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Du droit de résistance aux abus de pouvoir: une lecture du "second traité du gouvernement civil" de John Locke

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par Victor SETIBO BATUZOLELE
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachalauréat en philosophie 2002
  

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2.3. Le pouvoir absolu arbitraire

2.3.1. Les différentes formes de l'arbitraire

Malgré toutes les limites du pouvoir pour éviter l'absolutisme et l'arbitraire, le risque d'en arriver à ce qui est redouté demeure. En effet, Il peut arriver que des hommes au pouvoir agissent contrairement à ce que leur demande leur nature rationnelle ; et cela malgré toutes les limites du pouvoir. En d'autres termes, là où il y a des hommes la tyrannie, l'arbitraire ou l'absolu sont toujours possibles malgré les lois mises en place.

Pour considérer les déviations communément appelées abus de pouvoir, John Locke montre combien ils se manifestent dans un Etat sous diverses formes.

Ainsi, la « tyrannie est l'usage d'un pouvoir dont on est revêtu, mais qu'on exerce, non pour le bien et l'avantage de ceux qui y sont soumis, mais pour son avantage propre et particulier, et celui-là poursuit Locke, quelque titre qu'on lui donne, et quelques belles raisons qu'on allègue, est véritablement tyran, qui propose, non des lois, mais sa volonté pour règle, et dont les ordres et les actions ne tendent pas à conserver ce qui appartient en propre à ceux qui sont sous sa domination, mais à satisfaire son ambition particulière, sa vengeance, son avarice, ou quelque autre passion déréglée48 ».

D'où, peut s'établir une différence nette entre un roi juste et un tyran. Cette différence

John Locke la donne quand il fait intervenir le Roi Jacques Ier dans son discours au Parlement en 1603. Il parle en ces termes :

« Je préférerais toujours, en faisant de bonnes lois et des constitutions utiles, le bien
public et l'avantage de tout l'Etat, à mes avantages propres et intérêts particuliers ;
persuadé que je ne suis que l'avantage et le bien de l'Etat est mon plus grand avantage

46 Ibid., §. 141, pp. 250.

47 Philippe RAYMOND et Stéphane RIALS, « LOCKE John », in Dictionnaire de philosophie politique, Paris, PUF, 1996, p. 355.

48 Second Traité, § 199, p. 290.

et ma félicité temporelle, et que c'est en ce point qu'un Roi légitime diffère entièrement d'un tyran. En effet, il est certain que le principal et le plus grand point de différence qu'il y a entre un Roi juste, et un tyran et un usurpateur, consiste en ce qu'au lieu qu'un tyran, superbe ambitieux s'imagine que son royaume et son peuple sont uniquement faits pour satisfaire ses désirs et ses appétits déréglés, un Roi juste et équitable se regarde, au contraire, comme établi pour faire en sorte que son peuple jouisse tranquillement de ses biens, et de ce qui lui appartient en propre49 >>.

Le même Roi, dans le discours qu'il prononcera en 1609, s'exprimera de la manière qui suit :

<< Le Roi s'oblige lui-même, par un double serment, à observer les lois fondamentales de son royaume : l'un est serment tacite, qu'il fait en qualité de Roi, et par la nature de sa dignité, qui l'engage, et bien étroitement, protéger et son peuple et les lois du royaume, l'autre est un serment exprès qu'il prête, le jour de son couronnement. De sorte que tout Roi juste, dans un royaume fondé, est obligé d'observer la paction (Le pacte ou la convention ) que Dieu fit avec Noé après le déluge. Désormais, le temps de semer et le temps de moissonner, le froid et le chaud, l'été et l'hiver, le jour et la nuit, ne cesseront point, pendant que la terre demeurera. Un Roi donc qui tient les rênes du gouvernement dans un royaume formé, cesse d'être Roi, et devient tyran dès qu'il cesse, dans son gouvernement, d'agir conformément aux lois50 >>.

Dans le même discours, Jacques Ier ajoute :

<< Ainsi, tous les Rois qui ne sont pas tyrans ou parjures, seront bien aises de se contenir dans les limites de leurs lois ; et ceux qui leur persuadent le contraire, sont des vipères et une peste fatale, tant au regard des Rois eux-mêmes, qu'au regard de l'Etat 51>>.

En lisant ce discours, nous avons pu ressortir la différence que le Roi Jacques Ier fait entre un Roi juste et un tyran. Quoi qu'il en soit, il faut entendre par abus de pouvoir le fait que les gouvernants ne fassent pas comme il se doit leur travail ou abandonnent carrément le travail pour lequel ils ont été élus par la population.

Pour décrire les fonctions de l'Etat, Locke recourt à la notion anglaise de trust, qui signifie chez lui que le lien entre le peuple et les pouvoirs publics n'est pas un contrat, mais une mission de confiance ou une charge que le peuple confie à ceux qui le représentent. Le pouvoir politique, fondé sur un trust reste soumis à l'obligation de réaliser des fins qu'il ne détermine pas lui-même, mais, dans la mesure où le peuple le délègue aux gouvernants, ces derniers ne sont pas de simples exécutants de la volonté populaire. Et les abus commence quand le peuple n'a plus le contrôle du pouvoir et que le pouvoir abuse de la confiance du

49 Second Traité, §. 200, pp.290-291.

50 Idem.

51 Idem.

peuple. C'est bien là le début de l'arbitraire, quand la référence aux lois fait défaut du côté de l'autorité.

Le mot arbitraire, pris souvent dans un sens péjoratif, désigne toute décision ou volonté apparaissant comme capricieuse et non fondée en raison. Il qualifie ce qui dépend d'une décision purement individuelle et implique l'intervention d'un << bon plaisir » et non d'une raison universellement valable. Cet arbitraire peut se manifester quand il s'agit d'une tyrannie ou d'un pouvoir despotique. A entendre par pouvoir despotique, tout pouvoir absolu et arbitraire qu'un homme a sur un autre de lui ôter la vie quand bon lui semble. Ce pouvoir n'est pas un don de la nature, car elle n'a pas établi cette discrimination entre les hommes ; son attribution n'est pas l'effet d'un contrat, car l'homme ne saurait donner à autrui ce pouvoir arbitraire sur sa propre vie, ne l'ayant pas lui-même, il résulte exclusivement de la déchéance du droit de vivre qui frappe l'agresseur quand celui-ci entre en guerre contre quelqu'un d'autre52.

Le pouvoir despotique est à distinguer de la tyrannie chez Locke. Ce n'est pas un pouvoir naturel. Car, celui-ci prône l'égalité entre les hommes. Les circonstances qui peuvent normalement conduire à l'instauration d'un pouvoir despotique sont celles de la guerre. En effet, pour Locke, si un homme se met en état de guerre et s'il est vaincu, il n'a pas droit à la vie. Il doit être considéré comme une bête parce qu'il agit contre la loi naturelle. Ainsi sur cet homme, on doit exercer un pouvoir despotique qui est, en réalité, un état de guerre continué. Un pouvoir despotique n'est pas un pouvoir de convention, c'est-à-dire un pouvoir qui fait l'unanimité du peuple par le fait du consentement donné. Toutefois, il cesse d'être lorsqu'il y a accord exprès entre le prisonnier de la guerre et le vainqueur. Car, l'accord devient une sorte de consentement donné, ayant pour but la connaissance d'une autorité dès lors choisie implicitement.

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