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Politique environnementale et développement durable en Cote d'Ivoire

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par Brou Germain Alexis Edoh KOMENAN
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest/Unité Universitaire d'Abidjan - Maitrise 2009
  

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Paragraphe 2 : Le cadre sociologique

La perception de la politique environnementale et de son rapport avec un développement humain harmonieux (A), ainsi que l'influence sur elle exercée par la société ivoirienne (B), déterminent son succès ou son insuccès.

A. La perception politique du binôme « politique

environnementale - développement durable »

En accédant à la souveraineté nationale le 7 août 1960, l'Etat de Côte d'Ivoire unissait juridiquement en son sein une mosaïque de peuples, d'ethnies, de traditions culturelles et religieuses. Ces populations avaient en commun l'expérience de la colonisation. Celle-ci allait léguer en héritage au nouvel Etat le système du libéralisme économique alors en vigueur. Où les préoccupations productivistes, corollaire du système international ambiant, avaient carte sur table. Cependant, l'Etat ivoirien impulsera une dynamique de protection de l'environnement, surtout au plan de la conservation des milieux naturels. Les problèmes de salubrité, de leur côté, augmentaient avec la croissance démographique et l'expansion de l'usage des produits industriels.

La société ivoirienne, ce n'est pas seulement l'Etat en tant qu'instrument gouvernemental agissant, c'est aussi la population et les diverses structures sociales et coutumières qui la constituent. Un demi-siècle de colonisation aura habitué les esprits à la logique de l'exploitation tous azimuts des terres pour goûter, autant que faire se peut, aux conforts de la modernité, synonyme de progrès.

Ainsi, pour mieux cerner l'esprit de la politique de l'environnement version éburnéenne, il importe de situer la conception développementaliste des différents acteurs sociaux que sont les gouvernants, les partis politiques, la société civile.

En proclamant l'indépendance de la Côte d'ivoire le 7 août 1960, le président Félix Houphouët-Boigny déclarait à la face du monde son idéal pour le pays : « C'est la Côte d'Ivoire qui veut aujourd'hui s'en aller, non pas à l'aventure, mais bâtir sa maison à elle (...) nous aussi, nous devons apporter notre contribution...notre amour sincère de la Paix et de la Justice ».93(*)

Ces paroles, traduction d'un réel projet de société, sont le reflet de la maturité de la vision politique d'ensemble de leur auteur, qui conçoit le développement comme élan vers la maturité, participation effective et féconde à l'Universel.

Cela impliquait d'abord la définition d'une ligne politique et économique à même de doter l'Etat des moyens de son évolution. Ce fut le libéralisme économique, continuité du système économique de l'époque coloniale, une économie extravertie, basée sur l'agriculture, comme le traduit le slogan : « Le succès de ce pays repose sur l'agriculture. » Et, fait marquant, la conscience écologique était loin d'être absente, même si, comme il a été dit plus haut, elle n'a pas été expressément affirmée dans les textes fondateurs, ni servie par l'esprit du modèle social dominant94(*). A preuve, la remarquable mise en oeuvre de programmes de protection de la nature éburnéenne, mue par l'esprit du père fondateur de la Nation, tel qu'il transparaît dans ses propos :

« En 1960, la forêt ivoirienne couvrait 10 000 000 d'hectares. Cette superficie est aujourd'hui considérablement réduite et évaluée à 3 000 000 d'hectares auxquels on peut ajouter 1 700 000 hectares de savane (...) Reconstitution du capital forestier, aménagement de la forêt naturelle, reboisement villageois en zone de savane devront s'accompagner d'une protection effective des massifs existants (...) Il s'agit là d'une nécessité nationale, car la destruction de la forêt n'a pas que des conséquences directes sur un secteur générateur d'emplois et de revenus et qui peut par la création d'une industrie papetière apporter d'autres devises (...) Nous touchons une fois de plus du doigt les ravages que l'homme peut causer par la recherche de profits immédiats, l'égoïsme, le gaspillage de biens dont nous sommes les gestionnaires et responsables au regard des générations futures... »95(*)

« L'Homme a marché sur la Lune (...), mais il ne sait pas encore fabriquer un flamboyant ou un chant d'oiseau. Gardons notre cher pays d'erreurs irréparables, qui pourraient dans l'avenir l'amener à regretter ses oiseaux et ses arbres. »96(*)

Tout en saluant cette conscience des gouvernants ivoiriens, un auteur note cependant que « malheureusement, les premiers signes de récession économique, apparus avec les années 1980, balayèrent ces préoccupations liées au moyen ou long terme... »97(*) Celui qui a faim n'étant pas un homme libre, selon la formule du président Houphouët, tout discours environnementaliste en pareille circonstance, avec une visibilité économique nébuleuse, ne pouvait prétendre avoir un impact réel sur les populations. Populations qui, par ailleurs, exercent tout naturellement une influence sur la gestion environnementale étatique.

B. L'influence des populations

Les populations constituent, avec le territoire et le pouvoir gouvernemental, l'autre force politique de l'Etat. Elles sont dans l'ensemble assez peu au fait des questions écologiques. Pratiques culturales destructrices, déboisement étendu, chasse et pêche effrénée, braconnage, gestion non rigoureuse des ressources hydriques, énergétiques et climatiques, inexpérience dans la gestion écologique des déchets industriels sont aussi de leur fait. Choses qui s'opposent carrément au bien-être recherché, au développement dit « durable ». Ce qui nécessite une organisation et une formation de ces populations. La Côte d'Ivoire comptait en 1998 vingt-huit organisations non gouvernementales impliquées dans le secteur de l'environnement.98(*) Cette autre avancée dans la sensibilisation aux questions environnementales s'est manifestée dans les activités organisées par les associations y opérant lors de la célébration annuelle de la Journée mondiale de l'Environnement. Mais en réalité ces actions, dans l'ensemble peu soutenues, sont sporadiques et très localisées. Cependant, la création, le 1er novembre de l'année en cours, d'un Forum civil pour l'environnement (FCE) augure des lendemains prometteurs. Ce forum sera, comme l'explique M. Loukou Koffi Jules, président du comité de coordination, une plate-forme d'échange sur les problèmes environnementaux destinée aux citoyens. Il entend également « mettre fin au silence des autorités face aux dangers liés à la destruction de l'environnement »99(*). Les ONG environnementales locales montrent ainsi leur volonté de se positionner comme des acteurs de poids dans l'orientation politico-économique du pays.

D'autres acteurs sociaux dénotent de la considération progressive, en Côte d'Ivoire, du caractère basal de la politique environnementale vis-à-vis du développement durable de l'Etat. Il s'agit des partis politiques qui se réclament du courant écologiste. Deux formations existent ainsi en Côte d'Ivoire, le Mouvement Ecologique Ivoirien (MEI) et le Parti Ecologique Ivoirien (PEI). Ces partis, déjà entreprenants sur le terrain comme les ONG - le PEI dispose d'un siège à l'Assemblée nationale - tissent comme elles des solidarités prometteuses avec d'autres formations et organismes environnementalistes sous-régionales et internationales, au profit de la politique environnementale locale.

Un autre aspect sociologique à prendre en compte est la donne culturelle et le poids des traditions, des us et coutumes. L'habitat traditionnel ivoirien, plutôt sobre - comme d'ailleurs l'habitat traditionnel africain - n'est pas le fruit d'un désir psychologique d'esthétique environnementale, d'harmonie avec la nature ambiante, comme c'est le cas dans d'autres civilisations. Cependant, il s'intègre aussi bien au plan physique qu'au plan spirituel dans un environnement naturel, qui est la forêt, la savane ou l'écosystème aquatique ambiant, et est en général bien tenu par ses locataires. Cet aspect sera examiné plus en profondeur dans un chapitre ultérieur100(*). Un esprit semble demeuré dans le comportement des populations, celui de la considération de la ressource environnementale nourricière comme bien inépuisable, et dont la maintenance, facile - pas de plan d'aménagement de jardin, ni de construction de fontaine ou de plan d'eau artificiel, mais en général simple balayage de la devanture de la concession - ne nécessite ni d'attention singulière, ni d'élaboration rigoureuse. Transposé à l'échelle de la civilisation occidentale actuelle exportée par le colonisateur, avec l'ère du matériel jetable, cela donne une gestion environnementale défensive et sans véritable élan de perfectionnement du milieu. De plus, cette gestion ne prétend pas souvent jouer les premiers rôles dans les planifications locales de développement, où d'autres secteurs sont jugés prioritaires : infrastructures, santé, éducation, emploi, logement. Voilà une question qui permet de comprendre en partie les raisons pour lesquelles les politiques environnementales pratiquées généralement n'intéressent pas les populations et leurs dirigeants au plus haut point. Car il n'est pas clairement perçu le lien entre stabilité écologique et développement socioéconomique. Développement socioéconomique selon le modèle classique de la productivité et de la rentabilité, et qui plus est en rapport avec la conjoncture économique vécue.

Ainsi, le cadre sociologique de l'élaboration d'une politique environnementale dans l'Etat de Côte d'Ivoire est fort d'une vision écologique montante, mais il demeure dans l'ensemble surtout réactionnaire, défensif et moyennement, sinon peu éveillé.

En considération de tout ce qui précède, il ya lieu de retenir que la politique ivoirienne de l'environnement, qui devrait normalement conduire à un développement durable, est desservie par un certain nombre de lacunes qui la vicie dans l'atteinte de cet objectif. Or, une politique environnementale génératrice d'un développement durable est nécessaire. Il s'agira d'en définir les contours.

DEUXIÈME PARTIE : POUR UNE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE GÉNÉRATRICE D'UN DÉVELOPPEMENT

DURABLE

La formation d'un Etat dûment consentie par ses composantes humaines est juridiquement et solennellement basée sur la Constitution, mais celle-ci n'est que la matérialisation des aspirations et valeurs du peuple, qui trouvent leur raison d'être dans la sublimation de la terre-patrie. Ainsi, le lien entre la terre et ses habitants existe, comme dans tout peuple, mais celui-ci, influencé par de multiples facteurs historiques et politiques s'est souvent trouvé gauchi, ce qui a pour conséquence la banqueroute environnementale. Ceci est vrai tant pour les autres Etats que pour la Côte d'Ivoire. Par conséquent, afin de crédibiliser l'affect sociologique qui lie les populations à leur terre, base des énergies légitimes de l'action et du développement, il faut réveiller et régénérer cet affect en l'ajustant à ce qui fait son essence : une éthique de l'environnement (Chapitre 1). Il est également nécessaire de tirer toutes les conclusions du corpus de connaissances sur la situation de l'environnement planétaire en orientant l'économie ivoirienne dans une direction viable, c'est-à-dire une direction d'intégration véritable des principes écologiques (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : L'ADOPTION D'UNE ÉTHIQUE DE L'ENVIRONNEMENT

Une politique de l'environnement viable, c'est-à-dire facteur de stabilité écologique, gage d'un véritable développement humain, doit prendre en compte et dynamiser la donne affective qui lie, comme tous les peuples, les Ivoiriens à leur pays et qui a sous-tendu le combat pour l'émancipation et la création de l'Etat.

Quelles sont les modalités pour y parvenir ? D'abord la saisie des conceptions de la relation psychologique de l'homme ivoirien avec la Nature (Section 1). Ensuite la perception du rôle, au sein de l'Etat, des forces sociologiques qui le constituent (Section 2).

* 93 L'Encyclopédie générale de la Côte d'Ivoire, Nouvelles Editions Africaines (NEA), 1978, vol.1, p. 339. Voir aussi l'Anthologie des discours. Félix HOUPHOUET-BOIGNY. 1946-1978, éditions CEDA, 1978.

* 94 Le ministre de la Construction et de l'Urbanisme, qui avait également en charge l'industrie, était, selon Koffi ATTAHI « d'avis que la pollution industrielle était le prix que les jeunes pays du Tiers-monde devaient payer pour soutenir la concurrence féroce en vue d'attirer les investisseurs étrangers. » (Koffi ATTAHI, « Le problème et ses fondements théoriques », in Adepoju G. ONIBOKUN (dir.), La gestion des déchets urbains. Des solutions pour l'Afrique, CRDI - Karthala, 2001, version anglaise 1999.)

* 95 Extrait du rapport de politique générale du président Félix HOUPHOUET-BOIGNY au VIIe congrès du PDCI-RDA, les 29, 30 septembre et 1er octobre 1980 à Abidjan, in Mémorial de la Côte-d'Ivoire, op. cit., tome troisième, p. 159. Les mots en italiques le sont par les auteurs de la présente étude.

* 96 SCIENCE ET ECOLOGIE, Manuel scolaire du Cours élémentaire première année, éditions CEDA - Abidjan, 1983, p. 5.

* 97 Francis LAUGINIE, op. cit., p. 31.

* 98 PACIPE infos/news, op. cit., p. 9.

* 99 Fraternité Matin, n° 13197 du Jeudi 6 novembre 2008, p. 7.

* 100 Chapitre premier de la deuxième partie de la présente étude, intitulé : « L'adoption d'une éthique de l'environnement. », p. 50-67.

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