WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le pilotage maritime dans l'Union Européenne: statuts, organisations et responsabilités civiles des pilotes en 2010

( Télécharger le fichier original )
par Pierre CASTETZ
Université du Havre faculté des affaires internationales - Master 2 droit de la mer et des activités portuaires 2009
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

    Faculté des Affaires Internationales

    Mémoire de Master II Droit de la mer et des activités portuaires

    Le Pilotage maritime dans l'Union Européenne

    Statuts, organisations et responsabilités civiles des pilotes en 2010

    Bien qu'il existe de fortes disparités de statut professionnel des pilotes en Europe,

    quelles sont les caractéristiques communes des pilotes et, dans quelle mesure leur mission est-elle
    reconnue de service public obligatoire ?

    Face aux risques de l'activité, dans quelle mesure, l'État, ou une organisation en charge du service de pilotage, peut-il voir sa responsabilité engagée en cas de dommage lors d'une opération de pilotage. Quel est le statut de responsabilité civile actuel des services en Europe ?

    REMERCIEMENTS

    Je tiens tout d'abord à remercier Mme Le Bihan-Guénolé, Directrice du Master II de droit de la mer et des activités portuaires, ayant consentie à ce que je puisse suivre le master II proposé par l'Université du Havre tout en continuant à naviguer comme officier dans la Marine Marchande, ainsi que l'ensemble de l'équipe enseignante pour la qualité de leur enseignement.

    De la même manière, je remercie Le Président de la Fédération de Pilotage, Monsieur Moncany, ainsi que Cécile Lemberski, juriste à la FFPM, mon tuteur de mémoire, et Camille Moncany, juriste et assistante à la FFPM, pour le temps et l'intérêt consacrés pendant mes recherches.

    Ensuite, je remercie tout particulièrement le Commandant François Laffoucrière, pilote au Havre et Captain Andrew Bishop, pilote au port britannique de Newhaven, pour la communication d'informations essentielles dont je me suis servi tout au long de la rédaction de ce mémoire.

    Pour les mêmes raisons, je remercie l'avocat londonien Barrie Youde, et enfin, j'adresse un remerciement tout particulier à Juha Tulimaa, Michael Hartmann, Hugo Tiberg, Miguel Vieira de Castro et Roby Maggi, pour leur collaboration.

    Présentation générale des structures associatives de pilotes maritimes en Europe

    Au niveau national, européen, ou international, il existe différentes structures associatives regroupant les pilotes. Leur but est de veiller à la bonne application des textes de lois nationales en vigueur au sujet du pilotage, au sein d'un État, mais également de veiller à l'application des normes internationales régissant dans ce domaine. Grâce à ces structures, maintenant ainsi leur cohésion, les pilotes entendent défendre leurs intérêts. Ces organisations, présentes dans toute l'Europe, disposent en général d'un service juridique qui leur est propre et qui traitera les litiges émanant d'une activité de pilotage de navire. L'adhésion à l'Association Internationale des Pilotes Maritimes1 et à l'Association Européenne des Pilotes Maritimes2 permet les échanges d'informations entre pays, et la création d'une base de données de contacts auprès des diverses associations nationales.


    · La FFPM : Fédération Française des Syndicats Professionnels de Pilotes Maritimes

    La Fédération Française des Syndicats Professionnels de Pilotes Maritimes située à Paris, dont le siège se trouve 74, rue du Rocher dans le 8ème arrondissement parisien, est la structure associative française, dont la permanence est assurée par un président et son secrétaire général.

    Cette association représente en France environ 340 pilotes et leurs personnels, répartis dans 32 stations de pilotage, ( 23 en Métropole, 5 dans les départements français d'outre-mer, 3 dans les pays et collectivités territoriales d'outre-mer et une coopérative de pilotes hauturiers),

    La FFPM est composée de deux collèges :

    Le Premier Collège regroupant :

    - Les syndicats professionnels des stations de pilotage de France métropolitaine

    - Les syndicats professionnels des stations de pilotage des départements et territoires d'outre-mer Le Deuxième Collège regroupant :

    - les syndicats professionnels de pilotes maritimes habilités qui exercent leur activité en dehors des stations précitées.

    1 IMPA : The International Maritime Pilots' Association www.impahq.org

    2 EMPA: European Maritime Pilot's Association www.empa-pilots.org


    · L'EMPA : European Maritime Pilot's Association

    L'EMPA, dont la présidence siège à Anvers, fut créée en 1963, à l'initiative d'un pilote français, M. Antoine MARCANTETTI, de la station de pilotage de Marseille-Fos. En 2009, l'EMPA représente 26 pays ( Roumanie, Russie, Ukraine, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Norvège, Pologne, Portugal, Slovénie, Espagne, Suède, Pays-Bas, Turquie, Royaume-Uni). Son objectif est de faciliter l'échange des informations entre ses membres dans le but d'améliorer les divers aspects de la vie professionnelle des pilotes de la Communauté Européenne et des pays associés, et de promouvoir et défendre les intérêts de la profession sur le plan international.

    English summary

    Pilotage is one of the oldest, and least-known maritime profession, but it is one of the most important link in maritime safety. Nowadays, the actual economic and environmental risks, involving large ships, make the role of the pilot really essential.

    A pilot is an mariner adviser who guides a ship through dangerous waters, fairways, harbours and river approaches. His role is to assist the master by bringing local expertise, and pieces of advice during the ship's passage at arrival, anchorage, or departure. The pilots provide a local knowledge to make the safe passage of the ship safe, and to protect the environment. They have an overall review of local regulations, port activities, customs of the harbour and effect of the current or sounding. Also, they provide communications with port authorities, Vessel Trafic System, tugs, and other piloted ships.

    Nowadays, in order to protect the environment and to improve the safety of life at sea, pilotage services are mostly regulated in all the European countries.

    Firstly, pilotage is widely compulsory, each state being entitled to define the limit of ships which need to be piloted. Most maritime countries have areas designated as compulsory pilotage districts where ships are not allowed to navigate unless licensed pilot. The reason of such a decision is based on the needs of national public interest, keeping the safety level and environment protection at his maximum.

    Secondly, safe and efficient marine pilotage requires that marine pilots operate in an independant environment which allows them to exercise their professional judgement in an independant manner, without competition or arrangements with shipowners.

    Lastly, most jurisdictions in the European Union, have concluded that the public interest, the marine safety and the necessity to protect the environment and nearby populations, are best served through pilotage services being provided on an exclusive basis, by a single group of pilots, which take advantage of a monopolize position, in any given compulsory area.

    In order to exercise their functions, pilots may be self-employed, or employed by a port, with different degrees of privatization, or may be employed by a state, as public servants. But all the time, pilots are organized as independant economic entities, grouping together in association, or partnership, and are always subject to the government control.

    However, the pilot is legally, only an advisor, as the master remains in legal, overriding command of the vessel, keeping the ultimate responsibility of the ship.

    But the pilot executes the pilotage on his own civil liability, as defined in the national pilotage legislation, called Pilotage Act, but, according to the same principle, as the possibility for the shipowners to limit their own liability, in accordance with LLMC 76 Convention, the Pilotage Acts usually give the right to limit their civil liability. In such a case, the civil pilot liability is largely limited to a certain amount of money, because of the mere reason that a pilot has personal limited resource, he may not be able to support the financial consequence of an accident, and couldn't recover the large amounts of money incurred today.

    Nevertheless, pilot limitation or exemption of liability are waived when the court evaluate that there is a intent or gross negligent from the pilot, but the burden of the proof rests on the person who attributes legal consequences to these acts.

    Consequently, the claims are mainly engaged against organizations employing the pilots, or against the shipowner himself. Speaking about the pilot civil liability, regarding the institution organizing the pilotage service, some few problems may happened.

    It is in the public interest for pilots to be able to not commence, or to stop an unsafe operation without apprehension of adverse consequences to their careers or livelihood, but their decision may affect their relation with the organization employing them, leading sometimes to severe reprimand.

    Also, some few court cases shown the last years that the harbour authority is not liable for the negligence of a pilot because a pilot is a independent professional who navigates as a principal and not as the servant or agent of his general employer

    On the contrary, in some countries, some few cases of pursuit were engaged against the state regulating the pilot services employing the pilots, the claimers performing the pursuit as the pilot is an only a servant of his general employer.

    Last but not least, According to the Pilotage Acts, the liability limits are some times so high, (as in Spain, or Italy) that pilots are obliged to be insured against civil claims.

    Le pilotage maritime dans l'Union Européenne

    Présentation générale des structures associatives de pilote maritime en Europe 4

    English summary 6

    Introduction 10

    Partie I : Activité reconnue obligatoire à statuts professionnels différents 14

    Chapitre I) Mission d'intérêt général reconnue et consacrée par l'obligation de pilotage 14

    I) La qualification de service public 14

    A) En France

    i) Définition du pilotage maritime en droit Français

    ii) Une activité qualifiée de service public de pilotage

    B) Une activité reconnue d'intérêt général en Europe

    II) Obligation de pilotage consacrée par la Commission Européenne 18

    A) Obligation de pilotage en France

    B) Obligation de pilotage en Europe

    Chapitre II) Des organisations professionnelles différentes face à des impératifs identiques 21

    I) Un statut de monopole voué à la sécurité 21

    A) Le monopole intracommunautaire

    i) Le monopole du pilotage Français

    ii) Le monopole en Europe : applications des principes communautaires

    B) La position des pays non Européens

    II) Organisations professionnelles différentes 27

    A) L'organisation juridique de la station de pilotage en France

    i) La collectivité des pilotes et la station de pilotage

    ii) Le syndicat des pilotes

    B) Les statuts des pilotes en Europe

    1) Analyse de l'organisation professionnelle du pilote

    2) Statuts dans les principaux pays Européens

    i) Modèles privés de type corporatif

    ii) Modèles publics à gestion directe de l'Etat

    iii) Les systèmes mixtes

    C) Recrutement

    Partie II: La responsabilité civile du pilote et des organisations de pilotage 52

    Chapitre I) Responsabilité civile liée à son rôle et à sa qualification 52

    I) La qualification du pilotage 52

    A) Le pilote européen, conseiller du capitaine ?

    B) L'absence de convention internationale sur la responsabilité civile

    II) Les responsabilités civiles résultant de l'organisation du pilotage 59

    A) Cas de responsabilité de l'autorité compétente organisatrice du service

    i) Les problèmes émanant d'un contrat de travail conclu avec une autorité compétente

    ii) Les pilotes, des professionnels à l'indépendance juridique reconnue

    iii) La responsabilité de l'État

    B) Autres types de responsabilité

    Chapitre II) Limitation de responsabilité et assurance 76

    I) La limitation de responsabilité, solution réaliste et justifiée 76

    II) Les assurances responsabilité civile 81

    Conclusion 84

    INTRODUCTION

    En droit maritime français, le capitaine du navire, garant de l'expédition nautique, est tenu, sauf en cas d'impossibilité manifeste, de conduire personnellement son navire à l'entrée et à la sortie des ports, des canaux ou des rivières3. Pour autant, aucun capitaine de navire ne pourrait prétendre connaître tous les dangers d'une zone de navigation, les courants, les feux, les us et coutumes portuaires, et les spécificités locales du port dans lequel son navire évoluera. Il s'appuie sur les conseils avertis du pilote maritime, sans que pour autant sa présence ne le dispense des obligations de commandement et de conduite du navire.

    Le statut actuel du pilote maritime s'est édifié sur une histoire maritime très ancienne en se construisant autour du développement des échanges de marchandises dans le bassin méditerranéen. Le terme « pilote » est apparu très tôt, dès le VIème siècle av. J.-C. dans le livre D'Ezekiel4 où le terme de « pilote guide » du navire est utilisé à plusieurs reprises. Des traces d'existence de l'ancêtre du pilote maritime existent aussi dans les écrits d'Homère et de Virgile : en parlant de « Thestor le pilote » Homère a écrit dans le premier livre de Iliade5 : « celui qui a guidé les navires de Achaens à Llion ».

    Assurément, l'incontestable ancêtre du pilote maritime se trouve dans « Le périple de la mer Érythrée6 » daté de la première moitié du premier siècle après J-C. En effet, ce récit maritime grec décrivant la navigation et les opportunités commerciales depuis les ports romano-égyptiens, le long de la côte de la mer Érythrée (actuelle mer Rouge), ainsi que le long de l'Afrique orientale et de l'Inde, pourrait effectivement être l'ancêtre des instructions nautiques actuelles, qui sont nos actuels recueils d'informations spécialisés sur les ports et leurs approches. Bien que les auteurs de ce périple soient inconnus, on ne peut douter un seul instant que ces marins connaissaient parfaitement les courants et les dangers des sites qu'ils fréquentaient, en d'autres termes, ils sont aux origines du pilote maritime contemporain.

    3 Loi N°69-8 du 03/01/1969 relative à l'armement des navires

    4 Le terme pilote apparaît au chapitre 27 du livre d' Ézéchiel, livre du Tanakh et de l'Ancien Testament écrit par le prophète Ézéchiel parmi les exilés de Babylonie

    5 Iliade et l'Odyssée -VIe siècle av. J.-C

    6 Le Périple de la mer Érythrée, nom latin Periplus Maris Erythraei est une expédition maritime, rédigée en grec et décrivant la navigation et les opportunités commerciales rencontrées depuis les ports romano-égyptiens, le long de la côte de la mer Rouge, alors appelée mer Érythrée, et d'autres le long de l'Afrique orientale et de l'Inde.

    Ensuite, les Arabes furent sans aucun doute les plus actifs dans le domaine du pilotage. En 1275, le premier voyage de Marco Polo en Orient a été réalisé grâce à l'aide des pilotes Arabes. Deux siècles plus tard, Vasco De Gama au Portugal employa des pilotes Arabes lors de son voyage du cap de Bonne-Espérance à Calicut (Inde): « Lorsque Vasco de Gama7 eut atteint Malindi sur la côte orientale d'Afrique en 1498, il put s'y procurer un pilote, qui le conduisit directement à Calicut ». Le fait est brièvement rapporté dans le journal de bord rédigé par un des marins de l'expédition, et certains récits donnent même le nom du pilote, y ajoutant la nécessité de recourir à leur expertise.

    Plus tard, dans les années 1600, il est fréquent de lire dans les manuels d'histoire que la défaite de l'invincible Armada Espagnole aurait été causée par l'impossibilité d'embarquer les pilotes au large de Dunkerque.

    Pendant des siècles, l'individu qui a dirigé un navire dans l'océan, l'amenant d'un port à un autre, a porté la double casquette du capitaine et de pilote du navire.

    A la suite de l'insuffisante familiarité des capitaines avec certaines régions qu'ils devaient fréquenter pour le commerce, avec l'ouverture des marchés et des transports internationaux, il a été reconnu que le pilotage exigeait la connaissance locale de pilotes rattachés à une zone maritime connue d'eux.

    Selon Jean-Pierre Vieuxbled, « le petit cabotage, organisé dés le bas Moyen-âge sur l'ensemble des côtes européennes, conduit peu à peu à une bonne connaissance des rivages. Les manoeuvres répétées, les multiples voyages permettent d'identifier rapidement les dangers ainsi que les marques nécessaires pour les éviter8 ».

    Des distinctions claires sont ensuite perçues entre les pilotes des voyages, devenus aujourd'hui pilotes hauturiers, et le pilote portuaire, connus comme le « loci manens », l'homme du lieu.

    Selon A.Marcantetti9, les premières traces de présence de pilotes maritimes en Angleterre remontent au XVème siècle en Écosse et en Angleterre : « c'est autour de guilde de marin, à vocation semi-religieuse dans un but de protection mutuelle que l'embryon du pilotage se mit en place dans le Royaume ».

    7 Le pilote arabe de Vasco de Gama et les instructions nautiques des arabes au XVe siècle Gabriel Ferrand, Annales de Géographie, Année 1922 Volume 31 Numéro 172, p 289-307

    8 Jean-Pierre Vieuxbled, «Les aides à la navigation» 2004 D.E.S.S. Droit maritime et des transports

    Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix - Marseille III

    9 Antoine Marcantetti, thèse sur le pilotage maritime en Europe, page 370

    Dans le nord de l'Europe, les Hollandais sont considérés comme les premiers meneurs dans le développement du pilotage. En 1633, la Compagnie des Indes Néerlandaises déploya ses propres pilotes à Balasore, à environ 60 miles de l'entrée de la rivière Hugli. A cette époque, le pilote était, soit un membre de l'équipage, soit déjà un employé d'une station de pilotage à terre. Leurs tâches ne se limitaient pas uniquement à piloter des navires, mais souvent, ils étaient éditeurs de cartes marines et compilateurs de données de navigation.

    En Europe, depuis le début du 17ème siècle, le pilotage est maintenant réglementé dans tous les pays par des lois nationales, communément appelées Pilotage Act, et par les règlements sur l'organisation des ports, fixant ainsi les statuts professionnels des pilotes dans chaque pays. En France, les fondements de la réglementation française du pilotage furent adoptés en 1554 sous Henri III, en prévoyant le contrôle de cette activité sous la tutelle de l'Amirauté. Plus tard, l'Ordonnance de Colbert de 1681 a défini les grands principes du droit du pilote et du capitaine de navire. Ces grands principes sont aujourd'hui repris par les textes de lois régissant le pilotage français.

    Des nos jours, cette profession est peu connue du grand public mais se trouve pourtant au coeur des échanges commerciaux maritimes. Afin de préserver l'environnement et de garantir la sécurité de la navigation et la sauvegarde de la vie humaines en mer, le pilotage maritime est réglementé dans tous les pays d'Europe ayant une façade maritime. Le pilote maritime, malgré des statuts professionnels différents est devenu obligatoire, étant basé presque partout sur le principe de l'obligation et du monopole des stations. Compte tenu des risques inhérents à l'activité, le pilotage peut entraîner à la fois d'importants recours en responsabilité civile du pilote ou bien des services organisateurs.

    Ce bref rappel historique montre la diversité des systèmes de pilotage et leur inscription dans des traditions différentes, il n'y a donc pas de statut professionnel unifié du pilote même si, sous l'influence de la réglementation internationale ces disparités ont tendance à s'estomper en ce qui concerne la qualification juridique de conseiller de ce dernier. Il est cependant difficile de cerner de manière univoque le statut du pilote, ce qui renforce la méconnaissance relative dont il est l'objet auprès du grand public.

    Dans une première partie essentiellement descriptive nous rappellerons les différentes traditions d'organisation du pilotage entre privé et public, associatif et corporatif, chacun apportant sa spécificité dans un cadre d'intérêt général voué à la sécurité.

    Dans notre seconde partie, nous verrons comment le statut juridique du pilote est perçu en Europe, et comment les problèmes de responsabilité contraignent les organisations de pilotage à de nécessaires évolutions dont il n'est pas facile aujourd'hui d'anticiper les conséquences tant les difficultés qui surgissent font intervenir des causalités complexes.

    Partie I : Activité reconnue obligatoire à statuts professionnels différents

    Chapitre I) Mission d'intérêt général reconnue et consacrée par l'obligation de pilotage

    I) La qualification de service public

    A) En France

    i) Définition du pilotage maritime en droit Français

    En droit Français, c'est au Moyen-âge que les principes de l'activité de pilotage commencent à être fixés. Les « Jugements » ou « Rôles d'Oléron », recueil de lois maritimes datant du XIIème siècle10, mentionnent déjà le « lodeman » chargé d'amener les nefs affrétées pour le commerce « jusqu' au port à sauveté » pour y être déchargées. Ce lodeman risque la peine de mort en cas de perte du bateau qu'il conduit. Des dispositions très proches se retrouvent également dans le « Consulat de la mer », autre recueil de lois daté du XIIIème siècle. Le XVIème siècle est marqué par l'apparition de règlements locaux concernant des ports d'importances comme Dunkerque, Le Havre ou Rouen. A cette époque, le pilote lamaneur et le pilotes hauturier se confondent toujours sur le territoire, et ce n'est que plus tard, en 1681, que l'ordonnance de Colbert11 fera la différence en précisant les droits, et devoirs de ces deux professionnels. Ce n'est finalement qu'au début du XIXème siècle que furent décrites les premières organisations de pilotage par le décret-loi de Napoléon du 1er du 12 décembre 1806.

    Quelle que soit l'époque, le pilote maritime a toujours suscité les plus grands intérêts des législateurs Français. La législation actuelle est passée par de nombreuses chartes ou réglementations successives qui ont finalement menées les législateurs à promulguer au Journal Officiel, le 31 mars 1928, la loi sur le « Régime du pilotage dans les eaux maritimes ».

    Ce texte fondamental toujours en vigueur, remplace l'ancien texte datant du 12 décembre 1806, et est consolidé par le décret du 19 mai 196912. Selon la loi, « le pilotage consiste dans l'assistance donnée aux capitaines par un personnel commissionné par l'État pour la conduite des navires à l'entrée et à la sortie des ports, dans les ports, rades et eaux maritimes des fleuves et des canaux ».

    10 Ce document, s'inspirant des "Coutumes de la mer du Levant", a été rédigé à la demande de la Duchesse Éléonore d'Aquitaine (1122-1204), de retour de Terre Sainte pour servir de lois maritimes dans le Ponant. Il prit le nom de Rôles d' Oléron, en l'honneur de l'île alors possession d'Éléonore et fut complété par son fils Richard Coeur de Lion. (D'après Clairac, "Us et coutumes de la Mer", Bordeaux, 1661).

    11 Ordonnance de Colbert dite Ordonnance de la Marine du mois d'Août 1681

    Ainsi, la tâche du pilote est de concourir par l'aide qu'il pourvoit au capitaine, à la conduite du navire au passage des difficultés créées par une arrivée ou un départ, afin que celui ci termine ou débute son expédition en toute sécurité.

    ii) Une activité qualifiée de service public de pilotage

    L'article 2 de la loi du 28 mars 1928 sur le régime du pilotage dans les eaux maritimes modifiée par le Décret n°69-515 du 19 mai 1969 - art.1 dispose que « le capitaine d' un bâtiment soumis à l'obligation du pilotage est tenu de payer le pilote, même s' il n'utilise pas ses services, quand celui-ci justifie qu'il a fait la manoeuvre pour se rendre au-devant du navire ». En France, l'obligation de pilotage est reprise localement par un arrêté, définissant ainsi les limites accordées par zone portuaire considérée13.

    Le pilotage obligatoire pourrait être perçu comme une contrainte pour les armateurs qui se voit obligés d'embarquer un pilote, et de payer une redevance. Mais la source même de cette contrainte semble se trouver dans la préoccupation essentielle de maintien de la sécurité de la navigation en général et doit être prise dans la sens d'un atout pour la protection du domaine public maritime et de conservation du littoral.

    La mission de service public, qui par définition devrait être un service organisé dans une intention d'intérêt général, est confortée par la jurisprudence et par la qualification de « service public de pilotage » affirmée en Conseil d'État le 2 juin 197214 : « Il appartient également à l'autorité administrative , en vue d'assurer la police de la circulation dans les ports, et dans la mesure où la sécurité de la circulation l'exige, de subordonner le droit de circulation des navires dans les ports à la possession d'un brevet spécial par leur capitaine ou à l'appel au service public de pilotage ».

    12 Auxquelles s'ajoutent des textes internes de droit maritime : loi du 3 janvier 1969 relative à l'armement et à la vente des navires/ arrêtés et décrets qui ont modifiés, et renforcés la réglementation de 1969 : décret N°706207 du 9 mars 1970 relatif au pilotage des bateaux, convois et autres engins flottants fluviaux qui effectuent une navigation en mer, dans les ports et rades et espaces dépendants du domaine public maritime ou en aval du premier obstacle à la navigation de mer ; décret N°2000-455 du 25 mai 2000 relatif au régime de pilotage dans les eaux maritimes ; arrêté du 1er juillet 1999 fixant le montant du cautionnement des pilotes maritimes.

    13 Par exemple : Arrêté du 8 août 2008 relatif au pilotage des bateaux, convois et autres engins fluviaux qui effectuent une navigation dans les limites de la station de pilotage de Marseille-Fos ou bien Arrêté du 19 septembre 2007 relatif au pilotage des bateaux, convois et autres engins flottants fluviaux qui effectuent une navigation dans les limites de la station de pilotage du Havre-Fécamp.

    14 CE [sect] 2 juin 1972, REC.CE; p.407, AJDA 1972.II.90, p 646 conclusions de Mr Rougevin-Baville qui lui affecte la responsabilité de conservation du littoral et de sécurité maritime

    Cette affirmation du Conseil d'État, ne fit que confirmer l'avis du Commissaire du gouvernement Josse donné en 1949, déclarant que les pilotes « assurent un service public15 ».

    La loi française est très claire à ce sujet, l'article 16 du décret de 1969 qualifiant de tutelle le rapport existant entre la station de pilotage et l'État français :

    « Le fonctionnement des stations de pilotage est exercé sous la tutelle du ministre des transports. Celui-ci peut imposer aux stations des règles adaptées du plan comptable général ».

    Plus récemment, Robert Rézenthel qualifiait, en 1988, le pilotage maritime comme « une activité d'intérêt général16. L'activité, pourtant très peu connue du grand public, doit donc s'entendre plus largement, comme une activité menée pour l'intérêt de tous, et qui profite à la population de manière bénéfique.

    Cette qualification de service public prend racine dans le fait que les pilotes sont très largement contrôlés par l'État français, qui les commissionnent. De par la qualité du concours qui conditionne leur recrutement, de leurs autorisations d'exercer, nommés ou radiés par le ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, et au regard de l'obligation de continuité du service imposée par la loi, les pilotes sont donc considérés comme des agents du service public continu de pilotage. Ils collaborent, en ce sens, « à l'exécution d'un service public sous le contrôle du ministre chargé des services de la Marine Marchande17».

    15 CE 17 juin 1949, Rec. CE, p293

    16 Robert Rézenthel, DMF 1988, page 335, Le Pilotage dans les eaux portuaires.

    17 CE, 13 déc.1929, Exbrayat : Rec. CE; p 1113. Conclusion Josse

    B) Une activité reconnue d'intérêt général en Europe

    En France, comme l'a écrit Jacques Truau18, « les obligations exorbitantes du droit commun, la nature même de la commission qu'il reçoit des pouvoirs publics et la tutelle permanente que l'État exerce sur son activité, ont conduit le Conseil d'État à conférer au pilote la qualité d'agent de service public ».

    Par ailleurs, les pilotes ont une obligation, incluse par une directive européenne dans le contrôle des navires par l'état du port. Il faut souligner l'importance de cette obligation dans l'articulation des réglementations nationales de pilotage. Internationalement, tous les états n'exercent pas avec la même rigueur, loin sans faut, les contrôles de sécurité sur les navires battant leur pavillon. Signé à Paris le 26/01/1982, l'accord du Mémorandum de Paris, « mémorandum d'entente sur le contrôle des navires par l'état du port », entré en vigueur le 01 juillet 1982, est venu renforcer internationalement la volonté des états à coopérer, s'accordant à contrôler au moins 25% des navires qui font escale dans leur port. Le Mémorandum of Understanding reprend cette obligation, et la transpose sur le pilote, qui, à l'instar d'un inspecteur de la sécurité maritime, doit signaler toute anomalie dont il prendrait connaissance, constituant un danger à la navigation ou à l'environnement marin. Réalité du monde moderne, nombreux sont les armateurs qui utilisent des sociétés de gestion d'équipage, sous payant régulièrement ceux-ci, et qui limitent les coûts de formation, et de maintenance de leurs navires, au bénéfice du profit maximum, et créant des flottes de qualités douteuses.

    Cette obligation sera reprise plus tard par la directive Européenne 93/75/CEE du Conseil, du 13 septembre 1993, le pilote ayant l'obligation de signaler tout défauts ou anomalies susceptibles de nuire à la sécurité à la navigation :

    « Article 8: Les pilotes intervenant pour l'accostage, l'appareillage ou la manoeuvre d'un navire informent sans tarder l'autorité compétente chaque fois qu'ils ont connaissance de défauts susceptibles de nuire à la sécurité de la navigation du navire».

    Enfin, et surtout cette notion est reprise en droit européen par la directive 95/21/CEE du Conseil, du 19 juin 1995 concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États membres, des normes internationales relatives à la sécurité Maritime, à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires :

    18 Jacques Truau, Le pilotage maritime IMTM, Annales 1989, p. 93.

    Article 13 Rapports établis par les pilotes et les autorités portuaires

    « 1. Les pilotes des États membres chargés du lamanage des navires dans un port ou engagés sur des navires faisant route vers un port situé dans un État membre informent immédiatement les autorités compétentes de l'État du port ou de l'État côtier, selon le cas, des anomalies éventuelles qu'ils constatent dans l'exercice normal de leurs fonctions et qui risquent de compromettre la sécurité de la navigation ou de constituer une menace pour le milieu marin ».

    Au sein de l'Union Européenne, il est prévu que les pilotes maritimes, qui sont les seuls intervenants portuaires à monter à bord du navire « en route », rendent compte à l'État du port d'escale si les navires présentent un risque pour l'environnement ou par la sécurité. Si tel est le cas, des fiches de non conformités peuvent être émises par les pilotes, et peuvent avoir à termes des lourdes conséquences pour les armateurs, dont le navire peut être interdit d'appareillage, ou contraint à effectuer les réparations obligatoires, conduisant inévitablement les pilotes à travailler dans l'intérêt de tous, sans aucun acharnement concurrentiel. Sa mission d'intérêt général ne pourrait exister sans une objectivité absolue des pilotes dans le contrôle des navires (contrôles qui seront transmis au Centre de Sécurité des Navires des pays d'Europe, et alimenteront des bases de données).

    II) O bligation de pilotage consacrée par la Commission Européenne

    A) Obligation du pilotage en France

    La loi du 28 mars 1928, dans son titre 1, appelé « Obligation du pilotage », et le décret de 196919, dans l'article 3, établissent explicitement l'obligation de pilotage aux navires français ou étrangers dans les limites géographiques identifiées pour chaque port par le règlement de la station de pilotage :

    Article 3 décret de 1969 : « Le pilotage est obligatoire pour tous les navires français et étrangers, sauf les cas visés ci-après, dans les limites déterminées pour chaque port par le règlement local de la station de pilotage de ce port ».

    19 Le Décret de 1969 modifié par les Décret 74-332 1974-04-26 art. 1 JORF 27 avril 1974, et Décret 78-976 1978-09-18 art. 1 JORF 28 septembre 1978, et Décret 86-663 1986-03-14 art. 1 JORF 20 mars 1986.

    La zone de pilotage obligatoire ne correspond pas en réalité, aux limites physiques propres au port, mais s'étend bien au delà des jetées du port, ou bien des bouées d'entrée du chenal d'accès.

    En France la zone de pilotage obligatoire est déterminée par le règlement local de la station de pilotage. Ce règlement local de station étant rédigé en collaboration entre les pilotes et le préfet de région, qui délègue cette responsabilité aux Affaires Maritimes ; l'état Français demeure donc impliqué dans le contrôle décentralisé de la détermination des limites de pilotage obligatoire par le biais du Directeur Régional des Affaires Maritimes.

    Le pilotage en France est obligatoire pour tous les navires français ou étrangers mais des dispenses peuvent être accordées suivant les conditions prévues par le Décret de 1969 modifié.

    Sont affranchis de l'obligation de prendre un pilote :

    · « Quel que soit leur tonnage, les navires affectés exclusivement à l'amélioration, à l'entretien et à la surveillance des ports et de leur accès ainsi qu'au sauvetage ; les navires du service des phares et balises ; les bâtiments de guerre à l'entrée et à la sortie des ports militaires, lorsqu'ils sont appelés, pour ce faire, à pénétrer dans la zone de pilotage obligatoire d'un port non militaire ».

    · « Les navires d'une longueur inférieure à un certain seuil fixé pour chaque station, en considération des conditions locales d'exécution de l'opération de pilotage.

    Ce seuil, qui ne pourra être inférieur à une valeur correspondant aux règles applicables avant
    la date d'entrée en vigueur du présent décret, sera fixé par le directeur des affaires maritimes».

    · « Pour un port ou une partie de port considéré, les navires dont le capitaine est titulaire de la licence de capitaine pilote ».

    B) L'obligation du pilotage en Europe

    Pendant longtemps l'Europe n'a pas considéré de manière suffisante le domaine du pilotage maritime portuaire. Très sommairement, le Traité de Rome, article 84 alinéa 2, prévoit que des dispositions appropriées pourront être prises pour la navigation maritime20, sans traiter durablement la question du pilotage. Par l'adoption au niveau international des conventions SOLAS, MARPOL 73/78, et faisant surtout face à d'importants dommages pour pollution, la commission européenne s'est enfin décidée à entériner des textes de droit mentionnant le pilotage maritime, appréhendant enfin l'activité des pilotes comme une activité d'intérêt général, renforçant la sécurité maritime.

    20 D'après l'article 84, §1 du Traité, les dispositions du titre IV -transports- ne s'appliquent qu'aux « transports par chemin de fer, par route et par voie navigable ». Le paragraphe 2 de cet article précise que « le Conseil, statuant à l'unanimité pourra décider si, dans quelle mesure et par quelle procédure, des dispositions appropriées pourront être prises pour la navigation maritime et aérienne ».

    D'après Pierre Ortolan, « en raison de l'exigence de sécurité de ces missions, l'organisation du pilotage dans tous les pays de la CEE est basée sur le double principe de l'obligation de pilotage et du monopole des stations21 ».

    Dans toute l'Europe le pilotage est réglementé, et obligatoire, chaque état choisissant librement les tailles minimales des navires à piloter. Une telle obligation est reprise en droit communautaire par la Directive 93/75/CEE du Conseil, du 13 septembre 1993, relative aux conditions minimales exigées pour les navires à destination des ports maritimes de la Communauté ou en sortant et transportant des marchandises dangereuses ou polluantes, et est statué par l'article 5 de cette directive :

    « Article 5 »

    5. Les navires entrant dans un port situé dans un État membre ou en sortant doivent, conformément à la réglementation nationale de cet État membre :

    a) utiliser les services fournis par les services locaux d'aide au trafic maritime (VTS), lorsqu'ils existent ;

    b) recourir aux services de pilotage.

    Jacques Bolopion22 précise qu'il n'y a « jamais en Europe (et dans le monde) de ports de quelque importance sans un pilotage obligatoire ». Il ajoute également que, « profession indispensable au transport maritime, le pilotage doit concilier deux exigences :

    · la sécurité et la protection de l'environnement dans les voies d'accès aux ports ;

    · la productivité portuaire impliquant un écoulement rapide du trafic au moindre coût possible»

    Notons que les états autorisent des capitaines de navires à bénéficier de certificat d'exemption de pilotage ( Pilotage Exemption Certificate), connu habituellement sous le nom de licence de Capitaine Pilote en France23, et permettant au navires de commerce de ne pas embarquer de pilotes si le capitaine touche suffisamment régulièrement un port d'escale, à condition d'avoir rempli un certains nombre d'entrées et de sorties, et d'avoir réussi un examen théorique contrôlant ses connaissances locales Néanmoins cette étude a montré que la Bulgarie n'offre pas cette possibilité au navire de commerce.

    21 Le pilotage dans la CEE communication de M. Pierre Ortolan, présidant de la FFPM, 1990

    22 Jacques BOLOPION, Le pilotage maritime dans les pays de la CEE, Journal de la marine marchande, 1992, p752-754.

    23 Article 7 du décret modifié du 19 mai 1969 : Une licence de capitaine pilote peut être délivrée au capitaine titulaire du brevet requis pour exercer les fonctions de capitaine d'un navire donné, en tenant compte de ses caractéristiques, de son équipement et de ses qualités manoeuvrière, et pour un port ou une partie de port considéré, en tenant compte des conditions locales de navigation et des difficultés techniques de l'opération de pilotage. La licence de capitaine pilote est délivrée au capitaine ayant réussi avec succès, un examen devant une commission locale dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé de la marine marchande.

    Chapitre II) Des organisations professionnelles différentes face à des impératifs identiques

    I) Un statut de monopole voué à la sécurité

    A) Le monopole du pilotage intracommunautaire

    i) Le monopole du pilotage français

    En France aucune entreprise privée de pilotage ne pourrait mettre en place un service de pilotage des navires. Le pilotage est en effet protégé par un monopole d'état, basé sur l'article 16 de la loi du 28 mars 1928 qui punit de sanctions pénales toutes personnes qui entreprendrait un pilotage sans en être officiellement commissionné par l'état :

    « Est punie d'une amende de 3 750 euros, et de huit à quinze jours de prison, ou de l'une de ces deux peines seulement, et du double en cas de récidive, toute personne qui, sans une commission régulière de pilote de la station, aura entrepris ou tenté d'entreprendre la conduite d'un navire en qualité de pilote commissionné ».

    La Loi punit sur le plan pénal toute personne qui tenterait d'usurper ce caractère exclusif des

    pilotes.

    Par un arrêt daté du 2 juin 1972, le Conseil d' État a statué sur cette position exclusive des pilotes : « le service du pilotage dans les ports constitue un service public qui s'exerce sur le domaine public de l'état ; il appartient à l'autorité administrative d'organiser ce service en vue d'assurer la meilleure utilisation du domaine ; qu'à cette fin elle est en droit, lorsqu'une concurrence serait de nature à compromettre l'efficacité de ce service, de n'en confier la gestion qu'à une seule entreprise ».

    Non seulement, l'arrêt du Conseil d' État vient confirmer la qualification déjà exprimée précédemment de service publique de pilotage, mais vient également ajouter la notion de monopole légitime de la station de pilotage française.

    Toutefois, ce monopole des pilotes est restreint par la délivrance des licences de capitaine pilote.

    ii) Le monopole en Europe : application des principes communautaires et pilotage

    La profession de pilote maritime peut faire l'objet de vives critiques car elle engendre des frais obligatoires pour les armateurs (environ 7/8 % des coûts d'escale), mais aussi par ailleurs, parce qu'elle détient largement un statut de monopole exclusif en Europe, qui pourrait être discuté au regard des principes de libre concurrence et de libre prestation de service.

    Pendant de nombreuses années, en Europe, en France et même dans le monde, le pilotage maritime était une pratique concurrentielle, dans laquelle les pilotes couraient au devant des navires à servir. Au même titre qu'une activité commerciale de transport maritime, le principe de libre prestation de service pourrait s'appliquer au service de pilotage maritime au sens du Règlement CEE n°4055/86 du Conseil du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et, entre États membres et pays tiers. Faisant suite au Livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes paru en décembre 1997, qui prévoyait la mise en place d'un nouveau cadre communautaire pour l'accès au marché des services portuaires, et donnant effet aux règles du Traité sur les grandes libertés et la concurrence dans le domaine spécifique des services portuaires, le Parlement a ouvert le débat des « Paquets portuaires 1 et 2 ».

    Le 13 février 2001, afin d'améliorer la qualité des services dans les ports maritimes, la commission Européenne a soumis le paquet portuaire I, première proposition de directive visant à reformer les services portuaires. Après deux années de tentative de conciliation, le projet de directive est présenté lors de sa séance plénière du 20 novembre 2003, et est finalement rejeté. Au cours de cette première lecture, le Parlement Européen avait décidé d'exclure le service de pilotage du champ d'application de la directive, au motif que « du fait de leur rôle dans la sécurité du trafic maritime, ils ne pourraient être regardés comme des services de nature commerciale devant être soumis à la concurrence24 ».

    Si le modèle initial avait été suivi, le pilote serait devenu un employé d'une concession de pilotage en concurrence directe avec d'autre sociétés, qui aurait sans doute négocié ses prix avec les armateurs ; par ailleurs, dans le cadre du contrôle par l'état du port, le pilote ayant perdu son indépendance, et dans un but purement lucratif et commercial, serait tenté de perdre son impartialité, et son objectivité quant au signalement des navires défectueux.

    24 Rapport d'information déposé par la délégation de l'assemblée Nationales pour l'Union européenne, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès au marché des services portuaires (COM [2004] 654 final / E 2744), présenté par M. CHRISTIAN PHILIP, Député.

    En mars 2005, une nouvelle proposition qui reprend quasi-totalement l'ancienne version, est rapportée, mais en y incluant des solutions à certaines interrogations importantes soulevées précédemment. Notamment, le Parlement avait demandé le retrait du service de pilotage des « services techniques nautiques » (pilotage, lamanage, et remorquage) couverts par le champ d'application de la directive. Le Conseil avait proposé d'accorder aux Autorités Nationales compétentes la possibilité d'assurer elles-mêmes les services de pilotage ou de les confier à un fournisseur de services, notamment pour des raisons de sécurité, et donc de limiter les effets d'une libre prestation des services.

    La libre prestation des services est considérée comme une liberté fondamentale partout dans l'Union européenne pourtant, la Commission décide, le 8 mars 2006, de retirer ces propositions de réforme rappelant qu'il est possible que la libre prestation des services soit limitée, pour des motifs « objectifs», qui pourraient diminuer la qualité du service de pilotage, et surtout pour des raisons de sécurité et de protection de l'environnement tenant compte du fait que des pressions commerciales sur cette profession nuiraient considérablement à la prestation.

    Entre 2001 et 2006, la commission européenne a tenté par deux fois de libéraliser les services portuaires, (pilotage, lamanage, et remorquage) et le 18 janvier 2006, pour la deuxième fois consécutive, le projet Paquet portuaire II visant à ouvrir à la concurrence les services portuaires de l'Union européenne, a été rejeté.

    Pour Robert Rezenthel, « il ne paraît pas concevable d'admettre le libre exercice du pilotage au sein de la CEE, car une concurrence effrénée pourrait mettre en péril le fonctionnement du service public25 ». Le rôle de cette exclusivité est donc de contrôler le service public rendu, mais aussi d'assurer un niveau maximal de sécurité de la navigation. La notion de sécurité de la navigation, de protection de l'environnement et de protection des populations riveraines exigent que les pilotes maritimes puissent travailler dans un environnement leur permettant d'exercer leur jugement professionnel de manière indépendante. L'application des règles commerciales de libre concurrence dans ce domaine seraient un retour en arrière.

    Qu'ils aient un statut privé, ou qu'ils soient fonctionnaires d'état, organisés nationalement, régionalement, ou régie localement par une autorité portuaire ou une municipalité, dans tous les états membres, le service de pilotage est fourni de manière totalement exclusive par des structures qui conservent le monopole de la profession.

    Pour des raisons de contrôle public et de maintien du plus haut niveau de sécurité, l'institution actuelle, de type unipolaire est largement préférable à une libre concurrence de l'activité, qui amènerait sans aucun doute une baisse de la qualité du pilotage, créant des obstacles à la continuité du service.

    25 Robert REZENTHEL, op. cit, p. 362.

    B) La position des pays non européens

    A ce sujet un tour d'horizon, au delà des frontières de l'Europe semble être intéressant :

    Aux États-Unis, chaque État réglemente individuellement le pilotage dans sa zone, sans qu'aucune pratique concurrentielle n'interfère entre eux. Il existe plus d'une vingtaine de lois de pilotage distinctes. Certaines zones de pilotage obligatoire se trouvant entre deux États, le pilotage y est organisé par la loi, de manière à offrir conjointement le service, en participant à la rotation des pilotes de manière équitable. Certains états ont néanmoins déjà expérimentés un régime de pilotage concurrentiel. En Floride, par exemple, une loi a été adoptée pour interdire la concurrence entre les organisations de pilotes. La conclusion d'une étude commandée par la législature de l'État de la Floride en 1986 était sans aucune ambiguïté ( traduction) :

    « Il existe un conflit d'intérêts entre les besoins économiques d'un armateur et l'intérêt public inhérent à une navigation sécuritaire. Les intérêts du public sont mieux servis lorsque, en pilotant un navire, le pilote peut exercer son jugement indépendamment des considérations économiques qui importent à l'armateur. Si les pilotes doivent rivaliser entre eux pour obtenir des affectations, il est alors probable qu'un pilote fasse des compromis sur le plan de la sécurité afin de ménager les intérêts financiers de l'armateur, parce qu'en agissant ainsi il aura un avantage concurrentiel sur un autre pilote ».

    Les deux premiers articles du texte de loi de l'État de Floride26 sur le pilotage stipulent que :

    1. « Le pilotage est un service essentiel d'une importance si primordiale que l'État doit s'efforcer d'en assurer l'existence continue et qu'il ne doit pas être laissé aux aléas des marchés concurrentiels »

    2. « Étant donné que la sécurité est l'objectif premier de la réglementation du pilotage par l'État et compte tenu des économies d'échelle significatives liées à la prestation de ce service, de la nécessité d'investir des capitaux importants en vue d'offrir les services requis, et du fait que les pilotes fournissent des services considérés essentiels pour l'économie et le bien-être du public, il a été déterminé qu'une réglementation économique servira au mieux les objectifs de la santé, de la sécurité et du bien-être publics, et ce plutôt que la concurrence du marché».

    26 Florida Ports And Harbors Code Section 310.0015 - Pilots, Piloting, And Pilotage - Piloting regulation; general

    provisions. Title XXII PORTS AND HARBORS/ Chapter 310 PILOTS, PILOTING, AND PILOTAGE

    En Alaska, en raison de l'augmentation des escales des navires de croisière dans cette zone, et de l'essor des industries de pêcheries, la concurrence entre les pilotes a été introduite dans les années 1980, perturbant l'arrangement en vigueur stipulant qu'une seule association de pilotage par district assurerait le service. Suite au naufrage du navire de croisière Nieuw Amsterdamen en 1997, un rapport du gouvernement de l'Alaska a révélé que « la concurrence entre les associations de pilotes a eu des répercussions très négative sur la sécurité du public ». Par ailleurs, les conséquences de la concurrence ont été clairement résumées dans un rapport intitulé « Alaska's Marine Pilotage System Revisited27 », 1994, affirmant que :

    « La concurrence [...] a sérieusement compromis la [...] capacité à maintenir des normes professionnelles élevées » ; Ce rapport établit entre autres que :

    - « [...] il a été rapporté que des pressions concurrentielle afin d'obtenir une part du marché ont entraîné une accélération du processus habituel de formation, alors que des stagiaires peu qualifiés ont été admis dans le programme, ainsi que d'autres pratiques douteuse » ;

    - « L'intérêt public inhérent au maintien d'un service de pilotage sécuritaire et efficace est devenu l'otage de contestations judiciaires et de considérations politiques liées à des groupes d'intérêt particuliers ».

    En Australie, des services de pilotage en concurrence et non obligatoire, le long de la grande barrière de corail existaient jusqu'à ce que les naufrages successifs du porte-conteneurs Bunga Teratai Satuen 2000, et du vraquier Doric Chariots, face aux craintes exprimées au sujet des dommages à la grande barrière de corail, ne viennent accélérer la construction d'une réglementation adaptée.

    Le cas argentin reste peut être le plus révélateur puisque dix-huit accidents maritimes majeurs sont considérés comme directement imputables à la concurrence dans les services de pilotage après que celle-ci y est été introduite dans le droit maritime Argentin en 1997 - contre aucun au cours des vingt années qui avaient précédé cette initiative28.

    27 Alaska's Marine Pilotage System Revisited, 1994 produit par le Bureau de Gestion et des Budgets de l'État.

    28 Source provenant de l'Association Canadienne de pilotage

    Il y a donc un véritable conflit d'intérêt existant entre les aspirations économiques d'un armateur, courant toujours vers le profit maximum, et ceux représentés par l'intérêt public général au cours d'une activité de pilotage de navire. Pour ne pas compromettre la sécurité, le pilote doit être libre de toute assignation ou rapport avec un armateur car il pourrait être tenté d'agir en portant des considérations économiques à sa mission afin de dégager certains intérêts financiers profitables avec un armateur.

    Le pilotage en Europe mais également dans le reste du monde profite donc d'une exception très largement et légitimement reconnue du domaine maritime, qui leur permet d'échapper aux règles de libre prestation de service et de libre concurrence, compte tenu de leur activité, qui requiert des marins très expérimentés, formés par la transmission du savoir et des connaissances des anciens, qui agissent dans l'intérêt général et qui ne doivent donc pas se soucier de quelconque activité à logique commerciale ou lucrative. Leurs rôles essentiels restent, et resteront la sécurité de la navigation, des personnes, et la préservation de l'environnement, et du domaine public.

    II) Organisations professionnelles différentes

    A) L'organisation juridique de la station de pilotage en France

    Jadis, il existait deux modes de régie des stations de pilotage française. Le décret de 180629 en France a officialisé ces deux méthodes d'administration des biens de la station. Le premier mode de régie place tous les pilotes de la station en concurrence, chaque pilote gardant la totalité de son salaire mais devant en contre partie réparer et entretenir le matériel de la station et rémunérer les matelots qui y travaillent. Dans le deuxième cas, les pilotes font bourse commune. Ce dernier système, toujours en place en France a permis de cesser d'aiguiser les ardeurs de certains pilotes qui imposaient leur service, et de ce fait percevaient des salaires supérieurs à leurs collègues, les pilotes courant au devant des navires.

    En France, tout pilote est obligatoirement rattaché à une station de pilotage. Les stations de pilotage françaises ont une structure très spécifique, qui s'est façonnée autour du statut du pilote, marin professionnel indépendant exerçant sous la tutelle de l'état le service public continu de pilotage.

    Tout d'abord, permettant au Préfet de région de se faire une opinion éclairée sur les aspects économique du pilotage, l'assemblée commerciale des pilotes, fixée par le décret du 19 mai 196930, et modifiée par l'arrêté du 5 juin 2000, se réunit annuellement et approuve les conditions de tarifications de la station pour un ou plusieurs ports. Le fonctionnement de l'assemblée ainsi que son organisation sont des dispositions contenues dans le décret de 1969 modifié en 2000, et dans l'arrêté du 5 juin 2000. Cette assemblée est un organe consultatif, qui se prononce par exemple sur les propositions d'augmentations des droits de pilotage, et dont la composition est fixée par le décret de 1969. Lors de sa consultation, elle regroupe des représentants du port, des armateurs, des pilotes.

    Ensuite, chaque zone de pilotage possédant localement ses propres caractéristiques, une station de pilotage est unique, et doit être considérée comme un cas particulier. Tenant compte de l'intensité du trafic portuaire, de la configuration du port, des limites des zones obligatoires de pilotage, des effectifs en personnel, de la qualité et de la composition du matériel, est rédigé un règlement local de pilotage approuvé par le Directeur Régional des Affaires Maritimes. Ce règlement édicte les seuils d'obligation ainsi que les conditions prévues pour la délivrance des licences de capitaine pilote.

    29 décret-loi du 12 décembre 1806

    30 décret n° 69-515 du 19 mai 1969

    Enfin, permettant de délivrer les licences de capitaine pilote, et de donner des avis motivés sur les navires qui pourraient être affranchis de l'obligation de pilotage, le décret du 19 mai 1969 pose le principe de la commission locale. La commission locale est un comité d'experts techniques en ce qui concerne la sécurité de la navigation et les intérêts maritimes. Elle est composée du directeur des Affaires Maritimes locales, du directeur du port, d'un officier de port, d'un capitaine de navire et d'un pilote désigné par le Directeur Départemental des Affaires Maritimes.

    Malgré leurs dissemblances géographiques, les stations de pilotage françaises possèdent des traits communs, en raison de leur organisation administrative et juridique, et du statut du pilote. Les trois principaux organes coexistant au sein d'une station de pilotage sont toujours la collectivité des pilotes, le syndicat des pilotes et la station de pilotage :

    i) La collectivité des pilotes et la station de pilotage

    La collectivité rassemble tous les biens communs de la station de pilotage, qu'ils soient meubles (voitures, hélicoptère, vedettes) ou immeubles (bureaux, bâtiments). Elle est la propriétaire de ces biens pour tous les pilotes appartenant à la station.

    Cela signifie que tous les pilotes sont copropriétaires du matériel de la station, chaque pilote détenant un pourcentage du total du montant des biens de la collectivité. Lors de sa venue au sein de la collectivité, chaque nouveau pilote doit verser une part de cette collectivité, fixée par le règlement local de la station, et qui lui sera reversée lors de son départ en retraite, la collectivité lui rachetant alors sa part lors de son départ. Il appartient donc à la collectivité de décider des investissements nécessaires et du renouvellement des biens, en copropriété. Pendant la durée de leur carrière comme pilote, ces derniers ne peuvent disposer de leur part de collectivité, et ne possède pas non plus le droit de l'hypothéquer. Ce régime permet de garantir l'affectation du matériel de la station au service public seulement.

    La loi de 1928 fixe également les conditions de rémunérations des pilotes Français :

    Art 22 loi de 1928 : « Dans les stations où le service se fera au tour de liste, les salaires des pilotes seront mis en commun et le règlement local déterminera les conditions de partage des salaires entre les pilotes ».

    Les pilotes reçoivent donc un salaire qui est le résultat du partage équitable de la bourse commune, dite « masse partageable », qui est en fait le résultat net de la station, c'est à dire le résultat de la station après y avoir soustrait les charges d'exploitation, les impôts, et les frais du personnel.

    ii) Le syndicat des pilotes

    La loi du 28 mars 1928 dans son article 22 stipule que :

    « Dans les stations où le matériel du pilotage est la propriété des pilotes, ceux-ci

    peuvent, dans un délai de six mois à dater de la promulgation de la présente loi, et ultérieurement, sur l'autorisation du ministre chargé de la marine marchande, en entreprendre l'exploitation à titre collectif sous le régime des dispositions de la loi du 21 mars 1884, modifiée par la loi du 12 mars 1920 »,

    Ne donnant pas de personnalité morale à la station de pilotage, mais exigeant « d'entreprendre l'exploitation à titre collectif » des biens et du matériels de la station, les pilotes ont regroupés leurs matériels sous un organisme appelé « collectivité », qui se trouve gérée et rattachée à un syndicat professionnel des pilotes. En effet, la loi du 12 mars 192031 à laquelle la loi de 1928 fait référence, donne aux syndicats la personnalité morale, le droit de gestion, et de propriété. Le syndicat est donc le gérant légal de la station de pilotage. La collectivité est le propriétaire des biens de la station, confiant leur gestion au syndicat.

    Cette préférence du législateur, d'utilisation collective du matériel répond d'une volonté d'utilisation et de gestion commune de l'outil de travail, afin de garantir l'efficacité et la continuité du service.

    Son rôle est donc de gérer, par le biais du président du syndicat des pilotes, les recettes et dépenses de la collectivité (achats, ventes, fournitures et consommables, répartition de la masse partageable), et d'en assurer la gestion des biens. Le président du syndicat, pour le compte du syndicat, est en quelque sorte l'employeur des pilotes.

    Pour conclure, le pilote français gère donc un service public sans pour autant prendre la qualité de fonctionnaire, et bénéficie d'un monopole consacré juridiquement par la jurisprudence dans la gestion de son service. Il exerce ses fonctions en toute indépendance, conservant son autonomie de gestion, au service de l'armateur. La réglementation générale pour toutes les stations est organisée par le ministère du transport, alors que la réglementation par station est organisée par l'administrateur des affaires maritimes et le préfet de région. Enfin localement, la réglementation interne à la station est organisée par les stations elles mêmes.

    Les pilotes français agissent à leur compte, ils sont armateurs indépendants, tout en étant des agents de droit public dans la mesure où ils sont commissionnés par l'État.

    31 la loi du 12 mars 1920 sur l'extension de la capacité civile des syndicats professionnels

    B) Les statuts des pilotes en Europe

    1) Analyse de l'organisation professionnelle du pilote

    Parmi les 27 états membres de l'Union Européenne, plus de la moitié sont des pays ayant une façade maritime; 90% des échangent commerciaux, importations et exportations maritimes européennes transitent par voie maritime. Aujourd'hui, dans les ports européens, plus de 5000 pilotes assurent avec efficacité le guidage des navires dans les ports, rivières et voie d'accès maritimes et fluviales.

    A l'échelle de l'Europe, nous l'avons vu, le droit du pilotage s'est construit laborieusement, et très lentement en tenant compte d'un Droit Communautaire pour le peu absent en la matière ; en effet ni le traité de Rome, ni celui de Maastricht, n'évoque la question du pilote maritime. Le droit du pilotage s'est donc sculpté, dans chaque pays, à partir des grandes Conventions Internationales maritimes qui abondent depuis ces dernières décennies, mais surtout autour des jurisprudences européennes, laissant le statut du pilotage maritime dans un certain « flou juridique32 ». Le pilote est resté pendant longtemps loin des préoccupations de la Commission. Seulement deux directives existaient, l'une datant de 1979, concernant le régime du pilotage hauturier33, et l'autre, le Contrôle par l'état du port des navires transportant des marchandises dangereuses ou polluantes en vrac.

    Rappelons qu'en 1923, La Convention Internationale de Genève du 9 décembre 1923 laisse à chaque état l'ayant ratifiée, le soin d'organiser le service de pilotage de son pays, et de fixer eux mêmes les tarifs de ce service34.

    Dans la plupart des pays d'Europe, les services de pilotage sont fournis par des entités économiques spécialement crées et dédiées à cette pratique, et dans un seul but, servir au mieux les intérêts de toutes les parties : le port, l'armateur avec leurs impératifs commerciaux, le capitaine et l'état avec leurs impératifs de sécurité.

    32 Thèse sur le pilotage maritime Martin NDENDE Gaëlle Gueguen-Hallouet juin 2002.

    33 Directive n°79/115/CEE du Conseil du 21 décembre 1978, relative au pilotage des navires par des pilotes hauturiers opérant dans la mer JOCE L 033 08/02/1979 p.32 du Nord et dans la Manche

    34 Convention Internationale de Genève du 9 décembre 1923, article 11 : chaque État contractant se réserve le droit d'organiser ou de réglementer le pilotage comme il l'entend.

    Dans le cas où le pilotage est obligatoire, les tarifs et les services rendus seront soumis aux dispositions des art. 2 et 4, mais chaque État contractant pourra exempter de l'obligation ceux de ses nationaux qui rempliraient des conditions techniques déterminées.

    Dans tous les états membres, le service de pilotage est fourni de manière exclusive par des structures conservant le monopole de la profession et le caractère obligatoire du pilotage, néanmoins, leur statut et leur organisation diffèrent, leur donnant parfois un statut privé, ou de fonctionnaires d' état, organisés nationalement, ou déconcentrés régionalement, ou bien ils sont parfois gérés plus localement par une autorité portuaire ou une municipalité.

    D'une part, cette étude permet de se rendre compte, qu'en France, Espagne, Italie, et aux Pays Bas, l'indépendance de la profession vis à vis de l'autorité publique, concernant la gestion du service, est largement reconnue ; les organisations de pilotage gardant la gestion totale du service de manière indépendante, agissant tel une société privée, de manière autonome et distincte vis à vis de l'état dans l'exercice de son activité, de l'entretien et l'utilisation du matériel. Les administrations publiques dans ces pays ne sont pas ou peu impliquées dans le fonctionnement d'une station de pilotage, celle ci revenant naturellement aux pilotes, agissant de manière individuelle.

    Néanmoins, dans certains pays, cette privatisation est affaiblie, tel qu'en Bulgarie, ou en Allemagne où, le matériel, les bateaux pilotes et les bâtiments sont la propriété de l'état, mais qui n'en gardera pas pour autant la gestion.

    Au contraire, en Suède, Finlande, Portugal, et Estonie, le métier se caractérise par une forte intervention publique, le pilote devenant agent public, fonctionnaire. Le service, les investissements, les ventes, sont alors, en général, directement géré par un département du Ministère chargé du transport maritime de la Marine Marchande et des ports.

    Enfin, on retrouve des systèmes mixtes, marquant une exception en Europe au principe de monopole pur, parce qu'ils divisent légalement le pilotage. Par exemple, en Belgique, celui-ci sera effectué soit par des pilotes appartenant à des sociétés privées comme dans les Docks d'Anvers, ou bien par des pilotes fonctionnaires dans les eaux maritimes belges.

    Le statut des pilotes, et les structures de leurs organisations, modelées autour du principe de monopole de la profession et d'obligation, se sont donc construit nationalement; la loi nationale, appelée pilotage act et les lois nationales des ports, le définissant, et fixant les principes de leurs différentes formes d'administration, et de son articulation avec les pouvoirs des États.

    Au niveau de l'organisation du pilotage, bien qu'il n'existe pas de lien direct entre la structure du pilotage et le type d'administration nationale des ports d'un pays, il est possible de montrer que,

    dans certains cas, l'organisation du pilotage dépend de l'organisation portuaire en général, donc du statut juridique des ports maritimes d'un pays. Dans les pays d'Europe du nord particulièrement, au Pays bas et en Allemagne par exemple, les communes jouent un rôle essentiel dans la gérance d'un port, et le pilotage s'y trouvera très largement géré localement, au niveau municipal (Hambourg et Brème), ou régional (land), les pilotages y étant organisés de la même manière. A l'inverse le Royaume-Uni se distingue nettement des autres pays, puisque la privatisation y a été encouragée, en 1991 par « les Ports Acts », transférant la gestion des ports à des organismes privés : les pilotes anglais, sont soit indépendant ou bien dépendent directement ou indirectement de ces organismes portuaires privés.

    Au niveau des structures organisatrices, conséquence d'un niveau plus ou moins important de privatisation, les pilotes en Europe s'organisent eux mêmes, soit en syndicat ou corporations, ou bien, lorsqu'il sont agents publics d' État, ils font partie intégrante d'une chambre d'un ministère dédiée à la mer, qui en aura la gestion exclusive.

    Souvent, lorsqu'ils sont organisés sous modèle corporatif, le pilote est en général propriétaire d'une participation dans la station, tel un actionnaire d'une société privée, partageant les bénéfices, et les frais encourus, comme c'est le cas en France et en Italie.

    Pourtant, dans tout les cas, les organisations professionnelles de pilotage sont, en Europe, soumises au contrôle de l'État, celui ci intervenant à des niveaux différents selon les pays. Et, malgré ces ressemblances, l'organisation professionnelle des pilotes dans chaque Etat membre est différente. La complexité des régimes de statut professionnel des pilotes au sein de la communauté, dépend clairement du niveau d'intervention de l'autorité publique de l'état au sein des organisations de pilote.

    Cette étude, après avoir fait ressortir des points communs marquant du statut juridique du pilote, travailleur contrôlé et commissionné par l'état, marqué par le monopole de la profession, et le caractère obligatoire du pilotage, a fait apparaître que des distinctions peuvent être faites entre certains pays en raison du degré d'intervention de la force publique, à des niveaux plus ou moins importants, allant d'une organisation quasi privée, à des régimes à forte intervention publique.

    2) Statuts dans les principaux pays Européens i) Modèles privés de type corporatif

    Le modèle corporatif est le modèle le plus répandu en Europe. Dans les modèles corporatifs, les pilotes sont volontairement regroupés en sociétés, associations ou syndicats, dans lesquels les pilotes sont tous actionnaires de leur entreprise, qui fournit la prestation de service dans le cadre d'une activité d'entreprise. Les Administrations gardent tout de même dans la plupart des cas, le pouvoir de fixer les tarifs, et de délivrer les autorisations de piloter. Ce modèle est celui que l'on retrouve notamment en Espagne, en France, en Hollande ou en Italie.


    · L'Espagne : pilotage de droit privé, « self employed »

    Historiquement, au 20ème siècle, en Espagne, les corporations de pilotes étaient sous la responsabilité du capitaine du port, officier de marine militaire, et les pilotes, avant cette date, avaient un statut proche de celui du fonctionnaire. La Loi des Ports de l'État et de la Marine Marchande du 24 novembre 1992 ( LPEMM) est venue transférer cette responsabilité aux autorités portuaires, et cette obligation est maintenant reprise par le règlement du 1er mars 1996, appelé « Règlement Général du Pilotage ».

    Le service de pilotage en Espagne a été longtemps réglementé dans le détail, par le Règlement Général sur le pilotage approuvé par le décret du 4 Juillet 1958, qui, dans le cadre de ce service, a établi une uniformité des règles applicables dans tous les ports espagnols. Mais, intégrant le pilotage comme lien vital dans la réalisation des objectifs de la politique de la Marine Marchande espagnole établie par la loi 27/1992 (LPEMM), les points suivants furent réglementés par la nouvelle loi du 1er mars 1996 :

    - accès à la profession (tests d'aptitudes, qualifications professionnelles nécessaires, tests de compétence)

    - principe de gestion de la collectivité de pilotage, et fixation des redevances

    - condition d'obligation, exemption de pilotage et licence de capitaine pilote

    - conditions de formation, de recyclage et sanctions disciplinaires

    Cette loi abroge l'ancienne loi sur le pilotage du juillet 1958 sur le pilotage qui gouvernait dans tous les ports nationaux, et aussi le décret 1018/1968 du 11 mai, en matière de pilotage dans les ports et les docks.

    La réglementation espagnole provient donc aujourd'hui :

    · des articles 102 à 104 de la Loi des Ports de l'État et de la Marine Marchande du 24 novembre 1992 (LPEMM)

    · du Règlement Général du Pilotage35 , 1er mars 1996comme application de la LPEMM

    Au sens de l'article 4 et 5 de ce règlement, le pilotage espagnol est un service portuaire assuré sur tous les ports qui dépendent de l'Administration Générale de l'État, et est géré par l'autorité portuaire compétente.

    Conséquence de l'apparition de la loi du 24 novembre 1992, transférant la responsabilité de la compétence du pilotage aux autorités portuaires plutôt qu'à l' administration maritime, supprimant le statut public de fonctionnaire du pilote, le service de pilotage en Espagne est maintenant assuré par des pilotes indépendants « self-employed », habilités par l'Administration Maritime et désignés par l'autorité Portuaire, dont le service est à régime de gestion indirecte par les pilotes qui se rassemblent en Corporation. C'est la Corporation ou Corporaciones de Praticos, qui a la responsabilité de gestion du service de pilotage.

    Pour l'exercice du service, la corporation a besoin d'une autorisation d'exercer délivrée par l'autorité portuaire. Cette autorisation est appelée : licence de prestation de service et est accordée à un prestataire de service unique pour une zone portuaire donnée.

    L'autorité portuaire établit les conditions d'attribution du service disponible, les tarifs facturés aux navires, et a le pouvoir d'imposer des sanctions prévues par le Ley de Puertos del Estado y de la Marina Mercante (LLPM92).

    L'autorité portuaire va déterminer le nombre de pilotes nécessaires au service de pilotage afin d'assurer la sécurité de la navigation et la gestion du trafic dans les eaux du port, et comme dans de nombreux pays, les pilotes se sont aussi regroupés au sein d'une fédération nationale : « La Federation de Practicos de Puerto de España ».

    35 Décret du 1er mars 1996 393/1996 pour l'approbation du règlement général du pilotage espagnol en conformité avec la loi des ports et de la marine marchande.


    · Les Pays-Bas : pilotes « self-employed » organisés en partenariats privés

    A l'instar de l'Italie et de la France, le pilotage hollandais est, depuis 1988, effectué par des partenariats privés, mais qui compte tenu de leur obligation de service public, sont dans certaines mesures soumis à un contrôle de l'état, par la tutelle du Ministère des Transport et de la gestion de l'eau (« Ministerie van Verkeer en Waterstaat »). Avant 1988, le service de pilotage était organisé de manière exclusive par le gouvernement Hollandais.

    Son organisation : La « Dutch Pilotage Organisation »

    - Les partenariats de pilotes : Nederlands Loodswezen B.V ( NLBV)

    Les pilotes hollandais sont autonomes et indépendants, unis régionalement dans trois partenariats de pilotes appelés Nederlands Loodswezen B.V, dans lesquels les pilotes sont les actionnaires et les partenaires non dirigeants de leur organisation. Ces partenariats sont financièrement indépendants du gouvernement. Les trois partenariats sont : Amsterdam-IJmond

    Rotterdam-Rijmond- Noord

    Scheldemonden

    Les pilotes certifiés sont actionnaires des « Loodswezen Materieel B.V » qui est la société détenant les bateaux-pilotes. Au même titre qu'en France, les pilotes détiennent donc une part des matériels de la station. Au sein de chaque partenariat sont gérés les plannings les rotations et les transports des pilotes.

    Aujourd'hui l'organisation du pilotage hollandais représente 450 pilotes professionnels et 430 sont employés des partenariats de supports privés.

    Les associations :

    - L'association nationale :

    La « Nederlandse Loodsencorporatie » (NLC) est l'association qui regroupe l'ensemble des pilotes certifiés et est dirigée par un Président élu par l'ensemble des pilotes. Tous les pilotes certifiées en font partie. Les rôles de l'association sont de :

    - fournir la formation générale des élèves pilotes;

    - augmenter, tester les performances et aptitude professionnelles

    - fournir une formation continue et/ou un entraînement

    Les pilotes sont réunis également en 4 associations régionales (RLC), chacune présidées par un président d'association (Amsterdam-Ijmond, Rotterdam-Rijmond, Scheldemonden, Noord).


    · Italie : pilotes self-employed, et actionnaires de leur corporation

    Le pilotage y est réglementé par le Code de la Navigation de 1952, par les articles 86 à 96 du Code de Navigation (maritime et aérienne) de 1942, concernant le pilotage maritime, par la loi n°84- 1996 et par diverses réglementations locales des ports qui résultent d'un accord entre les pilotes, la Capitainerie du port, les usagers du port et l'autorité portuaire, et approuvées par le Ministère des Transports.

    De nombreuses similitudes apparaissent entre le pilotage français et italien. La station de pilotage, appelée « Corporazione » est un organisme, dont le fonctionnement est similaire à une entreprise, nommée par décret présidentiel, et détenant donc le monopole du service de pilotage dans le port où elle rend ses services de pilotage ; comme en France, les pilotes sont tous actionnaires de la société, travaillant en collectivité, de manière indépendante, et chacun d'eux est propriétaire d'une part des biens meubles et immeubles de la Corporazione. La Corporazione est gérée par un chef pilote directement nommé par le directeur du port. La Corporazione est sous la tutelle du Ministère des transports et de la navigation par le biais de la Capiteneria, dirigée par son capitaine de port.


    · Pilotage des docks d'Anvers : la société privée Belge BRABO

    Le pilotage maritime belge est essentiellement différent des autres pilotages par le fait qu'il est composé de deux structures juridiques différentes.

    Les lois applicables en Belgique sont : - La loi du 3 Novembre 1967 sur le pilotage des navires de mer, complétée par la loi du 30 août1988

    - Le décret flamand du 19 avril 1995.

    Il existe deux types de pilotage en Belgique :

    - Les pilotes des Docks, ou des bassins intérieurs des ports de Anvers, de Zeebrugge, qui sont employés par une société privée, appelé BRABO (compagnie CVBA BRABO), constituant une exception dans les ports de la CEE.

    - Le pilotage flamand composé des pilotes maritimes et de rivières, fonctionnaires, formant des corporations de pilotes dont la réglementation est édictée par le gouvernement de la province Flamande ( ce type de pilotage sera traité ultérieurement).

    L'exception des pilotes privés du CVBA BRABO / principe de la concession portuaire.

    Entité privée du pilotage belge créée en 1931, la société propose aujourd'hui des services de lamanage, et de pilotage dans le port d'Anvers, qui en est d'ailleurs le principal actionnaire, en possédant 55% du capital de la société ; les 45% restant étant partagés entre les pilotes, les lamaneurs, et le personnel technique et administratif. Les pilotes des Docks d'Anvers sont recrutés parmi les lamaneurs ayant de l'ancienneté dans la compagnie et sur décision du conseil d'administration de la compagnie. La société fournis également des services aujourd'hui diversifiés dans les domaines des travaux de nettoyage et d'entretien portuaire, ou fourniture d'équipement de lutte contre la pollution.

    Profitant du décret du 2 mars 199936 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes, le port d'Anvers délègue, contre redevance, le service de pilotage à la société privée BRABO par le biais d'une concession de service de pilotage, les pilotes n' ayant le droit d'exercer qu'à l'intérieur des bassins portuaires, et des écluses du ports d'Anvers.

    Dès lors qu'une société privée possède le droit de gérer totalement une activité de pilotage, d'autres fournisseurs de service de pilotage pourraient être tenté de s'y s'installer. Pour fournir un service de pilotage de qualité, en toute transparence sans qu'il puisse être considéré comme activité commerciale, il est nécessaire qu'il conserve son statut de monopole à l'intérieur de la Régie portuaire. Le service de pilotage BRABO est géré complètement par une entité privée lors d'une concession portuaire, mais reste contrôlé par la régie portuaire d'Anvers permettant de ne pas mettre en péril les principes importants de sécurité maritime ou de protection de l'environnement que les pilotes cherchent à maintenir, et laissent ainsi l'autorité nationale contrôler la qualité du service, son fonctionnement et son niveau, pour ne pas engendré de baisse de la qualité ,ou de pratique concurrentielle.

    La société possède des droits, renouvelables, jusqu'au 31 décembre 2010.

    36 Décret flamand sur les ports du 2 mars 1999 Art 16 et 17 : Art. 16. § 1er. Sans préjudice des compétences attribuées à d'autres autorités, les régies portuaires peuvent fournir tous les services propres au port, qu'elles jugent nécessaires, aux usagers du port. § 2. La régie portuaire peut transférer ces services propres au port à des personnes morales privées ou publiques, soit par une concession, soit par d'autres moyens. Art. 17. La régie portuaire fixe les règles et les conditions d'utilisation en matière des services propres au port.

    ii) Modèles publics à gestion directe de l'état

    · Estonie :

    La loi applicable en Estonie est la réglementation sur le pilotage No. 102, « Regulations on Pilots », émise par le cabinet du ministère le 7 février 2006, et basée sur les conventions OMI, la résolution A960 et sur la résolution A918. La loi estonienne de l'administration maritime et de la sécurité maritime, « the Latvian Law of Maritime Administration and Maritime Safety » affirme qu'il appartient à l'administration de gérer les pilotes et les exploitant de VTS (Vessel Trafic System), de conduire leur formation, entrainement, délégués aux autorités portuaires selon la Loi des Ports ( Law of Ports).

    La compagnie publique « Eesti Loots As » est fondée par le décret No.921 K du gouvernement de la République d' Estonie depuis le 20 novembre 2000. Avant cette création, le service de pilotage était fourni par le centre de gestion du trafic maritime mais il fut dissous par la loi No. 86 du ministère des transports des communications à partir du 31 Octobre 2000. Le propriétaire des part de la société Eesti loots est la République d'Estonie elle même, et son gestionnaire est le ministère des Affaires Économiques et des Communications d'Estonie, l'État gérant lui même le service en gestion directe.

    Ces activités sont de fournir les services de pilotage, dans les zones de pilotage obligatoire, de fournir des conseils pour toutes les questions attenantes à l'activité, d'assurer les services portuaires et la formation des pilotes, leurs qualifications, d'entretenir les bateaux pilotes. Elle emploie 114 employés, dont 44 pilotes et 46 membres d'équipage.

    · La Suède : Pilotes fonctionnaires de l'État

    Les lois applicables en Suède sont le « SJOFS 2008:6 », ainsi que la « Pilotage Ordinance (Lotsförordningen) de 1989 » et « Regulation and guidelines regarding pilotage SJÖFS2005:13 » dite Lotsningsföreskriften de 2005.

    En Suède tous les pilotes sont des fonctionnaires d'états, employés du gouvernement par le biais de l'administration maritime suédoise, la Swedish Maritime Administration (SMA), située à Norrköping. La Swedish Maritime Administration est une entreprise publique qui a la responsabilité de la gestion des voies navigables, du pilotage, de l'information sur le trafic maritime, des brises glaces, des relevés hydrographiques, des opérations de recherches et de sauvetage, et également du service des gens de mer. Il y a environ 221 pilotes employés par la Swedish maritime Administration, et ils y sont

    organisés en 7 districts ; les tarifs de pilotage sont fixés après négociation par l'administration, et les pilotes sont payés au navire.

    La SMA est une agence gouvernementale, mais le département du pilotage suédois est totalement financé par les redevances de pilotage et également par les taxes portuaires sur les navires et par les taxes pour passage des voies navigables. L'arrêt 1999 : 215, à propos de la loi sur les droits de pilotage en Suède confirma que l'administration est chargée de fixer le montant des droits et d'en assurer le recouvrement. L'armateur et l'opérateur du navire sont tenus solidairement responsables de leur paiement.

    Le pilotage y est obligatoire et les pilotes Suédois, sont tous membres de l'association nationale appelée Swedish Pilots'Association ou Svenska Lotsförbundet-Membership.


    · La Belgique : le pilotage Flamand

    Les lois applicables en Belgique sont :

    - La loi du 3 Novembre 1967 sur le pilotage des navires de mer, complétée par la loi du 30 août1988 - Décret flamand du 19 avril 1995.

    Nous l'avons vu, il existe deux types de pilotage en Belgique :

    - Les pilotes des Docks, des ports de Anvers, de Zeebrugge, qui sont employés par une société privée, appelée BRABO, déjà détaillée au chapitre précédent, concernant les pilotes privés.

    - Le pilotage flamand composé des pilotes maritimes et de rivières, fonctionnaires, formant des corporations de pilotes dont la réglementation est édictée par le gouvernement de la province Flamande. Les pilotes de rivière et de mer sont compétents pour piloter dans 4 régions : la rivière Scheldt, le canal de Ghent Terneuzen, l'estuaire de la Schelt, et dans tous les ports côtiers Belges.

    Les pilotes maritimes et fluviaux sont des fonctionnaires employés par le gouvernement flamand au sein du Département de la mobilité et des travaux publics. Le pilotage est considéré comme un service public organisé par l'état dans l'intérêt de la navigation, et les pilotes dépendent donc très largement de l'administration. L'organisation, et les aspects opérationnels du pilotage flamand sont réglementés par le décret sur le pilotage du 19 avril 1995, et les règles du pilotage sur l'Escaut entrée en vigueur en octobre 2002. Ces deux réglementations mettent en vigueur une application plus stricte du pilotage obligatoire, et réglementent entre autres les exemptions de pilotage, les redevances, le pilotage par hélicoptère, ou le pilotage à distance (shore based pilotage). Le pilotage flamand regroupent les services de pilotage sur l'estuaire de l'Escaut, la zone d'approche de Dunkerque, l'amont de l'Escaut jusqu'à Temse (y compris Rupel et Wintham), le canal Gand-Terneuzen et les

    quais de Gand. Il couvre une zone de 400 miles de voies navigables, 5 zones portuaires, 10 écluses maritimes et plusieurs zones de mouillage, et est organisé par une agence gouvernementale appelée « DAB Loodswezen », qui existe depuis le 1er janvier 2001. Cette agence fournit des services de pilotages, qu'ils soient fournis par pilotines, par hélicoptère ou par service de guidage à distance, et à vocation de service public.

    Le pilotage est divisé en 4 districts correspondant à des types de pilotage différents : - les pilotes de rivières - « river pilots » (Anvers);

    - les pilotes des canaux - « canal pilots » (Gand);

    - les pilotes maritimes - « sea pilots » (exerçant depuis Flessingue);

    - les pilotes côtiers - « coastal pilots » (exerçant depuis Zeebrugge).

    Par ailleurs, un cas particulier, traité par la loi de 1967 et par un traité appelé « Règlement de l'Escaut37» conclu entre les Pays Bas et la Belgique, permet de réglementer le pilotage sur l'Escault, fleuve qui traverse à la fois la Belgique et les Pays Bas.


    · La Finlande :

    La loi applicable en Finlande est la « Pilotage Act » entrée en vigueur le 1er janvier 2004.

    Les pilotes finlandais sont tous des fonctionnaires, employés de la « Finnpilot Company », qui s'occupe aussi de la formation des apprentis pilotes et des bilans médicaux. Les pilotes sont aussi membres d'une association locale, elle-même membre d'une association nationale « Luotsiliitto - Lotsförbundet ».

    Il existe 9 stations de pilotage avec 7 stations supplémentaires sur la côte et 5 sur les lacs. Chaque station de pilotage dispose d'un responsable, chef de station, appelé « Ålderman ».

    On distingue 3 types de pilotesen Finlande :- les pilotes côtiers- « coastal pilots »

    - les pilotes sur les lacs- «Lake pilots»

    - les pilotes sur les canaux «canal pilots»

    37 Traité entre le Royaume de Belgique la région flamande et le Royaume des Pays-Bas portant révision du règlement sur l'exécution de l'article IX du traité du 19 avril 1839 et du chapitre II, section 1 et 2, du traité du 5 novembre 1842, modifiés, relatif au pilotage et à la surveillance commune, dit règlement de l' Escault.


    · Le Portugal :

    Les premières opérations de pilotage au Portugal sont apparues il y a environ trois cents ans par les guidages des navires par des pécheurs locaux, pratiques des zones et qui ont créés la première corporation de pilotes en 1878, laissant peu à peu leur place à des marins de commerces venus du long cours.

    La réglementation actuelle est fournie par deux décrets concernant le régime juridique des services portuaires38 et par le décret-loi N° 166/89 appelé « Règlement des services de pilotage des ports et rades39 », et est complétée par deux ordonnances les modifiant40, qui établissent des règles d'application du Règlement général des services de pilotage.

    Le pilotage au Portugal est fourni par l'administration portuaire comme un service public de l'État, le pilote ayant le statut d'agent public, dépendant de l'Institut National du Pilotage Portuaire dont le siège social se trouve à Lisbonne. ( INPP Intituto Nacional de Pilotagem dos Puertos).

    Il existe 8 régions de pilotage sur le continent (Viana do Castelo, Douro e Leixões, Aveiro, Figueira da Foz, Lisboa, Setúbal, Sines and Faro), trois régions aux Iles des Açores, et une seule région à Madère, pour un total de 108 pilotes Portugais certifiés. Les pilotes sont payés avec des salaires fixes, provenant des redevances de pilotages.

    Chaque port national possède un département du pilotage, qui gère le personnel par le biais d'un organe consultatif et qui est propriétaire des pilotines et du matériel de pilotage. Les services en charge du pilotage dans les ports détiennent la responsabilité de l'entretien du matériel.

    Doté de personnalité juridique et d'une autonomie financière et administrative, l'institut est sous la tutelle du Ministère de La Marine Marchande. L'INPP est contrôlé par un organisme central, le Conseil National de Gestion, qui nomme les chefs des départements de pilotage de chaque port national. Il gère aussi le domaine public maritime de l'État associé au service de pilotage.

    38 Decreto-Lei n° 151/90: Estabelece o regime jurídico da operação portuária Decreto-Lei n° 298/93: Estabelece o regime de operação portuária

    39 N°166/89 Decreto-Lei: Aprova o Regulamento Geral do Serviço de Pilotagem dos Portos e Barras. Revoga o Decreto- Lei n° 360/78, de 27 de Novembro

    40 Portaria n° 238-A/97 : Estabelece normas relativas à aplicação do Regulamento Geral do Serviço de Pilotagem dos Portos e Barras, aprovado pelo Decreto-Lei n° 166/89, de 19 de Maio

    Portaria n° 409/98: Altera a Portaria n° 238-A/97, de 4 de Abril aprovado pelo Decreto-Lei n° 166/89, de 19 de Maio

    Les recettes de L'INPP comprennent des redevances de pilotages, les rémunérations pour prestations rendues en dehors d'un service de pilotage mais utilisant les biens de la station, les ventes ou plus valus, et sont perçues par les Départements du pilotage de chaque port. Le pilotage portugais est un service public organisé, possédant cependant son autonomie financière et administrative mais qui dépend exclusivement de L'INPP

    iii) Les systèmes mixtes

    · La Bulgarie : gestion indépendante de matériel public

    L'association BMPA Bulgarian Maritime Pilots Association, a été crée en 1992, comme une association à but non lucratif, regroupant les 60 pilotes exerçant en Bulgarie. Les organisations professionnelles de pilotage sont partout en Europe soumises au contrôle de l'état, la Bulgarie n'est pas une exception dans ce domaine. Les services sont régis par le Code de la Marine marchande, et par l'ordonnance sur le pilotage. Il est fourni par des pilotes indépendants, « self-employed ». Selon les articles de l'ordonnance, une seule et unique station n'est autorisée à fournir le service, marquant ainsi la volonté de ne pas amener de concurrence dans le service.

    La réglementation applicable en Bulgarie est le code de la marine marchande, amendé en 2002, et la pilotage act de 2001. Selon ce code, afin de maintenir au plus haut niveau le service, l'État a mis en place un système concurrentiel, mettant en concurrence les candidatures de différentes stations de pilotage souhaitant s'implanter sur la zone à piloter. Chaque station pourra être autorisée pour une durée de trois ans, et détiendra alors le monopole du service. Les stations sont la propriété de l'agence Bulgare de l'administration maritime, la gestion et la maintenance du matériel restant sous la responsabilité des pilotes.

    Le service est fourni, en Bulgarie, dans deux stations, celle de Varna et Bourgas.

    · Danemark : ouverture partielle à la concurrence de sociétés privées

    Fortement marquée par la configuration géographique des côtes danoises, constituées de détroits difficiles, parsemées d'îles et de dangers à la navigation, le pilotage danois est effectué, à la fois et logiquement par des pilotes de transit appelés « transit pilot », et localement par des pilotes portuaires appelés « local pilot », pilotant le navire dans les chenaux d'accès et les ports. Les pilotes de transit sont en quelque sorte des pilotes hauturiers comme les pilotes de la manche et de la mer du Nord. Jusqu'en 2006, les pilotes danois étaient tous des pilotes fonctionnaires de l'état.

    L'autorité de tutelle du pilotage danois, est, dans les deux cas, appelée Administration de la Navigation et d'Hydrographie du Royaume de Danemark ( « Farvandsvaesenet »), qui est en fait un

    département du Ministère de la défense et exerce son contrôle et sa gestion via l'autorité danoise des pilotes : la « Danish Pilotage Authority ».

    L'activité de pilotage est depuis 2006 réglementée par le « Danish Pilotage Act », qui a introduit la concurrence dans le pilotage portuaire des « local pilots » seulement, qui étaient jusqu'alors tous des employés gouvernementaux. Il est donc désormais possible à tous ressortissant d'un pays de l'Union Européenne d'établir sa propre compagnie privée de pilotage portuaire de type « Local Pilots », à condition de respecter le « Danish Pilotage Act ». Le pilotage de transit est pour le moment encore protégé de la concurrence par une obligation datant de 1857, obligeant le gouvernement danois à fournir un service de pilotage à tous les navires qui peuvent en avoir besoin. Actuellement, deux compagnies seulement se sont créées :

    - la « Danish Pilot Service » qui compte 16 pilotes dont 9 retraités du pilotage gouvernemental

    - une compagnie à Frederikshavn qui compte 3 pilotes dont 2 retraités du pilotage gouvernemental.


    · Royaume -Uni : pilotes indépendants, ou sous contrat avec une autorité portuaire

    En 1983, les lois de pilotage en Angleterre n'ayant jusque alors jamais réglementé les conditions d'emploi des pilotes, il a été décidé que les autorités portuaires compétentes, appelées CHA avaient dorénavant le pouvoir d'employer les pilotes. Avant cette date, les autorités portuaires étaient généralement réticente à employer des pilotes parce qu'elles n'avaient aucune envie d'être rendues responsable ( en qualité d'employeur) d'une négligence d'un pilote, dont les conséquences et les montants pourraient trop facilement être importants. Depuis, il existe des pilotes qui travaillent sous contrat avec un CHA, et des pilotes qui travaillent toujours de manière indépendante.

    Au Royaume-Unis, le pilotage dépend énormément du statut portuaire, très différents des autres membres de l'Union européenne. En effet, les ports anglais peuvent être soit municipaux, gouvernementaux, ou bien, le plus souvent, appartiennent à des sociétés privées, anglaises ou étrangères, à but lucratif qui en conservent la gestion. Le pilotage portuaire dépend du besoin individuel de ces ports selon leur importance et leur développement, et ils influent sur les conditions d'emploi des pilotes. Par exemple, les pilotes d'un port de taille modeste seront employés par une autorité portuaire, souvent à mi-temps, ayant des fonctions diverses au sein des ports, travaillant pour le VTS, ou comme Capitaine de port. Dans des ports plus grands, à Liverpool par exemple, les pilotes sont à leur compte, regroupés en une petite association, et travaillent au contrat.

    Aujourd'hui, les pilotes anglais, peuvent donc exercer, soit à leur compte, ( « self-employed »), regroupés en général en petites associations en tant que pilotes indépendants, soit salariés d'un CHA, et peuvent alors occuper d'autres activités au sein de l'autorité portuaire. Les pilotes des CHA se voient verser un salaire fixe dans la plupart des cas. Dans le cas d'un service de pilotage rendus par un pilote indépendant, le pilotage fait l'objet d'un contrat avec l'autorité portuaire.

    Les autorisations de pilotage sont délivrées aux candidats pilotes par les autorités portuaires « Competent Harbour Authority » CHA ( Partie 1 Section 3 du « Pilotage Act » Autorisation des pilotes ).

    Il appartient à l'autorité portuaire de fixer les conditions de recrutements et les critères de qualification des pilotes en regard de leur âge, santé et état physique, temps de service à la mer, connaissance locale, comportement ou de tout autre choses qui pourraient affecter les capacités des futurs candidats.

    Notion de CHA

    Le pilotage est placé sous la tutelle du secrétariat d'état aux transports qui déconcentre ses pouvoirs aux autorités portuaires locales, appelées CHA ( Competent Harbour Authority). Les ministres aux transports sont des membres du parlement, ainsi, le parlement anglais garde tout de même un contrôle permanent sur les clauses de pilotage. Selon le pilotage act section I article 1, le CHA signifie toute autorité portuaire qui a la charge du contrôle du trafic et de la sécurité maritime dans sa zone d'exercice, et dont le port tombe totalement ou partiellement sous son contrôle.

    Chaque port d'Angleterre, dont l'importance du trafic justifie la présence d'un service de pilotage propre, est compétent pour organiser le service de pilotage dans la limite de sa zone d'intervention portuaire. Selon le pilotage Act de 1987, Partie 1 une autorité portuaire qui n'est pas un CHA peut demander au secrétariat d'état de le devenir ou d'être considérer comme tel.

    De plus, toujours selon le pilotage act, le secrétariat d'état a l'obligation de maintenir à jour la liste des CHA décrite selon l'article 1 de celle loi.


    · Allemagne : système mixte, pilotage privatisé avec infrastructures publiques

    Le pilotage Allemand est soumis à la législation de la loi fédérale de 1854, dite « Seelotsegesetz », amendée à plusieurs reprises (en 1984, 1986, 1994 et 1997), allouant la possibilité de s'organiser, soit régionalement en districts de pilotage, soit individuellement, laissant alors au port la possibilité de gérer exclusivement leurs service de pilotage. Il existe encore en Allemagne deux ports qui conservent la gestion exclusive de leur pilotage : Bremerhaven, et Hambourg.

    Le pilotage en Allemagne est un système globalement privatisé, mais qui possède certains caractères publics d'importance. Contrôlé sous la tutelle du gouvernement fédéral d'Allemagne, par le biais du ministre des transports de la République Fédérale41. Le pilotage Allemand est très particulier puisqu'il est privé mais il emploie des infrastructures et équipements nationaux, fournis par la République Fédérale d'Allemagne ; les matériels utilisés par les pilotes, les bateaux-pilotes, ainsi que les biens immeubles sont la propriété de la République Fédérale, et sont affrétés par le gouvernement, même si les pilotes ont la responsabilité de leur entretien. Environ 860 pilotes y sont gérés de manière privés, utilisant des infrastructures publiques.

    Il existe deux types de pilotes en Allemagne, les pilotes dits fédéraux, et les pilotes de port ( Bremerhaven et Hambourg).

    Des décrets fédéraux réglementent localement le pilotage fédéral par districts. Il en existe 7 districts en Allemagne (voir annexe 2) formant chacun une corporation de pilotes : les corporations de pilotes font partie intégrante de la chambre fédérale des pilotes, placée sous la tutelle du ministre des transports. La chambre fédérale des pilotes est une organisation professionnelle de pilotes qui représente les 7 districts de pilotage.

    Les redevances de pilotages sont fixées par l'administration allemande et se composent :

    - d'une taxe de pilotage qui est versée au gouvernement, qui en remet une partie aux corporations, budgétée tous les 2 ans, afin de pourvoir aux besoins de la station, d'entretenir le matériels, et de renouveler les installations.

    - d'une prime de pilotage, qui est versée aux pilotes, leurs permettant de recevoir un salaire.

    41 Ministre des transports de la République Fédérale : Bundesministerium Fûr Verkehr

    C) Le Recrutement et la formation des pilotes i) Le recrutement et la formation en France


    · Recrutement :

    L'accès à la profession de pilote maritime portuaire en France se fait par voie de concours public ouvert par décision du Directeur régional des affaires maritimes, sur proposition de l'administrateur des affaires maritimes du quartier de la station concernée, et tenant compte des besoins de la station de pilotage. Ce concours comporte des épreuves orales et écrites, portant sur des connaissances générales de la navigation ainsi que sur les connaissances particulières de la zone de pilotage. Comme dans la plupart des pays d'Europe, les pilotes français sont recrutés parmi les officiers de la Marine Marchande de moins de 35 ans, possédant un brevet de commandement du plus haut niveau et ayant au moins navigué 72 mois dans la marine marchande ou sur des bâtiments de l'État, dont 48 mois dans le service pont ( à ce jour, un décret pourrait venir modifier les conditions de recrutement en France, abaissant le nombre de mois de navigation requis de 72 à 66 mois, augmentant l'âge maximum de 35 à 36 ans, et exigeant du temps de navigation au cabotage international).

    Les dispositions relatives aux programmes et à l'organisation du concours de pilotage sont établies par l'arrêté du 26 septembre 1990. Les candidats pilotes doivent, entre autre être âgé de 24 ans au moins et de 35 ans au plus à la date du concours, et doivent répondre aux conditions d'aptitude physique des capitaines de la marine marchande ( arrêté du 16 avril 1986), et par ailleurs à des normes sensorielles plus exigeantes fixées par l'arrêté du 08 avril 1991. Le programme des connaissances particulières de la zone est annexé au règlement local de la station.

    Le jury d'admission est, selon l'art. 5 de l'arrêté du 26 septembre 1990, composé comme suit : - d'un officier supérieur de marine, président

    - d'un inspecteur de la navigation et du travail maritimes ou un technicien expert du service de la sécurité de la navigation maritime ou à défaut un capitaine de navire

    - d'un capitaine de navire, titulaire d'un brevet au moins égal à celui requis pour les pilotes de la station où le concours est ouvert;

    - de deux pilotes désignés parmi les plus anciens pilotes en activité de la station.

    - Le président du jury est nommé par le préfet maritime sur la demande du chef de quartier qui désigne les autres membres du jury.

    - Les membres du jury ne doivent être ni parents ni alliés des candidats.

    - Le jury des épreuves de langue étrangère se fait assister par un professeur, ou par un courtier-interprète, ou un officier de marine breveté interprète.


    · Formation

    Les candidats reçus sont immédiatement nommés pilotes par le préfet de région42 et commencent une période de formation de plusieurs mois pendant lesquelles les pilotes débutants accompagnent les pilotes sur tous les types de navires qu'ils seront amenés à piloter. Au terme de cette formation (la durée et les modalités de cette formation dépendant du règlement local de la station), le pilote deviendra autonome, et se verra confier le pilotage de navire de taille croissante tout au long de sa carrière, avant de devenir pilote « apte toute tonnage » au bout d'environ cinq années d'exercice. Les pilotes français, sont régulièrement formés à la manoeuvre sur simulateurs, et sur maquettes au 1/25 ème au centre de Port-Revel, en Isère qui accueille également des pilotes étrangers.

    ii) Les conditions de recrutement et de formation en Europe 1) La résolution A960 de L'OMI

    L'Organisation Maritime Internationale a anciennement adopté une résolution relative à la formation des pilotes maritimes dans le monde (autres que pilotes hauturiers), à la délivrance des brevets, et aux procédures opérationnelles, appelée A 485 XII, révisée en décembre 2003, devenant la Résolution A.960 encore en vigueur aujourd'hui.

    Cette résolution prévoit qu'il appartient à l'état ou à une autre autorité compétente (régionale ou locale) d'établir les conditions de recrutement, de formation, et de certification des pilotes maritimes.

    La résolution A 960 de l' OMI définit que les autorités compétentes doivent mettre en place les normes de contrôles sur les conditions d'admission requises et normes d'obtention d'un certificat ou d'un brevet de pilotage, les aptitudes physiques nécessaires pour devenir pilote maritime, les programmes de formation et les remises à niveau.

    Plus précisément, l'annexe 2 de la résolution A960 définit des recommandations sur les procédures opérationnelles concernant les pilotes maritimes, afin d'améliorer la sécurité lors des opérations de pilotages. Les recommandations portent sur les échanges d'informations entre le capitaine, le pilote, les services portuaires, la langue utilisée, et définit également les normes de construction des échelles d'embarquement.

    42 Article 19 du décret de 1969 modifié par le décret du 1er août 1980 et du 21 juillet 1982

    2) Recrutement des pilotes européens

    De manière très générale, les pilotes maritimes portuaires européens sont des marins, officiers de marine marchande ou parfois militaire, possédant un brevet d'officier supérieur ( Capitaine ou Second Capitaine) et qui ont exercé suffisamment de temps à la mer pour avoir atteint un niveau de compétence et d'expérience satisfaisant pour appréhender le métier de pilote.

    En Europe, les pilotes ont la possibilité d'accéder à la profession, soit par voie de concours, soit par sélection classique, après un entretien. Dans tous les pays d'Europe, des critères de santé sont retenus pour accéder à la sélection, et certains pays comme par exemple, la France, la Norvège, l'Espagne, l'Italie ou Malte retiennent des critères d'âges. Les périodicités de visite médicale varient selon les pays entre 1 an à 5 ans.

    En Angleterre, le recrutement se fait par entretien parmi un lot de candidature ; les critères retenus pour se présenter ayant été fixés localement par l'autorité portuaire compétente de la zone, en tenant compte de l'expérience demandée pour la fonction.

    Les critères de nationalité sont peu retenus pour la sélection des pilotes en Europe. Néanmoins le Portugal a incorporé l'obligation d'avoir la nationalité du pays pour se présenter à une place de pilote. Dans d'autres pays, comme en Belgique, cette discrimination n'implique pas directement la nationalité du candidat mais ces derniers doivent détenir un certificat de compétence en langue néerlandaise/flamande, ce qui limite très fortement les possibilités d'emplois d'officiers étrangers.


    · Les méthodes de sélection :

    - La méthode par voie de concours :

    Cette méthode est utilisée en France, en Espagne, la Belgique ou encore à Malte. En général le concours est ouvert, et les candidats déposent leur candidature s'ils remplissent les conditions minimales demandées par l'autorité compétente (voir tableau récapitulatif en annexe 1).

    Cette voie de concours permet de recruter le candidat qui aura la meilleure connaissance théorique du lieu et possède les meilleures connaissances dans différents domaines d'évaluation théorique.

    - La méthode par voie d'entretien

    La méthode la plus courante de sélection en Europe reste celle par laquelle le candidat subis un entretien, évaluant les motivations de sa candidature, et son curriculum vitae, son dossier de navigation.

    La méthode est utilisée en Angleterre, où les critères de sélection fixés par l'autorité compétente diffèrent suivants les ports, et leurs complexité, mais on la retrouve aussi au Danemark et en Allemagne où les pilotes candidats sont choisis parmi une liste selon leurs expériences, puis subissent un entretien devant les pilotes de la station.

    Les pays qui recrutent les pilotes de cette manière tiennent donc essentiellement compte du dossier de navigation du candidat, de son CV et de ses références, c'est à dire sur les expériences maritimes du candidat.

    Cette méthode est aussi utilisée dans certains pays où le statut du pilote se rapproche d'avantage de celui du fonctionnaire, comme en Suède ou en Hollande. Au Pays-Bas, le pilote, après avoir été choisi pour son curriculum vitae subira un examen seulement après avoir suivi une formation théorique d'une durée de deux mois. Dans le cas d'une réussite à l'examen, l'élève pilote continuera sa formation pendant 8 à 10 mois, localement, dans la région dans laquelle il exercera le pilotage.

    3) Formation initiale et continue et certification des pilotes après sélection

    La formation et l'entraînement des pilotes dans les états membres ont grandement évolué au cours des dernières décennies même si les critères basiques d'accession à la profession sont très proches entre les pays.

    La formation des pilotes devient de plus en plus intensive, quelle soit pratique ou théorique, incluant au cursus de formation, des épreuves sur simulateur ou sur maquette, des périodes d'apprentissage local dans la région dans laquelle le pilote est amené à travailler, qui durent entre 2 à 8 mois. Le point de vue de l'EMPA est d'ailleurs très clair à ce sujet puisque la fédération européenne pense qu'un accès plus facile à la profession ne serait qu'un moyen de réduire considérablement les standards de service fournis, et risquerait d'allonger le temps de formation global des pilotes.

    Après avoir été promus au rang d'apprentis, dans tous les pays d'Europe, le pilote suivra une formation progressive qui lui permettra d'atteindre graduellement la possibilité de piloter des navires sans limitation de taille, ou de tonnage. Il faut aujourd'hui entre 5 et 8 ans pour qu'un pilote soit homologué sans limitation de tonnage en Europe. Il appartient à l'autorité compétente de l'État de définir les normes de formation et de délivrance des certificats ou des brevets. Ces normes devraient

    être suffisantes pour permettre aux pilotes de s'acquitter de leurs tâches en toute sécurité et efficacement. Ces normes de formation initiales sont conçues de manière à permettre aux pilotes stagiaires de développer les aptitudes et connaissances jugées nécessaires par l'autorité de pilotage compétente pour obtenir un certificat ou un brevet de pilote.

    Le pilotage est organisé de manière différente dans les pays européens, mais il est dans tous les cas contrôlé par le gouvernement. Il appartient toujours à l'administration maritime de contrôler les services de pilotage de leur pays, de déterminer les qualifications requises pour travailler, et d'uniformiser les conditions de formation dans le pays. Le pilotage obligatoire en Europe est la meilleure et certainement l'unique manière d'être certain de protéger à la fois les intérêts privés et publics qui pourraient être directement liés aux conséquences dramatiques d'évènements de mer, et par la même occasion, permet, en régulant le trafic, de participer activement aux enjeux commerciaux

    des grands ports européens.

    Finalement, bien que l'on retrouve des pilotes indépendants, dit self-employed, privés, fonctionnaires, dépendant des administrations, ou d'un état, les services de pilotage en Europe profitent dans tous les cas d'une entité économique exclusive, ou bien d'un département administratif spécifique d'un ministère leur permettant de s'organiser individuellement.

    Les systèmes de pilotage européens, qui profitent très largement d'un monopole consacré par l'Europe, servent au mieux les intérêts de l'armateur et des assureurs, ( fiabilité, sécurité, sûreté, ponctualité des mises à quai, ou appareillage, réduction des coûts d'assurance), celui des ports ( enjeux commerciaux), celui des états ( échanges maritimes mondiaux, prévention de la pollution, rôle en cas d'assistance au navire).

    Partie II: La responsabilité civile du pilote et des organisations de pilotage

    Chapitre I) Responsabilité civile liée à son rôle et à sa qualification

    I) La qualification du pilotage

    A) Le pilote européen, conseiller du capitaine ?

    Il est indiscutable que la gestion de la navigation d'un navire en plein océan, requiert moins de compétence et surtout d'expérience que le pilotage d'un navire lors d'un atterrissage à la côte, ou bien lors d'une navigation en eaux resserrées, voies navigables, ou au sein d'un port. Dans des eaux resserrées, la charge de travail augmente à la passerelle, le temps et les marges d'erreur sont réduites, l'activité portuaire et le trafic intense, et les conséquences d'un incident ou d'une erreur de jugement seraient considérables. Des connaissances spécialisées dans la manoeuvre des navires à l'approche des ports sont requises.

    Quand le pilote arrive à la passerelle d'un navire, la phrase « aux ordres du capitaine, sur les conseils du pilote » devrait être inscrite au journal passerelle. Cette phrase devrait suffire à décrire le lien qui uni le capitaine au pilote et réciproquement.

    Pourtant, le pilote n'occupe pas, dans les esprits, toujours le même rôle à bord.

    En parlant de l'autorité et de la responsabilité du capitaine, Cpt Roger Clipsham écrit « qu'une bonne décision d'un officier chef de quart ou d'un capitaine devrait utiliser les connaissances combinées, l'expérience, et la qualification, à la fois des officiers professionnels, et des pilotes maritimes43»

    D' une part le pilote tiendrait dans les mentalités une place de conseiller, et de conseiller seulement du capitaine, lui apportant sa connaissance locale du site dans lequel le navire évoluera.

    43 Examen de la responsabilité personnel et des responsabilités du Capitaine de navire R.Clipsham, Secrétaire général IFSMA, International Federation of Shipmasters' Associations London 21ST & 22ND, septembre 2000, partie 1

    Une définition moderne, datant du 24 novembre 1992 ( LPEMM44), du pilote en Espagne est fournie par l'article 102 de la loi45: « le pilotage étant compris comme les services de conseil pour les capitaines de navire, et des objets flottants, à propos des manoeuvres, afin de faciliter l'entrée et la sortie des navires dans de bonnes conditions de sécurité ».

    Il peut y avoir débat sur la question du rôle du pilote, et sur sa qualification de conseiller et de conseiller seulement du capitaine, car il prend dans la pratique souvent et complètement la manoeuvre du navire. Cependant, le commandant devrait reprendre le contrôle total de la manoeuvre s'il est nécessaire de le faire, ou s'il juge que la manoeuvre ne s'effectuera pas en toute sécurité.

    D'autre part, outre Atlantique le « rapport de la Commission Royale sur le Pilotage46 » contient une analyse détaillée du statut de la définition anglaise et canadienne du terme « pilote ». Pilote signifie : « n' importe quelle personne n'appartenant pas à un navire mais qui en a la conduite ». Cette définition du pilote est d'ailleurs également reprise en droit australien, dans la Section 6 de la « Navigation Act47 de 1912 ».

    Et, requalifiant ensuite la signification du mot « conduite », ce rapport en a retenu la définition suivante : « avoir la charge et le contrôle de navigation autrement dit, le contrôle des mouvements du navire. De le même manière, si quelqu'un est utilisé comme un conseiller, et ne se voit pas confier la navigation à proprement parler du navire, il n'est pas le pilote de ce navire ».

    La Commission Royale, après examen des pratiques actuelles à bord des navires a finalement conclu : « le pilote n'agit pas comme un conseiller du capitaine, mais conduit en réalité le navire ».

    Dans cette intention, le Capitaine deviendrait alors, au contraire mais jusqu'à un certain degré, un conseiller du pilote pendant sa manoeuvre, quand celui-ci lui indique les particularités du navire, tant techniques que manoeuvrière.

    44 La Loi des Ports de l'État et de la Marine Marchande du 24 novembre 1992 (LPEMM)

    45 Servicio de practicaje Artículo 102 : « Definición y régimen de gestión. Se entiende por practicaje el servicio de asesoramiento a los Capitanes de buques y artefactos flotantes, para facilitar su entrada y salida a puerto y las maniobras náuticas dentro de éste, en condiciones de seguridad y en los términos que se establezcan en esta Ley».

    46 Report of the royal commission on pilotage part 1. page 22 et suivantes.

    47 Section 2 of that Act provides that «pilot» shall mean any Person not belonging to a Ship who has the conduct thereof.

    Leur relation ne serait qu'une question de sémantique, et, on le voit, le pilotage n'est pas pour tout le monde considéré comme un service de conseil de navigation donné du pilote vers le capitaine, mais pour certains l'inverse. Ainsi, comme le pense G. K. Geen, l'auteur de « The Law of pilotage48 », il peut exister dans la relation de ces deux personnes, l'apparition d'un double commandement, qu'il qualifie de « divisum imperium», ou commande divisée, et qui, d'après le Dr.Lushington sera à l'origine de nombreuses confusions et d'incidents dont celui du navire la PEERLESS en 1860.

    Pourtant, malgré ces questions d'usage, et malgré de nombreux débats lancés au sujet des termes « conduite ou commandement49 » du navire, la qualification juridique du pilotage est énoncée dans les lois nationales ( Pilotage Act) réglementant ce service. Au niveau européen, qui reste le sujet de ce mémoire, ces définitions, malgré leurs différences, renvoient toujours aux notions de conseils donnés par le pilote.

    Les états sont libres de définir eux même les limites de ce qui est appelé opération de pilotage, et les notions d'expertise, d'assistance dans la manoeuvre, ou de conseils dans la navigation, y sont toujours abordées dans les réglementations européennes. En droit français, comme en droit portugais50 ou maltais51, la définition du pilotage, contenue dans l'article 1er de la loi du 28 mars 1928 dispose que : « Le pilotage consiste dans l'assistance donnée aux capitaines par un personnel commissionné par l'État pour la conduite des navires à l'entrée et à la sortie des ports, dans les ports, rades et eaux maritimes des fleuves et des canaux52 ».

    En Finlande, d'après la Pilotage Act 940/2003, le pilotage est considéré comme « une activité directement liée à la manoeuvre du navire, pendant laquelle le pilote est un expert local de la navigation dans la zone », et en Norvège, la définition donnée par le pilotage act de 1989 précise que toutes opérations de pilotage est un guidage de navire dans la manoeuvre ou la navigation, donné par un pilote détenant une licence de pilotage.

    48 The Law of pilotage, GEEN. G.K., LLOYD'S OF LONDON PRESS, 1977

    49 Conduct or command

    50 Capitulo I Disposições gerais Artigo 1.o Serviço de pilotagem

    1-actividade de pilotagem é o serviço público que consiste na assistência técnica aos comandantes das embarcações nos movimentos de navegação e manobras nas águas sob soberania e jurisdição nacionais, de modo a proporcionar que os mesmos se processem em condições de segurança.

    51 Malta pilotage service means the act, carried out by a licensed pilot, of assisting the master of a ship in navigation and manoeuvring when entering, leaving or shifting in a port or the approaches thereto, and includes the provision of the pilot launch».

    52 Loi du 28 mars 1928 : régime du pilotage dans les eaux maritimes

    Aux Pays-Bas, les limites de l'exercice de la fonction du pilote, données par l'article 2 de la pilotage act sont de « donner des conseils au commandant du navire dans la navigation et la manoeuvre du navire rendant le trajet jusqu'à sa destination, le plus sure possible53 ».

    Et cette notion de conseil du capitaine, se retrouve également en droit allemand, dans le paragraphe §.1 de la Maritime Pilotage Act et dans la réglementation lettonienne54.

    Il est intéressant de préciser que certains pays dont l'organisation du pilotage présente des particularités marquantes, lorsqu'il existe par exemple à la fois un pilotage de transit des navires dans les eaux territoriales, et aussi un pilotage portuaire, la réglementation définit différemment ces deux types de services. C'est le cas au Danemark, où les « transit Pilot » gouvernementaux coexistent avec les pilotes régionaux : « d' après la pilotage Act 567 du 09/06/2006, en vigueur, « un pilote de transit est un pilote qui n'est ni un pilote hauturier, ni un pilote régional, et un pilote régional est un pilote qui travaille à la journée, ou pour une partie de journée seulement dont le service commence ou se termine dans un port danois ».

    Par ailleurs, la définition juridique de l'acte de pilotage s'éntend dans certains pays plus largement que les conseils donnés au capitaine à bord des navires. En effet, les législateurs danois ont inclus dans la « Pilotage Act » des clauses étendant l'acte de pilotage au guidage des navires utilisant tout moyens de communications par des pilotes, depuis la terre ou depuis un autre navire :

    « Conseils donnés par une personne pilotant le navire en mer, dans les détroits ou en manoeuvre, sans tenir compte du fait que les conseils soit rendus à bord du navire ou en utilisant des moyens de communications depuis un autre navire ou depuis la terre ». (Traduction)

    Cette notion d'assistance à distance est aussi reprise en droit espagnol dans le Décret Royal 393/1996 du 1er mars incluant dans l'opération de pilotage, tous service rendus pour « les instructions données par les pilotes à partir du moment où il quitte la station de pilotage ». La naissance du contrat de pilotage est dans ce cas le moment où le pilote prend contact avec le navire pour la première fois.

    Comparant les lois de pilotage de l'Europe Continentale avec celles de la Grande-Bretagne et de d'Amérique du Nord, l'observation suivante a été faite par DAVID J. BEDERMAN55 : « Un pilote, bien qu'exigé, conformément à la loi, n'était considéré que comme un simple conseiller, et n'aurait jamais prétendu outrepasser l'autorité du capitaine ».

    53 Art 2 : Dutch pilot act « De loodsenwet 1988 »

    54 The Regulation No.102, "Regulations on Pilots" née de la volonté du cabinet du ministère le 7 Février 2006.

    55 Compulsory Pilotage public policy and the early private international law of torts. David J. Bederman. VOL 64. Tulane law review .1060

    Aussi, reprenant cette notion, le fondement juridique de la relation entre le capitaine et le pilote est maintenant énoncé clairement dans le Code STCW 1995, spécifiant ainsi que le pilote maritime agit en tant que conseiller du Capitaine, qui reste seul « maître à bord ». L'Annexe I du présent code établit que « la présence à bord d'un pilote ne relève pas le capitaine de ses fonctions et obligations en matière de sécurité du navire ». Dans tous les cas, le capitaine garde la responsabilité de la conduite du navire, l'autorité légale du capitaine est conservée, même si les pilotes conduisent parfois eux mêmes les navires, « mains sur les manettes ».

    En définitive, le Capitaine, l'officier de quart et le pilote doivent être capable et travailler ensemble pour la conduite du navire dans les meilleures conditions de sécurité.

    Dans toute l'Europe, le rôle du pilote est de conseiller le capitaine du navire à l'approche des zones dangereuses crées par les approches portuaires, à la fois en phase finale de voyage mais aussi en phase initiale, à l'appareillage des navires. Ces zones à risques demandent une parfaite connaissance des lieux (courants, sondes, effets de berges, natures des fonds, effets des marées) et des installations portuaires, le pilote participant donc activement au fonctionnement d'un port de commerce. Par ailleurs, ces hommes du lieu, pratiques de la zone où ils exercent, sont les seuls à pouvoirs informer les capitaines des usages et coutumes d'un port, ou à pouvoir communiquer clairement avec les services de lamanage ou de remorquage, tout en adaptant continuellement leur pilotage aux conditions météorologiques et aux caractéristiques des navires pilotés.

    Les ports sont aujourd'hui gérés comme des entreprises commerciales, et ils sont tous internationalement en concurrence entre eux. Il y a donc de grosses raisons d'augmenter à la fois la taille des navires, et le trafic dans les ports. Les pilotes, ont, aujourd'hui le défi de manoeuvrer des navires de plus en plus gros, dans des voies navigables identiques, pendant des laps de temps parfois réduits et imposés par des cadences portuaires extrêmement soutenues ; les risques de l'activité du pilotes augmentent en conséquence.

    Dans le cadre de sa prestation, qui de part sa nature, n'est pas un contrat de travail, mais un contrat de pilotage conclu pour service rendu, entre l'armateur et le pilote, le pilote peut engager sa responsabilité à plusieurs niveaux. Bien qu'au niveau international, aucune réglementation ne traite en particulier la responsabilité civile du pilote, celui-ci l'engage tant civilement que pénalement et cela pendant toute la durée du pilotage, envers l'armateur, mais aussi devant les tiers.

    Faces aux risques de l'activité, dans quelles mesures le pilote, l'État, ou une organisation en charge du service peut il voir sa responsabilité engagée en cas de dommage lors d'une opération de pilotage. Quel est le statut actuel de responsabilité civile des services de pilotage ?

    B) Absence de convention internationale sur la responsabilité du pilote

    Il n'existe pas pour le moment de dispositions ou Convention internationale ou communautaire fixant les principes de responsabilité des pilotes maritimes. Cependant quelques unes des grandes Conventions internationales de droit maritime traitent la question de la responsabilité civile du pilote vis à vis de l'armateur.

    Tout d'abord, rappelons que la Convention STCW 78/95, sur les normes de formation, de délivrance des brevets, et de veille des gens de mer56, qui prévoient que : « nonobstant les tâches et obligations qui incombent au pilote, sa présence à bord ne décharge pas la capitaine ou l'officier chargé du quart des tâches et obligations qui leur incombent » sur le plan de la sécurité du navire, devant « coopérer étroitement avec le pilote et vérifier de manière précise la position et les mouvements du navire » ; si l'officier de quart « éprouve des doutes quant aux manoeuvres ou aux intentions du pilote, l'officier chargé du quart à la passerelle doit obtenir des éclaircissements auprès de celui-ci et si le doute persiste, il doit en aviser immédiatement le capitaine, et prendre toutes les mesures nécessaires avant l'arrivée du Capitaine ».

    Par ailleurs, la Convention SOLAS 74, Convention sur la Sauvegarde de la Vie Humaine en mer57, établie dans le chapitre V « Sécurité de la navigation », les règles minimum de sécurité du pilote, précisant les normes applicables aux échelles de pilote, et aux dispositifs de hissage.

    Encore, la Convention de Genève58 sur le statut des ports maritimes du 9 décembre 1923, pose le principe (art 2 et 11), de l'égalité de traitement entre états, chaque pays étant libre « d'organiser et de réglementer le pilotage comme il l'entend ».

    56 Convention STCW 78/95 Standard Training Certification and Watchkeeping

    57 SOLAS 74 Safety of life at sea, Convention sur la sauvegarde de la vie humaine en mer

    58 Convention internationale dite « Convention et statut sur le régime international des ports maritimes et protocole de signature », faite à Genève le 9 décembre 1923

    Ensuite, la Convention internationale sur la responsabilité civile pour dommages par pollution59, CLC 1992 instaure dans son article III.4 ( b ) le principe selon lequel il n'est pas possible de réclamer de dommages et intérêts pour pollution au pilote ou à tout autre personne qui, sans être membre de l'équipage, rend des services au navire, sauf si le dommage de pollution résulte d'un acte ou d'une omission personnelle commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou avec imprudence et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement.

    En vertu de l'application de cette convention, tout recours par l'armateur, pour pollution, contre le pilote serait envisageable en cas de faute avérée du pilote. Il appartient à l'armateur de démontrer l'acte de négligence ou d'imprudence, ou bien l'intention du pilote de créer de tels dommages.

    D' autre part, la Convention de Bruxelles du 23 septembre 191060 pour l'unification de certaines règles de droit relatives à la collision entre navires prévoit dans son article 5 que le régime de responsabilité des armateurs dans les cas d'un abordage fautif, ou fortuit subsiste même si le navire se trouvait être piloté, ou dans les cas où la collision est causée par la faute du pilote, et ce même si le navire se trouve dans une zone de pilotage obligatoire.

    59 International Convention on Civil Liability for Pollution Damage

    60 Convention de Bruxelles du 23 septembre 1910, complétée par la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage du 10 mai 1952

    II ) Les responsabilités civiles résultant de l'organisation du pilotage

    La responsabilité civile est par définition l'obligation légale de réparer le préjudice causé à autrui dans l'exercice d'une action, par inexécution d'un contrat ou de toute action dommageable commise par soi même, ou par une personne qui dépend de soi, ou par une chose dont on a juridiquement la garde61. Elle vise à réparer, non à sanctionner.

    Le capitaine restant maître incontesté de son navire, encore faut-il comprendre dans quelle mesure le pilote, ou son employeur, qu'il soit l'État par voie directe, ou qu'il dépende d'une organisation exclusivement dédiée au service, pourraient-ils voir leurs responsabilités recherchées en cas de dommage.

    En effet, même si le pilote est largement reconnu comme travailleur indépendant en Europe, mais restant néanmoins très largement sous tutelle de l'État pour sa nomination, cela a entraîné, légitimement, non seulement des recherches des responsabilité du pilote provenant des tiers, mais aussi, plus étonnamment, des tentatives de recours contre les structures organisatrices du pilotage ou l' état qui certifie les pilotes ou qui les emploie.

    A) Cas de responsabilité de l'autorité compétente organisatrice du service

    D'une façon générale, en Europe, en raison de leur statut d'agents publics d'états ou de fonctionnaires reconnu dans certains pays, ou tout simplement par le lien qui lie un pilote à son employeur, la recherche de responsabilité en cas de dommage pourrait introduire la responsabilité soit de l'état lui même, ou de son représentant, ou d'un employeur privé, dans les opérations de pilotage. En effet, parce que dans la plupart des pays d'Europe, nous l'avons vu, l'administration de l'état détient le pouvoir d'autoriser des pilotes à exercer leur métier, et parce que, dans quelques uns de ces pays, les pilotes sont directement employés par l'administration, ou parfois même par des sociétés, ou des autorités portuaires, la responsabilité des autorités ayant certifiées, formées et autorisées à exercer, peut être soulevée.

    61 La garde juridique est le pouvoir de contrôler et d'utiliser à ses fins une choses que l'on utilise.

    En premier lieu, et nous allons le voir, des cas de litiges ont été rencontrés et jugés en Angleterre, au sujet des obligations des pilotes vis à vis de leur employeur général, dans un pays où les pilotes sont liés62 à une autorité portuaire (du type CHA), par un contrat de travail.

    i) Les problèmes émanant d'un contrat de travail conclu avec une autorité compétente

    En Angleterre, en octobre 1988, la dernière version de la loi sur le pilotage datant de 1987 est adoptée, transférant l'organisation du pilotage aux autorités portuaires des ports anglais, les CHA.

    Abrogeant, les anciennes dispositions de la loi de 1913, elle complète les modalités sur les conditions d'emploi des pilotes, stipulant (article 4) que les pilotes d'un port peuvent être autorisés à exercer par l'autorité portuaire du CHA, et exercer soit directement employés par un CHA ou exercer comme travailleurs indépendants, si les pilotes le décident à la majorité lors d'une élection obligatoire.

    Cependant, ces dernières années, plusieurs décisions ont mis en lumière la nature parfois considérée comme oppressive de certaines obligations exigées à des pilotes qui se trouvent soumis à un contrat d'emploi avec un CHA. L'un de ces cas a fait jurisprudence en Angleterre, renforçant la loi de 1987.

    Le 11 décembre 2001, (voir annexe 3 Case TGWU v Associated British Ports No A2/2001/2505 Court of Appeal Civil Division) la division civil de la Cour d'appel a confirmé dans le paragraphe 11, pour le cas des pilotes de la Tamise, que ces derniers peuvent être employés soit par le CHA ou être des travailleurs indépendants, et qu'ils sont, en vertu de l'application de l'article 4 de la pilotage act 1987, tout à fait libres de refuser une offre d'emploi même permanente, proposée par un CHA et, le cas échéant, travaillent comme des travailleurs autonomes, par le biais d'une coopération entre pilotes « self-employed » si ils le désirent.

    62 Pilot mag N° 290 traduction : « Tout récemment, en Décembre 2001, la Cour d'appel a confirmé que les pilotes peuvent soit être employés par le CHA pertinent ou, alternativement, être des travailleurs indépendants. En vertu de l'article 4 de la loi, après l'accord de la majorité des pilotes d'un port, le CHA n'a aucune obligation d'offrir des conditions de l'emploi. Lorsqu'une telle coopération existe le pilote n'est pas lié par un contrat de travail, et donc cela évite des situations périlleuse telles que celles connues au sud du Pays de Galles, ou sur la rivière Clyde.»

    La loi anglaise donne la possibilité à l'autorité du port d'autoriser un pilote à exercer, mais la délivrance de cette autorisation ne se limite pas seulement aux pilotes qui sont employés par cette autorité portuaire.

    Selon Barry Youde, dans le cas de pilotes qui travaillent sous contrat avec un CHA, « il y a eu au moins six cas récents dans lesquels il fut considéré que des pilotes avaient commis des infractions, simplement à cause du fait qu'ils auraient outrepassés les termes de leur contrat de travail avec un CHA, à terre, sans même qu'un navire piloté ne soit impliqué. Ces cas d'infractions connus furent tous classés comme grave désobéissance relative aux termes du contrat de travail, alors qu'ils n'avaient qu'osé mettre en doute les requêtes d'une autorité portuaire ».

    Dans ces cas, le pilote a contesté la demande d'un agent du CHA pour des raisons de sécurité, l'officier du CHA ne détenant aucune qualification ni d'expérience dans le pilotage, et dans aucun des cas jugés, il n'a été suggéré que l'incompétence, affectant sa capacité à piloter, ou la faute du pilote ne puissent être retenues.

    Non seulement le pilote peut être tenu responsable civilement et pénalement, mais, choisissant la prudence et limitant la prise de risque, il s'exposerait ainsi à de graves sanctions, pouvant lui causer des déboires financiers, alors même qu'il voulait se prémunir de certain risque d'accident qui aurait pu lui causer de lourdes mises en cause devant un tribunal civil; et d'après Kevin Austen ( Barlow, Clyde & Gilbert), « il prend alors le risque de se retrouver face à des sanctions disciplinaires prises par son employeur, le CHA, qui lui seront certainement bien plus préjudiciable personnellement que s'il n'avait répondu de ses actes lui même en responsabilité civil pour des dommages causés ».

    Pourtant, dans ces cas, les tribunaux ont conclu que, en vertu du contrat de travail, le pilote est obligé d'accepter la parole d'un agent du CHA ; que le pilote avait rompu les termes du contrat et que la révocation du pilote par la CHA était donc appropriée vertu de l'article 3 (5) de la loi sur le pilotage de 1987.

    Les raisons de telles difficultés entre l'employeur et les pilotes proviennent du remaniement de la loi de pilotage Anglaise en 1987.

    Les pilotes devraient sans aucun doute être traités différemment des autres employés, en cas de refus d'obéissance, en raison des risques engagés, et des conséquences de dommages possibles, encourus lors de manoeuvres délicates.

    L'indépendance du pilote reste donc primordiale, de par son jugement, son professionnalisme et surtout son expérience maritime.

    Cependant cela ne semble pas être l'avis de certaines autorités portuaires. Récemment, trois pilotes ont communiqués une lettre avertissant le CHA de leur refus d'amarrer un navire qui était surchargé, ne permettant donc pas d'entrer dans le port en respectant les minimums requis de clair sous quille conclus entre les pilotes et le port. Quand l'un des pilotes a protesté, alléguant que son jugement professionnel était remis en question par l'un des fonctionnaires du CHA, celui-ci répondit que « les règles disciplinaire d'un CHA s'appliquent à tous les salariés sans que les pilotes ne fassent exception63 ».

    Selon Dr A.G.Corbet, de l'Université de Galles à Cardiff, « il y a aussi des risques de perdre son gagne pain, car outre le fait de perdre son autorisation à travailler comme pilote, il détient aussi un brevet de capitaine ou d'officier, qu'il risquerait de perdre par la même occasion. Le pilote perdrait donc sa deuxième chance de travailler comme naviguant ».

    Dans ce sens, ce que les autorités d'un port peuvent omettre d'apprécier serait que le pilote est justement un employé différent des salariés de la société, notamment parce qu'il engage sa responsabilité civile une fois qu'il est à bord, que les dommages, avaries, et pertes conséquentes à un incident maritime seront importantes, et qu'il peut aussi et surtout être emprisonné64 ou punis de sanctions disciplinaire65 prévues par la loi nationale de son pays pour ses actions ou omissions alors qu'il se trouve à bord.

    Bien qu'il existe peu pour le moment, hormis en Angleterre, de cas connus de telles sanctions, appliquées pour désobéissance d'un pilote, ce qui vraisemblablement ne peut advenir qu'en cas de danger à la navigation, d'impossibilité notoire de piloter en toute sécurité, à cause de circonstances exceptionnelles liées à la hauteur d'eau disponible, aux conditions météorologiques, ou à l'état de navigabilité d'un navire, dont seuls les marins professionnels, pilotes, et capitaines ne peuvent prétendre connaître les détails, et qui surtout, seuls en subiront les conséquences.

    63 Source Barrie Youde

    64 Selon la Pilotage Act 1987 c. 21 17 une personne qui commet des fautes disciplinaires telles que celles contenus dans la dite loi seront soumis à des peines de prison allant de 6 mois à 1 an maximum, à des peines d'emprisonnement ou aux deux

    65 Selon F. Laffoucrière : « La responsabilité disciplinaire est l'obligation de répondre des comportements fautifs commis par des personnes au sein d'un groupe de personnes ayant la même qualité ».

    D'une façon générale, si de tels cas se réitèrent, il pourrait être nécessaire de recevoir l'avis d'autres pilotes professionnels, avant d'en tirer trop tôt des mesures disciplinaires que le pilote pourrait subir alors même qu'il souhaitait se prémunir d'un danger.

    Outre les rapports qu'un pilotes peut avoir avec son employeur, il conviendrait alors de réétudier les obligations normales du pilote, vis à vis du navire qu'il va servir.

    Selon Dave Devey, pilote à Liverpool, « Quand un pilote est à bord un navire il cesse d'être un employé du CHA, mais devient l'employé de l'armateur, le CHA devenant son employeur général66».

    Cette situation soustrait alors les obligations normales du pilote employé d'une entreprise au profit d'une certaine indépendance du travailleur, responsable totalement de ces actes, comme le serait un médecin du travail, employé d'une société, mais qui agit en toute « indépendance technique et morale67».

    Aucun autre salarié d'une organisation en charge du pilotage ne pourrait détenir cette position unique. Certains pilotes pourraient donc être tentés d'un revirement de situation, un retour en arrière, vers l'indépendance du pilote vis à vis des autorités portuaires.

    Mais, toutefois, les pilotes pourraient intenter des actions en justice. Mais le retour en arrière pourrait certainement être refusé par les tribunaux depuis le catastrophe du Sea Empress68 si, par exemple, un jeune pilote qui remplacerait le pilote souhaitant son indépendance, manque d'expérience au regard de celle du pilote déjà autorisé et employé par l'autorité portuaire.

    66 Dave Devey concerned ret. Liverpool Pilot

    67 La médecine dans l'entreprise par Christophe De Brouwer « Le concept trouve son origine dans la recommandation 111 de 1959 de L'OIT, sans pour autant être explicité. La loi de protection des médecins du travail est charpentée autour de cette notion. Ce sont des travailleurs protégés (...) que leur statut soit indépendant, salariés, ou statutaire. La protection s'exerce vis à vis de l'employeur qui rémunère le médecin du travail. Un employeur ne peut se séparer d'un médecin du travail s'il y a atteinte à l'indépendance technique et morale du médecin du travail».

    68 « En 1999, devant la Haute Cour, suite à la catastrophe du Sea Empress à Milford Haven de 1996, l'Autorité Harbour CHA de Milford Haven a plaidé coupable pour pollution, pour la raison qu'elle avait engagé dans une opération de pilotage un pilote qui avait reçu une formation insuffisante et dont l'expérience qu'il possédait ne lui aurait pas permis d'exécuter la tâche de pilotage qu'on lui demandait ».

    ii) Les pilotes, des professionnels à l'indépendance juridique reconnue

    La loi a traditionnellement considéré le pilote maritime comme un employé de l'armateur, employé le temps de son service de pilotage à bord.

    A ce sujet l'OMI, est très clair, retenant que le capitaine reste maitre de son navire tout au long du pilotage ; la résolution69 IMO A.920 (23), adoptée le 5 décembre 2003, déclare en Annexe 2, que :

    « Malgré les responsabilités et obligations du pilotage, la présence d'un pilote à bord d'un navire ne relève pas le commandant ou l'un de ses officiers en charge du quart à la passerelle de leurs responsabilité et obligation pour la sécurité du navire ».

    La résolution déclare également que le pilote peut à tout moment refuser le pilotage quand le navire à piloter présente un danger à la sécurité de la navigation ou à l'environnement.

    Au cours des années, le niveau d'indépendance du pilote et la nature de la relation légale, entre l'armateur et le pilote a fait l'objet de nombreuses délibérations devant les tribunaux.

    Des cas ont fait jurisprudence, dont notamment en Angleterre, et ont solidairement établis qu'un employeur ne pourrait avoir à supporter les dépenses admises suites à une négligence du pilote. Deux cas font jurisprudence outre-manche :

    En Angleterre, en 1989, la Chambre des Lords a rendu un arrêt se prononçant sur les rapports de responsabilité d'un pilote employé par une autorité portuaire anglaise. L'arrêt rendu concerne l'affaire entre le ESSO Bernicia contre Russell Hall. Cet arrêt est unique en son genre. En effet, à cet époque, la plupart des pilotes anglais étaient indépendants, « self-employed ». Le navire Esso Bernicia, était à ce moment piloté par un pilote employé par un CHA. Le propriétaire de l'appontement endommagé par le pétrolier intenta une action contre l'armateur, qui s'est directement retourné contre le CHA qui employait le pilote pour présomption de responsabilité à l'encontre du pilote pour négligence. Cet arrêt, aussi connu sous le nom « the Sullum Voe case » a mis en évidence le fait que même lorsqu'un pilote est employé par une autorité portuaire, l'autorité ne sera pas tenue pour responsable des négligences commises par celui-ci;

    69 IMO A.920 (23) « Recommendations on Operational Procedures for Maritime Pilots other than Deep Sea Pilots

    l'armateur considérant que le recouvrement du montant des dommages importants causés au quai serait beaucoup plus facile en les réclamants au CHA plutôt qu'au pilote. L'arrêt rendu par la Chambre n'a pas retenu de responsabilité contre l'administration portuaire, affirmant qu'un pilote « est un professionnel indépendant qui conduit le navire seul et comme préposé de employeur ».

    En 1993, en Angleterre aussi, une nouvelle tentative a été menée afin qu'une autorité portuaire anglaise soit considérée responsable de négligence d'un pilote qu'elle emploie. C'est le cas du gazier Cavendish. Les demandeurs ont fait valoir le fait que les demandes exprimées pour le Bernicia Esso avait pris naissance avant l'introduction de la nouvelle de loi de 1987 ( pilotage act 1987) et que l'introduction de cette loi modifia la situation juridique du pilote, parce qu'il appartient désormais à l'autorité portuaire de délivrer les autorisations de pilotage, c'est à dire de certifier les pilotes ; la Haute Cour a retenu que la loi de 1987 n'avait pas modifié la situation juridique de celui-ci et donc que le pilote reste un professionnel indépendant et qu'il n'est pas le préposé ou mandataire de quelqu'un70.

    Le principe de responsabilité du pilote chez les anglais n'est autre que celui de la Bible71, bien plus qu'une doctrine religieuse, incorporé au droit maritime du pilotage anglais, son fondement provenant du fait que personne ne pourrait dépendre de deux employeurs à la fois, ne pouvant travailler à la fois pour le compte d'une autorité portuaire, et pour le navire qu'il pilote : « No man can serve two masters ».

    Cette décision a, pour la jurisprudence anglaise, fait directement devenir l'armateur comme employeur unique du pilote à partir du moment où celui ci est monté à bord du navire. Le juge a déclaré qu'une fois ce principe établi, un employé ne pouvant prétendre avoir deux employeurs, écarte la possibilité d'être aussi considéré comme employé de son employeur général, c'est à dire le CHA, le pilote devenant un employé, et un employé seulement de l'armateur.

    70 Source pilot mag N°293

    71 La Bible Gospel / St Matthieu, Chapitre 6 verset 24

    La court a finalement retenu que selon cette même section 2 de la loi de 1987, l'autorité portuaire doit fournir un pilote compétent mais n'est pas responsable du pilotage en lui même, cette dernière responsabilité étant supportée par le pilote lui même.

    Ce statut de travailleur indépendant n'est pas unique à l'Angleterre.

    A ce propos, en Hollande, il est reconnu que tout faute commise par une autorité administrative engage des indemnités, et que cette obligation est reprise en droit privé pour les entreprises et les personnes privées : « As far as damage concerned, administrative autorities are subjected to the same rules as private persons and companies72 ». La logique voudrait donc que l'organisation du pilotage, qui est dans ce pays privatisée73, engage sa responsabilité. Au contraire, en 2005, la cour du district de Rotterdam a confirmée l'indépendance des pilotes après qu'un navire en route de sortie pour le canal de la mer du Nord sous la supervision d'un pilote, ait subie des dommages. Le propriétaire du navire a exercé un recours auprès de Nederlands loddswezen B.V parce qu'il avait commandé son pilote auprès de cette compagnie, mais la court a retenu que, malgré l'existence de cette compagnie privée, les pilotes agissent comme des professionnels « indépendants et autonomes » mettant en jeu leur propre responsabilité pour tous dommages qu'ils peuvent créer74.

    Au sujet de cette indépendance, rappelons qu'en France, la décision de la cour d'appel de Rouen dans l'affaire « Le Squire C/ synd. Pilote de seine », considère le pilote comme une personnalité indépendante, hors de tout lien de subordination vis à vis du capitaine ; le pilote étant à la disposition du capitaine, mais conservant son indépendance : il n'est ni un subordonné, ni un préposé75.

    Les pilotes européens exercent une fonction dont la position est singulière et inhabituelle, et dont les réglementations actuelles sur la question posent le principe de non redevabilité envers un quelconque employeur. Les pilotes disposent d'une indépendance de jugement professionnel absolument incompatible avec des contraintes de résultats, faces aux engagements ou aux obligations générales liées à l'obéissance qui serait normalement due d'un employé envers son employeur.

    72 C Goorden « Algemeen bestuursrecht compact » 4 editie Elsevier Den Haag 2003 page 41/43.

    73 Les pilotes Hollandais sont devenus des professionnels indépendants, par privatisation en 1988.

    74 Supreme court 04 février 2000, NJ 2000/429 Navire Solon

    75 CA Rouen, 29 avril 1966, le squire C/synd. Pilote de seine, Cie ch.Schiaffino et Enim, DMF 66, p426.

    iii) La responsabiité de l'État

    Pour ce qui est de la responsabilité de l'État dans des litiges liés à une activité de pilotage, il est généralement reconnu que dans les pays d'Europe où l'état agit comme organisateur du service, aucune recherche de responsabilité contre celui-ci ne pourrait être retenue. Cependant, un examen de la jurisprudence dans le domaine montre dans certains pays une réelle évolution et d'importantes modifications récentes de la loi.

    En Espagne, avant l'entrée en vigueur de la loi de 1992 sur la loi des ports et de la Marine Marchande, des demandeurs espagnols ont obtenus gains de cause, et on réussit à ce que le jugement de la court suprême considère finalement l'autorité portuaire responsable des faits de négligence du pilote, tenant compte du fait que les anciennes lois de 1958 sur le pilotage, maintenant remplacées par la LPEMM de 1992 et par le Règlement Général du Pilotage du 1er mars 1996, faisaient référence à des pilotes fonctionnaires d' État, et donc directement soumis à l'autorité nationale du pays ( en Espagne, les lois de 1992 ont réorganisé le pilotage, bâti maintenant sur le modèle Français, Italien ou Hollandais, et engageant des pilotes « self-employed, indépendants », organisés en structures privées).

    Auparavant, avant la modification de la loi espagnole, le Belgique avait aussi retenu une décision marquante établissant la responsabilité de l'État pour faute commise par ses pilotes dans le cas du navire Ore Prince, dit cas de l'Escault76. Mais la loi a connu en Belgique un revirement de situation important, car en effet, une loi a été adoptée le 30 août 1988 afin de contrer les effets de cette jurisprudence, loi qui a été modifiée en 2001 afin de supprimer son effet rétroactif. La cour de Cassation belge mettant en cause la responsabilité de l'État, celle-ci pouvait craindre les conséquences désastreuses d'une telle décision pour les finances du pays, les législateurs ont logiquement souhaité modifier la loi.

    76 Cas de l'Escault DMF 1985, N°12 MS Ore Prince

    Suite à la jurisprudence « Ore Prince », la loi du 30 août 1988 a prévu que la responsabilité de l'administration ne puisse plus être mise en cause. Elle dispose que « l'organisateur d'un service de pilotage ne peut être rendu, directement ou indirectement, responsable d'un dommage subi ou causé par le navire piloté, lorsque ce dommage résulte d'une faute de l'organisation elle-même ou d'un membre de son personnel agissant dans l'exercice de ses fonctions, que cette faute consiste en un fait ou une omission ».

    En Espagne et en Belgique, bien que ces deux pays ne possèdent pas le même statut du pilote, le premier étant de type indépendant, proche du modèle français, le deuxième étant fonctionnaire, ont tous deux subis récemment une modification de leur réglementation afin d'éviter des recours contre l'administration. Contrairement à l'Angleterre, qui est un pays de tradition de droit du Common Law, l'Espagne et la Belgique sont des pays de droit de tradition civiliste, qui accordent bien plus d'importance à la loi qu'aux jurisprudences. Alors qu'outre-manche, la création des principes juridiques est laissée aux tribunaux par leurs décisions, les pays romano-germanique comme l'Espagne et la Belgique ont préféré réviser la loi.

    Le pilote ne devrait donc pas être considéré comme un employé classique d'un service public. En ce sens, cela s'applique aussi à ses responsabilités, il supporte les responsabilités de son activité, au même sens qu'une personne indépendante. Et, plus que tout, il convient aussi d'ajouter que les parties qui subissent les dommages, les navires ou des tiers, ne pourraient pas non plus être traitées de la même manière qu'une victime classique d'un service publique77, rappelant que ces personnes, disposent d'un droit maritime qui leur ait propre, dont les risques sont couverts par des assurances, et qui peuvent à tout moment invoquer des limitations de responsabilités, notamment, les propriétaires des navires.

    En Belgique la loi exonère complètement l'État de toute responsabilité, car la loi insère un article 3 bis dans l'ancienne loi, et institue le fait que :

    77 Olivier De Schutter, Sébastien Van Drooghenbroeck, extrait du livre page 440 droit international des droits de l'homme devant le juge national, collection : les grands arrêts de la jurisprudence belge, Arrêt N25/90, Pilotage des bâtiments de mer, modification rétroactive des régimes de responsabilité, par Olivier De Schutter,Sébastien Van Drooghenbroeck.

    « L'organisateur de service pilotage ne peut être rendu responsable, de quelque manière que ce soit, d'un dommage subi ou causé par le navire piloté, lorsque ce dommage résulte d'une faute :

    a) de l'organisateur du service pilotage lui même

    b) d'un membre de son personnel agissant dans l'exercice de ses fonctions, et peu importe que la faute consiste en un fait ou une omission ».

    Par ailleurs, l'exemption de responsabilité de l'État belge concerne aussi les dommages qui résultent « d'une défaillance ou d'un vice des appareils destinés à fournir des informations ou des directives aux bâtiments de mer ». Dès lors, l'État est exempté de responsabilité en cas de défaillance d'un service de guidage des navires par radars.

    La Belgique est donc très largement exemptée de toute responsabilité en cas de dommage intervenant au cours d'un pilotage. Le législateur s'est évertué à mettre à néant les effets pécuniaires de la jurisprudence Ore prince.

    Certains autres pays, dans lesquels le pilotage possède un niveau important de gestion de l'État, prennent des dispositions équivalentes. Au Danemark, aucune demande de réparation ne pourra être demandée auprès du trésor public danois.

    De la même manière, l'État Suédois, selon le code ( Skadeståndslagen 1972:207) ne pourra pas être tenu responsable pour faute ou négligence dans le pilotage, le pilote étant considéré comme un employé temporaire de l'armateur78.

    78 Göteborg 19 aout 1998 ND 1998 Navire Birta : En aout 1998, un pilote de canal, pilotant sur la rivière Gota a été poursuivi parce qu'il n'avait pas emporté suffisamment d'eau de refroidissement des moteurs dans les ballasts du navire, causant des problèmes de propulsion et ayant failli causer une collision grave, chronique de droit maritime suédois, 1998- 1999, par Hugo Tiberg.

    L'incident fut classé sans appel, la cour ayant jugé que cette obligation m'incombait pas au pilote, mais donc bien au capitaine.

    Peu de jurisprudence existant à ce sujet, il paraît néanmoins incertain, alors que la plupart des pilotes d'Europe sont considérés comme travailleurs indépendant le temps de l'exécution du contrat, que de telles actions ne soient engagées contre l'État, marquant une certaine impunité des pouvoirs administratifs organisateurs de pilotage.

    Cependant, en Norvège, même si la loi établit clairement que l'État ne peut pas non plus être tenu pour responsable d'une faute de l'un de ces pilotes79, une jurisprudence récente est venu compléter ce principe, la responsabilité de l'État étant recherchée pour avoir fourni un pilote jugé pas assez qualifié par la court suprême de Norvège80. Et selon Hugo Tiberg81, de telle décision pourrait faire jurisprudence pour la Suède aussi si une nouvelle affaire se présentait.

    79 Ch 3 section 9 de la loi 1972 : 207 relative à la responsabilité civile ( Skadeståndslagen)

    80 Nordiske Domme ND 1972 page 93

    81 Professeur émérite de l'université de Göteborg, Droit des transports, et droit des exportations.

    B) Autres types de responsabilités

    A propos des responsabilités civiles des pilotes eux mêmes, deux cas peuvent se présenter. En effet, en cas de dommages provoqués par un navire piloté, deux types de victimes pourraient exercer un recours contre le pilote. Les tiers, tels que des propriétaires de quais, d'appontements, de grue, ou bien d'autres navires, ou toutes autres personnes qui n'est pas propriétaire du navire piloté, chercheront à prouver les responsabilités du navire piloté pour les dommages que celui-ci leur a fait subir. Ensuite, dans le cadre du contrat de pilotage, l'armateur propriétaire du navire, pourra, lui aussi, tenter une action en justice pour responsabilité contractuelle contre le pilote pour les dommages que son navire a subi par exemple, puisqu'elle résulte d'une « mauvaise » exécution d'une convention, qui est le contrat de pilotage.

    Tout d'abord, en France selon l'article 18 alinéa 1 de la loi de 1969 le pilote n'est pas responsable envers les tiers des dommages causés au cours des opérations de pilotage, et le pilote « doit contribuer à la réparation dans ses rapports avec l'armateur du navire piloté, dans la mesure où celui ci établit que le dommage est du à une faute du pilote ». Les tiers devront donc exercer un recours contre l'armateur du navire piloté pour recouvrer leurs créances. En cas de sinistre au cours d'une opération de pilotage, la loi du 3 janvier 1969 institue le principe de la présomption de responsabilité à l'encontre de l'armateur du navire piloté, c'est à dire qu'il appartient à l'armateur d'établir la faute du pilote.

    Après l'étude des différentes lois sur le pilotage des principaux pays européens, cette doctrine de non responsabilité des pilotes envers les tiers, bien qu'elle admette des limites, notamment dans la qualification de faute du pilote, est présente à peu près partout.

    D'après F.Laffoucrière82, « en Allemagne et en Italie comme en France, le pilote n'est pas responsable civilement envers les tiers mais seulement envers l'armateur. Que ce soit en Irlande, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique, en Grèce, au Portugal ou au Danemark, le pilote est soit exonéré, soit il voit sa responsabilité limitée », comme nous le verrons dans le Chapitre II.

    82 La responsabilité civile du pilote maritime, mémoire de Master 2 Droit de la mer, Université des Affaires Internationales, Le Havre, année 2006/2007 F.Laffoucrière.

    Naturellement, celui qui crée un risque, ou un dommage par l'utilisation d'une chose dont il a la garde, ou l'utilisation d'une personne qu'il habilite pour, devrait en supporter les conséquences pécuniaires en cas de sinistre.

    Il est donc cohérent de penser que toute entreprise, dont l'activité lui procure un certain avantage économique, réparera les dommages qu'elle pourrait occasionner. De nos jours, dans les cas de litiges financiers, les juristes ont d'avantage tendance à penser aux réparations monétaires qui permettront de dédommager les victimes, plutôt qu'à l'allégation simple de la faute. Cette théorie du risques crée, et développée par Saleilles et Josserand83, serait difficilement applicable juridiquement aux pilotes européens, faisant reposer des compensations financières considérables à des personnes physiques qui ne pourrait pas les recouvrer.

    Selon ce principe, le commettant, pour qui le préposé, le pilote, exerce une activité, lui fournissant ainsi des revenus, doit supporter les risques inhérents à cette activité, dégageant totalement le pilote de responsabilité vis à vis des tiers.

    Or nous l'avons vu, il est de nos jours peu probable que la responsabilité d'un organisateur de pilotage ou d'un État soit recherchée, en raison de la qualification de travailleur indépendant accordée à la profession. Les demandeurs seraient alors tentés de rechercher les fautes du pilote lui même, et d'exercer un recours contre lui. Plusieurs questions se sont posées pour le législateur. Souhaitant évidement permettre aux tiers de recouvrer les dépenses admises en réparations de dommages subis, les juristes se sont vus opposer l'insolvabilité du pilote, le pilote considéré alors comme personne physique.

    Ensuite, nous l'avons vu, n'étant pas un préposé de l'autorité organisatrice des services de pilotage, pourrait il exister comme préposé du capitaine. A ce sujet, F. Laffoucrière84, retiens qu'il ne semble pas approprié de qualifier le pilote comme « préposé de l'armateur, la qualification du lien juridique qui unit le pilote au capitaine a fait l'objet d'hésitations et de nombreux revirements de jurisprudence », et au sujet de la qualification du pilote vis à vis du capitaine, « il est heureux que ce dernier ne soit pas responsable à l'égard des tiers sous couvert de recherche d'équité, cette responsabilité aurait pu avoir des conséquences dommageables à la fois pour les tiers et pour l'armateur».

    83 Théorie du risque-profit élaborée par la doctrine de la fin du XIXème siècle par Labbé, Raymond Saleilles ou Louis Josserand. Elle consiste à dire que celui qui tire profit d'une activité doit en supporter les charges, englobant l'indemnisation des dommages qu'elle provoque.

    84 La responsabilité civile du pilote maritime, mémoire M2 Droit de la mer, Le Havre, année 2006/2007 F.Laffoucrière

    Le pilote, dans de nombreux pays pourtant, est considéré comme un employé temporaire de l'armateur. C'est le cas notamment en Angleterre85, où le pilote est, depuis la jurisprudence Cavendish, mais aussi au Portugal et en Italie, largement traité comme un membre d'équipage momentané du navire. L'armateur sera tenu pour responsable des pertes ou dommages causé par son navire dans le cas de la négligence du pilote même dans le cas d'un pilotage obligatoire, l'armateur retenant donc logiquement la possibilité d'exercer alors un recours contre l'administration, dans le cas d'un pilotage accomplie par des agents d'États, ou contre une autorité portuaire en charge du service.

    En Allemagne, les pilotes, comme leurs homologues, ne sont pas non plus responsables des dommages envers les tiers sauf en cas de négligence prouvée, c'est à dire qu'ils ne seront pas tenu pour responsables des dommages, sauf dans le cas d'une négligence grave, ou d'une conduite fautive volontaire86.

    En Hollande, envers les tiers, l'armateur propriétaire du navire peut être tenu pour responsable des dommages qu'il a créé même si ceux ci proviennent d'une faute de pilotage, erreur du pilote selon l'article 8/547 du code civil Hollandais. Aussi, le code civil hollandais, insère et reprend la convention de Bruxelles, dans l'article 8/547 en affirmant qu'en cas de collision, l'armateur du navire fautif, donc son capitaine, reste responsable des dommages causés au tiers , même dans le cas d'une faute du pilote et même si le pilotage y est obligatoire. En Hollande, le recours de l'armateur pour ces propres dommages et les dommages au tiers sont régis par l'article 3 de la Dutch pilot act87, ce dernier énonce dans l'article 3 que le pilote, s'il agit dans l'exercice des pouvoirs et des obligations spécifiées à l'article 2, ne répond que des dommages causés intentionnellement ou par négligence grossière. Et cette doctrine est aussi reprise en droit suédois, le pilote n'étant responsable personnellement des dommages qu'il créé dans le cas d'une faute grave ou d'un acte volontaire.

    85 En Angleterre, la section 16 du pilotage act de 1987 établit que : « le fait qu'un navire est en navigation dans une zone où le pilotage est obligatoire ne devra pas remettre en cause la responsabilité de son propriétaire ou capitaine pour toute perte ou dommages causés directement par le navire ou par la manière dont il est piloté. (Traduction)

    86 Gross negligence and wilful misconduct, Sec. 21 Para 3 German Pilotage Act. «

    87 « De loodsenwet »

    Peu de cas de jurisprudence existe, pourtant, depuis le jugement du 04 février 2000 dans le cas du navire Solon, la court suprême des Pays Bas a retenu que la faute grave telle que décrite dans l'article 3 de la Dutch Pilot Act ne sera retenue que si il peut être établit que le pilote a agit volontairement ou avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement.

    En règle générale, les pilotes européens sont donc très largement exemptés de responsabilité, ou bien celle-ci se voit limitée et ils ne seront généralement tenus pour responsable que pour des dommages provenant d'une faute grave ou avec intention volontaire de la créer.

    Cependant, la responsabilité du pilote pourrait être trouvée par les tribunaux si le pilote, par l'ordre de barre qu'il donne, se trouve à l'origine d'un dommage : en Italie, le 20 janvier 1994, le navire Zim Osaka88 pilote à bord, larguait ses amarres au port de Gènes, assisté de deux remorqueurs ; la manoeuvre étant effectuée en marche arrière puisque le navire était accosté proue vers la terre. Nonobstant l'ordre de faire « machine avant » donné, par le capitaine et le pilote ( le premier « en avant toute », le second « en avant lente »), le navire heurta un bloc de ciment immergé de la digue, subissant d'importants dommages sur son gouvernail. En 2003, le tribunal de Gènes condamna solidairement un pilote et sa « Corporacion », définissant l'exercice du pilotage comme louage d'ouvrage, c'est à dire comme un contrat par lequel une personne s'engage à faire quelque chose pour une autre personne en lui laissant la jouissance complète d'une chose pendant un certain temps. Pour le motif que le contrat de pilotage peut être considéré comme un louage d'ouvrage, le pilote ayant la jouissance du navire, donc la responsabilité de la manoeuvre. Dans ce cas, le tribunal de gênes a observé que la présence de blocs était connue du pilote, constituant une faute du pilote ; les tribunaux italiens ont retenus ici le fait que l'activité exercée par le pilote, même s'il assiste professionnellement le capitaine n'est pas subordonnée à ce dernier, mais serait complètement autonome.

    88 Pilotage Italien / obligation de prendre le pilote / manque de coordination entre le pilote et la capitaine du navire par Georgio Berlingieri, paru dans la DMF N° 653 du 01/11/2004, chronique de droit maritime italien, rubrique droit maritime étranger Le pilote a été condamné solidairement avec sa corporacion, le tribunal rappelant que le capitaine a l'obligation de recourir au pilotage (code de la navigation italienne art 87, et que le capitaine a aussi l'obligation de conduire personnellement son navire à l'entrée et à la sortie du port., et en toute circonstance lorsque la manoeuvre est difficile ( art 298 code la navigation Italienne

    La doctrine est donc que le capitaine n'est investi d'aucune autorité à l'égard du pilote. Nous l'avons vu, ce dernier opère comme un conseiller seulement, lequel, en l'absence de lien de subordination ne peut être considéré comme préposé du capitaine. En revanche, si l'on se place du côté du pilote, ses conseils peuvent être assimilés à des ordres lorsque le capitaine les approuve. Lorsque le respect de ces ordres aboutit à la réalisation d'un préjudice, la « faute » du pilote en est à l'origine. Dès lors, la responsabilité du pilote en Europe pourrait donc être engagée.

    Chapitre II) Limitation de responsabilité et assurance

    I) La limitation de responsabilité, solution réaliste et justifiée

    Le pilote maritime devait initialement réparer l'intégralité du préjudice que sa faute a pu créer. Nous l'avons vu, la responsabilité de l'État, organisateur, ou garant des autorisations d'exercer, est peu retenue pour négligence ou faute de l'un de ses pilotes. Et, considérant les tailles des navires, et la marchandise qu'ils transportent, les montants des réparations sont de plus en plus élevées.

    De façon totalement exorbitante par rapport au droit commun, une exception maritime, la convention LLMC 1976, sur la responsabilité civile de l'armateur, introduite en droit français, et ratifiée par la plupart des pays du continent européen, donne la possibilité à l'armateur de limiter le montant de sa responsabilité civile au regard de certaines créances. Cette règle est l'héritière de celle sur l'abandon du navire, et, d'après Pierre Bonassies, elle « est certainement l'institution la plus originale du droit maritime90».

    Cette possibilité laissée à l'armateur fut la source d'inspiration de la limitation de responsabilité civile dont profitent aujourd'hui aussi les pilotes maritimes européens. En effet, la responsabilité du pilote étant prouvée, ses fautes établies, ce dernier pourra néanmoins profiter de la possibilité de limiter le montant de sa réparation au civil.

    En France, l'arrêt rendu par la cour de cassation91 le 12 juin 1934 condamna un pilote à recouvrer l'intégralité des dommages causés par le navire piloté, créant beaucoup d'agitation au sein de la communauté des pilotes

    En France, les mécanismes de responsabilité civile applicables au pilote sont maintenant posés par la loi du 03 janvier 1969, très favorable au pilote. Le cadre réglementaire de 1935 fut mis en place suite à l'échouement du navire Guitton. En effet, le 02 février 1931, la Cour d'appel de Bordeaux92 condamna le pilote à réparer l'intégralité des dommages causés par sa faute, pour avoir communiqué des informations erronées au Capitaine, et dégageant ce dernier totalement de responsabilité.

    90 Scapel, p263§ 402 Bonassies

    91 Gaz Pal 1934, 2, 402 cf. annexe 5 Bignault Louise Adelaïde

    92 Cour d'appel de Bordeaux, 2 février 1931, navire: « Guiton », D.M.F. 1931, 105. La Cour condamne le pilote à réparer l'intégralité des dommages causés par sa faute lourde, et dégage la responsabilité du capitaine.

    De ce fait, dès 1935 en France, et dès 1936 en Angleterre, pour des raison objectives, le législateur souhaitant très logiquement permettre aux victimes de recouvrer plus aisément leur créances, le pilote disposant bien évidement de ressources monétaires moindre par rapport à l'armateur du navire piloté, ce dernier peut limiter sa responsabilité. Cette possibilité est reprise aujourd'hui, en droit Français, par la loi du 3 janvier 1969 disposant maintenant que :

    « Tout pilote doit fournir un cautionnement 93.

    Les modalités de ce cautionnement sont fixées par décret, et sont application par les articles 20 à 23 de la loi :

    Art 21 loi du 3 janvier 69 : « Le pilote, par l'abandon de ce cautionnement, peut s'affranchir de la responsabilité civile résultant des articles précédents, sauf dans le cas où la faute par lui, commise constitue une infraction à l'article 79 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande. »

    Cette possibilité réaliste et justifiée, est offerte presque partout en Europe à cette profession à risques en raison des préjudices monétaires importants pouvant être entraînés par un pilotage ( pollution, abordage, heurt avec un quai, échouement, destruction de cargaison, atteintes au domaine public maritime, rupture d'amarrage) et dépassant largement les capacités financières d'un pilote, sur la base que l'étendue des dommages causés par erreur est si vaste qu'il serait irréaliste de s'attendre à ce que le pilote puisse en supporter la perte, ou même de faire face au coût de l'assurance.

    Cette spécificité est offerte au pilote en analogie avec le régime du propriétaire du navire, qui profitent par ailleurs d'assurances maritimes.

    Jacques Bolopion rappelle que parmi les caractéristiques communes à toutes les organisations européennes de pilotage, ces dernières « comportent toujours des aspects de service public et des limitations de responsabilité94 ».

    93 art 20 loi du 3 janv. 1969 L 69-8 du 3 janvier 1969 Relative à l'armement et aux ventes maritimes

    94 Jacques BOLOPION, op. Cit.

    Concrètement, les pilotes européens voient leur responsabilité soit limitée jusqu'à un montant défini, soit devront abandonner un cautionnement, prévu à cet effet. Dans certains cas, le montant est défini pour un dommage ou bien sera calculé au prorata de la jauge du navire.

    En Angleterre, la « pilotage act » introduit également la limitation de responsabilité mais sans cautionnement ou exception possible. La responsabilité du pilote pour toute perte ou dommage causé de son fait ou par négligence ne dépassera pas 1,000 £ et le montant de la redevance du navire piloté à l'instant dommageable95.

    Aux mêmes fins, afin de ne pas faire supporter de trop lourdes charges sur les pilotes en cas de dommages aux navires, comme dans les autres pays d'Europe, et en vertu de l'article 2 de la loi de 1988, les pilotes belges bénéficient d'une exemption de responsabilité. Ils bénéficient d'une limitation de responsabilité, jusqu'à 20.000 € par évènement dommageable, sauf dans les cas où il y a une faute intentionnelle, ou de cas de négligence grave.

    En Espagne, l'article 24 du chapitre 6 de la loi du 1er mars 1996 traite la responsabilité civile du pilote maritime, celle-ci ne pouvant dépasser la somme de deux milles ancien pesetas, soit 12 euros par tonne de GT, ne dépassant pas un maximum 601 012 euros. Le pilote espagnol sera « responsable des ses actes, causés au navire, à son propriétaire, et au tiers, pour inexactitude, faute ou omission, dans les conseils donnés, des caps ou des manoeuvres nautiques nécessaires afin de veiller à la sécurité de la navigation » (traduction). Dans tous les cas si un capitaine qui ne tient pas compte des conseils du pilote, cela n'entrainera pas de responsabilité du pilote.

    La pilotage act Norvégienne n'introduit aucune notion de montant de limitation de responsabilité civile.

    De manière générale, un dommage créé à la suite d'une activité ouvre droit aux victimes à réparations intégrales pour les dommages subis et cette solution semble tout à fait raisonnable, augmentant de ce fait la position des réclamants, sans se faire opposer l'insolvabilité du pilote.

    95 UK pilotage act 1987 part II sec 22

    Par ailleurs, dans certains pays comme l'Allemagne, le pilote est exempté de responsabilité sauf dans les cas prouvé d'actes intentionnels, ou de négligence lourde. En Allemagne96, la responsabilité du pilote est limitée à ces deux cas, permettant une exemption du pilote, et là aussi il appartient à l'armateur de prouvé l'absence d'agissement volontaire du pilote. Il n'existe donc pas de montant de limitation en Allemagne, le pilote pourrait donc se trouver confronté à de lourdes réparations monétaires, si l'armateur parvient à prouver une négligence. Dans le cas contraire, l'armateur, et/ou ses commettants doivent supporter les compensations financière envers les tiers.

    Aussi ce système est retrouvé au Portugal, ainsi qu'au Pays-Bas, les pilotes étant fonctionnaires d'états. En effet, actuellement les pilotes portugais ne disposent pas pour le moment de limitation de responsabilité civile, à cause du changement récent des nouvelles lois des ports, « Lei dos Portos ». Ils sont employés par l'administration portuaire, et, bien qu'il n'existe pas de jurisprudence en droit portugais, dans ce domaine, leur responsabilité sera couverte, en théorie, par cette dernière.

    En Norvège, le pilote n'a pas d'autorité reconnue, et aucune responsabilité ne pourrait lui être reconnue vis à vis des tiers.

    Au Pays Bas, le système de responsabilité civile des pilotes est régit par le Dutch Pilot Act («Loodsenwet»), articles 2 et 3, et il n'existe pas non plus de limitation de responsabilité. L'article 3 dispose que « dans l'accomplissement des tâches de pilotage, le pilote autorisé peut être tenu pour responsable des dommages qui ont été causés par un acte intentionnel ou une négligence grave». La faute du pilote, ou la négligence grave du pilote, gross negligence est une notion difficile à évaluer. Elle fut néanmoins retenue dans le cas du navire « Solon » dans un arrêt de la Cour Suprême du 4 février 2000 ( NJ 2000/429 Solon), la cour retenant qu'il est nécessaire de prouver que le pilote a agit avec l'intention de provoquer un dommage, ou avec imprudence et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement.

    Comme l'écrit Jacques Truau, dans les annales de l'IMTM 1989, la volonté du législateur a semble t-elle été guidé par le fait que la mise en application de tel jugement aurait conduit les pilotes à souscrire à des assurances responsabilité civile pour couvrir les effets de leurs actes, très onéreuses conduisant inévitablement une augmentation des redevances de pilotages.

    96 Sec. 21 para 3 German Pilotage Act.

    Il existe en Europe des cas où les pilotes peuvent s'exempter de responsabilités par exemple dans les cas où les capitaines du navire piloté refuse de suivre les instructions du pilote et que, par conséquent, le navire subis des dommages, la responsabilité civile du pilote ne pourra être recherchée.

    Pour conclure, les justifications de la limitation de responsabilité et des exemptions accordées aux pilotes prennent leur source dans le fait que le pilote a un rôle de conseiller du capitaine, et valorisent aussi la position des demandeurs; cette solution semble être la plus réaliste, tenant compte des ressources financières limitées d'un pilote.

    Cette possibilité de limiter sa responsabilité, n'emporte pas reconnaissance de responsabilité, mais ne fait qu'atténuer la portée des préjudices monétaires. Il est donc une fausse idée que de penser que les pilotes ne supportent aucune responsabilité. Les pilotes Européens restent responsable civilement des actes commis intentionnellement ou avec conscience qu'un tel dommage en résulterait, ou en cas de négligence de leur part. On rencontre toujours, soit une exemption de responsabilité soit une limitation, mais cette limite est parfois tellement haute que les pilotes doivent s'assurer, comme en Italie, ou en Espagne.

    II) Les assurances responsabilité civile

    Pour des raisons évidentes, le pilote étant une personne physique à ressources personnelles financières limitées, nous avons vu que la responsabilité des pilotes, à l'échelle européenne, était soit limitée soit ils sont exemptés de responsabilité envers les tiers et l'armateur. Cependant, selon le rapport Rh & H Consult Report de 1995, les limites peuvent être tellement importantes, comme en Espagne ou en Italie, que les pilotes doivent s'assurer.

    En conséquence, lors d'un événement le contact direct entre les pilotes et les assureurs est un événement assez rare.

    En Italie, par exemple, ces dernières années plusieurs incidents engageant la responsabilité des pilotes, les ont conduits à posséder leur propre assurance. Ceux-ci sont assurés par le Lloyds de London, à hauteur de 500 000 euros par évènement dommageable.

    D'autre part, certains pays obligent aujourd'hui leurs pilotes à être assurés civilement pour avoir le droit d'exercer. C'est le cas notamment au Danemark: les fournisseurs de service de pilotage sont enregistrés sur un registre tenu par la « Danish Pilotage Authority » et ils doivent remplir certaines conditions pour y être enregistré en tant que compagnie de pilotage97:

    1) être domicilié dans un pays membre de l'Union Européenne ou de l'Espace Économique Européen ;

    2) avoir souscrit une police d'assurance dommages couvrant civilement les pilotes

    3) ne pas avoir de dette impayée envers l'État (DKK 50.000 ou plus).

    L'autorisation d'exercer du fournisseur de service de pilotage peut être supprimé du registre s'il ne remplit plus les conditions pour être inscrit ou s'il n'a pas respecté ses obligations (notamment concernant la souscription d'assurance).

    Dans certaines juridictions où les pilotes n'ont pas d'immunité reconnue envers leur responsabilité, une assurance responsabilité civile peut être un moyen de protéger le pilote. Et, les pilotes qui ne souscrivent pas aux assurances pourraient se voir exposer potentiellement à de grosses et ruineuses contraintes en cas d'évènements dommageables.

    97 Danish Pilotage act section 24 part 11 subsection 6

    Néanmoins, dans certains pays comme au Portugal, il n'existe pas d'assurance souscrite individuellement par les pilotes. La responsabilité des pilotes est couverte par leur employeur, ceux ci étant considérées comme fonctionnaires de l'État. Au Portugal, la situation actuelle est due à la publication de la nouvelle loi «Lei dos Portos». Les pilotes Portugais n'ont pas de limitation ni d'assurance, c'est l'autorité du port qui couvre leur responsabilité civile.

    En outre, il existe déjà, grâce à l'action des P&I, des assurances de responsabilité couvrant les dommages au tiers, les dommages pour pollution, les frais d'assistance, et les blessures personnelles aux équipages. Or ces assurances ne couvrent pas le pilote, et ne couvrent pas non plus les frais de recours, ou les frais engagés suite à des sanctions disciplinaires qu'il pourrait se voir infliger, ni les pertes de salaires causées par des sanctions, ou par la perte de sa licence, donc de son travail. Il existe donc des assureurs privés qui se sont spécialisés dans le domaine de l'assurance pour responsabilité personnelle du pilote, et pour les accidents du travail des pilotes.

    Par exemple, en Angleterre, pour être membre de l'Association Nationale des Pilotes, la UKMPA oblige à souscrire à une assurance annuelle qui inclue une couverture responsabilité civile et perte de salaire ( voir en annexe 4 les détails de la couverture d'assurance).

    Il existe plusieurs type de police d'assurance des pilotes couvrant civilement98, l'une est fourni par la Royal & Sun alliance en Angleterre, l'un des plus gros assureurs du monde, et est unique sur le marché de l'assurance en Angleterre, car elle couvre les pertes de salaires survenant à la suite d'un incident de pilotage, et tous les couts légaux, qui peuvent survenir le temps de récupérer le licence de pilotage, et la troisième partie de cette police couvre en général les plaintes de tiers.

    Par ailleurs, il peut exister une police de couverture optionnelle, couvrant pour les accidents corporels.

    Le problème de ces assurances est qu'elles augmentent de ce fait les coûts du pilotage, se faisant ressentir sur les armateurs. La meilleure des solutions serait certainement qu'ils supportent ces frais avec les P&I.

    98 Pilot mag N°294

    En France, pour Frédéric Moncany, Président de la fédération française des pilotes maritimes, « les compagnies d'assurance rencontrent des difficultés à évaluer le montant des primes d'assurances, dans une profession ou la sinistrabilité est faible mais les coûts d'un sinistre élevé [...], les assurances proposent donc des primes dont le montant nous parait trop élevées ».

    Cette situation de l'assurance responsabilité pourrait faire prendre à tous les pilotes une assurance onéreuse pour couvrir ces risques et répercuter ces coûts sur les tarifs de pilotage, proposé aux armateurs. Et, pour le moment, comme de coutume dans le domaine maritime, le juriste prenant en compte le danger inhérent au pilotage l'utilisation de la limitation de responsabilité y prend toute sa crédibilité.

    Conclusion

    En conclusion, les pilotes Européens ont très largement des statuts d'agents qui remplissent un service public obligatoire, et contribuent à la protection des intérêts généraux des États.

    Leur exercice s'organise autour de structures corporatives ou associatives, qui ont su parfaitement se moderniser, délaissant certaines anciennes gérances militaires rigides, la réglementation s'adaptant aux nouvelles contraintes imposées par l'augmentation du trafic commercial au cours de ce siècle, laissant d'avantage de liberté aux organisateurs et réalisateurs du service. Les pilotes sont regroupés, soit de manière totalement privée, en société, soit ils travaillent indépendamment, se regroupant en partenariat, soit ils sont fonctionnaires d'États, mais profitent globalement d'un monopole consacré par l'Europe, tenant compte des exigences du secteur maritime, et du fait que profit et concurrence acharnés ne pourraient permettre d'assurer une qualité de service et de sécurité suffisant.

    Pourtant leur activité se trouve toujours sous le contrôle gouvernemental en ce qui concerne la délivrance des brevets, le contrôle des aptitudes, ou la fixation des tarifs.

    Malgré ces différences structurelles, les pilotes maritimes européens ont des objectifs communs: le maintien de la sécurité de la navigation, et la protection environnementale ; et d'après Fréderic Moncany, Président de la Fédération Française des Pilotes Maritimes, « se veulent avant tout les serviteurs de l'État en mer ».

    Cette activité n'est cependant pas sans risque, pouvant engendrer des dommages aux biens, aux personnes, à l'environnement.

    Le Commandant étant la personne en charge du navire, le pilote Européen remplit sa fonction de conseiller du capitaine, et supporte durant cette activité sa propre responsabilité civile en cas de dommage au navire, ou aux tiers. La base des questions de responsabilité du pilote en Europe prend en considération la faute du pilote, ou sa négligence mais la preuve de la faute appartient très largement à la personne qui attribuera les conséquences juridiques du dommage.

    Cependant, les exercices en recours contre les pilotes sont souvent inefficaces, car les pilotes n'ont pas les ressources financières suffisantes pour permettre aux victimes de recouvrer leurs dommages, et leurs conséquences. De ce fait, les poursuites sont le plus souvent intentées contre les

    sociétés qui emploient les pilotes, contre l'État, ou contre l'armateur qui a utilisé les services d'un pilote.

    A l'instar de la possibilité offerte par la Convention LLMC 76, exception du droit maritime, donnant le droit aux responsables d'un fait dommageable de limiter leur responsabilité par la constitution d'un fond de limitation, les pilotes européens peuvent limiter leur responsabilité civile à hauteur d'un montant prédéfini, ou d'une caution abandonnée, sauf en cas de faute prouvée, ou d'un acte commis témérairement.

    Mais dans certains pays, lorsque la limitation de responsabilité est très haute, les pilotes s'assurent. Le problème est que la couverture civile des pilotes coûte cher, et augmente de ce fait les coûts de pilotage.

    Moins d'argent serait certainement dépensé si les P&I, agissant initialement pour le compte des armateurs, pouvaient couvrir et prendre en charge individuellement, la responsabilité civile des pilotes, ou bien si les polices d'assurance maritime étaient modifiées pour prévoir des dispositions particulières à l'erreur de pilotage, ou bien encore, peut être qu'un jour une convention de l'OMI distincte sera t-elle rédigée pour tenter de régler la situation.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo