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La privatisation de la sécurité: un dessaisissement des fonctions régaliennes de l'Etat

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par Michaël VISEUX
Université Jean Moulin Lyon 3 CLESID - Master 2 Recherche en science politique relations internationales sécurité et défense 2010
  

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F. La fin d'un monde bipolaire

« La [fin de la] Guerre Froide a laissé un vide béant et j'ai vu u'une niche venait de se créer sur le marché [de la guerre]26. » Eben Barlow, fondateur d'Executive Outcomes, 2002

La rupture brutale de l'équilibre de la terreur entre les deux grandes puissances de la guerre froide n'a pas rendu le monde plus sûr ni plus équilibré. Bien au contraire, la chute du Bloc soviétique a entraîné une multitude de conflits et de crises régionales qui nécessitent le recours à la force dans le cadre d'opérations de rétablissement ou de maintien de la paix. Ainsi le Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix recense près de soixante opérations (menées sous mandat de l'Union européenne, de l'ONU ou de l'OTAN) depuis 1990. Deux facteurs majeurs liés à l'effondrement du bloc soviétique peuvent à notre sens expliquer l'essor des sociétés militaires privées.

Le premier point réside dans le fait que les petits pays, jadis placés sous protectorat des deux Grands, n'ont plus les moyens de faire face à la multitude de conflits liés à la fin de l'équilibre est-ouest. Les subventions fournies par les deux hyper puissances n'ont plus cours, les petits gouvernements ou les dictatures n'ont plus les moyens d'entretenir une armée professionnelle et ont par conséquent recours à des armées privées. Le second point concerne la réduction continue des budgets de défense et des effectifs militaires amorcée depuis 1990. Cette baisse drastique de l'effort de défense a réduit de manière significative la capacité d'intervention des états. En effet la folle frénésie de la course aux armements engendrée par la guerre froide a rapidement pris fin en 1990. En outre, les attentats du 11 septembre ont brutalement révélé l'existence d'une autre forme de violence supra-étatique, à savoir le terrorisme mondial, islamique en particulier que les états doivent impérativement contrer. Ainsi, devant la multiplication des crises cette dernière décennie, les états et les grandes

25 ROSI J-D, Ibid. Pp 73,74.

26 SINGER Peter Warren, Corporate Warriors : The Rise of the Privatized Military Industry, Cornell University Press, 2008, p.101.

organisations internationales ont de plus en plus recours à l'emploi de sociétés militaires privées pour la gestion des crises.

G. « Chiens de guerre » : les exemples anglo-saxons

Executive Outcomes

Cette société devint rapidement célèbre et marqua l'histoire du mercenariat par le déploiement d'unités combattantes sur le champ de bataille.

En 1993, le gouvernement acculé par les forces de l'UNITA fait alors appel aux membres d'une jeune société sud-africaine créée en 1989 par Eben Barlow : Executive Outcomes (EO). Fondée par un ancien membre du 32° bataillon des Forces armées nationales sud-africaines (SANDF), la société se présente comme une firme commerciale et affirme vendre un produit. Elle se propose en effet de mener des opérations pour le compte d'un Etat. En cela, EO se pose en pionnière du mercenariat entrepreneurial. La société s'inscrit dans une logique voulue par Prétoria à la fin de l'Apartheid, à savoir reclasser les anciens des forces spéciales dans une structure bien organisée. Cette société multiethnique va alors profiter du savoir-faire irremplaçable de nombreux membres des unités d'élites sud-africaines et va mettre sa compétence au service de causes plus que douteuses et d'entreprises implantées en Afrique. Car EO fait partie d'un conglomérat de sociétés de sécurité privée et de compagnies minières. Executive Outcomes s'est distingué lors du conflit angolais. Sollicitée par le MPLA pour former les forces armées angolaises (FAA) pour un contrat total de 40 millions de dollars, la firme est rapidement évincée du pays par les Etats-Unis. L'administration du président Clinton introduit alors une société américaine, MPRI, qui reprend le contrat de formation de l'armée angolaise27. EO se réfugie alors dans l'ouest africain et sera impliqué dans l'affaire des « diamants de sang » en Sierra Leone, dont le film « Blood Diamond » de Edward Zwick fait référence. EO, à la demande du gouvernement local, harcèle sans relâche les combattants du Revolutionnary United Front (RUF) et s'attire rapidement les foudres des ONG, de l'Afrique du Sud mais surtout des Etats-Unis. Sous la pression internationale et l'adoption par le gouvernement sud-africain du Foreign Assistance Military Act le 1er janvier 1999 (législation portant sur la répression des activités mercenaires), EO s'auto dissout.

Sandline International Ltd.

27 SPICER Tim, «An Unorthodox Soldier», édition Mainstream, 1999, pp.50-51.

Société britannique homologue à EO, Sandline est dissoute, suite à un scandale impliquant le gouvernement britannique dans le contournement d'un embargo sur l'importation d'armement. Selon un rapport d'enquête du Parlement britannique, en 1997, Tim Spicer, aurait été chargé par un tiers indien proche de l'ancien président de Sierra Leone, Ahmad Tejan Kabbah (évincé par le RUF), de recruter des mercenaires et d'acheter de l'armement à destination de Sierra Leone. L'envoi d'armes, depuis la Bulgarie jusqu'en en Afrique, en totale violation de l'embargo voté par le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU), a suscité l'indignation internationale et la colère de la couronne britannique. En effet, pour se tirer d'affaire, les dirigeants de Sandline International Ltd affirmèrent que le gouvernement britannique était au courant des agissements de la société et qu'il aurait couvert la transaction. En réalité, seuls quelques hauts fonctionnaires britanniques connaissaient les intentions de la société. Cette révélation déclencha une crise sans précédent à Londres qui faillit pousser Tony Blair à la démission. La société militaire privée fut dissoute en 2004.

Executive Outcomes et Sandline International Ltd sont deux entreprises qui témoignent de la volonté de leurs dirigeants de donner une légitimité au mercenariat et une image acceptable du mercenaire. Intégrées dans des structures financières globalisées aux capitaux solides, ces firmes ont rapidement pris une dimension internationale. Ces deux entreprises possédaient les ressources financières et la capacité logistique de répondre à toutes les attentes de leurs clients potentiels. Selon Philippe Chapleau, Ibis Air, une compagnie de charter, fut rachetée par EO afin d'offrir à celle-ci une « indépendance opérationnelle » vis-à-vis de la concurrence. Malgré des ressources immenses et une organisation bien structurée, EO et Sandline ont vacillé sous le poids de l'image d' « Affreux » encore accolée au mercenariat.

La fermeture de ces deux sociétés marque la fin des sociétés combattantes dans la sphère des compagnies privées de sécurité. Toutefois, on dénote que ce type de sociétés a largement satisfait les employeurs et ravi le secteur militaro-industriel, américain notamment. EO et Sandline ont contribué de manière significative à faire évoluer le mercenariat. Dans le contexte de la professionnalisation des armées, devenue évidente au XXIème siècle, les sociétés militaires privées délaissent la sphère combattante et évoluent vers d'autres secteurs de la défense.

Ainsi cet historique permet de prendre conscience de la naissance du mercenariat et de l'évolution de cette activité tout au long de l'histoire des peuples. D'un emploi massif dans la majorité des conflits qui ont marqué l'histoire, le mercenaire est à présent employé de façon marginale.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe