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Lutte contre l'impunité et effectivité des droits des accusés : le doux chant de sirène du tribunal pénal international pour le Rwanda.

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par à‰lise LE GALL
Université Pierre Mendès France - Master 2 Droit 2010
  

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2. Mariage difficile entre lutte contre l'impunité et l'objectif de réconciliation des peuples.

L'exemplarité de façade de la lutte contre l'impunité se retrouve atténuée dès lors qu'il s'agit de s'intéresser au contexte de création de l'instance internationale qui mène cette lutte. Le TPIR est une création du Conseil de Sécurité, à l'égard duquel il a l'obligation d'adresser un rapport annuel et d'en recevoir des instructions. De même que les juges du Tribunal élus par l'Assemblée générale, sont présélectionnés par le Conseil de Sécurité,37 avec le droit de veto pour les cinq membres permanents. L'action du TPIR est d'autant plus difficile qu'il a été crée par le Conseil de Sécurité de l'ONU sur demande de la partie victorieuse de la guerre d'agression, le gouvernement du FPR et parce que plusieurs dispositions de la résolution font jouer à ce dernier un rôle important dans le fonctionnement et dans les affaires judiciaires. Ainsi Paul Tavernier estime que la procédure de création des tribunaux pénaux internationaux n'a pas été neutre et de ce fait, risque «de favoriser l'impunité de certains hauts responsables et de constituer un obstacle à l'efficacité des tribunaux ».38Or il est attendu du TPIR qu'il identifie tous les criminels, quelles que soient leurs fonctions ou leur appartenance ethnique, afin qu'ils répondent de leurs actes, chacun individuellement. Ainsi le TPIR pourra prétendre agir dans le sens d'une véritable réconciliation nationale, du rétablissement et du maintien de la paix au Rwanda.

L'obj ectif de réconciliation pour être pleinement atteint suppose entre autre chose, la fin des hostilités, un règlement durable du conflit, la reconnaissance des crimes passés, le respect des droits de l'homme comprenant donc la jouissance des libertés fondamentales, le droit à la justice. Il convient de noter donc dès à présent, l'importance de cette reconnaissance des crimes passés dans son ensemble et non à l'égard d'une seule des parties des événements de 1994. En effet le Conseil de Sécurité n'a pas fait mention dans le préambule de la résolution de qui était responsable de ces actes de génocide et de ces violations du droit international humanitaire. Cette tâche relève du mandataire à savoir le TPIR au travers de ses actes d'accusations. Parler de réconciliation nationale, c'est également s'intéresser aux différents acteurs agissant

3 7 Annexe 3, Statut du TPIR article 12, paragraphe 3.

3 8 P. Tavernier, L'expérience des Tribunaux ad hoc, Revue internationale de la Croix--Rouge, 31 décembre 1997, no 828, p 647--663.

pour la réalisation de celle--ci. Il s'agit des représentants de l'État Rwandais, des forces militaires et politiques mais également de la population civile. Et par cette multiplicité d'acteurs, il n'est pas étonnant de devoir faire part à des exigences propres à chacun de ses acteurs, qui divergent, s'entrechoquent.

C'est dans ce contexte, que le Tribunal Pénal International doit agir, dans cette lutte contre l'impunité, avec pour dilemme omniprésent de concilier avec justesse la construction de la paix et le respect de la justice. Pour ce faire, cette instance internationale dispose de principes reconnus par l'ensemble de la communauté internationale, à savoir l'indépendance et l'impartialité. Face à l'action des différents tribunaux pénaux internationaux et leurs études, ces deux objectifs paraissent inconciliables pour certains. D'où des interrogations justifiées au sein des juristes de la communauté internationale: que peut bien signifier «réconciliation », comment un tribunal peut--il y arriver? Ne s'agit--il pas d'un objectif politique plutôt que juridique?

L' établis sement du TPIR n'est--il pas le résultat de tractations politiques devant le Conseil de Sécurité des Nations--Unies, menées suite à des échecs politiques, diplomatiques et militaires retentissants ? 39

La recherche inexorable de la justice constitue un obstacle à la paix, dès lors qu'un processus de réconciliation est fragilisé, par le fait qu'il soit mis en place par le rôle politique d'anciens chefs de guerre criminels tel que l'actuel Président de la république Rwandais, Paul Kagamé. Puisque cette recherche de la justice se verrait mise à mal par l'intérêt des vainqueurs gouvernant habilement le Rwanda. Cependant pour la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, il ne saurait y avoir de véritable paix sans justice et «fermer les yeux sur l'impératif de la justice uniquement pour parvenir à un accord, hypothèquerait ce dernier ».40 Il est démontré à travers de nombreuses tentatives de réconciliation, qu'aucune paix durable n'a pu s'établir sans l'intervention indép endante du judiciaire.

3 9 Silence sur un attentat, le scandale du génocide Rwandais, groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles ONANA, éditions Duboiris, Avril 2003, p 8 3 -- 1 0 0

4 0« Pratiques constitutionnelles et politiques en Afrique: dynamiques récentes» Conférence de l'Organisation Internationale de la Francophonie--Bénin,, Cotonou, 29--30 s eptembre, 1er octobre 2005;.

La notion d'indépendance et d'impartialité prend une valeur supplémentaire dans ce contexte. Une institution ne saurait se prétendre judiciaire sans qu'elle ne soit indépendante. Il est du devoir d'une instance internationale d'agir en respectant ces principes, et de ne pas agir pour l'une ou l'autre version d'un conflit. Or une impunité, même partielle, hypothèque tout effort de réconciliation. C'est donc peine perdue d'espérer le règlement durable du conflit Rwandais en laissant impunies les graves violations des droits de l'Homme infligées à l'encontre de la population Hutu lors du génocide. Ainsi de quelle réconciliation peut--on bien parler lorsque des membres d'un seul groupe ethnique sont maintenus en détention, lorsque les crimes avérés des victorieux sont mis sous silence, et lorsque le pouvoir décide des témoins, des accusés et exerce des pressions significatives sur le procureur.41Enfin quelle volonté de réconciliation peut faire l'impasse sur l'attentat commis le 6 avril 1994 contre l'avion présidentiel rwandais?

La lutte contre l'impunité telle que menée par le TPIR, et notamment en ne poursuivant qu'un seul groupe ethnique jette un discrédit sur la motivation réelle de sa création. Car il ressort que la création de cette institution fut guidée non pas par la volonté de mettre sur pied une instance habilitée à rendre justice, mais plutôt d'une naissance dans un climat d'opportunité politique diverses. De même que cette mission de réconciliation des peuples se retrouve mise en doute par le sentiment d'avoir une instance pénale internationale oeuvrant pour une justice des vainqueurs et violant par la même sa neutralité et son impartialité. En effet il est perceptible au travers des différents jugements que le TPIR n'est pas attaché à procéder à un examen objectif de tous les aspects du conflit rwandais, mais bien plutôt d'aspects qui servent les intérêts des vainqueurs et du gouvernement de Paul Kagame. Certes l'institution proclame son voeu que plus jamais ne se reproduisent des massacres comme ceux du génocide Rwandais, mais « peut-on y arriver sans que la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité soit dite ? » 42

4 1 Carla Del Ponte a été limogée de son poste de Procureur du TPIR suites aux insistantes pressions du gouvernement rwandais, et grâce à l'appui des gouvernements américain et britannique, «Carla Del Ponte craint que Kigali n'exploite sa mise à l'écart du TPIR », Agence France--Presse, 9 Aout 2003.

4 2 De l'invisible attentat aux faux experts: le combat des avocats de la défense au
Tribunal Pénal International pour le Rwanda, Tiphaine Dickson «Silence sur un attentat,

Qui dit réconciliation dit forcément vérité comme préalable. Or la vérité dans le cadre du génocide rwandais est un idéal. Dans la réalité des faits, ce qui est réellement attendu du TPIR c'est l'existence d'un doute raisonnable concernant la culpabilité d'une personne. C'est l'histoire même du génocide qui s'écrit au fil des procès qui se déroulent à Arusha, et pour comprendre le comportement criminel d'un accusé, l'étude du contexte dans lequel il s'insère est un passage obligé. C'est pourquoi lorsqu'il est attendu d'une institution internationale qu'elle soit fédératrice, qu'elle contribue au processus de rétablissement et de maintien de la paix, dans un pays composé de différents groupes ethniques, elle ne doit pas chercher à occulter une vérité qui prend corps au fur et à mesure des procès, au risque de contrarier un gouvernement en place. C'est toute cette subtilité qui ressort des propos de Tiphaine Dickson, « la répétition, ad infinitum, du récit aimable et convenable quant au «génocide des tutsis »franchise exclusive? discrédite et subvertit toute notion de justice. Le fait d'occulter toute la vérité n'honore en rien les victimes innocentes des massacres: les hommes, les femmes, les enfants, et les vieillards, qu'ils soient tutsi, hutu, twa ou congolais. Ils avaient tous le droit de vivre dans un pays en paix. Et leur mémoire est trahie lorsque la justice refuse de lever le voile sur les causes d'une guerre qui aura fini par les faucher, sans procès. ».43

La certitude d'un génocide à l'encontre de la population tutsi lors des événements de 1994 est un fait irréfutable. Mais il est à rappeler que d'importantes tueries à caractère systématique ont eu lieu entre avril et septembre 1994 au fur et à mesure de l'avancée du FPR sur tous les fronts44. Il y a donc eu plusieurs sites de massacres des populations civiles exécutées par le FPR au cours de l'assaut final d'avril--juillet 1994 et durant les mois qui ont suivi la victoire du FPR sur les FAR en juillet 1994. 45 L' extermination des Hutus rwandais par le régime FPR s'est notamment illustré dans la

le scandale du génocide Rwandais » groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles ONANA, éditions Duboiris, Avril 2003, p90--107.

4 3 De l'invisible attentat aux faux experts: le combat des avocats de la défense au Tribunal Pénal International pour le Rwanda, Tiphaine Dickson «Silence sur un attentat, le scandale du génocide Rwandais» groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles ONANA, ibid., p83-- 100

44 Cf.infra, La pratique du Tribunal Pénal International pour le Rwanda : la face immergée de l'iceberg, p35--38

4 5 REYNTIENS Filip, Le Rwanda, les violations des droits de l'homme par le FPR/APR, Plaidoyer pour une enquête approfondie, Anvers, juin 1995.

destruction des camps de réfugiés hutu à l'Est du Zaïre et les massacres de leurs occupants.46

L'espérance d'une action pour l'effectivité d'une réconciliation nationale, ne peut avoir lieu dans ce contexte. En effet « C'est en identifiant tous les criminels que le TPIR cassera cette culture de l'impunité qui a toujours attisé la spirale de la violence au Rwanda en particulier et dans la région des Grands Lacs d'Afrique en général 47Or aujourd'hui « cette réconciliation est hypothéquée par des poursuites sélectives et discriminatoires » 48. Le malaise est d'autant plus perceptible que le 13 décembre 2000, dans une conférence de presse à Arusha, Carla Del Ponte annonce publiquement que des dossiers d'enquêtes sont constitués contre les membres du FPR. Elle a demandé une coopération des autorités rwandaises pour mener à bien ces poursuites. Mais cette timide initiative de Carla Del Ponte de lancer des poursuites contre des membres du FPR va lui valoir son éviction du TPIR. Ainsi il est constant, depuis 16 ans, que seuls les Hutus aient fait l'objet de poursuites parmi les cas connus du procureur. Les crimes graves pesant sur les Tutsis membres du FPR ne semblent pas être à l'ordre du jour.

Engager des poursuites à l'encontre des tutsis membres du FPR ayant commis des violations graves du droit international humanitaire oblige le Tribunal Pénal International pour le Rwanda à revenir sur le fil officiel de l'histoire du génocide Rwandais. Fil fragilisé par une autre vérité, pointant une réalité dérangeante autant pour l e gouvernement Rwandais que pour la communauté internationale. La lutte contre l'impunité ne peut s'accommoder de poursuites sélectives, au risque de contrarier un équilibre politique arrangeant aux yeux de la communauté internationale. Car dans ce cas, le citoyen du monde doit savoir que la lutte contre l'impunité telle celle menée par le TPIR ne s'inscrit pas dans un cadre de réconciliation des peuples, mais bien de réconciliation partielle ou partiale d'un peuple. Ceci va à l'encontre des principes de base attendus dans le cadre d'une justice pénale internationale. Ainsi le TPIR s'enlise dans une tâche qui n'est pas la sienne: écrire une histoire politiquement correcte, alors

4 6 Lettre, KAREMERA Edouard, La vérité d'abord, la justice ensuite, Janvier 2005, p 2--4

4 7 Jean--Pierre Edouard Komayombi, document, Rwanda, jusqu'où va le calvaire d'un peuple, Avril 1996.

48 Lettre KAREMERA Edouard, ibid, p 17--18

que « L'histoire et la Justice ne peuvent s'écrire à la fois, avec le même crayon, sans distordre l'un ou l'autre » comme le pointe David Paciocco49

Or cette discordance se retrouve dans la pratique du TPIR, et celle--ci se retrouve immergé car politiquement et juridiquement non avouable.

49 Professeur à l'Université d'Ottawa, Canada.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote