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Stratégie des acteurs lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la Loi d'Orientation Agricole (LOA ) au Mali

( Télécharger le fichier original )
par Chantal Jacovetti
Supagro Montpellier institut des régions chaudes - Master acteur de développement rural 2010
  

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Stratégies des acteurs
lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre
de la Loi d'Orientation Agricole au Mali.

Chantal Jacovetti

Master Acteur de développement rural

Institut des Régions Chaudes

SUPAGRO/IRC - Montpellier -2010

Directeur du mémoire : Denis PESCH -CIRAD

Jury : Jacques RIPOCHE, Denis PESCH, Marie-Jo DUGUET

Remerciement

Pour avoir eu la chance de me former pour valider mon expérience -un clin d'oeil reconnaissant a Khalid BELARBI- dans le Master Acteur du Développement Rural avec une équipe de formateurs motivée dont le coordinateur Jacques RIPOCHE.

Pour le plaisir d'avoir pu aller a la rencontre des maliens et maliennes pendant mon stage pratique et de partager un peu de leur histoire, autour d'un thé avec mes voisins de cour, de quartier, les paysan-ne-s, les interviewé-e-s, les maliens de France retrouvés là-bas, à tous ceux et celles croisées, chacun-e apportant sa pierre à cette découverte. Merci aussi à Anne, Anicet et Narcisse avec qui j'ai partagé l'habitat.

Pour l'accueil a l'Université Mandé Bukari et plus particulièrement a Cheibane COULIBALY et Nouhoum TRAORE, et à Ibrahima COULIBALY et Ousmane DIALLO de la Coordination Nationale des Organisations Paysannes, des personnes engagées hors du commun.

Pour avoir eu la confiance de Denis PESCH mon directeur de mémoire du CIRAD qui m'a encouragé et éclairé tout au long de ce mémoire.

A tous les africains et africaines qui m'ont ouvert leurs bras et leur coeur, avec qui on a partagé ensemble de leurs pays ici ou là-bas dans la joie et la bonne humeur avec à la clef des amitiés.

Une tendre pensée à mes enfants Jonathan, Céline et Robin me soutenant malgré mes fréquentes absences pour toujours aller vers d'autres horizons.

Sommaire

REMERCIEMENT SOMMAIRE

LISTE DES SIGLES RESUME

MOTS CLEFS

INTRODUCTION 1

A. ÉTAT DES LIEUX, CONTEXTES ET ENJEUX AU MALI 3

1 UN GRAND PAYS ENCLAVE ET CONTRASTE 3

1.1 AU NORD, DÉSERT ET NOMADISME 3

1.2 AU SUD, EAU ET CULTURE 4

1.3 UN CONSTAT AGRICOLE PARTAGÉ 4

2 LES STRUCTURATIONS SYNDICALES AU MALI 5

2.1 LES PREMIERES STRUCTURATIONS PAYSANNES : SCAON, SYCOV, SEXAGON 5

2.1.1 Syndicat des Colons et Agriculteurs de l'Office du Niger : SCAON 6

2.1.2 Syndicat des Producteurs Cotonniers et Vivriers : SYCOV 6

2.1.3 Syndicat des Exploitants Agricoles de l'Office du Niger : SEXAGON 6

2.2 LES OP SE FEDERENT AU NIVEAU NATIONAL ET REGIONAL 7

2.2.1 L'Association des Organisations Professionnelles et Paysannes (AOPP) 8

2.2.2 Le Réseau des Organisations Professionnelles Paysannes en Afrique (ROPPA) 8

2.2.3 La Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP) 9

2.3 LES CHAMBRES D'AGRICULTURE (CA) ET L'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES D'AGRICULTURE DU MALI

(APCAM) 10

3 UN CONTEXTE GÉNÉRAL « EXPLOSIF » 11

3.1 CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE 12

3.2 L'INTEGRATION REGIONALE PAS TOUJOURS FACILE A GERER 12

3.2.1 Une politique agricole commune l'ECOWAP 13

3.3 UNE DECENTRALISATION QUI SE HEURTE A UN MANQUE DE MOYENS ET DES CONFLITS D'INTERETS 13

3.3.1 Une décentralisation aux mains des bailleurs, bousculant les gouvernances locales 14

3.3.2 Décentralisation et LOA 15

3.4 LE FONCIER, UNE URGENCE DE SECURISER ET D'AMENAGER LES ESPACES FONCIERS 15

3.4.1 Un mille-feuille de lois ingérable 16

3.4.2 Le foncier urbain plus important que le rural 17

3.4.3 Les États-Généraux du Foncier (EGF) et la LOA 18

3.4.4 Des choix justifiés par le manque d'argent ? 19

3.5 UN CONTEXTE POLITIQUE EN DEUX ETAPES 20

3.5.1 2002-2007 : une volonté politique forte 20

3.5.2 Après 2007 : fragmentation du pouvoir et absence de lignes directrices 20

3.5.3 La corruption gangrène la société malienne 21

B. PROBLÉMATIQUE, HYPOTHÈSES, MÉTHODOLOGIE 22

4 PROBLÉMATIQUE 22

5 LES HYPOTHÈSES 23

6 MÉTHODOLOGIE 24

Chantal Jacovetti LOA- Mali-2010 Stratégie des acteurs

6.1 TYPOLOGIE DES ACTEURS 24

C. LE PROCESSUS D'ÉLABORATION DE LA LOA 27

7

DANS LES COULISSE DE LA NAISSANCE DE LA LOA

27

 

7.1

DES RÉPONSES ÉTATIQUES

27

 

7.2

UNE LOI CADRE QUI FERA L'OBJET D'AUTRES LOIS

28

 

7.3

CONVAINCRE LES FONCTIONNAIRES

30

 

7.4

L'OFFICIALISATION DES RELATIONS ENTRE L'ETAT ET LA CNOP

32

 

7.5

UN BUDGET POUR LA CNOP «LES FINANCES NE POUVAIENT PLUS RESPIRER ! »

32

 

7.6

DES CONCERTATIONS AU VOTE « À LA FIN CHACUN S'Y RETROUVAIT! »

33

8

LES GRANDES LIGNES DE LA LOA

34

 

8.1

QUELQUES POINTS FORTS REVENDIQUES ET APPORTÉS PAR LA CNOP

35

 

8.1.1

L'Exploitation Agricole Familiale (EAF)°

35

 

8.1.2

La souveraineté alimentaire

36

 

8.1.3

Le financement

38

 

8.1.4

La politique foncière

39

 

8.2

LA RECONNAISSANCE DES OPA ET CHAMBRES D'AGRICULTURES

40

 

8.2.1

Les OPA reconnues dans la LOA

40

 

8.2.2

Attributions faites aux Chambres d'Agriculture (CA) dans la LOA

40

 

8.3

LES INSTANCES DE GOUVERNANCE : REVOIR LA COPIE !

41

 

8.3.1

Le Conseil Supérieur de l'Agriculture (CSA)

41

 

8.3.2

Le Comité Exécutif National (CEN)

43

 

8.3.3

Le Comité Exécutif Régional (CER)

44

 

8.4

LE SECRÉTARIAT PERMANENT DE LA LOA (SP)

45

 

8.5

LES POINTS FOCAUX

46

 

8.6

ANALYSE DU POIDS DE CHAQUE MEMBRE DANS LE CSA, LE CEN ET CER

47

 

8.7

ÉVOLUTION DES ACTIVITÉS ENTRE LE DERNIER CSA ET LE DERNIER CEN

49

 

8.7.1

Au niveau politique agricole générale

49

 

8.7.2

Au niveau des activités qui doivent être menées au niveau des ministères

49

 

8.7.3

Au niveau des tâches du Secrétariat permanent (SP)

52

D.

LA MISE EN OEUVRE

53

9

ÉTATS DES LIEUX/ANALYSE DES TEXTES SORTIS OU EN COURS

53

 

9.1

QUEL BUDGET POUR QUELLE VOLONTÉ?

53

 

9.2

5 DÉCRETS SORTIS MAIS INSATISFAISANTS MALGRÉ DES ATELIERS ET LE RECOURS AU CONSULTANTS

55

 

9.2.1

Un décret interprofession sans présence obligatoire des paysans I

58

 

9.2.2

Le décret enregistrement et immatriculation pas encore en place I

59

 

9.2.3

Le décret commissions foncières une réponse aux conflits mais pas usitéI

59

 

9.3

LES TEXTES EN COURS

60

 

9.3.1

Parcours pour les procédures des textes législatifs

61

 

9.3.2

Les textes prévus

63

E.

LA CNOP EN VOIE DE DÉSTABILISATION

74

 

9.4

L'AOPP PORTE D'ENTRÉE POUR DIVISER AU SEIN DE LA CNOP ET PRIVILÉGIER L'APCAM

74

 

9.4.1

Les chambres d'agriculture un tremplin pour d'autres élus paysans

75

 

9.4.2

La filière coton, outil de l'État et des pro-OGM

75

 

9.5

D'AUTRES FACTEURS ONT PARTICIPÉ À L'AFFAIBLISSEMENT DE LA CNOP

77

 

9.5.1

Une année à diffuser la LOA

77

 

9.5.2

Axe Formation, un bureau d'étude naviguant en eaux troubles

77

 

9.5.3

Des représentants à multiple casquettes

78

 

9.5.4

Leader une place à haut risque

79

 

9.5.5

Des ressources financières et humaines « limitantes»

80

F. DISCUSSIONS ET PISTES ? 81

10 « NOUS AVONS LE FEU, VOUS AVEZ LA VIANDE FRAÎCHE, VENEZ CHERCHER LE FEU » 81

10.1 QU'ATTENDRE DU DERNIER COMITÉ EXÉCUTIF NATIONAL (CEN)? 83

10.2 REMETTRE LA CONCERTATION AU COEUR DU PROCESSUS 85

10.2.1 La concertation un facteur clef de réussite 85

10.2.2 Définitions 85

10.2.3 Tableau comparatif sur la concertation entre l'élaboration et la mise en oeuvre de la LOA 86

10.2.4 Reconstruire de la stratégie concertée 90

11 UNE LISTE NON EXHAUSTIVE DE RECOMMANDATIONS 91

11.1.1 Au niveau institutionnel 91

11.1.2 Au niveau des organisations paysannes 92

CONCLUSION 94

BIBLIOGRAPHIE I

GLOSSAIRE III

Table des tableaux

Tableau 1 : Ossature de la LOA 28

Tableau 2 : Composition des instances de gouvernance 47

Tableau 3 : État des lieux des textes 50

Tableau 4 : Répartition des textes au sein des ministères 63

Tableau 5 : comparatif sur la concertation entre l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi 86

Tableau 6 : différents critères stratégiques 90

LISTE DES SIGLES

ACP

États d'Afrique-Caraïbes-Pacifique

79 États ACP signataires

d'accords de Lomé et
Cotonou (2000) avec l'UE

ADEMA-PASJ

Alliance pour la Démocratie au Mali-Parti Africain pour la

Solidarité et la Justice

Créé le 25 mai 1991.Au

pouvoir de 1992 à 2002

avec le président Alpha
Oumar Konaré

AFDI

Agriculteurs Français et Développement International

Créé en 1975 par les

principales OPA françaises

AN

Assemblée Nationale

 

APE

Accords de partenariat économique UE/ACP

Toujours en négociation

AN

Assemblée nationale

 

AOPP

Associations des organisations professionnelles et paysannes

Créé en 1995 par les

producteurs maliens

APCAM

Association permanente des chambres d'agriculture du Mali

Mise en place en 1988 par l'État malien et la France

ATT

Amadou Toumani TOURE

Président de la République du Mali de 1992 à aujourd'hui

BM

Banque mondiale

 

BNDA

Banque nationale pour le développement agricole

Créé en 1981 à Bamako

CEDAO

Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest

Regroupement régional de 15 pays crée en 1975 pour promouvoir l'intégration économique

CIFA

Cellule Infra Structures et Filières Agro-pastorales

Organisation interne au 1er gouvernement d'ATT pour la LOA (2002/2007)

CILSS

Comité Inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel

Créé en 1973 avec l'appui de 9 États africains suites aux grandes sécheresses de 1970

CMDT

Compagnie malienne pour le développement des textiles

Société d'économie mixte

créée en 1974

CNOP

Coordination nationale des organisations paysannes

Créée en 2002 et

 
 

enregistrées en 2004

CSCRP

Comité stratégique de croissance pour la réduction contre la Pauvreté

2007-2011

CT

Collectivité(s) territoriale(s)

 

ECOWAP

Politique agricole régionale pour l'Afrique de l'Ouest

Première approche dans le
traité de 1993 de la CEDEAO

EGF

Assises Nationales des États-Généraux du Foncier

7 au 11 décembre 2009 à Bamako

FCFA

Franc de la Communauté Financière Africaine

Monnaie commune des

pays de l'UEMOA

1 Euro=655,957 FCFA

FMI

Fond monétaire international

Créé en 1945, gouverné par 187 États

FNAFR

Fédération nationale des associations de femmes rurales du Mali

Adhérente de la CNOP

FNAJR

Fédération nationale des jeunes ruraux du Mali

Adhérent de la CNOP

GIEF

Groupement d'Intérêt économique féminin

 

LOA

Loi d'orientation Agricole

promulguée 5/09/ 2006

LOAPS

Loi Agro-pastorale du Sénégal

2004 au Sénégal

M

Million ou millions

 

NEPAD

Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique

Le G8 avalise la Nouvelle

Initiative Africaine en 2001, dont le NEPAD est la mise en oeuvre.

ODR

Opération de développement rural

Sous Moussa TRAORE

(1968/1991),encadrer les
campagnes maliennes

OHADA

Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

Crée en 1993 à Port-Louis, regroupe 16 pays africains

ON

Office du Niger

Créé en 1932, dernière

restructuration 1995

OP

Organisation paysanne

 

OPA

Organisations professionnelles Agricoles

 

PAS

Plan d'ajustement structurel

Imposés par FMI et BM dès

 
 

les années 80

PEDES

Projet de développement économique et social

le « projet de société pour un Mali qui gagne. ~ d'ATT

POS

Plan d'Orientation Stratégique

Objectifs de la CNOP

ROPPA

Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l' Afrique de l'Ouest

Créé 2000, regroupe 10

pays d'Afrique de l'Ouest

SDDR

Schéma Directeur du Développement Rural

Créé en 1992 actualisé en 2002

SEXAGON

Syndicat des Exploitants Agricoles de l'Office du Niger

1995 succède au SCAON

SYCOV

Syndicat des Producteurs Cotonniers et Vivriers

Créé en 1992

UE

Union européenne

 

UEMOA

Union économique et monétaire ouest africaine

crée en 1994 par 7 pays ayant la même monnaie

VC

Via Campesina

Mouvement international

de paysans créé en 1993 en Belgique

RESUME

Depuis les État-Généraux du monde rural de 1991, les paysan-ne-s du Mali réclamaient une politique agricole. En 2003 le projet d'une Loi d'Orientation Agricole (LOA) est lancé. Elle sera votée en septembre 2006 « applaudie par tout le monde ». De nombreuses concertations déléguées à la Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP) ont été menées. Paysans et gouvernement sont sortis grandis de cette première étape. Nous étions dans le premier mandat du président Amadou Toumani TOURE (ATT). L'agriculture était a l'honneur et des moyens tant financiers qu'humains avaient été dégagés. Le rôle incontournable de la Cellule Infrastructure et Filières Agro-pastorales, a permis à la voix paysanne de s'exprimer, bousculant les us et coutumes de gouvernance. Trois ans après où en est-on ? Au moment de sa mise en oeuvre le contexte politique est modifié malgré la réélection du même président. Les difficultés liées au foncier, la décentralisation, la corruption ne cessent de s'aggraver tandis que l'autorité de l'État s'affaiblit. Sans volonté et directives fortes - malgré les structures prévues dans la LOA pour une bonne gouvernance dans son application- les services ministériels et paraétatiques ont repris leurs prérogatives « défendant leur pré-carré » au détriment de la concertation et d'une stratégie collective qui avaient été la clef de la réussite de l'élaboration de la LOA. La CNOP peu préparée a cette phase, n'ayant plus de soutien politique, avec moins de ressources humaines et financières, et l'arrivée de nouveaux élus est déstabilisée. A ce jour des acteurs sont conscients des blocages, l'application de la LOA végète. Quelles capacités les acteurs vont développer pour que la mise en oeuvre de la LOA réponde aux espoirs suscités lors de son adoption ?

ABSTRACT

Since the États-Généraux of the rural world of 1991, Mali's farmers demanded an agricultural policy In 2003 the project of Agricultural Orientation Law (LOA) is launched. It will be voted in september 2006 "applauded by everyone." Many consultation delegated to the National Coordination of Peasant Organizations (CNOP) were led. For farmers and government it was a successful. We were in the first term of President Amadou Toumani Toure (ATT). Agriculture had the honour and financial and human resources had been brought. The key role of the Unit and Infrastructure Sectors Agropastoral, allowed the peasant voice to express itself, knocking down the habits and customs of governance. Three years later where are we? At the time of its implementation the policy context is altered despite the reelection of the president. The problems related to land, decentralization, corruption are worsening while the state authority weakens. Without strong guidance and commitment - despite the structures provided in the LOA for good governance in its application-, government departments and parastatals have took back theirs privileges "defending their back yard" at the expense of dialogue and a collective strategy which had been the key to success of the elaboration of the LOA . CNOP unprepared for this phase, without political support, with fewer human and financial resources, and the arrival of newly elected officials is destabilized. So far the players are aware of the obstacles, the implementation of the LOA vegetate. What capacities the actors are going to develop so that the application of the LOA answers the hopes aroused during its adoption ?

Loi d'Orientation Agricole malienne/Mali's Agricola Orientation
Law -- concertation/stratégie collective / concertation/collective
strategy-- gouvernance/governance-- textes législatifs agricoles/
agriculture law--foncier-décentralisation/ earth-decentralization -
État/organisations paysannes maliennes/ state /paysan
organisation -- stratégies des acteurs -- /actor's strategie,
CNOP/AOPP- Chambres d'Agriculture/APCAM-politiques
publiques-/public politic

INTRODUCTION

Du 22 septembre 1960 date de l'Indépendance du Mali a aujourd'hui, de nouvelles relations ont été mises a l'oeuvre entre les institutions publiques et les autres acteurs de la société, en particulier le monde paysan qui « était méprisé ~ surtout par le monde politique et administratif a l'inverse du monde intellectuel. Celui-ci est passé d'une mise sous tutelle par les différents gouvernements a une prise de responsabilité face au désengagement de l'État du aux Plans d'Ajustements Structurels (PAS) et a une reconnaissance comme acteur principal, via la Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali (CNOP), lors de l'élaboration de la Loi d'Orientation Agricole (LOA) pour mener les concertations en 2005.

Les évènements de 1991, renversant une présidence militaire, avaient amorcé le début de la démocratie et adopté la voie du libéralisme. La Constitution du 25/02/1992 reconnait le multipartisme, les associations, les syndicats, la liberté de la presse. De Conférence Nationale en États-Généraux, les espaces d'expression se multiplient. Depuis, le Mali ferait parti des pays de l'Afrique de l'Ouest qui aurait réussi leur transition politique, sous-entendu la mise en place de la démocratie. Mais comme s'interroge Alexis Roy1 :

« L'apparition d'espaces de médiation entre l'État et les paysans, effet croisé de la transition politique, de la structuration du monde paysan et de la pression des bailleurs de fonds, témoigne des nouvelles relations « gouvernants-gouvernés »

Dans ce monde en mouvement, les paysan-ne-s du Mali se sont petit à petit structurés à tous les échelons pour faire entendre leur voix et agir. Lors de l'élaboration de la LOA, l'interlocuteur paysan choisi, a été la CNOP. Née en 2002, elle s'est retrouvée propulsée en 2005 sur le devant de la scène par le chef de l'État luimême, Amadou Toumani Touré, dit ATT,pour mettre en place le processus de concertation. La LOA n°06- 40/AN-RM (voir annexe n°1) est votée le 16 août 2006 a l'unanimité a l'Assemblée nationale (AN). « Applaudie par les paysans ~ dixit un responsable paysan. Trois ans plus tard alors que sa mise en oeuvre devrait être en pleine phase de croissance et opérationnelle, l'élan qui avait mobilisé de nombreux acteurs semble brisé. La LOA échafaudée en grande partie sur la base des revendications paysannes semble aujourd'hui leur échapper au moment de la sortie des décrets. Quels sont les facteurs qui ont amené à cette situation ?

A ce jour, d'après mes recherches, aucun travail d'analyse n'a été recensé sur la mise en oeuvre de la LOA du Mali. Ce sujet m'interpelle car moi-même paysanne et syndicaliste, j'ai été invitée au Forum Social Mondial de Bamako en janvier 2006. L'effervescence au sujet du processus de concertation irriguait tous les réseaux paysans. On était en pleine phase d'élaboration et les premiers textes de pré-projet de la loi portaient une vision d'une politique agricole innovante. La souveraineté alimentaire, l'équité entre hommes, femmes, jeunes pour l'accès au statut, à la terre étaient écrits noir sur blanc. Cet optimisme relevé par certains chercheurs (NARDONNE) ou structure (GRET) laissait présager qu'enfin une LOA serait l'écho de la voix paysanne. Aujourd'hui les faits contredisent cet espoir. Le soutien politique dont avait bénéficié la CNOP lors de la première phase n'est plus au rendez vous au moment de la mise en oeuvre, alors que c'est le même président en place.

Comme l'avait anticipé, Ibrahima COULIBALY, président de la CNOP, dans la préface du Mémorandum paysan (voir annexe 2)

« Assurément, le défi des concertations paysannes a été relevé et de fort belle manière !... mais tout n'est pas réglé... Beaucoup reste encore a faire sur le chantier de la réalisation de la LOA au Mali. Aujourd'hui, il faut déjà faire en sorte que le projet de texte final qui sera adopté puisse refléter, autant que faire se peut, les aspirations profondes du monde rural. Ft demain, il faudra faire en sorte que les paysannes et paysans

1 Alexis Roy, 2009, Subvertir et définir : que nous apprend le militantisme sur les espaces politiques en « transition » Les syndicats de producteurs de coton au Mali : la représentation paysanne confisquée ?

du Mali puissent s'approprier la LOA et concourir conséquemment a sa mise en oeuvre et a son suiviévaluation. C'est a ce prix et a ce prix seulement que le pari de la LOA sera gagné au Mali ».

Ce souci fait écho aux propos d'Ibrahima Assane MAYAKI, ancien 1er ministre du Niger et dont le constat est au coeur du mémoire :

« En général, la concertation avec les acteurs est valorisée dans les étapes de construction de la « vision » et de « l'évaluation ex post '> *...+ Par contre, elle est fortement négligée lors de la formulation des politiques et de leur mise en oeuvre ».

C'est ce décalage entre la phase d'élaboration oü la CNOP a joué un rôle central avec le soutien du pouvoir, et la phase de mise en oeuvre, beaucoup plus problématique, que ce mémoire va tenter d'expliquer.

Le rapport se divise en 6 parties :

A] État des lieux, contexte et enjeux : cette partie est nécessaire pour comprendre à travers la démographie, l'intégration régionale, la décentralisation, le foncier, la corruption, les changements de rapport de force politique pendant les deux mandats d'ATT.

B] Problématique, hypothèse et méthode.

C+ Le processus d'élaboration de la LOA : des prémices de l'élaboration au sein de l'appareil étatique jusqu'au vote de la Loa a l'assemblée nationale en passant par la délégation des concertations à la CNOP. Puis les points forts paysans revendiqués et inscrits dans la LOA, la reconnaissance des OP et des chambres d'agriculture, les instances de gouvernances.

D+ La mise en oeuvre : un état des lieux des textes sortis : 5 décrets, puis illustration des dysfonctionnements et comportements des acteurs à partir de quelques textes en cours :

3 pré-projets : la transhumance, statut, l'attribution de subvention dans le cadre de la gestion des ressources naturelles.

2 politiques : foncière et semencière.

E] La CNOP en voie de déstabilisation : des facteurs internes et externes interfèrent au sein de la CNOP.

F] Discussions et pistes.

A. État des lieux, contextes et enjeux au Mali

« On a trouvé en bonne politique le secret de faire mourir de faim ceux qui en cultivant la terre font vivre les autres » Voltaire (1694-1778) dans le Sottisier.

1 UN GRAND PAYS ENCLAVE ET CONTRASTE

Composé de 2 triangles inégaux, séparés par le fleuve Niger, le Mali est le reflet d'un découpage géométrique et arbitraire, héritage des colonies et de l'Indépendance (voir carte annexe 3). Dans les années 1960, l'Afrique de l'Ouest s'est retrouvée « balkanisée ~ selon l'expression de Mamadou CISSOKO (2009). Les Indépendances « n'ont pas été construites ensemble, mais d'une manière individuelle, territoire par territoire » sans tenir compte des populations. N'ayant pas pu se fédérer avec le Sénégal en 1960, le Mali se retrouve enclavé sans débouché maritime et avec une seule voie de chemin fer, celle de Bamako/Dakar. Il est frontalier avec 7 pays : Algérie, Burkina-Faso, Côte-d'Ivoire, Guinée équatoriale, Mauritanie, Niger et le Sénégal.

Le Mali est un immense pays plat d'une superficie de 1 240 192 km2- soit presque 2,5 fois la France -localisé en Afrique de l'Ouest subsaharienne. Seulement un 10ème du territoire présente des reliefs : le long des frontières de la Guinée et de la Côte-d'Ivoire où dominent du haut de leurs 800 mètres les Monts Manding et le massif gréseux de Kénédougou, tandis que le plateau Dogon, avec comme point culminant le Mont Hombori (1155m), s'étire vers le Burkina-Faso. L'Adrar des Ifoghas, massif cristallin, royaume des Touaregs, surplombe

a 890 mètres du côté algérien. Bamako, la capitale, complètement excentrée aux confins de la Guinée, s'étale dans une cuvette entre les Monts Manding, au bord du Niger.

1.1 AU NORD, DÉSERT ET NOMADISME

Le triangle nord, le Sahara, couvre 60% du pays oü domine l'élevage nomade exercé par « les pasteurs de bovidés », Peuls et Maures. Malgré la faiblesse de la couverture sanitaire du cheptel et de son alimentation, le secteur de l'élevage avec environ 25 M de têtes, tout cheptel confondu, est le 3ème produit d'exportation après l'or et le coton. Plus de 50% de l'élevage bovin, 97% des camelins, 75% des ovins et 65% des caprins sont dans cette région. Plus d'1 million de têtes de bétail transhument 2 fois par an de novembre a avril, du Sahara aux rives du Niger, dans les bourgous, pâturages naturels libérés par les eaux. Il est un des troupeaux le plus important de l'Afrique de l'Ouest. Il représente 10% du PIB, 35% des exportations et participe à 80% au revenu des populations rurales. En plus des sécheresses qui déciment régulièrement les troupeaux2, les éleveurs sont confrontés a l'avancement du désert (1 km par an), a la disparition des pistes, a l'expansion des cultures et des « bortols » 3asséchés, au surpâturage, aux « champs maudits4», aux transhumances transfrontalières entrainant des conflits de plus en plus nombreux. 25 M de volailles, 120 000 équins, 64 000 porcins complètent la palette. La consommation annuelle de viande par habitant est estimée à 6 kg : la viande bovine fournit 51% des besoins, les petits ruminants 32%, le reste étant assuré principalement par la volaille...

2 1973/1974 environ 5 millions de têtes emportés dont 80% dans le Nord

3 Point d'eau

4 Champs rendus stériles pour cause de concentration d'excréments lors des étapes de transhumance

1.2 AU SUD, EAU ET CULTURE

Le Niger, long de 4200 km dont 1700 km au Mali avec 1308 km navigable, « le fleuve des fleuves », traverse le pays d'ouest au sud-est dans une grande courbe « la bosse du chameau », avec 2 affluents le Bani et le Bangoé. Avec le Bakoy et le Bafing affluents du Sénégal, c'est le royaume des cultures de rente et de la pêche. Le seul delta central du Niger dispose de plus de 30 000 km2 de mares. 180 espèces de poissons d'eau douce peuplent ces cours d'eaux dont le Mali en est un des premiers pays producteurs. Le secteur de la pêche avec 100 000 tonnes/an et 120 000 exploitations recensées représentent 4,2 % du PIB. 10,5 kg c'est l'estimation de poisson consommé par habitant et par an.

Le triangle du sud est dominé par la culture. Mil, sorgho dans les zones dépendantes de la pluviométrie occupent 75 % des superficies dont 50% en mil. Les légumineuses 8% des surfaces dont 51% en niébé et 44% en arachide. Ces cultures, alimentation de base des ruraux, sont délaissées par les politiques agricoles et par les investissements étatiques. Le riz nourriture de base des urbains utilise 13% des surfaces et le maïs 11% dans les zones irriguées. Le coton culture de rente (600 000 t) est concentré sur 99% des surfaces opportunes autour de Sikasso, Koulikoro et Ségou. Plus récemment canne à sucre et cultures maraichères, vergers se développent. Ces cultures font l'objet de toutes les attentions gouvernementales. En 2002-2003 la production céréalière s'élevait a 2,53 M de tonnes dont 28% de riz et 10% de légumineuses alimentaires (rapport N'Diaya p 11).

« L'initiative riz ~ a pour objectif d'atteindre les 10 000 000 t en 2012, est prévu 350 000 tonnes de canne à sucre et 10 000 ha de blé. Depuis 1992/1993 les surfaces de mil et de sorgho sont grignotées par le maïs et le riz, en apportant de l'eau.

Les propos du président de la CNOP dénoncent ces choix incohérents pour la paysannerie :

«L'agriculture reste majoritairement tributaire de la pluviométrie... l'irrigation ne concerne que « quelques zones privilégiées » où la plupart du temps les aménagements, souvent réalisés sur des fonds publics, sont synonymes d'insécurité foncière pour les familles paysannes. D'ailleurs, même la recherche agronomique s'est polarisée sur ces zones humides oU l'on cultive le coton et le maïs, délaissant les zones plus arides o l'on cultive le petit mil, le sorgo et le niébé pour se nourrir et parer ainsi a l'insécurité alimentaire ».

Déjà en 1995 le réseau GAO dénonçait ces choix déséquilibrés et partisans :

« Depuis les Indépendances les États africains ont développé des politiques agricoles dont l'objectif implicite était de prélever des surplus pour financer l'appareil d'État... Concrètement cela signifie que l'État s'est investi de manière très discontinue dans le monde rural : des zones entières ont été laissées complètement à l'abandon.»

L'exploitation forestière, du bois aux produits de cueillettes contribue à 4,9% du PIB. La gomme arabique, les amandes et le beurre de karité représentent 3,6% des exportations.

Le climat est de type intertropical continental caractérisé par une saison sèche et une saison de pluies de maijuin à octobre qui peut se réduire à 2 mois dans la région du Nord. Mais ces dernières années, les saisons de pluies ont tendance à raccourcir entrainant un climat plus aride et des difficultés au niveau agricole.

1.3 UN CONSTAT AGRICOLE PARTAGÉ

Que l'on soit paysan ou au gouvernement, le constat sur l'agriculture est le même dans le contexte de l'étude. Le secteur Agricole socle de l'économie malienne n'est pas a la hauteur des espérances du gouvernement et des paysans, alors que :

«Le Mali recèle de grandes potentialités agro-sylvo-pastorales et halieutiques. Ce potentiel productif global est estimé a 46, 6 M d'hectares, dont 12,2 M de terres Agricoles, 30 M de pâturage, 3,3 M de réserve de faune, 1,1M de réserve forestière. Il y a de vastes surfaces cultivables et inondables 2,2 M d'hectares dont seulement 4% des terres sont cultivées et 1% irriguées, des ressources en eaux importantes (2 600 km), une

grande diversité biologique, des ressources forestières et fauniques considérables, et un cheptel nombreux, diversifié et adapté5.»

80%6 de la population est rurale, avec un niveau de formation faible dont une frange importante de jeunes (47% ont moins de 15 ans en 2006) et de femmes. Elles représentent 50,4% de la population et 49% des actifs agricoles, contribuant à plus de 75 % aux activités économiques du pays (EPAM 2007) et à 45% du PIB (1994- 2000), grâce à leur investissement dans la transformation et la commercialisation souvent sous forme associative, coopérative qui ne demandent qu'à se développer.

75% des usines sont concentrées autour de Bamako. La 1ére industrie est alimentaire : rizeries, minoteries, sucreries, huileries à partir de coton, arachides et noix de karité, biscuiteries, confiseries, brasseries. La production peut varier de 25% a 50% selon la pluviométrie, la maîtrise des ravageurs, l'acquisition des intrants, les prix du marché. La COMATEX - Compagnie Malienne de Textile - et ITEMA -Industrie Textile du Mali- exportent 90% de la production, mais n'en transforment que 2% dans les huileries et les usines de textiles

100 000 exploitations en production animale, 120 000 en production piscicole et 694 560 exploitations7 en production végétale sont recensées. Ces dernières ont une sur une superficie moyenne de 4,7 ha. Les femmes sont les plus pénalisées, 54% ont moins d'1 hectare contre 17% chez les hommes. 55% des familles paysannes maliennes, selon la FAO, n'ont pas d'équipement de base : charrue, paire de boeufs, charrette et fumure organique.

Un travail considérable est à faire pour rattraper le retard actuel. En premier au niveau sociétal car la place des exploitant-e-s et exploitations dans l'activité économique, sociale, territoriale n'est pas reconnue et encore moins juridiquement. Des unités de transformation et de commercialisation, liées a l'amélioration des infrastructures -routes, électricité- devraient être plus soutenues. Malgré le fait que les campagnes contribuent grandement à la constitution du PIB, elles bénéficient peu des retombées. De nombreux espoirs sont mis dans la LOA.

2 LES STRUCTURATIONS SYNDICALES AU MALI

2.1 LES PREMIERES STRUCTURATIONS PAYSANNES : SCAON, SYCOV, SEXAGON

Une multitude de formes d'organisations existent, souvent très localisées ou avec un objet très précis. Mais peu de structuration syndicale ont émergé, pour porter des revendications face aux autorités, hormis sur les propres terres gérées par l'État, dans l'Office du Niger et le Sud-Mali. Grâce notamment aux programmes d'encadrement, la paysannerie s'est organisée. Par exemple la Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles très présente sur le terrain a alphabétisé 10 000 personnes/an alimentant une capacité de réflexion autonome chez les producteurs qui « a surement permis a l'origine la création du Syndicat des Producteurs Cotonniers et Vivriers ». GENTIL (in DAGNON, 1992).

5 Note technique de présentation de la LOA et le point de sa mise en oeuvre, 10 novembre 2009, ministère de l'agriculture

6 Les chiffres de ce paragraphe sont issus d'une étude sur le statut des exploitants et exploitations agricoles, Bréhima N'DIAYE

7 Selon les résultats du dernier Recensement Général Agricole de 2004

2.1.1 Syndicat des Colons et Agriculteurs de l'Office du Niger : SCAON

Depuis le XIX éme siècle, le colonisateur français avait introduit l'économie dite de traite, introduisant la monétarisation et le déplacement forcé de main-d'oeuvre, issue d'autres contrées, ethnies (Mossi).

Deux mesures fortes marquent le monde paysan qui était sous le joug de la colonisation : l'abolition du travail forcé (11 avril 1946) et la loi accordant le droit d'association aux colonisés. Mais l'adhésion obligatoire aux coopératives laissait peu de liberté. Cette volonté, perpétuée par tous les gouvernements, de spolier les paysan-ne-s des revenus de leur travail et de les contrôler, leur laissait peu de marge de manoeuvre. Il y a eu plus de résistance passive qu'active, même si un des premiers acte fort, la manifestation de 1000 colons en 1944 à Niono reste dans les mémoires8 .Dix ans plus tard naissait le premier syndicat le SCAON qui a été récupéré puis dissout par les mêmes qui ont pris le pouvoir au moment des Indépendances. Traités comme des esclaves9, « le paysan a l'époque *années 60+ est prié d'emprunter la voie qui lui est proposée et il n'a pas eu son mot a dire dans la conception de l'évolution jugée souhaitable en haut-lieu » (DEVEZE, 2008)

2.1.2 Syndicat des Producteurs Cotonniers et Vivriers : SYCOV

L'origine du mouvement de mai 91, du côté paysan dans la zone Sud-Mali, a puisé ses racines « en 1990 au niveau de Koutiala et était lié aux exigences du remboursement global des crédits entre des producteurs de la Compagnie Malienne du Textile (CMDT) et la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA), au prix du coton trop faible et des intrants trop haut» selon DEMBELE Tahirou leader paysan et secrétaire général du SYCOV (in DAGNON 1992). Alors qu'en parallèle les salariés de la CMDT obtenaient, eux, une augmentation de salaire.

Pour la 1ère fois les Associations villageoises* et les Tons* des cercles de Koutiala et San se réunissaient avec des revendications communes pour faire pression sur l'État en menaçant de grève. Le coton représentant plus de la moitié des recettes d'exportation, celui-ci ne pouvait se permettre de perdre une année. Le 6 mai, une coordination demande à être reçue par ATT, président du gouvernement provisoire, pour présenter leurs « 12 points de doléances » qui ont été refusés par la CMDT.10 Le déplacement de la Ministre « sous les manguiers » a marqué les esprits en accordant une augmentation de 10 FCFA/kg (0.01 €) de coton graines. Galvanisés, les paysans fondent le SYCOV le 29 septembre 1992, après un séminaire à Ségou le 23/24 septembre et entament un bras de fer avec la CMDT. Cette épreuve de force aboutit a la construction d'un contrat-plan tripartite : État/CMDT/SYCOV garantissant un prix minimum et un réajustement en fonction du prix de vente obtenu, et mis en application dès 1993. Le SYCOV en tant que syndicat est reconnu comme acteur dans la zone cotonnière du Sud Mali, mais est très corporatiste. Il est adhérent de la CNOP.

2.1.3 Syndicat des Exploitants Agricoles de l'Office du Niger : SEXAGON

Depuis la dissolution du SCAON dans la zone ON (Office du Niger), qui avait abandonné le coton pour le riz,
aucune structuration officielle syndicale n'existait alors que des problèmes graves touchaient la paysannerie :

8 Leurs revendications étaient liées a leurs conditions de travail, leur appauvrissement, l'organisation de la vie dans les villages.

9 (COULIBALY, 4ème trimestre 2006)e

10 La nouvelle Association Permanente des Chambres d'Agriculture Malienne (APCAM) a tenté de récupérer le mouvement en voulant intercéder auprès de la ministre du Développement rural alors que cette nouvelle structure était suspecte aux yeux des paysans car mise en place par l'ancien gouvernement totalitaire

des abus d'expulsion des terres liés au paiement de la redevance eau étaient appliqués et continuent à l'être encore aujourd'hui. En 1995/1996 les paysans ont engagé les premières démarches au niveau gouvernemental pour se faire reconnaitre via le SEXAGON. Son secrétaire général développe :

(( On a organisé une tournée au niveau de chaque zone, on a fait des assemblées pour créer le syndicat. On est structuré par section syndicale au niveau des zones, et par comité syndical au niveau des villages. '>. Mais le SEXAGON dérange (( Un jour un vieux vient me voir à Niono et me dit : les blancs apportent de l'argent pour faire un nouveau syndicat. J'ai dit que ce n'est pas a moi de décider qu'on va organiser des assemblées pour savoir ce qu'en pensent les paysans. Non non c'est pas la peine ! Et il est parti. Quelques uns se sont faits acheter et ont créé le SYNADEC, le président est paralysé et le secrétaire général un illettré. Puis ils se sont disputés, le président n'a pas été réélu et ce syndicat s'est redivisé. Il est parti pour créer le SACRYPON. Mais ces deux syndicats ce ne sont que des noms, il n'y a pas de base, ni bureau. '>

Le SEXAGON a une vision transversale sur l'agriculture, il est confronté a l'accaparement de terres et une insécurité foncière permanente pour les paysans, pas pour les investisseurs. Il est toujours très actif aujourd'hui :

(( Nous avons 13 000 adhérents qui cotisent 500 FCFA (0.76 €) chacun. 30% va a l'exécutif a la région, 40% au comité au niveau du village, 30% a la section au niveau de la zone. D'ailleurs chaque zone cotise a l'exécutif 100 000 FCFA (152.67 €). En tout nous avons 13 salariés, un pour chaque siège de zone. Ils sont financés par les coopératives que chaque zone à mises en place. Il y a des élections tous les 5 ans... Notre dernière bataille *il y a trois ans+ c'est quand les paysans ont été évincés. Plus de 200 paysans ont marché sur Bamako pour rencontrer le premier ministre. Puis celui-ci s'est même déplacé sur Niono. Les 150 sont toujours là. On a gagné.'>

Aujourd'hui, l'ON a son bureau directement a la primature, dirigé par un secrétaire d'État, ex-gouverneur de Ségou, chargé du développement intégré de l'ON. Il s'occupe aussi de « l'initiative riz ».

2.2 LES OP SE FEDERENT AU NIVEAU NATIONAL ET REGIONAL

En 1981, le rapport d'E. Berg pour la BM alerte les gouvernements et les organismes de coopération : l'Afrique est mal partie. Les finances étatiques sont exsangues, aggravées en par la sécheresse de 1983, et l'invasion de criquets pèlerins. (JACQUEMOT 1981) et marquent la fin des indépendances du rôle clef des États. Le FMI et la BM poussent le Mali à se désengager des structures parapubliques de développement rural, entre autre des Opérations de Développement Rural, « gouffre financier aux mains de corrompus », emblème de l'encadrement « esclavagiste ~, de l'État sur le monde paysan comme l'a dénoncé C. COULIBALY.

La chute du mur de Berlin en 1989 laisse orphelin le pays socialo-marxiste et ouvre grand la voie vers le libéralisme soutenu par les occidentaux a l'affut de nouveaux marchés a conquérir. La liberté de s'associer inscrite dans la Constitution de 1992, le discours de la Baule et la nécessité de répondre au désengagement de l'État ouvrent des espaces politiques a la paysannerie. L'état des lieux des différentes structures paysannes dans tout le pays est aussi impressionnant que diversifié en ces débuts d'années 9011 . Il y en aurait plus de 6000 de nos jours.

L'explosion de nouvelles OP sur tout le territoire ne signifie pas qu'elles aient les moyens de réussir la
transition. Pourtant il devient urgent de s'organiser au niveau national et régional. Avec le soutien de

11 1511 Associations villageoises, 50 GIEF, 26 Caisses Villageoises d'Épargne et de Crédit, 300 banques de céréales, 31 caisses Kafo Jiginew représentant 10 000 sociétaires

partenaires extérieurs12, une structuration nationale et régionale s'organise et favorise la naissance de l'Association des Organisations Professionnelles et Paysannes (AOPP), du Réseau des Organisations Professionnelles Paysannes en Afrique de l'Ouest (ROPPA), puis la Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP).

2.2.1 L'Association des Organisations Professionnelles et Paysannes (AOPP)

En septembre 1995 l'AOPP naissait, faisant suite à plusieurs rencontres qui avaient débuté en janvier 1993. Son objectif est de lutter pour l'amélioration des conditions socio-économiques et culturelles des paysan-ne-s axées autour de l'agriculture familiale, de faire prendre en compte leur point de vue et leurs droits

De 22 OP a sa création, l'AOPP en fédère actuellement 187 de taille et nature différentes, mais elle ne représente pas tout le monde : les filières bananes, fruits et légumes, la plateforme paysanne ou les fédérations de l'élevage, des femmes ou des jeunes ne sont pas adhérentes. Comme le précise un responsable paysan de l'AOPP

« L'AOPP dans l'influence politique qu'elle avait ne faisait que se heurter a l'administration et a l'APCAM quileur disaient vous n'êtes pas les seuls représentants. L'AOPP ne pouvait pas être représentante parce qu'elle

ne représentait que la production et la productivité, ils ne s'occupaient pas de politique. ...mais c'est l'OP la mieux structurée sur le terrain ».

Cette réussite est due a a volonté forte de l'AOPP de mettre en premier plan la formation, d'avoir des bureaux dans 7 régions sur 8 avec un animateur permanent et des paysans relais salariés. Chaque bureau est autonome dans ses programmes et est appuyé par les techniciens de commissions nationales sises à Bamako.

Cette non homogénéité, « toujours en opposition a l'APCAM » et la non adhésion de fédérations favorisera la création d'une entité unifiée la CNOP en 2002 qui a pu exister grâce à la structuration régionale le ROPPA (voir section suivante).

2.2.2 Le Réseau des Organisations Professionnelles Paysannes en Afrique (ROPPA)

Le 6/07/ 2000, à Cotonou (Bénin) 10 plateformes paysannes nationales créent le ROPPA. Au centre de leurs préoccupations « promouvoir et défendre les valeurs d'une agriculture paysanne, performante et durable au service des exploitations familiales et des producteurs agricoles et assurer la représentation de ses membres au niveau régional et international.., en favorisant la concertation et la coopération entre eux ».

C'est un grand défi que doit relever le ROPPA dans un contexte peu favorable. N'Diogou FALL, président du ROPPA présente la situation

« Notre principal problème en Afrique de l'Ouest est lié aux politiques publiques. Des politiques cohérentes n'existent pas. En dernier ressort nous sommes face a des systèmes sinistrés sur le plan de la réflexion, des moyens et de la réglementation. De telle sorte que tout ce qui arrive dans notre environnement nous affecte directement. La question de fond est la suivante : comment arriver à construire des politiques qui

12 En 1993, la Coopération française prenant acte de l'essor des OP lance avec l'aide d Agriculteurs Français et Développement International (AFDI) et Volontaires du progrès un programme d'appui aux organisations professionnelles agricoles. Le Comité Inter-états de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS) sera le premier organisme extérieur à travailler au niveau régional avec les OP

correspondent à nos capacités réelles sur le plan financier, technologique ? Nos décideurs politiques fonctionnent sur des modèles qui ont été pensés dans des circonstances particulières loin de nos réalités. Ce ne sont que des modes venues d'ailleurs a l'exemple de celle qui consiste a « développer les biocarburants pour lutter contre la faim ". Il pointe aussi du doigt l'ingérence extérieure « Les responsables de l'Aide Publique au Développement sont souvent a l'origine de nos maux. Ils doivent nous suivre dans ce que nous voulons ou alors ils peuvent rester chez eux. Pour nous il ne faut plus considérer l'aide comme élément principal, il faut un recentrage sur ce que nous faisons, ce que nous avons et ce que nous voulons. Il est temps que soit révolu cette aide qui déstabilise, déstructure et se positionne en donneur de leçons... Au ROPPA nous disons que notre politique agricole, c'est notre affaire avant d'être l'affaire des autres. Nous ne devons pas élaborer des politiques et attendre que les partenaires viennent apporter leurs financements. Lorsque nous élaborons des politiques, nous devons être les premiers a apporter l'argent pour leur réalisation, ce qui signifie que les budgets de nos pays doivent contribuer davantage a leur mise en oeuvre... Malheureusement nous constatons qu'à chaque fois qu'une population africaine élabore une politique le système d'aide intervient et lui demande de modifier ses éléments jusqu'à dénaturer ce que nous voulions faire. Cette fois ci le ROPPA se mobilise pour communiquer notre désaccord. On ne peut pas continuer, pour des aides insignifiantes, à changer nos politiques, à dévier de nos objectifs » (in DEVEZE, 2008))

C'est fort de ses réflexions que le ROPPA cherche à faire entendre son point de vue dans ces processus politiques comme la politique agricole de l'Union Économique et Monétaire d'Afrique de l'Ouest (UEOMA) en 2001. Fort de cette expérience, le ROPPA participera plus directement a l'élaboration de la politique agricole de la Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en 2005, et jouera un rôle actif dans les négociations des accords Afrique-Caraïbes-Pacifique et l'Union européenne (ACP/UE.). Dans le document de plan d'action 2006/2010 de la CEDEAO/ECOWAP sont reconnus l'agriculture familiale et la souveraineté alimentaire, fruit des revendications paysannes, mais dans les actes ?

2.2.3 La Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP)

« L'évènement essentiel ces dernières années c'est que les OP ont accepté que la CNOP existe. Avant il y avait des problèmes de leadership, les OP évoluaient de façon libre et sans concertation, et ne voyaient pas l'enjeu politique. La CNOP, c'est là où l'on débat de toutes les questions politiques, des positions à adopter, des réflexions par rapport aux politiques agricoles, aux enjeux internationaux pour le développement socio-économique des agriculteurs » dixit Mamadou Alamine COULIBALY vice-président de la CNOP en 2002.

Les « grandes OP » maliennes se sont réunies en 1996 pour engager un processus de mise en place d'un cadre de convergence. L'AOPP « a eu du financement du ROPPA pour créer la CNOP, pour parler d'une seule voix, l'AOPP a porté la CNOP... l'AOPP était le cerveau de la CNOP. Les cerveaux se sont retrouvés à la CNOP. » Rapporte un responsable paysan. La CNOP est née en 2002, elle est reconnue par l'État sous le récépissé n° 0012G-DB depuis le 26 novembre 2004. Elle se définit dans le Mémorandum paysan comme le :

((cadre démocratique de convergence des préoccupations, actions et stratégies [des OP] dans le but d'aboutir a un espace commun de représentativité réelle, de formulation de stratégies communes face aux autres acteurs, de renforcement des effets de leurs actions de lobbying et de plaidoyer». Elle se veut ((le seul cadre autonome de représentation des OP du Mali... pour édifier un mouvement paysan crédible, porteur d'une vision paysanne basée sur la promotion socio-économique durable des exploitations agricoles familiales à travers une agriculture paysanne et la souveraineté alimentaire.

La CNOP fédère des OP à compétence locale, nationale et/ou régionale qui couvrent tous les sous-secteurs de
l'agriculture, de l'élevage, de la pêche, des forêts. Sont adhérentes aussi les 2 organisations les plus

représentatives des femmes la Fédération Nationale des Associations de Femmes Rurales du Mali (FNAFR) et des jeunes la Fédération Nationale des Jeunes Ruraux du Mali (FNAJER). Dans le cadre de la LOA, elles sont nommées indépendamment de la CNOP, ce qui augmente son poids au sein des instances. La CNOP est adhérente de la Via Campesina13. Son président Ibrahima COULIBALY est aussi élu au bureau du ROPPA14..

Les membres élus à la CNOP sont des paysans qui représentent les Fédérations membres. Ses organes sont l'assemblée générale, le conseil d'administration et le bureau exécutif national. A ce jour, un cadre permanent et « un personnel de soutien ~ compose l'équipe salariée très restreinte. Cette situation monopolise les élus en permanence qui s'usent et ne peuvent assurer tout le temps sans compensation financière « permanente et adéquate » .

Financièrement ou en appui de renforcement de capacité, en organisant des formations, des ateliers, en étant consultante la CNOP est soutenue par le Bureau de la Coopération Suisse du Mali pour le côté institutionnalisation de la structure, ou par des ONG comme la SNV-Mali pour améliorer les capacités de réflexions et d'actions, d'Oxfam-Solidarité pour faciliter la structuration au niveau régional et la communication, de Terra Nuova d'Italie pour faire profiter les OP de base du programme CILSS. Ponctuellement d'autres ONG interviennent comme SOS faim de Belgique, des ONG du Canada. Lors de l'élaboration de la LOA elle a eu un budget spécifique d'environ 200 M de FCFA. Actuellement elle a du mal, a obtenir des financements pour la mise en oeuvre. Dans son Plan d'Orientation Stratégique (POS) 2008-2012, le budget prévisionnel est de 2 150 470 600 FCFA sur 5 ans, soit plus de 400 M FCFA/an.

Ces rapides portraits des structures, à tendance syndicale du Mali ne reflètent pas les problèmes auxquels elles sont confrontées. Pour certaines d'entre elles et particulièrement la CNOP, ils seront développés dans la partie E], et seront mis en exergue tout le long du rapport dans des situations bien précises.

2.3 LES CHAMBRES D'AGRICULTURE (CA) ET L'ASSEMBLEE PERMANENTE DES CHAMBRES D'AGRICULTURE DU MALI (APCAM)

Les premiers PAS favorisent l'essor d'organisations économiques et d'associations paysannes. Mais aucune, aux yeux du gouvernement ne pouvait être un interlocuteur national valable, représentatif de l'ensemble de la paysannerie. La « réponse au besoin de contact de TRAORE avec les paysans tout en satisfaisant les bailleurs de fonds est de créer des CA ». (NARDONNE 2006) C'est sur ces bases qu'est avalisée par la loi n° 88-56-AN-RM du 5 avril 1988 et encouragé par la FAO.

La résolution issue de la Conférence Nationale d'août 1991 a abouti a la tenue des États- Généraux du Monde Rural du 9 au 13 décembre 1991. Des représentants de tous les sous-secteurs agricoles, de l'administration, de partis politiques, d'associations et des partenaires au développement y participaient, soit environ 200 personnes dont seulement 18 femmes et aucun représentant syndical. La conclusion fut de « redynamiser les institutions consulaires pour réorganiser les professionnels du monde rural et notamment, la décentralisation des CA au niveau des régions». En 1993 sont crées 9 CA indépendantes. Elles sont chapeautées par l'APCAM pour les coordonner et les représenter au niveau national. (Voir annexe n°4). Le Secrétaire général est nommé par le Conseil des Ministres sur proposition du bureau national. Les paysan-ne-s ne se reconnaissent pas dans les CA car « C'est un appendice de l'État. Elles se disent représentantes des paysans depuis 1990 et valident les décisions ministérielles dans des logiques clientélistes. Le président en 2006, Boukary TOGOLA a appuyé ATT aux dernières élections qui l'a nommé président de l'APCAM. Elles sont en conflit avec l'AOPP et la CNOP » (NARDONE 2006).

13 Mouvement paysan altermondialiste international qui regroupe plus de 350 millions de paysan-ne-s

14 il est même un des 4 vice-président depuis mai 2010

Ce constat sera confirmé pendant mon stage par un fonctionnaire « L'APCAM, en tant que structure parapublique et par ce statut juridique ne pouvait pas être la voix des paysans de terrain » faisant écho à un responsable de la CNOP. « Le problème des chambres ce sont des fonctionnaires retraités, ce n'est pas la voix des paysans, mais la place est bonne alors il y a conflit, car ce ne sont pas des paysans ». Le système électif15 laisse peu de place aux OP. Est-ce que les élus ne sont que des figurants ?

3 UN CONTEXTE GÉNÉRAL u EXPLOSIF »

Il est intéressant de pointer du doigt certains sujets qui sont indissociables des évolutions des acteurs et du contexte entre l'élaboration et la mise en oeuvre de la LOA et particulièrement de l'État qui a modifié son comportement entre le 1er et 2ème mandat (2002/2007.2007/2012)

Pendant son 1er mandat ATT avait su négocier toutes protestations arguant qu'il fallait lui laisser du temps pour mener les actions gouvernementales. Ce pacte a été respecté, permettant d'appliquer une forte volonté politique présidentielle comme l'illustre la phase d'élaboration de la LOA. Mais au moment de son 2èmemandat, la situation générale ne s'est pas vraiment améliorée voire c'est même dégradée, et des voix s'élèvent, des manifestations s'organisent. Ainsi quelques éléments contribuant à mieux appréhender ce nouveau contexte sont abordés ci-après.

En laissant la parole aux maliens eux-mêmes a partir d'un article de presse suite a une conférence, un tableau des conditions de vie actuelles va être brossé :

« Malgré les multiples programmes, stratégies et projets, le continent africain - le Mali en particulier- doit faire face à un phénomène de paupérisation grandissant comme l'attestent les indicateurs de développement humain durable. Effectivement le Mali est classé 174ème sur 177 avec un PIB de 290 $ h/an (100 fois moins que la moyenne française) confirmant que depuis 1981 la proportion de pauvres dans la population mondiale a diminué de moitié alors que le taux en Afrique subsaharienne n'a connu aucune baisse. Le taux de scolarisation universelle reste faible avec des inégalités villes/campagnes, des disparités de genre et des distorsions par ordre d'enseignement. Le taux d'alphabétisation est alarmant, 73% des adultes ne sont pas alphabétisés dont 65% d'hommes et 82% de femmes. Le taux de mortalité maternelle reste un des plus élevés au monde avec selon les estimations du PNUD plus de 464 décès maternels pour 100 000 naissances. Le taux de malnutrition juvéno-infantile traduit les problèmes structurels de sécurité alimentaire que connaissent encore le Mali et la situation de survie qu'affrontent les ménages les plus pauvres. Le taux d'accès à l'eau potable (moins de 65%) malgré les progrès enregistrés reflète le sous équipement et le manque d'infrastructures de base. Ce qui accentue la précarité des conditions de vie des femmes et des ménages, surtout ruraux, exposés aux maladies et pandémies. Le taux de couverture en électricité (8 % à l'échelle nationale) montre la fracture technologique qui existe entre le Mali et les pays du nord. En un mot les conditions ne sont pas encore réunies pour asseoir un réel développement économique.'' 16

Effectivement la pauvreté ne fait que s'accentuer particulièrement dans le milieu rural puisqu'il s'élève a 73, 04% contre 20,12% en urbain alors qu'il était de 68,3% en 2002.

15 5 postes réservés aux organisations professionnelles agricoles (OPA) qui recoupent le collège des coopératives, des mutuelles et des caisses d'épargne et de crédit, et les OP. Le collège exploitant individuel rassemble des agriculteurs, éleveurs, pêcheurs et forestiers. Ils votent pour 3 membres par cercle qui peut varier 12 a 24 selon le nombre de cercles rattachés a la Chambre d'Agriculture régionale.

16 Du 16 au 20 février 2010, se déroulaient les travaux du 10ème Forum de Bamako '' L'Afrique 50 ans après : la faim sur le continent, le défi alimentaire''

3.1 CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE

Le Mali recense 13 518 000 habitants avec une densité de 11h/km2, inégalement répartis : 91% sont concentrés sur 30% du pays, dans le triangle sud. 21M sont prévus en 2025.( D. DELACROIX/ DEVEZE, 2008). La population a doublé, de 6 M à 12 M, entre 1970 et 2000. Les centres urbains de plus de 5000 habitants ont plus que triplé au cours de la même période. Bamako comptait 0,5M en 1970 et 1,5M en 2006, signe d'un développement alarmant car :

«Le déplacement en ville n'est que le prolongement d'une situation difficile dans les campagnes. Ce qui est inquiétant dans l'urbanisation c'est d'abord que les villes se construisent sur les richesses produites par le monde rural, et il n'y a pas de retour. Cela crée un dysfonctionnement entre monde rural et monde urbain. Pour que l'urbanisation ne soit pas sauvage, il faut essayer d'assurer un certain équilibre au niveau des conditions de vie. On considère encore aujourd'hui qu'accéder a l'eau, a l'électricité et aux loisirs est un luxe alors qu'en tant que citoyens les ruraux doivent y avoir accès. C'est indispensable, tout le monde ne peut pas vivre dans les villes....~ F.N'DIOGOU Fall ((in DAGNON, 2006).

Ainsi résoudre la situation des ruraux et de la paysannerie est au coeur des futurs enjeux économiques et sociaux. Il faut agir politiquement :

« Même si l'exode rural est important dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne, surtout a l'intérieur de notre continent, la population rurale va continuer de croître ainsi que le nombre d'exploitations familiales. Ce sont elles qui auront a relever les défis... en terme de productivité, (travail, capital, terre et statut, bien être), d'aménagement de l'espace et de gestion intégrée des ressources naturelles, d'insertion des jeunes en milieu rural et d'accès aux marchés. » !brahima Assane MAYAK! (in DAGNON, 2006)

Le Mali reste un pays peu peuplé par rapport à son territoire qui a de forte de potentialités foncières Sur le long terme la croissance démographique pourrait représenter un facteur favorable pour les campagnes et plus largement pour nourrir sa population voire approvisionner au niveau régional, ni le nécessaire est fait en rééquilibrant les investissements entre urbain et rural.

3.2 L'INTEGRATION REGIONALE PAS TOUJOURS FACILE A GERER

Pour répondre à ce défi, un organe politique la CEDEAO et économique, l'Union Économique et Monétaire d'Afrique de l'Ouest (UEMOA) ont été crées et un cadre le Nouveau Partenariat pour le

Développement de l'Afrique (NEPAD)pour mettre en oeuvre entre autre la politique agricole régionale. Cette intégration, fondée sur la complémentarité et la subsidiarité entre le national et le régional, fait aussi objet de compétition entre États pour accueillir les institutions leur conférant plus de pouvoir et une manne financière

Les décisions prise au niveau régional sont intégrées à la LOA et ont des répercussions La politique commune agricole l'ECOWAP est aussi le reflet des OP via le ROPPA. Mais entre les textes et leur réalité des décalages existent.

La constitution d'une entité régionale Afrique de l'Ouest parait être une condition nécessaire pour les pays et la région tant au niveau social qu'économique. C'est une façon de lutter contre « la balkanisation », de se regrouper pour mieux s'organiser et aspirer a une certaine autonomie de décisions et d'actions. Mais elle engendre aussi des difficultés liées aussi aux différents niveaux de richesses de chacun, du rôle des membres, des visions politiques, des moyens.

OHADA

est une organisation régionale née en 1993.Elle s'inscrit dans le cadre de la libéralisation des échanges et de la libre circulation des personnes, freinées par les législations nationales « la souveraineté des États constitue une entrave pour un règne sans partage des normes communautaires.».

L'OHADA et l'UEMOA, 2 organisations positionnées sur les mêmes missions--.uniformiser le droit économique- regroupant les mêmes États, sont un obstacle d'un droit unique régional « elles ont crée les conditions de leur télescopage et cela vient encore perturber l'ordre communautaire engendrant une double législation, des conflits entre juridiction communautaire et nationale et même entre juridictions communautaires».

L'ODAHA s'adresse aux investisseurs ayant un rayon d'action régional et international, c'est dans ce cadre que l'entreprise Agricole est considérée dans la LOA et est géré par sa réglementation.

sûre. S'ajoute le risque de structures démultipliées dans chaque pays, engendrant des coûts supplémentaires pour ses États pauvres mais aussi de bonnes places pour les « copains ».

Un gros travail est à faire pour harmoniser une vision entre les différentes politiques, liées par les PAS « qui ont cloisonné les politiques agricoles nationales, avec une faible articulation avec les politiques initiées au niveau régional.» 17, au risque de se concurrencer (voir encadré sur l'OHADA). Cette dimension est intégrée dans l'article 6 de la LOA qui stipule « la présente loi prend en compte les engagements sous-régionaux, régionaux et internationaux auxquels le Mali a souscrit».

3.2.1 Une politique agricole commune l'ECOWAP

Une politique agricole commune existe, l'ECOWAP que la CEDEAO est chargée de coordonner en mettant en oeuvre le plan d'actions. Le ROPPA est partenaire et a accès a des financements via les différentes mesures déclinées, qui se répercutent après dans les OP des pays membres.

La vision agricole est partagée : reconnaissance du rôle essentiel du secteur Agricole et de l'exploitation Agricole Familiale dans l `économie en lien avec la souveraineté alimentaire et l'exportation, comme il est acté dans l'ECOWAP. Mais entre les écrits et les actes, il y a parfois un fossé et qui interroge le président du ROPPA :

« Quand il s'agissait d'élaborer une politique agricole en Afrique de l'Ouest , une question était en toile de fond : s'agit-il de promouvoir la grande agriculture industrielle qui suppose une concentration des terres et donc une élimination des petites exploitations familiales, et par conséquent un renforcement de l'exclusion, de la pauvreté et de la famine, ou bien s'agit-il d'avoir en perspective une politique agricole qui se base sur des exploitations familiales en cherchant à les moderniser , à renforcer leur productivité, à faciliter leur accès aux ressources et a créer un environnement favorable au développement...Au-delà de la vision, il faut qu'on s'entende sur les instruments , les outils qu'il faut utiliser pour cheminer et atteindre cette vision... dans le cadre de la politique agricole de la CEDEAO, si nous n'avons pas obtenu gain de cause a 100% , on se félicite quand même que cette politique insiste sur l'importance de la petite agriculture familiale, on se félicite aussi que cette politique insiste sur la souveraineté alimentaire, car elle est particulièrement importante pour nous. Pourquoi ? Parce que la première souveraineté, c'est la souveraineté alimentaire. Si nous ne maîtrisons pas notre alimentation, nous nous fragilisons et devenons dépendants. Et c'est la première fois dans une politique de la région africaine de l'Ouest que cette préoccupation fait l'objet d'une manifestation très claire et d'une sorte d'engagement Il faut faire revivre l'espoir dans une agriculture qui peut « nourrir son homme " et le faire vivre dignement ".

Cette intégration régionale doit aussi se soucier des conflits qui se multiplient au niveau transfrontalier - important pour le Mali en contact avec 7 pays- entre autre sur l'accès aux ressources naturelles, aux espaces agro-pastoraux, aux règles sanitaires et de commercialisation. Des décisions de gestion et de règles communes et concertées doivent être rapidement prises tant pour le bien-être des habitants que pour les échanges économiques. Outre la difficulté de mettre en cohérence ses politiques avec la région, le Mali y est aussi confronté dans le cadre de la décentralisation.

3.3 UNE DECENTRALISATION QUI SE HEURTE A UN MANQUE DE MOYENS ET DES CONFLITS D'INTERETS

17 plan d'action 2006-2010 CEDEAO/ECOWAP

La décentralisation est au coeur de la réussite de la mise en oeuvre de la LOA. Les difficultés rencontrées sur le terrain freinent les choix prônés, l'application de décrets sortis et l'implication des OP.

(( Écrasé sous le poids de la misère et la ponction de ses ressources par l'élite urbaine, le monde rural a fini par réclamer son du, c'est-à dire de l'affranchissement du carcan de l'État prédateur...les États-généraux du monde rural de 1991 ont été l'expression la plus radicale des revendications paysannes dont une des réponses sera la décentralisation ». B. KASSIBO18

Venant de renverser 23 ans de dictature sous Moussa TRAORE, ATT alors chef du Comité de Transition pour le Salut du Peuple organisa la Conférence Nationale, qui engendra la Constitution, base de la grande réforme administrative avec comme enjeu la décentralisation. Celle-ci représentait alors pour le monde rural un « retour du pouvoir au terroir » loin des élites qui étaient seulement préoccupées par des luttes de pouvoir dans la capitale, peu soucieuses du monde rural sauf pour s'enrichir sur leur dos. C'est un des grands projets politiques de la III ème République.

Le président Konaré déclara en 1997 (KASSIBO, 1997)

(( La décentralisation avant d'être une dynamique économique est un état d'esprit qui réhabilite le monde rural au triple plan moral, administratif et politique... et les 703 communes sont autant de forum au service du développement et de la démocratie. »

3.3.1 Une décentralisation aux mains des bailleurs, bousculant les gouvernances locales

30 ans plus tard, la décentralisation a encore du mal à exister ! Cela est du à plusieurs facteurs, les principaux sont exposés ci-dessous.

Si dans l'esprit des maliens la décentralisation représentait un « instrument de la démocratie », il ne faut pas oublier que nous sommes en pleine période des PAS Comme l'écrit judicieusement B. KASSIBO (1997) :

« La bonne gouvernance, le désengagement de l'État a travers la privatisation du secteur public, l'intégration au marché mondial et la décentralisation de l'administration deviennent des critères d'éligibilité des gouvernements au statut de récipiendaires privilégiés. Les meilleurs reçoivent des primes et des encouragements et leurs populations payent au plus fort les efforts consentis pour la réussite des PAS de plus en plus renforcés... Ainsi dans l'esprit des institutions la décentralisation devenait synonyme « d'outil au service du marché. »

Sur le terrain les ruraux se trouvèrent confrontés entre plusieurs logiques. Chaque bailleur avait une approche différente selon leur intérêt, culture, histoire et était toujours dans une démarche « top down ». Le redécoupage en 8 régions, 49 cercles et 703 communes, sans prendre en compte les usages de gestion des terres, bouleversa les gouvernances locales avec l'arrivée de nouveaux acteurs ayant une autorité nouvelle et (( connaissant bien le français ». Les autochtones qui pensaient retrouver (( mara ka seki sa l'administration de leur terroir » devaient en fait (( ka mara kan da bo étendre le cercle d'exercice de l'autorité administrative » à condition que celle-ci « passe d'une structure de commandement a une structures de conseil, de développement et d'arbitrage ~.

Aujourd'hui c'est au niveau des communes que les enjeux semblent les plus forts. N'ayant toujours pas de
limites territoriales elles ne peuvent exercer leurs prérogatives. De plus il y a un manque flagrant

18 Brehima KASSIBO Anthropologue au GREDEF, la décentralisation du Mali : Etats des lieux. Le Bulletin de l'APAD n° 1997./ http://apad.revues.org/documents579.html.fr

d'encadrement compétent et elles sont un espace a disputer pour les potentats locaux. Ce qui fait dire au représentant de la FAO :

«Les communes ce ne sont que des élections des maires et pendant ce temps la décentralisation s'embourbe. Il n'y a pas d'administration des collectivités, ils sortent des Secrétaires Généraux artificiels. A chaque maire on a un nouveau Secrétaire Général qui applique le programme de développement du maire, qui change au maire suivant. Il n'y a pas de mémoire technique tandis que les bailleurs de fond financent de la formation des maires ce qui est différent de l'encadrement technique. Il y a une faiblesse de l'encadrement étatique, il n'y a plus de spécialistes, tous les anciens sont partis créer leur bureau d'études !... ll y a au Mali un problème de compétences ».

L'État est aujourd'hui le premier frein dans la mise en place de la décentralisation. Il est prévu que les « biens communs appartenant a l'État ~ deviennent « biens publics ~ gérés par les CT. La loi n°96050 (articles 22 et 23) définit le transfert de compétence et la loi 96.051 du 16/10/ 1986 les conditions de constitution et de gestion des domaines. Mais aucun transfert n'est effectif a ce jour, entrainant des tensions sociales fortes sur le terrain et privant les CT d'espace pour se développer.

3.3.2 Décentralisation et LOA

Même si le bilan est plus que mitigé, les Collectivité territoriales (CT) font malgré tout parties du paysage institutionnel. Elles sont des acteurs dans les textes et notamment dans la LOA : « La politique de développement Agricole repose sur la responsabilisation de l'État, des Collectivités territoriales, de la profession Agricole, des exploitants Agricoles et de la société civile...de même que le rôle des Collectivités territoriales en matière d'aménagement du territoire et de gestion du développement local(article9).

Dans le TITRE IV chapitre 1, les articles 67 à 74 sont axés sur leur rôle: élaborer et mettre en application des textes a travers des schémas et des programmes d'aménagement après avis consultatifs des CER -ils n'ont pas encore de fonctionnement réel -, prélever des redevances et des taxes -alors que les impôts existants rentrent difficilement-. »

Aux EGF cette situation menaçante, a été le fil rouge de ces journées, comme elle l'est en toile de fond pour la LOA. Les débats ont révélé une non-appropriation de cette décentralisation, de son rôle et des moyens mis en face. Et pour cause sur quoi s'appuyer! Ce dysfonctionnement ressort clairement dans le pré-projet transhumance, comme nous le verrons plus tard. Est-ce que le volet de la politique foncière de la LOA et les commissions foncières seront les premières bases d'une réflexion cohérente et intelligente pour une application opérationnelle sur le terrain ? Comme il existe quelques chartes de gestion locales concertées qui fonctionnent.

La question de la gouvernance est toujours posée, et de fait la place des OP, dont la CNOP, peu prises en compte actuellement, notamment dans les CER. Pour cela, il faut un soutien politique, financier et humain fort de l'État, l'établissement de relations de confiance entre les populations et les élus, la constance des bailleurs de fonds dans la durée et leur réelle volonté de mettre en place ce volet décentralisation pour créer de la richesse locale et la répartir équitablement pour améliorer les conditions de vie.

Mais a l'aune de nouvelles élections présidentielles en 2012, la recherche de solutions semble encore une fois mise en attente. En effet ATT lors des voeux de la nouvelle année 2010, propose de réfléchir a un autre découpage du schéma de la décentralisation actuelle - financé par les partenaires extérieurs ? La FAO indique qu'« aujourd'hui les programmes de développement institutionnels donnent de gros moyens pour les 10 ans a venir avec des partenaires ». Vu les milliards déjà mis dans la décentralisation par exemple et les résultats actuels, espérons que ce programme répondra réellement a la demande. Le 9 mars 2010 l'Union européenne a décaissé 6 Milliards d'euros dans le cadre du Programme d'Appui a la Réforme Administrative et a la Décentralisation.

3.4 LE FONCIER, UNE URGENCE DE SECURISER El D'AMENAGER LES ESPACES FONCIERS

« Parmi les bombes qui menacent le pays, la bombe foncière est la plus imminente et la plus dangereuse » Adam THIAM 19.

L'une des premières chartes des droits fondamentaux, est née au Mali La Charte du Mandé. Proclamée par l'empereur Soundata Keita le jour de son intronisation en 1222, elle affirme des droits contre la famine et l'esclavage tout en assurant la maîtrise et le contrôle de son territoire.20

«Le foncier l'un des enjeux fondamentaux du nouveau siècle, s'impose aujourd'hui comme le facteur de production le plus limitant *...+ pour nos économies qui demeurent fortement rurales... L'augmentation notable de la population humaine et animale fait que la pression sur les ressources foncières, qui était relative dans beaucoup de nos contrées tend a devenir absolue dans des zones de plus en plus nombreuses... La pénurie de plus en plus absolue des ressources engendre entre les populations des conflits de plus en plus fréquents *...+ Les politiques mises en route, sous la double pression de l'urbanisation croissante et de la mondialisation, tendent à la dépossession des communautés du contrôle de la terre, et donc du contrôle de leurs conditions de vie » C. COULIBALY (1er trimestre 2003

Sécuriser et aménager les espaces fonciers sont un souci permanent. Entre changement climatique et appauvrissement des sols, agriculteurs et éleveurs, zone aménagées et non aménagées, investisseurs en production agricole, agro-carburants, mines, forêts et paysans/villageois, se traduisent par de l'expulsion, de l'insécurité, jusqu'à mort d'hommes, environ 200/an.

Cette situation est dénoncée par l'AOPP dans un livret sur La question foncière au Mali (2004). Ce diagnostic participatif était coordonné par l'Université Mandé Bukari. Le comité de pilotage rassemblait des représentants de l'État centralisé et décentralisé et l'AOPP pour aider la Cellule de Planification et Statistique a clarifier le rôle des différents acteurs du foncier rural. Une des conclusions était de faire la « relecture des législations foncières en vigueur et l'élaboration concertée d'une politique des gestion pacifique et durable des ressources foncières dans le sens de la modernisation de l'agriculture familiale et paysanne~.

3.4.1 Un mille-feuille de lois ingérable

A ce jour tout est confusion et superposition. Les lois dites modernes héritage des lois coloniales sur le principe des « terres vacantes et sans maitre », sont toujours en vigueur :

« Il est vrai que le Code domanial et foncier a clairement établi que toutes les terres appartiennent a l'État qui, après immatriculation peut les céder à qui de droit »

Pour le moment il les gère a sa guise et n'a procédé a aucune immatriculation. Les lois coutumières voire religieuses doivent être répertoriées et devraient faire aussi l'objet d'un examen critique. Le débat se situe aussi entre accaparement et/ou privatisation des terres et gestion collective avec droits d'usage et ayantdroits. Il repose autant sur les valeurs culturelles que sur une expression juridique équitable et applicable. Les lenteurs -des dossiers sont en cours depuis 30 ans !- et le coût des recours juridiques rebutent les gens pour régler les conflits au tribunal en qui la confiance d'une juste décision est peu probable. Il a été relevé plusieurs fois que des magistrats, des assesseurs sont soit incompétents soit facilement achetables. Ils se contentent des « papiers magiques » acquis illégalement par des « commerçants, fonctionnaires qui s'emparent de terrains agricoles en exploitant leur maîtrise des rouages administratifs et des législations en vigueur ou en corrompant les gestionnaires traditionnels»21, tandis que l'État « peut légalement apurer les droits coutumiers

19 Journaliste, article de Le Républicain du 12 mars 2010

20 François Collart Dutilleul, entre politique alimentaire et foncière : quel droit pour quel développement

21 extrait du discours d'ATT aux États-Généraux du foncier de décembre 2009

et céder les terres a de gros opérateurs privés~. Dans les deux cas c'est «contre des dédommagements infimes et non négociés», quand ils existent ! L'appel des paysans de l'AOPP en 2004 est clair et responsable

«Le traitement de la question foncière demande des réformes courageuses guidées par une véritable ambition politique...Il est temps pour l'État de faire un choix stratégique explicite: celui de la sécurisation foncière de l'exploitation familiale paysanne et de la gestion décentralisée du foncier rural et des ressources naturelles... le rôle de l'État est non moins important : il doit endosser le rôle d'arbitre, garant des droits et des devoirs de chacun à chaque niveau.»

3.4.2 Le foncier urbain plus important que le rural

MOTION DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE AGRICOLE, A L'ENDROIT DES ETATS GENERAUX DU FONCIER A BAMAKO.

Nous représentants des OP de la société civile Agricole rendons un vibrant hommage aux autorités maliennes en général, le Ministère du Logement, des Affaires foncières et de l'Urbanisme en particulier, pour la tenue de ses États Généraux du Foncier. Qu'elles en soient remerciées pour cette marque de patriotisme. Le monde paysan qui représente 80% de la population malienne, dont la vie et les revenus sont intimement liés à la terre, donc aux ressources naturelles et socle de l'économie malienne, voudraient attirer l'attention des autorités sur les préoccupations suivantes a prendre en compte :

Que la terre en milieu rural et périurbain, ne soit cédée qu'aux vraies exploitations Agricoles Familiales

Que les baux accordés aux étrangers n'excèdent guère 25 ans et renouvelable une fois

Saluons vivement les initiatives concourant a l'accès durable des femmes et des jeunes au foncier, en général, dans les zones aménagées en particulier

Invitons les autorités maliennes à faire le lien entre la politique foncière en général et la politique nationale de sécurisation foncière telle que prévue dans la LOA.

Souhaitons vivement que les Organisations Paysannes

Professionnelles Agricoles de la société civile soient associées directement aux dynamiques suivantes :

- élaboration des outils de gestion foncière - observatoire national foncier

ff f è

Le Ministère des Domaines, des Affaires foncières et de l'Habitat a été dépossédé de la question foncière. Celle-ci a été transférée au Ministère du Logement, des Affaires foncières et de

l'Urbanisme en 2007. Un représentant du Ministère de l'Agriculture explique

« Un point essentiel pour l'agriculture de demain c'est le foncier. Le Mali a des politiques foncières axées sur l'urbain, le rural n'est pas traité. Les codes actuels ne correspondent pas aux réalités socio-économiques du paysan malien, elle n'est pas sécurisante comme dans les zones urbaines. Le gouvernement a pris l'option de scinder le foncier en deux: le foncier urbain, le foncier rural, ça a fait des remous aux Domaines, c'est que c'est pertinent».

C'est donc dans le volet de la politique foncière de la LOA que sera désormais traité le foncier rural. En effet pour l'État les préoccupations foncières sont d'abord urbaines alors que 80% du

s s o era e

foncier est en zone rurale qui devrait être via l'agriculture « le moteur de l'économie malienne ~!

De même le Ministère de l'Environnement est devenu le Ministère de l'Environnement et de l'Assainissement,

Ef, appeons à tot à cacn e fae se e pcpe svant : La ere es u u prei b mc, i p n pme i

sous entendu la viabilisation des terres agricoles pour l'urbanisme, enjeu des concessions rurales, et mettant

age

en péril l'agriculture périurbaine. Celles-ci devaient préserver des terres agricoles ou permettre d'aménager

des espaces urbains viabilisés surtout pour des infrastructures comme les écoles, hôpitaux. Elles sont objet de convoitise et de spéculation dans les zones urbaines et périurbaines. «Dilapidant le domaine privé immobilier de l'État les autorités concédantes vendent aux plus nantis et sans respect des règles, de 2 à 10 ha le plus souvent transformés en TITRE foncier, qui sont revendues ensuite en lot sans mise en valeur préalable en se servant en premier gracieusement».22

3.4.3 Les États-Généraux du Foncier (EGF) et la LOA

Pour ATT inaugurant les Assisses Nationales des États-Généraux du foncier du 7 au 11 décembre 2009 -alors que des milliers d'hectares en zone agricole sont entrain d'être céder de son fait et en catimini a d'autres États ou investisseurs - l'essentiel de son discours était axé sur les dérives foncières urbaines, dénonçant avec virulence que :

«Les textes et schémas directeurs d'aménagement régissant le foncier et l'immobilier se traduisent par la dilapidation du domaine privé foncier de l'État et des collectivités locales, l'enrichissement illicite des Autorités concédantes l'insécurité foncière et immobilière, les conflits fonciers et l'injustice ". Pour cela il préconise « l'instauration du cadastre, la fixation des conditions et procédures d'immatriculation, d'acquisition et d'expropriation... de la mise en place d'un Observatoire National du Foncier et de l'Immobilier qui aura comme mandat de recenser toutes les pratiques malsaines afin d'y remédier par des propositions concrètes de solutions. Il est impératif pour l'État de rentrer dans une logique de sanction des responsables politico-administratifs.»

Des paroles et des grands chantiers qui nécessitent du temps, des moyens et une forte volonté politique que le Mali n'a pas et encore moins le Président! D'ailleurs aucune réponse n'a été apportée à une interpellation directe et publique sur les 100 000 ha de MALIBYA par un élu CNOP et président de la Chambre d'Agriculture de Bamako, et de la Fédération des éleveurs!

Seule la Ministre a parlé du foncier et des paysans :

« Dans sa philosophie, le débat national public sur le foncier, se veut l'expression des préoccupations du paysan agriculteur, du pasteur éleveur, du pêcheur Bozo ou Somono... les présentes Assises nationales devront aboutir de manière consensuelle à des recommandations pertinentes en vue de l'élaboration d'une politique foncière nationale dont la mise en oeuvre constituera la base d'une réforme domaniale et foncière qui sécurise l'exploitation familiale du petit paysan, qui protège les droits du pasteur nomade...~.

Conforme a l'esprit ambiant, un seul atelier officiel sur le foncier rural et LOA, sous la responsabilité du SP est annoncé. Le document de support est axé sur l'acquisition du TITRE foncier actuellement inaccessible a « cause de la lourdeur de la procédure et son coût élevé », pour servir alors de caution « pour accéder au crédit et donc pour investir et développer l'exploitation~. Pour aboutir a cette sécurisation foncière il faudrait « définir un cadre foncier consensuel de référence, ...pour éviter le pilotage a vue... Une réforme foncière [qui] est une modification des règles régissant l'utilisation des terres... avec comme objectif d'améliorer la gestion foncière pour accroitre les investissements et contribuer a la réduction de la pauvreté~. C'est sur ces bases très résumées, éloignées des préoccupations paysannes et fidèle a la pensée présidentielle, qu'ont eu lieu les débats. De nombreux acteurs de l'ON y participaient, des paysans au personnel d'encadrement. Il en est ressorti un inventaire à la Prévert qui reflète le flou et les préoccupations qui prévalent dans la mise en oeuvre de la LOA et dans sa diffusion d'informations, voir annexe n°6

22 extrait du discours d'ATT aux États-Généraux du foncier de décembre 2009

De toute façon ces EGF ne leur étaient pas adressés, et les « revendications [étaient] dérangeantes dans la motion » comme cela a été argué en off. D'ailleurs l'APCAM et les OP avaient reçu peu d'invitation et de fait étaient environ une vingtaine sur plus de huit cents personnes. Même les chercheurs spécialistes du foncier rural comme C.COULIBALY, n'ont pu intervenir que sous la pression de la FAO auprès des organisateurs. A noter qu'à 200 m était organisée sur 2 jours une conférence internationale sur l'accaparement des terres, et que le Mali était représenté par un seul député et par un seul paysan de la CNOP pour une intervention de dernière minute !

3.4.4 Des choix justifiés par le manque d'argent ?

D'un côté des textes pour développer l'agriculture familiale largement majoritaire dans le pays, de l'autre, les bailleurs de fonds et l'État se positionnent sur d'autres projets, arguant manquer d'argent ou n'utilisant pas l'argent dans ce sens alors que l'agriculture est censée être le moteur du Mali !

Pourtant les zones privilégiées par l'État pourraient au moins être aménagées. Au contraire l'agriculture duale s'accentue entre les grandes exploitations « blanches ~, dont l'État maintient le principe de domanialité et favorise les accaparements fonciers par les urbains, les notables et les autres pays, et entre la petite agriculture « noire » reléguée sur les terres les moins propices basées sur les droits fonciers locaux ou des contrats étatiques annuels, appauvrissant, démotivant et empêchant toute projection et investissement. (Voir annexe 9 pour plus d'informations sur l'accaparement des terres et le développement de l'agro-business)

Des responsables ministériels argumentent que le Mali n'a pas les moyens d'investir. Que de toute façon les aménagements resteront a l'État qui alors en ferait profiter les paysans mais... dans 100 ans... si d'ici là les investisseurs n'auront pas acquis de TITRE foncier ou abandonné après l'afflux de subventions ! De plus la production issue de ces terres a peu de chance de nourrir les malien-ne-s. Elle sera soit exportée dans le pays des investisseurs soit stockée pour jouer sur les marchés ! En attendant les paysans sont expulsés, soit pour devenir des ouvriers agricoles, soit de futurs chômeurs urbains.

INVESTIR POUR LES PAYSANS : EST-CE SI CHER POUR L'ETAT?

Il faut 4 millions de FCFA (6000 €) pour aménager 1 ha irrigué. Il faut environ 5 ha pour faire vivre décemment une famille d'environ 12 membres mais les moyens ne sont pas mis là. « Il y a 1 millions a 2 millions d'ha irrigables a aménager *dans la zone de l'ON, seulement 82 000 ha le sont]. Actuellement la moyenne est de 3 à 4 ha par paysan avec des baux renouvelables tous les ans (liés au paiement de la redevance eau). Le SEXAGON avec un programme FERT du Luxembourg est en train d'aménager 2000 ha pour les donner aux petits paysans qui n'ont pas 3 ha, pour compléter. SOS faim finance aussi » souligne le secrétaire général du SEXAGON.

13 milliards de FCFA ont été dépensé pour provoquer des « opérations pluies » locales aléatoires,-chères à ATT-, bénéficiant d'abord aux initiateurs de cette nouvelle technologie, alors qu'on aurait pu aménager durablement plus de 3000 ha soit 600 familles.

4 milliards a l'équipe de football qui a été éliminée en quart de finale de la coupe d'Afrique !

Le sujet est brulant. Des associations en zone périurbaine organisent des manifestations « qui trouvent leur explication soit dans la tyrannie ou le laxisme de l'État concernant les affaires foncières et domaniales et vis-à-vis de l'urbanistique en général >' comme le souligne un article de Le Républicain a propos d'une marche contre les expropriations et les déguerpissements du 9 mars 2010 à Bamako, sévèrement réprimée.

Il serait aussi temps que les OP soient plus visibles sur les luttes foncières rurales qui ne cessent de se multiplier. Ce laisser-faire révolte M. SISSOKO, leader paysan sénégalais.

« Les paysans maliens ne vont plus se reconnaitre dans leurs leaders. Ils ne font rien. On leur prend la terre. ATT leur avait tout donné pour mener à bien la LOA. Ils ne se bougent pas maintenant. ATT voulait donner 10 000 ha au Sénégal *dans le cadre des accords avec l'UEMOA+. Je suis venu les voir pour leur demander si les paysans n'avaient pas besoin de ces terres car ils sont installés sur des surfaces de 0,5 a 2 ha. Ils n'ont rien dit, rien fait. Je ne comprends pas. Ils n'existent plus. Les leaders ne bougent pas. Comme ils ne disent rien ATT peut donner des terres à qui il veut ».

3.5 UN CONTEXTE POLITIQUE EN DEUX ETAPES

Un petit panorama politique et un rapide parcours sur le Président devrait nous permettre de mieux comprendre le contexte politique « consensuel » qui freine une dynamique gouvernementale. Dans le contexte malien consensuel signifie satisfaire tout un chacun. Depuis les Indépendances les malien-ne-s ont essayé de bâtir une nation et un État, de la période socialiste a la période actuelle libérale, qui n'ont jamais répondu à leurs aspirations, mais plutôt à celles des élites. Depuis les évènements du 26 mars 1991, où il a été le « Maître d'oeuvre » dans le gouvernement de transition, ATT, alors colonel putschiste, reste dans les mémoires. Il est celui qui a tenu parole en ne se présentant pas aux élections prévues après cette phase, et celui qui « a tracé la voie de la démocratisation », concrétisée par la Conférence Nationale, différents États généraux dès le mois d'août 1991.

3.5.1 2002-2007 : une volonté politique forte

En juin 2002, ATT devenu civil, est élu incarnant celui qui avait donné « un départ nouveau pour le Mali » et qui « avait négocié avec les mouvements syndicaux de lui laisser le temps de renflouer les caisses de l'État ». Plus généralement une volonté forte émerge, d'instaurer de nouveaux modes de relations entre « gouvernants et gouvernés » inscrits dans le Plan National de Communication pour le Développement (voir annexe 10).

Ainsi chaque département ministériel est en pleine réflexion pour proposer des projets dans son secteur, en ayant comme point fort la bonne gouvernance rappelée plusieurs fois dans Les Lettres de Cadrage en 2003 et 2007 « le Gouvernement est chargé de traduire concrètement l'ambition de faire du Mali un modèle de bonne gouvernance » .

Dans celui du Développement Rural une poignée d'acteurs est convaincue que l'agriculture et l'amélioration du sort de la paysannerie est une nécessité absolue pour l'avenir du Mali. Pour cela il fallait a tout prix donner réellement la parole à ceux que C. COULIBALY a appelé si justement les « sans voix », soit prés de 80% de la population, même si dans les zones encadrées des voix s'étaient élevées et avaient ouvert la piste au syndicalisme. Dans le cadre de la LOA cette volonté politique forte s'est traduite en créant la Cellule Infrastructure et Filières Agropastorales, cheville ouvrière voire bras armé d'ATT pour mener le processus d'élaboration.

3.5.2 Après 2007 : fragmentation du pouvoir et absence de lignes directrices

En juin 2007, réélu pour un dernier mandat, selon la Constitution, avec 71% des voix, ATT est non plus sans parti derrière lui mais avec une multitude. Ainsi 35 listes étaient présentes qui se sont toutes ralliées à lui en négociant chacune une part du pouvoir, empêchant toute dynamique et cohérence. D'ailleurs le gouvernement n'est nommé que le 3 octobre. Un remaniement ministériel a eu lieu le 9 avril 2009, un autre serait imminent. Cette situation ne satisfait pas au moins pour les acteurs de la LOA:

Pour les anciens membres de la CIFA:

«La CIFA n'existe plus avec les personnes qui ont oeuvré pour la LOA. Madame LANSRY partie au Commissariat de la Sécurité Alimentaire, les autres ont eu aussi d'autres promotions ou sont partis a la retraite. L'encadrement actuel n'est pas a la hauteur des enjeux. Il n'y a plus de spécialistes en développement rural. Le remaniement ministériel n'a fait que valider les départs (retraites, promotions, maladies) le reste ressemblait à un jeu de chaises musicales »

« Aujourd'hui il y a de la timidité de la part du gouvernement sur l'agriculture, il y a quelque chose, un écart entre les actes et les écrits. Il est plus dans les gros travaux que dans l'agriculture. La LOA n'est pas une affaire de l'État mais des OP ! Il faut donner ça aux acteurs. Il ne faut pas avoir peur de la donner aux gens qui vont la critiquer ! C'est comme ça qu'un gouvernement peut avancer ! »

Pour des responsables paysans :

(( Il y a eu un remaniement ministériel, qui a laissé partir toutes les personnes impliquées dans la LOA... il a su a l'époque s'entourer de cadres compétents ".

((Le gouvernement actuel est inodore, incolore. Tu me laisses faire ce que je veux et je te laisse tranquille et vice-versa. On gère en se partageant le gâteau. Le président est trop faible pour mettre en oeuvre la LOA, iifait le jeu des partis. La CIFA était compétente, le nouveau conseiller agricole aujourd'hui n'y connait rien ~

l'agriculture. Le SP aurait du être rattaché directement a la primature car aucun ministre n'accepte de se soumettre à un autre ministre. "

Pour la FAO

(( En plus le gouvernement ne prend pas les choses en main. Il est trop dans le consensus et chaque ministère défend son pré-carré ce qui ne correspond pas à une vision à long terme. Quand un ministre est nommé, c'est pour un mandat précis dans un temps court, ce qui est différend d'un exercice a mener sur du moyen et long terme. "

L'État malien est endetté de prés 1000 milliards de FCFA23 (1.53 milliards €), c'était la moitié au début des années 80. Confronté à la corruption et à de maigres rentrées fiscales, n'ayant pas les « coudées franches » ATT se presse de « puiser » dans les programmes comme le Cadre Stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté ou le Projet de développement Économique et Social qui s'achèvent entre 2010 et 2012, a la fin de son mandat.

Ceux-ci supplantent les politiques agricoles, orientés largement sur les grands travaux d'infrastructures, avec peu de composante agricole prévue hormis « l'initiative riz ~ et l'irrigation de périmètres. Ces projets et programmes sont de plus en plus pilotés par les Partenaires au Développement (PTF). Sous couvert de sécurité alimentaire et de mise en place de Banques de céréales, la Belgique a la main sur le blé et l'élevage, le Canada sur le blé, le riz et la micro-finance toujours les mêmes zones agricoles « privilégiées » du Mali.Le Mali perd de plus en plus de sa souveraineté.

3.5.3 La corruption gangrène la société malienne

(( L'avènement de la démocratie multipartiste a eu peu d'effets bénéfiques sur l'efficacité de a lutte contre la corruption. Les méthodes ont simplement changées " K. KANÉ24.

Cette affirmation illustre bien la formation du gouvernement pour qui l'objectif n'est pas de mettre en oeuvre des projets pour le pays mais de maintenir un fragile équilibre entre les partis et/personnalités en place à tous les échelons. Le Mali est classé 101ème sur 180 selon l'indice de perception de la corruption de Transparancy International (TI). Selon le malien Sidi Sosso DIANA qui a fait un audit des comptes :

(( Des divers services et entreprises publiques, le manque à gagner pour le Mali est de 98 milliards de FCFA (150 M d'euros) dont 40% imputables a la petite fraude pas celle des cols blancs qui se règlent « dans les salons dorés " , les petits arrangements entre Ministres et multinationales et qui font la une des journaux , celles de tous les jours ".

Plusieurs dires, lors des entretiens, des fonctionnaires aux paysans alimentent ce constat :

« Il y a aussi des problèmes de corruption, chacun défend son pré-carré. Pour avoir une info il est facile de faire tourner quelqu'un de bureau en bureau jusqu'à qu'il paye, c'est de l'argent qui va directement dans la poche du fonctionnaire ou plus largement au niveau des ministères liés a l'agriculture "

23 (chercher article maliweb de février)

24 Karamoko Kané économiste malien auteur d'une étude sur La corruption des fonctionnaires africains, 2009, Clé, Yaoundé

« Les partis politiques sont financés par les importateurs de riz et la loi les dérangeait. La loi est un cadre de cohérence qu'ils refusent, car ils veulent saucissonner la loi en fonction de leurs intérêts. Ce sont les ministres. Il faut comprendre que nous avons un gouvernement sans parti, on est dans le consensuel et chaque parti a droit a son pré carré. Par exemple il faut être de l'ADEMA pour avoir le poste de ministre de l'agriculture, Il y a beaucoup de véhicules disponibles a utiliser lors des élections et un des plus gros budgets! Le consensus c'est se partager la rente ; on ne se bat pas pour n'importe quel ministère.~

« Ils se sont faits de l'argent sur le dos des producteurs, par exemple les pesticides qu'ils achetaient 2000FCFA ils les revendaient 6000 FCFA ! Ils exploitaient eux-mêmes les paysans. Tout était entre les mains des ministres de l'agriculture. »

Ces déclarations confirment le rapport d'indicateurs de développement de la BM du 15 mars 2010 qui souligne que c'est dans le secteur Agricole a cause des importateurs que cette corruption est la plus forte : « La corruption fait partie intégrante de l'économie politique africaine. Elle est intrinsèquement liée a la pratique du pouvoir... clientélisme et corruption font bon ménage ».

Même si journaux et ATT lui-même n'hésitent pas a dénoncer ces dérives pour le moment rien n'avance! Et pour cause selon K.KANE « le premier instrument de lutte anti-corruption, c'est la mobilisation générale de la société » et selon TI (2009) « tout dépend des dirigeants. Si l'action démarre pas du plus haut niveau, toutes les dispositions légales restent lettre morte ».

Pour le moment de leur part il n'y a que des discours ! En attendant les pauvres sont les premières victimes ce qui se traduit dans les faits par une augmentation de 25% des prix courants et de 10% pour un projet25 .

Pourtant le Mali a des richesses minières comme de l'or, de la bauxite, elle a de l'eau, des terres, de la force de travail, mais comme le clame justement l'intellectuelle malienne Aminata TRAORE :

« Détrompons-nous : nous ne sommes pas pauvres, nous sommes appauvris et leurrés »

Ces éléments de contexte sont important à avoir a l'esprit pour comprendre le processus de la LOA que l'on va développer.

B. Problématique, hypothèses, méthodologie

4 PROBLÉMATIQUE

Pour tous les acteurs le diagnostic est partagé favorisant une dynamique convergente lors de l'élaboration de la LOA : la paysannerie est le socle de l'économie malienne pourtant la condition paysanne est peu enviable et les importations alimentaires ne cessent d'augmenter « malgré ces ressources et potentialités, les efforts déployés et les réformes entreprises depuis 45 ans ~ argue un représentant du ministère de l'Agriculture qui développe :

25Banque Africaine du Développement dans le rapport de la BM « indicateurs de développement en Afrique » du 15/03/2010)

« De plus, le monde rural vit dans une situation de précarité aggravée par un environnement économique concurrentiel accru et difficilement soutenable aux plans sous-régional et international. Le monde rural connaît, en outre, d'autres facteurs d'évolution notamment la décentralisation et une forte exigence d'implication de la société civile dans la gestion des affaires publiques.... les politiques, stratégies et programmes mis en oeuvre au cours de ces dernières décennies ont abouti a des résultats mitigés, en deçà des espérances des populations rurales. » 26

La CNOP est d'accord avec ce constat et se positionne en mettant en exergue les exploitations Agricoles familiales et la souveraineté alimentaire.

« Les principales caractéristiques du secteur Agricole malien fondé notamment sur des exploitations Agricoles familiales, vulnérables, peu équipées et confrontées aux conséquences de l'ouverture du marché national, imposent des transformations en mesure de moderniser l'Agriculture familiale afin qu'elle soit capable de relever le défi de nourrir la population malienne, de procurer des revenus suffisants et durables aux actifs ruraux et de préserver les ressources naturelles qui sont la base indispensable de la durabilité et des performances des activités Agricoles, animales, halieutiques et forestières. »27

Si l'intérêt de faire une LOA est un point de convergence entre tous les acteurs, tout l'enjeu sera de comprendre de quelle façon elle va s'élaborer et comment elle va être mise en oeuvre ? Les différents facteurs développés dans la partie A] interféreront tout le long de cette LOA, surtout dans le changement de comportement du chef de l'ETAT qui dans la phase d'élaboration a fortement soutenu la CNOP, puis qui dans son 2ème mandat s'est mis en retrait, voire inexistant Dans ce mémoire nous mettrons surtout l'accent sur le rapport entre l'État et les OP, que la CNOP a eu la charge de représenter. Les limites seront dans le fait qu'il n'est pas possible d'aborder toutes les modifications des textes qui ont circulé jusqu'à la version finale de la LOA et ce qui serait aussi une façon d'analyser leur portée. Quelques éclairages spécifiques seront mis en exergue pour expliquer le processus des décrets et pré-décrets lors de sa mise en oeuvre.

La question centrale de mon travail est :

Dans le cadre de la LOA, que se soit au niveau de son élaboration ou de sa mise en oeuvre, comment et jusqu'oü la voix paysanne, via la CNOP a-t-elle réussi à se faire entendre?

D'oü découlent d'autres interrogations :

Comment expliquer le décalage entre la phase d'élaboration et celle de sa mise en oeuvre?

La caractérisation du « décalage » : la concertation des paysans à travers la médiation de la CNOP a-t-elle pu se poursuivre tout au long du processus de l'élaboration a la mise en oeuvre?

5 LES HYPOTHÈSES

Hypothèse centrale

La CNOP a bénéficié d'un fort soutien politique au moment de l'élaboration dela LOA. Par contre, lors de la mise en oeuvre, il n'était plus présent, ce qui a entrainé « le retour ~ d'acteurs qui avaient été mis de côté au moment de l'élaboration (fonctionnaires et APCAM)

26 Extrait de la note technique de présentation de la LOA et le point de sa mise en oeuvre du ministère de l'agriculture du 10 novembre 2009 distribuée lors de l'atelier national d'échanges sur la stratégie concertée de la LOA

27 Extrait d'un document de la CNOP de juin 2008 Stratégie de mise en oeuvre concertée de la LOA distribué lors de l'atelier national d'échanges sur la stratégie concertée de la LOA.

Hypothèses secondaires

Cet affaiblissement du soutien politique après 2007 a conduit à des formes de déstabilisation de la CNOP qui a été fragilisée dans son fonctionnement interne.

Un décalage important s'observe sur la nature du processus de concertation entre l'élaboration et la mise en oeuvre. L'élaboration peut être considérer comme un « véritable » processus de concertation alors que ce n'est pas le cas a la mise en oeuvre

6 MÉTHODOLOGIE

Nous somme dans une analyse des stratégies des acteurs. C'est l'enquête compréhensive avec selon les cas des entretiens semi-directifs qui a été privilégiée.

Nous allons aborder la partie la plus difficile du point de vu recherche. Peu d'écrit existe a ma connaissance sur ce sujet surtout sur la partie mise en oeuvre de la LOA. Les dires sont parfois bruts. Ils sont issus du croisement d'informations collectées a l'occasion de ma participation a différents ateliers et séminaires : atelier sous-régional à Ouagadougou sur les outils de communication pédagogiques des problématiques paysannes du 20 au 27 octobre, préparation du projet de décret sur la transhumance le 2, 3 et 4 novembre, Atelier national de concertation sur la LOA le 9 et 10 novembre, une journée sur le projet de loi sur les statuts, Assises Nationales des États-Généraux sur le Foncier du 7 au 11 décembre, ainsi que 17 entretiens et différentes discussions off.

Le mémoire a la particularité d'être en plein sous les feux dans l'actualité avec les limites de ne pas avoir toutes les clefs et le recul nécessaire pour être pertinent, que des recherches ultérieures pourront confirmer ou infirmer. Cette situation permet de saisir sur le vif la réaction ou la réactivité des acteurs face au sujet. C'est pourquoi de nombreuses citations ne sont pas extraites automatiquement des entretiens officiels28. Moi même ayant été parfois sollicitée et partie prenante, l'analyse pourra se révéler elle aussi trop subjective.

6.1 TYPOLOGIE DES ACTEURS

Les personnes ciblées pour les entretiens ont en commun d'avoir été impliquées soit au moment de l'élaboration, soit au moment de la mise en oeuvre, la plupart dans les 2 étapes. Elles y étaient en tant que fonctionnaires, représentants d'OP nationales et régionales, de chercheurs, ONG excepté les bailleurs de fond car les personnes n'étaient plus là hormis le représentant de la FAO.

Les personnes interrogées lors des entretiens, dont certaines plusieurs fois pendant plusieurs heures individuellement ou dans des ateliers.

Du côté étatique :

- Les 2 fonctionnaires moteurs de la LOA : Madame Nana LANSRY et Monsieur TRAORE Nouhoum de la Cellule Infrastructures et Filières Agropastorales (CIFA), la responsable et le chargé des relations avec les OP

28 Annexe tous les entretiens ?

- Ministère de l'agriculture : particulièrement le juriste responsable en charge de la LOA tant à l'élaboration, qu'à la mise en oeuvre.

- Secrétariat permanent en charge de la LOA :secrétaire permanent, juriste, personnel administratif

- Secrétaire général et quelques élus de l'APCAM et chambres d'agriculture de Bamako, Mopti et Tombouctou

- Déclarations, dires, discours, compte rendu de réunions,extraits de documents officiels , articles de journaux

Du côté paysan :

-Échanges informels avec de nombreux paysan-ne-s dans les structures, les ateliers internes aux structures et externes, EGF...

- Responsables de la CNOP et AOPP et plus longuement Messieurs Ibrahima COULIBALY et Ousmane DIALLO, Maddy SISSOKO du SEXAGON

-Responsables FNAFR et FNJR

-Mamadou SISSOKO leader paysan Sénégalais

- Messieurs André TIORE du ROPPA, Bassiaka DAO de la Confédération paysanne du Burkina Fasso Autres personnes ressources en entretien ou informel:

-Professeur Cheibane COULIBALY, spécialiste du foncier, appartenant au mouvement des intellectuels, fondateur de l'Université Mandé Bukari (plusieurs heures)

-Monsieur BARTHELY représentant de la FAO au Mali

-Chercheurs de l'Institut d'économie Rurale du Mali, de l'Université de Bamako (Institut supérieur de formation en recherche appliquée)

-Monsieur Dionkounda TRAORE de la SNV (organisation néerlandaise de développement)

Il est a noter qu'enfin de compte la LOA tient a la volonté et a l'énergie de quelques personnes tant du côté étatique que des paysans. J'ai pu rencontrer les principaux acteurs, même s'il n'est pas toujours simple d'avoir des rendez-vous ou tout simplement des documents29. Les autres personnes non impliquées officiellement m'ont permis souvent en rencontre informelles, d'avoir des explications et impressions extérieures, forts précieuses.

La 1ère phase de préparation du mémoire a été avant - et aussi pendant tout le stage - de s'imprégner de l'histoire du pays a partir de lecture tant littéraire qu'historique et de recherches documentaires et de nombreux échanges sur ce thème là - particulièrement avec mes maîtres de stage-. La mémoire collective étant très forte au Mali et sans cesse sollicitée, ces temps me furent d'une grande utilité et ont facilité les contacts et les dires, corroborant le point de vu de P. JACQUEMOT (1981), « en discutant avec n'importe quel malien aujourd'hui les évènements qui ont marqué le passé du Mali sont profondément enracinés dans la conscience collective.»

29 j'ai eu quand même, par hasard, un récapitulatif tous les textes sortis la dernière semaine de mon stage.

La 2ème phase a consisté a rencontrer différents interlocuteurs, sans a priori, ni guide d'entretien afin de laisser chacun s'exprimer librement sur la LOA, pour un état des lieux le plus ouvert possible. Cela m'a permis aussi de circonscrire les défis que le Mali doit relever aujourd'hui.

Après avoir rassemblé les différents éléments, comme dans un puzzle, j'ai pu élaborer dans une 3ème phase un guide d'entretien semi-directif où la stratégie des acteurs et leurs relations étaient au coeur de la trame d'interrogation. J'ai fait le choix d'un seul guide quelque soit l'interlocuteur. Mais étant dans le vif de l'actualité des questions très précises - hors questionnaire- ont été abordées selon les personnes et le moment de la rencontre. Dans tous les cas les individualités enquêtées ont témoigné de l'attention a ce mémoire, car étant dans une situation d'essoufflement, voir d'impasse leur intérêt semblait se raviver.

Un parti pris manifeste ressortira au fil de la lecture : s'appuyer le plus possible sur la parole, les documents et analyses issus des chercheurs, personnes ressources africaines. Ce choix fait écho au proverbe

«Tant que les lions raconteront leurs histoires de chasse, les lions seront toujours vainqueurs»

Modestement et malgré tout avec mon filtre, c'est leurs paroles que je chercherai a mettre en valeur. De même de mettre des majuscules à Agricole par exemple acté dans la LOA ou autres, est un respect des us d'écriture malienne.

Tout le stage s'est déroulé du 1er octobre 2009 au 15 janvier 2010 à Bamako, là où se trouvent la plupart des acteurs impliqués dans la LOA. Vu le temps et le peu d'empressement de faire fonctionner les Comités Exécutifs Régionaux, l'intérêt était émoussé d'aller enquêter en région.

Dans la 1ère partie du mémoire après avoir esquissé un panorama géographique et une histoire du mouvement paysan, ont été abordés différents états des lieux et enjeux auxquels est confronté le Mali actuellement. Dont les principaux ont été exposés et sont indissociables des difficultés relevées pour mettre en oeuvre la LOA.

La 2ème partie va tenter de retracer en trois chapitres les différentes étapes vécues par les différents protagonistes, de l'élaboration d'abord puis les textes en cours au moment de la mise en oeuvre actuelle de la LOA. Dans un quatrième chapitre une réflexion sur le processus de concertation à partir des travaux de BEURET et une analyse comparative sur l'existence ou pas de stratégie collective dans les deux phases inspiré d l'ONG GTZ. Les perspectives clôtureront ce mémoire.

C. Le processus d'élaboration de la LOA

7 DANS LES COULISSE DE LA NAISSANCE DE LA LOA

En rupture avec les approches précédentes, le président du Mali a affirmé solennellement sa volonté de transformer radicalement les conditions de vie et de production dans le secteur Agricole en initiant une LOA concertée dans le cadre d'une bonne gouvernance. C'est dans cet esprit là qu'il a officiellement remis entre les mains de la CNOP a Koulouba, le palais présidentiel, le 7/02/2005 l'organisation et l'animation des concertations pour l'élaboration de la LOA.

Comme déjà exposé il y a convergence d'objectif : reconnaître le rôle et la place de la paysannerie. Cette jonction s'est faite a partir du moment oü ATT lors de son 1er mandat, poussé par des fonctionnaires motivés, a reconnu la CNOP comme interlocuteur du monde paysan.

La 1ére réponse a été d'actualiser le Schéma Directeur du Développement Rural (SDDR), le premier date de
1992, qui a commencé à prendre en compte les préoccupations paysannes mais « Il n'y avait pas de

vision. Le schéma directeur est un catalogue de projet sans vision. Nous avons du insistépour avoir une politique agricole à travers la LOA » précise un responsable CNOP.

C'est début 2003 que les 1ères réflexions sur le projet d'une LOA seront lancées au sein de la Cellule Infrastructures et Filières Agro-pastorales (CIFA), la cheville ouvrière de l'appareil étatique pour la LOA inspirée des lois française et de la Loi Agro-pastorale du Sénégal (LOASP), avec comme ambition finale de rédiger un Code rural comme prévu a l'article 200. En tout état de cause mettre en place une LOA n'est pas une simple affaire et tous les acteurs ne sont pas toujours prêts au changement.

7.1 DES RÉPONSES ÉTATIQUES

Différents acteurs étaient en phase pour entrevoir la construction d'une LOA. D'abord ceux de la CIFA dont les instigateurs relatent :

(( La réflexion est née de quelques fonctionnaires dont je faisais parti en début de mandat d'ATT dès début 2003, il y avait un enjeu politique de marquer son passage et chaque département devait proposer des projets »

((Une LOA aussi pour harmoniser et apporter de la cohérence. Le secteur agricole souffrait d'une politique d'incohérence. Sa force réside de mettre ensemble tout ce qui existe dans le milieu institutionnel et politique et des lois en cours pour les gérer dans le cadre de la vision de la LOA ».

Il est a noter que les éleveurs et pêcheurs ont été entendus, d'être considérés a l'égal des agriculteurs, ceux qui cultivent la terre. Ce souci de n'oublier aucun secteur agricole se traduira symboliquement dans la LOA en écrivant Agricole avec un grand À (Définitions générales du chapitre I). En 2004 la crise alimentaire liée à la sécheresse avec pour conséquence de nombreux élevages décimés30, et aussi de satisfaire des revendications plus politiques des régions du Nord, la réponse du gouvernement a été la création du Ministère de l'Élevage et

30 Jusqu'à 80% dans le Nord-Mali

de la Pêche et la mise en place d'une Charte pastorale qui est importante notamment pour les transhumants mais qui n'est toujours pas en oeuvre aujourd'hui!

A ce jour le monde Agricole est chapeauté par le Ministère de l'Agriculture en charge de la production végétale, le Ministère de l'Élevage et de la Pêche, le Ministère de l'Environnement et de l'Assainissement chargé de la gestion durable des ressources naturelles, plus le Commissariat à la Sécurité Alimentaire rattaché directement a la Présidence de la République. Pour le foncier c'est le Ministère du Logement, des Affaires foncières et de l'Urbanisme qui chapeaute, mais le foncier rural est délégué au SP, donc au Ministère de l'Agriculture depuis décembre 200931.

Le 14 juin 2003, à Koutiala, lieu symbolique des luttes paysannes, est annoncée par ATT lui-même une LOA qui « procède d'une approche résolument originale parce que holistique des problèmes de l'agriculture ~ C'est d'abord une « démarche ~ initiée a partir d'un document,

(( Une ossature de loi issue des nombreux débats internes dans l'appareil étatique et qui sera la référence pour lancer les débats. Elle constituera la référence qui oblige l'ensemble des acteurs de l'agriculture. Ce sera une loi cadre, elle constitue le point de convergences d'autres lois dont l'objet est de la mettre en oeuvre ». 32.

La fin de l'extrait suivant donne peut-être la clef aux blocages de la mise en oeuvre, et surtout a permis une interprétation restrictive par le SP de la procédure à suivre pour son application.

(( Pour concrétiser l'initiative d'élaborer une LOA, l'option s'est faite en faveur d'une méthode qui, sans figer le débat a le mérite de l'éclairer. Elle consiste a préparer un document de base, esquisse de la future loi qui est soumis aux débats des acteurs. Son contenu fera l'objet d'un échange entre les différents acteurs de l'agriculture qui pourront l'enrichir. Le processus de concertation prévu débouchera sur une synthèse nationale laquelle sera transcrite en forme juridique par une équipe d'experts. »33

En effet évinçant les concertations et les documents issus de la phase d'élaboration, la préoccupation principale aujourd'hui est d'écrire des textes juridiquement acceptable d'abord sur la forme puis politiquement correct sur le fond. Cette injonction, prise au pied de la lettre et prônée par le SP met à mal certains juristes (( je ne sais pas si je vais rester car on n'écoute plus les paysans », considérant ce choix peu en phase avec la dynamique antérieure, exécutant bon gré, mal gré les nouvelles orientations. De leur côté peu de paysans étaient peu ou pas consultés et en capacité pour se confronter à cette phase administrative. Les dispositions finales (TITRE VII) offrent des possibilités de revenir sur les lois, seront-elles utilisées s'ils ne sont pas satisfaits ?

7.2 UNE LOI CADRE QUI FERA L'OBJET D'AUTRES LOIS

La charpente de la LOA a été construite au départ au sein de l'appareil étatique autour de 5 thèmes majeurs. La version finale se décline en 7 TITRES. Les 2 TITRES supplémentaires sont la reconnaissance de la souveraineté alimentaire et des risques et les dispositions finales donnant la possibilité de réexaminer et amender les lois :

Tableau 1 : Ossature de la LOA

31 Jusqu'en 2006 il y avait un seul Ministère du Développement rural, un Ministère Domaines de l'État, Affaires foncières et Habitat et un Ministère de l'Environnement.

32 Cette définition est tirée du document d'orientation et d'introduction aux débats édité en janvier 2005 pour la cérémonie officielle de lancement de concertations

33 Document d'orientation et d'introduction aux débats édité en janvier 2005

Première ossature

Architecture finale

Le 1er TITRE décrit les objectifs généraux et les stratégies du développement agricole. A travers celui-ci, il s'agit surtout de donner à la LOA une légitimité en indiquant sa finalité tant au plan interne qu'au plan international

TITRE I : Dispositions générales Chapitre I : définitions générales Chapitre II : des principes Chapitre III : des objectifs

Le 2ème traité des Hommes au sens large dans la mesure où sont abordées les questions liées au statut des exploitants et exploitations agricoles, aux organisations de la profession agricole et à la formation des professionnels du secteur. La loi d'orientation agricole aura pour effet notamment d'améliorer la qualité des ressources humaines et de renforcer les capacités des organisations du secteur agricole.

TITRE II : Place et rôle des acteurs Chapitre I : exploitations et exploitants Chapitre II : OPA

Chapitre III : chambres d'agriculture et autres organismes personnalisés

Chapitre IV : rôle de l'État

Chapitre V : les collectivités territoriales

Chapitre VI : organisations de la société civile à vocation agricole

Pas prévu au départ, acquis des paysan-ne-s sur la souveraineté alimentaire notamment

TITRE III : Souveraineté alimentaire et risques Chapitre I : souveraineté alimentaire

Chapitre II : prévention et gestion des risques majeurs

Chapitre III : la santé publique vétérinaire et de la protection sanitaire des animaux et végétaux

Chapitre IV : réhabilitation des zones désertiques

Le 3ème se rapporte aux facteurs de production c'est-à-dire l'ensemble des activités et biens matériels qui concourent a l'amélioration de la production agricole. Il s'agit, entre autres, de la gestion rationnelle de la terre, des ressources naturelles et du régime foncier, du financement de l'agriculture, de la maîtrise de l'eau, de la réalisation d'infrastructures et d'équipements agricoles, du soutien à la recherche agronomique.

TITRE IV : Facteurs de production

Chapitre I : aménagement du territoire et de la gestion des ressources naturelles

Chapitre II : foncier agricole

Chapitre III : maîtrise de l'eau

Chapitre IV : production et maîtrise de l'énergie

Chapitre V : enseignement agricole et formation professionnelle

Chapitre VI : recherche et conseils agricoles Chapitre VII : financement de l'agriculture Chapitre VIII : intrants et équipements

Chapitre IX : infrastructures à vocation agricole

Le 4ème concerne d'une part, les stratégies de développement de la production dans les domaines agricole, animale, halieutique, forestière et faunique et d'autre part, la promotion des filières et des marchés. Ce chapitre devrait apporter une réponse à des questions aussi essentielles que l'accroissement des productions dans les différents sous secteurs de l'agriculture, la transformation de

TITRE V : Productions et marchés Chapitre I : productions végétales Chapitre II : productions animales Chapitre III : productions halieutiques et aquacoles

Chapitre IV : ressources et productions forestières et fauniques

ces productions de façon à leur donner une valeur ajoutée, la qualité des productions agricoles, l'organisation du marché intérieur, l'accès aux marchés extérieurs

Chapitre V : valorisation des productions Chapitre VI : qualité et labellisation Chapitre VII : organisation des filières Chapitre VIII : les marchés

Le 5ème traite du cadre institutionnel qui accompagnera l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il est ainsi préconisé de mettre en place un organe dont la vocation sera de donner au Président de la République des avis éclairés sur l'ensemble des questions touchant a l'agriculture

TITRE VI : mécanisme d'évaluation, de suivi et d'évaluation

Chapitre I : Conseil supérieur de l'Agriculture

Chapitre II : espaces de concertation et de dialogue et de communication

Chapitre III : planification du développement agricole

TITRE VII : Dispositions finales

Pas prévu. Introduit la mise en place d'un code rural et la possibilité que « les lois régissant le secteur agricole ...soient réexaminées et au besoin amendées »

La LOA ainsi déclinée offre de nombreuses possibilités avec un esprit « innovant », qui permettra aux paysans d'écrire les textes lors de l'élaboration. Mais les décrets leur donneront réellement un sens.

7.3 CONVAINCRE LES FONCTIONNAIRES

Si politiquement le gouvernement était prêt à laisser les paysans être partie prenante de la LOA dans la phase d'élaboration, l'affaire n'était pas la même au niveau des fonctionnaires des départements ministériels en général. En effet jusqu'à maintenant c'étaient eux qui écrivaient les lois et ils n'acceptaient pas ce changement voyant leur rôle, leur pouvoir et du financement leur échapper.

La 1ère bataille pour la LOA a été celle là. Elle a été menée au sein de l'appareil étatique, par la CIFA directement rattachée a la Présidence, qui a été l'organe initiateur de la LOA, ayant la confiance du Secrétaire Général, Modibo SEDIBE, actuel 1er ministre, et d'ATT. La CIFA était composée de :

Mme LANSRY Nana Yaya HAÏDARA en tant que chef qui est maintenant responsable du Commissariat à la Sécurité Alimentaire

M. Amidou DIAKITE responsable des transports, eau et infrastructures

M. Amouna BARY responsable de la formation initiale et professionnelle

M. Nouhoum TRAORE responsable agriculture, pêche, élevage, foresterie, commercialisation, OP.

Ils collaboraient aussi avec le chargé des médias à la Cellule communication Kader MAÏGA, le conseiller en charge de la Cellule juridique Baba BERTHE, et du chargé des CT Almou BARECK.

Ces fonctionnaires étaient aussi en permanence en relations officieuses avec des leaders paysans. Ils devenaient ainsi leur porte-parole en haut lieu. Un responsable de l'AOPP d'alors confirme :

((Mme LANSRY a initié la loi. Flle était en relation officieuse avec M. Falyri BOLY a l'époque Secrétaire général de l'AOPP et moi-même. Nouhoum était en contact avec Ibrahima COULIBALY. Le noyau de paysans c'était nous trois. Après les choses se sont officialisées ».

Une des premières questions abordée ensemble, a été :

(( La question de la gouvernance en matière politique. Comment on met en place un processus au niveau de l'État, de la CNO ? Comment celui-ci fonctionne ou ne fonctionne pas ? Qui conduit les débats ? Il fallait donc définir ce concept de gouvernance ».

Cette interrogation était importante et nouvelle. Jusqu'à maintenant, toutes les lois étaient édictées sans la voix des concerné-e-s. Pour la 1ère fois une volonté forte soutenue politiquement par le chef de l'État luimême, de donner la parole aux acteurs impliqués, apparaissait.

Il a donc fallu d'abord introduire le débat en interne. Le 1er a été mené au sein de la CIFA pour « esquisser les grandes lignes d'orientations car ce sont les paysans qui devaient écrire eux-mêmes leur loi ». Cette première mouture de document a été transmise au Secrétaire Général Modibo SIDIBE, qui séduit par la démarche dira plus tard que ça serait « une des plus belles lois de l'histoire qu'on laisserait en héritage ».

Mais les résistances au sein du corps des fonctionnaires entravaient ce processus nouveau. La CIFA, s'attelle a la tâche, cette rupture dans les relations dérangeait :

«Au début des premières réflexions sur la LOA à notre niveau, certains pour ne pas inclure les paysans, affirmaient qu'il n'y avait pas de structure paysanne qui pouvait être un interlocuteur pour conduire les débats. Je voulais que les paysans aient la parole et prennent les débats en main. J'en avais marre, même mal, d'entendre du mépris sur les paysans. Moi-même je suis issu d'une famille paysanne. Comment peut-on rejeter sa famille, comment peut-on autant la déconsidérer ? ".

Modibo SIDIBE conscient du verrou organisa une table de rencontres avec les différents agents des départements et des conseillers de la présidence, qui donna lieu à une très longue discussion à tous les niveaux économique, social, financier. Un document s'en suivit a faire valider par ATT, « pour avoir sa bénédiction ". En parallèle les bailleurs de fond (FAO, BM, USAID) ont été contactés pour voir s'ils soutiendraient ce processus. Un accord de principe a été donné à condition de fournir « un document d'orientation et un draft qui pourraient être le contenu de la loi, que ce soit un brainstorming et que tous ceux qui soient concernés ne soient pas oubliés "

Un documentaire de 30 minutes a été monté pour rencontrer les acteurs et leur donner la parole au sein des Ministères des filières, de la pêche, forêt, femmes, jeunes etc. tant au niveau de Bamako que des services décentralisés. Je n'ai pas eu accès a ce film qui aurait été intéressant pour voir comment la LOA, à ce stade là était présentée. C'est par le biais du Comité technique des débats internes que le Ministère de l'Agriculture a aussi organisé un forum des services publics et parapublics qui a rassemblé l'APCAM et les services techniques des différents départements. Évidemment tout ceci ne se serait pas fait sans l'acquiescement d'ATT. Il y a eu donc une rencontre officielle avec tous les conseillers, ministères et ATT où il y a eu encore débat après la projection du documentaire :

« Ensuite cette présentation et cette vision ont été reprises par le Président qui a dit au gouvernement la conduite à tenir en lui demandant de poursuivre pour y mettre du contenu en faisant des concertations à tous les niveaux. " précise la responsable de la CIFA.

L'équipe a été renforcée par : Alpha MAÏGA ancien Secrétaire Général du Ministère de l'Agriculture, NIAGADO ancien directeur de l'Institut d'Économie Rurale, MAGAGUILE ancien directeur dans le secteur privé, un expert suisse et un expert français BICHAT . Ils effectueront une mission en Suisse, en France puis après au Sénégal pour récolter informations et documentations. Selon un document du GRET/REDEV34 le Ministère de l'Agriculture a consulté aussi : le Haut Conseil aux CT, le Conseil Économique, Social et Culturel, le Haut Conseil des Maliens de l'Extérieur, les Chambres des Commerces et de l'Industrie et des Métiers.

Ainsi pendant presqu'une année la première énergie dépensée pour la LOA a été de susciter le débat au sein de l'appareil étatique pour qu'il adhère a ce nouveau processus oü « ils ne seraient pas les maitres du jeu ». Cela a été possible car la CIFA était composée de gens convaincus du projet en laissant la parole aux paysanne-s, avait l'entière confiance d'ATT et était directement rattachée à la Présidence.

34 GRET http : // loa.initiatives.net.hml//sommaire.php3

7.4 L'OFFICIALISATION DES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT ET LA CNOP

Maintenant il fallait officialiser le rôle des OP. Il devenait nécessaire que la CNOP soit reconnue comme l'interlocutrice porteuse de la parole paysanne. Elle a été enregistrée comme structure syndicale selon les textes législatifs le 26/11/2004, même si elle était organisée depuis 2002. L'État pouvait alors déléguer les concertations et le budget y afférant.

«C'est là qu'on a fait le choix des interlocuteurs entre l'APCAM, l'AOPP et la CNOP. Donc la CIFA a balayé les différentes OP qui existaient. L'APCAM, en tant que structure parapublique et par ce statut juridique elle ne pouvait pas être la voix des paysans de terrain mais elle pouvait participer au débat. L'AOPP était une organisation qui regroupait les paysans et les professionnels en son sein. C'est-à-dire qu'il y avait des coopératives, des syndicats, des associations, des OP faitières etc. il y a donc des clivages internes, des risques de prises de pouvoir, des intérêts parfois divergents, cela risquait de fausser le débat. Par contre elle est très bien implantée sur le terrain. Elle pouvait être la structure qui s'occupe du dispositif sur le terrain avec l'aide des Chambres d'Agriculture. La CNOP était la meilleure car elle était neutre, avait la capacité scientifique et les dirigeants les mieux écoutés par la base. La CNOP, c'est le cerveau de l'AOPP, c'est l'organe politique, le coordinateur, l'animateur du débat sur la LOA. C'est pour ça que le gouvernement l'a désigné. Nous voulions éviter les conflits et nous avons déterminé à chacun son rôle. »

Un responsable de la CNOP corrobore ce choix, de leur confier la concertation pour que la LOA soit réellement le reflet des paysans de base :

« ATT a demandé le point de vu des producteurs. Nous lui avons dit nous sommes représentatifs [la CNOP] mais ce qui est important c'est la base, on veut retourner expliquer a la base. C'est comme ça qu'ATT nous a dit qu'on avait qu'à piloter nous-mêmes la concertation, que ce ne soit pas les fonctionnaires comme d'habitude, qui ont bataillé dur contre ça. ».

7.5 UN BUDGET POUR LA CNOP «LES FINANCES NE POUVAIENT PLUS RESPIRER ! »

Au moment du budget, les fonctionnaires se sont montrés encore une fois récalcitrants. Un responsable de la CNOP affirme :

« Mais ATT et la CIFA sont restés fermes face au Ministre de l'Agriculture de l'époque Seydou TRAORE qui voulaient que ce soient les départements donc les fonctionnaires qui pilotent. Ils disaient que les paysans ne pouvaient pas mener ce genre de concertation, ATT leur a répondu que s'ils ne peuvent pas ils ne pouvaient plus rien réclamer ! »

Le défi était lancé et il était de taille ! Ils devaient prouver leur capacité à transmettre, à gérer et le gouvernement leur en donnait les moyens. Un fonds spécial a été créé au niveau du Ministère des Finances Mais là aussi la réaction fut virulente. Un des responsables de la CIFA explique :

« Il ne voulait pas que la CNOP le gère, arguant qu'ils étaient analphabètes, il les méprisait. Je lui répondais qu'ils savaient gérer. Tous les milliardaires du Mali sont analphabètes, ils sont paysans, éleveurs. L'analphabétisme n'est pas un critère de gestion. Il a fallu batailler et même lui dire de taire sa vision. Il a compris à la fin .Les Finances ne pouvaient plus respirer.».

Cet accrochage est aussi relaté du côté paysan et éclaire sur la captation de budget par les départements ministériels:

« ATT a dit OK pour l'argent directement a la CNOP. Le Ministère des Finances a dit qu'il ne pouvait pas payer 300 M FCFA alors que le Ministère de l'Agriculture avait fait un devis de 700 M FCFA et qu'il était prêt a les payer. Il y avait une forte méfiance envers les producteurs, ils disaient qu'on était incapable de mener les concertations. Ça a couté moins de 200 M FCFA ».

Une convention entre la CNOP et l'État a été signée. La CNOP a su aussi mobiliser des moyens via le ROPPA et le bureau de la Coopération Suisse du Mali pour des actions liées directement à la LOA et pour la CNOP pour l'édition du Mémorandum paysan ou des réunions internes.

7.6 DES CONCERTATIONS AU VOTE « A LA FIN CHACUN S'Y RETROUVAIT! »

Il fallait réussir les concertations et ce fut le cas mais précise un représentant du CIFA :

((A chaque étape il fallait être patient car il y a eu de la rébellion des cadres dans les régions car dans ces concertations l'administration était exclue. Ils devaient remettre leurs revendications a la CNOP ".

Le Ministère de l'Agriculture a alors organisé un atelier a Sélingué afin que les fonctionnaires et l'APCAM puissent aussi s'exprimer. Le rapport qui en est sorti et le Mémorandum paysan ont servi de base pour la loi. Quand les choix étaient difficiles, c'est ATT qui a tranché « comme pour les agro-carburants, l'entreprise Agricole »

Pour valoriser le rôle du chef de l'État qui s'est construit « une belle popularité là-dessus ~ d'une part et d'autre part pour officialiser que pour la 1ére fois le gouvernement déléguait aux paysans un processus de concertation, une grande cérémonie a été orchestrée le 7/02/2005 « un spectacle à l'AN, pour la remise d'un document officiel des mains d' ATT au nom du gouvernement à la société civile, la CNOP, pour accompagner tous les paysans dans la construction de la LOA ».

Un plan communication a été budgétisé et élaboré afin que les débats parviennent dans tous les foyers via les radios, télévisions, presse et même un forum sur le net (( ce qui a donné encore plus de poids aux concertations " (GRET). 4000 paysans et paysannes se sont déplacés et se sont exprimés :

(( Tout le monde était invité aux débats mais les cadres de l'État n'en étaient pas propriétaires.. C'était une première ! Parfois les OP étaient en proie a des batailles internes mais a la fin chacun s'y retrouvait i! "

La réussite c'est grâce a la forte structuration de l'AOPP, rappelle un responsable paysan :

«L'AOPP même avant les concertations officielles avaient organisé des concertations internes pour expliquer aux leaders de chaque OP sur le terrain l'importance d'aller aux concertations. L'AOPP a préparé le terrain, et la CNOP s'est moulée dedans pour les concertations ".

Les concertations se sont déroulées de mai à septembre 2005 (( au pas de course " avec comme support le document d'orientation et d'introduction aux débats proposé par l'État :

24 concertations locales et au niveau des cercles 9 ateliers régionaux

8 ateliers thématiques (foncier, statuts des exploitants et des exploitations, recherche, financement, développement des milieux ruraux, filière/formation)

1 synthèse nationale

Les 12/13/14 septembre l'atelier national de synthèse a eu lieu avec une déclaration politique paysanne finale. Les propositions du Mémorandum paysan seront validées par les paysan-ne-s les 16/17/18 35à Ségou. Le 21, un avant projet de loi reprenant la plupart de leurs propositions est remis au gouvernement. Après plusieurs réunions interministérielles, un texte est proposé au Conseil des Ministres du 2 novembre qui l'adoptera le 14 décembre. Il sera débattu lors d'une prochaine session extraordinaire de l'AN qui se déroulera en août.

De janvier à août 2006 la CNOP a organisé des réunions de préparation en interne pour se faire entendre
auprès des parlementaires. Elle sera reçue a une séance d'écoute a l'AN le 16 juin. Des députés avaient fait

35 La déclaration de Ségou. (voir annexe2)

des modifications qui n'allaient ni dans le sens du gouvernement, ni dans celui des paysans. Des responsables de la CNOP racontent :

(( C'était la première fois que les paysans étaient en contact avec les institutions de la République. C'est vraiment en l'état que le projet de loi est sorti comme le voulait les producteurs. C'est au passage a l'AN qu'il y a eu des modifications. Il y a eu beaucoup de lobbying et de plaidoyer. Nous avons formé une équipe d'une dizaine de paysans de la CNOP pour aller faire du lobbying auprès des députés. Le texte qui avait été chamboulé a été remis dans sa forme initiale. »

Le 16 août 2006 la LOA n°06-40/AN-RM est votée à l'unanimité à l'AN tard le soir, et « applaudie » :

(( Flle est un instrument stratégique qui fixe les orientations du développement du secteur agricole du Mali pour l'horizon 2025 *...+ dans l'optique des actes édictés par les États-Généraux du monde rural de 1991, de l'option de décentralisation et des autres grandes orientations des politiques de développement économique et social du pays »36.

Cette phase mériterait plus d'analyse et de comparaison entre les documents. Mais là n'est pas l'objet intrinsèque du mémoire. Cette présentation de l'élaboration de la LOA est axée sur la stratégie des acteurs et non pas sur l'évolution des textes pendant toute cette période, alors qu'elle révèlerait plus en détail la capacité de la CNOP d'influencer sur les textes comme nous l'avons vu dans le tableau précédent ou comme nous allons le voir dans la section suivante, sur quelques points forts revendiqués par les paysans et inscrits dans la loi.

8 LES GRANDES LIGNES DE LA LOA

Avec 7 TITRES, 33 chapitres, 200 articles, elle aborde les questions liées au développement Agricole et du périAgricole (transformation, transport, distribution etc.)37, intégrant aussi les stratégies et objectifs de décentralisation, le CSCRP, les engagements sous-régionaux et internationaux (articles 4 et 6) « Elle [est] l'instrument directif et fédérateur pour les politiques Agricoles~. La LOA innove et met en exergue la reconnaissance de l'EAF et de ses membres, le droit à la sécurité alimentaire dans le cadre de la souveraineté alimentaire, l'équité sociale, la responsabilisation des acteurs pour pallier au désengagement de l'État. L'article 9 est clair là-dessus :

(( La politique de développement Agricole repose sur la responsabilisation de l'État, des CT, de la profession Agricole, des exploitants Agricoles et de la société civile. Flle s'appuie sur la solidarité, l'équité et le partenariat entre les acteurs, la subsidiarité, la complémentarité, la promotion de l'exploitant Agricole, des secteurs privé et associatif. Flle affirme le principe du désengagement de l'État des fonctions productives et commerciales, Agricoles et péri Agricoles. Flle privilégie la promotion de partenariats et la création de marchés communs au sein des grands ensembles économiques sous régionaux, régionaux et internationaux. »

La LOA n'est qu'une loi cadre d'oü découleront d'autres lois et des décrets. Mais quand ? Quel sera le contenu des décrets ?

Nous pouvons d'ors et déjà apporter un éclairage sur : quand ? En effet entre le document d'orientation de
l'avant projet et la loi votée, une modification notable a été faite: la disparition des délais d'applications. Ils
étaient initialement prévus « dans les 3 ans maximum [sauf+ l'évaluation qui doit être faite tous les 2 ans ».

36 Guide pratique des mesures

37 (voir annexe n°1)

Cette absence de délai laisserait-elle la porte ouverte pour ne pas mettre en application les sujets les plus délicats à gérer politiquement comme le foncier par exemple ? En tout cas la position du représentant de la FAO est différente et a pesé « J'ai dit au monde paysan de faire mener des études, ils veulent la réalisation de la loi dans les 3 ans, c'est moi qui ai demandé qu'on enlève ce délai dans la LOA ! ». Étant un des bailleurs de fond et un malien en poste depuis longtemps dans différentes institutions agricoles, on peut supposer qu'il a pu réellement influer.

Dans tous les cas l'espoir apporté par la LOA ne semble pas répondre aux demandes des paysan-ne-s , qui en souhaitaient (( une exécution rapide et opérationnelle », ni celles du CIFA (( J'aurai aimé que ce qui se fait, sa mise en oeuvre soit activée et finie en 2012 * fin mandat ATT+ mais il reste beaucoup de choses à faire ! ».

8.1 QUELQUES POINTS FORTS REVENDIQUES ET APPORTES PAR LA CNOP

Tout au long de ce chapitre 8, vont être retenus et développés quelques points forts inscrits dans la LOA et portés par la CNOP Le choix fait est lié aux concepts nouveaux introduits comme la souveraineté alimentaire ou la défense de l'exploitation Agricole familiale et de ses membres. Ses visions paysannes sont aussi reconnues par le Ministère de l'Agriculture comme des dires ci-dessous le confirmeront. Mais ce n'est pas parce que c'est inscrit dans la LOA que leur réalité est tangible comme nous allons le voir.

Ainsi la CNOP elle-même revendique:

«Les principales propositions paysannes relatives a la vision de l'agriculture : la reconnaissance de l'EAF, la souveraineté alimentaire, la protection et la gestion des ressources naturelles, la sécurité foncière, le financement et l'implication des OP dans la mise oeuvre pour la partie gouvernance » ont été prises en compte avec comme objectif l'équité sociale. »

8.1.1 L'Exploitation Agricole Familiale (EAF)°

« L'EAF ne doit pas disparaître et c'est le but de la loi » affirme un représentant de la CNOP lors de l'atelier d'octobre 2009. Sa reconnaissance est traduite dans le TITRE II du chapitre I a travers 16 articles du 11 au 26 qui doivent assurer un statut a l'exploitation et aux exploitant-e-s, dont l'enregistrement et l'immatriculation qui font partis des 5 décrets sortis38. L'article 3 annonce (( que la politique de développement agricole malienne a pour but de promouvoir une agriculture durable et compétitive reposant prioritairement sur les EAF reconnues et sécurisées ». L'article 13 classe les exploitations Agricoles en 2 catégories: l'EAF et l'entreprise Agricole.

(( La seule grosse concession qu'on a accepté dans la loi c'est l'entreprise Agricole. On nous a dit que par rapport aux accords internationaux, et dans l'esprit du libéralisme on ferait fuir les investisseurs, c'était une concession librement acceptée » explique un représentant de la CNOP.

En effet c'est pour au moins être conforme aux engagements de l'ECOWAP que l'entreprise Agricole est inscrite dans la LOA. Elle est gérée par les réglementations de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), ce qui la situe d'emblée dans le champ des investisseurs liés aux échanges régionaux et internationaux. Elle est clairement affichée à côté des EAF comme dans la LOA :

38 Nous y reviendrons dans la partie mise en oeuvre de la LOA

a promouvoir une agriculture moderne et durable, fondée sur l'efficacité et l'efficience des exploitations familiales sans remettre en cause la diversification des productions », sont aussi reconnues a les entreprises agricoles grâce a l'implication du secteur privé. ».

Ceci est en concordance avec le NEPAD qui veut promouvoir « les gros investisseurs nationaux ou étrangers d'accéder à des milliers d'hectares sécurisés par l'État.». Des mesures sont déclinées spécifiquement dans ce sens pour le Mali «appui à l'initiative malienne d'investissement régional dans l'ON : définition des conditions d'investissements privés étrangers sur la zone »39 d. ATT a précisé lors du CSA du 20 avril 2008 que dans ce cadre là pour la période 2008-2012 103.356 ha dont 61 000 en maîtrise totale de l'eau seront aménagés, mais pas pour les paysans, pour les investisseurs -comme MALIBYA-

Même si pendant l'atelier de concertation le représentant du Ministère de l'Agriculture a effectivement rappelé cette reconnaissance de l'EAF défendue par la CNOP en déclarant :

a Dans la LOA le législateur a pris l'option que les femmes et les hommes seraient au centre et donc l'EAF qu'on a essayé de formaliser, en lui donnant une structure, un sens juridique pour être un acteur économique, elle l'est déjà, c'est dans le sens juridique je veux dire»

Mais les interrogations subsistent quant à la volonté de soutenir les EAF comme pilier de l'économie agricole, alors que les programmes financent d'autres exploitations. Cette question est aussi portée par T.DIARRA40, :

a La LOA entretient l'ambigüité sur la nature de cette agriculture familiale. Elle sous-tend en réalité que l'exportation doit revenir a la grande entreprise Agricole qui a par nature une orientation commerciale et les petits paysans ne devront cultiver que pour se nourrir et seront laissés-pour-compte. Ils deviendront des ouvriers agricoles. La LOA pourrait ainsi institutionnaliser un système où les petits paysans majoritaires au Mali seraient réduits a des conditions de vie encore plus rudes qu'aujourd'hui.>

La reconnaissance de l'EAF passe aussi par la reconnaissance de ses membres qui est l'enjeu du pré-projet de statut41 et par l'équité sociale. Elle est transcrite dans l'article 8 a La politique de développement Agricole vise à assurer la promotion des femmes et des hommes qui vivent du secteur Agricole dans le respect de l'équité, notamment entre les milieux rural et urbain. »

Plus spécifiquement dans l'article 24 l'État «privilégie l'installation des jeunes, des femmes, des groupes vulnérables~. Dans l'article 45, il «favorise l'équité entre les femmes et les hommes en milieu rural, en particulier dans l'exploitation agricole~. L'article 17 précise « Les membres d'une EAF, qu'ils soient de sexe masculin ou féminin, ont l'obligation d'oeuvrer a la rentabilité économique et sociale de l'exploitation. Le chef d'exploitation a l'obligation de promouvoir des pratiques de gestion participative et des mesures incitatives au sein de l'exploitation ~. L'article 19 complémente : A noter aussi un article pour la mise en place d'un régime de protection sociale pour les travailleurs des exploitations familiales (article 26).

8.1.2 La souveraineté alimentaire

La souveraineté alimentaire apparait dès l'article 3, la LOA «vise a garantir la souveraineté alimentaire et a faire du secteur Agricole le moteur de l'économie nationale en vue d'assurer le bien-être des populations». Sa définition est inscrite comme suit :

39 une mesure spécifique dans le cadre de la maîtrise de l'eau du plan d'action CEDEAO/ECOWAP 40DIARRA Tiéoulé, professeur de droit à la Faculté d'études juridiques et économiques de Bamako

41 voir dans paragraphe 9.2.2

(( droit pour un État de définir et de mettre en oeuvre une politique agricole et alimentaire autonome garantissant une agriculture durable basée sur les productions locales et la responsabilisation des producteurs qui disposent à cet effet, de moyens appropriés, notamment la terre, eau, crédit, marchés.»

Elle est bien différenciée de la sécurité alimentaire qui « s'entend par la disponibilité et l'accessibilité en tout temps et en tout lieu de produits alimentaires et de qualité pour la satisfaction des besoins énergétiques et des préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». La souveraineté alimentaire fait aussi l'objet de tout un chapitre de 5 articles dans le TITRE III dont l'article 51 :

(( La souveraineté alimentaire constitue la ligne directrice de toute la politique de développement Agricole. La sécurité alimentaire est une dimension de la souveraineté alimentaire ».

Cette vision, apportée par la CNOP, reconnue par l'État, enthousiasme un paysan:

«C'est la première fois qu'est inscrit la souveraineté alimentaire dans une loi agricole dans le monde ! Et il est inscrit clairement de soutenir la production alimentaire et les EAF».

Un représentant du Ministère de l'Agriculture approuve :

(( En 2004 cette notion était peu développée, la CNOP a apportée la vision de la souveraineté alimentaire. D'afficher pour le gouvernement cette vision, un programme pour les personnes et le pays, ça était une notion essentielle, il faut aussi se donner les moyens, on a innové. »

A noter que la souveraineté alimentaire est aussi actée au niveau de la CEDEAO. On peut en déduire que les forces paysannes au niveau de l'Afrique de l'Ouest oeuvrent dans le même sens et se font entendre. Pourtant rien n'est gagné sur le terrain et des questionnements subsistent posant l'articulation entre les différents niveaux politiques

(( Comment mettre en oeuvre une politique agricole décidée au niveau de la CEDEAO plutôt basée sur le concept de souveraineté alimentaire et que la même structure s'apprête a signer les accords APE qui sont basés sur un accord de libre échange total, sur un autre modèle ? »42

D'ailleurs leur conviction et détermination ont porté puisque, chaque OP dans son pays, a réussi à mobiliser et la CEDEAO n'a toujours pas signé les APE. Mais la menace est toujours là : A. OUEDRAOGO (2010) ancien directeur a l'OMC et conseiller a la CEDEAO dévoile :

«L'Europe tente actuellement d'imposer ces accords par la force *chantage sur les aides au développement+, au détriment du dialogue, ...s'ils étaient finalisés dans la version actuelle, ils priveraient les pays ACP d'instruments de politique essentiels a leur développement. A l'opposé des objectifs initiaux ils auraient pour effet de compromettre l'intégration régionale, en aggravant la pauvreté et en empêchant les pays de diversifier leurs productions et s'affranchir de la dépendance vis-à-vis des produits de base ~

Le lait transformé nous éclaire concrètement sur le sujet. Lors du Conseil Supérieur de l'Agriculture de 2008, le chef de l'État a évoqué la filière lait. Le Mali produit 600 000t de lait/an c'est insuffisant d'autant qu'il est peu transformé sur place, impliquant une facture annuelle d'importations de 15 à 20 milliards FCFA. Le problème est lié aux tarifs douaniers faibles qui dépendent des négociations APE au niveau sous-régional « .il est clair qui si les pays du Sahel veulent développer leur filière lait, ils doivent mettre les produits laitiers dans le nouvelle bande tarifaire du tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO, dont le taux est à 35%»43.

42 N'DIOUGOU FALL, ROPPA

43 OUEDRAGO, 2010

Avec la souveraineté alimentaire affichée haut et fort dans la LOA, le Mali pourrait aussi prendre cette décision et/ou influer au niveau de la région.

8.1.3 Le financement

Le financement est décliné dans le chapitre VII du TITRE IV avec 4 articles du 118 au 121. Le 119 prévoit la création d'un Fond National de Développement Agricole qui sera alimenté par les fonds de l'État, les Collectivités territoriales, des OPA, des subventions, des dons et legs. Il spécifie aussi que la profession Agricole participe nécessairement aux organes d'administration et de gestion du fond. Les modalités de gestion du fonds et les conditions d'éligibilité seront fixées par décret ministériel.

Il est aussi introduit pour la 1ère fois, que l'État peut accorder directement des subventions aux exploitants Agricoles et aux OP pour leur permettre d'accéder a des services agricoles de base, recherche et conseil Agricole adaptés à leurs besoins et dans le respect des stratégies de développement Agricole : (( L'État appuie les programmes de renforcement des capacités des OPA et des organisations interprofessionnelles des filières par la formation, l'appui à l'organisation et à la structuration ainsi qu'aux rencontres et échanges sous régionaux et internationaux ".

Ces mesures sont traduites ainsi par la voix du Ministère de l'Agriculture :

(( C'est une des questions centrales a résoudre. A côté des institutions financières dont la vocation est de financer l'activité économique, un FNDA est créé, avec une forte implication de la profession Agricole dans sa gestion. Il est prioritairement orienté vers l'appui aux activités Agricoles et péri Agricoles (recherche, conseil, formation, autres activités de renforcement de capacités, bonifications d'intérêts). Afin de permettre l'accès au crédit a tous les exploitants, des mesures incitatives pour assurer la couverture du territoire et la diversification des instruments de crédit par les institutions financières sont prévues. De façon complémentaire, un Fonds de Garantie est mis en place pour partager les risques sur les courts et moyens termes. Pour résoudre les nombreuses difficultés d'approvisionnement des exploitants, des mesures sont prises pour faciliter l'accès aux intrants et a des équipements de qualité, a des coûts accessibles. La production nationale d'intrants et d'équipements agricoles est encouragée par des dispositions incitatives en faveur des artisans et des industriels produisant sur place. On a ainsi innové avec le FNDA et le Fond de calamités agricoles. il y a déjà des avancées qu'on ne pouvait pas imaginer il y a 4 ans ou 10 ans. Des subventions pour les intrants, l'idée est bonne mais il y a encore des problèmes. Mais c'est la 1ère e fois que nous *l'État+ achetons, ça fait 3 ans qu'on n'arrivait pas à faire adopter le texte par rapport au Ministère des Finances "

Effectivement aucun décret à ce jour. Mais -enfin !- la ligne budgétaire FNDA vient d'être crée en janvier 2010 après un « coup de gueule » du 1er ministre lors du dernier CEN du 19 novembre. Les exploitants et OP devront attendre encore la formalisation de l'article 121 pour avoir accès a du financement. D'ailleurs c'est un sujet oü tout le monde paysan était d'accord a une réunion au Ministère des Finances selon le secrétaire général de l'APCAM (( Par rapport au FNDA au Ministère des Finance, tout le monde était là. Nous avons parlé d'une seule voix. ".

Dans son Plan d'Orientation Stratégique 2008-2012, la CNOP intègre ce nouvel accès au financement :

Appuyer le développement d'un mouvement paysan national, représentatif, légitime et crédible assurant, à travers ses diverses organisations et cadres de concertation, les fonctions de représentation et de défense d'intérêts et de fournitures de services économiques et techniques aux exploitations agricoles familiales.

S'impliquer dans la fourniture de services fait écho aux articles 119 et 120 qui officialisent, via le FNDA44, « l'octroi de financement a l'appui aux activités Agricoles et péri-Agricoles et à la délégation de certaines missions de service public à des structures spécialisées, financées dans ce cas là par l'État ou la collectivité territoriale ».

Une réflexion serait a mener entre AOPP et CNOP voire Chambres d'Agriculture car avec ces nouvelles orientations de la concurrence voire de la rivalité risque d'envenimer la situation actuelle. On peut s'interroger sur ces évolutions : Ce choix ne va-il pas engendrer des modifications dans la structure qui était plutôt au départ « un cerveau ~ plutôt qu'un fournisseur. La motivation des nouveaux élus risque alors d'être différente et changerait le rôle de la CNOP sur lequel elle s'était construite.

Une nouveauté aussi, l'État et les Collectivités territoriales sont responsables de la prévention et la gestion des risques majeurs et des calamités naturelles affectant les productions Agricoles (TITRE III, chapitre II, articles 56 à 60) ainsi un Fond National des Risques et des Calamités Agricoles (FONARCA) est prévu (article 58) et est associé a un régime d'assurance Agricole (article 60).

8.1.4 La politique foncière

Une politique foncière est réclamée depuis longtemps par les paysan-ne-s. Elle fait partie intégrante de la LOA dans le chapitre II du TITRE IV déclinant 9 articles du 75 au 83. La LOA étant une loi cadre, l'article 78 spécifie « qu'une loi sur le foncier agricole sera élaborée a compter de la publication de la présente ~. C'est sur quoi travaille le SP. Son état d'avancement sera détaillé plus loin, dans la mise en oeuvre, et entre autre les commissions foncières prévues a l'article 79, qui ont fait l'objet d'un décret depuis 1 an et ne sont toujours pas opérationnels.

L'inventaire des us et coutumes est prévu dans l'article 76, l'État, les Collectivités Territoriales et les Chambres d'Agriculture en ont la charge mais rien n'a été encore mis en oeuvre alors qu'il n'y a pas besoin de décrets mais de moyens et de volonté, et les paysan-ne-s attendent alors que :

« Le foncier rural est un fondement de la loi. Le foncier rural est très compliqué et est lié à la vie des communautés. Une politique foncière doit tenir compte des us et coutumes. Il faut faire une liste des us et coutumes actuels pour que la politique foncière ne casse pas tout. Sécuriser et donner l'accès a la propriété foncière, aussi aux femmes. La mise en oeuvre doit se faire a travers des projets pilotes ».

La Ministre de l'Urbanisme, des Affaires foncières et du Logement abonde dans ce sens45 :

«La situation du foncier est caractérisée par la dualité du régime foncier avec un système traditionnel et un système moderne. Le droit coutumier, bien que reconnu par la loi, n'est pas réglementé et les pratiques coutumières et traditionnelles sont souvent en contradiction avec les textes de loi et réglementations des textes législatifs et réglementaires incompréhensibles pour la majorité des intervenants et chacun interprète différemment en fonction de ses intérêts»

44 Fond National de Développement Agricole

45 Déclaration faite pendant les EGF

La politique foncière est en quelque sorte le miroir de la société malienne actuelle, tiraillée entre modernisme et tradition, pression économiques externes et besoins internes, convoitise des élites et des investisseurs.

8.2 LA RECONNAISSANCE DES OPA ET CHAMBRES D'AGRICULTURES

Les Organisations Professionnelles Agricoles sont reconnues dans la LOA en tant qu'acteurs impliqués et a impliquer.

Les OPA est un terme très générique qui peut concerner autant l'AOPP, la CNOP ou toute autre organisation voire l'APCAM même si des articles spécifiques lui sont consacrés.

8.2.1 Les OPA reconnues dans la LOA

Dans le TITRE II, chapitre II de l'article 27 a 30, les OPA sont reconnues en tant que structures (article 28) «Les exploitants Agricoles peuvent s'organiser librement au sein d'OPA créées conformément à la législation en vigueur. » et sont acteurs dans le pays « Les OPA participent a l'élaboration, a la mise en oeuvre et a l'évaluation des politiques et programmes publics nationaux d'intervention dans leurs domaines de compétence. » (Article 29).

A cet effet, elles sont représentées notamment dans les cadres de concertation, les commissions, les groupes de travail, aux niveaux local, régional, national, sous régional, pour faire valoir les intérêts de leurs membres. Elles peuvent exercer les mêmes rôles aux plans sous-régional et international, conformément aux engagements souscrits par le Mali, la CNOP est dans ce cadre.

« C'est d'ailleurs une de ses forces comme le dit un membre de la CNOP « La CNOP a des atouts, des élus engagés en permanence et expérimentés et le plus important un réseau national et international, une reconnaissance de l'État dans sa capacité a faire des propositions a répondre aux défis et enjeux. La CNOP a engagé le dialogue avec l'État. »

8.2.2 Attributions faites aux Chambres d'Agriculture (CA) dans la LOA

C'est dans le TITRE II chapitre III avec 4 articles (31 à 34) que la LOA définit le rôle des CA. Le 31 précise « Les CA sont les Organismes Personnalisés représentatifs de la profession Agricole. Elles constituent auprès des pouvoirs publics, des organes professionnels consultatifs sur toutes les questions d'intérêt Agricole. A ce TITRE, elles donnent leurs avis à la demande des pouvoirs publics ou formulent des suggestions de leur propre initiative sur les questions Agricoles ou relatives au monde rural, notamment sur :

les politiques d'orientation, de coordination de développement Agricole ainsi que leur mise en oeuvre

la réglementation fiscale et douanière relative aux activités Agricoles la législation du travail relative aux exploitations Agricoles

la législation foncière applicable en milieu rural

la politique des prix, des revenus, du crédit et de la commercialisation la formation professionnelle Agricole

les moyens de promotion du développement Agricole46».

La LOA dans l'article 33 lui attribue aussi un rôle de médiateur dynamique pour les OP « Les CA appuient l'émergence d'OPA, d'organisations de femmes rurales et/ou de jeunes ruraux ainsi que la création d'organisations interprofessionnelles. Elles contribuent aussi à la promotion du partenariat entre les OPA nationales d'une part et d'autre part entre celles-ci et les OPA existant au niveau sous-régional ou international. »

Mais vu les conflits entre les OP et les Chambres ce rôle de médiateur va lui être difficile à mener, et ne va pas aider aussi du côté paysan pour faire bloc face a l'administration. A contrario elles peuvent devenir un outil pour créer la division au sein des OP -un outil au service de l'État ?-.

Dans les faits lors de l'élaboration de la LOA la CIFA n'a pas considéré l'APCAM comme représentative de la voix paysanne, comme nous le verrons. « Il n'y a pas vraiment de référent Chambre sur la LOA il faut voir Daouda au secrétariat permanent et Salif pour la CNOP, c'est eux qui ont suivi, mais de la Chambre en tant que tel officiellement personne. Nous avons 2 représentants au CSA [dans les textes 5 sont prévus]. Pour être franc il y a eu une dualité entre la Chambre d'Agriculture et la CNOP et nous nous sommes effacés »47.

Si de nombreuses et fondamentales revendications paysannes sont repris dans la LOA. Son suivi et sa mise en oeuvre devaient se concrétiser dans des instances de gouvernance où notamment paysans et autorités étatiques pourront régulièrement faire le point. Répondront-elles à leur rôle?

8.3 LES INSTANCES DE GOUVERNANCE : REVOIR LA COPIE !

Du côté institutionnel les instances prévues pour « piloter les mutations escomptées, assurer les cohérences stratégiques sous-tendues par la LOA et veiller au respect des responsabilités et engagements de tous les acteurs impliqués par la loi »48 ont du mal à se mettre en place et/ ou à remplir leurs missions.

En effet il est prévu dans les textes TITRE VI, chapitre I, articles 185 à 191 un Conseil Supérieur de l'Agriculture (CSA), doté d'un Comité Exécutif National (CEN) et de Comités Exécutifs Régionaux(CER). L'ensemble de la mise en oeuvre de la Loi, dans le sens coordination et harmonisation, est entre les mains d'un Secrétariat Permanent (SP).

8.3.1 Le Conseil Supérieur de l'Agriculture (CSA)

C'est le décret N°07-066/P-RM du 23 février 2007, sorti 6 mois après la promulgation de la LOA, qui fixe
« l'organisation et les modalités de fonctionnement du CSA » ainsi que le détail de la composition des
différentes instances. L'article 185 stipule « Il est créé un CSA, doté d'un CEN et de CER. Le CSA est un organe

46 A en charge le Salon International de l'Agriculture et elle a été encouragée par ATT lors du dernier CSA a la perpétuer

47 Entretien avec le président de la CA du district de Bamako

48 Guide pratique des principales mesures de la LOA

de concertation sur les politiques nationales de développement Agricole et péri-Agricole. Il a pour mission de veiller à l'application de la LOA D (article 186). Il est notamment chargé de :

participer à la définition et veiller à la cohérence de la politique de développement Agricole,

promouvoir la mobilisation des ressources et de s'assurer de la pleine adhésion des populations aux objectifs de la politique de développement Agricole,

suivre l'évolution des grandes orientations de la politique de développement Agricole et émettre des avis,

délibérer sur toutes les questions d'intérêt Agricole qui lui sont soumises par les acteurs du secteur Agricole,

adopter avant le 31 mars de chaque année, le rapport annuel sur les mesures prises pour l'exécution de la LOA et sur les modalités de sa mise en oeuvre.

Le CSA est régi par le Président de la République qui fixe l'ordre du jour sur proposition du 1er ministre, président du CEN « La concertation, le dialogue et la participation consciente et délibérée des acteurs président à son fonctionnement. Il veille à la rationalisation des outils et méthodes de planification, au suivi et évaluation, à la gestion des risques découlant de la complexité des relations interinstitutionnelles dans un État en réforme D49.

«Le CSA est un élément important, présidé par ATT, y siègent les paysans. C'est un lieu oU le ministre peut interpeller les décideurs. Quand tous les ans, vous pouvez dire directement au Président, c'est une chance de lui dire ce qui ne va pas, et même de tancer le 1er ministre. » explique un membre de la CIFA.

La nomination des membres du CSA pour 3 ans a fait l'objet du décret 146/P-RM du 26 avril 2007 conformément a l'article 187 « Ces structures ont été créées pour continuer ía gouvernance~mais on aurait du les mettre pour 5 ans [au lieu de 3 actuellement] ». Regrette un ancien de ía CIFA.

Outre 21 Ministères et 1 Commissariat, sans compter les personnes compétentes invitées, il est composé des représentants suivant concourant a l'élaboration et a la mise en oeuvre des politiques Agricoles et péri Agricole :

4 au privé (banques, institut de micro-finance, patronat et Chambres de Commerce et d'Industrie)

2 pour les CT

3 pour la société civile dont 1 pour les jeunes et 1 pour les femmes

13 pour la profession Agricole: 5 APCAM, 5 CNOP, 1 femme rurale, 1 jeune ruraux, 1 salarié.

Sur la fonction du CSA les avis sont partagés. Pour sa part le SP est satisfait de cette structure de gouvernance :

« La LOA a prévu des instruments institutionnels CSA, CEN, CER qui prennent en compte la représentativité des OP, CNOP, APCAM. On ne peut pas satisfaire tout le monde. Je ne peux pas comprendre que des acteurs se plaignent du fonctionnement, l'État a mis en avant la participation des acteurs. Ils sont présents partout et ils ne se reconnaissent pas dans cet organigramme ? Pourtant ils viennent aux réunions. Vous connaissez des lieux où pouvez interpeller directement le Président, le 1er ministre ? Vous l'avez en France ?... Ils[les élus

49 Extrait de la note technique de présentation de la LOA et le point de sa mise en oeuvre par le Ministère de l'Agriculture

des OP+ ne prennent pas les préoccupations de leur base avant d'aller au CSA, ne leur font pas de compte rendu après ».

Même s'il a raison, la CNOP est restreinte en moyens alors que lui pourrait les aider. Pour la FAO « au CSA on parle de l'agriculture actuelle en général mais pas de la LOA ».

Le déroulement des CSA ressemble plus à de « grandes messes ~ qu'à des lieux d'expressions et de suivi de la LOA. (Voir annexe 10)

Le prochain CSA avant fin mars 2010 devrait permettre de faire enfin une évaluation de la mise en oeuvre de la LOA. Quelles seront les décisions prises pour améliorer ou pas les difficultés actuelles, nous ne le sauront malheureusement pas dans ce mémoire.

8.3.2 Le Comité Exécutif National (CEN)

L'article 11 du décret N°07-066/P-RM du 23/02/2007 précise qu'il se réunit 1 fois par semestre. L'ordre du jour est fixé par son président, le Premier Ministre, sur proposition du Ministère de l'Agriculture (article 189). Il est aussi spécifié via l'article 15 « qu'un arrêté du Ministre de l'Agriculture fixe l'organisation et les modalités du SP ~. Le CEN a pour mission le suivi de la mise en oeuvre des décisions et des recommandations du CSA (article 188). Il est plus particulièrement chargé de :

coordonner l'élaboration des instruments de mise en oeuvre de la LOA en rapport avec les départements ministériels concernés par la politique de développement Agricole

élaborer le rapport annuel sur les mesures prises pour l'exécution de la LOA et sur les modalités de sa mise en oeuvre

assurer l'information de tous les acteurs sur l'application de la LOA

suivre les résultats de l'évaluation de la politique de développement Agricole assurer le secrétariat du CSA.

La CNOP n'est pas impliquée dans la préparation des CEN et découvre les sujets lors de la réunion :

« Les choix des décrets ne sont pas de notre fait. Ce sont des gens, des salariés [des ministères] en relation avec le SP/Diarra qui proposent pour les CEN et nous la CNOP on va sur tel ou tel décret aprés. Il n'y a pas de réunion de préparation, je le regrette. » déplore le président de la CNOP.

Le CEN se situe au « niveau technique c'est au 1er Ministre de suivre ».3 sessions ont eu lieu alors qu'on devrait en être à la 6ème. Le 1er CEN du 21/03/2008 a fait l'objet d'un compte-rendu succinct d'une vingtaine de lignes disponible sur internet50. Je n'ai pas de trace du 2ème. Le dernier date du 13/11/2009 auquel malgré ma demande, je n'ai pas pu assister. Par contre j'ai été témoin que la convocation s'est faite par téléphone seulement 3 jours avant la date retenue. Ce qui implique une disponibilité rapide des mandaté-e-s.

D'après une liste de présence - pas de décret, ni d'arrêté a ma connaissance- sa composition plus restreinte réunit :

Le 1er ministre51 plus 8 ministres.

50 http://loa -mali.info fait par Axe Formation. Voir Chap 9.5.2.

51 Modibo SEDIBE -qui était Secrétaire général et motivé51 lors de l'élaboration de la LOA-

La Commissaire à la Sécurité alimentaire Les Présidents de l'APCAM et de la CNOP

Plus des responsables comme le directeur de cabinet de la Primature, le Secrétaire général du Ministère de l'Agriculture, les conseillers techniques de la Primature et des départements ministériels, le SP.

Comme au CSA, le déroulement des sessions semble assez consensuel, sauf pour la dernière session, qui a fait l'objet de nombreuses remarques, ex primant ainsi le malaise et la lenteur qui existent dans la mise en oeuvre de la LOA. Nous y reviendrons plus tard pour mieux suivre l'évolution de la LOA dans le temps au paragraphe 10.1

8.3.3 Le Comité Exécutif Régional (CER)

Selon le décret N°07-066/P-RM du 23 :02/ 2007 le CER de l'Agriculture est «chargé du suivi de la mise en oeuvre de la LOA au niveau régional. Il émet des avis et fait des propositions sur les questions de développement Agricole d'intérêt régional ou national. Il élabore le rapport annuel de la mise en oeuvre de la LOA au niveau régional et transmet une copie au Président du CEN, après consultation au niveau des cercles et communes (article 190) ».

Il est présidé par le Gouverneur de Région ou du District de Bamako. (Article 191). Son secrétariat est assuré par le Directeur régional chargé de l'agriculture qui propose l'ordre du jour (Article 20). L'article 19 informe que le CER se réunit 1 fois par trimestre.

Dans le cadre de la décentralisation, ouvert à la société civile et présidé par le Gouverneur, les CER auraient du être les lieux de propositions issues du terrain pour alimenter le national. Mais ils dysfonctionnent et ceux qui ont tenu une première réunion, c'est sous l'impulsion, l'injonction du SP. Mais ce n'est pas son rôle, pourtant il a trouvé du financement pour le faire. Le SP témoigne qu'il a fallu intervenir :

(( Dans le cadre de la décentralisation, à partir du 13 octobre nous allons, le secrétariat permanent, aller dans les régions, expliquer sa mise en oeuvre aux CER, pour qu'ils s'approprient les textes, faire des mises au point. Nous commençons par Sissoko, Ségou, Mopti, Tombouctou Mais la CNOP n'a pas été invitée »

Ainsi l'ouverture a du mal a se concrétiser, confirmé par un membre du SP :

«Je reconnais que la CNOP n'a pas été impliquée dans la mise en place des CER ... les chambres sont dedans, mais l'espace n'est pas fonctionnel, il n'y a pas de budget ». Un élu paysan régional renchérit (( Nous ne savons même pas s'il y a des CER. Les gens voient des élus choisis par le gouvernement, venus même de Bamako, mais les leaders paysans locaux ne sont pas convoqués ! Comment peut- on trouver des solutions ? Les gens eux existent sur le terrain, comment ils le vivent ? »

Au niveau des comités exécutif régionaux, cela ne dépend pas du SP, mais il y avait une urgence à installer et nous sommes intervenus, il nous manque d'aller a KIDAL et GAO, de toute façon une seule région a fait son boulot c'est SÉGOU. 1 seule région sur 8 ce n'est pas beaucoup. C'est vrai aussi qu'on n'a pas mis la CNOP dans ces comités.

Le Ministère de l'Agriculture lors de l'atelier de concertation renchérit :

(( Il y a aussi un travail important a faire au niveau régional mais ça pêche. Il n'y a pas une seule région qui a organisé une réunion sauf quand le SP leur a dit, ce n'est pas son rôle. Lui il envoie les documents de synthèse lors des réunions avec le premier ministre. Le gouverneur de région est investit des fonctions de coordination, du pouvoir de l'État et doit organiser au moins deux séances. Les problèmes dans les régions par rapport au foncier, aux projets, au financement doivent remonter lors de ces réunions. Quelle politique pour les régions pour que des activités agricoles puissent être développées ? C'est ça a l'origine, mais il n'y a eu aucune réunion. Le gouverneur devrait faire le point pour demander appui technique, expertise puis ces documents remontent au Ministère puis au CSA avec le Premier Ministre, le Président de la CNOP, le Président de l'APCAM pour avoir un état de l'agriculture. »

Si les 8 régions ont toutes prises des Décisions actant la création d'un CER. Leur enregistrement s'étale d'avril
2008 (Kidal) d'à août 2009 (Koulikoro). D'après les informations récoltées seuls Kayes et Gao ont nommément
désigné des membres. Pour celles qui ont tenu qu'une 1ère réunion alors qu'il est prévu une périodicité

trimestrielle le constat est accablant, comme le rapporte un paysan élu a la Chambre Régionale d'Agriculture de Mopti :

« Il y a un réel problème au niveau des CER, car les gens qui sont au comité n'ont rien suivi de la LOA, les gouverneurs ne suivent pas, il faut des soutiens, des compétences paysannes qui accompagnent, que les gens soient associés, il faut aller sur des exemples, pour le foncier, avec la loi on n'a pas tranché. Qui doit le faire l'administration, la justice, l'APCAM ? ».

8.4 LE SECRETARIAT PERMANENT DE LA LOA (SP)

C'est l'arrêté N°O7-0554/MA-SG du 5 mars 2007 qui fixe l'organisation et les modalités de fonctionnement du SP. Dirigé par un Secrétaire permanent, il assiste le Ministre de l'Agriculture.

En quelque sorte le SP est censé remplacé la CIFA qui n'existe plus mais sans avoir ni appui politique direct du chef de l'État, ni moyen tant humain que financier et avec une motivation différente. Depuis sa mise en place et jusqu'à ce jour c'est Daouda DIARRA qui assure cette fonction. Il est chargé notamment de :

planifier, organiser et diriger les activités du Secrétariat permanent

traduire sous forme de programmes et projets, les politiques et stratégies concourant à la mise en oeuvre de la LOA et assurer leur diffusion auprès des partenaires sociaux et partenaires au développement

veiller a l'harmonisation des interventions des différents départements ministériels et autres partenaires en matière de mise en oeuvre de la LOA.

Au niveau des ressources humaines le secrétariat permanent est composé de fonctionnaires :

1 secrétaire permanent. Sous l'autorité du secrétaire général du ministère de l'Agriculture, il est chargé de programmer, de diriger et de coordonner l'exécution des activités du SP. Il rédige a l'attention du Ministre de l'Agriculture un rapport trimestriel d'activités52.

1 agroéconomiste. Il est nommé par décision du ministre de l'Agriculture Chargé de conseiller le SP sur des questions économiques et financières découlant du système agro-sylvo-pastoral et environnemental de la LOA il est en contact avec les services techniques.,

1 juriste. Il est nommé par décision du ministre de l'Agriculture. Il est.chargé de conseiller le SP sur les questions juridiques et institutionnelles. Il veille a l'harmonisation des interventions des différents départements ministériels et autres partenaires en matière de mise en oeuvre de la LOA.

2 secrétaires qui suivent dans la réalité la diffusion des textes, un chauffeur, un planton.

L'article 10 spécifie que « sous l'autorité du Secrétaire permanent, l'agroéconomiste et le juriste sont chargés de planifier, organiser et diriger les activités du SP, de traduire sous forme de programmes et projets, les politiques et stratégies concourant a la mise en oeuvre de la LOA et assurer leur diffusion auprès des partenaires sociaux et partenaires au développement. »

52 Je n'ai aucun document a ce sujet

A ce jour (( il y a un problème le poste d'agroéconomiste n'est pas pourvu » déplore le juriste mais cela n'a pas l'air d'émouvoir autant le SP. Est-ce parce que le rôle des différents membres n'est pas clairement défini ? Pire entre le SP, l'agroéconomiste et le juriste les tâches sont les mêmes. Est-ce que le budget ne le permet pas ? Ne trouve-t-on pas la bonne personne ? (( La qualité des ressources humaines est médiocre au niveau de l'encadrement, c'est le contre coup des PAS. » affirme-t-il.

La responsable de la CIFA remarque :

(( Le SP n'est pas fonctionnel, il faut lui donner plus de moyens, plus de souplesse pour qu'il puisse voir, interpeller, faire pression sur les ministres sans attendre les CEN ... Le SP n'est pas fort et ne tisse pas de liens. ».

De son côté la FAO souligne « Diarra a des difficultés à manager » et la CNOP acquiesce «Diarra est un fonctionnaire jusqu'au bout des doigts, il est axé sur le problème du budget. Il a un problème de leadership et de volonté »

Le Secrétaire permanent défend :

(( Je n'ai aucun pouvoir d'agir sur les structures institutionnelles, sur la décentralisation qui a du mal a se mettre en route ~ faisant écho a une réflexion d'un élu de la CNOP « Pour la mise en oeuvre, tout est au main du SP, pour ne pas dire du secrétaire permanent, sans moyen ni pouvoir » .

En tout cas le résultat est que le SP a peu de relation avec les différents départements ministériels confirmé par le juriste du SP :

((Chaque département fait son décret sans en référer au SP. Par rapport a l'enjeu financier chaque département tire la couverture sans cohérence...même contre les paysans ».

Ainsi le SP qui devait être la cheville ouvrière de la mise en oeuvre de la LOA, la continuité du CIAF, se retrouve au milieu « d'un panier de crabe ». Un fusible pratique pour le pouvoir ? Un responsable paysan explique :

((le SP semble se noyer, et se retrouve entre deux feux : des administratifs qui sont contents que l'État lâche du lest et vont pouvoir renégocier des lois pour leur intérêts personnels et non pas des paysans, et de l'autre côté des paysans qu'il n'écoute plus. Il est sur un siège éjectable ».

Le SP est au coeur de la mise en oeuvre de la LOA et une forte responsabilité repose sur ses épaules. Mais il ne semble pas remplir son rôle n'ayant ni moyen, ni pouvoir « . «La LOA piétine, il refuse de croire cela~Le SP est là pour rendre compte de ce qui se fait... Diarra croit qu'il doit tout faire. Il veut tout gérer alors que la loi doit être faite par tout le monde ».

8.5 LES POINTS FOCAUX

La Décision N°08-00215/MA-SG du 26 août 2008 désigne des points focaux où sont nommés 12 salarié-e-s représentants 9 ministères, le Commissariat a la Sécurité Alimentaire, l'APCAM et la CNOP. Ils devraient être des espaces permanents de liaisons entre les agents des différents ministères, de l'APCAM et des OP. Mais comme le SP commente lui-même :

«Il n'y a pas de réunions formelles des points focaux. C'est le Ministère de l'Agriculture porteur du dossier qui décide des réunions. C'est écrit nulle part d'une périodicité. »

Cette situation est aussi relevée par un responsable de la CNOP :

(( C'est a lui *le salarié+ que Diarra s'adresse de technicien a technicien. Il y a aussi un problème de fonctionnement ministériel, les points focaux n'ont jamais fonctionné...Chaque département ministériel impliqué dans la LOA est représenté. Ce sont des agents techniques du ministère qui sont présents, qui sont des courroies de transmission entre ministère et SP, puis après il y a des ateliers. Mais il y a longtemps qu'il n'y a plus de réunion régulière c'est au coup a coup ».

(( Le SP devrait être moteur, coordinateur mais il y a disette aux niveaux des textes des départements ministériels Quand on reçoit un texte du ministère on informe tout le monde, 1 semaine ou 3 jours avant» explique le juriste du SP, et quand il y en a (( Tout le monde n'a pas le même dynamisme le même souci de faire avancer les réunions " conclue un représentant du Ministère de l'Agriculture.

Ainsi non seulement ce rouage ne fonctionne pas mais quand il est en action, il n'y a pas de temps pour les OP d'engager une réflexion sur le texte de faire des propositions, amendements et encore moins le temps d'avoir une concertation avec leur base.

8.6 ANALYSE DU POIDS DE CHAQUE MEMBRE DANS LE CSA, LE CEN ET CER

Il parait intéressant de faire un focus sur le poids des représentants dans les 3 organes de gouvernances où les paysans sont en liens en direct avec les autorités étatiques

Tableau 2 : Composition des instances de gouvernance

 

CSA

CEN

CER

Présidence

Président de la République

Premier Ministre

Gouverneur

Secteur Public

21 : 20 Ministres + 1

Commissaire SA1

11 Ministres

16 : 15 directeurs régionaux + 1

délégué SA*

Secteur privé

4 : 1 Conseil National du

Patronat Malien, 2 Pdt de la Chambre de Commerce et d'Industrie + 1 Pdt de l'APIM2

0

2 : APIM + Pdt de la délégation

Régionale de la Chambre de
Commerce et d'Industrie

Collectivités territoriales

2

0

1 Pdt de l'Assemblée régionale

APCAM

5 : Président + 4

représentants 4

Président

1 : Pdt Chambre Régionale Agricole (CRA)

4 : représentants de la profession

agricole par sous-secteur (pas
précisé d'ou)3

2 : Coordination Régionale des OP

OP/CNOP

5 : Président + 4

représentants

Président

Organisations rurales

2 : Fédération Nationale des Femmes Rurales + Fédération Nationale des Jeunes Ruraux

0

4 : 2 Fédération des Femmes

Rurales + 2 Fédération des Jeunes Ruraux

Syndicats salariés

1

0

0

Société Civile (SC)

3 : Conseil National de la SC + Conseil National des Jeunes du Mali + Associations et ONG féminines

0

3 : Coordination régionale de la SC

Total

44

14

34

1 Sécurité alimentaire, 2 Associations des Professionnels des Institutions de la Micro-finance, 3 agriculture, élevage, pêche, foresterie.

Si l'on se réfère a l'article 3 du décret des questions se posent sur la représentation voulue équilibrée au CSA :
« le nombre de membres représentants l'Administration ne doit en aucun cas dépasser celui des
représentants des acteurs non-étatiques ~. Considérant le choix fait lors de l'élaboration que « L'APCAM,

en tant que structure parapublique et par ce statut juridique elle ne pouvait pas être la voix des paysans de terrain », elle peut être alors à juste titre être comptée plutôt comme représentante de l'administration, dans ce cas là l'article 3 n'est pas respecté. D'ailleurs quand le ministère organise des forums internes pour les débats sur la LOA, l'APCAM est invitée pas les OP. La jonction se fait dans le cadre d'autres ateliers.

Mais la position étatique est de considérer dans ces organes la profession agricole sans distinction de statut, occultant -volontairement ?- les dissensions entre APCAM et CNOP, freinant toutes revendications communes Cette attitude se retrouve à travers cette déclaration du Président de la CNOP « Je n'ai pas été au dernier CSA *l'an dernier+ a cause des OGM car la déclaration commune que nous[CNOP, APCAM, Société civile, Femmes et Jeunes+ avions préparé sur le sujet n'était plus soutenu par le président de l'APCAM ».

Cet amalgame -volontaire ?- arrange bien en tout cas les pouvoirs tout en justifiant la continuité de bonne gouvernance, mais cela ne résout pas les difficultés qui apparaissent dans la mise ne oeuvre de la LOA. Occulter les problèmes est-ce une façon de gouverner ? Une autre bombe à retardement ? Une façon de faire taire et/ou récupérer les OP ?

Dans la configuration actuelle une seule personne pour la Société Civile est prévue. Elle représente une plateforme nationale de différentes associations, et est une alliée de la CNOP. Ensemble ils ont déjà organisé des manifestations et des sensibilisations contre les OGM, les APE. De même la Présidente de la FNAFR et le Président de la FNAJR sont des élus de la CNOP. Même le représentant des syndicats des salariés est le directeur de la CNOP. Mais à priori cette force de représentation à la quelle la CNOP était très attachée pour assoir le rôle d'interlocuteur privilégié des paysans pouvant interpeller directement le Président ne suffit pas.

En réalité le CSA n'est pas vraiment un lieu d'échanges. Comme l'analyse le représentant de la FAO «Au CSA, il y a autant de ministres que de paysans. Ils ont fait un combat pour être à côté du Président, mais ce n'est pas là que les choses se traitent. Au CSA les ministres et 1er ministre ne disent rien devant le Président ! ».

Au niveau du CEN, la représentation est complètement déséquilibrée et restreinte : le 1er Ministre, 8 ministres, le président de l'APCAM et de la CNOP et du personnel d'encadrement gouvernemental. Il s'apparente presque a un conseil interministériel. Là aussi la réflexion de la FAO parait pertinente « Au CEN et autres organes les OP y sont très peu. Ils ne sont que 2 ou 3 alors que c'est là que se font les choses...le débat technique entre ministres et paysans. C'est a ce niveau qu'ils auraient du être. Dans toutes les institutions en dessous du CSA, ils ne sont pas représentés, ce n'est que de la présence dans le processus. Il faut revoir la copie. Il faut qu'ils aillent là où on donne du contenu aux choses. »

Au niveau du CER, selon le décret, 34 représentants sont prévus, la liste finale est plus que fluctuante selon les régions. D'après les relevés de Décision, leur nombre varie de 42 membres avec par exemple le commandant de compagnie de gendarmerie nommé pour la région de Kiloukoro jusqu'à une liste minimaliste nommant officiellement que 3 représentants (Société civile, Banque, micro-finance) pour la région de Mopti.

Pour la profession Agricole leur représentation n'est pas précisée, alors qu'au niveau du CSA c'est net, il y a 4 représentant-e-s par sous-secteur désignés par l'APCAM et 4 par la CNOP plus les Présidents. Les 4 représentant-e-s du sous-secteur Agricole dans les CER, peuvent être issus tant de l'APCAM que d'OP, privilégiant selon le poids des uns ou des autres. Seules sont assurées 2 places pour la CNOP via la Coordination Régionale des Organisations Paysannes. Vu les difficultés de lien avec les régions reconnues par la CNOP elle-même, «il existe une fissure entre le national et les régions, qui handicape l'implication des OP et de leurs membres dans le processus de décentralisation.», la situation est encore plus complexe53. De même

53 Plan d'orientation stratégique 2008/2012 de la CNOP

pour les représentants des femmes et des jeunes, le libellé est aussi moins ciblé, c'est la Fédération des Femmes Rurales et le simple terme Jeunes Ruraux reste assez vague.

L'ancienne responsable du CIFA résume la situation

« il faut revoir la copie .On a fait le débat avec elles [les organisations paysannes], pour elles et aujourd'hui elles ne se sentent pas concernées, personne ne les interpelle, nous devons nous en soucier comme lors de l'élaboration »

8.7 ÉVOLUTION DES ACTIVITES ENTRE LE DERNIER CSA ET LE DERNIER CEN

A partir des 2 comptes-rendus nous allons voir les évolutions d'exécutions des activités sur une période de 18 mois entre les 2 sessions, entre le CSA lieu politique d'oü émane une feuille de route pour l'année a venir , et le CEN chargé de s'assurer de sa bonne exécution. Ce CEN est celui qui fait le point pour rendre compte au prochain CSA. Des informations sur le dernier CEN sont issues du diaporama présenté par le SP sur l'état des lieux de la LOA complète les réflexions sur ce CEN.

8.7.1 Au niveau politique agricole générale

Selon le compte-rendu au niveau de l'agriculture les mêmes points sont repris par ATT au GSA et le Premier Ministre au GEN.

volonté du Président de la République de faire du Mali une puissance Agricole l'aménagement des bas-fonds et mares

l'amélioration effective des infrastructures a l'Office du Niger

la mise en place du FNDA à hauteur de 10 milliards de FCFA

développement de l'industrie du lait.

L'intervention du Président qui égrène différentes initiatives ou projets agricoles en cours occupe en mots plus de place que le reste dans ce compte rendu du CSA. Ce qui corroborerait ce dire que le CSA serait plutôt une « grande messe annuelle consensuelle» et peu ou prou tourné sur la LOA elle-même. Une seule phrase se rapporte à la LOA « qu'ATT a d'abord félicité l'équipe en charge de la LOA pour la qualité des documents et le travail accompli ~.Donc pas de recommandations pour la mise en oeuvre de la LOA. Par contre lorsqu'il « demande au 1er ministre d'ouvrir la voie a la modernisation de l'agriculture familiale et de créer les conditions d'un véritable décollage de l'agro-industrie », il est toujours ancré dans sa vision duale - voire schizophrène-de l'agriculture.

8.7.2 Au niveau des activités qui doivent être menées au niveau des ministères

Peu d'évolution, tous les textes sont encore en cours, hormis le décret sur la qualité et la labellisation des produits agricoles qui est paru et cité, tandis que celui sur les commissions foncières n'apparait pas alors qu'il date de janvier 2009. Les activités ises en oeuvre sont souvent des documents de réflexion ou des études mais pas de décrets ou lois.

Au niveau CSA sur les « 21 activités prioritaires retenues pour 2008/2009 susceptibles de déclencher un changement », 15 sont présentées. Au niveau du CEN 19 activités « ont été adoptées lors de la 3ème session du CSA » et 14 présentées en cours54.

Tableau 3 : État des lieux des textes

Textes en cours présentés au CSA

État d'avancement au CEN

Remarques

Statut des exploitants et

exploitations agricoles familiales (12)

adopté en Conseil des Ministres

En cours de réécriture car la

CNOP a fait savoir qu'elle n'était
pas d'accord, un autre texte

devrait être présenté pour le
pré-projet de loi

Politique semencière (141)

le document a été élaboré

transmis au secrétariat Général du gouvernement, les réunions interministérielles sont en cours

Le plan d'action aurait été

validé par le Conseil des
Ministres

Décret sur la qualité et la

labellisation des produits agricoles
(166)

Décret adopté

Sorti le 19 juin 2009

Décret relatif aux droits et

obligations de maitrise d'ouvrage et maitrise d'oeuvre (138)

Un document de réflexion a été élaboré

Les concertations n'ont toujours pas commencé

Décret fixant les modalités

d'organisation et de mise en oeuvre du contrôle sanitaire et de qualité des aliments d'origine végétale et animale (63)

Pas de communication

 

Décret déterminant l'installation des vétérinaires privés sur l'étendue du territoire par des mesures incitatives en faveur des zones pastorales (151)

les termes de référence sur

l'étude sont rédigés et validés.

L'étude a démarré. Le

chronogramme de mise en
oeuvre est élaboré.

Il faut maintenant valider les

conclusions de l'étude. Le texte
réglementaire doit être déposé
au Secrétariat Général du

gouvernement pour adoption
au Conseil des Ministres

Arrêté interministériel fixant le

modèle de cahier de charges des
exploitants agricoles dans les

Les modèles des cahiers des

charges sont rédigés, après des
rencontres d'informations sur le

Qui a participé à ces rencontres
d'informations ? les

54 Les sources officielles ne concordent pas par rapport aux chiffres. Toujours difficile d'avoir une réalité des textes en cours

secteur agricole (92)

concertations ?

démarré.

productions animales (147)

schéma d'opérationnalisation

réalisées par la Direction des

productions et des Industries
animales

services ?les OP ?

Il faut encore valider les

modèles et rédiger arrêté
ministériel

Politique halieutique et aquacole

fixant le modèle de cahier des

charges dans le domaine des
productions animales (155 à 157)

Pas de communication

 

Décret fixant les critères et

procédures des subventions et/ou d'appui pour la conservation et la bonne gouvernance des ressources naturelles (23)

Les termes de références sont élaborés, l'avant-projet de texte est rédigé, le texte est validé

A été refusé par le Secrétariat Général du gouvernement car les OP n'avaient pas été consultées.

Fonds National de Développement Agricole (FNDA) (119)

L'avant-projet de loi sur le fonds national de développement a été élaboré. Le processus d'adoption est entamé et il faut (( accéléré sa mise en place > dixit le Premier Ministre

la création d'un compte

d'affectation spécial, confirmé lors de l'entretien du 7 janvier 2010 avec le secrétaire permanent. (( Ca y est le FNDA va avoir 10 milliards, c'est

pratiquement fait, ça sera

opérationnel dès la première
campagne ~ mais c'est une loi,
dont l'avant-projet serait

élaboré et doit encore passé
devant l'AN.

Elaboration de la politique foncière déléguée maintenant au SP (77)

La feuille de route sur le Foncier Agricole est élaborée et validée. Le comité de pilotage est en place. La phase préparatoire est terminée. Le voyage d'étude et d'échanges d'expériences au Burkina Faso et au Bénin réalisés.

Les termes de référence des deux études (( Diagnostic > et (( Cadre Législatif et réglementaire > ont été élaborés et validés. Le lancement est effectif.

Processus lancé pour le

diagnostic par le recrutement
de 2 consultants.

Les concertations sont en

préparation.

Le voyage réalisé n'a jamais été évoqué lors des entretiens.

Politique Nationale de

l'enseignement de l'alphabétisation

et de la formation professionnelle
agricole continue (98)

la feuille de route élaborée et

validée, le groupe de travail a été mis en place, le chronogramme de travail est élaboré.

Les axes stratégiques de la

formation Agricole sont élaborés.

Un atelier de partage et de mise à niveau sur le contenu a eu lieu ainsi que la mise en place du groupe de travail

Institution d'un régime institution

d'un régime de protection sociale

des travailleurs et des exploitants
agricole familiales (26)

la feuille de route est rédigée.

La feuille de route n'est pas

encore validée. Un voyage
d'étude est prévu au Sénégal.

Politique nationale de

développement énergétique du

le document est élaboré, les

concertations entre acteurs ont

Qui fait parti des

Décret fixant les modalités

d'organisation des interventions en cas de menaces sur la sécurité alimentaire(59)

les termes de référence sont rédigés et validés, l'étude a démarré.

La façon dont est présenté l'état d'avancement peut laisser perplexe par rapport a la réalité. En effet de dire qu'il est adopté est un raccourci rapide : par exemple sur les statuts il est bien passé au Conseil des ministres mais il est en cours de réécriture, celui sur l'appui aux exploitations par rapport a la gestion des ressources naturelles est retourné dans les circuits car les OP n'avaient pas été consultées, de même le FNDA qui devait être opérationnel après le dernier CSA, devrait l'être « pour la prochaine campagne ».

8.7.3 Au niveau des tâches du Secrétariat permanent (SP)

Outre les tâches déjà déclinées55, entre autres les activités de communication et diffusion des textes, il est spécifié que le SP assure au niveau des CER l'appui, l'animation et le suivi , la centralisation et analyse des rapports d'activités, la mise en cohérence de leurs activités avec les projets du secteur agricole en cours sur le terrain

Mais c'est seulement dans le dernier trimestre de l'année 2009 que le SP s'est assuré en se déplaçant dans les régions qu'au moins les CER étaient mis en place mais vu leur non fonctionnement , il ne peut remplir aucune des tâches prévues.

D'autres responsabilités sont rattachées au SP, non spécifique à la LOA comme :

la mise en oeuvre du plan de passage a l'approche sectorielle pour le développement rural et l'élaboration de la politique de développement agricole

la mise en place du comité de Pilotage pour l'élaboration du Programme National pour l l'Investissement dans Secteur Agricole (PNISA)

l'organisation de la revue sectorielle et définition de la méthodologie de travail l'élaboration et la validation du document relatif au plan de passage a l'approche sectorielle

l'élaboration et la validation des termes de référence relatifs a la politique de développement agricole

la signature du document de financement du plan de passage a l'approche sectorielle et de la politique de développement Agricole

l'organisation des ateliers régionaux sur la méthodologie et le contenu du plan de passage.

Je n'ai pas d'information sur ces activités là, mais sans moyen, faiblement doté en personnel, ni pouvoir, c'est une charge de travail en plus, surement pénalisante pour la mise en oeuvre de la LOA.

55 voir paragraphe 8.4

Toutes les instances de gouvernances censées pérenniser la dynamique de l'élaboration ne satisfont pas tous les acteurs, voire les pénalisent. Sans leadership fort, et des moyens affectés précisément, chacun agit dans son coin, les rôles et mandats sont indéfinis et la LOA « piétine ». «Il faut revoir la copie » ont signifié plusieurs interlocuteurs

D. La mise en oeuvre

9 ÉTATS DES LIEUX/ANALYSE DES TEXTES SORTIS OU EN COURS

C'est a partir des textes sortis ou en cours que nous allons aborder cette partie détaillant surtout le comportement des acteurs et les failles dans le processus. Le choix d'analyser certains textes est partisan, chacun apportant un éclairage différent sur des dysfonctionnements en cours. Mais auparavant nous allons nous attarder sur le budget alloué a la phase de mise en oeuvre, son montant et sa gestion sont souvent le reflet de la volonté que l'on veut y mettre pour faire aboutir une loi.

9.1 QUEL BUDGET POUR QUELLE VOLONTE?

(( La main qui donne est toujours au dessus de celle qui reçoit.» proverbe africain

Il est a noter en préalable qu'il est très difficile d'avoir une vision claire du budget. Volontaire ? Ainsi les versions peuvent diverger-car chacun jongle avec les chiffres et leur affectation dans le temps (pour l'année, pour 5 ans ?) et selon leur source. Le seul document sur lequel s'appuyer c'est sur le compte rendu de la 2 ème session du CSA du 28/04/2008. Le plan d'opération 2008 prévoit un budget évalué a 542 000 000 FCFA et/dont 230 000 FCFA affectés directement a la mise en oeuvre du programme des 21 activités et les acteurs concernés.

Un membre de la CIFA complémente :

(( Chaque chapitre est dispatché dans chaque ministère. Son financement est assuré par le Ministère des Finances, tout ce qui concerne la production, la partie activité par le Ministère de l'Agriculture, le Ministère des Finances pour la partie fonctionnement (fonctionnaires, locaux...) »

Des membres du SP développent :

(( Il y a une ligne budgétaire spécifique pour la mise en oeuvre de la LOA qui est dispersée dans tous les ministères. Au début le SP avait estimé que pour mettre la LOA en oeuvre *partie programmation des activités+ il fallait 1 milliard FCFA pour l'ensemble des textes, la partie législative et l'édition/diffusion de 90 documents. Ça sur 5 ans, jusqu'en 2012. Le premier ministre Modibo a dit que c'était trop et excessif, il l'a ramené a 500 M. Le SP a un budget spécial investissement. Chaque année on saucissonne. On avait 200 M en 2009 et 100 M en 2010. Cet argent est destiné a la diffusion et a l'élaboration de textes »

(( Le budget cette année est de 100 M et il y a 5 salariés dessus. Et on n'a toujours pas d'agroéconomiste c'est aussi pour ça qu'on a recours aux consultants. Les 100 M je ne les gère pas directement ils sont a la Direction des Affaires Financières du Ministère de l'Agriculture et je leur demande à chaque fois. ».

Un point est sûr en tout cas : le budget alloué à la LOA est en baisse. Mais peut-être que le peu de résultats obtenus encourage cette tendance et/ou est ce un moyen politique de freiner la mise en oeuvre de la LOA?

Un autre problème est aussi soulevé :

(( On a besoin des bailleurs de fonds, des partenaires un État pauvre n'n'a pas le choix. La partie politique foncière peut commencer car Monsieur Cavanna de l'AFD est un bailleur de fond qui intervient sur le thème de la politique foncière. Il prend en charge les 2 consultants prévus et le voyage d'étude ...L'État n'a pas les moyens...c'est le lot des pays pauvres on cherche souvent des partenaires. »

La recherche de financement -qui subordonne commanditaires et donneurs - mais aussi de consultants, prend du temps mais paradoxalement apporte de l'argent. Cela fait peut-être aussi parti des freins de la dynamique et/ou d'un choix délibéré de ne pas travailler directement avec les acteurs impliqués, qui eux demandent toujours des moyens.

La CNOP avait fait un devis de 141 M pour l'ensemble des concertations pour la mise en oeuvre mais la réponse du Ministère de l'Agriculture est claire. « On ne peut pas sortir 141 M. En 2004 on a cherché des ressources un peu partout puis l'État a complété mais on a encore moins de ressources aujourd'hui. ». Il offre une porte de sortie « Il faut identifier les problèmes, les sectionner, prendre la main, ensuite le coude et l'épaule ».

LE COÛT DES ATELIERS

(( Un texte législatif est estimé à 5 millions FCFA : 2 millions FCFA pour les textes [élaborés par des consultants], 3 millions FCFA pour les ateliers»

Quand les ateliers sont organisés à Bamako, tous les participants y compris les fonctionnaires touchent 3000 FCFA/jour. Le repas du midi et les pauses sont pris en charge en général. Le repas du soir et l'hébergement sont à charge. Ainsi seuls les administratifs vont à ces réunions. Toute personne concernée habitant loin ne se déplace pas sauf à être pris en charge par sa structure, ce qui pose problème pour les paysans.

S'ils sont organisés en région pour la CNOP c'est a Sélingué*, pour l'administration a Ségou les per diem s'élèvent a 15000 FCFA/jour. Donc suivant le demandeur, les frais d'atelier varient et influent sur la décision de financer ou pas, ou permet de soutenir ou pas tel ou tel acteur.

*~ 100km de Bamako, c'est un centre de formation
paysan géré par la CNOP, né en 2007 lors d'un forum

«Pour le processus d'élaboration de la mise en oeuvre, le budget est passé au SP alors que la LOA était notre leadership» dit un membre de la CNOP illustrant ce revers de situation - des relations de partenariat perdues qui existaient avant avec l'État..

Selon une réflexion d'un des membres du CIFA

(( Diarra n'était pas là au départ *n'a pas connu le processus de financement lors de l'élaboration+ et en plus maintenant c'est lui qui gère le budget donc il est en permanence sollicité par les départements, [peut être entrainé dans la corruption en off] mais ne donne plus rien à la CNOP. Les départements organisent leurs ateliers à Bamako où les gens viennent pour les per diem ! C'est une erreur fondamentale grave... c'est un des facteurs clef du changement dans le processus ».

Au moment de l'élaboration une ligne budgétaire avait été affectée spécialement à la LOA dont une part avait même été transférée, via une convention, puis gérée directement par la CNOP pour les concertations. Lors de la mise en oeuvre le financement devient objet de convoitise et de pouvoir, non plus un moyen pour faire avancer la loi. Chacun doit aller quémander pour organiser des ateliers, avoir recours à des consultants, faire des voyages d'études. Les estimations des besoins sont faites par le SP lui-même pour les ministères ou autres acteurs, en fonction de la feuille de route du CEN. Pourtant ce travail ne semble pas fait si l'on en croit la réflexion du Ministère de l'Agriculture, interpellant de vive voix le représentant du SP pour répondre aux paysans, qui se plaignaient de ne plus être financés pour les ateliers :

(( Vous devez aussi évaluer le coût du texte et le faire acter sur les lignes budgétaires [validé 1/an lors du CSA], en prenant en compte les demandes ».

Cela signifierait que ce n'est pas fait et qu'il n'y a pas d'anticipation pour organiser la concertation a différents niveaux et avec tous les acteurs malgré ce qui est dit au CSA et dans les textes. Pour le SP il faut avancer sur les décrets en faisant des études et des consultations en cherchant des partenaires techniques et financiers le plus possible hors financement prévu dans la LOA. Mais est ce le coût (voir encadré) ou la volonté qui freinent ?

«De toute façon c'est l'État maintenant. Le fond du problème, au début les OP étaient au coeur du débat, c'est venu de la base, mais maintenant c'est l'État qui prend sa place. On se donne les moyens au niveau de l'État pour faire les textes. C'est le rôle de l'État, ses missions régaliennes. Il faut comprendre ça ! On n'a besoin de personne pour écrire les décrets ! Il y a 2 phases différentes. On s'est mis d'accord au moment de l'élaboration, maintenant c'est a l'État d'appliquer ... Faut-il sortir 100 ou 200 M à chaque décret pour faire de la concertation ?» s'exclame le SP.

La version semble différente au Ministère de l'Agriculture :

« Ils [le SP] ont 180 M de budget, il y a peut-être un problème de management. Ils ont de l'argent mais pas les capacités humaines. En 2010 ils devraient avoir 120 M. Divisés par le nombre de décrets sortis, y a les moyens ! Un atelier ça coute 5 M, on peut faire beaucoup d'ateliers ! Leur mission c'est de sensibiliser, de diffuser...pas de décider pour les ateliers. »

Pourtant même sans convention actuellement pour la mise en oeuvre- mais cela va peut-être se faire- les OP devraient pouvoir avoir accès a d'autres sources de financement car selon le Ministère de l'Agriculture « Normalement ils ont du financement. L'APCAM a une forte subvention pour ça et elle doit soutenir et appuyer les OP ». Si les circuits de financement sont à priori en place, ceux qui tiennent le porte-monnaie semblent peu enclins à soutenir la CNOP.

Pour la FAO ce n'est pas un problème d'argent « Pour les OP ce n'est pas qu'une question de moyens, ils mettent tout sur les moyens, c'est en faire un problème mais quand ils sont interpellés dans les réunions *CSA, CEN] ils ne font pas de propositions. Le niveau de représentation est tellement bas dans les réunions. ».Ce mutisme serait du au fait selon les paysans « qu'on ne peut pas consulter la base, porter leur parole car on a plus le moyen et parfois le temps d'organiser des concertations internes. » Mais aussi du a l'opacité du processus, aux problèmes entre l'APCAM et la CNOP et internes à la CNOP comme nous le verrons plus loin.

Au-delà des chiffres, on peut en déduire qu'il y a d'un côté des freins -sciemment mis ?- pour financer les OP du côté du SP et APCAM alors que le Ministère de l'Agriculture semble aller dans l'autre sens. Est-ce un jeu entre eux ou un réel différend ? De toute façon personne ne tranche. Les OP sont démunies, ne remplissent pas leur rôle.

Le rôle des OP semble s'amenuiser dans la phase de mise en oeuvre. Effectivement les 5 décrets déjà sortis et pour lesquels la CNOP avait organisé des ateliers ne satisfont pas. Suivre les textes en cours relève d'un exercice impossible. Alors comment et où intervenir pour être efficace ? Cela est-il possible dans la confusion qui règne? Le panorama des activités prévues et réalisées va nous permettre de mieux appréhender les difficultés a s'insérer dans le processus.

9.2 5 DECRETS SORTIS MAIS INSATISFAISANTS MALGRE DES ATELIERS ET LE RECOURS AU CONSULTANTS

Selon le dernier document récapitulatif de l'état d'avancement de la LOA, 5 décrets sont inscrits au Journal Officiel :

Décret N°08-177/P-RM du 27 mars 2008 fixant les modalités d'application de la Loi relative au contrôle de qualité des engrais. Sorti 1 mois avant le dernier CSA, il répond à des enjeux de désengagement de l'État et de corruption sur la production, l'importation ou la distribution des engrais.

Décret N°08-768/P-RM du 29 décembre 2008 fixant les modalités d'enregistrement et d'immatriculation des exploitations Agricoles familiales et des entreprises Agricoles. Il répond plutôt aux OP mais les Chambres d'Agriculture n'ont rien mis en route et les services de l'État sont embourbés dans la décentralisation.

Décret N°008-793/P-RM du 31 décembre 2008 fixant les modalités de création et d'enregistrement des organisations interprofessionnelles Agricoles. Il est lié aux enjeux de désengagement de l'État et des filières, notamment le coton.

Décret N°09-011/P-RM du 19 janvier 2009 fixant les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement des Commissions Foncières Locales et Communales. Il répond à une demande forte du terrain mais toujours pas en application se confrontant aux problèmes de la décentralisation et l'absence de politique foncière.

Décret N°09-314/P-RM du 19 juin 2009 relatif à la qualité et à la labellisation des produits Agricoles. Il répond aux exigences de l'exportation.

D'abord, les décrets n'ont pas fait l'objet d'un choix concerté, car c'est sur proposition du SP qu'ils sont présentés au CEN. Puis les acteurs choisissent de s'y investir ou pas selon leur moyen, leur intérêt comme le déplore un des initiateurs de la LOA :

(( C'est le SP qui fait les propositions de décrets ce n'est pas la CNOP. Cette redéfinition de la structure chargée de mettre en oeuvre la LOA va a l'encontre de l'esprit qui avait présidé. Il n'y a plus une Cellule, une interface pour assurer cohérence, volonté politique et pluralisme des acteurs. »

(( Lors du CEN le SP présente les thématiques, puis chaque ministère choisit en fonction de son intérêt, ses capacités, son temps, ensuite la liste est validée au CSA, puis la CNOP dit sur lesquels elle veut travailler » renforce un membre du SP

Ces 5 décrets ont fait l'objet d'ateliers. A priori ils s'inscrivent encore dans la démarche de concertation. Mais il ne suffit pas d'organiser des ateliers pour que le résultat satisfasse les acteurs et plus particulièrement les paysans. Essayons de comprendre pourquoi ?

Le responsable de la FNJR élu CNOP relate :

(( Pour les 5 premiers décrets la CNOP avait encore des ressources financières pour inviter le gouvernement à venir dans nos ateliers à Sélingué. Mais il y a eu des incompréhensions sur la portée de ces ateliers de préparation...Effectivement la CNOP a participé aux textes, mais on doit se comprendre sur les textes de mise en oeuvre »

Je n'ai pas assisté a ces ateliers de préparations des 5 décrets sortis aujourd'hui. Ils se sont déroulés jusqu'en juin 2009. Ils étaient prévus et budgétisés, dans le cadre de la convention des concertations. Pourquoi se déroulent-ils 3 ans après le vote de la loi ? Il y avait du temps pour les préparer ! Les rendus des consultants engagés ne correspondaient pas aux attentes. Un membre du SP explique :

(( Ceux qui élaborent les textes ce sont des bureaux d'études. Par exemple par rapport au statut on a lancé l'étude auprès d'un bureau d'étude (me donne le rapport de ce BE) après une consultation restreinte, on a choisi le BE. On a payé 2 M puis on a fait un atelier de validation à Sélingué avec tous les acteurs. La première version du texte était très mauvaise, du copié-collé. Les premières réflexions se sont faites au SP pour avoir de la matière ; la dernière version est a l'AN »

La CNOP confirme :

«...puis on n'a pas eu de bons consultants, on leur disait que ce n'était pas ça qu'on leur demandait, ils nous ont piégés. On n'a pas d'infos réelles mais des états des lieux pas de réflexions, de pistes. On leur a même redit pendant les ateliers, ils n'ont rien voulu savoir !»

Cette situation amène aussi à une dé-crédibilisation de la CNOP. Un fonctionnaire du Ministère de l'Agriculture rapporte :

((Ils ont des problèmes avec les consultants, ça leur rapporte du financement mais pas de soutien concret
dans la rédaction des textes. Les consultants font de la littérature... Par exemple sur les décrets la CNOP
nous a envoyé des textes de consultants. Ils avaient engagé un consultant par texte pour avoir un document

de réflexion, puis ils se le sont appropriés, modifiés puis nous ont convoqué nous le ministère à Sélingué. La CNOP nous a soumis leurs projets de textes [des consultants ?J et après ils reviennent dessus. "

Si le travail final des consultants ne contente pas «Mais alors il ne fallait pas les payer et leur demander de présenter un autre rapport» demandais-je

(( Ils sont payés d'avance *2M FC4+. Un accord (( gagnant-gagnant ", je te paye de suite et tu me verses 10%. Avoir recours à des consultants fait parti aussi des schémas en vigueur, une façon aussi de se faire une cagnotte... 10% sont reversés au commanditaire, c'est courant, c'est comme ça "

Les ateliers pour écrire les décrets se sont avérés un lieu d'incompréhensions avec des documents de consultants inappropriés. La construction concertée de la phase élaboration semble évaporée. Il est facile d'imaginer que les objectifs de chacun étaient différents comme par exemple sortir des décrets coûte que coûte, sans s'occuper ou ne plus considérer prioritaires les préoccupations paysan-ne-s ou ne pas prendre en compte les difficultés d'application sur le terrain. L'administration (( avait repris les choses en main " et ((on n'avait pas le recul " dit la CNOP.

La demande est forte de remédier à ce problème du côté paysan, de reproduire le même processus qui avait réussi à l'élaboration, qui leur donnait de l'autonomie et des réflexions/propositions :

(( Nous devons prendre le temps entre chaque décret d'en discuter avec les paysans de toutes régions et les OP et encore dans les CER puis une deuxième phase avec le ministère, puis on s'assoit, article par article.".

Cette demande peut paraitre surréaliste. Mais la CNOP est confrontée pour la 1ère fois à cette phase institutionnelle et juridique. Sans expérience, avec des moyens financiers et humains faibles, une désorganisation au sein de la structure, cette demande peut correspondre à leurs yeux être le seul moyen d'argumenter leurs propositions. Une réflexion de fond devrait être menée à ce niveau là mais en même temps ils doivent répondre aux enjeux de la mise en oeuvre maintenant. La tâche est d'autant plus difficile que les liens avec les régions sont faibles.

D'une année sur l'autre, lors des CSA une feuille de route avec les futurs textes a travailler dans l'année a venir, est validée et disponible pour tous les acteurs. Pourquoi alors n'y a-t-il pas anticipation ? Comment sont diffusées les informations, à qui, par qui, comment ? Quel compte rendu des mandatés pour solliciter et motiver la base ? A ces interrogations le président de la CNOP répond :

(( Il est difficile d'anticiper car c'est compliqué, le processus est mal embrayé. Tout est morcelé entre les ministères, alors pourquoi se projeter s'il n'y a pas de retour ? C'est trop compliqué a suivre, on ne sait pas où en sont les textes ".

Du côté administration le bât blesse aussi. Les personnes compétentes et motivées ne sont plus là « au temps de l'élaboration je coordonnais une équipe d'experts du ministère, on avait des personnes ressources. » dit un représentant du Ministère de l'Agriculture. La FAO fait le même constat « Il y a au Mali un problème de compétences... les textes ne sont qu'entre les mains des juristes sortis de l'ENA. Il y a une faiblesse de l'encadrement étatique, tous les anciens sont partis créer leur bureau d'études » donc pour devenir consultants !

L'incapacité d'aborder les décrets pour porter une vision commune et réaliste dans la continuité de l'esprit des concertations, se traduit par la rédaction de textes dont le seul souci est qu'ils soient juridiquement et politiquement corrects, oubliant la voix paysanne. Les 3 décrets suivants vont éclairer certaines facettes de nouvelle situation.

9.2.1 Un décret interprofession sans présence obligatoire des paysans !

Le décret fixant les modalités de création et d'enregistrement des organisations interprofessionnelles agricoles N°O8-793/P-RM est sorti le 31 décembre 2008 conformément a l'article 174 de la LOA : « sont acteurs ou intervenants d'une filière Agricole tous les agents économiques organisés des segments de la production, de la conservation, de l'approvisionnement, des services a la production, de la transformation, du conditionnement, de la commercialisation et de la consommation. »

Ces acteurs peuvent se regrouper à leur initiative au sein d'interprofessions qui visent à :

Définir et favoriser des démarches contractuelles entre ses membres; contribuer à la gestion des marchés, par une meilleure adaptation des produits aux plans quantitatif et qualitatif et par leur promotion

Connaître l'offre et la demande par la collecte, le traitement et la diffusion de l'information sur le ou les produits de la filière

Renforcer les capacités des membres de l'interprofession pour garantir la qualité du ou des produits

Renforcer la sécurité alimentaire sanitaire, en particulier par la sécurité des aliments, la traçabilité des produits, dans l'intérêt des utilisateurs et des consommateurs

La transcription en décret se révèle discriminante pour les paysans sur plusieurs points dont 2 mis en exergue ici.

L'article 2 stipule en effet « que les organisations interprofessionnelles se constituent librement, avec un nombre minimum de 2 acteurs ~. Il faudra être conforme d'ici 2 ans pour créer son interprofession, soit fin 2010 (article 19). Il ne peut y avoir qu'une seule interprofession par produit. Le Ministère de l'Agriculture alerte en les interpellant fortement lors de l'atelier de concertation qu'il sera obligé d'accepter même ce cas de figure

«...et vous n'y serez pas, les gens n'ont pas compris la pertinence, les malins-malins oui, si les transporteurs et les commerçants créent une interprofession riz avant les paysans, on ne pourra pas refuser. J'encourage la CNOP, l'APCAM a réagir pour créer des interprofessions avec des paysans, le décret dit qu'il faut seulement 2 acteurs, il n'est pas précisé qu'il faut des paysans... ".

Le juriste du SP confirme :

(( Par exemple pour l'interprofession, la première réflexion était issue de l'AOPP. Ensuite le SP a fait des modifications puis c'est passé au secrétariat du gouvernement. Par exemple 2 acteurs c'est une question d'interprétation cela n'exclu pas les paysans mais c'est vrai qu'on aurait du spécifier. »

En interrogeant la CNOP sur cette aberration, la réponse est cinglante :

(( Celui de l'interprofession c'est un instrument de l'État, les OP n'étaient pas prêtes sauf le coton qui a mis sur pied la première interprofession. Ce décret c'est un massacre pour nous, nous nous y sommes pas vraiment impliqués, je ne sais pas qui nous représentait ! » et mise sur le fait que (( Les choses vont se corriger, car ce n'est pas opérationnel, ils vont s'en rendre compte. »

L'article 5 ouvre aussi la porte aux non-professionnels « la moitié au moins des représentants des exploitants Agricoles, des transformateurs et le cas échéant des commerçants et conservateurs au sein de l'assemblée de l'interprofession exercent personnellement une activité dans la production, la transformation, la commercialisation du produit ou du groupe de produits concernés». Ainsi presque la moitié des représentants peuvent être dans l'interprofession sans exercer aucune des activités répertoriées. Il est aussi précisé dans ce même article que « les Régions produisant ou commercialisant le produit ou le groupe de produits sont représentées en son sein »sans spécifier leur fonction exacte.

De plus a ce jour le décret validant le statut d'exploitant agricole n'est toujours pas opérationnel, ainsi officiellement il n'y a pas d'exploitants Agricoles statutairement parlant!

9.2.2 Le décret enregistrement et immatriculation pas encore en place !

C'est le décret N°O8-768/P-RM du 29 décembre 2008 répondant a l'article 16 de la LOA. Il est important pour la CNOP. Il signifie la reconnaissance du métier et de son outil car « il faut sortir le foncier de l'informel et lui accorder ainsi qu'à l'exploitation familiale un véritable statut ~ AOPP (2004). Mais là le problème, n'est pas le contenu, mais c'est son application ipso facto sur le terrain. Pourquoi les structures agricoles concernées, les CA (article 2) n'ont encore pris aucune disposition pour le mettre en application sur le terrain au niveau de l'enregistrement ?

(( Celui de l'enregistrement et immatriculation devrait avoir des zones tests a mettre en place avec l'APCAM56. Ce décret est important car il reconnait la personne morale en attendant que la loi sur le foncier soit adoptée. C'est un gage pour toute personne ayant des vues sur vos terres. Il n'y a pas de textes pour reconnaitre les droits coutumiers, l'immatriculation y aide. » Insiste le représentant du Ministère.

Sur le terrain pour ceux et celles qui ont voulu recourir a ce décret, c'est un vrai casse-tête. La vice-présidente de la CNOP explique « dès la sortie du décret j'ai voulu me faire enregistrer et immatriculer. Mais rien n'avance. Personne ne sait ce qu'il faut faire, comment. Rien n'est en route ».

L'avis du juriste du SP est :

(( Pour l'immatriculation on est confronté aux problèmes de la décentralisation, elle n'est pas efficace et culturellement les gens ne sont pas prêts pour ça. »

9.2.3 Le décret commissions foncières une réponse aux conflits mais pas usité!

C'est le décret N°09-011/P-RM du 19 janvier 2009 qui fixe les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement des commissions foncières locales et communales conformément a l'article 79 de la LOA : (( Une commission foncière est créée au niveau de chaque Commune. Les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement des commissions foncières locales et communales sont fixées par Décret pris en Conseil des Ministres ». D'ors et déjà pour les communes nous avons relevé qu'elles fonctionnaient peu ou pas, rencontrant des obstacles au niveau de la décentralisation. Le décret prévoit 2 commissions, au niveau local (article 4) et au niveau communal (article 6).

Au niveau local, elle est présidée par le préfet du Cercle. Outre le président du Conseil de Cercle et les maires des Communes, l'administration via différents chefs de services sont au nombre de 6. Pour la représentation du monde agricole et rural sont nommés :

Le président de la délégation locale de la Chambre Régionale d'Agriculture

4 représentants par sous-secteurs Agricoles désignés par la Chambre régionale

4 représentants par sous-secteurs Agricoles désignés par la Coordination Locale des OP 1 représentante des Associations féminines

1 des Associations de Jeunes du Cercle.

56 L'APCAM procède a l'enregistrement et l'état au niveau de la Commune et des Cercles a l'immatriculation ( article 9)

D'après les informations récoltées, a ce jour aucun Préfet n'a fixé de liste nominative comme prévue a l'article 5. Le SP confirme le 7 janvier (( Pour les commissions foncières je reviens du terrain, on met ça en place sur 5 communes à Kadiolo cercle de Sikasso ». Cela est du a l'interpellation du 1er premier Ministre lors du dernier CEN et qu'une évaluation est prévue au prochain CSA amis surtout selon un fonctionnaire du SP (( Pour les commissions foncières c'est le SP qui n'a pas été efficace, on n'a pas fait notre boulot dans les cercles »

Au niveau communal, la commission foncière n'a compétence que pour une seule Commune. Outre le souspréfet, le maire et 3 conseillers communaux sont nommés :

3 chefs de service (Génie Rural, Agriculture et Vétérinaire)

les chefs de villages

4 représentants par sous-secteur agricole de la Coordination Communale des OP 1 représentante des Associations Féminines de la commune

1 représentant des Jeunes. »

Ces commissions se réunissent à (( chaque fois que besoin » (article 8). Les articles 9 à 12 expliquent le fonctionnement et les prises de décisions. A noter a l'article 11 : il est prévu que les frais de déplacement et de séjour soient pris en charge sur le budget national du Ministère de l'Agriculture et des Finances.

Les litiges fonciers sont légion en terre malienne, alors que les commissions foncières devraient apporter des solutions, aujourd'hui les situations sont bloquées sur le terrain. De nombreuses voix se sont élevées pendant les États-Généraux du Foncier pour créer un lieu de règlement des conflits et avoir des textes clairs pour faire appliquer la loi. Mais peu de personnes connaissaient l'existence du décret commissions foncières ! Cela révèle le problème de la diffusion des décrets qui est à la charge du SP et/ou de la difficulté, la volonté de les mettre en application sur le terrain. Comme le relève un fonctionnaire :

(( Le décret sur la création des commissions foncières date du 19 janvier 2009. Aucune commission n'est formée a ce jour alors qu'il y a des problèmes d'attribution et d'usage. Avec la composition, le nombre d'acteurs dans la commission foncière on aurait pu résoudre des problèmes avant d'aller en justice, qui ne regarde pas les us et coutumes, ne regarde que si c'est légal ou pas. Les gens ne sont même pas au courant qu'il y a un décret sur les commissions foncières. ».

Les premiers pas dans l'univers institutionnel s'avèrent semés d'incompréhensions et d'obstacles politiques, humains. Sans contributions pertinentes ni moyens, ni le temps de susciter les débats avec les adhérents, peu préparée à cette phase là, la CNOP perd pied, redonnant toute la place à l'administration qui n'a plus de directives, ni leadership. Même si la CNOP a eu le leadership pour organiser les premiers décrets - les résultats ne sont pas à la hauteur de leurs espérances - les 5 décrets leur apportant de l'insatisfaction soit dans l'écriture finale soit dans leur application.

9.3 LES TEXTES EN COURS

(( Maintenant on ne sait plus rien depuis le dernier CSA .On a perdu toute la dynamique et le dialogue » regrette un salarié de la CNOP.

A partir de là nous abordons la phase de mise en oeuvre dans un cadre mouvant et flou, , sans pression, ni directive du plus haut de l'État, chacun naviguant a vu au gré de l'intérêt porté a la LOA. Avant de tenter une analyse de textes en cours, nous allons essayer de décrypter leur cheminement officiel.

9.3.1 Parcours pour les procédures des textes législatifs

Un exposé du juriste du Ministère de l'Agriculture lors de l'atelier de concertation, va nous éclaire sur le parcours des textes, en faisant sélectivement ressortir les points concernant les différents acteurs en jeu. Mise au point nécessaire faite à la demande de la CNOP mais qui arrive au bout de 3 ans ! A ce jour aucun document n'existe pour expliquer ce processus ! « Un texte sur le cheminement des décrets et lois n'est pas fait, mais la CNOP ne m'a pas relancé là-dessus». Faut-il attendre la demande d'une OP pour rendre public des textes sur le fonctionnement du système législatif ?

Cheminement des décrets

« Il y a les lois et le niveau réglementaire ce sont les décrets, il y a 2 sortes de décrets les décrets ministériels et les décrets simples. ». Dans le langage courant il n'est jamais spécifié quelle sorte de décret est en cours, donc à quelle étape il est.

« Le décret est proposé par les ministères. L'APCAM est obligatoirement saisie de tous les textes mais cela ne lie pas le gouvernement. Si pas d'avis de l'APCAM le texte repart, mais c'est aussi à ce moment là que les OP sont consultées. » Alors qu'il y a des élus CNOP à l'APCAM, nous retrouvons là la dualité ou le dysfonctionnement entre les 2 structures. Les informations arrivent aussi par d'autres canaux par les ONG de renforcement de capacité comme la SNV ou par le relationnel.

« Tout acteur peut faire des propositions au Ministère. Le Ministère fait un projet de décret, les directions le soumettent aux départements, puis si le conseil juridique estime que c'est bon, ça passe au Secrétariat du gouvernement où les textes sont écrits pour passer au Ministère. » Le problème à ce niveau est de savoir quel texte est en cours, à quel niveau d'écriture il est, quel est le référent et donc à quel moment il est opportun d'intervenir.

« Puis le texte [du Ministère] va au Secrétariat Général du gouvernement qui rédige le texte en se référant aux autres différents textes, car c'est là que sont les archives. Il y a une mémoire, une logique à pérenniser à stabiliser. C'est un garde-fou pour permettre de savoir si le texte est bon, s'il n'existe pas déjà, par rapport à l'histoire, à la cohérence du texte ». C'est l'aspect rédaction juridique et harmonisation avec tous les textes nationaux, et internationaux.

« Après il y a une réunion avec les ministères concernés, et là c'est dur car le texte touche automatiquement d'autres domaines! Chacun défend son secteur, chacun défend les intérêts de son département, s'ils ne se mettent pas d'accord, retour au Secrétariat général du gouvernement. Le premier ministre tranche en dernier recours après avis du Président » Où est la prise en compte de l'intérOt général, de la voix paysanne ?

« Puis il y a un tirage en 60 exemplaires pour tous les ministères, Cour suprême, institutions, chambres etc. Ce sont des textes sans tâche, ni rature, puis retour au Conseil des Ministres et s'il est adopté par lui, c'est dans l'état tel quel qu'il est validé avec des remarques, des réserves si besoin ! ».

Ayant moi-même expérimentée la recherche de documents tels que les décrets déjà sortis, ce n'est pas une simple affaire de pouvoir mettre la main dessus, alors que ce sont des textes votés, signés et publics. Lorsque la CNOP a accès aux textes en cours, c'est quand ils sont finalisés par les juristes des départements ministériels et arrivés au SP. Ce dernier les diffuse alors et devrait reprendre les remarques pour les intégrer avant l'étape suivante. Mais il y a toujours le problème de temps pour bien traiter le dossier en faisant des concertations. Ce temps là n'est jamais prévu.

Effectivement les décrets sont désormais écrits dans le cadre d'un circuit interne administratif avec plutôt une simple consultation rapide auprès des organisations Agricoles, surtout l'APCAM, avec la contrainte de « répondre pour hier » et sans débat, sans savoir ce qui va être repris ou pas.

Vote des lois et plus spécifiquement de la LOA

«Il y a aussi les ordonnances qui sont des textes qui passent devant l'AN car elles vont devenir une loi, par principe elles sont adoptées car reflètent la loi... mais elles peuvent être annulées mais je ne connais pas d'exemple... Pour les lois c'est la même procédure que les décrets avec un passage dans les commissions de l'AN. Une commission de saisie au fond et des commissions spécialisées sont consultées pour avis. Le bureau de l'AN se réunit et partage les textes dans les commissions dans lesquelles s'inscrivent les députés. Pour la LOA toutes les commissions ont été saisies, elles ont fait des écoutes sans interférence du gouvernement, elles peuvent même écouter un fou du village si elles veulent. Elles écoutent les ministres aussi puis font leur rapport qui passe après en session plénière avec les remarques...Dès que c'est voté même s'il y a des coquilles, elle est votée en l'état.. La cour suprême peut-être saisie pour un recours mais de mémoire il en a jamais vu ».

Le passage a l'AN semble n'être qu'une formalité d'après le fonctionnaire. Pourtant lors de l'élaboration, la CNOP a fait du lobbying car les députés voulaient amender les textes, « souvent parce qu'ils ne connaissaient rien au sujet ou aux enjeux ». Le travail de lobbying et plaidoyer a été anticipé. De plus la LOA était déjà validée par ATT. « La loi votée était bien à la fin le reflet des principales revendications paysannes ». Le jour du vote57 Le seul grand débat évoqué était la discussion d'écrire agricole avec un grand A. «Agricole avec un grand A est une convention, la majorité a accepté le texte est passé ».

A noter que l'AN a été modifiée lors des élections de juin 2007. Ainsi les députés actuels ne sont pas tous les mêmes et le travail de lobbying, donc de l'énergie, va revenir dans l'échéancier des OP.

A qui profite cette opacité d'écriture des textes ?

Pour les décrets, lois ou politiques en cours le désordre est maitre. Le vocabulaire employé n'est pas clair : les cursus et procédures sont différents et la transparence n'est pas de mise. Personne ne sait plus oü donner de la tête.

Cela a été flagrant en faisant le point avec la CNOP en octobre sur les textes en cours suite a l'entrevue avec le SP. Sur le foncier le SP parle d'une concertation dans 6 mois, alors que le Ministère de l'Urbanisme, des Affaires foncières et du Logement organiserait un colloque sur le sujet du 27 au 29 novembre (ça sera celui du 7 au 11 décembre). Sur le texte de politique semencière, pas au courant qu'il serait sur le bureau interministériel. Les statuts devraient être signés dans 2 semaines -mais où ?- alors que « ce n'est pas un décret mais une loi et donc elle doit passer devant l'AN.~. Appelé devant moi un député confirme qu'il n'a rien reçu. En fait c'était pour la signature au Conseil des ministres alors que le texte proposé, ne prenait pas en compte les remarques de la CNOP qui l'a fait savoir. En janvier le pré-projet de loi n'était toujours pas finalisé. Nous y reviendrons. Cet imbroglio fut mainte fois relevé par les paysans lors de l'atelier de concertation :

« Comment s'organiser pour se faire entendre avant le décret ? Il faut nous expliquer le processus, le cheminement des textes. ».

Cette opacité dans la rédaction des textes n'est peut-être pas innocente ou révèle tout au moins un dysfonctionnement et « chacun défend son pré-carré ». Il n'y a plus d'organe directeur comme l'était la CIFA rattachée directement à la Présidence. Convaincue et engagée la CIFA avait aussi réussi à faire bloc tout au long du processus en interne tout en tissant des liens avec le monde paysan. Selon le président de la CNOP « Sans Nouhoum TRAORE et Madame LANSRY il n'y aurait pas eu de loi avec la CNOP. »

57 La LOA faisait partie d'une liste de 10 lois prévues d'être toutes votées dans cette session extraordinaire du 16 août 2005. A 15h elle n'était toujours pas passée et la session a fini vers minuit, avec 9 lois votées dont la LOA.

Aujourd'hui les textes s'écrivent pratiquement sans la CNOP. Leur sentiment est que :

« La loi nous échappe. Il n'y a plus de cohérence entre les différents ministères, chacun a son conseiller juridique faisant sa loi de son côté. Chacun arrive avec un bout de la loi qu'il doit traduire en terme juridique en veillant a leur adéquation a toutes les dispositions existantes extérieures. Il n'y a plus de cohérence, alors que cela doit être le souci du SP ».

Les textes qui ne « devaient pas être écrits dans les bureaux » se retrouvent dans un processus administratif très normatif, corroboré par la FAO « Il y a des problèmes parce que les juristes prennent le dessus, il n'y a que les textes et les paysans n'ont pas le droit de dire ceci, cela »

Depuis plus de 3 ans que la mise en oeuvre de la LOA est en cours aucune initiative n'a été prise afin que les acteurs soient formés,informés, et surtout les OP qui s'y retrouvent impliquées pour la première fois.

9.3.2 Les textes prévus

Sur les 21 textes prévus et validés par le CSA, 15 textes sont en cours sur lesquels travaillent les différents ministères comme répertoriés dans le tableau ci-dessous:

Tableau 4 : Répartition des textes au sein des ministères

Ministère concerné

Textes en cours

Article

Agriculture

Statut des exploitants et exploitations agricoles familiales

12

 

Politique semencière

141

 

Décret sur la qualité et la labellisation des produits agricoles

166

 

Décret relatif aux droits et obligations de maitrise d'ouvrage et

maitrise d'oeuvre

138

Élevage et Pêche

Décret fixant les modalités d'organisation et de mise en oeuvre du

contrôle sanitaire et de qualité des aliments d origine végétale et animale

63

 
 

151

 

Décret déterminant l'installation des vétérinaires privés sur l'étendue

 
 

du territoire par des mesures incitatives en faveur des zones pastorales

147

 

Arrêté interministériel fixant le modèle de cahier de charges des

 
 

exploitants agricoles dans le domaine des productions animales

155 à

 

Politique halieutique et aquacole fixant le modèle de cahier des

charges dans le domaine des productions animales

157

Environnement et

Décret fixant les critères et procédures des subventions et/ou d'appui

23

Assainissement

pour la conservation et la bonne gouvernance des ressources

naturelles

 

Économie et des

Texte relatif au fonds national de développement agricole

119

Finances

 
 

Logement, des Affaires foncières et de l'Urbanisme

Élaboration de la politique foncière déléguée maintenant au SP

77

Enseignement

Politique Nationale de l'enseignement de l'alphabétisation et de la

98

secondaire, de la

formation professionnelle agricole continue

 

Recherche scientifique

 
 

Développement social, de la Solidarité des personnes âgées

Énergie et de l'eau

Commissariat à la

sécurité alimentaire

Texte relatif a l'institution d'un régime institution d'un régime de 26

protection sociale des travailleurs et des exploitants agricole familiales

Document de politique nationale de développement énergétique du 92

secteur agricole

Décret fixant les modalités d'organisation des interventions en cas de 59

menaces sur la sécurité alimentaire

74 textes sont prévus en tout. Si l'on s'en réfère au rythme actuel, soit 5 décrets sortis, il va falloir que le monde paysan soit vraiment patient pour voir une mise en application réaliste de la LOA ! Mais peut-on revendiquer le temps de faire des concertations et vouloir aller vite ? C'est l'avis du SP et de la FAO qui revendiquent qu'il faut du temps mais pour faire des études, pas pour des concertations. Pour le 1er « oui il y a du retard mais ce n'est pas un problème, le sujet est complexe il faut prendre le temps », pour le 2ème « il faut donner du temps car cette loi apporte beaucoup de changements, on va escamoter le processus...il faut faire des études ».

Un dialogue avec le juriste du SP apporte un autre regard :

«-C'est vrai il y a un problème. Ils n'ont pas le temps de consulter leur base, en plus ils n'ont pas les moyens financiers. Quel délai vaudrait?

- Au moins un mois si on était en France mais on a de l'argent annuellement pour pouvoir être réactif au sein de nos structures

- ici il faut en plus trouver l'argent, les partenaires pour financer au moins 3 ou 6 mois, sinon 1 an. Si la feuille de route était respectée, ils pourraient s'organiser. Cela pose le problème de financement des syndicats paysans. »

Avec 8 ministères plus le Commissariat a la Sécurité alimentaire, l'écriture et le suivi des textes dans toutes les étapes s'avèrent ardus. D'autant que les instances de gouvernance ne répondent pas a la demande. Que l'on soit paysan ou au SP, le constat est le même « la multiplication des ministères ajoute à la complexité ». A noter aussi que certains textes comme la politique foncière, ou l'enseignement sont engagés dans un processus de concertation plus long pour élaborer des lois.

Nous sommes vraiment au coeur de l'actualité avec des informations et des papiers qui circulent dans tous les sens ou ne circulent pas. Nous sommes aussi à la période charnière de crise entre l'appareil étatique et les OP. A priori chacun en est conscient mais personne n'est encore en capacité d'en analyser vraiment les causes ou de prendre sur lui la cause de l'impasse actuelle ou d'avoir les moyens, le pouvoir d'y remédier. L'exercice va donc être périlleux mais j'ai fait le choix d'essayer de décoder au mieux ce qui se passait en m'appuyant toujours sur les dires a partir d'entretien ou d'ateliers, de quelques textes et de mon vécu car j'ai été impliquée directement dans certains.

Je fais le choix de décrire plus en détail trois processus de travail autour de pré-projets de texte sur les thèmes : transhumance, statut des exploitations et subventions à la gestion des ressources; Ces illustrations permettent de mieux comprendre...

Pré-projet sur le décret transhumance, un dialogue de sourds

Ce pré-projet de décret est affilié à la Charte Pastorale qui a été adoptée en 2001 et qui en 2010 est toujours sans décret d'application pour le volet transhumance ! Pourtant les éleveurs-nomades représentent un secteur Agricole important et sont confrontés à de nombreux conflits : fonciers, sanitaires, commerciaux, climatiques !

J'ai pu assister a 3 jours d'atelier concernant ce pré-projet. Le 1er jour était interne, a l'AOPP, les 2 suivant
étaient la session officielle organisée par le Ministère de l'Élevage et de la Pêche. Ce regard a été un plus pour

aider à la compréhension des relations et compétences des différents acteurs en particulier paysans et administration lors d'un atelier de concertation.

Préparation de l'atelier avec les éleveurs a l'AOPP

La SNV a anticipé l'atelier ministériel en préparant la veille, le lundi 2, une rencontre avec 15 éleveurs dans les locaux de l'AOPP. Le texte support de ce pré-projet circule depuis 3 ans au sein des OP. Chaque OP régionale concernée par le sujet, l'avait eue pour en discuter localement (Mopti, GAO, Kayes Sikasso, Ségou (pas de représentant ce jour là). C'est sur les articles 142 a 151 du chapitre I du TITRE V de la LOA qu'ils ont travaillé.

Les participants interviennent sur chaque article projeté sur un écran, et le salarié de la SNV insère chaque remarque. Puis il fait validé par l'ensemble la /les propositions. Une traduction en bambara et fulfuldé est assurée entre les participants. Puis est abordé la stratégie pour défendre le dossier le lendemain. Le formateur va chercher l'information par téléphone pour savoir comment sera organisé l'atelier. « Il y aura une plénière où tout le monde est invité à participer, puis une commission de synthèse finalisera le décret. » rapporte-t-il.

La stratégie consiste a ce que chaque participant, par binôme, s'approprie 2 ou 3 articles dans lesquels ils sont les plus aptes a argumenter pour faire inscrire les amendements discutés et approuvés l' après-midi. " Il faut qu'ils défendent à fond leurs positions, c'est leur force de conviction qui peut les faire intégrer dans les décrets. ». La SNV insiste pour que les participants se soutiennent les uns, les autres par des interventions sans montrer qu'ils sont tous issus de L'AOPP, mais qu'ils représentent l'ensemble des éleveurs maliens. De même il pousse pour qu'il y ait au moins 3 représentants a la commission de synthèse (2 paysans dont 1du Nord et 1 du Sud plus le salarié de la CNOP).Puis est procédé au listing des noms de qui défend quoi par rapport aux articles et de nommer ceux qui iraient a la synthèse. L'atelier se clôt par la distribution à chacun des textes amendés.

Si ce moment a permis aux éleveurs d'être force de proposition avec une réflexion collective issue de concertations avec la base, la partie prise de parole n'a pas fonctionnée : sur les 15 présents seuls 5 s'exprimeront vraiment car la réunion a été un vrai dialogue de sourd comme nous allons le voir.

Une administration en conflit interne et un atelier peu préparé

L'atelier s'est déroulé le 3 et 4/11/2009 a la salle de conférence du Ministère de l'Élevage et de la Pêche avec 80 personnes présentes dont environ 15 éleveurs. L'atelier a été cofinancé par 2 ONG : la SNV et HELVETAS. Le financement comprend le temps des deux animateurs, les repas du midi et la pause café du matin, le remboursement des frais de transports ainsi que 10 000 FCFA de per diem pour les deux jours d'atelier pour le repas du soir et l'hébergement a tous les participants. Je ne sais pas s'il y a une contribution étatique

Nous sommes toujours dans un contexte de concertation via un atelier de validation au niveau national. Mais est-ce que les interlocuteurs parlent le même langage, ont les mêmes objectifs, la même volonté d'aboutir ?

Le directeur de cabinet du Ministère de l'Élevage et de la Pêche est président de séance. Après lecture collective du texte au rétro projecteur, 15 personnes se manifestent pour prendre la parole. Un participant demande « Où sont les éleveurs ?~ pour mieux les identifier ou pour s'assurer qu'ils sont là ? Un élu CNOP apostrophe dès le départ :

« Le document présenté ne correspond pas au document distribué pour la consultation, ça fait plusieurs années que ça tourne, dans les régions de Kayes, Kidal, Gao, Mopti, Tombouctou. Ils ont beaucoup travaillé sur le document et on ne retrouve rien dans votre document !

La réponse du ministère est :

« Le document que vous avez est un document ouvert et vous êtes maître dans cet atelier, on est dans un atelier national de validation. Le document présenté fait référence à la Loi Pastorale et aux décrets déjà adoptés et aujourd'hui on est sur le décret transhumance.~

Effectivement dans l'ensemble, même si la parole a été donnée, le ministère et de
nombreux techniciens des services feront tout pour rester dans le cadre des textes déjàadoptés dans la Charte Pastorale. De fait le texte est un copié-collé des textes généraux déjà

existants mais pas décliné sur la transhumance "les articles 1 à 10 sont déjà dans la loi, il faudrait mieux parler des modalités spécifiques à la transhumance ». Il n'y a même pas la mise en adéquation avec les autres textes existants " rectifier tous les visas pour être en règle avec la CDEAO/UMOA, rajouter les accords bilatéraux comme ceux de la Mauritanie, du Burkina »

interpellent les participants. De nombreuses remarques sont faites sur les incohérences et contradictions du texte (articles 9, 29 et 35).

Ainsi la préparation de l'atelier par l'administration peut être estimée comme aléatoire, comme un semblant de consultation car cela fait parti du processus de démocratie participative dont le Mali est attaché. En effet que signifie alors un atelier national de validation quand le ministère se décharge plusieurs fois sur d'autres départements ministériels et surtout au plus haut de l'État pour trancher, arguant « Ce sujet est relégué aux services de la primature, cela ne fait pas parti de nos compétences. » ?

Cette attitude s'est révélée tant sur les questions liées aux compétences territoriales que sur la composition des commissions prévues dans le décret. Abondant déjà nos remarques sur ce sujet, la décentralisation n'est toujours pas efficiente pour les gens et dans les faits. De nombreuse modifications pour intégrer les CT à tous les échelons ont été faites, alimentées par de nombreuses discussions sur le rôle de chacun et leurs prérogatives, délaissant alors les revendications spécifiques à la transhumance et/ ou ne pouvant pas apporter de réponses concrètes.

Pour les paysans cet atelier était important puisque des enjeux forts d'identité et de reconnaissance étaient en jeu en souhaitant formaliser leurs droits par rapport a l'espace et aux ressources :

«Quand nos bêtes meurent on a rien, alors que quand les sauterelles arrivent les agriculteurs ont tout ...Dans le Macina, on a attribué 100 000 ha et c'est un lieu de passage séculaire de transhumance (400 000 bovins et 200 000 ovins en 89, en augmentation constante), où va passer la piste de transhumance maintenant ? Il faut bien réorganiser le classement et le déclassement. Les pistes doivent être classées pour nous protéger »

Un dialogue de sourd s'est instaurer avec d'un côté des administratifs peu impliqués, incompétents sur le dossier engendrant même des querelles techniques entre eux, et de l'autre des paysans désabusés alors qu'ils s'étaient investis.

« Avec les deux version de documents ça va pas, si on est là comme faire-valoir, on s'en va, on vous laisse entre techniciens. Écoutez les voix des éleveurs, ne les balayez pas d'un revers de main, ce sont les préoccupations des éleveurs. Il y en a ici qui ne savent pas lire et ont plusieurs centaines de bêtes, ne creusez pas le fossé entre intellectuels et analphabètes ~ déclare le président de la Chambre d'Agriculture de Bamako, adhérent CNOP et président de la FEBEVIM. Il faut « arrêter les débats car ce sont des débats techniques et les éleveurs décrochent » renchérit un responsable de la CNOP.

Malgré tout un groupe avec les 3 personnes prévues du côté OP plus les 2 animateurs des ONG, a réussi à présenter une synthèse finale qui a été approuvée. Qu'en sortira t-il alors et dans combien de temps ? A ce jour a ma connaissance pas d'avancée sur le sujet. Mais vu le cheminement des textes après et les pressions qui peuvent alors être réellement exercées, est-ce que les paroles des éleveurs seront reprises ?

Pourtant il y a urgence car sur le terrain la situation est de plus en plus difficile et conflictuelle, comme l'illustre cet article58 :

« Comme on peut le constater, les syndicats des éleveurs, initiateurs de cette assemble générale unitaire, en battant le rappel des troupes, voulaient simplement sonder les éleveurs par rapport à la situation conflictuelle à Y. tout en dégageant des pistes de réflexion pour y trouver des solutions pacifiques. Et l'une des voies pour aboutir à cette solution passe par la LOA Agricole et la Charte Pastorale dont l'ignorance et l'incompréhension ont conduit a cette situation regrettable. C'est pour combler le vide que les responsables des 2 syndicats ont fait appel au Directeur national de la production animale, pour les expliquer clairement.»

Si expliquer la LOA et la Charte pastorale - dont l'une est votée depuis plus de 3 ans et l'autre depuis bientôt
10 ans -, peut être une bonne initiative et il serait temps ! Mais cela suffira-t-il à régler les problèmes sans
décrets d'application satisfaisants applicables sur le terrain ? Les commissions foncières auraient toute leur

58 L'Indépendant du 5 septembre 2009

place dans cette situation. Une évaluation sur la partie diffusion et sensibilisation qui est dévolue au SP devrait être faite tant sur le terrain qu'en interne.

Les débats techniques ont dominé cet atelier, engendrant de nombreuses et longues querelles entre services, marginalisant les éleveurs qui peu à peu se sont déconnectés, et révélant un ministère dépassé ou désinvolte. Le déroulement d'ateliers dans ces conditions ne peut qu'entrainer des frustrations et des incompréhensions. Il ressort que peu de personnes étaient prêtes pour travailler sur les décrets par manque de formation, de compétence, de vision commune partagée. Est-ce que cela suffit pour satisfaire aux critères de démocratie participative, de bonne gouvernance ?

Pré-projet de loi sur le statut, un thème délicat

C'est dans le TITRE II chapitre I que sont développés 16 articles (11 à 26) faisant référence aux droits et devoirs par rapport au statut des exploitations et des exploitant-e-s Agricoles. C'est aussi une revendication forte de la CNOP que les paysan-ne-s soient reconnus officiellement comme catégorie socioprofessionnelle au sein de la société. Mais il va falloir encore attendre le vote de la loi et la sortie des décrets d'application !

Une réunion interministérielle s'est tenue au Secrétariat Général du Gouvernement le 4 février 2009 oü 17 départements ministériels étaient représentés plus l'APCAM, la CNOP, l'AOPP, la FNAFR, la FNJR. C'est là qu'aurait été décidé que ce thème serait une loi car ce n'est pas spécifié dans la LOA.

Dans le texte de présentation59 il est stipulé :

(( Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette LOA, divers textes législatifs ou règlementaires sont prévus. Flle précise en son article 13 que les exploitations Agricoles sont classées en deux catégories : l'EAF et l'entreprise agricole. La LOA définit les principes généraux régissant ces deux catégories d'exploitation. Les principes ont besoin d'être complétés par d'autres dispositions pour créer les conditions nécessaires a leur mise en oeuvre. Le présent projet de loi s'inscrit dans ce cadre '>

Concernant l'entreprise agricole son statut est mieux précisé en indiquant qu'elle est créée sous la forme de société régie par les textes de l'OHADA.

La LOA est axée sur les exploitations Agricoles familiales. Sur les 16 articles, seuls 3 articles mentionnent nommément l'entreprise Agricole (20, 21, 25). Ils définissent que l'entreprise Agricole, enregistrée auprès des Chambres d'Agriculture, est soit individuelle, soit sociétaire. Elle emploie exclusivement des salariés, et est soumise a l'impôt.

Les différentes mesures seront présentées le 24 juin 2009 dans un atelier. A priori si l'on s'appuie sur les déclarations du ministère (( personne ne se serait manifesté contre les mesures préconisées à ce moment là '> mais après:

(( La CNOP est désorganisée, ils ont un problème de stabilité, de connexion ce qui entraine un problème de confiance dans nos relations, par rapport à une certaine sérénité dans les accords. Quand on fait des erreurs il faut le reconnaitre, ne pas dire que c'est toujours a cause de nous. Leurs propositions de décret ont été envoyées directement au ministre avec une lettre d'accompagnement signée d'Ibrahima60. Alors pourquoi ils remettent les statuts en cause. La loi n'est pas encore passée a l'AN et est réfutée maintenant par la CNOP'>

Pendant l'été la CNOP fait savoir qu'elle n'est pas d'accord et le pré-projet est bloqué, alors qu'il devait être
présenté a l'AN en cette fin d'année. « Nous avons réussi à faire remonter au Ministère de
l'Agriculture que nous n'étions pas d'accord avec le texte et qu'il fallait le modifier avant de

59 (Annexe n° rapport de présentation du projet de loi portant sur le statut du 24 juin 2009)

60 Ibrahima COULIBALY, président de la CNOP

l'envoyer aux députés » dit un responsable de la CNOP. Qu'a-t-il pu se passer ? Se repose le problème de la pertinence et l'efficacité des ateliers, leur place dans le temps, qui est différent selon les acteurs et le temps de concertation interne souhaité avec les moyens y afférant pour les réaliser afin que les acteurs puissent se positionner en cohérence.

En essayant de rassembler les informations il semblerait que les paysans aient demandé un délai pour consulter leur base, c'est ce que l'on pourrait comprendre selon les dires du conseiller de la SNV qui les accompagne sur la partie mise en oeuvre de la LOA. « Il a été envoyé par mail à tous les responsables paysans il y a trois mois, aucun n'a répondu ». Cette absence de réponse pourrait signifier que sans une logistique physique pour organiser les concertations, la mobilisation ne se fait pas. D'autant plus que les moyens de communications sont faibles et que la parole et l'échanges règnent encore au Mali. Alors que signifie la lettre envoyée par la CNOP prise comme approbation du projet par le ministère de l'agriculture ? On peut aisément supposer qu'à un moment donné quelqu'un ait alerté sur le contenu du texte qui ne convenait pas. Qui représentait la CNOP a l'atelier ? Est-ce elle qui a alerté ?

En tout état de cause, le 18 novembre, la CNOP, reçoit un coup de fil du représentant du ministère de l'agriculture qu'il a besoin d'avoir les nouvelles propositions de la CNOP avant la fin de la semaine. C'est ainsi que le 19 novembre le conseiller de la SNV et le président de la CNOP m'invitent dans les locaux de l'ONG, en urgence pour les accompagner dans la rédaction de leurs propositions. Pour rappel au moment des concertations, un atelier thématique a eu lieu. Je n'ai pas de données de l'atelier là-dessus mais il y a eu déjà une réflexion collective.

C'est donc seulement a 3 que nous nous attelons a la tâche et exprimons unanimement :

(( C'est un simple copié/collé de la définition française plus liée au concept d`entreprise/entrepreneur qu'aux réalités des EAF maliennes »

La grande disparité est que la plupart des articles sont consacrées aux formes sociétaires. Même si elles trouvent un écho en France vis-à-vis des cotisations, mesures fiscales, accès aux subventions, elles sont dans l'ensemble liées a l'individu. Alors que l'exploitation malienne défendue par la CNOP et la société plus largement -lors de EGF, cela a été rappelé plusieurs fois, particulièrement dans l'atelier femmes- sur le concept culturel familial. De plus les statuts sociétaires présentés ne donnent pas de place équitable aux conjoint-e-s61 ce qui va a l'inverse des aspirations paysannes maliennes au sein de la famille : les droits et les devoirs de chaque membre, homme, femme, jeune au sein de l'exploitation ne correspondent pas aux établissements agricole à responsabilité limitée ou groupement agricoles d'exploitation commune comme proposés.

Le texte est réécrit et l'après-midi même, Ibrahima et moi portons le document en main propre au. responsable/juriste de la LOA du Ministère de l'Agriculture qui nous prévient :

((La première version a été adoptée par le Conseil des ministres. Il est difficile de remettre tout en cause, c'est trop tard pour prendre en compte toutes les modifications de la CNOP. On*c'est lui-même] va quand même faire quelques modifications, et le texte sera envoyé aux députés pour la première session du parlement d'ici fin janvier début février ...Le problème c'est qu'il y a 2 positions celle de l'APC4M et celle de la CNOP. La CNOP remet en cause une partie du texte, nous ne pouvons pas prendre en compte que la CNOP. L'APCAM n'a pas suivi la CNOP. Il y a des propositions qui se recoupent et dans ce cas on modifie. Après c'est ATT qui tranche sur le texte a présenter a l'AN. »

61 A l'image de la réalité française !

Lorsque l'APCAM est interrogée sur ce sujet. Sa réponse est embarrassée:

« Un document aussi capital que le statut de l'exploitant pour définir qui est exploitant ou pas, il y a une guerre d'école, on ne peut pas être tous d'accord, il faut trouver un consensus. Les débats vont être très houleux. Ce n'est pas un seul jour d'atelier qui va clore le sujet, même là ça sort de l'imaginaire. »

En fait c'est le juriste du Ministère de l'Agriculture qui va s'atteler a représenter un texte en incluant les remarques de la CNOP qui ne vont pas a l'encontre du texte initial validé par l'APCAM. Pour cela il nous dit avoir constitué un groupe de travail interne « Nous avons mis en place un petit comité interministériel (agriculture, justice et élevage-pêche) pour analyser les deux textes et pouvoir l'envoyer aux députés »

Est-ce que la CNOP sera entendue et plus largement le fait de respecter l'EAF malienne et ses membres? Pour le moment pas de réponse. A ce jour impossible de savoir où cela en est !

Dans ce chapitre I du TITRE II, il est à noter que les paysans revendiquaient aussi un régime de protection sociale pour les travailleurs et exploitants agricoles (article 26) et une convention collective spécifique au secteur Agricole (article 18). Une loi est prévue pour les conditions et modalités de l'apprentissage Agricole - dans le même article- qui devrait être traité dans le chantier de l'enseignement Agricole et de la formation. Celui-ci a tenu jusqu'à aujourd'hui une seule réunion pour mettre en place le comité de pilotage. Selon la présentation faite au dernier CEN, des textes concernant le régime de protection sociale seraient actuellement travaillés au Ministère du Développement social, de la Solidarité des personnes âgées. Ce n'est que le début d'un long parcours dans les arcanes administratifs.

Définir un statut pose un problème tant culturel que politique, c'est peut-être pour cela que ce thème a été proposé sous forme de loi, pour avoir un débat de société au moins a l'AN. Même au sein du monde agricole les divergences existent. Soit la loi prendra du temps soit elle passera en force avec des textes qui risquent de favoriser une poignée d'exploitants, niant les spécificités de l'EAF.

Pré-projet de décret pour l'attribution des subventions et/ou appuis pour la conservation et la bonne gestion des ressources naturelles, procédures et contre-ordre

L'article 23 du TITRE II chapitre 1 stipule qu'un décret doit être pris: « L'État et les Collectivités territoriales peuvent accorder, dans le cadre de contrats de conservation et de bonne gestion des ressources naturelles, des subventions et/ou appuis aux exploitations Agricoles. Les engagements techniques des exploitations Agricoles participant de la conservation et de la bonne gestion des ressources naturelles sont consignés dans un cahier des charges dûment signé par le chef de l'exploitation. Le cahier des charges fait partie intégrante du contrat. Seules les exploitations Agricoles immatriculées peuvent bénéficier de subventions et/ou de l'appui de l'État ou des Collectivités territoriales. Un décret pris en Conseil des Ministres fixe les critères et les procédures d'attribution des subventions et/ou appuis pour la conservation et la bonne gestion des ressources naturelles. »

Ce décret est entre les mains du Ministère de l'Environnement et de l'Assainissement. D'emblée rappelons qu'à ce jour que le décret immatriculation daté du 29 décembre 2008 n'est pas encore opérationnel alors que « seules les exploitations Agricoles immatriculées peuvent en bénéficier.»

Lors de l'atelier de concertation le représentant du Ministère de l'Agriculture présente le sujet en ces termes
laconiques : « Les termes de références sont élaborés, l'avant-projet rédigé, le texte est
validé »,
alors que depuis septembre le texte est bloqué parce que les OP n'ont pas été consultées, même si

il a demandé au dernier moment l'aval de l'APCAM, avis consultatif obligatoire, qui l'a donné la veille du passage au Conseil des ministres. Que s'est-il passé ?

Un représentant du Ministère de l'Environnement et de l'Assainissement explique :

« Il y a eu un dysfonctionnement. Ca était un couac, la démarche a été biaisée à un moment. Il y avait de prévu un atelier avec la CNOP et l'APCAM. Mais nous avons reçu une lettre *des services du Conseil des ministres] seulement 1 semaine avant disant de passer le texte avant le 26/09 au Conseil interministériel. Il y a eu alors un arrêt du processus et nous avons mis néant sur la fiche62. .Vu que la réponse a été non, le processus a été stoppé, le texte n'est pas passé ».

Le fait est confirmé par le Ministère de l'Agriculture pendant un débat off au moment du repas entre paysans et fonctionnaires :

« Le Ministère de l'Environnement est en train de travailler sur un texte, un décret pour subventionner les
bonnes pratiques agricoles. Il est resté bloqué en Conseil des ministres car les OP n'ont pas été consultées. Sila procédure est malmenée, on arrivera à la même chose que le code de la famille ! »

Dans tous les cas, avec ce projet de décret on perçoit tous les décalages qui règnent entre services administratifs et/ou les pressions plus politiques. En effet nous sommes au dernier trimestre de l'année, le CEN et le CSA se profilant, tout pourrait être aussi précipité pour pouvoir dire que la feuille de route est respectée. Un membre du SP rapporte :

« Par exemple pour le décret RN du ministère de l'assainissement, les OP dans le cadre des éléments participatifs n'ont pas été consultées. Le Secrétariat du gouvernement a retourné le texte. Il y a actuellement une demande au SP pour organiser un atelier à Sélingué. 3 millions sont prévus couvrant hébergement, repas et per diem, c'est 15 000 /jour a Sélingué alors que c'est 3000 a Bamako »

Le président de la CNOP a une autre analyse « Par rapport au décret sur les ressources naturelles l'État n'est pas prêt pour avancer là-dessus, ce n'est pas une priorité pour le gouvernement.». Peut-être a-t-il raison car toute la partie de la LOA consacrée a l'aménagement du territoire et de la gestion des ressources naturelles TITRE IV, chapitre I est impossible à traiter pour le moment sans avoir résolu les obstacles liés à le décentralisation et éclairci les modalités de gestion foncière. Des problèmes budgétaires pourraient être aussi avancés.

On peut tirer à partir de ces exemples que sur les 21 activités programmées, peu ont de chance de se concrétiser cette année. Celles sur lesquelles nous avons attiré l'attention sont elles-mêmes enlisées pour les différentes raisons que nous avons exposées. « Depuis 2009 plus rien car les ministères sont en retard, n'ont pas encore terminé leurs textes ». Comment cela ressortira t-ils lors des prochaines sessions du CEN et du CSA ?

La politique foncière un démarrage à retardement Le volet politique

Des articles peu applicables, peu ciblés vers la paysannerie

Le foncier rural est décliné dans le TITRE IV chapitre II et regroupe 9 articles du 75 au 83. Un décret est prévu (article 79) sur la création de commissions foncières. Acté depuis plus d'1 an rien n'est mis en application sur le terrain comme nous l'avons vu. C'est par voie législative que la politique foncière sera traitée, l'article 78 spécifie «qu'une loi sur le foncier agricole sera élaborée a compter de la publication de la présente loifl.

62 C'est une fiche qui accompagne le texte et sur laquelle il faut répondre a des éléments de participation des OP, s'ils ont été consultés

L'article 75 précise « la politique foncière a pour objet la sécurisation des exploitations et des exploitants Agricoles, la promotion des investissements publics et privés, l'accès équitable aux ressources foncières et la gestion durable des dites ressources. »

L'inventaire des us et coutumes et leur toilettage éventuel réclamé depuis longtemps est prévu dans l'article 76. Il demande encore une synergie entre État, CT et les CA, qui, aujourd'hui sont toujours en panne. Rien n'est fait alors que cela permettrait de mieux gérer les conflits.

La politique foncière agricole est élaborée « par l'État de concert avec la profession Agricole~ L'article 77 définit aussi les objectifs qu'aujourd'hui personne ne respectent : « [elle] vise à lutter contre les spéculations en matière de transactions, de tenures foncières et de détentions coutumières abusives des espaces. Elle repose sur l'institution du cadastre au niveau de chaque commune afin de préciser toutes les indications relatives aux terres Agricoles. »

Les communes n'ayant pas ni de limites territoriales ni les moyens humains, financiers et la volonté manquant cruellement cette prérogative n'est pas prête d'être mise en route. De même pour l'article 81 qui prévoit de réaliser des aménagements mais seulement sur les terres immatriculées au nom de l'État ou de la CT, alors qu'aucun registre n'existe et que les transferts de domaniaux prévus ne sont toujours pas effectués sauf pour les investisseurs étrangers avec des baux emphytéotiques !

L'article 82, est emblématique des priorités concrètes de l'État. Dans le cadre de la promotion de l'investissement, de la capitalisation et de l'accroissement de la production Agricole, des dispositions sont prises pour alléger les coûts et simplifier les procédures d'établissement des titres fonciers et de concessions rurales et la conclusion de baux de longue durée pour les exploitants Agricoles. ». Les titres fonciers ou les concessions rurales, qui sont connues pour être acquis par complicité et corruption, dénoncées par tous, n'existent que dans les zones urbaines et périurbaine et les baux longues durée ne concernent pas la paysannerie, comme il est précisé « L'État prend les dispositions pour faciliter l'obtention de titres fonciers aux exploitants nationaux et la conclusion de baux avec cahier des charges aux exploitants étrangers désirant s'investir dans le développement Agricole au Mali ».Cet article répond aux accords signés dans le cadre de la CEDEAO/ECOWAP et avalise les choix étatiques comme nous l'avons déjà vu .

Quelle dynamique pour le volet de politique foncière rurale ?

Ainsi c'est « dans son coin » que le travail sur une politique foncière rurale va s'élaborer. Déjà en 2004, un comité de pilotage sous la responsabilité de l'AOPP avait fait des propositions et édité un document intitulé La question foncière au Mali : propositions paysannes pour une gestion pacifique et durable des ressources foncières, oü l'on peut lire dans ses conclusions

« L'État doit prendre conscience qu'il a en face de lui des acteurs ruraux organisés, conscients des facteurs qui bloquent leur développement, porteurs de propositions d'amélioration des politiques les concernant et impatients d'être écoutés. L'ambition de l'État doit être aujourd'hui d'élaborer, de manière concertée une nouvelle politique foncière ayant pour objectif de sécuriser l'exploitation familiale paysanne ».

La concertation devrait se faire mais il a fallu 3 ans pour qu'elle démarre réellement. Une mission d'appui confiée au Hub Rural 63 a été organisée en 2007 à la demande du Ministère de l'Agriculture pour « proposer sous forme de feuille de route, une démarche cohérente et participative permettant de concrétiser les innovations introduites par la LOA en matière foncière~. Des rapports que j'ai lu, c'est le seul qui apporte une réponse argumentée et pragmatique pour permettre d'avancer, car il a été construit collectivement, même s'il a « engendré des débats houleux ».

Après avoir organisé un atelier de restitution le 12 juin 2007, la feuille de route a été livrée au ministère en
juillet 2007. Puis le 27 et 28/11/2008, un atelier de concertation national sur la méthodologie de mise en

63 www. hub rural.org

oeuvre du volet foncier de la LOA met en exergue «l'impératif nécessité de concertations internes a chaque groupe d'acteurs, afin de laisser la possibilité de construire et d'argumenter leurs positionnement ~. Il a été définitivement validé en décembre 2009 et le SP va enfin enclencher le processus.

Si les préconisations faites et le calendrier sont respectés, le temps d'une vraie concertation a tous les niveaux, qui a fait défaut jusqu'à maintenant pendant la phase de mise en oeuvre, la politique foncière devrait redonner un second souffle à la LOA !

Qu'en sera-t-il ? La Décision N°09-0003/MA-SG du 26 janvier 2009 désigne les membres du comité de pilotage, dont la présidence, avec l'accord des participants -en particulier des paysans- sera assumée par le représentant du Ministère de l'Administration Territoriale et des CT. Ce qui parait judicieux puisque la décentralisation est un des noeuds du problème. Sont représentés 7 ministères, 9 représentants des organisations paysannes et de la société civile: CNOP, AOPP, SEXAGON pour les OP, puis APCAM, FNAFER, FNAJER, le Conseil national de la société civile et l'Association des municipalités du Mali, 3 au nom de la recherche : Université Mandé Bukari, Institut d'Économie rurale, Institut polytechnique rural. Les représentants de la CNOP et de l'Université Mandé Bukari étaient déjà dans le comité de pilotage sur La question foncière au Mali en 2004.

Selon la feuille de route le mois d'octobre 2009 devait être consacré aux concertations locales et l'atelier national sur la politique foncière agricole devait se tenir en février 2010 et la tenue de l'atelier national sur la loi foncière agricole et ses textes d'application a l'automne 2010.

La démarche est soutenue financièrement par l'Agence Française de Développement et voici l'état des lieux fait par le SP lui-même en janvier 2010 :

« Les consultants sont recrutés, la feuille de route est validée, le comité de pilotage est en place. Par rapport aux études diagnostics et cadre réglementaire, on aura les résultats au plus tard fin janvier. Le premier draft devrait être écrit en mars. D'avril a août c'est la concertation, le dialogue dans les régions, en septembre il y aura le dialogue national et enfin en octobre premier draft de la loi. Puis il justifie que le processus est long car « c'est un exercice complexe qui demande a se remettre en cause dans nos comportements a tous les niveaux, dans nos façon de travailler, de penser... Au Sénégal la loi a été votée le 4 juin 2004 et ils n'en sont pas encore là ! »

Le calendrier devrait être respecté mais nous reprendrons cette réflexion déjà écrite en 2004 dans La question foncière au Mali :

« Malgré la dynamique actuelle qui se développe autour du foncier entre autres, des concertations locales, régionales, nationales de nombreux séminaires et ateliers de réflexion, les paysans demeurent inquiets et sceptiques face à tout cette agitation qui n'a que peu, voire pas d'impact tangible sur leur situation foncière ». Qu'en sera-t-il ?

Une politique semencière qui sème la discorde

C'est dans le TITRE V, chapitre 1 que sont traitées les productions végétales avec seulement 2 articles, les 140 et 141. Ils abordent le thème de façon très générale. Le 140 évoque une politique de développement agricole pour accroitre la production et la productivité en fonction des systèmes de production et des potentialités des différentes zones. Le 141 stipule « L'État, en concertation avec les Collectivités territoriales et la profession Agricole, définit la politique bio-sécuritaire et semencière en vue d'assurer la couverture totale des besoins nationaux en semences sélectionnées, la conservation et la valorisation des variétés existantes et celles en voie de disparition, ainsi que la réintroduction de celles disparues. L'État, en partenariat avec la profession Agricole, élabore le Catalogue National des semences et tient des livres généalogiques.»

D'autres articles sont disséminés dans la LOA comme les 109, 131, 132 et 133 qui traitent des soutiens financiers que l'État peut apporter dans le cadre de transfert de technologies, de la définition d'une politique semencières et des ressources génétiques , de la valorisation du patrimoine génétique et de la création d'unités agricoles d'intrants Agricole notamment pour les semences sélectionnées.

Le calendrier de mise en oeuvre de la LOA pour l'année 2008 validé par le CSA et le CEN annonçait
l'élaboration d'une politique semencière et bio-sécuritaire. Effectivement le matin de mon 1er entretien avec
le SP, un document sur la politique semencière était l'ordre du jour d'une réunion interministérielle «c'est sur

leur bureau.>. J'insiste pour avoir plus d'informations mais il reste très évasif voire embarrassé (( Il y a eu un comité de pilotage. On va mettre en place un comité scientifique. Par rapport aux OGM, il vaut mieux faire des textes que rien '>.

Le texte a été validé par le Conseil des ministres, imprimé, des décrets devraient suivre. Ce document est décliné en 12 axes stratégiques, avec un calendrier de travail qui s'étale de 2009 à 2013. Le président de la CNOP « n'était pas au courant~ de la finalisation du document « politique semencière au Mali ~. Elle est citée comme l'AOPP, l'APCAM en tant que « partenaires impliqués ~ dans le plan d'actions du document dans certains axes. L'AOPP est même mentionnée pour « élaborer les textes législatifs, réglementaires relatifs à l'introduction et a l'utilisation des OGM, leur traçabilité et étiquetage ». Une façon de récupérer les OP ? Qui ira ? Avec quelle posture ? Un sujet brulant à traiter au plus vite au sein des OP et l'APCAM confrontées a de nouveaux élus pro-OGM, nous y reviendrons plus loin.

« En catimini » un Groupe consultatif sur les biotechnologies a été constitué64 et a déposé le 28 février 2008 un projet de loi intitulé « Sécurité en biotechnologie », en dehors du processus prévu dans la LOA. Les paysans s'insurgent :

(( Comment a-t-il pu être voté et adopté avec des députés qui n'ont aucune idées des enjeux réels.>

(( ATT au départ était contre les OGM. Il a eu des pressions de Syngenta [qui est impliqué dans beaucoup de laboratoires de recherche au Mali] et de la fondation USAID [qui arrivait avec des M de dollars].'>

L'avis du juriste du SP abonde :

(( Sur les OGM c'est une catastrophe ce qui a été voté. L'AN a suivi les ordres du pouvoir. Pour la politique semencière il y a des gros enjeux, on aurait du mieux s'inspirer du document de la CNOP sur les semences. '>

A la lecture du projet, les multinationales d'OGM ont effectivement la porte grande ouverte. La CNOP et la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain-Mali ont fait des propositions d'amendements. Seront-elles étaient prise en compte? En tout cas, toutes les personnes mobilisées contre les OGM sont en train d'organiser une grande marche de Niono a Bamako pour continuer à mettre la pression sur le projet de loi avant qu'il ne devienne une vraie loi !

Hormis le volet de politique foncière qui semble engagé dans une nouvelle dynamique, tout au long de l'année 2009 le processus s'est effrité et déraille. C'est ce que nous avons tenté de démontrer a travers les décrets, lois et politiques en cours. Tous les acteurs sont d'accord pour dire « qu'il y a des problèmes, qu'il faut les résoudre qu'il faut reparler du rôle et de la place de chacun » dit un membre de la CNOP « Il y a confusion des rôles. Le SP prend la place de l'exécutif et les OP ne sont pas consultées, chaque ministère s'approprie un partie de la loi dans son domaine et ne respecte plus le processus » renchérit un autre.

Ainsi même si les instances de gouvernance prévues par la loi sont péniblement mises en route, c'est leur rôle, leur fonction, leurs compétences qui ne correspondent plus a l'esprit de l'élaboration de la loi. Dans le POS 2008-2012 de la CNOP, ce souci était pris en compte « les OP et la CNOP considèrent donc cette étape d'élaboration des mesures réglementaires comme cruciale dans la mesure oü elle doit permettre de rendre les dispositions de la LOA opérationnelles ...c'est pourquoi la CNOP doit être suffisamment outillée »

Nous sommes passés d'une gestion concertée a un système imposé et individualisé. Nous assistons aussi a une prise de pouvoir par l'administration, sans vision commune cohérente délaissant les OP, en position de faiblesse dans le processus. Un membre de la CIFA constate :

« Il n'y a plus de personnes ressources, la présidence a baissé les bras, il n'y a plus de pression, la présidence ne suit plus le dossier, les départements se l'approprient selon leur intérêt. '>.

De plus les OP n'étaient pas prêtes.

64 Je n'ai pas pu avoir plus de détail pour répondre aux questions comme comment ? Avec qui ?

((On croyait le travail finalisé [après le vote de la LOA]. Ça était notre première erreur : une loi ne vaut que par ses décrets d'application ! On ne connaissait pas le mécanisme des décrets, c'était une lacune de la CNOP. On l'a appris a nos dépens. »

A ce stade là il devient nécessaire d'approfondir plus en détail les relations qui existent entre tous les protagonistes et les stratégies de chacun, avant de se pencher sur le contenu et les perspectives

E. La CNOP en voie de déstabilisation

(( Quand l'AOPP s'enrhume, la CNOP tousse »

Plusieurs facteurs ont amené a l'éclatement dans la gestion concertée de la mise en oeuvre de la LOA liés a des modifications de stratégies entre les acteurs. Le processus a surement été d'abord altéré par les élections présidentielles qui se sont déroulées en juin 2007, entrainant des remaniements ministériels, des mutations de fonctionnaires, des réorganisations internes même si c'est le même président qui a été élu. Ces changements ont aussi interféré dans le processus de mise en oeuvre de la LOA a l'intérieur de chaque structure et dans son déroulement. La cassure est nette. Au temps de l'élaboration pendant le premier mandat d'ATT, il y avait une volonté forte, des responsables convaincus et unis. Au temps de la mise en oeuvre, 2ème mandat, on se retrouve avec une dispersion des responsabilités, une volonté affaiblie et de nouveaux acteurs perturbants au sein des OP.

9.4 L'AOPP PORTE D'ENTREE POUR DIVISER AU SEIN DE LA CNOP ET PRIVILEGIER L'APCAM

La CNOP, jeune structure, est née pour porter la parole :

« Des Représentants du Monde Rural et des OP tout le pays et de tous les secteurs Agricoles avec une vision commune construite ensemble *...+ Nous donnons mandat a la CNOP de nous représenter dans toutes les instances de concertation relatives a la loi et a ses textes d'applications et nous lui confions la responsabilité de coordonner toutes les initiatives paysannes d'application, de suivi, de surveillance et d'évaluation de la LOA65. »

Plébiscitée pour mener les concertations lors de l'élaboration de la LOA, elle a assis sa crédibilité en surmontant de nombreux obstacles. Ce qui a été dépassé « presqu'en force, par volonté politique ~à ce moment là, ressurgit en cette période de flottement et de changement au sein de l'appareil étatique. Cette situation avait été anticipée et gérée par l'équipe de la CIFA qui avait tenue ferme devant les velléités de certains fonctionnaires de bâillonner la voix paysanne portée par la CNOP. Aujourd'hui ce déficit d'autorité se ressent et les frustrés du temps de l'élaboration reviennent sur le devant de la scène.

65 Mémorandum paysan sur la LOA du Mali

9.4.1 Les chambres d'agriculture un tremplin pour d'autres élus paysans

Les Chambres d'Agricultures, surtout au niveau de l'APCAM, sont clairement des structures paraétatiques. Les élu-e-s du collège exploitant n'étaient peu ou pas issus des réseaux d'organisations syndicales. En 2006, aux dernières élections individuellement membres de l'AOPP et de la CNOP commencent a s'investir dans les Chambres d'Agriculture Régionales (CAR) « Dans les Chambres il y a trois vice-présidents CNOP, 1 depuis 5 ans, 2 depuis 2 ans. La chambre de Koulikoro est même aux mains de la CNOP. »

Être dans cette structure au niveau régional, peut permettre d'avoir des moyens pour agir, étant un acteur obligatoirement consulté car elle est automatiquement membre de toutes les instances concernant le monde rural. Elle est souvent maître d'ouvrages de nouveaux projets, programmes, avec un accès a de gros financements pour la formation, l'information et la communication, l'organisation et la structuration des filières et OP, l'approvisionnement en intrants agricoles, zootechnique et vétérinaires et l'appui a la commercialisation des produits. Les CAR sont indépendantes dans leur gestion et très liées au développement local.

Au niveau national, a l'APCAM les enjeux sont différents et plus politisés. La déclaration du représentant de la FAO éclaire les enjeux « ce sont les consultants de la BM qui mènent, lui *le président de l'APCAM+ il n'est rien». La SNV précise « La CNOP dérange car elle ne se fait pas acheter... et est très engagée contre les OGM, l'APE... On lui reproche que se soit des intellectuels qui mènent donc moins malléables que des paysans de base ». Un membre de la CNOP explique :

« L'entrisme aurait été mené a partir des CAR, via des représentants de l'AOPP. L'APCAM est constituée de 32 membres tous élus au scrutin secret et répartis comme suit : 9 Présidents des CAR (1 président et 8 viceprésidents), 2 membres par CAR soit 18 membres ; 5 membres des OPA66 laissant très peu de place aux OP *... +De toute façon nous sommes représentés que dans un collège avec 5 membres. A la base les textes sont mauvais, on peut être élu en tant qu'individu et pas organisation. Et dans le collège OP il y a eu une manoeuvre pour évincer la CNOP. L'État a reconnu 6 associations de pêcheurs et la Fédération Nationale des Pêcheurs avec a sa tête Souleymane Keita qui ont pris le pouvoir, ainsi l'État était sur qu'il n'y aurait pas de débats a l'APCAM. Il voulait casser la faîtière CNOP~.

Un fonctionnaire affirme que :

« L'État a soutenu des membres d'OP pour qu'elles se présentent ». La CNOP réplique « L'État n'a jamais poussé la CNOP a aller aux chambres, mais le Ministre de l'Agriculture a donné de l'argent a des élus APCAM pour que la structure reste inerte, maitrisée par TOGOLA. D'ailleurs a l'ancien président on lui avait conseillé de ne pas se représenter et de laisser la place ", tandis qu'un autre assène « pour cela elle *l'APCAM+ a débloqué des moyens financiers pour soudoyer des jeunes éléments de l'AOPP ».

Tout cela été facilité par le fait que dans cette grande « famille Agricole » les visions, qui avaient été « maitrisées~ pendant l'élaboration de la LOA, ressurgissent ouvertement - par rapport au statut, aux OGM, aux interprofessions -. La CNOP défend l'EAF et sa diversité sur tout les territoires ce qui ne satisfait pas les producteurs spécialisés, entrés en force a l'APCAM, représentants des filières tournées vers l'exportation aux revenus plus élevés, toujours soutenus par les stratégies d'État basées sur « l'économie de traite ».

9.4.2 La filière coton, outil de l'État et des pro-OGM

« Le coton est la base des problèmes de l'agriculture au Mali »

66 Le collège OPA sont les coopératives, mutuelles, caisse d'épargne et de crédit et OP qui doivent élire 5 représentants pour l'ensemble.

Un Secrétaire d'État directement rattaché a la Primature est en charge du dossier coton qui est le2 ème poste de rentrer de devises, donc sous haute surveillance étatique. D'autant plus que la CMDT sera définitivement privatisée en 2010. D'oü l'importance d'avoir des alliés dans le monde paysan et l'APCAM est un lieu stratégique « C'est un appendice de l'État...elles *les chambres d'agricultures et APCAM+ se disent représentantes des paysans depuis 1990 et valident les décisions ministérielles dans des logiques clientélistes » (NARDONNE 2006)

La nomination du nouveau président de l'APCAM ne serait alors pas due au hasard. Plusieurs dires dressent pourtant un portrait peu flatteur pour le personnage et son rôle.

« Le président, Boukary TOGOLA a appuyé ATT aux dernières élections qui l'a nommé président de l'APCAM ... en conflit avec l'AOPP et la CNOP » (NARDONE 2006)

Confirmé par un membre de la CNOP « Il a même appelé à voter ATT publiquement à la télévision. Sur le terrain personne ne le soutient, il est connu pour ce qu'il est, même dans son village il ne peut pas parler ».

« [Il] est embourbé dans des structures. Il est président du SYCOV, du groupement coton, de l'APCAM, de la Chambre d'Agriculture de Sikasso, de l'Union des coopératives coton, de l'interprofession coton » égrène un représentant de la CNOP. Outre ses prises de positions il est soupçonné et voire accusé de malversations.

Selon le représentant de la FAO « lui est venu avec son argent, je ne sais pas d'oU il vient, mais il est riche de toute façon ».

Des paysans détaillent « ATT a un rapport sur [ses] escroqueries, qui peut le mener directement en prison. Alors il ne bouge pas et est aux ordres, l'État a besoin d'un leader peu encombrant et se sert de lui ». Un autre explique «Le lobby coton a travers l'AOPP a investit l'APCAM, ce sont des gens incultes et spéculateurs. Le président de l'APCAM en fait parti, il est aussi fournisseur d'engrais, signe avec les commerçants et se fait livrer des remorques entières d'engrais dans ses champs, ce qui est équivalent à des pots de vin et on lui prête aussi des machines a l'oeil ! ». Un autre renchérit « Il y a collusion entre des agents haut placé du pouvoir et le lobby du coton. Il a a travers l'AOPP investit l'APCAM ... il est un pion du lobby coton qui est pro-OGM, et le coton c'est le bras armé du gouvernement. L'ancien président a été poussé ».

La situation est nouvelle sur la question des OGM. Jusqu'en 2006 la CNOP, l'AOPP, l'APCAM avec des associations de la Société Civile s'étaient toujours mobilisées contre. Ils ont manifesté67 leur désapprobation officiellement pour la 1ère fois contre un projet entre les services de recherche agronomique et les firmes semencières, a l'époque Monsanto, et ont été entendus. En octobre 2004, le gouvernement reporte lors d'un Conseil des ministres l'introduction d'OGM au Mali. De même ils ont sans cesse continué a exprimer leur opposition sur le terrain avec de nombreuses communications et sensibilisations via les radios et diffusion de livret en plusieurs langues. Une marche commune a même été organisée vers le siège de l'USAID le 21 août 2006. Lorsqu' en février 2008, un Groupe consultatif sur les biotechnologies fait voter un pré-projet de loi sur les OGM, sans tambour ni trompette, seule la CNOP, des OP de l'AOPP et des associations civiles réagissent a toute vitesse en organisant un sit-in symbolique devant l'AN. De toute façon ils n'avaient pas le temps de battre le rappel pour une forte mobilisation.

La rupture est depuis consommée ouvertement entre la CNOP et l'APCAM depuis la nomination du nouveau Président, et l'État n'y serait pas pour rien. L'exemple suivant l'illustre de la voix même du Président de la CNOP :

« A chaque fois qu'on *la CNOP+ se plaint, c'est lui *TOGOLA+ qui filtre. Par exemple a la réunion régionale de
la CEDEAO, j'ai été mandaté pour faire une déclaration commune (APCAM/CNOP) très forte contre les OGM,
remettant en cause le ministre. Cette déclaration a fait une explosion dans la salle. A la fin de la réunion, il

67 Lors de la Conférence sur la maitrise des sciences et technologies en vue d'accroitre la productivité agricole en Afrique a Ouagadougou en juin 2003,

était prévu une conférence de presse avec lui et moi, il*le ministre+ lui *TOGOLA+ a dit d'y aller car il ne dénoncerait pas , il est manipulable tandis que moi du fait que je suis classé dans les intellectuels , je garde mon autonomie, je ne suis attaché à aucun parti. Il y a eu plusieurs fois des situations comme celle-ci qui ont contribuées à dégrader les relations entre lui et moi. ».

Cette attitude se retrouve à travers cette déclaration du Président de la CNOP « Je n'ai pas été au dernier CSA [l'an dernier]) à cause des OGM car la déclaration commune que nous [CNOP, APCAM, Société civile, Femmes et Jeunes] avions préparé sur le sujet n'était plus soutenu par le président de l'APCAM ». Un juriste confirme :

(( Sur les OGM c'est une catastrophe ce qui a été voté. L'assemblée a suivi les ordres du pouvoir. Pour la politique semencière il y a des gros enjeux, on aurait du mieux s'inspirer du document de la CNOP sur les semences. »

9.5 D'AUTRES FACTEURS ONT PARTICIPE A L'AFFAIBLISSEMENT DE LA CNOP

9.5.1 Une année à diffuser la LOA

La première préoccupation pour la CNOP après le vote de la LOA a été de la vulgariser comme prévu dans la convention. Une ligne budgétaire spéciale communication avait été votée. Des manuels traduits en langues nationales (bambara, fulfulde...) ont été édités. De nombreuses émissions radio ont abordé le sujet. « On l'avait déjà fait avec les OGM puis les accords APE. On savait comment faire. Ça a duré une année. » Relate un responsable de la CNOP.

Cette énergie nécessaire qui a été mise dans cette tâche a peut-être en quelque sorte détournée la CNOP de la phase mise en oeuvre de la LOA, relâchant la pression qu'elle avait exercée.

9.5.2 Axe Formation, un bureau d'étude naviguant en eaux troubles

Ce bureau d'étude monté par un couple franco-canadien au moment de l'élaboration des concertations de la LOA s'est rajouté aux soucis de la CNOP. Dès le début relate le Président de la CNOP :

((Ils ont tout fait pour se rapprocher de la CNOP, ce sont des malins, participant à tous les forums sociaux, venant toujours nous voir argumentant qu'ils étaient « engagés pour la cause ... que leur motivation n'était pas monétaire mais plutôt d'avoir un tremplin pour être connu suite a la participation d'une grand oeuvre nationale »68 puisqu'ils avaient des compétences pour les accompagner. « Ils nous ont présenté un projet financé par USAID et ils avaient surtout besoin de nous, de l'AOPP pour le cofinancement, mais l'AOPP ne voulait pas d'eux ils se sont accrochés a moi surtout quand ils ont su qu'on nous avait délégué la LOA. Le draft du projet avec eux n'était pas finalisé, mais un jour que je n'étais pas la, j'étais au Nord, ils ont appelé Souleymane KEITA pour qu'il signe alors qu'on n'avait pas l'argent et pas le montant définitif qui devait être inscrit dans le budget de la loi ! D'ailleurs ils ont commencé a travailler sans contrat, ni argent. C'était une erreur de signer sans montant sur le contrat. On les a payé quand même 13,5 M de FCFA même deux mois avant la fin du processus.... Et après ils en voulaient plus parce qu'ils auraient crée un site, que on ne leur avait pas demandé, c'est là qu'a commencé le couac ! ».

68 CNOP-INFO N°00/cnopmali @ yahoo.fr

La CNOP a dépensé de l'énergie a régler ce conflit qui a pris de l'ampleur en début d'année 2006. Obligée d'interpeller tout le monde pour défendre leur cause, la CNOP écrit partout du gouvernement a l'ambassade canadienne :

« Luc Barret (Assistant technique sur la LOA) a convoqué une réunion et leur a dit qu'effectivement le site n'était pas prévu. Ils (le couple) voulaient une lettre de reconnaissance de Diarra via le ministère pour reconnaitre tous les acteurs qui avaient participé à la LOA » et éventuellement se placer comme futur interlocuteur privilégié et expérimenté au moment de la mise en oeuvre. « Toute la CNOP s'est liguée contre eux et les instances officielles nous ont donnés raison. Elles sont personnes non grata au Mali ». C'est à cette époque que le site de la CNOP lance en mars son premier bulletin d'informations CNOP/INFO.

D'autant plus que retournés au Canada depuis plus de deux ans, ils se permettent sur le site69 -toujours en ligne -de dénigrer les actions de la CNOP dont le sit-in devant l'AN contre le pré-projet de loi sur les OGM, ou d'étaler le conflit en mettant en cause la CNOP. Pour un responsable de la CNOP la situation est claire « Axe Formation a été payé pour faire de la propagande sur internet contre la CNOP et particulièrement contre Ibrahima au moment de cette action contre les OGM pour le décrédibiliser [à cause de la faible mobilisation]».

La CNOP, officiellement, n'a pas eu de compte rendu des concertations qu'elle a menée, ils sont consultables, selon la version d'Axe Formation, sur le site dont ils font « une utilisation illicite ». Comme il est conclu dans l'article du CNOP/INFO n°00 « Il n y a pas plus aucun doute aujourd'hui que la volonté du couple était de nuire à la CNOP, à sa crédibilité et à celle de ses leaders ». Pourtant leur compétence pendant l'élaboration n'est pas remise en cause et manque peut-être aujourd'hui au moment de la mise en oeuvre. Au moins une question reste à priori en suspend de qui étaient-ils les sous-marins de l'USAID, autres ?

Ainsi la CNOP affairée par ses nouveaux engagements dans la LOA, en prise à des conflits internes et externes subit de rudes épreuves, difficiles à gérer pour cette toute jeune structure paysanne. Au moins les facteurs présentés prouvent que la confusion est semée tant au sein des structures que de leurs positionnements vis-à-vis de l'administration. « Il y a un problème d'homogénéité a la CNOP...il y a un changement de vision agricole. » déplore un représentant du ministère. Pour le secrétaire permanent « 80% des problèmes viennent de la CNOP." Mais est ce vraiment la CNOP ou les manoeuvres qui auraient été orchestrées pour la déstabiliser ?

9.5.3 Des représentants à multiple casquettes

Dans la désorganisation qui règne le problème de la représentation des élus et de leur mandat se pose aussi. Aujourd'hui il y a la difficulté de bien appréhender les discours, les relations paysans/chambre d'agriculture et les postures de chacun. Il faudrait le curriculum vitae élargi et étoffé de chacun pour bien comprendre les dires, les réactions. De fait les personnes aujourd'hui interviewées peuvent être a la fois élues CNOP, Président d'une Fédération et Président d'une Chambre.

En plus de la confusion des rôles, cette situation concentre aussi les pouvoirs. Les mandatés ne rendent plus compte de leurs missions auprès de leur différentes organisations, quand ils interviennent en réunion on ne sait pas sous quelle casquette ils parlent. Ils ne prennent plus/pas le temps de consulter la base. « Il y a des problèmes internes à la CNOP, par rapport aux mandatés dans les comités de pilotage qui y

69 http:/loa-mali.info

vont sans réflexion collective de la CNOP. » lâche un responsable d'OP. Une coupure ressort entre les élus CNOP, le noyau qui a participé a l'élaboration et l'arrivée de nouveaux élus qui comme le constate un représentant du Ministère de l'Agriculture « ont une vision différente ~il n'y a plus de continuité».

Pour le Président de la CNOP touché affectivement, c'est vécu comme « une trahison ~ qu'il ne comprend pas que cela puisse arriver au sein des paysans. Cet état de fait a amené des changements « La CNOP a relâché car les gens qui suivaient les dossiers sont allés a d'autres activités ». Effectivement les anciens responsables, certains dégoutés, semblent avoir optés pour des implications plus locales loin des « magouilles ». Le président de la CNOP lui-même est dans une posture difficile, un responsable CNOP analyse :

« Pris par la LOA et ses mandats internationaux, Ibrahima n'est plus en contact avec sa base. Pourtant sans Ibrahima il n'y aurait pas de CNOP mais il a été remis en cause ... C'est l'AOPP de Kiloukoro dont il fait parti, qui ne l'a pas réélu lors des élections de l'année dernière...Ainsi il se retrouve président de la CNOP avec encore un mandat de 2 ans, sans être officiellement mandaté par son organisation de base. Une situation pas facile à gérer et laissant un goût amer de trahison! '>70.

Il n'est pas facile de tirer toute les ficelles de cette tentative de déstabilisation de la CNOP-d'autant que la structure n'est pas encore consolidée - et que cette fragilité l'a rend encore plus vulnérable et que c'est elle qui est en première ligne, pas les autres OP. Elle est limitée en moyens, ayant comme conséquence une désorganisation entre autre entre région et national. La question se pose d'autant plus que l'an prochain de nouvelles élections CA. Quelles manoeuvres seront en action cette fois-ci ?

9.5.4 Leader une place à haut risque

La personnalisation via un leader est toujours dangereuse mais fait parti de toute histoire d'un mouvement. Si l'on s'en réfère a B.LECOMTE (DEVEZE, 2008) :

« Le leader est celui qui, par sa vision et sa capacité d'explication, obtient que les autres membres disent « marchons ensemble '>, sous-entendu « avec toi '>. Ces individus rares ne sont pas choisis au début par un vote de leurs bases. Ce sont des créateurs de sens, des gens qui pressentent ce que sera demain, des prophètes courageux; ce n'est pas évident d'être fondateur d'une association autonome ...au Mali '>

En effet il faut gérer à la fois la lutte collective et cette ascension personnelle. Il est parfois difficile de dissocier l'un de l'autre en tant qu'être humain d'abord et aux yeux des militants et des autres acteurs ensuite. Il est toujours plus facile pour tout le monde de se ranger derrière un leader. C'est ainsi que le représentant de la FAO fait remarquer à ce sujet « Ibrahima a fait l'opportuniste car il a accepté la médaille du Président, il aurait du la refuser, il aurait du faire décorer les OP. Tu étais dans la conviction, tu as pris sur toi toutes les responsabilités c'est donc sur toi que retombe tout le mérite de la LOA. Ibrahima a passé après son temps à toujours mettre sa poitrine an avant, face au Président de l'APCAM, à la télé, Continue ton chemin, ne t'arrOte pas là ! »

Cette situation toujours ambiguë et complexe d'un leader fortifie à un moment puis fragilise les structures et la personne, attisant les jalousies. Elle est aussi confortable pour les autres faisant reposer sur une seule épaule les idées, les présences aux réunions dans les hautes sphères. Ces lourdes responsabilités accaparantes, la connaissance des dossiers accumulées au fur et a mesure, font qu'à un moment il y a un risque : le leader évolue pratiquement de plus en plus seul et de plus en plus loin de la base. Du coup s'ouvre une voie pour d'autres personnalités, motivées par d'autres enjeux, comme le nouveau président de l'APCAM « il lui [Ibrahima] barre la route ».

70 En mai 2010, il vient d'être élu vice-président du ROPPA au nom de la CNOP

« Depuis c'est la crise a l'AOPP, l'AOPP n'est plus unie... la tension animale a baissé la raison prend le pas dans le sens de la réflexion, ils acceptent de se dire bonjour maintenant et de participer aux réunions mais personne ne veut faire le premier pas. »

9.5.5 Des ressources financières et humaines « limitantes»

C'est dans les points focaux qui ont très peu fonctionné comme on l'a déjà vu que les salariés étaient impliqués. Une personne avait été recrutée en tant que chargé des programmes et de suivi de la mise en oeuvre de la LOA, mais « on n'a pas eu les moyens financiers pour la retenir, alors qu'elle était très compétente, elle est partie à la GTZ » En effet financé sur un programme d'une ONG sur 4 ans, le contrat prenait fin l'an dernier. N'ayant ni assez de trésorerie ni de ressources prévues dans un nouveau programme a temps pour faire la jointure, la personne est partie. La CNOP n'a plus de salarié-e-s pour assumer cette fonction, et ceux en place ne peuvent pas tout gérer. Vu les différentes discussions off on peut supposer que ceci engendra aussi une coupure, avec les élu-e-s qui s'étaient déchargés de ce volet sur lui. Lorsque le salarié est parti, un vide s'est installé, voire un découragement. A ce jour il n'est toujours pas remplacé. Aujourd'hui a la CNOP il y a un animateur/directeur, une secrétaire, un comptable en permanence et un planton/gardien « homme à tout faire »-. Une autre ONG finance un poste d'informaticien pour 2 ans actuellement.

Le manque de moyens en général et pour être efficace au moment de la mise en oeuvre de la LOA en particulier est une plainte récurrente. En effet ayant moins de financement, et surtout un budget autonome, pour mener des activités liées a la mise en oeuvre de la LOA, la CNOP se retrouve démunie pour perpétuer la dynamique. Pire, elle est subordonnée a demander pour budgétiser chaque action soit au SP soit a l'APCAM qui l'accordent ou pas. Des ateliers sont organisés par les uns sans les autres. Le juriste du SP a mis les pieds dans le plat lors de l'atelier de concertation « L'APCAM a fait un atelier a Sélingué sur la mise en oeuvre de la LOA et la CNOP demande un renforcement, un financement sur le même sujet ? » Même si les OP bénéficient de soutien d'ONG comme la SNV, HELVETAS, SOS-faim... c'est sur des programmes toujours assez longs a mettre en route, pas toujours faciles à adapter au cours des évènements qui demandent souvent à être très réactifs. La restriction budgétaire est mal vécue par les paysans qui se sentent déconsidérés par rapport à tout leur investissement antérieur :

(( D nous a trahis mais maintenant il comprend que sans nous il n'est rien ! On n'est pas considéré, on n'a pas de financement donc pas de moyens alors qu'on a fait rentrer de l'argent via les formations, les partenariats »

Cette pénurie financière pénalise aussi la CNOP dans d'autres lieux :

((la CNOP dans le cadre du CSCRP où elle était considérée comme (( indispensable ~ n'a pu s'y impliquer que tardivement par manque de ressources financières, humaines et techniques pour organiser la réflexion interne puis porter des propositions. Flle demande de prendre en compte cette donne dans le CSCRP (( en tant qu'OP entière et ne pas être assimilée dans plus globalement la société civile. »71

La CNOP est entrain de perdre pied. Des dysfonctionnements existent : le salarié en charge du dossier est parti et le syndicat est en proie a des dissensions internes. Elle n'arrive pas ou plus a s'entourer de personnes qualifiées pour avancer a ce stade là. Même les ONG avec lesquelles elle travaille régulièrement n'arrivent pas ou ne leur apportent pas les réflexions, les expériences qu'elle a besoin. En même temps ce n'est pas vraiment

71 Plan d'Orientation Stratégique 2008-2012 de la CNOP

leur rôle « La SNV nous aide sur la logistique, le renforcement organisationnel, la formation des cadres paysans. Elle crée la condition de la réflexion.»

Les questions financières et de ressources humaines sont importantes pour la CNOP. Elle n'a plus les moyens de se ressourcer en organisant des débats avec la base et de porter leur parole. A quand une ligne budgétaire permanente pour les syndicats paysans, elle existe pour les syndicats de salariés ?

Ainsi la dynamique qui avait présidé lors de l'élaboration se voit arrêter net dans son élan, ne permettant ni de dialogue entre institutions et paysans d'une part, et ni de débats entre paysans sur tout le territoire d'autre part tandis que le fossé ne se comble pas entre l'APCAM et la CNOP. Entre la reprise en main par l'administration de la LOA et les dissensions au sein des organisations paysannes, le flou le plus complet règne pour essayer de suivre la mise en oeuvre de la LOA. « De toute façon 2009 fut une année des plus difficiles » dira lui-même le président de la CNOP.

Même s'il est difficile d'aller plus loin dans l'analyse car encore trop dans le présent, il était important de prendre en compte ces éléments. Pour pousser la réflexion plus loin, la construction d'un seul mouvement paysan derrière une seule structure est-elle le reflet de la diversité des acteurs de l'agriculture malienne. Si l'AOPP a été construite sur ce schéma, nous en avons vu les limites. Est-ce que la volonté forte de la société malienne d'être toujours dans le consensuel n'entraine pas à cet état de fait ? Si cela a réussi au moment de l'élaboration avec une volonté forte commune des acteurs principaux, au moment de la mise en oeuvre des fissures apparaissent. Cela augurerait-il d'une scission et de la structuration de plusieurs syndicats avec des visions, des valeurs différentes comme dans de nombreux pays ? A suivre !

F. Discussions et pistes ?

« Il faut redynamiser le cadre, il faut que les acteurs s'y mettent. En ce moment c'est difficile, il n'y a pas de cohérence, de visibilité car il y a un éclatement des budgets, des compétences »

La situation a l'automne 2009 est plus que brouillée a tous les niveaux. Consciente des dérives, la CNOP invite les différents acteurs impliqués à se retrouver à la Bibliothèque Nationale de Bamako, pour un atelier d'échanges sur la stratégie de mise en oeuvre concertée de la LOA le 9 et 10 novembre 2009 auquel j'ai participé. Il est financé sur le budget du SP dont le compte rendu doit être fait et payé à la CNOP.

30 personnes sont présentes dont des élu-e-s de la CNOP, de l'AOPP, de l'APCAM et des agents des Ministères de l'Agriculture, de l'Élevage et de la Pêche, de l'Environnement et l'Assainissement. Le SP est représenté par le conseiller juridique. La voix officielle est tenue par M. CISSE juriste du Ministère de l'Agriculture. Il est impliqué dans la LOA depuis le début, connait bien tous les acteurs et est apprécié par les paysans « Le gouvernement via CISSE a répondu favorablement dans l'atelier CNOP pour redonner la main a la CNOP. CISSE est fonctionnaire, donc il répond a des ordres mais il est aussi fils de paysan. » Argumente un responsable CNOP.

10 « NOUS AVONS LE FEU, VOUS AVEZ LA VIANDE FRAICHE, VENEZ CHERCHER LE FEU »

Au risque de redites, il est important d'essayer de faire ressentir l'ambiance qui régnait. En effet les paroles dites dans cet atelier sont importantes car elles font un point sur les situations de chacun, comment chacun les ressent et des marges de manoeuvre existantes pour repartir dans un éventuel nouveau processus pour la mise en oeuvre.

Après le mot d'accueil de la CNOP, la parole est aussitôt donnée au représentant du Ministère de l'Agriculture qui plante le décor :

(( Depuis 2006 on aurait pu déjà se retrouver pour bâtir un partenariat pour la mise en oeuvre de la LOA. En 2006 il y avait un vrai élan de la CNOP. La CNOP aurait du prendre soin de matérialiser cet envol, peut-être il n'y a pas eu l'appui nécessaire, il n'y a pas de contact, de convention comme en 2004. Il n'est pas trop tard, les acteurs n'ont pas changé. Qu'est-ce qu'on peut apporter comme compétence pour accompagner la mise en oeuvre de la LOA ? J'espère qu'au bout de ces 2 jours vous fournirez un document qui permettra de relancer les processus de la mise en oeuvre de la LOA.~

Il insiste en recadrant la place de chacun, car la tension entre l'APCAM et la CNOP est vive, en rappelant :

«ATT a tenu ses promesses en mettant en avant la CNOP lors de l'élaboration. Il y avait aussi l'APCAM mais en tant qu'établissement public leur analyse, vision, aurait pu biaiser le processus, c'est pourquoi c'est la CNOP. La CNOP a une bonne expérience et un bon réseau. L'État s'est appuyé sur les propositions paysannes pour faire la LOA. En marge du processus paysan, il y a eu des consultations auprès des offices, structures, des agents du ministère. Des choix ont été difficiles car il y avait des choix à prendre, et le Président a tranché. »

Il met en avant les difficultés rencontrées actuellement :

(( On a péché sur 2 dimensions : textes et pratique. Une chose est de faire les textes, autre chose des décrets. Daouda Diarra fait ce qu'il peut, anime sur le terrain, le Président devrait agir pour entendre la bouche du milieu rural. '>

Il pointe du doigt aussi les faiblesses de la CNOP. Elle semble déphasée aux yeux du ministère :

(( La CNOP au lieu d'envoyer un document de stratégie *pour cet atelier et qui date de juin 2008++ vous auriez du faire des contre propositions, apporter des convictions. Que la CNOP fasse des propositions. Les propositions doivent se suivre dans la continuité, il y a eu une feuille de route, il faut assumer les cadres, il faut des conventions, mais si vous ne proposez pas, pas de convention. La convention de 2004 s'engageait sur l'élaboration et malheureusement pas sur la mise en oeuvre de la LOA. Composez avec 2004 une convention 2009 car il faut un cadre juridique ! '>.

En janvier 2010, la CNOP assure avoir envoyé une proposition de convention au Ministère de l'Agriculture et n'a eu aucun retour. En posant la question a CISSE il me répond qu'il n'a rien reçu, (( qu'en tout cas ce n'est pas arrivé sur son bureau »! Encore une défaillance dans le système ou une volonté de certains fonctionnaires de brouiller les relations ? Un paysan interpelle :

((Comment faire pour dépasser les problèmes et remettre de la stratégie ensemble et c'est l'objectif visé de l'atelier: la CNOP doit retrouver son rôle dans la mise en oeuvre de la LOA... Aujourd'hui il faut remettre en place une dynamique, car il y a des textes légaux qui sont venus sans que la CNOP soit avertie ». Un élu CA, adhérent de la CNOP, va dans ce sens aussi (( Il faut saisir cette opportunité, la balle est dans notre camp, saisissons cet accompagnement, et remercions le ministère. Il y a des piétinements mais nos intérêts sont communs. Nous devons oeuvrer ensemble a sa mise en oeuvre, a partir de nos préoccupations propres. »

Puis les OP expriment leur désarroi face au processus en cours :

(( Chaque projet de décret et de loi devrait être analysé par la CNOP. Il y a une coupure du dialogue. Chaque décret doit être présenté et l'avis doit être collecté : il nous faut du temps. Tous les acteurs doivent être intéressés par la mise en oeuvre des textes. La CNOP veut récupérer le leadership. La CNOP a la capacité d'organiser des ateliers pour récolter les préoccupations de la base. La mise en oeuvre doit être testée ...la loi devrait être adaptée à chaque région en fonction du mode de production locale.'>

Elles insistent sur le fait qu'elles n'ont plus les moyens de consulter leur base :

(( Le processus doit être dynamique et la CNOP doit permettre que les potentiels s'expriment pleinement. La CNOP doit encadrer le processus. Elle doit avoir les moyens de la concertation et être appuyée par la base de tout bord. Les compétences paysannes sont la base de la transmission. Il faut de la stabilité pour le portage de dossier par les élus. '>

Tout au long de cet atelier il y a eu des mises au point entre CNOP et ministères, mais aussi entre CNOP et APCAM. Les noeuds de tensions sont fortement ressortis. Malgré tout il existe chez la plupart des acteurs présents la volonté d'avancer sur la mise en oeuvre de la LOA. La convergence vat-elle se réenclencher ? Qui va vouloir et pouvoir reprendre les choses en main ? Est-ce que le dernier CEN va remplir ce rôle ?

10.1 QU'ATTENDRE DU DERNIER COMITE EXECUTIF NATIONAL (CEN)?

L'article 197 stipule que « L'évaluation de la politique de développement agricole se fait tous les deux ans par les structures compétentes », devrait enfin être appliquée au CSA de mars 2010, avec 2 ans de retard !

Le CEN du 21 mars 2008 recommandait par la voix du Premier Ministre de : Désigner les points focaux pour impliquer les compétences nationales Intégrer dans les activités 2008/2009 la loi sur le statut des exploitants Réduire les coûts du plan d'opérationb2008/2009

Rédiger la note de présentation du plan d'opérations

Sur les points spécifiquement opérationnels, comme nous l'avons vu les points focaux ne fonctionnent pratiquement pas à ce jour, la loi sur le statut piétine et le budget a été revu à la baisse.

Le CEN du 13 novembre 2009 qui a duré 1 heure, semble faire transparaitre le malaise et les lenteurs qui entourent la mise en oeuvre de la LOA. Chacun par ses déclarations reflète cette situation :

Le SP :

(( Organiser des débats thématiques au niveau des services techniques du secteur agricole, que dans le Programme de Travail Gouvernemental des départements techniques, soit pris en compte les activités et recommandations du CSA et redynamiser les CER ».

A noter que les suggestions du SP sont les mêmes que celles du dernier CSA, révélant l'immobilisme entre les 2 sessions. S'il y a eu des débats au niveau des services techniques ils ne se sont pas révélés efficaces lors des ateliers comme nous l'avons vu. La LOA n'est toujours pas intégrée dans les taches gouvernementales, et révèlent les difficultés de cohérence entre les départements ministériels. L es CER ne sont toujours pas opérationnels

La Commissaire à la sécurité alimentaire :

(( Établir une meilleure visibilité dans la mise en oeuvre de la LOA et propose que les projets de textes avant leur adoption par le Gouvernement fassent l'objet de concertation et de partage par tous les acteurs concernés

(( Prendre en compte les dernières recommandations faites au dernier CSA ».

Les remarques de l'ancienne responsable du CIFA prennent un certain relief lorsqu'elle déplore l'absence de dialogue et de la non sollicitation de tous les acteurs a l'inverse de ce qui existait et qu'elle souligne le non respect des recommandations ».

Le Président de la CNOP a fait part :

« De la nécessité de s'assurer que les textes élaborés soient opérationnels

Du besoin de procéder à des expériences pilotes par rapport a l'enregistrement et l'immatriculation, les commissions foncières

que la LOA manque de leadership «

Il parle même de la « crainte des producteurs ~ face a une LOA qui n'est plus prise en main et qui s'éloigne de leurs préoccupations. L'expérimentation est une demande forte des OP dont les Chambres d'agriculture ont la responsabilité et/ou les services décentralisés.

Le président de l'APCAM

Annonce le début de l'expérimentation de la procédure d'enregistrement et d'immatriculation dans 5 communes rurales, qui aurait déjà du être mise en place comme prévu sur le décret daté du 31 décembre 2008. En réalité les premières réunions sur le sujet n'auront lieu qu'après le CEN.

De même pour les commissions foncières dont le manque d'application avait été plusieurs fois relevé, alors que le décret était sorti depuis le 19 janvier 2009, et qu'il pouvait répondre pour parti aux conflits. Le SP confirme le 7 janvier « Pour les commissions foncières je reviens du terrain, on met ça en place sur cinq communes à Kadiolo cercle de Sikasso ».

Le mécontentement général et l'arrivée du prochain CSA forcent l'APACAM a réagir Le Directeur de la Primature

«Exprime son inquiétude quant à la réalisation effective des activités programmées avant le prochain CSA, car à ce jour il y a un faible taux de réalisations des activités exécutées au cours de l'année

Demande aux membres du CEN de faire des propositions par rapport a l'opérationnalisation des textes déjà adoptés mais aussi pour la réalisation des activités programmées avant la fin de l'année 2009.»

Même la voix gouvernementale dénonce l'inertie de la LOA Le premier ministre tance à priori le CEN :

« En rappelant par 2 fois, en début et fin de séance, aux départements ministériels la nécessité et l'urgence de prendre les mesures appropriées en vue de suivre l'opérationnalisation des dispositions de la LOA et de ses textes d'applications

En demandant de faire pour les prochaines cessions l'état des textes adoptés et des décrets72 et la nécessité d'une présentation de l'état de tous les secteurs Agricoles

En faisant par de son inquiétude de la non adoption des textes relatifs au FNDA. Lors de mes entretiens l'explication qu'on me donnera c'est que le ministre de l'Économie et des Finances est réticent a ce fond, mais maintenant il allait devoir s'exécuter après ce « coup de gueule ». Effectivement quelques jours plus tard était annoncé la création d'un compte d'affectation spéciale, confirmé lors de l'entretien du 7 janvier 2010 avec le secrétaire permanent. « Ca y est le FNDA va avoir 10 milliards, c'est pratiquement fait, ça sera opérationnel dès la première campagne »

En réclamant au SP de préparer un rapport analytique de l'état de mise en oeuvre de la LOA et ses textes `applications pour la prochaine session (CSA de mars 2010) et d'inscrire a l'ordre du jour du CSA « les préoccupations des acteurs du secteur Agricole, des exploitants agricoles....pour orienter les interventions futures du Gouvernement

En procédant a une priorisation des textes d'application en fonction de leur nature, leur impact et leur intérêt ».

Mais comme le souligne un membre du Ministère de l'Agriculture :

« En tout cas à la dernière session le premier ministre s'est comporté plus comme un porteur de la LOA que comme Premier Ministre. Il soulignait le manque d'expérience sur le terrain par rapport aux textes sortis et il a exhorté les départements a s'activer et la volonté du pouvoir a aller vers la mise en oeuvre. 2010 doit être l'année de la mise en oeuvre pratique ! »

72 C'est un document récapitulatif, que j'ai eu juste avant de partir vers le 10 janvier 2010

Si 2010 doit être enfin, l'année de mise en pratique de la LOA, des décisions doivent être prises a plusieurs niveaux. Mais qui peut les prendre, quelle volonté ou soutien politique existent actuellement alors que toutes les structures soit étatiques ou paysannes sont divisées? C'est l'objet du prochain paragraphe.

10.2 REMETTRE LA CONCERTATION AU COEUR DU PROCESSUS

Comme nous l'avons vu la concertation déléguée aux OP lors de l'élaboration a été une des clefs de réussite de cette phase, actée par le vote de la LOA « applaudie par tout le monde ~. L'autre facteur essentiel a été la volonté forte et cohérente de l'État « dans une approche volontariste du Président de la République de porter une LOA pour sortir l'Agriculture de la situation dans laquelle elle est plongée afin qu'elle devienne réellement le moteur de l'économie nationale ... et qui oblige l'ensemble des acteurs » 73. De son côté la CNOP rappelle dans son POS « La LOA fait obligation a l'État d'engager des concertations avec les OP. »

10.2.1 La concertation un facteur clef de réussite

Pour mémoire une des revendications fortes des OP au moment de la mise en oeuvre est d'avoir les moyens de mener des concertations pour être efficace tant avec les paysans qu'avec l'administration. Considérant que sans cette phase, ils ne sont pas suffisamment « armés ~ d'un message collectif et argumenté, surtout pour participer à des textes officiels.

Mais qu'entend-on par processus de concertation ? A quel stade en est le processus de concertation ? Si il existe encore quelles perspectives lui donner, avec quelles conditions favorables ? Nous allons tenter dans un tableau, la comparaison du processus de concertation entre la phase d'élaboration et celle de mise en oeuvre de la LOA à partir des conditions de réussite des travaux de BEURET74. A Noter que ses travaux se sont déroulés a l'échelle locale alors que nous sommes ici au niveau national. Mais d'abord cheminons dans quelques définitions.

10.2.2 Définitions

La concertation est l'un des termes qui semble le plus flou dans les écrits des chercheurs comme dans les textes et les propositions des décideurs publics (BEURET, 2006). D'oü une des premières questions pertinentes que la CIFA s'était posée en cherchant quelle gouvernance mettre en place pour mener la concertation en laissant la parole aux OP et ensuite comment la pérenniser via des instances.

« La concertation par rapport a la consultation ou a la négociation, c'est la construction collective d'objets qui vont devenir communs aux participants et sur la base desquels pourront émerger des initiatives, des décisions, des règles, a l'issue ou en aval de la concertation proprement dite. La concertation peut n'induire ni décision ni action collective, mais elle crée des références communes qui rendent possibles l'action et la décision collective. La concertation est un processus de construction collective de questions, de visions, d'objectifs et de projets communs relatifs à un objet. (BEURET, 2006)»

73 Document d'Élaboration et d'introduction aux débats de la LOA

74 Article published by EDP Sciences and available at http://www.edpsciences.org/nss or http://dx.doi.org/10.1051/nss:2006005 J.-E. BEURET et al. : Natures Sciences Sociétés (2006)

Concertation :

Lamoureux, Galléty et Rousset75 l'associent a une forme renouvelée de consultation, oü le gouvernement conserve toute l'autorité décisionnelle ou tout au moins la concertation serait une négociation amputée de tout pouvoir décisionnel. Selon Mermet76 la concertation est moins avancée qu'une négociation, car elle ne cherche pas forcément une prise de décision d'un commun accord, le pouvoir de décision restant a l'initiative du maître d'ouvrage ou de l'administration.

Consultation :

La consultation n'offre aucune garantie quant a l'ouverture d'un dialogue entre les acteurs et celui qui consulte s'emploie parfois a éviter un débat qui donnerait un pouvoir aux acteurs locaux en leur permettant de se construire une vision commune : ceci constitue une différence majeure avec la concertation.

Négociation :

Pour BEURET la concertation va plus loin que la négociation sur d'autres plans, car, alors que la négociation vise a décider sans obligatoirement comprendre l'autre, la concertation vise a construire des objets communs essentiels pour l'avenir. Elle laisse par ailleurs les acteurs libres de construire ensemble la question posée.

Gestion concertée :

La gestion concertée fait appel à la concertation pour dépasser les divergences de perceptions, d'intérêts et de positions en vue de construire une gestion cohérente et coordonnée d'un bien soumis a différents usages.

10.2.3 Tableau comparatif sur la concertation entre l'élaboration et la mise en oeuvre de la LOA

Tableau 5 : comparatif sur la concertation entre l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi

Critères de concertation réussis

d'après BEURET

Traduction dans le processus

d'élaboration

Traduction dans la mise en

oeuvre

Construire des objets de

concertations qui correspondent à une préoccupation commune essentielle pour l'avenir. Cet objet donne lieu à des controverses.

Répondre aux enjeux de l'agriculture, moteur de l'économie en reconnaissant le rôle des paysans et des paysannes a travers l'agriculture familiale controverse récurrente au pays.

La vision globale qui devrait être
assurée par le SP est dissoute
dans chaque département

ministériel sous la plume des

juristes et dans l'esprit de
défendre son « pré-carré »

La concertation crée des

références communes qui rendent possibles l'action et la décision collective.

La concertation a crée des références
communes à travers le texte de la

LOA voté a l'unanimité par les

députés et « applaudi par tout le

monde ».

Il n'y a plus de concertations,

Résultats des textes

d'application insatisfaisants
sans références communes.

La réponse commune s'élargira au

Partie d'ATT/CIFA/CNOP elle s'est

Le réseau se rétrécit et se

75 BEURET, 2006

76 BEURET, 2006

fur et à mesure du processus, condition sine qua non de l'élargissement du réseau ...qui est un ensemble d'entités humaines, individuelles ou collectives, défini par leur rôle, leur identité.

Le réseau relie toutes les entités qui participent au problème et à la recherche de solutions permettant de passer de l'acceptable au souhaitable.

La dynamique engagée et, au-delà du dialogue. La mise en place de porte-parole, de supports d'information mutuelle, de règles de dialogue... permet de consolider le réseau qui porte la concertation et les accords qui pourront en résulter.

La concertation doit être vue
comme un processus de

construction collective d'une innovation sociale, portée par un réseau dont la consolidation et l'élargissement déterminent le succès

L'intérêt de la concertation par rapport à la consultation ou à la négociation, c'est la construction collective d'objets qui vont devenir communs aux participants et sur la base desquels pourront émerger des initiatives, des décisions, des règles, a l'issue ou en aval de la concertation proprement dite. C'est un processus de construction collective de questions, de visions, d'objectifs et de projets communs relatifs a un objet...

élargie a tout l'appareil étatique des ministres aux services en passant par l'APCAM, a touché plus de 4000 paysans et paysannes et a eu recours à des personnes qualifiées.

Les nombreux débats internes et externes dans toutes les catégories socioprofessionnelles du secteur attestent de cette volonté de passer de l'acceptable au souhaitable.

Elle a mis en avant des personnalités du CIFA et des responsables d'OP. Une stratégie de communication a été mise en place : documentaire,

réunions jusqu'à l'échelon local, émissions radio, télé, diffusion de documents en langues nationales, internet

De l'élaboration au vote la LOA est une innovation sociale. Le réseau a été élargi et consolidé, voir sous contrôle, amenant au succès.

C'est dans cet esprit que la démarche a été mise en oeuvre. Même s'il y a des phases de consultation (CIFA/CNOP la première année lors des premiers pas au sein de l'État), vis-à vis de l'APCAM/chambre d'agriculture pour aboutir a une négociation au moment de l'écriture des articles de la loi et du vote a l'AN, il y a bien eu concertation. On est passé d'une ossature de loi étatique a une écriture des textes par les paysans, il y a bien eu une construction collective étalée sur trois ans. Seules les chambres d'agriculture

compartimente en fonctions des identités et de leur rôle entrant dans une phase de consultation pour arriver à un (( accord qui se noue via une réduction drastique de ce réseau ».

Il n'y a plus de réseau, de relais entre les identités, plus de débats : les points focaux et les CER ne fonctionnent pas, les ateliers administration/ paysans sont des dialogues de sourds, les paysans n'ont plus les moyens de faire des concertations et (( ne réclament pas » dans les CSA et CEN.

La dynamique est en panne, sans (( leadership », sans échanges. La parole paysanne est étouffée malgré les règles de dialogue instaurées. La sonnette d'alarme est tirée mais ne consolide ni la concertation ni les accords. Le moyen le plus rapide d'aboutir a un accord étant de marginaliser les participants qui ont des points de vue et des références différents dans la consultation.

L'innovation sociale s'est

arrêtée au seuil de l'Assemblée nationale lors du vote de la loi. L'essai n'est pas transformé.

A cette phase là on n'est plus dans la concertation mais soit dans la négociation qui (( vise à décider sans obligatoirement comprendre l'autre~, soit dans la consultation qui (( n'offre aucune garantie quant à l'ouverture d'un dialogue entre les acteurs et celui qui consulte s'emploie parfois a éviter un débat qui donnerait un pouvoir aux acteurs locaux en leur permettant de se construire une vision commune : ceci constitue une différence majeure avec la concertation » :

ont été marginalisées.

les départements ministériels et l'APCAM sont soit dans l'une ou l'autre posture. Il n'y a plus de construction collective. Il n'y a plus de processus de

construction collective car l'administration a repris la main, et l'APCAM sert de « portevoix» consultatif.

La légitimité des acteurs admis à participer et les objectifs poursuivis par le processus ne sont pas donnés a priori, mais sont construits par le processus.

Le jeu d'acteurs étudié se trouve limité à ceux qui participent à la procédure ou a l'instance, qu'ils s'y opposent ou la soutiennent. La participation est volontaire car l'individu est acteur du processus (alors qu'il peut subir une consultation de façon relativement passive ou être convoqué à une négociation).

Le processus peut être « induit » par les pouvoirs publics ou se développer de façon autonome, entre des acteurs dont l'objectif est soit de se forger une position commune à défendre auprès des décideurs, soit d'agir ensemble indépendamment de la puissance publique

Le décideur public, peut décider de déléguer au collectif une partie de son pouvoir de décision, mais rien ne l'oblige a le faire. S'il le fait, ceci devient une règle qu'il devra respecter. Les règles du jeu vont être là aussi l'objet d'une construction collective.

La gestion concertée fait appel à la concertation pour dépasser les divergences de perceptions, d'intérêts et de positions en vue de construire une gestion cohérente et coordonnée. Elle ouvre un espace doté des propriétés d'un

Le processus a permis à tous les acteurs d'y participer au fur et a mesure dans le cadre de cette construction. La légitimité des paysanne-s à tous les acteurs étatiques, décentralisés ou paraétatiques, bailleurs de fond reposait sur leur implication effective déjà dans le secteur.

Certains ministres, fonctionnaires, et l'APCAM étaient en opposition et/ou en résistance car ils perdaient de leurs prérogatives antérieures. Dans ce cadre là ils ne couvrent pas le champ de participation volontaire, ils l'ont plutôt subi.

Le processus a bien été induit par les pouvoirs publics. Il s'est développé de façon autonome lors de la prise en main de la concertation par la CNOP attesté par un Mémorandum paysan.

L'État a délégué la LOA à la CIFA puis la concertation en moyen humain et financier à la CNOP pour toucher la population rurale. Les règles du jeu ont été construites collectivement pour mettre en place une gouvernance. Elles ont été respectées notamment avec la mise en place d'une convention.

L'élaboration s'est bien déroulée en gestion concertée, cohérente et coordonnées par la CIFA puis la CNOP. Elle a réussi à dépasser les divergences par de nombreux débats dans des espaces publics et/internes aux services étatiques: réunions

La légitimité des acteurs,

surtout des organisations paysannes, chevilles ouvrières avec la CIFA de la première phase, est remise en cause.

Même si volontairement les OP
participent à certains espaces
de concertation, ils sont

démunis parce que la concertation n'existe plus tant au sein de leurs structures que dans les espaces prévus où ils sont plutôt en situation de consultation et/ou négociation.

Les départements ministériels ont repris en main la partie mise en oeuvre, chacun de façon autonome mais sans objectif de forger ensemble une position commune.

L'État a délégué au Secrétariat permanent la mise en oeuvre « sans pouvoir, ni moyens » sans règles réelles.

Il n'y a plus de gestion concertée. Est-ce que l'atelier national de stratégie concertée pour la mise en oeuvre de la LOA d'octobre 2009 permettra de remettre de l'huile dans les

espace public : liberté et

autonomie des citoyens pour la

formation par la raison d'une opinion et d'une volonté collective (Habermas, 1978) .

locales et nationales, ateliers

thématiques qui ont vu émergé une opinion et une volonté collective.

rouages ?

L'itinéraire de concertation est

marqué par une progression dans le dialogue (positive ou négative) des «événements» extérieurs qui l'influencent et d'éventuelles interventions visant à favoriser son avancée.

Il y a bien eu une progression dans le
dialogue, avec une volonté

interventionniste de l'État pour

favoriser son avancée en affichant une bonne gouvernance demandée par les paysans et les bailleurs de fonds.

Régression plutôt que

progression. Reste des contacts
bilatéraux survivance du réseau
antérieur. Arrivée de

chercheurs en tant que relais futurs comme les retraités, les mutés qui voient leur «bébé se noyer».

Un itinéraire va souvent évoluer

sur plusieurs scènes.

Deux scènes principales : celle interne a l'appareil étatique, et celle des paysans qui parfois se confrontaient surtout dans les réunions délocalisées.

Des multitudes de scènes

cloisonnées où la division et le dialogue de sourds prédominent.

Le réseau et l'objet de la

concertation, lorsqu'elle s'engage, sont toujours très restreints. La concertation prend forme sur des scènes de concertation autour

desquelles s'articulent les
échanges entre acteurs.

Au départ le réseau de la concertation était bien restreint alors que l'objet de la concertation concernait 80% des malien-e-s avec qui des échanges ont bien eu lieu.

Le réseau restreint du départ

CIFA/CNOP qui était des

moteurs, des animateurs et

coordinateurs n'existe plus. Chaque acteur qui était partie prenante a refermé le cercle de la concertation.

A la lecture de ce tableau, il ressort clairement que la phase d'élaboration était bien une concertation et la mise en oeuvre oscille entre consultation et négociation, quand celles ci existent.

Pour réussir cette concertation, comme nous avons essayé de le faire ressortir tout au long de cette étape, il a fallu que le plus haut sommet de l'État via la CIFA use de tout son poids pour :

convaincre les fonctionnaires

imposer à certains ministres à se plier à cette démarche

signifier a l'APCAM qu'elle n'était pas le porte-voix des paysans et paysannes.

Ces acteurs confrontés à une autre logique étatique, sont souvent entrés en opposition, en résistance ou se sont effacés. Au moment de la mise en oeuvre, le décor a changé. De nouvelles élections présidentielles avec les inévitables remaniements ministériels tant politiques que liés à des départs en retraite, de nouvelles affectations de budget ont redistribuées les cartes. Ceux qui se considéraient lésés lors de l'élaboration ont le champ libre pour reprendre leurs prérogatives.

Cette situation est clairement expliquée par le SP qui doit coordonner les débats entre tous les acteurs et harmoniser les ministères, évoquant les blocages et lenteur :

«Cet outil, la LOA on va le faire avancer...C'est un apprentissage, c'est notre première LOA, il faut qu'on change nos habitudes, comment progresser ensemble dans l'intérêt général, pour le bien public, rompre avec les anciennes pratiques, apprendre a travailler collégialement, c'est pas automatique...Le changement se dit mais ne se réalise pas facilement !. Je reste convaincu que c'est une chance pour le Mali d'avoir réussi a sortir une LOA innovante qui offre des outils pour permettre d'avancer. Oui il y a du retard mais ce n'est pas un problème, le sujet est complexe il faut prendre le temps. Il estime que la participation surtout des organisations paysannes est garantie « Un point est fait au ministre tous les 6 mois. Un tous les ans directement avec le Président. Cette configuration assure la participation des acteurs. On n'a besoin de

personne pour écrire les décrets ! Il y a deux phases différentes. On s'est mis d'accord au moment de l'élaboration, maintenant c'est a l'État d'appliquer ! »

Donc pour l'organe responsable de la LOA, le SP, la concertation voire la gestion concertée n'est plus d'actualité, hormis dans les instances de gouvernances. Le résultat est que la LOA « piétine » et ne correspond plus aux aspirations des paysan-ne-s.

Au vu de tous ces éléments quels sont les facteurs qui pourraient redonner une dynamique au processus au moment de la mise en oeuvre ? Quelles sont les nouvelles conditions et éventuellement les nouveaux acteurs qui pourraient intervenir ? Quelles pistes privilégier pour remettre de la stratégie collective et porter jusqu'au bout l'espoir qu'avait suscité la LOA ?

10.2.4 Reconstruire de la stratégie concertée

Cette partie a été inspirée par le document de stratégie collective de l'agence de coopération allemande GTZ. Le concept de stratégie vient du grec. Comme beaucoup d'autres notions utilisées dans les sciences de la gestion, c'est un terme d'origine militaire, qui désignait a l'origine l'art de conduire les armées (stratos = armée, agein = conduire). Carl Von Clausewitz, général prussien du XIXe siècle, développe dans son livre « De la guerre » le concept de stratégie. Il met l'accent sur « la nécessité de s'orienter vers des objectifs a long terme, par une délégation plus poussée du pouvoir de commandement vers les échelons hiérarchiques inférieurs ». Cela permet de réagir avec plus de flexibilité aux mouvements imprévus et aux conditions changeantes de l'environnement, et de fixer les marges de manoeuvre des unités subordonnées. Il aborde aussi les aspects comportementaux tels que l'audace, la motivation, la persévérance, la ruse et le rapport entre tension et détente, innovation et routine. L'orientation stratégique influence de façon décisive la vision éthique qui forme alors « le cadre d'une culture organisationnelle » qui dépend du degré de cohérence et d'harmonisation de toutes les activités. Cette stratégie est assurée par des conventions et règles qui régissent les structures et les processus, avec des rôles clairement définis et une vision commune. En règle générale, nos actions intentionnelles et planifiées reposent sur les connaissances dont nous disposons, qui doivent être sans cesse étendue pour éviter de répéter ce que nous avons déjà l'habitude de faire.

Cette grille d'analyse de la stratégie collective, construite pour comprendre la stratégie d'une organisation, est ici utilisée pour analyser les stratégies d'un ensemble d'organisation (CNOP, le gouvernement;...) qui se concertent pour adopter une orientation commune.

Une lecture à travers le tableau ci-dessous permet de faire ressortir les points des différents critères entre les 2 phases de la LOA, l'élaboration et sa mise en oeuvre :

Tableau 6 : différents critères stratégiques

Actions clefs stratégiques

Élaboration

Mise en oeuvre

Objectif à long terme

Oui

?

Délégation de pouvoir

- État : CIFA/rattaché à la

présidence directement

-OP/CNOP : concertation,

diffusion de documents

-État: SP rattaché au Ministère de l'Agriculture

- OP/CNOP : aucune

Flexibilité de réactions

Oui

non

Conditions changeantes

environnementales

stable

instable

Marges de manoeuvres

ouverte

faible

Comportements humains (audace, persévérance...

oui

 

non

Rapport tension/détente

 

En alternance

 

Tension pas de détente

Innovation et routine

 

Innovation

 

Routine

Mise en place d'une

organisationnelle

culture

oui

 

non

Degré de cohérence

harmonisation

et

Volonté d'y arriver

 

Aucune volonté

Conventions et règles

 

Existantes

 

A peine existantes

Rôles clairement défini

 

oui

 

non

Vision commune

 

oui

 

non

Connaissances

 

Élargissement par

concertations sur tout
territoire

les le

Restreint

Ainsi on peut en déduire qu'il y a bien eu l'existence d'une stratégie collective au moment de l'élaboration et qu'au moment de la mise en oeuvre, elle n'existe pas voir qu'il n'y a plus de stratégie collective.

Remettre de la concertation et de la stratégie collective apparaissent comme des leviers sur lesquels agir de suite malgré le fait que de nombreux points relevés ne peuvent être régler du jour au lendemain. Nous allons répertorier les actions opérationnelles possibles rapidement.

11 UNE LISTE NON EXHAUSTIVE DE RECOMMANDATIONS

11.1.1 Au niveau institutionnel

En 2012, de nouvelles élections présidentielles et des CA vont focalisées les attentions et encore apporter des changements : des personnes en poste vont bouger, d'autres vont arriver, avec quelles ambitions ? Aujourd'hui selon les voeux de la nouvelle année d'ATT les perspectives qu'il a dressées sont orientées vers :

les grands chantiers financés par le PEDES, le CRSCP sont mis en avant comme des échangeurs, des bâtiments, des routes, cinquantenaire des Indépendances en septembre 2010 oblige. Le barrage de Taoussa étant la seule référence faite a l'agriculture.

une révision de la Constitution

un redécoupage des régions, cercles et communes.

Pourtant en attendant, à mon avis des décisions pourraient être prise, et remettre du liant dans le processus à condition qu'il y est de la volonté de voir la mise en oeuvre de la LOA aboutir dans des conditions satisfaisantes pour tous.

Faire une évaluation complète et objective de l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la LOA

Il y a urgence a reconstruire une entité forte, en qui la présidence a toute sa confiance a l'image de la CIFA pour assurer une bonne gouvernance, cohérence et construction collective entre les ministères, redonner la parole et les moyens d'agir aux OP en respectant le temps d'être force de proposition en donnant le temps et les moyens .

Budgétiser une ligne de financement permanent pour les syndicats paysans- elle existe pour les syndicats ouvriers- leur permettant d'agir, réagir, de faire des propositions en toute autonomie

Faire fonctionner les instances de gouvernance dans le cadre de leur prérogatives, pour réellement suivre la mise en oeuvre de la LOA, faire respecter les procédures, « revoir la copie » sur certains points : représentation par exemple

Redéfinir et respecter le rôle de chacun sans s'immiscer

Que l'État respecte lui-même ses engagements vis-à-vis des CT et ose attaquer de front la politique foncière malienne et la corruption y afférente.

Prévoir un programme de formation accessible en plusieurs langues tant du côté de l'administration que de la population en général pour s'approprier le système législatif afin d'écrire des décrets opérationnels et compréhensibles par tous.

Inciter les bailleurs de fonds a poursuivre dans le même esprit que lors de l'élaboration, répondre à la demande plutôt que de défendre leurs intérêts.

11.1.2 Au niveau des organisations paysannes

« L'État ne peut pas ouvrir les portes de la délégation de pouvoir et la refermer, mais les OP doivent être a la hauteur et reprendre leur place. »

Débattre au sein de la CNOP de la vision que les élu-e-s doivent porter et de sa fonction. Reste t-elle « un cerveau ~, un syndicat généraliste porteuse et défendant une vision collective et transversale comme l'EAF, la souveraineté alimentaire, l'agriculture paysanne ? Ou - pour des raisons financières ?- se met elle en concurrence sur les prestations de services -offertes par la LOA face au désengagement de l'État- avec les autres OP avec une vision filière? Ce choix avait été clair lors de la naissance de la CNOP. Il semble plus flou aujourd'hui au risque de se mettre en rivalité avec l'AOPP, les CA.

De clarifier les rôles entre CA/APCAM et les OP et particulièrement la CNOP. Au-delà des déclarations d'intention faites lors de l'atelier de concertation quelle sera la réelle volonté de parler d'une seule voix ? Estce le bon choix ? Peut-être est-il temps de couper le cordon, et d'afficher clairement les rôles, et d'affirmer qu'il y a bien deux entités. La stratégie d'investir les Chambres d'Agriculture pourrait être poursuivie si la vision collective et les objectifs sont clairs. Cela permettrait de parler d'une seule voix, d'être dans les consultations, d'avoir accès a du financement. Au niveau de l'APCAM les marges de manoeuvres sont plus restreintes, c'est peut-être là que la différentiation doit se faire. Si les OP ne font pas cet exercice la confusion continuera, les tensions perdureront au détriment des paysan-ne-s et au bénéfice de l'État, ou du moins de l'appareil administratif. Il faut alors mettre en place une stratégie en fonction du choix et la respecter. Dans tous les cas actuellement chacun revendique le fait de porter la parole de toute la paysannerie, à la différence que par les textes l'APCAM est automatiquement consultée et écoutée, pas les OP.

Selon les options choisies elles doivent :

Revoir leur fonctionnement, leur représentativité. Par exemple des fissures existent aussi entre le national et le régional entravant leur implication dans les structures décentralisées. Le fait que la CNOP n'a pas de représentation régionale celle-ci étant assurée par les organisations membres de l'AOPP accentue les difficultés de cohérence.

Assurer la transmission des dossiers et le renouvellement des élu-e-s, bien définir leurs mandats

Se former et s'appuyer sur les ressources humaines tant interne qu'externe sans les cantonner dans le seul rôle de consultants passage presque obligé pour avoir du financement alors que la plupart apporte peu pour ne pas dire rien. Rechercher du côté des réseaux paysans, associatifs, chercheurs, universitaire nationaux et internationaux. Les ONG avec qui elles travaillent leur apportent du soutien logistique mais ne les aiguillonnent pas assez dans leurs réflexions.

Réagir vite pour continuer à assurer la crédibilité et sa place mais qui veut de la CNOP aujourd'hui ? S'appuyer sur son bilan positif pendant l'élaboration, sa capacité a porter une vision collective, son réseau national et international, la force et la richesse de ses membres. Montrer que la CNOP existe en se mobilisant fortement sur le foncier par exemple. Que la CNOP redevienne l'interlocuteur incontournable tant pour les paysans que pour les institutions.

Si le processus de concertation est largement pratiqué en amont dans tous les secteurs, c'est a l'application des textes que les problèmes se posent, quand ils existent. ! Lors des EGF une commandante de cercle dénonce cette dérobade « le Code Domanial comprenait 8 TITRES et 282 articles. On avait introduit 9 décrets, 8 furent votés et annoncés à la télé, puis ils ont disparu. On ne veut pas gérer le foncier. S'il y a incohérence, il faut se demander si on veut vraiment des lois ! ».

CONCLUSION

« Aujourd'hui à part des textes il n'y a rien, les problèmes des paysans restent entier » déclaration du secrétaire général du SEXAGON

L'hypothèse centrale était juste : la CNOP a bénéficié d'un fort soutien politique au moment de l'élaboration de la LOA. Par contre, lors de la mise en oeuvre, elle n'était plus présente, ce qui a entrainé « le retour » d'acteurs qui avaient été mis de côté au moment de l'élaboration (fonctionnaires et APCAM).

Les évolutions du soutien politique à la CNOP au moment de l'élaboration puis à la mise en oeuvre coïncident avec les 2 temps électifs du chef de l'État.

Lors de son 1er mandat (2002-2007), élu sans parti, Amadou Toumani TOURE (ATT) avait la confiance de la population, des acteurs sociétaux et politiques. Il était celui qui avait ouvert la voie à la démocratisation, après les évènements de 1991. L'agriculture est déclarée « moteur de l'économie » dont la LOA serait « l'instrument fédérateur. Elle constitue le socle de la politique générale de développement agricole pour l'horizon 2025 »

La Cellule Infrastructure et Filières Agropastorales (CIFA), composée de fonctionnaires convaincus, pour qui la LOA devait être écrite par les paysans jusqu'alors « méprisés », sera la cheville ouvrière, le « bras armé » d'ATT pour l'élaboration de la LOA. Cela c'est traduit par une délégation des concertations aux paysans via la CNOP, 4000 paysans y ont participé. Les fonctionnaires qui d'habitude « écrivaient les lois dans les bureaux » et l' APCAM jugée non représentative du monde paysan, ont suivi à contre coeur, ce nouveau processus où « ils ne seraient pas les maitres du jeu », malgré de nombreux débats menés en interne.

Composée de 7 Titres, 33 chapitres, 200 articles la LOA a été votée à l'Assemblée nationale le 16 aoüt 2006 à l'unanimité et « applaudie par tout le monde ». « C'est vraiment en l'état que le projet de loi est sorti comme le voulait les producteurs » et le Président de la République.

Si les « sans voix » étaient pris en considération et défendaient leurs idées dans la rue ou dans les institutions : refus des OGM par le Conseil des ministres en 2004, LOA en 2006, APE toujours pas signés, le contexte général lui s'est dégradé, comme développé dans la partie A]. Les maigres recettes fiscales et la corruption ne permettent pas au Mali d'être souverain dans sa gestion, aggravant l'endettement du pays. La décentralisation s'enlise, la gestion foncière n'a toujours pas de règles claires, les conflits fonciers se multiplient, l'exode rural et la pauvreté s'accentuent. C'est dans ce contexte « explosif » que se profilent les prochaines élections présidentielles, en juin 2007.

Au moment de son 2ème mandat (2007-2012), 35 partis se sont ralliés à ATT, réélu à 71%, en négociant chacun une part de pouvoir. Un nouveau gouvernement ne sera nommé qu'en octobre 2007 distribuant des postes au gré des complaisances politiques et/ou personnelles. Il y aura même un remaniement ministériel en 2008.

La réorganisation des services, le départ ou la mutation de fonctionnaires -comme ceux impliqués dans la CIFA, qui est dissoute et remplacé par un Secrétariat Permanent « sans pouvoir, ni moyen » - font que la mise en oeuvre de la LOA « piétine ». Il y a une fragmentation du pouvoir. Les acteurs écartés au moment de l'élaboration s'empressent de reprendre leurs prérogatives, défendant chacun leur pré-carré. A l'APCAM est nommé un nouveau Président qui a appelé à voter ATT. Il a de multiples responsabilités dans la filière coton, et est pro-OGM semant la discorde dans le monde paysan. Les instances de gouvernance prévues dans la LOA ont du mal à se mettre en place : le 1er Comité Exécutif National n'aura lieu qu'en mars 2008 suivi un mois après du 1er CSA. Les Comités Exécutifs Régionaux ne sont toujours pas en place.

Les préoccupations paysannes, sécurisation foncière et exploitations Agricoles familiales sont délaissées au profit de quelques investisseurs surtout extérieurs, à qui l'État, propriétaire de

« droit », loue des milliers d'hectare avec des baux emphytéotiques de 50 ans renouvelables une fois, tandis que les élites nationales jonglent avec « les papiers magiques » pour acquérir des terrains.77

Les politiques maliennes, et spécifiquement celles liées à la LOA, sont supplantées par des programmes tels que le Cadre Stratégique de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté, le Projet de Développement Économique et Social, qui permettent à ATT de marquer son passage en lançant de grands chantiers dont certains seront inaugurés pour fêter le Cinquantenaire des Indépendances. Ce qui est paradoxal car voulant profiter de ces mannes monétaires, le Mali se retrouve de plus en plus sous la coupe des « partenaires techniques et financiers ».

L'intégration régionale pourrait être une réponse porteuse d'espoir d'une construction collective africaine en encourageant chaque pays à se reposer la question quelle agriculture développer et pour qui ? La conclusion finale de la Conférence « Afrique 21 » estime que « Le réveil africain est en cours. .il doit s'appuyer notamment sur le développement de l'agriculture vivrière, l'Afrique ne doit plus importer »[ 78 : l'occasion de mettre réellement en adéquation les textes qui prônent la souveraineté alimentaire et la priorité aux exploitations Agricoles familiales et les choix faits sur le terrain, surtout au niveau de la gestion des terres étatiques.

Au moment de la mise en oeuvre, n'ayant plus de soutien politique fort, limitée par ses moyens humains et financiers, la CNOP est très fragilisée. Cette jeune coordination est née de la volonté de fédérer l'AOPP - fortement structurée sur le terrain- et les autres organisations paysannes maliennes. C'est un « cerveau » qui devient «le seul cadre autonome de représentation des OP du Mali, pour édifier un mouvement paysan crédible, porteur d'une vision paysanne basée sur la promotion socio-économique durable des exploitations agricoles familiales à travers une agriculture paysanne et la souveraineté alimentaire ».

77 Voir annexe 11

78 Conférence « Afrique 21 : les nouveaux défis pour l'Afrique », Cameroun, du 17 au 19 mai 2010,

Cette construction qui était facilement gérable et s'est avérée efficace au moment de l'élaboration s'avère ébranlée, « artificielle » au moment de la mise en oeuvre. Les liens avec les régions, la base qui s'étaient tissés lors des concertations se sont effilochés d'autant plus que la mise en oeuvre tarde à démarrer. Trois ans plus tard seuls 5 décrets sont sortis sur les 74 textes prévus et ils ne satisfont pas les paysan-ne-s certains dans l'écriture (interprofession) d'autres car ils ne sont toujours opérationnels (commissions foncières)!

L'entrisme de nouveaux élus avec des visions différentes sur l'agriculture décrédibilise et déstabilise la CNOP. Ces dissensions profitent aux fonctionnaires, à l'APCAM, et au-delà, au chef de l'État qui n'a plus qu'une « seule voix représentative » en face à lui. L'adage « diviser pour mieux régner » illustre cette situation, confirmant la 2ème hypothèse : cet affaiblissement du soutien politique après 2007 a conduit à des formes de déstabilisation de la CNOP qui a été fragilisé dans son fonctionnement interne.

Si la LOA a de nombreux outils pour répondre aux aspirations paysannes, leur mise en place est problématique. Les marges de manoeuvre sont étroites. La centralisation des décisions et les divisions, favorisent l'individualisme et l'opportunisme dans la gestion des textes, délaissant la cohérence et la dynamique que l'élaboration de la LOA avait engendrées. On est passé d'un processus de concertation et de gestion concertée à un processus de consultation, - quand il existe!-

Les exemples autour de différents textes ont illustré tout au long de ce mémoire les dysfonctionnements caractérisant le déraillement du processus, passant d'un monde d'ouverture à un monde fermé d'écriture juridique, aux ordres des politiques, occultant tout partage de vision collective confirmant ainsi la 3ème hypothèse : un décalage important s'observe sur la nature du processus de concertation entre l'élaboration et la mise en oeuvre. L'élaboration peut être considérer comme un « véritable » processus de concertation alors que ce n'est pas le cas à la mise en oeuvre.

Mais comment faire pour que les « préoccupations se retrouvent dans les décrets » demandent les OP au Ministère de l'Agriculture lors d'un atelier de concertation à l'automne 2009 ? A qui cela profite? En tout cas pour les paysan-ne-s la mise en oeuvre de la LOA n'est pas ce qu'ils espéraient. Leurs premiers pas avec le monde institutionnel les marginalisent à nouveau. Leur manque d'expérience et de moyens, -un membre de la CNOP dira même

« nous sommes out »- sont aussi des facteurs qui ont entravé leur investissement et efficacité dans cette phase, alors que la CNOP avait réussi à mobiliser et à être crédible lors de l'élaboration, mais elle était alors soutenue par la CIFA et le chef de l'État.

Aujourd'hui, la segmentation des pouvoirs, la confusion qui règne dans l'écriture des textes, le manque de lignes directrices laissent la porte ouverte à de nouveaux élus et aux acteurs qui avaient été écartés -peut-être avaient-ils été remis alors dans leur juste fonction?- . Cette déstabilisation et décrébilisation, est-ce un 1er pas pour récupérer la CNOP? Des élections

chambre d'Agriculture auront lieu en 2012, les « manoeuvres » auraient-elles déjà commencé comme nous avons essayé de le montrer?

Des acteurs gouvernementaux ou paysans, surtout ceux qui s'étaient investis dans la phase d'élaboration, estiment « qu'on est en train de noyer le bébé ». Ils ont envi d'avancer « de faire un pont au bout de 3 ans ». Mais sans volonté politique forte la situation risque peu d'aboutir à moins de reprendre sa place en instaurant un rapport de force comme le préconise leader paysan sénégalais : « ATT leur avait tout donné pour mener à bien la LOA. Ils ne bougent pas maintenant... ils n'existent plus. »79.

Au dernier CSA de mars 2010 des membres ont dit au Président « qu'il fallait sortir de l'immobilisme80 ». Qu'en sera-t-il? Nous n'aurons pas l'occasion de l'aborder dans ce mémoire mais la mise en oeuvre de la LOA est un défi à relever car c'est l'avenir du monde paysan et du Mali qui sont en jeu.

En 2012 de nouvelles élections arrivent et occupent déjà les esprits à lire la presse. ATT ayant épuisé ses 2 mandats, qui sera le prochain président? Quelles seront ses ambitions par rapport à la mise en oeuvre de la LOA.? Les dispositions finales (TITRE VII) offrent des possibilités de revenir sur les lois, seront-elles utilisées? Le Président de la Fédération Nationale des Jeunes Ruraux est en tout cas encore prêt à se battre:

« Il faut aussi que la CNOP reprenne toute sa place ... C'est à nous d'aller au SP, aux Ministres, nous devons aller forcer les portes, nous devons être là où l'État n'est pas performant. A nous de réfléchir et avoir la capacité à travailler sur les projets avant et quand les projets sont votés comment les diffuser ? »

79 Même si la remarque peut-être juste, au Sénégal sur lequel la LOA malienne et la CNOP se sont appuyées, la CNCR est aussi mise à mal par le président Wade, qui est entrain de favoriser l'émergence d'un syndicat « plus aux ordres ~ et d'évincer la CNCR. La LOASP n'est toujours pas mise en oeuvre alors qu'elle date de 2004.

80 Voir annexe 12

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Voyage d'étude sur les chambres d'agriculture du Mali du 15 au 25 mars 2002 pour la République du Niger, du ministère du développement agricole, la l direction de l'action coopérative de la promotion des organismes ruraux// Anne-Laure

GLOSSAIRE

AGRICULTURE FAMILIALE

L'exploitation familiale a des caractéristiques a la fois économiques, sociales, voire socioculturelle. C'est le mode de mise en valeur des ressources rurales le plus approprié aux réalités et aux intérêts du monde rural. Elle a un système de production et de reproduction qui maintient et améliore la vie du groupe tout en intégrant les valeurs de solidarité et de partage. De plus en plus son importance n'est plus contestée et la considération qu'on lui donne fait qu'elle commence a être prise en compte au niveau national et sous-régional, notamment dans l'élaboration des politiques agricoles. Elle offre plus de possibilités pour résoudre les problèmes d'ordre socio-économique, les enjeux de création d'emplois et de redistribution de revenus. N'Diogou FALL

AGRICULTURE FAMILIALE PAYSANNE

- Système économique spécifique reposant sur la famille et le terroir, capable de s'adapter et de préserver son autonomie ; elle cherche a fonctionner d'abord sur des circuits de proximité favorisant la recherche d'équilibre et de sécurité.

La notion de taille est privilégiée en parlant de petite agriculture ou des petites et moyennes exploitations agricoles en les assimilant a l'agriculture familiale.

ASSOCIATIONS VILLAGEOISES

Comme le décrit minutieusement Mamadou Cissokho dans Dieu n'est pas un paysan et le confirme Bernard Lecomte, la naissance de ces premières organisations que ce soit au niveau national ou du village, est basée sur la discussion entre les fondateurs, à partir des questions « Que voulons nous être, que voulons accomplir ensemble, quelle est notre ambition ? » Ce qui les différencie fondamentalement avec les associations sous tutelle de l'État, d'un projet, d'une ONG. L'aboutissement de ces interrogations peut prendre beaucoup de temps et peut devenir « de plus en plus lourd et complexe au fur et a mesure que l'on s'éloigne du village pour aller vers le national » et le régional.

MOUVEMENT PAYSAN

Des organisations paysannes autonomes par rapport a l'État

Organisations incontournables dans les négociations

Capacité à rassembler et à se fédérer

Élaborer un projet d'avenir

Un engagement de type politique

OPA

Ensemble des composantes du monde agricole, OP, caisse mutuelle...

OP

Organisation paysanne au sens large qui se regroupe pour défendre les intérêts des paysans SECURITE ALIMENTAIRE

Concept né il y a une dizaine d'années comme l'accès a tous les individus, a tout moment, a une nourriture suffisante en quantité et convenable en quantité sans définir de politique agricole

SOUVERAINETE ALIMENTAIRE

La Via Campesina est la première organisation à remettre en cause le concept de sécurité alimentaire ou du moins à vouloir aller plus loin, lui reprochant ses limites en terme de droit humain et faiblesse politique. Ainsi le concept de souveraineté alimentaire va être introduit lors du Sommet mondial de l'Alimentation de la FAO a Rome en 1996. La SA pourrait donc se définir comme le droit des peuples ou des États à définir librement les politiques agricoles les mieux adaptées à leur besoin sans créer de préjudices aux autres pays et sans dumping:

la priorité à la production agricole locale pour nourrir les populations

une double responsabilité des États, définir sa propre politique agricole et la sécurité alimentaire en prenant en compte les effets extérieurs de sa politique

le droit des États à se protéger des importations agricoles et alimentaires à trop bas prix à travers des taxes la participation des populations aux choix politiques agricoles

La SA est devenu alors un concept clé dans les débats sur l'agriculture et les alternatives aux politiques néolibérales

Définition CNOP : droit pour un État de définir et de mettre en oeuvre une politique agricole et alimentaire autonome, basée sur les productions locales, garantissant une agriculture durable et la responsabilisation des producteurs qui disposent à cet effet, des moyens appropriés ( terre, eau, crédit, marchés et prix rémunérateurs) et valorisant les modes traditionnels et les pratiques culinaires locales.

TON

En référence au terme Bambara pour désigner l'association de travail de personnes qui ont été initiées (BELLONCLE). Représente les structures traditionnelles de solidarité (groupement d'entraide, coopératives de travail) reprises et instituées sous le Moussa Traoré à des fins politiques et de récupérations du monde rural. Sont reconnus statutairement a l'inverse des associations villageoises. Peuvent avoir accès à des marchés financiers et en principe doivent présenter un bilan et un compte d'exploitation chaque fin d'année.






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