pour dire que les idées et valeurs informent la conduite propre d'un Etat, la culture de l'hégémon actuel informe les actions des acteurs qui lui sont affiliés1. A la différence de certaines autres initiatives dévouées à la cause de la transparence dans les industries extractives, EITI se caractérise par sa forte structure institutionnelle qui est le signe de la réussite de la transformation de l'opacité en problème public. Cependant, toutes ces initiatives ont en partage une dimension morale. Cette dernière est ce qui permet de qualifier de pénible une situation et donc, qui justifie le déploiement des stratégies et des acteurs pour la solution. La dimension morale de EITI explique par-delà les éléments démonstratifs de la métamorphose d'un problème social en problème public, que la prise en compte d'un problème comme digne de faire l'objet d'une politique publique doit beaucoup à l'activation de la morale. Initialement porté par les ONG, le projet moral inscrit dans la transparence des industries extractives est devenu le théâtre d'une concurrence morale2. Autant les Etats que les firmes sont devenus en plus des ONG, des défenseurs d'une morale de la transparence dans les industries extractives. L'on peut donc penser que le projet initial des ONG a réussi à mobiliser les énergies autour de cette question devenue problème public. C'est le signe que les questions morales ont prise sur le réel de la politique internationale, elles sont prises au sérieux selon qu'une ingénierie particulière déployée par les entrepreneurs moraux réussit à les faire inscrire dans l'ordre des problèmes dignes d'action. L'objectif de ce chapitre étant de dire l'essence morale de la transparence des industries extractives, essence qui justifie son

    1 Ruggie J.G. Constructing the world polity. Essays on international institutionalization, op. cit. chapitre 4.

    2 Au sujet de la concurrence morale dans les relations internationales, voir Monique Canto-Sperber, (2005) Le bien, la guerre et la terreur. Pour une morale internationale. Paris : Plon, pp. 117-133.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    inscription dans l'agenda des préoccupations des acteurs réunis au sein des deux ordres interconnectés, l'on peut penser que cette essence morale est construite et son exhibition est déterminante dans la transformation de ce phénomène en problème public.

    Au demeurant, il existe des niveaux différents de transparence. La transparence en tant que concept dément l'universalisme. Si la mesure de la transparence au sein de EITI se fait à l'aune des rapports de conciliation, il existe bien une préhistoire de la transparence. Comme le démontre le cas du Cameroun, les sociétés d'Etats telles que la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) ont rendu publiques certaines données avant 2003. Cependant, la réduction de la transparence à l'affichage des chiffres dans la revue de la société laisse quelques doutes sur la fiabilité. Cela peut justifier la réticence de la société civile à prendre au sérieux ces données. D'abord, parce qu'elles sont l'émanation de la SNH et indiquent simplement la participation de la SNH au budget de l'Etat. Ensuite, parce qu'elles ne peuvent que difficilement être confrontées aux chiffres des auditeurs. Cependant, il s'agit bien d'un premier effort de transparence. La Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) a une certaine tradition d'audits avec le cabinet KPMG. Celle-ci a d'ailleurs justifié les réticences de ce pays à adhérer à EITI, au motif qu'il faisait déjà preuve de transparence en exigeant des audits à la SPNC. Certaines autres sociétés d'Etat comme le State Oil Fund of Azerbaijan (SOFAZ) ont un système d'audits internes qui précède le lancement de EITI. La RDC quant à elle s'est attaquée à la partie la plus problématique de la chaîne des industries extractives à savoir les contrats, en lançant le 11 juin 2007 l'audit d'une soixantaine de contrats. L'examen minutieux de ces contrats incriminés1 montre que d'énormes avantages fiscaux ont été consentis aux sociétés minières. La cession de permis miniers aux privés n'est pas condamnables en soi mais ces permis ont été sous-évalués, voire jamais payés, grâce à des complicités au sein de l'appareil de l'Etat. Une commission d'une trentaine d'experts a été chargée de mener à bien des audits. L'examen s'est fait au cas par cas et des propositions seront faites « en vue de corriger les déséquilibres constatés ». Les résultats de ces audits ont pu révéler de sérieuses poches d'opacité. 35 experts appuyés par la Fondation Carter et la banque Rothschild ont passé au crible à partir de juin 2007 tous les contrats miniers concédés par l'Etat congolais. Il en découle que « le patrimoine national (Gécamines, Minière de

    1 Le Central African Mining & Exploration Company (CAMEC) dirigé par l'homme d'affaire zimbabwéen Billy Rautenbach, s'est vu retirer sa licence d'exploitation de mines de cuivre du Katanga par les autorités congolaises. La CAMEC fait partie des entreprises ayant conclu un accord de joint-venture avec la Gécamines, un des contrats qui font actuellement l'objet d'un contrôle pointilleux de la part de l'administration.

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    Bakwanga, office des mines d'or de Kilo Moto) a été bradé, avec la complicité des plus hautes autorités ». Sur un total de 61 contrats examinés, pas un seul n'est conforme. La commission a suggéré la renégociation ou l'amendement de trente-huit d'entre eux et l'annulation pure et simple de vingt-trois autres1. De grands noms furent épinglés comme De Beers, BHP Billiton, Mindev, Lunding Holdings, Anvil Mining ou encore East China

    Corporation2. Il s'agit d'une autre forme de transparence que l'on recherche par les audits non plus des revenus, mais des contrats afin de rompre un pan d'opacité qui prévaut généralement entre l'Etat et les firmes3.

    Aussi, si dans la perception de Gusfield les problèmes publics ont une histoire, cela étant le révélateur de l'évolution temporelle des phénomènes, l'on peut également considérer que l'objectivation de la reddition des comptes à un moment donné procède de la construction des problèmes. En somme, l'antériorité des efforts de transparence observés dans certains pays, la concurrence notée dans la propriété des problèmes publics ainsi que le rapport de force au sujet de la responsabilité politique et causale de l'opacité dénotent d'une entreprise de construction c'est-à-dire de constitution d'un domaine de pertinence autour de la reddition des comptes, ce qui est un préalable à son inscription dans l'agenda politique international. Dès lors que la reddition des comptes se présente comme un problème, elle admet pour sa résolution un déploiement des acteurs et apparaît dans son aspect moral.

    B. La création des espaces trinitaires : une exigence d'efficacité et d'efficience4

    L'initiative de transparence des industries extractives est un espace multi-acteurs de la gouvernance mondiale. A ce titre, elle répond aux schémas trinitaires qui caractérisent les espaces de la gouvernance mondiale. Il s'agit cependant d'une situation imposée par la relativisation de la souveraineté en même temps qu'elle en est l'incidence, mais également un corollaire de l'irruption des valeurs éthiques sur la scène internationale consécutive à la célébration de l'individu à côté des Etats.

    1 Jeune Afrique n° 2444 du 11 au 17 novembre 2007, p.71

    2 Les deux premières compagnies sont parties prenantes de EITI.

    3 Jeune Afrique n° 2423 du 17 au 23 juin 2007, p.17

    4 Cette quête d'efficience et d'efficacité n'est pas antinomique de la capacité politico-militaire des Etats. Au contraire, il y a coexistence entre les deux réalités. L'efficacité ne fait pas ombrage à la légitimité des Etats comme le pense James Rosenau, l'on est en présence de deux ordres pertinents qui se chevauchement et coproduisent les normes internationales. A propos de l'éclipse de la légitimité étatique devant l'impératif de l'efficacité, lire : Rosenau J. Turbulence in world politics, op. cit.

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    1. Souveraineté et gouvernance globale : A propos des espaces de gouvernance La « révolution copernicienne » qui s'est opérée lors du déplacement du centre de gravité, de l'Etat à l'individu1 et qui est consubstantielle à l'éthique comme pratique dans l'ordre international car, intégrant les valeurs planétaires au traitement étatique des politiques, a favorisé la naissance des espaces de gouvernance pour réprimer la gouvernabilité2. Les « impératifs éthiques » imposent la création des espaces d'émulation des acteurs privés et de concertation entre les acteurs de tous les bords. Toutefois, au rebours de la pensée du professeur Mouelle Kombi, les ordres westphalien et post-genevois ne s'opposent ni ne s'étalent dans la linéarité mais, ils cohabitent et participent également à la complexification des relations collusives entre les acteurs.

    L'éthique est devenue une modalité incontournable de la politique mondiale car, les fondements moraux en même temps que les sources morales de la légitimité des ONG au sein des espaces de gouvernance ne sauraient être ignorées. Il existe une co-détermination entre d'une part les espaces triangulaires de la gouvernance et d'autre part, la pratique de l'éthique internationale. La prise en compte de l'individu et de sa destinée, la finitude de l'être et la philosophie humaniste qui ont présidé à la célébration du droit international humanitaire, constituent des facteurs abrasifs de la rigidité stato-territoriale de la souveraineté comme principe structurant de l'ordre westphalien. Quelque part, l'éclosion de l'ordre post-genevois qui a consacré le droit de l'individu, tendance qui a jailli avec l'esprit des Lumières, porte les ingrédients pour une gouvernance qui prenne en compte la diversité des acteurs. Il met donc de plus en plus à la confluence des bornes de compétence actorielle particulière des zones de convergence objectives qui en appellent à une synthèse des pratiques, à une mollesse des positions du fait du marchandage des statuts et à une hybridation des visées, objectifs et conduites. La souveraineté propre à l'Etat cède du terrain devant l'urgence d'une coproduction internationale de l'éthique. De même, les impératifs réalistes de la « realpolitik » s'émancipent de la rigueur pour opérer sur le spectre de la puissance, un centrage propre à favoriser la cohabitation génératrice de complexité.

    1 Mouelle Kombi « Ethique et souveraineté dans l'ordre juridique international », art. cit. pp. 39-44.

    2 La gouvernabilité suppose au sens de Michel Foucauld et à sa suite de Jean François Bayart, le gouvernement des conduites. Elle comporte une certaine dose de condescendance de l'Etat vis-à-vis des autres acteurs. Au contraire, la gouvernance intègre les autres acteurs et les responsabilise dans la conduite des politiques.

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    Au rebours des espaces traditionnels onusiens qui sont le reflet d'un méta-droit1, supranational qui s'impose aux Etats, EITI est un espace triangulaire qui a deux théâtres. La réalité là-bas étant réflexive ici, les niveaux supranational et national constituent deux espaces triangulaires où, les Etats, les sociétés civiles et le marché forment un espace intégré pour l'implémentation de la transparence.

    La double phénoménologie matérielle et actorielle est à l'image de la souveraineté dont les fortunes sont lisibles au travers de la coalescence d'acteurs et des interactions entre eux, mais également de l'éthique qui, matière autour de laquelle se joue la complexité, esquisse un schéma de la gouvernance.

    2. EITI : un espace de gouvernance2 dans la politique mondiale

    Les éléments constitutifs de la gouvernance sont le multilatéralisme c'est-à-dire, l'implication des acteurs autres dans les processus de décision aux côtés des Etats et des organisations internationales, mais aussi leur responsabilisation, pour que leur soit épargné la dérision qu'impose le rôle de figurant dans le jeu politique mondial. Les espaces de gouvernance tels qu'entendus dans cette étude, s'enchâssent dans la matrice descriptive ainsi présentée. Nul ne peut nier au regard de la panoplie d'acteurs et de leur diversité, de leur rôle réel ainsi que de leur importance dans l'implémentation de la transparence des industries extractives, le caractère multi-acteurs de cette initiative. En elle, se vérifie l'hypothèse de la relativité de la souveraineté du fait de la diversification et de l'affirmation des acteurs, et des transactions complexes qui les lient.

    Initiative qui réunit les Etats, les organisations de la société civile et les firmes, EITI est le lieu du rassemblement de moult acteurs puisqu'en plus de ces catégories citées, les organisations intergouvernementales de nature politique et économique constituent des pôles importants, selon qu'elles sont des manifestations de la qualité d'acteur de l'Etat.

    1 Le méta-droit permet un locus standi des autres acteurs qui épuisent la pertinence de l'idée de l'exclusivité de la production normative de l'Etat. A ce propos, Boisson de Chazournes dit : « La mondialisation et le lot de complexité et d'interdépendance qu'elle entraîne avec elle met fin au modèle linéaire de la pensée du droit international et consacre l'avènement d'un modèle circulaire ou récursif en vertu duquel une pluralité d'acteurs se succède aux commandes du navire affréteur du processus normatif » Boisson de Chazournes, L. « gouvernance et régulation au 21ème siècle : quelques propos iconoclastes » in L. Boisson de Chazournes et R. Mehdi (dir.) op. cit. p. 22-23.

    2 Par l'expression « espace de gouvernance », nous entendons ces lieux d'expression de la pluralité où les acteurs se penchent sur les problèmes de la mondialisation, sans condescendance pour, en raison de la complexité qui les caractérise, apporter des solutions concertées qui prennent en compte les droits de tout le monde. Francis Snyder préfère l'expression « sites de gouvernance ». Voir Snyder Francis « Gouverner la mondialisation économique : Pluralisme juridique mondial et droit européen », L'observateur des Nations Unies, n°13, 2002.

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    Tableau 12 : Panorama des acteurs au sein de EITI

    Etats

    Organisations de

    la société civile

    Firmes

    Organisations intergouvernementales

    Etat de mise en oeuvre

    Etatssoutien

    - Albanie

    - Australie

    - Catholic

    - Anglo

    - B.A.D

    - Azerbaïdjan

    - Belgique

    Agency for

    -American

    - L'U. A

    - Burkina Faso

    - Canada

    Overseas

    - AngloGold -

    - B. As. D

    - Burundi

    - Allemagne

    Development

    Ashanti

    - B.E.R.D

    - Cameroun

    - France

    (CAFOD)

    - ArcelorMittal

    - B.E.I

    - Centrafrique

    - Italie

    - Global

    - Areva

    - L'U. E

    - Côte d'Ivoire

    - Pays-Bas

    Witness

    - Barrick Gold

    - Le G8

    - Congo

    - Norvège

    - Oxfam

    - BG Group

    - Le FMI

    - Congo (R. D)

    - Espagne

    - Open Society

    - BHP Billiton

    - O.I.F

    -Guinée

    - Suède

    Institute

    - BP

    - L'O.N.U

    équatoriale

    - Royaume-

    - Publiez ce que

    - Chevron

    - La Banque mondiale

    - Gabon

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    Corporation

    - La Banque Inter-

    - Ghana

    - Etats-Unis

    - Revenue

    - ConocoPhilips

    Américaine de

    - Guinée

    -Suisse

    Watch Institute

    -DeBeers

    Développement

    - Kazakhstan

     

    - Secours

    -ExxonMobil

     

    - Kirghizistan

     

    Catholique

    -GDF Suez

     

    - Libéria

     

    (Caritas France)

    -Hess Corporation

     

    - Madagascar

     

    - Transparency

    -Norsk Hydro

     

    - Mali

     

    International

    -KatangaMining -

     

    - Mauritanie

     
     

    Limited

     

    - Mongolie

     
     

    - Lonmin

     

    - Niger

     
     

    - Marathon

     

    - Nigéria

     
     

    - Newmont

     

    - Norvège

     
     

    - Nippon Mining &

     

    - Pérou

     
     

    Metals

     

    - Sao Tomé et

     
     

    - Noble Energy

     

    Principe

     
     

    - Oxus Gold

     

    -Sierra Leone

     
     

    - Pemex

     

    - Tanzanie

     
     

    - Petrobras

     

    - Tchad

     
     

    - Repsol YPF

     

    - Timor-Leste

     
     

    - Rio Tinto

     

    - Yémen

     
     

    - Santos

     

    - Zambie

     
     

    - Shell

     
     
     
     

    - Statoil Hydro

     
     
     
     

    - Talisman Energy

     
     
     
     

    - TOTAL

     
     
     
     

    - Woodside

     
     
     
     

    - Xstrata

     

    Source : A partir du rapport de suivi de la mise en oeuvre 2007-2008 et des données recueillies dans le site www.eitransparency.org le 02 février 2010.

    Comme le révèle le tableau ci-dessus, l'initiative de transparence des industries extractives est un espace d'émulation de l'actorat multiforme. D'une part, il y a les Etats, acteurs traditionnellement crédités du droit exclusif à la qualité d'acteur sur la scène internationale. L'Etat seul ou en groupe (car les organisations intergouvernementales qui y apportent leur

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 201 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    soutien à la réussite de l'entreprise de la transparence sont des manifestations de l'intergouvernementalisme d'efficacité ; fruit de la mise en synergie des efforts étatiques pour faire face aux défis qu'impose l'intégration des systèmes), continue d'exercer son autorité dans un climat de contestation internationale qui est le fait des acteurs privés. Deux types d'Etats sont impliqués dans l'initiative et se démarquent les uns des autres selon qu'ils soutiennent ou qu'ils mettent en oeuvre l'initiative de transparence. Les organisations de la société civile1 et les firmes multinationales des industries extractives complètent le tableau.

    Il faut ensuite prendre au serieux la responsabilisation qui est le second trait caractéristique de ces « communautés de responsabilité ». La création d'un espace de gouvernance2 va de pair avec la responsabilisation des acteurs. La contestation de la centralité étatique qui a nourri une certaine littérature décliniste3se dilue en partie dans la cession d'une part de l'action internationale aux acteurs privés. Mieux, le tiraillement actif entre les acteurs de la diversité internationale rend compte d'un partage de responsabilité qui induit au travers des transactions multiples, un rôle organisateur qui échoit aux Etats. Ainsi, les Etats donnent le tempo dans l'initiative de transparence des industries extractives. Ils valident et invalident les acteurs qui sont invités au banquet de la transparence. De plus, ils offrent le cadre de la mise en oeuvre et de ce fait, ils font respecter sur leur territoire l'autorité qui, étant leur attribut régalien, s'impose à tous y compris aux acteurs qui se prévalent d'une déterritorialisation pourvoyeuse de pan-nationalité et de non-nationalité (des acteurs foot-loose). Les acteurs privés n'en sont pas moins des figurants d'un spectacle stato-centrique. Ils jouissent de la

    1 L'on notera au passage que toutes sont des ONG au sens communément répandu du terme. On n'y retrouve pas de syndicats, ni de confessions religieuses comme quoi l'imbroglio au sujet de la définition de l'ONG se dissipe dès lors que l'on se situe dans les couloirs de l'international et du supranational alors que dans les cadre nationaux, la notion d'ONG s'élargit pour signifier tout se qui est extra-gouvernemental et distant du secteur du marché.

    2 Bruno Jobert confère à ce terme un sens qui le met en contradiction avec la régulation. Il estime que la gouvernance diffère de la régulation au niveau de l'instant d'émergence de la politique et l'attitude des acteurs. Dans la première pense-t-il, « s'assimile avec la visée classique du politique comme processus de pilotage fondé sur une séparation des problèmes considérés comme un donné préconstruit et l'action visant à les résoudre. Cependant, la régulation rejette l'idée d'un ordre imposé d'en haut par un acteur introuvable. C'est dire, que la régulation selon lui est porteuse de la réalité de l'horizontalité. Tel n'est pas notre compréhension de ces notions que nous utilisons de façon interchangeable et auxquelles nous infusons l'idée de la verticalité mais une verticalité qui respecte la multilatéralité et la diversité tout en reconnaissant à l'Etat sa part de supériorité et de régulation de la société. Lire Jobert Bruno « La régulation politique : le point de vue d'un politiste » Droit et Société, vol. 24, pp. 119-144 (1998). Zaki Laïdi semble définir la gouvernance sur la base de l'horizontalité. Il dit en effet : « La gouvernance mondiale est l'ensemble des processus par lesquels les règles collectives sont élaborées, décidées, légitimées, mises en oeuvre et contrôlées ». Zaki Laïdi « Les enjeux de la gouvernance mondiale », AFRI, 2002, p. 269 cité par Sandrine Maljean-Dubois « La `gouvernance internationale des questions environnementales'. Les ONG dans le fonctionnement institutionnel des conventions internationales de protection de l'environnement » in Boisson de Chazournes et Mehdi, op. cit. p. 87.

    3 Voir les travaux de Susan Strange et Josépha Laroche.

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    pleine compétence, sans être des péri-souverainetés, ils se distinguent par leur activisme et leur action qui complètent sans s'en détacher, l'action d'un Etat replié sur ses piliers régaliens et qui sous-traite des espaces périphériques de sa compétence. Aussi, dire que l'horizontalité est le trait premier de la gouvernance ou de la régulation apparaît comme une surestimation des acteurs privés. Leur action est certaine mais, elle n'est pas totalement déconnectée des Etats.

    Au bout du compte, la gouvernance qui est consécutive à la mondialisation, comporte deux traits de caractère. Le premier est la multi-actorité qui a fait l'objet du propos récent dans la linéarité ascendante. Elle impose deux constats. D'abord, la multiplication des acteurs c'est-àdire la rémanence des autorités étatiques et l'affirmation de l'actorat privé, ensuite la complexité qui se joue dans des espaces construits sous la poussée de la mondialisation. C'est le signe de la relativité de la souveraineté. Le second trait de caractère est la moralisation des comportements sur la scène internationale. Comme un effet de mode, l'on assiste au tatouage des marques éthiques sur les faces visibles parce qu'extérieures des acteurs de la scène internationale. Si les problèmes de la mondialisation imposent en raison de la complexité des transactions une synergie active, la glissade éthique en plus d'être une incidence de l'interdépendance des systèmes sous le réverbère de la mondialisation, est une variable à intégrer parce que désormais incontournable. La superposition des mondes statocentrique et homocentrique entraîne une arrivée des émotions dans l'arène politique internationale. La transparence des industries extractives, politique de la mondialisation et qui se déploie sur un espace de la gouvernance, a une immédiateté éthique qu'il convient de scruter sans idée préconçue dans un premier temps, même si la séparation stricte des comportements éthiques de la rationalité procèderait de la naïveté.

    Paragraphe II : Ethique et problèmes de la mondialisation : la transparence des industries extractives dans les schémas de la gouvernance mondiale

    L'ambition première de cette section est de planter le décor qui abrite les transactions complexes autour du couple éthique -intérêt. Le paragraphe précédent avait vocation à rendre raison de l'affinité élective entre la mondialisation et le surgissement des espaces particuliers qui tolèrent la cohabitation entre l'Etat et les acteurs privés car, la multiplication et l'affirmation des acteurs est l'acte premier d'un scénario de la complexité qui rend compte des transformations de la souveraineté. Ce paragraphe, second de l'espace, met en relief la

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    dimension éthique que comporte la mondialisation et cette émergence des espaces de gouvernance. EITI est l'un de ces espaces bâtis par les acteurs inscrits dans l'ère de la mondialisation. Ce faisant, selon le raisonnement qui sert de fil d'Ariane à cette section, elle s'inscrit dans une tendance qui tend à construire systématiquement des espaces triangulaires autour des questions de portée globale et l'irruption du monde homocentrique aux côtés du monde statocentrique apporte l'émotion en politique internationale.

     

    Mondialisation et Souveraineté

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Multiplication des
    acteurs/ affirmation
    des acteurs multiples

     
     
     
     
     
     

    Ethique au
    fondement des
    intérêts des acteurs

     
     
     
     
     
     
     

    Construction des
    problématiques éthiques

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Figure 5 : les incidences de la mondialisation et de la transformation de la souveraineté

    Ainsi présenté, le monde actuel conduit à pister les fortunes de la souveraineté dans les méandres de la mondialité complexifiée et sur les traces des acteurs multiples. Dès lors que l'on a validé l'hypothèse de la multiplication des acteurs, une fois que l'on a indiqué que la construction des espaces de la gouvernance en plus d'impliquer une multilatéralité, est le signe de la transformation de la souveraineté, il convient de se pencher sur la conscience éthique qui est un talweg dans lequel coule l'initiative de transparence des industries extractives. Mais, en plus d'être un lieu, la conscience éthique actuelle est une manière d'être. La distinction naît à partir à l'instant de la prise de conscience de la pluralité des éthiques. Il existe une éthique antérieure et une éthique postérieure selon la taxonomie de Paul Ricoeur1. De même, existe-t-il une gradation entre la morale qui peut renvoyer à une pan-éthique donc, qui commande à l'homme des domaines du permis et de l'interdit. Cette acception est proche de celle de Spinoza2 qui dans son Ethique, se fait le prédicateur d'une vie de vertu greffée sur la crainte d'une divinité qui existe. Et, l'éthique serait dans ce sens assimilable à des éthiques régionales de l'ordre de l'éthique médicale et professionnelle. A l'interface des deux niveaux, il existe une couche intermédiaire qui s'abreuve de la morale et s'applique à des espaces

    1 Ricoeur P. Ethique et Infini, op. cit.

    2 Spinoza B. (1961) Ethique, (collection Les Grands Textes), Paris : PUF.

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    restreints. Ainsi, elle est une miniaturisation du tout et une totalisation du partiel, une infinie dans le fini en même temps qu'un fini issu de l'Infini. L'Infini qui vient à la rencontre du fini est lisible dans certaines questions globales telles que le développement durable avec la foule de ses incidences et le fini qui va à la rencontre de l'Infini, ce sont les systèmes politiques qui se moralisent dans le cadre de la moralisation des polités.

    A. La transparence des industries extractives dans la mouvance moralisante de la mondialisation

    Le concept de développement durable est large et ne saurait discriminer la problématique de la transparence des industries extractives pour deux raisons principales. D'abord, le développement ne se fait point en laissant à la marge certaines couches sociales et ensuite, le développement durable ne se fait pas dans une attitude ravageuse des ressources et de l'environnement au grand dam des générations futures. C'est la morale qui vient s'imposer dans la manière de conduire les politiques de développement. C'est la morale qui vient instruire les acteurs attelés au développement des peuples et des nations.

    1. La transparence des industries extractives et la prise en compte des droits des communautés autochtones

    Cet espace ne se veut point la tribune pour un plaidoyer de la liberté exclusive et marginale des couches défavorisées, encore moins l'accréditation d'une vision irrédentiste du monde. Il est uniquement le détail d'une marginalisation de certains « cadets sociaux1 » par le train de la mondialisation. D'où l'hypothèse d'une résurgence de la conscience éthique dont EITI serait l'une des facettes visibles, en réaction à cette exclusion qui peut devenir productrice de désordre et de conflits sociaux déstabilisateurs et générateurs d'une cascade de menaces transnationales. Il s'agit de rendre compte d'une manifestation de l'éthique globale, face à une injustice que rien n'explique, au regard des élans éthiques contenus dans les textes fondateurs des régimes internationaux dans lesquels, les Etats ont répandu les dispositions morales restées cependant lettre morte. Sans affirmer que ce retour global vers l'éthique est une conséquence de la multilatéralisation qui laisse de la place aux acteurs de la société civile, avec leur dose d'émotion réelle et théâtrale, l'on peut tout de même arguer que la naissance

    1 Il faut entendre « cadets sociaux » ici dans un sens où ils réfèrent à ces membres de la communauté qui sont mis sur le banc de l'évolution du monde par les acteurs majeurs et les flux de la mondialisation. C'est aller audelà du sens que leur confère J.F Bayart, c'est-à-dire les acteurs de l'arrière scène, ces gens qui petites, constituent la foule d'en bas. (Voir Bayart J. F. (1985) L'Etat au Cameroun, 2nde édition, Paris : Presses de la fondation nationale des sciences politiques, chapitre VII.

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    des espaces de gouvernance, négation du one man show de l'Etat, favorise une nuance dans la conduite réaliste1 des affaires du monde.

    La morale de la transparence des industries extractives est donc présente, comme l'atteste son inscription institutionnalisée dans l'espace EITI. Ce dernier espace, constitue de ce point de vue le lieu d'expression de la concurrence morale2 en vue de la prise en compte des droits des communautés autochtones, c'est-à-dire riveraines des lieux d'opération des firmes3. Cela dit, EITI contribue à modifier la conduite des acteurs vis-à-vis des ces communautés de plusieurs manières. Il faut rappeler en passant que l'une des causes qui ont mis sur le domaine de la publicité les ravages de l'opacité et justifié le lancement de EITI, est la justice en terme du ressenti des revenus des industries extractives dans le vécu quotidien des communautés riveraines des sites d'extraction (la justice distributive). En même temps que les revenus de l'exploitation des ressources abritées par leurs terres ne leur profitaient pas, ces communautés payaient le prix fort de l'activité extractive en terme de pollution environnementale, de prolifération des maladies et autres vices importés par les colonies de travailleurs et la dégradation de leur environnement vital. EITI contribue donc à corriger ces torts par la prise en compte des droits de ces communautés en les comptant parmi la communauté de la transparence dans le cadre du stakeholding.

    L'on peut penser qu'au-delà des usages détournés des luttes4, les ONG sont en possession d'un certain capital social dans la défense des droits de ces communautés. Cette lutte des

    1 Il s'agit de penser comme certains auteurs que le réalisme des Etats n'est pas incompatible avec la morale. Voir par exemple : Sindjoun Luc « La loyauté démocratique dans les relations internationales : sociologie des normes de civilité internationale », Etudes Internationales, vol. 32, n°1, pp. 31-50, mars 2001. Mais également Klaus-Gerd Giesen L'éthique des relations internationales, op. cit. notamment le chapitre 2. En percevant la transparence comme une norme éthique qui est du ressort du macrocosme démocratique, l'on peut aussi lire Wheeler N.J., « Guardian Angel or global gangster : a review of the ethical claims of international society » Political Studies ; vol. 44, n°1, pp. 123-135, mars 1996.

    2 La concurrence morale selon Monique Canto-Sperber met en scène des acteurs multiples dans la dramatisation d'une conduite morale. Il peut s'agir des Etats, des organisations internationales, des juridictions internationales, de l'ONU, de la communauté des Etats démocratiques, de l'humanité et de la société civile mondiale. Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit des Etats, des firmes et des ONG. Voir Monique Canto-Sperber, Le bien, la guerre et la terreur, op. cit. pp. 117-133.

    3 La notion de communauté autochtone n'est pas à confondre ici avec celle de peuple autochtone qui referme une autre connotation sémantique. En effet, la distinction que nous faisons se fonde sur le fait que tous les peuples autochtones ne sont pas situés sur des terres d'opération des firmes. De plus, les populations dont les terres abritent les ressources extractives ne sont pas toutes considérées comme des peuples autochtones. Aussi, préférons-nous la notion englobante de communautés autochtones pour dire cette nuance.

    4 L'on peut voir par exemple comment les ONG utilisent leur maîtrise des connaissances autochtones à des fins capitalistes. Jude Fernando dit à ce propos que « NGOs criticisms of the state and the transnational corporations and their insistence on the need to promote development practices in ways relevant to the interests of local culture provide a much broad space and more seductive ways of connecting local communities with the centre of

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 206 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    ONG est antérieure à l'initiative et a pris un relief particulier avec la naissance d'une instance qui vise en amont, à faire chose et corps la transparence. Il faut dire que l'objectif direct et unique de la transparence des industries extractives n'est pas la satisfaction des droits des communautés locales. Cependant, dans l'ordre des jadis impossibles rendus possibles, figure la prise en compte de ces droits. Non pas qu'aucune prise en compte de ces droits n'est antérieure à EITI. En effet, l'on sait par exemple que la loi n° 001/PR/99 du 11 janvier 1999 portant gestion des revenus pétroliers au Tchad prévoit dans son article 8 que 5% des redevances sont destinées aux collectivités décentralisées de la région productrice conformément aux dispositions de l'article 2121 de la Constitution. Cette loi a d'ailleurs fait dire au ministre tchadien des finances en septembre 2004, que son pays serait précurseur de EITI2. Au Nigeria, la question de la prise en compte des droits des communautés de la région du Delta du Niger dans la répartition de la manne pétrolière est un sujet de préoccupation des différentes administrations depuis les britanniques. L'ancien premier ministre Tafar Belawa avait établi le Niger Delta Development Authority (NDDA) et après son assassinat, le Niger Delta Basin Authority et plus tard sous le général Ibrahim Babangida, le Oil Mineral Producing Area Development Commission fut lancé. Il est vrai que ces structures visaient non seulement à intégrer les droits des communautés locales dans la répartition de la manne pétrolières, mais il s'est agi également d'un combat entre les Etats producteurs des hydrocarbures et ceux qui, sans en produire, étaient jugés privilégiés dans le bénéfice qu'ils tiraient des revenus du pétrole. L'instance qui a succédé à toutes celles mises sur pied auparavant est le Niger Delta Development Commission (NDDC) établi par l'ancien président Olusegun Obasanjo et passé sous forme de loi à l'Assemblée fédérale en 2002. Cette commission doit recevoir une part des revenus des hydrocarbures par an, afin de financer des projets de développement communautaire, conformément à la constitution nigériane de 1999 qui dit que 13% des revenus doivent être versés à la région qui produit les hydrocarbures.

    capitalism ». Jude F. Fernando «NGOs and production of indigenous knowledge under conditions of postmodernity » The Annals of the American Academy of Political and Social Science, n°590, p. 69.

    1 L'article 212 de la constitution tchadienne du 31 mars 1996 dit : « Les ressources des Collectivités Territoriales Décentralisées sont constituées notamment par : les produits des impôts et taxes votés par les Assemblées des Collectivités Territoriales Décentralisées et perçus directement par elles; la part qui leur revient de droit sur le produit des impôts et taxes perçus au profit du budget de l'État; les produits des dotations et les subventions attribués par l'Etat; le produit des emprunts contractés par les Collectivités Territoriales Décentralisées, soit sur le marché intérieur, soit sur le marché extérieur après accord des autorités monétaires nationales, avec ou sans garantie de l'Etat; les dons et legs; les revenus de leur patrimoine; le pourcentage sur le produit des ressources du sol et du sous-sol exploitées sur leur territoire ».

    2 Benoît Massuyeau et Delphine Dorbeau- Fachier « Gouvernance pétrolière au Tchad : la loi de gestion des revenus pétroliers » Afrique contemporaine, vol. 216, n°4, p. 143.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 207 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    L'on peut considérer que, par le flux des revenus générés pas les industries extractives dans un environnement de transparence favorisée par EITI, les Etats peuvent mieux conduire des projets de développement des communautés riveraines. Cependant, la mystique de l'unité nationale qui interdit un développement déséquilibré des régions des pays, rend prudents les Etats quant à accorder une attention particulière aux communautés locales des sites d'extraction. Ainsi, l'acteur qui rend mieux compte des mutations qu'autorise EITI dans son rapport aux communautés est la firme extractive. Comprenons-nous bien. Le lancement de EITI ne coïncide pas avec les premières actions sociales des firmes en direction des communautés autochtones, il est un facteur de renforcement d'une logique que certaines firmes avaient déjà adoptée.

    L'action des firmes retient donc beaucoup plus l'attention en raison du caractère de lieu commun que revêt l'investissement des ONG dans la rhétorique des causes désespérées des communautés locales qui seraient l'antienne légitimante de leur action. De plus, comme souligné plus haut, les Etats répugnent l'idée de soutenir ouvertement les communautés locales riveraines des sites d'exploitation, au risque de déclencher une vague de revendications primordialistes fondées sur l'abri ou non des ressources extractives sur leurs territoires. Cependant, les firmes ont une responsabilité naturelle vis-à-vis des communautés car, elles sont au quotidien en contact avec elles et le sentiment d'injustice a pour corollaire la destruction de leurs équipements et le péril qui menace leurs employés. Les multiples destructions des installations de Shell dans le Delta du Niger et les enlèvements de ses employés constituent des faits justificatifs de la méfiance des firmes. EITI crée alors les conditions d'une amplification des pratiques morales de la part des firmes en direction des populations riveraines des sites d'exploitation. Dans son rapport de durabilité 2008, Shell dit avoir versé conformément aux dispositions de la loi créant le Niger Delta Development Commission, 56,8 millions de dollars au titre de sa contribution au développement des communautés riveraines. De plus, Shell Petroleum Development Company (SDPC) l'une de ses filiales nigérianes a mis sur pied un programme de développement des communautés qui lui a coûté 25,2 millions de dollars en 2008, dans le cadre du financement de 80 projets de développement communautaire. Tout cela se fait dans le cadre d'un mémorandum général d'entente introduit en 2006 pour améliorer les engagements de Shell vis-à-vis des communautés. Par ailleurs, la compagnie Shell soutient des projets de développement des

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    communautés par le biais de sa Fondation1. Les compagnies s'inscrivent de plus en plus dans une logique de partenariat et ne considèrent plus leur rapport aux communautés en terme de philanthropie. La compagnie Conoco Philips travaille par exemple en Alaska dans la région North Slope au coeur de huit (8) communautés Inupiats qui, en plus d'être des communautés riveraines, sont des peuples autochtones. Conformément à l'esprit de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones du 13 septembre 2007, notamment les dispositions qui rappellent leurs droits sur les terres, les ressources et territoires2 et le respect de leurs cultures3, la compagnie organise constamment des réunions d'échanges avec elles, et ces séances de travail sont très souvent tenues en leur langue. Les Communities Advisory Council (CAC) et des Citizen Advisory Panel (CAP) ont été mis sur pied par Conoco Philips et ces instances sont présentes autour de 11 raffineries pour constituer des espaces de rencontre et de travail entre les représentants des communautés et la firme. La compagnie Anglo American quant à elle, a financé en 2008 onze projets autour de ses sites d'opération en Afrique du Sud. C'est dans ce cadre que le docteur Lona Maphuthuma a pu ouvrir son propre cabinet à Bungersfort, par le biais de la filiale locale Anglo Zimele4. Au Chili, cette même compagnie a établi en 2007 le programme EMERGE. Celui-ci vise à améliorer le bien-être des communautés locales riveraines. Il procure à ces communautés l'assistance financière et technique nécessaire pour la réalisation des projets de développement. Les actions sociales des firmes en direction des communautés locales sont devenues l'instrument d'un investissement des compagnies.

    En somme, les acteurs de la transparence des industries extractives ont inscrit dans leur conscience l'impératif de l'amélioration des conditions de vie des communautés autochtones riveraines des sites d'extraction, afin de corriger une injustice causée par l'opacité qui avait droit de cité dans ce secteur d'activité. Si les faits ne sont pas directement visibles pour ce qui concerne l'Etat, les ONG et les firmes quant à elles fondent sur une action directe et parallèle aux retombées liées aux taxes et autre loyalties, leur investissement social en direction des

    1 Voir Royal Dutch Shell PLC Sustainability Report, 2008, page 20.

    2 L'article 26 (1) de cette déclaration dit : « les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont acquis ou utilisés. (2) les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils leur appartiennent ou qu'ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis ».

    3 Notamment l'article 13 (1) qui dit : « Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d'écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes ».

    4 Anglo American, Making a difference, Report to society, 2008, p. 25.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 209 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    communautés. La transparence des industries extractives encourage par ailleurs une prise de conscience plus aigue des périls environnementaux liés à l'activité extractive.

    2. La transparence des industries extractives et la question environnementale Les industries extractives ne peuvent se développer sans atteinte à l'intégrité de l'environnement. La distance entre les « have and have not » et la pollution sont deux problèmes majeurs de ce siècle1. Les combats écologiques et le développement de l'écopolitique internationale semblent au premier abord ressortir de la conscience que la « mère-terre » est menacée de péril et que le destin de l'humanité étant intimement lié à un espace vital, il convient de réprimer les élans de destruction de la planète2. La conférence de Copenhague de décembre 2009 a été l'occasion d'une mise en évidence de la prise de conscience du péril qui ménace la planète par les dirigeants et les activistes de tous les bords. Les sons dissonnants et la difficulté des négociations3 trouvent en partie leur origine dans les différences de conceptions d'une solution pérenne, mais l'idée est partagée selon laquelle, si rien n'est fait notre planète court vers sa fin. Ce discours eschatologique est au fondément d'une action « morale » des acteurs de la communauté internationale qui se sont donc penchés sur le sort de la planète à Copenhague. Une éthique de la transparence dans les industries extractives répond de ce fait à une mouvance mondiale de l'éthique qui se donne à voir dans les transactions complexes entre les différents acteurs de la scène mondiale autour des questions du changement climatique, de la préservation des écosystèmes fragiles et de la protection des espèces menacées. La projection du film Home de Yann-Arthus Bertrand en juin 2009 en France, les investissements de Nicolas Hulot (notamment la projection en France en octobre 2009 de son film Le syndrome du Titanic) attirent l'attention peut-être de façon alarmiste sur les périls de notre planète, mais cette logique participe d'une prise de conscience éthique qui explique en partie cet acharnement au sujet des risques environnementaux. Sans

    1 Asuncion Lera ST. Clair « Global Poverty: Development Ethics Meets Global Justice» Globalizations, vol. 3, n° 2, p.139, June 2006.

    2 Point de vue alarmiste qui n'est pas totalement partagé par Marie Claude Smouts pour qui il y a surenchère au sujet des forêts tropicales et surestimation du risque pour des visées politiques. Voir Smouts Marie Claude (2001) Forêts tropicales, jungles internationales. Les revers d'une écopolitique mondiale, Paris : Presses des science po.

    3 Pour eviter l'enlisement et obténir un accord décisif à l'issue de Copenhague, le président français Nicolas Sarkozy a réuni les chefs d'Etats de la COMEFAC partageant en commun le bassin du Congo à Paris le 16 décembre 2009. Pendant ce dejeuner de travail, ces différents chefs d'Etats ont adopté une position unanime faisant de la forêt du bassin du Congo une solution possible à la lutte contre les changements climatiques et donc, une aide financière conséquente à l'adresse des pays de ce bassin.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 210 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    minorer le fait que l'environnement fait vendre1 et donne une personnalité politique2, l'intention est de penser que dans la logique d'une démonstration de la prévalence d'une attitude méga-éthique, la transparence des industries extractives s'insère dans les débats mondiaux qui, par la technicité et l'expertise qu'ils requièrent, sont devenus des espaces de gouvernance au sein desquels la complexité des transactions n'a d'égale que la « logique floue » des acteurs3. Les questions de protection de l'environnement sont devenues des thèmes de débat dans des espaces multilatéraux surtout à partir de la conférence de Stockholm de 1972.

    Sans ignorer l'activisme non gouvernemental et transnational4 dans la bataille pour l'environnement, les espaces de multilatéralisme nous intéressent au premier chef en raison de la centralité des deux éléments fondateurs de la problématique de cette étude. L'affirmation des acteurs multiples et la prévalence de la complexité dans les interactions autour des questions morales constituent le fil d'Ariane qui conduit au coeur d'une affirmation de la relativité de la souveraineté. Aussi, la transparence des industries extractives en tant que norme morale est-elle inscrite dans un espace multilatéral dans l'optique de résoudre moult fléaux qu'implique l'activité extractive. L'extraction anarchique et effrénée des matières premières est une source de pollution et donc de menaces graves pour l'environnement. Les images de ces cours d'eau pollués en Equateur et dont l'incidence est l'apparition des chancres sur les peaux des populations riveraines qui y touchent, sont souvent diffusées pour prendre à témoin l'ensemble du globe sur les méfaits de l'exploitation extractive. Les produits utilisés qui sont entre autre le mercure, constituent des facteurs dégradants de

    1 Ce que Josépha Laroche appelle « éco-business ». Laroche J. (1998) Politique internationale, op. cit. pp. 420- 422. Et Elkington et Burke parlent de capitalisme vert. Elkington John, Burke Tom (1987) The green capitalists: Industry's search for environmental excellence, London: Gollancz.

    2 Le score important des Verts aux élections européennes de Juin 2009 en France est en partie le résultat de la propagande environnementaliste des activistes qui tirent l'hallali sur le dépérissement de la planète. La mise à l'écart des problématiques écologiques par certains hommes politiques leur coûterait obligatoirement une partie de leur électorat. L'on note par exemple que les partis politiques en France « se mettent au vert » de façon plus marquée. L'organisation des grenelles de l'environnement et les créations des ministères de l'environnement depuis la décennie 1990 participent de la politisation de la question environnementale. Le respect de l'environnement a désormais une place importante dans les agendas politiques.

    3 Ainsi, les questions de gouvernance globale dans leur complexité et leur multi-actorité, sont souvent débattues lors des grandes conférences internationales : Rio de Janeiro sur l'environnement en 1992, Johannesburg autour du développement durable en 2002, New York sur l'enfance, Copenhague autour du développement social et Beijing en 1995 a réuni les experts au sujet de la femme. L'établissement d'un Agenda 21 et la création d'une Commission du développement durable participent de cette évolution vers le traitement mondial des problèmes globaux, ce qui en soi laisse penser que la complexité qui est le fait et la cause de la relativisation de la souveraineté, est inhérente à la globalisation.

    4 Voir par exemple: Thomas Princen « Ivory, conservatism, and environmental transnational coalitions », in Risse-Kappen (ed.) Bringing transnational relations back in, op. cit. pp. 227-253.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 211 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    l'environnement. Newmont Mining est par exemple indexé au Pérou comme une entreprise pollueuse qui a déversé 150 kilogrammes de mercure mettant en danger les écosystèmes autour des villes de Choropampa, Magdalena et San Juan. Cette compagnie utilise du cyanure dans des mines à ciel ouvert à Ahafo au Ghana. Comment ne pas faire mention du cas de Royal Dutch Shell rendu célèbre par ses violations du droit de l'environnement au Nigeria, notamment dans les trois Etats du Delta du Niger. L'on ne peut comprendre la pétroviolence au Nigeria sans prendre en compte les exigences d'une compensation de la part des populations qui déplorent la pollution de leur environnement vital. Les bras du Niger qui arrosent la région sont pratiquement devenus des environnements stériles au grand dam de ces populations qui vivent en partie de la pêche. Dans d'autres pays, les nuages de poussière soulevés par l'activité d'exploitation aurifère sont sources de contaminations diverses sur des rayons importants. Certes, le problème de la pollution du fait de l'exploitation extractive est réel. A l'ère de la gouvernance mondiale où les problèmes échappent aux exigences du confinement, une résolution des problèmes de l'environnement ne saurait minorer l'impact des industries extractives et donc, promouvoir la transparence du secteur est en quelque sorte un début de solution. En réalité, parce que condition sine qua non à un partage juste et équitable des richesses d'un Etat, la transparence permet de faire parvenir aux populations immédiatement victimes des impacts environnementaux directs de l'exploitation, les fruits de leur sol et sous-sol. Ce d'autant plus que, la dégradation de leur environnement vital provoque un changement de régime de vie qui nécessite une plus grande assistance de l'Etat qui en a les moyens parce que gestionnaire des revenus du sous-sol.

    Les études d'impact environnemental1 trouvent dès lors leur domaine de pertinence dans la mise en oeuvre du principe de prévention. En effet, la prévention constitue avec le développement durable les fondements de la gestion des ressources naturelles. Si EITI ne concerne pas les activités en amont, c'est-à-dire celles relatives à la cession des contrats, la matérialisation de la transparence peut tout de même constituer une incitation à l'application du principe de prévention par l'exigence et l'observance réelle de la présentation d'une étude d'impact environnemental comme gage d'un respect de l'environnement au cours de

    1 Elles sont devenues systématiquement demandées avant toute signature d'un contrat minier ou pétrolier. La loi malienne n° 04/037 du 2 août 2004 portant code pétrolier définit l'étude d'impact environnemental comme le document que doit soumettre le titulaire d'une Convention au Ministre chargé de l'Environnement et comprenant: l'identification, la description, l'évaluation des effets et les mesures correctives envisagées des projets d'Opérations Pétrolières sur l'homme, la faune et la flore, le sol, l'eau, l'air, le climat et le paysage, y compris les interactions entre ces facteurs, le patrimoine culturel et d'autres biens matériels, dont le contenu est déterminé par décret. (Article 1 al. 11).

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    l'exploitation. Le principe pollueur-payeur (PPP) est de ce point de vue, une solution ex post qui s'invite dès lors que la prévention s'est avérée incapable de réprimer les élans destructeurs des compagnies. L'OCDE qui a préconisé ce principe dès 1972 s'est ainsi placée aux avantpostes de la moralisation de l'activité industrielle, mais également de l'activité extractive. Les Etats ne sont pas à la traîne dans ce domaine. En effet, pour limiter le potentiel polluant des industries extractives, au-delà des initiatives globales qui, tant sur les plans de la prévention que de la répression privilégient des actions concertées, certains Etats ont entrepris de constitutionnaliser la protection de l'environnement. Ainsi, en plus des études d'impact environnemental qui sont exigées avant la cession des contrats d'exploitation, le Sénégal par exemple a inscrit dans sa constitution le droit de l'individu à un environnement sain1.

    Au final, après avoir démontré que la matérialité de la mondialisation se fonde sur une reconversion éthique des acteurs, dès lors que nous avons axé le propos autour de l'éthique comme l'une des préoccupations centrales des espaces de la mondialisation, il convient de dire l'émergence des puissances normatives comme l'autre environnement propice à la fixation de la transparence des industries extractives dans une atmosphère éthique globale. La norme de la transparence selon qu'elle se fait corps et chose n'est pas une entreprise ex nihilo. Elle est dans l'aire du temps. La composition des « communautés de responsabilité » qui laisse penser à un retrait de l'Etat participe d'une modélisation de la nouvelle scène mondiale. Aussi, les puissances normatives ou la normativisation des puissances est le cadre global d'émulation de l'éthique, et donc de la transparence dans les industries extractives. En d'autres termes, après le discours sur la matière, voici que les acteurs opèrent le virage éthique. C'est l'ère de la cohabitation entre les valeurs idéalistes et la traditionnelle realpolitik des Etats.

    B. L'émergence de la puissance normative : EITI un trait de la moralisation des systèmes politiques mondiaux

    Ce paragraphe a l'ambition de dire la généralisation de la conscience éthique comme un substrat dans lequel s'enchâsse l'initiative de transparence des industries extractives. Dans cet environnement de l' « éthique sociale », il s'agit de considérer la conduite des acteurs dans la globalité de la chose éthique. Ce changement comportemental des acteurs a induit un changement paradigmatique (1) qui permet de mieux lire la conduite des acteurs (2).

    1 Article 8 constitution sénégalaise du 22 janvier 2001.

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    1. Un changement théorique ...

    En effet, EITI n'est pas un espace pionnier, encore moins une forme de regroupement déconnecté dans un monde étrangement différent. Elle est inscrite dans une mouvance mondiale d'idéalisation de la politique, non pas que le réalisme est obsolète1mais, davantage parce que les valeurs idéalistes et morales sont désormais des portes d'entrée de la politique africaine2 en particulier, mais également mondiale. Si la transparence des industries extractives se donne à voir comme la promotion d'une valeur morale, le fait étatique y est éminemment notable car, même les espaces de gouvernance dont le surgissement a partie liée avec la transformation de la souveraineté, ne constituent pas des espaces ingouvernables. Aussi, le rôle de l'Etat y est-il déterminant. En attendant qu'une nouvelle forme d'organisation sociale se substitue à l'Etat, celui-ci malgré sa « mauvaise santé de fer », reste l'unité sociale pertinente. Les contraintes du changement d'époque et l'irruption d'acteurs nouveaux, faits et effets de la transformation de la souveraineté, diversifient les sources de légitimité et les sensibilités3. La révolution homocentrique comporte l'exigence de prise en compte des émotions et des idées en science politique plus largement et dans les relations internationales en particulier4. Ainsi, Ngaire Woods avait-elle raison de dénoncer la négligence des idées économiques notamment dans les relations internationales. L'obsession positiviste des faits a omis de relever que les choses-pensées précèdent les choses-faites et que de ce fait, les choses ne sont point suspendues dans un vide idéel mais s'agencent avec les idées.

    Se prononcer sur la transformation de la souveraineté par le truchement d'une lecture de la transparence des industries extractives, c'est obligatoirement se trouver au carrefour de trois considérations qu'il importe de rappeler. Il s'agit de l'affirmation des acteurs multiples, de l'émergence des espaces de gouvernance et d'un réveil de la conscience éthique. Le propos autour de la conscience éthique permet en même temps qu'une démonstration de l'ancrage de

    1 Badie B. « Realism under praise or a requiem... », art. cit.

    2 Sindjoun L. « Positivism, ethics and politics in Africa », art. cit.

    3 Les variables nationales de légitimité ne sont pas pertinentes lorsqu'il s'agit de traiter de la démocratie à l'échelle transnationale et supranationale. Aussi, l'irruption des acteurs non étatiques dans la gouvernance globale induit-elle des nouveaux indicateurs de légitimité qui au-delà de la représentativité et de la responsabilité, s'appuient sur le critère normatif. Lire à ce propos Karin Backstränd « Democratizing global environmental governance? Stakeholder after the World Summit on Sustainable Development» European Journal of International Relations, vol. 12, n°4, pp. 467-498, 2006.

    4 Ngaire Woods « Economics ideas and international relations: beyond rational neglect » International Studies Quarterly, n°39, pp.161-180, 1995.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 214 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    EITI dans un environnement plus large, une prise de parole pour contribuer à la « rupture instauratrice » que certains auteurs ont entamé dans la relativisation de la dichotomie éthique/intérêt1. Le constat du virage normatif des Etats et regroupements d'Etats se fait à l'aune d'une théorie des relations internationales transformées.

    Selon le voeu de Eytan Gilboa, l'émergence de nouveaux acteurs dans les affaires internationales et l'interdépendance considérable entre tous les acteurs devraient entraîner une révision de la diplomatie publique qui a prévalu pendant la guerre froide2. L'on tendrait alors vers quelque chose qui soit à l'interstice du réalisme et de l'idéalisme c'est-à-dire, un usage des idées et des normes pour la poursuite des intérêts supérieurs de l'Etat3. La théorie contemporaine des relations internationales omnibulée par le positivisme a frappé d'ostracisme la pensée idéaliste dans l'analyse des affaires internationales surtout à l'ère de la domination réaliste. Le doute conséquentialiste de Stanley Hoffmann4 portait déjà les germes de l'usure de la pensée réaliste. Restauration néoréaliste de l'éthique5, cette idée a fait du chemin et la postmodernité politique se caractérise par la cohabitation sereine entre la morale et l'intérêt. C'est le cadre d'émulation des puissances éthiques qui structurent la politique internationale actuelle. Nombre de faits ont donné leur faveur à ce virage éthique généralisé dans les relations internationales.

    La fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin qui en était le symbole ont constitué des éléments déclencheurs d'une régénération de la théorie des relations internationales. Dans cet âge post-hégémonique, c'est-à-dire de la fin de l'unilatéralisme américain6, la logique qui bourgeonnait au lendemain de la fin de la guerre froide accentue le multilatéralisme qui

    1 Notamment Luc Sindjoun et Ariel Colonomos dans des travaux cités plus haut.

    2 Eytan Gilboa, « Searching for a theory of public diplomacy » art. cit. p. 59.

    3 Les imaginations diverses ont formulé des concepts pour dire cette solution médiane dans l'ethos de la politique internationale. Joseph Nye parle de « soft power », Wilson III parle quant à lui de « smart power ». Il existe également le concept de « Noopolitik » forgé par John Arquilla et David Ronfeldt. Il renvoie simplement à l'usage en priorité des valeurs, normes, idées, lois et l'éthique dans la poursuite de la politique étrangère d'un Etat. Voir au sujet de la noopolitik, Arquilla, John, and David Ronfeldt. 1999. The emergence of Noopolitik: Toward an American information strategy. Santa Monica, CA: Rand.

    4 Stanley Hoffmann considère qu'il est difficile d'imaginer un homme d'Etat qui ne cherche pas à évaluer les conséquences et dont les décisions sont faites sans référence au contexte, mais pense-t-il encore, il y a un danger constant de diluer ou de se débarrasser des principes et de glisser vers un simple opportunisme quand les conséquences et le contexte deviennent les considérations dominantes. En cela, il remet en cause le conséquentialisme éthique du réalisme. A vrai dire, il est l'artisan pionnier d'un glissement du conséquentialisme des actes vers un conséquentialisme des règles. Lire Stanley Hoffmann (1988) The political Ethics of International Relations, New York: Carnegie Council on Ethics and International Affairs.

    5 Klaus-Gerd Giesen, L'éthique des relations internationales, op. cit. Chapitre VI.

    6 Fred Halliday « International relations in a post-hegemonic age » International Affairs, vol. 85, n°1, pp. 37-51, 2009. Bertrand Badie qualifie cette ère d' « apolaire ». Voir Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. Chapitre 6

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    suppose la prise en compte de toutes les sensibilités dans la définition des agendas mais surtout, cette époque porte la marque d'une moralisation des comportements politiques internationaux. Il est cependant naïf de prétendre à une moralisation qui serait le fruit du troc du réalisme des Etats contre l'humanisme. Cet état de fait impose un dosage savant entre le « nationalisme méthodologique » et le « cosmopolitisme méthodologique », alliant ainsi une analyse politologique centrée sur l'Etat et le gouvernement comme pierre angulaire et une analyse fondée sur les logiques transnationales et supranationales1. En réalité, comme le pense Garrett Wallace Brown, une priorité accordée au cosmopolitisme kantien ne plaide pas pour une immédiate destruction des Etats et l'autodétermination qui est un aspect de leur souveraineté2. Le parti pris pour la conciliation de la théorie de la puissance (Réalisme) et le Transnationalisme comme la marque de l'interdépendance et de la transaction s'adosse donc sur les travaux antérieurs qui, dans le cadre de la démonstration d'une prévalence de l'éthique sociale globale comme retour aux valeurs, constitue la matrice du raisonnement. Une recherche des causes d'un tel virage pourrait conduire à la prise en compte de l'intégration des travaux des philosophes dans les relations internationales3 et la professionnalisation croissante des enseignants et chercheurs qui défendraient donc des intérêts et valeurs corporatistes4. Ces éléments explicatifs de l'atténuation du réalisme et qui constituent les fondements du néoréalisme5 marquent également le début d'une sublimation paradigmatique autour des valeurs incorporées dans la théorie internationale. Ces éléments d'illustration du changement théorique se vérifient dans les comportements des puissances de la scène internationale ; c'est d'ailleurs sur cet ancrage pratique et concret que l'on accroche l'initiative de transparence des industries extractives en tant qu'espace de gouvernance morale initié et pleinement soutenu par les acteurs de la mondialisation.

    2. ...à la suite d'un changement des pratiques politiques

    1 Ulrich Beck, Pouvoir et contre pouvoir à l'ère de la mondialisation, op. cit.

    2 Garrett Wallace Brown « State sovereignty, federalism and Kantian cosmopolitanism » European Journal of International Relations, vol. 11, n°4, pp. 495-522, 2005.

    3 C'est un effort fait notamment par Frédéric Ramel. Voir Ramel Frédéric (avec la collaboration de David Cumin), Philosophie des relations internationales, Paris : Presses des sciences po. 2002.

    4 Klaus-Gerd Giesen, op. cit. p. 244.

    5 Ce qui fait dire à Klaus-Gerd Giesen que le réalisme n'est pas différent du néoréalisme, le second étant simplement une version atténuée du premier, par la prise en compte de l'éthique. Ainsi, le scepticisme éthique est banni du néoréalisme, le conséquentialisme éthique est régénéré et l'empirisme éthique s'est enrichi d'une éthique néo-empirique fondée sur la théorie des régimes. Ce qui fait dire à Giesen : « Et il nous semble qu'en général le néo-réalisme est effectivement un réalisme soft, éliminant ou adoucissant les éléments les plus extrémistes de la théorie classique dont les auteurs néo-réalistes continuent pourtant à se réclamer ». Klaus-Gerd Giesen, op. cit. p. 240.

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    Le paradigme de la gouvernance participative a vu le jour dans la décennie 1990. Il suppose la prise en compte à différents niveaux, de la participation des acteurs variés surtout les groupes majeurs (syndicats, ONG, femmes, enfants, peuples autochtones et jeunes). L'ambition de traiter des problèmes de la mondialisation sans laisser à la marge de l'évolution des catégories âprement défendues par les groupes majeurs, injecte impérativement des considérations morales dans la conduite des politiques. Au niveau national, le retour à la norme constitutionnelle de l'égalité des peuples d'une nation sous la bannière étatique devient pressant. Les droits des minorités occupent de plus en plus les acteurs réunis dans le cadre de la gouvernance étatique. La transparence des industries extractives au niveau des Etats vise au final un partage équitable des revenus tirés de l'exploitation des ressources du sous-sol. Même les défenseurs acharnés des droits des minorités avancent fièrement cet argument pour rendre légitime leur action, afin de susciter une adhésion massive derrière ces luttes stratégicomorales. Le questionnement des schémas institutionnalisés de développement1 prend en compte le degré de discrimination que les planners2 laissent transparaître dans leur définition des politiques de développement. Cette reconversion des subsides du développement par volonté ou par destination, accentue la pauvreté des couches défavorisées. Ces dénégations de place au chapitre et bien d'autres encore, font que la centralité du débat éthique dans les cadres stato-nationaux est devenue une question à la fois morale et politique. L'intérêt réside moins dans la cohabitation des deux aspects que dans l'effet induit de cette réalité. En effet, l'on peut penser que l'intensité de la prise en compte des droits des minorités et des couches défavorisées serait moindre si les Etats détenaient l'absolue autorité sur les choses et les êtres. L'irruption des acteurs de la société civile au sein même des Etats met un bémol à l'élan autoritaire et discriminatoire des Etats. De fait, l'intensification du discours éthique a partie liée avec la multiplication des autorités.

    1 Heloise Weber « A political analysis of the formal comparative method: Historicizing the globalization and the development debate » Globalizations, vol. 4, n°4, pp.559-572, December 2007. Egalement Marcus Taylor «Rethinking the global production of uneven development » Globalizations, vol. 4, n°4, pp. 529-542, December 2007.

    2 C'est ainsi que William Easterly appellent ces planificateurs de développement qui conçoivent des plans depuis Washington sans prendre en compte les réalités locales, ce qui a pour corollaire l'adoption des plans lourdement financés mais aux résultats invisibles. Il propose à la place des searchers qui vont étudier au cas par cas les problèmes afin d'y apporter des solutions adaptées. Le refus de la seconde approche de façon systématique et l'entêtement à poursuivre la première est de son avis une ruse pour la reconversion de l'aide au développement. Un cercle vicieux qui implique les élites des pays en voie de développement qu'il qualifie de fardeau de l'homme blanc. William R. Easterly (2006) The white man's burden, why the West's efforts to aid the Rest have done so much ill and so little good, London: Penguins Books

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    Au plan transnational, l'absence d'une autorité crée une zone d'incertitude qui accueille les acteurs capables de représentation, afin que dans le cadre des espaces de gouvernance les sujets contemporains soient débattus. Et, là aussi, compte tenu de l'inadaptation des critères nationaux de légitimité, la représentation et le bien-fondé des problématiques selon que l'on veut les résoudre constituent des facteurs pertinents de légitimation de la présence et de l'action. Or, le consensus se trouve facilement autour des questions morales de justice, de paix, d'égalité et de démocratie comme le substrat où peuvent s'épanouir ces valeurs. C'est pourquoi l'Union Européenne par exemple a inscrit la conditionnalité démocratique1 dans sa politique d'aide aux pays en développement et comme un critère pour l'adhésion à l'Union des voisins2.

    L'exemple justement de l'UE est le plus visible (pas le seul cependant car les USA sont dans une logique de soft power depuis environ la fin du reaganisme qui s'évertuait à promouvoir la pensée classique du réalisme3). Puissance normative c'est-à-dire « puissance qui s'efforce de promouvoir à l'échelle mondiale des standards régulateurs et prescriptifs capables de générer de la stabilité et de la prévisibilité dans le jeu mondial4 », l'Union Européenne se fait le chantre d'une conception plus humaine du monde. Elle s'investit ainsi dans la promotion des droits de l'homme, et participe à (ou initie) des opérations de maintien de la paix. Une fois encore, l'on peut penser que la diversité des Etats qui composent l'UE impose une prise en compte de l'humanitaire. C'est fort de cela que Ian Manners juge que l'UE est une puissance éthique parce qu'elle change les normes et les prescriptions de la politique mondiale en passant de la centralité étatique à une centralité humanitaire5. Manifestement, la conduite interne et internationale des Etats s'abreuve désormais aux sources de l'humanité qui seule, explique cette avancée vers le passé. Les pères du jus naturalis tels que Francisco de Vitoria et Francisco Suarez de l'école de Salamanque, et le

    1 Ode Jacquemin « La conditionnalité démocratique de l'Union Européenne : Une voie pour l'universalisation des droits de l'homme ? Mise en oeuvre, critiques et bilan » Working Paper n°3, CRIDHO, 2006, 27p.

    2 Voir l'article 11.1 du traité de Maastricht de 1992 qui établit les bases juridiques nécessaires au développement de cette conditionnalité dans les relations extérieures de l'Union et dans ses relations de coopération au développement.

    3 Le Clintonisme par exemple est un virage politique vers la nuance dans la realpolitik américaine. Ses appels à la paix démocratique, son implication pour la paix en Afrique et la lutte contre le SIDA et les autres pandémies a laissé croire à une « diplomatie Mère Térésa ». Lire par exemple la thèse de Jean Daniel ABA « Les modalités d'élaboration de la politique africaine des Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide » Université Paris II Sorbonne, 2001.

    4 Zaki Laïdi « Peut-on prendre la puissance européenne au sérieux ? » Cahiers européens, n°5, 2005, p. 12.

    5 Ian Manners «The normative ethics of the European Union » International Affairs, vol. 84, n°1, pp. 45-60, 2008.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    wilsonisme ont été taxés d'irréalistes dans un monde prétendument mû par les seuls intérêts qui expliquent la prévalence d'un état de conflit permanent, nourri par les concupiscences charnelles des appétits mondains des Etats et la quête de puissance1. Voilà que, les Etats, les ONG et même les firmes entonnent un hymne à l'éthique.

    Une fois que l'on a discouru sur ces éléments caractérisés par leur globalité et leur généralité, il convient de scruter la conduite éthique des acteurs au ras-du-sol c'est-à-dire, voir comment dans la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives, le comportement des acteurs impliqués peut recevoir le crédit d'une éthique de conviction. Ce sera l'objet de la section suivante. Il s'agit de penser que les Etats, les ONG et les firmes des industries extractives sont inscrits dans un processus éthique par le seul fait de leur adhésion aux principes de la transparence des industries extractives. Cela se rapporte et se rattache à des valeurs méga-éthiques telles que la démocratie, la justice, la moralisation de la mondialisation, la défense de l'environnement et des droits des minorités et couches défavorisées. La structure de cette section obéit à une logique qui continue de penser pertinente, la dichotomie acteurs étatiques/ acteurs privés mais est au fait de la congruence des agir de ces acteurs différents, selon qu'ils trouvent des espaces de proximité dans le caractère global de l'éthique sociale. De ce fait, le premier paragraphe va pister l'action éthique desdits acteurs dans le processus de démocratisation et le second s'attelera à dire l'agir éthique de ces mêmes acteurs dans les processus de développement. Il s'agit de penser que le développement et la démocratie sont deux processus éminemment éthiques.

    Section 2 : A la recherche des éléments d'une éthique de conviction dans la conduite des acteurs de la transparence des industries extractives.

    La transparence des industries extractives semble au premier abord une entreprise éthique, c'est-à-dire un dessein de mettre sur pied un comportement éthique en soi, mais qui de plus, de par les incidences qu'il a sur la communauté des hommes produit le bien. Dans la compréhension de l'éthique, l'idée récurrente est la quête du bien. Stupeur pour les sceptiques réalistes, l'idée d'un empire du bien selon qu'il se donne à voir dans la conduite

    1 Cathal Nolan trouve d'ailleurs que c'est une déformation qui est inculquée aux étudiants des relations internationales que de célébrer le discours qui sépare la morale de la puissance. Il cite Reinhold Neibur en disant: « International politics is where conscience and power meet and work out tentative uneasy compromises ». Cathal Nolan «Norms and principles that govern international relation », op. cit.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    des acteurs et dans le fruit de leurs actions est envisageable dans cette ère de la mondialisation et c'est cela l'une des nouveautés. Que l'on se comprenne bien. Cette section n'est nullement la célébration d'une civilisation totalement éthique qui aurait enfin jeté dans la géhenne les démons de l'intérêt qui sont souvent au centre des conflits, des guerres, corruptions et autres immoralités. D'autre part, il ne s'agit pas de penser l'éthique ici comme une manière d'être, l'on parlerait alors de l'éthique protestante1, de l'éthique catholique2, de l'éthique journalistique3 etc. Ce sont là des « méta-éthiques ». Mais pensons l'éthique comme une valeur supérieure, l'éthique supérieure, selon l'ordre de Spinoza. L'éthique est assimilée au bien, à la conduite qui produit du bien. De plus, il faut penser que l'éthique est porteuse du sens de la justice selon la conception aristotélicienne. En effet, dans Ethique à Nicomaque, Aristote fait le distinguo entre la « justice corrective » et la « justice distributive ». La dernière évoquée renvoie à l'idée que les ressources doivent être reparties avec équité sans que le mérite ou la légitimité y soient des facteurs de marginalisation, mais la seule appartenance à la communauté suffit à imposer une possession pour chacun de sa «juste part ». Toutefois, en arrière plan l'idée du bien projette son ombre sur la justice distributive d'Aristote. Aussi, pardelà les relativismes qui induisent une certaine prudence dans le maniement des concepts tels que le développement et la démocratie, l'on postule leur centralité, leur essence éthique, et leur position au débouché de la transparence des industries extractives en tant que processus. Il s'agit de penser que le point de mire de la transparence est de faire chose et corps la démocratie et le développement au service des peuples. En réalité, la transparence des industries extractives est un moyen qui vise in fine un but. Qu'il s'agisse du développement ou de la démocratie que l'on considère « naïvement » comme des entreprises dépouillées de visées utilitaires, ce sont deux buts qui partagent la transparence comme condition de faisabilité. Ces deux objectifs sont exigeants d'une action synergique aussi, leur atteinte par la transparence des industries extractives exige-t-elle des transactions de natures multiples et diverses entre les acteurs. Le lien social une fois encore est célébré au travers du branle-bas pour la poursuite d'une valeur éthique. C'est dire que, la transparence des industries

    1 Max Weber, Ethique protestante et esprit du capitalisme, op. cit.

    2 Au sujet de l'éthique catholique, lire les travaux de HEC de Montréal. Par exemple : Omar Aktouf, Renée Bédard et Alain Chanlat « Management, éthique catholique et esprit du catholicisme : l'exemple québécois » Sociologie du travail, vol. 34, n°1, pp. 83-99, 1992.

    3 Il existe une façon de parler de l'éthique qui l'assimile à une manière d'être d'une catégorie professionnelle ou d'un domaine d'activité. C'est ce que Max Weber appelle beiruft, c'est-à-dire la vocation. Ainsi, Daniel Bell dira -t-il du capitalisme : « Lorsque la morale puritaine fit défaut à la société bourgeoise, il ne resta que l'hédonisme et le système capitalisme perdit son éthique transcendantale ». Daniel Bell, Les contradictions culturelles du capitalisme, op. cit. C'est dire que dans ce sens, l'éthique devient ce qui fait une chose et est donc immanente alors que l'éthique dans notre sens est une valeur supérieure transcendante que l'on cherche à atteindre par une conduite bonne pour son avancement et pour le bien commun.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 220 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    extractives comme chemin vers la démocratie et le développement est une norme éthique qui comporte la complexité comme trait de caractère. L'on peut imaginer des acteurs dans une logique solitaire en vue de la poursuite des intérêts particularistes et égoïstes mais, il est presque impossible d'envisager la mise en oeuvre de la morale par un acteur seul. Il existe trois raisons à cela. Considérant l'Etat, la morale n'est pas le fondement de son action. Il est davantage intéressé par la quête de puissance qui est l'absolue nécessité pour la survie sur la scène internationale. Les firmes quant à elle sont à la quête du profit et cela est une lapalissade. Les ONG, porteuses d'espérance en raison du ton humanitaire de leur discours, sont dépourvues de puissance souveraine et de capacité d'influence de la scène mondiale prises isolement. Elles ont besoin de l'assistance des Etats pour faire passer les normes éthiques car, ces derniers sont les seuls à disposer du rule-making en tant que souveraineté1.

    Dans ces conditions de nécessaires transactions entre trois catégories d'acteurs, la souveraineté qui est donc relative se donne à voir dans sa relativité quand ces acteurs multiples, affirmés dans leur qualité d'acteur, enjambent les frontières des Etats sans considération et quand, tout compte fait, l'Etat parce que seul acteur doté de souveraineté, influence la forme finale des espaces de gouvernance. Tout au long de la section, il faut rester informé de ce que dans la gouvernance globale, la présomption d'une éthique sociale suppose des valeurs partagées par la communauté de la gouvernance.

    Paragraphe I : L'initiative de transparence des industries extractives : un espace de la démocratisation ?

    Dès l'abord, l'on affirme la multiplicité des schémas de démocratisation et moult compréhensions de la démocratie en partant du constat que la démocratie au sein d'un Etat ne peut revêtir la même tunique sémantique que la démocratie au plan transnational2. L'objet d'attention dans cette étude est une initiative qui est multi- layered. Elle mêle les faits internes aux faits internationaux et met en scène un espace de gouvernance qui comme tous ses semblables, se caractérise par la participation de la société civile, la représentation et l'exigence de transparence des processus politiques. En général, la participation des couches affectées par les problèmes de la mondialisation est requise pour un souci d'efficience. De

    1 Janice Thompson, art. cit.

    2 Voir David Held (1995) Democracy and the global order: From the Modern state to cosmopolitan governance. Stanford, CA: Stanford University Press.

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    plus, la responsabilité et la transparence sont considérées traditionnellement comme des conditions nécessaires à la mise en oeuvre des politiques globales1.

    Fort de tout ce qui précède, l'option pour le modèle de stakeholder democracy de Karin Backstränd2 permettra de montrer comment les différents acteurs de la communauté de la transparence sont impliqués dans l'implémentation de la transparence, mais en réalité d'une norme plus grande à savoir la démocratie.

    Le modèle de stakeholder democracy tire sa substance éthique de son potentiel de protection des couches vulnérables, de la représentation fonctionnelle et du fait que les représentants sont affectés par l'objet dont les délibérations visent la transformation. Il s'oppose en l'épuisant, à l'idée d'un modèle consacré de démocratie. C'est la fin de l'exclusivité des figures électorales et parlementaires de la démocratie. La tradition de l'étude de la démocratisation et plus précisément, le courant de la consolidologie met l'emphase sur des variables estimées incontournables à la consolidation démocratique. Il s'agit notamment de penser que la participation, la compétition électorale et le respect des droits civiques et des libertés sont des traits autour desquels se déroulent les pugilats intellectuels relatifs à la compréhension des processus de démocratisation. Le stakeholder democracy s'échappe de ces carcans et n'en est pas moins pertinent cependant, tant la représentation et les délibérations en même temps que la légitimité des représentants et du sujet débattu en font un idéal-type démocratique propre à compenser les manques et limites liés au fait de l'absence d'une autorité suprême transnationale garante de la démocratie au plan international. Backstränd dit à ce propos: « Representation beyond elections allows for the representation of more varied and differentiated perspectives, and more emphasis on deliberative features compensate for the relative absence of electoral bases3» (la représentation au-delà des elections permet une représentation des perspectives plus varies et differenciées. Elle permet également de mettre l'accent sur les traits de la délibération qui compensent l'absence relative des bases électorales). Cela dit, dans le paradigme de la gouvernance participative, le modèle de la démocratie des parties prenantes permet de rendre raison de ce qui se joue dans les fora multi-

    1 Considérant les politiques environnementales globales, lire Paul Wapner (1996) Environmental activism and world civic politics. Albany, NY : State University of New York.

    2 Karin Backstränd, «Democratizing global environmental governance? Stakeholder democracy after the world summit on sustainable development» European Journal of International Relations, vol. 12, n°4, pp. 467-498, 2006.

    3 Karin Backstränd, idem, p. 472.

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    parties prenantes. Ce, en scrutant non plus les logiques actorielles qui sont marquées du sceau de la relativité de la souveraineté, mais davantage, en s'intéressant aux normes, structures et processus qui gouvernent les prises de décision au plan international.

    Le modèle de stakeholders democracy comporte un certain nombre de traits qui le distinguent des autres modèles et, qui en font un cadre pertinent de l'explication de la démocratie par la mise en oeuvre de la transparence comme norme internationale. Il serait difficile et même surréaliste de s'accrocher à l'idée d'un monisme explicatif informé par le cadre stato-national comme repère de projection. En réalité, dans l'espace transnational, les élections et la représentation parlementaire sont dénuées de signification, tant l'inexistence d'une autorité supranationale de l'envergure de l'Etat empêche tout mimétisme. Ni pouvoir suprême à conquérir, ni parlement où siéger, ce qui renforce l'épuisement des modèles traditionnels de démocratie qui sont restés coincés aux mâchoires de l'Etat-nation comme niveau d'analyse. Aussi, le critère de la compétition électorale qui est centrale dans les acceptions de la démocratie selon Schumpeter, Dahl1, et même Larry Diamond, Lipset et Linz2devient relatif car, à ce niveau de perception de la politique, les concepts de légitimité, représentation et participation acquièrent un sens nouveau. En considérant la transparence comme une norme éthique qui s'épanouit dans une éthique plus large à savoir la démocratie, comment envisager la conversion de la compréhension classique des concepts de participation, responsabilité et légitimité au niveau supranational, en ayant le regard rivé sur EITI ?

    A. Participation et responsabiité au sein de l'Extractive Industries Transparency Initiative.

    Dire que EITI est un espace de gouvernance, c'est postuler le fait de la multiplicité des acteurs en son sein. En effet, comme s'est attelé à le démontrer la première partie de la présente étude, l'initiative est un espace qui confirme l'actorat étatique en même temps qu'elle permet l'affirmation des acteurs privés. Ainsi, ce paragraphe ne revient pas sur ces éléments préalables, mais se prononce sur la participation en tant qu'elle trahit une mise en oeuvre de la démocratie sous le couvert de la transparence des industries extractives. De même, la responsabilité (accountability) qui est un trait incontournable de la gouvernance et

    1 Dahl Robert (1971) Poliarchy. Participation and opposition , New Haven: Yale University Press

    2 Diamond L., Lipset M.S., Linz J.J. (dir.) Les pays en voie de développement et l'expérience de la démocratisation, Paris: Fayard, 1993.

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    donc de la démocratie, prend séance aux côtés de la participation afin de constituer la quintessence du paragraphe.

    1. Un espace de participation hétérogène ou la diversité des transactions comme marque de l'éthique

    Le propre de la gouvernance est de mettre fin à l'illusion de l'unilatéralité qui avait prise sur le réel avec les temps classiques du penser politique. Cela suppose deux choses : l'injection des normes éthiques dans la conduite des affaires et une prise en compte de la diversité qui est source de transactions qui relativisent la souveraineté de l'Etat. L'intimité qui prévaut entre la démocratie et la gouvernance se fonde sur le principe de la multi-actorité1. La décompression autoritaire caractéristique de la démocratisation correspond généralement à la prise de parole par des acteurs autres que l'Etat. Le pluralisme et l'ouverture créent des conditions d'une responsabilisation et d'une transparence accrues de la vie publique. C'est dire l'affinité élective qui existe entre la démocratie et la participation multiple. La démocratie ne signifie-telle pas l'irruption de la multitude dans l'espace de gouvernement ? Irruption indirecte au travers des représentants, qui viennent troubler la quiétude de l'Etat, et qui mettent fin à la conduite unilatérale des affaires publiques. Cette réalité est valable tant dans le cadre de l'Etat qu'au plan international. Et, l'initiative est présente sur ces deux plans. C'est pourquoi au plan national, les comités de mise en oeuvre sont autant de lieux de délibération que l'on voudrait démocratiques, du moins de par la participation.

    Le premier niveau de lecture de la démocratie est le pluralisme participatif. A cet égard, la constellation actorielle autour de l'initiative doit être lue comme le signe de la vitalité mais, aussi comme un aspect de la démocratie c'est-à-dire un élément de la pacification de la vie politique. En réalité, l'apologie démocratophile n'est pas l'objet de ce propos. Il s'agit de penser que, sous le prisme du modèle de stakeholder democracy, l'initiative de transparence des industries extractives apparaît comme une matérialisation de l'éthique. En même temps, la mise en oeuvre de cette éthique sociale met en branle une multitude d'acteurs en interaction. La souveraineté comme cible de démonstration, se révèle une fois encore dans sa relativité car, la participation multi-actorielle met en scène un Etat qui négocie mais qui possède encore l'ultima ratio dans l'incarnation de la transparence des industries extractives. Il faut penser la participation comme la prise en compte de l'actorat multiple dans l'EITI. Ces divers acteurs

    1 Ahmedou Ould Abdallah, Démocratie et gouvernance, Washington D.C : coalition mondiale pour l'Afrique, 2000.

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    qui sont les Etats, les firmes et les organisations de la société civile, trouvent un espace de délibération au sein des comités de mise en oeuvre et dans les fora et conférences internationaux où, réunis pour les besoins de la cause de la transparence, ils prennent en compte la nécessité de donner une réalité à celle-ci en tant qu'elle est solution à beaucoup de problèmes symboliques de l'injustice, de la guerre, des déplacements des populations, toutes choses par ailleurs qui sont du ressort de la morale.

    La démocratie délibérative, modèle que défend Patricja Dabrowska1 en regard des nouveaux moyens de participation qu'offre l'UE aux acteurs, partage avec le stakeholder democracy la conviction qu'aucune délibération c'est-à-dire prise de décision commune autour des questions concernant la communauté des hommes n'est valable si des catégories multiples ne sont pas représentées. Le débat public devient dès lors une exigence car, la démocratie vise en priorité la pacification de la vie publique par la levée de la suspicion qu'engendre l'opacité. La transparence se construit et se fait chose et corps dans des lieux où l'impression de représentation épuise la contestation. D'ailleurs, le sentiment de justice et de prise en compte des problèmes des couches défavorisées et des populations tout court naît de l'inscription de ceux-ci dans les agendas politiques. L'Union Européenne par exemple, dans son destin de rapprochement vis-à-vis de la population, ne se donne pas seulement pour but de régler les problèmes sociaux. Elle intègre la société civile comme acteur, dans l'optique d'envoyer un signal de proximité aux peuples, mais elle est surtout consciente de ce que la résolution des problèmes passe par l'implication des sociétés civiles qui dans leur rapport privilégié avec les populations, font un écho parfait de leurs souffrances. En soi, la participation selon qu'elle est ouverture et intégration de la diversité, comporte donc une essence éthique. Dès lors qu'on a invalidé l'hypothèse de la mise en oeuvre de la transparence en tant que norme éthique par un seul acteur, ce du fait de l'absence de volonté ou de moyens, l'on comprend alors aisément que la participation, ce premier niveau de lecture d'un processus démocratique, est éminemment morale.

    Le sentiment d'appartenance à une communauté c'est-à-dire un ensemble qui a en partage des éléments fondamentaux de socialité, l'impression d'écoute que procure l'inscription d'un problème dans les agendas politiques, et le fait d'être représenté aux lieux de décisions sont

    1 Patricja Dabrowska « Civil society involvement in the EU regulations on GMOs: From the design of a participatory garden to growing trees of European public debate» Journal of Civil Society, vol. 3, n°3, pp. 287- 304, December 2007.

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    les substrats d'une vie juste. Les marchands d'illusion de justice et d'éthique activent précisément ces leviers afin de susciter l'adhésion qui légitime leur entrée en lien social. Aussi, la participation implique-t-elle la représentation. De même qu'au plan national les élus du peuple symbolisent la démocratie athénienne qui fut représentative lato sensu, les membres de la communauté de la transparence doivent être en réalité un échantillon représentatif de la multitude des hommes. Le résumé de la polité autour de la transparence à un triangle dont les sommets sont l'Etat, les firmes et les organisations non gouvernementales exprime mal la justice qu'impose la représentation. Certaines fois, les comités de mise en oeuvre de la transparence se contentent d'inviter à une séance ponctuelle, certains chefs des villages riverains des sites d'exploitation. Ceux-ci ne disposent point d'un statut permanent dans les instances de la mise en oeuvre. Pis encore, pour ce qui concerne les pays de l'Afrique centrale engagés dans EITI, l'on n'a pas le souvenir qu'un autochtone ait représenté les peuples autochtones lors d'une conférence internationale EITI.

    2. Les rapports de conciliation des chiffres et volumes : une responsabilité biaisée Le principe de responsabilité démocratique c'est-à-dire l'accountability, est symbolisé par les rapports de conciliation des chiffres et volumes. C'est le coeur même de l'initiative. Faut-il le rappeler, le but de EITI est de donner corps à la transparence dans le domaine des industries extractives en rendant lisible les recettes et les paiements relatifs à l'exploitation des ressources du sous-sol. Pour ce faire, l'Etat et les firmes sont les acteurs principaux du scénario de la transparence car, ils sont le point focal du processus, le lieu de cristallisation des attentions. La société civile ou plus précisément les organisations non gouvernementales qui y siègent font office de cerbères, pour veiller à l'usure du consensus opaque qui a gouverné pendant longtemps les relations entre les Etats et les firmes. L'esprit et la lettre des critères 1 et 3 de EITI rendent compte de cette exigence de transparence qui se donne à voir dans la matérialité d'un rapport public. L'un et l'autre critère disent :

    « (1) Tous les paiements versés par les entreprises aux gouvernements, au titre de l'exploitation pétrolière, gazière et minière (« les paiements ») et toutes les recettes matérielles, reçues par les gouvernements de la part des entreprise pétrolières, gazières et minières (« recettes »), sont publiées et diffusés régulièrement au grand public sous une forme accessible, complète et compréhensible. (3) Les paiements et recettes sont rapprochés, conformément aux normes internationales en matière d'audit, par un administrateur

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 226 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    indépendant digne de confiance, qui publie son opinion sur ce rapprochement de comptes et sur d'éventuelles discordances ».

    Il se trouve que, compte tenu de la centralité de cette publication des recettes et paiements, les autres aspects démocratiques du processus (la participation et la légitimité) pivotent autour du souci de réussite de la transparence. Ce but éthique c'est-à-dire de justice et d'équité mais également de poursuite du bien, obéit à une logique de recherche de bien-être commun, de commodité d'existence. Il tire les attributs de son existence à la source de l'injustice constatée dans la répartition des revenus des ressources extractives de certains pays. Le bien sous-tend donc cette quête de transparence. Le discours explicatif du processus s'abreuve d'éthique comme l'on trouve dans la fraîcheur de l'eau, les ressorts de la continuation dans une marche difficile.

    In concreto, toutes les compagnies en exercice dans un pays candidat à l'initiative sont invitées à déclarer leurs paiements préalablement audités à un conciliateur. De même, l'Etat déclare les recettes que lui a rapportées l'activité extractive et le conciliateur1 compare les deux types de déclaration. S'il existe un différentiel, il doit se prononcer sur cet écart. En théorie, les choses devraient se passer aussi simplement. Mais la réalité de la transparence laisse place à une pléiade de questions quant à la responsabilité des uns et des autres et cela plus largement, laisse des sérieux doutes quant à la capacité de cette initiative à incarner la transparence dans les industries extractives. En réalité, c'est le lieu s'il le fallait encore, de dire que la souveraineté de l'Etat continue d'avoir prise sur le réel. Le comité qui a la charge du recrutement du conciliateur est formé et piloté par les gouvernements. Autant dire qu'en dernier ressort, c'est la volonté étatique qui se fait en matière de transparence. Et, la publication des rapports laisse transparaître cette emprise des Etats. Les Etats sont les seuls capables de contraindre les firmes exerçant sur leurs territoires à déclarer les paiements au nom des clauses de confidentialité que comportent systématiquement les contrats pétroliers et miniers. Il existe donc mille stratagèmes qui traduisent le fait que les Etats donnent le tempo et le rythme de la transparence des industries extractives. Au demeurant, la transparence fait du chemin avec des fortunes diverses dans les pays candidats, certains faisant le choix d'une

    1 Le conciliateur est une personne morale de réputation internationale dans l'audit des comptes. Le cabinet Ernst & Young a confectionné les rapports du Gabon, de la Mauritanie et de l'Azerbaïdjan tandis que le groupe Hart a été chargé de la production du rapport du Nigeria. Le cabinet Crane & White Associates a fait les rapports de la Mongolie et du Libéria. Les rapports du Ghana ont été produits par Boas & Associates.

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    publication agrégée des rapports tandis que d'autres moins enclins à la transparence, exploitent l'espace d'incertitude du Livre Source qui laisse aux Etats la latitude du choix du mode de divulgation . A ce propos, le Livre Source dit : « Les parties prenantes doivent décider si elles souhaitent que les déclarations des entreprises et du gouvernement d'accueil mis à la disposition du public présentent des agrégats ou des données ventilées. La décision définitive incombe au gouvernement d'accueil1 ».

    B. Légitimité et illégitimité de la transparence des industries extractives

    Par-delà les significations nombreuses que l'on peut reconnaître à la notion de légitimité, elle est appréhendée dans ce propos comme le troisième socle du modèle de stakeholders democracy. La trilogie weberienne de la légitimité révèle qu'une chose est légitime parce qu'elle sied. Ainsi, un leader est traditionnellement légitime quand il est porteur d'onction successorale traditionnelle, un leader est légitime sur le plan légal-rationnel quand les urnes lui en confèrent la force et un homme est investi de légitimité charismatique dès lors qu'il s'impose par son charisme. Vue sous cet angle, la légitimité s'apparente à ce qui fait qu'une chose ou une situation est acceptable. Ainsi, la transparence des industries extractives devient légitime dès lors qu'elle est acceptable. Ce qui conditionne son acceptabilité, c'est son caractère juste selon l'esprit de la justice distributrice de Aristote. Cela suppose que, la transparence qui est au coeur du processus doit convaincre par son utilité éthique pour être validée comme légitime. L'éthique devient la condition de légitimité des acteurs et du processus. Ipso facto, le regard sur la légitimité et l'exploration de quelques indicateurs d'illégitimité recherchent les substrats éthiques qui donnent sens et essence aux acteurs et au processus. En même temps, la scrutation de la légitimité comme troisième moment de l'analyse d'un déploiement éthique via la démocratie offre l'occasion de s'interroger sur quelques actes qui stressent le processus. En se penchant sur la légitimité des acteurs et la légitimité matérielle de l'initiative en tant que processus multi-acteurs, il s'agit de trouver un prétexte pour examiner au fond en corollaire, les réticences à la transparence comme éléments delégitimants du processus.

    1. L'éthique légitimante

    1 Action préconisée 20 (a) du Livre Source. Cette disposition du Livre Source est révélatrice de la préséance des Etats dans la mise en oeuvre de la transparence.

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    Traditionnellement, lorsqu'on parle en démocratie de la légitimité, il s'agit de s'interroger sur le caractère juste de l'occupation du pouvoir par un ou quelques-uns. C'est le peuple qui procure cette légitimité, quelle qu'en soit la forme prise. Le lien au peuple constitue le lieu de procuration du sceptre de gouvernement. Il peut s'agir d'un lien clientéliste, charismatique ou même programmatique1, ce qui importe est l'acceptation comme légitime du dépositaire ultime de l'autorité étatique. Transposée sur l'initiative de transparence des industries extractives, il s'agit de considérer ceux qui parlent au nom de toute la communauté et même tout simplement, l'initiative qui les regroupe, comme objets pouvant révéler quelque légitimité. Dans le sillage de Karin Backstränd, l'on considère que la légitimité constitue avec la participation et la responsabilité des éléments fondamentaux du modèle de stakeholders democracy. Mais en amont, il convient de rappeler que ce propos sur les déterminants démocratiques trouve sa justification dans le fait de penser que la transparence des industries extractives est une mise en oeuvre de l'éthique dans le cadre d'une mouvance naïve de démocratisation.

    La légitimité des acteurs impliqués dans EITI est le produit de l'intérêt éthique. C'est l'éthique qui leur octroie l'acceptation populaire dans leur participation à l'initiative. L'Etat a une responsabilité éthique vis-à-vis des populations. En fait, la faillite de certains Etats2 a rendu normale la démission de ceux-ci de leurs devoirs éthiques de redistribution, de justice, d'équité et de paix. En même temps, l'institutionnalisation de l'opacité pour des fins de perpétuation au pouvoir a rendu mal approprié le discours sur la transparence laissant penser que les Etats sont des réalités suspendues dans le vide, sans rapport avec les populations. Le retour vers les valeurs d'humanité qui fondent l'Etat moderne est donc la légitimation absolue de la présence de l'Etat dans l'initiative. Outre le fait de devoir rendre des comptes, la conscience éthique du rôle de l'Etat auprès de ses citoyens semble plus que tout autre motif, informer la participation car, faut-il le rappeler, l'Etat est souverain et s'il consent à rendre des comptes à ses sujets, cela est moins une contrainte que l'acceptation d'une éthique supérieure au fonctionnement de la société sous l'emprise de la raison d'Etat. La conformité aux principes et critères de EITI est donc de ce point de vue la quête d'une respectabilité c'est-àdire un pilier soutenant la légitimité d'un Etat. Par ricochet, EITI en tant qu'institution avérée,

    1 Herbert Kitschelt « Linkages between citizens and politicians in democratic polities » Comparative Political Studies, vol. 33, n° 6/7, pp. 845-879, August/September 2000.

    2 Lire William Zartman (ed.) Collapsed states. The disintregration and restration of legitimate authority, Boulder, London: Lynne Rienner, 1995.

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    est un espace de relookage de l'image de l'Etat vis-à-vis de ses sujets mais aussi à l'égard de la communauté internationale.

    Le virage éthique des firmes des industries extractives qui sont des porte-fanions sinon l'image même du capitalisme peut obéir à d'autres logiques, mais nul ne peut ignorer que pardelà les visées, la façade est éthique. Quant aux ONG, leur existence en tant qu'acteur repose sinon totalement, du moins majoritairement sur leur présomption éthique. Pour exister et être prises au sérieux, les organisations non gouvernementales font prévaloir une certaine intimité avec les valeurs éthiques d'humanité et de justice sociale. Le signe de cette affinité élective entre les ONG et l'éthique est entre autre la condition de leur émergence. Les grandes ONG comme on l'a vu, ont émergé à la suite de crises humanitaires, qu'elles soient le fait de la guerre ou des calamités naturelles. Les scandales incriminant les ONG trouvent leur relief particulier sur cette essence et, que celles-ci soient parties prenantes à l'initiative peut sembler être le gage de la réussite et la garantie que le processus ne sera point gauchisé. Comme on le voit, l'éthique est ce qui procure aux acteurs impliqués dans l'initiative leur domaine de pertinence et le quitus de la population.

    Considérée comme un tout, la plateforme institutionnelle qu'est EITI présente deux traits de caractère proéminents. D'une part, elle est le lieu de la rencontre de plusieurs acteurs qui interagissent, ce qui n'est envisageable que dans le cadre d'une souveraineté relative. D'autre part, comme l'ensemble des espaces de gouvernance qui ont vu le jour à la faveur de la mondialisation, elle est légitime parce qu'elle poursuit un objectif éthique. Certains cherchent à rendre réel l'impact de la vente des produits forestiers, d'autres oeuvrent à mettre fin aux trafics des enfants, aux conflits, à restaurer la paix et l'espérance. EITI quant à elle, cherche à donner corps à la transparence pour que les revenus des industries extractives deviennent profitables pour toute la population. Autrement dit, la légitimité des acteurs est individuelle et collective tout à la fois. Toutefois, l'élan éthique et la bonne volonté qui sont traduits par le déferlement des acteurs légitimés par le récit éthique de leur engagement comporte des éléments d'imperfection.

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    2. Une mise en oeuvre imparfaite de l'initiative de transparence des industries extractives

    En même temps que l'on relève l'incapacité de EITI à donner corps à la transparence des industries extractives, c'est-à-dire à favoriser le triomphe total de l'éthique, l'on souligne les limites du modèle de Karin Backstränd. Le propos sur l'imparfaite mise en oeuvre de l'initiative suit le sentier argumentatif emprunté lors de l'établissement d'un lien éthique entre la transparence des industries extractives et la démocratie. La participation révèle un exclusivisme de nature à alimenter la poursuite de l'opacité comme jeu institué. La rétribution à la suite de la cooptation renforce les pouvoirs autoritaires1par opposition aux démocraties. Le triangle actoriel dans la transparence des industries extractives ne rend pas suffisamment compte de l'éventail large des catégories affectées par l'opacité. Dès lors qu'on valide l'idée d'une prise en compte de la multitude comme condition de faisabilité de l'entreprise éthique, l'évidence logique du biais de la transparence apparaît et, les dérives opacitaires et sectaires de la communauté de transparence s'imposent comme faits. Peut-on penser que le sort du peuple est mis en avant quand l'espace de débat de leur destinée s'apparente à un espace bourgeois habermassien ? La préoccupation morale qui confère à EITI sa légitimité risque fort bien de se noyer dans les coupes de champagnes qui sont légion dans les soirées de frasque, où l'on parle de la misère des peuples en exaltant l'exubérance et l'opulence des gens du haut. Peut-être la participation populaire qui fait défaut explique-t-elle en partie l'impopularité de l'initiative (si ce n'est sa méconnaissance totale) auprès des peuples qui partagent l'immédiateté des zones minières et pétrolières.

    La responsabilité n'échappe pas à cette culture de l'imperfection qui fait ombrage à la morale. Les rapports de conciliation des chiffres et volumes qui constituent le point d'orgue d'un processus d'ouverture des écluses de l'opacité, brillent par leur frilosité dans le cadre d'une culture de l'atermoiement. Ils laissent penser à la théorie éliassienne des configurations2. C'est-à-dire, un jeu qui met en scène des acteurs qui se caractérisent par les figures interdépendantes et toujours changeantes qu'ils forment, de même que les actions et relations réciproques qui les lient. De ce point de vue, l'incomplétude des rapports de conciliation des chiffres et volumes est une conséquence normale de cette configuration mouvante qu'est EITI. Le fruit de l'interdépendance est observable dans les rapports selon

    1 Beartriz Magaloni «Credible power sharing and the longevity of authoritarian rule» Comparative Political Studies, vol. 41, n°4/5, pp. 715-741, 2008.

    2 Voir Norbert Elias (1991) Qu'est ce que la sociologie ?, La Tour d'Aigues : Edition de l'Aube, notamment les pages 146-161.

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    qu'ils sont l'issu d'un travail de groupe. En même temps, les jeux de force au sein de ce groupe donnent naissance à des rapports insatisfaisants pour certaines catégories (les ONG notamment) qui les dénoncent systématiquement à l'occasion des publications. Le caractère inaccompli des rapports de conciliation est expliqué par les écarts constatés. Il existe un écart acceptable (5%) qui peut se justifier par les fluctuations de la monnaie de change et autres spécificités et technicités de l'économie internationale1. Cependant, la chronique des écarts extravagants s'écrirait avec les noms de sinon tous, du moins la plupart des pays candidats ayant produit des rapports2. L'on assiste à une prévalence du dilatoire qui laisse toujours espérer que le prochain rapport sera meilleur et, l'on a l'impression que cela participe du dessein de rendre infaisable la transparence totale. Un autre stratagème est d'omettre d'intégrer soit certaines compagnies, soit certains types de revenus pour les prendre en compte progressivement3. Et, la position des organisations de la société civile est énigmatique à ce propos. Après chaque publication d'un rapport, elles publient un rapport dans lequel elles fustigent l'absence de certaines déclarations, la non prise en compte de certaines firmes dans la conciliation, espèrent que le prochain rapport va y remédier, alors même que ladite société civile a donné son quitus à la publication du rapport auparavant.

    Plus globalement, l'initiative de transparence des industries extractives donne l'impression d'incomplétude. La réalité d'une incarnation de la transparence se présente nuancée dès lors

    1 Les avis diffèrent sur la valeur de cet écart. Après la publication du second rapport du Gabon le 5 avril 2007, l'on a noté un écart pour ce qui concerne les mines de 4.113.000 FCFA en raison de la quasi-virginité de l'exploitation minière au Gabon en cette date. Cependant, l'écart pétrolier était de 64.990.000 US $. Cela équivalait à 3% des recettes de l'Etat Gabonais pour la période considérée. Anton Mélard de Feuerdant du cabinet Ernst & Young responsable de la conciliation des données au Gabon explique que 5% d'écart sont acceptable et Marc Ona Essangui que nous avons rencontré confirme que cet écart est acceptable car, poursuit-il, l'écart zéro serait suspect. Certes, mais près de 65 millions de dollars n'est-ce pas beaucoup en terme d'écart ? Cet écart peut-il être justifié uniquement par les fluctuations du dollars et autres pareilles choses ?

    2 Quelques écarts : Cameroun (2001-2004) : 3515,98 USD, Cameroun (2005) : 1370,54 USD. Ghana (2nd rapport couvrant la période de Juillet à Décembre 2004) : l'Etat a perçu 79, 230,121 Cedis de plus que ce qui a été déclaré versé par les compagnies. Guinée : pour la période 2005, l'Etat a perçu 7000 USD de plus que ce que déclaraient les firmes. Mauritanie : Le second rapport couvrant la période 2006 et publié le 31 juillet 2007 a révélé une différence de 4678 000 USD de plus perçus par l'Etat par rapport à ce qui a été déclaré par les firmes dans le secteur pétrolier et 556 millions d'Ouguiyas de plus que ce qui a été déclaré par les compagnies minières. Le rapport gabonais de 2006 a révélé une différence de 5, 693 milliards de FCFA entre ce qui a été déclaré par les compagnies et ce que l'Etat gabonais a perçu.

    3 Dans le second rapport EITI du Gabon, Total Gabon, Total Participation et Shell Gabon n'ont pas remis à temps leurs données certifiées par un commissaire aux comptes. Celles-ci n'ont donc pas été prises en compte lors de la publication du rapport. Au Cameroun, le premier rapport publié en novembre 2006 n'a pris en compte que les compagnies suivantes : Total E&P Cameroun, Pecten Cameroun, Perenco Cameroun, Exxon Mobil Cameroun et SNH fonctionnement. Le second rapport quant à lui, publié en mars 2007, va considérer en plus de ces sociétés, Euroil Ltd, Addax Petroleum ; Noble; Turnberry Ressources INC; Tullow Cameroon LTD; Sterling Cameroon LTD ; RSM Production Corporation ; Société Nationale de Raffinage (SONARA). Par ailleurs, concernant les revenus pris en compte, le premier rapport de la Mauritanie n'a pris en compte que les redevances superficielles annuelles et les bonus. Dans le second, l'on y a ajouté les taxes rémunératoires, la redevance annuelle unique et d'autres dividendes versés à l'Etat.

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    qu'elle s'insère entre deux zones d'ombre. Sur le spectre de l'activité extractive, EITI ignore les étapes de la signature des contrats et de l'utilisation post-transparence. L'on pourrait voir en l'initiative un projet rédhibitoire, un oripeau éthique dont la mise en oeuvre totale, sincère et intégrale ne suffirait pas à constituer un palier satisfaisant de l'éthique démocratique. L'on peut faire le pari que la réussite du processus de mise en oeuvre ne sera nullement synonyme de fin du paradoxe d'abondance, de corruption etc. A titre d'illustration, le Cameroun était en passe d'atteindre le statut de conformité de l'initiative au début de l'année 2009, traduisant ainsi le satisfecit du secrétariat international quant à la transparence des industries extractives dans ce pays. Cela aurait été juste car, le Cameroun remplit les quatre conditions requises à cet effet1et s'ouvre donc le chemin de la validation. Le 21 janvier 2010, madame Emma Irwin du cabinet Synergy Global Consulting/ IDL Group recrutée pour conduire le processus de validation de EITI au Cameroun a présenté son rapport au comité national. Malgré quelques remarques faites sur les entraves à la transparence dans les industries extractives, le pays s'ouvre peut-être la voie au statut de conformité lors du prochain conseil. Par ailleurs, la réunion du Comité EITI de la Guinée Equatoriale tenue le 30 janvier 2010 a permis le choix du cabinet Hart Nurse Limited pour conduire le processus de validation dans ce pays qui prépare encore son premier rapport par les soins du cabinet Deloitte.

    Paragraphe II : L'incidence économique dans une conception holistique de l'éthique : la transparence des industries extractives dans la problématique du développement des peuples

    La souveraineté est relative. Telle est l'antienne qui rythme ici la cérémonie non pas de requiem mais de célébration de la mue d'un concept cardinal dans la science des relations internationales. Cette relativité nous l'avons vu, est perceptible au travers de l'affirmation de l'actorat multiple qu'illustre fort bien l'actorité des firmes et des organisations non gouvernementales lato sensu dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives, aux côtés des Etats seuls ou engagés dans l'intergouvernementalisme. Cette relativité se lit également dans la complexité des transactions qui s'opèrent entre ces acteurs différents, dans les espaces de gouvernance que fabrique la mondialisation où, l'irruption de

    1 A savoir : avoir fait une déclaration officielle d'adhésion aux principes EITI, avoir désigné une haute personnalité du gouvernement pour conduire les opérations de mise en oeuvre, avoir mis sur pied une équipe multi-acteurs qui intègre l'Etat, les compagnies et la société civile et avoir publié des rapports sous une forme accessible. En même temps, il faut signaler que l'Azerbaïdjan qui est le premier pays jugé conforme, ne dispose pas de comité de mise en oeuvre au sens où l'entend le Livre Source et cela n'a pas empêché qu'il soit admis au statut de conformité.

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    l'individu est au centre des attentions dans une révolution qui fait passer du monde statocentrique à un monde homocentrique. Dans ces espaces de gouvernance, la règle est la complexité et, l'irruption de l'individu est cause de l'arrivée des sentiments, des états d'âme et des misères de l'homme dans les agendas politiques mondiaux. Le chercheur en sciences sociales ne doit pas être indifférent à la morale qui en est corollaire. L'on assiste donc à un relatif renouveau paradigmatique qui associe à ce réveil éthique favorisé par la mondialisation et ses avatars, une cohabitation sereine et pacifique mais également fructueuse et heuristique entre la morale et l'intérêt. Par conséquent, le couple utopisme-réalisme gagne en pertinence.

    Une fois que l'on a dit cela, le présent propos se révèle comme la suite logique dans l'ordre ainsi esquissé, d'un discours qui après avoir démontré l'affirmation de la multiplicité des acteurs et dans la foulée la création des espaces de gouvernances caractéristiques de la mondialisation et caractérisés par la complexité des transactions, la démocratie ayant été évoquée comme premier élément de méga-éthique sociale de l'ordre du politique, le développement s'invite donc comme le second élément qui est lui, du domaine d'abord économique. Deux mouvements rythment ce paragraphe. D'abord, le développement selon qu'il est compromis par des pratiques d'opacité, et en cela, les conflits et la corruption apparaissent comme les signes visibles de cette absence de transparence dans les industries extractives (A). Ensuite, un examen de la participation particulière de EITI dans ce qu'elle contribue à redresser la barre en vue du développement des Etats c'est-à-dire à la réalisation d'une mission morale, par le concours des ressources propres des Etats et de façon participative (B).

    A. Les effets d'un manque de transparence dans les industries extractives

    sur le développement des peuples ou la négation d'une morale de la

    transparence comme explication de l'absence de développement

    Il est urgent de sacrifier à un devoir : celui de dire à l'abord que le développement est bel et bien une de ces problématiques rattrapées par la mondialisation et la foule des individus qui la portent. Peut-on légitimement et pertinemment parler de développement aujourd'hui sans rendre raison de ce que son accomplissement n'est plus du seul ressort des Etats mais que les organisations non gouvernementales sont les mæstri apparents de la partition du développement sur lequel elles fondent leur légitimité et leur survie ? Comme indiqué plus haut, la mondialisation est créatrice de trois faits : les espaces de gouvernance qui se caractérisent par les transactions complexes en leur sein, animées par un actorat multiple et

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    l'éveil de la conscience éthique facilité par l'arrivée d'acteurs qui n'ont pas la froideur du Léviathan et la responsabilisation de l'Etat. Le développement est un des sujets débattus dans ces espaces. Et ce faisant, il est le reflet du projet éthique qui a fini par emballer même les Etats et les firmes extractives pourtant réputés par leurs comportements rationnels. Le déficit de transparence a hypothéqué le développement de plusieurs Etats. Dire que EITI est un signe du développement autrement, c'est penser que les facteurs de la stagnation du développement se dilueront devant l'ouverture des écluses de la transparence. Faut-il rappeler que le discours sur le développement dans cette section se justifie par l'écho du palier économique au palier politique, et davantage par la conviction de l'existence de la morale dans la politique mondiale1. Si l'on est convaincu de cette présence de la morale, et si au surplus on concède à la transparence des industries extractives quelque essence éthique, alors son évocation ne porte pas les stigmates de la digression. D'autre part, la logique qui préside à ce paragraphe est celle qui se fonde sur la conviction que le sous-développement est en partie lié à l'absence de transparence. EITI devient dès lors le signe d'une autre option de développement. Il faut pour cela s'en référer aux manifestations et autres signes visibles de l'absence de transparence.

    La déshumanisation paradoxale de la société qui se construit autour du sacro-saint principe d'individualisme, a donné lieu à l'insouciance de l'autre. Comme le rappelle Daniel Bell : «L'idée fondamentale du modernisme, la tendance répandue dans la civilisation occidentale depuis le XVIe siècle est la suivante : l'unité de la société n'est ni le groupe, ni la corporation, ni la tribu, ni la cité, mais l'individu2 ». Cet état d'esprit fortement incrusté dans les habitus, a fini par rendre insensible devant la misère. La banalisation des pratiques de corruption et la vulgarisation des conflits à l'ombre de l'opacité dans certains régimes politiques sont la conséquence de cette individualisation poussée de la vie. Elles sont également une cause du paradoxe d'abondance qui exprime la négation de la morale de la transparence.

    1 Comme le démontre Canto-Sperber, la morale est présente et pour ce qui concerne la transparence, la morale quoique ambiguë, est présente par le régime international des droits de l'homme donc aussi, du droit au développement. Canto-Sperber, op. cit. pp. 97-103.

    2 Daniel Bell (1979) Les contradictions culturelles du capitalisme, Paris, PUF, p. 26.

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    Conflits

    Corruption

    Sous-
    développement

    Opacité/ manque de transparence

    Figure 6 : le biais de la corruption et des conflits entre l'opacité et le sous-développement.

    Après des décennies de guerre civile, ne pouvait-on pas s'attendre à une meilleure considération de la vie de l'autre au Soudan et en Angola ? Et pourtant l'opacité dans les industries extractives constitue un facteur potentiel de rechute dans la spirale de la guerre et donc, une unième compromission des chances de développement, malgré l'embellie qu'autorise les présences notables des puissances en quête de matières premières. Comme le révèle Global Witness1 pour le cas du Soudan, l'absence de transparence dans le partage des revenus de l'exploitation du pétrole entre les deux parties du pays est un facteur potentiel de résurgence de la guerre. En effet, conformément à l'accord de paix intégrale de Naivasha (Kenya) de janvier 2005, et précisément au protocole de partage des revenus signés le 7 janvier 2004, les revenus du pétrole doivent être partagés entre Khartoum et Juba. C'est parce qu'en partie, la guerre civile antérieure était nourrie par le greed que suscitent les énormes réserves pétrolières qui sont pour la plupart situées dans le sud Soudan2. L'absence de transparence va peut-être entraîner une recrudescence de la conflictualité qui obère les efforts de développement. Le postulat de la paix positive ne reçoit pas ici les faveurs des acteurs qui mettent en avant leurs intérêts immédiats. Le binôme opacité-conflit comporte donc un domaine de pertinence qui s'amplifie au gré des cas de figure.

    La longue guerre civile angolaise a indubitablement été alimentée par les énormes ressources pétrolières et diamantifères du sous-sol de ce pays. L'absence de transparence a rendu possible l'usage à des fins guerrières, des revenus qui ont ipso facto, manqué de servir au développement du pays. La guerre civile congolaise de 1997, provoquée entre autre par la

    1 Voir «Fueling the mistrust. The need for transparency in Sudan oil industry» Global Witness Report, September 2009.

    2 Une semaine après la publication de ce rapport, le gouvernement de Khartoum à invité Global Witness à travailler avec lui dans le sens d'une gestion plus transparente desdits revenus. C'est peut-être le signe que conscient de l'inévitabilité de la guerre dans des conditions d'opacité, Khartoum souhaite dissiper la méfiance en s'ouvrant à un degré de transparence.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 236 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    collusion entre les firmes et le pouvoir politique de Brazzaville, démontra également que l'opacité dans la gestion des revenus du pétrole donne les moyens de s'armer et de soutenir l'effort de guerre. Même la fameuse loi 001/99 du Tchad qui a souvent été vantée pour son caractère pionnier dans la volonté de gérer avec transparence les revenus du pétrole en Afrique, a cédé devant la tentation de l'armement comme condition pour faire face à la conflictualité. Les attaques multiples des rebelles depuis le Soudan, dans la perspective justement de contrôler la manne pétrolière, ont causé en 2005 une révision de cette loi, la rendant moins transparente et en partie détournée des ambitions originelles, afin de soutenir l'effort de guerre. Au surplus, la violence par le fait des industries extractives n'est pas uniquement le corollaire des conflits provoqués et entretenus par la manne qu'elles génèrent. Une autre forme de violence est lisible au travers de la complicité entre les Etats et les firmes dans la violation des droits de l'homme. Cette fois-ci, il s'agit d'une violence d'Etat en direction des civils. Ainsi, Total et Chevron ont-elles été accusées par l'ONG américaine Earth Rights International en septembre 20091, d'être en même temps que la caution financière, mais également des alliées de la junte birmane dans les violations de droits de l'homme qui sont reprochées à ce régime, concernant précisément le projet gazier de Yadana. Avec 4,83 milliards de dollars dans des comptes des banques singapouriennes, notamment l'Overseas Chinese Banking Corporation (OCBC) et le groupe DBS, les sanctions internationales et autres embargos n'ont qu'un effet résiduel sur le régime. Les violations directes des droits par les travaux forcés imposés aux populations riveraines et le caractère douteux de l'étude d'impact environnemental et social réalisée par l'organisation américaine CDA sont une négation des droits primordiaux de l'homme, mais constituent également un frein au développement du pays. En bref, l'absence de transparence apparaît comme un facteur de sous-développement, par le truchement des conflits qu'elle favorise.

    La corruption est l'autre élément justificatif du sous-développement, et qui a les faveurs de l'opacité. Le choix de ces deux éléments à savoir les conflits et la corruption est arbitraire, et vise à établir le lien entre l'opacité et l'absence de développement comme corollaire du rejet de la transparence par certains Etats. Ce qui concoure à démontrer la relation entre la transparence des industries extractives et le développement. Il faut cependant retenir de la corruption dans ce cadre, un sens large dans la logique de ce que Jean-Pierre Olivier de

    1 «Total impact: The human rights, environmental, and financial impacts of Total and Chevron's Yadana gas project in military-ruled Burma (Myanmar)», A report by Earth Rights International, September 2009.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 237 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Sardan1appelle le « complexe de corruption » c'est-à-dire : « la corruption, le délit d'ingérence, les détournements de fonds, le népotisme, les abus de pouvoir, les malversations diverses, le délit d'initié, la prévarication, le trafic d'influence et les abus de biens sociaux ». Certains des palliers de cette perception de la corruption impliquent l'installation ou le positionnement des membres de la famille et des cronies à la tête des institutions qui gèrent les revenus des industries extractives ou simplement les mouvement des ressources du soussol. L'on pourrait ainsi comprendre la confiscation des revenus de la Guinée Equatoriale par le clan Obiang/Mongomo telle que dénoncée par l'APDHE ou les ONG Transparency International et le CCFD2 comme des cas de corruption partiellement explicatifs de l'absence de développement.

    De même, des cas tels que la présence de Christelle Sassou Nguesso à la tête de la Congolaise de Trading (COTRADE) qui est une filiale de la SNPC, la possession d'actions dans la Sociedade de Hydrocarbonetos de Angola (SHA) par des proches du président Dos Santos relèvent du népotisme et du favoritisme qu'autorisent l'opacité et compromettent le développement des pays. En effet, la SHA est sous le contrôle de la SONANGOL. Cependant,

    M. Manuel Domingos Vicente directeur de la seconde, est actionnaire de la première. De plus, des proches du président Dos Santos tels que le général Manuel Vieira Helder Dias Jr. (conseiller militaire du président), José Pedro de Morais Jr. (ministre des finances en 2007) et Leopoldino Fragoso do Nasciemento (ancien membre du gouvernement) sont actionnaires de la SONANGOL3. Dans ces conditions, il est difficile de promouvoir la transparence. C'est en partie ce qui a poussé la Banque Mondiale à demander une plus grande transparence dans la gestion de la SONAGOL en début octobre 20074. Car, en 2006, le pays produisait 1,5 millions de barils par jour, cette production devrait passer à 2 millions de barils par jour en 2008 et à 2,6 millions de barils par jour en 2011. En 2006, l'Angola a gagné plus de 30 milliards de dollars grâce à ses exportations de pétrole cependant, selon les rapports de la Banque Mondiale, 70% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, la majorité de ses

    1 De Sardan J.P.O. « L'économie morale de la corruption en Afrique » Politique africaine n° 63, octobre 1996 p.16.

    2 Le 23 septembre 2009, le président Obiang Nguema a intenté une action en justice contre le CCFD et Transparency International pour diffamation dans le cadre de l'affaire dite des « Biens mal acquis ».

    3 «Angola: private oil firm has shareholders with same names as top government officials », Global Witness media briefing, 4 August 2009.

    4 Jeune Afrique n°2440 du 14 au 20 octobre 2007, p.7.

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    habitants n'a pas accès aux soins médicaux les plus élémentaires et près d'un enfant sur quatre meurt avant son cinquième anniversaire1.

    La réalité de la corruption est palpable aussi dans certains procès ou dénonciation de la pratique par certains Etats. Même si certaines puissances restent muettes devant les actes de corruption, quoique certaines dénonciations portent des colorations utilitaires, l'on peut de façon prosaïque, penser que la dénonciation est la reconnaissance de l'existence du fait et d'ailleurs, les institutions de Bretton Woods estiment que la corruption est l'explication première de l'absence de développement dans ces pays riches en ressources naturelles. Ceteris paribus, la convocation de M. Christophe de Margerie le 21 mars 2007 par les policiers de la brigade de la répression de la délinquance économique de Paris, et sa mise en examen pour « corruption et abus de biens sociaux » par le juge Courroye est un procès contre la corruption. En effet, lors de la signature en 1997 du contrat pour l'exploitation du champ gazier South Pars en Iran, Total, Gazprom et Petronas auraient versé environ 60 millions d'euros aux dirigeants iraniens. Christophe de Margerie qui était à l'époque des faits directeur général Moyen-Orient, aurait participé à cet acte de corruption. L'on pourrait également évoquer l'enquête judiciaire dont fit l'objet la compagnie australienne Woodside pour corruption en 2007. M. Chriss Elisson alors ministre australien de la justice a engagé cette procédure contre Woodside, à qui il était reproché « d'avoir versé des pots-de-vin et de l'argent liquide à des responsables mauritaniens en échange d'avantages qui lui ont été accordés dans les contrats de partage de production pétrolière et d'autres marchés douteux2 ». Manifestement, les cas de corruption dans les industries extractives sont légion. L'intérêt en fait réside dans leur potentiel explicatif de l'absence de développement et de la prévalence du paradoxe d'abondance. Car, si les débats sur les causes de la permanence de la pauvreté dans des Etats aux sous-sols munificents se prolongent indéfiniment, l'on peut prendre au sérieux la corruption et les conflits dans ces joutes argumentaires. Et donc, penser que la réalité de la pauvreté comme corollaire de l'absence de transparence dans les industries extractives est palpable dans les données macroéconomiques des Etats membres de EITI.

    1 Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars 2007, p. 42

    2 Jeune Afrique n°2422 du 10 au 16 juin 2007, p.84.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 239 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Tableau 13 : les indicateurs du développement humain dans les pays mettant en oeuvre EITI en juillet 2009.

    pays

    Habitants

    % de mortalité

    Esp. De vie

    %

    alpha b.

    %de mort. infantile

    %de chôma ge

    %de croissan ce

    Dette publique

    Pop. Sous le seuil de pauvreté

    Albanie

    3.639.453

    5,44/1000

    77,96

    98,7

    57,22/1000

    12,5%

    6,1%

    51,2% du

    25%

     
     
     
     

    %

     

    (2008)

     

    PIB

     

    Azerbaï

    8.238.672

    8,32/1000

    66,66

    98,8

    54,6/1000

    0,8%

    11,6%

    (5,2% du

    24%

    djan

     
     
     

    %

     

    (2008)

    (2008)

    PIB)

    (2005)

    Burkin

    15.746.23

    13,5/1000

    52,95

    21,8

    84,49/1000

    77%

    4,5%

    ND

    46,4%

    a Faso

    2

    (2008)

     

    %

     

    (2004)

     
     

    (2004)

    Camero

    18.879.30

    12,45/1000

    53,69

    67,9

    63,34/1000

    30%

    3,9%

    11,9%du

    48%

    un

    1

    (2008)

     

    %

     

    (2008)

    (2008)

    PIB

    (2000)

    Congo

    4.012.809

    12,28/1000

    54,15

    83,8

    79,78/1000

    ND

    8,1%

    ND

    ND

     
     

    (2008)

     

    %

     
     

    (2008)

     
     

    Côte

    20.617.06

    11,17/1000

    55,45

    48,7%

    68,06/1000

    40-45%

    2,7%

    58,3% du

    42%

    d'Ivoire

    8

    (2008)

     
     
     

    Avec la

    (2008)

    PIB

    (2006)

     
     
     
     
     
     

    guerre

     
     
     

    Gabon

    1.514.993

    12,59/1000

    53,11

    63,2%

    51,78/1000

    21%

    3,6%

    26,3% du

    ND

     
     

    (2008)

     
     
     

    (2006)

    (2008)

    PIB

     

    Ghana

    23.832.49

    9,39/1000

    59,85

    57,9%

    51,09/1000

    11%

    6,3%

    66% du

    28,5%

     

    5

    (2009)

     
     
     

    (2000)

     

    PIB

    (2007)

    Guinée

    10.057.97

    11,29/1000

    57,09

    29,5%

    65,22/1000

    ND

    29%

    ND

    47%

     

    5

    (2008)

     
     
     
     

    (2008)

     

    (2008)

     

    (Juillet

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Guinée

    633.441

    9,72/1000

    61,61

    87%

    81,58/1000

    30%

    11,2%

    9,3% du

    ND

    Equator

    (juillet

    (2008)

     
     
     

    (1998)

    (2008)

    PIB

     

    iale

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Kazakh

    15.399.43

    9,39/1000

    67,87

    99,5%

    25,73/1000

    6,9%

    3%

    9,1% du

    13,8%

    stan

    7

    (2008)

     
     
     

    (2008)

    (2008)

    PIB

    (2007)

     

    (Juillet

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Kirghizs

    5.431.747

    6,97/1000

    69,43

    98,7%

    31,26/1000

    18%

    6%

    ND

    40%

    tan

    (Juillet

    (2008)

     
     
     

    (2004)

    (2008)

     

    (2008)

     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Libéria

    3.441.790

    21,45/1000

    62,89

    68,9%

    138,24/100

    85%

    7,5%

    ND

    80%

     

    (juillet

    (2008)

     
     

    0

    (2003)

    (2008)

     

    (2000)

     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Madaga

    20.653.55

    8,32/1000

    62,89

    68,9%

    84,2/1000

    ND

    7%

    ND

    50%

    scar

    6

    (2008)

     
     
     
     

    (2008)

     
     
     

    (juillet

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Mali

    12.666.98

    16,16/1000

    50,35

    46,44

    102,05/100

    30%

    4,2%

    ND

    36,1%(2

     

    7

    (2008)

     

    %

    0

     

    (2008)

     

    005)

     

    (juillet

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Maurita

    3.129.486

    11,61/1000

    60,37

    51,2%

    63,42/1000

    30%

    3,5%

    ND

    40%

    nie

    (juillet

    (2008)

     
     
     

    (2008)

    (2008)

     

    (2004)

     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Mongoli e

    ND

    ND

    ND

    ND

    ND

    ND

    ND

    ND

    ND

    Mozam

    21.669.27

    20,29/1000(

    41,18

    47,8%

    105,8/1000

    21%

    6,5%

    21,4% du

    70%(20

    bique

    9

    2008)

     
     
     

    (1997)

    (2005)

    PIB

    01)

     
     
     
     
     
     
     
     

    (2008)

     

    Niger

    15,306.25

    20,26/1000

    52,6

    28,7%

    116,66/100

    ND

    5,9%

    ND

    63%

     

    2

    (2008)

     
     

    0

     

    (2008)

     

    (1993)

    Nigeria

    142.229.0

    16,88/1000

    46,94

    68%

    94,35/1000

    4,9%

    6,1%

    12,2%

    70%

     

    90

    (2008)

     
     
     

    (2007)

    (2008)

    du PIB

    (20

     
     
     
     
     
     
     
     

    (2008)

    07)

    Norvège

    4.660.539

    9,33/1000

    79,95

    100%

    3,58/100

    2,6%

    1,8%

    52% du

    ND

     
     

    (2008)

     
     

    0

    (2008)

    (2008)

    PIB

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    (2007)

     

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 240 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Pérou

    29.546.96 3

    6,16/1000

    (2008)

    70,74

    92,9%

    28,62/10 00

    8,4%

    (2008)

    9,2%

    (2008)

    24,1% du PIB (2008)

    44,5%
    (2006)

    RCA

    4.511.488

    18,04/1000

    (2008)

    44,47

    48,6%

    80,62/1000

    8%

    (2001)

    3,5%

    (2005)

    ND

    ND

    RDC

    68.692.5

    11,88/1000

    54,3

    67,2%

    81,21/1000

    ND

    8%

    ND

    ND

     

    42

    (2008)

    6

     
     
     
     
     
     

    Sao

    212.679

    5,98/1000

    68,32

    84,9%

    37,12/1000

    ND

    5,5%

    ND

    54%

    Tomé

    (juillet

    (2008)

     
     
     
     
     
     

    (2004)

     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Sierra

    6.440.053

    22,26/1000

    41,24

    35,1%

    154,43/1000

    ND

    6%

    ND

    70,2%

    Leone

    (juillet

    (2008)

     
     
     
     

    (2008)

     

    (2004)

     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Tanzani

    41.048.53

    12,92/1000

    52,01

    69,4%

    69,28/1000

    ND

    7,1%

    22% du

    36%

    e

    2

    (2009)

     
     
     
     

    (2008)

    PIB

     

    Tchad

    10.329.20

    16,39/1000

    47,7

    25,7%

    98,69/1000

    ND

    1,7%

    ND

    80%

     

    8

    (2008)

     
     
     
     

    (2008)

     

    (2001)

     

    (Juillet

     
     
     
     
     
     
     
     
     

    2008)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Timor

    1.131.612

    6,02/1000

    67,27

    58,6%

    40,65/1000

    20%

    4,7%

    ND

    42%

    Leste

     

    (2008)

     
     
     

    (2006)

    (2008)

     

    (2003)

    Yémen

    23.822.78

    7,83/1000

    63,7

    50,2%

    54,7/1000

    35%

    3,2%

    31,8%

    45,2%

     

    3

    (2008)

     
     
     

    (2003)

    (2008)

    du PIB

    (2003)

     

    (juillet

     
     
     
     
     
     

    (2008)

     
     

    2009)

     
     
     
     
     
     
     
     

    Zambie

    11.862.74

    21,35/1000

    38,63

    80,6%

    101,2/1000

    50%

    5,8%

    25,7%

    86%

     

    0

    (2008)

     
     
     

    (2000)

    (2008)

    du PIB

    (1993)

     
     
     
     
     
     
     
     

    (2008)

     

    Source : conçu à partir des données recueillies dans le site de la CIA www.cia.state.gov

    Le tableau ci-dessus illustre bien que la pauvreté est une réalité et peut-être plus étonnamment, le signe du paradoxe d'abondance dans des Etats qui pourtant très riches en ressources naturelles, possèdent ces indicateurs alarmants du sous-développement. Certains pays tels que le Tchad, la Zambie, la Sierra Léone et le Nigeria ont plus de 70% de leurs populations vivant sous le seuil de pauvreté. Les taux de mortalité infantile sont très alarmants, et il existe des taux de chômage qui atteignent parfois 85% pour le Libéria en 2003 et 77% pour le Burkina Faso en 2004. Un regard attentif porté sur ces données informe sur le degré d'absence de développement dans les pays mettant en oeuvre la transparence des industries extractives. L'on ne saurait oublier que la plupart de ces pays ne disposent ni de la technologie appropriée pour l'exploitation des ressources dont ils regorgent, ni des capitaux requis et donc, sont dépendants des pays industrialisés. L'impérialisme moderne y trouve des éléments de sa mue en impérialisme post-moderne. En effet, comme le souligne Ankie Hookvelt1, la mutation de l'impérialisme se fait par l'entremise des acteurs privés de type ONG et firmes, qui contribuent à perpétuer la domination du centre sur la périphérie. Ce phénomène qui vide certains Etats de leur souveraineté tout en renforçant celle des autres, est créateur de sous-développement en tant qu'injustice induite par la quête de puissance des

    1 Ankie Hookvelt «Globalization and post-modern imperialism » Globalizations, vol. 3, n°2, pp. 159-174 (2006).

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 241 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Etats. Au sein des Etats EITI, l'on ne peut ignorer l'existence d'une différence de classes quelques fois très marquée, qui dramatise l'inégalité de bénéfice des revenus des industries extractives. EITI porte donc des germes d'un développement qui se nourrit au creuset de la transparence dans la gestion des revenus des industries extractives.

    B. L'initiative de transparence des industries extractives : un espace de gouvernance pour un développement repensé.

    Le rappel des objectifs du lancement de l'initiative de transparence des industries extractives peut paraître superflu, au vue du temps et de l'espace consacrés à la démonstration des fortunes relativisées de la souveraineté dans cet espace de gouvernance. Cependant, pareil préalable tire son importance de la nécessité de ne pas suspendre dans un vide idéel, le propos visant à dire l'intimité entre le développement, le réveil de la conscience éthique répandue dans l'ère de la mondialisation et EITI. Que l'on se souvienne que parmi les problématiques qui ont rendu impérative une telle initiative, figure le sous-développement. Le paradoxe de l'abondance a suffisamment déjoué les pronostics des planificateurs du développement et les entrepreneurs de l'aide, pour que la solution fut imaginée comme résidant dans l'amont de la chaîne de production des ressources. Ainsi, l'indisponibilité des ressources propres des Etats sous-développés qui paradoxalement sont des pourvoyeurs mondiaux de matières premières pour bon nombre d'entre eux, explique que l'exclamation ait viré à l'interrogation. Que faire pour développer le monde ? Il va sans dire que cette question est éminemment éthique dès lors que l'on considère que développer c'est procurer du pain, des soins, de l'éducation, de la sécurité, de la commodité de vie à sinon tous, du moins à la majorité de la population du monde. Parce qu'elle répond à cette question, EITI est donc sur le plan économique une initiative éthique. Quand on a dit cela, il reste à démontrer ce que cette initiative éthique apporte de nouveaux dans les schèmes de développement, après l'échec devenu quasi-naturel des politiques pensées de l'extérieur.

    De même, l'inefficacité quelques fois relevée des plans d'aide conçus de l'extérieur et financés de l'extérieur mais surtout, leur « inadaptabilité » qui se donne à voir quelque fois dans leur inefficacité, rendrait pertinent le slogan du développement autrement1. Peut-être estil temps de mettre fin à l'ingénierie du développement qui procure des plans pré-faits dans l'optique de les appliquer dans les horizons autres. Pour ces raisons et parce que la conviction

    1 Cristina Rojas, art. cit.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    que la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives est d'abord et aussi une oeuvre éthique, ce propos se greffe autour de l'idée que EITI est avec d'autres espaces de gouvernance, le lieu de la reconsidération des schémas de développement. Ce, pour dire que comme la démocratie, le développement est une problématique éthique telle qu'en impose la mondialisation et il s'agit de problématiques qui sont spécifiques par la multi-actorité qu'elles affirment, par les transactions multiples et complexes qu'elles favorisent et par l'impossible discrimination des questions éthiques qu'elles induisent. In fine, le développement tout comme la démocratie est une problématique éthique qui permet de se rendre à l'évidence que la souveraineté s'est transformée, elle se préoccupe au passage du sort de l'humanité en se dépouillant de son goût très poussé pour la puissance.

    L'initiative permet à l'Etat de disposer des ressources de son développement. La dispersion des revenus issus des industries extractives dans les multiples couloirs de la corruption et leur gaspillage dans les conflits armés ont constitué un frein au décollage économique des Etats. La réussite de l'initiative aurait le mérite de procurer désormais aux pays en développement les moyens de leurs industrialisations. D'ailleurs à ce propos, l'initiative PPTE a démontré la capacité des Etats à disposer des fonds. Fait étonnant cependant, le développement des Etats pauvres s'est souvent appuyé sur des fonds escomptés de l'aide extérieur. Or, tous les Etats candidats à EITI ont en partage d'abriter d'immenses richesses extractives. C'est la condition sine qua non de leur appartenance à l'initiative. Selon les données de EITI présentes sur le site de l'initiative1, au Gabon 60% des revenus proviennent des hydrocarbures qui constituent 80% des exportations du pays et 45% du PIB. Au Ghana, l'or compte pour 34% des exportations du pays et 12% du PIB. En Guinée, la bauxite et l'aluminium représentent 18% des revenus, 94% des exportations et 20% du PIB. Au Kazakhstan les hydrocarbures représentent 21% des revenus, 50% des exportations et 22% du PIB. En Mauritanie, le fer apporte 11% des revenus, constitue 50% des exportations et 18% du PIB. En Mongolie, les ressources extractives représentent 46% des exportations et 24% du PIB tandis que le Nigeria tire 77% de ses revenus des hydrocarbures qui constituent 96% des exportations et 44% du PIB du pays... De plus, si l'on considère les recettes déclarées par les Etats au titre des rapports de conciliation des chiffres et volumes tels qu'exigés par la mise en oeuvre de EITI, l'on se rend à l'évidence que les ressources endogènes aux Etats en développement sont de nature à favoriser un développement auto-centré. Le rapport de conciliation du Cameroun

    1 Voir www.eitransparency.org

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
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    pour l'année 2004 révèle que le gouvernement a perçu de la part des compagnies pétrolières en cette année 203.483,54$. Le Gabon au cours de la même année aurait récolté 1.805.653$1. Le rapport de conciliation du Libéria publié en février 2009 révèle que l'Etat a perçu 29.443.339 $ en 2008 au titre de l'exploitation des ressources extractives et forestières2. Le survol des revenus déclarés de l'exploitation des richesses du sol et du sous-sol montre un flux important de revenus. En prenant pour vrais ces chiffres, c'est-à-dire en minorant le fait de la rémanence de l'opacité que traduisent les écarts constatés entre les déclarations de paiement des compagnies et les déclarations de recettes des Etats, l'on peut penser que la présence de ces ressources ayant une histoire antérieure à EITI, le fait novateur est que de par son but, l'initiative permet de rendre disponibles les revenus comme condition nécessaire au projet de développement. Il s'agit de penser en réalité que, la portée éthique de EITI se laisse voir aussi dans son originalité par le fait de vouloir le bien-être des peuples, et de les y associer par ce premier niveau c'est-à-dire l'usage de leurs ressources propres. C'est un premier coup porté au messianisme et à l'illusion d'un développement exogène portée par la négligence de la realpolitik des Etats qui ont fini par installer le syndrome du mal développement comme une pandémie incurable. Par ce premier fait, EITI est l'occasion d'un autre développement. La responsabilité internationale n'est pas écartée, mais elle vient en renfort à un effort entrepris par les acteurs concernés au premier chef.

    Ensuite, le caractère multi-acteurs de l'initiative sonne le glas des politiques de développement conçues et portées par les institutions gouvernementales ou intergouvernementales uniquement. Si l'on considère que nul ne peut planifier le développement sans en avoir les moyens, alors l'initiative selon qu'elle est quête de sécurisation des ressources du développement des Etats, parce qu'elle sacralise l'actorat multiple à tous les moments de sa mise en oeuvre, promeut un développement participatif. Par le jeu des représentations et de la responsabilité, ce sont les voix de l'ensemble de la population mais surtout celle des oubliés de la mondialisation qui sont portées en écho. Ce faisant, le développement devient une affaire de tous car les incidences de son absence sont totales. L'on peut penser que l'implication de tous les membres de la communauté de la transparence dans la quête du développement est également un gage de réussite. L'étroitesse des canaux d'aide au développement a été un facteur de distraction des fonds d'aide. Si la

    1 Voir le rapport de l'expert indépendant EITI 2005 pour le Gabon.

    2 Il faut dire que le Liberia est le premier pays à avoir effectivement incorporé les revenus de l'exploitation forestière dans le processus EITI.

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    transparence sécurise les avoirs propres d'un Etat, il faut prendre au sérieux le rôle de la multi-actorité dans la pensée d'un développement endogène. En somme, EITI est une initiative éthique parce qu'au plan du développement, elle recherche d'une manière originale et différente, la commodité de vie des populations.

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    Chapitre 4: Vers l'« éthique de la conviction responsable » dans la structuration de
    l'interaction au sein de l'EITI : l'exaltation du paradigme de l'intérêt ou la transparence
    spécieuse

    Les relations sociales sont caractérisées par la prévalence des rationalités différentes qui privilégient les intérêts des acteurs. Cette réalité qui a justifié la conviction d'un pessimisme anthropologique chez Machiavel est un des éléments transversaux de l'humanité, au-delà des siècles et de leurs spécificités. Il s'agit manifestement d'un trait de l'ipséité humaine ab homini condita et dont la rémanence a partie liée avec l'instinct de l'avoir perpétuel. A l'échelle des groupes sociaux, la transposition des comportementalités idiosyncrasiques n'a pas manqué de peindre les interactions de la couleur des « valeurs » propres aux hominiens. Rien d'étonnant donc que les interactions sociales soient utilitaires. La transparence des industries extractives est un espace témoin de la communautarisation des efforts des groupes sociaux essentiellement différents de par leurs visées, leur ontologie et leurs visées téléologiques. A l'instant de l'observation des transactions qui prévalent entre les trois angles de la triangulaire complexe autour de la transparence des industries extractives, deux éléments d'apparence incompatibles vont servir de gouvernail pour aider à la préservation de la cohérence de cette étude. L'intérêt et la morale constituent par l'illusion de leur opposition quintessencielle, la souche de ce chapitre qui met en scène la place de la morale dans la formation des intérêts des acteurs1. C'est la consécration de la réalité d'une « éthique de la responsabilité convaincue » ou d'une « éthique de la conviction responsable ».

    Ce chapitre est bâti autour de l'idée de l'existence d'une multitude de transactions complexes entre les Etats, les ONG et les industries extractives, transactions rythmées par la recherche de l'intérêt par-delà le discours qui frise la promotion de la norme morale de la transparence. Aussi, l'Etat sera le maître du jeu (section I), essayant avec plus ou moins de succès de diriger en sa faveur les interactions avec les deux autres acteurs mais aussi avec ses alter ego ; les acteurs privés seront examinés dans les transactions dont elles structurent également la dramatisation en tant qu'acteurs rationnels (section II).

    1 Ariel Colonomos, La morale dans les relations internationales, op. cit.

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    Section 1 : « L'Etat n'a pas d'ami... » : Une lecture statocentrée de l'initiative de transparence des industries extractives

    Une vingtaine de pays africains mettent en oeuvre les principes de l'initiative aux côtés d'Etats asiatiques, latino-américains et européen. A quoi se rapporte dans ce cas l'examen de la structuration par l'Etat des liens utilitaires dans cette initiative ? Le préalable de la mêmété de sens de l'Etat est-il établi ? Deux devoirs méritent d'être sacrifiés, avant tout propos en profondeur tendant à démontrer la prévalence de l'intérêt dans cette section. Primo facie, faire la reddition de compte de l'impertinence du nominalisme dans la manipulation du concept « Etat ». Secundo, procéder à la réhabilitation de l'Afrique comme objet pertinent et équivalent aux autres blocs régionaux dans la science des relations internationales. Le premier devoir est lésé en raison du trop grand index mis sur lui dans la partie consacrée à la démonstration de la qualité d'acteur de l'Etat. Quant au second, il mérite une attention soutenue. La réhabilitation de l'Afrique mérite attention en raison du nombre de ses Etats parties-prenantes à l'Initiative, et par la caractère caduc que revêtirait une étude des relations internationales qui porte sur un continent longtemps méconnu par la théorie des relations internationales dont nous avons fait l'option d'usage, le réalisme notamment1.

    En posant comme postulat que l'Afrique est désormais équivalente aux autres blocs régionaux dans la théorie des relations internationales, en présumant sur la base de cette équivalence que l'Asie et l'Amérique latine sont pareillement considérées par la théorie, l'on peut donc pertinemment examiner l'interpénétration des systèmes étatiques (paragraphe I) au sein de EITI, dans l'optique d'une quête de l'intérêt avant d'envisager l'instrumentalisation par l'Etat des acteurs privés dans le même but (paragraphe II).

    Paragraphe I : Le sacre de l'intérêt ou le scepticisme éthique : le fondement utilitaire du lien interétatique dans la transparence des industries extractives.

    L'un des espaces de divergence entre Raymond Aron et Hans Morgenthau à savoir le point central du réalisme qui est la puissance pour le premier et l'intérêt national pour le second, n'abrase pas le développement d'une pensée autour de l'idée que la transaction entre les Etats dans l'initiative est nourrie par la quête de l'intérêt ou de la puissance. D'ailleurs, les deux

    1 A ce sujet lire Sindjoun L. « L'Afrique dans la science des Relations Internationales : notes introductives et provisoires pour une sociologie de la connaissance internationaliste » Revue africaine de sociologie, vol.3, n°2, pp. 142-167, 1999.

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    sont interchangeables et, le débat sur la formulation lexicale du motif utilitaire qui met en branle les Etats ne peut que distraire de l'essentiel. Le parti pris weberien dans ce paragraphe se justifie par la conviction que l'Etat entre en interaction avec ses pairs dans la politique internationale, dans le but de maximiser sa puissance ou l'intérêt national. Cela dit, à l'image des sceptiques tels que Hans Morgenthau et Thomas Hobbes, l'on considère que la transparence des industries extractives vise prioritairement la poursuite des intérêts pour les deux catégories d'Etat qui y sont impliquées. Dans cette perspective, l'économie est considérée comme un facteur de puissance au service des Etats1. Ce d'autant plus que, la norme une fois qu'elle est adoptée devient polysémique2 et cette mollesse sémantique autorise son objectivation pour les intérêts multiples et variés.

    A. L'Etat-soutien à EITI et les délices de la transparence des industries extractives

    Nombre d'idées peuvent trahir l'élan utilitaire de l'engagement des Etats-soutien à l'Initiative. Il s'agit des objectifs spécifiques qu'ils peuvent atteindre du fait de leur engagement dans EITI et la liste présentée dans cette étude n'a aucune prétention à l'exhaustivité.

    1. La préservation et l'expansion des zones d'influence

    Les rivalités entre les puissances mondiales autour des marchés captifs et des sources d'énergies, constituent l'une des explications des tensions dans la politique internationale. L'état de nature hobbesien est alors dans le cas des industries extractives, la résultante d'une compétition à somme nulle autour des ressources non renouvelables. Cependant, la civilisation des moeurs internationales interdit dans une certaine mesure le conflit armé entre les démocraties3. A la suite de Tzvetan Todorov, l'on peut dont considérer que « la défense de

    1 Dans la lignée des travaux des auteurs réalistes tels que Robert Gilpin. Lire notamment Gilpin Robert, (1987) The political economy of international relations, Princeton: Princeton University Press.

    2 Kersberger Kees Van et Verbeek Bertjan « The politics of international norms: subsidiarity and the imperfect competence regime of the European Union » European Journal of International Relations, vol. 13, n°2, pp. 217- 238 (2007).

    3 Les puissances dont les multinationales sont en compétition dans les pays riches en ressources extractives, sont des démocraties à des degrés divers. Or, la multiplication des démocraties est un frein à l'état de nature qui justifie la survenue de la guerre. C'est l'idée de la pax democratica qui est ainsi promue dans cette école de pensée qui explique l'obsolescence de la guerre par la multiplication des démocraties. Lire par exemple: Russet Bruce (1993), Grasping the Democratic Peace. Principle for a Post-cold War World, Princeton: Princeton University Press; Vennesson Pascal, «Renaissante ou obsolète? La guerre aujourd'hui» Revue française de

    science politique, vol. 48 n° 3-4 (juin-août 1998) pp. 515-533, mais plus particulièrement, les pages 516 à522 l'auteur présente sa pensée sur la paix démocratique et l'accompagne d'une critique.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 248 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    l'intérêt national et de la sécurité n'a rien de déshonorant ; quand elle peut coïncider avec la promotion des régimes libéraux ailleurs, c'est encore mieux1 ». S'interrogeant sur la pertinence de l'usage de la guerre préventive dans la poursuite de l'hégémonie mondiale, Todorov estime que les objectifs de sécurité et de défense des intérêts nationaux peuvent mieux être poursuivis par cette stratégie qui allie les objectifs vitaux des Etats aux idées libérales qui se greffent sur la morale. C'est cela même que Joseph Nye appelle le « pouvoir en douceur » (soft power)2. La poursuite des objectifs de puissance par la promotion des valeurs démocratiques et morales qui sont en soi, exemptes de toute coloration de puissance et d'hégémonie.

    Le projet de transparence dans les industries extractives permet alors aux Etats qui soutiennent l'Initiative de contrer par exemple la montée en puissance de la Chine et des nouvelles puissances telles que les NDASE3 qui quelques fois, fondent leur quête de ressources minérales et minières sur le mépris de la morale. Pour les Etats qui se seront ralliés à la norme de la transparence telle que promue par l'occident, ils devront se voir indiquer les termes de référence, la conduite et même les canons de la transparence. De plus, la sécurité énergétique est un module central dans la sécurité nationale des Etats et, la crainte de perdre les prés carrés devant l'assaut des puissances émergentes et dans le contexte de la mondialisation, impose le changement d'approche dans le rapport aux Etats riches en ressources minérales. La transparence devient alors un prétexte pour les uns qui veulent conserver leurs aires d'influence et les autres qui y fondent leur intrusion dans les espaces géopolitiques occupés. Dans toutes les possibilités, l'on ne peut minorer l'aspect particulaire de la politique étrangère des Etats qui est animée de logiques multiples et diverses. La prise en compte du fait satellitaire dans la détermination de la politique étrangère des Etats qui soutiennent EITI, permet de nuancer l'assomption d'une poursuite de l'intérêt national par le seul fait de la transparence. Si la transparence est une modalité, il en existe certainement d'autres. Aussi, convient-il de rappeler que ce propos ne résume pas à la transparence des industries extractives l'ensemble des stratégies de préservation et de conquête des zones

    1 Todorov Tzvetan (2003) Le nouveau désordre mondial ; réflexion d'un européen, Paris : Robert Laffont, p.26

    2 A propos du soft power, lire Nye Joseph (1992) Le leadership américain : Quand les règles du jeu changent, Nancy : Presses universitaires de Nancy ; Nye Joseph Jr. « Public diplomacy and soft power » The Annals of the American Academy of Political and Social Science, n° 616, pp. 94 -109 (2008). On peut également lire les travaux de Ernest Wilson qui dans une approche développée et améliorée, parle désormais de smart power, c'està-dire une conjonction du hard et du soft power. Wilson Ernest J. « Hard Power, Soft Power, Smart Power », » The Annals of the American Academy of Political and Social Science, n° 616, pp. 110- 124 (2008).

    3 Les Nouveaux Dragons d'Asie du Sud-Est.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 249 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    d'influence, elle est simplement une parmi tant d'autres, l'expression du choix du soft power dans certaines conditions de politique étrangère.

    2. Action rhétorique : la transparence des industries extractives ou la « quête

    intéressée d'un nouvel humanisme » au service de la sécurité des Etats.

    A l'instar de Dionyssis Dimitrakopoulos1 qui explique par l'adoption de certaines normes par les acteurs, la quête des intérêts personnels, l'on peut appréhender la transparence des industries extractives comme une action rhétorique c'est-à-dire « strategic use of norms based arguments ». L'adhésion à une norme en raison du gain qu'il procure aux acteurs, notamment aux Etats comme le relève Bertrand Badie2. L'Etat sera à ce propos appréhendé comme un acteur unitaire, uniquement pour des besoins d'analyse tant il est illusoire de considérer que derrière le vocable `Etat' il s'agit d'une intelligence unique qui s'échapperait des courants foisonnant au sein des structures de gouvernements. Une fois que ce préalable est établi, l'on peut arguer que les impératifs sécuritaires sont également au fondement de l'adhésion des Etats-soutien à l'initiative. La transparence devient un mécanisme qui constitue une solution pour les problèmes de sécurité des Etats à l'ère de la globalisation des menaces qui implique par effet de levier, une globalisation des stratégies de solution, surtout que les frontières ne constituent plus des cloisons étanches. Badie dit à ce propos : « au-delà de ce nouveau regard utilitaire porté sur la démocratie, c'est bien une nouvelle vision à la sécurité qui s'impose. Une nouvelle culture stratégique se construit sur les dépouilles du système bipolaire ; elle est constituée d'idées nouvelles, de perceptions inédites, de significations réinterprétées : la sécurité se détache de plus en plus des considérations territoriales et stato-territoriales ; elle s'émancipe d'une référence militaire qui, au temps de la guerre froide, se voulait monopolistique ou, du moins, dominante3 ».

    Si « the quest for transparency is inevitably resisted by power holders in the name of security 4», ce qui augure de la méfiance des sujets à la transparence, celle-ci en tant

    1 Dionyssis Dimitrakopoulos « Norms, strategies and political change: Explaining the establishment of the Convention on the future of Europe » European Journal of International Relations, vol. 14, n°2, pp. 319-342 (2008).

    2 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. Notamment le chapitre IV

    3 Badie B., idem, p. 124.

    4 Robertson R. (2007), «Open societies, closed minds? Exploring ubiquity of suspicion» Globalizations, vol.4, n°3, p. 401.

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    qu'idéologie1 soulève l'interrogation de son usage. Celui qui se fait transparent au-delà de l`acceptable s'expose à la vulnérabilité de même, celui qui promeut la transparence peut ipso facto accéder aux arcanes des Etats de la mise en oeuvre pour défendre sa sécurité nationale. Il y a donc un lien entre la transparence et la sécurité. Le lancement de EITI en 2002, dans les heures chaudes de la lutte contre le terrorisme global inspire une pensée de l'usage des normes pour des buts de sécurité nationale et de géopolitique. Si l'on considère par exemple la région du Golfe de Guinée qui s'illustre par son intérêt stratégique actuel, les leçons de l'aventure américaine au Golfe arabo-persique incitent à plus de responsabilité de la part des dirigeants, en vue d'éviter le mécontentement populaire qu'induit le sentiment de ne pas bénéficier des revenus de ressources de son pays. Aussi, le changement de stratégie des américains après le 11 septembre prend-il en compte la satisfaction des « alliés silencieux », satisfaction que peut procurer la transparence des industries extractives. L'immensité des revenus que génèrent les industries extractives et le degré d'évasion desdits revenus constituent des motifs de crainte pour les Etats qui combattent les réseaux terroristes. En effet, le terrorisme et les coups d'Etat s'abreuvent à la source des financements occultes que favorisent les détournements divers opérés dans les Etats faiblement institutionnalisés. Il est de bonne guerre de s'inquiéter des usages que l'on pourrait faire des fonds déviés des caisses de l'Etat. La déstabilisation de certaines régions telles que le golfe de Guinée par des pouvoiristes dotés de moyens colossaux mettrait à mal la stratégie de diversification de l'importation du pétrole mise en place par les puissances occidentales2.

    La spécificité de cette initiative qui promeut le développement autrement3 interpelle à plus d'un titre. L'opacité a été un mode de gouvernement encouragé par l'occident pendant des décennies car elle a permis la pérennisation des régimes fidèles à la tête des Etats dont les sous-sols sont stratégiques pour les puissances occidentales. D'où vient-il donc que ces mêmes puissances montrent un intérêt soudain pour le développement de ces entités qui hier n'inspiraient pas un impératif d'évolution ? Le réalisme des Etats a-t-il cédé la place à

    1 Au sens boudonien du terme c'est-à-dire dans la conscience que l'homo ideologicus n'est pas aussi irrationnel qu'on le pensait. Celui qui promeut une idéologie poursuit des objectifs mais comme on le verra par la suite, celui qui est exposé à l'idéologie n'est pas irrationnel, il adhère à une idéologie en raison des rentes de l'idéologie. Boudon Raymond (1986) L'idéologie, Paris : Fayard.

    2 Nous avons dans le cadre de notre mémoire de DEA montré comment le souci de cette diversification des sources énergétiques par les USA favorise la sécurisation des pays qui à l'instar des Etats du Golfe de Guinée, possèdent des ressources convoitées par le pays de l'oncle Sam. L'une des stratégie est la promotion de la démocratie pour sécuriser les intérêts du pays dans les régions lointaines, afin d'éviter leur irruption dans les Etats-Unis.

    3 Rojas Christina, (2007) «International political economy; development otherwise», Globalizations, vol. 4, n°4, pp 573-587.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 251 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    l'humanisme ? « Les normes ne peuvent pas être séparées de la rationalité...et le tournant vers la pensée idéationnelle n'est pas nouveau 1» rappellent Finnemore et Sikkink. En réalité, EITI est un espace fabriqué par l'Etat et accueilli par ce dernier pour poursuivre ses intérêts vitaux. Par cette initiative, l'Etat du Nord utilise la tactique du « larvatus prodeo »2, opérant ainsi une mutation de sa politique étrangère.

    3. La `nouvelle raison d'Etat' ou l'international comme compensation des carences internes

    La promotion de la transparence des industries extractives sonne comme un évitement quelques fois des problèmes internes ou bien, comme la recherche d'une légitimité postiche tissée dans les fibres du rayonnement international. Parce qu'il arrive que des gouvernements en crise de popularité aillent jouer sur la scène internationale la carte du relookage, ainsi la transparence des industries extractive offre par la célébration d'un humanisme rédempteur, le tabernacle du salut de certains dirigeants en panne de légitimité. Lorsque le Premier Ministre britannique Gordon Brown se retrouve avec une côte de popularité dont les instituts d'enquête d'opinions disent qu'elle n'excède guère 24%, celui-ci mise sur l'organisation du sommet du G-20 que son pays a abrité le 02 avril 2009 et promet d'organiser avant la fin de la même année un autre sommet. L'on peut soupçonner derrière cette mise en avant, quelque tentative de relance de sa popularité, en jouant sur la fibre de la moralisation du capitalisme qu'incidemment la tenue et l'étendue de ce sommet visaient. Dans ce cas, il s'agirait de la dramatisation d'une tactique politique dont les fruits escomptés sont un redécollage dans les sondages et une nouvelle santé de la popularité. Ce cas de figure illustre la prévalence de ce que Klaus Dieter-Wolf3 appelle la « nouvelle raison d'Etat ». La coopération intergouvernementale devient donc une nouvelle raison d'Etat qui permet aux dirigeants d'échapper aux contraintes domestiques surtout lorsqu'elles leur sont défavorables. L'examen de l'initiative de transparence des industries extractives permet de se rendre à l'évidence de la similitude avec les situations de nouvelle raison d'Etat. En prenant le soin d'éviter une étude d'impact de la délégation collusive sur les processus de démocratisation, à la suite de Mathias

    1 Finnemore M. et Sikkink K. (1998), art. cit. pp. 888-889.

    2 « J'avance masqué », phrase empruntée à René Descartes qui en avait fait sa devise.

    3 Certes, il utilise le concept pour dénoncer par le fait de la `délégation collusive', les entraves à la démocratie car, cette délégation collusive se fonde sur le contournement des parlements et donc, préserve les gouvernants du contrôle parlementaire. Mais, c'est l'aspect qui met en relief la quête d'un souffle nouveau dans les couloirs de la coopération intergouvernementale qui retient l'attention ici. Klaus Dieter Wolf «The new raison d'Etat as a problem for democracy in world society », European Journal of International Relations, vol. 5, n°3, pp. 333-363 (1999).

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Koenig Archibugi1, l'on peut poser l'hypothèse de la durabilité de EITI en tant qu'institution internationale fondée sur la nouvelle raison d'Etat. Le soutien d'une initiative qui promeut la valeur morale de la transparence dans les industries extractives est potentiellement source d'un capital interne de popularité.

    Mais par extension, les retombées symboliques de l'engagement dans l'initiative peuvent pareillement constituer une véritable aubaine de communication des Etats, dans l'optique d'une séduction des nations abris des ressources extractives. L'adhésion et le soutien à l'initiative sont de ce point de vue une opération de séduction d'un peuple dont l'antipathie profite aux puissances rivales. En témoignent, les multiples contrats accordés aux chinois, américains, indiens... par des pays qui jam dies ne pouvaient entreprendre pareille initiative sans que le régime n'essuie les foudres de Paris. La république du Congo sous Pascal Lissouba a connu une guerre civile dans les années 1990, une guerre dont le vecteur était la rivalité pétrolière nourrie par la prétention d'une préemption française sur le pétrole congolais. L'octroi par le gouvernement congolais de quelques contrats à des compagnies américaines2 à la faveur de la mise en exploitation de N'kossa et Kitchina a servi de prétexte à l'armement du général Denis Sassou Nguesso, plongeant le pays dans une guerre civile dont il porte encore aujourd'hui les stigmates.

    4. La transparence au service de la prévention des conflits armés

    La considération des transactions entre les Etats dans la triangulaire complexe donne l'occasion de constater que la transparence des industries extractives permet également aux Etats-soutien de juguler l'expansion de la conflictualité dans les Etats de la mise en oeuvre. Que l'on se souvienne qu'au nombre des causalités de la conflictualité, figure en bonne place la course pour les ressources naturelles mais, avec les conflits comme corollaire de l'incompatibilité des appétits et flamme maintenue par les ressources extractives, les objectifs des politiques étrangères des puissances du monde développé sont menacés de péril. En effet,

    1 Koenig Archibugi souscrit à la pertinence de la délégation collusive mais se détourne de l'évaluation de son impact réel sur la démocratisation. Koenig Archibugi Mathias « International governance as new Raison d'Etat? The case of the EU common foreign and security policy » European Journal of International Relations, vol. 10, n°2, pp. 147-188 (2004). L'on peut également lire les travaux de Judith Goldstein sur l'application de la nouvelle Raison d'Etat au sujet de l'Accord de Libre Echange entre les USA et le Canada en 1988. Goldstein, Judith «International Law and Domestic Institutions: Reconciling North American «Unfair» Trade Laws», International Organization vol. 50, n°4, pp. 541-64, (1996).

    2 Au sujet de la rivalité franco-américaine autour du pétrole africain, lire Douglas Yates « Oil and the francoamerican rivalry in Africa » papier présenté au colloque l'Afrique, les Etats-Unis et la France, Bordeaux, 22-24 mai 1997.

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    la transnationalisation des conflits du fait de l'activité des entrepreneurs de la conflictualité1 menace les enjeux stratégiques et géopolitiques des Etats-soutien. Les guerres autour des ressources extractives démentent l'espérance de Philippe Braud qui se cristallise sur la fin de la guerre privée comme facteur du décollage économique. Il affirme qu' : « au contraire, c'est la fin des guerres privées, le retour à un minimum de sécurité, l'émergence de pouvoirs politiques moins prédateurs qui conditionnent un décollage économique durable2». Certes l'auteur s'inscrit dans une logique propre à Charles Tilly, expliquant l'avènement de l'ordre par la violence. La violence devient alors créatrice d'ordre et de l'état de société. Mais, l'entretien de cette ligne réflexive ne devrait pas marginaliser l'évidence des conflits déstructurants dans les aires de faible gouvernance. Ceteris paribus, la transparence des industries extractives permet de juguler la conflictualité par moult mécanismes. D'abord, par la traçabilité des revenus dont on peut garantir désormais qu'ils ne serviront pas à l'achat des armes nécessaires pour la survenue des conflits armés. Ensuite, il sera vain pour une rébellion d'éclater dans le but de contrôler la manne pétrolière et minière si les canaux de la gestion sont devenus totalement transparents. Le projet de distraction des revenus s'inscrira alors dans l'ordre de l'illusion. Ceci est toutefois conditionné par l'implémentation effective de l'initiative. La purification des structures domestiques d'un Etat de mise en oeuvre permet aux Etats dont les compagnies sont investies dans l'exploitation des ressources, d'avoir la tranquillité que procure un Etat au facteur risque zéro. L'influence visée sur la politique des Etats de la mise en oeuvre relativement aux questions de résolution des conflits passe par deux facteurs selon l'ordre de Thomas Risse-Kappen3. En effet, les Etats qui soutiennent l'initiative, étant inscrit dans une logique de l'actorité transnationale, s'appliquent donc à eux les préalables d'accession aux systèmes politiques des Etats de mise en oeuvre et de contribution aux coalitions gagnantes pour changer les décisions, dans le sens de l'adoption de l'EITI comme source potentielle de pacification de l'atmosphère conflictuelle qui caractérise les Etats dotés de ressources extractives. In fine, la forclusion de la conflictualité sert les intérêts autant des Etats-soutien que ceux de la mise en oeuvre. Toutefois, le présent espace étant prioritairement aménagé pour la démonstration des bénéfices qu'en tirent les premiers, il est de bonne guerre de minorer l'incidence utilitaire de la transparence sur les

    1 En effet, comme l'a démontré William Reno, l'émergence des warlord dans les Etats aux structures institutionnelles fragiles dépend pour partie des entrepreneurs de la conflictualité qui défient les frontières nationales pour s'inscrire dans la transnationalité ce, grâce à la globalisation de l'économie. Reno William, op. cit.

    2 Braud Philippe (2004) Les violences politiques, Paris : Seuil, p. 8.

    3 Risse-Kappen Th. (1995) (Eds.) Bringing transnational relations back in, Cambridge: Cambridge University Press, p. 25.

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    Etats de la mise en oeuvre pour la reléguer à l'espace prévu à cet égard, puisque abusus non tollit usum.

    5. L'exportation d'un modèle étatique par le soutien de la transparence des industries extractives.

    Dans l'ordre des possibles créés par la transparence des industries extractives en tant qu'initiative, et considérant les transactions qui se tissent alentour et dont les moteurs sont de nature utilitaire, il n'est pas insensé d'envisager l'exportation d'un modèle étatique. La mondialisation économique a pris un relief particulièrement proéminent en raison des effets très visibles des finances et des délocalisations des entreprises. Les stigmatisations de Sophia Mappa1 et du forum de Delphes quant à la volonté occidentale d'uniformisation des systèmes politiques sous le couvert de la mondialisation, trahissent une acception de la mondialisation qui s'apparente à la dilution des localismes dans un globalisme en réalité local. Il s'agirait de la phagocytose des modèles sociopolitiques autres par le modèle américain et plus largement occidental. Ainsi, l'on se trouverait devant une obligation adressée aux sociétés périphériques, celle-ci les astreignant à la dépendance de sentier, le sentier qu'est le schéma institutionnel de l'occident. Peut-être est-ce le signe de la carence ou, mieux, la mort du génie humain qui n'étant plus apte à la production des schèmes de gouvernement, se confinerait dans une préproduction politique des canaux institutionnels. Mamoudou Gazibo aurait-il alors raison de penser que « dans un monde où le répertoire institutionnel est limité les nouvelles démocraties apprennent des vieilles et les unes des autres2» ?

    En adoptant de façon circonstancielle la posture de la consolidologie comme entreprise promue de l'extérieur, la question du pourquoi de la promotion de la transparence en tant que comportement démocratique comporte des relents utilitaires. L'on ne peut élaguer la possibilité d'une promotion démocratique ad honores, uniquement motivée par l'ethnocentrisme, encore qu'il est difficile de le classer dans le registre de la gratuité. Il s'agit

    1 Sophia Mappa s'est distinguée avec son relativisme culturel qui est en réalité une certaine vision nouvelle et révolutionnaire de l'anthropologie politique, et qui épuise la thèse de la théorie du rail. Le parcours qui conduit de la primitivité à la civilisation n'est plus linéaire. Il n'est plus question d'aller de Teotihuacán à Chicago en empruntant le parcours linéaire qui possède des étapes. Avec des auteurs tels que Clifford Geertz qui a travaillé à montré que l'exotisme de Bali cache un type d'Etat et donc le nominalisme est un fanatisme, Sophia Mappa s'attele a démontrer l'impertinence des politiques copier-coller des institutions internationales en direction des pays en développement car pense-t-elle, elles sont inadaptées. Lire par exemple : Mappa Sophia (dir.), (2004) Les métamorphoses du politique au Nord et au Sud, Paris : Karthala ; Mappa Sophia (1995) Développer par la démocratie ? Injonction occidentale et exigences planétaires, Paris : Karthala.

    2 Gazibo Mamoudou, op. cit. p. 146.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 255 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    pour l'Etat-soutien à l'initiative, de porter vers les aires de l'incivilité politique qui se donne à voir dans l'opacité et la gestion patrimoniale de la res publica, le message mieux, le gaudum magnum de la civilisation par la transparence. La projection de ce type d'Etat qui se singularise par la banalisation, la réification de la pratique démocratique dont la transparence est l'un des aspects, crée un lien intime entre les deux catégories d'Etat. Il semble évident que le soutien des Etats vis-à-vis des espaces d'implémentation de l'initiative est une ingérence démocratique au sens de Philippe Moreau-Defarges, c'est-à-dire « toute démarche par laquelle une personne ou une entité cherche à peser sur le comportement d'une autre personne ou d'une autre entité1». Quoiqu'il s'inscrive par la suite dans une posture de dénonciation de l'illusion identitaire, citant au passage John Stuart Mill qui disait : « la démocratie ne s'impose pas, elle est un apprentissage compliqué, différent d'une société à l'autre. Toute société s'engageant dans une expérience démocratique, le fait avec son histoire, sa culture, ses schémas politiques2 », l'ingérence démocratique telle qu'il la dépeint porte un projet d'exportation de l'idéal-type occidental de l'Etat. Au passage, l'on peut relever avec lui la condescendance de celui qui s'adonne à l'ingérence démocratique car il s'accrédite du système idéal de gouvernement.

    Au final, le dessein d'instaurer un « isomorphisme institutionnel » dans les Etats de la mise en oeuvre par les Etats qui soutiennent l'initiative établit un climat propice aux échanges et donc, ouvre des marchés nouveaux aux Etats-soutien. A l'heure du « Trade not Aid », l'intégration des systèmes périphériques au centre par la transparence comme habitude à adopter dans l'art du gouvernement, permettrait une globalisation parfaite de l'économie mondiale. Les bénéfices de cette uniformisation sont-ils uniquement pour les Etats de la mise en oeuvre comme semble le signifier le discours qui accompagne ce processus? Rien n'est moins sûr, tant l'engouement des promoteurs de la transparence trahit par leur excitation, l'appétit du gain utilitaire que générera une parfaite transparence dans les Etats candidats à l'initiative.

    1 Philippe Moreau-Defarges s'inscrit clairement contre la projection de l'Etat démocratique par le fait d'une ingérence démocratique. Au passage, il nous confie que la promotion démocratique est une exportation du modèle étatique de celui qui s'exporte. Moreau-Defarges Philippe (2000) Un monde d'ingérence, Paris : Presses de science po, 2e Edition, lire notamment le chapitre 4 qui s'intitule « Mondialisation de la démocratie et ingérence internationale ».

    2 John Stuart Mill Quelques mots sur la non-intervention (1859) in Moreau-Defarges op. cit. p. 87.

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    B. L'Etat de la mise en oeuvre de l'initiative et les retombées de la transparence des industries extractives

    Les Etats de la mise en oeuvre capitalisent également leur interaction avec les Etats promoteurs de la transparence. Le fac-similé de l'ossature démocratique qui place sur un piédestal la transparence en général et la transparence des industries extractives en particulier, est le prétexte pour une captation des rentes pour les Etats, une opportunité de renforcement des légitimités et un espace de rayonnement international. Que se joue-t-il dans EITI sinon la conformité à une norme modélisée par les ONG à l'origine et récupérée par les Etats ensuite ? La transparence devient un prétexte, un lieu de pouvoir dans lequel les Etats de la mise en oeuvre dramatisent une amélioration de leurs images. Au principe de cet espace consacré à la démonstration des retombées de la transparence des industries extractives pour les Etats d'accueil, il convient de dire que le dévouement, l'acharnement à atteindre la conformité aux principes et critères EITI est informé principalement par la respectabilité que cela confère et l'impact sur l'image des Etats. Autrement dit, il ne suffit pas d'adhérer aux principes mais, les retombées multiples revendiquées ou escomptées semblent liées à la conformité. En cela, les ONG qui ont oeuvré à l'avènement de cette initiative peuvent se prévaloir d'avoir impacté sur la conduite des Etats. Il convient de préciser que si les retombées de la transparence sont récoltées par l'adhésion à l'initiative, elles sont davantage confirmées par la conformité aux principes et critères EITI qui consacre une parfaite adhésion auxdits principes. Aussi, les retombées ici évoquées sont la conséquence d'un processus qui commence par l'adhésion et qui a pour point d'orgue la conformité.

    La politique des Etats pense Ulrich Beck1, est restée confinée aux horizons nationaux dans un monde où les problèmes, les menaces et les opportunités sont désormais du ressort de l'international. Si poursuit Beck, les organisations de la société civile et les acteurs économiques ayant compris le virage, ont répondu à l'appel de la transnationalisation de leurs actions comme impératif de la mondialisation, et si cela leur permet de répondre aux défis posés par la mondialisation, l'Etat malheureusement est en passe de perdre du champ devant ces acteurs privés. Il faut pense-t-il, que l'Etat adosse son action sur le régime cosmopolitique fondé autour des principes des droits de l'homme et de la démocratie pour pouvoir rétablir le primat de la diplomatie publique étatique. L'arrimage au courant cosmopolitique, en plus de donner à l'Etat les armes pour la bataille de la mondialisation, met un bémol aux récits de la

    1 Beck Ulrich (2005) Pouvoir et contre-pouvoir à l'ère de la mondialisation, Paris : Flammarion.

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    souveraineté longtemps présentée comme réalité de l'ordre de Manus (soit elle existe, soit elle n'existe pas). La mâat ne résiderait-elle pas dans la mesure qui commande de s'émanciper de tout radicalisme ? La contre-offensive de l'Etat devant les risques de déclassement l'inscrit dans une posture transnationale. L'Etat va jouer son destin sur les aires de la globalité, des espaces qui comme l'EITI, offre des retombées symboliques et concrètes.

    1. Les Etats de la mise en oeuvre de l'EITI dans le meta-jeu mondial: le rayonnement international des Etats en jeu

    Il n'est pas aisé d'évaluer les apports directs de l'initiative sur les Etats de la mise en oeuvre car, au-delà de l'illusion de l'immédiateté qui renvoie en la corrompant l'image d'une entreprise morale, les effets corrélatifs de la transparence sur les Etats ne se donnent pas à voir au premier abord. En inscrivant l'action de l'Etat dans le « cosmopolitisme méthodologique1» qui se fonde sur les logiques et dynamiques transnationales et supranationales2, l'on peut envisager l'adhésion des Etats aux principes de la transparence des industries extractives comme une quête de la reconnaissance internationale et de la respectabilité qui étaient pour eux un luxe, en raison de l'ontologie de ces systèmes politiques.

    L'adhésion de certains Etats à EITI prend un relief particulier pour l'analyste en raison de la prévalence d'un type étatique inapproprié dans ces aires territoriales. L'Etat selon qu'il y est et fonctionne, pose le problème de la transparence. L'Etat, un et multiple tout à la fois, est ce prédateur3qui a agglutiné les sociétés autres dans l'espoir de les assimiler totalement. Produit de l'occident, l'Etat en tant que forme d'organisation sociale s'est heurté à l'exotisme

    1 Ulrich Beck propose de le substituer au nationalisme méthodologique qui considère l'Etat et le gouvernement comme la pierre angulaire de l'analyse politologique. Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir, op. cit.

    2 Cela suppose comme préalable de considérer l'Etat comme un acteur transnational. Idée que ne partage pas Stephen D. Krasner pour qui, les acteurs transnationaux excluent les officiels des gouvernements. Toutefois, il reconnaît que les Etats sont exposés aux pénétrations des acteurs transnationaux. Stephen D. Krasner « Power politics, institutions and transnational relations » in Risse-Kappen (Eds) Bringing transnational relations back in, op. cit. pp. 257-279.

    3 L'Etat comme il a été abondamment rappelé dans cette étude, est une réalité protéiforme. Selon qu'on s'éloigne de son espace de jaillissement, il prend des allures exotiques du fait de sa contextualisation. Ipso facto, l'Etat dans cet espace doit être entendu comme le fruit de l'ancrage dans une culture autre, d'un modèle importé. C'est ce modèle qui dans son implémentation de l'initiative, cherche à se faire admettre au cercle des Etats accomplis. C'est l'Etat qui, prédateur, ayant agglutiné les systèmes autres pour n'être plus que la seule organisation politique universellement revendiquée, continue son processus de maturation c'est-à-dire d'occidentalisation. A propos de l'Etat prédateur, lire par exemple : Darbon Dominique « L'Etat prédateur », Afrique politique, n°39, pp. 37-45, oct. 1990

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    des localismes des ailleurs. La greffe a tourné à la créolisation1. De ce mélange, a jailli du magma informe de l'incivilité des « autres », l'Etat néopatrimonial. Savant dosage du patrimonialisme2 ambiant et des structures légales rationnelles que draine l'Etat occidental, l'Etat ailleurs3 fonctionne depuis les indépendances comme une res privata. Pour tenter d'expliquer cette institutionnalisation qui donne raison à O'Donnell4qui pense que le clientélisme, trait caractéristique de cet Etat est une institution là où on pensait ne pas en trouver, Englebert5 estime que la source est dans le degré variable de congruence entre les structures politiques préexistantes et l'Etat importé. Au demeurant, l'essentiel réside plus dans le modus operandi que dans l'architectonique de l'Etat.

    Le fonctionnement de cet Etat laisse transparaître l'opacité comme une règle du jeu. Le pouvoir est entouré de mystère, de flou voire de mystique. La boîte noire est d'une noirceur exagérée. La puissance dévolue aux autorités dirigeantes ne permet aucune possibilité de reddition des comptes. L'Etat est alors perçu comme un gâteau dont il faut se rapprocher pour en goûter la saveur. Cette réalité fait fi du type de régime ; battant en brèche l'argument de ceux qui comme Linda Kirschke6, pensent qu'un Etat est d'autant plus enclin au néopatrimonialisme que son architecture est du type semi-présidentiel. Dans pareil environnement, le « complexe de corruption » c'est-à-dire : « la corruption, le délit d'ingérence, les détournements de fonds, le népotisme, les abus de pouvoir, les malversations diverses, le délit d'initié, la prévarication, le trafic d'influence et les abus de biens sociaux7» trouve un lit favorable. La corruption devient un outil de gouvernement. En effet, si le pouvoir s'adosse sur l'obéissance et la crainte, la corruption parce qu'elle récompense les cronies,

    1Créolisation au sens de Robin Cohen, c'est-à-dire une voie médiane entre le primordialisme et la standardisation en tant que paradigmes écarlates qui fustigent toute interpénétration. Lire Cohen Robin (2007) «Creolization and cultural globalization: the soft sounds of fugitive power» Globalizations, vol. n° 3, pp.369-384.

    2 Il faut apprehender le terme patrimonialisme ici au sens de Victor T. Levine (1980: 658) : « If patriarchy is the commonwealth of biological kinship, patrimonialism grants fictive kinship to those whose ties with the head of the household may be base on other than biological or family liaisons, for example contracts, alliance, coercion or titular services »

    3 C'est-à-dire l'Etat qui n'est plus tout à fait le parangon occidental qui est parti en odyssée, mais n'est pas non
    plus une réalité vidée de sa quiddité occidentale originelle par les ritualités, les liturgies et la « spectacularité
    caractéristiques » des sociétés périphériques. Sindjoun Luc, L'Etat ailleurs : entre noyau dur et case vide, op. cit.

    4 O'Donnell Guillermo, « Another institutionalisation: Latin America and elsewhere» Working paper n°222, (1996)

    5 Englebert Pierre (2000), « Pre-colonial institutions, post-colonial states, and economic development in tropical Africa », Political research quarterly, vol. 53, n°1, pp. 7-36.

    6 Kirschke L. (2007) « Semipresidentialism and the perils of power sharing in neopatrimonial state», Comparative political studies, vol. 40, n° 11, pp. 1377-1394.

    7 De Sardan J.P.O. (1996) « L'économie morale de la corruption en Afrique » Politique africaine n° 63, pp. 97- 117.

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    assure au dirigeant la domination sur ses sujets1. De plus, il faut satisfaire aux exigences de ceux qui par une parenté réelle ou fictive, font allégeance au prince. Le lien clientéliste devient une source de légitimité au même titre que le lien charismatique et le lien programmatique2. Défaut de légitimité ou non, le clientélisme3 est le substrat sur lequel se fonde la longévité aux affaires des dirigeants de ces Etats.

    L'Etat incarné dans ses dirigeants, devient ambigu et son ambiguïté trouve sa source dans la relation particulière qu'il entretient avec la société4. La redistribution devient un devoir. Du chef au subalterne, toutes les strates sociales cherchent des revenus pour satisfaire à ce devoir de réussite sociale. D'autre part, le grégarisme sociologique d'une couche sociale moyennement alphabétisée, la transposition des pratiques de générosité sociale dans les couloirs impersonnels de l'Etat et bien d'autres raisons encore font naître un discours de légitimation de la corruption5. Scandale pour l'occidental, ce discours ne peut se comprendre que dans le contexte africain et même noir africain dans lequel « on va faire comment ? » traduit le suivisme dans un comportement non rationnel et la mêmété des moeurs. Nul ne voulant laisser des traces de la ponction qu'il opère dans les caisses de la res publica, l'opacité a donc droit de cité, comme stratagème de camouflage des basses pratiques égocentriques et anti-républicaines.

    En plus de constituer un mode gouvernemental parallèle au modèle qui se veut universel6, le néopatrimonialisme est responsable de mille maux que combat la communauté internationale et dans l'ordre généalogique des causalités, son remplacement par la démocratie pleine et libérale qui se donne à voir au travers des pratiques telles que la transparence, est restitution

    1 Darden Keith (2008) « The integrity of corrupt states: Graft as an informal institution» Politics and society, vol.36, n°1, pp.35-60.

    2 Kitschelt Herbert (2000) «Linkages between citizens and politicians in democratic polities », Comparative political studies, vol. 33, n°6/7, pp. 845-879.

    3 Anne Grzymala-Busse définit le clientélisme ainsi: « clientelism consists of the contingent and targeted distribution of selective goods to supporters in exchange for their loyalty », Grzymala-Busse A. « Beyond clientelism, incumbent state capture and state formation» Comparative political studies, vol. 41, n° 4/5, p.639 (pp. 638-673), april-may 2008.

    4 Médard J.-F., (1999) « L'Etat néopatrimonialisé» Afrique politique, n°39, pp.25-36.

    5 Jean Pierre Olivier de Sardan et Giorgio Blundo ont tenté de démontrer la légitimation de la corruption dans les discours tout au moins, par la banalisation du concept au travers d'une sémiologie qui s'ancre progressivement dans la culture populaire et perd le sens de tabou social qu'enfreignent généralement les délinquants sociaux. Blundo G. et De Sardan J.P.O. 2001 « Sémiologie populaire de la corruption » Politique africaine, n°. 83, pp.98-114.

    6 Par le fait même, l'Etat néopatrimonial est une poche de résistance à la fin de l'histoire que Francis Fukuyama liait à la victoire de la démocratie libérale. Fukuyama Francis (1993), La fin de l'histoire et le dernier homme. Paris : Flammarion.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 260 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    de l'honorabilité des dirigeants. Pour siéger au banquet des noces démocratiques, les dirigeants des Etats de la mise en oeuvre de l'initiative entendent acquérir leur carton d'invitation par l'adhésion aux principes de EITI. L'observation de la réalité de la mise en oeuvre conforte dans l'idée que la candidature des Etats à l'initiative est une manifestation de l'éthique de responsabilité. Il existe en effet un gap énorme entre la conformité formelle aux principes et critères EITI qui confère le statut « conforme » et la transparence effective dans la gestion des revenus du secteur extractif. Convaincus de leur faiblesse relative, les Etats de la mise en oeuvre trouvent dans l'adhésion à l'initiative un double gain : la satisfaction des Etats -soutien d'avoir affaire à des Etats qui accueillent avec faveur les principes démocratiques, et les prébendes multiformes de la transparence. Si l'on considère les Etats de la CEMAC, ils sont tous candidats à l'initiative. Les évènements récents1 au Tchad et en RCA (les conflits et rebellions endémiques) posent un réel problème de gouvernance. Le Tchad est entré en crise ouverte avec la Banque Mondiale au sujet de la loi sur la gestion des revenus de la manne pétrolière. Née autour de la révision de la loi n°001/PR/1999 portant gestion des revenus du pétrole, cette crise est en réalité un conflit de souveraineté. La constitution tchadienne reconnaît la souveraineté du pays sur ses ressources naturelles2. En même temps, la Banque mondiale, au nom du rôle joué dans le financement du projet pétrole N'djamena, estime être fondée à dicter la gestion du fonds des générations futures que la président tchadien a utilisé finalement à des fins d'armements. Le Tchad remboursera précipitamment sa dette à la Banque mondiale, visant ainsi recouvrer la pleine souveraineté sur les revenus de son pétrole. Le divorce fut consommé entre le Tchad et la Banque mondiale. Cependant, à la faveur de son adhésion à EITI, il peut parce qu'il démontre une volonté de faire le pari de la transparence, siéger à nouveau au plan international au sein d'une initiative fortement soutenue par la Banque. Le Congo, le Gabon et la Guinée Equatoriale font de par leurs dirigeants, l'objet d'enquêtes judiciaires en France sur les biens personnels des présidents Sassou, Bongo et Obiang Nguema. C'est la prévalence d'une gestion opaque des fonds publics qui met ainsi à mal l'implémentation de la transparence, surtout qu'il s'agit de trois Etats pétroliers dans la

    1Le 14 novembre 2005 une colonne rebelle du SCUD lance une offensive au Tchad depuis le Soudan voisin. Le1er février 2008, une coalition de groupes rebelles attaque N'djamena. Le président tchadien avait failli être renversé après cette attaque qui a conduit les rebelles jusqu'aux portes du palais présidentiel que dût défendre le président Deby à la tête de ses troupes. L'attaque avait été repoussée, notamment grâce à l'aide française. Ce sera le début d'une série d'attaques contre le président Déby qui aura eu à faire face à des incursions à répétition des rebelles depuis le Soudan. Le 1er avril des combats éclatent dans la région d'Adré entre des rebelles tchadiens et les forces gouvernementales, le 4 mai, l'UFR (Union des Forces de la Résistance) de Timan Erdimi lance une nouvelle attaque sur le Tchad.

    2 l'article 57 alinéa 2 de la Constitution tchadienne du 31 mars 1996 dit à ce sujet : « l'État exerce sa souveraineté entière et permanente sur toutes les richesses et les ressources naturelles nationales.(...) Toutefois, il peut concéder l'exploration et l'exploitation de ces ressources naturelles à l'initiative privée ».

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    sous-région Afrique centrale. La conformité aux critères et principes EITI devient dès lors une fabuleuse occasion de relookage de l'image internationale de ces Etats. Il s'agit d'une opportunité inouïe de communication pour des Etats en quête de reconsidération internationale. C'est ainsi que l'on peut comprendre les efforts des Etats à revendiquer la conformité à EITI, même lorsque manifestement toutes les étapes y conduisant ne semblent pas observées1. A la réalité, l'inscription dans la catégorie conforme permet une amélioration de l'image des Etats, ce qui les rend attractifs pour les investissements. EITI devient un espace de réhabilitation des Etats. Derrière la hiérarchie non adhérents-adhérents-candidatsconformes se cache peut-être une taxonomie du type Etats fréquentables-Etats moyennement fréquentables-Etats non fréquentables (Etats parténaires-Etats parias) qui traduirait donc un investissement de la puissance dans le champ de la norme.

    L'Azerbaïdjan a été le premier Etat jugé conforme aux principes et critères EITI ce, depuis le 16 février 2009. C'est dire que le pays est conforme aux standards de la transparence convenus par l'initiative que soutiennent la Banque Mondiale, la plupart des institutions intergouvernementales politiques et économiques2 et la quasi-totalité des puissances du G8. L'enjeu est énorme pour un Etat jugé conforme car, il s'inscrit ipso facto sur la liste des pays fréquentables et attractifs aux investissements occidentaux et par extension, étrangers. Cette quête de crédibilité et de respectabilité que procure l'image d'un Etat conforme aux critères de transparence, justifie l'acharnement des Etats à atteindre le statut de conformité. Le 11 mars 2009, la coalition azérie qui représente la société civile dans le Mémorandum d'Entente a tenu une conférence de presse au lendemain de la parution du neuvième rapport de conciliation d'Azerbaïdjan. Ce fut l'occasion pour les membres de cette coalition, de déplorer les entorses du gouvernement au respect des différentes étapes de la mise en oeuvre. L'un des critères de conformité est la publication des rapports dans un langage accessible à l'opinion et leur vulgarisation. Ce critère de l'avis des membres de la coalition n'est pas respecté car, seuls quelques journaux publient les rapports dans un style inaccessible à tout le monde. Une absence de concertation entre le gouvernement, les compagnies et la société civile avant la

    1 Le 21 janvier 2010, madame Emma Irwin du cabinet Synergy Global Consulting/ IDL Group recruté pour conduire le processus de validation EITI au Cameroun a présenté son rapport au comité national. Malgré quelques remarques faites sur les entraves à la transparence dans les industries extractives, le pays s'ouvre peutêtre la voie au statut de conformité lors du prochain conseil. La réunion du Comité EITI de la Guinée Equatoriale tenue le 30 janvier 2010 a permis le choix du cabinet Hart Nurse Limited pour conduire le processus de validation dans ce pays qui prépare encore son premier rapport par les soins du cabinet Deloitte. Cependant, peut-on sérieusement penser que la transparence est devenue une réalité dans le secteur des industries extractives au Cameroun et en Guinée Equatoriale?

    2 Comme nous l'avons démontré au premier chapitre de notre travail.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 262 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    publication des rapports fut également soulignée par la coalition. Nombre de vices de procédure qui, mis ensemble, laissent penser que l'accès au statut de conformité est un sésame qui donne droit à la respectabilité internationale, lequel n'a pas de prix et ne peut donc être empêché par quelques aspects procéduraux que l'on peut très bien contourner. C'est ce qui ressort de cette opinion de Oktay Gulaliyev qui est membre de la coalition azérie : « Azerbaijan's being member of one more international body is a good step from point of impact of country, it is success, but it is not solution of existing problems. Terms forwarded to our country while becoming member, shown that we are right in suggestions we are suggested. Because when said that multi-stakeholder working group must be created related to implementation of EITI, Government Commission said that there is no any necessity for it. We were saying that there has to be a working plan that balances an action, but they said it is not important. We suggested to improve understanding memorandum and reports, and to make them accessible for community, but there were no any steps. There is no any serious works in direction of solution of these problems till present» (le fait pour l'Azerbaïdjan de faire partie d'un autre organe international est un bon geste pour l'image du pays, c'est un succès mais, ce n'est pas la solution aux problèmes réels du pays. En devenant membre de EITI, les termes qui nous ont été présentés laissent croire que nous avons raison de faire nos suggestions. Lorsqu'il nous a été dit de mettre sur pied un groupe de travail multi-parties prenantes pour la mise en oeuvre de l'initiative, la commission gouvernementale a jugé que ce n'était pas nécessaire. L'on nous avait dit de dresser un plan d'actions mais le gouvernement a considéré qu'il n'était pas important. Nous avons suggéré d'améliorer le Mémorandum d'Entente et les rapports pour les rendre accessibles à la communauté mais rien n'a été fait jusqu'à ce jour pour résoudre ces problèmes). Cette allégation démontre deux choses : d'abord que les retombées en terme d'image et de prise au sérieux d'un Etat conforme aux principes EITI sont réelles et escomptées. De plus, il s'agit de la preuve que cette « raison d'Etat » d'un autre type, peut faire fi des étapes exigées pour l'atteinte de la conformité, parce que la conformité est une ressource mobilisable pour la poursuite des intérêts nationaux des Etats d'accueil en terme d'investissements attirés et de respectabilité internationale acquise.

    Il est presque certain si l'on se range dans le scepticisme éthique de Hans Morgenthau que, d'un Etat il ne faudrait nullement attendre de la morale réelle car, l'Etat n'est aucunement une entité unitaire mais, un ensemble hétérogène de personnalités dont les valeurs morales prennent des conceptions différentes. Il considère que là où la responsabilité gouvernementale

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 263 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    est diffusée parmi un grand nombre d'individus, la morale en tant que système de retenue dans la politique internationale est impossible1.

    2. L'instrumentalisation à des fins de légitimation internationale de l'EITI par les Etats d'accueil.

    Cela entraînant ceci, la légitimité internationale devient une quête incessante car, lorsque le dirigeant ne réussit pas à se servir dans les trois catégories weberiennes de légitimité2, l'acceptation par les pairs au plan international annihile les efforts internes de contestation du régime. C'est d'ailleurs ce qui explique que les présidents qui accèdent au pouvoir par le fait des armes ou des soulèvements comme le capitaine Moussa Dadis Camara de Guinée ou encore Andry Rajoelina de Madagascar3, font de la reconnaissance internationale de leurs autorités, l'acte premier du scénario de gouvernement. Au surplus, la «collusive delegation», c'est-à-dire « attempt by government to loosen domestic constraints by shifting decision-making to international settings and organizations4 », si tant est que lesdits régimes peuvent se prévaloir d'une place au « jardin des délices démocratiques », permet une fois encore d'échapper au poids des exigences internes de la gouvernance, par l'engagement aux initiatives qui comme EITI, permettent de distraire les citoyens et renvoyer à la communauté internationale l'image d'un Etat en phase avec les grands chantiers de la gouvernance mondiale. Il en résulte alors des régimes connectés à la politique transnationale mais sans ancrage avec la population5. Les initiatives comme EITI s'avèrent être des espaces transnationaux où des Etats jouent la carte de leur reconnaissance plutôt que d'être le lieu de la transcription des problèmes que rencontrent les populations.

    S'engager à mettre en oeuvre l'initiative, c'est admettre que les principes qui président à la démocratie libérale comportent des éléments d'universalité. Cet acte attire la sympathie des Etats qui sont des chantres de la démocratie. Ainsi, pour paraître des bons élèves de la démocratie c'est-à-dire de la transparence, des Etats adoptent une tactique qui leur confère la

    1 Morgenthau H. J. Politics among nations... op. cit. p. 251

    2 Il s'agit de la légitimité legale-rationnelle, de la légitimité traditionnelle et de la légitimité charismatique. Max Weber (1971) Economie et Société 1921. Traduction française Paris, Plon.

    3 L'un et l'autre accèdent au pouvoir après des coups de force. Le 25 décembre 2008 le capitaine Mussa Dadis Camara s'auto-proclame président de la république à la tête du CNDD. Le 17 mars 2009, le directoire militaire confie le pouvoir à Andry Rajoelina dit « TGV ».

    4 Mathias Koenig-Archibugi « International governance as new Raison d'Etat? », art. cit. Conclusion.

    5 C'est ce que Eva Etzioni-Halevy appelle « linkage deficit », c'est-à-dire cette déconnection des élites de la politique transnationale vis-à-vis des populations dont elles disent représenter les intérêts. Eva Etzioni-Halevy « Linkage deficit in transnational politics » International Political Science Review, vol. 23, n°2 pp. 203-222.

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    sympathie de la communauté des Etats développés défenseurs de la démocratie. Mais l'adhésion et plus loin la conformité aux critères et principes de l'initiative sont également l'assurance que l'Etat d'accueil est dans une mouvance démocratisante et donc, frappe aux portes de la communauté des Etats civilisés. Quelques fois, c'est un signe que l'on renonce aux démons du passé et que l'on se tourne résolument vers l'avenir qui se construit avec la transparence plutôt que les conflits. La communauté internationale récompense alors cette conduite qui stimulerait d'autres Etats à la conformité. Le 27 avril 2007, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a voté à l'unanimité la levée d'embargo sur les exportations de diamants du Libéria dans sa résolution 1753. Régulièrement reconduite depuis la résolution 1521 de 2003, cette mesure était l'une des priorités de la présidente Ellen Johnson-Sirleaf qui a ainsi exprimé son satisfecit. Soutenue par les Etats-Unis, cette décision dont la prochaine étape sera l'adhésion au processus de Kimberley est également un signal fort envoyé à la communauté internationale pour qu'elle continue de soutenir la reconstruction de ce pays dévasté par 14 ans de guerre. Mais, c'est également une reconnaissance des efforts fournis par ce pays sur les sentiers de la démocratisation, et donc aussi pour son implémentation de l'initiative qui interdit la répétition des pratiques qui jadis, ont entraîné les horreurs du conflit. C'est donc dans cette veine que le Libéria a été admis au statut de conformité le 14 octobre 2009. L'on peut penser que la conformité aux principes EITI devient alors un instrument qui, ayant considérablement amélioré l'image du Libéria, lui aura attiré la sympathie des Etats occidentaux. Certes, il ne s'agit pas d'un fait isolé car, l'élection d'une femme dans cet Etat qui sort d'une longue instabilité est à conjuguer avec la conformité à EITI pour comprendre les faveurs de l'occident pour ce pays désormais présenté comme un des modèles de démocratie dans la sous-région. La conformité s'avère donc être une importante ressource mobilisée par certains pays pour améliorer leur image et gagner en respectabilité internationale, échappant ainsi à la catégorie des parias et des Etats mal cotés dans les cercles d'investisseurs. Au surplus, l'adhésion aux critères et principes de l'initiative attire les faveurs du monde développé qui délie plus facilement la bourse pour soutenir l'effort de transparence.

    3. Les financements directs et indirects de la transparence

    La problématique de la transparence des industries extractives s'est posée avec acuité, à l'heure de la demande pressante des pays pauvres pour la remise de leur dette par les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. Un effort de transparence est alors apparu incontournable pour que le paradoxe de l'endettement des pays très riches en ressources extractives se

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    transforme en aspérité dans des régimes engagés dans le chantier de la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives. Cependant, par-delà les retombées indirectes de la remise de la dette aux pays par les `Etats soutien de la transparence', il existe des rentes directes inhérentes à l'adhésion aux principes et critères EITI.

    Dans l'impossibilité d'accéder aux comptes des Etats de mise en oeuvre pour, en cassant le mystère qui les entoure, faire la comptabilité des financements reçus, il convient de lire au travers des budgets et du rapport du fonds des donateurs multi-bailleurs, les espérances et réalités de l'acquisition des fonds par les Etats. La tendance qui transparaît dans l'examen des budgets et des plans d'actions budgétisés des Etats de la mise en oeuvre est celle de l'espérance que la Banque Mondiale au travers du Multi-Donors Trust Fund (MDTF) finance sinon la totalité, du moins la grande majorité des dépenses qu'engendrent les activités de la mise en oeuvre. Ainsi, l'observation du plan d'action du Cameroun pour la période 2001-2004 révèle que, six des treize rubriques1 du plan d'action sont escomptées être financées par la Banque mondiale. Tandis que les autres rubriques ne nécessitent pas de financements, autant dire qu'en réalité le total financement de la mise en oeuvre de la transparence dans la période considérée reposait sur l'apport extérieur, notamment en provenance de la Banque mondiale et de son fonds multi-bailleurs2.

    1 Voir le tableau ci-dessous sur la matrice des actions du comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'ITIE au Cameroun.

    2 Le plan d'action du Cameroun pour la période indique d'ailleurs à la page 5 que : « En dehors des activités propres au Comité qui sont supportées par le budget du Ministère de l'Economie et des Finances, les actions de mise en oeuvre de l'EITI bénéficieront du concours financier de la Banque Mondiale »

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 266 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Tableau 14 : Matrice des actions du comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'ITIE au Cameroun

    Activités

    Echéance

    Sources de

    Financement

    1) Examen du plan d'actions par le Comité

    Fin Oct. 2005

    =

    2) Identification des Sociétés extractives au Cameroun

    Fin Oct. 2005

    =

    3) Définition des TDR de la société de Conciliation des chiffres et des volumes

    Mi-janv. 2006

    =

    4) Appel d'offres international pour le recrutement du conciliateur

    Fin janv. 2006

    =

    5) recrutement du conciliateur

    15 mars 2006

    Banque mondiale

    6) Validation des formats

    Fin mars 2006

    =

    7) Déclaration des chiffres et des volumes par les Sociétés et par l'Etat pour la période (2001- 2004)

    15 avril 2006

    Banque mondiale

    8) Séminaire de formation des membres du Comité

    Fin avril 2006

    =

    9) Préparation et présentation du premier rapport EITI (période 2001-2004)

    15 juin 2006

    Banque mondiale

    10) Approbation et Publication du premier rapport EITI (période 2001-2004)

    Fin juin 2006

    Banque mondiale

    11) Déclaration des chiffres et des volumes par les Sociétés et par l'Etat pour l'exercice 2005

    1er novembre

    =

    12) Préparation et présentation du deuxième rapport EITI (exercice 2005)

    Fin nov. 2006

    Banque mondiale

    13) Approbation et Publication du deuxième rapport EITI (exercice 2005)

    Fin déc. 2006

    Banque mondiale

     

    Source : Extrait du Plan d'action de la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives au Cameroun.

    Le Libéria a mis sur pied un budget pour la période juillet 2007-juin 2008 estimé à 662,340 $ dont 103,500 USD promis par la Banque mondiale. La majorité du montant restant devait être potentiellement pourvue par les partenaires bilatéraux du développement au Libéria. Aussi, la France s'était engagée à contribuer à hauteur de 14000 USD, la Norvège par le biais du Norvegian Trust Fund for Governance a offert 150000USD, tandis que la Banque Africaine de Développement avait fait la promesse de contribuer sans préciser le montant de son apport. Le Congo a révélé dans son plan d'actions rendu public en décembre 2007 que la mise en oeuvre de l'initiative nécessiterait 1.200.000.000 FCFA dont au moins deux tiers escomptés des partenaires au développement et des Etats-soutien à EITI. Une vue panoramique des budgets et des plans d'actions rend visible le fait de la rentabilisation des opérations de la transparence1. L'initiative apparaît dès lors comme une occasion de lever les

    1 Le plan d'actions du Pérou pour la mise en oeuvre de l'initiative daté du 30 juin 2005 dit : « Es importante destacar la voluntad del Banco Mundial para financiar el inicio de la implementación de la EITI en el Perú, para lo cual se contaría con un total de aproximadamente US$ 350.000 a ser utilizados hasta Diciembre 2006. Para el éxito pleno y sobretodo para asegurar la sostenibilidad del proceso, el Grupo de Trabajo identificará y comprometerá otras fuentes de financiamiento durante el proceso de implementación inicial».

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 267 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    fonds dont l'octroi dans les conditions différentes serait difficile ou mieux, entouré de conditionnalités insoutenables. La conditionnalité de la transparence devient alors une moindre hypothèque qui rapporte des financements importants. Le Fonds des Donateurs Multi-bailleurs a été établi pour centraliser les financements de la transparence par les Etats et les institutions qui soutiennent la mise en oeuvre de EITI. L'encadré ci-dessous fait état des financements perçus par certains Etats et en passe d'être perçus.

    Encadré: A propos des financements dans le cadre du MDTF

    Nine MDTF Grant Agreements have been signed--with Cameroon, Ghana, Guinea, Liberia (April 2008), Mauritania, Mongolia, Nigeria, Peru, and Yemen (April 2008)--for a total value of US$4.76 million, of which US$2.54 million had been spent by recipients as of March 31, 2008. Grant Agreements for the Democratic Republic of Congo, in the amount of US$0.8 million, and Madagascar, in the amount of US$0.35 million, are under preparation. Over the next three to six months, Grant Agreements with Equatorial Guinea, Kyrgyz Republic, Mali, Niger, and Republic of Congo are likely, while over the next six to 12 months (or more) Grant Agreements with Cote d'Ivoire, Sao Tome and Principe, Sierra Leone, and Timor-Leste are expected. Over the next several months some grant recipients will exhaust MDTF grants/complete their Grant Agreements--this is already the case with Nigeria. The Management Committee needs to decide if «second phase» support will be provided to countries that request additional MDTF grants (Mauritania and Ghana have also indicated that they will request additional funds). This issue will be covered in the discussion of the FY09-10 MDTF work program during the Management Committee meeting.

    Paragraphe II : L'Etat transcendant ? L'instrumentalisation des acteurs privés par l'Etat au sein de EITI : les ONG et les firmes au service de la diplomatie étatique.

    Dès lors que l'on a marginalisé les considérations relatives à l'impertinence d'une vision nominaliste de l'Etat, une fois que l'idée de la transformation de la souveraineté a gagné en potentiel séductif, la problématique de la relativité ne saurait totalement être argumentée sous le seul prisme des transactions interétatiques, surtout quand on a invalidé la thèse du statisme1 sempiternel. Aussi, l'initiative offre-t-elle l'occasion de palper par le truchement du lien rationnel qui lie l'Etat aux acteurs privés y impliqués, en plus de la privatisation de l'action

    1 Il faut reconnaître que si le statisme est une posture qui met l'Etat au centre de la politique internationale, il possède encore quelque chance de pertinence. Mais s'il est perçu comme la posture qui fait de l'Etat le seul acteur, alors il s'inscrit sur la liste des attitudes à dénoncer. Notons par exemple qu'un auteur tel que Stephen D. Krasner déroule sa posture statiste mais reconnaît que les acteurs transnationaux sont une composante naturelle du système des Etats souverains. Aussi, pense-t-il que l'Etat est le plus fort des acteurs parce qu'il est celui dont la structure doit mouler les autres acteurs. Même si l'on pense que cette posture comporte quelque élément d'exagération, car les acteurs privés peuvent se mouvoir indépendamment des doctrines étatiques, il apparaît que l'Etat dessine le cadre d'action des acteurs privés, que ce soit leurs Etats d'origine ou bien ceux de leur implantation. Lire par exemple : Krasner S. D. « Power politics institutions and transnational relations » in Risse -Kappen Th. op. cit. pp. 257-279.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    étatique, la mollesse de la souveraineté1 qui cesse d'être la réalité rigide et inflexible qui constitue le substrat de la pensée réaliste orthodoxe. C'est parce que l'interpénétration des acteurs privés avec l'Etat constitue une modalité incontournable de l'ère de la souveraineté molle que, de plus en plus d'espaces d'émulation de la politique internationale sont devenus des lieux de la constellation des acteurs et de l'excroissance des interactions.

    La gouvernementalité c'est-à-dire « une configuration ou une séquence historique dont on entend analyser le gouvernement comme mode de structuration du champ d'action des individus ou des groupes », cède le pas à la gouvernance2, qui se substitue à la première3. L'un des aspects de la gouvernance tient à sa nature intégrative des logiques éparses et des acteurs multiples. L'on se croirait en présence d'une anarchie gouvernementale mais, dans ce foisonnement, l'hypothèse de la perte de contrôle étatique s'invalide dès lors que la poursuite de la politique et de la diplomatie publiques de l'Etat se fait par des acteurs privés . Certains apparaissent alors comme des maîtres des horloges4, des stratèges qui utilisent au gré de leurs objectifs les composantes privées en exercice sur leurs territoires. Dans ce cas, il faut envisager comme acception pertinente, la privatisation de l'Etat telle qu'envisagée par Béatrice Hibou. Elle dit : « réfléchir sur l'hypothèse de la `privatisation des Etats', c'est se laisser la possibilité de penser d'éventuels nouveaux modes de pouvoirs et de gouvernement, d'entrevoir de nouvelles représentations du politique. C'est également se donner l'opportunité

    1 La souveraineté cesse d'être le totem qui interdirait toute interférence dans les affaires des Etats nation car désormais, à la suite de Janice E. Thomson, l'on peut dire que dans son compartiment « law enforcing », l'action de l'Etat laisse de la place aux acteurs privés, tandis que le « law making », parce que relevant du ressort ultime de l'Etat, peut exclure ceux-ci. Janice E. Thompson « State sovereignty in international relations: Bridging the gap between theory and empirical research » International Studies Quarterly, n°39, pp. 213-233 (1995).

    2 De l'étymologie latine guvernare qui veut dire piloter un navire ou naviguer, le sens premier du vocable gouvernance tend à évoluer vers une idée de l'intégration de la réalité multi-actorielle dans l'élaboration et la conduite des politiques publiques. Les usages coloniaux du concept distillaient déjà l'idée de la collégialité ou du moins de la prise en compte d'avis et acteurs différents de l'Etat dans la conduite des affaires publiques. C'est ce sens qui comporte l'idée de l'intégration des acteurs privés dans le law enforcing qui est restitué ici. Pierre de Senarclens et Yohan Ariffin, La politique internationale : théories et enjeux contemporains, op. cit. pp.184-188. Cependant, la gouvernance, lorsqu'elle est précédée de l'adjectif « bonne », peut également dans certaines de ses définitions, laisser transparaître plutôt que l'aspect intégratif des acteurs privés, le souci de la transparence et de l'impartialité. Ceci n'exclut toutefois pas cela car, la multi-actorité permet un contrôle et une reddition de comptes comme conséquence logique d'une politique publique, dans le cadre de l'évaluation comme moment ultime dans la chaîne de l'action publique. Ainsi, Sophie Lewandowski rappelle la définition de la bonne gouvernance par la Banque mondiale en : « la gouvernance est la gestion impartiale, transparente des affaires publiques à travers la création d'un système de règles acceptées comme constituant l'autorité légitime, dans le but de promouvoir et de valoriser des valeurs sociétales visées par les individus et les groupes ». Lewandowski Sophie « Les compromis d'une ONG burkinabé entre politiques de `bonne gouvernance' et pouvoirs locaux » Afrique contemporaine, vol. 221, n°1, pp. 131-152 (2007)

    3 Bayart Jean François (2004) Le gouvernement du monde, une critique politique de la globalisation, Paris: Fayard.

    4 Philippe Delmas, Le maître des horloges, op. cit.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 269 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    d'envisager les stratégies étatiques qui paraissent en retrait, en déclin, voire en décomposition comme faisant partie du processus de formation continue de l'Etat, comme une nouvelle modalité de production du politique1».

    S'insérant pour les besoins de clarification du paragraphe dans ce couloir de la privatisation des modes étatiques, tendance qui se généralise et échappe désormais au tabou qui jadis, créait des pronaos et des naos, sanctuaires inviolables de la compétence exclusive des Etats, l'on peut penser que l'initiative offre l'occasion d'éprouver au travers de la capitalisation par l'Etat du lien qui l'unit aux acteurs privés, l'hypothèse de la privatisation. Aucun domaine de l'action étatique n'échappe désormais aux acteurs privés dont l'apport s'avère de plus en plus incontournable pour la résolution des problèmes complexes2. Cela dit, ce paragraphe présente une structure en deux temps, le premier temps porte sur le lien entre les Etats et les ONG (A) tandis que le second se penche sur l'interaction entre les Etats et les firmes (B).

    A. La cession de la flexibilité et de l'expertise des ONG au Léviathan

    Les configurations relationnelles dans l'initiative de transparence des industries extractives imposent la distinction entre les transactions dont le maître à jouer est l'Etat d'origine des grandes ONG internationales (1), et celles qui se jouent dans les sites de la mise en oeuvre (2).

    1. Les ONG acteurs d'une diplomatie non gouvernementale au service de l'Etat L'opinion déclare en général l'existence d'un lien collusif entre les grandes puissances et certaines grandes ONG qui exercent dans les pays du Sud. Sans s'abreuver jusqu'à la lie à la source populaire, l'on peut émettre l'hypothèse de la véracité partielle de cette idée répandue.

    1 Ce faisant, Béatrice Hibou souscrit à la gouvernementalité de Bayart. Hibou Béatrice (1999) (dir.) La privatisation des Etats, Paris : Karthala. Il s'agit de faire usage de ce que Achille Mbembe appelle le « gouvernement privé indirect », mode opératoire par lequel l'Etat laisse dans un contexte de crise de l'Etat-total et de l'Etat omniprésent, certaines de ses charges aux acteurs privés pour se replier sur les fonctions régaliennes. Lire Joseph Achille Mbembe (2000) De la postcolonie : essai sur l'imagination politique dans l'Afrique subsaharienne, Paris : Karthala.

    2 L'on peut à ce propos lire l'ouvrage collectif dirigé par Niagalé Bagayoko-Penone et Bernard Hours sur l'implication des ONG dans la production des normes sécuritaires dans les pays du Sud. Bagayoko-Penone N. et Hours B. (dir.) Etats, ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du Sud. Paris : l'Harmattan, 2005. Mais on peut également lire : Sven Bislev « Globalization, state transformation and public transformation » International Political Science Review, vol. 25, n°3, pp. 281-296 (2004) ; Avent Deborah « NGOs, Corporations and security transformation in Africa » International Relations, vol. 21, n°2, pp. 143-161 (2007). Il arrive même que l'Etat se désengage du fait de sa faiblesse des fonctions régaliennes, concurrencé en cela par les acteurs privés. La permanence de l'insécurité et la mollesse de la réponse étatique dans le Delta du Niger a conduit les compagnies pétrolières à instaurer et à piloter les questions sécuritaires en partenariat avec les compagnies privées de sécurité. Antoine Perousse de Montclos appelle le système qui en résulte le « syndrome de Monaco ». Voir Perousse de Montclos M. A « Les entreprises para-privées de coercition : de nouveaux mercenaires ? Pétrole et sécurité privée au Nigeria : un complexe multiforme à l'épreuve du `syndrome de Monaco' » Cultures et Conflits, n°52, 4/2003, pp.117-138.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 270 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Et sur cette base, considérer que la diplomatie des grandes puissances se privatise de plus en plus, ce en totale conformité avec la réalité complexifiée de la politique internationale contemporaine. La déclaration de Boubacar Niane va dans le sens de cette collusion qui favorise l'atteinte des intérêts des Etats occidentaux. Il dit : « les grandes ONG, notamment européennes et nord américaines apparaissent comme des relais de leurs gouvernements respectifs dans la mise en oeuvre de leurs politiques de coopération. Entre autres exemples poursuit-il, on peut noter que entre 70% et 90% des ressources des ONG américaines proviennent du gouvernement américain1 ». Le fait du financement public des ONG ne doit pas susciter de l'étonnement, si l'on échappe à l'illusion de la non gouvernementalité que favorise le sigle. Comme le pensent certains auteurs, les ONG ont connu l'essor et se sont vues assignées des missions humanitaires à la suite des conflits ayant ainsi la tâche ingrate de panser les blessures causées par les Etats, dans la poursuite brutale des objectifs de leurs politiques de puissance2. L'affirmation de la collusion ou mieux, de l'instrumentalisation des ONG par les Etats repose sur le financement3 mais pas seulement, car la lisière entre les deux secteurs paraît très floue4.

    C'est ce qui fait dire à Fernando et Heston que: « But NGOs function within the boundaries set by the states and are subjects to various laws and regulations. Moreover, there is more

    1 Niane Boubacar « Du gouvernement des ONG au Sénégal ? » in Yann Lebeau, Boubacar Niane, Anne Pirion et Monique de Saint Martin (dir.) Etats et acteurs émergents en Afrique, Paris : Karthala/IFRA, 2003, p.88. Mais au-delà de l'affirmation de Niane, l'on sait que le Congrès américain a créé en 1969 l'Inter-American Foundation (IAF) dans la quête d'une nouvelle méthode d'assistance au développement. Elle avait mission de soutenir les organisations privées dans la mise en oeuvre d'une stratégie de développement alternative. Les ONG étaient au premier rang des organisations qu'elle finançait.

    2 Bertrand Badie fonde d'ailleurs sur cette collusion, l'établissement d'un nouvel ordre humanitaire, après la double faillite de l'Etat et du privé dans la gestion de l'humanitaire. Voir Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. pp. 258- 268.

    3 Au Kazakhstan, le financement des ONG par l'Etat est institutionnalisé. D'après la section 5.2 de la Constitution Kazakh, le financement par l'Etat des associations publiques est interdit. Cependant, le code civil kazakh est très imprécis sur le sens à attribuer à l' « association publique ». Du coup, la Loi sur le Contrat Social de l'Etat adoptée le 12 avril 2005 autorise le financement des ONG. Ainsi, en 2005 par exemple, près de 3,5 millions de dollars US ont été alloués aux ONG kazakh. Certes, ce couloir est aménagé pour éviter que les ONG sollicitent des financements extérieurs qui les rendraient autonomes vis-à-vis du gouvernement. Lire Vsevolod Ovcharenko « Government financing of NGOs in Kazakhstan: Overview of a controversial experience » The International Journal of Non-for-Profit Law, vol.8, Issue n°4, August 2006.

    4 Dans certains pays comme la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie, la Roumanie, l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie, il existe des bureaux de liaison établis pour servir d'espace de la coopération entre les Etats et les ONG. Il s'agit d'une formalisation de la complémentarité des deux secteurs. Maria Gerasimova « The liaison office as a tool for successive NGO-government cooperation: An overview of the Central and Eastern European and Baltic countries' experience» The International Journal of Non-for-Profit Law, vol. 7, Issue n°3, June 2005.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 271 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    and more evidence of increasing collaboration between governments and NGOs1» (mais les ONG fonctionnent au sein des Etats et sont sujettes à des lois et régulations. De plus, il y a de plus en plus de preuves d'une collaboration croissante entre les ONG et les Etats). En réalité, c'est la traduction de l'esprit européen qui se construit sur la responsabilisation de la société civile et qui se donne pour but d'exporter ce schéma de gouvernement. Jadis, les ONG avaient un discours alternatif qui se justifiait par le climat de répression qui prévalait dans les régions telles que l'Amérique Latine et l'Europe centrale et de l'Est. Au point que, l'Etat était considéré comme ennemi2. Désormais, avec la fin relative des autoritarismes et la chute du communisme, les problèmes de l'heure exigent moins une opposition qu'une complémentarité entre l'Etat et les ONG. La théorie démocratique qui s'exporte vers les horizons autres met un index particulier sur la participation de la société civile à la mise en oeuvre des politiques3. Sur la base de la supposition de ce lien collusif, l'on peut arguer que la transparence des industries extractives en tant que plateforme qui met en scène des ONG, n'échappe pas à cette logique. Aussi, l'examen de la genèse de ce que d'aucuns ont appelé l' « initiative Blair » révèle-t-il la prégnance d'un changement de politique étrangère en Grande Bretagne, changement qui se fonde sur un caractère éthique de la politique du New Labour. L'adhésion de certains pays à cette démarche témoigne de la conformité de leurs politiques à cette façon intégrative de faire.

    1 Fernando L. Jude et Heston Alan W. « NGOs between states, markets and civil society » The Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 554, n°8, pp. 8-20 (1997)

    2 La réinvention de la société civile que prônent certains auteurs, se justifie par l'avènement de la démocratie libérale qui abrase la pertinence d'un discours alternatif des ONG dans le contexte des autoritarismes. Ainsi, les grandes ONG deviennent des relais de la politique des Etats, non plus pour combattre le communisme et les autoritarismes, mais la revisitation nécessaire des objectifs des ONG les conduit vers les actions en faveur du développement. Or, elles sont plus proches des populations et sont dotées d'une expertise avérée. Faute de procéder à ce revirement impératif, les ONG peuvent se retrouver déconnectées des réalités contemporaines. Lire au sujet de la reinvention des ONG les travaux de Anthony Bebbington notamment, Bebbington Anthony J. « Reinventing NGOs and rethinking alternatives in the Andes », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 554, pp. 117-135 (Nov. 1997); Anthony J. Bebbington, Diana Mitlin et Sam Hickey« Reclaiming development? NGOs and the challenge of alternatives» World Development, vol. 35, n°10, pp. 1699-1720 (2007).

    3 Ce lien collusif perd donc la connotation péjorative car il s'agit d'une façon de faire la politique qui implique totalement la société civile et les ONG qui en sont la composante la plus active et bruyante. L'on peut pertinemment consulter les travaux de Patricja Dabrowska sur la participation de la société civile dans les processus décisionnels de l'Union Européenne. Dabrowska P. « Civil society involvement in the EU regulations on GMOs: From the design of a participation garden to growing trees of European public debate » Journal of Civil Society, vol.3, n°3, pp. 287-304 (Dec. 2007); Dabrowska, P. (2006) Hybrid solutions for hybrid products? EU governance of GMOs, Doctoral Thesis, Department of Law, European University Institute, Florence, 2006. Mais l'on peut également lire pour conforter la vue de la collusion entre les Etats et les ONG comme une modalité de la politique contemporaine: Ekovitch Stephen «Les ONG et la politique étrangère des EtatsUnis »Géostratégiques, n°16, pp. 67-81 (Mai 2007). Lire également l'ouvrage de Henri Rouillé d'Orfeuil (2006) La diplomatie non gouvernementale. Les ONG peuvent-elles changer le monde? Paris : Editions de l'Atelier.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 272 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    En mai 1997, Tony Linton Blair forme son tout premier cabinet. Il annonce dès cet instant sa volonté de refonder la politique étrangère de la Couronne, en opérant un virage éthique et en intensifiant l'aide publique au développement. Robin Cook son ministre des affaires étrangères déclarait le 12 mai 1997 : « Notre politique étrangère doit avoir une dimension éthique et nous devons encourager l'exigence d'autres peuples à obtenir ces critères démocratiques sur lesquels nous insistons nous-mêmes1». Le soutien annoncé pour l'implémentation des critères démocratiques dans les pays pauvres passait donc par une intensification de l'aide2. Aussi, Tony Blair annonçait-t-il à Johannesburg en septembre 20023 que l'aide britannique à l'Afrique passerait à 1 milliard de livre sterling par an dès 2006.

    Le lien collusif entre le gouvernement britannique et les ONG servira de stratégie pour l'atteinte des objectifs de cette nouvelle diplomatie « éthique ». En notant que dans son discours Tony Blair a averti que pareil soutien accordé à l'Afrique « n'est pas de la charité mais un investissement pour notre avenir commun », l'implémentation de la nouvelle stratégie s'appuyait sur les ONG et en cela, Oxfam, Save the Children et Christian Aid sont centrales dans la politique africaine du New Labour. Katharine Quarmby4 pense que Oxfam connaît des échecs dans son activité en Afrique à cause des liens privilégiés qu'elle entretient avec le gouvernement. Sans rechercher ici les issues de la privatisation de la diplomatie étatique, l'intérêt réside dans la démonstration du fait collusif.

    La collusion pour le cas de la politique du New Labour5 qui sert d'exemple mais qui n'est pas un cas isolé, se donne à voir au travers de la proximité des stratégies, dans la communauté des campagnes et dans l'échange de personnels. A la suite de la guerre en Iraq, le premier ministre britannique a vu sa politique étrangère désapprouvée par l'opinion anglaise et même

    1 Robin Cook cité par François Gaulme « Le sursaut africain du New Labour : principes, promesses et résultats » Afrique Contemporaine, Automne 2003, p.74.

    2 L'Overseas Development Administration (ODA) va devenir le Department for International Development (DFID), c'est-à-dire une structure pleinement autonome qui ne sera plus contrôlée comme la première par le Foreign Office.

    3 L'on notera au passage que c'est lors de ce sommet pour le développement durable que le premier ministre britannique avait annoncé le lancement de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives. Voici un extrait de son propos : « l'Afrique est pour moi une passion. Fier de notre leadership pour la remise de la dette, fier des ressources que nous allons dégager pour l'aide au développement, nous voulons donner plus encore à l'avenir... ceci implique d'approfondir notre partenariat avec l'Afrique. Je puis vous annoncer qu'à compter de 2006, la Grande Bretagne accordera 1 milliard de livre sterling par an. Ce n'est pas de la charité, mais un investissement de notre avenir collectif ».

    4 Quarmby K. « Why Oxfam is failing in Africa » New Statesman du 30 mai 2005.

    5 Le cas du New Labour est retenu comme exemple pour démontrer la poursuite de la politique étrangère des Etats par les ONG en raison du rôle que celui-ci a joué dans la conception et la genèse de l'initiative qui constitue l'objet de cette étude.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 273 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    étrangère, elle lui reprochait ce suivisme inconditionnel vis-à-vis de l'administration Bush. L'impératif d'un retour à l'éthique annoncée en 1997 se posait comme condition pour la sérénité politique. Le lancement de la campagne Make Poverty History1 constitua une opportunité de dérouler la corde éthique, en s'appropriant et même en tentant de récupérer la lutte des 450 ONG regroupées autour de la campagne. Les liens privilégiés qui existent entre Oxfam et le gouvernement Blair sont apparus évidents dans le comportement de cette ONG à laquelle les autres reprochaient d'épouser systématiquement les opinions du gouvernement. Mais mieux encore que les supputations sur des liens présumés ou accomplis entre les deux sphères, l'échange de personnel donne un aperçu plus évident du fait collusif entre l'Etat et les ONG. Frank Judd, un ancien directeur de Oxfam a travaillé pour le Labour dans les années 1990, et a été le porte-parole du parti sur les questions de développement international. Shriti Vadera, conseillère de Gordon Brown sur les questions de développement international était un fidéicommissaire de Oxfam tandis que Justin Forsyth fut un directeur de campagne et des politiques à Oxfam avant de devenir un des conseillers de Tony Blair.

    La présentation du fait collusif dans la relation que les Etats instaurent avec les ONG ferait figure de poncif si elle constituait une oeuvre structurée autour de la narration des évidences de la collusion. Au surplus, elle serait un non-evènement politologique tant sont légion les cas de collusion des intérêts privés avec ceux publics. L'Etat, parce qu'il est et se veut être ad vitam aeternam le détenteur exclusif du monopole de la contrainte et de la violence physique et symbolique légitime, ne saurait se voir interdire l'usage à des besoins d'intérêt national et de Raison d'Etat, des éléments constitutifs de sa morphologie. Aussi, l'on comprend la place des ONG dans les « guerres de palais » où comme en Amérique latine, les Etats Unis se sont appuyés sur le prétexte de la poursuite des droits de l'homme par les organisations privées et des professionnels de la société civile en lien avec différentes administrations américaines. Le rôle de la Fondation Ford et de Human Right Watch est de ce point de vue très significatif de la collusion des intérêts américains avec l'action des organisations de la société civile dans l'avancement de la démocratie en Amérique latine2. Cela va dans le sens de Steven Ekovitch qui fait explicitement des ONG américaines les instruments de la politique étrangère

    1 Avec Commission for Africa Report, Make poverty history constituent les instruments de ce que Ankie Hookvelt appelle l' « impérialisme postmoderne ». Ankie Hookvelt « Globalization and post-modern imperialism » Globalizations, vol. 3, n°2, pp. 159-174 (2006)

    2 Voir à ce sujet Yves Delazay et Bryant G. Garth (2002) La mondialisation des guerres de palais. La restructuration du pouvoir d'Etat en Amérique latine, entre notables du droits et « Chicago Boys », Paris : Seuil, notamment le chapitre VIII.

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    américaine. Il dit à ce sujet : « elles (les ONG) peuvent également être engagées dans toutes sortes d'activités dans les pays étrangers, qu'il s'agisse d'Etats ou de sociétés civiles. Leurs activités sont parfois activement soutenues par Washington et sa diplomatie. Dans ce cas, les ONG se transforment au moins partiellement en vecteurs de l'influence américaine1 ».

    En mai 2009, Transparency International en collaboration avec quelques autres ONG telles que Sherpa et Global Witness, a introduit une plainte contre les présidents Sassou Nguesso du Congo, Omar Bongo du Gabon et Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale. Cette plainte déposée auprès du pôle financier du parquet de Paris, a été jugée recevable par madame Françoise Desset et, elle est la seconde du genre après celle de 2007 classée sans suite2. Il est reproché aux présidents ainsi indexés de confisquer les richesses de leurs Etats au détriment des populations qui sont parmi les plus pauvres au monde. Au-delà du récit éthique qui autorise pareille initiative, il demeure que Transparency International et Global Witness semblent servir consciemment ou inconsciemment les intérêts des puissances anglo-saxonnes soucieuses de bousculer le pré carré français, et fragiliser l'influence de la France dans la sous-région Afrique centrale. Sherpa est une ONG établie à Paris. Il est présidé par William Bourdon un avocat qui a défendu William Lee un autre avocat américain. Parmi les mécènes de Sherpa, on trouve Sigfried Rausing Trust qui est basé à Londres mais serait très lié aux Fondations américaines. Il s'agit d'un groupe qui dénonce régulièrement le rôle de la France dans le génocide rwandais. Le plus important contributeur de cette ONG est Open Society Institute, la Fondation de Georges Soros qui investit beaucoup d'argent dans le groupe américain Carlyle un important fournisseur du Pentagone. Très proche de la famille Bush, Soros se serait rallié désormais au nouveau président des Etats-Unis d'Amérique Barack Obama. Sherpa compte aussi parmi ses donateurs Global Witness3. Il ne s'agit pas de se prononcer sur la véracité ou non des faits qui sont reprochés aux présidents visés, mais manifestement la guerre pour un « magistère d'influence » est déclarée entre les puissances pour le contrôle des immenses ressources extractives dont regorgent les Etats du Golfe de Guinée. Et dans cette guerre, les ONG ne sont pas neutres. Cela peut inspirer le même commentaire du rapport du CCFD-Terre Solidaire sur les « biens mal acquis » de certains dirigeants4. Il s'agit de penser que les ONG sont des acteurs incontournables dans la

    1 Steven Ekovitch « Les ONG et la politique étrangère des Etats-Unis »Géostratégiques, n°16, mai 2007, p. 68.

    2 Le 29 octobre 2009, cette autre plainte a été jugé irrecevable par la cour d'appel de Paris.

    3 Voir l'article de Albert Duvillard «ONG en eaux troubles» dans Le Point, n°1924 du 30 juillet 2009, pp. 33-36.

    4 Antoine Dulin et Jean Merckaert « Biens mal acquis. A qui profite le crime ? » Rapport CCFD-Terre Solidaire, Juin 2009.

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    diplomatie des puissances. Ipso facto, Johan Galtung a raison de considérer que les acteurs non territoriaux à l'exception des OTRANG (organisation transnationale non gouvernementale) ne peuvent pas se targuer de quelque indépendance vis-à-vis des Etats. Il dit : « une conclusion évidente se dégage de toutes ces observations : les deux systèmes -le système territorial et le système non territorial- ne sont pas indépendants l'un de l'autre et il n'y a aucune raison d'espérer qu'ils le deviendront. Les systèmes non territoriaux d'aujourd'hui sont des instruments aux mains des unités territoriales qui savent comment les utiliser et comme nous l'avons indiqué, il ne s'agit pas uniquement des grandes puissances1 ».

    Dès lors que l'on cesse d'appréhender les ONG comme des monolithes figés et inamovibles, l'on peut alors les envisager comme des organisations fonctionnelles qui évoluent et sont vouées à des tâches dont l'Etat peut être l'instigateur2. A ce titre, la transaction entre l'Etat et les ONG au bénéfice du premier cesse de relever de l'extraordinaire pour s'inscrire dans la normalité de la politique contemporaine. C'est au travers de ces usages nouveaux des acteurs privés et singulièrement des ONG qu'il faudra lire la souveraineté, réalité molle qui se rend relative, en démontrant le souci de l'autre c'est-à-dire une responsabilité qui induit des transactions entre l'Etat et les ONG. Cette précision rend superflu tout discours sur le fait collusif au service de l'Etat de la mise en oeuvre car, l'exploration de l'hypothèse de l'existence d'une société civile autonome creuset des ONG dans ces aires porte quelque intérêt heuristique en tant qu'elle permet la démonstration de la manipulation des ONG par l'Etat pour la conduite selon le voeu de ce dernier, du processus de mise en oeuvre de la transparence des industries extractives.

    2. L'illusion de la pureté de la société civile dans les aires d'implémentation de l'EITI ?

    L'affirmation de l'inexistence de la société civile dans les Etats de la mise en oeuvre comporte un risque d'exagération, tant on y note la profusion des organisations distinctes des Etats qui y revendiquent l'accès aux processus de décision. L'idée de ce paragraphe est de dire que la manipulation excessive de la société civile par les Etats dans ces espaces territoriaux où la pratique démocratique est en implantation, donne l'impression d'une

    1 Johan Galtung «Un continent invisible: les acteurs non territoriaux...» art. cit. p.76.

    2 C'est ce qui fait dire à Norbert Götz que: « Rather than designating a normative end, NGOs belong to the category of functional concepts such as the state power, structure and agency ». Götz Norbert « Reframing NGOs: the identity of an International Relations non-starter» European Journal of International Relations, vol. 14, n°2, p. 236

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    « dédifférenciation ». La mise en oeuvre de la transparence des industries extractives est une démarche processuelle faites d'étapes qui, comme autant de bornes sur le sentier de la pratique démocratique, indiquent le chemin parcouru. La candidature d'un pays est conditionnée par la constitution d'une équipe de parties prenantes au nombre desquelles les ONG figurent en bonne place en tant que porte-fanions de la société civile.

    L'oubli de la réalité des contextes dans lesquels l'initiative est déployée comme une entreprise de promotion de la norme de la transparence, peut conduire à la glissade vers une conception universaliste de la société civile. La transparence se pose comme impératif précisément parce que le déficit démocratique se donne à voir dans l'absence ou la marginalisation d'une « société civile » qui soit un contre-pouvoir face à l'opacité ambiante, être le gendarme, le porte-parole des faibles. Ainsi, le spectacle de l'invitation des organisations de la société civile au banquet de la transparence offre-t-elle de scènes de l'auto-assujettissement desdites organisations qui se prédisposent à la manipulation étatique. Lorsqu'en 2005 le gouvernement camerounais, soucieux de constituer un comité de suivi de la mise en oeuvre de EITI, se tailla de toute pièce sa « société civile », le fait a suscité le haro des ONG influentes et réputées de la place qui, parce que financées depuis l'extérieur, se présentent comme la société civile camerounaise. En réponse, le gouvernement convoqua près de 300 ONG camerounaises à l'hôtel Mont Fébé de Yaoundé pour leur exposer la situation et surtout, leur demander trois représentants pour le comité. Au terme de la réunion, chaque représentant d'ONG reçut une enveloppe de 50.000 FCFA représentant le remboursement des frais de transport. Cette démarche eut pour effet de semer le trouble au sein des ONG en leur miroitant les rentes de la perspective d'appartenir au comité.

    Ce premier niveau de l'instrumentalisation des ONG par les Etats est généralement suivi par la vulgarisation des jetons de présence qui vont grossissant, selon que les décisions à adopter sont d'une importance capitale pour l'Etat. L'appeal des ONG en rapport avec les jetons de présence1, les rend vulnérables devant les Etats qui, dans la poursuite des objectifs dont l'initiative est un moyen, se servent d'elles comme garantie. En fait, l'illusion que la présence des organisations de la société civile dans les comités de mise en oeuvre est gage de

    1 Le 3 avril 2008, lors d'une réunion du comité EITI Cameroun qui avait pour seul point à l'ordre du jour l'adoption du budget 2008, grande fut notre surprise d'entendre les représentants d'ONG au sein du comité prendre la parole pour demander que soit revue à la hausse le montant des jetons de présence qui s'élevaient jusque-là à 200.000 FCFA. La raison avancée était qu'en ces temps où le baril de brut avait franchi le cap de 100 dollars, 400.000 FCFA ne représentaient que de l'argent d poche car le gouvernement percevait des millions de dollars de l'exploitation pétrolière. Il est apparu comme une atmosphère de concertation préalable entre les membres d'ONG afin de plaider pour une revalorisation des jetons de présence.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 277 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    la bonne volonté de donner corps à la transparence, sert d'opportunité aux Etats qui les utilisent comme assurance.

    De plus, la considération des trois mises en garde de Sydney Tarrow1, précisément celle relative à la rémanence de l'Etat comme acteur politique dominant dans l'espace international, justifie que ce dernier use de ce privilège pour conduire ses affaires en s'appuyant sur les atouts des autres acteurs. La politique mondiale devient dès lors une polité dans laquelle les Etats sont prépondérants car, disposant d'une capacité d'influence sur les autres acteurs notamment les ONG dont ils exploitent l'expertise et les informations en vue de rendre efficientes leurs politiques. Ainsi, les considérations de Paul Wapner qui lit la politique mondiale en terme d'horizontalité (horizontal politics) et pense la politique au-delà de l'Etat2, perdent en pertinence tant les Etats gardent le contrôle sur nombre d'aspects de la vie internationale3. De plus, au plan interne, l'on ne peut pas considérer que les ONG échappent totalement aux Etats pour s'inscrire dans des relations horizontales avec leurs alter ego du monde, puisque l'existence d'une relation verticale au sein même de l'Etat révèle la mainmise de celui-ci sur son territoire et ses administrés.

    Considérant la transparence des industries extractives stricto sensu, l'acceptation même de l'idée de la coproduction d'un environnement démocratique par l'intégration des organisations de la société civile est révélatrice de l'arrière-pensée de capitalisation de l'interaction par les Etats. Ces contextes particuliers dans lesquels la démocratie va à son rythme auraient-ils tout d'un coup l'affect de la responsabilité au point d'envisager l'ouverture dont on sait qu'elle provoquerait la fin de certains régimes ? L'on peut pertinemment appréhender la parlementarisation de l'espace politique dans les Etats de la mise en oeuvre, parlementarisation en tant qu'elle est la tolérance de l'autre que l'on redoute dans un contexte de moeurs politiques civilisées, comme une simulation dans le prolongement

    1 Sidney Tarrow rappelle que très souvent l'on oublie trois leçons que l'histoire nous a enseigné à savoir : premièrement que l'Etat demeure l'acteur dominant dans la plupart des domaines de la politique, malgré le lien fréquemment fait entre les forces transnationales et la globalisation, la politique transnationale a vu le jour bien longtemps avant la globalisation et, les Etats ont souvent aussi mené des politiques transnationales. Sidney Tarrow « Transnational politics: contention and institutions in international politics » Annual Review of Political Science, n°4, pp.1-20 (2001).

    2 Wapner P. (1996) Environmental activism and world civic politics, Albany: State University NY Press.

    3 Comme le montrent certains cas de figure dans lesquels l'Etat se sert des acteurs transnationaux. Lire par exemple Peter Hägel et Pauline Peretz « States and transnational actors: who's influencing whom? A case study in Jewish Diaspora politics during the Cold War » European Journal of International Relations, vol. 11, n°4, pp 67-493.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 278 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    sindjounien1 de la trilogie de Hirschmann. Les ONG seraient alors des objets de conformité des Etats aux normes démocratiques internationales, une démocratie en oripeau dont le lointain aperçu renvoie une image réflexive de la norme promue. Si l'on ne se laisse pas distraire par l'effet d'optique, l'on peut observer que les ONG servent à la formation d'une illusion de conformité démocratique, à la simulation. L'Etat est donc de toute évidence toujours détenteur d'une capacité d'action qui lui permet d'entrer en interaction avec les autres acteurs dont l'émergence semblait sonner le glas, entonner le requiem de l'Etat. Les firmes n'échappent pas à cette instrumentalisation étatique dont la fin est la préservation des intérêts des Etats.

    B. Du consensus opaque à la transparence collusive : les industries extractives et l'Etat, idylle éternelle d'un couple fusionnel

    Le postulat de base de ce sous-paragraphe est l'idée réaliste selon laquelle l'Etat utilise les autres acteurs pour la poursuite de l'intérêt et de la puissance2. En effet, le réalisme, comme le relève Colonomos3 pour le déplorer, considère que l'Etat est un acteur unitaire dont la politique étrangère s'appuie sur toutes les composantes. Pendant longtemps (et aujourd'hui encore), la puissance d'un Etat s'est lue au travers des fleurons de son économie. Le Japon et les USA ont fait fortune par la maîtrise de la technologie productrice et surtout dans le quadrillage des marchés par leurs firmes. L'un et l'autre, dans les applications de ce que Peter Katzenstein et Yutaka Tsujinaka appellent « buying » et « bullying4 », ont confirmé l'impact de l'Etat dans la conduite de la diplomatie d'entreprise. Dans le domaine des mines et hydrocarbures, le caractère stratégique des ressources énergétiques confère aux firmes y exerçant, une certaine identité qui est intimement liée à l'Etat d'origine de celles-ci. L'intérêt national peut être intimement lié à des ressources telles que le pétrole et donc, faire des compagnies pétrolières des acteurs décisifs dans la poursuite des objectifs de la puissance.

    1 Voir Sindjoun Luc « La loyauté démocratique dans les relations internationales : sociologie des normes de civilité internationale » Etudes Internationales, vol.32, n°1, pp.31-50 (mars 2001).

    2 Cette idée qui s'oppose à l'acception de Susan Strange pour qui le marché est un pouvoir autonome, est promue notamment par Robert Gilpin. Lire par exemple Gilpin Robert (1975) US Power and The Multinational Corporations: the Political Economy of Foreign Direct Investment. New York: Basic Books.

    3 Colonomos, A. La morale dans les relations internationales, op. cit. p.61.

    4 Le concept de buying dénote pour ces deux auteurs le fait pour les firmes étrangères d `acquérir des intérêts économiques dans le pays pour exercer une influence indirecte dans le pays hôte. Le bullying consiste pour une firme d'utiliser l'influence directe au plus haut niveau politique pour se donner de l'importance dans le pays hôte. Un troisième concept, celui de binding rend compte de la coopération des firmes avec les bureaucraties et les syndicats des pays hôtes. Peter J. Katzenstein et Yutaka Tsujinaka « `Bullying», `'buying» and `binding»: the US-Japanese transnational relations and domestic structures » in Thomas Risse-Kappen (ed.) Bringing transnational relations back in, op. cit. pp. 79-111.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    D'autre part, lorsqu'on considère les pays hôtes des firmes des industries extractives, la posture statiste voudrait que l'on ne perde pas de vue que les structures domestiques moulent les comportements des acteurs transnationaux1 ; c'est de toute façon la réalité qui sous-tend à la seconde articulation de ce sous-paragraphe. Toutefois, ceci n'excluant pas cela, les acteurs transnationaux sont des acteurs rationnels qui ne se fondent pas totalement dans le moule étatique des comportementalités.

    1. Les firmes transnationales dans la transparence des industries extractives: les contours d'une action des firmes au service de l'Etat

    Les Etats sont dans une logique de poursuite des objectifs de politique étrangère et nul ne peut s'offusquer de ce que la norme éthique de la transparence soit instrumentalisée à cette fin. Lorsque le premier ministre français François Fillon, en visite au Cameroun du 20 au 22 mai 2009 tient un discours mettant l'emphase sur la transparence comme mode opératoire de la politique française en Afrique sous l'ère Sarkozy, il s'agit de l'énonciation d'une logique nouvelle. La transparence des industries extractives est donc la matérialisation de cette nouvelle orientation dans un secteur précis. Par-delà les développements au sujet de la matière, la mise en oeuvre de cette politique s'appuie sur des acteurs publics et privés et, désormais, l'Etat ne compte plus uniquement sur ses démembrements dans le cadre d'une diplomatie classique et d'une para-diplomatie. Parce que les acteurs privés sont devenus des agents d'une diplomatie parapublique au service de l'Etat, les firmes font la démonstration des délices d'une diplomatie d'affaire2 au service de l'Etat. Peut-on encore dès lors parler de réalisme ? Certainement !

    Sur la foi de quatre éléments3, le réalisme se présente comme la théorie de la puissance et de l'intérêt. La moralisation de la politique étrangère des Etats permet d'atteindre des buts de

    1 Lire à ce sujet l'ouvrage collectif dirigé par Thomas Risse-Kappen sur les acteurs transnationaux, précisément les contributions de Stephen Krasner « Power politics, institutions, and transnational relations » in Risse-Kappen (1995) op. cit. pp. 257-279. Mais aussi Cal Clark et Steve Chan « MNCs and developmentalism: domestic structure as an explanation for the East Asian dynamism » in Risse-Kappen (1995) op. cit. pp. 112-145.

    2 La notion de diplomatie d'affaire ou corporate diplomacy décrit cette forme de diplomatie conduite par les firmes et donc les retombées sont bénéfiques pour les Etats. Elle rime avec une loyauté nationale. Voir par exemple Richard J. Barnet et Ronald E. Müller (1975) Global reach :... op. cit. pp. 72-103.

    3Il s'agit comme le rappelle encore Dario Battistella de : la prévalence de l'anarchie dans le système international, les Etats-nations comme acteurs rationnels qui cherchent à maximiser leur intérêt national défini en terme de puissance, la prévalence du rapport de force ou l'équilibre de la puissance qui permet de maintenir une paix précaire et les Etats-nations considérés comme les acteurs principaux des relations internationales. Voir Battistella Dario « Le réalisme réfuté ? » Etudes Internationales, vol. 34, n°4, pp. 615-616, décembre 2004.

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    puissance1 ; il ne s'agit donc pas d'abandonner la maxime de l'intérêt et de la puissance, mais d'intégrer les exigences de ce temps2 dans la conduite des affaires du monde car, le temps de la Guerre Froide est révolu. De plus, par delà les temps et les époques, la notion d'intérêt demeure transversale dans la conduite des Etats. La prise en compte des acteurs nouveaux libérés du musellement de la Guerre Froide n'épuise pas le domaine des efficiences du réalisme mais, l'enrichit des considérations nouvelles. C'est le vin nouveau dans de nouvelles outres, le risque d'implosion est nul, l'anomie n'est pas envisageable. Ceteris paribus, la pertinence de ce réalisme moral se lit au travers des usages étatiques de la diplomatie corporative.

    Si la crise philippine3 de 1973 a révélé une firme américaine en opposition avec la politique de la Maison Blanche, le rôle de ITT dans le renversement de Salvador Allende par le général Augusto Pinochet dans la même décennie 1970 illustre les interpénétrations qui existent entre les Etats et leurs firmes dans le design des régions géopolitiques. Dans la droite ligne de la démonstration de cette collusion selon qu'elle est le fait de l'Etat qui mène les jeux, s'inscrit cet espace, en considérant le cas précis de la transparence des industries extractives.

    Le premier niveau de lecture de la diplomatie d'affaire comme tremplin de la politique étrangère des pays d'origine des firmes est la tempérance du climat social comme incidence de la transparence des industries extractives. Les firmes ont leur part de mérite dans cet état de fait. La stabilité sociale repose sur des variables telles que le bien-être social. Il n'y a de paix que dans un environnement de repus. Or, les firmes des industries extractives constituent des vecteurs de développement dans ces sociétés richement dotées de ressources du sous-sol. Dans la quête d'un climat social stable dans les espaces de mise en oeuvre de l'initiative, climat qui arrangerait les affaires des Etats développés, les industries extractives ont une responsabilité cruciale dans la pacification des Etats. D'ailleurs, ces dernières ont quelques

    1 C'est pour cela que Adrian Hyde-Price assimile l'action de l'Europe qui se définit comme une puissance éthique, à une déclinaison du réalisme structurel. Lire notamment Hyde-Price A. « A `tragic actor' ? A realist perspective on `ethical Europe' » International Affairs, vol. 84, n°1, pp.29-44 (2008) ; Hyde-Price A. « Normative power Europe : a realist critique » Journal of European Public Policy, vol. 13, n°2, pp. 217-234 (March 2006).

    2 A ce titre, le smart power qui est la politique du bâton et de la carotte s'applique mieux, évitant d'adopter des politiques étrangères déconnectées des réalités inhérentes aux espaces de la mise en oeuvre. Le smart power comme paradigme mesuré alterne l'usage de la puissance hard et de la puissance soft. Voir Ernest J. Wilson, III « Hard Power, Soft Power, Smart Power» The Annals of the American Academy of Political and Social Science, n°616, pp. 110-124 (mars 2008).

    3 En 1973, la filiale locale de Exxon aux Philippines refusa de vendre du pétrole à la Navy dans la baie du Subic par solidarité avec les pays arabes qui voulaient boycotter les produits américains.

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    fois été des acteurs importants dans le délitement du climat politique des pays. La pacification du climat social par la participation au bien-être des populations passe par l'implication des firmes dans le processus de développement des régions d'opération, au-delà des revenus qu'elles engendrent aux Etats. Conocco Phillips a crée dans ce sens, des structures de concertation pour penser en coopération avec les populations riveraines de ses raffineries, les meilleurs formules de développement. Les Community Advisory Council (CAC) et les Citizen Advisory Panel (CAP) sont ces espaces de concertation1. Ils ont par ailleurs, le mérite de contribuer à la pacification du climat par le dialogue qu'ils favorisent et empêchent ipso facto la montée des violences du fait du saut de leur couche par les compagnies en quête de la seule reconnaissance étatique. Ce souci de pacification et de pérennisation de la paix sociale a conduit le groupe Anglo American à solliciter un vote des populations locales sur un projet autorisé par le gouvernement péruvien. En effet, en avril 2007, la firme a reçu le quitus du gouvernement pour le projet d'exploitation de Michiquillay au nord du Pérou. La compagnie, soucieuse de la paix sociale dans les sites d'opération, a sollicité le vote des populations de Michiquillay et de La Encanada. Celles-ci ont approuvé le projet à 60% et il s'agit d'un projet de 403 millions de dollars dont la moitié est censée être affectée au développement des communautés2. Ainsi, par simple « raison pratique », les Etats-soutien à l'initiative auraientils intérêt à s'appuyer sur les pratiques de transparence adoptées par les compagnies originaires de leurs espaces territoriaux, pour fabriquer la stabilité politique dans leurs espaces de convoitise ou d'influence.

    Corrélativement, les coups d'Etat et rebellions encouragés par les concupiscences développées par la perspective d'un contrôle des gisements de ressources et la manne qui en découle3, peuvent connaître un bémol avec l'institutionnalisation de la transparence comme façon de gouverner. En effet, nul ne peut ignorer le potentiel nuisible de l'opacité dans ce qu'elle laisse penser que l'accès au pouvoir est synonyme de contrôle des richesses sans exigence de responsabilité. La vulgarisation des warlords tels que Charles Taylor, Jonas Savimbi et Laurent Nkunda prend un ancrage dans la conviction de ce vacuum et s'appuie sur

    1 Conocco Phillips' Sustainable Report 2006, p. 10

    2 Anglo American, Making difference, Report to society 2008, p. 38.

    3 Voir les travaux de Paul Collier au sujet des déterminants économiques dans la survenue et la continuation des conflits. Mais également certains travaux qui, transcendant la dichotomie greed/grievance dans l'explication des conflits, expliquent aussi en partie ceux-ci par les déterminants économiques. Notamment, Karen Ballentine et Heiko Nitzschke, «Beyond greed and grievance: Policy lessons from studies in the political economy of armed conflict », International Peace Academy report, October 2003.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 282 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    les connections extérieures qui facilitent par le fait globalisateur, l'écoulement dans les marchés informels et parallèles des produits de ce braconnage social1.

    De même, l'opération de séduction des « alliés silencieux » que sont les autres peuples, s'appuie sur la revisitation des modèles de politique étrangère. L'intérêt national des puissances du monde développé a cessé d'être défendu uniquement par une cooptation des élites au pouvoir. L'expérience du golfe arabo-persique a démontré que la longue entente entre les puissances et les leaders quelques fois contestés et légitimement contestables, a créé un déphasage entre les actions des puissances et les aspirations des populations. Considérant le cas des Etats-Unis au Golfe, Henry Hyde s'interrogeant sur les raisons qui y ont conduit au développement de l'image caricaturale et destructrice des Etats-Unis y répond en disant : « Il apparaît de plus en plus clairement qu'une grande partie du problème vient de l'inefficacité et souvent de la vétusté de nos méthodes2 ». Il naît donc la nécessité d'utiliser un peu d'idéalisme dans la poursuite de la sécurité nationale américaine. Il poursuit en disant : « Mon raisonnement est le suivant : En nous concentrant sur nos relations avec les gouvernants étrangers et les organisations internationales, nous en sommes venus à négliger un groupe de puissants alliés : les autres peuples du monde3 ». Ces peuples qu'il qualifie d' « alliés silencieux » défendront mieux les intérêts américains. Il faut tout simplement oeuvrer à se faire connaître par eux, les intégrer dans le plan du développement du monde. Ce, d'autant plus que le terrorisme est en partie l'expression d'une impuissance. Celle d'un peuple au banc de la société et qui n'a plus d'espoir. Porter l'espoir à ces peuples par la liberté, la justice et le développement économique est un objectif de la nouvelle stratégie américaine de sécurité nationale. Mais, « la propagation de ces principes à l'étranger bénéficie non seulement aux populations d'autres pays, mais renforce également la sécurité nationale des Etats-Unis en réduisant les risques de conflits entre les nations4». La condition de ce développement est un usage transparent et rationnel des énormes ressources dont regorgent les sous-sols de ces aires privilégiées de pauvreté. L'adhésion des firmes au jeu de la transparence participe donc de la facilitation de l'atteinte des objectifs ainsi déclinés sous la forme du réalisme éthique.

    1 Lire à ce sujet William Reno, Warlord Politics and African States, op. cit.

    2 Hyde Henry 2002, «La diplomatie publique et la politique étrangère des Etats-Unis: parler à nos alliés silencieux » Revue électronique de Département d'Etat américain ; vol.7 n° 4, p. 25, (décembre 2002).

    3 Hyde, art. cit. p. 26.

    4 Lieber (K) et Lieber (R)., «La stratégie de sécurité nationale du président Bush » Revue électronique du département d'Etat américain. vol.7, n° 4, p. 29 (décembre 2002).

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    La problématique de la transparence peut être intimement liée à la question de sécurité. Audelà de la simple suspicion, on peut pertinemment penser que l'exigence de transparence est consubstantielle à l'idée de sécurité nationale1 des Etats-soutien. Dans la poursuite de la sécurité énergétique des pays développés, surtout en ces temps d'instabilité des points géopolitiques2à laquelle il faut adjoindre la raréfaction des ressources qui sont non renouvelables, un usage transparent des revenus permettrait de codifier l'exploitation, en mettant un frein à l'exploitation anarchique. Un scramble vers les ressources du sous-sol dépouille l'humanité des ressources utiles à sa préservation, mais plus encore, ces ressources relèvent de la sécurité nationale de certains Etats, sécurité définie en terme énergétique3. Les firmes sont d'autant plus agents de la diplomatie d'affaire au service des Etats que, il est arrivé qu'elles comptent parmi leur personnel des agents secrets acteurs d'une diplomatie secrète dans un contexte de rivalité entre les puissances. Aussi, Loïc-le-Floch Prigent rapporte que Pierre Guillaumat qui fut désigné par le général De Gaulle pour le Bureau de Recherches du Pétrole (BRP), avait réussi à lier les opérations de la SDECE française avec celles de Elf Aquitaine. Il en est de même des activités de Maurice Robert qui, en Afrique, a lié les activités de la section africaine de la SDECE avec Elf au point que cette firme était devenue un repère des agents secrets ayant mission de maintenir le contrôle de la France sur ses ex-colonies. Les firmes extractives seraient donc dans cette configuration, des agents de la préservation de la sécurité énergétique des Etats. Mais une sécurité dont la poursuite a changé, passant de la collusion opaque à la collusion transparente car, leur pratique de la transparence est bénéfique aux Etats qui en même temps qu'ils voient assurés pour longtemps leur approvisionnements énergétiques, ont aussi accès aux revenus des Etats et donc, assurent leur sécurité en terre étrangère par une prévention de l'irruption des menaces transnationales sur leurs théâtres nationaux. A ce dernier sujet, l'on sait que depuis le début de la guerre totale contre le terrorisme au lendemain du 11 septembre 2001, la levée partielle du secret bancaire aura permis la découverte des immenses sommes déposées dans les banques occidentales par les pontes des régimes des Etats nanties de ressources extractives. C'est en partie sur la base de la preuve de ces avoirs que l'ex-ambassadeur américain au

    1 Une approche sectorielle de la sécurité selon l'appréhension de certains auteurs. Voir par exemple Niagalé Bagayoko-Penone et Bernard Hours (dir.) Etats, ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du Sud, op. cit. Partie IV.

    2 Le Golfe arabo-persique qui se présente comme un espace instable pour les intérêts étrangers depuis la seconde guerre du golfe, le golfe d'Aden qui est devenu un haut lieu de la piraterie maritime, le golfe de guinée menacé désormais par les mouvements rebelles du Delta du Niger qui ont les moyens de la pratique de la piraterie maritime.

    3 Lire à ce sujet Pierre Péan (1983) Affaires africaines, Paris : Fayard.

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    Cameroun M. Niels Marquardt a prôné l'application de l'article 66 de la Constitution camerounaise et soutenu la guerre contre la corruption et les détournements des fonds publics1.

    L'importance des firmes des industries extractives dans les pays à économies fragiles renseigne sur la place de la conditionnalité démocratique dans la signature des contrats d'exploration et d'exploitation. Les Etats-soutien usent donc de leurs firmes comme des facilitateurs dans la promotion de la consolidation démocratique. En somme, la collusion utilitaire entre les Etats et les firmes pour l'exaltation des intérêts étatiques se lit dans la conscience des objectifs poursuivis par les Etats en matière énergétique, sécuritaire et géopolitique. Dès lors, dans l'attente de fabrication d'un espace de démonstration de la transaction collusive au profit des firmes, il est de bon ton de penser que dans la poursuite de ces objectifs précédemment indiqués, les Etats utilisent les firmes. En dépit de l'absence de données indicatives de cette collusion, absence qui s'explique par le caractère secret de ce type de pratique qui ne se donne pas à voir au premier abord, l'esquisse théorique de ce soupçon a nourri le discours sur cet espace discursif. Les indicateurs de cette collusion orientent également vers les sites de la mise en oeuvre où l'Etat hôte des firmes se sert de leur présence pour, par le fait de l'initiative, engranger un capital utilitaire propice à l'avancement de ses buts de politique intérieure et étrangère.

    2. Les structures domestiques et les firmes multinationales des industries extractives : les usages étatiques des firmes dans la politique des Etats hôtes.

    L'entrée des firmes dans les Etats hôtes quoique faibles sur le plan institutionnel, ne se fait pas comme l'entrée dans un pandémonium. La faiblesse de ces Etats ne les rend pas similaires à des terrae nullius où l'auctoritas n'existe pas, et où la capacité d'influence de la part des institutions étatiques n'existe pas. De même que les firmes, parce qu'acteurs transnationaux ne peuvent impacter sur les structures domestiques avec des nuances selon les structures en

    1 L'article 66 de la constitution camerounaise du 18 janvier 1996 dit : « Le Président de la République, Le Premier Ministre, les membres du Gouvernement et assimilés, Le Président et les membres du bureau de l'Assemblée Nationale, Le Président et les membres du bureau du Sénat, les députés, les sénateurs, tout détenteurs d'un mandat électif, les Secrétaires Généraux des Ministères et assimilés, les Directeurs des administrations centrales, les Directeurs Généraux des entreprises publiques et para - publiques, les Magistrats, les personnels des administrations chargés de l'assiette, du recouvrement et du maniement des recettes publiques, tout gestionnaire de crédits et des biens publics, doivent faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début et à la fin de leur mandat ou de leur fonction. Une loi détermine les autres catégories de personnes assujetties aux dispositions du présent article et en précise les modalités d'application ».

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 285 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    question et selon le degré d'institutionnalisation internationale1 de la transparence des industries extractives, de même les structures domestiques ne sont-elles pas de monolithes muets et figés. L'Etat hôte appréhendé comme une structure domestique, informe sur le désir de considérer non pas les structures sociétales, mais davantage les institutions politiques et dans une certaine mesure, les réseaux politiques reliant ceux-ci aux premiers2. Autrement dit, il s'agit de considérer comme Krasner3 que l'Etat est dans l'interaction avec les acteurs transnationaux, le moteur dont la structure doit mouler les autres acteurs. C'est reconnaître à l'Etat une certaine souveraineté qui exclut toute essence passive d'un acteur dont le territoire reçoit, et dont l'autorité s'exerce dans l'octroie de l'autorisation d'opération aux firmes des industries extractives. Persévérant dans l'appréhension relative de la souveraineté étatique, la reconnaissance de la capacité d'influence de l'Etat sur les acteurs transnationaux en exercice sur son territoire permet de rendre raison de l'opérationnalisation des firmes des industries extractives par l'Etat. Il s'agit de penser qu'au-delà de l'influence passive de l'Etat sur les acteurs transnationaux qui pénètrent son territoire, ce dernier peut activement utiliser ces acteurs pour des buts servant son intérêt. Le cas des firmes extractives selon qu'elles sont engagées dans une transaction complexe avec les Etats qui en récoltent les prébendes est digne d'intérêt.

    La paix sociale est une quête perpétuelle dans les sociétés politiques4et l'accréditation des firmes contribue à la pacification et au maintien de la stabilité. L'hypothèse de la démocratie comme gage de la paix sociale est ici retenue, lisible au travers de l'implication des firmes dans la transparence. La rébellion du mouvement touarègue du MNJ au Mali repose sur la

    1 Thomas Risse-Kappen pense que l'impact des acteurs transnationaux ou des coalitions d'acteurs transnationaux sur les Etats d'accueil est variable selon ces deux éléments. Thomas Risse-Kappen (Ed.), Bringing Transnational Relations Back in, op. cit.

    2 Risse-Kappen traduit le concept de domestic structure en lui conférant le contenu d'institutions politiques, structures sociétales et réseaux politiques servant de pont entre les deux niveaux de l'Etat. Risse-Kappen op. cit. p. 20

    3 Stephen D. Krasner « Power Politics, Institutions and Transnational Relations » in Thomas Risse-Kappen, op. cit. pp. 257-289.

    4 Cependant, il ne faut pas considérer que la paix est une recherche généralisée dans les sphères de gouvernement. Il ne faut pas perdre de vue que certains s'accommodent du gouvernement par la violence. Pis encore, certains dirigeants s'accommodent du climat de violence qui seul peut leur céder le droit de conserver le pouvoir. La Côte d'Ivoire est un exemple où la violence a servi tant à Guillaume Soro qu'au président Gbagbo. L'on peut penser que le rétablissement de la démocratie aurait exclut du jeu certains acteurs en manque de légitimité extensive. Et que l'entretien du climat de guerre qui a rendu possible le renvoi continu des élections aura permis un sursis du président Gbagbo au pouvoir, étant donné que dans le cadre des élections à venir en novembre 2009, nul ne peut prédire le camp victorieux. A propos de l'absence de paix comme instrument de gouvernement, lire par exemple Chabal P. et Daloz J.P. (1999) Africa works : Disorder as political instrument, Bloomington et Indianapolis : Indiana University Press. Mais l'on peut aussi lire les travaux de Charles Tilly qui ressortent la violence comme facteur de la création des Etats. Charles Tilly (1975) (ed.) The formation of national state in Western Europe, Princeton: Pinceton University Press.

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    revendication d'une part conséquente des revenus de l'uranium dont est dotée la région touarègue d'Arlit. Le sentiment d'injustice nourri par l'opacité qui est entretenue par la transaction collusive entre le gouvernement malien et la firme française AREVA peut avoir compté parmi les facteurs explicatifs de la naissance des mouvements tels que le MNJ et à des partisans tels que Ali Agbanga. Les rébellions successives et atomiques du Tchad faisant du Darfour voisin une base arrière, sont omnibulées par le pétrole que le consortium ExxonChevron-Petronas extirpe du bassin de Doba dans le sud tchadien. De même, l'instabilité chronique dans le Delta du Niger, instabilité entretenue par un foisonnement de mouvements armés1 se justifie par l'action des firmes pétrolières qui sont dans une transaction opaque et collusive avec le gouvernement fédéral et les élites locales. En réalité, la carte politique dans les trois Etats pétroliers du Delta du Niger ne saurait se jouer sans les compagnies pétrolières qui financent, soutiennent et assurent l'essentiel des réalisations sociales en terme de routes, dispensaires et autres écoles, afin de pacifier le climat lourd de révolte2. Le soutien des firmes est ainsi capital pour les élites politiques de cette région qui instrumentalisent les bandes armées pour inciter une plus grande dépendance des compagnies vis-à-vis d'elles, dans l'optique de la pacification. L'absence d'un fair play anime le sentiment de frustration et d'injustice qui est à la source de la rébellion armée. La banalisation de la violence devient un mode d'accès au pouvoir plutôt que la démocratie qui abhorre la violence et la forclos.

    Dans ce climat de banalisation de la violence, les firmes constituent un acteur clé dans la mise hors jeu des mécanismes de barbarie dans la conquête du pouvoir. Aussi, même si les délices de l'opacité interdisent toute jubilation et tout empressement de la part des Etats qui y voient fondre les milliards de francs de l'absence de transparence, l'adhésion des firmes à la transparence entraîne quelque accalmie et le gage que les démons de l'opacité peuvent céder la place à une transparence effective qui rendraient aux populations locales souvent marginalisées, la pleine appartenance à l'Etat, par le bénéfice des revenus des ressources de leurs terres3. A ce sujet, Chevron qui est investi dans l'exploitation pétrolière dans le Delta du

    1 On y recense beaucoup de mouvements rebelles, notamment : Niger Delta People's Volunteer Force (NDPVF), de Alhaji Dokubo, Niger Delta Vigilante (NDV), de Ateke Tom et d'autres mouvements tels que Icelanders, Greenlanders, KKK, Germans, Dey Gbam, Mafia Lords, et Vultures qui furent formés dans les années 1990 comme des fraternités dans les universités.

    2 En 2009, le président nigérian M. Moussa Yar'Adua a présenté une offre d'amnistie aux groupes rebelles qui acceptent de déposer les armes. Le 3 octobre de la même année, Tom Akete a accepté cette offre d'amnistie.

    3 En général, les peuples dont les terres abritent les ressources quant celles-ci ne sont pas off-shore, se voient souvent dans un contexte d'opacité, écartés de la gestion des revenus et c'est en cela que réside la survenue des conflits et rébellions armés. Tel est le cas des Touarègues du Mali, des peuples du Delta du Niger (principalement les Itsikeris, les Urhobos et les Ijaws), les darfouri (populations noires du Darfour). C'est au

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Niger, a signé entre 2005 et 2006, des memoranda d'entente global avec huit groupes de communautés locales ainsi que leurs gouvernements. Le but visé était de créer des outils de développement propices à la pacification du climat social dans cette région où, les multiples frustrations ont favorisé l'escalade de la violence. Ainsi, au titre de ces memoranda, des Regional Development Councils (RDC) ont vu le jour, afin de passer de la philanthropie à un modèle de développement durable et participatif profitable aux communautés. C'est dans le cadre de ces RDC que les projets d'électrification rurale, de construction des routes, écoles et dispensaires pilotés par Chevron sont financés. Depuis la signature des memoranda, la compagnie affirme avoir déboursé plus de 32 millions de dollars pour la réalisation des projets définis avec les communautés1. Les firmes deviennent ainsi des coproducteurs de la paix sociale dans les cadres territoriaux des Etats selon le principe de la transparence comme gage de la paix.

    De plus, les Etats ont besoin des firmes pour produire des richesses et absorber l'immense couche de la population qui manque d'emploi. En plus de l'investissement direct étranger que drainent les firmes du secteur extractif en direction des pays hôtes, elles créent des emplois. L'adhésion des firmes à la transparence est le signal envoyé aux potentiels agents de production des richesses et des emplois dans les industries extractives. Surtout que, la plupart de pays engagés dans l'initiative comptent pour beaucoup sur les richesses de leurs sous-sols pour booster leur développement. De toute évidence, l'engagement des firmes dans la transaction complexe qui prévaut dans la transparence des industries extractives participe du soin de l'image de l'Etat hôte. Le risque-pays s'en trouve amoindri, laissant ainsi aux compagnies autres qui sont en quête de lieux sûrs d'investissement, l'attrait pour ces sites jadis damnés en raison des syndromes de l'instabilité chronique qui se développait autour des industries extractives.

    Section 2 : La connotation utilitaire de l'action non gouvernementale dans la transparence des industries extractives

    Les Etats n'ont nullement le monopole de la diplomatie publique2. Comme le démontre Eytan Gilboa1, l'absurdité consisterait à imputer la diplomatie publique aux seuls Etats ; car,

    Tchad que curieusement la guerre pétrolière est une guerre fratricide opposant les Zaghawas et quelques fois même les cousins i. e le président Déby et ses frères tels que Mahamat Nour.

    1 Chevron, «Developing partnerships », Corporate Social Responsibility Report 2008.

    2 La diplomatie publique ne doit pas être comprise uniquement comme l'action extérieure de l'Etat. Elle est en
    réalité toute action entreprise en direction des populations d'un autre Etat dans le but d'influencer les actions de

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 288 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    le contexte post-guerre froide se caractérise par l'importance des acteurs non étatiques dans les affaires internationales. En même temps, les acteurs non étatiques ne sont pas irrationnels au point de constituer des fantoches d'une diplomatie publique uniquement bénéfique aux Etats. Si l'idéologie démocratique lève les foules et mobilise les acteurs de moult bords, si les acteurs privés impliqués dans le déploiement de la diplomatie étatique servent par volonté ou par destination les intérêts des Etats, la fièvre idéologique n'a pas réussi par les convulsions spasmodiques, à dépouiller ceux-ci de leur rationalité. L'homo ideologicus n'est donc pas aussi irrationnel qu'il ne paraît2. Dès lors que l'on a retenu cette posture qui reconnaît aux acteurs privés quelque rationalité qui peut s'exercer dans l'initiative de transparence des industries extractives, l'on peut donc pertinemment considérer que les ONG et les firmes impliquées dans l'initiative jouent dans les transactions qui les mettent en relation les uns avec les autres et avec les Etats, la carte de leurs intérêts. Et ce faisant, au-delà de la cristallisation de l'attention sur les intérêts au sein d'une initiative qui se veut le véhicule d'une norme éthique, c'est la souveraineté qui dévoile sa nature relative et se donne à voir non pas comme l'ombre diaphane d'un principe mort, mais comme un principe changeant et au fait des changements des temps présents.

    La juxtaposition de la problématique de la souveraineté relative et de la relative distance entre l'éthique et l'intérêt est le fil d'Ariane de cette étude. L'emphase mise à quelque moment de l'argumentation ne doit pas distraire de cette cohérence qui se veut la matrice de l'analyse. Aussi, tout en faisant la démonstration de la prévalence des intérêts dans la conduite des acteurs privés, il ne faut pas rester omnibulé par le récit utilitaire qui épuise le récit éthique des ONG (paragraphe I) et des firmes des industries extractives (paragraphe II).

    Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales et le spectacle de l'altérité : l'EITI, un théâtre de l'humanisme captieux

    leur gouvernement. Elle peut être le fait d'un Etat, mais depuis la fin de la guerre froide et l'émergence de nouveaux acteurs, elle est également menée par les acteurs non étatiques. A propos de la diplomatie publique, lire par exemple : Malone, Gifford. «Managing public diplomacy», Washington Quarterly, vol. 8, n°3, pp. 199- 213 (1985). Leonard, Mark. (2002) Public diplomacy, London: Foreign Policy Centre.

    1 Dans son examen critique des réflexions sur la théorie et la méthodologie dans la diplomatie publique, Gilboa appréhende celle-ci comme étant le fait des Etats et des acteurs privés. Eytan Gilboa « Searching for a theory of public diplomacy » The Annals of the American Academy of Political and Social Science, n°616, pp. 55-77 (march 2008).

    2 Telle est la thèse de Raymond Boudon. Lire Boudon Raymond (1986) L'idéologie Paris : Fayard.

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    Le pessimisme non-gouvernemental de Bernard Hours1trahit la probabilité d'un récit captieux s'agissant de l'humanitaire proclamé à cor et à cri par les organisations non gouvernementales. Telle est l'idée que s'attele à démontrer ce paragraphe en s'articulant autour des transactions multiples qui lient les ONG des deux types d'Etat (c'est-à-dire les Etats d'origine et les Etats hôte des ONG). La complexité transparaît dès l'imagination des interactions possibles entre ONG, les ONG et les Etats, les ONG et les firmes. Pour des commodités de cohérence, les deux sous-paragraphes vont obéir à une logique arbitraire qui se fonde sur les interactions privées (A) et les transactions qui mettent en scène l'Etat et les ONG (B).

    A. Les fruits de l'interaction privée : les ONG au coeur des transactions utilitaires dans l'initiative de transparence des industries extractives

    De l'avis du professeur Sindjoun, « la formation d'un réseau d'ONG luttant pour la bonne gestion des ressources issues de l'exploitation pétrolière au Tchad, leur action relayée par les partenaires et sponsors occidentaux entraînent l'intensification de la crise de la souveraineté de l'Etat tchadien sur ses ressources naturelles2». Si la crise renvoie au tournant, alors l'on peut souscrire à cette affirmation, considérant que la souveraineté est ainsi passée à l'étape de sa relativisation c'est-à-dire que désormais, la question des ressources naturelles ne peut plus être la chasse gardée de la seule compétence des Etats. Ainsi, les ONG comptent parmi les multiples acteurs impliqués dans la gestion des revenus des produits du sous-sol et du sol. Le débat se serait avéré très bref si tel était le point d'ancrage réel du discours. Mais en plus de la relativité de la souveraineté qui se donne à voir dans l'implication des acteurs nouveaux dont l'émergence et l'affirmation sont des signes de la position théorique considérée, la complexité des interactions qui les mettent en branle mais davantage, la spéciosité de leur engagement éthique qui trahit une quête des rentes matérielles et immatérielles de l'engagement dans l'initiative sont les ressorts de cet espace. Que le lecteur ne dissocie point les deux problématiques, puissent-elles toutes deux servir de boussole à quiconque lit cette étude : la relativité de la souveraineté se donne à voir dans la multiplication des acteurs, aux transactions complexes qui les lient, mais la relativité de l'opposition entre l'éthique et l'intérêt complète le tableau de la scène écrite de notre étude.

    1 L'anthropologue Bernard Hours est très sceptique quant à la capacité des organisations non gouvernementales à produire une action humanitaire dépouillée de la prééminence de l'intérêt. Lire par exemple : Hours Bernard (1998) L'idéologie humanitaire ou le spectacle de l'altérité perdue, Paris : l'Harmattan.

    2 Sindjoun Luc (2002) Sociologie des relations internationales africaines, Paris : Karthala, p. 119.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Les organisations non gouvernementales impliquées dans l'initiative de transparence des industries extractives offrent une unième occasion de discourir sur les motivations intéressées de l'action prétendument humanitaire des acteurs privés. Dans les multiples relations qu'elles ont avec les firmes et les unes les autres, nombre de retombées donnent l'impression d'un bal des dupes.

    1. Une logique de diversification des sources de légitimité : la transparence des industries extractives pourvoyeuse d'un supplément de légitimité

    Dès lors qu'on trouve consensus autour de l'idée que la distance proclamée des ONG vis-à-vis de l'Etat et du marché est devenue inexistante1 et que la promiscuité des différents acteurs de tous les ressorts est un non évènement scientifique, il serait intéressant de croquer les sources de légitimité que procure une adhésion aux principes de la transparence des industries extractives, de consulter le vade-mecum de l'hypocrisie organisée des organisations non gouvernementales. L'on ne peut comprendre les luttes pour une accréditation dans les comités de mise en oeuvre de l'initiative, que par moult incidences qui font sens. Faire partie de cette élite qui siège pour traiter le cancer de l'opacité est en soi un privilège car source de légitimité. Dans cette ère postmoderne, la régulation politique crée de la place pour les acteurs nouveaux2 et, les ONG sont devenues des messies annonciateurs d'une salvation des pauvres dont l'opacité s'est avérée un joug lourd dont il faut les soulager. Le message ou mieux, le récit est plutôt captieux que porteur d'une puissance cathartique réelle. Cette réalité transparaît au travers de l'ambiguïté qui prévaut entre le discours dénonciateur et radical qui met en scène une opposition éthique avec les Etats et les firmes, tandis qu'en même temps, ce radicalisme rhétorique fond devant la pratique non gouvernementale qui est plutôt collusive vis-à-vis des autres acteurs de la triade3. Aussi, peut-on dénoncer le mépris d'une quête du soutien populaire des ONG qui pourraient ainsi s'allier aux populations qu'elles disent défendre, afin de densifier la pression sur les Etats et les firmes. A cela, un membre de la coalition camerounaise4 a rétorqué que ce serait créer des problèmes supplémentaires et que le

    1 Jude L. Fernando et Alan W. Heston « NGOs between states, markets and civil society » The Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 554, n°8 pp. 8-20 (1997).

    2 Boisson de Chazournes L. et Mehdi R. Une société internationale en mutation...op. cit.

    3 Pech Thierry et Padis Marc-Olivier (2004) Les multinationales du coeur : les ONG, la politique et le marché, Paris : Le Seuil.

    4 Interrogé le 30 août 2009 à Yaoundé (Cameroun).

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 291 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    fait pour un citoyen de savoir que l'activité pétrolière rapporte des milliards à son pays est sans intérêt dès lors que son quotidien n'est pas l'objet d'un impact réel. Pendant un certain temps au cours de l'année 2009, des populations de Libreville se sont agités après la publication des deux premiers rapports de conciliations qui révélaient à un peuple souvent tenu à l'écart de la gestion des revenus du sous-sol, des sommes importantes que génère l'activité extractive. La discussion avec le membre de la société civile camerounaise cidessus- cité portait en réalité sur l'absence d'ancrage populaire de EITI au Cameroun, où on a l'impression que, de « nouveaux bourgeois » de cet espace public construit, après avoir eu accès au chapitre, ont gagné la légitimité qui en fait des interlocuteurs uniques et valables de la communauté internationale de la transparence des industries extractives. Autrement dit, le malheur des autres leur aurait servi de caution légitimante.

    L'important est d'exister et à l'échelle internationale, il faut exhiber un motif d'action qui fait sens. Ainsi, la solidarité tiers-mondiste a donné naissance à une idéologie humanitaire triomphante depuis les années 19801. De même, dans les cas de l'Amérique Latine et de l'Europe de l'Est et du centre2, le discours alternatif qui mettait sur un piédestal le projet de la prise en charge des populations brimées par les systèmes politiques locaux, et mises au banc par les autoritarismes qui se constituaient, levait les foules et procurait une légitimité aux ONG, un quitus d'existence surtout eu égard à leur technicité et à leur flexibilité. Dans la même veine, la transparence des industries extractives constitue l'occasion pour les ONG d'envahir un espace dont l'occupation sous le prétexte du containment des autoritarismes et du communisme a perdu toute raison d'être. La transparence s'avère donc une nouvelle source de légitimité de l'action internationale des ONG du nord qui investissent le sud et celles du sud qui trouvent un locus standi dans les instances internationales telles que la Banque mondiale. Désormais, nul ne saurait discourir de la transparence des industries extractives dans l'ignorance de certains noms de leaders et d'ONG qui sont les propriétaires de cette chasse gardée. Ainsi, Revenue Watch Institute, Oxfam America, Global Witness, Transparency International et autres coalitions nationales au sud, gagnent-elles des attributs supplémentaires de légitimité. L'on dirait pour ce qui est des ONG du sud et de leurs leaders,

    1 Hours Bernard « ONG et idéologie de la solidarité : du développement à l'humanitaire » in Deler J.P, Faure Y-A., Piveteau A. et Roca P.J. (1998) ONG et développement, Paris : Karthala, pp. 33-46.

    2 Voir à ce sujet : Anthony J. Bebbington « Reinventing NGOs and rethinking alternative in the Andes » The Annals of American Academy of Political and Social Science, n° 554, pp.117-135 (november 1997) ; mais aussi à propos de la réinvention de la société civile en raison de la fin de la pertinence de cet argument, lire Mary Kaldor (2003) Global civil society : An answer to war. Cambridge: Polity Press; Marc Morjé Howard (2003) The weakness of civil society in post-communist Europe, Cambridge: Cambridge University Press.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 292 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    qu'ils ont trouvé dans la transparence des industries extractives, les ressorts d'une nouvelle jeunesse. Ainsi, les positions de M. Marc Ona Essangui lors des élections présidentielles gabonaises du 30 août 2009 ont-elles un relief et un auditoire accru en raison des galons qu'il aurait gagnés dans sa lutte pour la transparence au Gabon. MM. Brice Mackosso et Christian Mounzeo, comme la plupart de ces leaders d'ONG du sud, passent très peu de temps dans leurs pays, ils sont devenus les nouvelles vedettes d'une bataille internationale de la transparence qui se mène dans les luxueux hôtels de Washington, Doha, Oslo et autres. La transparence leur a bâti une carrure internationale ou renforcé leur statut dans le « marché des valeurs ». Les ONG ont reçu ipso facto le carton d'invitation au banquet de la transparence, et leur présence n'y est pas contestable. Elles sont les destinataires légitimes et légitimés des espoirs de la transparence pour le peuple.

    Les ONG ont souvent fondé leur identité sur la prétention de la distance vis-à-vis de l'Etat. Dans le contexte du néopatrimonialisme qui est le trait commun aux Etats qui sont parties à l'initiative, les processus de « dédifférenciation » rendent floues les frontières entre les sociétés civiles et les institutions gouvernementales1. Au Cameroun, la loi sur les ONG stipule que celles-ci, si elles sont reconnues d'utilité publique, peuvent recevoir des financements de la part du gouvernement. L'on ne sait pas si de facto certaines ONG reçoivent des subventions gouvernementales, mais toujours est-il que comme nous le confiait le même membre de la coalition camerounaise PWYP, « le comportement de certaines ONG de la coalition est sujet à caution, elles s'opposent systématiquement à toutes les initiatives émanant de leurs pairs, et se font les porte-parole du gouvernement ». Peut-être pense-il, le refus du gouvernement d'octroyer des statuts au nombre important d'ONG qui en font la demande, est-il justifié par la crainte d'une profusion de demande de subventions en corollaire. L'on sait cependant que 80% de l'aide des pays du nord transite par les grande ONG telles que Oxfam, CARE International, Transparency International et par des fondations privées qui à leur tour, financent les ONG du sud engagées dans la transparence des industries extractives. De fait donc, par ONG ou organismes interposés, l'Etat offre à certaines ONG les attributs de leur légitimité, par le truchement des moyens de fonctionnement. De plus, la démocratisation réduit significativement les comportements répressifs et donc, le prétexte de l'assistance aux

    1 L'on peut penser quelques fois que cela n'est pas le trait des Etats néopatrimoniaux, en raison des transactions collusives qui existent entre les Etats institutionnellement différents et surtout, dans le cadre de ce que Elisa Reis appelle «lasting marriage» entre l'Etat et la nation. Elisa P.Reis «The lasting marriage between nation and the state despite globalization », International Political Science Review, vol. 25, n°10, pp. 251-257, (2004).

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 293 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    opprimés ne justifie plus le déferlement non gouvernemental des années 19801. L'épuisement de cette identité qui a justifié la cyclothymie de la destinée des ONG tout au long de l'histoire de leur existence, disloque les fondements de leur action des temps passés. Mais, le secret de la renaissance réside dans l'adaptation aux logiques de son temps. La transparence des industries extractives est l'une de ces raisons d'action qui, plus fines et moins grossières, procure une identité aux ONG (on parle d'ONG de développement), mais aussi une légitimité que valide la globalisation et la gouvernance mondiale. Consubstantielle à cette quête de légitimité, il y a le syndrome du passager clandestin.

    2. Le syndrome du « passager clandestin » ou l'activisme non gouvernemental au service de l'ambition personnelle des leaders.

    Le rôle des entrepreneurs privés dans la mise en oeuvre de la norme de la transparence ne souffre d'aucune remise en cause, tant leur activisme aussi bien lors de l'émergence de la norme que pendant les phases suivantes à savoir la cascade et l'internalisation2, est déterminant pour l'incarnation de la norme. Et comme le disent Sikkink et Finnemore, au-delà du récit humanitaire des ces entrepreneurs, « of course, many norms entrepreneurs do not act against their interests as they act in accordance with a redefined understanding of their interests3 » et leurs intérêts sont divers et variés. Celui qui retient l'attention ici inter alia, c'est l'activation et l'objectivation d'un activisme humanitaire résiduel aux retombées personnelles essentielles. La norme sert d'abord celui qui la promeut semble penser Wayne Sandholtz quand il dit: « However, normative reasoning is prior to utility calculations and arguing about rules is an avoidable part of pursuing evaluated end4 ». Cependant, il ne faut pas toujours penser que la promotion d'une norme profite uniquement à des acteurs impersonnels parce qu'institutionnels. Dans l'ordre des retombées matérielles et immatérielles que génère l' «effet CNN », il faut envisager l'ascension politique des dirigeants comme un niveau des possibles. Le cas le plus spectaculaire est celui de M. Bernard Kouchner qui a trouvé dans l'action humanitaire les ressources de sa projection dans la vie politique. Non pas que l'action humanitaire en soi n'est pas politique, s'inscrivant dans les logiques idéelles

    1 Bebbington A. J., «Reinventing NGOs... art. cit.

    2 Selon la distinction de Sikkink et Finnemore « International norm dynamics and political change » art. cit. p.896.

    3 Sikkink K. et Finnemore M. « International norm dynamics and political change » art. cit, p. 898.

    4 Wayne Sandholtz « Dynamics of international norm change: rules against wartime plunder» European Journal of International Relations, vol. 14, n°1, p.104.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    conflictuelles des acteurs multiples du scénario humanitaire. Aussi, la transparence des industries extractives a ses « stars » de la société civile, ces hommes dont l'action non gouvernementale au sein de l'initiative a contribué à renforcer l'aura internationale. Des noms tels que George Sorros, Mateo Peligrini et plus près de nous, Marc Ona Essangui, Brice Mackosso, Christian Mounzeo sont incontournables dans l'élaboration d'une catégorie nourrie par le désir de sanctuarisation de l'activité non gouvernementale qui aurait alors ses « leaders naturels1 ».

    Quoiqu'il en soit, l'existence de ces leaders aux ambitions personnelles affichées ou larvées, s'appuie sur une maîtrise des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et d'un génie particulier dans la construction des réseaux protéiformes et multi-coloration, qui sont le lieu de l'investissement d'un effort de rassemblement des alliés. Deux cas de figure peuvent illustrer cette mise à profit de l'activisme pour la transparence des industries extractives. Les noms du député tchadien Ngarleji Yorongar et de Marc Ona Essangui du Gabon figurent sur la table des acteurs de la scène de la transparence. Le dernier, après des diplômes de psychologie et d'informatique, a servi au centre culturel français de Libreville. Il a par ailleurs été membre du conseil économique et social de 1993 à 1997. Les deux figures partagent en commun un passé d'agent de l'Etat. Car, le député Yorongar a servi dans la haute administration tchadienne avant de s'inscrire dans la dénonciation et l'opposition2. Les stratégies de positionnement dans le « marché des valeurs » de ces deux acteurs se tissent autour d'une vie associative nationale3 qui les prédispose à servir de relais locaux aux entrepreneurs moraux internationaux en quête de pivots nationaux au Sud. Ainsi, lorsque le projet pétrole Tchad-Cameroun mobilisait les activistes occidentaux, M. Yorongar fut l'un des

    1 Les soupçons et la méfiance que suscite cette espérance de monopolisation d'un espace devenu le capital marchand des leaders, a justifié toutes les difficultés que nous avons rencontrées dans la conduite de notre recherche. En effet, et paradoxalement, les ONG engagées dans l'initiative ont fait preuve d'opacité plus que n'en auraient fait les Etats et les firmes. A la réflexion, l'on se rend compte que la transparence est le lieu d'investissement des entrepreneurs politiques sous le masque de l'humanitaire et de la solidarité internationale.

    2 Ancien secrétaire général adjoint du Gouvernement, Ancien Ministre de la Fonction publique, Ancien Secrétaire d'État à l'Inspection Générale et au Contrôle d'État (IGCE), Chef de service adjoint au Ministère des Finances à N'Djaména, Adjoint au Sous-Préfet de Moundou, Sous-Préfet de Mbaïnarmar, Adjoint au Préfet, puis Préfet du Guéra, Consultant à l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) à Paris, Directeur administratif et financier du Bureau Africain des Sciences de l'Education (BASE) à Kisangani (Zaïre), Directeur de l'Institut International des Assurances (IIA) à Yaoundé (Cameroun). ( www.yorongar.com visité le 04 octobre 2009).

    3 En plus d'être le fondateur de Brainforest, Marc Ona Essangui est membre de plusieurs associations. L'honorable Yorongar quant à lui, est président du Groupe Parlementaire FEDERATION, il est le coordinateur exécutif fédéral de FAR/PARTI FEDERATION, il est également le président de la Fondation pour le Respect des Lois et des Libertés (FORELLI) et le directeur des publications La Roue et Le Phare Républicain.

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    échos favorables à la construction d'un réseau international pour la défense des droits du peuple tchadien. Lors du second séminaire des droits de l'homme à Wustrow (Allemagne) tenu en septembre 1997, M. Yorongar fut invité par les organisateurs. C'est au cours de ce séminaire que le groupe de travail des ONG allemandes sur le projet pétrole Tchad-Cameroun vit le jour1. Ce fut le début d'une recherche menée par le député tchadien au sujet du projet, exploitant ainsi l'intérêt que celui-ci représentait pour certaines ONG allemandes. La connexion de ces leaders aux réseaux internationaux leur procure une visibilité et les informations nécessaires, en même temps qu'une certaine protection diplomatique de la part des Etats du nord. En effet, lors des multiples intimidations et arrestations qui arpentent ces chemins de la pitié2, les puissances occidentales, faisant suite aux demandes pressantes des ONG coalisées du nord, ont souvent fait preuve de diligence dans la condamnation des affres que ces leaders de la société civile subissent de la part de leurs Etats. Mais, la reconnaissance internationale exprimée par des prestigieux prix, accentue la pertinence de ces acteurs, et les situe sur la scène politique aussi bien nationale qu'internationale. En septembre 2001, Marc Ona a été nominé au Stockholm Challenge Awards et le 20 avril 2009, il a reçu le prix international Goldman pour son action dans la protection de l'environnement. La dénonciation des injustices est donc une stratégie géniale de propulsion sur l'international, quand en plus la maîtrise de l'outil Internet est mise à contribution. De même qu'un warlord s'appuie sur les alliés extérieurs pour se rendre pertinent dans le champ politique interne, ces acteurs cherchent activement le parapluie des chantres de l'humanitaire au sein de la Banque mondiale, du parlement européen etc., faisant au passage la démonstration des critiques acerbes vis-à-vis de leurs pays par des positions véhémentes et dénonciatrices qui donnent de ceux-ci, l'image de territoires condamnés à la disparition, tant y sont poussées les pratiques de corruption et d'opacité. Il naît à la congruence de l'officiellement politique et de l'officiellement non gouvernemental, une classe d'élites privées qui se frayent un chemin dans les labyrinthes de la mondialisation. Cette classe devient comme pour le cas du FMI et de l'UE3, l'indicateur d'une absence de lien entre les populations dont elle dit défendre les intérêts et la communauté de la transparence qui se réunit dans des luxueux hôtels à Doha, Berlin, Oslo, Londres etc. Cette configuration donne naissance à un espace public bourgeois

    1 Pétry et Bambe, op. cit. p. 67.

    2 Le député Yorongar aurait subi entre le 4 juillet 1996 et le 3 février 2008, 14 enlèvements suivis quelques fois de torture. ( www.yorongar.com ). Les tribulations dont a souvent été victime Marc Ona ont déjà fait l'objet de développement dans cette étude.

    3 Lire à ce sujet Eva Etzioni-Halevy «Linkage deficit in transnational politics » International Political Science Review, vol. 23, n°2, pp. 203-222 (2002).

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    où se rassemblent les élites publiques et privées pour débattre des problèmes des populations, avec la probabilité d'une inefficacité qu'autorise la déconnexion des ordres d'intérêt et de préoccupation1. En somme, les transactions complexes qui s'établissent entre les ONG et avec les firmes, donnent naissance à une classe de privilégiés, interlocuteurs uniques des grandes ONG et des organisations internationales. La crédibilité de ces interlocuteurs a été bâtie sur la foi de leur dénonciation quelque fois exagérée des dérives de la gestion étatique, ce, amplifié par le seul souci de la part de leurs bailleurs de fonds d'épuiser les sommes collectées, dans un cycle vicieux de reconversion de l'aide multilatérale2.

    B. Les fruits des transactions avec l'Etat : les ONG dans le complexe du
    financement de la transparence des industries extractives.

    Deux précisions s'imposent d'emblée. D'abord, le souci de restituer la complexité des transactions n'a pas été occulté par la démonstration de l'intérêt comme motif d'entrée en lien social mais, derrière l'idée du primat accordé aux retombées de la transparence, se trouve la réalité que le financement des ONG est une procédure complexe car les fonds proviennent des Etats, des firmes et des particuliers. Autrement dit, la provenance des fonds constitue en soi le signe de la complexité. Ensuite, cela impliquant ceci, la question du financement des ONG ressort dans l'espace réservé aux fruits de la transaction avec l'Etat car de près ou de loin, il existe souvent une relation de promiscuité entre les Etats et les grands ONG3 dans le financement de leurs relais du sud. En effet, les Etats du nord adoptent des budgets d'aide au développement, véhiculent cette aide par les grandes ONG de leur sphère, celles-ci financent leurs relais au sud pour la mise en oeuvre des politiques convenues. Des équipes viennent des grandes ONG de façon périodique pour procéder à l'évaluation des performances des bénéficiaires des fonds. Les fonds octroyés par les grandes ONG et les fondations telles

    1 De plus, la société civile globale qui naît de la mise ensemble des coalitions nationales ne peut pas favoriser la démocratie à l'échelle transnationale car, les pratiques nationales s'y transposent, l'on devient témoin des collusions opaques qui laissent penser que les ONG ne jouent pas véritablement leur rôle déclaré. Ce qui fait dire à Lorenzo Fioramonti que la société civile globale présente les mêmes manques de démocratie que les institutions internationales. Ce qui en soi affecte sa légitimité et pose la question de sa contribution à la démocratie globale. Fioramonti Lorenzo « The internal contradictions of global civil society: what impact on global democracy? » Development Dialogue, n°49, pp. 131-142, (November 2007).

    2 Lire à ce sujet Michael Maren (1997) The road to hell: the ravaging effects of foreign aid and international charity, New York: The Free Press.

    3 Ainsi, Nick Darden pense que l'arrivée du New Labour a conduit à un saut qualitatif dans la problématique des ONG, en accentuant notamment le financement étatique de celles-ci. Plus d'un tiers des revenus des ONG en Grande Bretagne proviendrait désormais du gouvernement, de l'UE ou d'autres agences de loterie nationale qui sont cependant responsable devant le gouvernement. Nick Darden « From charity to solidarity » Globalizations, vol. 3, n° 2, pp. 261-263 (2006).

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Rainforest Foundation peuvent aussi être l'émanation des dons privés et des firmes par fondations interposées. Aussi, deux articulations vont servir de substrat à la démonstration d'une quête des financements comme moteur de l'activisme non gouvernemental en général et dans le cas spécifique de la transparence des industries extractives.

    1. Les rentes de la transparence ou la transparence des rentes ?

    La problématique de la transparence dans les industries extractives remet à l'ordre du jour la question des motivations de l'engagement éthique des acteurs non gouvernementaux. L'on ne sait si les rentes de la transparence ont pris plus d'importance que la transparence des rentes, tant l'agitation et les allégations de certains leaders d'ONG laissent transparaître une attitude de convoitise des richesses que génèrent les firmes et dont sont remplies les caisses de l'Etat. Le récit de la transparence devient un alibi, l'objectif étant de prendre part au banquet des délices de l'opacité. Cette réalité transgresse la dichotomie fondée sur l'appartenance hémisphérique des ONG. Deux exemples illustrent ce propos, il s'agit de la conduite des ONG dans le suivi du projet pétrole Tchad Cameroun qui est communément appelé le « projet pipeline » et la surévaluation de la pratique du per diem dans les comités de la mise en oeuvre de EITI.

    a) Les ONG dans le suivi du projet pétrole Tchad-Cameroun

    L'évocation du pipeline Tchad-Cameroun dans la transparence des industries extractives ne vise aucunement à identifier la façon dont la loi 001 du 30 décembre 1999 réglemente la gestion du pétrole tchadien au processus EITI1. D'ailleurs, il ne saurait en être ainsi puisqu'il existe des différences fondamentales entre les deux. La loi 001 n'implique pas les organisations de la société civile dans la gestion des revenus pétroliers, il s'agit d'une loi qui ne concerne que les revenus du pétrole et n'exige pas la publication des recettes gouvernementales en matière pétrolière. Alors que la Banque mondiale s'est retirée du projet, il n'existe plus de garantie que la bonne gestion des revenus pétroliers sera une priorité du gouvernement tchadien, ni même que les droits de passage au Cameroun seront gérés de façon transparente. Comprenons-nous bien. L'intérêt pour une évocation du pipeline Tchad-

    1 Cette précision s'impose car, réunis en septembre 2004 avec ses collègues ministres des finances de la zone franc, le ministre tchadien aurait indiqué que son pays était un précurseur de l' « initiative Blair » (EITI). Benoît Massuyeau et Delphine Dorbeau-Falchier « Gouvernance pétrolière au Tchad : la loi de gestion des revenus pétroliers » Afrique Contemporaine, vol. 216, n°4, pp. 139-156 (2005).

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 298 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Cameroun réside dans la prévalence du syndrome du paillasson1(doormat syndrom) dans le processus de son suivi par les ONG. Aussi, certains détails concernant le projet seront occultés en raison de leur excentration par rapport au fait du doormat syndrom. A ce propos, l'on appréhende le comportement des ONG nationales et internationales autour du pipeline comme la manifestation d'une concentration autour d'un centre d'intérêt. C'est la mondialisation d'un combat local qui sert autant les intérêts des ONG des deux Etats concernés que celles du Nord qui y trouvent des relais sur le terrain2. En effet, le projet se présentant comme un centre de lutte et de déploiement des stratégies pour l'existence, les ONG tchadiennes et camerounaises ont fait appel aux puissantes ONG du nord pour s'allier à elles dans ce combat contre les Etats camerounais et tchadien. Le biais médiatique et les réseaux internationaux se sont avérés importants dans la mise en scène de ce combat vicié de l'humanitaire. Tandis que les ONG du Nord ont obtenu que la Banque mondiale garde un regard sur la gestion du pétrole tchadien (du moins jusqu'en 2005), les ONG locales ont tiré des rentes diverses.

    Le « Projet d'exploitation pétrolière et d'oléoduc Tchad-Cameroun » de son appellation intégrale, permet l'exportation vers les côtes camerounaises du pétrole tiré du sous-sol tchadien, dans les champs de Komé, Miandoum et Bolobo dans le bassin de Doba. Le tracé de l'oléoduc parcourt quelques 1070 km de distance, soit 170 km au Tchad et 880 km en territoire camerounais. La construction dudit oléoduc et l'exploitation du pétrole tchadien comportaient des espoirs mais aussi des craintes quant à la protection de l'environnement. Très vite, les ONG y ont trouvé l'espace d'un investissement, le plateau de lecture du récit alarmiste sur les dangers environnementaux et le risque d'une reproduction du Delta du Niger3. Rapidement les ONG du nord et du sud se mirent en réseau pour constituer un contre poids à l'action des compagnies engagées dans le project. Un premier niveau d'interrogation est la cacophonie qui naquit au sujet des buts du plaidoyer. En effet, tandis que les ONG tchadien se battaient pour que l'exploitation pétrolière profite réellement au peuple tchadien en constituant un facteur de développement, les ONG occidentales et avec elles, celles

    1 Le fait pour les ONG de mettre en avant les misères des populations pour en tirer les financements et les rentes diverses mais le sort des populations n'est en réalité pas leur préoccupation première.

    2 L'on peut lire au sujet de la concentration des centres dans l'activisme international, le travail de Dezalay et Garth au sujet des guerres de palais en Amérique latine. Yves Dezalay et Briant G. Garth, La mondialisation des guerres de palais, op. cit.

    3 Surtout que lorsqu'en novembre 1995 le leader du MOSOP Ken Saro Wiwa est pendu pour son engagement dans la défense des droits des Ogonis, les tractations vont bon train pour la constitution d'un réseau d'ONG capables de stopper le projet.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 299 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    camerounaises plaidaient pour l'arrêt du projet au motif que les risques environnementaux étaient considérables1. L'on peut penser qu'à ce niveau déjà, les ONG étrangères furent en totale déconnexion avec les populations tchadiennes, à moins que ce fût l'illustration qu'en réalité les ONG n'oeuvrent pas pour les populations mais pour elles-mêmes.

    Lorsque commencèrent les travaux de construction de l'oléoduc quelques ONG s'attelèrent à assurer le suivi du pipeline à partir de mai 2001, ayant pour tâche principale de rassembler les informations concernant les droits de l'homme, les impacts sociaux, économiques et environnementaux. Pour cela, les ONG disposaient de 80 observateurs disposés le long du tracé2. De plus, les ONG camerounaises parties du GIC se donnèrent pour mission de veiller à ce que les compensations soient effectives, que les impacts sociaux du pipeline soient positifs, que le passage de l'oléoduc dans les entrailles de la terre de ces populations constitue pour elles une source d'amélioration du quotidien. C'est sur ces engagements que l'on se penche pour évaluer l'action de suivi des ONG, qui semble révéler une instrumentalisation du discours éthique pour des retombées matérielles et immatérielles.

    Il n'est point aisé de dire le montant des rentes de la transparence, l'on se contente donc de soupçonner derrière le comportement collusif des ONG une quête de rentes. Lors d'une réunion tenue à l'hôtel Hilton de Yaoundé (Cameroun) avec les membres du Groupe International Consultatif (GIC) le mardi 27 novembre 2007, M. Honoré Ndoumbe Nkotto relevait le phénomène de la babélisation au sein des ONG engagées dans le suivi du pipeline. Fonctionnaire de son état, il lui semble naturel de défendre les positions étatiques, tandis que la dénonciation quasi-automatique de certaines ONG telles que le CED et le RELUFA qui recevraient des financements colossaux de la part de certains bailleurs de fonds internationaux contribue à distendre les rapports au sein des ONG. Au nombre des agacements que suscitent les immobilismes, l'on peut noter justement celui du RELUFA et du CED qui ont annoncé à l'occasion de cette réunion leur projet de boycott des rencontres organisées à cet effet, tant le gouvernement ne joue pas le jeu de la transparence. Mais au-delà des disparités d'humeur de

    1 A ce propos, Petry et Bambé disent : « contrairement à un certain nombre d'organisations écologiques internationales, les organisations tchadiennes étaient en principe pour l'exploitation pétrolière car elles y voyaient une chance pour le développement de leur pays ». Martin Petry et Naygotimti Bambé (2005) Le pétrole du Tchad, rêve ou cauchemar pour les populations, Paris : Karthala, p. 53.

    2 Le SeP sillonnait la région s'étendant de la frontière du Tchad (Mberi et Mbeboum) à la ville de Belabo au Cameroun soit 430 km couverts par 30 observateurs. ERA couvrait un territoire long de 330 km allant de Belabo à Mvengué tandis que le CED sillonnait la région comprise entre Mvengué et l'océan atlantique, soit une distance de 120 km. La FOCARFE quant à elle, s'occupaient des relations publiques, produisait notamment le pipeline journal, Petry et Bambé op. cit. pp. 210-211.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 300 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    cette nature, l'on peut penser que les ONG impliquées dans le suivi du pipeline ont sacrifié la misère des populations riveraines qui fit hier leur légitimité sur l'autel de leur reconnaissance en tant qu'acteurs pertinents et des financements qu'offre la défense des droits des populations vulnérables.

    Pour tester la véracité de cette allégation, une descente de terrain effectuée du 14 au 27 août 2008 sur la partie sud du tracé nous a permis de vérifier les sentiments des populations à l'endroit de la compagnie COTCO qui gère l'oléoduc, mais également des ONG qui se sont fait leurs médiateurs, affirmant oeuvrer au respects de leurs droits. Il faut dire en passant que certaines populations nous ont confié que les ONG ont contribué à les faire adhérer aux positions du gouvernement camerounais et de COTCO. 156 villages traversés par le pipeline furent ainsi visités, s'étendant sur deux régions (le Centre et le Sud) et sept départements (la Haute Sanaga, la Lékie, le Mfoundi, le Nyong et So'o, la Mefou et Afamba, la Mefou et Akono et l'Océan). Après notre passage, il apparut que certains problèmes dénoncés par les ONG perdurent, malgré les multitudes de réunions à tous les niveaux et ce, cinq ans après le début de transport du pétrole. Du 29 au 30 novembre 2007, le comité de pilotage et de suivi du pipeline (CPSP1) a organisé un forum d'information sur le pipeline Tchad- Cameroun à Yaoundé. Au cours de ce moment d'échange, le Directeur Général de la Cameroon Oil Transportation Company (COTCO) a énoncé quatre termes qui disait-il, constituent le mot d'ordre de sa compagnie : Transparence- Equité- Commun accord et Solution durable. Dans cette optique, les ONG constituent les gendarmes, ce sont elles qui comme dans EITI, veillent à la protection des intérêts des populations, c'est leur raison d'être en général, et plus encore dans cette plateforme. Ainsi, la rémanence et la perpétuation des problèmes dont la résolution constituait l'antienne de leur légitimation dans le suivi du pipeline leur est imputable dans une certaine mesure.

    Au terme de l'enquête, il apparut que les populations de la zone balayée ne sont pas satisfaites du passage de l'oléoduc car pensent-elles, il les a laissés plus pauvres qu'avant car, même certaines de leurs terres leur ont été ôtées par l'Etat. Les compensations qui devaient leur être versées en échange du préjudice de la perte de leurs terres et cultures, ont été pour la plupart pas perçues et quand elles étaient perçues, elles comportaient des défauts. Les ONG ont manqué l'occasion de démontrer leur rôle dans l'atténuation des effets de la collusion qui

    1 Le Comité de Pilotage et de Suivi des Pipelines (CPSP) est une plateforme tripartite qui réunit les Etats camerounais et tchadien, les compagnies TOTCO et COTCO.

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    existait entre les deux Etats et les compagnies impliquées puisque la divergence des intérêts était annoncée ; les Etats courtisant les compagnies afin que la manne pétrolière tombe sur leurs territoires, les compagnies lorgnant vers les bénéfices futurs d'une telle opération, les ONG recherchant la « sauvegarde de l'environnement et le développement durable » pour les populations. En relevant que le pourcentage de la population interrogée est d'environ 60% des populations de l'ensemble des villages, les données qui tiennent lieu de résultat sont certainement une révélation édulcorée de la réalité du mal. Le fait est que, pour collecter ces données, il fallait quelques fois passer pour des agents de la COTCO car, le sentiment de déception qui anime les populations vis-à-vis des ONG impliquées dans le suivi nous avait valu l'expulsion et le mutisme dans certaines localités. Même si cette usurpation d'identité peut biaiser les faits car les populations exagéraient les faits dans l'espoir d'une autre compensation, le cas du suivi du pipeline est un cas d'école du syndrome du paillasson. Ce d'autant plus que, de temps en temps les ONG redescendent sur le tracé de l'oléoduc pour collecter les faits d'une méprise de la population par les Etats tchadien et camerounais, dans le but de lever les fonds auprès des grandes ONG qui oeuvrent à la préservation de l'environnement et des droits des peuples autochtones1. Le tableau ci-dessous donne une vue synoptique des revendications sociales des populations le long du pipeline, dans les régions du centre et du sud.

    Tableau 15 : Récapitulatif des statistiques des problèmes de la population le long du tronçon centre-sud en août 2008.

     

    Compensation

    Compensation

    Entretien

    Problèmes

    Autres

    1 Il faut d'ailleurs avouer que c'est à ce titre que notre collecte de données a été organisée et financée par deux ONG camerounaises membre de la coalition PWYP. Les faits ainsi collectés devaient servir à attirer l'attention des bailleurs de fonds sur le fait que cinq ans après le début de l'exploitation de l'oléoduc, les populations sont abandonnées à elles-mêmes, avec des problèmes irrésolus dont certains datent de l'époque du début des travaux de construction.

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    Départements

    Individuelle

    Collective

    Emprise

    d'eau

     

    Haute Sanaga

    10

    2

    6

    13

    3

    Mefou et Afamba

     
     

    2

    1

     

    Lékie

    6

    1

    3

    9

    1

    Mfoundi

     
     
     

    1

     

    Mefou et Akono

     

    1

    3

    7

    1

    Nyong et So'o

    2

    7

     
     

    1

    Océan

    1

    2

    15

    16

    2

    Total

    19

    13

    29

    47

    8

    Source : confectionné par l'auteur.

    b) La surévaluation du per diem comme le signe d'une quête des rentes de la transparence.

    L'élément le plus visible et palpable de la cupidité non gouvernementale est le per diem. L'engagement dans la transparence des industries extractives, la participation aux réunions nécessitent quelques fois des frais de fonctionnement et les moyens de transports pour ceux des membres du comité qui, comme un parlementaire camerounais qui habite la région de Bakassi (c'est-à-dire à plus de 500km de Yaoundé), résident loin de la capitale où se tiennent généralement les séances de travail. Cette précision faite, l'on ne saurait donc comprendre cet acharnement persistant de certaines ONG sur le per diem que par l'analyse des quêtes de subsides.

    L'observation de la plateforme institutionnelle qu'est EITI révèle une multitude de logiques porteuses d'une volonté bien dramatisée de production d'ipséité. Sur la scène internationale, il faut exister, être légitime et pouvoir survivre. En plus d'exercer et de signifier leur présence dans un espace politique sans cesse élargi, les ONG mènent des activités normatives en tirant leur force de leur influence technique acquise pour combler les lacunes de l'Etat1. Pendant que l'Etat certes quelques fois faible ou illustration de l'échec du concept d'Etat2 existe et puise sa légitimité des pouvoirs établis et dispose d'une quiddité reconnue et acceptée universellement, l'ONG fabrique sa légitimité avec des outils ramassés à la brocante des misères du monde. Au-delà de la transparence, c'est le bien-être social des peuples qu'il s'agit de promouvoir par l'accountability dans les industries extractives. Cependant, les ONG impliquées dans EITI mettent beaucoup plus en avant la quête de légitimité et de rentes que la

    1 Wafo Samuel. « Les ONG et le développement du droit international de l'environnement : Analyse normatives des ONG environnementales » Thèse de doctorat de 3ème Cycle, IRIC, 1999-2000.

    2 Brooks R.E. (2005) « Failed states or states as failure? »University of Chicago Law Review, pp. 1-15.

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    connexion des préoccupations du « bas » aux cercles de décisions gouvernementales. Lorsque Anthony Bebbington1citant Thomas Carroll épouse sa définition des ONG qu'il présente comme des: «private, professionally-staffed, non-membership, and intermediary development organizations », il souligne que dans le cas spécifique du déploiement des organisations non gouvernementales dans les Andes, ces acteurs sont restés accrochés à l'espace inexistant entre deux couches sociales. Même si les causes ici n'étaient pas les mêmes là-bas, l'on note un bis repetita dans EITI. Plutôt que de s'approcher des peuples du `bas' dont les affres sont présentées comme motif d'action, la praxis des ONG est restée coincée aux crochets de la transnationalité. L'on comprendra alors le ton goguenard de Bernard Hours2 pour moquer leur inefficacité. Fustiger l'attitude exagérément transnationale des ONG, c'est dire que celles-ci, dans leur quête de subsides matériels et immatériels, se mettent au diapason de la globalisation.

    Alors que la question de la capacité d'EITI à donner corps à la transparence fut posée à un membre de la coalition camerounaise publish what you pay, il répondit par la négative, ajoutant qu'il n'est personnellement impliqué dans cette initiative qu'en raison des avantages qu'elle draine. Ainsi, il révéla au recoin d'une indiscrétion la confluence de la quête de légitimité et de subsides qui préside à l'engagement de certaines ONG à l'initiative. L'entreprise des normes s'est mutée en entreprise politique et économique. Les débats houleux quant à la négociation des frais de participation des ONG aux réunions des comités EITI sont le signe d'une gloutonnerie qui marginalise l'intérêt du peuple au profit des appétits personnels. Nombre de membres d'ONG représentées au sein des instances EITI sont muettes sur les rentes de la transparence qu'ils récoltent. L'article 8 du décret N° 2005/2176/PM du 16 juin 2005 portant création, organisation et fonctionnement du comité camerounais de suivi et de mise en oeuvre de l'EITI, dit dans ses alinéas 1 et 2 que : « les fonctions de Président, de membre du comité et du secrétariat technique sont gratuites. Toutefois, il peut leur être allouées ainsi qu'aux personnes invitées à titre consultatif, des indemnités de session dont les montants sont fixés par le ministre des finances »3. Cette attitude intéressée qui préside à

    1 Bebbington A. J « Reinventing NGOs and rethinking alternatives in the Andes », art. cit. p.

    2 Hours B. (1998) L'idéologie humanitaire ou le spectre de l'altérité perdue, Paris: L'Harmattan.

    3 A titre de comparaison, le budget EITI Liberia pour l'exercice 2007-2008 ne fait aucunement mention d'une indemnisation des membres du comité de mise en oeuvre. Au Gabon, l'arrêté N°229/MEFBP du 24 février 2005 portant création, fonctionnement et désignation des membres du Groupe de Travail EITI est muet sur l'indemnisation desdits membres, l'article 3 parle uniquement de `budget de fonctionnement et d' `investissement'. L'article 6 du décret N°000535/PR/MEFBP du 8 juillet 2005 portant création, attribution et organisation du Groupe d'intérêt EITI Gabon dit : « les fonctions de membres du groupe d'intérêt sont

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 304 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    l'entrée en transaction de certaines ONG dans le cadre de l'initiative, les expose à l'antinomie provoquée par les Etats1 qui leur offre des sommes d'argent2 pour les opposer et créer des ONG fictives pro-gouvernementales réfractaires à la contestation. L'autre trait de la spéciosité du récit éthique des ONG est la corruption dans les milieux des ONG.

    2. De la corruption au sein des ONG : un indicateur de la spéciosité du récit éthique dans la transparence des industries extractives

    L'illusion du désintéressement des ONG est fortement dissipée par les pratiques de corruption qui minent le monde de l'activisme non gouvernemental. Pendant des décennies, les ONG ont porté le flambeau de la lutte contre la corruption et ont fondé sur la présomption de leur moralité différente, leur identité et leur légitimité. Les scandales de l'opacité dans la gestion des revenus tirés des industries extractives ont été souvent présentés horresco referens par les ONG comme des pratiques condamnables parce qu'elles paupérisent les populations. Cette dénonciation qui a pour but de leur attirer la sympathie des bailleurs de fonds souvent situés en occident, est également à bien y regarder, rédhibitoire. En effet, en appréhendant la corruption dans le sillage de Jean Pierre Olivier de Sardan3, c'est-à-dire comme un complexe, la mêmété des pratiques gouvernementales et non gouvernementales révèle que les stratégies de lutte contre la pauvreté doivent s'étendre aux ONG car, leur morale est captieuse. Dans cette étude, l'évocation de la corruption des ONG est porteuse d'un double sens. Alors que la dénonciation de la corruption comme une incidence de l'opacité dans la gestion des revenus des industries extractives a offert un couloir de légitimité aux ONG pour siéger dans l'initiative, en leur faisant le crédit d'une moralité différente, l'on se rend compte de l'illusion éthique de celles-ci. Peut-on faire confiance aux ONG en tant que passerelles du financement

    gratuites ». Au Congo, le décret N°2006-626 du 11 octobre 2006 portant création, attribution et composition du comité exécutif de mise en oeuvre de l'EITI dit en son article 12 : « les fonctions de membre du comité exécutif donnent lieu à perception d'une indemnité de session versée chaque fois qu'il se réunit, le montant de cette indemnité est fixé par arrêté du ministre des finances ».

    1 Lire à ce sujet, Obadare E. «Second thoughts on civil society: the state, civic associations and the antinomies of the public sphere in Africa» Journal of civil society, vol.1, n°3, pp.267-281. (2005)

    2 Au Cameroun, l'Etat offre entre 380 et 760 euros aux personnes ayant assisté aux réunions du comité multipartite. A notre connaissance, il y a juste deux représentants d'ONG qui se sont toujours inscrits en faux contre cet achat de la conscience des ONG, il s'agit des représentants du CED et du RELUFA. Il fat même dire que lors de la réunion EITI tenue au ministère camerounais des finances le 03 avril 2008, lorsque l'adoption du budget annuel comme point de l'ordre du jour a été mise en débat, certains membres du comité représentant les ONG ont demandé que soit doublée la prime de présence car disaient-ils, « par rapport aux milliards que rapporte le pétrole camerounais, ce per diem représente de l'argent de poche ».

    3De Sardan J.P.O. (1996) « L'économie morale de la corruption en Afrique » Politique africaine n° 63, pp. 97- 117.

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    du développement et de la transparence dans les industries extractives ? En paraphrasant un peu Perousse de Montclos1, cette interrogation demeure d'actualité.

    Au-delà des per diems qui induisent un certain malaise quand ils deviennent la motivation principale de l'activisme pour la transparence, moult autres stratagèmes permettent aux ONG de soustraire des fonds destinés au financement du développement. Les détournements des fonds ont souvent été signalés par certains bailleurs de fonds occidentaux. Du 16 au 20 octobre 2002, un membre de la maison-mère de SNV visita les bureaux de cette organisation à Yaoundé2. Il fut scandalisé par les découvertes qu'il avait faites quant aux trous financiers injustifiés et à la mauvaise gestion des fonds alloués à l'organisation. Dans un rapport confidentiel transmis à la hiérarchie hollandaise, il décrivait un chaos administratif avec une perte de 600.000 guilders3, les agents de l'organisation se contentaient de rester cloîtrés dans les luxueux bureaux de Yaoundé, perdant tout contact avec les populations dont les difficultés ont justifié les financements.

    L'autre tactique de soustraction des fonds levés pour le financement des projets de développement ou la transparence consiste à gonfler les salaires des employés. En effet, la grille salariale du personnel de certaines ONG locales au Cameroun par exemple s'étend de 50.000 à 450.000 FCFA4. Si l'on considère le salaire moyen d'un contractuel d'ONG titulaire d'une maîtrise, dans des ONG nationales consultées au Cameroun, il est d'environ 160.000 FCFA. Cependant, la grille salariale datée du 1er avril 2008 dispose que les agents de l'Etat titulaire du même diplôme sont rémunérés au moins de 184.299 FCFA, ladite rémunération pouvant aller jusqu'à 336.718 FCFA. Il convient au surplus, de préciser que ce ne sont là que des barèmes antérieurs à mars 2009, mois au cours duquel les salaires des agents de l'Etat a été réévalués de 30%, pendant que les ONG consultées ont gardé statiques leurs salaires. Mais dans les projets soumis aux bailleurs de fonds pour financement, les salaires sont surévalués, pour représenter au moins le SMIC. Ce qui est raisonnable dans la mentalité des occidentaux,

    1 Le financement international de la reconstruction de l'Asie du sud-Est après le tsunami de décembre 2004 a permis de se rendre compte des déviances capitalistes des ONG humanitaires. Si à cela on adjoint l'épisode de l'Arche de Zoé au Tchad, cela fait beaucoup et amène à s'interroger sur la moralité des ONG. Lire au sujet du financement de la reconstruction post-tsunami, Marc Antoine Perousse de Montclos « Les ONG humanitaires sur la sellette » Etudes, tome 406, pp. 607-616, décembre 2005.

    2 Ces informations nous ont été transmises par Harm Ede Botje et Ruth Hopkins qui ont écrit un article intitulé « Expensive poverty fighters » dans le magazine Vrij Nederland le 01 janvier 2006.

    3 Monnaie hollandaise

    4 Sur la base d'un journal de paie d'une ONG camerounaise en janvier 2007. Sur la base de ce journal de paie, le salaire moyen des employés est de 160.000 FCFA.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    mais hors de propos dans le contexte des pays subsahariens. Du coup, les rapports financiers des activités annuelles ne sont jamais accessibles que pour les évaluateurs de projets qui sont envoyés par les bailleurs de fonds. Aucun autre employé que les responsables d'ONG n'y a accès car, les décalages sont quelques fois colossaux. Le différentiel va bien sûr dans le compte des responsables1.

    Cette absence d'éthique que M. Nzeusseu2 de Transparency International-Cameroon met sur le compte de l'appât du gain, transparaît plus clairement au travers des budgets conçus lors des ateliers. A titre d'exemple, voici ci-dessous deux cas de budgets.

    Tableau 16 : projet de budget des journées de réflexion sur la situation actuelle de la gouvernance dans la gestion du secteur forestier camerounais.

    Rubrique

    Prix unitaire

    Nombre/Quantité

    Nombre de

    jours

    Prix total

    Location salles

     

    - Salle de 200

    250.000

    01

    03

    750.000

    places

    -Salle secrétariat

    50.000

    01

    03

    150.000

    Charges de

    personnels

     

    -Intervenants

    100.000

    07

    01

    700.000

    -Modérateurs

    50.000

    04

    01

    200.000

    -Traducteurs

    100.000

    02

    03

    600.000

    -Chef secr.

    75.000

    04

    01

    225.000

    Tech.

     
     
     
     

    - membres secr.

    50.000

    02

    03

    300.000

    Tech.

    50.000

    01

    03

    150.000

    - secrétaires

    30.000

    10

    03

    900.000

    -Hôtesses

     
     
     
     

    Location de

    matériels

     

    -photocopieur

    150.000

    01

    03

    450.000

    - photocopies

    35

    10.000

     

    350.000

    -ordinateurs

    150.000

    01

    03

    450.000

    - reliures

     
     
     

    300.000

    -vidéo projecteurs

    75.000

    01

    03

    225.000

    Restauration

     

    1 Pour des raisons évidentes, l'on ne peut citer des exemples de cas, car les sources qui nous ont renseigné en nous fournissant certains documents ont requis l'anonymat.

    2 Interrogé en février 2009.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 307 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    -pause café

    2.500

    150

    03

    1.125.000

    -Cocktails

    4.000

    150

    02

    1.200.000

    - Buffets

    8.000

    150

    02

    2.400.000

    Promotion

     

    -Banderoles

     
     
     

    700.000

    -Double-face de

     
     
     
     

    -Promotion

     
     
     
     

    -Badges et

    contacts médias

     
     
     
     

    Total

     
     
     

    11.175.000

    Tableau 17 : Budget de l'atelier d'information et état des lieux des industries extractives au Cameroun

    Catégorie

    N°. unités

    Coût
    unitaire

    Total (Fcfa)

    Transport des participants hors de Yaoundé (aller et retour)

     
     
     

    Yokadouma -Yaoundé

    1

    25 000

    25 000

    Lomié -Yaoundé

    1

    20 000

    20 000

    Douala - Yaoundé

    3

    18 000

    36 000

    Sous total 1

     
     

    81 000

    Indemnité transport participants résidant à Yaoundé

    30 pers x 2 jours

    5 000

    300 000

    Sous-total 2

     
     

    300 000

    logistique

     
     
     

    Location salle de réunion

    2 jours

    60 000

    120 000

    Sous-total 3

     
     

    120 000

    Accommodation

     
     
     

    Logement des participants

    5 pers x 2 jours

    15 000/j/P

    150 000

    Restauration des participants

    35 pers x 2 jours

    6 000/J/P

    420

    000

    Pause café matin

    35 pers x 2jours

    2 000/j/P

    140 000

    Pause café après midi

    35 pers x 2jours

    2 000/J/P

    140 000

    achat gobelet

    1 paquet de 100

    2 000

    2 000

    Eau

    10 palettes

    2 000

    20 000

    Sous-total 4

     
     

    872 000

    Per diem

     
     
     

    Per diem participants locaux hors Yaoundé

    5 pers x 2 jours

    10 000/J/P

    100 000

    Sous-total 6

     
     

    100 000

    Matériels

     
     
     

    Location Vidéo projecteur (hors

    2j

    50 000

    50 000

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 308 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    montant à décaisser)

     
     
     
     

    blocs notes

    35

     

    1 000

    35 000

    bics

    35

     

    100

    3 500

    scotch

    1 rouleau

     

    1 000

    1 000

    Papier (flip chart)

    1

     

    6 500

    6 500

    Marqueurs

    6

     

    1 000

    6 000

    Photocopies

    forfaits

     

    50 000

    50 000

    Sous-total 7

     
     
     

    152 000

     
     
     
     
     

    Personnes Ressources

     

    8

    50 000

    400 000

    Personnes Ressources

     
     
     
     

    Sous-total 7

     
     
     

    400 000

     
     
     
     
     

    DIVERS

     
     
     
     

    Transport achat matériel

     
     
     

    10 000

    Communication

     
     
     

    20 000

    Rédaction rapport

     
     
     

    15 000

    Sous-total 8

     
     
     

    45 000

    Total

     
     
     
     

    Imprévus (5%)

     
     
     

    103 500

    Total Général

     
     
     

    2 173 500

    Les deux cas de budgets présentés dans les tableaux ci-dessus, illustrent deux stratégies de soustraction de fonds. Dans le premier cas, il s'agit du gonflement des couloirs de dépenses. Par exemple, a-t-on besoin de faire budgétiser les photocopies à 350.000 FCFA alors que dans le même temps un photocopieur sera loué à 450.000 FCFA ? A quoi rime la location d'un ordinateur à 450.000 alors que toute ONG sérieuse dispose d'ordinateurs sur lesquels travaille son personnel ? Pourquoi ne pas acheter un ordinateur définitivement à moins de 450.000 afin de ne plus avoir à en louer lors des prochains ateliers ? Pourquoi louer une salle qui coûte 250.000 F alors que comme en témoigne le second cas, l'on peut avoir une salle à quatre fois moins dans un grand hôtel de la ville ? Dans le cas du premier budget, il apparaît que pas moins de 2.770.000 FCFA sont destinés à alimenter les caisses noires d'un leader d'ONG.

    Le second cas est illustratif de l'opacité qui prévaut dans les ONG. Celui qui a eu la charge de préparer ce budget, s'est vu interdire tout accès à la version validée par son chef, dès lors que la version a été jugée valable. Le fait peut paraître banal, mais en réalité, il s'agit du signe que la version qui a été soumise aux bailleurs de fonds lors de la justification des dépenses, et qui forcément était en conformité avec le rapport financier de l'atelier que personne d'autre au sein de l'organisation n'a vu, comportait des chiffres différents c'est-à-dire démultipliés.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 309 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Toutes choses, qui justifient la perte de crédibilité des ONG que relève de plus en plus de critiques de l'activité non gouvernementale1.

    Paragraphe II : Les firmes multinationales du secteur des industries extractives dans le système capitaliste : l'illusion du désintéressement.

    L'engagement des firmes dans l'initiative de transparence des industries extractives correspond à des schémas managériaux modernes qui intègrent le dialogue multi-parties prenantes, les relations publiques, la quête d'un capital social et le dialogue avec les ONG. L'on est passé au-delà des sentiers jadis fréquentés de l'opacité que battaient les firmes en la fière compagnie des Etats. La relation s'est complexifiée. Elle intègre désormais tous ceux qui affectent et sont affectés par l'activité extractive2. Il s'agit d'un éventail actoriel très large dont les populations autochtones, les collectivités territoriales décentralisées, les régions, les ONG, les syndicats et les Etats constituent les saillies. L'intégration de ces multiples parties prenantes est vitale pour les firmes. Deux éléments en sont proéminents : l'intégration d'un actorat plus large et la quête d'un capital social pour la mutation du capitalisme classique en « capitalisme créatif », c'est-à-dire que la création des richesses se fait dans le même temps que la pratique de la solidarité. Peut-être faut-il inverser l'appréhension en considérant que le capitalisme créatif pratique la charité pour créer des richesses donc, pratique l'éthique comme moyen pour mieux créer la plus-value. Dans cette veine, deux moments principaux font ce paragraphe qui s'attele à démontrer que l'adoption de la transparence par certaines firmes répond à une logique de markethique, qui passe par la transition de l'actionnariat au multiactorat, il s'agit de deux manifestations de la tentation éthique du capitalisme (A) qui cachent des retombées pour les firmes que la transparence des industries extractive rend possibles (B). Celles qui l'ont compris et le mettent en oeuvre engrangent un capital social qui leur permet de prendre de l'avance dans la compétition corporative pour l'accès aux espaces énergétiques concurrentiels.

    A. Deux manifestations de la « tentation éthique » du capitalisme

    1 Lire par exemple : Margaret Gibelman et Sheldon R. Gelman « A loss of credibility : Patterns of wrongdoing among NGOs » International Journal of Voluntary and Non-for-profit, vol. 15, n°4, pp. 355-381 (2004)

    2 C'est ainsi que Freeman définit une partie prenante, en insistant sur le lien d'impact dans les deux sens. L'impact d'une part de la firme sur les autres et l'impact en retour des autres acteurs sur les activités de la firme. La définition des parties prenantes se forge donc à la congruence des impacts mutuels. Lire Freeman R.E., (1984) Strategic Management. A Stakeholder Approach. Marshfield, M.A: Pitman.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    En postulant le rôle central des firmes multinationales dans la propagation du capitalisme, l'affirmation d'une tentation éthique du capitalisme comme le fait de celles-ci ne devrait pas poser de problème de principe. Ce virage présumé se décline entre autre par l'usage inflationniste de l'éthique d'entreprise ou markethique selon un néologisme restitutif du signifié et par l'agrandissement de la communauté corporative à travers l'usure de la théorie de l'agence.

    1. A l'ère du marketing éthique : la transparence des industries extractives au service de la performance

    Les firmes dans l'entreprise de la transparence des industries extractives sont le signe de la figure paradoxale du capitalisme et de la morale. Va-t-on penser que les firmes du secteur des industries extractives ont subitement renoncé au profit pour se lancer dans la promotion de la morale ? La morale semble plutôt être devenue un effet de mode dans le vocabulaire entrepreunarial, l'allusion éthique dans le capitalisme semblant être la marque du piège utilitaire. Il s'agit dans cet espace de penser que la transparence en tant que norme éthique, a reçu les faveurs des firmes parce qu'elle permet à celles-ci de mieux rentabiliser leurs investissements. D'ailleurs, les firmes le confessent. Dans le rapport annuel 2008 de Rio Tinto, il est dit : « our commitment to sustainable developement is delivering a range of long term benefits such as the successful start up of new minerals sands mining project in Madagascar...We aim to build enduring relationship with our stakeholders that are characterised by mutual respect, active partnership and long term commitment. In the long run, the trust that is engendered by solid relationships will reinforce Rio Tinto's ability to gain preferential access to resources1 » (notre engagement au développement durable consiste en la délivrance d'un ensemble de bénéfices à long terme tels que l'exploitation réussie des nouvelles mines à Madagascar...Nous avons l'intention de bâtir une relation durable avec nos parties prenantes, une relation caractérisée par le respect mutuel, un partenariat actif et un engagement à long terme. Dans la durée, la confiance engendrée par ces solides relations va renforcer l'aptitude de Rio Tinto à avoir un accès préférentiel aux ressources). Dans l'ordre des résultats, Rio Tinto énonce qu'il a en raison de son engagement éthique, été admis sur la liste de la FTSE4 Good and Dow Jones Sustainability World, ainsi que dans le Stoxx Index et le Climate Disclosure Index.

    1 Rio Tinto Annual Report 2008, p. 79 et 83 .

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 311 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Les scandales au centre desquels les compagnies se sont retrouvées1, les impacts environnementaux et sociaux néfastes de leur activité ont fini de convaincre les populations que les firmes extractives drainent avec elles un cortège de fléaux. La contestation des multinationales touche leur image et partant, leur gestion selon qu'elle est conditionnée désormais par une bonne conduite. Le marketing des firmes ne peut plus se concevoir sans les considérations éthiques ; « ethic pays » répète-t-on sans cesse dans les écoles de commerces et ce n'est pas qu'un creux slogan. Les firmes sont engagées dans un relookage éthique réel. Dans le but de renforcer la gouvernance sociale, le groupe Conocco Philips a crée en 2002 un comité de divulgation pour superviser ses activités de divulgation et les procédures de contrôle. Mieux encore, la direction de la compagnie a adopté en 2004 une résolution stipulant qu'elle n'approuvera plus des investissements dans les pays sensibles, à moins que ceux-ci ne se conforment à la lettre et à l'esprit de toutes les restrictions américaines. En effet, la figure du capitalisme créatif se croque sur le papyrus à deux faces dont l'intérêt et les valeurs morales sont comme pour le dieu Janus, les deux visages. Le déploiement de Bill et Melinda Gates par exemple sur les terrains de la charité ne cache guère les visées utilitaires car, les concernés déclarent vouloir créer des richesses en faisant de l'humanitaire2. De même, lorsque De Beers annonçait le 5 octobre 1999 l'arrêt de ses achats des diamants angolais, exception faite de ceux exploités par SDM avec qui il avait un partenariat3, c'était la mise en scène d'une attitude éthique traduisant la distance vis-à-vis des diamants de sang. Cette attitude certes morale, ne peut pas uniquement s'expliquer par un accès d'éthique sans lien avec le souci de l'image internationale de la compagnie.

    Qu'il s'agisse de l'éthique d'entreprise ou du markethique, termes interchangeables en raison de leur mêmété de sens, leur rôle premier est d'améliorer l'image de l'entreprise. Si cet « enfant né de l'union entre le marketing et l'éthique4 » laisse perplexe certains auteurs, c'est précisément parce que son invocation masque insuffisamment les visées utilitaires qu'il

    1 Notamment la pendaison de Ken Saro Wiwa et de ses frères Ogoni en 1995 pour laquelle l'on sait que la compagnie néerlandaise Shell a joué un rôle actif. Le 9 juin 2009, en acceptant de payer une indemnité de 15,5 millions de dollars à la famille de Saro Wiwa, Shell a évité un procès perdu d'avance mais davantage, elle a avoué le fait de son implication dans cette tragédie. L'on peut également noter la participation de Total et Chevron aux violations des droits de l'homme par la junte birmane.

    2 A ce propos, Bill Gates déclare que le renouveau du capitalisme se trouve dans le capitalisme créatif qui profiterait à toute l'humanité. Il explique que cette notion de capitalisme créatif doit associer les deux principaux buts de la nature humaine à savoir la satisfaction de ses propres intérêts et l'altruisme. Jeune Afrique hors-serie, n° 18, l'état de l'Afrique 2008, p.120-121.

    3 Richard H. Dietrich « Ethical considerations for multinationals in Angola » in Jakkie Cilliers & Christian Dietrich (2000) Angola's war economy, the role of oil and diamond , Pretoria : ISS, p.251.

    4 André Comte-Sponville, op. cit. p. 40

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    véhicule1. L'éthique améliore l'image et donc les ventes des firmes. C'est la première raison de l'engagement de certaines firmes dans l'EITI. C'est la suite dans un cadre institutionnel précis, des actions disparates que posaient des firmes pour améliorer leur image. Ainsi, en 1998, Chevron a dépensé 1,1 millions de dollars dans la construction des écoles, dispensaires, et autres financements des activités communautaires et environnementales. British Petroleum quant à lui a fait un don de 7 millions de dollars dans le cadre d'un accord avec USAID, pour que la Croix Rouge puisse soutenir l'Angola dans l'épreuve de la guerre civile, au cours de la même année2. Le virage éthique des firmes est palpable dans les rapports annuels des firmes qui s'obligent d'y faire apparaître leurs réalisations socio-environnementales, afin de séduire les publics sceptiques et dubitatifs quant aux potentialités éthiques des compagnies. Ainsi, le rapport 20083 de la compagnie Anglo American qui est partie prenante au niveau international de EITI révèle-t-il que 76,2 millions de dollars ont été investis dans le social en 2008, soit 71% en Afrique. Les tableaux ci-dessous donnent de façon exhaustive les traits de cet investissement social.

    Tableau 18 : Traits de l'investissement social de Anglo American (2002-2008).

    Année

    Montant (en million de $)

    Pourcentage

    2002

    28,8

    0,9%

    2003

    38,3

    1,5%

    2004

    47,4

    1,1%

    2005

    56,7

    1,0%

    2006

    50,3

    0,7%

    2007

    60,5

    0,7%

    2008

    76,2

    1,1%

    Source: Making a difference, Report to Society 2008, p. 48.

    Tableau 19 : Soutien de Anglo American par cause et par région en 2008

    Causes

    Montant

    pourcentage

    Régions

    Montants

    pourcentage

    1 En effet, Comte-Sponville par exemple dit être perplexe pour trois raisons principales. Premièrement, la vertu à elle seule ne fait pas gagner de l'argent pense-t-il. Ensuite, l'emprunt du même chemin par l'économie et la morale, l'intérêt et le devoir ne pose par définition aucun problème moral. Enfin, le choix de la morale comme mobil d'action ne garantit pas que l'action est morale. En cela, le fait utilitaire de l'éthique dans le markethique transparaît avec proéminence. Comte-Sponville, Le capitalisme est-il moral ? op. cit. pp.42-43.

    2 Richard H. Dietrich «Ethical considerations for multinationals in Angola », Jakkie Cilliers & Christian Dietrich (2000) op. cit. p.244.

    3 Anglo American, «Making a difference, Report to Society» 2008.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 313 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

     

    (millions $)

     
     

    (millions $)

     

    Santé/VIH

    4,1

    5%

    Afrique du

    Sud

    50,4

    66%

    Jeunesse et

    éducation

    10,5

    14%

    Reste de

    l'Afrique

    3,8

    5%

    Environnement

    1,6

    2%

    Grande Bretagne

    3,2

    4%

    Développement des

    communautés

    30,2

    40

    Reste de

    l'Europe

    0,5

    1%

    Arts, culture et héritage

    7,2

    9%

    Les Amériques

    17

    22%

    Logement

    0,1

    0%

    Australie

    0,6

    1%

    Autres

    22,5

    29%

    Asie

    0,6

    1%

    Source: Making a difference, Report to Society 2008, p. 48

    Il ne s'agit point d'instaurer les « barbaries de l'éthique et de la morale » car, en réalité la confusion des ordres débouchant sur ces barbaries, est une des explications de la spéciosité du virage éthique1. Le discours sur la responsabilité sociale des entreprises est un écho à la voix plaignante des populations qui dénoncent les impacts néfastes de l'activité des firmes. Il s'agit avec le concept de développement durable, de généreux concepts qui sont de la poudre aux yeux, de l'image et des relations publiques. Cela s'apparente à des opérations de communication d'entreprise dont les desseins de séduction de la population transparaissent par-delà les archétypes de la langue de bois qui, ornée de la savante rhétorique publicitaire, essaie de convaincre que l'entreprise par ce virage, signifie la mutation du capitalisme. Richard Dietrich dit à ce propos: « Corporate social responsibility is not charity, an activity separate from the company's business. In the past, corporations measured their good deeds in terms of philanthropy, but contemporary measures involve conducting business in an ethically manner, with charity as an added extra... Social responsibility does not have to be entirely altruistic, for there are opportunities in doing good that positively affect the first bottom line, such as increased employee pride, better relations with local communities, and a more stable, prosperous future2» (la responsabilité sociale des enterprises n'est pas de la charité, une activité sans lien avec les affaires de la compagnie. Autrefois, les compagnies mesuraient leurs bons actes en terme de philanthropie, mais les mesures contemporaines intègrent la conduite éthique des affaires, avec la charité comme un bonus...La responsabilité sociale ne doit pas être entièrement altruiste car, il y a des possibilités d'affecter positivement la

    1 Cette opposition des ordres justifie la négation de toute morale au capitalisme chez André Comte Sponville. Il considère en effet que l'ordre techno-scientifique duquel relève l'économie donc le capitalise et l'ordre de la morale et de l'éthique sont parallèles et le ridicule ou la tyrannie résulterait de toute volonté de soumettre l'un à l'autre. La confusion des ordres est tout simplement ridicule. Comte-Sponville op. cit.

    2 Richard H. Dietrich « Ethical considerations for multinationals in Angola », Jakkie Cilliers & Christian Dietrich (2000) op. cit. p.241

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 314 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    conduite de la compagnie en faisant du bien. Il s'agit par exemple de l'amélioration de la fierté de l'employé, de meilleures relations avec les communautés locales et un futur plus stable et prospère). Les firmes qui sont les acteurs concernés au premier chef par cette attitude éthique reconnaissent qu'il y a des retombées qui en sont le corollaire. Ainsi, M. Rex W. Tillerson le PDG de Exxon Mobil dit : « in such turbulent times, successful companies are those that see business discipline and corporate citizenship as interlinked...We believe companies that retain a systematic focus on corporate governance, ethics safety, environmental performance and community engagement in the down-cycle will be best placed to succeed in the up-cycle1» (en ces temps difficiles, les compagnies qui connaissent du succès sont celles qui font un lien entre la discipline dans les affaires et la citoyenneté responsable...Nous croyons que les compagnies qui prêtent une attention systématique à la gouvernance sociale, la sécurité éthique, la performance environnementale et l'implication des communautés en amont, sont bien placées pour connaître du succès en aval). Dans la même veine, madame Babs, Supply Chain Manager d'Arcelor Mittal Distribution au Luxembourg declare: « We believe that good business practices are the essential foundation for long-term and sustainable business success. A reputation for high standards of ethics, accountability and transparency is an invaluable business asset, and underpins our ambition to be a leader in our sector2» (nous croyons que les bonnes pratiques dans les affaires sont une fondation essentielle pour un succès durable et à long terme dans les affaires. Une réputation pour le respect des standards élevés d'éthique, de responsabilité et de transparence est un atout incommensurable dans les affaires, et sert de fondement à notre ambition de leadership dans notre secteur).

    Les firmes s'improvisent agents de la promotion de la norme et donc, épousent les schémas discursifs et actionnels3 des entrepreneurs des normes pour ainsi, activer la corde humanitaire et morale qui blouse tant les populations dont la rationalité n'est que fort réduite et peu au fait de la ruse. Les firmes possèdent presque toutes des Fondations qui investissent dans le social. Elles servent entre autre, au financement de certaines ONG qui oeuvrent dans l'humanitaire. En 2008 uniquement, la Fondation Anglo American a financé l'ONG Sightsavers

    1 Exxon Mobil 2008 Corporate Citizenship Report, p. 3.

    2 Arcelor Mittal, « How will we achieve safe sustainability steel? Corporate Responsibility Report 2008», p. 16.

    3 Notamment le paradigme de l'action rhétorique dont parle Dimitrakopoulos. C'est-à-dire un usage stratégique de la norme pour des buts autres en laissant penser que l'on est en présence d'un parnasse normatif. Dionyssis Dimitrakopoulos « Norms, strategies and political change: Explaining the establishment of the convention on the future of Europe » European Journal of International Relations, vol. 14, n°2, pp. 319-342.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 315 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    International pour l'ouverture d'une clinique spécialisée dans le traitement des pathologies des yeux en Guinée Conakry. Elle a financé les activités de Starfish pour sa lutte contre le VIH/SIDA en Afrique du Sud, octroyé des fonds à Plan International pour un projet d'adduction d'eau potable en Chine ainsi qu'à l'association Pro-Mujer au Pérou et Children of the Andes1. Le 7 juillet 2009, le groupe nucléaire français AREVA, l'association SHERPA et Médecins du Monde ont signé un accord de partenariat pour la mise en place d'un observatoire de santé autour des sites miniers de AREVA au Gabon et au Niger.

    De même, il est intéressant d'observer le déploiement du greenwashing2 qui peut-être lu dans l'effet de mode qui consiste pour les compagnies pétrolières par exemple, de mettre sur pied des Fondations qui combattent les effets pervers de l'exploitation pétrolière. De plus, des actions conjointes sont posées entre les firmes et certaines ONG dans le but de verdir leur image. Ainsi, le 27 mars 2008, Shell et IUCN ont rendu public à Gland en Suisse, un rapport dans lequel ils relevaient l'apport de la protection de l'environnement pour les affaires. A l'occasion de cette diffusion, M. Joshua Bishop qui est Senior Adviser on Economics and the Environment à IUCN disait:

    « There are numerous pro-biodiversity business opportunities that can generate significant profits as well as benefits for nature, but a few inspiring examples aren't enough. This report shows how to achieve a major increase in business investment in biodiversity conservation, by linking policy reforms, technical assistance and innovative financing tools » (il y a de nombreuses opportunités dans les affaires respectueuses de la biodiversité qui peuvent générer des profits significatifs aussi bien que des bénéfices pour la nature, mais quelques exemples ne suffisent pas. Ce rapport montre comment réaliser une amélioration majeure en affaire, en investissant dans la conservation de la biodiversité, en reliant des politiques de reformes, l'assistance technique et des instruments financiers innovants).

    Et Sachin Kapila, Group Biodiversity Adviser à Shell de renchérir:

    « For businesses to conserve biodiversity it must ultimately become more profitable to protect nature and use natural resources sustainably, rather than ignore or destroy it» (pour que les affaires protégent la biodiversité, il doit devenir plus profitable de protéger la nature et utiliser les resources naturelles de façon durable, plutôt que les ignorer ou les détruire).

    1 Anglo American Making a difference, Report to Society 2008, p, 49.

    2 Terme anglais qui signifie littéralement « peindre en vert son image ».

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 316 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    L'intérêt réside moins dans la promiscuité des deux ordres que dans la finalité qui est la rentabilisation d'une conduite morale. C'est le sens du partenariat établi entre Anglo American et CARE International sur les questions de développement depuis 2003, et Fauna & Flora International sur les questions environnementales, mais également, de l'accord de coopération signé en 2009 entre Shell et Nature Conservancy.

    2. From shareholders to stakeholders: l'éthique comme impératif dans la complexitédes transactions des acteurs pour la performance et la compétitivité.

    Si le markethique vise à soigner l'image de l'entreprise pour améliorer la performance sociale, et ce faisant s'appuie sur une instigation managériale en direction de l'extérieur, l'extension des parties prenantes quant à elle permet d'adopter une approche intégrée dans la poursuite du même objectif. Il s'agit de faire le relookage de l'image de la firme au devant des acteurs externes, en les associant à l'opération. Dès les années 1970, la prise de conscience de l'impact des compagnies sur leur environnement externe, et qui en fait des responsables devant un public plus large, a nourri les écrits1. Depuis lors, les firmes ont cessé d'être la seule affaire des actionnaires dans leur relation avec les gestionnaires de leurs actifs. C'est le passage des Shareholders aux Stakeholders. Cette révolution signifie en même temps l'usure de la théorie de l'agence. Cette dernière concentre l'attention sur les relations entre les gestionnaires et les actionnaires, les premiers ne rendant compte qu'aux seconds. Or, comme le disent et font certains auteurs, l'analyse des responsabilités sociales des firmes doit rester informée de la coalescence d'acteurs autres qui impactent ou sont impactés par l'activité des firmes. Esther Ortiz Martinez et David Crowther disent: « Additionally there are a wide variety of other stakeholders who justifiably have a concern with those activities and are affected by those activities2» (en plus, il y a une large varieté d'autres parties prenantes qui de façon justifiée, ont à voir avec ces activités et sont affectées par elles). Cette réalité a présidé au passage vers l'intégration de toutes les composantes qui sont membres de la communauté corporative. Le model de Stakeholder fut introduit dans la théorie du management par Freeman. Il définit un stakeholder comme « any group or individual who can affect or is

    1 Même si l'inclination pour les retombées financières a souvent inhibé cette nécessité de responsabilité sociale. Lire à ce sujet Ackerman R.W. (1975) The social challenge to business. Cambridge, M.A: Harvard University Press.

    2 Ortiz Martinez Esther et Crowther David « Is disclosure the right way to comply with stakeholders? The Shell case » Business Ethics, vol. 17, n°1, p. 14, January 2008.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    affected by the achievement of the firm's objectives1 » (tout groupe ou individu qui peut affecter ou est affecté par la poursuite des objectifs des firmes). Le passage vers une communauté corporative élargie justifie les implications des acteurs tels que les ONG dans la conduite sociale des firmes, ce qui serait apparu comme une immixtion dans le passé. C'est d'ailleurs dans ce couloir que se puise la légitimité des organisations de la société civile quand elles jouent les superviseurs de l'action sociale et environnementale des firmes. Alors que ces dernières, dans un premier temps, validaient l'idée d'une intégration des parties prenantes mais se prévalaient d'une prééminence qui n'autorise que l'information dans un sens, celui des managers en direction des autres parties, l'on est désormais en présence d'une co-construction des responsabilités et obligations éthiques par le dialogue multi-partie prenantes2.

    Cependant, ce seul élargissement ne garantit pas la prise en compte des valeurs éthiques, tant la prépondérance des uns sur les autres biaiserait le jeu de la transparence. Un véritable espace de dialogue est nécessaire. C'est-à-dire ce que Burchell et Cook identifient comme « a channel through which to transcend traditional conflictual processes of communication between organisations and develop a more progressive form of engagement and understanding3» (un canal par lequel transcender les processus conflictuels traditionnels dans la communication entre les organisations et développer une forme plus progressive d'engagement et de comprehension). La définition du dialogue, ses issues potentielles et les défis relatifs à la création d'un véritable dialogue entre les parties prenantes est une préoccupation pour la doctrine4. L'on ne saurait imaginer la promotion des valeurs éthiques dans un environnement de discussion5 c'est-à-dire, dans un contexte où une des parties prenantes cherche à imposer aux autres sa pensée. Ainsi, l'avis des populations de Michiquillay au Pérou a été requis pour le lancement du projet d'exploitation des ressources de cette localité par Anglo American en 2008. De même, les multiples memoranda d'entente avec les communautés sont-ils le reflet de la prise en compte des parties prenantes les plus directement affectées par l'activité extractive. Il ne faut cependant pas perdre de vue que l'élargissement de la communauté corporative dans le cadre des memoranda est le signe qu

    1 Freeman R.E., (1984) Strategic management. A stakeholder approach, op. cit. p.25

    2 Lire par exemple Blair M. M. « For whom should corporations be run? An economic rationale for stakeholder management » Long Range Planning, vol. 32, n°2, pp. 195-200 (1998).

    3 Burchell et Cook, art. cit. p.37.

    4 Voir Jon Burchell et Joanne Cook « Stakeholder dialogue and organisational learning: Changing relationship between companies and NGOs » Business Ethics, vol. 17, n°1, pp. 35-46, janvier 2008.

    5 A propos de la distinction entre le dialogue et la discussion lire: Chapman C., Ramondt L. et Smiley G. « Strong community, deep learning: exploring the link » Innovations in Education and Teaching International, vol.42, n°3, pp. 217-230 (2005).

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    trahit le réalisme des firmes. Avec les attaques répétées des installations de Shell au Nigeria, notamment celle de la plateforme de Bonga en juin 2008 à titre d'exemple, le mémorandum devient un élément de pacification du climat social autour des sites d'extraction. Certes, la notion même de l'éthique est relative1 et laisse penser que celui qui en est porteur véhicule des valeurs à coloration ethnocentrique. Toutefois, le dialogue en plus d'être une nécessité de l'élargissement de la communauté corporative, est potentiellement créateur d'opportunités nouvelles dans l'optique de la rentabilisation de l'usure de la théorie de l'agence. En effet, la création d'un processus effectif de dialogue est pleine de défis mais si elle réussit, elle peut créer des opportunités intéressantes2. Ainsi, la création d'un espace dialogique entre les firmes des industries extractives et les ONG permet l'amélioration de la performance sociale des premières, car leur blason est redoré par la collaboration d'avec les ONG dont la population pense que tout ce qu'elles font est bénéfique pour elles et morale. C'est dans cette optique que les firmes signent systématiquement des conventions de partenariat avec des ONG de renom, afin de signifier ainsi leur conscience des responsabilités sociales et humanitaires qui leur incombent. C'est dans ce cadre que les conventions de partenariat qui lient Anglo American avec CARE International pour les questions de développement, et Fauna & Flora pour des questions environnementales, Shell et l'IUCN, AREVA, Médecins du Monde et SHERPA... sont porteuses de sens. Les ONG dans cette perspective, deviennent la caution morale des firmes mais pas seulement, elles deviennent selon le voeu de Morsing et Schultz, des parties prenantes engagées pleinement dans les processus de sense-making (processus par lequel l'on tente de comprendre ce que les autres veulent et y conférer un sens) et de sense-giving (processus tendant à influencer la manière dont l'autre comprend et donne un sens) qui améliorent les espérances mutuelles3. En effet, pensent-ils: « The stakeholder relationship is assumed to consist of interactive, mutually engaged and responsive relationships that establish the very context of doing modern business, and create the ground work for transparency and accountability4» (la relation entre les parties prenantes est censée consister en des liens interactifs et mutuellement engageants et réceptifs qui établissent le contexte même des affaires modernes, et créer un cadre pour la transparence et la responsabilité).

    1 Voir Anne Fagot-Largeault « Les problèmes du relativisme moral » in Jean Pierre Changeux (dir.), op. cit. pp. 41-58.

    2 Burchell et Cook, art. cit. Dans cette même logique voir aussi Andriof J. et Waddock S. (2002) « Unfolding stakeholder engagement» in Andriof J., Waddock S., Husted B. et Rahman S. S. (eds) Unfolding stakeholder thinking: theory, responsibility and engagement. Sheffield: Greenleaf, pp. 19-42.

    3 Mette Morsing et Majken Schultz « Corporate social responsibility communication: Stakeholder information, response and involvement strategies » Business Ethics, vol. 15, n°4, pp. 323-338, October 2006.

    4 Mette Morsing et Majken Schultz, idem, p.325.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Ces deux manifestations de la tentation éthique du capitalisme plantent le décor mais en même temps constituent en eux-mêmes, des espaces de récolte des avantages d'un engagement éthique de l'ordre de la responsabilité. Ce qui n'abrase ni ne rend superflue toute évocation d'autres formes de rentes de la transparence pour les firmes impliquées dans la mise en oeuvre de EITI.

    B. A propos des fruits du marketing éthique : évocation de quelques retombées de l'éthique de responsabilité pour les compagnies extractives

    Dire que la transparence des industries extractives est une aubaine pour les compagnies extractives est un euphémisme. Le caractère moral voulu à la chose interdirait pareille affirmation et pourtant, cet espace trinitaire des bénéfices n'exclut et ne saurait exclure des firmes dont les buts déclarés d'existence sont fortement et sans ambiguïté utilitaires. Si EITI est un fier milieu de déploiement du marketing éthique, une plateforme de mise en oeuvre de l'éthique entrepreneuriale, rien d'étonnant donc que les auteurs en attendent les retombées. L'on pourrait supputer que les firmes ne se seraient jamais engagées dans l'initiative si leur intérêt n'était pas assuré d'en sortir plus grandi. Cette logique capitaliste ne devrait pas offusquer, « les affaires sont les affaires » a-t-on coutume de répéter. In concreto, quelques points saillants mais qui ne sont pas les seuls, permettent de penser que l'adhésion des firmes à l'éthique de la transparence est un choix rationnel préalablement bien pensé. Ceci étant, tous les bénéfices de cet engagement moral ne sauraient être mentionnés dans cet espace, en raison du caractère éminemment dynamique de cette plateforme qui n'a pas encore une décennie d'existence.

    Les firmes se prévalent responsables et leur performance sociale est intimement liée à l'image qu'elles projettent. Aussi, la transparence est-elle une modalité de démonstration de la crédibilité internationale qui leur permet d'obtenir des contrats juteux. Dans des pays suffisamment démocratiques, la négociation des contrats ne se fait pas au mépris de l'étape consistant en la validation parlementaire. L'un des points majeurs est la crédibilité internationale qui convainc les parlementaires de ce que la firme n'est pas un « rogue firm ». C'est ainsi que, les firmes engagées dans EITI exhibent cette adhésion aux principes de la transparence comme une réalisation majeure dans la responsabilité sociale des entreprises. L'ensemble des firmes membres de EITI font paraître dans leurs rapports de durabilité, leur soutien aux principes EITI. En plus de rappeler qu'elle soutient l'initiative depuis ses origines,

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    la compagnie française Total ne manque pas de signaler dans son rapport « Environnement et Société 2008 » qu'elle a participé en novembre 2008 à la promotion des principes EITI auprès des pays du Maghreb, du Mashrek et du Soudan dans le cadre d'un séminaire organisé par la BAD à Tunis1. Il faut rappeler qu'au 15 septembre 2009, aucun de ces pays n'était membre de EITI. Ou encore, le fait pour cette même compagnie d'avoir depuis février un représentant membre titulaire au sein du conseil EITI, en la personne de Jean-François Lassale. La crédibilité internationale est également un signal envoyé en direction des populations qui sont désormais des acteurs intégrés dans l'exploitation des ressources de leur environnement vital. Elles veulent souvent avoir la garantie d'une conduite responsable des firmes auxquelles l'Etat en amont, confie leur destin d'une certaine façon. L'on imaginerait sans effort qu'une compagnie qui s'engage dans l'exploitation des hydrocarbures au Nigeria aura à coeur de faire la démonstration en direction des populations, de son engagement à faire de la transparence un de ses modes opératoires, seule autorisation d'espérer que les revenus parviendront aux populations. Il ne saurait s'agir d'un humanisme ad rem, mais plutôt d'un bouclier éthique dans l'optique de se prémunir des violences et destructions des installations. Le corollaire de cette crédibilisation par le fait de la transparence, est l'usage concurrentiel de l'image qui en ressort dans la projection des firmes vers les zones d'importance vitale pour les firmes.

    Par ailleurs, la pacification du climat social par l'adoption des principes de la transparence est une condition sine qua non à l'exploitation ataraxique des ressources du sous-sol. Les investissements colossaux qu'exige l'activité extractive ne sauraient être rentables si la paix sociale est une gageure. L'on peut dire que l'un des défis auxquels les firmes sont confrontées dans leurs activités est la quête de la paix sociale. Un environnement de paix est l'élément de base pour un développement fondé sur le paradigme de l'IDP2 qui s'appuie sur l'apport de l'investissement direct étranger or, comme précédemment souligné, les firmes sont les principaux vecteurs de l'IDE. Par-delà les bénéfices qu'en tirent les Etats en terme d'emplois créés, de flux financiers entrants et de crédibilisation du pays par l'amenuisement du risque pays, les firmes font des bénéfices exorbitants et ont pour cela besoin d'un environnement propice, c'est-à-dire de paix. L'on ne dira jamais assez le potentiel pacificateur de l'initiative

    1 TOTAL « Environnement et Société : nos responsabilités d'entreprise » Rapport de durabilité 2008, p. 15.

    2 Investment Development Path, paradigme sur lequel John Dunning a amplement travaillé. Voir par exemple Dunning John H. (1988) Explaining international production, London: Unwin Hyman mais aussi Dunning John H. et Rajneesh Narula (1996) « The Investment development path revisited: some emerging issues », in John H. Dunning and Rajneesh Narula, eds., Foreign Direct Investment and Governments, London and New York: Routledge, pp. 1-41 etc.

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    qui, par l'usage des tous les segments sociaux qui se définissent par leur quiddité pacifique, ces acteurs dont le conatus est la paix, mais également par le rêve qu'elle porte de voir les flux financiers que génère l'activité extractive aboutir sur la table des foyers modestes, EITI s'avère ad usum pacem pour la plus grande satisfaction des compagnies extractives.

    Conclusion générale

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    Cette recherche s'est proposée de répondre à certaines interrogations relatives à la souveraineté, à son essence dans le contexte de la promotion d'une norme éthique mettant en scène des acteurs aussi variés que les Etats, les ONG et les firmes extractives. Il s'est agi pour nous, de démontrer que par le fait de l'excroissance des acteurs au sein de EITI et au travers de la mise en index des questions morales telles que la transparence des industries extractives dans les relations internationales, la souveraineté se donne à voir dans sa relativité. Parvenu au point d'orgue, l'on peut en esquisser un bilan qui tient à la fois du domaine théorique et empirique.

    A. Bilan empirique : le fondement moral des intérêts à l'interstice des ordres étatique et privé.

    Les observations empiriques autour de cette recherche ont porté sur les acteurs en scène, sur les processus de leur action intégrative orientée vers la complexité et sur le lien qui unit la souveraineté en tant qu'elle est quête et expression de la puissance, et la transparence selon qu'elle est éthique. L'hypothèse de la relativité de la souveraineté s'est démontrée autour de l'affirmation des acteurs multiples, au travers de la complexité des transactions collusives entre les différents acteurs et dans l'interpénétration de la morale et de la puissance dans les relations internationales. Cela constitue en même temps les provisions de cette odyssée dans les méandres de l'international qui, complexe, livre certaines de ses facettes par l'observation des pans de sa vaste réalité. La transformation de la souveraineté par la reddition des comptes, en une souveraineté responsable trouve son domaine de réalité dans la coexistence de deux ordres en transactions collusives et dans la prise en compte des valeurs morales dans la conduite des politiques de puissance.

    1. EITI et la rémanence de l'ordre westphalien

    La place et le rôle de l'Etat dans l'initiative de transparence des industries extractives révèlent que l'ordre westphalien fondé sur la centralité des Etats n'est pas révolu. En effet, de par son territoire qu'il cède à l'initiative et au travers des divers aspects de sa participation à la transparence des industries extractives, l'Etat constitue un acteur important. Qu'il s'agisse de l'Etat en tant qu'acteur solitaire ou dans le cadre des organisations internationales, Etat développé ou Etat du sud, l'Etat continue d'occuper une place importante dans la politique mondiale. Aussi, son principe structurant est-il rémanent mais transformé, bousculé dans les

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    fondements de son absolutisme. Dire que l'ordre étatique est rémanent, c'est reconnaître que la souveraineté conserve quelque domaine de pertinence. Cependant, l'observation de EITI selon qu'elle est le lieu de l'interaction entre les acteurs divers au mépris de la « compétence des compétences », autorise à une déclaration de la transformation de la souveraineté. Cette étude permet de faire le constat que l'ordre des Etats demeure, mais que la souveraineté a évolué vers la responsabilité. C'est le signe que la mondialisation qui autorise le déferlement des acteurs privés n'abrase point la pertinence de la qualité d'acteur de l'Etat. Pour reprendre Bertrand Badie, « aucune des catégories anciennes de l'action internationale n'a été abolie1». L'on n'est certes plus dans l'ère bismarckienne où le « fait international était comme socialement immaculé2 », mais le système international construit depuis Von Rochau3 sur la reconnaissance de l'Etat comme acteur exclusif et qui a nourri l'empire réaliste dans la science des relations internationales, s'est dépouillé au contact de la mondialisation, de quelques traits de son essence. L'Etat demeure pertinent et partant, c'est le système fondé sur Westphalie qui continue d'exister. Mais, il n'est plus seul et, les acteurs privés ont gagné en pertinence. A ce sujet, Badie dira : «la politique internationale des droits de l'homme n'abolit nullement le passé ; elle ne remplace pas l'ordre du cynisme par celui de la morale ; elle ne substitue pas les ONG humanitaires aux Etats westphaliens4 ». Cette position structure la pensée de l'Ecole anglaise des relations internationales. En effet, fondée sur trois concepts-clé à savoir : le système international, la société internationale et la société mondiale, cette école place l'Etat au coeur des relations internationales. Qu'il s'agisse du solidarisme ou alors du pluralisme, les objectifs de paix, de sécurité et la prise en compte des questions morales, sont le fait des Etats. Cela crée d'ailleurs un domaine de ressemblance entre cette école et le constructivsme d'Alexander Wendt5. A propos de l'Etat en tant qu'unité pertinente et même centrale dans la pensée anglaise des relations internationales, Andrew Linklater et Hidemi Suganami rappellent que : « the uniqueness of the English school can be found on its focus on how sovereign states learn to control violent tendencies by agreeing on some universal moral

    1 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. p.275.

    2 Badie, idem, p. 9.

    3 Badie, idem, pp. 17-44. L'auteur montre dans cet espace comment la construction de l'international s'est faite de Von Rochau aux réalistes contemporains sur l'exclusion de la société de l'arène internationale.

    4 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. p. 11.

    5 Dario Battistella dit du constructivisme d'Alexander Wendt : « exprimé autrement, le constructivise de Wendt est un statocentrisme. Non pas qu'il nie le rôle des acteurs non-étatiques, mais il estime que leur rôle est indirect dans le domaine de la violence internationale ». Voir Battistella D. Théorie des relations internationales, op. cit. p. 297.

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    and legal principles which bind them closely in an international society1 » (la spécificité de l'école anglaise réside dans la façon dont les Etats souvérains apprennent à maîtriser les tendances à la violence, en se mettant d'accord sur certains principes légaux et moraux qui les constituent en societé internationale ). Cette conception strictement statocentrée des relations internatonales est imputée à ce que l'on pourrait appeler l'école anglaise classique des relations internationales, soulignée par Barry Buzan. En effet, ce dernier dans sa critique de l'explication insuffisante et résiduelle du concept de « societé mondiale » par les premiers auteurs de cette école, reconnaît que, le système international se structure autour d'une politique de puissance entre les Etats, dans les conditions d'anarchie. La société internationale quant à elle, est fondée sur la pensée de Grotius, autour de l'institutionnalisation d'intérêts partagés mais parmi les Etats. Alors que, la société mondiale quoiqu'en reconnaissant le rôle des acteurs non-étatiques, considère néanmoins que le système étatique les transcende2. C'est dire la reconnaissance malgré les dissensus au sujet de la centralité ou non de l'ordre étatique, que ce dernier n'est pas dissipé par la bourrasque de la mondialisation. A côté des Etatsnation déployant leur diplomatie traditionnelle dans l'EITI, il y a l'ordre des acteurs privés qui complètent le tableau entremêlé de l'international abri des deux logiques non concurrentielles mais en interdépendance.

    2. La pertinence des acteurs privés dans EITI

    L'initiative, alibi pour une scrutation des fortunes de la souveraineté, a offert l'occasion de constater une excroissance d'acteurs dont l'importance et l'affirmation donnent de la scène internationale l'impression d'un chaos3. L'affirmation réaliste d'une prévalence de l'anarchie repose sur l'absence d'autorité centrale. Toutefois, les Etats parce que considérés comme les acteurs principaux de la scène, oeuvrent par l'équilibre de puissance à la réalisation d'un certain ordre dans ce système anarchique. A la faveur de la démocratisation de la scène c'està-dire de l'irruption participative des acteurs privés dans le naos de la décision internationale informée par les reflets nationaux, il y a comme une impression de désordre amplifiée par le rôle des acteurs privés qui s'érigent en garants de la morale, notamment les organisations non

    1 Andrew Linklater & Hidemi Suganami (2006) The English school of International Relations. A contemporary Reassessment, Cambridge: Cambridge Unversity Press, p. 121.

    2 Barry Buzan (2004) From international society to world society. English school theory and the social structure of globalization, Cambridge: Cambridge University Press, voir notamment le premier chapitre.

    3 L'international est devenu le site du déferlement des acteurs qui vont y tisser des réseaux sustenteurs de légitimité. Il en découle une opération de conversion des valeurs, des ressources et des logistiques qui fait penser à un renversement du sens habituel qui fait de l'interne la rampe de projection des acteurs vers l'international. Voir à ce sujet, Ariel Colonomos (dir.) (1995) Sociologie des réseaux transnationaux. Communautés, entreprises et individus : lien social et système international, Paris : L'Harmattan.

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    gouvernementales. L'émergence des pôles multiples d'autorité a accentué la crainte de la confusion.

    Cette recherche est donc également l'occasion du constat d'une foule immense de firmes et d'ONG qui gagnent leur locus standi sur la scène internationale, et dont le rôle s'est enrichi en raison du caractère complexe des problématiques que soulève la mondialisation. Peut-on imaginer un projet de transparence sans les firmes dont les activités sont sources des revenus visés par la bonne gestion ? Le consensus opaque pouvait-il être ébranlé sans la présence d'un acteur tiers crédité de quelque distance vis-à-vis de l'Etat et du marché ? De toute évidence, l'initiative est le signe que les acteurs privés seront désormais dans leur rôle quand ils auront à exercer le contre-pouvoir dans les politiques menées par les Etats et les institutions multilatérales. Ce n'est pas une nouveauté, mais l'on doit noter que l'initiative en tant qu'objet d'étude observé, a permis l'inscription des acteurs privés dans le cadre du penser institutionnel, aux côtés des acteurs gouvernementaux. C'est comme dirait Badie, la revanche de Grotius sur Hobbes mieux, « à la filiation Hobbes-Weber-Morgenthau, se substitue le lignage Durkheim-Mitrany-Parsons...1 ». C'est la consécration d'un ordre international fondé autour du binôme Weber-Durkheim. C'est-à-dire l'entremêlement d'un ordre animé par les Etats avec une architecture socialement informée et maculée. Même l'école anglaise caractérisée par son statocentrisme, a subi une revisitation de la part de Buzan2 pour dire l'usure de l'inamovibilité de la pensée internationaliste à l'ère de la mondialisation. Son propos sur la societé mondiale se structure autour de la conviction que la mondialisation impose non seulement la prise en compte des questions sociales, mais également une pertinence des acteurs non-étatiques dans la solution et la conduite des problèmes de la globalité. Aussi, considère-t-il la société mondiale comme le domaine des acteurs nonétatiques3. Il dit de façon explicite: « although I have borrowed ideas from Wendt and in some ways recast English school theory in Wendtian terms (...), I have not followed him into the confines of state centrism4» (même si j'ai emprunté certaines idées de Wendt et d'une certaine manière retouché l'école anglaise en des termes propres à lui..., je ne l'ai pas suivi dans son confinement stato-centrique). En fin de compte, en reconnaissant que la societé internationale est fondée sur les Etats et que la societé mondiale s'appuie sur les acteurs non-étatiques (ce

    1 Badie, Le diplomate et l'intrus, op. cit. p.81.

    2 Buzan, op. cit.

    3 Buzan, idem, voir la figure à la page 98.

    4 Buzan, idem, p. 230.

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    qui fonde leur distinction), mais cohabitent, Barry Buzan revisite l'école anglaise en l'ajustant au contexte de la mondialisation. Ce faisant, il la situe dans la sphère des courants qui reconnaissent la juxtaposition des ordres privé et étatique, juxtaposition qui explique et qui est expliquée par la relativité de la souveraineté. La territorialité n'a donc pas cedé la place à la détérritorialisation, mais les deux s'entremêlent1.

    Le fait multi-actoriel qui nourrit la consécration de la cohabitation des deux ordres sur la scène internationale est porté par cette expression multiple des acteurs nouveaux et anciens dans les configurations qui trahissent mieux qu'un désordre, une organisation dans des espaces construits. Etats et acteurs non-étatiques sont des pôles d'autorité affirmés et autonomes certes, mais là s'achève l'impression d'inorganisation car dès lors que l'humanité est au coeur de la préoccupation des décideurs, l'attention se cristallise et la communauté internationale qui en soi est passée d'un ensemble d'Etats et organisations internationales à une configuration plus large, se retrouve et crée les conditions de solution. L'impression de désordre qui serait née de l'émergence des pôles d'autorité multiples en concurrence apparente avec l'Etat, se dilue dans les eaux agitées de la transaction autour des problématiques éthiques construites comme par connivence par la communauté des acteurs du système. L'initiative de transparence des industries extractives c'est d'abord un espace de synergie, une plateforme institutionnelle où la centralité de l'Etat se confirme dans le rôle qui lui est échu en tant que métronome du jeu de la transparence.

    Les symposium et forum internationaux au sujet des questions aussi diverses et variées que la gestion des forêts, les questions migratoires, l'aide humanitaire, la défense des droits des minorités etc. sont le miroir où est réfléchie la scène internationale actuelle dans son aspect complexe. Les Etats réunissent systématiquement les acteurs privés autour de ces questions car semble-t-il, l'efficacité passe par la prise en compte des expertises multiples. Peut-être qu'une autre explication à cette fin de la discrimination réside dans la mutation de l'Etat qui, en raison des crises diverses (crise des représentations, crise des légitimités, crise des autorités et crises économiques), se confine aux tâches régaliennes. Cette idée qui s'épanouit dans les courants de la fin de l'Etat-providence devrait mieux spécifier la teneur de « fonctions régaliennes » car, l'un des traits de la post-modernité et de la mondialisation est la complexité des problèmes. Au nom de cette complexité, l'énumération de certains domaines tels que la

    1 Buzan, idem, p. 92.

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    sécurité, les affaires étrangères, la défense et la souveraineté au nombre des fonctions régaliennes qui bénéficient d'une attention soutenue de l'Etat tandis que les autres domaines seraient relégués au second plan, comporte quelque facilité. Un problème simple d'apparence peut gagner en importance au point de devenir une question de sécurité nationale d'un pays. L'épidémie AH1N1 qui a vu le jour au Mexique est passé en quelque mois au stade de pandémie, s'invitant dans les agendas des Etats et bouleversant les habitudes. Finalement, la situation est plus complexe et appelle à la prudence quant au maniement de certains concepts qui hier avaient quelque pertinence, mais qui sont devenus relatifs à l'aune de la mondialisation.

    L'on fait le constat d'ordre, dans ce chaos apparent de la scène internationale. Cet ordre est structuré dans des espaces de gouvernance et EITI, permet de se rendre à l'évidence des poches d'ordre construites autour des problèmes de la mondialisation.

    De plus, si les acteurs privés ont trouvé avec l'Etat le lieu d'une cohabitation bénéfique dans les espaces de gouvernance, l'initiative de transparence a également révélé que les processus de régionalisation en cours participent de la construction d'un certain ordre à partir des éléments porteurs de germes de désordre dans leur affirmation. En effet, les Etats réunis au sein des organisations régionales, par leur adoption des initiatives multi-acteurs, rendent témoignage de ce qu'ils sont favorables à la création des espaces de gouvernance. L'exemple de l'Union Européenne qui bâtit son modèle démocratique sur la participation de la société civile, vient rappeler une pratique onusienne, celle de l'accréditation des ONG à l'ECOSOC en vertu de l'article 71 de la Charte qui l'autorise. L'Union africaine plus récente est inscrite dans cette même logique, elle privilégie l'implication des acteurs privés dans la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques. Autrement dit, les Etats ne se construisent pas uniquement des espaces plus grands de coexistence dans la quête de niveaux pertinents d'intégration et d'efficacité, mais ils invitent également au banquet de la gouvernance mondiale les acteurs privés.

    La première partie de cette recherche a permis de constater l'affirmation des acteurs étatiques et privés sur la scène internationale, au travers d'une odyssée dans les méandres de l'initiative de transparence des industries extractives. L'Etat a été vu dans le déploiement de sa centralité en tant qu'acteur individuel, mais aussi dans l'action collective des organisations intergouvernementales. L'Etat seul, comme réceptacle de la mise en oeuvre car il offre son

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    territoire et ses institutions. Mais également l'Etat d'ailleurs qui, au travers du soutien de la France, de l'Allemagne, de la Suisse, de la Grande Bretagne,de la Norvège etc., se déploie sur les sites de son exil pour affirmer que les déclarations de son déclin sont précipitées. A côté de l'Etat, les ONG et les firmes entre autres acteurs privés se sont montrées des pôles pertinents d'autorité de la politique mondiale post-Rio. La crainte du désordre née de cette excroissance d'acteurs qui a nourrit l'illusion de la fin de la souveraineté, s'est estompée avec la prévalence d'un ordre structuré au sein des espaces de gouvernance. En effet, le troisième chapitre a principalement démontré que EITI est certes le signe de la multiplication des autorités, mais c'est aussi un espace fermé de transactions complexes qui rendent relative la souveraineté. L'on peut l'affirmer au regard des acteurs multiples qui transgressent les frontières des Etats, et qui par le bas, tutoient la puissance publique. C'est l'épuisement des constitutions politistes en chapelles favorables ou opposées à l'idée d'une souveraineté forte. Une fois encore, manipuler un concept tel que la souveraineté en cette ère de la mondialisation impose la prudence de la relativité. EITI en donne une preuve supplémentaire. A la prise en compte des collusions comme marque de la souveraineté transformée par le fait de deux ordres entremêlés, il faut associer la prise au sérieux des pratiques morales dans les conduites de puissance.

    3. Morale et puissance : les deux faces de la politique mondiale

    A côté des résultats révélés par la conduite des acteurs sur la scène internationale, cette recherche a été l'occasion d'un constat de la pertinence de la relativité dans l'adoption des positions éthiques. En réalité, la colonisation de la science des relations internationales par les auteurs réalistes et la victoire des logiques de puissance sur la norme en tant que morale à promouvoir pendant la guerre froide, ont en partie consacré la dichotomie relative norme/puissance. Les courants de pensée, les écoles théoriques et même les paradigmes consacrés ont été le reflet de cette séparation. La souveraineté qui illustre la puissance selon qu'elle est au coeur du système international mais aussi en tant qu'elle est le signe distinctif de la statolité, symbolisait l'emprise de la rationalité sur les considérations morales. Les juristes internationalistes ont souvent d'ailleurs montré leur embarras devant la césure ainsi posée par la coutume internationale. L'ordre juridique international est fondé sur Westphalie, c'est-à-dire sur l'intangibilité des frontières et la souveraineté qui est le principe structurant des Etats acteurs de la scène. En même temps, l'évolution du droit des Etats vers les droits des individus suppose la fissuration du marbre westphalien afin de rendre possible le déploiement

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 330 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    du droit derrière les lignes de la souveraineté. Les procès d'anciens chefs d'Etats tels que Charles Ghankay Taylor et Slobodan Milosevic sont le signe d'une évolution des pratiques internationales. Cependant, il ne semble pas exister un consensus autour du traitement de la souveraineté, marque de la puissance face aux questions morales.

    L'examen de l'initiative de transparence des industries extractives laisse penser que le dilemme du choix ne se pose pas en réalité car, la puissance et la norme ne s'opposent point. L'on doit peut-être envisager a contrario, la recherche autour des zones de congruence comme le site pertinent de la compréhension de la scène internationale telle qu'elle se donne à voir dans la réalité de son fonctionnement. L'arrière-pensée dogmatique qui découle de l'empire rationaliste mais, qui en fait est le dogme des puissances conceptuelles et théoriques dominantes, cesse d'être la toile de fond de la scène pour être une maladresse structurelle de la pensée internationaliste. La puissance, l'intérêt et les valeurs morales ne s'opposent pas, ils sont tout simplement d'ordres distincts et le sentiment de désordre s'arrête là, pour se muter en ordre dès lors que la relativité en tant que résultat majeur de cette recherche, impose la nuance et la retenue. Le fait saillant est que le manichéisme muselle les génies de la pensée, pour accorder ses faveurs à la paresse du paroissialisme structurel des courants empiriques. Nul n'est certain de palper une question internationale en cette ère de la mondialisation sans devoir sacrifier à l'alchimie de la fusion de l'eau et du feu. Telles ont été présentées souvent les postures empiriques qui relèvent de la morale et de la puissance. D'ailleurs, fait notable pour mériter d'être signalé, le discours sur les normes morales a souvent fait sursauter les pontifes établis de la pensée positiviste. Ceux-ci considèrent que le propos sur les normes ne peut revêtir la cape de la scientificité dès lors qu'il s'exprime sur les choses et les convictions personnelles. L'objectivité semble ne pas être du domaine de la morale frappée ipso facto d'ostracisme en raison de la subjectivité qui lui serait inhérente. Le chercheur en science sociale serait dès lors appelé à devenir traître à son groupe selon le conseil de Norbert Elias, pour éviter le jugement de valeur. Va-t-on reprocher à un chercheur de trahir par quelques aspérités ça et là dans son travail ses doutes quant à certaines normes qu'il étudie ? Le fait en soi est-il le signe d'un manque d'objectivité ? La cloison entre puissance et morale apparaît dès lors comme un mythe construit et entretenu pendant l'hégémonie réaliste et qui se doit d'être déconstruit à l'ère de la politique mondiale car, de plus en plus de sujets portent sur les normes et leur examen ne saurait se voir taxé systématiquement de subjectivité au motif que le risque de prescription est supérieur à l'hypothèse d'une analyse froide.

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    EITI est finalement un site d'expression de morale et de puissance. Ce n'est pas nécessairement faire oeuvre de philosophie des relations internationales1 que de se pencher sur des questions comme celle de la promotion des normes en relations internationales. La rupture franche est à rechercher, quand on sait que dans le cas de la promotion de la transparence des industries extractives, le modelage d'une scène internationale propice aux politiques de puissances des Etats leaders passe par la ruse morale. Même les réalistes tels que Morgenthau et Raymond Aron ont démontré leur conscience de la nécessité d'une prise en compte des normes morales dans la fabrication et la structuration de la puissance2. La notion de prudence (phronesis chez Aristote) puise sa pertinence dans cette conscience et elle informe sur la prééminence chez ces auteurs d'une « éthique de la responsabilité convaincue ou d'une éthique de la conviction responsable ». La transparence des industries extractives est l'occasion d'un retour vers la reconnaissance du lien intime entre la morale et la puissance3. L'inséparabilité des deux notions permet d'envisager une éthique des relations internationales.

    Le réalisme moral de l'école anglaise des relations internationales qui place l'Etat au coeur de la politique mondiale, dans la poursuite des objectifs moraux rappelle en même temps que le constructivisme de Wendt, que les objectifs de puissance ne s'opposent pas automatiquement à la morale. Le pluralisme et le solidarisme qui sont les pierres angulaires de l'école anglaise ne sont rien d'autre que la reconnaissance de la place de la morale à côté de la puissance. En fait, la cohabitation du solidarisme et du pluralisme est une face visible de la cohabitation entre la morale et la puissance. Le système intérétatique dont la centralité fait l'unanimité de cette école dans sa version première, reconnaît la guerre et l'anarchie comme des données réelles de la scène internationale. Cependant, parce que les Etats sont capables de se mettre d'accord sur certains buts primordiaux, ce qui est la substance du rationalisme tel

    1 Philosophie ici comme prescription du devoir être des acteurs. Il existe d'ailleurs une philosophie des relations internationales comme le démontre Frédéric Ramel. Lire Frédéric Ramel (avec la collaboration de David Cumin) Philosophie des relations internationales, Paris : Presses de science po, 2002.

    2 A ce propos, les normes peuvent constituer des facteurs de guerre. Voir Tal Dingott Alkoper « The role of Rights in the social construction of wars: From the Crusades to humanitarian interventions » Millennium-Journal of International Studies, vol. 36, n°1, pp. 1-27, 2007.

    3 D'ailleurs, la construction européenne se fait en prenant au sérieux cette cohabitation. Ce qui fait penser à d'aucuns que l'UE est une puissance normative exclusivement. Il s'agit pour elle, de bâtir ses fondements et sa légitimité internationale sur la prise de conscience des différences et des précarités. Adrian Hyde-Price pense cependant et à raison que, c'est une manifestation de la puissance par l'avancement des principes moraux. Il va plus loin, il crédite la théorie réaliste d'une fondation théorique et conceptuelle éthique, à la lumière de la guerre contre le terrorisme. Voir à ce sujet: Adrian Hyde-Price « Realist Ethics and the `War on Terror' » Globalizations, vol. 6, n° 1, pp. 23-40, March 2009.

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    que perçu par les coryphés de cette école1, le pluralisme devient mieux qu'une tolérance
    morale, le sacre du relativisme moral. Comme le rappelle Simon Caney2, la préference de

    l' « association pratique » par Terry Nardin repose sur cet argument du pluralisme qui suppose que, différentes communautés ont différents codes moraux. Ce faisant, la tolérance devient de mise. Le solidarisme quant à lui esquisse clairement la prégnance de la morale dans les relations intérétatiques comme une poursuite, dans une perspective du rationalisme de Grotius. Les dissensus sur la place des acteurs non-étatiques dans la pensée anglaise des relations internationales n'ont pas atteint la cohabitation de la morale et de la puissance. En effet, comme le rappellent Linklater et Suganami : « the focus on norms and values is a distinctive feature of the English school approach to the study of world politics3 » (l'accent mis sur les normes et valeurs est le trait distinctif de l'approche de l'école anglaise des relations internationales). Ainsi, de même que le pluralisme et le solidarisme cohabitent, la distinction entre la coopération et le conflit, l'intérêt et la norme, la puissance et la valeur, le réel et l'idéal cesse d'être pertinente. Cette realité puise sa véracité dans le caractère historiquement situé, émotionnellement informé et spécifiquement universel des acteurs et identités des acteurs de l'international. Ce que de l'avis de Kratochwil, l'immédiatété universaliste et globalisante de la politique, et une logique transhistorique conduisent souvent à minorer, ignorant le rôle des passions auprès des intérêts dont sont porteurs les projets des acteurs4.

    A ce propos, cette recherche semble laisser croire que la prise en compte du lien intime entre les notions de morale et de puissance dans la lecture des relations internationales, est le premier acte dans l'écriture d'une théorie totale, complète, fidèle et juste des relations internationales. Ce constat fait au travers de l'examen des fortunes de la souveraineté selon qu'elle est rythmée par les questions complexes de la mondialisation, ne porte point à notre sens une marque de sacrilège. C'est dire finalement que Colonomos a raison de penser que la morale participe à la formation des intérêts et quand on a dit cela, le choix ne s'impose plus entre la morale et la puissance5.

    1 Linklater et Suganami, op. cit. p. 44.

    2 Voir Simon Camey « Human Rights and the rights of states: Terry Nardin on non intervention» International Political Science Review, vol. 18, n°1, pp. 27-37.

    3 Linklater et Suganami, op. cit. p. 11.

    4 Friedrich Kratochwill « Re-thinking the `Inter' in International Politics » Millennium-Journal of International Studies, vol. 35, n°3, pp. 495-511, 2007.

    5 Ariel Colonomos, la morale dans les relations internationales, op. cit.

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    B. Bilan théorique : vers le dépassement des archipels paradigmatiques.

    La complexité de la scène internationale qui résulte de l'enchevêtrement de l'ordre westphalien avec l'ordre des acteurs privés, donne l'impression d'une entropie. Comme le souligne Badie : « la réalité nouvelle est celle de l'entrée des sociétés dans l'arène internationale et l'ignorer constitue désormais un rêve risqué1 ». Cet état de fait qui se complexifie davantage avec l'imbrication de la morale et de l'intérêt, a imposé la convocation de trois grilles de lecture dont les forces explicatives n'excluent pas des faiblesses. Ces forces et faiblesses induisent une mise en péril des archipels paradigmatiques si l'on veut rendre compte de la réalité totale de la scène internationale.

    1. Forces et faiblesses des grilles convoquées

    Le réalisme qui focalise l'attention sur l'Etat, a permis de rendre raison de la place mieux, du redéploiement de l'acteur étatique sur la scène internationale. En effet, EITI offre l'occasion de faire le constat que l'ordre bismarckien fondé sur l'Etat comme acteur de la scène internationale demeure. De même, la puissance qui se puise à la source de la morale donne-t-elle à notre étude, la preuve que le Réalisme a le mérite de rendre compte de la ruse. En réalité, la mutation qui est au fondement du néoréalisme, mutation par laquelle la grille réaliste prend en compte la morale, constitue une des forces du réalisme tel qu'invoqué dans notre étude. L'entêtement à rester figé dans la conception du réalisme n'aurait pas permis un examen approfondi de la transparence des industries extractives. La force du réalisme se trouve également dans sa tendance à présenter la scène comme un espace d'anarchie. Si Badie perçoit l'arène internationale comme une entropie du fait de la revanche de la société sur le système westphalien2, c'est en raison du sentiment d'anarchie que cela induit. Ce même sentiment que l'on retrouve dans l'initiative de transparence des industries extractives, aurait laissé place au doute. Cependant, le réalisme en tant que théorie de la puissance, aura permis de lire dans cette anomie apparente, la construction d'un ordre insoupçonné qui se structure autour de l'intérêt.

    Cependant, le réalisme comporte des faiblesses qui auraient pu en faire une grille inappropriée pour l'examen de la transparence des industries extractives. La critique du

    1 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. p. 277.

    2 Badie B. idem.

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    kissingerisme développée par Ariel Colonomos1est d'abord une critique morale. Mais au-delà de Kissinger, c'est à la théorie réaliste en soi que s'adresse cette critique qui révèle une de ses faiblesses. L'obsession de la puissance pour les réalistes a détourné leur intérêt de la morale. Si la morale n'a pas droit de cité dans l'arène internationale, alors l'effort de compréhension de la transparence des industries extractives exclut les entrepreneurs moraux, et donc ne rend pas compte de la totalité des logiques à l'oeuvre dans EITI. Cependant, alors que cette « exclusion » de la morale du champ réaliste sert de substrat à l'idée de l'objectivité du réalisme par opposition à l'idéalisme, l'expression à vocation normative de cette théorie laisse penser à une science à l'impératif. Comme le rappelle Colonomos2, le style discursif de Morgenthau dans la phraséologie « l'Etat doit maximiser sa puissance et doit s'attacher à poursuivre l'intérêt... », met en scène une expression injonctive et donc normative. Cela invalide l'hypothèse objectiviste du réalisme. En rapport avec la transparence des industries extractives, la prétention réaliste à l'objectivité empêcherait l'examen des logiques morales dans la structuration du jeu des acteurs, tandis que ce caractère normatif que trahit le ton réaliste serait porteur d'un projet d'érection de la puissance en norme.

    Le postulat réaliste qui fait de l'Etat sinon l'unique du moins l'acteur majoritaire de la scène internationale, a le mérite d'avoir permis de comprendre le rôle des Etats dans EITI. Cependant, c'est un postulat qui porte l'illusion du nominalisme. Le réalisme transcende les cloisons, voit la puissance sous un même prisme dans toutes les aires géographiques. EITI est quant à elle, une initiative transnationale, transcontinentale et donc incorpore des aires très variées où l'Etat et la puissance n'ont pas la même connotation. Nul ne peut sérieusement arguer que l'Etat en Asie a les mêmes modes de fonctionnement que l'Etat en Afrique ou l'Etat occidental. Du coup, la considération de ces ensembles disparates est une illusion. Ainsi, Colonomos a-t-il raison de penser que « le réalisme forge une théorie explicative qui fait fi de toute barrière géographique, culturelle, démographique et sociale3 ». D'autre part, sur un plan interne, le réalisme considère l'Etat comme un acteur unitaire et impersonnel qui aurait une rationalité unique et dépassionnée. La transparence des industries extractives nous permet de constater que les politiques publiques étant le fait d'un ou plusieurs départements ministériels, la cohésion qu'insuffle l'exécutif en tant qu'inspirateur de la politique nationale, devient fébrile devant les logiques au sein d'un même ministère, et pis encore entre les

    1 Colonomos A. La morale dans les relations internationales, op. cit. pp. 72-75

    2 Colonomos, idem, p.61

    3 Colonomos, idem, p. 62.

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    ministères et services différents. Les incohérences entre les sociétés d'Etats en charge de la commercialisation du profit-oil en nature dans les Etats tels que le Congo le Gabon, et les administrations de trésor et de finance, rendent raison de ce que l'Etat ne saurait être un acteur unitaire travaillé par une seule logique fut-il un Etat archi-totalitaire.

    Le transnationalisme est la grille qui aura permis par-delà les considérations d'essence et d'être des acteurs, de consolider la conviction que le glissement vers une souveraineté responsable est un fait avéré. EITI met en scène des acteurs qui brillent par leur irrévérence vis-à-vis des souverainetés étatiques. Si l'on considère le transnationalisme comme une manière d'être des acteurs, l'on comprend dès lors que le border spanning qui est devenu le jeu favori des acteurs de la scène internationale ne se joue que sur l'espace de la relativité de la souveraineté. L'activité des firmes comme celle des ONG et des Etats s'inscrit dans la logique de la transnationalisation. C'est l'un des traits de la société ouverte que décrit Badie1. Aussi, l'on peut penser que le mérite premier du transnationalisme est de permettre de lire l'action de ces acteurs qui enjambent les frontières étatiques. Cependant, la tendance généralisée à la transnationalisation qui se conforte avec l'épuisement de la distinction externe/interne érode l'exceptionnalité théorique du paradigme transnationaliste. Toute activité politique contemporaine est exposée à la transnationalisation. De plus, la souveraineté n'est plus un principe capable d'opérer le containment des acteurs privés dans leur élan de perturbation des autorités étatiques qui s'exercent sur les territoires. Ainsi, le transnationalisme apparaît simplement comme une manière d'être sur la scène internationale plutôt qu'une théorie digne d'un intérêt rigoureux. Ce d'autant que, le réalisme, l'idéalisme, le constructivisme, l'interdépendance et autre fonctionnalisme expliquent également l'activité des acteurs qui s'inscrivent dans la transnationalité. Il se dégage l'impression que le transnationalisme s'est vidé de son essence par le fait de la mondialisation qui rend impertinente, toute action recluse dans les cadres strictement stato-territoriaux des Etats.

    La troisième grille qui aura servi à l'examen de la transparence dans les industries extractives est le constructivisme. L'opacité dans ce secteur d'activité est un phénomène vieux. Son inscription dans l'agenda de la politique mondiale dans la décennie 1990, les

    1 Badie considère que les sociétés qui font leur entrée dans l'arène brisent la tradition d'une société internationale construite de Von Rochau aux réalistes contemporains et qui était fondée sur la diplomatie des Etats. Cette intrusion donne dès lors naissance à une société ouverte qui se caractérise par : l'interdépendance, la transnationalisation et la communication. Badie B., Le diplomate et l'intrus, op. cit. Lire notamment les pages 45 à 78.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 336 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    causes que défendent les entrepreneurs moraux y affiliés ainsi que sa transformation en problème public1 sont des éléments d'une construction sociale de la réalité. La déconstruction de cette réalité a été rendue possible par l'outil constructiviste. Aussi, le constructivisme démontre-t-il le mérite de permettre une déconstruction des réalités et faits sociaux inscrits dans la politique internationale. Ce faisant, il se révèle également comme un Janus dont l'une des faces constitue la force et l'autre son talon d'Achille. C'est une théorie post-positiviste.

    Le constructivisme qui offre l'occasion de discourir sans complexe des valeurs, normes et idéaux et dans ce cas précis de la transparence, semble ainsi relever du post-positivisme. D'abord, parce qu'il est observation des faits qu'il permet de déconstruire. De ce point de vue, il est une théorie positiviste qui examine les faits, l'orthodoxie obsessionnelle du positivisme qui sert une antienne au sujet des faits est donc respectée. C'est cela l'aspect objectif du constructivisme et en cela réside sa force dans cette étude. En effet, il est la grille qui aura permis de lire avec pertinence la logique des membres de la communauté de la transparence. Autrement, les motivations profondes des uns et des autres, ainsi que leurs identités construites auraient échappé à l'examen. Ensuite, il est post-positiviste parce qu'il va au-delà de l'observation objective, pour s'exprimer sur les normes et valeurs qui modèlent la société. C'est ce que le professeur Sindjoun appelle l' « idéalisme structurel », c'est-à-dire un idéalisme agissant qui informe les structures à la différence de l'idéalisme naïf des révolutionnaires qui relève de l'éthique de conviction, de la « morale du grand Inquisiteur ». Le constructivisme se situe alors dans la posture d'une évolution des mentalités théoriques et incite à un dépassement des archipels paradigmatiques. Tout se passe finalement comme si l'ère post-positiviste tend à rendre aux théories, le magma originel qui scelle la proximité et l'identité des couloirs de pensée autour des valeurs et normes. Que l'on se souvienne que la pomme de discorde qui a causé la babélisation théorique est entre autre, le fait de la place à accorder aux valeurs et normes dans la science des relations internationales. Inclure les valeurs et normes dans la théorie relève du bon sens, de la « raison pratique » tant leur influence est réelle dans la conduite des acteurs. L'irruption de la multitude entraîne avec elle l'irruption des émotions de la multitude sur la scène internationale. Rendre raison de la conduite de cette multitude qui explique l'affirmation de l'actorat multiple, c'est être au fait des valeurs et normes qui les font mouvoir. Le constructivisme a donc le mérite d'avoir permis de concilier la puissance et les valeurs dans la compréhension de la transparence des

    1 Voir Joseph Gusfield op. cit.

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    industries extractives. C'est également en cela que réside le défi. Comment le constructivisme peut-il demeurer scientifique en touchant de si près aux valeurs et normes ? Comment rester objectif lorsque la promiscuité d'avec les valeurs et idéaux peut être source de contagion émotionnelle génératrice de subjectivité ?

    La faiblesse manifeste du constructivisme est la manipulation des valeurs et normes qui sont traditionnellement frappées d'exclusion dans la science en raison de leur caractère subjectif. Aussi, le constructivisme aura-t-il entraîné dans son élan de subjectivité, notre étude vers le sentiment d'un jugement de valeur. En effet, dire que la communauté de la transparence est une communauté motivée, intéressée, c'est devoir se prononcer pour juger la conduite des acteurs, devenir moralisateur. Si tout est construit, alors la déconstruction de la réalité sociale comporte le risque de basculer vers la condamnation et la stigmatisation. C'est un risque qui a accompagné cette étude d'un bout à l'autre.

    2. Par-delà les forces et faiblesses : vers le dépassement des archipels théoriques et paradigmatiques ?

    L'on peut penser que nul n'a le droit de se priver de goûter aux joies de l'analyse internationaliste au motif que le sujet étudié relève de la morale et que le risque du parti pris est élevé. La mondialisation de la scène internationale s'assimile à la démocratisation c'est-àdire à l'irruption de la multitude et, cela entraînant ceci, les archipels de la pensée théorique doivent être dépassés. Ce n'est que de cette façon que le réalisme et l'idéalisme, l'utopisme et le positivisme rendront raison ensemble de ce que la morale ne s'oppose pas nécessairement à la puissance. Le post-positivisme a effectivement le rôle et la responsabilité, de rendre compte de la nécessité de mêler les postures théoriques afin de permettre à la science des relations internationales d'évoluer avec son temps, et de ne pas toujours être à la traîne derrière les concepts qui auront évolué avec le temps. A ce propos, Dario Battistella esquisse quatre caractéristiques du post-positivisme qui participent du dépassement des positions figées et intègrent la necéssité d'une méthode pluraliste. Sur le plan épistémologique, le postpositivisme critique les approches positivistes et empiriquement vérifiables. Méthodologiquement, il rejette l'hégémonie d'une seule méthode scientifique en faveur de la pluralité. Ontologiquement, il défie la conception rationaliste de la nature et des actions

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    sociales pour souligner au contraire la construction sociale des identités des acteurs. Et normativement, le post-positivisme condamne la théorisation axiologiquement neutre1.

    Dès lors que l'on a admis que la politique internationale est le domaine d'une saine cohabitation entre la morale et les intérêts, entre la puissance et les valeurs, l'effet induit sur le plan théorique est le pluralisme. D'ailleurs, en cela réside l'illusion d'une théorie des relations internationales. Non pas qu'une théorie explicative de ce domaine de la science politique ne doive exister, mais parce qu'une seule théorie serait incapable de rendre compte de la réalité totale de la politique internationale. Selon Jean-Louis Martres, l'obstination à la bataille hégémonique entre diverses théories, bataille qui est culturellement maculée et dont le ferment occidental qui s'accommode d'une vision manicchéenne de la réalité, a permis les vélleités hégémoniques de certaines théories au détriment d'autres, a rendu pendant longtemps mal perçue une approche pluraliste dans l'analyse de la politique mondiale. Le syncrétisme devient alors la solution pour rendre raison de la réalité complexe et composite de la politique internationale2. Toute analyse de la réalité internationale qui a pensé les valeurs et les intérêts en terme de juxtaposition et non d'exclusion, a eu l'impératif d'une approche pluraliste, transcendant les îlots théoriques dans lesquels se sont installés durablement et avec aise, certains courants de pensée. L'école anglaise des relations internationales, inscrite dans une prise en compte des normes et valeurs dans un monde dominé par les Etats en quête d'objectifs de puissance, a su se plier à l'exigence méthodologique du pluralisme. Andrew Linklater et Higemi Suganami disent à ce sujet: « It has been argued that the English school is committed to methodological pluralism and does not priviledge any single dimension of world politics. This is a useful reminder that its members do not believe order and society in international relations can be understood in isolation from geopolitical rivalries and cosmopolitan attachments3» (il a souvent été dit que l'école anglaise a une approche méthodologique pluraliste et ne privilégie pas une seule dimension de la politique mondiale. Cela constitue un rappel utile à savoir que, ses membres ne croient pas que l'ordre et la société dans les relations internationales peuvent être compris à partir d'une observation isolée des rivalités géopolitiques et des convictions cosmopolitiques). Et comme le rappelle Barry Buzan, cette école est une théorie précsement parce que, en plus de s'intéresser aux

    1 Dario Battistella, théories des relations internationales, op. cit. p. 301.

    2 Jean Louis Martres « De la necéssité d'une théorie des relations internatinales. L'illusion paradimatique » working paper.

    3 Linklater et Suganami, op. cit. p. 119.

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    sociétés de second ordre, elle a une approche méthodologique pluraliste qui rend l'inconciliabilité des paradigmes impertinente1.

    La bataille théorique est une bataille de puissance. Chaque courant déploie son génie cognitif pour imposer l'empire de sa grille. Il faut rappeler que la théorie est par essence un instrument à usage ex post c'est-à-dire, un outil qui a vocation à servir pour constater ce qui se joue, un instrument que le chercheur utilise, lui qui arrive « quand les lampions sont éteints ». Aussi, l'archipelisation des courants théoriques qui s'érige en norme dans la science des relations internationales est-elle de ce point de vue, une attitude à proscrire. En effet, la prétention à l'unicité d'une théorie et le monisme explicatif permettent de rendre compte de façon partielle et parcellaire de la réalité internationale. Peut-être c'est cela l'idée qui a souvent présidé à l'adoption de plusieurs paradigmes distincts et complémentaires ; tentant ainsi de rendre raison de la complexité de la réalité de la scène internationale qui autorise l'usure du monisme explicatif. Cette même complexité autorise de s'émanciper des schèmes comportementaux consacrés dans la discipline, et qui se fondent autour de l'idée que le réalisme notamment ne saurait être opérationnalisé pour dire le comportement éthique des Etats. Cette opinion a eu les faveurs de l'ère de l'hégémonie réaliste sans surprise, car l'Etat est perçu par eux comme l'acteur central et quelques fois unique des relations internationales2. Les couloirs consacrés de la réflexion internationaliste s'avèrent aigus dès lors que l'on se met dans la peau d'un observateur des nouvelles relations internationales. Les archipels théoriques marqués sur la carte de la pensée politique internationaliste sont désormais exposés à la tectonique des plaques de la sociologie des nouvelles relations internationales3. Ils ne sauraient résister à leur confinement qui se construit à la congruence des valeurs et de la puissance, des normes selon qu'elles connotent un devoir être et les faits qui disent ce qui est. `Ce qui est' est l'issue d'un processus idéel qui se solde par la matérialisation d'une pensée de `ce qui doit être'. Autrement dit, la pensée précède l'action et cela impliquant ceci, les faits

    1 Barry Buzan, op. cit. pp. 24-26.

    2 A ce propos, Frédéric Ramel tentant de situer la genèse d'une philosophie des relations internationales, trouve dans le moment médiéval qui coïncide avec la formation de l'Etat moderne l'instant de son émergence. Point de vue contestable de l'auteur qui assimile une philosophie des relations internationales presque exclusivement aux seules relations interétatiques et qui leur donne pour vocation première l'examen de la polémologie internationale. Il s'agit d'une onction accordée au réalisme en tant que théorie qui sanctuarise l'Etat. Voir Frédéric Ramel (avec la collaboration de David Cumin) Philosophie des relations internationales, Paris : Presses de science po, 2002.

    3 C'est ce qui fait penser à Mervyn Frost que les normes sont indissociables des faits empiriques dans l'étude de la scène internationale. Voir Mervyn Frost (1996) Ethics in International Relations: A constitutive theory, Cambridge: Cambridge University Press.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 340 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    informent une conception du monde ; ils imposent une réalité. Les idées moulent les faits, ceux-ci à leur tour induisent des idées dans une circularité congénitale1.

    Il est devenu quasi-obsolète de rattacher le réalisme à la puissance stricto sensu, dès lors que le déclin du communisme a marqué l'avènement d'un monde post-guerre froide. Ce changement là est la ruine des paradigmes réalistes. Non point que la quête de puissance n'a plus prise sur les motivations des acteurs, mais davantage, celle-ci est devenue plus soft. L'on note la cohabitation sereine du hard power et du soft power. L'explication de la conduite de puissance des Etats s'accommode désormais fort bien de l'idéalisme. L'ouverture des mentalités à la fin des rigidités positionnelles a permis de faire le constat du préjudice imposé à la science des relations internationales, en restant accroché aux mâchoires des favelas théoriques. Le réalisme n'a pas cessé de rimer avec puissance mais, il a nuancé ses positions pour traduire sa conscience de l'évolution de la scène internationale. Klaus-Gerd Giesen2 pense d'ailleurs que la prise en compte de cette évolution est au principe de l'émergence du néoréalisme en tant qu'il est le prolongement théorique du réalisme qui se mute en se moralisant. A ce propos pense-t-il, le néoréalisme se caractérise par le bannissement du scepticisme, la régénération du conséquentialisme et la naissance d'une éthique néo-empiriste des régimes. Refuser cette mutation dans la pensée des relations internationales entraîne à manquer l'occasion de faire avancer la discipline. Au nom d'une antinomie consacrée entre l'utopisme en tant que préséance de la recommandation comportementale qui se veut la source d'un monde rêvé, et le positivisme qui privilégie davantage les faits, la science des relations internationales se fait du tort, en laissant perdurer l'illusion que les choses-pensées diffèrent des choses-faites. Peut-être faut-il rappeler que les choses sont d'abord pensées, et lorsqu'elles sont faites, elles informent ensuite la forme que prennent les sociétés. Autrement dit, toutes les réalités sont construites par les idées et pour les comprendre, il faut convoquer les idées. C'est pourquoi, l'apport constructiviste dans cette recherche a permis de transcender les cloisons de l'insularité des archipels théoriques, pour surfer dans la relativité des chapelles théoriques afin de rendre raison de la relativité de la souveraineté. D'ailleurs à propos de la non-exclusion naturelle des théories, Dario Battistella rappelle les traits réalistes du

    1 C'est l'idée que défend Kathryn Sikkink qui parle d'une approche interactive qui commence avec l`engagement éthique qui inspire le choix du sujet et les résultats de la recherche qui modèlent les jugements éthiques du chercheur. En cela, elle veut transcender la dichotomie déontologie/conséquentialisme dans l'étude de l'éthique. Kathryn Sikkink « The role of consequences, comparison and counterfactuals in constructivist ethical thought » in Richard M. Price, op. cit. pp.83-111.

    2 Klaus-Gerd Giesen op. cit. pp. 238-260.

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    constructivisme d'Alexander Wendt. Taxé de stato-centrisme1, le constructivisme de Wendt se fonde sur l'Etat auquel il reconnaît seul l'autorité dans les relations internationales. De plus, l'intérêt national est au coeur de sa réflexion. Autant la centralité de l'Etat que l'intérêt national sont des colonnes de la réflexion réaliste. Mieux, le constructivisme de Wendt met en relation ces éléments de réalisme avec la morale. Battistella dit : « en résumé, chez Wendt, l'intérêt national qui guide le comportement d'un Etat bien qu'il se réfère aux exigences de sécurité et de survie d'un Etat, est enchâssé dans les normes et valeurs qui façonnent ses identités2 ». Aussi, présente-t-il le constructivisme comme une synthèse, une voie médiane entre le réalisme et les théories libérales3.

    1 Battistella, D. théorie des relations internationales, op. cit. p. 297.

    2 Battistella, D. Idem p.301.

    3 A. Cohen, B. Lacroix et Ph. Riutort (Dir.) Nouveau manuel de science politique, op. cit. pp. 676-678.

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    · Meyer Angéla « L'intégration régionale et son influence sur la structure, la sécurité et la stabilité d'Etats faibles : L'exemple de quatre Etats centrafricains » Thèse de doctorat soutenue le 13 décembre 2006 à l'IEP de Paris.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    · Nain Kuma Vivian « Oil exploitation and the state sovereignty of African states: The example of Cameroon and Nigeria, an international perspective » Thèse de doctorat de troisième cycle présentée à l'Institut des Relations Internationales du Cameroun, 2003.

    · Owona Joseph « La notion d'intégrité territoriale dans le vie politique et le droit constitutionnel français depuis 1789 » Thèse de doctorat d'Etat, Paris II, novembre 1972.

    · Wafo Samuel « Les ONG et le développement du droit international de l'environnement : Analyse normatives des ONG environnementales » Thèse de doctorat de 3ème Cycle, IRIC, 1999-2000.

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    · Karl T. L. & Gary I. «The global records», petropolitics special report, January 2004.

    · Nippon Mining & Metals' Sustainable Report 2007.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    · Nnimmo Bassey «African Challenges with Democracy and Governance - Case Study Nigeria», paper presented at FoEI's IBGM Pre-conference on Democracy for Human

    th th

    Development, Social and Environmental Justice held Sunday 4 to Monday 5 November 2007 at Manzini, Swaziland.

    · Nnimmo Bassey «Environmental Impacts and the Vulnerability of Communities», working paper, 2008.

    · Nnimmo Bassey «Oil, Environment and Crisis Economics» paper presented at the
    Niger Delta Roundtable held at Ibom Hall, Uyo, on Thursday, 1 November 2007.

    · Nnimmo Bassey (2007) «The Environment and sustainability in the Niger Delta 2007- 2017» working paper.

    · Nnimmo Bassey «Environmental Impacts and the Vulnerability of Communities» paper presented at the ERA/OXFAM Workshop on EIA held in Warri, 9-11 April 2007

    · Oxfam America « Trésor cache? A la recherché des revenus de l'exploitation aurifère du Mali », 2006.

    · Oxfam international, BIC, Campagna per la riforma della banca mondiale «The World Bank group's mining operations; Tarnished gold: Mining and the unmet promise of development», September 2006.

    · Publish what you pay et Revenue Watch Institute «Un regard sur EITI, perspectives de la société civile et recommandations concernant EITI», Octobre 2006.

    · Open society institute, Cafod, secours catholique, Care, Save the children, World vision, Publish what you pay « Dépasser la rhétorique. Mesurer la transparence des revenus : les performances des entreprises dans l'industrie du pétrole et du gaz »,2005.

    · Oxfam et al. « Tarnished gold: Mining and unmet promise of development» September 2006.

    · Pegg Scott « Poverty reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003.

    · Ross Michael «Extractive sector and the poor», Report for Oxfam America, October 2001.

    · SCIAF, Christian Aid et ActSa «Undermining development? Copper mining in Zambia», October 2007.

    · Shell Sustainable Report 2008.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    · Rio Tinto's Annual Report 2008.

    · Talisman Energy, « Integrate. Connect. Respect » Corporate Social Responsibility Report, 2008.

    · Total «Environnement et Société, nos responsabilités d'entreprise» 2008.

    Textes, résolutions et conventions internationales :

    · La Résolution 626 (VII) de l'Assemblée générale des Nations Unies portant sur le droit d'exploiter librement les richesses et les ressources naturelles du 21 décembre 1952.

    · La Résolution 1515(XV) de l'Assemblée générale des Nations Unies portant action concertée en vue du développement économique des pays économiquement peu développés du 15 décembre 1960.

    · La Résolution 1314 (XIII) de l'Assemblée générale des Nations Unies portant recommandations concernant le respect sur le plan international, du droit des peuples et des nations à disposer d'eux même du 12 décembre 1958.

    · La Résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1962 portant souveraineté permanente des peuples sur les ressources naturelles.

    · La Résolution 41/128 du 4 décembre 1986 de l'Assemblée générale des Nations Unies portant déclaration des Nations Unies sur le droit au développement.

    · La résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966 de l'Assemblée générale des Nations Unies portant Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des peuples.

    · La convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales du 24 avril 1986.

    · La charte africaine des droits de l'homme et des peuples de juin 1981.

    · Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones du 13 septembre 2007.

    · La déclaration de Rio sur l'environnement et le développement du 12 août 1992.

    · Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des peuples de l'Assemblée générale des Nations Unies adopté dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sélection de certains sites Internet consultés:

    · Le site officiel de l'Extractive Industries Transparency Initiative : http:/ www.eitransparency.org dernière consultation le 13 janvier 2010.

    · Les sites officiels de certains pays pour la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives :

    EITI/ Cameroun http://www.eiticameroon.org/

    EITI/Madagascar : http://www.mines.gov.mg/eiti/

    EITI/Gabon : http://www.eitigabon.org/,

    EITI/Mauritanie : http://www.cnitie.mr/,

    EITI/Mongolie : http://eitimongolia.mn/index.php?&lang id=2,

    EITI/Nigeria : http://www.neiti.org/,

    EITI/Pérou : http://www.minem.gob.pe/eiti/inicio integrantes.asp.

    · Le site du Central Intelligence Agency (CIA):

    Http// www.cia.gov/library/publications/ the-world-factbook/geos/html. Consulté en juin 2009.

    · Le site du Fonds Monétaire International (FMI):

    www.imf.org consulté regulièrement au cours de l'année 2009.

    · Le site de la Banque Mondiale :

    www.worldbank.org consulté regulièrement au cours de l'année 2009.

    · Le site de l'Union Africaine :

    www.union-africaine.org/ consulté regulièrement au cours de l'année 2009.

    · Le site de l'Organisation Internationale de la Francophonie :

    www.francophonie.org consulté en août 2009.

    · Le site de la coalition internationale Publish What You Pay (PWYP) :

    www.publishwhatyoupay.org consulté regulièrement jusqu'en décembre 2009.

    · Le site du Centre pour l'Environnement et le Développement (CED) :

    www.cedcameroun.org dernière consultation en mi janvier 2010.

    · Le site du Réseau des Organisations pour la Transparence et l'Analyse Budgétaire

    (ROTAB) :

    www.tamtaminfo.org consulté en mai 2009.

    · Le site du Réseau de Lutte contre la Faim (RELUFA) :

    www.relufa.org dernière consultation en février 2009.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    · Le site de AREVA www.areva.com/servlet/home-fr.html consulté le 29 avril 2009.

    Quelques journaux cités

    · Duvillard Albert «ONG en eaux troubles» Le Point, n°1924 du 30 juillet 2009, pp. 33- 36.

    · ERAction, n° 08, July-October 2007.

    · Harm Ede Botje et Ruth Hopkins « Expensive poverty fighters » Vrij Nederland du 1er janvier 2006.

    · « Total, un patron dans la tourmente » Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars 2007 p.19

    · « Angola : Où va l'argent du pétrole ? » Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars 2007 p. 42.

    · « La SNPC boude les Etats Unis » Jeune Afrique n° 2411 du 25 au 31 mars 2007 p.92.

    · « Diamant : L'ONU libère Monrovia » Jeune Afrique n°2417 du 6 au 12 mai 2007 p.80

    · « RDC : Périlleux audit des contrats miniers » Jeune Afrique n° 2423 du 17 au 23 juin 2007 p.17

    · « Mauritanie : Les déboires de Woodside » Jeune Afrique n°2422 du 10 au 16 juin 2007 p.84

    · « RDC : Entreprise indésirable » Jeune Afrique n° 2434 du 2 au 8 septembre 2007 p.8

    · « Niger : Coup de pioche dans le pré carré » Jeune Afrique n°2430 du 5 au 11 août 2007 p.37

    · « Angola : Glasnost à la Sonangol ? » Jeune Afrique n°2440 du 14 au 20 octobre 2007 p.7

    · « RDC : Audit minier sans concession » Jeune Afrique n° 2444 du 11 au 17 novembre 2007 p.71

    · « Cameroun : Merci au pétrole tchadien ! » Jeune Afrique n° 2425 du 1er au 7 juillet 2007 p.11

    · Jeune Afrique n°2423 du 17 au 23 juin 2007.

    · Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars 2007.

    · Jeune Afrique n°2411 du 25 au 31 mars 2007.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    · Jeune Afrique n° 2409 du 11 au 17 mars 2007.

    · Jeune Afrique n° du 6 au 12 mai 2007.

    · Jeune Afrique n°2430 du 5 au 11 août 2007.

    · Jeune Afrique n°2426 du 8 au 14 juillet 2007.

    · Jeune Afrique hors-serie, n° 18, « l'état de l'Afrique » 2008, p.120-121.

    · Quarmby Katharine « Why Oxfam is failing in Africa » New Statesman du 30 mai 2005.

    ANNEXES

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Annexe n°1

    La carte des pays EITI en décembre 2009

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Annexe n°2:

    Listes de quelques personnes interrogées dans le cadre de la recherche

    · M. Samuel NGUIFFO: Centre pour l'Environnement et le Développement (CED). B.P. 3430 Yaoundé Cameroun. www.cedcameroun.org

    · M. Honoré NDOUMBE NKOTTO : Fondation Camerounaise d'Actions Rationalisées et de Formation sur l'Environnement (FOCARFE). B.P : 3494 Yaoundé www.aedev.org/focarfe/

    · M. Valery NODEM : Réseau de Lutte contre la Faim (RELUFA). B.P : 1003 Yaoundé www.relufa.org .

    · M. Morris ALAGOA : Membre de la société civile (ERA/FOE Nigeria) de l'Etat
    pétrolier de Bayelsa dans la Delta du Niger. Interrogé le 4 décembre 2007 à Warri.

    · M. Serge Dieudonné MOUNTHOU : Membre de l'ONG Service National Justice et Paix (Congo) membre de la coalition congolaise PWYP. Interrogé le 4 décembre 2007.

    · M. Boubacar SANGARE SIDIKI : Membre de l'ONG malienne Fondation pour le Développement du Sahel (FDS). Interrogé le 5 décembre 2007.

    · Rev. Nnimmo BASSEY: Executive director of Environment Rights Action/ Friends of the Earth, Nigeria. P.O. Box: 10577, Benin City, Nigeria. www.eraction.org

    · M. Nassingar RIMTEBAYE RIM: Coordonnateur de la Commission Permanente Pétrole N'djamena, B.P: 4082. interrogé le 30 novembre 2007.

    · M. Noble WADZAH: Friends of the Earth/Ghana, interrogé le 5 décembre 2007.

    · M. Marc ONA ESSANGUI, coordonnateur de Brainforest Gabon, membre de la coalition gabonaise PWYP et membre du groupe de travail EITI Gabon. Interrogé le 26 mars 2008.

    · M. Tim BITTIGER, conseiller politique du chairman de EITI (interrogé à répétition en ligne).

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Annexe n° 3

    La résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies Sixty-second
    session encourageant la mise en oeuvre de l'initiative des industries
    extractives.
    Agenda item 56
    Globalisation and interdependence

    Australia, Azerbaijan, Belgium, Canada, Congo, France, Germany, Iraq, Italy, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Liberia, Moldova, Netherlands, Nigeria, Norway, Peru, Sierra Leone, Spain, Timor-Leste, Turkey, United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and Yemen: draft resolution

    Strengthening transparency in industries

    The General Assembly,

    Recalling the 2005 World Summit Outcome,

    Reaffirming the Accra Accord, the outcome of the twelfth session of the United Nations Conference on Trade and Development,

    Recalling the United Nations Convention against Corruption, which reaffirms that corruption is no longer a local matter but a transnational phenomenon that affects all societies and economies, making international cooperation to prevent and control it essential,

    Further recalling the resolution 1803 of 14 December 1962, in which it declared that the right of peoples and nations to permanent sovereignty over their natural wealth and resources must be exercised in the interest of their national development and of the well-being of the people of the State concerned,

    Reaffirming that every State has and shall freely exercise full permanent sovereignty over all its wealth, natural resources and economic activities,

    Taking note of all relevant voluntary initiatives, including the Extractive Industries Transparency Initiative, aimed at improving transparency in the extractive industries,

    Convinced that rule-based and predictable trade and financial systems are
    essential to promote transparency in trade and financial industries and
    combat corruption in commercial and financial transactions in all countries,

    1. Emphasizes that transparency and accountability are objectives that should be embraced and promoted by all Member States, regardless of their size, level of development or resource endowment.

    2. Reaffirms, as stated in the UN Convention against Corruption, the need to combat corruption and enhance transparency, in accordance with the fundamental principles of domestic law and take such measures as may be necessary to enhance transparency in public administration, including with regard to organization, functioning and decision-making processes, where appropriate.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    3. Encourages the international community to strengthen, as appropriate, upon request, capacity building of natural resources endowed States, especially those emerging from conflict situations to negotiate mutually satisfactory, transparent and equitable contractual terms for the use, extraction and processing of their natural resources.

    4. Notes the efforts of countries that are participating in all relevant voluntary initiatives, to improve transparency and accountability in industries, including the Extractive Industries Transparency Initiative in the extractive sector and to share their experience with the interested Member States.

    5. Reaffirms its commitment to governance, equity and transparency in the financial, monetary and trading systems, as well as its commitment to open, equitable, rule-based, predictable and non-discriminatory multilateral trading and financial systems.

    6. Encourages business and industry, in particular transnational corporations, to establish world-wide corporate policies on sustainable development, arrange for environmentally sound technologies to be available to affiliates owned substantially by their parent company in developing countries without extra external charges, to modify procedures in order to reflect local ecological conditions and share experiences with local authorities, national Governments and international organizations.

    7. Urges the private sectors, including corporations engaged in the extractive industries to ensure transparency and verifiable processes, while adhering to and promoting the principles of honesty, transparency and accountability, in order to maximise private sector's contribution to the realisation of social and people-centred sustainable development.

    Annexe n°4
    Quelques textes officiels de la mise en oeuvre de EITI dans certains pays.
    La déclaration d'adhésion du Tchad à EITI.

    Le Tchad adhère à l'Initiative sur la Transparence des Industries Extractives (EITI) (Texte intégral)

    Par La Primature lundi, le 27 août 2007

    REPUBLIQUE DU TCHAD UNITE - TRAVAIL - PROGRES

    ********** ********* Cabinet du Premier Ministre **********

    N'Djamena, le 20 Août 2007

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    N°836/PM/CAB/07

    Déclaration de la République du Tchad à l'Initiative sur la Transparence des Industries Extractives (EITI)

    La République du Tchad a promulgué des textes juridiques et a mis en place des mécanismes relatifs à la gestion spécifique de ses revenus pétroliers dans le but d'appliquer les principes de base de la bonne gouvernance et de créer les conditions du développement économique, social et culturel, répondant ainsi aux aspirations légitimes du peuple tchadien.

    Dans cette perspective et pour renforcer en amont cette option fondamentale, étant donné le rôle majeur que jouent et joueront encore les industries extractives dans le développement du Tchad, le Gouvernement décide solennellement d'adhérer à l'Initiative de Transparence des Industries Extractives (EITI), lancée à l'occasion du Sommet Mondial sur le Développement Durable, tenu à Johannesburg en septembre 2002 et concrétisée lors de la conférence internationale d'Oslo tenue en octobre 2006, par la mise en oeuvre des instances de gouvernance (Conférence, Conseil international et Secrétariat international).

    Les principes de cette initiative seront désormais appliqués au Tchad et les revenus tirés des industries extractives seront déclarés et utilisés dans la transparence totale.

    Le Premier Ministre,

    Chef du Gouvernement

    Dr. Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Décret EITI Cameroun

    Décret n° 2005/2176/PM du 16 juin 2005

    portant création, organisation et fonctionnement du comité de suivi
    de la mise en oeuvre des principes de l'initiative de transparence des industries extractives

    Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

    Vu

    la Constitution ;

    Vu

    le décret n092/089 du 4 mai 1992 précisant les attributions du Premier Ministre, modifié et complété par le décret n° 95/145 du 4 août 1995 ;

    Vu

    le décret n° 2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du Gouvernement ;

    Vu

    le décret n° 2004/321 du 8 décembre 2004 portant nomination d'un Premier Ministre,

    Décrète :

    CHAPITRE I

    DISPOSITIONS GENERALES

    Article 1er : Il est créé auprès du Ministre de l'Economie et des Finances, un Comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'initiative de transparence des industries extractives, ciaprès désigné « le Comité », et dont l'organisation et le fonctionnement sont fixés par le présent décret.

    Article 2 : Le Comité a pour mission d'assurer le suivi de la mise en oeuvre des principes et mesures convenues dans le cadre de l'initiative de transparence des industries extractives, en abrégé « EITI ».

    A ce titre, il est notamment chargé :

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    - d'élaborer le plan d'action gouvernemental pour la mise en oeuvre des principes de

    l'EITI et de veiller à son application ;

    - d'identifier les obstacles à la mise en oeuvre des principes de l'ElTI et de proposer au

    Gouvernement des mesures pour lever ces obstacles ;

    - d'assurer la conduite de la réalisation des audits des comptes des industries extractives

    par des cabinets internationaux ;

    - de veiller, au moins une fois par an, à la confection par un cabinet spécialisé indépendant dit «administrateur EITI », d'un état de concordance des paiements effectués par les industries extractives au profit de l'Etat et des sommes effectivement enregistrées dans la comptabilité de l'Etat, sur la base des audits des comptes sus-mentionnés ;

    - d'approuver et de diffuser le rapport sur les revenus des industries extractives ;

    - d'assurer la publication sur le site Internet du Gouvernement et dans les médias, des

    informations exhaustives sur les paiements et les recettes perçues par l'Etat des industries extractives, ainsi que des rapports de «l'administrateur EITI» concernant leur concordance ;

    - de rechercher pour le compte du Gouvernement l'assistance technique et financière
    internationale utile pour la mise en oeuvre durable des principes de l'EITI ;

    - de participer aux rencontres internationales sur l'EITI.

    CHAPITRE Il

    DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT

    Article 3 : Présidé par le Ministre de l'Economie et des Finances ou son représentant, le Comité comprend les membres ci-après :

    A- Membres représentant le secteur public et parapublic :

    - le Ministre chargé des mines ou son représentant ;

    - le Ministre chargé des industries ou son représentant ;

    - le Ministre chargé de la justice ou son représentant ;

    - un (1) représentant de la Présidence de la République ;

    - un (1) représentant des Services du Premier Ministre ;

    - l'Administrateur Directeur Général de la Société Nationale des Hydrocarbures ;

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    - le Président de l'Observatoire de Lutte contre la Corruption.

    B- Membres représentant le secteur privé :

    - le Directeur Général de TOTAL Cameroun ou son représentant ;

    - le Directeur Général de PECTEN Cameroun ou son représentant ;

    - le Directeur Général de PERENCO Cameroun ou son représentant ;

    - le Directeur Général de GEOVIC Cameroun ou son représentant ;

    - le Président de la Chambre de Commerce, d'Industrie, des Mines et de l'Artisanat ;

    - le Président du Groupement Interpatronal du Cameroun.

    C- Membres représentant la société civile :

    - deux (2) membres du Parlement, dont l'un de la majorité et l'autre issu de l'opposition

    - le Président de la section camerounaise de Transparency International ;

    - trois (3) représentants des Organisations Non Gouvernementales ; (Mais au Cameroun

    quel rôle joue la coalition EITI/PWYP qui dispose de 8 membres au Comité ? )

    - trois (3) représentants des Collectivités Territoriales Décentralisées ;

    - le Président de l'Union des Journalistes Camerounais.

    Article 4 : Le Président du Comité peut inviter, à son initiative ou à celle des autres membres, toute personne à prendre part aux travaux du Comité, en raison de ses compétences sur les questions à examiner.

    Article 5 :

    (1) Le Comité se réunit en tant que de besoin, au moins une (1) fois par semestre, sur convocation de son Président.

    2) Les convocations, accompagnées des documents de travail nécessaires, sont adressées aux membres sept (7) jours au moins avant la date de la réunion. Elles doivent indiquer la date, l'heure, l'ordre du jour et le lieu de la réunion.

    (3) Le Comité délibère valablement si la moitié au moins de ses membres sont présents.

    (4) Les délibérations du Comité sont adoptées à la majorité des trois quarts (3/4) des membres présents.

    Article 6 : Pour l'accomplissement de ses missions, le Comité est assisté d'un Secrétariat Technique placé sous la coordination du Secrétariat Général du Ministère de l'Economie et des Finances et comprenant des représentants du secteur public et parapublic, du secteur privé et de la société civile

    Article 7 :

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    (1) Sous l'autorité du Président du Comité, le Secrétariat Technique visé à l'article 6 ci-dessus, est chargé :

    - d'instruire et de préparer, en relation avec le Comité Technique de Suivi des Programmes Economiques et les autres Administrations et organismes concernés, les dossiers à soumettre au Comité ;

    - d'assurer le secrétariat du Comité ;

    - de suivre l'exécution des missions et des résolutions du Comité ;

    - de préparer les programmes d'action et les rapports d'activités du Comité ;

    - de conserver les archives et la documentation du Comité ;

    - d'exécuter toutes autres missions à lui confiées par le Comité ou son Président.

    (2) L'organisation et les modalités de fonctionnement du Secrétariat Technique du Comité sont fixés par arrêté du Ministre de l'Economie et des Finances.

    CHAPITRE III

    DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

    Article 8 :

    (1) Les fonctions de Président, de membre du Comité et du Secrétariat Technique sont gratuites.

    (2) Toutefois, il peut leur être alloué, ainsi qu'aux personnes invitées à titre consultatif, des indemnités de session dont les montants sont fixés par le Ministre de l'Economie et des Finances.

    (3) Les frais de transport des membres résidant hors du lieu de la réunion leur sont remboursés à l'occasion des sessions du Comité, sur présentation des pièces justificatives. Article 9 :

    (1) Les frais de fonctionnement du Comité sont supportés par le budget du Ministère de l'Economie et des Finances.

    (2) Le Comité peut recevoir des dons, legs et autres appuis des partenaires au développement. Dans ce cas, la gestion de ces dons, legs et autres appuis obéit aux procédures du donateur. Article 10 : Le Ministre de l'Economie et des Finances est chargé de l'exécution du présent décret qui sera enregistré, publié suivant la procédure d'urgence, puis inséré au Journal Officiel en français et en anglais./-

    Yaoundé, le 16 juin 2005

    Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

    (é) Inoni Ephraim

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Governance of EITI Implementation in Liberia

    The Liberia Extractive Industries Transparency Initiative (LEITI) is led by a governing board called the LEITI multi-stakeholders Steering Group ("Group"). Membership in the Group includes

    1. the Government of Liberia, represented by the Ministers of Finance; the Minister of Lands, Mines, and Energy, The Minister of Internal Affairs, and other agencies;

    2. the Civil Society, represented by the Publish What You Pay, the Liberia National Bar Association (ordre des avocats du Liberia), and the National Council of Chiefs and Traditional leaders; and

    3. the Private Sector, represented by Arcelor Mittal Liberia, Amlib, Liberia Timbers Association, and the Miners and Brokers Association.

    The Group is chaired by the Minister of Finance, who is also the LEITI Champion. The Minister of Lands, Mines and Energy is the co-chairperson of the Group.

    The LEITI also has a distinct Secretariat that is established, staffed and supported by the Group. The four-person Secretariat is headed by T. Negbalee Warner. The Deputy Head of the Secretariat is Edward R Smith and the Executive Secretary is Hnede Berrian.

    LEITI Chairperson

    Hon. Antoinette M. Sayeh

    LEITI Chairperson

    Ministry of Finance

    Post Box 10-9013

    Monrovia, Liberia

    Tel: +231 6 656 707

    E-Mail: libfinancemin@yahoo.com

    LEITI Focal Point

    T. Negbalee Warner

    Head of Secretariat

    Post Box 4074

    4th Floor, Ministry of Finance Building

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 387 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Broad Street

    1000 Monrovia 10, Liberia

    Tel: +231 6 558 991 / +231 77 558 991

    E-Mail: headofsecretarait@eitiliberia.org or negbalee@yahoo.com

    INITIATIVE POUR LA TRANSPARENCE DES INDUSTRIES EXTRATIVES (EITI) AU
    GABON

    PETROLE

    ARRETE N° 00056 /MEFBP
    Portant nomination des membres du Groupe d'intérêt de linitiative de Transparence
    des Industries Extratives.

    Retour

    MINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES, DU BUDGET ET DE LA
    PRIVATISATION

    REPUBLIQUE GABONAISE

    Union-Travail-Justice

    Arrêté N ° 00056 /MEFBP , portant nomination des membres du Groupe d'intérêt de l'Initiative de transparence des industries extractives.

    Le Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie, des Finances, du Budget et de la Privatisation

    Vu la Constitution ;

    Vu le Décret n° 715/PR du 4 septembre 2004, fixant la composition du gouvernement de la République , ensemble les textes modificatifs subséquents ;

    Vu le Décret n° 1207/PR/MINECOFIN du 17 novembre 19 77, portant organisation du ministère de l'Economie, des Finances, du Budget et de la privatisation, ensemble les textes modificatifs subséquents ;

    Vu le Décret n° 134O/PR/MEFBP du 20 septembre 1996, portant création du Comité Interministériel de Suivi du Programme d'Ajustement Structurel, ensemble les textes modificatifs subséquents ;

    Vu le Décret n° 001140/PR/MEFBP du 18 décembre 2002 , portant Code des Marchés Publics ;

    Vu le Décret n° 000535/PR/ME FBP du 8 juillet 2005, portant création, attribution et organisation du Groupe d'Intérêt de l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives ;

    Vu l'arrêté n° 229/MEFBP du 24 février 2OO5, portan t création, fonctionnement et

    désignation des membres du Groupe de travail de l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives, en abrégé EITI ;

    Vu les nécessités de service.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 388 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
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    Arrête

    Article 1 er Le présent arrêté pris en application de l'article 4 du Décret n°

    OOO535/PR/MEFBP du 08 juillet 2005, porte nomination des membres du Groupe

    d'Intérêt de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives, en abrégé EITI.

    Article.2 : Sont nommés membres du Groupe d'Intérêt de l'Initiative de Transparence

    des Industries Extractives :

    Pour le compte. de l'administration :

    · M. Fidèle NTSISSI, Président ;

    · M. Hyacinthe MOUNGUENGUI-MOUCKAGA, Vice Président ;

    · M. Régis IMMONGAULT, Secrétaire Permanent ;

    · Mrs Hervé NNANG E. et Jean Félicien MAKANGA, représentant le ministère des

    mines, de l'énergie, du pétrole et des ressources hydrauliques.

    Pour le compte de la société civile :

    · Mme Rosine LANGANGOUET et M. Jean Baptiste BIKALOU.

    Pour le compte du secteur pétrolier :

    · un représentant de Total Gabon ;

    · un représentant de Marathon. Pour le compte du secteur minier : - un représentant de Comilog. Article 3 : Le présent arrêté qui prend effet pour compter de sa date de signature sera

    enregistré et communiqué partout où besoin sera.

    Fait à Libreville, le 27 juillet 2005. Paul TOUNGUI.-

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 391 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 392 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 393 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 394 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 395 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 396 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 398 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 399 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 400 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 401 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Mauritanie Decret 20 0 6 - 02 9 Décret n° 2006-29

    Décret n° 29-2006~~~~/modifiant certaines dispositions du décret 2006-001 du 13 Janvier 2006 portant création, organisation et fonctionnement du comité national de l'initiative sur la transparence des industries extractives

    Le Premier Ministre,

    Vu La Constitution du 20 Juillet 1991 ;

    Vu L'ordonnance n° 001-2005 du 06 Août 2005 portant promulgation de la Charte

    constitutionnelle définissant l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels pendant la période transitoire ;

    Vu Le décret n° 028- 92 du 18 Avril 1992 relatif aux attributions du Premier

    Ministre ;

    Vu Le décret n° 093- 2005 du 07 Août 2005 portant nomination du Premier

    Ministre ;

    Vu Le décret n° 095- 2005 du 10 Août 2005 portant nomination des membres du

    gouvernement ;

    Vu Le décret n° 157- 84 du 29 Décembre 1984 portant règlement organique relatif

    aux attributions des Ministres ;

    Vu Le décret n° 05- 2000 du 10 Janvier 2000 fixant les attributions du Ministre des

    Finances et l'organisation de l'administration centrale de son département ;

    Vu Le décret n° 68- 98 du 18 Juin 1998 fixant les attributions du Ministre des

    Affaires Economiques et du Développement et l'organisation de l'administration Centrale de son département ;

    Vu Le décret n° 078- 2005 du 28 Juin 2005 fixant les attributions du Ministre de

    l'Energie et du Pétrole et l'organisation de l'administration centrale et de son département ;

    Vu Le décret n° 023- 2004 du 11 Mars 2004 fixant les attributions du Ministre des

    Mines et de l'Industrie et l'organisation de l'administration centrale de son département ;

    Le Conseil des Ministres, entendu le 1er Mars 2006

    Décrète

    Article 1er :

    Les dispositions de l'article 3 et de l'article 4 du décret 2006-001 du 13 Janvier 2006 portant création, organisation et fonctionnement du comité national de l'initiative sur la transparence des industries extractives sont modifiées comme suit :

    Article 3 (nouveau): Le Comité national est présidé par le Conseiller du Premier Ministre, chargé de l'action économique et comprend les membres suivants :

    - Un représentant du Ministre des Finances ;

    - Un représentant du Ministre des Affaires Economiques et du Développement ; - Un représentant du Ministre de l'Energie et du Pétrole ;

    - Un représentant du Ministre des Mines et de l'Industrie ;

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    - Un représentant du Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie ; - Un représentant de la Société Mauritanienne des Hydrocarbures ;

    - Un représentant de la Société Nationale Industrielle et Minière ;

    - Deux représentants des Sociétés pétrolières ;

    - Un représentant des Sociétés Minières ;

    - Quatre représentants des partis politiques ;

    - Deux représentants des syndicats ;

    - Deux représentants de la Confédération Nationale du Patronat de Mauritanie ;

    - Deux représentants des ONG locales ;

    - Un représentant de l'Association des Maires de Mauritanie ;

    - Un représentant de l'Ordre National des Experts Comptables ;

    - Un représentant de l'Ordre National des Avocats ;

    - Le représentant de Transparency International à Nouakchott ;

    - Deux représentants de la presse officielle et indépendante ;

    - Deux représentants des milieux académiques et universitaires.

    Article 4 (nouveau) : Le Comité National se réunit en session ordinaire trois fois par an sur convocation de son Président qui fixe l'ordre du jour de la réunion. Il délibère valablement si la moitié des membres sont présents.

    Le Comité National peut inviter à ses réunions, ou entendre, toute personne dont la présence est jugée nécessaire.

    Le comité national peut instituer en son sein un comité de suivi dont il détermine la composition et le mandat. Le comité de suivi est présidé par le Président du Comité National.

    Le reste sans changement.

    Article 2 : Le présent décret abroge toutes les dispositions antérieures contraires.

    Article 3 : Le Ministre des Finances, le Ministre des Affaires Economiques et du Développement, le Ministre de l'Energie et du Pétrole et le Ministre des Mines et de l'Industrie sont chargés chacun en ce qui le concerne de l'application du présent décret qui sera publié au journal Officiel de la République Islamique de Mauritanie.

    Nouakchott, le

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    SIDI MOHAMED OULD BOUBACAR

    Le Ministre des Finances Le Ministres des Affaires

    Economiques et du Développement ABDALLAH OULD SOULEYMANE MOHAMED OULD EL ABED OULD CHEIKH-SIDIA

    Le Ministre de l'Energie et du Pétrole Le Ministre des Mines et de

    l'Industrie

    MOHAMED ALY OULD SIDI MOHAMED MOHAMED

    OULD ISMAIL OULD ABEIDNA

    Ampliations:

     

    - MSG/PCMJD

    2

    - SSG/PM

    2

    - Ministères

    30

    - J.O

    2

    - Arch

    2

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 404 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Annexe n° : 5
    Le Livre Source EITI.

    ITIE Initiative pour la transparence des industries extractives

    Initiative pour la transparence des industries

    extractives

    Livre source

    Mars 2005

    Le livre source a été rédigé par le Secrétariat international ITIE auprès du ministère britannique
    du Développement international (DFID). Il est susceptible de modification à la lumière des

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    expériences ultérieures. Des renseignements supplémentaires vous sont proposés via eiti@dfid.co.uk , par DFID, et sur le site Internet ITIE : www.eitransparency.org

    Livre source : Initiative pour la transparence des industries extractives

    Livre source : Initiative pour la transparence des industries extractives

    Table des matières

    Introduction

    Chapitre 1 : Principes et critères ITIE

    ITIE : Antécédents

    ITIE : Parties prenantes

    ITIE : Principes et critères

    Chapitre 2 : Conseils indicatifs à l'intention des pays riches en ressources

    Vue d'ensemble

    Phases de mise en oeuvre

    Résumé des actions préconisées et supplémentaires

    Démarrage

    A. Adhésion

    B. Mise en route

    C. Développement du processus

    Mise en oeuvre

    D. Divulgation et publication

    E. Diffusion auprès du public et discussion

    Examen de la mise en oeuvre de l'ITIE

    F. Examen

    Chapitre 3 : Conseils indicatifs à l'intention des entreprises extractives Vue d'ensemble

    Résumé des actions préconisées et supplémentaires pour les entreprises

    Approbation

    A. Adhésion

    B. Appui international Appui au niveau du pays C1. Pays exécutant

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    . Pays non exécutant

    Glossaire

    Annexe

    Exemples de modèles de déclaration (gabarits) à remplir pour l'industrie pétrolière, gazière et minière

    Introduction

    ITIE : de quoi s'agit-il ?

    Dans de nombreux pays, les recettes provenant de la production pétrolière, gazière et minière s'associent à la pauvreté, au conflit et à la corruption. C'est ce que l'on appelle couramment « la malédiction des ressources naturelles » - qui tient souvent d'un manque de transparence et du non-respect de l'obligation de rendre des comptes sur les paiements que les entreprises versent au gouvernement et sur les recettes que les gouvernements reçoivent de ces mêmes entreprises.L'initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) vise à combler cette lacune. Lancée sur une base volontaire et bénéficiant de l'appui d'une coalition d'entreprises, de gouvernements, d'investisseurs et d'organisations de la société civile, l'initiative accompagne d'autres efforts destinés à accroître la transparence des pratiques budgétaires de l'Etat, amorçant un processus qui permettra aux citoyens de demander des comptes à leur gouvernement en ce qui concerne l'utilisation de ces recettes.

    Transparence et développement : le cas de Sao Tomé et Principe

    Sao Tomé et Principe fait partie depuis très peu des producteurs de pétrole en Afrique. Une grande partie de sa population est actuellement pauvre, mais le gouvernement reconnaît que l'exploitation du pétrole - à condition d'être gérée de manière transparente - offre la possibilité d'un vrai changement dans la vie des gens. En décembre 2004, le président Fradique de Menezes signe une loi régissant la perception, l'investissement et l'utilisation des recettes pétrolières en vue d'une promotion optimale du progrès économique et social du pays. La loi prévoit l'accès public à l'information sur l'ensemble des versements au fonds. Lors de la signature, le président déclare « Rien ne sera caché, rien ne sera gaspillé. »

    Le livre source

    Puisant dans les expériences de la phase pilote de l'ITIE, ce livre source constitue un guide indicatif pour les pays souhaitant mettre en oeuvre l'initiative, ainsi que pour les entreprises et autres parties prenantes souhaitant soutenir cette mise en oeuvre. Le premier chapitre évoque brièvement l'évolution de l'ITIE, depuis son lancement lors du Sommet mondial sur le développement durable en 2002 jusqu'à la phase actuelle de mise en oeuvre (à partir de mars 2005), en passant par la phase pilote (juin 2003 - mars 2005). Il énonce les principes et critères de l'ITIE qui constituent le noyau de la mise en oeuvre pour l'ensemble des pays participants. Le

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    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    deuxième chapitre présente des exemples d'actions entreprises par des pays pendant la phase pilote, actions qui sont à la fois compatibles avec les principes et critères ITIE et adaptées aux circonstances des pays individuels. Le troisième chapitre propose des exemples semblables pour les entreprises qui soutiennent la mise en oeuvre de l'ITIE.

    Chapitre 1

    Principes et critères ITIE

    ITIE : Antécédents

    La promotion, dans les pays qui dépendent des recettes des industries pétrolière, gazière et minière, d'une plus grande transparence et de l'obligation de rendre des comptes permet de mitiger les effets potentiellement négatifs d'une mauvaise gestion des recettes, afin que ces dernières deviennent plutôt le moteur d'une croissance économique à long terme qui contribue au développement durable et à la réduction de la pauvreté.

    Qu'est-ce qu'un pays riche en ressources ?

    Selon le projet de Guide sur la transparence des recettes des ressources (décembre 2004) du Fonds monétaire international (FMI), un pays est jugé riche en hydrocarbures et/ou ressources minérales s'il satisfait aux critères suivants : (i) un pourcentage moyen de recettes dérivant des hydrocarbures et/ou des minerais représentant au moins 25 % des recettes budgétaires totales pour les trois années précédentes ; ou (ii) un pourcentage moyen de recettes d'exportation des hydrocarbures et/ou des minerais représentant au moins 25 % des recettes totales d'exportation pour les trois années précédentes. Les pays riches en ressources, les entreprises extractives et la communauté internationale ont le même intérêt à soutenir les efforts visant à accroître la transparence et renforcer l'obligation de rendre des comptes. De nombreux pays ont déjà enregistré des progrès importants dans ce domaine. La communauté internationale vient en appui à ces efforts. En 2003, à Evian, les pays G8 ont émis la déclaration Lutter contre la corruption et améliorer la transparence. A Sea Island, des Pactes sur la transparence ont été arrêtés avec quatre pays, en 2004. Le FMI préconise, dans le Code de bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques et le manuel qui s'y associe, la transparence des finances publiques dans les Etats membres, tandis que le suivi de la mise en oeuvre du code est assuré par la rédaction de Rapports sur l'observation des normes et codes (RONC). Aussi bien le FMI que la Banque mondiale favorisent, par le biais de conseils sur les mesures à prendre, de prêts axés sur les politiques générales, de prêts pour les projets et d'assistance technique, une gestion plus efficace des recettes provenant des ressources. Comme complément de ces efforts d'amélioration de la gouvernance, l'ITIE a été lancée par Tony Blair en septembre 2002. L'ITIE constitue un bon point de départ pour approfondir l'analyse et la

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    discussion relative à la gestion des recettes. Depuis ses débuts, l'ITIE bénéficie d'un large soutien international, mais l'initiative met l'accent sur le niveau national. L'appropriation de l'ITIE par le pays et la participation des entreprises sont un signe, sur le plan aussi bien national qu'international, d'un engagement vis-à-vis du respect de la transparence et de l'obligation de rendre des comptes dans la vie publique, le fonctionnement de l'Etat et le monde du commerce. Les avantages pour les pays exécutants sont essentiellement réalisés dans le cadre - ou comme point de démarrage - d'efforts plus étendus pour améliorer la gouvernance. Une bonne gestion des recettes provenant des ressources permet d'améliorer la gestion de ces ressources et devrait favoriser une plus grande stabilité économique et politique. Ceci peut, à son tour, aider à empêcher les conflits qui touchent les secteurs pétrolier, minier et gazier. La mise en oeuvre permet également d'améliorer le climat d'investissement, parce qu'elle indique clairement aux investisseurs et aux institutions financières internationales que le gouvernement s'est engagé en faveur d'une plus grande transparence. Les avantages, pour les entreprises et les investisseurs, tiennent de l'atténuation des risques sur le plan de la politique et des réputations. L'instabilité politique que provoque une gouvernance opaque constitue évidemment une menace pour les investissements. Dans le cas des industries extractives, les investissements étant à forte intensité de capitaux et dépendants de la stabilité à long terme pour produire un rendement, la réduction d'une telle instabilité est avantageuse. La transparence peut également contribuer à créer une situation équitable pour toutes les entreprises et, en rendant public ce qu'il verse au gouvernement, une entreprise illustre la contribution que son investissement apporte au pays. Les avantages pour la société civile tiennent du volume plus important d'informations disponibles dans le domaine public sur les recettes que les gouvernements gèrent au nom des citoyens, ces derniers pouvant ainsi plus facilement demander des comptes à leur gouvernement.

    ITIE : Parties prenantes

    Au niveau national, l'ITIE est une initiative dirigée par le gouvernement. Cependant, les principes et critères ITIE préconisent la participation active d'autres partenaires provenant de la société dans son ensemble. La direction et la participation locales sont indispensables et l'engagement actif, public, de toute une série d'acteurs s'impose. Le terme « partie prenante » s'applique à tout particulier, communauté, groupe ou organisation s'intéressant au résultat de l'ITIE, y compris aussi bien ceux qui en sont touchés (que l'impact soit positif ou négatif) que ceux qui sont en mesure de l'influencer (d'une manière positive ou négative). Les parties prenantes se trouvent au sein des institutions étatiques, du secteur privé et de la société civile. La catégorie des parties prenantes comprend les acteurs clefs et les parties intéressées dans le sens plus large, distingués selon le niveau d'intérêt et le degré d'influence exercée sur la mise en oeuvre. La composition du

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    groupe peut varier d'un pays à l'autre, mais des acteurs similaires sont susceptibles d'être concernés dans l'ensemble des pays.

    Qui est-ce qui pourrait être partie prenante?

    Institutions publiques

    ~ Pouvoir exécutif

    Services responsables de la gestion des ressources naturelles

    Services responsables de la perception et de la gestion des recettes

    Services responsables du développement économique, de la réglementation du secteur privé et de l'administration publique

    ~ Corps législatif

    - Comités budgétaires et /ou des ressources naturelles

    - Echelons infra nationaux du gouvernement

    ~ Institutions d'audit (Cour des comptes, ...)

    Secteur privé

    ct Entreprises présentes dans le pays

    - Entreprises publiques nationales

    - Entreprises publiques internationales

    - Entreprises privées nationales

    - Entreprises privées internationales

    ct Investisseurs

    ct Associations commerciales

    Société civile

    ~ Organisations de base communautaires

    ~ Organisations non-gouvernementales nationales (ONG)

    ~ ONG internationales et leurs affiliés locaux

    ct Médias, syndicats, instituts universitaires et de recherche, organisations confessionnelles Exécutants ITIE

    ~ Administrateurs, commissaires aux comptes et/ou organismes de divulgation Partenaires internationaux

    ~ Institutions internationales (FMI, Banque mondiale, Nations unies)

    ~ Donateurs

    ITIE :Principes et critères

    Toute une série de pays, d'entreprises et d'organisations de la société civile ont assisté à la
    conférence de Lancaster House à Londres (2003), sous les auspices du gouvernement du

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Royaume-Uni. Les participants se sont mis d'accord sur une Déclaration de principes visant à accroître la transparence des paiements et des recettes dans le secteur des industries extractives. Baptisés principes de l'ITIE, ils représentent la pierre angulaire de l'initiative. Suite à la conférence de Lancaster House, l'ITIE continue de s'attirer un soutien au niveau international de la part des gouvernements, des grandes sociétés multinationales, des investisseurs institutionnels dont les actifs sous gestion s'élèvent à près de 7 trillions de dollars, des organisations nongouvernementales et des institutions internationales.

    Plus important encore, certains pays - notamment l'Azerbaïdjan, la république du Congo, le Ghana, la République kirghize, le Nigeria, Sao Tomé et Principe, le Timor oriental et la Trinité-etTobago - commencent à interpréter et à mettre en application les principes, jouant ainsi un rôle central dans la conception de l'ITIE. Il s'agit d'une phase pilote d'une grande importance pour l'ITIE. S'inspirant des principes, les pays exécutants placent l'ITIE dans le contexte d'autres initiatives nationales, formulent des plans de travail et mettent en place des procédures permettant au pays de s'approprier le processus. Pendant cette phase, la diversité des expériences de mise en oeuvre de l'ITIE permet d'enrichir l'initiative. Elle contribue également au débat plus général concernant la nécessité de consignes claires en matière de mise en oeuvre qui respectent néanmoins le caractère volontaire de l'initiative et les spécificités des différents pays. Au-delà de la phase pilote, pour que l'on puisse élargir l'ITIE à d'autres pays riches en ressources, il importe d'arrêter un ensemble de critères ITIE acceptables pour tous les pays souhaitant mettre en oeuvre l'ITIE. Lors de la conférence ITIE à Londres, en 2005, les participants approuvent les critères, tout en encourageant les pays à surpasser, dans la mesure du possible, ces exigences minimales. Ils constatent l'importance de mettre les enseignements tirés de la phase pilote à la disposition des pays exécutants et des entreprises apportant leur concours. Ils voient d'un oeil favorable les consignes relatives aux pratiques exemplaires énoncées dans le Code des bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques et le Manuel sur la transparence des finances publiques. Par ailleurs, pour les participants, le livre source ITIE représente un guide supplémentaire illustrant les modalités de mise en oeuvre.

    Les principes ITIE

    1. Nous partageons la même conviction que l'exploitation prudente des richesses en ressources naturelles devrait constituer un moteur important pour la croissance économique durable qui contribue au développement durable et à la réduction de la pauvreté mais qui, faute d'une bonne gestion, peut avoir des répercussions défavorables sur le plan économique et social.

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 411 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    2. Nous affirmons que la gestion des richesses en ressources naturelles au profit des citoyens d'un pays relève de la compétence des gouvernements souverains, qui s'en chargent dans l'intérêt de leur développement national.

    3. Nous reconnaissons que les avantages de l'extraction des ressources se manifestent sous la forme de flux de recettes s'étalant sur un grand nombre d'années et peuvent dépendre fortement des prix.

    4. Nous reconnaissons que la compréhension du public des recettes et des dépenses des gouvernements dans la durée est susceptible de contribuer au débat public et de faciliter le choix d'options appropriées et réalistes favorisant le développement durable.

    5. Nous soulignons l'importance, pour les gouvernements et les entreprises extractives, d'assurer la transparence, ainsi que la nécessité de renforcer la gestion des finances publiques et faire respecter l'obligation de rendre des comptes.

    6. Nous reconnaissons qu'il convient de situer les efforts pour parvenir à une plus grande transparence dans un contexte de respect des contrats et des lois.

    7. Nous reconnaissons que la transparence financière est un moyen susceptible de contribuer à l'amélioration du climat pour l'investissement direct intérieur et étranger.

    8. Nos croyons au principe et à la pratique de la responsabilité du gouvernement devant tous les citoyens en ce qui concerne l'intendance des flux de recettes et des dépenses publiques.

    9. Nous nous engageons à encourager le respect de hauts niveaux de transparence et de responsabilité dans la vie publique, le fonctionnement de l'Etat et le monde du commerce.

    10. Nous croyons à la nécessité d'une approche cohérente et réalisable de la divulgation des paiements et des recettes, cette approche devant être simple à adopter et à mettre en application.

    11. Nous sommes d'avis que la divulgation des paiements dans un pays donné devrait impliquer toutes les entreprises extractives présentes dans ce pays-là.

    12. Lorsqu'il s'agit de trouver des solutions, nous considérons que toutes les parties prenantes - les gouvernements et leurs agences, les entreprises extractives, les sociétés de service, les organisations multilatérales, les organisations financières, les investisseurs et les organisations non gouvernementales - ont des contributions importantes et pertinentes à apporter. Les critères ITIE

    1. Tous les paiements matériels, versés par les entreprises aux gouvernements, au titre de l'exploitation pétrolière, gazière et minière (« les paiements ») et toutes les recettes matérielles, reçues par les gouvernements de la part des entreprises pétrolières, gazières et minières (« les recettes »), sont publiés et diffusés régulièrement au grand public sous une forme accessible, complète et compréhensible.

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    2. Lorsque de tels audits n'existent pas, les paiements et recettes font l'objet d'un audit indépendant crédible, conformément aux normes internationales en matière d'audit.

    3. Les paiements et recettes sont rapprochés, conformément aux normes internationales en matière d'audit, par un administrateur indépendant digne de confiance, qui publie son opinion sur ce rapprochement de comptes et sur d'éventuelles discordances.

    4. Cette démarche s'étend à l'ensemble des entreprises, y compris les entreprises d'Etat.

    5. La société civile participe activement à la conception, au suivi et à l'évaluation de ce processus et apporte sa contribution au débat public.

    6. Le gouvernement d'accueil élabore un plan de travail public, financièrement viable, relatif aux éléments ci-dessus, avec le concours des institutions financières internationales le cas échéant, ce plan étant assorti de cibles mesurables, d'un calendrier de mise en oeuvre et d'une évaluation des contraintes éventuelles sur le plan des capacités.

    Chapitre 2

    Conseils indicatifs à l'intention des pays riches en ressources

    Vue d'ensemble

    Tout pays dans lequel il existe des industries extractives importantes est encouragé à accroître la transparence de sa gestion des recettes tirées de l'exploitation pétrolière, gazière et minière. Les pays riches en ressources sont également incités, au lieu de se contenter d'approuver les principes ITIE, à mettre en oeuvre l'initiative même. La mise en oeuvre durable de l'ITIE exige du gouvernement qu'il s'engage sur le plan à la fois politique et financier. Le secrétariat international ITIE, les organisations internationales et les agences de développement proposent également d'apporter un appui technique et financier à la mise en oeuvre.

    Lorsqu'il a choisi de participer à l'ITIE, chaque pays/secteur doit élaborer son propre modèle de mise en oeuvre. Néanmoins, certains enseignements généraux ont pu être tirés des expériences de la phase pilote.

    Phases de mise en oeuvre

    Comme le montre le graphique ci-dessous, le démarrage, la mise en oeuvre et l'examen sont les trois phases essentielles de l'ITIE. Chaque phase représente une étape clef du processus d'assurer la transparence des recettes.

    A DEMARRER METTRE EN OEUVRE

    P

    P

    R EXAMINER

    O

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    U

    V

    E

    R

    Lorsqu'il a approuvé l'ITIE, le pays passe - en consultation avec les parties prenantes clefs - au démarrage, en établissant des structures décisionnelles, en esquissant un plan de travail et en organisant le renforcement des capacités et le financement durable du programme. La prochaine phase, c'est-à-dire la mise en oeuvre, constitue le noyau de l'ITIE. Le gouvernement, les entreprises et les organisations de la société civile ont chacun un rôle important à jouer au niveau de la divulgation, de la diffusion et de la discussion des recettes déclarées. La création d'un climat de confiance est d'autant plus facile quand un consensus se dégage de ce processus. La troisième phase comporte l'examen du processus de mise en oeuvre. C'est à ce moment-là que l'on évoque les problèmes et les possibilités d'amélioration en vue d'orienter les décisions et les actions futures.

    Démarrage : Le consensus est-il atteint en ce qui concerne l'élaboration et la planification de l'initiative ?

    A ce stade, c'est au gouvernement de faire progresser l'initiative, veillant à ce que les structures et processus décisionnels, le personnel et les mécanismes de financement soient en place. En règle générale, ceci n'implique pas d'actions ou de coûts extraordinaires. Le gouvernement doit s'efforcer de prendre contact, dès le début, avec les organisations de la société civile et les représentants de l'industrie. Un pays a démarré l'ITIE quand les parties prenantes clefs se sont mises d'accord sur les objectifs, les acquis et le plan de travail futur du processus dans un pays souhaitant mettre en oeuvre l'ITIE.

    Mise en oeuvre : Les paiements et recettes des industries extractives sont-ils publiés sous une forme crédible et compréhensible ?

    Un pays met en oeuvre l'ITIE quand il est en mesure de démontrer - avec un engagement sans réserve de la part des parties prenantes - l'existence d'un cycle régulier de divulgation, de diffusion et de discussion des recettes des industries extractives. Tous les pays exécutants doivent se conformer aux principes et critères ITIE, étant entendu que le modèle exact de mise en oeuvre dans un pays donné doit tenir compte du contexte culturel et juridique dudit pays.

    Examen : La restitution annuelle aux parties prenantes en ce qui concerne le processus de mise en oeuvre est-elle prévue ? Il convient d'améliorer la mise en oeuvre de l'ITIE avec le temps, à la lumière des expériences. Les gouvernements doivent faciliter ce processus en créant les conditions et structures nécessaires pour que les parties prenantes aient leur mot à dire sur les

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    plans futurs. Les organisations de la société civile doivent collaborer étroitement avec le gouvernement et les industries extractives en vue d'assurer une surveillance supplémentaire du processus. A titre d'exemple, un examen de la mise en oeuvre de l'ITIE pourrait déboucher sur une ré-élaboration du processus décisionnel, le remplacement des représentants des parties prenantes et l'adaptation des programmes de renforcement des capacités.

    Résumé des actions préconisées et supplémentaires

    Le tableau ci-dessus présente un guide pour les pays adoptant les critères ITIE. Il s'inspire des enseignements tirés de la mise en oeuvre au Nigeria, en Azerbaïdjan, au Ghana et en République kirghize.

    Les actions préconisées (bleu foncé) sont celles jugées importantes pour une mise en oeuvre efficace, tandis que les actions supplémentaires (bleu) se réfèrent à d'autres activités pouvant être entreprises pour améliorer la mise en oeuvre.

    Actions préconisées Actions supplémentaires

    Démarrage

    A. Adhésion

    1. Le gouvernement a-t-il identifié les parties prenantes clefs ?

    A1. Le gouvernement a-t-il entrepris une évaluation officielle des parties prenantes, a-t-il identifié les moteurs, la faisabilité et l'impact de la mise en oeuvre de l'ITIE ?

    2. Le gouvernement a-t-il émis une déclaration publique, sans équivoque, sur son intention de mettre en oeuvre l'ITIE ?

    3. Le gouvernement a-t-il étudié le cadre juridique pour identifier d'éventuels obstacles à la mise en oeuvre de l'ITIE ?

    A3. Le gouvernement a-t-il publié sur son site Internet l'information existante sur les recettes ?

    B. Mise en route

    4. Le gouvernement a-t-il nommé une personne pour diriger la mise en oeuvre de l'ITIE ? Cette nomination a-t-il fait l'objet d'une annonce publique ?

    5. Le gouvernement a-t-il prévu la participation, aux organes décisionnels de l'ITIE, de cadres supérieurs des ministères et services pertinents? 6. Le gouvernement s'est-il engagé en faveur de la direction de l'ITIE par des représentants gouvernementaux de haut niveau ?

    7. Le gouvernement a-t-il établi une structure décisionnelle bien définie pour l'ITIE ?

    8. Le gouvernement a-t-il confirmé un plan de travail pour la mise en oeuvre de l'ITIE ?

    9. La composition des comités officiels assure-t-elle une représentation équilibrée des intérêts des différentes parties prenantes ?

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    A9. Les représentants des entreprises et des organisations de la société civile au sein des comités ITIE sont-ils de haut niveau?

    9 a. Le gouvernement a-t-il identifié et établi des mécanismes de vulgarisation auprès d'un éventail plus large de parties prenantes ?

    10. Le gouvernement a-t-il identifié et établi des sources de financement durable pour la mise en oeuvre de l'ITIE ?

    A10. Le gouvernement s'est-il assuré de la disponibilité de capitaux de départ auprès des organisations internationales ?

    11. Le gouvernement a-t-il cherché à sensibiliser les agences gouvernementales et d'autres acteurs clefs et parties intéressées aux enjeux de l'ITIE ?

    C. Développement du processus

    12. La plupart des parties prenantes clefs sont-elles d'accord avec le processus de conception des modèles de déclaration ?

    A12. Des dispositions ont-elles été prises pour aider les parties prenantes à comprendre les modèles de déclaration et remplir les gabarits ?

    13. Est-ce qu'on a nommé un administrateur considéré par la plupart des parties prenantes clefs comme digne de confiance et impartial ?

    14. Des dispositions ont-elles été prises pour assurer le financement durable du rôle d'administrateur ?

    15. Est-ce qu'on a identifié les besoins en matière de renforcement des capacités des parties prenantes clefs ? 16. Des dispositions ont-elles été prises pour la réalisation de programmes formels et informels de renforcement des capacités avant la divulgation ?

    Mise en oeuvre

    D. Divulgation et publication

    17. Qu'est-ce qui sera divulgué, qui va divulguer et comment ? 17 a. Quels sont les flux d'avantages à déclarer ?

    A17 a. Existe-t-il d'autres flux d'avantages pouvant être déclarés à titre facultatif ?

    17 b. Comment s'assurer que toutes les entreprises présentent des déclarations ?

    17 c. De quelle manière les gouvernements et entreprises vont-ils présenter leurs déclarations ?

    18. Est-ce que les déclarations présentées sur les paiements et recettes sont crédibles ?

    18 a. Si de tels audits n'existent pas déjà, un cabinet ou des cabinets d'audit ont-ils été identifiés pour mener un audit crédible et indépendant des paiements et recettes ?

    19. De quelle façon l'administrateur va-t-il préparer le Rapport ITIE ?

    A19 a. A-t-on identifié une marge d'erreur acceptable dans le cadre du processus de présentation des déclarations ?

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    A 19b. Des dispositions ont-elles été prises pour qu'un audit indépendant des chiffres déclarés puisse être mené si la plupart des parties prenantes le demandent ?

    20. De quelle façon le Rapport ITIE va-t-il être divulgué ?

    20 a. Faut-il présenter, dans le Rapport ITIE, des agrégats ou des données ventilées ?

    E. Diffusion auprès du public et discussion

    21. Le Rapport ITIE est-il accessible et compréhensible ?

    21 a. Des procédures permettant d'assurer une diffusion large des résultats sont-elles en place ?

    22. Les parties prenantes clefs ont-elles participé à une discussion des résultats sur le plan des recettes et paiements déclarés ?

    A 22. Cette discussion s'est-elle élargi aux parties intéressées dans le sens plus large ? Examen

    F. Examen

    A23 a. Existe-t-il un mécanisme formel d'évaluation indépendante ?

    23. Des dispositions ont-elles été prises pour le suivi et évaluation de l'ITIE ?

    A23 b. Les renseignements tirés ont-ils été transmis à d'autres pays et parties prenantes ?

    24. La conception des processus décisionnels et autres a-t-elle été influencée par des mécanismes de restitution ?

    Démarrage

    A. Adhésion

    Action préconisée 1 : Le gouvernement a-t-il identifié les parties prenantes clefs ? Les principes ITIE affirment que toutes les parties prenantes - y compris les gouvernements et leurs agences, les entreprises extractives, les sociétés de service, les organisations multilatérales, les institutions financières, les investisseurs et les organisations non-gouvernementales - ont des contributions importantes et pertinentes à apporter lors de la mise en oeuvre. Il importe d'identifier, tout au début du processus, les acteurs clefs et les parties intéressées dans le sens plus large. La composition du groupe peut varier d'un pays à l'autre, mais doit assurer la représentation de toutes les parties dont l'engagement est indispensable pour mener à bien l'initiative. Il convient d'identifier et prendre contact avec ces parties prenantes dès que possible en vue d'une mise en oeuvre efficace. L'engagement, l'appropriation et la crédibilité de l'ITIE dans un pays donné sont fonction de l'appréciation, par les parties prenantes clefs, des avantages et de l'opportunité de l'initiative.

    Action supplémentaire A1 : Le gouvernement a-t-il entrepris une évaluation officielle des parties
    prenantes, a-t-il identifié les moteurs, la faisabilité et l'impact de la mise en oeuvre de l'ITIE ?
    Dans certains pays, les parties prenantes sont relativement peu nombreuses et faciles à identifier.

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    Cependant, dans beaucoup d'autres pays, où l'ampleur et la complexité du secteur font proliférer les parties intéressées, une analyse plus approfondie et formelle de ces parties et des moteurs de la mise en oeuvre ITIE est indiquée, afin d'orienter la décision du pays quant aux modalités de mise en oeuvre de l'ITIE.

    Action préconisée 2 : Le gouvernement a-t-il émis une déclaration publique, sans équivoque, concernant son intention de mettre en oeuvre l'ITIE ?

    Pour commencer le processus de sensibilisation du public, le gouvernement doit émettre - et publier dans les médias locaux - une déclaration publique, sans équivoque, sur son engagement en faveur des principes et de la mise en oeuvre de l'ITIE.

    Etude de cas 1

    Au Nigeria, les 28 membres du groupe de travail national des parties prenantes (NSWG) représentent les parties prenantes clefs identifiées. Il s'agit de la société civile (2), des médias (1), de l'assemblée nationale (2), des assemblées des Etats (2), des entreprises pétrolières nationales et multinationales (3), du secteur privé organisé (4) et du gouvernement fédéral (14)

    La déclaration d'engagement vis-à-vis de la mise en oeuvre, au lieu de se contenter d'approuver l'ITIE, doit indiquer les mesures que le gouvernement a prises ou va prendre dans des délais raisonnables (et précisés) pour respecter les critères ITIE. Il appartient au chef de l'Etat ou à un représentant désigné du gouvernement d'émettre cette déclaration. Le gouvernement a intérêt à créer, sur Internet, un site ITIE national sur lequel il publiera cette déclaration. Une copie de la déclaration doit être envoyée au Secrétariat international de l'ITIE pour qu'il la publie sur son propre site Internet.

    Action préconisée 3 : Le gouvernement a-t-il étudié le cadre juridique pour identifier d'éventuels obstacles à la mise en oeuvre de l'ITIE ?

    Dès lors que l'ITIE rentre sans problème dans le cadre juridique d'une administration fiscale qui fonctionne bien et prévoit des mécanismes de contrôle fiscal, elle ne suppose pas de charges extraordinaires pour le gouvernement. Cependant, quand cela n'est pas le cas, d'autres dispositions sont à prendre : faire garantir l'ITIE par la loi, établir de nouvelles politiques et lois relatives à la transparence, aux recettes et aux industries, modifier les politiques et lois existantes ayant trait à l'ITIE. Lorsque de mesures législatives supplémentaires s'imposent, le gouvernement doit d'abord s'assurer que les lois existantes sont claires et cohérentes. Les gouvernements peuvent envisager de faire figurer, dans les lois anti-corruption, la transparence de la gestion des recettes provenant des industries extractives ou de compléter cette transparence par des mesures contre la corruption ou prévoyant la protection juridique des fonctionnaires qui dénoncent des pratiques qui vont à l'encontre du bien public.

    Action supplémentaire A3 : Le gouvernement a-t-il publié sur son site Internet l'information
    disponible sur les recettes ? Aussi incomplets que soient les chiffres, la publication des recettes

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    connues - de préférence celles provenant du secteur des industries extractives - peut servir de référence pour juger des progrès en matière d'amélioration de la qualité des données. L'idéal serait que le gouvernement publie cette information sur son propre site Internet avec un lien clair au site ITIE national. Ce premier rapport sur les recettes provenant des industries extractives est un gage de l'engagement du gouvernement vis-à-vis de la transparence.

    Etude de cas 2

    En République kirghize, des lois spécifiques sont à promulguer pour autoriser l'audit indépendant des entreprises d'Etat. En Azerbaïdjan, il n'y a pas de modifications législatives à apporter, mais le protocole d'accord entre les différentes parties prenantes a force de loi.

    Etude de cas 3

    Au Nigeria, un projet de loi sur l'ITIE complète la législation proposée en matière de responsabilité financière et de liberté de l'information.

    B. Mise en route

    Action préconisée 4 : Le gouvernement a-t-il nommé une personne pour diriger la mise en oeuvre de l'ITIE ? Cette nomination a-t-elle fait l'objet d'une annonce publique ?

    Le gouvernement doit nommer une personne haut placée, qui bénéficie de la confiance de l'ensemble des parties prenantes, pour diriger la mise en oeuvre de l'ITIE. Puisque cela suppose normalement la collaboration de plusieurs ministères et agences, la personne concernée doit être habilitée à gérer ce processus. Jusqu'ici, ces responsables ont été choisis au sein des ministères ou services pertinents. Ils ont parfois besoin du soutien d'un adjoint et d'effectifs, mais la création d'une unité spéciale n'est pas toujours nécessaire. Dans tous les cas, les responsabilités du rôle de coordination doivent être bien précisées et la personne concernée doit être libre d'exercer ses fonctions en l'absence d'influence politique injustifiable. Quand un site ITIE national est créé sur Internet, le nom et les coordonnées de la personne doivent y figurer afin que l'on puisse lui demander - et demander au gouvernement - de rendre des comptes.

    Action préconisée 5 : Le gouvernement a-t-il prévu la participation, aux organismes décisionnels de l'ITIE, de cadres supérieurs des ministères et services pertinents? Tout en sachant que les cadres supérieurs ont un emploi du temps très chargé, l'ITIE nécessite la collaboration de toute une série de ministères et d'agences gouvernementales aux niveaux aussi bien central que régional. Il importe donc que le gouvernement confirme la représentation d'un groupe spécifique de cadres supérieurs au sein des comités officiels.

    Action préconisée 6 : Le gouvernement s'est-il engagé en faveur de la direction de l'ITIE par des représentants gouvernementaux de haut niveau ? L'appui soutenu des hauts dirigeants politiques aide souvent à maintenir le dynamisme de l'ITIE et à résoudre les problèmes qui surgissent pendant la mise en oeuvre.

    Etude de cas 4

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    Au Ghana, les termes de référence détaillés du secrétariat ITIE, unité spéciale créée au sein du ministère des Mines qui sert de point central de coordination, sont à la disposition du public.

    Etude de cas 5

    En République kirghize, le comité ITIE compte parmi ses membres les principaux conseillers du Premier ministre, ainsi que les plus hauts fonctionnaires des ministères des Finances, de l'Industrie et du Commerce, des Affaires étrangères et du service juridique.

    Etude de cas 6

    En République kirghize, le comité consultatif ITIE est présidé par Premier ministre, tandis que le sousministre des Finances assure la présidence du comité exécutif ITIE et dirige l'initiative dans son ensemble.

    Action préconisée 7 : Le gouvernement a-t-il établi une structure décisionnelle bien définie pour l'ITIE ? Les décisions relatives à l'ITIE doivent être prises en consultation avec un certain nombre de parties prenantes, d'organisations, de représentants sectoriels et de partenaires différents. Quelle que soit la structure de gouvernance que l'on choisit afin de mettre en oeuvre l'ITIE, le gouvernement doit donc s'assurer que les responsabilités et rôles décisionnels sont clairement définis, que la consultation et la prise de décisions sont bien coordonnées.

    Action préconisée 8 : Le gouvernement a-t-il confirmé un plan de travail pour la mise en oeuvre de l'ITIE ? Pour marquer son engagement en faveur de la mise en oeuvre de l'ITIE, le gouvernement doit se mettre d'accord avec les parties prenantes clefs sur un plan de travail qu'il mettra à la disposition du public. Un plan de travail pour la poursuite de la mise en oeuvre devrait prévoir, entre autres, le renforcement des capacités du gouvernement, des industries et des ONG locales, des mesures visant à faciliter le rapprochement des paiements et des recettes, l'évaluation des progrès par rapport aux objectifs fixés pour chaque acteur avec des coûts et des délais convenus. Il est préférable de publier ce plan de travail sur le site ITIE national pour que toutes les parties prenantes soient informées à l'avance des actions et procédures prévues, notamment en ce qui concerne le renforcement des capacités, l'établissement des rapports et la diffusion des résultats.

    Action préconisée 9 : La composition des comités officiels assure-t-elle une représentation équilibrée des différentes parties prenantes? Compte tenu du nombre vraisemblablement important de parties prenantes, alors qu'un comité de coordination doit forcément limiter le nombre de ses membres, une décision pragmatique doit être prise concernant la composition du comité, pour que celui-ci respecte la diversité, l'inclusion et la représentation des différentes parties prenantes.

    Etude de cas 7

    Au Ghana, le comité exécutif (CE) a 17 membres : 12 représentants du gouvernement, une association
    industrielle qui représente les entreprises, des représentants des donateurs et un groupe de la société civile. A

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    son tour, le CE organise une « table ronde » pour discuter des différents points de vue à propos de l'ITIE et transmettre les commentaires au CE.

    Etude de cas 8

    En Azerbaïdjan, les différentes parties prenantes ont signé un protocole d'accord qui indique leurs rôles et obligations respectifs. Il a été publié sur le site ITIE national

    http://www.oilfund.az/doc/memorandum_en.doc.

    Action supplémentaire A9 : Les représentants des entreprises et les organisations de la société civile au sein des comités ITIE sont-ils de haut niveau?

    Le niveau des représentants de la société civile et des entreprises au sein des comités ITIE varie d'un pays à l'autre, ce qui témoigne des différences sur le plan des motivations des parties prenantes et des résultats escomptés de la mise en oeuvre. On considère généralement, toutefois, qu'une représentation de haut niveau de la société civile et du secteur privé augmente l'efficacité des comités. En plus d'une représentation de niveau convenable, il convient aussi d'assurer un taux faible de renouvellement des membres ou bien, si cela s'avère impossible, de veiller à ce que les organisations se chargent de l'information complète de leurs nouveaux représentants.

    Action préconisée 9 a : Le gouvernement a-t-il identifié et établi des mécanismes de vulgarisation auprès d'un éventail plus large de parties prenantes ? Sur le plan de la gouvernance, toutes les parties prenantes identifiées pendant la phase d'adhésion doivent être en mesure de faire représenter leurs propres intérêts dans le cadre du développement de l'ITIE. Plus particulièrement, il importe de toucher les petites et moyennes entreprises et les organisations de la société civile et, au lieu de se limiter à la capitale, de penser aussi aux organisations dans les régions. Comme mentionné ci-dessus, le gouvernement a intérêt à créer un site ITIE national sur Internet. Toutes les informations concernant l'organisation du processus ITIE, la gouvernance et la vulgarisation peuvent y être publiées.

    Action préconisée 10 : Le gouvernement a-t-il identifié et établi des sources de financement durable pour la mise en oeuvre de l'ITIE ? Pour que le processus de mise en oeuvre puisse se pérenniser, le gouvernement doit identifier dès que possible une source nationale de financement durable. Il peut envisager de couvrir les coûts de l'ITIE à partir des recettes pétrolières ou minérales, éventuellement à l'issue d'une période de mise en route : après les trois premiers cycles de déclaration, par exemple.

    Etude de cas 9

    Le Nigeria, voulant assurer une large représentation au sein du groupe de travail des parties prenantes, en a changé la composition initiale pour inclure les médias, les syndicats et un avocat. Les membres sont tenus de faire preuve de la crédibilité nécessaire et de se faire accréditer par le groupe qu'ils affirment représenter. Etude de cas 10

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Certaines parties prenantes considèrent que le comité exécutif au Ghana devrait s'élargir aux représentants des petites et moyennes entreprises. Dans l'intérêt de faire participer ce groupe, sa représentation pourrait être organisée par le biais d'une association sectorielle.

    Etude de cas 11

    Au Nigeria, le projet de loi ITIE propose une ligne budgétaire d'appui à la mise en oeuvre de l'ITIE. Le gouvernement du Kirghizistan a affecté, à l'audit de la société minière d'Etat, une petite partie du produit de la vente de sa participation dans une mine. En Azerbaïdjan, les entreprises et le gouvernement prévoient de payer les coûts à tour de rôle.

    Action supplémentaire A10 : le gouvernement s'est-il assuré de la disponibilité de capitaux de départ auprès des organisations internationales ? Les organisations internationales et certains pays se sont engagés à apporter un soutien approprié, sur le plan financier, technique ou diplomatique, aux pays ITIE lors des premiers stades de développement de l'ITIE. Etant donné que ce soutien extérieur, qui peut porter, entre autres, sur l'animation de réunions entre les partenaires ITIE ou l'envoi de consultants techniques pour appuyer la mise en oeuvre, ne doit pas affaiblir l'appropriation du processus par le gouvernement d'accueil, il convient d'étudier la manière de pérenniser le soutien après l'apport initial. Action préconisée 11 : Le gouvernement a-t-il cherché à sensibiliser les agences gouvernementales et d'autres acteurs clefs et parties intéressées aux enjeux de l'ITIE ? L'ITIE étant un processus appartenant au gouvernement, celui-ci doit penser d'abord à sensibiliser d'abord les organismes gouvernementaux concernés (ministères du Pétrole ou des Mines, ministère des Finances, Cour des comptes). Les agences gouvernementales doivent veiller à ce que les Documents de stratégie sur la réduction de la pauvreté, ainsi que les discussions et consultations préalables à la rédaction des documents, tiennent compte des enjeux des recettes tirées des ressources naturelles. Dans le même temps, le gouvernement doit démarrer un programme durable de renforcement des capacités des parties prenantes clefs. Les enjeux des recettes provenant des industries extractives sont peu connues ou mal comprises dans de nombreux pays (voir Etude de cas 13). Dans les pays qui sont en train de mettre en oeuvre l'ITIE, les gouvernements ont lancé une série de programmes de sensibilisation et de renforcement des capacités pour un éventail plus large de parties prenantes. Ces programmes peuvent concerner la participation des médias au lancement de l'ITIE, l'élaboration d'une stratégie de communication publique pour le ministère concerné ou l'intégration, dans le programme d'enseignement des écoles publiques, une présentation de l'importance à la fois des recettes provenant des ressources et de l'obligation des gouvernements de rendre des comptes.

    Etude de cas 12

    Au Ghana, DFID a apporté son concours à une grande conférence de lancement de l'ITIE qui a : promu l'image de ITIE et l'a mise plus en vue dans le pays ;

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    échangé des informations sur la situation actuelle de l'ITIE dans d'autres pays pilotes ;

    constaté l'état d'avancement de la mise en oeuvre de l'ITIE dans le pays ; identifié les opportunités et contraintes du processus ITIE.

    Etude de cas 13

    Lors d'une enquête sur les idées et connaissances des parties prenantes au Nigeria, on a demandé aux enquêtés (dont des travailleurs employés dans l'industrie pétrolière, des hommes et femmes d'affaires et des enseignants) : « Qui obtient quoi à partir d'un baril de pétrole ? » Selon l'opinion générale, compte tenu d'un prix de 30$ le baril, le coût de production serait de 5$ environ, le gouvernement obtiendrait 5$ et les 20$ restants seraient acquis à l'entreprise.

    C. Développement du processus

    Action préconisée 12 : La plupart des parties prenantes clefs sont-elles d'accord avec le processus de conception des modèles de déclaration ? Des exemples de gabarit (voir les modèles de déclaration figurant en annexe au livre source) ont été mis au point pour la divulgation des recettes dans le cadre de l'ITIE. Pendant la mise en oeuvre de l'ITIE, les pays sont tenus de modifier et d'élargir les modèles afin de tenir compte des situations et exigences spécifiques au pays et au secteur.

    Dans certains pays, la tâche de coordonner les modifications des modèles de déclaration est confiée à une personne ou une organisation, auquel cas il importe non seulement de s'assurer des capacités techniques de cette dernière mais aussi de veiller à ce qu'elle ait la confiance des parties prenantes clefs auxquelles elle doit être accessible.

    Action supplémentaire A12 : Des dispositions ont-elles été prises pour aider les parties prenantes à comprendre les modèles de déclaration et remplir les gabarits ? La discussion et l'examen de l'ampleur de la divulgation dans les déclarations se voient parfois limiter par un manque de connaissances techniques permettant d'interpréter le détail des différents flux de recettes pétrolières et minières et de les comptabiliser correctement.

    Action préconisée 13 : A-t-on nommé un administrateur considéré par la plupart des parties prenantes clefs comme digne de confiance et impartial ? Il convient de nommer un administrateur pour recueillir et évaluer les données sur les recettes présentées par les entreprises et le gouvernement. Les parties prenantes doivent absolument croire à l'impartialité et à la compétence de l'administrateur. Celui-ci peut être un cabinet d'audit privé, un particulier ou un organisme officiel existant ou spécialement créé que tout le monde considère comme indépendant du gouvernement et à l'abri de son influence. Les conflits d'intérêt, réels ou imaginés, peuvent présenter des difficultés. Si, par exemple, l'administrateur nommé est un cabinet d'audit qui s'occupe déjà de l'audit de l'une des entreprises déclarantes, s'il est en relation avec un responsable gouvernemental qui s'occupe des flux de recettes, on pourrait croire à l'existence d'un conflit.

    Etude de cas 14

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    En Azerbaïdjan, un comité spécial, composé de représentants du gouvernement, des entreprises et des ONG, a été créé pour gérer le processus d'appel d'offres et nommer un administrateur indépendant (rôle que joue actuellement un cabinet d'audit) chargé de compiler les chiffres sur les paiements et recettes.

    Action préconisée 14 : Des dispositions ont-elles été prises pour assurer le financement durable du rôle d'administrateur ? Suivant le niveau de détail exigé par les parties prenantes, le processus de compilation ou d'audit des données sur les recettes, présentées par l'ensemble des agences gouvernementales concernées et toutes les entreprises extractives, peut devenir assez complexe, ce qui ne manquera pas d'avoir des conséquences sur le plan des coûts. Même lorsque le financement initial provient d'une source extérieure, le gouvernement a intérêt à identifier, dès le début, une source de financement durable. Action préconisée 15 : Est-ce qu'on a identifié les besoins en matière de renforcement des capacités des parties prenantes clefs ? Les modalités de déclaration dans le cadre de l'ITIE doivent être faciles à comprendre, de façon à minimiser les besoins en renforcement des capacités pour les gens susceptibles d'utiliser les rapports. Néanmoins, pour que le processus soit crédible, il importe que les parties prenantes clefs comprennent les mécanismes de déclaration.

    Le renforcement des capacités n'est pas une simple question de suivi ou d'audit des compétences. Le gouvernement, les organisations de la société civile et, dans certains cas, les acteurs industriels font état de besoins en matière d'établissement de réseaux et de renforcement des capacités logistiques, techniques et décisionnelles, afin de savoir « ce qu'il faut essayer de repérer » lors des transactions industrielles et comment faire passer le message aux acteurs gouvernementaux et industriels.

    Action préconisée 16 : Des dispositions ont-elles été prises pour la réalisation de programmes formels et informels de renforcement des capacités avant la divulgation ? Il faut du temps pour aborder les besoins identifiés sur le plan des capacités, d'où l'importance de s'y mettre dès que possible. Avant la mise en oeuvre, des programmes adaptés de sensibilisation et de renforcement des capacités par rapport aux aspects importants de l'ITIE doivent être lancés.

    Etude de cas 15

    Au Nigeria, certains besoins de renforcement des capacités ont déjà été identifiés, dont :

    le renforcement des capacités techniques des organisations de la société civile pour qu'elles puissent jouer leur rôle actuel d'une manière plus efficace

    le renforcement des capacités techniques des parties déclarantes afin qu'elles puissent remplir les gabarits le renforcement des capacités logistiques du gouvernement pour rationaliser les systèmes d'exécution

    le renforcement des capacités du gouvernement en matière d'établissement de réseaux pour une meilleure

    coordination des efforts

    le renforcement des connaissances techniques permettant de comprendre les recettes des industries pétrolière et minière, les éléments de base de la gestion fiscale, les rôles et responsabilités

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    'amélioration des capacités des ONG et entreprises en matière de prise de décisions et établissement du consensus.

    Ceci permettra d'améliorer le processus dès le début, tout en représentant une sorte de « victoire facile » pour les pays cherchant à démontrer leur engagement vis-à-vis de la mise en oeuvre. Comme dans le cas de la mise en oeuvre en elle-même, il importe d'identifier des sources de financement durable pour ces programmes.

    Etude de cas 16

    Au Nigeria, ce sont les donateurs internationaux qui, jusqu'ici, ont contribué 90 % du financement destiné au renforcement des capacités de la société civile pour qu'elle puisse appuyer la mise en oeuvre de l'ITIE. Cependant, les organisations de la société civile comprennent bien la nécessité d'assurer des sources de revenus durables et souhaitent recevoir des conseils en matière de développement de campagnes de collecte de fonds au niveau local.

    Mise en oeuvre

    D. Divulgation et publication

    Action préconisé 17 : Qu'est-ce qui sera divulgué, qui va divulguer et comment ?

    Pendant la phase de démarrage, le processus d'élaboration des modèles de déclaration, pour les entreprises et les gouvernements, doit être déterminé et un administrateur chargé de produire le Rapport ITIE doit être identifié. Au début de la mise en oeuvre, il importe de bien préciser l'ampleur et la nature de la divulgation qui doit figurer dans les déclarations. Le renforcement des capacités s'impose pour que toutes les parties prenantes puissent participer à la discussion. Le plus souvent, le gouvernement et les entreprises sont les principaux acteurs, mais il est conseillé de tout faire pour assurer la participation de l'ensemble des parties concernées. La décision relative à l'ampleur de la divulgation est susceptible d'être conditionnée par le régime fiscal qui, dans de nombreux cas, correspond au contrat de partage de la production. Si les parties prenantes sont d'avis que certains coûts admissibles (sécurité, formation, infrastructures) doivent également y figurer, les détails peuvent être repris dans des notes annexes. Plus généralement, les déclarations ITIE peuvent utilement indiquer dans quelle mesure les coûts sous-jacents des flux d'avantages ont fait l'objet d'un audit indépendant.

    Action préconisée 17 a. Quels sont les flux d'avantages à déclarer ?

    On entend par flux d'avantages toute source potentielle des avantages économiques que le gouvernement d'accueil reçoit d'une industrie extractive. Ces flux ne sont pas censés comprendre les avantages économiques indirects tels que la construction des infrastructures ou l'emploi de personnel local. Tous les flux d'avantages pertinents doivent être déclarés. Un flux d'avantages est

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    jugé pertinent si le rapport ITIE définitif risque d'être faussé du fait de son omission ou sa déclaration erronée.

    Etude de cas 17

    Questions relatives à l'ampleur de la divulgation dans le modèle de déclaration au Nigeria :

    Les coûts non techniques tels que les coûts de sécurité sont-ils compris ?

    De quelle manière sont présentés les frais d'extraction dans un audit lorsque certaines sociétés retiennent 3 % au titre du développement des infrastructures nécessaires ?

    Les dépenses consacrées par les entreprises au développement des écoles et centres de santé, ainsi qu'au paiement d'autres salaires, sont-elles déclarées comme « coûts de production » ou comme investissement social de l'entreprise ?

    Etude de cas 18

    Au Ghana, les organisations déclarantes ont accepté de divulguer le montant des recettes semestrielles. Les redevances, l'impôt sur les sociétés, la retenue de l'impôt sur le revenu à la source, la cotisation pour la reconstruction et les charges diverses sont autant de flux d'avantages déclarés. Par ailleurs, les entreprises partenaires ont décidé de publier les contributions - ventilées entre les secteurs (éducation, santé, infrastructures) - apportées aux communautés depuis 2002.

    Il est conseillé de qualifier un flux d'avantages de pertinent s'il représente : Alternative 1 : plus de A% de la valeur totale de la production estimée par le gouvernement d'accueil pendant la période de déclaration ; Alternative 2 : plus de B% de la valeur totale de la production estimée par l'entreprise dans le pays d'accueil pendant la période de déclaration ; Alternative 3 : plus de C millions de USD [ou D millions en devise locale].

    Exemples de flux d'avantages :

    Flux d'avantages Description détaillée

    Droit du gouvernement d'accueil à la production. Il s'agit de la part de la production totale réservée au gouvernement d'accueil. Ce droit peut être transféré directement au gouvernement d'accueil ou à l'entreprise d'Etat nationale. Par ailleurs, ce flux peut être en nature et/ou en espèces.

    Droit de l'entreprise d'Etat nationale à la production. Il s'agit de la part de la production totale réservée à l'entreprise d'Etat nationale. Ce droit provient des prises de participation de l'entreprise d'Etat nationale. Ce flux peut être en nature et/ou en espèces.

    Impôts sur les bénéfices

    Ce sont les impôts prélevés sur les bénéfices des activités en amont de l'entreprise. Redevances

    Les dispositions relatives aux redevances varient en fonction du régime fiscal des gouvernements d'accueil. A titre d'exemple, une entreprise peut être tenue de vendre l'ensemble de la production et de verser au gouvernement une proportion du produit de la vente. Dans d'autres cas, le

    Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 426 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    gouvernement d'accueil s'intéresse plus directement à la production sous-jacente et prend des dispositions de vente indépendamment du concessionnaire. Ces « redevances » ressemblent davantage au droit d'un gouvernement d'accueil à la production.

    Flux d'avantages Description détaillée

    Dividendes Dividende versé au gouvernement d'accueil en tant qu'actionnaire de l'entreprise d'Etat nationale au titre des actions ou de toute distribution de bénéfices concernant toute forme de capital autre que les créances ou le capital d'emprunt.

    Prime (signature, découverte, production)

    Paiements liés aux primes au titre ou en récompense :

    des adjudications, attributions et transferts de droits d'extraction ;

    de la réalisation de certains niveaux de production ou accomplissement de certains objectifs ; de la découverte de réserves/gisements supplémentaires de minerais.

    Frais d'attribution de permis, frais de location, « droits d'entrée » et autres contreparties de licence et/ou concession

    Paiements au gouvernement d'accueil et/ou à l'entreprise d'Etat nationale au titre :

    de l'acceptation et/ou du commencement de l'exploration et/ou du maintien d'un permis ou d'une concession (frais d'attribution de permis/concession)

    de la réalisation de travaux d'exploration et/ou collecte de données (« droits d'entrée »). Ces paiements sont susceptibles d'être effectués pendant la pré-production.

    de la location/location à bail de la concession ou de la zone d'exploitation.

    Autres avantages importants pour les gouvernements d'accueil

    Les taxes prélevées sur le revenu, la production ou les bénéfices des entreprises font partie de ces flux d'avantages, qui excluent les taxes prélevées sur la consommation : taxes sur la valeur ajoutée, impôts sur le revenu personnel, taxes sur les ventes.

    Il faut, pour assurer une transparence complète, prêter une attention toute particulière à l'évaluation des flux d'avantages en nature, sous peine de voir surgir des écarts sensibles. A titre d'exemple, la république du Congo utilise le « prix fiscal » (un prix convenu par baril) pour convertir les « coûts en dollars » en « coûts en barils » lors du calcul des barils de bénéfices à partager selon les termes des contrats de partage de la production. Si un tel prix de référence était utilisé dans les modèles de déclaration, il faudrait y rajouter des notes indiquant qui a vendu le pétrole, qui a profité de la vente, quel prix a été obtenu et quel était le rapport entre ce prix et le prix de référence. Par ailleurs, les notes pourraient comparer les prix de référence utilisés aux prix de référence internationalement admis.

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    Action supplémentaire A17 a : Existe-t-il d'autres flux d'avantages pouvant être déclarés à titre facultatif ? Il existe parfois des flux d'avantages qui ne sont pas très importants mais que les entreprises ou des gouvernements d'accueil souhaitent déclarer volontairement. Lorsque de tels flux d'avantages sont identifiés, il importe de s'assurer que leur déclaration n'influe pas sur la compréhension de l'information présentée. Action préconisée 17 b : Comment s'assurer que toutes les entreprises présentent des déclarations ? Les gouvernements doivent étudier les meilleurs moyens de s'assurer que toutes les entreprises présentent leur déclaration au moment voulu et suivant le modèle convenu. Si, dans certains pays, il suffit de prévoir des accords volontaires avec les entreprises, la création d'un cadre juridique peut s'avérer nécessaire dans d'autres pays. On peut s'attendre à ce que les gouvernements mettant en oeuvre l'ITIE viennent au bout de toutes les possibilités légales de contraindre les entreprises à collaborer. Par ailleurs, ils peuvent envisager de faire de la collaboration ITIE une condition de tout contrat avec une entreprise nouvelle ou existante.

    L'obligation de présenter des déclarations ITIE doit s'appliquer à toutes les entreprises extractives (y compris les entreprises internationales, nationales et d'Etat) présentes dans le pays. Une entité (petit exploitant) doit être exonérée de cette obligation uniquement lorsqu'elle est en mesure de démontrer, avec un degré élevé de certitude, que les montants qu'elle déclare seraient de toute façon sans importance. Il se peut que certains gouvernements souhaitent déclarer la somme du flux d'avantages provenant de ces petits exploitants. Lorsque celle-ci représente une partie importante des recettes totales perçues, l'établissement d'un seuil convenable est d'une importance capitale.

    Action préconisée 17 c : De quelle manière les gouvernements et entreprises vont-ils présenter leurs déclarations ?

    La discussion des projets de modèles de déclaration doit aboutir à un accord sur les principes et le traitement comptables des déclarations dans le cadre de l'ITIE afin de pouvoir comparer l'information provenant respectivement des entreprises et du gouvernement d'accueil.

    Des différences sur le plan des périodes comptables, des devises et des unités peuvent être la source d'écarts justifiables, dépassant de loin les marges d'erreur normalement acceptées, entre l'état consolidé des recettes du gouvernement et l'état consolidé des contributions des entreprises. Pour réduire les écarts justifiables et éviter de retarder le processus de divulgation, ces variables doivent être normalisées au moyen d'une procédure comptable mutuellement agréée.

    L'expérience acquise lors de la mise en oeuvre permettra sans doute de perfectionner ces consignes.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Système comptable : Etant donné que les gouvernements d'accueil ne sont généralement pas en mesure d'estimer les comptes de régularisation des recettes attendues des entreprises pour une période donnée, il est conseillé à toutes les entités de tenir une comptabilité de caisse. Puisque la méthode de la comptabilité d'exercice est utilisée pour les rapports réguliers des entreprises, on peut demander aux commissaires aux comptes des entreprises d'inclure un compte collectif en vue de rapprocher les paiements en espèces et l'information comptable dans leurs états financiers.

    Devise comptable : Les gouvernements et les entreprises doivent se mettre d'accord sur la devise comptable. Dans le cas du secteur minier, où la plupart des flux d'avantages sont versés en devise locale, il est conseillé de se servir de cette dernière comme unité de compte, tandis que l'unité de compte doit être le dollar US pour le secteur des hydrocarbures, puisque le cours du marché est exprimé en dollars US. Néanmoins, un pays peut choisir de publier les paiements et recettes ITIE à la fois en devise locale et en dollars US - pour que les chiffres soient plus compréhensibles pour la population locale, par exemple. Pour les opérations effectuées dans des devises autres que l'unité de compte, il est conseillé de se servir du taux de change mensuel ou trimestriel moyen pour la conversion en devise comptable.

    Période comptable : Puisque, pour la plupart, les entreprises pétrolières, gazières et minières, rédigent des rapports internes mensuels ou trimestriels mais des rapports externes annuels, il faut se mettre d'accord sur la périodicité qui convient le mieux aux entités déclarantes. Les déclarations ITIE doivent être préparées au moins tous les ans, mais des déclarations semestrielles peuvent être plus indiquées dans certains cas.

    Présentation des gabarits (modèles de déclaration) : Les entreprises et le gouvernement ont intérêt à synchroniser autant que possible la présentation des déclarations par les administrateurs, afin de garantir la crédibilité du processus.

    Par ailleurs, les déclarations doivent être présentées en temps opportun. Plus le temps de préparation est long, moins les déclarations sont utiles aux fins des débats politiques relatifs aux paiements et recettes signalées.

    Action préconisée 18 : Les déclarations présentées sur les paiements et recettes sont-elles crédibles ?

    La crédibilité du processus ITIE passe par la crédibilité des données relatives aux paiements et recettes qui sont présentées à l'administrateur par les entreprises et le gouvernement. Il est conseillé de s'en tenir, dans la mesure du possible, aux procédures et institutions existantes et aux normes internationales. Dans la pratique, le processus pourrait être le suivant :

    Les entreprises obtiennent de la part de leur commissaire aux comptes externe un avis selon lequel l'information qu'elles prévoient de présenter aux fins de l'ITIE correspond à leurs états

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    financiers. Une demande de « procédures spéciales » peut être jointe aux termes de référence de l'audit externe. Les commissaires aux comptes ont à rapprocher la comptabilité de caisse des entreprises et les états financiers préparés selon la méthode de la comptabilité d'exercice. Il convient de respecter les normes internationales pertinentes en matière d'audit.

    De même, le commissaire aux comptes du gouvernement doit donner un avis sur l'exactitude des comptes présentés par le gouvernement.

    Action préconisée 18 a. Si de tels audits n'existent pas déjà, un cabinet ou des cabinets d'audit ont-ils été identifiés pour mener un audit crédible et indépendant des paiements et recettes ?

    Tous les paiements et recettes déclarés dans le cadre de l'ITIE doivent faire l'objet d'un audit indépendant crédible. Lorsque les entreprises présentent des données sur les paiements qui ont été vérifiées par leur propre commissaire indépendant, il n'y a normalement pas besoin d'un autre audit. Quand ces audits n'ont pas lieu - ou si l'audit n'est pas jugé crédible - il faut passer à l'audit, éventuellement en nommant un commissaire aux comptes suivant une procédure de soumission concurrentielle indépendante.

    Action préconisée 19 : De quelle façon l'administrateur va-t-il préparer le Rapport ITIE ? L'administrateur identifié pendant la phase de démarrage reçoit les déclarations des entreprises et du gouvernement et cherche à rapprocher les comptes respectivement des entreprises et du gouvernement pour en faire la base du Rapport ITIE du pays exécutant. L'avis d'un commissaire aux comptes indépendant peut être demandé sur le Rapport ITIE.

    Une procédure doit être arrêtée pour régulariser tout écart ou manque de cohérence constaté dans le Rapport ITIE. Si le rapprochement des comptes fait apparaître des discordances nécessitant la modification des déclarations, le commissaire aux comptes externe de l'entreprise ou le commissaire aux comptes du gouvernement, selon les cas, doit approuver les modifications. Il convient de discuter des mesures à prendre en cas d'irrégularités importantes non résolues.

    Action supplémentaire A19 a : Est-ce qu'on a identifié une marge d'erreur acceptable dans le cadre du processus de déclaration ? Lorsqu'elles se sont mises d'accord sur la normalisation du processus de déclaration, les parties prenantes clefs doivent, avant la mise en oeuvre, arrêter une marge d'erreur acceptable par rapport à tout écart constaté par l'administrateur entre les contributions versées par l'industrie extractive et les recettes d'extraction perçues par le gouvernement d'accueil.

    Etude de cas 19

    En Azerbaïdjan, les « attributions du commissaire aux comptes » indiquent les procédures de gestion des écarts et irrégularités dépassant une marge d'erreur convenue :

    (a) En cas d'irrégularités, le comité doit fournir au cabinet d'audit une analyse détaillée du montant global et de la ventilation entre les entreprises individuelles.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    (b) Si cette analyse ne permet pas de résoudre les irrégularités constatées, le cabinet d'audit y attirera l'attention des entités déclarantes concernées auxquelles il sera demandé de présenter des pièces justificatives.

    Certaines parties prenantes ITIE affirment, compte tenu du fait que les premières étapes de tout nouveau programme ou initiative sont souvent caractérisées par un certain nombre d'erreurs, que la marge d'erreur acceptable pour le premier cycle de déclaration devrait être plus importante ou qu'un rapport « de vérification » devrait être préparé, sans être publié, qui identifie et gère les « écarts justifiables » afin d'éviter toute controverse publique inutile.

    Action supplémentaire A 19b : Des dispositions ont-elles été prises pour qu'un audit indépendant des chiffres déclarés puisse être mené si la plupart des parties prenantes le demandent ? Dans certains pays, l'inquiétude relative à la crédibilité des audits existants ou au processus de déclaration peut amener les parties prenantes à demander la nomination d'un commissaire aux comptes indépendant pour compiler et évaluer les données présentées par les entreprises et le gouvernement sur les paiements et recettes.

    Même lorsqu'il est décidé de ne pas mener un deuxième audit de déclarations déjà vérifiées, rien n'empêche l'administrateur d'accéder aux données des entreprises ou du gouvernement si cela s'avère nécessaire pour régulariser les discordances des déclarations relatives aux paiements et recettes.

    Action préconisée 20 : De quelle façon le Rapport ITIE va-t-il être divulgué ?

    Les parties prenantes doivent se mettre d'accord sur l'attribution de la responsabilité de divulguer les résultats de la mise en oeuvre de l'ITIE. Dans certains cas, l'administrateur peut aussi être chargé de la divulgation mais, jusqu'ici, on a généralement préféré nommer une organisation différente. Quelle que soit l'organisation (ou la personne) chargée de divulguer les résultats, elle doit être considérée par la plupart des parties prenantes clefs comme impartiale et digne de confiance. Par ailleurs, elle doit posséder la capacité et l'aptitude à divulguer les résultats d'une manière compréhensible et à les diffuser au public d'une manière accessible.

    Etude de cas 20

    La Cour des comptes de la République kirghize a décidé que la marge d'erreur en matière d'écarts entre les chiffres du gouvernement et des industries extractives ne doit pas dépasser 1 %.

    Etude de cas 21

    Au Nigeria, toutes les parties se sont mises d'accord, afin de renforcer la confiance du public, que les paiements déclarés dans le cadre de l'ITIE doivent faire l'objet d'un audit. Le processus de sélection du commissaire aux comptes indépendant a été décidé et un appel d'offres a été lancé.

    Etude de cas 22

    En République kirghize, la Commission statistique est chargée de la divulgation, cette responsabilité incombant à la Commission ITIE nationale en Azerbaïdjan. Au Nigeria, la décision sera prise par le groupe de travail national des parties prenantes.

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Action préconisée 20 a : Faut-il présenter, dans le Rapport ITIE, des agrégats ou des données ventilées ?

    Les parties prenantes doivent décider si elles souhaitent que les déclarations des entreprises et du gouvernemental d'accueil mis à la disposition du public présentent des agrégats ou des donnés ventilées. La décision définitive incombe au gouvernement d'accueil.

    Dans le cas d'une divulgation globale, un seul chiffre (agrégat) est divulgué pour chaque flux d'avantages, d'où la nécessité de veiller à ce que le processus d'agrégation soit jugé fiable.

    Dans le cas d'une divulgation ventilée, l'agrégat est ventilé entre les entreprises et/ou les permis/concessions, d'où la nécessité de veiller à ce que les données ventilées soient comparables et compréhensibles. L'ITIE a pour principe d'atteindre son objectif d'une plus grande transparence tout en respectant les contrats et lois existants. Il faut veiller tout particulièrement à maintenir l'équilibre entre la présomption de divulgation suivant l'ITIE et le souci de préserver la confidentialité commerciale des entreprises.

    E. Diffusion auprès du public et discussion :

    Action préconisée 21. Le Rapport ITIE est-il accessible et compréhensible ? La mise en oeuvre complète de l'ITIE dans son ensemble exige la divulgation de la totalité des paiements et recettes d'une manière accessible, détaillée et compréhensible pour le grand public. Dans de nombreux pays, il convient de publier le Rapport ITIE sur Internet, sur le site ITIE national dont l'établissement est conseillé lors du démarrage. Le processus de diffusion des résultats doit tenir compte du fait que toutes les différentes parties prenantes n'ont pas le même accès aux données, d'où l'intérêt de faire appel à toute une série de médias : journaux, télévision, radio, ateliers locaux.

    Etude de cas 23

    En Azerbaïdjan, compte tenu des soucis exprimés quant aux clauses de confidentialité des entreprises, l'approche globale a été adoptée pour le premier cycle de déclaration.

    En République Kirghize, la question d'agrégation de ne se pose pas de la même façon, le secteur étant dominé par une seule entreprise.

    Etude de cas 24

    Au Nigeria, les parties prenantes proposent à l'organisation déclarante de prévoir une série de programmes portant aussi bien sur la divulgation que sur la sensibilisation à l'ITIE, y compris des débats télévisés, des émissions radio en langues locales, des sites Internet, des brochures et des séminaires dans les établissements scolaires et universités.

    Etude de cas 25

    Suivant les consignes relatives aux déclarations ITIE, au Ghana, les résultats doivent être « faciles à
    comprendre pour un utilisateur ayant des connaissances raisonnables du secteur minier ... et prêt à étudier
    l'information assez consciencieusement ». Le groupe de travail consultatif, au Nigeria, déclare que les résultats

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    doivent être « factuels, non-interprétatifs et simples » et il propose, à l'instar de la coalition en Azerbaïdjan, qu'une brochure explicative accompagne les résultats.

    Action préconisée 21 a : Des procédures permettant d'assurer une diffusion large des résultats sont-elles en place ?

    Pour que la mise en oeuvre de l'ITIE dans un pays ne soit pas un simple exercice technique de divulgation, il importe d'assurer une large diffusion des résultats, plaçant les recettes pétrolières, gazières et minières dans le contexte de la gestion globale des finances publiques. Les gouvernements sont incités tout particulièrement à mettre en application les principes, proposés par le Code des bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques du FMI, de préparation, exécution et information budgétaires transparentes, en même temps qu'ils lancent des campagnes de vulgarisation bien ciblées. La plupart des pays qui ont commencé à mettre en oeuvre l'ITIE prévoient d'organiser une série de séances et ateliers d'information - aux niveaux national et local - afin de favoriser une présentation responsable des enjeux. Les résultats doivent être compréhensibles pour les parties prenantes, d'où l'importance de prendre en considération les questions linguistiques, notamment la traduction en langues locales le cas échéant.

    Action préconisée 22 : Les parties prenantes clefs ont-elles participé à une discussion des résultats sur le plan des recettes et paiements déclarés ? Une fois que les résultats seront dans le domaine public, le gouvernement doit se montrer proactif et organiser une discussion publique sur les recettes déclarées. Pour que l'ITIE soit efficace, les acteurs clefs doivent être en mesure de discuter, évaluer et interpréter les résultats. Cette discussion témoigne de la volonté du gouvernement de prendre ses responsabilités et rendre des comptes sur les recettes des industries extractives.

    Action supplémentaire A 22 : Cette discussion s'est-elle élargi aux parties intéressées dans le sens plus large ?

    La participation d'autres parties intéressées au stade de discussion peut enrichir le processus. Dans la mesure du possible, des mécanismes doivent être prévus pour que ces parties puissent exprimer leurs points de vue et aider à interpréter les chiffres déclarés, car l'intégration de leurs contributions est susceptible d'assurer un soutien plus large et de renforcer la légitimité du processus et des institutions concernées.

    Etude de cas 26

    En République kirghize, le ministère des Finances envisage de créer un service de communications chargé du dialogue avec le public à propos de la gestion des finances publiques.

    Examen de la mise en oeuvre de l'ITIE

    F. Examen

    Action préconisée 23 : Des dispositions ont-elles été prises pour le suivi et évaluation de l'ITIE ?

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Un examen du processus ITIE permet au pays d'évaluer les avantages de la mise en oeuvre, de montrer aux autres les performances du pays et de se concentrer sur l'amélioration de la mise en oeuvre à l'avenir. Il incombe aux parties prenantes clefs de déterminer les termes de référence de l'examen et d'y participer (grâce aux enquêtes ou entretiens). Pendant cette phase, les organisations de la société civile, chargées d'assurer une surveillance complémentaire du processus, ont l'occasion de collaborer étroitement avec le gouvernement.

    Action supplémentaire A23 a : Existe-t-il un mécanisme formel d'évaluation indépendante ? L'existence d'un mécanisme formel d'évaluation indépendante a pour avantage de renforcer la crédibilité du processus ITIE aux yeux des parties prenantes à la fois nationales et internationales. Un évaluateur indépendant peut présenter un rapport impartial allant au coeur de questions importantes, notamment « Le processus sera-t-il durable ? » et « Quels sont les enseignements à tirer afin d'améliorer les rôles du gouvernement, des industries extractives et de la société civile ?» Action supplémentaire A23 b : Les renseignements tirés ont-ils été transmis à d'autres pays et parties prenantes ?

    L'échange des enseignements tirés, avec d'autres pays qui mettent en oeuvre ou envisagent de mettre en oeuvre l'ITIE, aide ces pays tout en permettant au pays qui communique les enseignements de s'attribuer le mérite des réformes qu'il a entreprises. Il incombe au Secrétariat ITIE de coordonner l'échange des expériences - au moyen d'ateliers régionaux et mondiaux, de révision du livre source et de publication sur le site Internet ITIE.

    Action préconisée 24 : La conception des processus décisionnels et autres a-t-elle été influencée par des mécanismes de restitution ?

    La mise en oeuvre de l'ITIE doit se perfectionner à la lumière des expériences, car il s'agit d'un processus « d'apprentissage sur le tas ». L'efficacité et la durabilité de la mise en oeuvre passent par la restitution aux parties prenantes et l'intégration de leurs réactions.

    Chapitre 3

    Conseils indicatifs à l'intention des entreprises extractives Vue d'ensemble

    La mise en oeuvre de l'ITIE incombe aux différents pays riches en ressources. Cependant, l'ITIE reconnaît que les entreprises ont également un rôle critique à jouer pour que les objectifs soient atteints. Aucune distinction n'est actuellement opérée entre les entreprises internationales, nationales, publiques ou privées, malgré le fait qu'un certain nombre des actions supplémentaires proposées ne s'appliquent pas à toutes les entreprises (question qui fera l'objet d'un traitement supplémentaire dans les éditions futures du livre source). Les présentes consignes portent sur les

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    différents rôles pouvant être joués par les entreprises extractives, en séparant le rôle d'approbation de l'ITIE du rôle d'appui au niveau des pays (aussi bien exécutants que non exécutants).

    Résumé des actions préconisées et supplémentaires pour les entreprises

    Tout en reconnaissant aussi bien le caractère volontaire de l'ITIE que l'intérêt des entreprises extractives (et d'autres parties prenantes) à identifier les mesures qu'elles peuvent prendre en appui à l'ITIE, les présentes consignes identifient les actions (en vert foncé) que les entreprises soutenant l'ITIE sont encouragées à réaliser pour que la mise en oeuvre soit efficace, ainsi que les actions supplémentaires (en vert) qu'elles peuvent réaliser pour améliorer la mise en oeuvre. Ces actions viennent en appui aux actions décrites dans les conseils indicatifs à l'intention des pays riches en ressources.

    Actions des entreprises Actions supplémentaires des entreprises

    Approbation

    A. Adhésion

    25. L'entreprise a-t-elle émis une déclaration publique, sans équivoque, concernant son intention d'appuyer la mise en oeuvre de l'ITIE ? A25. L'ITIE est-elle intégrée dans les politiques et/ou le système de rapports internes ?

    26. L'entreprise a-t-elle nommé une personne chargée de diriger la mise en oeuvre de l'ITIE ?

    B. Soutien international

    Intervenir lors des conférences ;

    Intervenir lors des conférences internes et externes au sujet de la transparence/gestion des recettes et de l'ITIE ;

    Commenter les révisions des documents de base orientant la mise en oeuvre de l'ITIE ;

    Faciliter la collecte d'exemples de bonnes pratiques ITIE et en assurer la diffusion à l'échelle mondiale ;

    Evoquer l'ITIE dans le cadre de l'interaction stratégique avec leur propre gouvernement (ou tout autre gouvernement) ;

    Se montrer proactives vis-à-vis des parties prenantes pour inciter à la transparence des recettes ; Appuyer l'intégration des approches ITIE dans les pratiques exemplaires et les lignes directrices des industries extractives ; collaborer lors de la mise en application.

    Appui au niveau du pays

    27. L'audit de l'entreprise satisfait-il aux normes internationales ?

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    A27. L'entreprise a-t-elle encouragé d'autres entreprises à préconiser une plus grande transparence ?

    C1. Pays exécutant

    28. L'entreprise s'est-elle engagée vis-à-vis du démarrage de l'ITIE dans les pays exécutants où elle opère ?

    29. L'entreprise s'est-elle engagé vis-à-vis de la mise en oeuvre de l'ITIE dans les pays exécutants où elle opère ?

    30. L'entreprise s'est-elle engagé vis-à-vis de l'examen de l'ITIE dans les pays exécutants où elle opère ?

    . Pays non-exécutant

    Discuter de la transparence avec les donateurs et IFI ;

    Organiser des ateliers.

    Approbation

    A. Adhésion

    Action des entreprises 25 : L'entreprise a-t-elle émis une déclaration publique, sans équivoque, concernant son intention d'appuyer les pays ayant choisi de mettre en oeuvre l'ITIE ?

    Toutes les entreprises extractives sont encouragées à approuver les principes et critères ITIE. Elles sont également incitées à indiquer leur volonté d'aider les pays qui choisissent de mettre en oeuvre l'ITIE. Compte tenu du fait que la responsabilité de la mise en oeuvre incombe essentiellement au pays concerné, les entreprises doivent éviter de donner l'impression d'exercer une pression sur les pays d'accueil. La déclaration d'approbation, émise par le PDG ou un représentant délégué, doit être publiée sur le site Internet de l'entreprise et/ou dans un rapport annuel ; une copie de la déclaration doit être envoyée au Secrétariat international ITIE en vue de sa publication sur le site Internet ITIE. La déclaration peut présenter une liste des pays dans lesquels l'entreprise est présente et a l'intention d'appuyer la mise en oeuvre de l'ITIE.

    Action supplémentaire des entreprises A25 : L'ITIE est-elle intégrée dans les politiques et/ou le système de rapports internes ?

    Une entreprise peut envisager d'intégrer les principes et critères ITIE dans sa propre politique générale ou ses rapports internes. Par ailleurs, les entreprises peuvent envisager d'informer leur personnel des possibilités d'appui à la mise en oeuvre de l'ITIE dans les pays exécutants où elles sont présentes.

    Action des entreprises 26 : L'entreprise a-t-elle nommé une personne chargée de diriger la mise en oeuvre de l'ITIE ?

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    L'entreprise doit charger un cadre supérieur de diriger la mise en oeuvre de l'ITIE et la sensibilisation au sein de l'entreprise. Elle peut envisager de publier le nom et les coordonnées du responsable sur son site Internet.

    B. Soutien international

    Au siège et/ou au niveau international, les entreprises ont la possibilité d'appuyer le développement et le perfectionnement de l'ITIE par la réalisation des actions suivantes, entre autres :

    Intervenir lors des conférences internes et externes au sujet de la transparence/gestion des recettes et de l'ITIE ;

    Commenter les révisions des documents de base orientant la mise en oeuvre de l'ITIE ;

    Faciliter la collecte d'exemples de bonnes pratiques ITIE et en assurer la diffusion à l'échelle mondiale ;

    Evoquer l'ITIE dans le cadre de l'interaction stratégique avec leur propre gouvernement (ou tout autre gouvernement) ;

    Se montrer proactives vis-à-vis des parties prenantes pour inciter à la transparence ;

    Appuyer l'intégration des approches ITIE dans les pratiques exemplaires et les lignes directrices de l'industrie ; collaborer lors de la mise en application.

    Appui au niveau du pays

    Action des entreprises 27 : L'audit de l'entreprise satisfait-il aux normes internationales ?

    On peut s'attendre à ce que les entreprises internationales se conforment aux normes en matière de transparence et de divulgation, liées à l'audit, suivant les principes de gestion d'entreprise de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCED). Par ailleurs, ces entreprises sont normalement tenues, du fait des règles en matière de cotation boursière, de se conformer aux normes internationalement acceptées de comptabilité et d'audit, y compris les recommandations de la Déclaration sur les pratiques conseillées du Comité comptable de l'industrie pétrolière (2001).

    Le projet de guide du FMI, qui recommande que les entreprises nationales et d'Etat soient tenues de respecter les normes universelles en matière d'audit, note qu'une surveillance de la part de la Cour des comptes pourrait être indiquée, là où le mandat de cette institution s'étend à l'audit des entreprises d'Etat. Une entreprise doit réagir positivement et publiquement face à tout changement d'orientation du gouvernement d'accueil en faveur d'une transparence accrue. Selon les cas, elle peut prendre des mesures en partenariat avec d'autres entreprises opérant dans le pays.

    Action supplémentaire des entreprises A27 : A27. L'entreprise a-t-elle encouragé d'autres entreprises à préconiser une plus grande transparence ?

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Certaines entreprises sont en mesure d'encourager d'autres entreprises opérant dans ces pays à donner une réponse positive aux démarches du pays d'accueil, démontrant ainsi la totalité de la contribution apportée par le secteur à l'économie du gouvernement d'accueil. Lorsqu'un gouvernement d'accueil décide de mettre en oeuvre l'ITIE, les entreprises qui connaissent mieux l'ITIE devraient se charger d'informer d'autres entreprises opérant dans le pays qui ne sont pas au courant de l'initiative.

    C1. Pays exécutant

    Selon les principes ITIE, toutes les entreprises extractives dans un pays exécutant doivent être tenues de présenter des déclarations. C'est aux pays exécutants de décider de la meilleure façon d'obtenir la déclaration de chaque entreprise en temps opportun : accord volontaire ou établissement d'un cadre juridique en fonction des circonstances du pays [action préconisée pour les pays 17 b].

    Si le pays dans lequel opère une entreprise a choisi de mettre en oeuvre l'ITIE, il est normal que l'entreprise participe aux efforts du pays dès le début. Les principales responsabilités des entreprises concernent la préparation des déclarations suivant les gabarits [voir les actions préconisées pour les pays dans les sections C et D - développement du processus]. En tant que parties prenantes, la plupart des entreprises doivent également jouer un rôle dans d'autres aspects de la mise en oeuvre.

    Action des entreprises 28 : [Démarrage dans le pays] : L'entreprise s'est-elle engagé vis-à-vis du démarrage de l'ITIE dans les pays exécutants où elle opère ? Pour s'engager sans réserve vis-à-vis du démarrage :

    L'entreprise a-t-elle identifié - et prévu dans son budget - les coûts (frais indirects, renforcement des capacités, coûts indirects tels que le temps de travail du personnel) de sa participation à la préparation des déclarations ITIE et à d'autres éléments du processus ITIE [action préconisée pour les pays 15] ?

    L'entreprise a-t-elle participé à l'identification d'un administrateur et/ou d'un commissaire aux comptes [action préconisée pour les pays C13] ?

    L'entreprise a-t-elle pris contact avec les parties prenantes pour les aider à comprendre la transparence des recettes [action préconisée d'appui aux pays 11] ?

    L'entreprise a-t-elle pris contact avec les parties prenantes pour évaluer les besoins en matière de renforcement des capacités ; est-ce qu'elle a décidé de l'appui qu'elle pourrait donner par rapport à l'action préconisée pour les pays 16 ?

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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    Action des entreprises 29 : [Mise en oeuvre dans le pays] : s'est-elle engagé vis-à-vis de la mise en oeuvre de l'ITIE dans les pays exécutants où elle opère ?

    Pour s'engager sans réserve vis-à-vis de la mise en oeuvre :

    L'entreprise a-t-elle amorcé un dialogue avec le gouvernement concernant l'élaboration des modèles de déclaration [action préconisée pour les pays 12] ?

    Une décision a-t-elle été prise quant à la divulgation (agrégats ou données ventilées) [action préconisée pour les pays 20 a] ?

    Le consensus est-il atteint quant au choix des flux d'avantages à déclarer [action préconisée pour les pays 17 a] ?

    Le consensus est-il atteint quant à la ventilation : entre les échelons du gouvernement et entre les types de paiement (droit à la production, redevances, frais, etc.) [action préconisée pour les pays 17 a] ?

    L'information de l'entreprise est-elle présentée dans le format convenu - en retenant le système, la périodicité, la méthode de comptabilité et l'unité de compte qui ont été arrêtés [action préconisée pour les pays 17 c] ?

    L'entreprise a-t-elle chargé son commissaire aux comptes externe de l'audit de ses déclarations de paiements (comptabilité de caisse) pour les pays exécutants [critère ITIE 2] ?

    L'entreprise a-t-elle participé à la nomination d'une agence de divulgation digne de confiance et impartiale [action préconisée pour les pays 20] ?

    L'entreprise a-t-elle pris part à la diffusion auprès du public et à la discussion des résultats [action préconisée pour les pays 22] ?

    Action des entreprises 30 : [Examen dans le pays] :L'entreprise s'est-elle engagé vis-à-vis de l'examen de l'ITIE dans les pays exécutants où elle opère ?

    Pour s'engager sans réserve vis-à-vis de l'examen :

    L'entreprise a-t-elle participé à la détermination des termes de référence de l'examen [action préconisée pour les pays 23] ?

    L'entreprise a-t-elle distillé et échangé les enseignements tirés de sa participation à l'ITIE sur le plan national et international [action préconisée pour les pays 23 et action supplémentaire pour les pays A23 b] ?

    . Pays non-exécutant

    Une grande partie du dialogue relatif à la transparence étant susceptible de se dérouler de gouvernement à gouvernement ou lors des discussions régulières entre les gouvernements ou organisations internationales, une entreprise peut envisager d'aborder le thème de la transparence

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    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    avec les donateurs et les organisations internationales afin de marquer son engagement en faveur de la transparence.

    Une entreprise peut discuter des options et des prochaines démarches avec une série de parties prenantes, dont les organisations de la société civile, en tant que participant ou co-organisateur d'un atelier.

    Glossaire

    Terme Définition

    Comptabilité d'exercice

    Système comptable typique des entreprises dans lequel les revenus sont constatés lorsqu'ils sont gagnés et les dépenses sont constatées lorsqu'elles sont encourues. Il diffère de la comptabilité de caisse, qui constate les transactions quand des fonds sont reçus ou payés.

    Organisme administratif (ou administrateur)

    Un tiers indépendant responsable de l'agrégation et de l'analyse des déclarations présentées par les entreprises et les gouvernements d'accueil.

    Audit Inspection des comptes d'une organisation, généralement par un organisme indépendant. Flux d'avantages Une source potentielle des avantages économiques que le gouvernement d'accueil reçoit de la part des industries extractives. Les avantages économiques indirects tels que la construction des infrastructures et l'emploi du personnel local ne sont pas considérés, pour les fins des présentes consignes de déclaration, comme des flux d'avantages.

    Comptabilité de caisse

    Système comptable typique des gouvernements - et recommandé pour les déclarations ITIE - qui enregistre uniquement les paiements et recettes en espèces qui se rapportent aux transactions d'une entité, contrairement à la comptabilité d'exercice qui constate les revenus quand ils sont gagnés et les dépenses quand elles sont encourues.

    Industries extractives

    Les industries extractives sont celles qui s'occupent de localiser et d'enlever les ressources naturelles épuisables situées dans la croûte terrestre ou à proximité de celle-ci. Les ressources naturelles épuisables sont celles que les êtres humains ne sont pas capables de remplacer dans leur état d'origine.

    Rapport ITIE Rapport, préparé par l'administrateur dans le cadre de la mise en oeuvre de l'ITIE, sur les paiements et recettes.

    Pays d'accueil Limites territoriales sous la juridiction d'un gouvernement d'accueil, dans lesquelles une entreprise a des intérêts économiques relatifs à l'industrie extractive.

    Terme Définition

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Gouvernement d'accueil

    Les régimes et institutions de gouvernement d'un Etat dans les limites territoriales duquel opèrent les entreprises extractives. Le terme s'étend aux représentants locaux, régionaux, étatiques et fédéraux de ces régimes et institutions et des entités contrôlées par ces régimes et institutions, mais exclut les entreprises d'Etat nationales.

    Entreprise internationale

    Pour les besoins de ce livre source, la catégorie des entreprises internationales comprend :

    Les sociétés publiques et privées intervenant dans les activités en amont des industries extractives en dehors des limites territoriales du pays dans lequel elles ont leur siège.

    Les entreprises d'Etat opérant en dehors des limites territoriales du gouvernement qui les contrôle.

    Permis (d'exploitation)

    Arrangement entre une entreprise extractive et le gouvernement d'accueil concernant une zone géographique ou géologique et l'exploitation de minerais. Pour les besoins du livre source, le terme s'applique également à une licence, un droit de superficie, une zone de contrat, un bail, un bloc.

    Entreprise nationale

    Pour les besoins de ce livre source, la catégorie des entreprises nationales comprend les sociétés publiques et privées intervenant dans les activités en amont des industries extractives dans les limites territoriales du pays dans lequel elles ont leur siège.

    Entreprise d'Etat nationale

    Entreprise contrôlée par le gouvernement d'accueil qui mène les activités en amont des industries extractives dans le pays d'accueil. Une entreprise est contrôlée dans la mesure où le gouvernement d'accueil a la faculté d'orienter ses politiques financières et d'exploitation afin de tirer profit de ses activités.

    Terme Définition

    Paiements Pour les besoins de l'ITIE, la catégorie des paiements comprend tous les paiements matériels, relatifs à la production pétrolière, gazière et minière, versés par les entreprises au gouvernement.

    Accord de partage de la production

    Convention entre le gouvernement d'accueil et un investisseur, accordant à celui-ci le droit exclusif de prospection, développement et extraction des minerais en échange d'une part de la production.

    Entité déclarante

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Entreprises et gouvernements qui préparent et présentent des déclarations suivant les gabarits. Modèles de déclaration

    Gabarits que les entreprises internationales, nationales et étatiques et les gouvernements d'accueil utilisent pour les déclarations qu'ils présentent à l'administrateur dans le cadre de la mise en oeuvre de l'ITIE.

    Recettes

    Pour les besoins de l'ITIE, la catégorie des recettes comprend toutes les recettes matérielles perçues par les gouvernements de la part des entreprises pétrolières, gazières et minières.

    Activité en amont

    La catégorie des activités en amont comprend toutes les activités liées à l'exploration, au développement et à la production des ressources minérales jusqu'au moment où les minerais extraits sont dans un état commercialisable sans transformation ultérieure.

    Annexe :

    Exemples de modèles de déclaration (gabarits)

    Exemple de modèles de déclaration :

    Ces gabarits ont été préparés à l'intention de l'ITIE en 2003. D'autres exemples et des informations supplémentaires sur les modèles de déclaration sont disponibles auprès de : http://www.eitransparency.org/reportingguidelines.htm

    A. Gabarit de saisie pour une entité déclarante d'un gouvernement d'accueil (pétrole et gaz) Pays d'accueil déclarant le :

    Période de déclaration :

    Champ 1 Flux d'avantages

    Ligne

    Réf. Consignes

    Section 6

    Réf. Volume

    Valeur

    1 Flux d'avantages des entreprises internationales seulement

    1a) Droit du gouvernement d'accueil à la production des entreprises internationales i) Flux de production - en nature

    * [préciser la nature de la production et des unités]

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    * [préciser la nature de la production et des unités] ii) Flux de production - en espèces

    2 Flux d'avantages des entreprises d'Etat nationales

    2a) Droit du gouvernement d'accueil à la production des entreprises d'Etat nationales

    i) Flux de production - en nature

    * [préciser la nature de la production et des unités]
    * [préciser la nature de la production et des unités]

    ii) Flux de production - en espèces

    Champ 1 Flux d'avantages (suite)

    Ligne

    Réf. Consignes

    Section 6

    Réf. Volume

    Valeur

    3 Flux d'avantages d'une entreprise d'Etat internationale et nationale

    3a) Impôt sur les bénéfices iii

    3b) Redevances iv

    - en espèces

    - en nature

    3c) Dividendes v

    3d) Primes de signature et primes de production vi

    3e) Frais d'attribution de permis, frais de location, « droits d'entrée » et autres contreparties de licences/concessions vii

    3f) Autres paiements aux gouvernements d'accueil, à savoir :

    viii

    Champ 2 Flux d'avantages

    Ligne

    Réf. Consignes

    Section 6

    Réf.

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Volume Valeur

    4 Champ 2 Flux d'avantages (divulgation facultative)

    Aval du gouvernement d'accueil

    Nous acceptons notre responsabilité en matière de présentation juste du modèle de déclaration conformément aux directives de déclaration, exception faite de :

    B. Gabarit de saisie pour les entités déclarantes (entreprises pétrolières et gazières) Nom de l'entreprise :

    Pays d'accueil déclarant le :

    Période de déclaration :

    Champ 1 Flux d'avantages

    Ligne

    Réf. Consignes

    Section 6

    Réf.

    Volume Valeur

    1 Flux d'avantages à déclarer par les entreprises internationales seulement

    1a) Droit du gouvernement d'accueil à la production au gouvernement d'accueil ii) Flux de production - en nature

    * [préciser la nature de la production et des unités] * [préciser la nature de la production et des unités] ii) Flux de production - en espèces

    1b) Droit du gouvernement d'accueil à la production à l'entreprise d'Etat nationale

    i) Flux de production - en nature

    * [préciser la nature de la production et des unités]
    * [préciser la nature de la production et des unités]

    ii) Flux de production - en espèces

    2 Flux d'avantages à déclarer par les entreprises étatiques nationales seulement

    2a) i) Prise de participation des entreprises d'Etat nationales dans le droit à la production du

    gouvernement d'accueil - en nature i* [préciser la nature de la production et des unités]

    * [préciser la nature de la production et des unités]

    ii) Prise de participation des entreprises d'Etat nationales dans le droit à la production du gouvernement d'accueil - en espèces

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    2b) Production reçue par le flux de production de l'entreprise d'Etat nationale - en nature

    Champ 1 Flux d'avantages (suite)

    Ligne

    Réf.

    Consignes

    Section 6

    Réf.

    Volume Valeur

    2c) Droit de l'entreprise d'Etat nationale à la production1 ii

    i) Droit à la production - en nature ii

    * [préciser la nature de la production et des unités]
    * [préciser la nature de la production et des unités]

    ii) Droit à la production - en espèces ii

    2d) Droit à la production reçu pour le compte du gouvernement d'accueil

    i) Flux de production - en nature

    * [préciser la nature de la production et des unités]
    * [préciser la nature de la production et des unités]

    ii) Droit à la production reçu pour le compte du gouvernement d'accueil - en espèces

    3 Paiements au gouvernement d'accueil/à l'entreprise d'Etat nationale

    3a) Impôt sur les bénéfices

    3b) Redevances

    - en espèces

    - en nature

    3c) Dividendes v

    3d) Primes de signature et primes de production

    3e) Frais d'attribution de permis, frais de location, « droits d'entrée » et autres contreparties de licences/concessions

    3f) Autres paiements aux gouvernements d'accueil, à savoir : 1 Le droit de l'entreprise d'Etat nationale se réfère à sa part de la production là où elle est partie contractante,

    entre autres en cas de participation dans une licence/concession en plus du droit à la production du gouvernement d'accueil.

    Champ 2 Flux d'avantages

    Ligne

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    Réf. Consignes

    Section 6

    Réf.

    Volume Valeur

    4 Champ 2 Flux d'avantages (divulgation facultative)

    Aval de la direction

    Nous acceptons [ou, au nom du conseil d'administration (ou organe semblable), nous acceptons] notre responsabilité en matière de présentation juste du modèle de déclaration conformément aux consignes de déclaration, exception faite de :

    C. Gabarit de saisie des agrégats (entreprises minières)

    Pays d'accueil déclarant le :

    Période de déclaration :

    Champ 1 Flux d'avantages

    Ligne

    Réf.

    Consignes

    Section 6

    Réf.

    Volume Valeur

    1 Flux d'avantages d'une entreprise d'Etat internationale et nationale

    1a) Impôt sur les bénéfices

    1b) Redevances

    - en espèces

    - en nature

    1c) Frais d'attribution de permis, frais de location, « droits d'entrée » et autres contreparties de licences/concessions

    1d) Primes de signature et primes de production

    1e) Dividendes

    1f) Autres paiements aux gouvernements d'accueil, à savoir (y compris paiements effectués au moyen de la production) :

    Publié par le ministère britannique du développement international (DFID)

    Le siège du DFID est sis : 1 Palace Street LONDON SW1E 5HE , Royaume-UniEt : Abercrombie House, Eaglesham Road, East Kilbride

    Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
    industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
    Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

    GLASGOW G75 8EA Royaume-UniTél. +44 (0) 20 7023 0000

    Fax : +44 (0) 20 7023 0016

    Site Internet : www.dfid.gov.uk

    E-mail : enquiry@dfid.gov.uk

    Bureau de renseignements : 0845 3004100

    Ou +44 1355 84 3132 (à partir de l'étranger)

    (c) Copyright de la Couronne 2005

    Image de couverture : (c) Yola MONAKHOV/Panos

    Le copyright relatif à la mise en page et à la conception typographique revient à la Couronne. Cette publication (exception faite du logo) peut être reproduite gratuitement sous n'importe quel format ou support sous réserve qu'elle soit reproduite exactement et ne soit pas utilisée dans un contexte trompeur. Le copyright de la Couronne sur les matières doit être mentionné, le titre et la source de la publication devant être précisés.

    Publié par le ministère britannique du Développement international (DFID). Imprimé au Royaume-Uni, 2005, sur support recyclé comportant 80% de déchets de consommation et 20% de pulpe à papier vierge entièrement sans chlore.

    Référence du produit : PD 042

    ISBN : 1 86192 707 X.






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