WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La visualisation des informations

( Télécharger le fichier original )
par Christel Morvan
CNA- cefag - master 2 management multimédia option art numérique 2011
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

    Mémoire professionnel

    Master management multimédia Option art numérique

    Christel Morvan

    La visualisation des informations

    Le mode de transmission de l'information a beaucoup changé depuis les débuts de l'histoire de la communication. Durant l'antiquité, les connaissances et savoir-faire étaient transmis majoritairement par la tradition orale et souvent, le savoir était réservé aux élites et membres de certaines écoles de pensée. Les pythagoriciens par exemple, partageaient leur savoir uniquement de manière orale et secrète, les initiés étant les seuls à pouvoir y accéder.

    L'écriture a ensuite permis l'affranchissement du support de la voix et du contact : les connaissances purent alors être mémorisées, stockées et échangées. Mais c'est seulement avec l'apparition de l'imprimerie que les livres, d'abord supports de communication, vont devenir des véritables diffuseurs d'information. Ce procédé a contribué à démocratiser la connaissance lorsqu'auparavant seuls les clercs étaient capables de maîtriser les techniques d'écriture et la lecture des textes qui étaient en latin.

    Cette révolution dans la transmission des informations a provoqué un véritable changement de paradigme1 dans tous les domaines. Alors que l'impression des textes de l'antiquité permis une meilleure compréhension de l'histoire et de la philosophie, l'Ymago mundi2 , entre autres, changea la vision de la géographie.

    Et ces nouvelles connaissances permirent à l'Europe de se lancer dans des expéditions d'envergure mondiale. Dés lors, les anciennes cartes devinrent rapidement obsolètes, la découverte de nouvelles terres et la notion de distances changèrent la représentation du monde.

    Pour se repérer dans ce « nouveau monde », il s'avéra rapidement nécessaire de le cartographier. Devant le nombre croissant d'informations à représenter sur les cartes, les signes conventionnels de la cartographie de simplifièrent. Mappemondes et atlas vont voir le jour à cet époque, et la géographie deviendra une science à part entière.

    Aujourd'hui, avec l'ère du numérique, le mode de transmission de l'information a de nouveau changé. Les ordinateurs sont devenues des outils de calcul, d'aide à la décision, et de stockage perfectionnés. Internet a permis l'affranchissement des contraintes spatiales et temporelles, et nous pouvons désormais accéder rapidement à une quantité innombrable d'information et de données.

    A l'instar des cartographes de la renaissance contraints de revoir la manière de représenter le monde, nous allons à notre tour devoir cartographier le réseau foisonnant de données et d'informations. Si à

    1 Un paradigme, viens du grec ancien ðáñÜäåéãìá / paradeïgma qui signifie « modèle » ou « exemple » ici, est une représentation, un modèle de vision du monde.

    2 Pierre d'Ailly, L'Ymago Mundi, imprimé en 1410, est un ouvrage de 12 traités s'appuyant sur des auteurs tel Ptolémée, Aristote ou encore Averroès. Il est agrémenté d'une carte représentant la terre en un globe divisé en plusieurs zones climatiques. Autre fait nouveau par rapport aux cartes médiévales, Pierre D'Ailly place le nord en haut de la carte.

    l'époque l'enjeu était de se repérer dans le monde réel, aujourd'hui l'enjeu est de s'orienter dans les données pour nous repérer et améliorer la diffusion de l'informations et des connaissances.

    Nous évoluons aujourd'hui dans un monde où les information sont de plus en plus omniprésente et surabondantes. Comment les représenter quand celles-ci ne cessent d'augmenter en quantité et en complexité? Quel système peut nous permettre de synthétiser l'information, de la rendre plus lisible et pertinente? L'image est-elle la solution?

    Il y a à ces question des ébauches de réponses techniques et théoriques mais prennent-elles vraiment en compte tous les aspects et les enjeux de la représentation de l'information?

    Pour comprendre l'importance d'aborder la représentation des informations sous un angle neuf, nous allons d'abord analyser l'information en elle-même, en décryptant ses mécanismes de fonctionnement dans un premier temps, puis en essayant de cerner ses nouvelles modalités. Nous aborderons ensuite la notion d'hyperinformation et ses conséquences.

    Pour comprendre comment s'opère la transmission de l'information et donc savoir comment la représenter au mieux, nous étudierons de manière synthétique la question du langage. Les mécanismes du langage vont nous permettre d'acquérir des connaissances nécessaires pour transmettre les informations de manière optimale. Nous allons ensuite étudier les particularités inhérentes au langage visuel, qui vont nous aiguiller sur les méthodes à employer pour produire des images significatives. Dans cette partie, nous essayerons également de savoir comment créer une image non influencée par une culture, et dont l'utilisation serait donc universelle. Mais nous verrons par la suite qu'un tel langage est impossible à réaliser : le langage universel est irréalisable, qu'il soit visuel ou non.

    Une fois cernés les enjeux et les techniques de production d'une image, nous allons essayer de déterminer de quelle manière visualiser les informations. Dans un premier temps, nous nous confronterons à des exemples de visualisations, puis nous élaborerons les modalités à suivre pour élaborer un système visuel efficace. Enfin, nous déterminerons les contextes d'application d'un tel système.

    I La donnée et l'information

    Depuis l'essor d'internet nous assistons à un profond changement dans le mode de production et de transmission des connaissances. Tout paraît plus rapide, accessible. Acquérir une information aujourd'hui prend le temps qui est nécessaire pour accéder à internet.

    Si le résultat le plus éclatant d'un tel changement est la démocratisation des informations et de la connaissance, voir pour certain le début d'un

    changement de conscience3, nous ne devons pas omettre les aspects négatifs qui peuvent surgirent d'une telle abondance d'informations.

    Si nous ne maîtrisons pas le flot d'informations et de données que nous recevons, nous risquons tout simplement la noyade. Aujourd'hui, la masse d'informations circulant sur internet est estimée à plus d'1,8 zettaoctets (1021 octets)4, et ce chiffre est en croissance exponentielle.

    Pour comprendre les enjeux et les risques de cette surabondance, essayons dans un premier temps de comprendre les mécanismes relatifs aux données et aux informations circulant sur internet.

    I - 1 Les mécanismes de l'information

    Commençons par distinguer clairement donnée et information pour mettre un terme à la confusion qui existe entre les deux termes.

    Définitions

    S'il est important de faire le distinguo entre la donnée et l'information c'est essentiellement parce que ces deux éléments de la communication sont très liés, sans être pour autant synonymes.

    La donnée est la représentation - la plupart du temps en valeur numérique - de quantités, d'objets, de faits, de transactions, ou encore d'évènements. Elle symbolise une ou des entités. C'est la description la plus basique et élémentaire d'un objet en vue d'une interprétation, elle n'a donc aucune valeur tant qu'elle n'est pas contextualisée et interprétée.

    L'information est une donnée avec un sens associé, elle est donc la donnée interprétée. Autrement dit c'est seulement une fois que la donnée est interprétée, organisée, structurée qu'elle se transforme en information et peut être porteuse d'un message. La donnée est pour ainsi dire le lien entre l'objet et l'information.

    Prenons un exemple concret : le chiffre 7 en soi ne signifie pas grand chose, c'est seulement croisé avec d'autres données qu'il deviendra une information : 7 jours, 7 personnes, 7 accidents...

    Le mot information paraît clair pour la plupart, pourtant en théorie de l'information il a un sens très précis. C'est ce qui est neuf, inattendu. Une réponse attendue à une question posée n'a pas valeur d'information. Par

    3 Gérard Ayache dans son livre Homo sapiens 2.0, introduction à une histoire naturelle de l'hyperinformation, évoque ce changement de paradigme en ces termes : « L'émergence, (...) de la notion d'information comme structure fondamentale de l'univers, de la nature et de la vie ouvre des potentiels considérables dans notre appréciation de la vie, de la conscience et du développement humain dans son environnement naturel. »

    4 Pronostique réalisé par le cabinet d'analyse IDC en 2008, cf. article de Lucas Maerian, Digital universe and its impact bigger than we thought, où sont explicités les critères et techniques employées pour accéder à ce pronostique, et sont décryptées les conséquences sur nos habitudes internet.

    exemple, si je demande le résultat d'un jet de dé à six faces et que la réponse donnée est « entre un et six », l'information est nulle puisque le résultat n'aurait pu être différent.

    Dés lors, l'information peut être mesurée : elle est plus importante lorsque le nombre de questions nécessaires pour dissiper tout ambigüité sur un évènement est élevé. Précisons qu'il s'agit là de questions de type binaire, c'est à dire ne laissant la possibilité qu'à deux états (oui/non, vrai/faux, 0/1). La mesure de l'information se fait donc en bit (binary digit).5

    Il faut encore définir la connaissance, qui est un ensemble d'informations sur un objet donné pouvant être expérimentées, et le savoir, qui lui, désigne l'ensemble des connaissances acquises par un individu.

    En somme, l'information est primordiale dans le processus d'acquisition des connaissances.

    Illustration 1: schéma représentant la hiérarchie de la compréhension de Davil McCandless

    5 Cf. Jean-Marie Klinkenberg, Précis de sémiotique générale, qui parle de l'information dans la communication dans le chapitre 2.

    Comment reçoit-on l'information?

    Comme on l'a vu précédemment, notre rapport à l'information a changé, nous sommes submergés par sa masse. Mais d'où provient cette surabondance d'informations, comment la reçoit t'on et surtout sous quelle forme se présente t'elle?

    Contrairement à ce que la plupart des gens pensent, l'information est partout. Elle peut provenir d'une publicité, du téléphone, d'un mail, d'une carte, ou même d'une simple réponse sur un forum. Elle peut se présenter aussi bien sous forme de texte, de vidéo que de son.

    Les Etats-Unis par exemple ont consommé (tous médias confondus) à peu près 3,6 milliards de teraoctets d'information en 2008, soit presque 12 heures d'information par jour et par personne (contre 7,4 heures en 1980). Autant dire que dés que nous sommes éveillés, nous sommes soumis à un flot d'information continu.6

    Mais concentrons-nous ici sur les supports numériques.

    Que ce soit de la page commerciale au site journalistique, tous les sites internet sont vecteurs d'information. Une page regroupe d'ailleurs plusieurs informations diverses auquel nous accédons simultanément, fait quasiment restreint aux usages numériques.

    Sur internet, nous pouvons recevoir l'information volontairement, suite à une recherche, ou involontairement, il s'agit des informations qui nous sont transmises sans qu'on les ai attendues7.

    Par exemple, une recherche effectuée sur Google nous donnera plusieurs informations, celles qui sont susceptibles de répondre à nos questions, celles qui répondent à nos questions mais sous une forme que nous ne voulons pas avoir (une réponse trouvée sur un forum n'aura pas forcément la même valeur informationnelle que celle trouvée sur un site spécialisé), celles qui ne répondent pas du tout aux questions, et enfin les « liens commerciaux » et suggestions.

    Autre exemple, sur une page Facebook lambda, nous allons trouver plusieurs types d'informations. Les publicités, les informations provenant de nos amis, les informations provenant des applications, les données concernant notre propre profil, les suggestions, les évènements, les invitations...

    Mais notre cerveau est-il capable de traiter autant d'informations en même temps?

    Comment l'information est-elle produite?

    La multiplicité des informations diffusées sur internet et due à la nature

    6 Voir l'article D'Hubert Guillaud, Combien d'informations consommons nous? publié sur le site d'Internet actu, où l'auteur met à disposition les détails de l'étude de Roger Bohn sur la consommation des informations en 2009 aux Etats-Unis.

    7 Ce principe est autrement appelé principe de sérendipité.

    du média : produire des informations n'a jamais été aussi simple qu'à l'heure du numérique. Non seulement internet offre l'instantanéité, la mobilité, mais il permet surtout de faire disparaître les processus qui étaient inhérents à l'écriture sur papier.

    Les nouveaux outils numériques réduisent le délai entre la production et la diffusion des informations. Poster un billet de blog aujourd'hui prend le temps qu'il est nécessaire de taper son texte et d'appuyer sur le bouton « envoyer ». Avant, l'acte d'écriture avait quelque chose d'irréversible. Se tromper en écrivant sur du papier ou en tapant à l'aide d'une machine à écrire avait pour conséquence de déchirer le papier et de recommencer à écrire depuis le début. L'ordinateur permet l'erreur tout en offrant le pouvoir de défaire, autrement dit de corriger les erreurs, d'ajouter du contenu, autant de possibilité qui rendent l'écriture plus abordable.

    Internet offre aussi la possibilité à tous de publier, là où le support papier nécessite de trouver un éditeur, un journal acceptant de publier l'information.

    La production et la diffusion est devenue rapide et surtout accessible à tous et à tout type d'information, de la plus riche à la plus vide en passant par la plus controversée. Cela signifie aussi que nous sommes tous potentiellement des producteurs d'information.

    I - 2 Les modalités de l'information aujourd'hui La forme de l'information

    Pour mieux comprendre ce qui motive un internaute à accéder à une information, nous devons commencer par comprendre sous quelle forme il veut recevoir cette information.

    Pour la plupart des utilisateurs d'internet, l'écrit serait le meilleur moyen de communiquer des informations. Un sondage réalisé par l'agence Webcopyplus8 en 2008 avance même que plus de 63% des utilisateurs Internet considèrent l'écrit comme le meilleur moyen de communiquer sur le Web. Mais l'internaute consulte-t-il véritablement les contenus écrits?

    Apparemment oui. Du moins dans certains cas. Si les internautes lisent effectivement, il s'agit surtout de textes cours. Quand aux textes plus longs, ils sont sujets à une lecture légère, en priorité des titres et des mots-clef, les lectures plus profondes sont rares et réservées aux utilisateurs cherchant véritablement une information. Mais les textes longs sont souvent soit laissés de côté soit survolés, les supports numériques n'offrant pas encore un confort visuel nécessaire à la lecture prolongée.

    Pour ce qui est d'une information complexe ou longue, l'utilisation d'autres médias que le texte est donc très souvent favorisée.

    8 Pour plus d'information, le site de Webcopyplus, où les résultats de leurs études sont régulièrement mis en ligne : http://www.webcopyplus.com/

    En terme de plateforme, les médias sociaux sont aujourd'hui largement privilégiés pour la communication et donc le partage d'informations. Non seulement ils permettent le dialogue direct entre utilisateurs, mais surtout une transmission et une production des informations communautaires, autrement dit collaboratives. Sur les médias sociaux, tout le monde est à la fois diffuseur et cible potentielle d'un message.

    L'utilisateur peut y recevoir son information directement depuis les autres utilisateurs sans avoir à effectuer des recherches interminables au préalable. Ce système, qui se rapproche de la discussion traditionnelle par son instantanéité et par le type de langage employé n'est cependant pas toujours le moyen le plus pertinent pour avoir une information. La plupart des réponses sont erronées ou ont bien peu de valeur. Mais le principal intérêt des médias sociaux n'est pas tant de communiquer une information que de discuter autour pour en obtenir divers points de vue.

    Antony Mayfield9 qualifie les réseaux sociaux selon cinq points :

    · La participation: les internautes discutent entre eux et partagent leurs avis, supprimant ainsi la barrière entre le public et les médias.

    · L'ouverture: le principe des médias sociaux est basé sur l'échange. Tout le monde peut participer et échanger des informations.

    · La conversation: contrairement aux médias traditionnels, les médias sociaux ne font pas que transmettre un message, ils encouragent la discussion autour du message.

    · La communauté: rassemble des groupes de personnes ayant les mêmes centres d'intérêt

    · L'interconnexion: les réseaux sociaux récupèrent des informations provenant d'autres sites, et renvoient l'information ailleurs. L'information se propage.

    D'autre part, on peut distinguer plusieurs types de médias sociaux par où transite l'information: Les réseaux sociaux qui permettent à l'utilisateur de se connecter à son réseau de connaissances pour partager des informations ou du contenu.

    Les forums sont des véritables zones de discussion en ligne, souvent centrées autour d'un thème spécifique. Ce sont des outils puissants et populaires pour les communautés en ligne.

    Les blogs, qui sont moins axés sur la discussion, permettent à l'utilisateur d'ajouter et d'éditer du contenu et des informations sur luimême et son ou ses domaines d'intérêt pour ensuite le diffuser aux autres utilisateurs. Les blogs sont souvent écrits par des spécialistes ou des passionnés d'un domaine en particulier. Ils ont donc par définition un plus fort potentiel informationnel que les réseaux sociaux ou les forums. Certains blogs d'ergonomie et de design rencontrent par exemple beaucoup de succès

    9Antony Mayfield met à disposition ses recherches sur les médias sociaux dans son e-book intitulé What is social media

    http://www.icrossing.co.uk/fileadmin/uploads/eBooks/What_is_Social_Media_iCrossing_ebook.pdf

    dans les milieux professionnels auxquels ils sont associés. Certaines entreprises possèdent même leurs propres blogs afin de créer une communauté autour de leur marque.

    Les microblogs sont des blogs de format court. Le but des microblogs, comme Twitter par exemple, est plus de récupérer une information pour la diffuser à ses contacts ou au public. L'utilisateur propage l'information.

    Enfin10, le Wiki permet aux gens d'éditer et d'ajouter du contenu ou de l'information sur un document commun ou une base de donnée. L'exemple le plus connu de wiki est Wikipédia.

    Wikipedia est une encyclopédie collaborative. Autrement dit, son contenu est entièrement produit par les utilisateurs. Cette propriété a souvent été décriée par les spécialistes de l'information à cause du fort nombre d'erreurs trouvées sur les articles. En plus des informations erronées propagées, on voit également apparaître des actes de vandalisme. Les actes de vandalisme se traduisent par des informations volontairement erronées, dans le but d'induire les utilisateurs en erreur, des spams, ou encore des messages personnels laissés sur des articles.

    Malgré tout, Wikipedia reste une des premières sources d'information sur internet, utilisée par les étudiants, et même comme base de référence par certains enseignants.

    Michel Serres déclarera lui-même «Je suis un enthousiaste de Wikipedia. On reproche à Wikipedia de ne pas produire de l'info, mais les professeurs non plus n'en produisent pas. Wikipedia est un transmetteur de savoir. Un passeur. Comme les professeurs, comme les journalistes... Bien-sûr il y a des erreurs, mais pas plus que dans l'encyclopédie Britanica. Le nombre d'erreurs contenues dans les livres de la bibliothèque nationale de France est gigantesque. Qui vérifie le contenu de ces ouvrages? Qui corrige les erreurs? Sur Wikipedia, la vérité est rétablie par des bénévoles anonymes et libres. Dans les journaux, les erreurs se recyclent d'article en article.»11

    Et l'avis de Michel Serres semble être plutôt répandu sur internet. Les internautes ne veulent plus se fier qu'aux experts, ils veulent avoir plusieurs avis, ils veulent avoir le contrôle sur ce qu'ils lisent, pouvoir en évaluer la véracité. La connaissance ne provient plus que des enseignants ou des élites, elle est partagée entre les utilisateurs. Nous passons d'un système de transmission des connaissances vertical à un système transversal et complexe.

    Pour résumer l'information aujourd'hui se traduit par:


    · Un système de transmission transversal et complexe.

    10Il existe deux autres catégories de médias sociaux, le podcast et les communautés de partage de contenu (comme Flickr, Delicious, Deezer), que je n'ai pas mentionné car ils concernent davantage l'échange de contenu que d'information.

    11 Extrait d'un texte de Michel Serres, de l'académie française, publié par le Point du 21 juin 2007


    · L'instantanéité et la facilité de création et d'édition.

    · Une abondance croissante due au grand nombre d'émetteurs.

    · Une variété dans la qualité des informations.

    Une crise de confiance

    En réalité, il s'agit là d'une véritable crise de confiance. Maintenant que l'internaute a accès librement à un large panel de connaissances plus seulement réservées aux élites, spécialistes ou journaliste, il remet facilement l'information en doute. Dés lors, les informations sont vérifiables, et les erreurs divulguées dans les journaux ne passent plus inaperçues.

    Un utilisateur de blog ira même jusqu'à dire « Pour ma part, je n'achète plus le moindre journal tout simplement parce que je n'ai plus aucune confiance en lui. C'est la même chose pour la télévision, mais je ne dis pas qu'ils sont inutiles. On oublie les nouveaux comportements qu'engendre le Web est que le consommateur ne consomme que ce dont il a besoin. La télévision, la radio, la presse écrite ne sont devenus que des blogs, des sites parmi les millions d'autres, et le lecteur n'utilisera que le strict nécessaire. Ce n'est pas en bloquant quelques titres prestigieux qu'on va décourager le lecteur, car il sait pertinemment qu'il y aura toujours quelqu'un pour lui donner l'info gratuitement»12.

    Mais la crise de confiance que traverse l'information ne se traduit pas seulement par de la méfiance et du scepticisme. Le scandale engendré par Wikikeals en est un symbole.

    Wikileaks est un site mettant à disposition des documents, des analyses gouvernementales et sociétales. Mais le but avoué du site est aussi de divulguer les fuites d'information. Cette démarche a pour but d'apporter de la transparence journalistique et gouvernementale là ou le secret existe. De cette manière, plusieurs affaires ont été portées publiques, la plus connue à ce jour reste l'affaire Irak War Logs13. Si ce n'est pas la première fois qu'un scandale gouvernemental est révélé au grand jour, c'est en tout cas la première fois qu'un site dédié à l'information fait tellement de bruit parmi le public et les gouvernements.

    Pour Olivier Cimelière, cela s'explique par un phénomène en pleine croissance, la défiance sociale : « Si l'onde de choc de WikiLeaks n'en finit pas aujourd'hui de se propager, c'est avant tout parce qu'elle intervient dans un contexte sociétal encore plus délétère qu'auparavant où la récusation des élites et les méfiances envers les pouvoirs sont devenus le métronome

    12Extrait du billet Une étude montrant l'étendue de la crise du journalisme paru dans le blog Maniac Geek en 2010

    13Le 23 octobre 2010, WikiLeaks a mis en ligne 391 832 documents secrets sur l'Irak, portant sur une période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2009, et révélant, notamment, que la guerre avait fait environ 110 000 morts pour cette période, dont 66 000 civils, et indiquant que les troupes américaines auraient livré plusieurs milliers d'Irakiens à des centres de détention pratiquant la torture.

    presque systématique d'une frange importante de la société civile. »14

    L'internaute doute, il estime qu'on lui doit l'information, et fait de moins en moins confiance à l'état ou aux experts, qui, sous couvert de leur statut, peuvent faire croire tout et n'importe quoi au public lambda. Il a besoin de voir s'exprimer une plus grande part de la population, d'avoir des avis divers, de prendre connaissance des affaires qui l'intéressent par le biais de multiples points de vue, et donc de multiples intervenants. Il ne se contente plus de l'avis du spécialiste, il désire des informations plus brutes et moins synthétisées, venant des témoins, passionnés d'actualité, journalistes amateurs et autres figures d'habitude mises en retrait par le journalisme plus traditionnel.

    Ce phénomène se cristallise justement par le succès des modèles comme Wikipedia, les modèles dits de crowdsourcing.

    Le crowdsourcing, littéralement traduit «approvisionnement par la foule, ou par un grand nombre de personnes» est un travail effectué collectivement, approvisionné par plusieurs personnes, majoritairement par le grand public. Ce système est représentatif des nouveaux modes de distribution de l'information, puisqu'il permet à chacun de devenir producteur de contenu. Si wikipédia et son encyclopédie collaborative en est l'exemple le plus connu, le modèle se répand. Jeff Howe15 nous explique que maintenant, les chaînes de télévision américaines cherchent de plus en plus à diffuser les programmes basés sur des productions vidéos d'amateurs.

    Ce qui fait le succès du crowdsourcing, c'est dans un premier temps le faible cout de la formule, mais aussi le fait de tirer des ressources d'un nombre important de gens, ce qui permet de récupérer et d'analyser une plus large gamme de connaissances et d'expériences, autrement dit, il s'agit de tirer partie de l'intelligence collective.

    En journalisme, le crowdsourcing est aussi utilisé pour collecter des informations: les sites comme ushahidi16 proposent ainsi à n'importe quel utilisateur de rapporter son information, de recenser des évènements. Ainsi, sur cette plateforme, suite à la catastrophe d'Haiti, plus de 3 500 évènements auraient étés recensés.

    Mais si ce modèle est populaire, c'est aussi parce qu'il permet à tout le monde d'avoir le droit d'expression. Le site ipaidabribe17 - littéralement je paie un pot de vin - propose de lutter contre la corruption en Inde en invitant ses utilisateurs à dénoncer ces actes. Jusqu'ici, 3011 rapports on été enregistrés sur le site. Autrement dit, le crowdsourcing permet dans certains cas de lutter contre la censure et le travestissement des informations. Il contribue aussi à éviter le contrôle des médias et des images.

    L'internaute participe donc. Mais un internaute engagé ne fait pas que

    14 Extrait de l'article d'Olivier Cimelière, Wikileaks : que penser après la colère et la fureur médiatique?

    15 Jeff Howe nous explique la montée et les enjeux du crowdsourcing dans un article paru sur le site de WIRED, The Rise of Crowdsourcing, paru en 2006.

    16 Voir le site http://www.ushahidi.com/

    17 Voir le site http://ipaidabribe.com/

    participer, il veux aussi accéder aux sources de l'information, il veut analyser lui-même et tirer ses propres conclusion.

    La libération des données

    Dans quelles mesures avoir toute l'information? Tous les points de vue, même ceux semblant les plus insignifiants? Comment être sur que les informations que l'on nous donnes sont complètes et fiables? En accédant à la source de l'information : la donnée.

    Aujourd'hui, ce que veut l'internaute, c'est avoir accès aux données brutes, qui auparavant étaient réservées aux spécialistes. Cette tendance de « l'open data », littéralement la donnée ouverte est justement née de la perte de confiance de l'internaute face aux médias détenteurs de l'information, élites et gouvernements.

    En 2006, le Gardian'technology, dans un article intitulé Give us back our crown jewels, appelle les gouvernements à rendre leurs données publiques18. Selon le journal, les études réalisées pour collecter ces données doivent appartenir au public puisqu'elles sont entre autre financées par les taxes. Contre-coup de cet appel : certains gouvernements ont finalement rendu leurs données accessibles. Les Etats-Unis mettent en place un site sur lequel ils rendent certaines de leurs données accessibles, DataGov, encourageant les autres gouvernements à faire de même. Finalement, ouvrir les données d'un pays s'avère augmenter - ou restaurer - la confiance des gens en celui-ci. Après avoir essuyé des scandales sur la gestion de sa trésorerie par exemple, le Royaume-Uni décide de rendre accessible la base de données de sa trésorerie, Coins19.

    Les gouvernements aujourd'hui ont une pression qui les incite à publier leur données brutes. Ce qui était encore confidentiel il y a quelques années est maintenant à la portée du grand public. Pour Simon Rogers, journaliste au Guardian, « ce qu'il faut comprendre c'est que les gouvernants n'ont rien à perdre. Aux USA, au Royaume Uni, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, le monde ne s'est pas écroulé parce que les données gouvernementales ont été rendues publiques ! Cela a tout simplement rendu les choses plus ouvertes et plus transparentes à une époque où on ne fait plus confiance aux politiciens, on ne fait plus confiance à la politique. Vous voulez qu'on vous fasse confiance ? Il faut être ouvert. Rendre ses données publiques c'est essentiel pour cela, il faut le faire dans un format pratique pour encourager les gens à s'investir. »20

    Les données publiques se qualifient selon 4 critères : ce sont des données collectées par des organismes publics, non-nominatives, c'est à dire

    18 Pour soutenir cette demande, un site est mis à disposition des internautes : freeyourdata.org, actuellement toujours disponible.

    19 Coins est actuellement disponible sur le site Data.gov, site sur lequel le gouvernement américain met à disposition ses propres bases des données ainsi que celles provenant d'autres pays.

    20 Extrait de l'entretient avec Simon Rogers publié sur l'Atelier des Médias par Ziad Maalouf le 12 Novembre 2010.

    qu'elles n'appartiennent pas à un individu en particulier, et elles ne relèvent ni de la vie privée, ni de la sécurité. Autant dire que par leur nature intrinsèque, ces données sont faites pour être partagées. Mais si certains gouvernements pratiquent la libération des données, ceux-ci restent malgré tout minoritaires. En août 2010, seul 7 pays se sont engagés à rendre leur données publiques en mettant en place des plateformes locales, régionales et nationales.

    Illustration 2:

    Car il ne faut pas confondre données publiques et données ouvertes. Les données ouvertes ne concernent pas forcément des documents publiques, en revanche, ce sont des données partagées et libérées, c'est à dire autorisées à la modification et la manipulation.

    Pour comprendre exactement ce qui caractérise une donnée ouverte et les attributs qu'elles doivent prendre, le groupe de travail « open Government Data »21 définira en 2007 les huit principes d'accessibilité aux données :

    · Elles doivent être complètes, exception faite de celles relevant de la sécurité ou de la vie privée.

    · Primaires, c'est à dire relevées à la source. Elles ne doivent par conséquent pas être synthétisées, interprétées, agrées, ou modifiées. Ce sont des données brutes, sous leur forme la plus rudimentaire.

    · Opportunes, c'est à dire publiées au moment où elles sont pertinentes et actuelles, où elles ont de la valeur.

    21 Voir le site : opengovdata.org


    · Accessibles à tous.

    · Exploitables par ordinateur ou lisibles par des machines (sous une forme permettant le traitement automatisé). Les formats de fichiers préconisés en ce sens sont le .csv et le .xls.

    · Non discriminatoires.

    · Non propriétaires.

    · Libres de droit.

    En prenant en compte ces propriétés, le W3C déterminera en 2009 les principaux avantages de la donnée ouverte : transparence, participation, collaboration, inclusion, interopérabilité, innovations, efficience, économies.22

    Par ses fonctionnalités, la données ouverte rassure les utilisateurs et inspire confiance. Non seulement il s'agit d'avoir accès aux sources de l'information qui étaient auparavant tenues secrètes ou en tout cas inaccessible au grand public, mais c'est aussi son caractère non traité qui enthousiasme le plus les gens. Rappelons que la donnée n'est ni synthétisée, ni interprétée.23 Pour le public, cela signifie donc que la donnée est objective, transparente. Aucun risque de corruption, de travestissement des informations, ni d'erreur journalistique.

    En ayant accès à la donnée brute, l'utilisateur peut accéder à toutes les parts et donc à n'importe quelle part de l'information. Cela signifie qu'il peut connaître des données qui l'intéressent personnellement ou qui auraient pu paraître inintéressantes aux yeux du journaliste, les chiffres les plus précis, dans leurs détails. Autrement dit, il est en relation directe avec la donnée, sans intermédiaire.

    L'autre avantage de la donnée ouverte est de pouvoir faire participer le grand public en mettant en place des applications collaboratives et évoluant en temps réel.

    La libération des données s'étend maintenant à d'autres domaines que la politique, ces domaines d'application sont divers et variés. Il peut s'agir de statistiques sur des usages domestiques, d'évènements météorologiques, de rapports scientifiques.

    Dans son dossier sur la réutilisation des informations publiques au service de l'innovation et de la proximité sorti en 2010, la FING propose une liste de données partageables avec les citoyens concernant la ville24 :

    · La description du territoire
    · L'occupation des ressources et

    (cartes, cadastre...) des capacités (voirie, bâtiments,

     

    22 Voir le rapport du W3C sur les enjeux de la donnée ouverte : http://www.w3.org/TR/govdata/

    23 Se reporter à la définition de la donnée vue précédemment p. 3

    24 La réutilisation des informations publiques au service de l'innovation et de la proximité : une démarche à destination des territoires publié en février 2010 est disponible sur le réseau social de la FING. Voir reseaufing.org


    · Des fonds documentaires (études, réglementation, statistiques...)

    · Les données de la décision publique (projets, enquêtes, délibérations, subventions...)

    · Le fonctionnement des réseaux urbains (eau, énergie, transports, logistique, télécoms...)

    · La localisation et les horaires d'ouverture des services et des commerces

    espaces, parkings...)

    · Des mesures (environnement, trafic...)

    · Des événements (culture, sports...)

    · Des informations touristiques, culturelles, des données d'archives

    · Les flux urbains (circulation...)

    · Des données de surveillance...

    I - 3 Vers une hyperinformation

    Les nouvelles modalités de partage et de diffusion des données et des informations nous ouvrent de nouvelles perspectives. Mais il faut aussi prendre en compte l'impact qu'elles ont sur la manière dont les utilisateurs captent l'information, la comprennent, la lisent.

    Les limites de la donnée brute

    La libération des données permet aux utilisateurs d'avoir accès à une masse incroyable d'information. Mais la donnée ouverte est-elle vraiment pertinente?

    Une des caractéristiques de la donnée ouverte25 est son état primaire : elle doit être brute, rudimentaire, et son format doit pouvoir être traité et automatisé par ordinateur. Autrement dit, la donnée ouverte se présente sous forme de tableurs, de fichiers exploitables par la machine. Visuellement, il s'agit de listes de chiffres, de mots, non agrées, et complets. La donnée la plus importante et la plus insignifiante sont au même niveau, et se lisent donc de la même manière.

    Si un des objectifs premier de la donnée ouverte est l'accessibilité à tous, dans les faits, le principe n'est pas tout à fait exact : en effet comment l'utilisateur lambda peut réellement comprendre de la donnée brute? Comme nous l'avons vu précédemment, la donnée ne devient de l'information qu'au moment où elle est interprétée. Hors seul un spécialiste est réellement en mesure d'appréhender la donnée dans le cadre d'un sujet précis.

    25 Op. cité

    Illustration 3: Extrait d'une feuille de données brutes disponible sur le site datablog du guardian, Swine flu data in the UK: see how bad cases are where you live

    De la même manière, la plupart des données brutes utilisent un jargon élitiste, que seul certaines personnes sont en mesure de comprendre. Ajoutons à cela l'aspect complexe de la donnée ouverte26 : il est avéré qu'un masse de données trop importantes et représentées par des chiffres, de manière linéaire, ne peux que décourager la plupart des utilisateurs. Un tableau de chiffres ne permet pas de « se représenter » les choses, à moins de procéder à une analyse longue et minutieuse. Pour que la donnée ait un sens, elle doit nécessairement être interprétée.

    Le processus de transformation de la donnée en information est compliqué, long, et demande la plupart du temps un minimum de connaissances et de pré-acquis. Il faut commencer comprendre ces données, les agréer, autrement dit les classer, reconnaître les plus pertinentes et les plus significatives, et les contextualiser.

    Tout le monde ne peux pas capter de l'information à partir des données brutes : il est donc essentiel que quelqu'un se charge de les interpréter en amont.

    Là encore, la donnée ouverte atteint ses limites. Un de ses avantages premier et la raison pour laquelle elle a un tel succès est son caractère objectif. Seulement, au moment où on interprète la donnée, autrement dit au

    26 Un fichier de données brutes est souvent imposant et complexe puisqu'une des propriétés de la donnée brute est d'être complète, autrement dit, tous les chiffres, du plus important au plus insignifiant doivent être indiqués.

    moment où on la comprend, elle perd cette caractéristique et devient forcément subjective. Ce qui signifie que la donnée ne peux rester objective que si elle n'est pas comprise, ou qu'elle ne transporte aucune information.

    La donnée brute, par sa difficulté de lecture et d'appréhension, peut donc nuire à l'information, voir même décourager les utilisateurs dans leur recherche d'information. Pour autant, la libération des données est une bonne chose, et les utilisateurs doivent avoir la possibilités d'accéder aux sources de l'information. Certains utilisateurs vont même jusqu'à exploiter la donnée brute dans des applications. Mais pour véhiculer de l'information au plus grand nombre, les données doivent être traitées.

    Mais la libération des données a un impact plus global sur les usages du web. Car du coup, c'est un nombre incroyable de données qui nous sont rendues accessibles. « Il y a encore un an, on militait pour accéder aux données et aujourd'hui on croule sous les données que nous recevons »27, affirme Simon Rogers.

    « Etant donné l'abondance des données que ce soit dans les réseaux sociaux, les blogs, les forums, il est impossible pour une seule personne de trouver la meilleure information(...). Aujourd'hui, on ne l'utilise qu'avec d'immenses bases de données qui restent inaccessibles pour les profanes que nous sommes. Mais peut-être que dans le futur, on apprendra à créer des modèles concis de cette masse d'information à la manière d'un moteur de recherche, mais qui serait guidé par une analyse humaine »28.

    De la densité et de la complexité

    Crowdsourcing, réseaux sociaux, données ouvertes sont autant de caractéristiques du flux d'information aujourd'hui. Et la multiplicité de ses canaux de diffusion contribuent à densifier l'importance du flux de manière exponentielle...

    Aujourd'hui, la quantité de données et d'informations qui nous parviennent devient étouffante. Entre les informations que nous cherchons, celles que nous subissons, il devient presque impossible de garder la tête « hors de l'océan de l'information ». L'utilisateur se noie au milieu de ces informations, si bien qu'il ne trouve pas la bonne, se perd, est dérouté dans sa recherche. La surabondance de l'information nuit aussi à la concentration : à trop solliciter l'utilisateur, son attention finit par se disperser.

    Le signal, autrement dit l'information utile, est dégradé par les informations non pertinentes, que l'on appelle le bruit. Chercher une information précise noyée dans le bruit généré par les milliards d'informations co-existante sur internet revient de plus en plus à chercher une aiguille dans une botte de foin.

    Guillaume Champeau, chercheur à la FING, confie son expérience : « A l'arrivée de RSS, je me suis abonné à des centaines de flux jusqu'à être

    27 Déclaration de Simon Rogers dans son interview sur l'atelier des médias, op. cité

    28 Extrait du billet Une étude montrant l'étendue de la crise du journalisme paru dans le blog Maniac Geek en 2010

    submergé : quels flux lire ? quelles informations lire au sein de chaque flux ? » 29

    Et l'augmentation du nombre d'informations n'est pas prête de décélérer : rappelons que chacun peut être producteur d'information et que n'importe quelle information peut être produite : de l'humeur d'un utilisateur au rapport d'un scientifique.

    Il devient alors primordial d'organiser ce flux, même si cela ne réduit pas pour autant sa densité, comme l'expliquent Jannis Kallinikos et JoséCarlos Mariátegui : « La croissance de la quantité d'information exige des outils qui permettent de la gérer. Les moteurs de recherche sont aujourd'hui indispensables pour ?organiser l'information globale», comme le dit la devise de Google ; ils offrent une aide précieuse pour s'orienter dans la déroutante matrice de données et d'images qui peuplent l'infospace de la vie contemporaine. Pourtant, même si cela peut sembler contre-intuitif, le fait d'ordonner et de gérer l'information n'en réduit pas la quantité mais au contraire l'augmente. Car l'organisation des données est en elle-même de l'information - au sens strict, une mise en forme. »30

    La surabondance de l'information crée du bruit, c'est à dire des informations indésirables ou dénuées de sens, mais elle crée aussi de la redondance : une information est diffusée sur internet une fois, puis elle est reprise, déformée, rediffusée et redistribuée (c'est le principe du tweet). Une étude de l'Université de Columbia The state of the news media 200631 démontre par exemple qu'en une journée Google News offre aux internautes 14.000 articles, mais qu'ils recouvrent en réalité 24 sujets.

    Cette redondance créée des détériorations dans l'information et perpétue les erreurs, les producteurs de l'information, du bloggeur au journaliste, étant de moins en moins enclins à faire des enquêtes pas eux-mêmes pour privilégier la requête sur les moteurs de recherche. Ils recyclent plus souvent les informations qu'ils ne les créent, et bien souvent n'en vérifient ni la source ni la véracité. Et si une information erronée apparaît en masse sur internet, alors elle devient véridique aux yeux de l'utilisateur qui ne vérifie pas non plus la véracité de l'information, devenant en quelque sorte une « opinion universellement partagée ».

    Nous sommes donc dans une ère de l'hyperinformation32. Mais le flux de l'information n'est pas seulement dense, il est aussi complexe.

    En théorie de l'information, la complexité se défini une abondance de choses simples. Autrement dit un système d'éléments simples. Par exemple, un texte est complexe lorsqu'il contient un nombre important d'informations. La complexité s'observe le plus souvent lorsque les relations entre les différents éléments sont si nombreuses qu'il devient difficile d'appréhender

    29 Extrait de l'article de Guillaume Champeau de l'UPFing06 : les réseaux sociaux

    30 Voir l'article de Jannis Kallinikos et José-Carlos Mariátegui, la société de l'hyperinformation, disponible en ligne sur le site de TELOS

    31 Voir le site stateofthemedia.org

    32 Terme inventé par Gérad Ayache dans son livre Homo Sapiens 2.0, vers une société de l'hyperinformation, op. Cité.

    l'objet dans son ensemble.

    Le flux d'information, de par la quantité de réseaux qui le composent, est donc de nature complexe.

    Illustration 4: Visualisation de Jon Schulls représentant la complexité des informations émises sur un blog

    Hubert Guillaud nous explique que la transmission de l'information est un exemple représentatif de complexité: « Il y a quelques années, en rédigeant sa thèse, Manuel Lima a créé un outil permettant de visualiser comment l'information se répand à travers les blogs : Blogviz, qui a suscité l'intérêt de nombreux chercheurs. C'est cette recherche sur la nature de la blogosphère qui a conduit Lima à s'intéresser plus avant aux structures fondamentales des réseaux, et à créer Visual Complexity. Ce site est un

    véritable catalogue illustré des systèmes complexes existant «à l'ère de l'interconnectabilité infinie», un bestiaire de tous les types de réseaux existant dans notre univers. »33

    Dans le flux de l'information, la complexité se traduit par la multitude des réseaux et des émetteurs, des typologies et des niveaux d'informations. L'information se qualifie selon ces propriétés, mais elle est également liée à d'autres informations en fonction de ces propriétés. La connexion entre les informations et multiple et complexe. L'utilisateur doit donc gérer cette complexité.

    Aujourd'hui, les moteurs de recherche et les bases de données tels quels ne permettent pas une telle gestion, j'ai moi-même fait l'expérience de cette limite au moment où j'ai entré « travestissement de l'information » sur Google... Il devient de plus en plus difficile de trouver une information précise au milieu de cette complexité.

    Pour dompter le flux de l'information, il va donc falloir créer des nouveaux systèmes pour se repérer, naviguer en son sein, afin que la complexité et la densité ne soient plus un frein à l'information.

    Une nouvelle lecture de l'information

    La manière dont sont diffusées les informations est aussi en train de changer la manière dont on la reçoit et on la cherche. Les capacités du média qu'est internet nous ont peu à peu amené à une nouvelle manière de lire, mais aussi à une nouvelle manière d'appréhender l'information.

    La densité et la complexité du flux nous poussent à « consommer » plusieurs informations à la fois, à surfer d'une information à l'autre en suivant les liens hypertexte qui nous sont proposés, et rester statique, attentif à une information à la fois devient de plus en plus difficile.

    « Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. Mon esprit était happé par la narration ou par la construction de l'argumentation, et je passais des heures à me laisser porter par de longs morceaux de prose. Ce n'est plus que rarement le cas. Désormais, ma concentration commence à s'effilocher au bout de deux ou trois pages. Je m'agite, je perds le fil, je cherche autre chose à faire. J'ai l'impression d'être toujours en train de forcer mon cerveau rétif à revenir au texte. La lecture profonde, qui était auparavant naturelle, est devenue une lutte ». Déclare Nicolas Carr dans son article sur les nouveaux paradigmes de la lecture34.

    Internet aurait donc changé notre manière de penser l'information. Ce changement de paradigme, le théoricien des médias Marshall McLuhan le prédisait déjà dans les années 6035 en faisait remarquer que les média ne sont

    33 Voir l'article d'Hubert Guillaud, Embrasser la complexité, disponible sur le site internetactu

    34 Voir l'article de Nicolas Carr : Est-ce que Google nous rend idiots?

    35 Cf. l'essai de Marshall McLuhan, Pour comprendre les média : les prolongements technologiques de l'homme sorti en 1964.

    pas uniquement un canal passif d'information. Selon lui, ils fournissent les bases de la réflexion et modèlent également le processus de la pensée.

    Ainsi, le média qu'est internet nous a habitué à recevoir, de manière volontaire ou non, un flux d'informations complexe et rapide, et cela a un eu impact sur nos habitudes de réflexion, notre manière de penser l'information.

    Avant internet, pour avoir des informations,il fallait nécessairement lire des ouvrages, se concentrer pendant plusieurs heures sur un texte : obtenir des informations relevait d'un processus relativement lent. Et si ces textes peuvent renvoyer à d'autres par leur bibliographie ou leurs notes de bas de page, le passage d'un livre à l'autre n'est pas immédiat et instantané.

    Aujourd'hui, l'internaute glane les informations, il saute de lien en lien, tout doit être rapide, instantané, efficace, accessible. Il supporte mal les textes longs et ses capacités de concentration sont érodées. Il ne lit plus de manière horizontale, sa lecture est segmentée, inspirée par les pratiques héritées du MEMEX36

    Par ses particularités, Internet a défini des nouveaux codes de lectures et d'apprentissage.

    II Le langage et l'image

    Les possibilités d'internet et des plateformes numériques ont modifié la nature même du flux de l'information. De nouvelles modalités sont apparues, et de nouveaux besoins de la part de l'utilisateur. Mais pour l'instant, nos outils pour naviguer au sein du flux de l'information ne prennent pas en compte ce changement de paradigme. Hors, « la nature et la configuration des message dépendent des appareils qui le transmettent »37. Autrement dit, si nous n'adaptons pas nos outils pour mieux nous repérer et mieux représenter l'information, alors celle-ci risque de baisser en pertinence et en accessibilité. Internet nous offre de nouvelles possibilités, mais nous devons nous y adapter pour exploiter au maximum les potentialités de transmission que ce média nous offre. Car une multitude d'informations ne sert à rien si on ne peut les assimiler.

    Mais alors, comment transmettre de l'information?

    36 Le MEMEX est un ordinateur analogique théorique décrit par le scientifique Vannevar Bush dans l'article As We May Think publié en 1945 dans la revue The Atlantic Monthly. Il est a posé les fondations de l'hypertexte à l'origine du World Wide Web.

    37 Le canal de la communication est constitué d'une triple dépendance : il dépend du stimuli, et donc du support qui va permettre la transmission du message, des caractéristiques de l'appareil qui les a émis, et de ses caractéristiques. La nature et les caractéristiques d'un message dépendent donc de ces appareils transmetteurs. Cf. Précis de sémiotique générale, de Jean-Marie Klinkerberg, 1997.

    II - 1 Les mécanismes du langage

    Pour cerner ce qui est nécessaire à une bonne transmission de l'information, revenons à l'origine de la transmission : le langage. Le langage est un outil pour transmettre un message, une information. Il permet de véhiculer le message d'une personne à une autre. Pour bien restituer l'information, la maîtrise du langage est donc nécessaire.

    Généralités

    Le langage est quelque chose qui nous semble naturel et inné, il nous sert à communiquer des messages, informations, idées. Mais bien que celuici semble être une chose intuitive, les mécanismes qui la composent sont nombreux et complexes, régis par des règles encrés en nous de manière inconsciente.

    Si le mot « langage » nous renvoie d'emblée au langage verbal, n'oublions pas qu'il existe un nombre incalculable de langages. Citons par exemple le langage écrit, le langage visuel, gestuel. Mais aussi d'autres types de langages, comme le langage des fleurs, le langage des pictogrammes, celui des vêtements, le langage architectural... Dés qu'il y a communication, il y a langage.

    On peut donc aussi parler de langages machine, puisqu'elles communiquent entre elles.

    Comprendre le fonctionnement du langage est nécessaire pour savoir de quelle manière bien communiquer une information, savoir sur quels éléments porter une attention plus particulière, maîtriser ceux capables de lui nuire et de l'avantager.

    En schématisant les mécanismes de la communication, on peut distinguer six grand facteurs qui le constituent :

    1. L'émetteur, instance théorique,

    2. et le destinataire, sont les deux facteurs sur lesquels se base la communication.

    3. Le message est l'idée qui doit être transmise, ou communiquée, de l'émetteur au destinataire.

    4. Le contexte qui donne un sens au message.

    5. Le code, qui doit être commun à l'émetteur et au récepteur. La langue par exemple est un code.

    6. Et enfin le canal, par où transite l'information.

    Illustration 5: Réadaptation du schéma de la communication de Jakobson

    Mais si ce schéma38 résume bien en mettant en valeur les divers éléments en présence, la nature et les relations entre ces divers instances sont loin d'être uniques et singulières.

    L'émetteur, instance théorique39, peut être une personne ou une chose, c'est ce qui est à l'origine de la transmission, et donc, ce qui véhicule un message. Le message est émis de manière involontaire par l'objet, mais cela peut aussi être le cas d'une personne : on peut par exemple transmettre son stress.

    De plus, un message peut être transmis par plusieurs émetteurs en même temps, le cas d'un journal est flagrant : le message véhiculé par un article provient du journaliste, du rédacteur, du maquettiste, etc... L'émetteur n'est donc pas forcément une entité simple, mais peut être la réunion de plusieurs entités.

    Le message est aussi influencé par l'émetteur : par exemple le crédit accordé à un auteur aura une influence sur la véracité perçue du message.

    En résumé, l'émetteur peut être volontaire ou involontaire, unique ou multiple et plus ou moins influent.

    Le destinataire peut, comme l'émetteur, être une personne ou un objet : il est possible de recevoir une information d'un objet ou d'une machine, tout comme il est possible qu'un objet et une machine communiquent entre eux40, de la même manière, un humain peut communiquer avec une machine. Le destinataire peut être lui aussi unique ou multiple(dans de cas d'une communication de diffusion), et peut ne pas être en contact direct avec le message, c'est à dire le recevoir bien après sa production.

    38 Ce schéma est inspiré de celui de Roman Jakobson, présent dans tous les livres scolaires, il décrit de manière simple les processus de communication.

    39 L'émetteur est une instance théoriques puisque : il n'est pas forcément humain. Par exemple, une machine peut émettre un message. Autre exemple : dans le cas du langage vestimentaire, la manière dont une personne sera habillée nous communique des informations sur cette dernière. Cf. Précis de sémiotique générale, op. cité.

    40 Lorsqu'une machine lit un code barre par exemple, on peut parler de communication entre un objet et une machine.

    Le destinataire et l'émetteur sont inter-dépendants. Ainsi, l'émetteur adaptera son message en fonction du destinataire qu'il suppose avoir devant lui, adaptera son langage, voir utilisera un code différent. Le message sera également différent suivant que l'émetteur envisagera le destinataire comme une personne en particulier ou s'il s'adresse à toute personne dans la capacité de recevoir le message.

    Le destinataire peut donc être un individu ou un objet, unique ou multiple, distinct ou plural, et a toujours une forte influence sur la forme du message, le canal et le code utilisés.

    Connaître la nature du destinataire est donc la première chose à faire lorsque l'on veut transmettre un message : tous les autres facteurs de la communication doivent s'y adapter pour que le message soit retranscrit de la meilleure manière possible à commencer par le référent.

    Le référent ou contexte est ce à propos de quoi on communique. Pour que l'émetteur et le destinataire se comprennent, ils doivent faire appelle aux mêmes référents. Par exemple, si l'émetteur parle d'une pomme, il fait appel à divers référents tels fruit, nourriture, rond, etc... Le destinataire pour qui la pomme fait appel aux mêmes référents visualisera la pomme de la même manière que l'émetteur. Si encore l'émetteur montrera une image de pomme, alors dans sa forme, elle fera référence au fruit, mais seulement si le destinataire reconnaît en l'image la référence de l'objet.

    Il est essentiel de bien spécifier le contexte employé lors de la diffusion d'un message puisqu'il peut prendre une signification complètement différente suivant ce contexte. Par exemple le dessin d'une vache n'aura pas le même signification s'il se retrouve chez un boucher, sur un panneau de la route ou sur un abécédaire.

    Le message en soi ne peut être considéré comme un facteur, mais plutôt comme à la fois le mobile de la communication et la somme des autres facteurs. Pour Jean-Marie Klinkenberg, « le message c'est au fond une portion de référent transformée par un code et dans lequel se noue l'interaction des partenaires de la communication, ce qui la rend transmissible par un canal »41.

    On peut en tous cas distinguer six grandes fonctions au message.

    1. La fonction émotive ou expressive, qui est centrée sur l'émetteur. Ce type de message met en évidence la condition de l'émetteur au moment où il le produit. Un cri de douleur ou le grésillement d'une ampoule sur le point de tomber en panne sont des exemples de messages à fonction expressive.

    2. La fonction conative ou impérative est centrée sur le destinataire. Un message à fonction conative cherche à avoir une influence sur le destinataire, que ça soit en motivant une action de sa part, en cherchant à modifier ses actes ou ses connaissances. Une recette de cuisine, un ordre, ou un cours de géographie sont à fonction conative.

    41 Voir Précis de sémiotique générale p. 53, op cité.

    3. La fonction référentielle est centrée sur le référent. Le message est orienté vers le sujet. Un panneau « chutes de pierres » est par exemple référentiel. Cette fonction est vouée à diffusée une information objective.

    4. La fonction phatique ou de contact est centrée sur le canal. Elle ne véhicule pas, à proprement parler, d'information. Elle vise soit à créer ou à conserver le contact entre l'émetteur et le destinataire. Le « Allo? » d'introduction dans une communication téléphonique est un message de ce type.

    5. La fonction métasémiotique est centrée sur le code. C'est l'utilisation du langage pour parler du langage. Les définitions du dictionnaire sont un parfait exemple de métasémiotique.

    6. La fonction poétique ou rhétorique est centrée sur le message luimême. C'est la manière dont le message est formulé qui compte. Un jeu de mot par exemple est un message à fonction poétique ou rhétorique. Cette fonction ne s'applique pas qu'à la langue. Un pas de danse par exemple a fonction poétique : il s'agit de détourner la fonction primaire du pas, aller d'un point A à un point B, pour transmettre un message.

    Mais ces fonctions ne doivent pas être considérées comme fixes et rigides : la frontière entre celles-ci est souvent confuses. La plupart du temps, le message transporte une information. Hors, véhiculer une information revient en quelque sorte à modifier les connaissances du destinataire, ce qui renvoie à la fonction conative.

    On peut donc dire que plusieurs fonctions existent dans une communication.

    La multiplicité des codes et des canaux de diffusion

    Les deux autres facteurs importants de la communication sont le canal et le code. La diffusion sur support numérique implique de maîtriser ceux-ci de manière plus particulière et spécifique.

    Le canal est le moyen physique par lequel le message est transmis. Le langage peut ainsi avoir divers canaux possible, oral, visuel, auditif... Ces canaux ont chacun leur typologie, et certains sont à privilégier par rapport à d'autres suivant le message qui doit être transmis.

    Le canal est défini par trois facteurs :

    · il dépend des stimuli, c'est à dire de la nature des ondes transmises (ondes sonores, électriques, lumineuses, etc...), et donc du support qui va permettre cette transmission (comme l'air qui est le support des ondes sonores).

    · De la nature de l'appareil émetteur (la bouche, le corps, etc...)

    · De la nature de l'appareil récepteur (les yeux, les oreilles, etc...) La puissance du canal dépend donc directement des capacité d'émission

    mais aussi de réception, autrement dit de la vitesse et la faculté de traitement des stimulus.

    Les canaux énumérés précédemment sont des canaux dits naturels, c'est à dire présents chez l'homme. Mais quand deux individus sont éloignés, il peuvent tout de même communiquer en utilisant des intermédiaires, c'est à dire des canaux artificiels de communication, comme le téléphone, le télégramme, ou l'ordinateur : ce sont des interfaces physiques. Ces canaux peuvent aussi servir à la conservation de l'information, autrement dit à la mémorisation (le livre est donc un canal de communication artificiel).

    Certains canaux sont ainsi plus puissants que d'autres : par exemple, le canal auditif permet de traiter peu d'informations à la fois. La plupart du temps, la transmission par le son s'effectue de manière linéaire, une information après l'autre : elle dépend du temps. Le canal visuel, quant à lui, permet le traitement simultané d'un nombre important d'informations, il dépend de l'espace. Ecouter les informations à la radio et les lires dans un journal admettent des modalités de lectures totalement différentes : dans le premier cas il faut écouter toutes les informations avant d'atteindre celle qui nous intéresse, alors que dans le deuxième cas, on peut aller directement à l'information cette dernière.

    Pour qu'un message soit émis correctement, il faut donc prendre en compte de la force du canal, mais aussi de la disponibilité des appareils qui vont recevoir le message et la viabilité du support de transmission. En cas de dysfonctionnement d'une des composantes du canal, les informations transitant le long du canal risquent d'être détériorées. Ces facteurs de dysfonctionnement se nomment le bruit. Dans le cas d'une transmission par le canal auditif, si des hauts-parleurs sont défectueux, alors il y a dysfonctionnement de l'appareil émetteur, si le message est émis dans un environnement bruyant, c'est un dysfonctionnement du support de transmission, et enfin si le destinataire est mal-entendant, alors il s'agit d'un dysfonctionnement de l'appareil récepteur.

    Le code est un ensemble de règles permettant d'attribuer une signification particulière aux éléments du messages qui sont transmis. Autrement dit, le code permet de traduire les stimulus (les ondes transmises par le canal de la communication, vu plus haut) en éléments porteurs de sens, suivant une convention bien précise.

    Si le canal définit comment le message sera transmit, alors le code définit comment il sera transmit.

    Pour que la communication se fasse, émetteur et destinataire doivent disposer du même code. Dans les langages machine c'est le cas : pour que deux programmes puissent communiquer entre eux, ils doivent forcément disposer du même code. Mais entre humains, les codes utilisés ne sont pas forcément les mêmes, ils varient souvent d'une personne à l'autre, de la même manière que le référent.

    Les exemples de codes sont aussi variés que le sont les exemples de langage : il y a le code de la route, le code pénal les codes gestuels, les codes

    vestimentaires, les codes gestuels, le code du morse, etc...

    Mais l'emploi du code et du canal dans la communication ne s'arrête pas à une relation simple et linéaire : ils s'entrelacent, co-existent, se répètent, le soutiennent et interagissent entre eux. Dans une conversation, il est fréquent de voir plusieurs codes co-exister, l'usage de la parole étant par exemple souvent appuyé par des gestes. De même, un dialogue peut utiliser à la fois des codes linguistiques et sociaux.

    Le message est souvent diffusé plusieurs fois en même temps, avec différents codes et différents canaux, c'est ce qu'on appelle la redondance.

    Il existe plusieurs types de redondance :

    · l'intracodique, qui utilise plusieurs fois le même code.

    · l'intercodique, lorsque des codes différents sont employés.

    · celle utilisant le même canal.

    · celles sur un canal différent.

    Pour éviter qu'un message ne soit détérioré par du bruit, le message peut être répété sur d'autres canaux, en utilisant la redondance. Dans certains lieus par exemple, le feu du passage piéton est indiqué à la fois de manière visuelle et sonore. Pour autant, pour un non-voyant, il n'y a pas redondance puisque celui-ci ne peut apercevoir que l'information qui transite par le canal auditif.

    Mais la redondance n'existe pas seulement pour palier eux éventuels problèmes de bruit. Elle est là aussi pour appuyer le message et le rendre plus évident. Certains objets par exemple communiquent leurs fonctions sur différents canaux simultanément, et avec des codes différents. C'est le cas des pièces de monnaie : on les reconnaît à la fois par le biais du canal visuel, dans la forme, la taille, la couleur, le dessin, et les indications écrites, puis par le canal sensoriel, dans la froideur du métal, les reliefs, le poids.

    Le passage du code d'un canal à un autre impose une phase de transformation. Il ne faut pas oublier que la nature du canal impose un champ d'action imposé : on ne peut transmettre un son par le canal auditif. Le code doit donc être adapté. Cette adaptation se nomme le transcodage. Le transcodage permet d'adapter facilement un code aux variations qu'imposent le destinataire, ou encore de le cas où le canal deviendrait défectueux. Le cas de l'écriture en braille est un parfait exemple de transcodage : il s'agit en effet d'adapter l'écriture du canal visuel au canal du toucher. Le transcodage désigne aussi le fait de faire passer un message sur un canal artificiel, sur un ordinateur par exemple.

    Le transcodage permet d'utiliser les canaux de manière optimale et de relever le niveau de redondance des énoncés. Cela signifie que pour faire passer un message, l'émetteur peut utiliser à volonté un canal plutôt qu'un autre. Un automobiliste par exemple, peut signaler sa présence aussi bien par un coup de phare que par un coup de klaxon.

    Comme dans le cas de la pièce de monnaie, on observe aussi que le transcodage peut être utilisé pour passer d'un code à un autre code sur un

    même canal. Pour en revenir aux canaux artificiels, le passage d'un code informatique à un autre est aussi une forme de transcodage.

    Le transcodage permet également de transmettre un message avec un objectif différent : le passage de la transmission orale - qui permet seulement un échange entre des partenaires en contact - à l'écrit permet non seulement de mémoriser l'information, mais aussi de continuer à la transmettre même si l'émetteur du message n'est plus présent. L'imprimerie a justement permis d'augmenter les performances de cette technique, en la rendant encore plus rapide, plus efficace, et surtout plus accessible.

    Le canal peut donc être employé de manière multiple pour transmettre un message, mais il peut aussi être employé dans les deux sens. La plupart du temps, la communication ne se limite pas à envoyer un message à un destinataire. L'orateur observe la réaction de son auditoire et adapte son discours en fonction de cette dernière. C'est ce qu'on appelle le feed-back. Cela signifie qu'au moment même où le destinataire reçoit un message il en transmet un autre, et a donc une influence indirecte sur la nature même du message.

    Le signe

    Pour communiquer un message, nous utilisons des signes. Le signe est le substitut d'un objet ou d'une chose, permettant de les désigner, de les manipuler en leur absence. Le signe est donc différent de la chose et n'a pas le mêmes propriétés : la différence entre une lampe et l'image d'une lampe est que cette dernière ne peut éclairer, l'image d'une poule ne peut pondre des oeufs, etc...

    En conséquence, le signe induit une distance : c'est une représentation, une abstraction. Il peut se présenter sous la forme d'une une image, d'un mot, etc... Un chèque par exemple est un signe puisqu'il est le substitut de l'argent liquide qu'il représente. De la même manière, le billet de banque est un signe puisqu'il est le substitut des biens que l'on peut obtenir avec. Le signe est donc une instance immatérielle, abstraite, qui remplace des objets.

    Le signe permet donc, de par sa nature, de communiquer sur des choses dont on a pas l'expérience directe. Une carte peut bien représenter des pays que l'on a jamais visité, tout comme une photographie d'ailleurs. Il est aussi possible d'utiliser des signes pour représenter des objets irréels, qu'il s'agisse de pensées, de sensations, ou bien de créatures imaginaires.

    Le signe nous permet donc de manipuler plusieurs réalités différentes de la même manière, car c'est grâce à la substitution qu'il opère que l'on peut transmettre toutes sortes d'idées sur un même code et un même canal de communication.

    Mais pour faire le lien entre le signe et l'objet auquel il renvoie, il faut utiliser et connaître des codes. Les codes établissent les correspondances entre l'objet et son substitut : en confrontant le signe avec un objet déjà connu, autrement dit en établissant une comparaison, on peut se représenter le signe mentalement. C'est à dire faire le parallèle avec son équivalent en

    tant qu'objet ou chose. Le code donne donc son statut au signe.

    Pour comprendre à quoi un signe fait référence, il est donc nécessaire d'établir diverses comparaisons.

    En faisant ce lien, nous établissons les réalités qui nous entourent. Le signe ne nous sert alors plus seulement de substitut : il sert aussi à nous représenter les choses dans leur ensemble, à structurer et catégoriser le monde. Les comparaisons nous permettent ainsi de déterminer des échelles sur lesquelles les signes vont ensuite se positionner : lorsque l'on parle de hauteur, on implique les notions de haut et de bas.

    Pour expliquer ce phénomène, Umberto Ecco42 nous propose un exemple d la vie de tous les jours. Il s'agit d'un patient qui va voir un médecin. Ce patient explique qu'il souffre d'un « mal au ventre ». L'état « mal » suppose en lui-même qu'il existe un état « non mal » tout comme l'emploi du mot « ventre » suppose qu'on puisse « avoir mal » à autre chose.

    Les échelles crées par le biais des signes nous servent à situer les diverses sollicitations qui nous viennent de notre entourage, et aussi de les retranscrire.

    Sans ces échelles, il serait impossible de décrire ce qui nous entoure. Par exemple il est facile de savoir à quoi renvoie la couleur rouge, mais en soi, le rouge n'est qu'une longueur d'onde. C'est en attribuant un signe particulier (le mot « rouge ») à cette longueur d'onde qu'elle devient une couleur. L'emploi du signe « rouge » renvoie alors directement à sa correspondance dans la réalité. Dans la nature, de telles subdivisions n'existent pas. C'est par cette attribution que nous découpons la réalité en « unités discrètes ». Séparées les unes des autres, les unités sont plus faciles à distinguer et donc à désigner.

    Les échelles sont communes à une culture, autrement dit, elles renvoient à des conventions collectives. Le signe « rouge » représentera la même chose pour quiconque utilisera ces mêmes conventions : elles sont donc nécessaires à la communication. On peut donc dire que le découpage de l'univers n'est pas arrêté : il dépend à la fois des connaissances, d'une culture, et des valeurs utilitaires définies par celles-ci43.

    Il existe des conventions explicites, c'est à dire où la correspondance entre le signe et ce à quoi il renvoie est clairement et préalablement établi (comme c'est le cas pour le rouge). Et des conventions implicites, c'est à dire où les règles de correspondances ne sont pas écrites mais inscrites de manière inconsciente dans notre cerveau. Ce sont les habitudes qui forgent ces dernières. Par exemple, le chant du coq présuppose que le soleil est, ou est en train de se lever.

    Les conventions explicites sont déterminées par ce que l'on appelle la

    42 Cet exemple est tiré du livre d'Umberto Ecco, Le Signe, histoire et analyse d'un concept, paru pour la première fois en 1971, dans lequel il explique les nombreuses théories de la signification et du signe.

    43 Par exemple, si le rouge a été défini comme une unité, c'est parce qu'à un moment donné, on a ressenti le besoin de le représenter.

    « décision sémiotique »44. C'est cette décision qui fait que l'on attribue un signe à une signification, à un phénomène physique.

    De même, une signification n'est établie qu'en fonction du contexte où le signe est présent. Par exemple, le feu rouge signifie qu'il faut s'arrêter mais uniquement pour une personne qui se tient au volant.

    Ensuite, on peut distinguer plusieurs types de signes en fonction de leur motivation, c'est à dire en fonction de la modalité abordée pour retranscrire l'objet :

    · Les indices sont des signes motivés par contiguïté. Il sont en quelque sorte une trace de l'objet, l'indication de son existence, son produit. Par exemple, la fumée est un indice de feu, l'odeur de nourriture indique un plat chaud...

    · Les icônes sont des signes liés par discontinuité. Ils sont crées par mimétisme à l'objet, mais ne sont pas liés à celui-ci. Une photocopie, une carte, l'imitation d'un cri d'oiseau sont des icônes.

    · Les symboles sont des signes arbitrairement crées par des découpages correspondants et non découpables. Exemple : le noir est un symbole du deuil, la balance symbolise la justice. Les symboles sont dépendants d'une culture donnée.

    Le signe remplace donc le ou les objet(s) qui sont énoncés dans le message. L'assemblage (la syntagme45) des signe dans un contexte précis insuffle la signification à un message46. En langage, les signes sont des mots : le mot pomme est un substitut de la pomme et permet d'énoncer celleci dans le message : « j'ai mangé une pomme ». Le moyen le plus couramment utilisé pour transmettre une information est le texte.

    II - 2 Le langage visuel

    Si le moyen le plus couramment utilisé pour transmettre une information est le texte, nous l'avons vu, c'est loin d'être la seule solution que nous avons à notre portée pour communiquer. Hors, comme nous l'avons constaté dans la première partie du mémoire, les nouvelles modalités du flux d'information nous impose du texte de manière surabondante.

    Pour dégager une information précise d'un paragraphe, il faut le lire en entier puisque la signification du paragraphe n'apparaît sue lorsque les mots qui la composent sont placés, et donc assimilés dans un ordre précis. Chaque mot constituant la phrase, rappelons-le, est un signe, ce qui signifie que chaque mot est analysé avant d'être mentalement assemblé au sein de la phrase pour que celle-ci prenne un sens. Ce processus est linéaire et requiert de la patience. Pour obtenir l'information que l'on attend, on est obligé de recevoir d'autres messages, d'attendre que la phrase entière soit lue. Et tout

    44 Précis de sémiotique générale, p.33, op. cité.

    45 La syntagme désigne l'ordre de combinaison des signes.

    46 Dans son livre L'aventure Sémiologique, Rolland Barthes évoque les différents types de relation qui ont été mises en évidence par différents sémioticiens, sémiologues, linguistes.

    ça pour parfois, ne pas recevoir l'information que l'on attendait ou se retrouver avec une phrase sans valeur informationnelle.

    Le processus va a l'encontre des nouvelles modalités de lectures engendrées par la surinformation. Car l'utilisateur veut aller directement à l'information qui l'intéresse, et ne lira un texte de manière profonde que si il est certain que celui-ci l'intéresse. D'autre part, la surabondance de texte sur une page internet par exemple crée du bruit, car les yeux de l'utilisateur sont attirés par tous les stimulus (éléments visuels) auquel il a accès, et sa concentration risque donc d'être atténuée, ou pire, il risque de mélanger les stimulus et de ne pas encoder le message dans le bon ordre. Un surplus de signes textuels aurait donc tendance à nuire à l'information.

    Mais alors quel code utiliser pour mieux véhiculer des informations? Le signe iconique, image mimétique

    Dans l'histoire du signe et de la communication, l'image est arrivée bien avant les mots. Les peintures rupestres sont les premières formes de signe produites sur un canal fixe et donc permettant une communication à distance temporelle. Dans les premières formes d'écriture, les choses et les objets étaient représentées sous forme de pictogrammes, c'est à dire sous forme de signe-image, et d'idéogrammes, sous forme de signe-idée. Dans le cas des pictogrammes, le signe représentait la chose sous forme d'image, en reproduisant sa forme globale, tandis que dans le deuxième cas, on utilisait les images des objets concrets pour représenter une idée. L'écriture était alors issu d'un processus visant à dessiner le monde.

    En occident, l'écriture est devenue une représentation signe-langue. Chaque lettre ou combinaison de lettre visant à reproduire les sons produits par les individus. Mais l'utilisation de l'image comme véhicule d'information ne c'est pas perdue pour autant.

    Au moyen-age, alors que seul les élites étaient capables de lire et d'écrire, l'image s'est imposée comme le code idéal pour transmettre l'histoire biblique. L'image ne requiers pas à priori d'apprentissage pour être compris car, contrairement à la langue, elle reproduit visuellement notre monde. Elle est donc par essence plus accessible.

    L'image, dans le processus de représentation des objets, arrive en préambule de l'écriture et des autres codes de représentation. Lorsque celuici nous est décrit, nous visualisons mentalement l'objet : cette propriété de l'image est unique. Il est en effet difficile de se représenter mentalement un son plutôt qu'une image. Pour Michel Sers47, cette visualisation est automatique, le phénomène de la vision apocalyptique48 en est une illustration. « Le prophète reçoit une révélation (...), faite précisément sous la forme d'une vision. Après coup seulement la vision est traduite sous une forme discursive. ». Pour lui, cet exemple est significatif de la valeur de

    47 Dans sa préface au livre de Wassily Kandinsky, Point et ligne sur plan, Michel Sers explique en quoi l'art abstrait est fondé à devenir support de l'image prophétiuque.

    48 Apocalypse dans le sens grec, ?ðïêÜëõøéò / apokalupsis, qui signifie révélation.

    l'image : « on peut supposer que l'apparition de cette révélation sous une forme visuelle n'est pas un effet du hasard. Il existe un caractère particulier de la communication visuelle qui la rend essentielle en face de la communication verbale ».

    Mais cela reste également un des meilleurs moyen de concevoir l'univers qui nous entoure et de nous situer par rapport à lui. Il est par exemple impossible d'envisager une carte où ne figureraient que des données pour un public peu averti. De même, dans la plupart des cours d'introduction à la physique chimie, à la science naturelle, et à d'autres disciplines, il est fréquent d'employer des schémas pour aider les élèves à comprendre le sujet. L'image reste encore le moyen le plus efficace pour nous représenter l'espace et les objets qui nous sont inconnus.

    L'image est instantanée, immédiate, elle fait donc à priori appel à moins de processus cognitif que le texte. Mais comme les autres signes, elle repose sur des processus bien spécifiques, une grammaire qui lui est propre49. De même, pour représenter quelque chose par l'image, on peut procéder de plusieurs manières. De même que dans les premiers langages où l'on distingue idéogrammes d'une part et pictogrammes d'autre part, l'image peut imiter la réalité ou représenter une idée plus abstraite.

    L'image peut donc être utilisée de différentes manières.

    On peut déjà distinguer deux types d'images : les signes iconiques, qui représentent les choses par mimétisme, et les signes plastiques qui reposent sur des codes spécifiques passant par le trait, la couleur, la forme, sans pour autant procéder par analogie. Mais il ne faut pas croire que ces deux signes soient parfaitement distincts. Bien souvent dans l'art pictural, les représentations font appelle en même temps à ces deux types de signe. Les tableaux du moyen-age représentant l'annonciation par exemple marchent par mimétisme : la vierge est une représentation par mimétisme de la femme, mais en même temps ils procèdent de codes purement plastiques, la couleur, la pâte, l'emplacement des protagonistes, leur taille. A l'inverse, certaines représentations, comme dans l'art abstrait par exemple, ne font appelle qu'à des signes plastiques.

    Ces deux types d'images doivent cependant faire appelle à deux analyses bien distinctes, puisque leurs signifiants sont différents. Les signifiants iconiques relèvent d'unités discrètes, alors que les signifiants plastiques sont plus difficiles à cerner.

    La structure du signe iconique est assez similaire à celle des autres signes. Ce schéma en explique le fonctionnement :

    49 La question d'une rhétorique de l'image a principalement été étudiée par le le Groupe u, à la fin des années 60. Dans leur livre, Traité du signe visuel (1992), le groupe de réflexion élabore une grammaire de l'image, et distingue le signe iconique du signe plastique, ce qui a permis par la suite d'envisager ce dernier de manière indépendante. Le groupe u poursuit depuis 1967 des travaux interdisciplinaires en rhétorique, en poétique, en sémiotique et en théorie de la communication linguistique ou visuelle, travaux qu'il signe d'un nom collectif. Ses membres à l'époque sont Francis Édeline, Jean-Marie Klinkenberg, Jacques Dubois, Francis Pire, Hadelin Trinon et Philippe Minguet.

    Illustration 6: Structure du signe iconique. Extraite du livre de Jean-Maire Klinkenberg, précis de sémiotique générale p.383, op. cité

    Le stimulus, comme nous l'avons vu dans la partie sur la pluralité des codes et des canaux de diffusion, est le support du signe. Un stimulus visuel est une tache sur un morceau de papier, ou une projection lumineuse sur un mur. Le référent est la classe auquel l'objet représenté par le signe visuel appartient. Le signifiant regroupe les caractéristiques, les traits du stimulus. C'est en distinguant ces traits que l'on fait le rapprochement entre le stimulus et le type auquel il se rapporte50. Le type, enfin, est un modèle théorique auquel appartient le référent. Pour mieux différencier un type et un référent, disons que le triangle est un type de forme, et que le triangle isocèle, l'objet référent.

    Ne confondons pas le type avec le signifié en langage. Pour Jean-Marie Klinkenberg, ces deux attributs sont bien distincts : « Le «type» a une fonction particulière que l'on comprendra si l'on considère la structure du signe iconique (, par exemple le dessin d'un chat). Le stimulus, c'est-à-dire le support matériel du signe (taches, traits, courbes, etc.), entretient avec le référent (la classe des animaux que l'on appelle chats) une relation de transformation : le chat dessiné n'est pas du tout identique à l'animal chat.

    50 La définition exacte du stimulus donné en sémiotique visuelle est « Ensemble modélisé de stimuli visuels correspondant à un type stable, identifié grâce à des traits de ce signifiant, et qui peut être associé à un référent reconnu, lui aussi comme hypostase du type ; il entretient avec ce référent des relations de transformation ». Groupe m (1992), Traité du signe visuel-Pour une rhétorique de l'image, p.135.

    Mais je reconnais un chat parce que le stimulus est conforme à un modèle (le signifiant) équivalent à un type (un ensemble d'attributs visuels) qui luimême est conforme à ce que je sais de l'animal chat (le référent). Tout cela peut sembler compliqué mais permet de comprendre que pour un signe iconique, le processus de signification est assuré par le fait que le stimulus (le dessin) et le référent (la chose représentée) entretiennent des rapports de conformité avec un même «type», qui rend compte des transformations qui sont intervenues entre le stimulus et le référent. »51.

    Pour créer un signe visuel iconique, il faut déterminer quel est le le type du référent (soit de l'objet à représenter) pour en extraire les traits caractéristiques et ainsi pouvoir le transformer en stimulus. Pour comprendre à quoi l'image renvoie, l'observateur suivra le chemin inverse : il reconnaît d'abord dans le stimulus des traits particuliers (le signifiant), ce qui lui permet de faire une assimilation avec le type auquel d'objet auquel il peut appartenir, pour finalement reconnaître le référent à l'origine de la transformation. En réalité, il peut parfois n'y avoir aucun référent, dans le cas où le destinataire ne connaît pas l'objet ou si celui-ci a été imaginé par le producteur du signe. Dans ce cas, il établira une comparaison avec les autres objets appartenant au type qui lui semble le plus approprié. Si l'observateur n'arrive pas à établir de lien entre le signifiant et le type, alors le signe iconique n'est pas compris.

    La transformation du référent en stimulus peut s'effectuer de manières différentes. On peut représenter un objet en effectuant sur celui-ci des transformations géométrique Il existe plusieurs types de transformations du genre :

    · Les transformations homothétiques jouent sur l'échelle du référent, mais en conservant ses proportions. La plupart des stimulus connaissent ce type de transformation : on effectue rarement le dessin d'une vache à taille réelle!

    · Les projections transforment le référent de telle manière qu'il peut se retrouver sur un plan différent, avec une autre orientation, et que ses angles peuvent être modifiés. On retrouve notamment ce type de transformation lorsque l'on passe d'un référent en 3D à un référent à deux dimensions.

    · Les transformations topologiques modifient le référent à la fois dans son échelle et son orientation pour ne garder que les propriétés comme « fermé » ou « ouvert », les plans de métros en font l'objet, puisque loin de représenter le circuit du métro dans son ensemble, avec les voies de maintenance, celles désaffectées ou les changements de niveau, ils se contentent d'indiquer ce qui est utile au voyageur, en représentant les stations par des ronds et les trajets par des segments.

    Ensuite il y a les transformations de type analytiques, qui appliquent des

    51 Extrait du livre de Jean-Marie Klinkenberg , Qu'est-ce que le signe ? , paru dans le Sciences humaines édition spéciale sur le langage, paru en 2001, p. 105-112.

    techniques de l'algèbre aux éléments visuels :

    · La discrétisation permet de passer d'un référent au visuel continu à un stimulus où les unités visuelles sont nettement séparées. Ce procédé est notamment utilisé dans le dessin, où seul le seuil entre les différents éléments est représenté par un trait.

    · Les filtrages, qui portent sur les paramètres de la couleur, autrement dit sur la teinte, la luminosité et le contraste.

    Les transformations de type optique influent sur les caractéristiques optiques du référent, comme la netteté, la profondeur de champ, le renflement. Les transformations cinétiques jouent sur le point de vue du référent, c'est à dire sur le cadrage, l'angle, le zoom.

    Familles de trans Géométriques Analytiques Optiques Cinétiques

    formations

    Opérations

    Adjonction (+) -homothéties

    positives

    Suppression (-) -homothéties

    négatives

    Substitution (+-) - projections

    -transformations topologiques

    - filtrages positifs -indifférenciations - continuisations

    - filtrages négatifs - différenciations - discrétisations

    - filtrages substitutifs

    - accentuations de contrastes

    - dilatations de profondeur

    - élargissement du champ de netteté

    - atténuations de contrastes

    - contractions de profondeur -rétrécissement du champ de netteté

    - déplacements du contraste

     

    Permutation (>) - translations

    - rotations

    - déplacements - congruences

     

    - inversions (négatif)

    -intégrations -

    anamorphoses

     

    Enfin, les transformations de style indiquent que dans le processus de transformation, le producteur du signe y insère (volontairement ou non) un élément propre à lui. C'est en quelque sorte une signature, ce qui détermine qu'un stimuli aura telle ou telle forme selon une personne et pas selon une autre. A partir du même référent on peut obtenir un dessin stylisé, réaliste, ou bien psychédélique. Le choix de la transformation de style peut aussi indiquer une appartenance culturelle. Chaque producteur de signe utilisera des procédés particulier, propres à lui. Ce choix de style influe aussi sur la valeur des éléments du stimuli puisque le producteur peut choisir de leur donner plus ou moins de valeur selon qu'il les juge importants. Une caricature par exemple, procède d'une transformation de valeur.

    Encore une fois ces processus ne sont visible que pour celui qui les analyse, chez nous ils sont automatique. Mais comprendre ces mécanismes nous aide à comprendre comment créer des signes visuels qui fonctionne, et pourquoi ils peuvent échouer dans leurs rôle de substitut.

    Le signe plastique, image symbolique

    Pour en revenir aux différents types d'image, après le signe iconique, motivé par mimétisme, on distingue le signe plastique.

    Le signe plastique repose entièrement sur les propriétés du stimuli, et ne cherche par à reproduire un objet, de manière générale d'ailleurs, il ne se substitue pas un à un objet mais à une idée.

    L'analyse du signe plastique ne repose donc pas sur la transformation du référent au stimuli, mais sur les composantes du stimuli, soit sa couleur, sa forme et sa texture :

    · La texture est une propriété de la surface. Elle se compose en fait de micro-éléments qui ne sont pas séparément exprimés. L'unité texturale se définit donc à la fois par la nature (moiré, lisse, granulé, etc...) et par l'organisation de ces éléments que l'on appelle les texturèmes.

    · La forme est une propriété spatiale. Elle se définit aussi en fonction de micro-éléments : par sa position, sa dimension, sont articulation. Ce éléments s'appellent les formèmes, et ont chacun potentiellement leurs propres signifiés. Mais la forme n'est pas simplement la somme des éléments qui la composent. Dans un tableau par exemple, le signifié de la forme dépend aussi des relations qu'elle entretient avec les autres formes.

    · La couleur enfin, est la propriété plastique la plus étudiée jusqu'à maintenant. Comme les autres propriétés, elle est constituée de composantes plus petites, la teinte, la luminosité, et la saturation. Ce sont les chromèmes. La teinte, ou dominance chromatique correspond à une longueur d'onde bien précise. Comme on l'a vu précédemment, c'est par convention que l'on arrête une longueur d'onde et qu'on lui attribue un nom : la teinte. La saturation correspond à la pureté de la teinte : plus la teinte est pure, plus elle est saturée, plus elle est diluée, plus elle tombe dans les gris. La luminosité correspond à la quantité de lumière injectée dans la couleur. Comme pour la forme, c'est l'assemblage des couleurs (autrement dit la syntagme) qui lui donne un sens.

    Chacune de ces composantes et micro-composantes ont chacun un signifié potentiel. Le signe plastique ne se définit donc non pas par un signifié, mais par un entrelacs de signifiés. Par exemple, une couleur saturée peut exprimer l'énergie, un aplat à la texture brillante, le calme, une forme à angles pointus la violence... Ces signifiés sont la plupart du temps des symboles, c'est à dire qu'il se rapportent à une culture donnée dans un contexte donné (exemple : le noir symbole de deuil).

    Mais si les propriétés du signe plastiques sont à priori reliées aux conventions culturelles, il n'en est pas toujours le cas. Certains paramètres sont en effet communs à l'humanité. Par exemple, la longueur d'onde correspondant au rouge correspond, peu importe à culture, à une notion de violence et de danger, en liaison avec la couleur du sang, de la même manière que la longueur d'onde associée au bleu renvoie universellement au ciel.

    Vers un vocabulaire formel de l'image.

    Vassily Kandinsky, peintre et théoricien de l'art, a tenté dans deux ouvrages, Du spirituel dans l'art52, et Point et ligne sur plan53 de construire un langage formel de l'image en s'appuyant sur ses propres expériences en tant que peintre mais aussi sur les réactions de ses élèves54 et des spectateurs de ses oeuvres. A la suite de ses premières recherche, il finit par déduire qu'en définissant l'image de manière scientifique, on l'enlève de son poids culturel. Dans le premier ouvrage, il s'attarde surtout aux couleurs, voulant mettre en avant l'influence des couleurs sur la psychologie et la « résonance intérieure ».

    En optique, on comprend aisément l'analogie de Kandinsky entre la couleur et l'influence qu'elle pourrait avoir sur le cerveau. La couleur en soi n'a pas d'existence propre, elle est une partie du spectre lumineux, qui, captée par l'appareil récepteur qu'est l'oeil, est interprétée par le cerveau puis classée (en fonction des conventions culturelles évoquées plus haut) dans une couleur. Les objets qui nous entourent n'ont pas de couleur en soi, ils possèdent simplement un filtre qui empêche certaines longueurs d'onde d'atteindre nos yeux. D'ailleurs, l'oeil ne capte qu'une faible partie du spectre lumineux.

    Illustration 7: Ce schéma représente le spectre lumineux, c'est à dire l'ensemble des ondes lumineuses, et celles captées par notre cerveau.

    52 Du spirituel dans l'art, paru pour la première fois en 1911.

    53 Point et ligne sur plan, publié pour la première fois en 1926.

    54 Wassily Kandinsky (1866-1944) était professeur au Bahaus, école célèbre d'architecture et d'art novateur, et ce, de 1922 à 1933.

    Cela signifie qu'à une couleur donnée correspond une longueur d'onde spécifique. Le tableau suivant (illustration 8) nous indique que chaque couleur possède une fréquence et une longueur d'onde particulière :

    Illustration 8:

    Pour Kandinsky, lorsque l'on regarde une couleur en particulier, on discernerait en premier lieu la chaleur de la teinte, puis le taux de luminosité. En faisant le parallèle avec les longueurs d'ondes, les couleurs froides correspondraient donc aux couleurs à faible longueur d'onde (du violet au bleu) et les couleurs chaudes, celles ayant une longueur d'ondes plus élevée (du jaune au rouge). En procédant par analogie au monde qui nous entoure, cette distinction entre couleurs froides et couleurs chaudes existe aussi puisque les objets chauds tendent vers le jaune et le rouge, tandis que les objets froids auront plutôt tendance à virer au bleu ou au violet (bien qu'il existe des exceptions à cette règle : les flammes bleues sont par exemple plus chaudes que les flammes rouges).

    Kandinsky, dans son livre, procède à une analyse des principales couleurs du spectre visible de la lumière :

    · Le jaune, couleur chaude, la couleur la plus terrestre, évoquerait une sensation de pénibilité, de stridence et d'agression. Elle possèderait un mouvement excentrique, c'est à dire qu'une surface jaune donnerait l'impression de se rapprocher de nous (en tant que spectateur).

    · Le bleu, opposé au jaune est la couleur froide par excellence. Elle évoquerait le ciel et donc le calme. Son mouvement, contrairement au jaune, serait concentrique, c'est à dire qu'elle « s'éloigne de

    l'homme en un mouvement dirigé vers son propre centre »55. C'est aussi la couleur de l'infini et du surnaturel.

    · Le vert, qui se trouve au milieu du spectre, est obtenu par le mélange du bleu et du jaune (en synthèse soustractive), et donc est une couleur neutre ou tiède. Le vert est rassurant et ne serait mu d'aucun mouvement.

    · Le rouge qui est, comme le jaune une couleur chaude, inspirerait la vivacité et l'agitation.

    Enfin, les nuances lumineuses, du noir au blanc en passant par les nuances de gris auraient également chacun leur propriétés :

    · Le blanc inspirerait un profond silence, mais aussi l'ouverture à tous les possibles.

    · Le noir, absence de lumière, inspirerait au contraire une fermeture à tous les possibles, le silence sans espoir, le néant.

    · Le gris quant à lui, oscillant entre le noir et le blanc serait neutre, sans mouvement. Sa « tonalité affective »56 se rapprocherait du vert.

    En nous reportant une fois de plus au tableau des longueurs d'ondes (ill. 8), on peut donc en déduire que plus la longueur d'onde de la couleur est élevée, plus elle est perçue comme violente.

    Dans un deuxième temps, Kandinsky s'attarde à la géométrie dans son ouvrage intitulé « Point et ligne sur plan »57. Pour commencer, l'élément qui induit tous les autres est le point. Selon Kandinsky le point est la plus petite unité géométrique équivalent au zéro numérique, c'est donc l'origine de toute création visuelle. D'un point de vue informatique, l'équivalent du point, le pixel, est également la plus petite unité visuelle représentée. D'un point de vue linguistique, le point représente le silence, mais aussi l'union du silence et de la parole.

    Ensuite, le point peut sortir de son état de trois manières :

    1. par abandon de sa tension concentrique au profil d'une direction, ce qui donne le trait.

    2. par dédimentionnement proportionnel, ce qui revient à le grossir pour obtenir une surface.

    3. par accumulation. Dans ce cas on créée une combinaison (KOMPLEX). Une image peut être constituée d'un amas de point, avec une organisation précise, prennent du sens.

    Ces états, selon lui, forment la genèse de la forme. C'est donc uniquement les effets (inclinaison, brisure, ondulation, pivotement, etc...) donnés au trait qui permettent la formation de formes géométriques.

    Kandinsky explique ensuite que l'effet du trait sur le spectateur dépend de son inclinaison : la ligne horizontale se rapporterait au sol, et possèderait

    55 Citation extraite de l'ouvrage de Wassily Kandinsky, Du spirituel dans l'art, op. cité.

    56 ibid.

    57 op. cité.

    une tonalité affective sombre et froide, comme le bleu et le noir. Elle inspirerait également l'immobilité. La ligne verticale, au contraire, qui représente la hauteur, possèderait une tonalité affective chaude et lumineuse, à l'instar du jaune et du blanc, et inspirerait le mouvement. La ligne horizontale, croisement des deux, aurait une tonalité affective plus ou moins chaude selon qu'elle se rapproche d'un positionnement horizontal ou vertical.

    La ligne brisée possèderait aussi des tonalités intérieurs selon son angle : un angle aigu (triangle) aurait une tonalité chaude et agressive, tout comme le jaune, et un angle obtus (cercle) aurait plutôt une tonalité froide et passive, tandis qu'un angle droit (carré) serait plutôt comparable au rouge.

    Kandinsky apporte dans son livre plusieurs exemples picturaux et photographiques pour appuyer ses théories.

    Alors, à travers ses théories sur l'image et la forme, Kandinsky a-t'il réussi à établir un vocabulaire formel de l'image? Celui-la même qui permettrait de définir l'image de manière scientifique, indépendante d'une quelconque culture, nous permettant de formuler un langage universel?

    II - 3 De l'impossibilité d'un langage universel L'influence de la culture dans le signe visuel

    Si, en certains points, l'analyse de Kandinsky se rapproche d'un raisonnement scientifique (comme c'est le cas pour la couleur qui se rapporte aux longueurs d'ondes, donc un à un phénomène physique universel), il reste des points qui peuvent nous faire douter de l'approche purement objective de la démarche.

    Si en effet, Kandinsky s'éloigne du signe plastique symbolique, il se rapproche en revanche du signe iconique, qui est purement analytique. En effet, dans toutes ses analyses, il fait le parallèle avec des objets du monde qui nous entoure. Il établi par exemple que le bleu se rapporte au ciel, le jaune à la terre, et le vert à l'eau. Il est vrai que ces rapprochements semblent être universels car les objets auxquels il fait appel sont communément présent sur la surface du monde. Mais si l'on postule que des êtres aient toujours vécu sous terre, le rapprochement ne tient plus. Ce qui semble être issu de typologies universelles sont en fait communs aux cultures terrestres connues, et donc viennent de connaissances encyclopédiques58.

    Enfin, même si le signifié d'un signe visuel peut être déterminé de manière scientifique, comme c'est le cas pour les couleurs, n'oublions par qu'un stimuli présuppose différents signifiés possibles selon son contexte d'application. Ce qui signifie que même si un individu considère le jaune comme un signe se rapportant à la vivacité, l'agressivité, et la terre, il le rapportera aussi à d'autres référents. La couleur reste un symbole, c'est à dire

    58 Encyclopédie vient de encyclopædia, ce qui signifie littéralement « le cercle des connaissances ». En sémiotique, l'encyclopédie désigne l'ensemble des connaissances d'un individu.

    un « signe arbitrairement créée par des découpages correspondants » et donc dépendants d'une culture donnée. Par exemple, le jaune59, dans le Panthéon Aztèque symbolise le soleil et la divinité. Il symbolise aussi l'éternité, ce qui, pour Kandinsky, est une tonalité propre au bleu. Dans le théâtre de Péquin, le jaune est symbole de dissimulation et de cynisme. Dans la tradition de l'islam, s'il est doré, le jaune symbolise la sagesse, tandis que pâle, il est symbole de trahison et de déception. En définitive, même si on attribue au stimuli une signification qui se rapporte à son état purement physique, on ne peut en pêcher l'observateur de s'en référer aussi à des conventions sociales : la culture aura toujours un impact dans leur compréhension des signes.

    On ne peut clairement attribuer à la couleur un caractère spécifique et arrêté. Rappelons que celle-ci est une longueur d'onde distribuée en unités par convention, et qu'elle dépend aussi de l'appareil récepteur qui est l'oeil. Dans les cas aigus de daltonisme, par exemple, le rouge et le vert ne sont pas différentiables. Pour Jean-Marie Klinkenberg, « le découpage de l'univers n'est pas défini une fois pour toutes. Il est toujours relatif, lié qu'il est au système de connaissances, aux valeurs d'une culture, aux fonctions utilitaires définies par celles-ci. A ce que l'on nommera une encyclopédie. »60. Dans certaines cultures, les couleurs ne sont pas définies de la même manière. Dans une langue du Libéria par exemple, il n'existe que deux couleurs, la première désigne l'ensemble de ce que l'on nomme les couleurs chaudes, et la deuxième les couleurs froides. Dans les langues celtiques, le bleu et le vert n'ont pas de mots à proprement parler, ils sont assimilés au gris et aux marron.

    La couleur ne renvoie pas seulement à un objet ou à un concept, elle peut aussi être associée à certains objets toujours par convention. Dans ce cas, la couleur est un modèle : par exemple le vert renvoie à poubelle, pomme, herbe... L'utilisation du vert rappellera automatiquement à l'observateur les différents objets auquel il est associé, par convention donc, mais aussi par habitude.

    Illustration 9: Pictogramme d'une chèvre, environs 3000 avant J-C

    Outre les couleurs, la construction des
    images elle-même dépend de la valeur que
    donne la culture aux éléments qui la
    composent. Reprenons l'exemple des
    pictogrammes datant de l'époque de
    l'écriture cunéiforme. Le pictogramme ci-
    contre (illustration 9) représente une chèvre.
    Dans ce dessin, seuls les éléments jugés
    pertinents par la société qui l'utilise sont
    représentés : on ne distingue pas quatre
    pattes, mais les deux formes partant de la base de l'animal font penser que
    celui- ci se déplace sur quatre pattes. De même, la chèvre étant une bête
    servant principalement à la nourriture et la transaction, il n'est pas alors utile

    59 La symbolique des couleur est expliquée plus en détails dans le dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, 1969, aux éditions Robert Laffont.

    60 Précis de sémiotique générale, op. cité.

    de dessiner les yeux ou la gueule de l'animal. En revanche, la queue, touffue et les cornes en forme de croissant sont représentés, car ils ont une valeur commerciale.

    L'impact de la culture dans les images qui nous entoure est omniprésente, mais discrète, car tant que nous faisons partie de la culture à laquelle l'image est adaptée, elle nous semble naturelle. Prenons un autre exemple de signe iconique plus actuel : le pictogramme qui représente un café (illustration 10). Cette icône nous renvoie directement à l'image du café, pourtant, l'attribution de ce signe au référent café, est loin d'être inné. Comment savoir que le référent de cette image est le café, alors que le café, en tant que boisson n'est même pas représenté? C'est seulement parce que l'on associe cette forme de tasse en particulier que l'on fait ensuite l'association entre l'image et la boisson.

    Illustration 10: Pictogramme du café

    Voici comment l'image est interprétée : d'abord, l'image (ou le stimuli) arrive à nos yeux (appareils récepteur du canal visuel), nous reconnaissons en cette image un signifié grâce à sa forme , l'anse, la soucoupe (signifié), ce qui nous permet de classer l'objet dans un type. Nous faisons alors appel à notre encyclopédie, c'est à dire au répertoire de choses et objets connus, et par comparaison, associons l'image à un récipient. Enfin, parmi les autres objets du type récipient, nous identifions la tasse à café en comparant les propriétés (le signifié) de l'image avec les propriétés des tasses à café que nous avons déjà expérimenté (nous faisons donc encore appel à notre connaissance encyclopédique). Mais l'interprétation ne s'arrête pas là : par convention, nous savons que représenter une tasse à café se rapporte au café. La tasse devient alors un signe de type indice.

    L'image ne pas non plus être arrêtée à une signification donnée. Elle peut avoir diverses fonctions en fonction du contexte où elle se trouve : la silhouette d'une vache (illustration 11) aura une fonction référentielle chez le boucher(1), référentielle et conative sur un panneau de la route(2), et métasémiotique sur un abécédaire(3)61.

    61 Voir les différentes fonctions d'un message, p. 24.

    Illustration 11: Trois fonctions du signe représentant la vache, sur une affiche de boucher(1), un panneau du code de la route (2), et un abécédaire (3).

    Pour reprendre l'exemple du pictogramme du café, si il est indiqué sur un une carte de menu, en tant qu'insigne sur un bâtiment, il aura une signification différente : dans le premier cas il symbolise la boisson, mais dans le deuxième cas, il indiquera que le bâtiment est un café (un endroit où on sert le café).

    De la même manière, c'est toujours en fonction de l'usage auquel on réserve un signe iconique que l'on opte pour tel ou tel type de transformation. Pour être transformé en un panneau situé sur la route qui indique la présence d'un café (l'échoppe), le référent doit être agrandit, schématisé, transformé en aplat. Ce qui implique des transformations de type géométrique et analytique. Alors qu'un café représenté sur une boite de café ne subira pas pas forcément de transformation analytique, surtout dans le cas où c'est une photo.

    Le signe comme trace d'un code

    Mais le signe visuel n'est pas le seul à être influencé par la culture. Ce sont des codes précis qui nous permet d'associer un signifiant à un signifié, et donc à l'objet que le signe substitue. La décision sémiotique, c'est à dire la décision d'attribuer une chose à une signification s'appuie à la fois sur la connaissance de l'équivalent proposé par un autre code dans une société équivalente, et la connaissance des circonstances dans lesquelles cette équivalence est valable. L'objet, l'image ou le phénomène ne prennent donc la valeur de signe que sous certaines conditions.

    Hors, pour Jean-Marie Klinkengerg62, le mot « code » lui-même semble renvoyer à une convention établie entre les humains. Ce sont ces mêmes codes définis par conventions qui transforment les stimulus en référents porteurs de sens. Des données naturelles peuvent par exemple devenir des

    62 Dans son livre Précis de sémiotique générale, op.cité.

    signes culturels : la nature elle-même ne nous envoie pas de signe, c'est donc bien le code qui transforme un objet en signe. Par exemple, le type de plante poussant à un endroit indiquera la qualité de la terre, mais c'est seulement parce qu'auparavant on a dû répertorier le type de plante poussant selon tel ou tel type de sol. Une fois qu'un objet est reconnu par les mêmes membres d'une société, il devient convention, et fait alors partie d'un code donné, ici, le code des plantes. « Se référer à un signe, c'est donc ipso facto se reporter à une culture donnée ». Ce sont donc les membres d'une même communauté qui attribuent un signifiant à un signifié.

    Toute forme de langage est propre à un groupement humain. Selon Saussure, "un ensemble de conventions nécessaires adoptées par le corps social pour permettre l'usage de la faculté du langage chez les individus"63. Le langage est normé (par les codes) et conventionnel. Il est donc difficile de penser qu'un langage puisse être commun à toutes les cultures.

    Si l'on se réfère à internet, on peut avoir de prime abord que les codes qui y sont utilisés sont universels, mais cet aprioris n'est pas exacte : en réalité les sites internationaux comme Facebook ou Twitter n'utilisent pas des codes universels mais occidentaux. Les sites provenant du japon par exemple, nous sont souvent inaccessibles, car non seulement ils utilisent un langage que nous ne pouvons pas nous approprier avec les claviers de type azerty ou querty (il est donc impossible avec ce type de matériel d'effectuer une recherche avec les mots-clefs renvoyant au site), mais ils utilisent aussi des codes qui leurs sont propres. Internet ne tend pas à unifier les codes et les langages, mais bien à les occidentaliser.

    Hormis l'aspect culturel du langage, il y a aussi un aspect individuel à ne pas omettre. C'est toujours un contexte qui donne son statut au signe, et c'est aussi le contexte qui détermine son type, qu'il soit iconique ou symbolique. Même dans un code donné, un signe peut avoir plusieurs significations, c'est la condition d'apparition du signe, sa catégorie d'appartenance et sa situation précise dans le temps et l'espace qui lui donne une signification particulière et unique. Le contexte est fonction de l'individu : de sa situation, sa condition, ses aprioris, les groupements auxquels il appartient...

    Construire une structure universelle et commune des signes est utopiste, car l'individu a, par rapport au signe, plusieurs niveaux d'interprétation et de reconnaissance. Qu'est-ce qui est, dans un signe, à la fois collectif et invariant, et au contraire individuel et momentané?

    Il existe quatre niveaux d'interprétation d'un signe, prenons la couleur rouge à titre d'exemple :

    · Physique (ou scientifique) : dans le spectre de la lumière visible, le rouge a la plus forte longueur d'ondes.

    · Universel : le rouge est universellement (du moins du point de vue humain) interprété comme symbole de violence, de danger et d'agressivité, car en tant que modèle, le rouge renvoie au sang.

    · Culturel : dans la culture japonaise traditionnelle, le rouge, porté par

    63 Ferdinand de Saussure (1972 [1916]) : Cours de linguistique générale.

    les femmes, symbolise la sincérité et le bonheur.

    · Personnel : une personne attachée aux voitures de luxe aura tendance à associer le rouge à une marque de voiture en particulier, alors qu'un passionné d'art aura plutôt tendance

    · Momentané : si dans une situation neutre, le rouge aura tendance à indiquer un danger (sur les panneaux de la route par exemple), dans une autre situation, intime par exemple, il sera symbole de passion et d'érotisme.

    Vers l'élaboration d'un modèle transposable

    Si le langage universel est impossible à réaliser, comment transmettre un message de sorte qu'il soit accessible, compréhensible par tous, et qu'il ne souffre pas d'ambiguïté?

    Si les langages sont divers et variés et qu'ils ont tous leurs fonctionnement propre, on peut cependant retrouver des mécanismes et des structures similaires dans chacun d'entre eux, nous venons d'en faire l'expérience dans cette partie en analysant ces mécanismes de manière cursive.

    La sémiotique nous prouve aussi que dans chaque langage il y a des éléments similaires, puisque cette discipline étudie les mécanismes de la signification dans sa production, son codage sa transmission. Autrement dit elle étudie les méthodes de production et de réception des signes. La sémiotique nous fourni donc un outil nous permettant de décomposer et de comprendre le signe de telle sorte qu'il devient possible de comprendre une relation entre signifié et signifiant même si on ne fait pas partie de la culture qui en établi les codes.

    Dans la structure du signe, nous pouvons discerner les éléments propre à un signe particulier dans des conditions données, mais aussi une structure qui est similaire dans tout signe du même type.

    Illustration 12: Structure du signe iconique

    Dans le signe iconique (illustration 12), nous distinguons à la fois les éléments spécifiques au signe, mais aussi les éléments qui permettent aux stimuli, au signifiant, au type et au référent de communiquer entre eux. Ces derniers sont en fait des éléments du processus de structuration du signe que l'on nommera éléments grammaticaux.

    Le mot grammaire désigne à la fois un dispositif producteur d'énoncés (par exemple le livre de grammaire) et la description de ce dispositif. Dans le sens non prescriptif du terme, c'est donc un dispositif qui produit les énoncés d'une sémiotique. Dans le construction sémiotique il y a :

    · les règles qui déterminent la construction des unités.

    · celles qui président à leur combinaison, autrement dit aux règles de syntaxe du signe.

    · celles qui président à l'usage pragmatique des unités.

    Par exemple, en cuisine, les unités sont l'entrée, le plat et le dessert. A l'intérieur de ces unités il y a des sous unités, comme les viandes, les légumes et les féculent, et de plus petites unités encore qui sont sucré, salé, chaud ou froid. La grammaire d'une cuisine détermine la syntaxe, soit l'ordre des plats, leur coordination, leur hiérarchie, et les sous-unités qui doivent participer aux unités plus importantes. Même si les éléments du repas changent, un repas cohérent doit suivre une grammaire particulière.

    Rappelons que dans l'élaboration sémiotique, la combinaison des unités est primordiale, puisque c'est cette même combinaison qui donne sa signification au signe.

    Mais élaborer une grammaire universelle et commune à toutes les sémiotiques est aussi utopiste que de vouloir créer un langage universel.

    Pour commencer, les sémioticiens ne sont pas d'accord sur la structure du signe (illustration 13). Certains l'envisagent selon un modèle triadique64 (en triangle) et d'autres selon un modèle tétradique65 (en carré). Ce qui pose déjà un problème de formulation de cette structure. Mais à l'intérieur même de la représentation tétradique du signe, il y a des différences de structures entre le modèle du signe au sens stric et celui du signe iconique (voir illustration 12) où le référent et le stimulus sont directement liés d'une part, et où le type remplace le signifié. Le signe visuel lui-même peut avoir des divergences de modèle suivant qu'il est de type iconique ou de type plastique : on distingue ainsi nettement le signifiant iconique aux unités discrètes reconnaissables, et le signifiant plastique aux unités plus floues et variables.

    La structure du signe dépend d'abord de sa nature.

    Illustration 13: Les deux principaux modèles sémiotiques

    Pour qu'une grammaire soit applicable d'un signe à l'autre, ces signes doivent donc être du même type. Hors on sait que la typologie d'un signe dépend à la fois du contexte et de l'individu.

    Pour rendre une grammaire transposable, il faut donc définir de manière stricte la typologie et le contexte des signes sur lesquels appliquer la transposition. Si les signes sont de type différent ou employés dans un contexte différent, leur structure sera forcément différente. L'emploi d'une structure erronée nuit gravement à l'interprétation du signe, voir la modifie totalement.

    En revanche, dans l'emploi de signes similaires, il est possible de poser les structures rigides, qui seraient la grammaire, à l'intérieur desquelles transiteraient des éléments interchangeables, les éléments du signe. Avec ce type de fonctionnement, il serait en théorie possible de traduire le signe et l'adapter à une culture différente en changeant simplement les éléments de

    64 Le modèle triadique du signe a été mise en place par Charles Sanders Pierce (1839-1914) dans son ouvrage intitulé Écrits sur le signe.

    65 Précis de sémiotique générale, p.93, op.cité.

    structure pré-établis dans ce signe. Autrement dit, d'effectuer une opération de transcodage.

    Pour cela, il faut commencer par établir des modèles de visualisation. III Comment visualiser l'information?

    Dans le chapitre suivant, nous allons donc nous concentrer à élaborer un modèle de visualisation en nous appuyant sur les recherches préalablement effectuées sur le langage, et surtout sur les enjeux de la visualisation des informations. Définir des lois président à la spatialisation des visualisations, une grammaire qui puisse être transposable. Pour cela, nous proposerons des règles à suivre pour obtenir une visualisation efficace et pertinente.

    Mais pour commencer, pourquoi visualiser de l'information?

    Nous devons optimiser la visualisation des informations pour gérer leur complexité. La visualisation sert à trier, comprendre, voir, « se représenter » comme le dit si justement l'expression, les informations plus rapidement et systématiquement.

    III - 1 La transmission par la visualisation. Quelques exemples.

    La représentation des données et des informations par la visualisation n'est pas une expérience inédite. Depuis la cartographie à l'histoire de l'informatique, la transmission par les signes visuels est répandue.

    Aujourd'hui, alors que l'image n'a jamais été aussi présente (par les affiches publicitaires, internet, la télévision, etc...), le texte reste le moyen le plus utilisé pour transmettre des informations complexes.

    Une histoire brève de la visualisation des informations

    Pourtant, en informatique, la représentation visuelle des informations est déjà utilisée depuis quelques années. Rappelons qu'à la base, un système informatique n'est composé que de données. Pour naviguer dans un système informatique, la connaissance du langage était un pré-requis. Sur les anciens modèles d'ordinateur, les systèmes d'exploitation étaient pour ainsi dire inaccessibles : il fallait nécessairement entrer des commandes dans le programme initial pour démarrer une quelconque opération, même la plus simple (comme le traitement de texte). Puis l'arrivée de l'interface graphique a rendu l'usage de l'informatique accessible à tous. Le système Windows de Micosoft66 a été précurseur en la matière, en proposant une interface sous une forme visuelle. Le principe de windows est d'utiliser des signes iconiques

    66 La première version de Windows, développée dés le début 1980, fut mise à disposition dés 1983, mais cette version n'était pas vraiment une interface visuelle , il s'agissait alors d'un environnement d'exploitation et non d'un système. Mais les principes mis en place dans cette versions, comme l'exécution automatique des programmes, fut quand-même une grande avancée dans la représentation des sonnées informatiques.

    pour représenter les données : les signes iconiques renvoient par mimétisme à des objets de la vie réelle, et permettent par conséquent à l'utilisateur de mieux se repérer. Le bureau, la fenêtre, les dossiers à l'intérieur desquels nous rangeons les informations sont autant d'objets représentés par mimétisme avec des objets qui font parti de notre monde physique. Le déplacement même de la souris est un signe, puisqu'il imite le déplacement spatial : nous ne naviguons pas réellement dans l'interface, ce que nous voyons sur l'écran est toujours le résultat de calculs transcodés et retranscris par le canal de l'image. C'est pour cette raison que l'on qualifie souvent le média numérique de canal virtuel.

    Mais les techniciens ne sont pas les seuls à penser à un système informatique représenté visuellement. Au début des années 1980, l'auteur de science fiction William Gibson invente le concept du Cyberspace, dans une nouvelle intitulée Gravé sur Chrome67. Il expliquera cette notion par la suite dans son premier roman de science-fiction, Neuromancien68 en le définissant comme « une hallucination consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par des dizaines de millions d'opérateurs, dans tous les pays, par des enfants à qui des concepts mathématiques sont ainsi enseignés... Une représentation graphique de données extraites des mémoires de tous les ordinateurs du système humain ». Dans le roman, le héros, pirate informatique, se connecte à son système informatique, et pénètre alors dans un monde virtuel en trois dimensions où il navigue, libéré de l'apesanteur, pour aller vers les informations, les bases de données, ou même les sites communautaires. Les données y sont représentée avec des signes plastiques, autrement dit, des formes abstraites qui définissent leurs nature. Le concept, au début théorique du cyberespace a été une vraie révolution technologique : le cyberspace, traduit en français par le terme cyberespace a été reporté à l'informatique pour définir les lieux où se transitent l'information. C'est en quelque sorte un synonyme du World Wide Web. Il est défini à la fois par une représentation spatiale, temporelle, mais aussi par la notion de dialogue avec l'utilisateur.

    Mais les exemples de tentatives ratées de représentation visuelle de systèmes complexes ne manquent pas.

    Il y a quelques années par exemple, les techniciens Yahoo! Ont voulu reprendre les principes du cyberespace de Gibson en concevant un moteur de recherche dont la visualisation se ferait sous la forme d'un univers en trois dimensions. Mais le projet fut de courte durée. Non seulement la visualisation en 3D demandait un temps de calcul considérable, ralentissant la recherche, mais en plus les utilisateurs ne virent dans cette représentation ni intérêt, ni plus-value.

    67 Gavé sur chrome (Burning Chrome), William Gibson, 1982.

    68 Neuromancien (Neuromancer), William Gibson, 1985.

    L'exemple du journalisme de donnée.

    Dans le monde du journalisme, la représentation par le visuel commence à se démocratiser, notamment dans les pays anglo-saxons par le bais du journalisme de donnée.

    Le journalisme de donnée (ou data journalism) est apparu en même temps que le phénomène d'ouverture des données. Certains journalistes sont partis d'on constat : les données brutes sont rendues accessibles dans le principe, certes, mais elles ne le sont pas dans leur forme. Trop complexes, trop spécialisées, elles sont souvent incompréhensibles pour le grand public. Il a donc fallu trouver un moyen pour les rendre abordables, augmenter leur lisibilité, et ce moyen est passé par le signe visuel.

    Simon Rogers, journaliste au Guadian69 explique que le 11 septembre 2001, juste après l'attaque du Wold Trade Center, le nombre d'informations à communiquer était si important que les modalités « classiques » de traitement et de diffusion de l'information s'est avéré tout à coup inadéquat : « j'ai vu le monde devenir complètement fou. Il se passait tellement de choses en même temps qu'on a eu besoin de produire des infographies pour les expliquer. Il y avait trop d'infos, de données, à gérer pour confier cela uniquement à des graphistes. Je me suis donc retrouvé à bosser sur des graphiques avec des designers pour expliquer l'information avec des visuels ». Le choix du signe visuel s'est alors imposé face à la complexité des informations.

    69 Extrait de l'interview paru dans l'Atelier des Médias, entretien avec Simon Rogers, le data-bloggeur, publié par Ziad Maalouf le 12 novembre 2010.

    Illustration 14: Visualisation publiée sans le Guardian montrant les émissons de CO2 de chaque pays depuis la création du protocole de Kyoto

    Le journalisme de donnée est un nouvel angle pur traiter de l'information. Le journaliste doit analyser des données brutes, les analyser, puis les retranscrire en signe visuel, ce qui implique une nouvelle façon de penser et de traduire l'information. Il ne s'agit pas d'une transformation simple d'un code sémiotique à un autre, le changement de visualisation implique de reconsidérer la structure même de l'information.

    Pour Caroline Goulard70, qui vient de lancer le site ActuVisu, un site dédié au journalisme de données en France, « la définition commence avec le terme de data. Pour le journaliste traditionnel, la brique de base est l'article. Le journaliste travail avec la narration. Avec les données, on n'est plus dans la narration verbale, mais dans une narration construite autour d'éléments grammaticaux qui appartiennent au lexique visuel. Le journaliste de donnée s'adresse à l'intelligence visuelle ».

    Le défi du journalisme de données a été de rendre visibles des phénomènes visibles à travers une représentation claire. Pour David McCandless71, journaliste, le passage du journalisme dit « traditionnel » au

    70 Extrait de l'interview de Caroline Goulard parue dans dans l'article : journaliste de donnée : data as storytelling sur le site Internet actu le 9 août 2010.

    71 Journaliste et une des figures les plus importantes dans le journalisme de données, David McCandless est l'auteur de deux livres sur le sujet, information is beautiful et The Visual Miscellaneum. Il tient également un blog, informationisbeautiful.net, où il affiche ses nouveaux travaux et permet notamment aux utilisateur d'émettre des opinions et de suggérer des modification.

    journalisme de donnée s'impose comme une évidence lorsque l'on veut traduire toute l'information sans pour autant la rendre illisible. Pour lui, tout a commencé par l'étude des théories évolutionnistes et créationnistes. Lassé de voir la presse condenser le sujet à deux grandes théories, il souhaite faire son propre papier sur le sujet. A la suite de ses recherches, il trouve en effet une multitude d'autres théories mais a du mal à condenser ses recherches à l'écrit au vue de la complexité de ses résultats. «C'est alors que j'ai commencé à dessiner un schéma (illustration 15), pour faire le point et m'y retrouver. Je me souviens m'être dit : «Je n'ai plus à écrire l'article, il est déjà sous mes yeux! Je viens déjà de faire mon job de journaliste en expliquant clairement la situation que je veux dépeindre.» Tout était figurativement décrit. J'ai su que c'était le début de quelque chose et que je pourrais continuer dans cette voie... Je n'ai pas de diplômes en art ou en design mais une approche pratique des formes. En quelque sorte, je ne sais pas vraiment ce que je fais. Je suis simplement mon instinct...»

    Illustration 15: Le spectre des théories créationnistes et évolutionnistes, par David McCandless

    « Je débute toute visualisation en partant non pas des nombres auxquels je suis confronté mais de ma propre confusion à leur égard. J'avoue ne pas comprendre ces nombres à l'état brut. Présentés de manière absolue, comme c'est souvent le cas dans les médias, il est difficile de cerner leur portée. Ces présentations ne permettent pas d'établir des liens entre divers éléments. Or, je crois que ce sont ces liens qui sont les plus importants. »

    Le journalisme de données ne se contente pas d'afficher des visuels à l'intérieur desquels l'information est emprisonnée, elle met à portée de tout à

    chacun les données brutes et par définition complexe en les interprétant de manière intelligente. Les échelles et les liens entre les éléments sont aussi importants que les éléments eux-mêmes.

    Illustration 16: Schéma proposant des modalités à suivre pour rendre le design de l'information efficace, David McCandless

    Aujourd'hui, les journaux faisant appelle à cette nouvelle forme de journalisme sont de plus en plus nombreux. Le nytimes.com, le washingtonpost.com et le guardian.co.uk, pionniers en la matière, sont les sites trois journaux en lignes qui se servent aujourd'hui le plus du data journalisme. Le New York Times propose même aux utilisateurs un outil

    dédié, le visualisation lab, développé par IBM72, permettant à tout le monde de créer ses propres visualisations, de charger des données et de les classer. Le Guardian, quant à lui, met via son datablog à disposition à la fois les visualisations faites par ses journalistes et les données ayant servi à les réaliser. D'autres blogs et sites internet enfin, présentent et mettent en avant les exemple de data journalisme et de visualisations, comme flowingdata.com ou encore infosthetics.com.

    Le succès du data journalisme est flagrant (surtout dans les pays anglossaxons), la formule a visiblement de l'avenir devant elle.

    Illustration 17: Visualisation du New York Times en date du 14 février 2011 montrant la proposition de budget de dépense annuel par Obama

    Le journalisme de donnée est un pas en avant crucial dans le mode de représentation de l'information. Il apporte déjà des propositions de lecture qui répondent aux problèmes posés par les nouveaux enjeux du numérique. Il est par conséquent important de prendre cet exemple en considération pour toute autre forme de visualisation des informations.

    III - 2 Comment créer un système visuel efficace?

    L'analyse des modèles existants en terme de visualisation des données nous prouve qu'un autre mode de visualisation que le texte unique est possible. Mais l'utilisation de l'image dans ce type d'usage n'est pas aussi simple qu'elle semble l'être : il est facile le tomber dans l'illustration. Même

    72 Le visualisation lab est en fait une adaptation d'un outil préalablement créé par IBM, le Manyeyes.

    si l'image a plus de valeur ludique que le texte seul, son utilisation à des fins ornementales n'a aucune pertinence, elle aurait même plutôt tendance à polluer l'information. L'image doit véhiculer en elle-même l'information, autrement dit être discursive. Elle doit nous permettre de remédier aux problèmes engendrés par la surinformation et non l'augmenter.

    Les objectifs à atteindre pour une visualisation de l'information efficace et pertinente sont :

    · Soustraire

    · Synthétiser

    · Optimiser

    Pour atteindre ces objectifs et ne pas tomber dans un usage inadéquat de l'image, je vous propose dans la partie suivante un ensemble de préconisations à suivre dans l'élaboration d'un design d'information efficace.

    Comment construire de l'image discursive?

    Commençons par voir quelle forme doit prendre l'information en ellemême. Pour commencer, bien que le but de la visualisation soit de rendre l'information plus pertinente par l'utilisation de l'image, la question n'est pas de remplacer le texte par l'image. L'usage du texte reste nécessaire et primordial. Comme le dit David McCandless, « Le minimum de mots possible certes, mais pas l'élimination des mots. C'est ça le design! Le design n'est rien d'autre que la capacité de pouvoir soustraire pour optimiser. Quand je dis «le minimum de mots» j'entends «appliquer le design aux mots et à l'information« »73. Un système de visualisation efficace a donc pour but de réduire le texte à son minimum. Dans certains cas, la transmission de l'information pourra se faire en l'absence de mots, mais la plupart du temps ils restent nécessaires à une bonne compréhension : ils doivent simplement être utilisés de la même manière que les images, c'est à dire de manière plus visuelle et donc plus efficace.

    Il faut en premier lieu déterminer le type de signe à utiliser selon la fonction qu'elle doit prendre. Pour représenter des données abstraites, des chiffres par exemple, l'usage du signe signe plastique est recommandé. Ce signe peut véhiculer des informations par sa taille, sa forme, sa couleur et sa texture. Comme nous l'avons vu, le signe plastique est surtout symbolique, et par conséquent dépendant d'une culture. Pour utiliser le signe plastique il faut donc préalablement maîtriser la symbolique des couleurs et des formes dans une culture donnée. Mais le signe plastique en tant que modèle peut aussi renvoyer à des objets connus. En terme de représentation, il faut donc penser à ces paramètres pour utiliser les propriétés du signe de manière adéquate pour qu'il ne souffre pas d'une mauvaise interprétation. Par exemple, il serait peu adapté de représenter des éléments végétaux, des chiffres concernant l'écologie ou bien des forêts en utilisant la couleur rouge.

    Il est également possible d'utiliser des signes iconiques pour renvoyer

    73 Extrait de l'entretient avec David McCandless, op.cité.

    directement à des signes ou des objets. Ce choix doit cependant être fait consciencieusement car un tel usage peut amener à un usage de l'image plus illustratif que discursif. Il n'est par exemple pas nécessaire d'augmenter une information déjà pertinente avec signes qui ne seraient que des aperçus. Le signe iconique doit donc de préférence avoir une fonction conative ou référentielle74. Dans le premier cas, rappelons le, la fonction conative ou impérative a pour but d'avoir une influence sur le destinataire en modifiant ses actions ou ses connaissances. Tout signe augmentant les connaissances du destinataire peut donc être considéré de ce type. Dans le deuxième cas, la fonction référentielle est orientée vers le sujet, elle a pour but de transmettre des informations objectives renseignant sur un état, une situation ou une action.

    Dans le cas d'une utilisation du signe iconique, c'est encore une fois l'usage qui déterminera le type de transformation75 à appliquer à l'objet pour le représenter. Même si toutes les transformations sont permises, il est à noter que l'icône doit rester à la fois simple, c'est à dire ne pas renfermer trop de signifiants; abordable : les signifiants doivent être faciles à repérer et à interpréter; et lisible : la transformation appliquée au référent ne doit pas être un obstacle à sa compréhension. L'observateur doit pouvoir reconnaître le type de référent auquel il est confronté. Pour Jean-Marie Klinkenberg76, « les critères de la reconnaissance sont de nature quantitative et qualitative. Autrement dit, le nombre de traits reconnus et conformes joue un rôle certain, mais la nature de ces traits également :certains traits sont en effet prototypiques et d'autres pas. Le type « chat » sera aisément reconnu si des traits très prégnants comme « moustache » et « oreilles triangulaires » sont présents. Mais les deux traites ne doivent pas nécessairement être présents ». Autrement dit, pour qu'un type soit identifié, le signe doit contenir un minimum d'éléments associés à ce type. « Ce taux d'identification correspond à un certain niveau de redondance. Le niveau minimum de redondance doit donc être conservé au travers des transformations. » Autrement dit, la transformation ne doit pas nuire à l'interprétation des éléments qui composent le signe.

    Il est notamment déconseillé d'utiliser des signes iconiques où les signifiants ne sont pas claires ou peuvent être sujets à différentes interprétations. L'utilisation d'une photo dans un usage conatif par exemple n'est pas pertinent. Elle demanderait non seulement au destinataire un effort de décryptage, mais elle contiendrait aussi des signifiants pas forcément perçus comme tels par un utilisateur. Le signe iconique utilisé dans un but discursif doit à la fois être accessible et évident.

    Pour représenter une information, il vivement conseillé d'utiliser la redondance à l'intérieur du message transmis, d'abord pour palier à quelque bruit ou dysfonctionnement dans le canal de transmission ou dans l'appareil récepteur, mais aussi parce qu'un minimum de redondance est parfois

    74 Les différentes fonctions d'un message sont exposées p.24.

    75 La liste des différentes transformations possibles est disponible p.35.

    76 Précis de sémiotique générale, p.390, op.cité.

    nécessaire à une bonne compréhension. L'exemple de la pièce de monnaie, déjà énuméré, nous prouve bien que pour qu'un message soit reconnu il doit faire appel à plusieurs codes en même temps, parfois sur des canaux différents. De la même manière, un feu de signalisation n'est reconnu comme tel que par sa position, sa forme (trois ronds superposés) et la couleur de l'éclairage à l'intérieur de chaque rond. Mais même si, la redondance apporte un confort de lecture, en abuser peu rapidement devenir nuisible : un enchevêtrement trop important de codes et de signes dans un message reviendrait à augmenter sa complexité. Il faut donc appliquer au message un taux de redondance minimum nécessaire à sa bonne compréhension. Dans l'exemple suivant (illustration 18), le message dispose d'une triple redondance.

     

    Par le signe iconique:la silhouette de vache, le signe plastique : les gouttes d'eau (qui peuvent aussi être reconnues comme un signe iconique), et enfin le texte qui est à la fois une répétition de la représentation des gouttes, mais aussi de celle du boeuf.

    Notons que bien que les différents signes visuels

    soient ici clairement discernés, dans la pratique, il n'en est pas toujours de même. Certains signes ont des propriétés à la fois iconiques et plastiques (comme c'est justement le cas des gouttes d'eau utilisées dans l'illustration 18).

    Illustration 18: Extrait de l'application Virtual Water, une visualisation destinée à montrer la quantité d'eau utilisée pour la culture et la production des aliments que nous consommons le plus souvent.

     

    L'organisation du signe

    Ensuite, la notion d'échelle dans la production de signes visuels est primordiale. Comme nous l'avons vu dans le chapitre sur le langage, les échelles nous servent à représenter le monde qui nous entoure, la notion de haut n'existe que parce qu'il y a le bas. La signification d'un signe ne peut se faire qu'au travers du processus de reconnaissance et donc de différentiation. Ce principe, appelé en sémiotique principe d'opposition, explique qu'une unité ne peut avoir de valeur significative que si elle est opposée à une autre unité. Autrement dit, la notion de grand ne peut être réellement appréhendée que si elle est confrontée à un élément plus petit en guise de comparaison. De la même manière, cette notion de grand est subjective et non définitive, car si on confronte une unité ayant l'attribut grand avec une unité plus

    grande encore, alors la première unité deviendra petite face à la deuxième. Une unité n'obtient la valeur de grand que face à une unité plus petite quelle. Prenons maintenant l'exemple de la couleur. Cette propriété du signe nous semble au premier abord définitive et inaltérable, pourtant, si on oppose deux nuances de rouges, par opposition, on distinguera un rouge-orangé d'un rouge-pourpre. Par contre, ce principe d'opposition nous permet aussi d'associer mentalement des unités aux mêmes propriétés. Deux unités ayant un rouge identique seront perçues comme similaires en ce point, et donc, ayant la même valeur. Autrement dit, la valeur d'un élément dépend des relations entretenues avec les autres éléments. De plus, ces éléments sont à la fois opposables et complémentaires (puisque nécessaires les-uns les-autres).

    Dans l'exemple précédent (illustration 18), nous avons volontairement rogné l'image pour que seule une information apparaisse. Les gouttes d'eau représentent la quantité d'eau consommée. Mais sans modèle de comparaison, il est difficile d'appréhender la valeur de ces gouttes, autrement dit si la quantité d'eau consommée est importante ou pas. Dans l'exemple suivant (illustration 19), le même type de visuel est représenté mais cette fois, en confrontant plusieurs éléments entre eux. On comprend alors que la production de la noix de coco requiert une quantité d'eau assez massive comparativement à ce que n'en requiert la production d'oranges.

    Illustration 19: Virtual Water

    Le principe d'opposition s'effectue autant au niveau du signe que du référent qu'il substitue. Autrement dit, nous effectuons sur les unités représentées une double opération de comparaison : dans un premier temps une comparaison au niveau du stimuli, c'est à dire au niveau de l'expression visuelle du signe, mais dans un second temps, au niveau du référents, c'est à dire de l'objet ou de la chose qui est représentée par le signe. Remarquons

    aussi que plusieurs oppositions simultanées et imbriquées peuvent être effectuées. C'est par exemple le cas dans l'opposition de la notion de bas et haut. Ces notions s'opposent entre elles sont également conjointes dans le sens où elles représentent toutes la verticalité, notion qui est elle-même en opposition avec l'horizontalité.

    Il est à noter que même si les opérations d'oppositions et de comparaison peuvent être effectuées mentalement (c'est par exemple le cas lorsqu'au sein d'un type d'objet on cherche à trouver le référent correspondant aux signifiants), elles seront plus efficace avec deux éléments visuellement proches et relativement comparables.

    Grâce au principe d'opposition, il devient possible de représenter une quantité sans avoir besoin d'échelle à qui se référer. La simple relation entre deux éléments suffit à donner une notion de quantité, une impression, un ratio. Une telle représentation est plus parlante et accessible qu'une colonne de chiffre, mais elle permet surtout de percevoir l'information qui en découle de manière plus rapide, presque instantanée.

    Ce qui nous amène à une autre notion importante, celle de l'organisation. Dans une bonne visualisation de l'information, les élément en eux-mêmes ont une signification. Mais pour élaborer un message entier, les éléments doivent avoir une organisation précise. Car si les divers éléments d'une visualisation sont comparés entre eux par leurs contenus et leurs propriétés, ils le sont aussi par leurs position. En définitive, ce sont les relations entre les éléments qui permettent la construction de l'information, elles donnent à un message à la fois son sens et son contexte .C'est la grammaire du message qui préside à son organisation, autrement dit à sa syntaxe. Si nous comparons la grammaire d'un système visuel avec celle d'un code linguistique, son importance est plus flagrante encore : sans ordre, une phrase n'a pas de sens. La phrase « livre je un lis » n'a ainsi aucune valeur informationnelle, alors que si nous lui appliquons une syntaxe précise, elle prend un sens : « je lis un livre ». Ce n'est qu'alors que la phrase est porteuse de message et donc d'une information. La grammaire d'un système visuel fonctionne globalement de la même manière, il suffit de considérer les éléments qui le constitue comme des mots.

    Notons au passage que puisque les éléments d'un systèmes visuels sont comparés spatialement et sémiotiquement, cela signifie que le vide, autrement dit l'absence de signe, est aussi important que les autres éléments. En définitive, l'absence de signe est encore un signe . Dans le code du morse, par exemple, l'absence de son a une signification bien particulière. Dans un système visuel, cette absence symbolise non seulement le zéro, mais dans une relation particulière avec les autres éléments visibles, elle peut aussi prendre d'autres significations. Imaginons par exemple un visuel où seul une petite tache serait représentée au milieu d'une grande zone de vide : l'impression qui ressortirait d'une telle composition serait la notion de solitude. La représentation du vide dans une visualisation n'est donc pas à négliger, elle est aussi importante que les élément visibles. Elle mérite donc d'être mesurée et maîtrisée. L'utilisation du vide est aussi essentielle pour

    lutter contre le phénomène de complexité. Internet a tendance à être entropique, c'est à dire à remplir les vides justement : la plupart des pages internet sont remplies d'éléments, et le vide est souvent considéré comme une perte d'espace, donc coûteux. Hors, l'abondance et la complexité des informations est nuisible à l'information puisqu'elle disperse l'attention de l'utilisateur et crée du bruit. Faire le choix de laisser du vide permet de capter cette attention sur un élément en particulier, elle rend par conséquent l'information plus forte et plus lisible.

    Une utilisation pertinente et adaptée du vide permet aussi de structurer la forme du système visuel dans sa globalité. Car la forme global du système est aussi importante que les éléments qui la composent. La psychologie de la Gestalt77 explique qu'en observant un système complexe, nous ne faisons pas que percevoir une foule de détails, nous percevons aussi la forme dans son ensemble. Selon ce courant de pensée, la forme globale d'une structure aurait une influence directe sur la manière dont on appréhende cette dernière. Par exemple, une table recouverte de livre aura tendance à être perçue comme un bureau, alors que cette même table sur laquelle des couverts sont disposés sera plutôt perçue comme une table à manger. La première chose que faisons face à un visuel, c'est de l'appréhender dans son ensemble avant de regarder des éléments en particulier. De même, en regardant ces éléments dans leur globalité nous créons mentalement des connexion entre eux bien que ceux-ci n'existent pas forcément. Les constellations par exemple sont des liens imaginaires entre plusieurs étoiles qui ne sont, dans les faites, absolument pas liées ni même proches les unes des autres. En définitive, la structure même des systèmes ne les définissent pas autant que la manière dont on les perçoit. La perception globale passe aussi par une distinction de la forme sur le fond. Une forme n'est donc perceptible que par distinction avec ce qui l'entoure. Le vide permet donc de mieux distinguer les formes. Les lois de la Gestalt propose un ensemble de principes à respecter pour une bonne structure visuelle :

    · la loi de la bonne forme, dont toutes les autres lois découlent, explique que même un ensemble instable tend à être perçu comme une forme globale. Pour qu'elle soit facilement assimilable, cette forme doit être simple et stable.

    · La loi de la bonne continuité explique que nous percevons d'abord les éléments d'un ensemble comme des éléments continus, liés les uns aux autres.

    · La loi de la proximité explique que nous relions d'abord les éléments à proximité les uns des autres

    · La loi de similitude explique que dans le cas où les éléments sont équidistants, nous les relions on fonction de leurs similitude.

    77 Le mot allemand gestalt est difficile à traduire, sa signification la plus proche est mettre en forme, donner une structure signifiante c'est pourquoi le mot gestalt est gardé dans la plupart des langues pour désigner la théorie qu'elle soutient . Le gestalt est une école de pensée qui étudie l'influence de la psychologie sur la perception humaine. Wolfgang

    Köhler, Psychologie de la forme, 1929.


    · La loi de destin commun explique que nous relions également des éléments qui suivraient la même trajectoire.

    · La loi de clôture explique que la représentation de formes fermées facilitent leur compréhension.

    Nous établissons également des liens entre les élément qui se sont pas forcément visibles en même temps par habitude ou par mémorisation. Dans le premier cas, c'est notre encyclopédie qui nous dicte ces liens. Ce sont, comme nous l'avons vu précédemment, des signes liés par indice. Par exemple, un bateau renvoie à l'image de la mer. Dans le second cas, c'est la temporalité qui détermine les liens. Si en observant un diaporama, on clique sur une image qui apparaît en gros plan, cachant alors le reste de la page, cette image reste malgré tout liée au diaporama par mémorisation. Le processus effectué pour aller dans l'image nous rappelle son appartenance.

    Si nous visualisons l'ensemble de la structure dans un premier temps, rappelons que dans un second temps l'oeil se dirige au sein de cette structure vers le point le plus attrayant. Il est donc essentiel de déterminer d'emblée quel sera cet élément si l'on veut que l'utilisateur suive un ordre de lecture bien particulier ou se focalise sur un point plus important.

    Répondre aux nouveaux enjeux

    Voyons maintenant de quelle manière utiliser l'image pour répondre aux difficultés liées aux nouvelles modalités du flux de l'information. Rappelons que ces difficultés sont :

    · un problème de confiance

    · l'accroissement de la complexité

    · la surabondance

    · la perte de l'attention (liée à la complexité)

    · le changement du mode de lecture

    Le problème de confiance en premier lieu a donné lieu à des phénomènes comme le crowdsourcing. Les utilisateurs sont rassurés par une information qui puisse être à la fois contestée mais aussi par le fait de pouvoir y participer. Sur certains sites traitant le journalisme de donnée (comme le New York Times par exemple), des outils sont mis à la disposition des utilisateurs pour permettre à tout un chacun de créer sa propre visualisation et la partager avec d'autres utilisateurs. Cependant, même si l'aspect collaboratif de ce système est intéressant, on peut se questionner sur sa pertinence. Car l'utilisateur qui n'est pas un spécialiste n'a pas forcément toutes les connaissances pour pouvoir s'approprier un sujet et le traiter avec justesse. L'interprétation des données requiert un travail journalistique important et complexe, qui, si elle est mal conduite, peut conclure sur des informations erronées. Le journaliste David McCandless exprime lui-même des difficultés à interpréter les données brutes : « La difficulté avec les données, c'est que l'on ne sait pas immédiatement l'histoire que l'on va raconter. Il faut fournir un travail colossal de

    déchiffrement et de défrichement dans la jungle des données pour hypothétiquement voir un motif émerger »78. L'accès libre à la production de l'information génère des problèmes de diversité et de contradiction. Car si des informations erronées circulent au milieu des informations justes, comment les discerner les unes des autres? De la même manière, il est difficile de savoir à quel point l'utilisateur va loin dans sa recherche de l'information et si son interprétation est erronée. Sur ce point, David McCandless exprime la même réticence : «Le crowdsourcing et les processus démocratisés ne donnent pas toujours de bons résultats. Le processus est formidable en lui-même mais il ne produit pas forcément de bonnes histoires ni de travaux journalistiques pertinents.» L'interprétation reste donc un travail de spécialiste, un travail journalistique (ou scientifique d'ailleurs dans le cas de la recherche par exemple) . L'expertise est nécessaire dans la production de l'information. Cependant, ne renions pas les avantages du principe participatif, ni les compétences potentielles de l'utilisateur dit « lambda ». Car le journaliste aussi peut faire des erreurs et manquer d'éléments. L'idéal est donc de faire participer les utilisateurs par le biais d'une zone de commentaires, un lieu où ils puissent exprimer leurs désaccord, relever les erreurs, ou proposer des améliorations dans le système. « C'est vraiment difficile d'être transparent afin de donner aux gens la capacité de jouer avec les donnés, de les partager et de les corriger. J'aime beaucoup que les gens commentent même si c'est pour me dire que je me trompe. Cela est inhérent au média, c'est une forme de la pensée participative issue d'internet »79. Cet aspect participatif renforce l'information. Premièrement parce qu'il vaut mieux que plusieurs utilisateurs participent à un seul contenu (indirectement, en passant par un spécialiste), plutôt que chaque utilisateur crée son propre contenu : cela évite en effet les effets de redondance inutile, la mésinformation, et la contradiction de l'information. Et deuxièmement parce que cette technique rend l'utilisateur plus attentif à la visualisation qui lui est proposée.

    La complexité peut être gérée comme nous l'avons vu dans la partie précédente par l'utilisation de visuels pertinents qui suivent ce grand principe : soustraire pour optimiser. La complexité est devenue un problème majeur dans la diffusion des informations à l'ère numérique, mais pas uniquement : les appareils que nous utilisons ont de plus en plus de fonctions. La simplicité est d'ailleurs devenue un atout majeur pour les grandes entreprises. Que ce soit Ikéa avec sa conception de meubles aux lignes simplifiées au maximum, ou Apple avec notamment son i-pod shuffle, ce baladeur tellement simplifié qu'il n'a même plus besoin d'écran pour être utilisé. La simplicité apparente est devenu un critère de choix, une valeur marchande. Pour résoudre les problèmes de complexité, John Maeda, qui est à l'origine du MIT symplicité consorsium, a défini un ensemble de lois à suivre pour arriver à simplifier un système80 :

    78 Extrait de l'entretient avec David McCandless paru sur le site OWNI, op.cité.

    79 ibid

    80 John Maeda expose ces lois dans un livre consacré : De la simplicité, 2006.

    1. la réduction. « La façon la plus simple d'atteindre la simplicité est la réduction méthodique ».

    Pour simplifier un système, il faut donc réduire ses fonctionnalités au strict minimum. Pour aller plus loin, une méthode efficace serait de ne faire apparaître ces fonctionnalités qu'au moment où elles sont utiles, autrement dit au moment où on en a besoin. La complexité devient alors un interrupteur que l'utilisateur peut décider d'activer selon ses besoins et plus selon les besoins du système.

    2. L'organisation. « Avec de l'organisation, un ensemble composé de nombreux éléments semble réduit ». Il faut pour cela procéder avec la méthode CLAP : choisir, labelliser, agréer, définir des priorités.

    Nous avons vu précédemment que l'organisation était nécessaire à l'élaboration d'un système visuel significatif, mais elle est donc aussi primordiale pour simplifier ce système. La méthode CLAP est un préalable nécessaire pour définir une organisation. Il faut donc commencer par modéliser les informations avant des les transformer en visuels intelligibles.

    3. Le temps. « En économisant son temps, on a l'impression que tout est plus simple ».

    Nous reviendrons plus tard sur la question du temps lorsque nous

    aborderons les problèmes liés aux nouvelles modalités de lecture.

    Illustration 20: La visualisation Virtual Water présentée sou forme de poster

    4. L'apprentissage. « La connaissance simplifie tout ».

    Pour qu'un utilisateur puisse utiliser un système, il doit d'abord
    comprendre comment celui-ci fonctionne. Mettre en place de

    nouveaux systèmes de visualisation de l'information c'est mettre en place des systèmes auquel il n'est pas habitué. L'utilisateur ne pourra donc à priori pas faire appel à ses habitudes et ses connaissances pour utiliser le système. Une phase d'apprentissage est elle alors nécessaire? Certains dispositifs mettent ainsi en place ce passage obligé et préalable à leur utilisation. C'est notamment souvent le cas dans le domaine du jeu vidéo où cette phase est appelée le didacticiel. Certains didacticiels sont longs et parfois complexes, mais pour autant, ils ne découragent pas les utilisateurs qui vont jusqu'au bout de leur apprentissage. En fait, on constatera bien souvent que la tolérance à la phase d'apprentissage est proportionnel à la motivation d'utilisation du dispositif. Cela s'applique apparemment à la connaissance même, selon John Maeda : « On apprend mieux si on a le désir d'atteindre une connaissance spécifique »81. Mais tout dispositif ne bénéficie pas de la même attention que le jeu vidéo. La plupart des appareils, notamment les appareils ménager, comme le four ou le téléphone, sont fournies avec des notices. Pourtant, malgré la motivation effective de leur utilisation, ces notices sont rarement consultées. La plupart du temps, cette réticence vient à la fois de la complexité de la notice, mais aussi du fait qu'elle rend, par sa forme, l'expérimentation simultanée à l'apprentissage relativement difficile ( contrairement aux didacticiels des jeux vidéo).

    L'apprentissage par l'expérimentation est une bonne idée en soi, mais elle ne peut pas fonctionner à tous les coups. L'utilisateur qui n'est pas intéressé de prime abord par un système sera toujours découragé par cette phase d'apprentissage, qu'il considèrera comme une perte de temps. Mais il sera aussi découragé par le système si sa prise en main s'avère trop complexe.

    La solution idéale est donc de construire un système où l'apprentissage ne serait pas nécessaire. Autrement dit, un système intuitif. On dit d'un procédé qu'il est intuitif lorsqu'il transmet une impression de familiarité à l'utilisateur, c'est à dire lorsque le procédé fait appel à des signes renvoyant à des objets faisant déjà partie de l'encyclopédie de l'utilisateur (de son système de connaissances). Cette analogie amènera une action sur le procédé similaire à celle effectuée sur l'objet auquel il renvoie. Les actions à effectuer semblent alors naturelles puisque déjà encrées dans les habitudes de l'utilisateur. Prenons l'exemple de l'interface Kinect : les mouvement à reproduire sur l'interface sont similaires à ceux que nous effectuons dans la vie réelle. Le menu par exemple se présente comme un carrousel qu'il faut faire tourner avec ses mains pour le faire bouger.

    La compréhension d'un système est donc bien en relation avec les
    connaissances de celui qui l'utilise. Et pour qu'aucune phase

    81 De la simplicité, p.73, op.cité.

    d'apprentissage ne soit nécessaire à son utilisation, alors il faut faire appel aux connaissance qu'il a déjà acquises en amont, autrement dit à ses pré-acquis.

    5. Les différences. « La simplicité et la complexité ont besoin l'une de l'autre »82.

    6. Le contexte. « Ce qui se trouve à la périphérie de la simplicité n'est pas du tout périphérique »83.

    7. L'émotion. « Il vaut mieux davantage que moins d'émotions ».

    8. La confiance. « Dans la simplicité, nous avons confiance »84.

    9. L'échec. « Certaines choses ne peuvent jamais être rendues plus simples ». C'est par exemple le cas de la donnée brute.

    10. La loi cardinale : « la simplicité consiste à soustraire ce qui est évident et à ajouter ce qui a du sens ».

    La surabondance peut, quant à elle, être gérée en appliquant le principe de réduction, mais aussi par la gestion et l'emploi du vide.

    En suivant les préconisations émises jusqu'ici, la question de l'attention est déjà résolue : le but d'une transmission d'informations par un système visuel réside principalement à capter l'attention et à augmenter la concentration de l'utilisateur. Il est quand même à noter que les principes de signe visuel, de vide et de forme globale sont les principaux éléments à mettre en place pour favoriser la concentration.

    Le changement de mode de lecture, enfin, implique entre autres que l'utilisateur désire accéder à l'information rapidement pour gagner du temps. L'image est instantanée : elle fait appel à moins de systèmes cognitifs et est donc plus accessible plus rapidement. En utilisant des images discursives appropriées, l'utilisateur pourra se repérer rapidement et se diriger rapidement vers l'information qui l'intéresse.

    III - 3 Les domaines d'application

    Après avoir établi les principes d'un système visuel efficace pour transmettre une information, il est important de déterminer son contexte d'utilisation. Autrement dit le média sur lequel il va être véhiculé, et son domaine d'exploitation.

    Les atouts du numérique

    Les appareils numériques (par exemple l'ordinateur, le téléphone de type

    82 Cette notion renvoie au principe d'opposition déjà exposé p.56

    83 Cette notion renvoie à l'utilisation du vide et les principes de la Gestalt déjà exposés p.58

    84 La notion de confiance est abordée p.59.

    androïde, ou les tablettes tactiles) sont des intermédiaires de communication, autrement dit, des interfaces. Ils permettent aux acteurs de la communication d'entrer en contact à distance à la fois de manière spatiale et temporelle. Comme nous l'avons vu au cours du chapitre sur le langage, la question du canal est primordiale dans la transmission d'un message. C'est le canal qui détermine la forme que pourra prendre ce message. Les appareils numériques permettent le passage du canal visuel et auditif. On ne peut considérer que le canal sensoriel soit transmis à travers les appareils numériques puisque, même dans le cas des interfaces tactiles, il est impossible de restituer la texture d'un élément (l'utilisation du toucher dans les interfaces tactiles ne permet pas la transmission d'un message sur ce canal puisque la surface est lisse, plane, et invariable, elle a donc seulement des fonctions de navigation).

    L'image numérique (autrement dit les signes représentés sur les appareils numériques) a des propriétés spécifiques, puisqu'elle a conservé les fonctions de son support. Hors, beaucoup de visualisations sur support numérique ne prennent pas en compte ce trait, et n'exploitent pas les potentialités du numérique. La plupart d'entre elles sont construites de telle manière que le numérique n'est qu'un outil pour imiter les images sur papier. Pour preuve d'ailleurs, ces visualisations en question (illustration 20) sont en générale imprimables sur papier. Mais à quoi sert-t'il d'utiliser des outils aux propriétés particulières pour ne faire qu'imiter l'usage d'autres outils?

    Illustration 21: La visualisation Virtual Water présentée sous forme d'affiche

    Le numérique a beaucoup de potentiel, et son utilisation peut permettre d'améliorer les systèmes de visualisation, de mieux les utiliser, d'augmenter leur possibilités et d'en tirer une meilleure exploitation.

    L'image numérique a trois principales propriétés qui qui sont propres :

    · Elle est dynamique : l'image numérique n'est pas finie, elle peut faire l'objet de nombreuses modifications sans subir de détérioration. L'image numérique peut donc être en évolution constante, s'adaptant en permanence en fonction des conditions voir en temps réel. Par extension, on remarquera donc que le numérique a libéré le langage (visuel et écrit) de sa fixité.

    · Elle est discursive et interactive : c'est à dire qu'elle permet une conversation, un échange entre elle et l'utilisateur. Celui-ci peut par exemple modifier l'image, naviguer en son sein, avoir un impact sur elle. Cette propriété permet par exemple l'utilisation du feedback, autrement dit, l'image peut s'adapter en fonction du retour utilisateur.

    Grâce à ces propriétés, il est possible de diminuer encore davantage la complexité dans les systèmes visuels.

    Pour commencer, puisque l'image numérique est adaptable, elle peut être visible ou cachée selon les circonstances. En d'autres termes, il est possible de rendre ces images accessibles qu'au moment où elles sont utiles. Ce qui augmente considérablement la simplicité du dispositif.

    La modularité offerte par le numérique permet aussi plusieurs niveaux de lecture de l'information. Comme nous l'avons vu, la simplification d'un système n'est pas toujours possible. Pour représenter des informations complexes, un système visuel n'est pas toujours pertinent. Il arrive qu'on ne puisse échapper à une quantité importante de texte ou de chiffres. Mais si la complexité ne peut pas toujours être évitée, elle peut être cachée. Dans ce cas, un système visuel peut être un aperçu, un préambule à l'information. Ce système permet, malgré la complexité de son contenu, de trouver rapidement l'information, et aussi de savoir immédiatement si cette information nous intéresse ou pas. D'autre part, certains utilisateurs préfèrent avoir accès à la source des informations, à l'information dans ses détails et sa complexité. N'oublions pas cependant que la diffusion des informations sur internet n'est pas interpersonnelle, c'est à dire qu'elle n'est pas adressée à un seul individu. C'est une communication de diffusion, elle s'adresse à toute personne la recevant. L'information doit donc être représentée dans un premier temps de la manière la plus simple possible, la plus abordable. La mise en place d'un système imbriqué permettrait à l'utilisateur intéressé par plus de détails de s'« enfoncer » plus loin dans l'information, et dans le même moment, conserverait un aspect simple (mais néanmoins significatif) pour l'utilisateur moins aguerri, pour qui une information plus schématique est plus parlante. Autrement dit, un tel système permettrait l'accès à différents niveaux de lecture de l'information et il s'adapterait à chaque type utilisateur. Dans ce principe, la complexité devient une option que l'on choisi d'activer ou de désactiver suivant ses besoins.

    L'image numérique permettrait aussi de naviguer au sein du système visuel. Mais comment se repérer au milieu du système, au milieu des informations? Lorsqu'on lit un livre, il est facile d'en connaître sa progression : il suffit d'observer la tranche pour savoir à quel endroit du livre

    on se situe, et combien de pages restent globalement à lire. Mais sur la plupart des sites, il est impossible de savoir où on se situe dans l'information, on ne sait d'ailleurs même pas si elle a une fin. La barre de défilement que l'on nomme aussi l'ascenseur nous permet à peu près de connaître la taille d'une fenêtre, mais pas les informations qui sont à l'intérieur, surtout si elles sont, comme c'est souvent le cas, situées sur plusieurs pages différentes. Pour se repérer dans le système, il peut s'avérer intéressant de créer une « carte de l'information », sorte de reproduction du système visuel dans son entier, qui permettrait à la fois à l'utilisateur de se repérer, mais aussi de naviguer directement d'une information à l'autre en passant par cette carte. Cependant cela ne suffit pas. Une telle carte ne peut être visible en permanence puisqu'elle entraînerait un effet de redondance inutile, elle doit donc être masquée. Dans le même temps, l'utilisateur aura quand-même besoin d'un point de repère pour se repérer. La carte aura donc deux états différents : pliée et dépliée (pour continuer l'analogie de la carte). La visualisation de la carte à l'état pliée se fera de la manière la plus simple et la plus schématique possible, en reprenant les principes d'échelle et d'opposition. De cette manière, l'utilisateur saura globalement où il est, comme on sait globalement où on se trouve dans la lecture d'un livre lorsqu'on en regarde la tranche.

    L'interactivité peut aussi permettre à l'utilisateur d'avoir une influence sur les signe dans leur forme : on peut imaginer par exemple qu'au survol d'une image, celle-ci prendrait un autre aspect.

    Les atouts du numérique sont nombreux. Nous ne pouvons négliger les potentiels qu'il nous offre. En maximisant ce potentiel, il est possible d'élaborer des systèmes visuels intelligents, adaptatifs, et participatifs.

    Pour quel emploi les systèmes visuels sont-ils destinés?

    Un système visuel tel que nous l'avons élaboré nous permet de nombreuses possibilités d'exploitation. Aujourd'hui, la visualisation des information sont surtout employés dans un but journalistique, comme c'est le cas dans le journalisme de donnée. Le but premier d'un tel système est de transmettre des informations de la manière la plus efficace possible. Mais une information n'est pas seulement journalistique : les résultats d'une recherche, des bases de données ou même les paramètres d'un systèmes sont autant d'éléments qui sont émetteurs d'informations.

    · Le système visuel est aussi conçu pour nous permettre de mieux nous repérer dans l'information, pour optimiser la navigation. Son emploi pourrait donc être applicable à la recherche sur les navigateurs, permettant de savoir par exemple à quel type le résultat correspond. Il augmenterait l'efficience de la recherche et éviterait à l'utilisateur de perdre du temps en se retrouvant sur des pages qui s'avèreraient sans rapport avec ce qu'il cherchait.

    · En extrapolant, nous pourrions éventuellement imaginer un système visuel qui représenterait l'ensemble du net, comme une carte du net

    en somme, et sur lequel la navigation se ferait plus intuitive.

    · Le système visuel pourrait aussi être appliqué sous la forme d'un agrégateur. Au lieu se se retrouver avec une multitude de flux RSS, toutes les informations issues des différents site seraient collectées et représentées visuellement. Une telle utilisation aurait le bénéfice de montrer à l'utilisateur des informations qu'il ne cherchait pas au départ, mais qui s'avèrent au final l'intéresser (concept de sérendipité).

    · Il pourrait aussi être utilisé comme un outil de recherche et de visualisations des bases de données, que ce soit dans la gestion d'archives, de dossiers médicaux, ou de données informatiques.

    · La conception d'un système visuel, au-delà de sa vocation à transmettre des informations brutes, pourrait aussi nous aider à concevoir des interfaces de navigation plus pratiques et abordable. Car pour lutter contre la complexité, la question de l'ergonomie est primordiale.

    Conclusion

    A la question de savoir comment représenter l'information, il est donc clair que la réponse passe par la visualisation.

    Pour réaliser cette visualisation, il est primordial de construire et de mettre en place un système visuel. Les préconisations à suivre pour que ce système soit efficace sont :

    1. Créer des signes visuels adaptés au contexte et à la typologie de l'information.

    2. Organiser les signes de manière précise et réfléchie.

    3. Intégrer au système une dimension participative.

    4. Simplifier le système au maximum. C'est à dire réduire pour optimiser.

    5. Prendre en compte les atouts du numérique en rendant le modèle interactif et dynamique.

    6. Faciliter la navigation.

    En définitive, l'étude des langages et des nouveaux enjeux de la communication nous a permis d'arriver à ébaucher un modèle théorique de système visuel. Un tel système devrait améliorer et optimiser la transmission des informations, mais aussi permettre de mieux l'appréhender.

    Mais pour passer du modèle théorique au modèle pratique, le système doit d'abord être expérimenté.

    Bibliographie

    Données, informations, transmission

    · Ayache, Gérard. 2008. Homo Sapiens 2.0 - introduction à une histoire naturelle de l'hyperinformation. Max Milo.

    · Breton, Philippe, et Serge Proulx. 2005. L'explosion de la communication : Introduction aux théories et aux pratiques de la communication. Editions la découverte.

    · Carr, Nicholas. 2008. Is Google Making Us Stupid? - Magazine - The Atlantic, Août. http://www.theatlantic.com/magazine/archive/2008/07/is-googlemaking-us-stupid/6868/.

    · Casanova, Xavier, et Joëlle Cohen. sans date. L'écran efficace, une approche cognitive des objets graphiques.

    · Cimelière, Olivier. sans date. WikiLeaks : Que penser après le bruit et la fureur médiatique ? Le blog du communiquand 2.0. http://www.leblogducommunicant2-0.com/2010/12/12/wikileaksque-penser-apres-le-bruit-et-la-fureur-mediatique/.

    · David shenk. 1997. Data Smog: Surviving the Information Glut. HarperSanFrancisco.

    · Guillaud, Hubert. 2006. La montée du «crowdsourcing». internet actu. http://www.internetactu.net/2006/06/01/la-montee-ducrowdsourcing/.

    · Guillaud, Hubert Combien d'information consommons-nous ? internet actu. http://www.internetactu.net/2010/01/14/combiendinformation-consommons-nous/.

    · Guillaud, Hubert . Vers un monde de données ? internet actu. http://www.internetactu.net/2010/12/16/vers-un-monde-de-donnees/.

    · Howe, Jeff. 2006. Wired 14.06: The Rise of Crowdsourcing. WIRED. http://www.wired.com/wired/archive/14.06/crowds.html.

    · Illich, Ivan. 1991. Du lisible au visible : La Naissance du texte, un commentaire du «Didascalicon» de Hugues de Saint-Victor. Cerf.

    · Mearian, Lucas. 2008. Study: Digital universe and its impact bigger than we thought. Computerworld. http://www.computerworld.com/s/article/9067639/StudyDigitalun iverse_and_its_impact_bigger_than_we_thought.

    · de la Porte, Xavier. 2010. danah boyd : Vivre avec, dans et autour de l'information. internet actu. http://www.internetactu.net/2010/10/25/danah-boyd-vivre-avecdans-et-autour-de-linformation/.

    · Ray, Kate. sans date. Web 3.0: donner du sens aux données.

    Par sites

    · Baromètre 2010 de confiance dans les médias. La-croix. http://www.la-croix.com/Barometre-2010-de-confiance-dans-lesmedias-/documents/2411474/47604.

    · Big Data : faire du sens à grande échelle. OWNI. http://owni.fr/2011/01/13/big-data-faire-du-sens-a-grande-echelle/.

    · Free Our Data: Make taxpayers' data available to them. http://www.freeourdata.org.uk/.

    · La parenthèse Gutenberg. http://www.internetactu.net/2011/01/03/laparenthese-gutenberg/.

    · La société de l'hyperinformation. http://novovision.fr/a-lire-lasociete-de-l.

    · OpenGovData.org. http://www.opengovdata.org/.

    · Une étude montrant l'étendue de la crise du journalisme. Maniac Geek. http://maniacgeek.wordpress.com/2010/04/09/une-etudemontrant-letendue-de-la-crise-du-journalisme/.

    Langage et sémiotique

    · Barthes, Roland. 1985. L'aventure sémiologique. Essais. Editions du Seuil.

    · Dondero, Maria Giolia. 2010. La sémiotique visuelle entre principes
    généraux et spécificités. A partir du Groupe u1. Nouveaux actes
    sémiotiques
    . http://revues.unilim.fr/nas/document.php?id=3286.

    · Eco, Umberto. 2006. Sémiotique et philosophie du langage. puf. Quadrige.

    · Klinkerberg, Jean-Marie. 2006. Précis de sémiotique générale. Essais. Editions du Seuil.

    Par sites

    · La langue universelle est-elle réalisable ? http://www.philocours.com/disse/diss-langageuniv.html.

    · Signo : Sémiotique - Théoriques sémiotiques appliquées. Signosemio. http://www.signosemio.com/.

    L'image

    · Bernard, Hervé. 2010. - Imagier vs Imagerie - visuel et interface. Regard sur l'image. http://www.regard-sur-limage.com/spip.php? article498.

    · Bertin, Jacques. sans date. Sémiologie graphique : Les diagrammes, les réseaux, les cartes.

    · Bord, Jean-Paul. 1997. Géographie et sémiologie graphique : deux regards différents sur l'espace. http://cybergeo.revues.org/index501.html.

    · John Maeda. 2004. Code de création. Thames & Hudson.

    · John Maeda.. De la simplicité. PAYOT GD FORMAT.

    · Sterpka, M. K. 2007. Abstract. First Monday. Septembre. http://firstmonday.org/htbin/cgiwrap/bin/ojs/index.php/fm/article/vie w/2011/1886.

    · Tisseron, Serge. 2005. Psychanalyse de l'image : des premiers traits au virtuel. 3 éd. Dunod.

    · Wassily Kandinsky. 1991. Point et ligne sur plan. Avec une préface Gallimard.

    La visualisation de données

    · Anon.2009. Entre Tufte et Ivan Illich. Blogger. Doctorak, go! Mai 23. http://doctorak-go.blogspot.com/2009/05/williamtufte-et-ivan-illich.html.

    · Baer, Kim. 2010. Information Design Workbook: Graphic approaches, solutions, and inspiration + 30 case studies. Reprint editions. Rockport Publishers.

    · Chauvin, Sophie, et Collectif. 2008. Information & visualisation : Enjeux, recherches et applications. Editions Cépaduès.

    · Edward Tufte. 1990. Envisioning informations. Graphics Press USA, Décembre 31.

    · Edward Tufte. 2001. Visual Display of quantitative information. 2 éd. Graphics Press USA, Janvier 31.

    · Ginet, Vincent. sans date. Les 50 plus beaux graphiques de visualisation de données. blogduwebdesign. http://www.blogduwebdesign.com/?article32/les-50-plusbeaux-graphiques-de-visualisation-de-donnees.


    · Guillaud, Hubert. 2010. Journaliste de données : data as storytelling. internet actu.

    http://www.internetactu.net/2010/07/09/journaliste-dedonnees-data-as-storytelling/.

    · MCCandless, David. sans date. Information is beautiful. davidmccandless. http://www.informationisbeautiful.net/.

    · MCCandless, David. sans date. The beauty of data visualisation. http://www.youtube.com/watch?v=pLqjQ55tz-U

    · Musso, Pierre, Sylvie Esparre, et Collectif. 2008. Territoires et cyberespace en 2030. travaux. Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT).

    · Robert Klanten. 2009. Data Flow : Design graphique et visualisation d'information. Trad. Gilles Berton. BX LIVRES. Thames & Hudson, Mai 14.

    · Sussan, Rémi. 2009. Demain, les mondes virtuels. La fabrique des possibles. FYP éditions.

    · Ware, Colin. 2004. Information Visualization, Second Edition: Perception for Design (Interactive Technologies). Morgan Kaufmann. http://www.amazon.com/Information-Visualization-Second-Interactive-Technologies/dp/1558608192.

    Par sites

    · ActuVisu. Visualisation de l'information. Faites parler les données. http://www.actuvisu.fr/.

    · AS-MAP. http://www.as-map.com/blog/.

    · DATA BLOG. Guardian. http://www.guardian.co.uk/news/datablog.

    · Data journalism, entretien avec Simon Rogers, le Monsieur Data du Guardian. owni. http://owni.fr/2010/11/14/entretienavec-simon-rogers-le-monsieur-data-du-guardian/.

    · Data Visualization: Modern Approaches. Smashing Magazine. http://www.smashingmagazine.com/2007/08/02/datavisualization-modern-approaches/.

    · FFunction - Data Visualization. Blog. http://blog.ffctn.com/.

    · Information aesthetics. http://infosthetics.com/.

    · OWNI, Digital Journalism. http://owni.fr/#aujourd-hui.

    · SolarBeat. http://www.whitevinyldesign.com/solarbeat/.

    · The Biggest Stories of Our Time, Visualized | Slideshows. Fast Company. http://www.fastcompany.com/pics/biggeststories-our-time-visualized?#NaN.


    · visualcomplexity. http://www.visualcomplexity.com/vc/.

    · Visualisation de données : rencontre avec David McCandless. http://owni.fr/2010/12/20/visualisation-de-donnees-rencontreavec-david-mccandless/.

    · .webilus, les meilleures infographies du web. http://webilus.fr/.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault