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Du droit de résistance aux abus de pouvoir: une lecture du "second traité du gouvernement civil" de John Locke

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par Victor SETIBO BATUZOLELE
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachalauréat en philosophie 2002
  

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1.3. Le pouvoir et les lois

Comme a pu le constater Simone Goyard-Fabre, << si donc il est vrai, ainsi que l'a magistralement exposé R. Polin19, que la politique de Locke est une << politique morale », on ne saurait non plus en soustraire la dimension juridique20 ». Et c'est de cette dimension juridique qu'il est question dans cette section.

La conception que John Locke a de la dimension juridique est assez complexe parce qu'elle est née de l'interférence de plusieurs manières de penser le concept de droit et, corrélativement, de comprendre l'office de la juridiction21. Ainsi peut-on établir des liens ou des rapports existant entre la pensée de Locke sur cette question et le modèle biblique. Il apparaît que la symbolique que l'histoire et la tradition ont attachée à la personne des rois est l'index d'une carence juridictionnelle22 de la condition naturelle des hommes ou de l'état de nature. Dans la tradition historique comme la politique, il appartient donc exclusivement au magistrat d'exercer, dans la Res publica, le pouvoir de contrainte et le droit de punir. Tout en acceptant la nécessité de mettre en place un pouvoir qui garantisse l'ordre public, Locke n'approuve pas du tout la manière dont Hobbes s'y prend quand il propose un pouvoir souverain qui loge l'absolu et l'arbitraire dans l'essence même de l'autorité civile. << Si donc la symbolique du pouvoir juridictionnel véhiculée par la tradition et haussée au niveau du philosophème est belle et majestueuse, Locke, en la recueillant, s'applique à la vider de ses dangers potentiels23 ».

S'il faut dire ce que Locke entend par pouvoir politique, on retiendra que pour lui, << le pouvoir politique est ce pouvoir qu'a chaque homme dans l'état de nature, qu'on a réuni entre les mains d'une société, et que cette société a remis à des conducteurs qui ont été choisis, avec cette assurance et cette condition, soit expresse ou tacite, que ce pouvoir sera employé pour le bien du corps politique, et pour la conservation de ce qui appartient en propre à ses membres24 ».

Comme il a été dit, seul un accord volontaire des individus propriétaires, accord qui a pour fin la garantie de la propriété, peut instituer la société politique ou civile. Le pacte social,

19 Raymond POLIN, La politique morale de John LOCKE, PUF, Paris 1960.

20 Simone GOYARD-FABRE, « Pouvoir juridictionnel et gouvernement civil dans la philosophie politique de Locke », in Revue Internationale de Philosophie, n°165, 2/1988, p. 193.

21 Idem, p. 193.

22 Ibid., p.199.

23 Ibid., p. 200.

24 Second Traité, § 171, pp. 271-272.

on le voit, est un contrat entre propriétaires. << Le pacte d'association est une figure transitoire de conservation de propriété et qui a pour fin l'instauration du pouvoir des propriétaires.

La société politique constituée par un accord des individus est régie par des lois établies par le pouvoir législatif constitué des représentants choisis par le peuple. << La société acquiert le droit de souveraineté ; et certaines lois sont établies et certains hommes sont autorisés par la communauté pour les faire exécuter. Ainsi, << ceux qui composent un seul et même corps, qui ont des lois communes établies et des juges auxquels ils peuvent appeler, et qui ont l'autorité de terminer les disputes et les procès, qui peuvent être parmi eux et de punir ceux qui font tort aux autres et commettent quelque crime ; ceux-là sont en société civile les uns avec les autres ; mais ceux qui ne peuvent appeler de même à aucun tribunal sur la terre, ni à aucune loi positive, sont toujours dans l'état de nature25 ». Ayant parlé de la société régie par des lois, cette société peut être considérée comme étant une association des propriétaires qui souhaitent se donner des moyens plus efficaces, un juge, un souverain, des lois pour régler les différends.

John Locke met un accent particulier sur les institutions qui doivent diriger la société civile, et il établit un rapport entre elles et les lois de la société. C'est à elles d'élaborer les lois et de veiller à leur respect. Elles ont le pouvoir de juger et de sanctionner. C'est ainsi que John Locke prévoit trois pouvoirs dans un gouvernement26 :

Le pouvoir législatif élabore des lois pour le bien public. Il règle comment les forces de la nation peuvent être employées pour la conservation de la communauté et des ses membres. Le pouvoir exécutif protège les lois ainsi établies et les fait exécuter dans toute leur force. Le pouvoir fédératif, quant à lui, gère les relations d'amitié et d'inimitié avec les autres Etats. Il s'établit ainsi un lien interne, une dialectique, même une complémentarité entre les trois pouvoirs. Le premier, ne siégeant pas en permanence, reste au niveau de l'élaboration des lois et l'organisation de la société ; tandis que le deuxième et le troisième exécutent et protègent ces lois ; l'un à l'intérieur de l'Etat, l'autre au niveau externe des relations entre les Etats.

Pour Locke, il est préférable que les deux derniers pouvoirs soient remis entre les mains d'une seule personne ou d'un même groupe, car lorsqu'ils se trouvent entre les mains des personnes distinctes agissant indépendamment, les malheurs peuvent en suivre, les forces du corps politique de l'Etat étant sous de différents commandements.

25 Second Traité, § 87, pp. 206-207.

26 Ibid., §§. 143-145, pp. 250-252.

Un accent particulier est à mettre sur l'insistance qu'émet John Locke concernant la stabilité des lois et la référence à un juge commun. Il mentionne aussi explicitement, et avec insistance, que « personne dans la société ne peut être exempt d'en observer les lois27 ». C'est sans doute pour éviter l'anarchie et l'arbitraire.

Pour qu'un corps politique continue d'être tel, il convient qu'il se meuve du côté où le pousse et l'entraîne la plus grande force, qui est le consentement du plus grand nombre. Et chacun est donc obligé de se conformer à ce que le plus grand nombre conclut et résout. Cela suppose également que ce soit des décisions raisonnables, concourant au bien de tous.

Quoi que la loi puisse avoir ses exigences et ses contraintes, elle n'entame pas la liberté des citoyens à proprement parler. Bien au contraire, les citoyens sont libres d'autant plus qu'ils se réfèrent à la loi et tiennent à la respecter. Les lois positives d'un gouvernement établi ont sans doute été élaborées par des hommes raisonnables. Et les citoyens sont appelés à parvenir à un certain degré de raison, pour être capables de connaître les lois et d'en observer les règles. Ce n'est qu'à ce prix qu'ils peuvent être considérés comme étant des personnes libres28.

A ce niveau, il convient de souligner que nous naissons libres. Et John Locke trouve que « la liberté d'un homme, à l'âge de discrétion, et la sujétion où est un enfant, pendant un certain temps, à l'égard de son Père et de sa Mère, s'accordent si bien, et sont si peu incompatibles29. Encore une fois, comprenons que la liberté est pleinement vécue dans la mesure où l'on est soumis à une loi, à des règles de la société dans laquelle on vit.

Les lois sont donc importantes dans la vie d'une société et pour la consolidation de celle-ci. Elles ordonnent et harmonisent la vie en société. Elles la rendent plus agréable. Voilà pourquoi, on peut se réjouir d'avoir quitté l'état de nature. Il fait beau vivre dans une société où il y a des lois claires et un pouvoir qui les font exécuter et respecter. Et pour mieux vivre selon l'esprit des lois, il importe de ne pas les considérer comme venant de l`extérieur et s'imposant à nous sans notre consentement. Si c'est le cas, elles seront un véritable poids, difficile à porter. Quand bien même elles semblent nous venir de l'extérieur, si elles sont élaborées selon l'esprit de la loi de nature, selon la raison humaine, les lois relèvent d'une certaine intériorité. C'est en tant qu'oeuvre de la raison que les lois peuvent être acceptées comme nécessaires pour la vie en société et donc pour le bien de tous. Il conviendrait alors de

27 Second Traité, § 94, pp. 212-214.

28 Ibid., § 60, pp. 186-187.

29 Ibid., § 61, pp. 187-188.

les intérioriser, de les porter en soi comme des normes nécessaires, du moment où l'on adhère à une société politique.

Sans aucun doute, la problématique de l'institution du Commonwealth30 inscrit John Locke dans la lignée des penseurs politiques qui, des Monarchomaques à Rousseau ou à Kant et à Fichte, en passant par Hobbes et Pufendorf, défendent l'idée de contrat social. Son originalité tient moins à sa conception du consentement au pouvoir qu'au caractère de juridicité essentielle qu'il prête à la société civile31. Tout en perfectionnant et en prolongeant la société naturelle, la société civile lui confère cette qualité qu'est la dimension juridique. Le fondement juridique de l'état civil permet ainsi à Locke, même s'il n'emploie pas encore l'expression, d'assimiler l'état politique à un état de droit : il appartient en effet exclusivement à la société civile, afin qu'elle accomplisse sa finalité propre et respecte ainsi la prescription de la loi de nature, d'assurer un office législateur et « sanctionnateur32 ». Ainsi, pouvons-nous dire, qu'il n'y a pas de vie politique possible en l'absence de l'instance positive arbitrale d'un tribunal.

Pour des raisons d'efficience pratique que l'empirisme pragmatique de Locke ne perd jamais de vue, il importe que l'exigence juridictionnelle s'institutionnalise. C'est pourquoi Locke évoque l'aménagement institutionnel des Républiques et nomme les « trois pouvoirs » de l'Etat33.

Un statut remarquable est assigné au « pouvoir législatif ». Cependant, Locke ne fait pas de ce pouvoir, à l'instar de Bodin ou de Hobbes, le pouvoir de donner et de casser la loi en quoi réside, selon ces auteurs, l'essence de la République34. C'est sans doute parce qu'il s'est toujours dressé contre l'arbitraire et l'absolutisme en quoi il voit, à l'image de ce qui se passe dans l'Angleterre de son temps, le creuset de la tyrannie, il établit un noeud serré entre pouvoir législatif et pouvoir juridictionnel. Par sa dimension principielle et grâce au contrôle qu'il est habilité à exercer sur toutes les fonctions de l'Etat, le pouvoir juridictionnel arrête les tentations du pouvoir arbitraire et absolu.

Il importe ici de retenir qu'il n'y a pas de vie politique possible en l'absence des lois et d'un pouvoir qui, tout en étant lui-même soumis à celles-ci, assurent leur respect en sauvegardant la liberté, la propriété et la paix en face des menaces de la tyrannie.

30 Ce mot est parfois traduit par République, Res publica ( Cfr. Second Traité, § 133, pp. 241-243. ). 31Second traité, §127, p. 238.

32 Ibid., § 88, pp. 207-208.

33 Ibid., §§143-145, pp. 250-252.

34 Simone GOYARD-FABRE, « Pouvoir juridictionnel et gouvernement Civil dans la philosophie politique de Locke, in Revue Internationale de Philosophie ( n°165, 2/1988 ), p. 206.

Les lois positives ne sont légitimes que dans la mesure où elles s'accordent avec la loi de nature et visent à l'exprimer de façon explicite et, par conséquent, indiscutable. John Locke insiste beaucoup sur la présence d'un juge impartial.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo