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La scène alternative de Poitiers

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par Maxime Vallée
Université de Poitiers - UFR Sciences Humaines et Arts - Master 1 Civilisation Histoire et Patrimoine 2011
  

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B/ Le Confort Moderne et Poitiers : des doutes à l'enracinement

Nous venons de le voir, le Confort Moderne semble entretenir des relations difficiles avec la municipalité poitevine, ce qui transparaît à travers les dossiers de subventions. En 1986, la Ville délivre #177; en plus des 295 000 francs consacrés à l'équipement de la salle de concerts #177; 100 00 francs pour la structure et précise :

« Dans le contexte de rigueur budgétaire et de difficultés économiques que nous connaissons, cette actualisation représente un effort réel de notre Municipalité, qui reconnait ainsi l'apport important de votre association dans la vie culturelle de notre ville. »115

Cependant, en 1987, on constate seulement une subvention de 160 000 francs116 et aucune de la Direction Régionale des Affaires Culturelles, qui aide LOH depuis

113 ADV : 1256 W 127 #177; 1988-1989 #177; DRAC - Musique et Danse - LOH Poitiers #177; Dossier promotionnel de l'Oreille est Hardie, saison 1988-1989, p. 8.

114 ADV : 1256 W 127 #177; 1988-1989 #177; DRAC - Musique et Danse - LOH Poitiers #177; Dossier promotionnel de l'Oreille est Hardie, saison 1988-1989, p. 1.

115 ACM : « Subventions », Dossier de subventions (1985-1986), 1er janvier 1986.

116 Archives Municipales de Poitiers (AMP) : Liasse 4588 #177; 1983-1988 #177; L'oreille est hardie ~ Courrier de la municipalité au Confort Moderne #177; 28 septembre 1987.

1980117 et subventionne le Confort Moderne de façon importante (cette institution d'État decentralisee offre ainsi 295 000 francs au Confort Moderne l'année de son ouverture pour son equipement et 100 000 francs pour son fonctionnement, soit la même chose que la Ville118). Les pouvoirs publics locaux #177; municipalite et organismes d'État decentralises, le plus souvent rattaches au ministère de la Culture et de la Communication : Fonds d'Intervention Culturel, Fonds Régional d'Art Contemporain par exemple #177; ont donc largement soutenu le projet Confort Moderne lors de sa création, mais semblent d'en détacher une fois l'ouverture et le lancement du lieu acté. Si le désengagement des organes d'État (comme la DRAC) vis-à-vis de projets aussi atypiques que celui de LOH peut se justifier par le changement de gouvernement survenu en 1986 après la victoire de la droite aux elections legislatives ~ qui voit l'arrivée de François Léotard au sein du ministère de la Culture et de la Communication avec Philippe de Villiers comme ministre delegue, deux hommes qui « ont peu d'idées personnelles développées en matière culturelle, peu de relations organisees dans les milieux des arts »119 #177; la position de la Ville de Poitiers semble plus complexe, sachant que la municipalite socialiste conserve un volet culturel important, mais paraît se detacher du Confort Moderne.

C'est finalement en 1988 qu'un réel tournant est opéré et montre l'engagement de la municipalite pour le centre culturel alternatif. Une reunion organisee dès la fin de l'année 1987, en novembre, et présidée par l'adjoint à la culture de la Ville de Poitiers Jean-Marc Bordier, permet aux « jeunes rockers a» d'exprimer les problèmes rencontres pour developper leurs activites (notamment les repetitions) mais egalement pour avoir accès aux spectacles des groupes emanant de cette scène, malgré la présence du Confort Moderne. C'est lors de cette réunion que germe l'idée de faire d' « un espace de 600 m2 jouxtant le bar [...] une salle de spectacles parfaitement insonorisee »120, d'une capacité de 800 places.121 L'emprunt de 800 000

117 ADV : 1666 W 1- 1976-1984 #177; DRAC - Manifestations culturelles - Historique de l'association l'Oreille est Hardie -1981.

118 ACM : « Subventions », Récapitulatif des subventions accordées à l'Oreille est Hardie, 1989.

119 DE WARESQUIEL Emmanuel (dir.), Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris, Larousse / CNRS Editions, 2001, p. 368.

120 ADV : 1256 W 175 #177; 1987- DRAC - Musique et Danse - LOH Poitiers #177; Dossier promotionnel du Confort Moderne f saison 1986-1987, p. 12.

121 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1987-juillet 1988), Centre Presse du 26 novembre 1987.

francs necessaire aux travaux est garanti par la Ville122, qui finance egalement le processus d'insonorisation d'une valeur de 35 000 francs.123 La salle est donc inauguree le 19 mars 1988 et donne un nouveau souffle au Confort Moderne, qui peut « programmer des groupes plus connus, ce qui [leur] permettra de rentabiliser les autres, inconnus du grand public »124. Il adopte par là une politique de rationalisation de la gestion du budget et finit la saison avec de nouvelles perspectives pour la suivante, comme celle #177; tenant compte des plaintes des jeunes musiciens poitevins evoquees plus haut #177; de developper les espaces de creation au sein du Confort Moderne, notamment les boxes de repetition, « façon de repondre à une demande toujours plus pressante des artistes de Poitiers [...] de plus en plus demandeurs d'espaces de travail et de matériels. »125 Le paroxysme de l'engagement de la Ville de Poitiers, mais aussi de la DRAC, auprès du Confort Moderne est atteint quelques mois plus tard et s'exprime à la suite du différend qui oppose LOH au proprietaire des locaux du 185, Faubourg du Pont-Neuf. Depuis la fin de l'année 1987, LOH a du mal à régler les factures qu'elle doit à Marcel Breuil et se voit contrainte de delivrer des chèques sans provision.126 En 1988, devant les retards de paiement, « le proprietaire [demande] au tribunal d'expulser le locataire, »127 et c'est finalement la municipalité qui rachète l'ensemble des locaux pour en confier la gestion à LOH. Si la situation paraît assez simple, il convient d'analyser les tenants et les aboutissants de cet événement pour finalement nuancer l'image de « sauveteur » revatue par la municipalité, mrme s'il reste évident que sans ce rachat, le Confort Moderne n'aurait jamais pu subsister. Par ailleurs, il est important d'expliciter le rôle du Directeur régional des affaires culturelles du Poitou-Charentes, Raymond Lachat, en poste de 1985 à 1997, qui a agi en coulisses. Selon la presse locale, c'est lui qui a suggere au conseil municipal « d'intervenir pour engager une procedure par le biais d'une declaration d'utilite publique »128 et c'est aussi lui, selon

122 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1987-juillet 1988), La Charente Libre du 24 mars 1988.

123 ACM : « Subventions », Courrier de la municipalité de Poitiers, 28 juin 1988.

124 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1987-juillet 1988), Centre Presse du 18 mars 1988.

125 ADV : 1256 W 127 #177; 1988-1989 #177; DRAC - Musique et Danse - LOH Poitiers #177; Dossier promotionnel de l'Oreille est Hardie, saison 1988-1989, p. 3.

126 ACM : « Baux », courrier de Marcel Breuil, 21 octobre 1987.

127 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1987-juillet 1988), Centre Presse du 28 juin 1988.

128 Ibidem.

son témoignage, qui a par le biais de la DRAC réglé les loyers de retards afin de faire baisser le prix des locaux. Il explique :

, « Il était évident que si le propriétaire virait les locataires, et qu'il nous vendait le bâtiment après, il allait être en droit de nous vendre le bâtiment beaucoup plus cher. Si le bktiment est libre d'occupation, il se vend 10 ou 20% plus cher que s'il est occupé. »129

Lachat réussit donc à éviter l'expulsion de LOH, ce qui motive la municipalité à racheter les locaux anciennement loués par l'association et à opérer la transaction de 1,7 millions de francs130 en quelques semaines (après le rachat, un contentieux opposera tout de mrme LOH et Marcel Breuil au sujet d'une facture d'eau de décembre 1988 non réglée jusqu'en 1991131, ce qui contraste largement avec les rapports cordiaux des débuts entre les deux parties). La DRAC a donc oeuvré pour pousser la municipalité à sauver le lieu, ce qui montre son attachement et les liens entretenus par l'État avec le Confort Moderne, qui est finalement un enfant de la décentralisation (en témoigne la présence des ministres pour les inaugurations). Néanmoins, si la Ville de Poitiers ne tarde pas à racheter le 185, Faubourg du PontNeuf, il est important de noter que ce choix est réfléchi et ne constitue pas pour la municipalité une prise de risque majeure dans le but de sauver le Confort Moderne. C'est encore Lachat qui nous éclaire sur les modalités qui ont conduit à cette décision municipale :

« La position du maire à l'époque, c'était de dire « on achète mais de toute façon je suis jà peu près sûr qu'on ne pourra pas vous laisser là. On fera autre chose du terrain dans quelques années et puis vous, on vous mettra ailleurs. a» [...] De toute façon, si un jour le CM [Confort Moderne, nda] devait disparaître, on restait propriétaires de bâtiments et on pouvait très bien les réutiliser pour des constructions de logements sociaux [...] c'est une relativement bonne opération en termes de foncier. »132

Ce témoignage du Directeur Régional des Affaires Culturelles est éclairant sur plusieurs points. Tout d'abord il montre bien que la Ville, en devenant propriétaire des bWtiments occupés par le Confort Moderne, peut disposer de l'avenir du lieu comme elle l'entend, ce qui n'est pas sans constituer une menace en sachant qu'elle envisage dès le départ le replacement du centre culturel, sans se soucier de la dénaturation de celui-ci #177; ce qui remet largement en question le statut

129 RAFFIN Fabrice, op. cit., p. 240.

130 AMP : Liasse 4588 #177; 1983-1988 #177; L'oreille est hardie ~ Compte-rendu de la réunion au sujet du rachat de l'Hotel du 185, Faubourg du Pont-Neuf, entre Mr Breuil et Mme Bertrand #177; 1er février 1988.

131 ACM : « Baux », courriers de Marcel Breuil, 21 décembre 1988, 30 mai 1989, 17 septembre 1990 et 27 février 1991.

132 RAFFIN Fabrice, op. cit., pp. 240-241.

d'indépendance du lieu, mrme s'il le conserve dans les faits. Cette hypothèse émise par le maire s'explique par les plaintes régulières des voisins du Confort Moderne qui dénoncent les nuisances et les dégradations commises les soirs de concerts et publient des pétitions.133 Par ailleurs, si ce rachat passe pour un véritable sauvetage et une prise de risque de la part de la municipalité, il semblerait bien que toutes les possibilités de réhabilitation du lieu soient envisagées sans la participation de LOH avant la transaction. La municipalité ne croit donc pas à la viabilité du Confort Moderne et ne parie pas sur sa survie. Elle porte un regard qui ne tient pas compte de la passion et de l'attachement des membres de l'association faisant vivre ce lieu.

Cependant, mrme si l'idée fut évoquée en coulisses, la relocalisation ne fût pas mise à l'ordre du jour. Le Confort Moderne était sans doute suffisamment implanté dans le tissu culturel poitevin pour qu'on modifie son emplacement. Si nous avons vu précédemment que LOH a eu du mal à se coordonner avec les autres associations poitevines, l'association parvient tout de mrme en juin 1988 à organiser, en collaboration avec l'Agora et le Puits de la Caille, deux petits centres culturels de diffusion artistique de Poitiers, le premier festival « Eat Some Rock » : une série de concerts se déroulant sur deux jours dans chaque lieu à tour de rôle.134 C'est aussi l'image d'un lieu réputé à l'échelle nationale qui prévaut et qui incite peut-être les pouvoirs publics à ne rien faire qui puisse mettre en péril le fonctionnement du Confort Moderne.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore