Le pilotage maritime dans l'Union Européenne
Présentation générale des structures
associatives de pilote maritime en Europe 4
English summary 6
Introduction 10
Partie I : Activité reconnue obligatoire
à statuts professionnels différents 14
Chapitre I) Mission d'intérêt
général reconnue et consacrée par l'obligation de pilotage
14
I) La qualification de service public
14
A) En France
i) Définition du pilotage maritime en droit
Français
ii) Une activité qualifiée de service public de
pilotage
B) Une activité reconnue d'intérêt
général en Europe
II) Obligation de pilotage consacrée par la
Commission Européenne 18
A) Obligation de pilotage en France
B) Obligation de pilotage en Europe
Chapitre II) Des organisations professionnelles
différentes face à des impératifs identiques 21
I) Un statut de monopole voué à la
sécurité 21
A) Le monopole intracommunautaire
i) Le monopole du pilotage Français
ii) Le monopole en Europe : applications des principes
communautaires
B) La position des pays non Européens
II) Organisations professionnelles différentes
27
A) L'organisation juridique de la station de pilotage en
France
i) La collectivité des pilotes et la station de
pilotage
ii) Le syndicat des pilotes
B) Les statuts des pilotes en Europe
1) Analyse de l'organisation professionnelle du pilote
2) Statuts dans les principaux pays Européens
i) Modèles privés de type corporatif
ii) Modèles publics à gestion directe de l'Etat
iii) Les systèmes mixtes
C) Recrutement
Partie II: La responsabilité civile du pilote
et des organisations de pilotage 52
Chapitre I) Responsabilité civile liée
à son rôle et à sa qualification 52
I) La qualification du pilotage 52
A) Le pilote européen, conseiller du capitaine ?
B) L'absence de convention internationale sur la
responsabilité civile
II) Les responsabilités civiles
résultant de l'organisation du pilotage 59
A) Cas de responsabilité de l'autorité
compétente organisatrice du service
i) Les problèmes émanant d'un contrat de travail
conclu avec une autorité compétente
ii) Les pilotes, des professionnels à
l'indépendance juridique reconnue
iii) La responsabilité de l'État
B) Autres types de responsabilité
Chapitre II) Limitation de responsabilité et
assurance 76
I) La limitation de responsabilité, solution
réaliste et justifiée 76
II) Les assurances responsabilité civile 81
Conclusion 84
INTRODUCTION
En droit maritime français, le capitaine du navire,
garant de l'expédition nautique, est tenu, sauf en cas
d'impossibilité manifeste, de conduire personnellement son navire
à l'entrée et à la sortie des ports, des canaux ou des
rivières3. Pour autant, aucun capitaine de navire ne pourrait
prétendre connaître tous les dangers d'une zone de navigation, les
courants, les feux, les us et coutumes portuaires, et les
spécificités locales du port dans lequel son navire
évoluera. Il s'appuie sur les conseils avertis du pilote maritime, sans
que pour autant sa présence ne le dispense des obligations de
commandement et de conduite du navire.
Le statut actuel du pilote maritime s'est édifié
sur une histoire maritime très ancienne en se construisant autour du
développement des échanges de marchandises dans le bassin
méditerranéen. Le terme « pilote » est apparu
très tôt, dès le VIème siècle av. J.-C. dans
le livre D'Ezekiel4 où le terme de « pilote guide »
du navire est utilisé à plusieurs reprises. Des traces
d'existence de l'ancêtre du pilote maritime existent aussi dans les
écrits d'Homère et de Virgile : en parlant de « Thestor le
pilote » Homère a écrit dans le premier livre de
Iliade5 : « celui qui a guidé les navires de Achaens
à Llion ».
Assurément, l'incontestable ancêtre du pilote
maritime se trouve dans « Le périple de la mer
Érythrée6 » daté de la première
moitié du premier siècle après J-C. En effet, ce
récit maritime grec décrivant la navigation et les
opportunités commerciales depuis les ports romano-égyptiens, le
long de la côte de la mer Érythrée (actuelle mer Rouge),
ainsi que le long de l'Afrique orientale et de l'Inde, pourrait effectivement
être l'ancêtre des instructions nautiques actuelles, qui sont nos
actuels recueils d'informations spécialisés sur les ports et
leurs approches. Bien que les auteurs de ce périple soient inconnus, on
ne peut douter un seul instant que ces marins connaissaient parfaitement les
courants et les dangers des sites qu'ils fréquentaient, en d'autres
termes, ils sont aux origines du pilote maritime contemporain.
3 Loi N°69-8 du 03/01/1969 relative à
l'armement des navires
4 Le terme pilote apparaît au chapitre 27 du
livre d' Ézéchiel, livre du Tanakh et de l'Ancien Testament
écrit par le prophète Ézéchiel parmi les
exilés de Babylonie
5 Iliade et l'Odyssée -VIe siècle av.
J.-C
6 Le Périple de la mer Érythrée,
nom latin Periplus Maris Erythraei est une expédition maritime,
rédigée en grec et décrivant la navigation et les
opportunités commerciales rencontrées depuis les ports
romano-égyptiens, le long de la côte de la mer Rouge, alors
appelée mer Érythrée, et d'autres le long de l'Afrique
orientale et de l'Inde.
Ensuite, les Arabes furent sans aucun doute les plus actifs
dans le domaine du pilotage. En 1275, le premier voyage de Marco Polo en Orient
a été réalisé grâce à l'aide des
pilotes Arabes. Deux siècles plus tard, Vasco De Gama au Portugal
employa des pilotes Arabes lors de son voyage du cap de Bonne-Espérance
à Calicut (Inde): « Lorsque Vasco de Gama7 eut atteint
Malindi sur la côte orientale d'Afrique en 1498, il put s'y procurer un
pilote, qui le conduisit directement à Calicut ». Le fait est
brièvement rapporté dans le journal de bord rédigé
par un des marins de l'expédition, et certains récits donnent
même le nom du pilote, y ajoutant la nécessité de recourir
à leur expertise.
Plus tard, dans les années 1600, il est fréquent
de lire dans les manuels d'histoire que la défaite de l'invincible
Armada Espagnole aurait été causée par
l'impossibilité d'embarquer les pilotes au large de Dunkerque.
Pendant des siècles, l'individu qui a dirigé un
navire dans l'océan, l'amenant d'un port à un autre, a
porté la double casquette du capitaine et de pilote du navire.
A la suite de l'insuffisante familiarité des capitaines
avec certaines régions qu'ils devaient fréquenter pour le
commerce, avec l'ouverture des marchés et des transports internationaux,
il a été reconnu que le pilotage exigeait la connaissance locale
de pilotes rattachés à une zone maritime connue d'eux.
Selon Jean-Pierre Vieuxbled, « le petit cabotage,
organisé dés le bas Moyen-âge sur l'ensemble des
côtes européennes, conduit peu à peu à une bonne
connaissance des rivages. Les manoeuvres répétées, les
multiples voyages permettent d'identifier rapidement les dangers ainsi que les
marques nécessaires pour les éviter8 ».
Des distinctions claires sont ensuite perçues entre les
pilotes des voyages, devenus aujourd'hui pilotes hauturiers, et le pilote
portuaire, connus comme le « loci manens », l'homme du
lieu.
Selon A.Marcantetti9, les premières traces
de présence de pilotes maritimes en Angleterre remontent au XVème
siècle en Écosse et en Angleterre : « c'est autour de guilde
de marin, à vocation semi-religieuse dans un but de protection mutuelle
que l'embryon du pilotage se mit en place dans le Royaume ».
7 Le pilote arabe de Vasco de Gama et les instructions
nautiques des arabes au XVe siècle Gabriel Ferrand, Annales de
Géographie, Année 1922 Volume 31 Numéro 172, p 289-307
8 Jean-Pierre Vieuxbled, «Les aides à la
navigation» 2004 D.E.S.S. Droit maritime et des transports
Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix - Marseille
III
9 Antoine Marcantetti, thèse sur le pilotage
maritime en Europe, page 370
Dans le nord de l'Europe, les Hollandais sont
considérés comme les premiers meneurs dans le
développement du pilotage. En 1633, la Compagnie des Indes
Néerlandaises déploya ses propres pilotes à Balasore,
à environ 60 miles de l'entrée de la rivière Hugli. A
cette époque, le pilote était, soit un membre de
l'équipage, soit déjà un employé d'une station de
pilotage à terre. Leurs tâches ne se limitaient pas uniquement
à piloter des navires, mais souvent, ils étaient éditeurs
de cartes marines et compilateurs de données de navigation.
En Europe, depuis le début du 17ème
siècle, le pilotage est maintenant réglementé dans tous
les pays par des lois nationales, communément appelées Pilotage
Act, et par les règlements sur l'organisation des ports, fixant ainsi
les statuts professionnels des pilotes dans chaque pays. En France, les
fondements de la réglementation française du pilotage furent
adoptés en 1554 sous Henri III, en prévoyant le contrôle de
cette activité sous la tutelle de l'Amirauté. Plus tard,
l'Ordonnance de Colbert de 1681 a défini les grands principes du droit
du pilote et du capitaine de navire. Ces grands principes sont aujourd'hui
repris par les textes de lois régissant le pilotage français.
Des nos jours, cette profession est peu connue du grand public
mais se trouve pourtant au coeur des échanges commerciaux maritimes.
Afin de préserver l'environnement et de garantir la
sécurité de la navigation et la sauvegarde de la vie humaines en
mer, le pilotage maritime est réglementé dans tous les pays
d'Europe ayant une façade maritime. Le pilote maritime, malgré
des statuts professionnels différents est devenu obligatoire,
étant basé presque partout sur le principe de l'obligation et du
monopole des stations. Compte tenu des risques inhérents à
l'activité, le pilotage peut entraîner à la fois
d'importants recours en responsabilité civile du pilote ou bien des
services organisateurs.
Ce bref rappel historique montre la diversité des
systèmes de pilotage et leur inscription dans des traditions
différentes, il n'y a donc pas de statut professionnel unifié du
pilote même si, sous l'influence de la réglementation
internationale ces disparités ont tendance à s'estomper en ce qui
concerne la qualification juridique de conseiller de ce dernier. Il est
cependant difficile de cerner de manière univoque le statut du pilote,
ce qui renforce la méconnaissance relative dont il est l'objet
auprès du grand public.
Dans une première partie essentiellement descriptive
nous rappellerons les différentes traditions d'organisation du pilotage
entre privé et public, associatif et corporatif, chacun apportant sa
spécificité dans un cadre d'intérêt
général voué à la sécurité.
Dans notre seconde partie, nous verrons comment le statut
juridique du pilote est perçu en Europe, et comment les problèmes
de responsabilité contraignent les organisations de pilotage à de
nécessaires évolutions dont il n'est pas facile aujourd'hui
d'anticiper les conséquences tant les difficultés qui surgissent
font intervenir des causalités complexes.
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