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Violences en milieux urbains au Togo: cas de Lomé

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par Pihèwa KAROUE
Université de Lomé - Maà®trise 2011
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION

« Les citoyens ne se sentent plus en sécurité dans leurs propres murs, ni même en passant dans les rues ». Cette missive adressée au maire de la ville de Londres Par Daniel Defoe depuis 1739 est toujours d'actualité et se vérifie dans bien de contrées africaines (Wikipédia, «  Violences Urbaines », complément documentaire, fév.2011).

Un lundi soir du mois de mai 2009 aux environs de 23h, alors que Mr X revenait d'un voyage, il se fait attaquer par des malfrats devant sa maison sise à Ablogamé1(*) ; ils lui prennent une somme de 3 800 000F CFA après lui avoir tiré dessus à coup de balles réelles. Les trois malfrats habitaient le même quartier que ce monsieur. Interrogés ultérieurement, ils disaient avoir cultivés inconsciemment une antipathie à l'encontre de ce dernier à cause de son indifférence et de son orgueil. Selon leurs propos, cette antipathie, leur misère, ainsi que leur envie d'avoir seulement une infime partie de sa richesse et d'en jouir avec leurs pairs seraient à la base de cet acte pour lequel ils seront condamnés à perpétuité2(*). Ceci est un simple exemple pour esquisser le phénomène des violences urbaines connues à Lomé depuis un temps.

Aujourd'hui, le droit à la sécurité est proclamé au même titre que le droit au travail, au logement, à l'éducation ou à la culture et les raisons en sont multiples : les violences urbaines et le sentiment d'insécurité. De nos jours, on ne peut pas laisser de place au hasard concernant la sécurité d'une ville parce que cela signifierait qu'on ignore la capacité de malfaisance des malfrats et serait source de multiplication des violences urbaines. Ceci appelle donc à des investigations plus approfondies, sur ces violences. Ce phénomène est, généralement, lié à d'autres facteurs tels que la pauvreté, les inégalités sociales, l'exode rural, l'urbanisation, la globalisation de l'économie, l'éducation familiale, etc. Ceux-ci, n'étant pas plus que des hypothèses, constituent dès lors les pistes d'investigation dans le processus d'explication des violences urbaines.

L'exemple cité plus haut, peut faire l'objet d'une analyse enrichissante tant sur la vie de ces malfrats que sur la situation sociale vectrice de ces comportements. Si ces jeunes étaient éduqués au travail, aux valeurs de paix et d'honnêteté ; s'ils avaient le minimum vital, seraient-ils amenés un jour à poser cet acte ? La culture urbaine ne promeut plus de nos jours le « vivre ensemble », ni l'édification du lien social, mais propose plutôt un modèle identificatoire basé sur l'économie libérale, elle-même plus axée sur l'individu que sur la collectivité dans son ensemble. La poursuite des intérêts individuels et de « la meilleure vie » à tout prix afin de pouvoir se retrouver au rang de « citadin idéologiquement reconnu » ne serait-elle pas une raison suffisante pour qu'un individu s'évertue à explorer toutes les voies, même les plus ténébreuses possibles - dont font partie les violences urbaines- pour tirer son épingle du jeu ? Ces jeunes hommes, majoritairement migrants, venus de leurs villages ou de leurs pays pour chercher du travail et gagner leur vie ne seraient -ils pas victimes d'une part, de la rigueur des conditions d'intégration qu'impose la globalisation de l'économie et la ville ; et d'autres part, des conditions de vie difficiles dans les quartiers pauvres qui les poussent à rechercher à tout prix le minimum vital ? Autant de questions pouvant indiquer une piste de compréhension concernant les braquages, vols à main armée et kidnappings connus dans la ville de Lomé.

D'aucuns se demanderont si les violences urbaines existent encore vraiment ? Cette question trouve sa réponse dans l'effectif considérable de la population carcérale qui actuellement est de1853 prisonniers. Même si beaucoup restent en attente de jugement, la majorité reconnait les faits qui leurs sont reprochés. Cet effectif est en évolution constante et selon une courbe exponentielle. D'ailleurs, les violences urbaines se sont toujours inscrites dans l'échéancier de l'urbanisation et dans le passage des grandes villes en métropoles. Au cours de cette étude, en nous penchant sur le contexte social des incarcérés que nous avons interrogés, nous avons tenté de retracer le profil des délinquants, de mesurer l'ampleur de ces actes dits contre-normes et de prendre connaissance de leurs dynamiques explicatives. D'autre part, notre intention dans cette étude demeure moins une présentation exhaustive des actes de délinquance commis à Lomé qu'une analyse sociale permettant une explication en profondeur des violences urbaines ainsi que leur prévention.

Il convient donc de définir ce que nous entendons par «  violences urbaines ». « Violence » tout court et « violences urbaines » pourraient, à première vue, paraître uniquement différenciées par le caractère urbain de l'un et celui neutre de l'autre. Mais la différence va bien au delà. La « violence tout court », n'est que l'usage abusif de la force dans le but de porter atteinte aux biens et personnes, quel que soit le cadre (urbain ou non), quels que soient les auteurs (jeunes défavorisés ou adultes riches et puissants) et leur organisation (seul ou en bande), et quelle que soit l'origine (sociale, politique, interethnique,...) de ces violences.

Les violences urbaines, quant à elles, - certes la définition ne fait pas l'unanimité- peuvent être, dans notre contexte, reliées à la délinquance au sein des grandes métropoles. A cette différence près que cette dernière englobe tous  les aspects de la déviance alors que les violences urbaines ne font référence qu'à certaines seulement d'entres elles. En effet, la violence urbaine se limite à l'acte violent comme conséquence de l'individualisme, de l'urbanité et de la pauvreté rencontrés dans les grandes villes des pays en voie de développement, alors que la délinquance a un champ plus étendu, englobant à la fois les comportements à risque (dopage, bande, etc.), les actes déviants (homicides, viols, cybercriminalité, piraterie, cambriolages, etc.). C'est pourquoi notre étude a porté essentiellement sur les actes de vol à main armée, de braquage, d'homicide et de kidnapping.

Les violences urbaines, de façon générale, affectent plusieurs domaines de la vie sociale des citadins et font, de ce fait, l'objet de débats. La question des droits de l'Homme, le récent débat sur la peine de mort lancé par la CNDH et les organisations de la société civile, l'accentuation de la sécurisation de la ville par la multiplication de forces de sécurité tant privées que publiques, les campagnes de lutte contre l'impunité et la prolifération des armes légères initiées par les ONG de non violence, les projets de soutien aux inculpés soutenus par l'UE, les centres de réinsertion de prisonniers etc. ne sont que des tentatives de réponse, à ce qu'il convient encore d'appeler « violences urbaines », soit directement soit par voie de contournement.

Des dispositifs de sécurisation de la ville de Lomé n'ont donné que des résultats à court terme. L' « opération araignée » initiée en 2007sur demande du chef de l'Etat avec un budget de 31 millions de francs CFA et un effectif de 300 fonctionnaires de la police et de la gendarmerie en était une. Avec elle, la ville de Lomé fut minutieusement parcourue, jour et nuit, par de nombreuses patrouilles. Au cours de cette opération, un réseau téléphonique fut mis en place avec des numéros verts : les habitants pouvaient alerter directement les équipes de patrouille et de permanence en cas d'agression ou de tentative de vol. De surcroît elle a permis d'éviter, en moins d'un an, plus 2500 délits, selon les statistiques du ministère de la sécurité. Malgré les menaces, la capitale togolaise se trouve particulièrement confrontée au quotidien à des braquages et agressions de toutes sortes perpétrées par des délinquants 3(*).

Ayant ainsi défini la violence urbaine, soulignons que ces actes de violence s'opèrent dans le plus grand secret possible et ne sont mis en exergue que lorsque les auteurs sont arrêtés par la police ou la gendarmerie. Les victimes, il en existe ! et, pourtant, peu sont les délinquants dont les infractions sont révélées par la télévision ou les radios. Ce caractère de la violence urbaine la rend plus difficilement connaissable.

S'il est vrai que dans la mentalité du délinquant «  rien à perdre, nos jours sont comptés par d'autres qui ont du temps pour ça; nous, on ne les compte pas, on les dépense. » (Pedrazzini, 2005 : 35) et que la violence est intrinsèquement liée à l'évolution de la société et est le fruit de l'urbanisation et de la globalisation de l'économie, il n'est pas moins évident que c'est un phénomène persistant et que l'approche répressive n'y apporte qu'une solution très approximative et provisoire. Une solution qui voudrait être durable devrait pouvoir s'attaquer aux racines mêmes du phénomène. La mentalité qui, pour une grande part, dépend de l'itinéraire social de l'individu en est une. La lecture de l'expérience de villes ayant accédé à un niveau de développement et de croissance urbaine tant économique que démographique élevés, faisant d'elles des métropoles en matière de croissance des violences urbaines et de l'insécurité, comme le Nigéria et l'Afrique du Sud, pose au sociologue une interrogation sur le devenir de la ville de Lomé ; celle-ci, en effet, s'inscrit dans un processus d'urbanisation et de modernisation très rapide et très étendu, marqué par des zones de pauvreté.

L'urbanisation et les violences qu'elle engendre, posent aussi la question de l'exode rural et il convient d'en approfondir l'essence. Selon l'OMS, en 2015, plus de la moitié de la population du globe vivra dans une ville  (OMS, 2001 :1). Et si densité urbaine était synonyme d'accroissement des violences urbaines - ce que la réalité rend évident de nos jours - il est clair que les villes courent vers un effritement accru du tissu social ; particulièrement dans les villes du tiers monde comme Lomé. Pour certains experts, il faut dès lors, faire tout le possible pour contenir la croissance de ces villes puisque ce sont évidemment en premier lieu les quartiers les plus pauvres des villes les plus pauvres qui s'accroissent et menacent d'exploser - et pas seulement sur le plan démographique. (Pedrazzini, 2005 : 50).

Notre étude n'a, pas pour objet de faire un diagnostic de l'atmosphère sociale de la ville de Lomé, ni de détailler les diverses formes de violences urbaines y existant, ni non plus d'identifier les zones à risque. De plus, les violences que nous étudions ne sont pas celles liées aux crises politiques ou aux conflits interethniques, mais celles connues en temps normal, c'est-à dire en période où rien n'est à déplorer au sein du climat socio politique. Elle se veut plutôt une analyse des causes de ces violences. Pour y arriver nous nous sommes concentrés sur les auteurs des actes cités plus haut et qui sont les délits les plus fréquemment perpétrés. Le point de départ concret de cette recherche étant les braquages successifs d'un même groupe de malfaiteurs armés ayant alarmé tous les citadins entre Novembre 2009 à Mars 2010. La théorie du contrôle social sera mise à profit pour expliquer la persistance des violences urbaines dans la ville de Lomé et tester l'efficacité des institutions chargées de l'inculcation des valeurs et normes sociales à la population juvénile essentiellement vulnérable à ce phénomène.

Ainsi donc, nous présentons dans la première partie de notre étude le cadre théorique et conceptuel, physique et humain ainsi que l'approche méthodologique de la recherche. Dans la deuxième partie nous traitons, dans un premier volet, l'analyse des résultats auxquels nous avons aboutit à la fin de nos investigations, dans un second volet l'interprétation de ces résultats et nous avons fini par les propositions afférentes aux constatations que nous avons faites.

PREMIERE PARTIE :

LES CADRES DE REFERENCE DE L'ETUDE

CHAPITRE PREMIER: CADRES THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE

I.1. CADRE THÉORIQUE DE LA RECHERCHE

I.1.1. Justification du choix du thème de l'étude

Aucune ville ne peut être, de nos jours, parfaitement décrite sans qu'on ait parlé de sa violence, quelle qu'elle soit. Les populations de Lomé, la capitale togolaise, centre économique, politique et administratif, redoutent la recrudescence des violences révélées ces derniers temps. La peur d'être la prochaine victime d'une agression hante la majorité des citadins surtout ceux de certains quartiers dits dangereux. A certains moments de la journée, et à certaines périodes de la vie politique du pays, l'esprit d'insécurité atteint son paroxysme dans la société et les citoyens s'interrogent perpétuellement sur les moyens adéquats à mettre en oeuvre pour éviter les retombés de ces comportements déviants déstabilisant le paysage social.

Les politiques en réponse à ces inquiétudes resserrent leurs tactiques de contre-offensive. On a ainsi vu les effectifs des forces de sécurité augmenter pour durcir la répression et protéger la population en scellant tous les quartiers de Lomé par les services spéciaux de la police et de la gendarmerie rassemblés à cet effet dans « l'Opération araignée ». Les services privés de sécurité naissent pour assurer la protection de ceux que Pedrazzini, appelle-les « ayant économiquement droit » (Pedrazzini, 2005 : 128) ; une inégalité qui n'est pas la moindre dans les conflits urbains. La population vulnérable, elle aussi de son côté, ne ménage aucun effort en mettant à contribution ses moyens, si modeste qu'ils soient, pour diminuer les vols et les délits à leur encontre : les mûrs des clôtures sont surmontés de tessons de bouteilles ou de fleurs piquantes, les portails renforcés et cadenassés avec des heures de fermetures précises et la sollicitation des gardiens de nuit pour les ménages organisés ou plus ou moins nantis...etc. ; telles sont les dispositions le plus souvent rencontrées dans les maisons de Lomé

Toutes ces dispositions n'empêchent, cependant, pas les violences urbaines de prendre de l'ampleur et de faire des victimes aussi variées que sont aussi les secteurs d'activité de la ville. Si nous considérons les crimes enregistrés chaque année par la police et la gendarmerie, on se dirait sans hésiter qu'il existe un dysfonctionnement au point de vue sécuritaire. D'énormes incidences sur la vie socioéconomique de la population de Lomé, particulièrement celle touchée par ces agressions criminelles sont ainsi déplorées. Le climat économique essentiellement et directement touché par ces violences urbaines devient de plus en plus incertain : « on ne sait plus en qui avoir confiance, on ne sait comment être sûr d'être sécurisé soi-même et nos marchandises, on ne sait quand ces bandits nous envahiraient. Ils sont de plus en plus nombreux et partagent notre cadre de vie »4(*). Il devient nécessaire, pour en cerner l'essence, d'étudier l'interrelation pouvant exister entre le climat socio-économique des cadres sociaux de provenance des malfaiteurs et leur attitude violente, rechercher les facteurs latents pouvant exister en amont de ces descentes délictueuses afin de parvenir à comprendre comment ces violences, actes vulgairement expliqués, peuvent être le produit de certains facteurs historiquement et socialement définis.

Les vols à mains armées, les kidnappings, les braquages et cambriolages, les homicides, actes dits  «  violences urbaines » dans notre étude, rythment de façon répétitive l'actualité de nos villes, certes en des intervalles de temps plus ou moins longs, mais de façon illimitée. Cette situation de plus en plus alarmante préoccupe plus d'un et explique l'intérêt des médias et des presses écrites qui, dans leurs articles ne cessent de révéler des évènements ponctuels d'actes d'atteinte à l'intégrité des citadins et/ ou de leurs biens tout en y apportant des analyses. Plusieurs chercheurs tels que Sebastian Roché (1998, 2002), Yves Pedrazzini (2005), Marc-Antoine Pérouse de Montclos (1997), Yves Michaud(1996), pour ne citer que ceux là, se sont longtemps attelés à l'étude de la particularité des violences urbaines surtout dans les villes du tiers monde.

Plusieurs mémoires et thèses ont essayé d'élucider, un tant soi peu, un aspect du phénomène particulièrement dans la ville de Lomé en abordant, par exemple, la violence conjugale (Ali, F., juin 2009), la cybercriminalité (Tuh, 2009), les causes sociales de la délinquance juvénile en milieu urbain (Ajavon, 2008), la violence routière (Kanda, 2006), les violences scolaires (Aboubakar, 2006) et le mémoire d'obtention de diplôme d'études approfondies (DEA) qui traite des « causes de la violence dans les villes africaines ; Étude des déviances sociales en milieu urbain : cas de Lomé au TOGO » ( Dao Dao, 2006). Dans notre étude abordant particulièrement les violences urbaines d'aspect criminel portant atteinte à l'intégrité des personnes et des biens, il nous paraît important d'analyser et de vérifier l'existence d'une chaîne de causalité entre les violences urbaines et les contextes sociaux passés ou présents de leurs auteurs ; démarche importante pour envisager des solutions efficaces et efficientes au phénomène.

Avec la même préoccupation, les autorités compétentes cherchent, à répondre de façon efficace à la question de l'évolution du phénomène. Même si quelque part «  le crime est normal parce qu'une société qui en serait exempte serait tout à fait impossible » (Durkheim, 1968 : 67), sa recrudescence est déplorée. Cependant, il apparaît que les dispositions jusqu'ici prises se sont révélées inefficaces ou du moins insuffisantes. Il importe alors d'adopter une méthodologie plus pragmatique pour pouvoir espérer aboutir aux résultats probants.

Tout comme en médecine où on ne peut prescrire de traitements sans analyses préalables, on ne peut, non plus, en sciences sociales, prétendre résoudre un problème sans une étude préalable de ses causes. Dans l'étude d'un fait social comme la violence en milieu urbain, ce qui retiendrait plus l'attention d'un sociologue qui « a la particularité, qui n'a rien d'un privilège, d'être celui qui a pour tâche de dire les choses du monde social, et de les dire autant que possible comme elles sont ... » (Javeau, 2007 : 05) c'est, non seulement, le système social associé à la perpétration des actes de violence mais aussi et surtout le rapport à établir entre les auteurs de ces violences et les groupes dans lesquels ils sont insérés. Bref, l'atmosphère sociale des déviants puisqu'en milieu social il n'y a pas d'actes isolés; tous sont liés par des représentations et des perceptions mais aussi des idéologies qu'on appellerait les « fondements de l'action sociale » (Rocher, 2002: 22). En envisageant chercher les facteurs explicatifs des violences urbaines, nous pensons donner un outil d'actualité indispensable à la conception des réponses idoines. Le décideur politique ou l'autorité compétente saura, dès lors, vers où orienter ses énergies pour parvenir aux résultats escomptés.

I.1.2. Problématique

La nature des relations humaines en milieu urbain subit, de nos jours, des mutations. Elle ne cesse de devenir de plus en plus belliqueuse. L'incertitude du lendemain constitue un réel problème pour les citoyens de tous les pays à cause de l'instabilité de la vie sociale due à la récurrence des violences de tout genre faisant des milliers de morts chaque année. De toutes nouvelles formes d'enfreintes aux lois sociales précisément aux libertés humaines font leur apparition simultanément aux innovations technologiques connues dans le monde entier. L'humanité tout entière est incluse dans ce contexte de violences urbaines et l'actualité est une preuve tangible de ces bouleversements sociaux dû tant aux fragmentations socio spatiales qu'aux conflits d`idéologies et d'intérêt. Les rapports sur les violences urbaines dans le monde sont de plus en plus alarmants et plusieurs auteurs prennent à témoin la croissance urbaine, la mondialisation, le modèle de l'économie libérale la pauvreté et l'immigration qui ont une évolution similaire à elles dans plusieurs contrées. Selon le rapport des nations unies sur la violence et la santé publié en 2002, on estime qu'en l'an 2000, 1,6 millions de personnes sont mortes dans le monde des suites de violences auto infligées, interpersonnelles ou collectives dont plus de 90% de ces décès survenus dans des pays à faible ou revenu moyen. Près du tiers de ces décès étaient dus aux homicides et le cinquième des suites de guerre. De ce même rapport, dans toutes les régions du monde, les décès représentent la partie émergée de l'iceberg en ce qui concerne la violence (OMS, 2002). Les agressions physiques et sexuelles sont quotidiennes, même si l'on ne dispose pas d'estimations nationales et internationales précises en la matière. Cependant des statistiques ont montré que l'Afrique a le plus grand taux d'homicide dans le monde : 20 homicides pour 100.000 habitants pour l'Afrique, 5,4 pour l'Europe, 6,5 pour l'Amérique du Nord et 25,9 pour l'Amérique du Sud1.

Selon certaines études, les violences urbaines, ont abordé une courbe en J depuis quelques années simultanément au développement urbain ( Pérouse de Montclos, M., 2002). De ce fait aucun pays n'est épargné de la montée excessive des violences urbaines5(*) surtout que le virage structurel des villes après les indépendances et à ces ères de mondialisation concerne tout le continent. Notons à titre évènementiel le libéralisme triomphant des années 1980 et la politique d'ajustement structurel de la Banque mondiale qui ont, par ailleurs, imposé à l'Afrique une privatisation de l'économie qui, somme toute, n'a fait que consacrer le recul d'un Etat déliquescent. Dans ce contexte, il ne faut pas s'étonner que la violence des villes empire et s'accompagne d'un recours grandissant aux pratiques d'autodéfense.

Dans les villes africaines, les délits violents sont endémiques et, en bien des endroits, la situation s'aggrave. Le taux d'homicide à Kinshasa serait de 112 pour 100.000 habitants. La police nigériane enregistre depuis 20 ans une augmentation constante du nombre de meurtres et tentatives de meurtre. Le nombre d'attaques à main armée est également très élevé en Afrique. 37% des habitants de Nairobi indiquent avoir été victime de délits. Dans certaines villes au Mozambique, le chiffre s'élève à 27 % et en République démocratique du Congo (RDC), à 21 % (Baker, B, 2010 : 01). L'Afrique du Sud et le Nigeria, qui comptent les mégalopoles les plus importantes et les plus turbulentes du sous-continent, sont représentatives de ces phénomènes ; une forte corrélation étant mise en évidence entre la taille des villes et le phénomène. Quelle que soit l'exactitude des statistiques sur la criminalité en Afrique, la perception de l'intensification du danger produit une angoisse généralisée. Au Nigéria, à Lagos, 70 % des personnes interrogées au cours d'une enquête municipale craignaient d'être victimes de délits graves. (Id, 2010 : 02). À Nairobi, plus de la moitié des habitants s'inquiètent « tout le temps » ou « très souvent » de la criminalité. Une étude de la Banque mondiale a montré que, en Zambie, le degré de la crainte de la criminalité affecte les décisions d'activité professionnelle des enseignants. Selon les comptes-rendus empiriques des habitants urbains un peu partout en Afrique, les taux de criminalité urbaine ont connu une augmentation rapide ces deux dernières décennies, intensifiant un sentiment de crainte qui entrave le commerce, délite le capital social et freine les activités ordinaires d'une ville. Les délits violents constituent une menace quotidienne pour de nombreux résidents des zones urbaines du continent.

En effet, La violence urbaine est multiforme. Du banditisme armé à la délinquance juvénile en passant par la psychopathologie quotidienne du citadin stressé, une seule dénomination est assignée. Aussi faut-il reconnaître que leur perpétration dépend du contexte sociopolitique du pays ; le banditisme armé étant plus répandu dans les pays en guerre ou ayant connu un passé conflictuel ayant occasionné la constitution des rebellions et/ou des fuites d'armes qui ultérieurement peuvent être utilisés à des fins simplement criminelles.

Des enquêtes ont montré qu'en 2005, le pourcentage de ménages urbains possédant des armes à feu est de 18,3 % en Afrique du Sud, 22,1 % en Namibie, 31,1 % en RDC et 56,3 % au Burundi (Ibid, 2010 : 02); ce qui pouvait amener à craindre ce qui serait des bandes clandestines et des criminels anonymes. Ayant presque les mêmes caractéristiques dans tous les pays, les violences urbaines (braquages, vols à mains armées, homicides, kidnappings) que nous envisageons appréhender prennent, néanmoins, des fréquences et des formes variées selon les pays.

Au Togo, l'histoire des violences urbaines remonte aux lendemains des indépendances et surtout aux troubles socio politiques de 1990. De cette époque à nos jours, elles prennent de l'ampleur et connaissent de nouvelles formes conditionnées par la réalité sociale des moments. Cette recrudescence des violences pousse certains à penser que « ...dans nos sociétés, on ne punit pas assez » (Roché, 2003 : 178) ; reste à savoir si la punition répond le mieux à ce problème! La montée excessive des violences au Togo aboutit à plusieurs autres préoccupations d'ordre politique et économique. Le taux de criminalité élevé sape également la confiance et le respect envers le gouvernement, ce qui handicape sa capacité de leadership et la participation des citoyens. De plus, ces appréhensions dissuadent l'investissement intérieur et international, ce qui affecte d'autant plus les perspectives économiques. Les vols à mains armées affectant des grands hommes d'affaires et commerçants, des braquages des entreprises et kidnappings constituent les manifestations des violences que nous voulons étudier dans la ville de Lomé. Toutes ces formes de violences ont une apparition récente dans la ville de Lomé puisque leur mise en exergue ne s'est illustrée qu'à l'horizon 2009. En voici quelques cas de figures :

-Le 12 Octobre 2009, en fin de matinée, l'Agence Togo-cellulaire d'Adidogomé (quartier périphérique du centre ville) a été braquée par 5 individus armés de mitrailleurs qui ont tué les vigiles assurant la sécurité et emportant avec eux une somme de 9 millions constituant les recettes que l'Agence devrait normalement rendre ce même jour à la direction générale. L'agence a été fermée pendant au moins une semaine, certaines revendeuses des alentours ont aussi freiné leur activité et celles qui continuaient malgré tout disaient être sur le qui-vive.6(*)

-Le 05 mai 2010, une styliste sénégalaise a été séquestrée depuis l'aéroport international Gnassingbe Eyadéma par des individus demandant une rançon d'une dizaine de millions.7(*)

-Dans la nuit de vendredi 21 janvier 2011 aux environs de 21 heures, le véhicule de l'Ambassadeur des USA au Togo, Patricia Hawkins a fait l'objet d'une tentative de braquage perpétré par deux individus appartenant à un gang (Le Changement, 2011: 03). Pour ne citer que ceux là. Un travail minutieux de recensement est effectué depuis 2005 par les services de renseignements des unités de la police et de la gendarmerie. Il révèle :

Au niveau de la gendarmerie :

En 2005: 3738 délits relevés

En 2006: 4215 délits constatés

En 2007: 4261 délits identifiés

Premier semestre 2008: 2288 délits signalés.

Au niveau de la police :

En 2005: 4569 délits

En 2006: 4352 délits

En 2007: 4725 délits soit une augmentation de plus de 373 par rapport à l'année 20068(*).

Ces chiffres illustrent si bien la recrudescence des violences, nécessitant une approche plus pragmatique dans la recherche des solutions. Toutes ces situations font que les Loméens perçoivent leur ville de plus en plus violente, mais ne savent plus exactement quelles sont les violences qui leur font peur. Au sentiment d'insécurité s'ajoute l'impression douloureuse de ne plus pouvoir identifier avec exactitude «l'ennemi» et «l'agresseur». Il s'ensuit un affaiblissement des défenses traditionnelles du système social à savoir les valeurs de solidarité et les liens sociaux communautaires déjà relativisés par les sociabilités individualistes de mise dans les villes en général ; des métropoles en particulier. Nous faisons l'hypothèse que cette hégémonie de la métropole, ce processus d'ultra-urbanisation - processus dans lequel Lomé est inscrit- ne peut se poursuivre sans qu'une violence soit exercée contre le territoire et contre ses habitants, sans que cette urbanisation ne finisse donc par être, en soi, une violence exercée contre la nature, l'espace, les sociétés, les individus. Ensuite il parait juste de penser que si certains, parmi ces individus, sont violents, ce n'est qu'en réaction à cette violence de l'urbanisation, violence de la société urbaine, violence du territoire morcelé, violence de l'économie de l'inégalité, violence de la ségrégation (Pedrazzini, 2005 : 69). Bien entendu, il ne s'agit pas de banaliser la violence urbaine sous prétexte qu'elle ne serait qu'une réponse à la violence de l'urbanisation, mais plutôt de montrer que ces deux types de violence ne sauraient être abordés séparément.

Toute cette incertitude que sous-tendent les relations urbaines à l'ère de la globalisation et de l'urbanisation- affranchies du modèle identificatoire des sociétés africaines- amène à poser certaines questions fondamentales y afférentes en vue d'appréhender les vraies causes qui poussent la population juvénile, potentiellement vulnérable à ce fléau, à s'adonner à ces actes contre-normes. En partant du principe que «...c'est le contrôle social qui conduit à la déviance» (Picca, 1996: 17), les institutions étatiques impliquées dans la sécurité civile (police, gendarmerie) sont, d'une part, remises en cause pour leur inefficacité et leur inopérationnalité; quand bien même celles-ci se sont vues constituées, en 2007, en dispositif spécial dit « opération araignée » formé de 300 agents de la police et de la gendarmerie chargé de la sécurisation de la population de la ville de Lomé9(*). Il faut donc un policier pour 3210 hts. D'autre part, ce sont les questions relatives à la croissance démographique, à la pauvreté et à l'éducation qui font l'objet d'investigations scientifiques en vue d' « agir sur les vrais causes, et non sur les conséquences les plus visibles » (Pedrazzini, 2005: 222). De surcroît des sociétés privées de gardiennage engageant près de 5400 agents, ont germé pour combler les insuffisances de la police nationale qui, dans tous les pays du continent, est jugée avoir «  un manque d'intérêt pour les pauvres et un manque de ressources » (Baker, 2010 : 03). Ainsi donc, des travaux de recherches entreprises sur les autres aspects de la violence urbaine (violences politiques, émeutes, vandalisme, violences routières) ou la délinquance (trafics, cybercriminalité, prostitution) dans la ville de Lomé ont en général aboutit aux résultats relatifs à la pauvreté, au chômage, à la prolifération des armes, et aux frustrations dues a la réalité politique du pays.

Aucune note de satisfaction n'est, cependant, à signaler et la recrudescence des violences urbaines se fait ressentir. Il se pose, dès lors, la question des approches adoptées dans la recherche des solutions aux problèmes liés au phénomène à Lomé. Les interpellations de la police et de la gendarmerie en sont une preuve tangible. Notre approche dans l'étude des violences urbaines (braquages, kidnappings, vols à mains armées et cambriolage) dans la ville de Lomé permet de comprendre le problème non pas en analysant les conséquences mais en essayant d'appréhender plus profondément au niveau personnel, en suivant le parcours social des auteurs de ces actes, ce qui peut expliquer leur tendance à l'acte délictueux. Notre travail sera moins un outil de réglementation des cadres et fléaux sociaux pouvant être vecteurs ou incitateurs des violences urbaines qu'un instrument à l'usage des institutions chargées de la socialisation des citadins et néo-citadins. Nos investigations seront cadrées dès lors par des questions inhérentes à notre problématique.

Dans le contexte de la ville de Lomé où la population est majoritairement jeune, l'effritement des institutions sociales chargées de l'inculcation des valeurs morales à la masse juvénile ne serait-elle pas à la base de la recrudescence des violences urbaines perpétrées à Lomé? Les délits des criminels ne seraient-ils pas causés en amont par la défaillance de l'éducation familiale reçue par ces derniers? La précarité de la vie et le stress quotidien connus des banlieues ne sont-ils pas des facteurs potentiels de la violence des populations qui y vivent ? Quels peuvent être les impacts de la désintégration d'un néo citadin dans la ville de Lomé ? Telles sont les questions qui cadrent nos recherches, conduisant ainsi à émettre des hypothèses.

I.1.3. Les hypothèses de la recherche

Nous en distinguons deux sortes : une principale et plusieurs opérationnelles. Dans cette étude nous avons retenu trois (3) hypothèses opérationelles.

I.1.3.1. L'hypothèse principale

Les violences urbaines (braquage, kidnappings, vols à main armée) connues dans la ville de Lomé sont causées par la fragilisation des normes sociales induite par le modernisme et encouragée par l'inefficacité ou l'absence des institutions chargées du contrôle social de la population juvénile.

I.1.3.2. Les hypothèses secondaires

1. La non-acquisition des valeurs morales, surtout à cause des antécédents familiaux, est très déterminante dans l'explication des comportements anormaux des auteurs de violences.

2. La précarité de la vie et le stress quotidien connus dans les banlieues incitent les jeunes qui y vivent  ainsi à la violence.

3. La difficulté d'intégration des migrants non diplômés et non qualifiés, dans les secteurs d'activités urbaines, est un facteur des violences urbaines

I.1.4. Les objectifs de la recherche

Deux types d'objectifs sont retenus dans ce travail. Un objectif principal et des objectifs spécifiques.

I.1.4.1. L'objectif principal

Cette étude vise à analyser les causes de la violence urbaine dans la ville de Lomé

I.1.4.2. Les objectifs spécifiques

1-Etudier l'évolution des violences urbaines à Lomé

2-Déceler les causes sociales des violences urbaines

3-Identifier les catégories de citadins auteurs des violences urbaines à Lomé.

I.1.5. Etude thématique et critique de la littérature

Il ne se crée plus, généralement, de « tout nouveau thème » à cette époque de la science en générale et des sciences humaines en particulier. Tous les aspects faisant l'objet de recherches dans nos disciplines ont une fois, été déjà abordés par nos prédécesseurs ; seulement sous un angle restrictif ou généralisateur... Ces recherches aboutissent à des approches théoriques et des paradigmes après de longues vérifications faites dans des méthodes rigoureuses et lucides. Nous ne saurons écarter ces résultats dans notre étude qui se veut non seulement un travail d'élucidation, mais aussi d'argumentation.

I.1.5.1-Recension des écrits empiriques

I.1.5.1.1. Acculturation, globalisation et violences urbaines

La ville est constituée de ses immeubles, sa population plus qu'hétérogène, son mode de fonctionnement, ses espaces verts, ses hôtels. Et toutes ses infrastructures font le plus souvent interface dans sa définition pour cacher ses autres facettes. On ne peut, surtout en Afrique, définir une ville sans parler de sa violence, des banlieues des plus défavorisés et des inégalités sociales qui, de facto, y sont récurrentes surtout avec la marche vers l'urbanisation.

Le phénomène des violences urbaines a une histoire propre dans nos sociétés africaines et fait, le plus souvent, l'objet d'un débat autour des facteurs que, différemment, les chercheurs lient à sa recrudescence actuelle.

Des questions sur son origine trouvent des réponses multiples mais pour Emile Durkheim, le crime est un phénomène normal et est intrinsèquement lié au fonctionnement social de toute collectivité (Durkheim, 1968 : 67). Toutefois, il nous donne encore de savoir que «  si le crime est normal, c'est à condition d'être haï » (Durkheim, 1894 :07)

Yves Brillon, dans son étude sur l'acculturation, les déviances et la criminalité en Afrique noire a ressorti des facteurs entrant dans l'explication des violences urbaines partant de la caractéristique fondamentale des sociétés africaines qu'est la solidarité. Selon lui, les violences urbaines ont leur racine principale dans les grandes mutations subies par les sociétés contemporaines et contraignantes à l'adoption de nouvelles donnes qui, d'une manière et d'une autre sont contradictoires à celles qui prévalaient dans les collectivités africaines d'antan. Dès lors, l'autorité familiale de nos sociétés traditionnelles qui se chargeait du contrôle social des membres de la famille et de la collectivité par la transmission des valeurs, des règles et de leur suivi ont perdu leur substance par l'acculturation due au modernisme.

Ces liens familiaux, en effet, arrivaient à contenir la délinquance juvénile dans le contexte des sociétés traditionnelles puisque l'anonymat10(*) des métropoles n'y existait pas et chaque membre du groupe était le gardien de son frère. En d'autres termes, les infractions commises par chaque membre attiraient le châtiment sur tout le groupe. « La solidarité des familles et des individus et leurs responsabilités collectives obligeait chacun à jouer un rôle préventif efficace » (id, 1987 : 389). Les violences auraient pris de l'ampleur, selon lui, du moment où sont apparues des sociétés « réservées » dont certains individus en sont les exclus conduisant à l'individualisme et l'anonymat ; bref, la ville moderne. Santucci confirmait cette idée en ces termes : «... les délits sont commis par des hommes qui ne sont

plus intégrés dans les cadres sociaux et professionnels cohérents... » (Santucci, cité par Roché, 1998 : 28).

L'accroissement des inégalités, l'élargissement et l'approfondissement des exclusions sont de plus en plus reliés à la mondialisation et à son caractère néo-libéral. Exclusion par la pauvreté et la misère liée aux inégalités de revenus. Exclusion du travail et des statuts sociaux liés au travail stable. Exclusion par la difficulté d'accès au logement. Exclusion culturelle de la reproduction sociale des "élites". L'exclusion massive dont les mégapoles sont le théâtre et qui brouille les identités. Les représentations classiques (communautaires, religieuses, nationales, sociales) ne rendent plus compte du rapport de l'individu au groupe Les violences urbaines sont, dès lors à comprendre à l'intérieur d'un système socio spatial dynamique dont les éléments structurant sont l'économie libérale globalisée et la ville comme environnement hégémonique. Les éléments plus spécifiquement sociaux, qui naissent des deux précités, tels que la croissance des inégalités, la criminalisation de la pauvreté, la fragmentation du territoire et l'assujettissement de la démocratie à la sécurité se combinent, selon Roché, pour dessiner un « projet de société assez sauvage et préoccupant. » (Roché, 2003 : 117).

Lebailly, poursuivant dans la même optique, déplore le changement du modèle identificatoire basé autrefois sur le mythe du progrès social par celui actuellement proposé par le libéralisme économique puisque ce dernier valorise l'individu qui gagne et possède le plus possible et il invite à une réalisation des plaisirs immédiats dans la sphère privée des satisfactions matérielles et intimes. Pour lui, dans sa version ultralibérale, l'Etat (qui régule les relations, redistribue la richesse produite et assure la sécurité de tous) représente une entrave à la liberté individuelle d'entreprendre. L'individualisme est prônée et la liberté individuelle valorisée ; ce qui ouvre les portes aux tendances profondes de l'homme : la recherche de la jouissance et de la toute-puissance.... Chacun a alors le sentiment que la loi ne fait plus la loi, que tout semble possible et permis. (Lebailly, 2002 :52) « C'est dans le droit d'ignorer l'autre que le recours à la violence, cessant d'être désappris, naturellement revient au galop » (Segalen, Cité par Lebally, 2002 : 52). Ce modèle est, dès lors à la base de la fragilisation de valeurs collectives et tend à inverser le pacte fondateur en encourageant le désir à faire loi étant donné que le lien social n'est possible qu'à condition de renoncer à sa toute puissance. Hors, actuellement, la survalorisation de la liberté individuelle et de la marchandise invite les jeunes à jouir par tous les moyens, jouir sans limite et conduit donc au passage à l'acte. Ce modèle n'offre pas de perspectives accessibles et surtout positives pour les jeunes des cités reléguées et il fragilise l'autorité des professionnels. (Id,  2002 : 53)

L'individu violent est, dirions-nous, cet être affranchi du contrôle social traditionnel et en conflit perpétuel avec les règles de l'ensemble de la vie sociale de rigueur dont l'infraction lui confère l'étiquette de déviant. Une explication actualisée de cette déviance doit ainsi prendre en compte tous les aspects entrant dans cette vie collective (Dao Dao, 2006 : 58). Michaud, dans ce contexte évoque l'influence de la mondialisation de l'économie et des échanges commerciaux ou financiers qui, selon lui, vont de pair avec la mondialisation des conflits désormais dits conflit Globlocal11(*) (Michaud, 1996 : 30-31). Crise de société, précarité et pauvreté ne peuvent, dès lors être dissociées des causes de la déviance sociale selon ces auteurs. D'autres oeuvres ont étudié de façon plus ample les violences urbaines en abordant plus en détail la place de l'Etat et du gouvernement dans la gestion des violences urbaines.

I.1.5.1.2. Etat, gouvernement et violences urbaines

Dans les sociétés contemporaines - surtout africaines - en quête d'une réelle démocratie, les crises sociales et politiques se font toujours ressentir dans la gestion des ressources tant humaines qu'économiques ou naturelles de la nation par l'Etat. Les grands soulèvements populaires occasionnant des destructions matérielles énormes et des meurtres révèlent un mécontentement général causé en amont par les choix du pouvoir en place. De toutes ces situations de dysfonctionnements structurels ressortent des questions d'autorité, de priorité et de bonne gestion des biens publics et de modèle de valeurs prônées par le gouvernement en place. C'est autant de réalités face auxquelles les populations ne restent presque pas indifférentes surtout que l'accès aux biens communs fait une minorité de privilégiés et une masse marginalisée. La révolte quelle qu'elle soit est, dès lors, la solution la plus adoptée pour répondre aux décisions gouvernementales ne coïncidant pas, le plus souvent, avec les besoins socio-économiques des populations.

Picca, ayant étudié ces problèmes propose qu'il soit plus pris en compte l'ensemble des réactions individuelles conduisant à une opinion publique surtout quand la population est bien informée. Il démontre implicitement l'importance d'une information complète et objective de l'opinion (Picca, 1996 : 08). Pedrazzini va dans le même sens en disant : « quand tout paraît fermé, la vision du pauvre ouvre des pistes pour une pacification des territoires urbains. » (Pedrazzini, 2005 : 14). Il propose ainsi, pour résoudre le problème de violence dans les villes, que les autorités en place engagent des discussions avec ceux que les pouvoirs diabolisent afin de prendre, un tant soi peu en compte leur besoins et réduire de là, le faussé inégalitaire existant entre les citadins ; la finalité étant la pacification des territoires.  La violence vit de l'absence de démocratie, de la violation des droits fondamentaux et de la mauvaise gouvernance ou, du moins, d'une « gouvernance d'en haut ». «  On dit souvent qu'une culture de la violence peut s'enraciner.  C'est absolument indéniable ».12(*).

De toutes les formes de violence connues dans les villes africaines, les plus grandes et plus meurtrières sont celles ayant un antécédent politique. Elles sont le fruit de la participation politique mitigée et déformée par les politiques pour arriver à leurs fins personnelles. Elles sont d'autres parts à la base de multiples oppositions dans les agglomérations urbaines causant à intervalle de temps de multiples tensions ; les raisons ponctuelles évoquées pendant les heurts interpersonnels n'étant, la plupart des temps, que l'achèvement des oppositions politiques. C'est ce que Mandela Nelson exprimait en affirmant que lorsque les autorités approuvent le recours à la violence par leurs propres actes, la violence envahit toute la société13(*) . Picca soulève dans son oeuvre l'impact de certaines formes de violences difficilement perceptibles commanditées par les « délinquants officiels et cachés »14(*) sur la véracité des statistiques au ministère de l'intérieur. En effet, ces crimes relèvent des opérations top secret, n'apparaissant cependant pas dans les procès verbaux des registres de la police (Picca, 1996 : 53). Il urge de trouver ainsi une voie de contournement pouvant être au dessus des systèmes juridictionnels nationaux.

Aux problèmes de la partialité des responsables de la justice et de la police nationale et de la recrudescence des violences, la mondialisation vient à la rescousse par la communauté internationale (le système des Nations Unies et ses organismes) qui, selon l'analyse de Michaud, donne plus de crédibilité aux poursuites judiciaires. Au premier niveau, l'adhésion aux principes de fonctionnement des organismes internationaux est une solution efficace. Elle entraine la nécessité de respecter au moins de manière superficielle ou pour la forme les chartes et résolutions de ces organismes. Avec cette conséquence que ce respect constitue la première étape de l'entrée dans une chaîne d'obligation. Des principes allant du contrôle de la fabrication des armes à leur commercialisation peuvent dès lors naître avec pour effet de réglementer ce marché dangereux aux populations surtout urbaines (Michaud, 1996 : 35).

Cette problématique soulevée dans la violence apprivoisée de Michaud Yves présente une autre facette qu'est la souveraineté de l'Etat. Quelles limites à cette dernière ? Contrairement à la pensée politique classique il se doit que les chartes les accords et les conventions conçus d'un point de vue supérieur à celui de l'Etat soient respectés afin de permettre la mise en place des droits des gens aux dépens de la souveraineté de L'Etat. Ceci permettra une réelle justice et un système pénal crédible par l'instauration d'un gouvernement par des fonctionnaires de l'universel et des juges transnationaux capable d'interpeller les délinquants officiels et cachés au tribunal pénal international. Le respect des conventions quelles qu'elles soient permettent une lisibilité des problèmes sociaux nationaux sur le plan mondial et vice-versa.

I.1.5.1.3. Pauvreté, forces de sécurité et violence urbaine

De toutes les raisons évoquées pour expliquer les violences urbaines, la plus récurrente dans nos sociétés est la pauvreté. Elle constitue dès lors un à priori dans la définition des facteurs pouvant intervenir dans la définition des violences urbaines. Cependant cette pauvreté ne peut à elle seule expliquer la violence d'un individu d'autant plus qu'elle n'est pas seulement l'apanage des démunis mais aussi des « hommes anormaux » si l'on peut percevoir la violence urbaine comme étant le signe d'une déficience morale des individus impliqués dans ces actes.

Dans son oeuvre intitulée la Violence des villes, Pedrazzini s'est intéressé de la présentation du squelette des violences urbaines dans les pays de l'Afrique francophone subsaharienne sans pourtant s'attarder sur la particularité de chaque ville. Les faubourgs, encore nommés banlieues ou bidonvilles dans nos villes contemporaines, sont désignés comme étant le lieu par excellence où se concentrent les pauvres désoeuvrés, exclus et victimes des inégalités. Il montre dans son oeuvre tout en essayant de donner une définition plus équitable des violences, comment au fil des temps il est devenu facile de coller l'étiquette de « méchant » d'outsider, de bandit, d'illégal, de gangster, etc. au pauvre délabré en donnant comme excuse son mode de vie précaire qu'on rattache souvent à sa mentalité. Comme le disait Saint Marc-Girardin, « Les barbares qui menacent la société ne sont pas dans la Caucase (.....) Ils sont dans les faubourgs de nos villes manufacturières » (Depaule et Al, 2006 :12). Certes, la pauvreté explique la violence de certains individus, mais réellement, tous les pauvres ne sont pas méchants comme le pensent certains qui n'hésitent même pas à mettre toutes les stratégies en oeuvre pour s'en éloigner. Il est d'ailleurs démontré que ces pauvres, dans la plupart des cas, n'ont que l'arme de la violence devant toutes les pressions du moment.

«  La violence des bidonvilles, la violence des pauvres, celle des gangs qui la contrôlent aussi, après tout, ne sont pas le produit des actions de ces gangs, moins encore de ces habitants. Ce sont au contraire, comme les mers lunaires les cratères dévastés que forment, en les frappant de plein fouet, ces comètes que sont la globalisation, l'économie néolibérale, l'urbanisation non durable, la pauvreté ». (Pedrazzini, 2005 : 13) d'où l'hypothèse selon laquelle, tout comme les personnes victimes des violences urbaines, les auteurs sont eux aussi victimes des exigences du monde urbains dans lequel ils vivent et qui ne leur donne pas de choix en raison de leur situation socioéconomique moins enviable.

Les actes de violence dans les villes ont une forme duale : la forme individuelle et la forme collective ; mais il existe une forme intermédiaire qui prend le nom de bande quand il s'agit d'un groupe permanemment constituée avec des meneurs d'équipe. Maryse en étudiant les bandes de jeunes-généralement fauteurs de troubles et d'autres agressions a remarqué que Beaucoup des membres de la bande avaient expérimenté, à l'âge où d'autres jeunes abordent à peine les responsabilités de la vie adulte, des situations de grandes violences dans et hors du milieu familial. (....) d'autres avaient connu la grande pauvreté, contraints de survivre seuls à treize ou quatorze ans, s'abritant dans des caves, chapardant pour manger, essayant d'échapper à la police des mineurs et aux juges (Maryse, 1997 : 19).

De la sorte, l'attachement à une bande découlerait d'un état de désespoir créé par l'absence ou la défaillance de l'intégration sociale- source de pauvreté- et la violence exprimée par ces jeunes n'est que l'extériorisation des injustices et des grandes amertumes dont ils ont été victime, ou témoins, et camouflées en eux. Ces conséquences ayant dès lors pour cause première le manque d'attention de la part des gouvernants à l'endroit des populations défavorisées recherchant un moyen pour s'intégrer et survivre. Mais selon Fenech la meilleure des préventions restent la certitude de la répression. « Une prévention sans répression n'a guère plus de sens qu'une répression sans prévention » disait-il. (Fenech, 2001 :13).

La problématique des violences urbaines dans nos pays est plus que jamais liée aux caractères, à la composition, à la formation et au déploiement des forces de sécurité étatiques. La plupart des violences commises sur les personnes ou leurs biens sont dues soit à l'absence des forces de sécurité, soit à leur inefficacité, ou à leur complicité. Tout ceci fait dire que la montée de la violence obère les capacités de la police en Afrique. Cette police qui généralement souffre de plusieurs maux : manque de ressources, d'entraînement, de responsabilisation véritable et de la méfiance des communautés locales, ce qui les empêche de faire face efficacement aux défis sécuritaires.« au delà de la question des moyens, si la police ne se reforme pas profondément, elle court le risque d'être discréditée » (Roché, 2003: 241).

Au-delà de tous ces aspects précités, le nombre d'agent de police par habitant dans les populations africaines est déplorée par une grande pléiade d'auteurs qui pensent qu'il devient impérieux d'encourager l'effectivité de la police de proximité. Elle aura le privilège, selon eux, de permettre de bénéficier de l'appui et des connaissances des populations locales, lui apportant accessibilité et efficacité. Les partenariats entre la police nationale et la police de proximité présentent donc un moyen, jusque-là peu reconnu, permettant d'élargir sensiblement la couverture sécuritaire des zones urbaines en Afrique, à court terme et de façon abordable15(*). Le Professeur Bruce Baker16(*) a publié un article titré « Forces non étatiques de maintien de l'ordre : élargir les paramètres pour faire face à la violence urbaine en Afrique», dans lequel on peut voir le nombre des forces de sécurité par habitant dans certains pays d'Afrique.

Ratios estimatifs des agents de police par habitant, en Afrique (Recherche effectuée par l'auteur)

Guinée Bissau

1 : 2.403

Libéria

1 : 857

Ouganda

1 : 1.839

Nigeria

1 : 722

Rwanda

1 : 1.454

Sierra Leone

1 : 625

Cf. (O-1 USAF) 346-500; Jamaïque 1: 400 ; Angleterre et Pays de Galles 1: 402 ; Inde 1: 625 ; Indonésie 1: 1.145

Ces chiffres montrent si bien combien le système sécuritaire est défaillant, du moins par rapport à l'effectif et nécessitant dès lors une réflexion plus poussée sur la garnison sécuritaire des villes africaines.

L'autre aspect le plus souvent soulevé est celui opposant la justice à la police. En effet l'indulgence de la justice provoque un profond malaise. La police en éprouve un profond découragement et se demande à quoi bon prendre tous ces risques face à des jeunes malfaiteurs sûrs de leur quasi-impunité. « A peine relâchés, ils les retrouvent dans leurs quartiers, encore plus arrogants et plus déterminés à en découdre ». (Fenech, 2001 :72). Il continue, il serait temps de moins se préoccuper des causes du crime et de s'intéresser davantage au criminel lui-même, de le considérer comme un individu capable de faire des libres choix, y compris celui de sombrer dans la délinquance sauvage mais en contrepartie d'en supporter toutes les conséquences (Id, 2001: 16). Au même titre du découragement, il y a la question de la rémunération des forces de sécurités qui est à poser et il convient de s'y pencher profondément puisque la pauvreté n'est plus seulement l'apanage des criminels dont les actions sont à parer mais aussi des forces de sécurité.

Tous ces aspects liés à la pauvreté et aux forces de sécurité ne sont pas négligeables dans l'explication de la montée des violences urbaines car ils constituent les facteurs potentiels de l'explication du phénomène.Dans cette étude des violences urbaines, nous nous appuierons aussi et surtout sur les approches théoriques élaborées et défendues par les grands chercheurs spécialisés dans le domaine.

I.1.5.2- Cadre de référence théorique

Le problème des violences urbaines, longtemps énoncé par maints chercheurs dans leurs oeuvres, trouve moult réponses et interprétations à travers diverses approches théoriques et cadres conceptuels. Cette multiplicité d'interprétations est à l'image de la versatilité du phénomène social vu et étudié par les grands chercheurs.

I.1.5.2.1- La théorie du contrôle social

Durkheim E. en expliquant le suicide par la déviance semble avoir jeté les bases de la théorie du contrôle social qu'ultérieurement Travis Hirschi (1969) concevra pour expliquer les violences urbaines. On part ici du fait que l'adhésion aux normes ou règles sociales dépend essentiellement des liens sociaux. L'agresseur ou le criminel n'est donc qu'un individu détaché de la société conventionnelle rejetant les normes et valeurs admises comme légitimes. Dans cette optique, tous les individus qui se soumettent aux standards sociaux le font donc parce que leur intégration sociale les y contraint. L'intégration sociale étant fonction de l'intensité des liens sociaux entretenus avec les membres de la société, le crime serait de facto la résultante de leur affaiblissement. Pour Fischer, les diverses formes d'insécurité « reflètent un effritement des normes sociales et un essoufflement des modèles institutionnels pour un certain nombre de jeunes » (Fischer, 2003 : 161). La famille, les groupes de pairs et les institutions d'éducation dont le rôle principal est la socialisation et l'intégration sont donc, dans une certaine mesure, dysfonctionnels.

La théorie du contrôle a fait l'objet de nombreuses confirmations. En ce qui concerne le « contrôle direct » (détenu par les agents de contrôle social dans l'application des règles conventionnelles, à savoir l'édiction de règles opposées à la violence urbaine, la vigilance concernant le respect effectif des règles, les sanctions ou encouragements en cas de conduites inappropriées ou adéquate) (Bègue, 2003 : 87), il apparait que des éléments comme la présence des règles et leur application effective ou la surveillance des adultes par rapport aux activités des adolescents diminuent la violence des individus. Parlant de l'enjeu de la conformité, on remarque que plus les adolescents se sentent liés à leurs parents ou à l'école, moins leur conduite criminelle est élevée. Par ailleurs, (Roché, 2001 : 191) a montré quant à lui que plus les sujets jugent bénigne une conduite déviante, plus ils ont une propension à en être auteurs. De nombreux travaux montrent par ailleurs que la violence urbaine est liée à une perception plus défavorable des autorités. Il faut aussi prendre en compte l'importance des opportunités délictueuses dans la réalisation de conduites déviantes. On dira alors que la violence urbaine sera probable dès que les différents types de contrôle décrits plus haut sont faibles et que les situations la rendent plus facile. La police et la justice en viennent à être, dès lors, remises en cause. Ce qui pousse Fenech à dire : « que la justice et la police commencent par remplir leurs missions respectives sans se laisser endormir par le chant des sirènes et sans d'emblée excuser le criminel sous le prétexte que sa mère se prostituait ou que son père était alcoolique » (Fenech, 2001 : 31). Il énonce ainsi la méthode de la tolérance zéro qui consiste à punir- à la mesure du délit- tous les criminels sans en racoler un bémol. Selon lui, seule cette méthode est à même de contenir la violence des jeunes. Ici, c'est non seulement la police et la justice- institutions Etatiques de contrôle social - qu'il convient d'évaluer de part leurs pratiques et marges de manoeuvre, mais aussi la famille, l'école et les groupes sociaux urbains.

Comme c'était montré plus haut, pour les théoriciens du contrôle social, tout attachement conduit à la conformité sociale de l'individu. Souvent, quand les parents ou les amis sont engagés dans ces mauvaises conduites sociales et que l'individu leur est attaché, il tend à faire de même. Ce phénomène est central pour la théorie de l'apprentissage social dont on va maintenant présenter les grandes lignes.

I.1.5.2-2. La théorie de l'apprentissage social

Pour les tenants de la théorie de l'apprentissage social la violence urbaine n'est pas d'abord la résultante d'un manque de contrôle mais plutôt la conséquence d'une association avec des modèles délinquants induisant l'acquisition de conduites allant contre les normes ; donc déviantes. (Roché et Al, 2003 : 87). Les principes de base de la théorie de l'apprentissage social sont élaborés par Sutherland à la fin des années 1930, puis reformulés par Akers (1985) sur la base des quatre concepts majeurs que sont l'association différentielle, les définitions, le renforcement différentiel et l'imitation.

L'association différentielle désigne le processus par lequel l'individu est exposé, par ses relations diverses et ses fréquentations, à des idéologies favorables ou non à la déviance ou la conformité. L'impact des ces expositions à la déviance sera d'autant plus fort que celles-ci se produiront en premier et dureront plus longtemps, se produiront régulièrement et impliqueront de personnes proches. C'est-à-dire quand le côtoiement s'est fait dès le bas âge et que les valeurs criminelles sont plutôt prônées par les anciennes générations censées redresser les nouvelles. En réalité, la criminalité est véritablement apprise auprès des pairs criminels et se développe à leur contact.

Les définitions sont les attitudes ou les significations auxquelles l'individu est tenu de se familiariser une fois qu'il s'identifie au groupe. Ces significations peuvent concerner les idéaux délinquants, les valeurs ou autres pratiques inhérentes à la vie des contre-normes. Par exemple la possession d'une arme, la négligence du crime ou encore les techniques de neutralisation telles que :

Le déni de responsabilité : affirmer que l'on est obligé par la misère à commettre tel ou tel crime ou que l'on a blessé quelqu'un en état d'ivresse.

Le déni du mal causé : Considérer que voler dans une grande surface n'est pas du vol ou que l' « emprunt » d'un véhicule peut être justifiable puisque le propriétaire est assuré contre le vol. La condamnation des accusateurs : juger que les autorités sont hypocrites, considérer que la société est corrompue etc. (Roché, 2003 : 88)

En ce qui concerne les définitions, il a été amplement constaté que plus un acte est considéré comme grave ou inacceptable, moins il est susceptible d'être réalisé. La représentation des institutions chargées du contrôle social est également liées à la violence des individus : plus un individu est violent plus sa perception de la police ou du système judiciaire est négative (id, 2003 : 89). Ces représentations, comme toute autre, sont partagées au cours d'interactions existant entre les individus.

Le renforcement différentiel : l'individu qui adopte des attitudes délinquantes fait des calculs. Les conséquences probables de ces actions étant bien connues, l'individu prend des décisions en s'y référant, en mesurant l'ampleur des investigations contre-normes qu'il va entreprendre. Cette conduite, quand elle est suivie d'effets plaisants pour l'individu est ce que les théoriciens de l'apprentissage social appellent un « renforcement positif ». Celle qui s'en suit de retombées déplaisantes s'appelle le « renforcement négatif ».

Des facteurs de personnalité interviennent également. Pour certaines personnes, la prise de risque associée à un délit est valorisée en elle-même et constitue un bénéfice, tandis que pour d'autres, elle n'en vaut pas la peine. Ce qui assure la pérennité de conduites apprises est appelé l' « Auto-renforcement », qui amène l'individu à s'infliger des sanctions ou se complaire psychologiquement lorsqu'il émet des conduites différentes ou conformes aux normes intériorisées. Le renforcement différentiel se présente donc comme une composante pertinente dans le développement des conduites criminelles. Il faut toutefois garder à l'esprit qu'il n'est efficient que lorsqu'il émane des sujets ou groupes respectés par l'individu.

Enfin, l'acquisition des aptitudes ou de définitions délinquantes peut n'être que le résultat de l'observation des effets des comportements des autres sur eux même ou leur entourage (appelé apprentissage vicariant). Par exemple, une personne qui pose un acte qui est couronné de succès sera plus encline à être imitée par la suite. Tous les modèles n'ont pas la même efficience. Ils sont suivis et imités en fonction de leur cohérence, de leur attractivité ou leur statut, de leur ressemblance à l'observateur (Roché, 2003 : 89)

Les mass-médias en l'occurrence la télévision puissants agents de socialisation, ont aidé à la clarification des conditions dans lesquelles un modèle donné exercera une influence maximale. Bègue Laurent disait que l'exposition à des scènes violentes a un impact réel, quoique modeste, sur les comportements d'agression et les conduites délinquantes. Il est important de décrypter les mécanismes à l'oeuvre dans ces phénomènes  (Id, 2003 : 139). Il ne suffit pas de voir passivement un modèle pour en reproduire le contenu. En réalité, quatre niveaux de traitement président à l'apprentissage par observation : le degré d'attention, le degré de rétention, la reproduction comportementale en tant que telle, qui pourra s'effectuer en fonction des compétences de l'observateur et la motivation à reproduire le modèle qui provient directement des renforcements évoqués plus haut.

Les deux approches précédentes, c'est-à-dire la théorie de l'apprentissage social et la théorie du contrôle social, sont le plus souvent dites dominantes dans l'explication des violences urbaines. Elles convergent sur plusieurs points mais ne sont pas, de ce fait, entièrement réductibles l'une à l'autre. Une troisième approche les complète en mettant l'accent sur l'influence d'expériences négatives et de tensions vécues par l'individu dans le déclenchement de la délinquance.

I-1.5.2-3. La Théorie des tensions

L'explication des violences urbaines est, ici, donnée par la frustration des individus. Les conduites violentes sont, dans cette approche, principalement perçues comme motivées par le désir de réduire un état affectif désagréable lié par exemple à une provocation, un échec ou une privation. Selon les approches classiques de la tension, la violence urbaine est une « dissociation entre les aspirations culturellement prescrites et les voies socialement structurées pour réaliser ces aspirations » (Roché, 2003 : 91). Ceci fait revenir le terme d'échec qui paraît sans doute déterminant dans l'explication de ces comportements sociaux dû aux frustrations.

En effet, la théorie générale de la tension (TGT) s'intéresse à diverses sources de tension, notamment l'échec dans l'atteinte d'un but immédiat ou éloigné. De façon naturelle, tout projet humain, toute prévision individuelle qui connaît des obstacles sociaux fait naître un sentiment de trahison en face des présumés impliqués dans cet échec. Le désir de vengeance et de règlement de compte ou des ressentiments envers soi-même peuvent conduire à des actes de violence ou de délinquance de façon générale. La pression familiale, la perte d'un « stimulus positif » (deuil, déménagement) ou la confrontation à un « stimulus négatif » (être provoqué ou insulté, abusé, puni physiquement, ou faire l'expérience de conflits en famille ou à l'école) conduisent à commettre des délits. L'exemple le plus palpable dans nos sociétés africaines concerne les violences post électorales qui découlent de l'insatisfaction des partisans de tel ou tel parti politique. Selon la TGT, l'expérience de la tension déclenche des émotions comme la colère, la frustration, mais aussi la dépression ou l'anxiété qui peuvent aboutir, notamment lorsqu'elles sont répétées, à des conduites de retrait. De ce fait, l'impact de la tension n'est pas mécanique mais il est modulé par l'interprétation de la situation qui l'accompagne. Selon Agnew, trois stratégies cognitives permettent de diminuer considérablement l'effet de la tension : la dévaluation du but visé (minimiser la valeur du but), la minimisation du besoin éprouvé, (se convaincre qu'il n'est pas important d'y parvenir) ou l'autodépréciation (penser qu'on ne mérite pas d'atteindre le but visé). La tension éprouvée peut être également diminuée par le recours à des stratégies non délinquantes (écouter de la musique, se relaxer, faire du sport) mais aussi par ce que Lagrange (2001) désigne par l' « esquive » à savoir l'usage de drogue (Id, 2003 : 91).

L'influence de la tension varie en fonction de l'individu concerné. Certains individus sont plus vulnérables que d'autres à l'effet de la tension conduisant à la violence. Ceux qui ne disposent pas de ressources leur permettant de gérer leur tension de façon légitime (ressources intellectuelles, relationnelles ou financières suffisantes peuvent contribuer à éviter un conflit), et ceux qui ont de faibles soutiens conventionnels susceptibles de les assister dans la résolution des problèmes qu'ils rencontrent. Il est important de préciser les conditions dans lesquelles l'expérience d'une tension est susceptible d'être suivie de conduites criminelles. Agnew, (2001b) précise donc que le risque de conduite délinquantes consécutives à la tension est modulé par quatre caractéristiques associées à cette tension : le risque augmente lorsque la tension est perçue comme injuste, est intense, est associée à un faible contrôle social et crée des pressions ou incitations à s'engager dans une résolution violente de la tension.

La première caractéristique est le sentiment d'injustice associé à la tension : une tension perçue comme injuste aura de plus fortes probabilités de mener à des violences urbaines. L'effet du sentiment d'injustice subi sur l'expérience de la colère, elle-même reliée aux agressions, est largement attesté par de nombreux travaux (Berkowitz, 1993 ; Miller, 2001 ; Tedeschi & Felson, 1994). Une étude de Scherer (1997) réalisée dans 37 pays a montré que la colère est l'émotion la plus fortement associée à l'injustice. La colère, du fait qu'elle perturbe les processus cognitifs permettant de traiter de manière non agressive les conflits, a un effet sur l'agression. Le sentiment de culpabilité, par contre, associé à une conduite violente est atténué quand l'individu pense véritablement que l'injustice est lui-même modulé par des éléments comme le caractère intentionnel ou non de l'acte stressant.

La seconde caractéristique se réfère à l'amplitude perçue de la tension : plus une tension est forte et plus elle est susceptible de conduire à la violence qu'une tension légère car son effet sur l'individu sera à mesure de diminuer sa capacité à gérer cette tension.

De ces théories précédentes, nous pouvons dégager une approche de la recherche en définissant un cadre de référence.

I.1.5- 3. Cadre de référence

Les violences urbaines, que nous nous proposons d'étudier pour en ressortir les facteurs explicatifs à Lomé, peuvent être perçues sous plusieurs angles selon les types de violences rencontrées. Les violences urbaines ne sont-elle pas toutes celles qui se perpétuent dans un cadre urbain ? Cette question peut porter à confusion si nous n'arrivons pas à faire la part des choses.

Nous compteront parmi les violences que nous allons étudier : les vols à mains armées, les braquages, les homicides et les kidnappings. Certes, elles peuvent se dessiner en dehors de la ville mais toujours avec une coloration de la culture délinquante connue dans les villes. Par contre, celles dont l'essence est incluse dans une représentation purement ethnique ou des revendications culturelles telles que les crimes nées d'oppositions interethniques, par exemple, ne peuvent être associées aux violences urbaines. Cette clarification est importante pour la mesure et l'orientation des propos que nous aurons à tenir dans notre étude étant donné que toutes les violences ne peuvent être comprises de la même manière.

Ainsi donc, Il apparaît la nécessité de se baser sur les approches théoriques qui sont, d'abord, des sentiers distincts ayant un seul et unique but : aboutir à la compréhension d'un phénomène et en donner les diverses caractéristiques. Certes, les théories du contrôle social, de l'apprentissage et des tensions paraissent toutes importantes dans cette étude des violences urbaines dans la ville de Lomé, mais nous choisirons la Théorie du contrôle social pour mieux élucider nos investigations.

La réalité sociale n'étant qu'un agencement des faits interdépendants, tout fait social trouve ses germes dans un autre fait social. Comme l'affirmait Emile Durkheim « la cause déterminante d'un fait social doit être recherchée dans les faits sociaux antécédents ». Si le rôle des vieilles générations- celui de transmettre et de suivre les règles sociales aux jeunes- n'est pas assumé et que l'individualisme prend le dessus dans ce monde avide de forts liens familiaux, des valeurs du vivre ensemble, les raisons de la déviance sociale demeurent le manque de contrôle social. Nous chercherons, en se basant sur la théorie du contrôle social, les conditions sociales surtout familiales des individus accusés pour des actes de violence urbaines afin d'aboutir à leur explication sociale (raisons sociales de la violence) Ce n'est qu'à ce prix que l'étude du phénomène pourra se frayer une porte de sortie. Nous verrons ainsi, si réellement il y a, à Lomé, des criminelles victimes de la fragilisation des liens sociaux donc du manque de contrôle social.

I.1.6. Cadre conceptuel de la recherche

I.1.6.1. Définition des concepts opératoires

Un concept est

« ...un véritable outil de travail qui permet de pénétrer au delà de l'immédiat sensible, le problème social à un degré supérieur d'objectivité. Il n'est pas le phénomène lui-même, mais une abstraction, un moyen de connaissance qui organise la réalité en retenant les caractères distinctifs et significatifs du phénomène. » (Gurvitch, G., 1995 : 23).

L'expression violences urbaines en appelle à d'autres qui permettent d'éclaircir de façon plus approfondie le phénomène. Nous ne pouvons donc nous passer de les élucider afin que tout lecteur de ce document puisse cerner les contours des aspects abordés dans l'étude du phénomène. Durkheim E., en disait ceci : « la première démarche du sociologue doit être de définir les choses dont il traite, afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question. » (Durkheim, 1995 : 23) c'est à cette tâche que nous nous attelons en choisissant de définir  les termes suivants : la déviance, les déviances sociales, la délinquance, normes, la violence, les violences urbaines, le délit et le contrôle social.

I.1.6.1. 1.La déviance

Selon le dictionnaire de la Sociologie la déviance est l'ensemble des comportements (individuels ou collectifs) qui, s'écartant de la norme, créent un dysfonctionnement et donnent lieu à une sanction (Ferréol, 2004 : 45). Cependant, les réalités des valeurs varient dans le temps et dans l'espace et de ce fait, un comportement qualifié de déviant dans un groupe social peut ne pas l'être ailleurs. Toutefois, la relativité culturelle ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel : l'acte déviant, nous rappelle Durkheim, correspond à une « blessure de la conscience collective » et se rencontre dans toutes les sociétés quels que soient leurs degrés de développement. Dans notre étude nous appellerons déviants tous les individus qui transgressent les lois sociales se résumant par le respect du droit d'autrui et des normes institutionnelles. Ces individus agissent généralement par calcul et non par ignorance.

I.1.6.1. 2.La déviance sociale

Plus générale, elle concerne les enfreintes aux normes admises dans une société donnée. C'est l'opposition par rapport aux attentes comportementales de la société. Toutes les sociétés émettent des normes pour pouvoir pallier certaines défaillances humaines ramenées à notre contexte par toutes les formes de violences précitées. Le déviant social est en quelque sorte celui qui enfreint à l'une de ces normes.

I.1.6.1.3. La délinquance

Terme apparu dans la Sociologie américaine vers la fin des années 1950. Elle désigne une attitude contrevenante à une norme sociale. Elle implique toutes les pratiques allant à l'encontre des normes admises dans les sociétés. La prostitution, la cybercriminalité, les trafics etc. Sont des comportements dits délinquants. Le lexique de sociologie le défini comme étant l'ensemble des comportements délictueux punis par la loi. (2007 : 70)

I.1.6.1. 4. La norme sociale

Règles ou modèles, de conduites propres à un groupe ou à une société donnée, appris et partagé, légitimé par des valeurs et dont la non observance entraîne des sanctions. Les normes définissent le comportement approprié ou attendu dans la vie sociale. Selon le Lexique de Sociologie, la norme sociale est un principe ou modèle de conduite propre à un groupe social ou à une société. Les normes sociales sont conformes à ce qui est communément admis et légitimé par le système de valeurs propre à chaque société et ou à chaque groupe social. (Lexique de Sociologie, 2007 : 204) Dans notre étude les normes sont celles établies par la juridiction suprême inculquées par l'éducation civique et les familles et dont les sanctions sont prévues par le code pénal.

I.1.6.1. 5. La violence

Les notions de violence, d'agression et d'incivilité sont apparues à des époques différentes de l'histoire et leur signification a évolué dans le temps en fonction des valeurs mais aussi des connaissances. La perception de la violence change d'une période à une autre et varie d'un pays à l'autre. La violence est un terme dont l'appréhension demeure relative au contexte et au paradigme scientifique adopté. Pour Lebailly, la violence est « une atteinte contre un symbole, une chose ou une personne avec un usage abusif de la force »( Lebailly, 2002 : 19) Dans notre étude, nous associons le terme violence à toutes les attitudes d'air agressif, brutal, et visant à faire une pression pour faire faire quelque chose à un individu contre son gré ou en vue d'atteindre une fin donnée. Tout comme le montre la définition sortie de l'étymologie du terme : « recours à la force physique en vue de porter atteinte à l'intégrité des biens ou des personnes » (Férréol, 1995 : 216), il y a plusieurs formes de violences : les violences conjugales, les violences scolaires, les violences sexuelles, les violences symboliques, les violences urbaines etc.

I.1.6.1.6. Les violences urbaines

La définition de l'expression « violences urbaines » ne fait pas l'unanimité. Certains auteurs l'assignent aux actes d'atteinte contre les institutions commis dans le cadre d'actions collectives et non pas des actes de déviance et trouvent exagéré le fait d'y intégrer les incivilités. Pour Le Guennec N., c'est une manière abusive d'utiliser la notion de violence urbaine que d'y intégrer les actes de délinquance. Pour d'autres, elles ne sont pas seulement atteintes aux institutions mais concernent aussi l'atteinte à l'intégrité des personnes et de leurs biens. C'est ce que pense Sophie Body-Gendrot, pour qui le terme « violence urbaine » désigne « des actions faiblement organisées de jeunes agissant collectivement contre des biens et des personnes, en général liées aux institutions, sur des territoires disqualifiés ou défavorisés » ( Sciences Humaines n°89, 1998 : 6).

Tout compte fait, certains chercheurs comme Fischer et Pedrazzini pensent que le terme violence urbaine désigne une forme particulière de violence sociale commise essentiellement par des jeunes délinquants issus de quartiers défavorisés et agissant soit seuls, soit plus généralement en bande plus ou moins organisées (Fischer, 2000 : 159) et c'est leur définition qui nous paraît correspondre au contexte dans lequel nous ferons notre étude C'est-à-dire la ville de Lomé. Nous ferons, dans notre étude, plus allusion aux braquages, vols à mains armées aux homicides et aux kidnappings perpétrés dans la ville de Lomé et seuls ces actes seront cachés derrière l'expression violences urbaines.

I.1.6.1.7. Un délit 

C'est un acte dommageable, illicite, intentionnel ou non qui engage la responsabilité de son auteur. Selon le lexique des termes Juridiques (LTJ) le délit est une infraction dont l'auteur est punissable de peines correctionnelles. En sociologie, le délit est aussi dénommé criminalité réelle.

I.1.6.1.8. Le contrôle social

Selon le dictionnaire de Sociologie, Proche de la domination (au sens de Weber), c'est l'ensemble des moyens dont dispose un groupe (la majorité) pour faire en sorte que les membres qui le composent se conforment aux normes et aux règles qu'il a édictées. La relation entre l'autorité légitime et ceux qui y sont soumis est asymétrique. (Férréol, 2004 : 65) Il désigne aussi les institutions chargées de l'exécution ou le respect des lois sociales et de l'application des sanctions en cas de contrevenance.

CHAPITRE DEUXIEME : CADRE PHYSIQUE ET HUMAINS, ET APPROCHE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

II.1. Données géographiques, démographiques et économiques.

II.1.1. Données géographiques

II.1.1.1.Situation géographique

La ville de Lomé est située à l'extrême sud-ouest du TOGO, dans la région maritime. Elle est limitée au Nord par le quartier Agoè Nyivé, au Sud par l'Océan Atlantique, à l'Est par la raffinerie de pétrole et à l'Ouest par la République du GHANA. La ville de Lomé s'étend sur une superficie de 333 Km² dont 33% de zones lagunaires selon les données de l'Unité de Recherche Démographique (URD).

En 1995, Lomé avait été subdivisée en cinq arrondissements au service de 76 quartiers selon le document « Gestion administrative du territoire national N°30/ ML/ du 20/09/95 de la Mairie de Lomé.

II.1.2. Données démographiques culturelles et religieuses

Depuis1981, l'État Togolais n'a plus organisé de recensement général de la population pour des raisons économiques. Toutes les informations relatives à la démographie du TOGO, Pour ce faire, relèvent des estimations. Nous nous sommes alors basé sur des données approximatives dans ce travail.

Selon ces estimations, la commune de LOME comptait 750.000 habitants en 1995. Aujourd'hui, la Direction Générale de la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DGSCN), section démographie, évalue la population de Lomé à 963000 habitants avec 70% de jeunes de moins de 30 ans. Et cette jeunesse de la population de Lomé s'explique par le fort taux d'accroissement naturel de la population (6%) et le phénomène migratoire. Elle constitue un grand foyer culturel à cause de la multitude d'ethnies qui s'y retrouve et qui, en temps ponctuels, font l'objet de découverte et d'appréciation.

II.2. Démarche méthodologique et difficultés de la recherche

Selon Kakplan A., «  le propre de la méthodologie est d'aider à comprendre au sens le plus large non les résultats de la recherche scientifique, mais le processus de recherche lui-même » (Grawitz, 2001 : 15). En sciences sociales, toutes les investigations ont pour outils des méthodes de recherche qui balaient soit l'aspect qualitatif soit l'aspect quantitatif. Il y a de ces recherches qui nécessitent les deux approches pour des buts bien déterminés et c'est le cas de notre étude portant sur les violences urbaines et dont l'approfondissement nécessite l'usage des outils tant quantitatifs que qualitatifs. Il est donc ici question de présenter les techniques utilisées pour la recherche et d'en montrer l'importance pour l'aboutissement de l'étude. Dans le cadre de notre étude, nous avons deux principales sources de données :

-La recherche documentaire et

-Les enquêtes de terrain

II.2.1. Les techniques d'échantillonnage

II.2.1.1. L'univers de l'enquête 

Une enquête étant « la quête d'informations réalisée par interrogation systématique de sujets d'une population déterminée » (Nda, 2006 : 81) l'univers est l'espace dans le lequel est choisi les enquêtés. Notre recherche, compte tenu du libellé de notre thème, se fera dans la population carcérale de la prison civile de Lomé. La prison civile de Lomé a vu le jour depuis les années 60 et était au préalable mis sous tutelle du ministère de l'intérieur pour servir de lieu de détention des auteurs des délits. Actuellement sous direction de la DAPR qui à son tour est sous tutelle du ministère de la justice accueille les prisonniers déférés des commissariats de police de toute la région Maritime. Cette prison est directement dirigée par un régisseur assisté par des militaires assurant la sécurité des lieux et des services tels que le service social, un petit dispensaire, la restauration et un secrétariat.

Le cadre de vie de ces détenus est un ensemble compartimenté en 49 cellules, un centre artisanal situé à l'extérieur du lieu de détention, le tout dans une grande Clôture construite sur une superficie d'environs 1 hectare. L'univers est constitué d'hommes et de femmes de diverses caractéristiques socio culturelles détenus séparément par genre et qui ont une organisation interne tout comme les sociétés dans lesquelles nous vivons avec une différence qu'est le manque de liberté de va et vient dont nous disposons. Par ailleurs, ils constituent des réseaux qui leur permettent de défendre les intérêts de l'ensemble du réseau ou de l'un des membres du réseau quand ils sont menacés par d'autres détenus. Les principales nationalités représentées dans cette population carcérale sont : Nigériane, Béninoise, Ghanéenne Burkinabé et Togolaise.

Avec une population carcérale de 1853 prisonniers répartis dans 49 cellules, elle est dirigée au premier niveau par une administration ayant à sa tête un régisseur. Notre univers contient de ce fait toutes les représentations tant ethniques, sociopolitiques, économique que culturelles. Nous aurons dès lors une population à même d'être représentative d'une plus grande.

II.2.1.2. La population cible 

Aucun citadin ne peut être écarté quand on parle de la violence urbaine. Cependant, la population cible de notre étude est issu de l'ensemble des détenus de Lomé c'est-à-dire ceux qui ont déjà eu à poser des actes criminels tels que les braquages, les homicides, les vols à mains armées ou kidnapping. Nous recherchons dans leurs interventions les raisons fondamentales qui seraient à la base de ces attitudes de leur part. Nous basant sur les estimations de 201117(*), nous pourrons évaluer la population cible à 1 853 personnes de sexe et de catégories confondues dont 614 prévenus18(*), 389 condamnés19(*), 488 inculpés20(*). Faute de moyens, notre questionnaire ne sera adressé qu'à certains individus déjà ciblés. Sera interrogé, tout individu homme ou femme ayant vécu à Lomé, détenu à la prison civile de Lomé pour les délits précités, et acceptant donner son opinion sur les violences urbaines dans notre capitale. Sont exclus de notre population cible les détenus déférés des commissariats extérieurs à Lomé ou n'ayant pas vécu à Lomé.

II.2.1.3. Échantillonnage

L'échantillonnage est la méthode par laquelle on extrait de la population mère une plus petite et plus représentative en vue d'y sortir des informations à généraliser ; ceci à cause des coûts exorbitants que pourra occasionner une enquête exhaustive. Comme le diraient Ghiglione et Matalon (1995) « il est très rare qu'on puisse étudier exhaustivement une population, ce serait si long et si coûteux que c'est pratiquement impossible ». Partant de la technique d'observation extensive, Notre échantillonnage sera probabiliste et prendra donc en compte toutes les catégories de prisonniers détenus pour violence urbaine dans la ville de Lomé déjà identifiés dans la prison civile afin que les informations à recueillir soient fiables et puissent être généralisées .10% soit 6 questionnaires seront adressés aux femmes et 90% soit 56 aux hommes. Cette différence à cause de la passivité manifeste des femmes.

Echantillon = population mère x échelles

Population mère = 1853

Echelle = 1/30

Echantillon = 1853 /30

Echantillon = 62 individus

Cependant, en raison de l'intervalle de temps qui nous a été accordé et les difficultés liées à la sortie des prisonniers d'une part et, d'autres parts, de la non correspondance de certains détenus à nos critères, nous n'avons pu valider que 58 questionnaires. C'est sur la base de ces 58 que nous baserons toutes nos interprétations.

II.2.2. Les techniques de collecte de données

II.2.2.1. Recherche documentaire

C'est un travail incontournable et perpétuel dans le processus de recherches en sciences sociales. La recherche documentaire comble les manquements de l'enquête par interview ou par questionnaire en donnant des informations de toutes formes que les autres techniques ne peuvent aborder. A la quête des informations tant sur le contexte socio-économique et spatial que sur les violences urbaines proprement dites de Lomé, il s'est avéré impérieux de parcourir les ouvrages d'ordres généraux, les rapports des institutions impliquées dans un aspect du phénomène étudié, les revues et périodiques, de même que les oeuvres traitant proprement du thème dont nous voulons approfondir les implications sociales. Que ce soit les informations sur les estimations sur les formes de violence, leur manifestations, les contextes de perpétration, les indicateurs démographiques, les populations vulnérables ou encore sur les approches théoriques et méthodologiques, ces documents sont d'une très grande importance.

Nous avons pu, dans le cadre de notre recherche, visiter  bien de bibliothèques tant publiques que privées ; ce qui nous a été d'un grand avantage.

Cependant, cette documentation se trouve être limitée à cause du manque d'intérêt pour des sujets controversés comme celui de la violence pour les chercheurs africains. Ceci dit, les écrits sur la violence urbaine sont plus ceux relatifs aux sociétés occidentales ou que des chercheurs occidentaux réalisent dans nos sociétés. Étant donné que les réalités sociales sont très diverses d'une société à une autre, on ne peut s'approprier les cadres justificatifs, par exemple, de la violence en France, de peur de s'engager dans des replaçassions contradictoires de contextes méconnus dans nos société. Toutefois, utiliserions-nous les techniques d'approches, les théories qui sont moins d'une ampleur locale, et les exemples concrets de cas pour élucider nos propos sans ignorer l'analyse des contenus de ces ouvrages qui nous ont été très bénéfiques.

D'autres parts, nous avons eu à consulter les documents fondamentaux des procès verbaux de certains commissariats de police de même que les comptes rendu des plénières à la cours d'assise et les autres compartiments qui lui sont liés. Les périodiques et les presses donnent le fil des événements au fuir et à mesure qu'ils se produisent et pallient, un tant soit peu le manque de documents scientifiques sur les violences urbaines à Lomé. Ainsi donc, leur exploitation nous a permis de nous diriger vers les cibles les plus idoines dans la recherche des réponses au mal que nous voulons étudier.

Les mémoires traitant de notre sujet, très infimes qu'ils soient ont permis de pallier, un tant soit peu le manque d'oeuvres scientifiques digne de ce nom traitant spécifiquement des violences urbaines.

II.2.2.2. La pré-enquête 

Elle était en quelque sorte une prospection sur les contours de la question à partir des affirmations et même des témoignages des uns et des autres. Cette pré-enquête était dirigée vers tous ceux que nous avons croisé, surtout les forces de sécurité, et c'est ce qui nous à conduit à choisir le monde carcéral comme étant la population cible de nos enquêtes. Elle nous a permis, d'autre part, de concevoir les outils de recherche comme les guides d'entretien, les questionnaires et d'identifier les points sensibles de notre thème.

Le second volet de cette pré-enquête était le test du questionnaire que nous avons conçu. En effet, nous avons pu avoir accès à la prison un Dimanche pour la messe à la fin de laquelle nous avons pu nous entretenir avec certains détenus responsables de la communauté religieuse, ce qui nous a permis de corriger les défaillances du questionnaire brut.

II.2.2.3. L'enquête proprement dite

L'enquête dans les sciences sociale est un outil incontestable tant d'acquisition de nouvelles connaissances que de découverte de nouvelles réalités en vue de leur élucidation et leur explication. Elle permet du coup de pouvoir arriver aux sources explicatives d'un phénomène qu'on choisi d'étudier. Elle procède par questionnement à l'aide des questionnaires ou des guides d'entretien selon la méthode adoptée (qualitative ou quantitative). Dans notre travail nous avons utilisé les deux méthodes à cause de leur complémentarité : le questionnaire qui était destiné aux prisonniers et le guide d'entretien pour les juges d'instruction et les commissaires.

Avant de pouvoir avoir accès à notre univers d'enquête, à cause de la particularité de ce dernier, il nous a fallu attendre des autorisations qui devraient successivement passer du ministère de la justice à la DAPR pour enfin arriver au régisseur qui est le premier référent à la prison civile de Lomé. L'enquête s'est faite dans la prison civile de Lomé et les détenus qui devraient répondre à nos questions étaient ceux qui avaient commis des délits. Ces prisonniers étaient identifiés par leurs confrères proches de l'administration de la prison et qui nous les faisaient parvenir à la salle d'entretien.

II.2.3. Techniques de collecte de données

II.2.3.1. Approches qualitatives

Elles ont la caractéristique principale d'aider à aller dans les détails de la question traitée afin d'en cerner les contours. Elles permettent de ce fait d'avoir beaucoup de données avec la possibilité de poser des questions quand des réponses sont floues ou de relancer autrement des questions quand celles-ci sont évitées. Nous avons opté pour les entretiens dirigés à cause de la précision du thème sur lequel nous faisons les investigations. Nous utiliserons dès lors un guide d'entretien.

II.2.3.1.1.Le guide d'entretien et son administration

Dans notre étude nous avons eu des entretiens avec des commissaires de polices et certains juges ; ce qui nous a permis de cerner un peu plus à fond la problématique des causes des violences urbaines dans la ville de Lomé. Nous avons choisi ce type d'entretien à cause de l'insuffisance du questionnaire adressé aux prisonniers qui ne sont pas les seuls directement concernés par les questions que soulèvent la problématique des violences urbaines. L'angoisse, la gêne ou le bégaiement sont autant d'indicateurs qui nous ont aidé dans l'interprétation des résultats. Comme dit plus haut, ils s'avéraient insuffisant et nécessitait une adoption des approches quantitatives afin d'évaluer les points de vue. D'où l'usage du questionnaire.

II.2.3.2. Approches quantitatives

Elles permettent d'avoir des données chiffrées à la fin de l`enquête et de pouvoir facilement atteindre une grande population. De surcroit le dépouillement permet d'évaluer les impressions et les opinions.

II.2.3.2.1. Élaboration du questionnaire et son administration

Le questionnaire, que nous avons utilisé pour l'étude, parcours des questions pouvant vérifier la véracité ou l'illusion de nos hypothèses, allant de l'identification des enquêtés au mot de fin. Ce questionnaire est formé des questions fermées, ouvertes et semi-fermées en fonction de la précision que l'on recherche pour telle ou telle question Il est subdivisé en 2 grandes sections :

Section I/ Identification des enquêtés

Section II/ Contexte social et emprisonnement

Compte tenu de l'hétérogénéité de notre échantillon dont les unités ne sont pas tous censées comprendre la langue française, nous avons opté pour l'administration indirecte des questionnaires. Nous avons, d'autre part, choisi ce type d'administration à cause de la sensibilité des questions que soulèvent les violences urbaines surtout avec ceux qui en sont les auteurs et surtout à cause de la non-évidence des réponses que ceux-ci donneront à nos questions. Les travaux préalables avec la DAPR et le régisseur de la prison ont permis de déceler les détenus à faire passer pour l'entretien. Il s'agissait des prisonniers détenus de la ville de Lomé, homme ou femme tout âge confondu, pour vol qualifié, homicide, kidnapping ou braquage. C'est exclusivement ces derniers qui ont eu droit à nos questions

Le monde carcéral étant constitué de plusieurs ethnies et de différentes nationalités, nous avons eu l'avantage de parler au moins quatre langues. Le questionnaire était donc traduit en langue locale, si besoin y est, pour l'enquêté qui aurait toujours besoin de bien comprendre le fond des questions. Nous avons, ainsi donc, eu pendant le passage du questionnaire, à parler le Français, l'anglais, l'Ewé et le Kabyè.

Notre enquête a duré quatre jours à la prison civile de Lomé où les responsables avaient mis à notre disposition une salle munie d'une table et de deux chaises pour l'administration du questionnaire. Les détenus concernés étaient désignés par les responsables de détenus qui en avaient une parfaite connaissance. C'était aussi des prisonniers chargés de la sécurité qui faisaient passer un à un leurs frères détenus dans la salle où nous les questionnâmes. Nous avons eu à travailler les matinées comme les après-midi conformément au réglementaire de la prison pendant une semaine.

II.2.4. Variables et indicateurs

II .2.4.1. Variables

Les variables sont, en sociologie, les aspects soumis à l'étude dans le but de cerner leur influence sur un phénomène donné. Grawitz en donnait cette définition : une variable est « tout caractère soumis à une analyse sociologique dont les valeurs ne sont pas forcément numériques » (2000 : 416). Nous en distinguons 2 sortes : les variables dépendantes et les variables indépendantes.

II.2.4.1.1. Les variables indépendantes

La famille (Inculcation des valeurs morales) :

Première cellule sociale, elle est la première à inculquer les premières valeurs à tout individu par d'abord la socialisation primaire et le suivi éducatif. L'éducation familiale requiert une très grande importance et est, dès lors prédéterminante dans les attitudes de tout individu. La situation familiale des individus entre de ce fait dans les facteurs pouvant expliquer des comportements criminels des individus dans la ville de Lomé.

La migration des non diplômés ou non qualifiés :

La migration est définie comme le déplacement d'un groupe d'individus d'une région à une autre à une période donnée de leur existence. Elle crée dès lors des zones de plus en plus peuplées en raison des enjeux économiques, climatiques ou politiques favorables qu'offre la région d'accueil. Dans le cadre de notre étude, nous nous intéressons à l'exode rural des populations vers Lomé. C'est l'un des facteurs du boom démographique et des inégalités connus dans notre capitale augmentant au même moment le taux des sans emplois et de frustrés.

La désintégration des migrants :

Il est frustrant de vivre dans un cadre social où l'on n'est pas intégré. Or la majorité des jeunes quittant les régions rurales pour Lomé sont des non-diplômés et non qualifiés en quête d'un statut social meilleur, des individus en marge de la vie du monde moderne de la ville. Avec l'individualisme accru des villes, Ils se retrouvent très vulnérables aux maux sociaux à cause de leur marginalisation. Nous avons évalué par les études le taux d'individus ayant connu ces conditions avant leur incarcération.

II.2.4.1.2. Variable dépendante

Dans notre étude, la seule variable dépendante retenue est la recrudescence des violences urbaines. Nous nous référons, en ce sens, aux incivilités telles que, les vols à mains armées, les cambriolages et séquestrations etc.

II.2.4.2. Indicateurs

Les indicateurs sont les données observables qui permettent d'appréhender les différents aspects d'un phénomène. Rongere en donnait la définition suivante

«  un indicateur est une donnée observable par laquelle on pourra appréhender les différentes dimensions analysées en constatant dans la réalité, la présence ou l'absence de tel ou tel attribut, l'état de telle variable » (Rongere, 1970 : 20).

Dans le cadre de notre étude, nous avons identifié comme indicateurs des variables précités les aspects suivants:

II.2.4.2.1. Indicateurs de la variable dépendante

II.2.4.2.1.1.L' augmentation des services privés de sécurité des maisons et des entreprises

Depuis l'horizon 2005 les services de sécurité ont commencé par prendre de l'ampleur dans la ville de Lomé à cause de la sollicitation croissante des populations. Elles engagent aujourd'hui plus de 5000 jeunes hommes et femmes formées pour la sécurisation des maisons, des entreprises et magasins contre un paiement mensuel dans la plupart des cas. La sollicitation grandissante du service de ces sociétés démontrent qu'il existe un esprit d'insécurité dans les citadins ; sentiment nécessairement causé par des évènements tragiques dont ils ont été déjà victimes ou dont ils ont entendu parler. L'augmentation des services privés de sécurité est un indicateur indéniable de l'existence effective des violences urbaines dans la ville de Lomé.

II.2.4.2.1.2. Les taux de vols à mains armées, de kidnappings, et de cambriolages enregistrés au niveau des commissariats de police.

On ne pourra pas parler de preuve de l'augmentation des violences urbaines dans la ville de Lomé sans recourir aux statistiques des services spécialisés. Les chiffres détenus par le ministère de la justice en sont des preuves tangibles et constituent de ce fait un indicateur des violences urbaines dans la ville de Lomé.

II.2.4.2.1.1.L'élévation des clôture coiffées de taisons de bouteille ou fil de fer barbelés.

Système traditionnel de sécurisation des maisons, c'est une attitude qui dessine l''impression ou plus encore la conviction du passage éventuel des malfrats. C'est plus que suffisant pour dire en conclusion que les violences urbaines dans la ville de Lomé ne constituent pas une réalité révolue mais bien d'actualité.

II.2.4.2.2. Indicateurs des variables indépendantes

II.2.4.2.2.1.Le nombre d'incarcérés (perte ou absence des valeurs morales)

Le nombre grandissant des détenus à la prison n'est guère plus parlant. Il démontre une grande défaillance de l'éducation familiale qui est jusqu'alors la seule à pouvoir pourvoir efficacement à l'acquisition des valeurs morales allant à l'encontre des comportements pouvant conduire à l'incarcération d'un individu. C'est l'éducation familiale, dans une certaine mesure, qui distingue les détenus et ceux qui ne le sont pas sans ignorer la marge de ceux qui pourraient être innocemment détenus. N'empêche qu'il soit un grand indicateur de la défaillance de l'éducation familiale.

II.2.4.2.2.2. Les taux des incarcérés venant des banlieues de la ville de Lomé

Le stress des banlieues de la ville de Lomé urbaines pris dans notre étude comme variables explicative est mis en exergue par la grande représentativité des auteurs des violences urbaines provenant des quartiers, le plus souvent dits ghettos, de la ville de Lomé dans le monde carcérale de la prison civile de Lomé.

II.2.4.2.2.3.L'extension excessive de la ville de Lomé par les quartiers périphériques

L'exode rural étant le facteur prépondérant du boom démographique des villes africaines à part l'accroissement naturel, il est aussi déterminant dans l'extension géographique de Lomé et porte en amont les maux sociaux de la ville comme le chômage et la délinquance à cause de la masse juvénile non instruite et non qualifiée qui vient chercher la meilleure vie dans la capitale.

II.2.5. Les difficultés de l'enquête

Mis à part, les difficultés traditionnelles d'une enquête allant de la limite de moyens financiers au caractère intrinsèque d'une enquête, nous avons eu à connaître des difficultés particulières dans la réalisation de notre enquête. En premier lieu l'acquisition des autorisations et en second lieu les difficultés liées à l'administration des questionnaires et à l'accord de l'entretien par les commissaires et juges d'instruction.

En effet l'accès à la prison civile de Lomé étant soumis à la présentation d'une autorisation dûment signées du directeur de la DAPR à qui on aurait préalablement présenté une autorisation signé du ministre de la justice, il nous a fallu accepter les reports répétés des rendez-vous et l'indisponibilité des responsables à tous les trois niveaux c'est-à-dire au ministère de la justice, à la direction de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion et à la prison même. Les même difficultés et parcours pour avoir accès aux procès verbaux de la DPJ en passant par le ministère de la sécurité, la Sureté, le commissariat central avant d'arriver à la DPJ toujours avec les rendez-vous presque jamais tenus.

L'autre grande difficulté était liée à ceux que nous étions censé interroger : les auteurs des vols à mains armées, braquages, homicides et kidnapping reconnu comme dangereux à la société d'où mis en détention. Le risque d'être victime de la colère de ces derniers lors de l'entretien nous a donc imposé une stratégie très rigoureuse et convaincante. Cependant il nous a été très difficile d'interroger certaines personnes dont l'aspect extérieur donnait une image agressive et considérablement effrayante. Les questions soulevées par notre questionnaire étant aussi sensible il nous a fallu faire l'attentif durant toutes les entrevues et éviter les accusations fallacieuses pour qu'ils ne s'énervent pas. De tout ceci, l'introduction que nous faisions à chaque enquêté nous a été d'un grand bien puisqu'elle nous a permis de mettre en confiance ces derniers sauf certains d'entre aux qui étaient resté irréductibles.

Il est à noter aussi la difficulté que nous avons eu avec les femmes qui difficilement avaient accepté sortir participer à l'entrevue et après, de répondre à nos questions ; tout ceci coiffé par l'étalement des problèmes quotidiens connus à la prison avec le visage plein d'espoir en nous, espoirs rapidement démentis par nos mots de fin.

Tout compte fait, il nous a été d'une grande expérience que de pouvoir réaliser notre enquête dans cet univers tant redouté par beaucoup et que certains nous avaient carrément déconseillé.

DEUXIEME PARTIE :

PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES, INTERPRETATION DES RESULTATS

CHAPITRE TROISIEME : PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES

III.1. IDENTIFICATION DES ENQUÊTÉS.

Tableau I : Répartition des enquêtés par sexe

Sexe

Masculin

Féminin

TOTAL OBS.

Nombre

Fréq.

53

91,4%

5

8,6%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

De l'analyse de ce tableau on peut retenir la faible propension du genre féminin à la violence puisque notre population cible était composée de53 hommes soit 91.4% de l'échantillon et de 5 femmes, soit 8.6% de l'échantillon.

Tableau II : Répartition des enquêtés par la situation matrimoniale

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

On retient de ce tableau une grande représentativité des célibataires et des mariés avec des enfants dans la population carcérale de la prison civile de Lomé. En effet, comme le montre le tableau ci-dessus, l'ensemble des détenus que nous avons interrogé est composé de 11 célibataires soit 19% de l'échantillon, de 2 veufs (ves) soit 3.4% de l'échantillon, d'une infime représentation ( 1 enquêté par catégorie) des mariés sans enfants et de veufs (ves) avec enfants ayant la même proportion de 1.7% , les mariés avec enfants sont les plus nombreux à être rencontrés à la prison civile ; 43 d'entre eux ont répondu à nos questions soit 74.1% de notre échantillon.

Tableau III : Répartition des enquêtés par âge

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

La grande proportion des inculpés pour violence est composée de jeunes et les adolescents, par contre, sont très peu représentés. Ainsi, Les détenus qui sont âgés de 25 à 35 ans et ceux âgés de 35 ans et plus sont représentés dans une même proportion égale à 44.8% de notre échantillon soit 26 individus par tranche d'âge. Le monde carcéral de la prison civile de Lomé contient, par contre, peu d'adolescents, notre échantillon ne contenait que 6 jeunes âgés de 15 à 25 ans soit 10.3%.

Tableau IV : Répartition des enquêtés par le niveau d'instruction

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Les chiffres de ce tableau illustrent le faible niveau de scolarisation des détenus de la prison civile de Lomé. La majorité n'ayant fait que le primaire. Le tableau révèle que ces derniers occupent une proportion de 36.2% soit 21enquêtés. Ils sont suivis des détenus n'ayant fait que le secondaire ; ceux-ci étant 19 soit 32.6% de l'échantillon. Les enquêtés n'ayant pas mis pied à l'école représentaient 19% de l'échantillon soit 11 personne et ceux ayant atteint le supérieur sont 5 soit 8.6% de l'échantillon. Ceux qui ne sont pas du tout scolarisé, ceux étant instruits jusqu'à l'université et enfin ceux qui ont arrêté les études au lycée occupent successivement les proportions suivantes : 32.8%, 19%, 8.6% et 3.4%.

Tableau V : Répartition des enquêté par le métier appris.

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

La majorité de nos enquêtés avaient appris un métier du secteur secondaire et une part non négligeable de notre échantillon était occupée par les non-qualifiés. Ce tableau révèle que les détenus ayant appris d'autres métiers que ceux prévus par notre questionnaire (soudure, artiste, couture, football, marketing etc.) occupent ensemble une proportion de 51.7% soit 30 individus. Ils sont suivis par les non-qualifiés qui étaient à 29.3% de notre échantillon soit 17 enquêtés. On a eu à interroger 7détenus ayant appris la mécanique soit 12.1% de l'échantillon et ceux ayant appris la menuiserie et la maçonnerie se partagent la même fréquence qui est de 3.4%.

Tableau VI : Répartition des enquêtés selon l'exercice ou pas du métier appris

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Ce tableau montre que les incarcérés pour les actes de violence urbaines sont dans une grande majorité soit sans qualification et sans activité soit n'exercent pas leur métier appris. Les chiffres révèlent dès lors que 39.7% des enquêtés soit 23 individus exerçaient leur métier contrairement aux 18 autres détenus (31%) qui n'exerçaient pas le métier qu'ils ont appris. Les 29.3% restant n'étaient pas censés répondre à cette question étant donné qu'ils n'avaient appris aucun métier.

Tableau VII : Répartition des enquêtés par activité lucrative exercée autre que le métier appris 

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

De toutes les modalités prévues concernant le métier, il s'est avéré que le commerce était l'activité la plus exercée par les détenus qui étaient soumis à notre questionnaire. Il concernait 41.4% de notre échantillon soit 24 enquêtés. Ceux qui exerçaient d'autres activités lucratives en plus leur métier et ceux qui n'avaient que ces activités lucratives pour survivre représentaient 34.5% de l'échantillon soit 20 individus interrogés. Les jeunes s'adonnant au business au port autonome de Lomé étaient 8 soit 13.8% de l'échantillon, les Zémidjan (Taxi moto) 3.4% (2 individus) et ceux ne faisant rien 6.9% (4 individus).

Tableau VIII : Répartition des enquêtés par quartier de provenance

Quartier de provenance

Ablogamé

Hanoukopé

Kodjoviakopé

Nyékonakpoe

Banlieues

TOTAL OBS.

Nb. cit.

Fréq.

2

3,4%

7

12,1%

1

1,7%

2

3,4%

1

1,7%

45

77,6%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

On remarque par ce tableau que la majorité des incarcérés pour acte de violences à la prison civile de Lomé viennent des quartiers périphériques (banlieues) dit «  nouveaux quartiers ». Sept individus des 58 interrogées venaient de (12.1%), 2 d'Ablogamé (3.4%), 2 de Kodjoviakopé (3.4%), 1 d'Hanoukopé (1.7%) et 1 aussi de Nyékonakpoè (1.7%). Les 45 restants viennent des quartiers périphériques de la ville dont la majorité d'Agoè, d'Avédji et une infime partie de Tokoin hôpital. Ils occupent à eux seuls 77.6% de l'échantillon.

Tableau IX : Répartition des enquêtés selon la nationalité

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

En examinant le tableau ci-dessus, on remarque une forte représentation des détenus de nationalité togolaise. Ils y sont dans une proportion de 70.7% soit 41 individus et sont successivement suivi par les nigérians (10 individus) dans une proportion de 17.2%, par les Burkinabé (8.6% soit 5 individus) et enfin par les Béninois (3.4% soit 2 individus).

Tableau X : Répartition des enquêtés selon le revenu mensuel

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Ce tableau révèle le faible revenu mensuel des incarcérés de la prison civile pendant la période pré-emprisonnement c'est-à-dire quand ils étaient actifs. En classant nos enquêtés par rapport au revenu mensuel, on s'est rendu compte que la plus grande partie (48.3% soit 28 individus) gagnait 20 à 50 000 par mois, puis venait la tranche de ceux qui gagnaient de 10 à 20 000 par mois (24.1% soit 14 individus). Ceux qui gagnaient plus de 10 000 par mois représentaient 19% de notre échantillon soit 11 individus et ceux, enfin, qui gagnaient 50 000 à 100 000 par mois étaient 5 soit 8.6% de l'échantillon.

III.2. CONTEXTE SOCIAL ET EMPRISONNEMENT

Cette partie retrace brièvement les conditions familiales et sociales dans lesquelles les détenus ont vécu avant leur emprisonnement. Il s'agit d'analyser ce qui peut dans leur contexte pré -détention expliquer les comportements délictueux qui leur sont reprochés par des questions simples. Toutes les dimensions de leur vie sociale seront mises à profit dans l'analyse que nous feront ci-dessous à base des réponses que nous avons recueilli.

Tableau XI : Répartition des enquêtés selon le temps déjà passé en prison

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

La proportion des détenus ayant relativement duré en prison est grande. Ainsi, les enquêtés ayant déjà passé entre 1 à 5ans en prison avant notre entretien occupent 43% de notre échantillon soit 25 individus. De plus 25.9% des enquêtés soit 15 individus ont passé moins d'un an en prison Ils sont suivis par ceux qui ont fait plus de 5 ans en prison (24.1% soit 14 individus) et ceux qui en ont passé plus de 11 (6.9% soit 4 individus).

Tableau XII : Répartition des enquêtés selon la durée de vie à Lomé

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

On remarque ici que la majorité des incarcérés n'étaient pas nés à Lomé donc étaient des migrants. Ce tableau donne une proportion de 34.5% (20 individus) pour les détenus de notre échantillon ayant vécu plus de 5 ans à Lomé avant leur arrestation et de 32.8% (19individus) pour ceux qui y vivaient depuis leur naissance ainsi que pour ceux qui n'y ont pas vécu plus de 5ans.

Tableau XIII : Répartition des enquêtés selon leur condition de vie à Lomé

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Plusieurs détenus avaient leur parent hors de la ville de Lomé ; c'est ce qui ressort de l'analyse du tableau. En effet, 40 détenus (69%) avaient leurs parents hors de Lomé. Seuls 18 prisonniers soit 31% vivaient en famille à Lomé.

Tableau XIV : Répartition des enquêtés selon la durée de vie en famille

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Ce tableau révèle que l'ensemble des incarcérés composé des orphelins et de ceux qui n'avaient pas vécu longtemps avec leur parent est plus grand et représentatif. Dans la répartition des enquêtés, il apparaît que ceux ayant vécu de 5 à 10 ans en famille occupent la plus grande proportion. Ils représentent 51% de notre échantillon soit 30 individus, suivis par ceux qui ont vécu jusqu'à 11ans et plus au sein de leur famille (37.9% soit 22 individus). Ceux qui n'ont pas eu plus de 5 ans de vie de famille n'occupent que 1.7% de notre échantillon. Les enquêtés n'ayant jamais eu cette opportunité (orphelins, abandonnés dès le bas âge) occupent pour leur part 8.6% de notre échantillon soit 5 individus.

Tableau XV : Répartition des enquêtés selon la raison de l'exode vers Lomé

Raison de la venue à Lomé

Non réponse

Etudes

Travail

Autres)

TOTAL OBS.

Nb. cit.

Fréq.

17

29,3%

2

3,4%

36

62,1%

3

5,2%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

On s'aperçoit par ce tableau que la grande majorité des incarcérés ont migré vers Lomé à la recherche du travail. Dès lors, parmi nos enquêtés, 17 soit 29.3% de l'échantillon avaient une famille à Lomé et y vivaient. 2 soit 3.4% avaient leurs parents au village et étaient venus à Lomé pour les études. 36 soit 62,1% par contre étaient venus à Lomé dans les mêmes conditions familiales que ces derniers mais pour chercher du travail. 5.2% de notre échantillon étaient venus à Lomé pour d'autres raisons comme les vacances, les missions etc.

Tableau XVI : Répartition des enquêtés selon le secteur d'activité des parents

Les secteurs

Nb,cit

Fréq,

Primaire

18

31%

Secondaire

37

63,80%

Tertiaire

3

5,20%

TOTAL OBS.

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

La majorité de nos enquêtés avaient leur parents dans les activités du secteur primaire ou secondaire, comme le montre l'analyse du tableau. Ainsi, on remarque que 3 de nos enquêtés soit 5.2% de l'échantillon avaient un père travaillant dans le secteur tertiaire, 18 soit 31% de l'échantillon était né d'un père ayant une fonction du primaire et   63.8% avaient un papa travaillant dans le secondaire

Tableau XVII : Répartition des enquêtés selon le lieu de résidence des parents

Région de résidence des parents

Lomé

Village

Au pays d'origine

Autres

TOTAL OBS.

Nb. cit.

Fréq.

19

32,8%

22

37,9%

16

27,6%

1

1,7%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Le tableau révèle que 32.8% (soit 19 individus) des enquêtés avaient leurs parents à Lomé ; 37.9% (soit 22 individus) avaient leurs parents au village ; 27.6% (soit 16 individus) avaient les leurs dans le pays d'origine et 1.7% avaient leurs parents soit décédés soit inconnus.

Tableau XVIII : Répartition des enquêtés selon la cohabitation ou non avec les parents avant l'échéance

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

L'analyse du tableau révèle que presque tous les enquêtés ne vivaient pas avec leur parent avant leur emprisonnement. Dès lors, 86.2% (soit 50 individus) de nos enquêtés ne vivaient pas avec leurs parents alors que seulement 13.8% vivaient avec leur parents.

Tableau XIX : Répartition des enquêtés selon le cadre de vie à Lomé

Avec qui viviez vous alors

Non réponse

Seul

proches parents

Epoux (se) et enfants

Seul avec les enfants

Autres

TOTAL OBS.

Nb. cit.

Fréq.

8

13,8%

10

17,2%

6

10,3%

25

43,1%

3

5,2%

6

10,3%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Dans notre échantillon, la fréquence des détenus vivant avec leurs époux (se) et leurs enfants avant l'emprisonnement est de 43.1% soit 25 individus, celle de ceux qui vivaient seul était de 17.2% soit 10 individus, celle de ceux qui vivaient avec des proches parents étaient représentés dans une proportion de 10.3% soit 6 individus et celle de ceux qui vivaient seuls avec leurs enfants était de 5.2% soit 3 individus.

Tableau XX : Répartition des enquêtés selon les conditions familiales dans lesquelles ils ont vécu dès l'enfance.

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Ce tableau montrant la condition de vies familiale de nos enquêtes révèle, dans la majorité des cas, une instabilité des familles desquelles ils sortent. Nos enquêtés dont les parents étaient divorcés et ceux ayant vécu dans une famille harmonieuse représentaient différemment 8.6% de notre échantillon soit 5 individus. 25.9 % soit 15 individus étaient nés de familles instables et 10.3% soit 6 individus étaient orphelins avant l'âge de 10 ans. 10.3 % de l'échantillon soit 6 individus avaient un papa alcoolique et 15.5% soit 9 individus n'avaient vécu qu'avec leur maman contrairement à 8.6% soit 5 individus qui autre à un âge plus ou moins avancé s'était vu obligés de ne vivre qu'avec le papa. 6.9% des enquêtés soit 4 individus n'ont jamais connu leur parents et n'avaient vécu que dans des orphelinats car étant abandonnés dès le bas âge.

Tableau XXI : Répartition des enquêtés selon la personne se chargeant d'assumer leurs besoins.

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Parmi nos enquêtés, 53 soit 91.4% de notre échantillon s'occupaient d'eux - même soit seul ou avec en plus la famille, 6.9% soit 4 individus étaient pris en charge par leur proche - parent et seulement 1.7% soit un individu était pris en charge par ses parents.

Tableau XXII : Répartition des enquêtés selon les délits commis

Délits

Braquage

Homicide

Kidnapping

Vol à main armée

Autres

TOTAL OBS.

Nb. cit.

Fréq.

5

8,6%

11

19,0%

0

0,0%

22

37,9%

20

34,5%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Le tableau montre que parmi les individus incarcérés, la majorité était accusée de vol à main armée. Parmi les détenus questionnés, 37.9% soit 22 individus étaient en prison, accusés pour vol à main armées, 8.6% soit 5 individus pour braquage, 19% soit 11 individus pour homicide et 34.5% soit 20 individus pour d'autres délits comme, les complicités de meurtres, les cambriolages etc. Aucun de nos enquêté n'était accusé pour kidnapping.

Tableau XXIII : Répartition des enquêtés selon qu'ils reconnaissent ou non l'accusation portée contre eux

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

55.2% soit 32 des enquêtés de notre échantillon reconnaissent les actes qu'on leur reproche contrairement à 44.8% qui ne reconnaissent pas les faits qui leur sont reprochés

Tableau XXIV : Répartition des enquêtés selon les conditions dans lesquels ont été commis les délits.

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

44.8% de nos enquêtés ne reconnaissant pas les faits étaient exemptes de cette questions. Par contre, 24.1% soit 14 individus avaient opéré seuls tandis que ceux qui avaient opéré en bande représentaient 31% de l'échantillon soit 18 individus.

Tableau XXV : Répartition des enquêtés selon le nombre d'opérants.

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Parmi les enquêtés ayant opéré en bande, 17.2% avaient un effectif allant de 2 à 5 personnes et 5.2% avaient un effectif dépassant 5 personnes.

Tableau XXVI : Répartition des enquêtés selon l'usage ou non d'arme

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

L'analyse du tableau montre qu'il y a eu usage d'arme dans 24.1% des cas étudiés à la prison ; le cas contraire dans une proportion de 29.3% soit chez 17 individus. En effet, 27% de l'échantillon n'étaient pas concernés par la question étant donné la non- reconnaissance des actes qui leurs sont reprochés ou d'autres conditions particulières liées à leur délit.

Tableau XXVII : Répartition des enquêtés selon la cause de leur acte.

Causes

Non réponse

Amis

pauvreté

Autres

TOTAL OBS.

Nb. cit.

Fréq.

26

44,8%

16

27,6%

7

12,1%

9

15,5%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Dans notre échantillon. 44.8% soit 26 individus n'étaient pas concernés par cette question ; estimant n'avoir pas été auteurs des actes pour lesquels ils sont détenus. 27.6% soit 16 individus par les amis et 12.1% soit 7 individus disaient être conduits aux actes de violence par la pauvreté. 15.5% soit 9 individus avaient évoqué d'autres raisons telles que les accidents et la naïveté.

Tableau XXVIII : Répartition des enquêtés selon le type d'arme utilisé

Type d'arme

Non réponse

Couteau

Fusil

Autres

TOTAL OBS.

Nb. cit.

Fréq.

44

75,9%

3

5,2%

10

17,2%

1

1,7%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

75.9% de l'échantillon n'étaient pas concernés par la question étant donné la non reconnaissance des actes qui leurs sont reprochés ou d'autres condition particulières liées à leur délit 17.2% des enquêtés soit 10 individus avaient utilisé une arme, 5.2% soit 3 individus un couteau et 1.7% soit 1 individu d'autres choses comme un bâton, une pierre..

Tableau XXIX : Répartition des enquêtés selon la condition d'acquisition de l'arme.

Acquisition de l'arme

Non réponse

Acheter

Volé

Autres

TOTAL OBS.

Nb. cit.

Fréq.

44

75,9%

3

5,2%

0

0,0%

11

19,0%

58

100%

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

75.9% de l'échantillon n'étaient pas concernés par la question étant donné la non reconnaissance des actes qui leurs sont reprochés ou d'autres conditions particulières liées à leur délit Parmi les enquêtés ayant opéré avec l'usage d'une arme, 3 soit 5.2% de l'échantillon l'avaient acheté et 19% l'avaient acquis dans des conditions peu élucidées.

Graphique I

Répartition des enquêtés selon le quartier de provenance et le délit commis

Nyékonakpoe

1

2

2

2

1

Hanoukopé

1

Ablogamé

1

1

Kodjoviakopé

2

Banlieues

15

3

9

18

Vol à main armée

Braquage

Homicide

Kidnapping

Banlieues

0

45

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Les détenus faisant partie de notre échantillon dont le quartier de provenance est Bè, selon l'analyse de ce tableau ont perpétré 2 vols à main armée, 2 braquages, 2 homicides et un autre délit non défini. Par contre ceux venant de Kodjoviakopé, d'Ablogamé et de Hanoukopé étaient accusés pour vol à main armée. Ceux venant des banlieues comme Agoè, Avédji et Kégué ont commis 15 Vol à main armée 3 braquages 9 homicides et 18 autres délits à préciser. Le graphique ci-dessus donne une image claire de cette analyse.

Graphique II 

Le secteur d'activité du papa x Niveau d'instruction

Secteur

primaire

20

12

2

2

11

Secteur

secondaire

1

5

1

1

Secteur

tertiaire

1

2

Primaire

Secondaire

Lycée

Université

Non scolarisé

0

47

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

L'analyse de ce graphique montre dans un premier temps la propension des enfants dont le papa fonctionne dans le secteur primaire à être malfrat. La majorité de ces derniers n'ont fait que le cours primaire ou en plus de cela le secondaire et nombreux sont ceux qui ne sont même pas scolarisés. Les prisonniers dont le papa travaillait dans le secteur secondaire évoluent un peu plus et atteignent le collège ; ceux qui arrivent au lycée et à l'université étant très faiblement représentés. Les prisonniers dont le papa était situé dans le secteur tertiaire ont presque tous franchi le cap du cours primaire et une marge acceptable a aussi atteint l'université.

Graphique III travail. Répartition des enquêtés selon les délits commis et leur caractéristique d'état

N'ayant pas

appris

De métier

4

1

3

9

Exerçant leur

métier

9

2

5

7

N'exerçant pas

leur métier

9

2

3

4

Vol à main armée

Braquage

Homicide

Kidnapping

Autres

0

23

Source : Etude des violences urbaines à la prison civile de Lomé, KAROUE, juillet 2011.

Le graphique révèle que les détenus n'exerçant pas leurs métiers avaient moins commis de délits (18) que ceux exerçant leur métier (23) ils représentent successivement 31.1% et 39.7% de l'échantillon. Ceux par contre qui n'avaient pas appris de métier occupaient une proportion de 29.3%. En tout, la majorité des prisonnier n'avait appris aucun métier ou l'avaient appris mais ne l'exerçaient pas.

CHAPITRE QUATRIEME : INTERPRETATION DES RESULTATS ET SUGGESTIONS

IV.1.INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS.

IV.1.1.les données quantitatives

IV.1.1.1. Crise de la famille et des modèles de socialisation

La déchéance humaine sur un plan individuel révèle une autre plus étendue que ce soit sur le plan familial ou dans la société globale. C'est une première lecture que l'on peut faire en se trouvant en face de certains comportements déviants comme les manifestations de violence urbaine. Notre démarche explicative prend donc en compte les processus par lesquels les individus étaient, dès leur bas âges, censés adhérer à certaines normes et de là se faire des personnalités acceptées par la société dans son ensemble. Toutes les institutions sociales d'inculcation de valeurs se voient alors mises en cause face aux situations de violences des jeunes par exemple.

En premier lieu, la famille - si elle est considérée comme la première cellule sociale de tout individu - est sans aucun doute la terre qui doit nourrir et faire fleurir l'homme en développement ; un développement qui sera à l'image du soin qui y a été consacré. Les premiers pas de tout individu devant être accompagnés d'une socialisation primaire caractérisée par l'inculcation des premières attitudes sociales. Un deuxième niveau de socialisation dit « secondaire » prenant en compte la famille, les groupes de pairs et la société globale est plus déterminant encore par rapport aux schèmes comportementaux de l'individu. En effet, les représentations que ce dernier a de la société et de ses institutions sont dans une grande mesure déterminées par cette socialisation secondaire. L'absence ou la présence dysfonctionnelle ou pathologique de la famille ou de la société à l'une de ces deux étapes de la vie est source de désappropriation des valeurs sociales incontournables ; conduisant irréfutablement à une déviance anomique. Cette socialisation secondaire se réalise de manière particulièrement forte dans l'expérience de la scolarisation. Un individu qui n'aurait pas eu la chance d'être mis à l'école par ses parents, se retrouverait avec beaucoup de lacunes au moment d'affronter la vie, et aurait beaucoup de difficultés à le faire sereinement surtout dans un contexte urbain soumis au modernisme ; puisque, « l'école prépare les étudiants à faire, en faisant ce qu'il faut faire pour se faire » (Bourdieu et Passeron, 1998 : 84). Nous pouvons donc nous référer à ces deux institutions sociales et leur fonctionnement pour expliquer, dans une large mesure, les comportements d'un individu.

Ainsi donc, les chiffres dévoilés par l'enquête réalisée à la prison civile de Lomé sont d'une importance indéniable puisqu'ils nous éclairent sur le phénomène des violences urbaines de façon objective. La propension des détenus à être moins instruits est une preuve tangible de la défaillance de la famille par rapport à la scolarisation des enfants alors que ce devrait être une de ses priorités. Selon le Tableau IV (cf. p.51) plus de la moitié (55% de l'échantillon) des détenus de la prison de Lomé n'avaient pas atteint le secondaire et 19% n'avaient même pas été scolarisés. Si ceux qui ont pu passer le cap du secondaire représentent seulement 12% des détenus, on peut en déduire que le fait d'avoir accès à l'école jusqu'au lycée et plus encore à l'université est un atout qui règlemente le comportement individuel. Il devient évident, par ces chiffres, que la majorité de ces malfrats étaient des individus n'ayant pas atteint un haut niveau d'étude ; des situations gérées dans une certaine mesure par l'école en complicité avec les parents. De surcroît, l'analyse du tableau XXX révèle des chiffres qui montrent qu'en fait, la présence des parents n'a pas suffit aux détenus pour acquérir les valeurs sociales puisque: 37.9% des détenus ont pu passer plus de 11 années en famille, 51.7% ont pu passer entre 5 et 10 ans en famille et seulement 1.7% n'ont eu qu'au plus 5ans à passer avec leurs parents. Il apparaît ainsi que, même au sein de la famille les valeurs sociales ne sont acquises qu'au bout de nombreuses années (un enfant qui sort de sa famille à 11 ans est encore à la merci de beaucoup d'influences extérieures) et qu'une personnalité ne se forme que vers l'âge de 19ans. Il apparait également qu'une grande partie des parents méconnait les valeurs sociales à inculquer aux enfants ou tout au moins la manière de le faire de façon efficace et réussie.

Soixante sept virgule deux pour cent de nos enquêtés ont quitté leurs familles pour la capitale, soumise à l'évolution et aux modèles nouveaux de socialisation dictés par l'économie libérale et dont le fruit est l'individualisme et la recherche effrénée d'intérêt personnel. Le « vivre ensemble » connu dans les sociétés rurales n'est plus de mise. Le migrant doit pouvoir se sortir d'affaire dans une société qui est toute serrée  et gérée par des valeurs toutes nouvelles. Le développement de la violence serait donc la preuve que quelque chose du côté de la fonction symbolique vacille. On ira donc chercher, dans les mutations sociales, dans l'évolution des valeurs et des modèles identificatoires proposés, dans les processus de socialisation des jeunes, dans le fonctionnement des institutions, dans l'évolution du rôle du père, dans les pratiques des professionnels, ce qui peut contribuer à  la fragilisation de la fonction symbolique du lien social. On dirait donc que « La violence témoigne autant d'une crise sociétale, dans le sens qu'elle touche aux raisons d'être ensembles, que d'une crise sociale, car elle résulte d'évolutions dans nos manières de vivre ensemble » (Lebailly, 2002 :46).

En somme, la masse urbaine est touchée de plein fouet par des modèles nouveaux, qui deviennent souvent vecteurs de violence, auxquels seules les valeurs morales acquises par la socialisation d'abord familiale et ensuite des groupes de pairs, permettent de résister. On comprend la prédisposition des jeunes, ayant quitté leurs parents pour Lomé, aux violences urbaines par rapport à ceux ayant leurs familles à Lomé. En effet, ces derniers ont eu la chance de connaître pour longtemps le contrôle et le suivi des parents et ont, dans une certaine mesure, une conscience éveillée par rapport aux défis et aux règles du « vivre ensemble » citadin.

Pourtant, ils sont, en réalité, tous soumis aux nouvelles valeurs découlant de l'idéologie libérale que sont : la survalorisation de la liberté individuelle et de la marchandise. Ce sont ces valeurs qui, selon Lebailly « invitent les jeunes à jouir par tous les moyens, à jouir sans limites et conduit donc au passage à l'acte.» (Id : 53). Les 32.5% d'inculpés ayant leur famille à Lomé révèlent une réelle fragilisation de l'éducation familiale au profit des idéologies contemporaines destructrices du lien social et vectrices de maux sociaux tels que les violences urbaines. Or, seule la famille-en assumant toutes ses responsabilités telles que la scolarisation et l'éducation aux valeurs morales- est en mesure de permettre l'éveil des consciences aux valeurs telles que l'honnêteté, le travail, le vivre ensemble, le respect de soi et des autres, etc. Force est donc de reconnaître la grande faillibilité du modèle identificatoire proposé par l'idéologie libérale tendant à faires de nos sociétés des jungles ou seul l'intérêt personnel compte et est recherché à tous les prix ; situations que les familles, seules, peuvent corriger en revenant à une inculcation personnelle des valeurs morales. Notre étude montre combien ces valeurs sont fragilisées par le modèle identificatoire néolibéral d'actualité. Ce modèle n'offre pas de perspective accessibles et surtout positives pour les jeunes des cités reléguées et fragilise l'autorité des professionnels. (Ibid. : 53).

IV.1.1.2. Paupérisation des quartiers et difficultés d'intégration des jeunes

La prospection des quartiers de la ville de Lomé révèle des espaces qui évoluent en marge de la vie de l'ensemble de la capitale ou tout au moins ayant un cours de vie différent de celui de la majorité des citadins. Il existe en effet, dans toute la ville, des enclos dominés par la pauvreté et la relégation: les banlieues encore dites bidonvilles. Il est difficile de trouver, dans Lomé, des quartiers qui soient totalement exempts de ces lieux de refuge des jeunes marginalisés s'arrangeant pour affronter les crises du moment. Ils sont cependant beaucoup plus fréquents et importants à la périphérie de la ville. Les individus détenus à la prison civile de Lomé à cause des vols à main armé, des braquages et des homicides viennent en majorité de ces quartiers périphériques. 22.4% de notre échantillon venaient des traditionnels quartiers abritant les bidonvilles  de la ville et 77.6% venaient des quartiers nouveaux tels que Avédji, Agoè, etc. Ceci montre qu'il existe, dans les bidonvilles en dehors du centre de la ville de Lomé, des foyers émergents de violences qu'il faudrait réguler ; la propension à la violence dans ces quartiers se faisant de plus en plus récurrente. L'émergence de ces foyers de violence est un signe de la paupérisation des quartiers de banlieue, un phénomène qui évolue synchroniquement avec l'élargissement de la ville.

La raison est toute simple ; les néo citadins n'ayant pas la chance de s'introduire dans les centres-villes saturés, se trouvent un espace à la périphérie où ils peuvent néanmoins affirmer leur citadinité grâce aux va-et-vient qu'ils effectuent entre le centre et la périphérie. Dans cet espace, ils retrouvent d'autres individus, qui partagent la même situation de pauvreté et de marginalisation, avec qui ils s'associent en groupes ou fraternités. On peut dès lors facilement se rendre compte du danger inhérent à l'extension de la ville si des mesures accompagnatrices ne sont pas prises afin que les quartiers naissants à la périphérie soient munis de certaines infrastructures culturelles, de formation et de santé ; Ces infrastructures pourraient rééquilibrer, un tant soi peu, le paysage de pauvreté par lequel ils sont généralement marqués. C'est ainsi que le sentiment d'inégalité dans la répartition des biens de la nation pourrait être diminué dans l'esprit des habitants de ces quartiers. A proprement dire, le sentiment de pauvreté conduit plus à la violence que la pauvreté en elle-même. C'est dans cette optique qu'il urge pour les autorités de prendre des mesures non pas pour faire un monde égalitaire - cela est impossible- mais pour réduire un tant soi peu l'esprit d'inégalité dans les populations des bidonvilles.

En effet, la majorité des prisonniers avait appris un métier, mais, dans une grande proportion, (31.6%), ils ne l'exerçaient pas. La raison, qui revient sans cesse,  est le manque de moyens pour se procurer le matériel nécessaire à l'ouverture d'un atelier. Les 29.3% de notre échantillon n'avaient appris aucun métier et n'avaient pas non plus de qualification. Ces jeunes sans métier ou sans qualification, s'investissaient dans des secteurs où ils étaient sûrs de gagner de l'argent brut rapidement. La recherche effrénée et rapide du gain étant l'idéal du modèle libéral de la ville, c'est sur lui qu'ils ont construit leur mode de pensée. Or, ils ne peuvent compter sur aucun secours extérieur qui puisse les aider à corriger cette manière d'appréhender la vie citadine étant donné l'absence de communauté de liens sociaux fort. Ils n'ont l'impression de ne pouvoir retrouver ces liens que dans les groupes d'amis, et rarement dans les « amicales »21(*) auxquelles les jeunes ne s'intéressent que très peu si on compare leur effectif dans ces association à leur effectif dans la ville de Lomé

Dès lors, abandonnant le métier appris, ils s'investissent dans les activités informelles ou le commerce ; champs sur lesquels ils rencontrent des groupes de malfrats déguisés et découvrent les « valeurs délinquantes». Parmi les prisonniers questionnés, en effet, 41.4% s'étaient convertis en commerçant et 13.8% faisaient du business au Port Autonome de Lomé. C'est un signal fort de manque de cadre pouvant accueillir les jeunes en détresse ; cela montre aussi la difficulté d'intégration de ces derniers dans les secteurs plus porteurs que ceux qu'ils connaissent et qui n'arrivent pas à couvrir leurs besoins.

De surcroit le statut de père ou mère de famille, accentue, par ricochet, l'état de pauvreté de l'individu puisqu'il doit subvenir à ses propres besoins mais aussi à ceux de son conjoint et de ses enfants. 74.1% des prisonniers de notre échantillon étaient des parents de famille. Pour pouvoir survivre, ils étaient contraints de compléter leurs ressources par une économie informelle voire illégale. Même ceux qui exerçaient leur métier se voyaient obligés, dans une certaine mesure, de chercher des voies pour résorber la pauvreté plus que jamais présente dans leur foyer. Des chiffres inquiètent : En classant nos enquêtés par rapport au revenu mensuel, nous nous sommes rendu compte qu'une bonne partie (48.3%) gagnait 20 à 50 000 par mois, 24.1% gagnaient de 10 à 20 000 par mois, 8.6% gagnaient 50 000 à 100 000 et 19% gagnaient plus de 100 000 par mois ; des revenus loin de couvrir les charges d'une famille d'au moins 3 personnes.

Ces dernières années, la paupérisation des quartiers de notre capitale s'est généralisée : les violences urbaines ne sont pas seulement perpétrées par les jeunes des banlieues de Bè, Hanoukopé, Ablogamé, Nyékonakpoè et de Kodjoviakopé comme on a l'habitude de le penser et de le dire, mais aussi et surtout dans les quartiers périphériques. On peut de ce fait craindre la multiplication d'autres foyers de violence, dû au manque d'opportunité d'intégration des jeunes dans ces quartiers. Ces parties de la ville sont, en effet, souvent vides de projets sociaux visant exclusivement l'épanouissement des jeunes. Ainsi, 39.7% de nos enquêtés ont été menés à la violence à cause de la pauvreté et du manque d'intégration sociale (les 26.7% qui évoquent le paramètre des amis reconnaissant aussi avoir commis ces actes à cause de leur pauvreté). Roché, confirmant cette interprétation, disait ceci : « La nouvelle délinquance correspond bien au tableau de l'inadaptation, les délits sont commis par des hommes qui ne sont plus intégrés dans les cadres sociaux et professionnels cohérents. Le délinquant est devenu un être coupé de la communauté, il est l'autre, le différent. » (Roché, 1998 : 28)

En effet, il nous semble que nous pouvons faire un rapprochement entre les résultats de notre étude et ceux auxquels Pedrazzini a abouti dans ses enquêtes dans les régions de l'Afrique subsahariennes. Celui ci disait : « la violence affecte surtout les habitants des quartiers pauvres, ce sont cependant les pauvres qui en sont généralement considérés comme les producteurs...... » (Pedrazzini, 2005 : 25) Il continuait en ces termes : « les gens pauvres -qui ne sont pas de pauvres gens- sont désignés comme des êtres malfaisants qui menacent la société, et le sont une fois pour toutes. C'est ainsi que de la pauvreté urbaine contemporaine naissent les nouvelles classes dangereuses, dont le gang est la figure emblématiques. » (Id : 35). Ces affirmations rejoignent très fortement les réalités auxquelles nous avons pu accéder. Les gangs dits « emblèmes des nouvelles classes dangereuses » des métropoles commencent aussi par se profiler à l'horizon. Une bonne partie de nos enquêtés faisait leur opérations en bandes organisée et les dépouillements du questionnaire révèlent que 22.4% de nos enquêtés ont opéré en groupe de plus de deux personnes. Nous pouvons craindre le pire si rien n'est fait pour freiner la multiplication de ces sortes de gangs alors que la ville de Lomé atteint chaque jour un niveau d'urbanisation plus conséquent ; urbanisation accompagnée d'une croissance démographique et d'une extension géographique considérables.

Au terme de nos analyses, nous sommes arrivés à ressortir un cercle de causalité des violences urbaines dans la ville de Lomé dont voici la schématisation ci-dessous.

Individu Y du village non ou peu instruit

Individu X de la ville non ou peu

Instruit

IV.1.1.3. Cercle de causalité des violences urbaines (vol à main armée, braquage, kidnapping, homicide, cambriolage) dans la ville de Lomé

Délit évité Exode rural

Ville : Culture urbaine/ modèle identificatoire libérale

Culture urbaine déjà acquise

Absence de qualification

Valeurs DELIT modèle identificatoire libérale

Etat d'ébriété

Morales

Religion

Opportunité délictueuse

Non maîtrise de soi pauvreté / compagnies obscènes pauvreté

Manque de moyens / démission familiale à un âge adulte du jeune.

Difficulté d'intégration

Famille/ croissance de besoins/ limite de moyens

Habitation de quartiers populaires et recherche de chaîne de sociabilité

Pression des parents ou

Fin d'apprentissage/ comparaison revenu- besoins vitaux/ abandon du métier au profit du commerce ou du business

Proche-parents

Apprentissage de métier

Oisiveté et liberté

Culture délinquante Adhésion aux gangs

Simulations de métiers

Ce cercle fait une comparaison explicative des lignes de vie de deux individus, au début différent mais qui se rejoignent à un niveau où elles se confondent à cause de la force des conditions poussant à commettre des délits.

Nous avons d'abord un individu Y né dans un village et n'ayant pas dépassé le cap du primaire (36.2% des cas) ou du secondaire (32.8% des cas) dans ses études et qui se voit à un certain âge, obligé de faire le déplacement vers la capitale, Lomé, en quête d'une vie meilleure. Sans qualification, il y arrive avec comme seule richesse- cela dépend des cas !- la force physique et la volonté. Une fois à Lomé, il se loge dans un quartier où le loyer n'est pas trop cher ou bien loge avec un frère ou proche-parent. Une fois dans la ville, il s'aperçoit, d'une part, à quel point la vie est difficile surtout avec l'individualisme accru ; d'autre part, à quel point on pourrait la rendre belle- et c'est l'idéal- si on avait l'argent. Il acquiert du coup les valeurs économique de la ville et commence par vivre en fonction d'elles. Etant venu sans beaucoup d'argent, il s'investit dans un secteur d'activité qui ne lui demandera pas trop de moyens, comme l'apprentissage dans les domaines de la mécanique, soudure, maçonnerie, etc. - et ceci quand ce dernier a un peu de volonté. Un autre individu, dans le même cas, aurait plutôt choisi la facilité et se serait joint à des jeunes feignant vendre de petits effets et consort, faisant, en fait, partie de réseaux dominés par l'appât du gain rapide. Tout compte fait, les deux individus, apprentis ou pas, n'échappent pas aux valeurs urbaines basée sur l'économie libérale axée, elle-même, sur l'individualisme. Le manque de « vivre ensemble » est très spectaculaire mais ils s'y font rapidement et adoptent ce qui peut les sauver de la souffrance plutôt que ce qui entretien leurs valeurs lointaines qui ne sont plus d'  « actualité ». Tous les besoins tant matériels que financiers qu'impose la culture urbaine, le stress quotidien dû au statut de pauvre, la famille à nourrir, la nécessité de répondre à la violence de l'urbanisation et de la banlieue ; autant de raisons affaiblissant considérablement la résistance de ces jeunes en face d'opportunités, quelles qu'elles soient, pouvant offrir un revenu conséquent. La seule condition qui peut leur permettre d'éviter un acte délictueux est le modèle social auquel ils s'identifient et au sein duquel ils trouvent leurs principes de vie : Les valeurs morales longtemps inculquée par ses parents, les pairs ou la religion - ne pas voler, ne pas tuer par exemple.

Cependant, en l'absence de ces valeurs humaines reléguées par la culture contemporaine, ces situations conduiront bon nombre de ces jeunes à abandonner les métiers qu'ils ont appris au profit des activités dites « de gain direct » comme le commerce et le  « business », ainsi qu'ils l'appellent dans leur jargon (il s'agit, en fait, de travaux flous au port et au grand marché). Influencés par l'ambiance et par les personnes qu'ils rencontrent dans ce milieu, ces jeunes s'enrôlent progressivement dans les gangs ou, simplement, abandonnent un gain honnête au profit d'un gain malhonnête et criminel. L'individu X de la ville rejoint lui aussi le cercle en situation de crise au moment où il doit faire le même choix: apprendre un métier ou se débrouiller dans des activités « de gain direct ». Selon qu'il a une famille à charge et qu'il a été un peu instruit, il aura tendance à pencher pour la seconde possibilité. De même s'il est laissé à lui-même  et élevé de manière trop libre, passant tout son temps en compagnie de jeunes de son quartier-bidonville d'origine ; c'est le cas des jeunes ayant vécu dans les anciens quartiers comme Nyékonakpoè, Hanoukopé, Bè, Ablogamé etc. C'est ainsi que naissent et prennent forme les violences urbaines dans la ville de Lomé ; violences qui sont pour eux un moyen de réduire la distance entre l'appartenance au quartier pauvre et la détention de richesse.

IV.1.2. Données qualitatives

Pour aller au-delà des mathématiques qui, certes, demeurent un outil indispensable à l'estimation et la catégorisation des enquêtés concernés par telle ou telle variables, il nous a fallu aborder une méthode plus empirique. On sait que les conclusions tirées à partir des seuls indicateurs quantitatifs restent toujours soumises à de nombreux aléas, c'est ainsi que les données qualitatives se sont révélées importantes, voire indispensables, dans notre étude. Elles étaient essentiellement fournies par nos entretiens avec les prisonniers, les juges, les commissaires et policiers, ainsi que certains opérateurs économiques. Une grande partie des informations reçues ne concernaient pas notre champ d'étude à proprement parler mais nous ont aidés à mieux scruter d'autres aspects du phénomène.

Les premières données qualitatives concernaient les conditions de libération de certains incarcérés : plusieurs détenus libérés  étaient loin d'abandonner leurs opérations même si  leurs compagnons demeuraient toujours retenus en prison. D'ici se pose la question du suivi et des conditions de réinsertion des ex-incarcérés pour éviter les éternel réincarcérations de mêmes individus.

Dans les entretiens avec les commissaires, il nous a été donné de constater que les jeunes délinquants ne viennent plus seulement de certains quartiers comme avant mais ont tendance à venir de l'ensemble de la ville de Lomé. D'autre part, l'implication des Nigérians dans les affaires de grande criminalité devient récurrente et l'on peut, de ce fait, s'interroger : cette violence urbaine bien connue dans les métropoles comme Abuja ne serait-elle pas susceptible de contaminer les jeunes de la ville de Lomé par ces Nigérians qui de plus en plus jouent les capitaines par rapport aux jeunes togolais délinquants ?

Pour les commerçants, les braquages répétés, les vols à mains armées sont un véritable casse-tête. Certaines femmes du grand marché déclaraient avoir perdu plus d'une fois leurs marchandises dans ces conditions. Elles se sentaient dès lors obligées de payer des jeunes pour leur sécurité et celle de leurs effets.

Ces données sont les plus importantes. Les autres touchaient des aspects beaucoup plus secondaires et n'apportaient pas grand-chose à la compréhension profonde du phénomène.

SUGGESTIONS

Pour réduire à plus ou moins longue échéance les violences urbaines de la ville de Lomé, nous proposons de:

1. Mettre sur pied, à long terme, des centres culturels locaux pour permettre aux jeunes de mieux s'épanouir dans leur région et de ne pas avoir toujours les yeux tournés vers la capitale. On peut aussi promouvoir, à cours terme, dans les régions rurales et les banlieues, des comités de jeunes chargés d'organiser des activités culturelle et même lucrative pour l'épanouissement de ces derniers. Il faut aussi rendre le processus de décentralisation effectif afin que les fonctions administratives et symboliques  des villes de provinces et des banlieues soient remises en lumière.

2. Réhabiliter et renforcer l'éducation civique à l'école primaire. Il faudrait notamment réaxer les cours par rapport à la vie réelle afin que dès le bas âge les enfants puissent se structurer et mesurer la gravité et le danger de certains actes pouvant détruire toute leur vie. Ceci peut concrètement être fait en revoyant les modules à développer à tous les niveaux de l'enseignement, pour former non seulement des intellectuels mais aussi des citoyens imbus des valeurs éthiques, citoyennes et morales.

3. Planifier des campagnes de formation à la vie parentale afin que ces derniers sachent ce que c'est qu'être géniteur ou tuteur d'un individu. Il faudrait aussi leur montrer comment éduquer leur enfant et quelles valeurs sont indispensables dans la socialisation d'un individu.

4.Mettre sur pied un cadre d'insertion des jeunes en fin d'apprentissage ou un fond devant leur permettre d'avoir leurs propres ateliers et de pouvoir jouir de leur travail.

5.Construire des logements sociaux (HLM) dans des quartiers centraux de la ville pouvant accueillir les jeunes migrants afin de faciliter leur intégration à la vie active urbaine par la réduction des coûts de loyer et de transport ainsi que par une formation morale et sociale de compensation, avec des modules comme le droit, l'éducation civique et morale, etc.

6. Initier un programme de suivi et de soutien aux enfants des incarcérés. Les incarcérés ayant des enfants font plus de 75% de notre échantillon et plus des ¾ ont plus de 2 enfants. Si on se permettait de généraliser ces données aux 1853 détenus, on s'apercevra que c'est plus de 1200 enfant qui se retrouvent sans père ou même privés de leurs deux parents. Cette situation est semblable à celle d'un enfant orphelin surtout si le parent est condamné à perpétuité. Ce programme pourrait:

· Prendre en compte la scolarisation des enfants quand les enquêtes confirment le manque de soutien à ces derniers.

· Permettre aux enfants de visiter leurs parents à la prison dans un cadre non-traumatisant. (bus pour le déplacement ou fond de soutien aux déplacements)

7. Encourager l'adhésion des jeunes migrants aux amicales de ressortissants pour permettre leur intégration rapide avec un suivi gouvernemental pouvant servir à réglementer les idéologies qui y sont développées. L'Etat pourrait aussi accorder des subventions à ces amicales pour des activités culturelles et éducatives dans la ville et dans leurs régions d'origine pour que les jeunes soient attirés et intégrés. Toutefois, l'adhésion à ces amicales devant prendre en compte les facteurs temps et espaces doivent être modernisées. Si un des facteurs explicatifs fondamentaux des violences urbaines est la perte des valeurs de collectivité et du « vivre ensemble » communautaire, il n'ya pas de doute quant aux richesses que peuvent faire naître les amicales et aux problèmes auxquels elles peuvent répondre.

8. Revaloriser le SMIG, l'augmenter si possible et surtout suivre son application par les employeurs.

9. Valoriser les chefs de quartiers et mettre sur pied des délégués de jeunes pour chaque quartier. Ceci permettrait d'augmenter un peu l'intégration des jeunes et le contrôle social des uns envers les autres guidé par les lois collectives.

CONCLUSION

Au terme de cette étude sur les violences urbaines dans la ville de Lomé, il convient d'en rappeler brièvement l'enjeu et le mode de réalisation.

En effet, l'objectif central de la recherche était de pouvoir donner une explication sociale des violences urbaines dans la ville de Lomé. Le questionnaire soumis aux prisonniers auteurs des actes que nous avons choisis d'étudier nous a permis de recueillir des informations sur leur histoire personnelle et leur conditions sociales pré -détention. Nous avons ainsi pu établir des lignes explicatives à partir des hypothèses que nous avions émises. Les entretiens avec les commissaires, les juges d'instruction et le régisseur, les recherches documentaires nous ont, en plus, permis de cerner les stratégies élaborées au niveau de ces institutions chargées de faire respecter la loi et de veiller à ce que la sécurité et la justice règnent dans les populations. Elles nous ont aussi permis de lire l'évolution du phénomène à l'aide des procès verbaux archivés au fil des années.

Nous avons ainsi étudié les violences urbaines avec l'hypothèse centrale selon laquelle la source de ce phénomène serait la fragilisation des normes sociales induite par le modernisme et encouragée par l'inefficacité ou l'absence des institutions chargées du contrôle social de la population juvénile. Pour cela, il nous a fallu, en nous référant à la théorie du contrôle social, répondre aux questions de recherche suivantes :

· Les délits des criminels ne seraient-ils pas causés en amont par la défaillance de l'éducation familiale et de la scolarisation?

· La précarité de la vie et le stress quotidien ne seraient-ils pas des facteurs potentiels de violence urbaine?

· Quels peuvent être les impacts de la non-intégration d'un néo citadin dans la ville de Lomé ?

En effet, par cette étude, nous pouvons désormais répondre à ces trois questions, dans une certaine mesure, par l'affirmative ; confirmant ainsi nos hypothèses.

En effet, concernant la défaillance de l'éducation familiale, il s'est avéré que nos enquêtés ayant seulement fait le primaire occupent la plus grande proportion de notre échantillon soit 36.2%. Alors que 51% des enquêtés de notre échantillon ont vécu entre 5 et 10 ans en famille et aurait donc dû être scolarisé au niveau de l'école primaire. Le premier niveau de défaillance est donc la négligence des familles qui ne portent pas assez d'attention à la scolarisation des enfants. Les résultats confirment, par ailleurs, une baisse du niveau de l'enseignement. Seulement 8.6% des enquêtés étaient issus de familles stables du point de vue de la présence active des parents et 3.4% de l'échantillon reconnaissaient avoir eu trop de liberté dans leur jeune âge. A ces cas s'ajoutent tous les autres enquêtés qui étaient soit orphelins, abandonnés par le papa ou la maman les laissant avec un conjoint. Des fois, ils sont même abandonnés par les deux parents. C'est bien là que commence les violences urbaines, quand on n'a pas été éduqué comme il se doit aux valeurs morales indispensables pour pouvoir résister aux attraits trompeurs des villes. L'importance de la famille dans l'explication des violences urbaines devient, dès lors, irrécusable. D'autre part, il serait important que l'éducation scolaire devienne une éducation à la vie puisqu'il y a une marge non-négligeable d'individus ayant fréquenté mais n'étant pas dépouillés d'actes violents

La seconde hypothèse aussi s'est vue confirmée avec un bémol dû au paysage urbain de Lomé. Il est en effet, assez difficile de percevoir avec exactitude les contours de la ségrégation spatiale dans une ville aussi étendue et complexe que Lomé, notamment en raison de la partielle généralisation de la pauvreté pouvant rendre possible l'organisation d'un gang dans n'importe quel quartier de la capitale. Cependant, une grande partie de nos enquêtés (plus de 80%) (Conf. Tableau VIII) venaient des quartiers de banlieue. La plupart d'entre eux (31 %) ne pouvait pas exercer le métier qu'ils avaient appris - une bonne proportion (29.3%) n'ayant d'ailleurs aucune qualification - . Beaucoup d'entre eux (plus de 55%) gagnaient un salaire insuffisant à couvrir leurs propres besoins ainsi que dans de nombreux cas (60%), ceux de leur famille. Nous pouvons donc retenir que la précarité et le stress quotidien pour trouver des moyens de subsistance, souvent incertains et fragiles, sont des facteurs importants de violences urbaines ; et que ces facteurs se retrouvent, dans une importante proportion, dans les quartiers de banlieue.

A priori, le chômage était un facteur explicatif des violences urbaines. Cependant, si le chômage implique une qualification en attente d'emploi, l'analyse nous permet d'affirmer que, dans la ville de Lomé, les violences urbaines restent relativement non-associables- au chômage puisque plus de 95% des détenus n'ont pas atteint le lycée, et n'ont donc pas de qualification professionnelle.

La question de la non-intégration des néo citadins comme facteur de violences urbaines s'est faite très explicite à partir des résultats obtenus. La proportion des détenus ayant quitté leur village sans qualification à la recherche de l'emploi est, en effet, déterminante. 86.2% des enquêtés étaient dans ce cas. Nos questions nous ont permis, par ailleurs, de découvrir que malgré l'apprentissage d'un métier, bon nombre de ces détenus (70.7%) étaient néanmoins victimes des assauts de leurs pairs délinquants organisés. Des questions plus étendues ont permis de s'apercevoir que ces groupes étaient les premiers à les accueillir. Certains, sous la pression des proches parents, ont cependant pu commencer un apprentissage; cela ne les pas empêché pour autant de conserver ces mauvaises compagnies. La plupart de nos enquêtés n'arrive donc pas à s'intégrer, ni au niveau du travail, ni au niveau de la mentalité citadine (en résistant aux aspects trompeurs qui y sont présents)...déracinés à tous les niveaux, marginalisés par les autres citadins, ils sont donc plus vulnérables aux mauvaises influences qu'ils ne manqueront pas de trouver sur leur chemin. De plus, le rejet et la marginalisation vont les pousser à se retrouver entre eux, créant ainsi des foyers potentiels de violences urbaines.

En sommes, cette recherche nous a permis d'appréhender les causes des violences urbaines dans la ville de Lomé et de porter sur elles un jugement sociologique. Ainsi, en joignant les parcours et les conditions sociales des détenus, nous avons pu construire un cercle de causalité des violences urbaines dans la ville de Lomé. Ce cercle permet de comprendre la genèse, les causes fondamentales et concrètes des délits commis par les jeunes en passant du contexte familial à la vie personnelle. En prenant acte des défaillances relevées à tous les niveaux de ce cercle, il nous revient de faire des propositions en vue d'éviter dans un futur proche ou lointain, la perpétration, du moins régulière, des actes de violence urbaine dans notre capitale.

Il conviendrait donc de s'interroger sur : la réinsertion des prisonniers, le suivit des membres de leurs famille respectives et des relations sociales entretenues par les forces armées avec les civils dans les recherches futur. Etant donné que celles-ci ont une place prépondérante dans la gestion des problèmes de sécurité dans nos sociétés actuelles.

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14. Gervais-Lambony, P., De Lomé à Harare : le fait citadin, Paris, KARTHALA, 1994.

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REFERENCES ELECTRONIQUES

1. Durkheim, É., Les règles de la méthode sociologique, Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca

Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web:

2. Jacky B. et Mirjam De Bruijn, «Violences structurelles et violences systémiques. La violence ordinaire des rapports sociaux en Afrique», Le bulletin de l'APAD, n° 27-28, Violences sociales et exclusions. Le développement social de l'Afrique en question, [En

3.Nicolas C., « Les criminels des universitaires », Champ pénal, nouvelle revue internationale de criminologie, Vol. III | 2006.., Consulté le 13 juillet 2010. URL : http://champpenal.revues.org/528

ligne], mis en ligne le : 20 juin 2008. URL : http://apad.revues.org/document3673.html. Consulté le 6 juillet 2010

http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

4. « http://fr.wikipedia.org/wiki/Violences_urbaines »

LISTE DES TABLEAUX

Tableau I : Répartition des enquêtés par sexe

Tableau II : Répartition des enquêtés par la situation matrimoniale

Tableau III : Répartition des enquêtés par âge

Tableau IV : Répartition des enquêtés par le niveau d'instruction

Tableau V : Répartition des enquêté par le métier appris

Tableau VI : Répartition des enquêtés selon l'exercice du métier appris

Tableau VII : Répartition des enquêtés par activité exercée

Tableau VIII : Répartition des enquêtés par quartier de provenance

Tableau IX : Répartition des enquêtés selon la nationalité

Tableau X : Répartition des enquêtés selon le revenu mensuel

Tableau XI : Répartition des enquêtés selon le temps déjà passé en prison

Tableau XII : Répartition des enquêtés selon la durée de vie à Lomé

Tableau XIII : Répartition des enquêtés selon leur condition de vie à Lomé

Tableau XIV : Répartition des enquêtés selon la durée de vie en famille

Tableau XV : Répartition des enquêtés selon la raison de l'exode vers Lomé

Tableau XVI : Répartition des enquêtés selon la profession des parents

Tableau XVII : Répartition des enquêtés selon le lieu de résidence des parents

Tableau XVIII : Répartition des enquêtés selon la cohabitation ou non avec les parents avant l'échéance

Tableau XIX : Répartition des enquêtés selon le cadre de vie à Lomé

Tableau XX : Répartition des enquêtés selon les conditions familiales dans lesquels ils

ont vécu dès l'enfance

Tableau XXI : Répartition des enquêtés selon le responsable de la charge de leurs

Besoins

Tableau XXII : Répartition des enquêtés selon les délits commis

Tableau XXIII : Répartition des enquêtés selon leur jugement sur l'accusation qui leur sont porté

Tableau XXIV : Répartition des enquêtés selon les conditions dans lesquels ont été commis les délits

Tableau XXV : Répartition des enquêtés selon le nombre d'opérants

Tableau XXVI : Répartition des enquêtés selon l'usage ou non d'arme

Tableau XXVII : Répartition des enquêtés selon la cause de leur acte

Tableau XXVIII : Répartition des enquêtés selon le type d'arme utilisé

Tableau XXIX : Répartition des enquêtés selon la condition d'acquisition de l'arme

LISTE DES GRAPHIQUES

Graphique I: Répartition des enquêtés selon le quartier de provenance et le délit commis

Graphique II : Répartition des enquêtés selon le niveau d'instruction et la profession du papa.

Graphique III : Répartition des enquêtés selon les délits et les conditions de travail

ANNEXES

Annexe 1 : Outils de recherche

ETUDE DES VIOLENCES URBAINES A LOME

Monsieur, madame, nous venons vers vous dans le cadre d'une enquête scientifique visant à déceler l'ampleur des violences physiques (vols à main armée, braquages, séquestrations, cambriolages...etc.) dans la ville de Lomé et les raisons qui leurs sont liées. A cet effet, nous avons besoins de vos réponses franches et sincères qui sont d'une grande importance pour la réussite de cette enquête. Toutefois, nous vous assurons que l'anonymat de vos réponses sera respecté car elles ne serviront qu'à des fins scientifiques et c'est la raison même pour laquelle nous ne demandons pas votre nom et votre adresse.

Ainsi donc, pour éviter les ratures, veuillez bien lire toutes les variables des réponses proposées avant d'en choisir une. Vous allez alors encadrer le numéro de la réponse que vous penser correspondre à ce que vous faites, ce que vous pensez ou ce que vous voyez.

Nous vous remercions pour votre disponibilité

SECTION I/ IDENTIFICATION DES ENQUÊTÉS

N°d'ordre

Questions &Filtres

Réponses & codes

Passer à

Q101

Votre Sexe

Masculin...... ......1

Féminin.............2

 

Q102

Quel est votre âge ?

15-25................1

25-35................2

35 et plus............3

 

Q103

Situation matrimoniale

Célibataire..........1

Veuf (Ve)......... ...2

Marié sans enfant.. 3

Marié avec enfant...4

 

Q104

Niveau d'instruction

Non scolarisés.......1

Primaire.............2

Secondaire .........3

Lycée ................4

Université ...........5

 

Q105

Quelle profession exerciez-vous ?

Commerçant........1

Menuisier ...........2

Maçon ...............3

Sans emploi.........4

Autres ...............5

 

Q106

Quel est votre quartier de provenance ?

Nyékonakpoe.......1

Bè.....................2

Hanoukope..........3

Kodjoviakopé.......4

Autres à préciser.....5

 

Q107

De quelle nationalité êtes-vous ?

Togolaise............1

Nigériane............2

Béninoise............3

Autres.................4

 

Q108

A combien s'élevait votre revenu mensuel ?

10 à 20 000...........1

20 à 30 000...........2

35 000 et plus.......3

 

II/ CONTEXTE SOCIAL ET EMPRISONNEMENT

N°d'ordre

Questions & Filtres

Réponses & codes

Passer à

Q201

Depuis combien de d'années vivez-vous à Lomé ?

-1 à 5ans................1

-5ans et plus.............2

-depuis ma naissance.3

 

Q202

Vivez-vous dans votre famille à Lomé ?

Oui........................1

Non........................2

Q204

Q203

Pourquoi y étiez-vous venu ?

-Etudes.......... ..........1

-Travail....................3

 

Q204

Combien de temps avez-vous vécu avec vos parents ?

Orphelin...................1

1à 5ans....................2

5 à 15 ans.................3

15 ans e plus..............4

 

Q205

Quel était la profession de votre papa avant votre emprisonnement ?

Enseignant..................1

Cultivateur..................2

Autres .........................3

 

Q206

Où vivent tes parents ?

Lomé...........................1

Village.....................2

Autres..........................3

 

Q207

Viviez-vous avec vos parents avant l'échéance ?

Oui...............................1

Non..............................2

Q210

Q208

Avec qui viviez-vous alors ?

Seul..............................1

Proche parent..............2

Autres..........................4

 

Q209

Pourquoi ?

........................................

Guide

Q210

Qui avait la charge de vos besoins ?

Parents.......................1

Proche parent.............2

Toi-même ..................3

 

Q211

De quoi êtes-vous accusé ?

Vol à main armée........1

Braquage...................3

Kidnapping...............4

Autres......................5

 

Q212

Est-ce vrai cette accusation ?

Question à ne pas poser mais réponse à sous entendre à l'aide de la question suivante

Oui.............................1

Non............................2

Q219

Q213

Qu'est ce qui vous a poussé à cet acte ?

Amis.......................1

pauvreté..................2

Autres (préciser)........3

 

Q214

Avez-vous opéré seul ?

Oui.............................1

Non............................2

Q216

Q215

Combien alors étiez-vous ?

2 à 5...........................1

5 et plus.................... 2

 

Q216

Avez-vous utilisé une arme ?

Oui......................1

Non.....................2

Q219

Q217

Quel type d'arme ?

Couteau.....................1

fusil.............................2

Autres.........................4

 

Q218

Comment l'avez-vous eu ?

Acheter....................1

Voler.......................2

Autres.........................3

 

Q 219

Depuis combien de temps êtes-vous en prison ?

1 à 12 mois..............1

1 à 2ans...................2

3 et plus.................3

 

GUIDE D'ENTRETIEN POUR LES COMMISSAIRES DE POLICE

Bonjour monsieur. Nous venons vers vous dans le cadre d'une recherche visant à comprendre les raisons fondamentales de violences urbaines à Lomé. Ces violences concernent particulièrement les vols et agressions, les cambriolages, les séquestrations, actes de vandalisme et des outrages à agent de sécurité.vos réponses nous permettront d'arriver à des résultats crédibles et convainquant.

En tant que responsable de DCPJ quelle évaluation faites vous des violences connues dans notre capitale ?(les violences à Lomé augmentent -elles ou au contraire elles tendent à disparaître................................................................................................

Quelles sont les cas les plus fréquents que vous rencontrez ?....................................

Y a-t-il des quartiers stratégiques où il vous arrive d'intervenir régulièrement ?....................................................................................................................

Dans quelle proportion arrivez-vous à démasquer les auteurs ces actes ?....................................................................................................................................

Les données sur les violences que vous conservez sont -elles régulières où certaines peuvent être ignorées ou négligées ?..................................................................

A quelle année remonte le début du stockage des données relatives aux violences urbaines ?................................................................................................

Combien d'interpellations faites-vous en moyenne par semaine dans votre arrondissement ?

Que dites-vous de vos relations avec la population togolaise ?.....................

Avez -vous un plan pour la sécurité de la ville de Lomé ?....................................................

Annexes 2 : Documents administratifs ayant permis l'étude

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE I

DEDICACE II

REMERCIEMENTS III

SIGLES ET ABREVIATIONS IV

INTRODUCTION - 1 -

PREMIERE PARTIE : - 7 -

LES CADRES DE REFERENCE DE L'ETUDE - 7 -

CHAPITRE PREMIER: CADRES THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE - 8 -

II.1. Données géographiques, démographiques et économiques. - 45 -

II.2. Démarche méthodologique et difficultés de la recherche - 46 -

II.2.1. Les techniques d'échantillonnage - 46 -

II.2.3.2. Approches quantitatives - 53 -

DEUXIEME PARTIE : - 60 -

PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES, INTERPRETATION DES RESULTATS - 60 -

CHAPITRE TROISIEME : PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES - 61 -

III.1. IDENTIFICATION DES ENQUÊTÉS. - 61 -

CHAPITRE QUATRIEME : INTERPRETATION DES RESULTATS ET SUGGESTIONS - 81 -

IV.1.INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS. - 81 -

SUGGESTIONS - 93 -

CONCLUSION - 96 -

LISTE DES GRAPHIQUES - 105 -

ANNEXES - 106 -

Annexe 1 : Outils de recherche - 107 -

ETUDE DES VIOLENCES URBAINES A LOME - 108 -

SECTION I/ IDENTIFICATION DES ENQUÊTÉS - 108 -

II/ CONTEXTE SOCIAL ET EMPRISONNEMENT - 109 -

GUIDE D'ENTRETIEN POUR LES COMMISSAIRES DE POLICE - 111 -

Annexes 2 : Documents administratifs ayant permis l'étude - 112 -

TABLE DES MATIERES - 116 -

* 1 Banlieue Est de la ville de Lomé au Togo.

* 2 Entretien avec un incarcéré de la prison civile de Lomé, mai 2011

* 3 Information disponible sur http://www.presidencetogo.com

* 4 Entretien avec une commerçante du grand marché de Lomé.

* 5 Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement, 2004.

* 6 Information disponible sur le www.republoqueoftogo.org, 21-09-2010

* 7 Information disponible sur le www.republoqueoftogo.org, 21-09-2010

* 8 Information disponible sur www.presidencetogo.com, 29-02-2011

* 9 Information disponible sur www.presidencetogo.com, 29-02-2011

* 10 Terme utilisée par l'historienne Elisabeth de Clavery pour désigner la discrétion dans la quelle peuvent se poser des actes de toute forme dans la ville contrairement au village où tout comportement est contrôlé par la communauté.

* 11 . Terme utilisé par les analystes américains pour exprimer l'aspect à la fois mondial (Glob) et local (Local)

* 12 Avant-propos du rapport mondial sur la violence et la santé, (Mandela, N., 2002.)

* 13 Rapport mondial sur la violence et la santé, OMS, 2002.

* 14 Désigne les politiques et les personnalités dont les crimes sont cachés et impunis

* 15 Bulletin de la sécurité africaine, N°7, septembre 2010 :01

* 16 Bruce Baker enseigne la sécurité africaine à Coventry University (Royaume-Uni).

* 17 Direction Générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion

* 18 Prisonniers devant répondre devant la cour d'appel et en attente d'être jugés

* 19 Prisonniers déjà jugés et déclarés coupables des faits reprochés

* 20 Prisonniers dont les enquêtes sont en cours

* 21 Rassemblement des ressortissants d'une localité dans la ville se réunissant périodiquement pour valoriser leur culture et s'entraider.






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry