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Enseignant. E. S. et animateur. E. S face à  la socialisation genrée des jeunes

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par Noémie Lequet
Université Bordeaux 2 Segalen - Master sociologie : ingénierie et intervention sociales 2012
  

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II- Les représentations genrées des professionnel.le.s

Cette partie cherche à donner à voir les rapports que peuvent entretenir les professionnel.le.s interrogé.e.s avec la thématique du genre dans leur métier, mais aussi d'une manière plus générale. Ainsi, ils.elles ont été interrogé.e.s sur les diverses formations et sensibilisations qu'ils.elles ont pu recevoir au cours de leur vie professionnelle sur ce sujet. Ils.elles ont ensuite pu donner leur point de vue sur leur expérience quotidienne des rapports entre les filles et les garçons qu'ils.elles accueillent dans leur structure, puis, entre les hommes et les femmes dans la société.

Les pages qui suivent rendent donc compte des regards de ces professionnel.le.s de l'école et des lieux de loisirs, et non forcément de pratiques effectives des jeunes qu'ils.elles accueillent.

1- Une non-sensibilisation au genre

Le genre absent des formations initiales

La grande majorité des professionnel.le.s rencontré.e.s ne sont pas ou très peu formé.e.s ou sensibilisé.e.s à la thématique du genre, dans son acceptation théorique ou pratique. En effet, les formations initiales qu'ils.elles ont suivi ne leur ont pas permis d'avoir une réflexion sur ce sujet ou d'acquérir des connaissances pratiques à mettre en place sur le terrain.

Certains des professionnel.le.s rencontré.e.s ont tout simplement suivi une formation initiale qui ne correspond pas au poste qu'ils.elles occupent actuellement et qui ne touchait donc pas à la gestion d'adolescents, d'élèves, ou de jeunes en groupes. Cette situation concerne 3 des 20 professionnel.le.s rencontré.e.s. Ainsi, ces deux enseignant.e.s qui ont eu une carrière en entreprise avant de rejoindre l'Education Nationale.

« Je suis contractuel pour l'éducation nationale, c'est-à-dire que je ne suis pas un véritable professeur. Je suis commerçant à l'origine, j'ai été commerçant pendant plus de 20 ans, chef d'entreprise pendant 11 ans. Et j'ai décidé, pour faire un changement professionnel, d'enseigner mon métier, donc la vente, le commerce en général, le droit et l'économie, qui font partie du même registre. » (B10, professeur principal 3e insertion)

« Moi, je n'ai pas été professeure toute ma vie puisque j'ai 10 ans de carrière en entreprise avant, en tant que responsable marketing sur des filières internationales. Aujourd'hui, on vous recrute si vous avez un master. Moi, je l'avais déjà. » (J2, professeure d'anglais)

La majorité des professionnel.le.s rencontré.e.s (13 sur 20) ont bien suivi une formation en adéquation avec leur actuel métier, mais qui ne comportait aucune sensibilisation à la thématique du genre. C'est le cas de l'infirmière scolaire, de l'assistante sociale, de l'ensemble des animateur.e.s socioculturel.le.s et des éducateur.e.s spécialisé.e.s, et d'une très large majorité des enseignant.e.s rencontré.e.s.

« Quand on veut passer infirmière scolaire, on passe un concours. Une fois que l'on a passé ce concours assez sélectif, on a quinze jours de formation, c'est tout. On y aborde un peu la psychologie de l'adolescent. » (B1, infirmière scolaire)

« Sur le genre ? Non. Alors moi, ça fait un petit moment que je l'ai fait ma formation, mais très peu. A l'époque, ce n'était pas la priorité. » (B3, assistante sociale)

« Non, je ne crois pas avoir eu une formation sur les rapports de genre. Mais moi, mon école, je l'ai passée en 2000. Je n'y ai pas trop trouvé ma place d'ailleurs, j'avais l'impression de ne rien apprendre. » (B4, éducatrice spécialisée)

« Moi, j'ai fait un IUT carrières sociales, je suis partie dans le Nord pour le faire. J'ai eu un prof de philo qui, je pense, était exceptionnel. Il nous a parlé de l'excision une fois. Mais sur le genre, sinon... » (B7, animatrice)

« Je suis passée par le parcours normal, c'est-à-dire BAC, après j'ai fait une année de maths sup. A la suite de ça, j'ai vu que maths spé, c'était trop difficile, donc j'ai passé le concours des IPES à l'époque. Mais je trouve que ça manque quand même dans la formation. » (J3, professeure de mathématiques)

« J'ai fait un master 2 recherche, en histoire. Ensuite, j'ai commencé à préparer les concours du CAPES, et en même temps j'ai décidé d'être contractuelle de l'Education Nationale pour pouvoir commencer à

enseigner. Les IUFM ont été supprimés, donc il n'y a plus aucune formation pédagogique. Il n'y a rien sur les questions de genre, il n'y a rien sur... C'est dommage que les sciences de l'éducation ne soient pas incorporées au concourt, c'est dommage que le concours soit totalement déconnecté de la réalité sur le terrain. » (J8, professeure d'histoiregéographie)

« J'ai fait une formation professionnelle au CIAM. Non, aucune formation sur le genre. » (J10, professeur de guitare)

Quelques enquêté.e.s (4 sur 20) ont bénéficié d'une sensibilisation au genre, mais souvent très théorique, et donc particulièrement difficile à lier, dans la pratique, avec leurs actions quotidiennes auprès des jeunes.

« En fac de sport, il n'y a pas plus éclectique comme formation. Tu fais de la psycho, de la socio, de la psycho-péda, des statistiques, de l'anatomie, de la physiologie... Enfin, tu fais plein de choses. Pendant mes deux premières années, j'ai appris pleins de choses. Donc oui, t'en entends... Dans la psycho, tu fais les stades de développement de l'enfant, les caractéristiques de chaque... Piaget et compagnie. Tu fais de la sociologie, donc les rapports hommes / femmes, et tu étudies tout ce qu'il s'est passé en allant du droit de vote de la femme à... Voilà, ça te place dans un contexte socio-historique, mais tout en parlant de l'homme et de la femme. J'ai eu une disert' à faire en socio où l'on me parlait du statut des femmes de 1940 à nos jours dans le sport. » (B5, professeur en Segpa)

« J'ai fait des études tout ce qu'il y a de plus classique, de sciences. Après, j'en ai eu marre des sciences donc j'ai fait une licence en sciences de l'éducation pour être instit. Et puis, j'ai découvert ce métier d'éducateur, animateur sportif, et ça m'a plus intéressé, du coup j'ai lâché le côté professoral et je me suis lancé dans l'animation, l'éducation sportive. [...] Quand j'étais en sciences de l'éducation, j'avais fait mon rapport sur la mixité, j'avais un peu travaillé sur ça. Mais c'était sur le milieu scolaire, pas socio-éducatif. C'était plus sur les enseignements, pourquoi les filles sont souvent plus sur les matières littéraires et les garçons sur les matières scientifiques. C'était intéressant. Mais ce n'était pas un gros truc. » (J4, entraîneur badminton)

« J'avais fait un parcours sociologie, travail social, et finalement, je me suis réorientée vers la danse. [...] J'ai été sensibilisée à ces questions-là, puisque moi j'ai fait une très courte formation en sociologie en relations interethniques et immigration. C'est très fort au Québec, parce que nous on a des grandes vagues d'immigration, beaucoup d'ethnies se sont installées, ça a formé des villages, des ghettos. Nous, c'était ça que l'on étudiait surtout. Et puis, tout ce qui est traditionnel, c'est hyper sexiste, très machiste, donc... » (J5, entraîneuse cardio-boxe)

« Nous, en EPS, on a une formation très pragmatique, très empirique. Donc effectivement, dès le départ, on est sensibilisé au dé-mixage ou pas, à la gestion des niveaux... Mais pas plus que ça, ce n'est pas un point central, non. » (J6, professeur d'EPS)

On peut donc noter que la sensibilisation au genre, à la mixité dans les espaces scolaires ou de loisirs est quasiment absente des formations initiales des professionnel.le.s des deux quartiers étudiés.

Une sensibilisation tardive mal répartie sur le territoire

Cependant, certains professionnel.le.s ont pu bénéficier de formations continues sur ces thématiques. On remarque d'ailleurs que l'accès à ces formations continues abordant le genre ou la mixité n'est pas équitable selon les territoires. Ainsi, les professionnel.le.s de Bastide sont-ils.elles finalement plus sensibilisé.e.s que les professionnel.le.s du Jardin Public. Ils.elles se voient, en effet, proposer plus de formations courtes par la mairie de Bordeaux ou des organismes de formations, et sont plus enclins à se renseigner par eux.elles-mêmes.

« Après, à nous de... c'est des colloques, des formations comme ça, des cours du soir. [...] C'est à nous de lire aussi. [...] J'ai été au colloque sur la mixité. J'ai acheté le bouquin mais je n'ais pas eu le temps de le lire. J'ai trouvé ça très intéressant parce qu'ils disaient que même dans l'image des professeurs, il y avait toujours une différence entre les filles et les garçons. » (B1, infirmière scolaire)

« J'ai participé à la formation "Cet autre que moi", et j'en ai fait une autre. C'était un groupe de travail sur les questions de genre, organisé par la mairie il y a 6 mois. » (B2, éducateur spécialisé)

« Après, moi j'ai fait une formation sur l'analyse systémique qui m'a permis aussi d'avoir un autre regard des groupes. Ça, c'était vraiment intéressant. Mais autrement, après, ça s'est fait naturellement, j'étais intéressée, j'ai cherché, j'ai bouquiné. Si, j'ai eu une formation sur la vie relationnelle et sexuelle par le centre de formation, c'était il y a 5 ou 6 ans. Mais bon, c'était une journée, c'était léger quand même. » (B3, assistante sociale)

« Par principe, dès qu'il y a des formations, j'y vais, dans la mesure où je peux. Moi, c'est donc déjà une démarche intellectuelle en premier. [...] Je fais des formations, comme "Cet autre que moi", où là aussi, on va être amené à évoquer l'adolescence et les rapports filles / garçons. » (B5, professeur en Segpa)

« Par contre, je suis le projet depuis le début dans le quartier. C'est-àdire depuis les première fois où l'on a eu Jean-Philippe Guillemet qui est venu pour dire que dans le cadre du Projet Social, il y avait un travail sur le sexisme. Parce qu'apparemment c'était le quartier qui avait été un peu repéré pour avoir des soucis avec ça. » (B6, animatrice)

« En tout premier, le DSU avait organisé une formation sur le sexisme qui était vachement intéressante parce qu'on avait eu des intervenants. On avait eu une association de féministes, une ethnologue, un intervenant par le sport. Et du coup, on nous avait présenté l'outil "Cet autre que moi". » (B7, animatrice)

On peut d'ailleurs noter le cas particulier de cet animateur du secteur jeunes du centre social Bastide-Benauge qui a bénéficié d'une formation assez longue sur la mise en place de la mixité et sa gestion.

« Moi, je suis entré en formation l'année dernière, et avec ce que j'ai appris... Bon, j'avais déjà du terrain parce que ça fait 8 ans que je fais de l'animation, mais ce que j'ai appris en formation, en théorie, c'était vraiment intéressant. Pour moi, ça a été une superbe expérience. Cette formation a duré un an et demi, 18 mois. Oui, on a été formé par rapport à la mixité. On a eu de la théorie, de la pratique. On a eu des cours avec des sociologues, on a eu aussi un psychologue qui est venu, on a eu des personnes qui travaillaient depuis de longues années dans des territoires où il n'y avait pas de mixité. On a fait des groupes de travail, ça s'est super bien passé. » (B8, animateur)

En revanche, sur le quartier du Jardin Public, aucun.e professionnel.le n'a participé à une formation sur le genre, la lutte contre le sexisme ou la mixité. Deux cas de figures sont possibles : soit ils.elles ne se sont pas vus proposer ce type de formation, soit ils.elles n'y assistent pas, ne se sentant pas concerné.e.s.

« Non, on n'a pas du tout eu de formation là-dessus. Sur la mixité intergénérationnelle oui, sur la mixité sociale oui, mais sexuelle non, parce qu'il n'y a pas de problème ici. » (J1, responsable Espace Lagrange)

« J'avais vu passer des choses sur la mixité, mais je ne sais pas par qui c'était. Mais je n'ai jamais participé. » (J4, entraîneur badminton)

Finalement, on peut dire que, même si les professionnel.le.s qui ont accepté l'entretien sont surement ceux.celles qui se sentent le plus touché.e.s par ces thématiques, ils.elles ont été très peu sensibilisés à la problématique du genre dans ce qu'elle peut avoir de concret pour eux.elles : la gestion de la mixité, la lutte contre le sexisme et l'homophobie. En ce sens, on

peut se demander quelle vision ils.elles ont de ces problématiques sur le terrain. La mixité fait-elle problème pour eux.elles au quotidien ? Evaluent-ils.elles le rôle que peut avoir leur structure dans la construction de l'identité genrée des jeunes qu'elle accueille ?

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein