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Le pilotage maritime dans l'Union Européenne: statuts, organisations et responsabilités civiles des pilotes en 2010

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par Pierre CASTETZ
Université du Havre faculté des affaires internationales - Master 2 droit de la mer et des activités portuaires 2009
  

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Chapitre II) Limitation de responsabilité et assurance

I) La limitation de responsabilité, solution réaliste et justifiée

Le pilote maritime devait initialement réparer l'intégralité du préjudice que sa faute a pu créer. Nous l'avons vu, la responsabilité de l'État, organisateur, ou garant des autorisations d'exercer, est peu retenue pour négligence ou faute de l'un de ses pilotes. Et, considérant les tailles des navires, et la marchandise qu'ils transportent, les montants des réparations sont de plus en plus élevées.

De façon totalement exorbitante par rapport au droit commun, une exception maritime, la convention LLMC 1976, sur la responsabilité civile de l'armateur, introduite en droit français, et ratifiée par la plupart des pays du continent européen, donne la possibilité à l'armateur de limiter le montant de sa responsabilité civile au regard de certaines créances. Cette règle est l'héritière de celle sur l'abandon du navire, et, d'après Pierre Bonassies, elle « est certainement l'institution la plus originale du droit maritime90».

Cette possibilité laissée à l'armateur fut la source d'inspiration de la limitation de responsabilité civile dont profitent aujourd'hui aussi les pilotes maritimes européens. En effet, la responsabilité du pilote étant prouvée, ses fautes établies, ce dernier pourra néanmoins profiter de la possibilité de limiter le montant de sa réparation au civil.

En France, l'arrêt rendu par la cour de cassation91 le 12 juin 1934 condamna un pilote à recouvrer l'intégralité des dommages causés par le navire piloté, créant beaucoup d'agitation au sein de la communauté des pilotes

En France, les mécanismes de responsabilité civile applicables au pilote sont maintenant posés par la loi du 03 janvier 1969, très favorable au pilote. Le cadre réglementaire de 1935 fut mis en place suite à l'échouement du navire Guitton. En effet, le 02 février 1931, la Cour d'appel de Bordeaux92 condamna le pilote à réparer l'intégralité des dommages causés par sa faute, pour avoir communiqué des informations erronées au Capitaine, et dégageant ce dernier totalement de responsabilité.

90 Scapel, p263§ 402 Bonassies

91 Gaz Pal 1934, 2, 402 cf. annexe 5 Bignault Louise Adelaïde

92 Cour d'appel de Bordeaux, 2 février 1931, navire: « Guiton », D.M.F. 1931, 105. La Cour condamne le pilote à réparer l'intégralité des dommages causés par sa faute lourde, et dégage la responsabilité du capitaine.

De ce fait, dès 1935 en France, et dès 1936 en Angleterre, pour des raison objectives, le législateur souhaitant très logiquement permettre aux victimes de recouvrer plus aisément leur créances, le pilote disposant bien évidement de ressources monétaires moindre par rapport à l'armateur du navire piloté, ce dernier peut limiter sa responsabilité. Cette possibilité est reprise aujourd'hui, en droit Français, par la loi du 3 janvier 1969 disposant maintenant que :

« Tout pilote doit fournir un cautionnement 93.

Les modalités de ce cautionnement sont fixées par décret, et sont application par les articles 20 à 23 de la loi :

Art 21 loi du 3 janvier 69 : « Le pilote, par l'abandon de ce cautionnement, peut s'affranchir de la responsabilité civile résultant des articles précédents, sauf dans le cas où la faute par lui, commise constitue une infraction à l'article 79 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande. »

Cette possibilité réaliste et justifiée, est offerte presque partout en Europe à cette profession à risques en raison des préjudices monétaires importants pouvant être entraînés par un pilotage ( pollution, abordage, heurt avec un quai, échouement, destruction de cargaison, atteintes au domaine public maritime, rupture d'amarrage) et dépassant largement les capacités financières d'un pilote, sur la base que l'étendue des dommages causés par erreur est si vaste qu'il serait irréaliste de s'attendre à ce que le pilote puisse en supporter la perte, ou même de faire face au coût de l'assurance.

Cette spécificité est offerte au pilote en analogie avec le régime du propriétaire du navire, qui profitent par ailleurs d'assurances maritimes.

Jacques Bolopion rappelle que parmi les caractéristiques communes à toutes les organisations européennes de pilotage, ces dernières « comportent toujours des aspects de service public et des limitations de responsabilité94 ».

93 art 20 loi du 3 janv. 1969 L 69-8 du 3 janvier 1969 Relative à l'armement et aux ventes maritimes

94 Jacques BOLOPION, op. Cit.

Concrètement, les pilotes européens voient leur responsabilité soit limitée jusqu'à un montant défini, soit devront abandonner un cautionnement, prévu à cet effet. Dans certains cas, le montant est défini pour un dommage ou bien sera calculé au prorata de la jauge du navire.

En Angleterre, la « pilotage act » introduit également la limitation de responsabilité mais sans cautionnement ou exception possible. La responsabilité du pilote pour toute perte ou dommage causé de son fait ou par négligence ne dépassera pas 1,000 £ et le montant de la redevance du navire piloté à l'instant dommageable95.

Aux mêmes fins, afin de ne pas faire supporter de trop lourdes charges sur les pilotes en cas de dommages aux navires, comme dans les autres pays d'Europe, et en vertu de l'article 2 de la loi de 1988, les pilotes belges bénéficient d'une exemption de responsabilité. Ils bénéficient d'une limitation de responsabilité, jusqu'à 20.000 € par évènement dommageable, sauf dans les cas où il y a une faute intentionnelle, ou de cas de négligence grave.

En Espagne, l'article 24 du chapitre 6 de la loi du 1er mars 1996 traite la responsabilité civile du pilote maritime, celle-ci ne pouvant dépasser la somme de deux milles ancien pesetas, soit 12 euros par tonne de GT, ne dépassant pas un maximum 601 012 euros. Le pilote espagnol sera « responsable des ses actes, causés au navire, à son propriétaire, et au tiers, pour inexactitude, faute ou omission, dans les conseils donnés, des caps ou des manoeuvres nautiques nécessaires afin de veiller à la sécurité de la navigation » (traduction). Dans tous les cas si un capitaine qui ne tient pas compte des conseils du pilote, cela n'entrainera pas de responsabilité du pilote.

La pilotage act Norvégienne n'introduit aucune notion de montant de limitation de responsabilité civile.

De manière générale, un dommage créé à la suite d'une activité ouvre droit aux victimes à réparations intégrales pour les dommages subis et cette solution semble tout à fait raisonnable, augmentant de ce fait la position des réclamants, sans se faire opposer l'insolvabilité du pilote.

95 UK pilotage act 1987 part II sec 22

Par ailleurs, dans certains pays comme l'Allemagne, le pilote est exempté de responsabilité sauf dans les cas prouvé d'actes intentionnels, ou de négligence lourde. En Allemagne96, la responsabilité du pilote est limitée à ces deux cas, permettant une exemption du pilote, et là aussi il appartient à l'armateur de prouvé l'absence d'agissement volontaire du pilote. Il n'existe donc pas de montant de limitation en Allemagne, le pilote pourrait donc se trouver confronté à de lourdes réparations monétaires, si l'armateur parvient à prouver une négligence. Dans le cas contraire, l'armateur, et/ou ses commettants doivent supporter les compensations financière envers les tiers.

Aussi ce système est retrouvé au Portugal, ainsi qu'au Pays-Bas, les pilotes étant fonctionnaires d'états. En effet, actuellement les pilotes portugais ne disposent pas pour le moment de limitation de responsabilité civile, à cause du changement récent des nouvelles lois des ports, « Lei dos Portos ». Ils sont employés par l'administration portuaire, et, bien qu'il n'existe pas de jurisprudence en droit portugais, dans ce domaine, leur responsabilité sera couverte, en théorie, par cette dernière.

En Norvège, le pilote n'a pas d'autorité reconnue, et aucune responsabilité ne pourrait lui être reconnue vis à vis des tiers.

Au Pays Bas, le système de responsabilité civile des pilotes est régit par le Dutch Pilot Act («Loodsenwet»), articles 2 et 3, et il n'existe pas non plus de limitation de responsabilité. L'article 3 dispose que « dans l'accomplissement des tâches de pilotage, le pilote autorisé peut être tenu pour responsable des dommages qui ont été causés par un acte intentionnel ou une négligence grave». La faute du pilote, ou la négligence grave du pilote, gross negligence est une notion difficile à évaluer. Elle fut néanmoins retenue dans le cas du navire « Solon » dans un arrêt de la Cour Suprême du 4 février 2000 ( NJ 2000/429 Solon), la cour retenant qu'il est nécessaire de prouver que le pilote a agit avec l'intention de provoquer un dommage, ou avec imprudence et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement.

Comme l'écrit Jacques Truau, dans les annales de l'IMTM 1989, la volonté du législateur a semble t-elle été guidé par le fait que la mise en application de tel jugement aurait conduit les pilotes à souscrire à des assurances responsabilité civile pour couvrir les effets de leurs actes, très onéreuses conduisant inévitablement une augmentation des redevances de pilotages.

96 Sec. 21 para 3 German Pilotage Act.

Il existe en Europe des cas où les pilotes peuvent s'exempter de responsabilités par exemple dans les cas où les capitaines du navire piloté refuse de suivre les instructions du pilote et que, par conséquent, le navire subis des dommages, la responsabilité civile du pilote ne pourra être recherchée.

Pour conclure, les justifications de la limitation de responsabilité et des exemptions accordées aux pilotes prennent leur source dans le fait que le pilote a un rôle de conseiller du capitaine, et valorisent aussi la position des demandeurs; cette solution semble être la plus réaliste, tenant compte des ressources financières limitées d'un pilote.

Cette possibilité de limiter sa responsabilité, n'emporte pas reconnaissance de responsabilité, mais ne fait qu'atténuer la portée des préjudices monétaires. Il est donc une fausse idée que de penser que les pilotes ne supportent aucune responsabilité. Les pilotes Européens restent responsable civilement des actes commis intentionnellement ou avec conscience qu'un tel dommage en résulterait, ou en cas de négligence de leur part. On rencontre toujours, soit une exemption de responsabilité soit une limitation, mais cette limite est parfois tellement haute que les pilotes doivent s'assurer, comme en Italie, ou en Espagne.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand