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La privatisation de la sécurité: un dessaisissement des fonctions régaliennes de l'Etat

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par Michaël VISEUX
Université Jean Moulin Lyon 3 CLESID - Master 2 Recherche en science politique relations internationales sécurité et défense 2010
  

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II. Acceptation de la norme

« De véritables entreprises de guerre, souvent d'origine anglo-saxonne, ont, sur ce terreau, pu apparaître et fructifier. [...] Il est à noter, d'ailleurs, qu'il ne s'agit plus du mercenariat traditionnel, individuel, mais de véritables entreprises commerciales, d'autan plus redoutables qu'elles disposent de moyens importants ».

Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Défense Nationale, 2003

Finnemore et Sikkink le soulignent, « il ne suffit pas de diffuser une norme pour signifier son acceptation ». Au contraire, l'acceptation ou « cascade de la norme » est réalisée lorsque le nombre d'acteurs étatiques qui adoptent la norme atteint un point de bascule suffisant. Ce seuil n'est jamais défini à priori.

Wolf-Dieter Eberwein et Yves Schemeil vont plus loin dans l'analyse des normes et posent deux critères qui conditionnent l'acceptation de la norme :

- ne pas appliquer la norme devient vite paralysant pour les Etats ;

- ne pas y adhérer par calcul d'intérêt78.

La première condition énoncée est semblable à celle du cycle des normes. Elle concerne en effet le processus de légitimation de la norme par l'édification de standards de législation et/ou de ratification. Afin de légaliser la norme ou de la sanctionner, les Etats mettent en place des processus formels.

Dans le cas de la privatisation de la défense, ce point se vérifie lorsque nous observons l'apparition de législations internes aux Etats. Que ce soit aux Etats-Unis afin de mobiliser les SMP au service de l'Etat ou en Afrique du Sud afin de limiter leur pouvoir de nuisance. Comme le détail Jean-Jacques Roche, une législation trop restrictive traduirait la volonté d'un Etat de se prémunir contre les effets pervers de la norme.

Cas particulier de la France.

Le 14 avril 2003, la France promulgue une loi particulièrement restrictive afin de se
prémunir d'un possible appel du mercenariat. Largement inspirée du protocole additionnel

77 SCHEMEIL Y, EBERWEIN WD, « Le mystère de l'énonciation : normes et normalités en relations internationales ».

78 SCHEMEIL Y, EBERWEIN WD, Ibid. pp. 20-35.

de 1977, cette loi définit le mercenariat par six critères cumulatifs. La France tente ainsi officiellement de se protéger des mercenaires sans toutefois interdire la création de SMP française. Elle n'interdit pas non plus de souscrire un contrat de défense avec une SMP d'origine étrangère, américaine par exemple.

En ce qui concerne la seconde condition d'acceptation de la norme de la privatisation de la sécurité, les travaux de Eberwein et Schemeil apportent un éclairage précis sur la notion de dessaisissement des fonctions régaliennes de l'Etat. En effet, une évolution de la politique des Etats vers l'acceptation de la norme peut être motivée par des considérations tactiques (récupération d'un bénéfice immédiat) ou d'ordres stratégiques (nécessité de se conformer aux pratiques du modèle dominant -les Etats-Unis). Les deux chercheurs avancent également l'adhésion de la norme comme moyen d'éviter des sanctions internationales. Nous avons choisi de caractériser ce dernier point comme la contrainte extérieure. Ne pas céder à la pression internationale (ou celle du marché), aboutirait à s'exclure radicalement du système. Ce serait le moyen de se priver de sa liberté d'action et de perdre sa capacité à proposer de nouvelles initiatives ainsi qu'à orienter l'évolution de la norme. Car les normes ne sont pas figées, elles demeurent en constante évolution.

La France, à défaut de se positionner sur le marché de la guerre privée, se place en situation de contestation. La loi anti-mercenaire de 2003 atteste de la volonté de la France de demeurer en marge du système. L'outsourcing en France représente encore un secteur embryonnaire mais l'idée de la privatisation progresse lentement dans les milieux décisionnels. Le ministère de la Défense aborde le thème de la privatisation de la manière suivante : il s'agit « d'un mode de gestion ancien qui consiste, pour l'administration, à confier à un ou des partenaires externes spécialisés, une fonction, une activité ou un service assurés jusqu'alors en régie79 ».

Le thème du recours aux SMP par la France commence à être envisagé dans les cercles de décisions parisiens. Toutefois, « la France ne semble pas encore décidée à entrer dans le marché80. »

79 Directive ministérielle n°007496 du 26 mai 2003 sur la politique d'externalisation au sein du ministère de la Défense.

80 Cahier de la recherche doctrinale, « L'emploi des SMP en Afghanistan et en Irak », CDEF, juillet 2010, p. 79.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams