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La scène alternative de Poitiers

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par Maxime Vallée
Université de Poitiers - UFR Sciences Humaines et Arts - Master 1 Civilisation Histoire et Patrimoine 2011
  

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B/ La professionnalisation et l'aide à l'emploi comme vecteur de durabilité

Ce nouveau départ de LOH semble montrer un état d'esprit qui semble beaucoup plus tourné vers l'avenir que lors des débuts de l'association. Ce changement de conception s'explique aisément par le poids que représente la gestion d'un lieu comme le Confort Moderne, dans lequel les membres se sont largement, personnellement investis et qui a été soutenu de façon importante par les institutions municipales et gouvernementales. LOH a donc obligatoirement dû formaliser ses méthodes de travail, afin d'assurer au centre culturel une durée de vie sur le temps long. Cela s'est traduit par une professionnalisation du personnel, avec notamment la création de quatre emplois pour les quatre personnes à l'origine du projet, financés à hauteur de 200 000 francs par la Direction des Actions de l'État (40 000 francs)65 et par la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi (160 000 francs).66 Le mrme courrier de cet organisme témoigne d'ailleurs de la précision des rôles au sein de la structure, qui définit un administrateur, un directeur technique, une responsable de l'information et un responsable de la programmation, tous à plein temps, ce qui contraste avec l'unique contrat à plein temps et les deux emplois à mi-temps de LOH jusqu'en 1983. Cette situation semble confirmer les écrits de Philippe Teillet, qui constate chez les acteurs du milieu associatif une « professionnalisation qui se manifeste à travers l'évolution de leurs statuts sociaux, du bénévolat militant à l'application des conventions collectives du secteur. » et une volonté « de voir leurs compétences particulières reconnues par les administrations. »67 On remarque donc que les membres « leaders », qui ont porté le projet Confort Moderne, à savoir Fazette Bordage, Francis Falceto, Yorrick Benoist et Philippe Auvin ont stabilisé leur

65 ACM : « Subventions », Lettre de la Direction des Actions de l'État, 20 mars 1986.

66 ACM : « Subventions », Lettre de la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi, 13 octobre 1986.

67 TEILLET Philippe, op. cit., p. 385.

situation pour passer d'une activité parallèle, couteuse et chronophage, à un emploi rémunéré qui constitue leur activité exclusive.

Par ailleurs, nous avons précédemment évoqué la base de bénévoles que comptait LOH pour son assurer son fonctionnement, notamment lors de soirs de manifestations. Leur activité se traduit donc par des rôles vacants, qui vont de l'accueil du public (billetterie etc.) à celui des artistes, en passant par la restauration etc. Mrme si le Confort Moderne et LOH, l'association qui gère le lieu, continuent bien sûr à recevoir l'aide des adhérents, le lieu emploie dès 1985 des Travailleurs d'utilité collective, ou TUC. Ceux-ci faisaient l'objet d'un contrat aidé, financé par l'État : ces Travaux d'Utilité Collective, les TUC (ancrtre des Contrats emploi solidarité, CES, instaurés en 1990) s'effectuaient depuis 1984 sous forme d'un stage à mi-temps effectué sur une durée maximum de six mois dans divers établissements publics. Les employés sous ce type de contrat #177; handicapés, ou, dans le cas du Confort Moderne, des jeunes chômeurs ou des détenus en voie d'insertion (ce qui peut s'expliquer par la proximité du lieu avec la prison de la Pierre Levée et « la connivence qui [s'installait] entre les prisonniers et le Confort Moderne »68 les soirs de concert) #177; étaient rémunérés par une indemnité inférieure au SMIC. Celle-ci ne comptant pas comme un salaire, les titulaires d'un TUC ne pouvaient donc pas la faire valoir pour l'obtention d'une allocation chômage, ou pour leur retraite.69 Ces travailleurs sous contrat d'insertion ont donc contribué à l'avancée des travaux d'aménagement des anciens locaux de Confort 2000 dans le courant de l'année 1984 et ont par la suite oeuvré au fonctionnement du centre culturel. L'emploi de travailleurs aidés par le Confort Moderne montre donc la dimension sociale acquise par le lieu, qui associe un rôle de diffusion culturelle en faveur de tous les publics et qui « accueille sans sectarisme ni préjugé tout le monde, de l'étudiant au SDF »70, « de l'ex-détenu au jeune « BCBG »71 à celui d'insertion professionnelle et sociale

68 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1988-juillet 1989), Le Nouvel Observateur du 24 novembre 1988.

69 Journal Officiel de la République Française : Décret n°84-919 du 16 octobre 1984 919 portant application du livre IX du code du travail aux travaux d'utilité collective *TUC*, 17 octobre 1984 (n° 243), pp. 3253-3254.

70 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1990-juillet 1991), Tête d'Epingle de juin 1991.

71 ADV : 1256 W 127 - 1988-1989- DRAC - Musique et Danse - LOH Poitiers #177; Audit financier et comptable de l'entreprise « Le Confort Moderne », « L'Oreille est Hardie » réalisé par Argos, février 1989, p. 12.

pour des personnes en difficulté. Cependant, de nombreuses critiques ont été portées concernant la présence des TUC pour faire fonctionner la structure. Mrme d'autres acteurs du mouvement alternatif local, comme Luc Bonet72 ont été « très critiques, parce qu'il y'avait une armée de ce qu'on appelle aujourd'hui des contrats aidés (c'étaient des TUC à l'époque il me semble). »73 Une manifestation à l'initiative des Jeunesses Communistes de la Vienne a mrme été organisée pour l'ouverture de la saison culturelle 1985-1986, le 12 novembre 1985. Ce même soir, la manifestation intitulée « TUC en fête » se tenant dans les locaux du Confort Moderne, mais dont l'organisation revenait à la municipalité, se déroulait en présence du secrétaire d'État auprès du Premier Ministre chargé de l'Economie Sociale, Jean Gatel. Cette soirée fut l'occasion pour les militants poitevins de réclamer « un vrai salaire pour les TUC »74 et de dénoncer la précarité de ce type de contrat, qui semble inadapté à une insertion professionnelle sûre.

On voit donc que la structure culturelle s'inscrit dans une dynamique durable, avec la professionnalisation des membres moteurs de LOH et l'emploi de TUC, qui donne une dimension sociale au Confort Moderne, en plus de lui offrir une base d'employés qui assurent son fonctionnement. Ce changement de fonctionnement pousse toutefois la structure à s'inscrire dans une politique globale de la culture, mais aussi du social, qui entre dans le cadre d'une gestion de la jeunesse. Le mouvement alternatif et la dynamique qu'il a engendrée a constitué pour l'État et les collectivités locales un fort potentiel de créations d'emplois et d'insertion pour les jeunes. Cette assimilation à des objectifs politiques a donc pu placer le Confort Moderne en porteà-faux vis-à-vis de certains acteurs locaux de la scène alternative ou d'une certaine frange de la vie politique, qui, non sans saluer l'action de LOH et se réjouir de l'ouverture d'un tel lieu culturel, ont déploré le changement de rôle d'une structure qui a toujours su se développer en restant à l'écart de toutes volontés politiques étrangères aux siennes, pour s'inscrire dans des dynamiques plus institutionnelles. On retrouve ce genre de critiques également dans la communauté scientifique, exprimées de façon plus approfondie. Antoine Hennion s'interroge ainsi longuement

72 Fondateur du label musical On a faim !, Luc Bonet est aujourd'hui technicien en météorologie, et est impliqué dans le milieu syndical au sein de la CNT.

73 Entretien avec Luc Bonet du label « On A Faim ! », propos recueillis le 14 janvier 2011.

74 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1985-juillet 1986), Centre Presse du 13 novembre 1985.

sur cet engagement des pouvoirs publics et ce qui en découle pour les associations dans le domaine des musiques amplifiées :

« [...] ne pervertit-il pas l'évolution normale de mouvements qui se trouvent déséquilibrés par l'attrait d'avantages distribués sans grand discernement, selon des critères éloignés de ceux qui importent sur place, favorisant un opportunisme généralisé des milieux ainsi « récupérés a» (à travers la formation, l'absorption par le rôle social ou éducatif imparti à ces pratiques musicales assistées, et la tentation du fonctionnariat, la professionnalisation, la médiatisation politique, etc.)... »75

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon