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La construction identitaire d'une ONG par la communication: le cas de Médecins sans Frontières

( Télécharger le fichier original )
par Jessica Ellouk
Université de Montréal - Maitrise es sciences de la communication, option organisationnelle 2011
  

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UNIVERSITE DE MONTREAL

La construction identitaire d'une ONG par la communication:
Le cas de Médecins Sans Frontières

Par Jessica Ellouk

Département de communication
Faculté des arts et des sciences

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures
en vue de l'obtention du grade de Maitre ès Sciences
en Sciences de la communication (M. Sc.)
option Communication organisationnelle

Février 2011
(c) Jessica Ellouk, 2011

UNIVERSITE DE MONTREAL
Faculté des études supérieures et postdoctorales

Ce mémoire intitulé:
La construction identitaire d'une ONG par la communication:
Le cas de Médecins Sans Frontières

présenté par: Jessica Ellouk

a été évalué par un jury composé des personnes suivantes:

Lorna Heaton Président-rapporteur

Francois Cooren Directeur de recherche

Boris H. J. M. Brummans Co-directeur de recherche

Carole Groleau Membre du jury

RÉSUMÉ

L'objet de ce mémoire est de s'interroger sur la co-construction et la négociation de l'identité organisationnelle par la parole dans les interactions quotidiennes. Cette étude a été menée sur une organisation du monde de l'humanitaire, Médecins Sans Frontières (MSF) et plus précisément sur une mission réalisée dans la région du Nord- Kivu en République Démocratique du Congo. Les données ont été collectées en employant la méthode du video shadowing, encore appelée vidéo filature, une approche consistant à suivre et filmer des acteurs dans leurs interactions du quotidien, et particulièrement, dans notre cas, le chef de mission. La méthodologie utilisée pour analyser les enregistrements vidéo a, par la suite, été inspirée de l'analyse de conversation et de l'ethnométhodologie. Les concepts phares sur lesquels se base cette recherche sont la <<ventriloquieÈ et la <<présentification È, deux concepts en communication organisationnelle développés par François Cooren de l'École de Montréal. Plus précisément, nous nous sommes attachés à montrer comment les acteurs de MSF cultivent l'identité et l'image de leur organisation à travers des <<conversations identitaires È. Nous avons ainsi pu observer et analyser comment les acteurs de l'organisation agissent par le biais de la parole pour construire et établir l'identité de leur organisation, et à travers cela, leur propre identité.

Mots clefs : construction sociale, identité, image, identité organisationnelle, ventriloquie, présentification, Ecole de Montréal en communication organisationnelle, vidéo shadowing, parole, conversations identitaires, interactions, Médecins Sans Frontières (MSF)

iv

ABSTRACT

The purpose of this thesis is to examine the co-construction and the negotiation of organizational identity through speech in everyday interactions. This study focused on a humanitarian organization, Médecins Sans Frontières (MSF), and more specifically on a mission carried out in the North-Kivu in the Democratic Republic of Congo. Data were collected by using shadowing, that is, by filming MSF actors in their daily interactions, particularly in our case, a head of mission. These data were analyzed, in turn, by using conversation analysis. The methodology used to analyze the video recordings was inspired by conversation analysis and ethnomethodology. The key concepts of this research are <<ventriloquism>> and <<presentification >>, both developed by Francois Cooren of the Montreal School of Organizational Communication. Specifically, our analyses show how MSF actors cultivate the identity and image of their organization through <<identity conversations >>. In other words, it is through these conversations that MSF actors construct and establish the identity of their organization, as well as their own identity.

Keywords : social construction, identity, image, organizational identity, ventriloquism, presentification, Montreal School of Organizational Communication, shadowing, speech, identity conversations, interactions, Doctors Whitout Borders (MSF)

TABLE DES MATIERES

Résumé iii

Abstract iv

Table des matières v

Liste des figures vii

Liste des abréviations vii

Dédicace viii

Remerciements ix

Chapitre 1 : INTRODUCTION GENERALE 1

Chapitre 2: REVUE DE LITTERATURE SUR LA QUESTION DE

L'IDENTITE ORGANISATIONNELLE 6

2.1 L'identité organisationnelle en question 6

2.1.1 Des multiples définitions de l'identité organisationnelle 6

2.1.2 Des multiples définitions de l'image organisationnelle 10

2.1.3 Vision interne vs vision externe du rTMle de la communication dans

la production de l'identité et de l'image organisationnelle 13
2.1.4 Relations entre image et identité au niveau organisationnel :

La rencontre de l'interne et de l'externe 15

2.2 Les éléments qui participent à la construction de l'identité organisationnelle 17 2.2.1 Une construction discursive:

Un discours, une narration, des acteurs, une performance 17

2.2.2 La notion de temps et les dynamiques de processus 20

2.3 Discussion critique de la littérature

& problématique 22

Chapitre 3: CADRE THEORIQUE 27

3.1 L'Ecole de Montréal 29

3.2 Le concept de ventriloquie 33

3.3 La présentification 35

Chapitre 4: PRÉSENTATION DU CAS & METHODOLOGIE 39

4.1 Présentation du cas Ð Médecins Sans Frontières 40

4.1.1 Retour sur son histoire 40

4.1.2 Une organisation 42

4.1.3 MSF au Nord-Kivu (RDC) 43

4.2 Méthodologie 45

4.2.1 Collecte des données 46

4.2.2 Choix des séquences 48

4.2.3 Traitement des données 52

4.2.3.1 Transcription des enregistrements 52

4.2.3.2 Analyse des interactions 53

Chapitre 5: ANALYSE DES DONNÉES 56

5.1 Contexte général des séquences sélectionnées 57

5.2 Analyse Séquence A:

Réunion d'information MSF à l'hôpital de Mumba (cf. Annexe 1) 57

5.2.1 Description du contexte 57

5.2.2 Analyse de la séquence 57

5.3 Analyse Séquence B:

Rencontre des membres de la coordination MSF au Nord -Kivu avec

deux officiers de la MONUC (cf. Annexe 2) 97
5.4 Analyse Séquence C:

Réunion entre Max et des représentants du Ministère de la Santé congolais

(cf. Annexe 3) 100

5.4.1 Description du contexte 100

5.4.2 Analyse de la séquence 100

5.5 Analyse Séquence D:

Conversation entre Max et Eric (cf. Annexe 4) 117

5.5.1 Description du contexte 118

5.5.2 Analyse de la séquence 120

Chapitre 6: RÉSULTATS DES ANALYSES & DISCUSSION 129

6.1 Résultats des analyses 129

6.1.1 Une identification par la négation et la différenciation 129

6.1.2 Une construction dans la répétition 133

6.1.3 Un discours qui mobilise pour affirmer l'originalité de son être 136

6.1.4 Le rapport entre soi et l'autre & la question de la co-construction 141

6.1.5 Une identité qui agit ou l'utilisation performative de l'identité

organisationnelle 151

6.2 Discussion 156

Chapitre 7: CONCLUSION 159

7.1 Implications pratiques 161

7.2 Limites de la recherche 162

7.3 Les voies futures de recherche 163

7.4 Commentaire personnel 166

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 167

ANNEXES (Totalité des transcriptions)

Annexe 1 xii

Annexe 2 xxiii

Annexe 3 xl

Annexe 4 lxiii

LISTE DES FIGURES

Figure 1: Logo de Médecins Sans Frontières 40

Figure 2 : Carte du monde 44

LISTE DES ABRÉVIATIONS

CEMUBAC: Organisme Non Gouvernemental qui a pour projet de venir en appui au fonctionnement des systèmes de santé de la RDC par de l'aide, de la formation et de la recherche

DCZ: Direction de Campagne de Zone (Zone de Santé, correspond à une zone administrative en Afrique)

ECHO: Service d'aide humanitaire de l'Union européenne

FARDC : Forces Armées de la République Démocratique du Congo FDLR : Forces Démocratiques de Libération du Rwanda

May May : Milice armée qui sévit dans le nord et sud Kivu de la RDC MONUC : Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo MSF : Médecins Sans Frontières

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

PAM: Programme Alimentaire Mondial (officine des Nations Unies) RDC : République Démocratique du Congo

Ç Parler c'est semer, écouter c'est recueillir È
Plutarque

Ç Tu ne peux pas voyager sur un chemin sans être toi même le chemin È
Bouddha

Ç Entre Ce que je pense, Ce que je veux

dire, Ce que je crois dire, Ce que je dis, Ce que vous avez envie d'entendre, Ce que vous entendez, Ce que vous comprenez... il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même... È

REMERCIEMENTS

Ë travers ce mémoire, j'ai pu réunir mes trois passions et interrogations de toujours: la communication, la psychologie et l'humanitaire. Ce fut donc pour moi une réelle chance de rencontrer les Docteurs François Cooren et Boris Brummans, ainsi qu'une opportunité intellectuelle qu'ils acceptent d'être mes directeurs de recherche. En effet, ce présent mémoire n'aurait pu voir le jour sans leur formidable enthousiasme, leurs précieux conseils, leur patience et bien sür leur inconditionnel soutien. Je leur manifeste tout spécialement ma gratitude pour m'avoir accompagnée et guidée sur le chemin de l'écriture de ce mémoire, ainsi que pour la richesse de leurs contributions.

Je tiens aussi à remercier tout particulièrement deux autres de mes professeurs, à savoir, le Docteur Nicole Giroux qui, par sa chaleur humaine et ses grandes connaissances, m'a été d'un grand support, mais aussi, le Docteur André Lafrance qui a eu foi en moi dès le début et m'a permis d'intégrer la Maitrise des Sciences de la communication de l'Université de Montréal.

Mes sincères remerciements aux participants du laboratoire de recherche LOG (Langage, Organisation et Gouvernance) du Département de communication de l'Université de Montréal, qui lors des séances d'analyses de données m'ont beaucoup apporté à travers leurs suggestions et critiques constructives et ont ainsi contribué à ce mémoire.

Je remercie aussi mes professeurs et mes collègues étudiants que j'ai croisés durant ces dernières années dans les couloirs et les salles de cours du département de communication, ainsi que l'équipe administrative qui a permis à l'étudiante étrangère que je suis, de me faufiler dans les méandres des impératifs administratifs qu'incombent aussi un parcours au sein de la Maitrise de communication.

Ma profonde gratitude s'adresse tout spécialement à mes parents, ma sÏur, mon frère et ma famille au Québec qui ont toujours été là et m'ont supporté dans tous les moments importants de ma vie. Enfin, je souhaite exprimer mes sentiments de reconnaissance à mes amis au Québec et à mes proches en France qui se reconnaitront et qui ont su m'accompagner dans les instants de joie et de doute.

A toutes ces personnes que j'ai citées, ainsi que celles et ceux que je n'ai pu citer, sans qui ce mémoire ne serait pas, je vous dis un grand Merci du fond du cÏur.

Chapitre 1 : INTRODUCTION GENERALE

Ce mémoire a lÕhumble prétention de proposer une réflexion sur la construction de lÕidentité organisationnelle sous lÕangle des interactions du quotidien des acteurs de lÕorganisation. La recherche se situe à la croisée dÕune réflexion sur les questions de lÕidentité organisationnelle et de lÕhumanitaire. On peut dÕores et déjà dire que cette question allie et couvre des domaines scientifiques aussi différents que complémentaires que sont la communication, la linguistique, la psychologie et les sciences de la gestion. Mais avant dÕentrer dans le vif du sujet, permettez nous de faire un petit detour par lÕHistoire pour introduire cette recherche.

Le XIXeme siècle fut le des révolutions idées, le XX ème

siècle et des siècle celui,

paradoxalement, des démocraties, des regimes autoritaires et totalitaires, un siècle dÕexces, de ruptures et dÕaffrontements, ainsi que le siècle des pires folies comme des plus belles inventions, lÕhomme dans son pire comme dans son meilleur état. Aider lÕautre, lÕétranger, celui que lÕon ne conna»t pas, nÕest pas une conception moderne, le fruit du XXème siècle, en opposition ou reaction aux pires horreurs que ce siècle a effectivement connues. Cette idée a toujours été présente, que lÕon parle en termes de générosité, de don, de charité, de solidarité par opposition à lÕégo
·sme ou lÕégocentrisme. Cependant, ce qui est ne au siècle dernier, cÕest une institutionnalisation de cette aide à lÕautre, celui qui souffre, par des organisations dont la raison d'être est de fournir une telle aide. Dans le contexte trouble de lÕimmédiat aprés guerre, lÕhumanitaire appara»t alors comme une possibilité de redemption et cÕest ainsi que sont apparus dans le thé%otre mondial les organisations non gouvernementales ou ONG.

Apparaissant pour la première fois en 1945 dans le vocabulaire international à l'article 71 de la Charte des Nations Unies, le terme d'ONG ou organisation non gouvernementale, ne possède pas vraiment de définition légale et reconnue au niveau juridique, cependant le Conseil économique et social de l'O.N.U (Organisation des Nations Unies) définit une organisation non gouvernementale comme suit:

Sera considérée comme organisation non gouvernementale toute organisation dont la constitution ne résulte pas d'un accord intergouvernemental y compris les organisations qui acceptent des membres désignés par les autorités gouvernementales, pourvu que de tels membres ne nuisent pas à la libre expression.

Le respect des critères énoncés permet ainsi à une ONG d'être officiellement reconnue comme telle par l'O.N.U. Cependant d'autres organisations internationales intergouvernementales comme l'Union Européenne proposent leur propre liste d'ONG. La notion qui apparait le plus souvent lorsqu'il est question de définir une ONG c'est le but non lucratif de son action, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas servir des intérêts financiers. Il existe différents types d'ONG, certaines d'entre elles ayant un caractère plus spécifiquement humanitaire, en ce qu'elles s'attellent en général à organiser des programmes d'aide envers des populations en danger.

Médecins Sans Frontières fait partie de cette classification à titre d'ONG humanitaire spécialisée dans l'aide médicale d'urgence. En s'intéressant à l'humanitaire et à son application dans le cadre de l'organisation Médecins Sans Frontières, on peut donc se poser des questions sur sa réalité institutionnelle, l'identité qu'elle s'attribue

ainsi que celle qu'on lui attribue et le rTMle que ses acteurs ont dans ce cheminement. Pour répondre à cette interrogation, il nous appara»t nécessaire, dans un premier temps, de comprendre les enjeux de l'identité organisationnelle et nous allons donc nous pencher sur la littérature qui traite de cette notion, une littérature qui peut para»tre relativement abstraite aux premiers abords. Mais laissons nous, dès maintenant et de facon générale, nous plonger dans cette question de l'identité.

D'un point de vue philosophique, la première idée qui apparait lorsque l'on décide de s'intéresser à la notion d'identité, c'est-à-dire d'un <<être È que l'on peut précisément identifier, circonscrire, voire repérer. On parle donc ici de quelque chose ou de quelqu'un (soi-même, un autre, quelque chose) qu'on peut identifier durant un laps de temps défini et malgré certains changements. Du latin idem, qui veut dire <<le même È, l'identité est ce par quoi des êtres ou des choses apparaissent semblables, ce qui nous permet ainsi de les comparer entre elles, affirmant qu'elles sont de l'ordre de l'identique et donc du même. L'identité peut exprimer ainsi ce que Derrida (1990) appellerait la restance (toujours relative) de ce qui semble caractériser quelqu'un, quelque chose, voire même un groupe, ce qui nous amène, au niveau de l'être humain, à l'idée de personnalité.

Selon Albert et Whetten (1985) qui ont grandement contribué à définir le concept d'identité organisationnelle, lorsque les membres d'une organisation s'intéressent à la question de l'identité, ils se retrouvent face à ce type d'interrogations : << Qui sommes - nous ? È, << Dans quel genre de travail sommes-nous actifs? È et <<Que voulons-nous être ? È. Les chercheurs Gioia, Schultz et Corley (2000) considèrent, quant à eux, que le concept d'identité est une clef essentielle pour comprendre les organisations modernes.

Il est à noter que lorsque lÕon dit identité organisationnelle, on peut entendre deux choses. En effet, ce terme peut etre utilisé soit pour parler de lÕidentité dÕune organisation, soit pour parler dÕun individu en tant quÕil parle au nom dÕune organisation et sÕidentifie avec elle. Notre intérêt se portera plus précisément sur la première definition, cÕest -à-dire sur la question de lÕidentité de lÕorganisation. Cependant, nous serons amenés, dans cette recherche, à souvent mobiliser et faire référence à la littérature traitant de lÕidentité individuelle, lorsque celle-ci semble faire sens quant à la question de la construction de lÕidentité organisationnelle. Il appara»t en effet que les processus de (re-)production de lÕidentité individuelle et de lÕidentité organisationnelle sont souvent intimement lies (Chaput et al., sous presse) dans la mesure oil sÕidentifier à une organisation revient à sÕidentifier aux valeurs, missions et autres raisons d'être de lÕentreprise ou institution, ce qui revient à identifier cette derniére, au moins implicitement . Nous ferons donc appel aux écrits dÕauteurs ayant traité la question de lÕidentité individuelle tout en traduisant leur propos en les recadrant à lÕintérieur de la question de lÕidentité organisationnelle.

Aprés avoir exposé une partie de la somme des connaissances sur les questions de lÕidentité et de lÕimage organisationnelle dans la revue de la littérature, nous amorcerons une discussion critique qui déterminera les manques à combler pour aboutir à notre problématique. Puis nous présenterons le cadre théorique dans lequel se place cette recherche, cÕest-à-dire dans lÕesprit de lÕethnométhodologie, en mettant lÕemphase sur les concepts de ventriloquie et de présentification organisationnelle au sein des écrits de lÕEcole de Montréal. Par la suite, nous exposerons le cas sur lequel cette analyse repose, soit lÕorganisation Médecins Sans Frontiéres et son action sur le terrain du Nord-

Kivu en Republique Démocratique du Congo. Nous ferons ensuite une presentation du cadre methodologique de cette recherche qualitative réalisée, pour lÕenregistrement des données, par le biais dÕune démarche dÕinspiration ethnographique, et pour lÕanalyse des données sélectionnées, par le truchement dÕune approche inspirée de lÕanalyse de conversation. Nous reviendrons également sur la collecte des données faite dÕobservations directes à travers la méthode du shadowing et nous expliquerons le choix des sequences et le traitement qui en a été fait.

Aprés nous etre ainsi clairement positionnée, nous aborderons le chapitre dÕanalyses de données, lequel présente, dans un premiers temps, le contexte général des sequences sélectionnées, pour dans un deuxieme temps, nous permettre de nous plonger dans les données à travers quatre sequences analysées. Enfin, nous dévoilerons les résultats de ces analyses et discuterons dÕun certain nombre de points qui en sont ressortis et qui méritaient, selon nous, d'être développés plus en profondeur. Pour finir, le chapitre de conclusion fera part des implications pratiques que les réflexions qui ont eu lieu dans ce present mémoire peuvent offrir. Nous verrons aussi les limites de notre etude et nous proposerons des pistes de réflexion à exploiter ou à approfondir pour la recherche future.

Chapitre 2: REVUE DE LITTERATURE

Ë travers cette revue de littérature, nous allons maintenant tenter, non pas de définir, car de nombreux auteurs que nous allons citer se sont déjà attelés à cette tâche, mais plutôt de dresser un tableau des réflexions entourant la question de l'identité organisationnelle. Dans un premier temps, nous allons voir ce que la littérature nous dit à propos de l'identité organisationnelle et de son lien avec l'image organisationnelle. Nous pourrons alors voir quelles en sont les définitions. Puis, dans un second temps, nous tâcherons de réunir et d'observer les éléments qui peuvent potentiellement participer à la construction de cette identité.

2.1 L'identité organisationnelle en question

2.1.1 Des multiples définitions de l'identité organisationnelle

Avant d'aborder plus précisément la question de l'identité d'un point de vue organisationnel, nous allons revenir un instant sur cette même question, mais en l'orientant à l'individu à l'aide de réflexions tirées de la philosophie et de la psychologie. Aussi, nous utiliserons des écrits d'auteurs qui se sont interrogés sur l'identité individuelle. Ce petit détour nous semble, en effet, nécessaire car les idées développées sur l'identité organisationnelle sont nées à la suite et en parallèle de celles sur l'individu. Ceci nous permettra donc de positionner plus solidement le sujet qui nous préoccupe dans cette recherche.

processus social constitué de deux phases distinctes, le <<Je >> et le << Moi >> (Hatch et Schultz, 2002). Pour lui, le <<moi >> correspond à une intériorisation des rTMles sociaux et le <<je >> correspond à un processus de socialisation personnelle. Mais, selon lui, lorsque l'on aborde la question de l'identité, c'est la notion d'un <<soi >> qui émerge aussi. Celui-ci se construit de facon permanente au cÏur de l'interaction et il est donc dynamique. De plus, Mead considère que c'est dans l'interaction que l'individu émerge et prend conscience de lui-même.

Le << soi >> correspondrait donc, selon cet auteur, à l'ensemble des images que les autres nous renvoient et que l'on finit par intérioriser. Nous notons donc ici ce qui semble être une interdépendance entre le soi et l'autre dans la question de l'identité. Cette définition de l'identité est exprimée d'un point de vue philosophique et s'attache, dans un premier lieu, à la personne, l'être humain. Voyons donc comment cette question de l'identité peut se traduire à un niveau collectif et organisationnel.

Selon la classification de Giroux (2002), il existerait quatre facons de définir l'identité organisationnelle, soit comme une << présentation >> de l'organisation, selon une perspective fonctionnaliste et managériale; soit comme une << représentation >> de l'organisation, qui est vue comme un processus organisant au sens de Weick (1969), processus oü les acteurs construisent le sens d'une réalité (ou des réalités/situations) et créent l'identité organisationnelle ; soit comme une << création collective>> de l'organisation (nous y reviendrons en détail un peu plus loin); soit comme une <<illusion discursive >>, oü l'on n'observe pas l'identité <<réelle >>, mais l'image organisationnelle.

Toutes ces manières de définir l'identité organisationnelle sont, selon

sur cette question. Cependant, nous avons choisi de privilégier celle qui la considère comme une <<création collective È. Ce serait alors une réalité intersubjective co - construite dans des <<conversationsÈ (Shotter, 1993; cité dans Giroux, 2002). Dans ce cas-là, on parlera de <<conversations identitairesÈ (p. 137). L'identité est alors

créée par tous les acteurs, de facon continue, et l'identité devient donc une réalitédiscursive et interactive, une construction sociale. De plus, l'identité peut alors être

concue comme un concept négocié et réflexif.

Albert et Whetten (1985) montrent, pour leur part, que la définition de l'identité organisationnelle est verbalisée par les membres de l'organisation, ce qui nous invite à mieux comprendre comment ils représentent leur organisation de facon durable et distincte. Selon eux, ce qui est externe à l'organisation devient le public de celle-ci. On ne peut donc pas parler d'une seule identité organisationnelle, car il n'y a pas un seul contexte organisationnel, avec un public considéré. Il est donc nécessaire de parler d'identités multiples pour être en phase avec la réalité de l'organisation (Gioia et al., 2000). L'organisation n'a pas une identité, mais des identités. De plus, l'identité organisationnelle semble apparaitre comme dynamique et transformable, en ce sens, Gioia, Schultz et Corley (2000) expriment l'idée d'une instabilité adaptable. Ils ajoutent que l'identité est une image modelée par les médias et les professionnels de la communication, donc une réalité volatile. L'identité organisationnelle semble donc être multiple au même titre que le <<soiÈ est multiple, comme Mead (1933/1963 ; cité dans Marchal, 2006) nous le précise:

Les types de relations que nous entretenons varient suivant les différents individus: nous sommes une chose pour un homme et une autre pour un autre. Il existe une grande diversité de soi correspondant aux différentes réactions sociales. Une personnalité multiple est en un sens normale. (p. 71)

Appliquée à l'identité organisationnelle, nous pourrions donc avancer que cette identité se construit dans l'interaction, qu'elle est multiple et dynamique. Lorsque l'on parle d'interaction, on pense forcément au rapport à l'autre et ce rapport à l'autre semble être empreint d'une quête de reconnaissance avec des besoins identitaires qui s'expriment de façon implicite ou explicite (Lipiansky, 1992).

Parmi ces besoins identitaires de l'individu, on note une étude, menée par Lipiansky (1992) à partir des discours des participants de groupes, qui en a fait ressortir cinq que nous allons énumérer. Il y a (1) le besoin d'existence, c'est-à-dire le fait de se sentir exister aux yeux de l'autre en ayant une certaine visibilité et en étant écouté d e l'autre. Puis, il y a (2) le besoin d'intégration, c'est-à-dire avoir sa place en obtenant la considération, l'approbation et l'acceptation de l'autre. Ajoutons aussi (3) le besoin de valorisation, qui est d'avoir une valeur ou image positive aux yeux des autres, besoin qui cherche à susciter l'approbation, l'admiration ou l'estime de l'autre, en mettant parfois en Ïuvres certaines stratégies à cette fin. Lipiansky fait le lien ici avec la notion de face de Erving Goffman (1973/1974) oü dans les rites d'interaction, il est de mise de préserver la face des protagonistes. Notons aussi (4) le besoin de contrôle qui appara»t lorsqu'est ressentie la perte ou la menace à l'encontre de son identité, qui est définie comme suit par Lipiansky (1992) : Ç Le sentiment d'identité implique la perception de soi comme individualité autonome, capable de s'autodéterminer, de décider de son comportement, d'exercer une certaine maitrise sur soi et l'environnementÈ (p. 152). Il est à noter que le sentiment de perte de contrôle du soi peut amener à l'exercice d'un pouvoir sur l'autre et sur la situation afin de calmer sa peur de perte de contrôle.

Enfin, Lipiansky met le doigt sur un dernier besoin identitaire à considérer,

individualité comme unique, constante et autonome. Il s'exerce ici le besoin d'être reconnu par l'autre dans la différence et la singularité de son être. L'identité semble donc s'exprimer à travers des besoins ou des désirs au sein des interactions. Nous notons donc que l'identité peut être définie dans le rapport à autrui et à la recherche du consentement du soi. L'identité se construit donc au sein d'une relation entre soi et l'autre, oü son regard a de l'importance et participe donc à son être.

Mais s'il existe de multiples définitions de l'identité organisationnelle et une littérature riche sur l'identité individuelle, nous allons maintenant voir qu'il y en a autant pour une notion assez voisine, soit celle d'image organisationnelle. Comme nous le verrons, il y a souvent confusion entre image et identité et il semble presque impossible de parler d'identité sans parler d'image.

2.1.2 Des multiples définitions de l'image organisationnelle

Lorsque l'on s'intéresse à l'image organisationnelle et que l'on cherche à la définir, on se rend compte qu'il existe plusieurs interprétations possibles. Aussi, dans un premier temps, il est nécessaire de revenir au concept d'image. Pour cela, nous nous appuierons sur un article d'Alvesson (1990) pour qui l'image est l'enregistrement subjectif d'une expérience, enregistrement qui est censée reproduire des perceptions, mais qui n'est pas une copie conforme de la réalité. De plus, la construction d'une image porte, selon cet auteur, les empreintes d'un destinateur essayant de projeter une certaine impression à un public qui fait office de récepteur.

Bernstein (1984; cité dans Alvesson, 1990) considère, quant à lui, que l'image organisationnelle est une fabrication d'impressions publiques créées pour un auditoire. Selon lui, les images sont des instruments ou outils qui projettent une impression de réalité, lui donnant un visage ou une forme donnée. Boorstin (1961 ;

cite dans Alvesson, 1990) ajoute que lÕimage est quelque chose dÕambigu`, située entre lÕimagination et la réalité. Aussi, pour survivre dans un environnement de representations et de symboles dans nos sociétés, lÕorganisation est obligee de répondre à cette nécessité de production dÕimages, afin en partie de légitimer son action (Berg et Gagliardi, 1986 ; cité dans Alvesson, 1990).

On notera, par la suite, les nombreuses definitions de lÕimage organisationnelle, une notion Ç fourre-tout È qui renvoie à des perceptions aussi bien au niveau interne (les membres) quÕexterne (le public, les clients, les fournisseurs, etc.). Par ailleurs, les images sont aussi bien projetées que revues (Gioia et al, 2000). LÕimage organisationnelle peut ainsi etre envisagée comme les attributs octroyés par les personnes en-dehors de lÕorganisation aux membres de lÕorganisation dans le but de les distinguer (Dutton et Dukerich, 1991). Mais, selon Hatch et Schultz (2002), lÕidentité organisationnelle peut aussi etre élaborée par ses membres avec ce quÕils perçoivent de ce quÕils sont et pas seulement avec ce que les autres disent à leurs propos. Ils expriment ici lÕidée de réflexion de lÕimage. Cependant lÕimage organisationnelle peut aussi etre un portrait que les cadres de lÕorganisation veulent proposer aux gens extérieur à celle -ci (Whetten et al, 1992 ; cité dans Gioia et al, 2000). On retrouve ici lÕidée de réputation de lÕentreprise, cÕest-à-dire dÕune identité ou une image projetée aux autres, ceux à lÕextérieur, par le biais de la publicité, du logo, des conferences de presse, ou même des biens materiels de lÕentreprise. On parle alors de la projection des expressions de lÕorganisation ou dÕune vision de celle-ci.

Les chercheurs Gioia, Schultz et Corley (2000) mettent en exergue cette idée de reputation au travers de la construction identitaire qui sÕapparente à une construction sociale dérivée des interactions. De plus, selon Rindova et Fombrun

( 1 99 8; cité dans Hatch et Schultz, 2002), qui ont travaillé sur la question de la réputation corporative, cette projection a lieu tous les jours par le savoir, les gestes, les apparences et l'attitude. Ils disent: <<Images are not projected only through official, management-endorsed communications in glossy brochures because organizational members at all levels transmit images of the organization>> (p. 1003). Le succès d'une organisation peut donc se jouer sur la façon dont elle gère ses images (Alvesson, 1990).

Ainsi, on peut considérer l'identité organisationnelle comme relevant d'une personnalité avec une réputation à entretenir. Le discours de l'organisation est construit avec cette idée de tension entre la franchise et la proximité avec l'environnement organisationnel qu'on appelle parfois <<le marché>> (Morin, 1986; cité dans Cheney et Christensen, 2001). En se basant sur la même idée, Hatch et Schultz (2002) considèrent que l'identité d'une organisation peut s'apparenter à un simulacre. Autrement dit, ce serait une image qui serait projetée aux gens à l'extérieur de l'organisation -- les consommateurs ou les actionnaires par exemple -- dans le but de correspondre à leurs préférences, leurs attentes.

Cependant, pouvons-nous parler ici de marketing de la pensée? Car l'image ou les images de l'organisation sont alors orchestrées dans le but de manipuler l'opinion. Ajoutons à cela qu'il faut faire attention à ne pas réduire l'idée d'image à une conception uniquement mentale, car l'image est aussi matérielle, elle peut par exemple être projetée dans la rue à travers des publicités. L'image a donc une dimension hybride, faite de matérialité et d'immatérialité.

Nous retiendrons donc que l'identité organisationnelle est construite, en

ci. Après avoir défini l'identité et l'image organisationnelle, nous allons maintenant nous intéresser à leurs fonctions potentielles dans l'organisation en comparant deux approches - dites internes et externes - de cette question.

2.1.3 Vision interne vs vision externe du rTMle de la communication dans la production de l'identité et de l'image organisationnelle

Différentes visions cohabitent autour du lien hypothétique entre communication et identité/image organisationnelle, notamment une vision interne et une vision externe, que nous allons maintenant définir l'une après l'autre. Ce sont des attributions que la littérature a tendance à octroyer à ces questions. Notons tout de méme que ces questions sont de nature complexe et qu'il est relativement injuste de les simplifier/réduire de la sorte.

Définir l'identité organisationnelle de façon interne, c'est se poser ce type de question: Ç Qui sommes nous? È et Ç Qui nous pensons que nous devrions être ? È (Gioia et al., 2000). On peut alors considérer que les membres de l'organisation sont les ambassadeurs de celle-ci et qu'ils ont donc, à ce titre, un rTMle à jouer pour son avenir, à l'extérieur de l'organisation ou en son sein. On pense ici à l'esprit de contagion (Cheney et Christensen, 2001). Dutton et Dukerich (1991 ; cité dans Cheney et Christensen, 2001) ajoutent que l'identité organisationnelle sert de référence pour ses membres et qu'elle contribue à valoriser leur participation, leur action. Traditionnellement, la communication interne relève des unités chargées de la communication externe de l'organisation. Cela induit donc une prédisposition à considérer la construction de son identité comme relevant des publics extérieurs, avec des incidences au niveau interne (Cheney et Christensen, 2001). Cependant, ce que l'on appelle aujourd'hui la communication interne, c'est-à-dire les relations entre

employés ainsi que les déclarations de missions, les politiques et développements de l'organisation, ne peuvent être vus sans la communication externe.

Définir l'identité organisationnelle de facon externe, c'est se poser ce type de question : Ç Comment les autres nous voient ? È et Ç Comment les autres pensent que nous devrions être ? È (Gioia et al., 2000). Ainsi, dans un monde de communications oü l'opinion publique compte, l'organisation a un besoin de légitimité. Celui-ci se traduit par une communication avec l'environnement, qui sert à maintenir et confirmer son ou ses identités (Cheney et Christensen, 2001). On retrouve ici une idée de projection stratégique d'images servant à asseoir le bien-fondé de l'organisation dans son environnement. En d'autres termes, nous parlons ici de la nécessité de plaire à l'autre, de le séduire, pour mieux le persuader de la légitimité de son action et l'enrôler. Selon Cheney et Christensen (2001), ce qu'on appelle aujourd'hui la communication externe, c'est-à-dire les relations publiques, le marketing et les questions managériales, ne peut être envisagée sans la communication interne. En effet, pour avoir une communication adaptée à l'environnement, les organisations doivent, dans un premier temps, savoir se définir, c'est-à-dire se conna»tre. Dans la littérature, on retrouve souvent une hypothèse sur les relations entre l'externe et l'interne, à savoir le fait que les processus de communication interne sont une résultante de la communication externe de l'organisation (Cheney et Christensen, 2001). Ajoutons que la question de l'identité organisationnelle semble être reliée à la facon dont l'organisation se défin»t dans son environnement et aux réponses qu'elle accorde aux problèmes qui s'y présentent (Dutton et Dukerich, 1991 ; cité dans Cheney et Christensen, 2001).

Nous retiendrons ici que l'identité de l'organisation est en questionnement

de stratégies communicationnelles, car l'organisation exprime, à travers ses représentants, un besoin de canaliser ses images, qu'elles soient destinées à l'intérieur ou à l'extérieur. Après avoir passé en revue les définitions de l'identité et de l'image organisationnelle et nous être penchée sur ses attributions éventuelles, nous allons maintenant nous intéresser aux relations qui peuvent exister entre l'identité et l'image dans le cadre de l'organisation.

2.1.4 Relations entre image et identité au niveau organisationnel : la rencontre de l'interne et de l'externe

Dans cette section, nous développons l'idée que la construction du sens organisationnel passe par une étroite relation ou une interdépendance entre la communication interne et externe. Cependant, pour pouvoir concevoir cela, il faut se débarrasser de la métaphore du canal oü le message passe d'un émetteur à un récepteur (Cheney et Christensen, 2001). Pour la question de l'identité organisationnelle, cela se traduirait dans le cadre d'un échange, d'une transaction oü l'on donne et l'on recoit. Mais, pour comprendre les interactions entre les visions de l'interne et de l'externe de l'identité organisationnelle, il faut aussi prendre en compte d'autres éléments, comme la culture et l'image de l'organisation (Hatch et Schultz, 2002).

L'identité se construit ainsi à partir des interactions entre les personnes de l'intérieur et de l'extérieur de l'organisation. Autrement dit, l'identité organisationnelle est le fruit des perceptions des membres de l'organisation, ajoutées aux impressions/opinions qui en ressortent à l'externe sur cette même organisation (Gioia et all, 2000). Il y a donc une interdépendance au niveau de la construction identitaire d'une organisation entre l'intérieur et l'extérieur. En ce sens, Jenkins

( 1 994; cité dans Hatch et Schultz, 2002) dit: << It is in the meeting of internal and external definitions of an organizational self that identity É is created>> (p. 1004).

En pratique, il appara»t qu'on ne peut pas vraiment faire de distinction entre la communication interne et externe, la réalité du terrain confirmant l'étroite relation entre l'image et l'identité (Cheney et Christensen, 2001). En effet, très souvent dans les organisations, les services de communication interne et externe se trouvent au sein d'un seul et unique bureau. De plus, il est difficile de réussir à convaincre l'extérieur de l'organisation, c'est-à-dire les gens en dehors de l'organisation, d'une certaine image ou identité organisationnelle lorsque à l'interne, les employés eux- mêmes ne sont pas convaincus de ce que l'organisation tente de projeter à l'extérieur (Cheney et Christensen, 2001). Le discours doit donc être cohérent. On parle d'une voix unitaire de l'organisation qui s'exprime par de multiples voix, identités, cultures, images et intérêts.

Cheney et Vibbert (1987; cité dans Cheney et Christensen, 2001) ajoutent que distinguer de manière stricte les aspects internes et externes du discours organisationnel peut être problématique pour des organisations qui agissent avec un environnement communicationnel de plus en plus vaste. En ce qui concerne la publicité, on peut ainsi noter que même si la cible de base est le public à l'extérieur de l'organisation, un impact se fait sentir, même à l'intérieur de celle-ci (Cheney et Christensen, 2001). La publicité renvoie donc une image à la fois aux consommateurs et aux employés. De plus, selon l'idée d'instabilité adaptable illustrée par Gioia et al. (2000), l'organisation a une capacité d'adaptation qui est due à sa relative instabilité, qui l'amène à construire et à négocier son identité à travers les interactions. Ainsi, l'identité et l'image interagissent dans la construction et la négociation du << soi >> de l'organisation avec son environnement.

Nous retiendrons ici que la réalité de l'identité organisationnelle ne peut être comprise qu'en tenant compte de ses définitions interne et externe, car elles sont indissociables et inséparables.

Après avoir défini l'identité organisationnelle sous de nombreux aspects, nous allons maintenant déterminer les éléments qui participent à sa construction.

2.2 Les éléments qui participent à la construction de l'identité organisationnelle

2.2.1 Une construction discursive: Un discours, une narration, des acteurs, une performance

L'identité est, à bien des égards, construite par le langage, postulat que nous avons choisi de suivre et qui nous a été tout particulièrement inspiré par l'article de Nicole Giroux (2002), <<La gestion discursive des paradoxes de l'identité>> dont nous avons emprunté les références. Selon Strauss (1992), << nommer permet d'identifier, de situer, de caractériser, de classer un objet >> (p. 144), donc l'identité peut être narrée de manière différente selon la personne ou le groupe qui en parle ou qui la nomme. La langue est ainsi le support et le véhicule de l'identité (Decourt, 1999). Marc (1997) met, quant à lui, l'emphase sur le fait que l'identité est co - construite dans l'interaction entre les différents partenaires, ce qui l'amène à dire que :

A travers leurs échanges, ils remettront en question cette identité pour la nier, la réaffirmer ou encore la modifier ; chacun tentant de faire prévaloir une version valorisante de soi qui lui procure du bien-être. (p. 146)

Cette notion n'est pas simplement individuelle, elle a une portée collective, car c'est aussi le << devenir ensemble>> qui est en jeu dans la conversation, au-delà de l'affirmation de soi. Ainsi, selon Brown (1994), le discours sert de lien entre l'identité individuelle et collective, cela à travers la narration et la conversation.

La communication est donc une valeur centrale dans la construction de l'identité organisationnelle. Giroux (2002) nous présente une grille d'analyse des stratégies discursives de l'identité, constituée à partir de la littérature sur la gestion du changement stratégique. Le postulat est que:

L'identité organisationnelle est construite discursivement dans des messages publics inscrits dans différents textes (discours des dirigeants, rapports annuels, rapport d'analyse, journal interne ou externe, dépliant d'information, documents publicitaires, etc.) qui sont diffusés à divers auditoires. (p. 150).

Ainsi, les éléments qui constituent l'organisation sont déterminés en fonction de ce qu'est censée être l'organisation, c'est-à-dire ses valeurs, ses caractéristiques et ses attributs, mais aussi, ce qu'elle est censée faire, en prenant en compte les métiers et activités et, pour finir, ce qu'elle possède, c'est-à-dire ses ressources et ses capacités (Giroux, 2002). L'identité est donc présentée comme un phénomène interdiscursif (Giroux, 2002), c'est-à-dire des échanges de discours dans le but de produire du sens avec l'aide de la narration et l'argumentation, auquel plusieurs auteurs (ou plusieurs voix) participent à différents degrés, même si ce sont généralement aux dirigeants que revient a priori la tâche d'y veiller.

Selon Weick, qui s'exprime dans le cadre de l'identité individuelle (1995 ; cité dans Gioia et all, 2000), <<Identities are constituted out of the process of interaction. To shift among interactions is to shift among definitions of the self>>

(p. 65). Il semble que cette idée puisse aussi bien être considérée à un niveau collectif qu'individuel. De plus, l'identité serait construite et reconstruite dans un processus continu de narration (Czarniawska-Joerges, 1994; cité dans Chreim, 2005). La construction d'une histoire avec des autobiographies de l'organisation, des autoportraits et des mémoires joue un rTMle important dans la gestion de l'identité (Cheney et Christensen, 2001). De façon externe, cela se joue au niveau des relations publiques et de façon interne, cela permet aux membres de l'organisation de s'y voir comme dans un miroir.

Dans la littérature sur la question de l'identité individuelle, RicÏur (1990) développe aussi la notion d'identité narrative: Pour se comprendre, l'acteur doit mettre en récit sa vie. La notion de discours identitaire n'a donc de sens, selon cette perspective, que parce qu'elle fait le lien entre le passé et le futur (Brown, 1994), un lien qu'assure justement la narration. Ajoutons à cela que la narration peut faire le lien entre les individus, car ils peuvent alors s'identifier les uns les autres à travers des histoires qu'ils échangent au cours d'interactions quotidiennes, abordant ainsi un vécu qui donne sens à leur condition.

Selon la littérature, plusieurs éléments discursifs peuvent être mobilisés par les acteurs dans cette construction de l'identité organisationnelle. Ainsi, nous trouvons: les mots-clefs, les étiquettes, les assertions et les négations, les arguments et les narrations, les métaphores, analogies et paraboles, les lieux communs et les mots passe-partout ou à la mode (Giroux, 2002).

Nous retiendrons ici que l'identité organisationnelle est un phénomène discursif qui se construit dans l'interaction et qui se raconte à l'écrit comme à l'oral, dans un processus souvent narratif. Mais au delà de la dimension discursive et

narrative de la construction de lÕidentite organisationnelle, nous allons maintenant voir le rTMle que joue le temps dans cette construction.

En effet, le temps est un enjeu important quand on parle dÕidentité, car il réun»t lÕhier, lÕaujourdÕhui et le demain. De plus, comme nous lÕavons vu, lÕidentité est à la fois ce qui dure et ce qui change. Giroux (2002), qui reprend les travaux dÕErikson (1959/1980) concernant la notion de temps et la construction de lÕidentité individuelle, dresse un paralléle avec lÕidentité organisationnelle. Il y est dit que lÕidentité se construit tout au long de la vie, avec plusieurs étapes qui sont entrecoupées de crises. On pourrait comparer cela à des rites de passage. Ainsi, lÕidentité est, selon Erikson : Ç le produit (unifié, coherent, stable) dÕun processus dynamique de constitution de soi qui doit etre validé par le sujet et reconnu par les autres È (p. 143). LÕidentité appara»t donc au sein dÕune evolution qui correspond à la durée dÕune vie.

2.2.2 La notion de temps et les dynamiques de processus

RicÏur (1995 ; cite dans Giroux, 2002), quant à lui, aborde la thématique du temps et de lÕidentité en distinguant Ç lÕidenti té-idemÈ, cÕest-à-dire la Ç mêmeté È, la permanence dans le temps et Ç lÕidentité-ipse È, cÕest -à-dire lÕunicité, le sentiment d'être un. Cela veut dire que lÕidentité réun»t ces deux dimensions et quÕelle est donc dynamique. Les chercheurs postmodernes considérent, pour leur part, le développement historique de lÕorganisation comme un élément constitutif de lÕidentité. Ils mettent lÕemphase sur lÕidée dÕorigine, on pense alors au concept de mythe (Gioia et all, 2000). Les événements, les changements et le temps forment donc ensemble un processus qui donne son identité à lÕorganisation. Cependant, il appara»t, notamment selon Baudrillard et Perniola (1988 ; 1982 ; cite dans Gioia et

al. , 2000), que tout ceci ne pourrait être qu'un ' simulacre ou une ' illusion car <<identity is transformed into `image without identity' È (p. 72), une image créée par des professionnels de la communication.

Ajoutons qu'Albert et Whetten (1985) suggèrent qu'il existe un cycle de vie dans l'organisation avec des étapes ou événements. On voit ici un parallèle avec les propos d'Erikson. Ils présentent ainsi plusieurs étapes avec: (1) la formation de l'organisation; (2) la perte d'un élément soutenant l'identité comme la perte d'un père fondateur; (3) l'accomplissement de la raison d'être ou de sa mission première ; (4) une croissance extrêmement rapide (on peut faire le parallèle ici avec l'adolescence); (5) un changement dans le <<statut collectifÈ (le parallèle peut être fait ici avec des événements comme un mariage, une naissance, un divorce); ou encore (6) le retranchement, qui correspond à une période de réflexion et de calme. Ces chercheurs établissent aussi un diagramme oü les marqueurs temporels du cycle de vie concernant la question de l'identité dans l'organisation sont représentés, avec: la naissance, la croissance, la maturité et le retranchement. Dans cette perspective, nous sommes ici face à une personnalisation de l'organisation avec un cycle de vie comparable à celui de l'être humain. On suppose donc que son identité correspond à son histoire et à sa personnalité.

Nous retiendrons ici que l'identité se construit tout au long de la vie de l'organisation, avec des événements qui marquent cette construction. Cependant, l'interaction ajoute à l'instant la notion d'imprévu, qui amène une négociation et donc un aspect dynamique, en ajoutant au fait que chaque acteur arrive avec sa mémoire, ses expériences, ses conceptions, ses attentes et son discours.

Cette revue de littérature nous a permis de synthétiser les différentes orientations qui existent aujourdÕhui sur la question de lÕidentité organisationnelle. Cependant, comme nous le constaterons dans la section suivante, peu de recherches semblent considérer lÕidentité organisationnelle selon une vision performative. Notons que langage, performativité et interaction semblent etre au cÏur de la construction de lÕidentité organisationnelle et cÕest en partie là-dessus que nous allons nous interroger dans la prochaine section.

2.3 Discussion critique de la littérature & problématique

Comme nous lÕavons vu, la question de lÕidentité est une preoccupation essentielle des organisations et cÕest aussi un concept clef pour comprendre les organisations modernes (Gioia et all., 2000). En ce sens, Cheney et Christensen (2001) concluent leur chapitre du New Handbook of Organizational Communication en notant que le défi pour les chercheurs en communication aujourdÕhui est de réussir à conceptualiser la réalité complexe des organisations contemporaines.

La revue de littérature a montré quÕil nÕest pas simple de définir lÕidentité organisationnelle car ce concept est encore (et sera sans doute toujours) à lÕétat de discussion et de réflexion pour de nombreux chercheurs qui se sont attelés à le définir. Néanmoins, nous avons réussi à faire ressortir plusieurs points intéressants à noter et à prendre en compte dans le cadre de lÕétude de cette question. Ainsi, nous retiendrons que lÕidentité organisationnelle se construit dans lÕinteraction entre les individus eux-mêmes et dans leur rapport à lÕenvironnement et quÕelle est donc a priori multiple et dynamique. Sa construction passe par les images de lÕorganisation qui apparaissent comme des miroirs reels ou choisis de celle -ci. De plus, la question

de lÕidentité est toujours a priori ouverte dans lÕorganisation, aussi bien du point de vue des membres sur eux -mêmes, que vis-à-vis du sens que cette identité projette à lÕextérieur. Cela peut donc aboutir à la mise en place de strategies communicationnelles à lÕinterne comme à lÕexterne, afin de garder le contrTMle des images que projette lÕorganisation.

Quant à la réalité de lÕidentité au niveau organisationnel, on ne peut la comprendre quÕen prenant en compte ses definitions interne et externe, car elles semblent indissociables et inséparables. Ajoutons que lÕidentité organisationnelle appara»t comme un phénomene discursif qui se construit dans lÕinteraction et qui se raconte à lÕécrit comme à lÕoral, dans un processus de narration. LÕidentité se construit ainsi tout au long de la vie de lÕorganisation, avec des événements qui marquent cette construction.

Apres avoir abordé les points essentiels de la littérature sur le sujet, nous pouvons des lors faire le point et determiner les manques à combler par la recherche, cela afin de permettre une meilleure comprehension de la question. Ainsi, il apparait que le phénomene dÕidentité est abordé dÕun point de vue general et que trop peu dÕétudes empiriques sÕattardent à démontrer la dimension non seulement performative, mais egalement interactionnelle de la construction identitaire dÕune organisation. Nous pensons quÕil serait donc productif de sÕy intéresser dÕun point de vue plus micro oil lÕidentité de lÕorganisation appara»t à travers les interactions qui la font etre, se reproduire et évoluer, le but étant dÕapporter une contribution à la fois théorique pour la recherche et pratique pour la comprehension organisationnelle. En effet, souvent les etudes portant sur lÕidentité sont dÕordre quantitatif, mais notre recherche qui est qualitative et se concentre sur les interactions quotidiennes offre une vision plus communicationnelle/performative de cette question. Notre approche

montre une dimension incarnée, une vision ancrée sur les interactions qui se distingue donc des etudes basées sur des entrevues, exposant la maniere dont les interviewés font sens de lÕidentité organisationnelle. Notre recherche propose donc de montrer et analyser lÕidentité organisationnelle en action, au fil des interactions qui lÕincarnent. Quant aux contributions pratiques, nous en ferons part dans la conclusion de cette recherche, avec notamment la nécessité de former le personnel de lÕorganisation sur lÕimportance de leur parole dans le quotidien de leurs activités pour la construction de lÕidentité et lÕimage de leur organisation. En effet, notre etude fera la demonstration du pouvoir que peuvent avoir les mots dans le cadre de négociations implicites et explicites qui sont le lot des interactions quotidiennes dans lÕorganisation, influencant lÕimage que chacun peut avoir de celle-ci et donc le cours des missions, pour une organisation comme Médecins Sans Frontiéres.

En outre, Kerbrat-Orecchioni (1992) nous indique que lÕinteraction est le lieu de négociations implicites et explicites, ce point précis étant lÕobjet de notre interrogation sur lÕidentité organisationnelle : Ç Tout discours dialogue est le produit dÕun "travail collaboratif", les partenaires en presence mettant en Ïuvre en permanence des processus de négociations, dÕharmonisation de leurs comportements respectifs, et de "synchronisation interactionnelle" » (p. 148).

Finalement, on peut supposer que lÕidentité organisationnelle est (re)construite tous les jours et par tout le monde. En ce sens, si lÕidentité organisationnelle fait lÕobjet dÕune construction par des acteurs, on peut donc dire quÕelle est performée, en particulier par la parole et lÕécrit, et que lÕinteraction est le cadre de cette performance. En poursuivant cette idée de performance et en lÕalliant avec lÕidentité de lÕorganisation, nous nous sommes penchée sur le concept de présentification. Pour Cooren, Brummans et Charrieras (2008) qui se sont intéressés

à la notion de présence de l'organisation avec des données sur Médecins Sans Frontières, cette idée de performance renvoie à une facon de rendre présent ou présentifier l'organisation, de la représenter. On peut donc parler d'incarnation, voire d'incorporation. De plus, dans leur article, ils disent : Ç Thus, while our view foregrounds the performative aspects of presentification, this performance always involves processes of negotiation, transaction, interpretation, translation, co - constructionÈ (p. 1346). Cela nous amène donc à réfléchir sur la conception d'une identité organisationnelle plus centrée sur la performance des acteurs. En effet, qui dit performance, dit l'accomplissement de quelque chose et ce quelque chose est accomplie notamment par le biais d'une négociation ou d'une co-construction. De plus, comme nous sommes fortement attachée à la dimension discursive et interactive d'une définition de l'identité organisationnelle, nous pouvons alors émettre l'idée d'une co-construction de l'identité organisationnelle par le biais des performances discursives des acteurs de l'interaction.

Il y a, par ailleurs, souvent un profond sentiment d'attachement des acteurs vis-à-vis de leur identité et de l'identité de leur organisation. L'identité, c'est ainsi quelque chose qui est censé les définir, qui est censé être propre mais qui se nourrit aussi de l'impropre, autrement dit de ce qui, pour être approprié, doit d'abord être autre. On parle alors de la rencontre de soi et de l'autre. Ajoutons que toute relation suppose une appropriation et nous mettons donc ici en exergue une vision relationnelle de l'identité. Dans le cadre d'une ONG comme Médecins Sans Frontières, cela se manifeste, comme nous le verrons, par une réaffirmation constante de l'essence même de sa mission auprès de ses partenaires sur le terrain de l'action comme directement dans ses différents sièges dans le monde. De plus, le principe d'urgence de ce type d'organisation ajoute une difficulté particulière à ces

interactions et aussi une certaine intensité.

Après avoir abordé la littérature sur la question de l'identité organisationnelle et son application dans le cadre de l'humanitaire, nous pouvons donc nous interroger sur sa construction par le biais de la communication et plus précisément par la parole. Retenons que cette identité peut aussi bien se construire que se déconstruire et qu'il s'agit donc aussi de la négocier au fil des interactions. De plus, la construction de l'identité peut être associée au rituel de la danse dans un processus interactionnel entre soi et l'autre, selon la métaphore initiée par Goffman (1967) et qui est reprise dans une réflexion de Roth (1996) qui dit:

Construction of identity in interaction is a process that engages both participants in a ritual dance or in a ritual contest (Goffman, 1967, pp.31 and 32). Dancelike aspects of identity construction are found when participants cooperate (intentionally or not) in ceremonial rituals that are embedded in everyday conversation. (p. 175)

Ainsi, la question qui nous animera tout au long de ce travail sera d'évaluer par quels moyens les membres de l'organisation construisent leur identité organisationnelle dans leurs interactions du quotidien et comment ils agissent dans ce cadre ? Les questions de cette recherche sont donc formulées de la manière suivante:

QR : Comment est ce que l'identité organisationnelle de MSF est négociée dans la communication (interactions), soit entre les membres de MSF, soit entre les membres de l'organisation et les gens à l'extérieur ?

Chapitre 3: CADRE THEORIQUE

Les questions et idées qui émergent de la revue de littérature réalisée sur l'identité organisationnelle nous amènent à identifier différents concepts qui vont servir de cadre théorique à cette recherche. Il existe de nombreuses approches en communication organisationnelle, a priori aussi valables les unes que les autres, mais en choisir une, c'est comme choisir un angle de vue pour sa recherche. En ce sens, la lunette interprétative me semble la plus opportune. En effet, l'approche interprétative considère que la réalité organisationnelle est socialement construite à travers la communication, c'est-à-dire les interactions entre les individus. On y retrouve aussi l'idée de processus. De plus, nous emprunterons, pour les fins de cette recherche, les lecons tirées de l'ethnométhodologie, un courant de pensée né dans les années 1960 avec notamment comme maitre d'Ï uvre, Harold Garfinkel (1967, 2002). Le principe de base qui y est exprimé, c'est que le social se construit et se reconstruit sans cesse dans les relations quotidiennes entre les acteurs. Au sein de ce courant, nous trouvons aussi l'analyse de conversation (Boden, 1994; Sacks, 1992) et on notera aussi une certaine influence de la théorie des actes de langages d'Austin (1991), Ç Quand dire, c'est faire È, qui considère le langage dans sa dimension performative et actionnelle.

Une notion étudiée et développée par des chercheurs de l'École de Montréal a attiré notre attention, soit celle de la ventriloquie car elle agrandit le champ de vision de notre recherche, en identifiant tout ce qui est rendu présent dans l'interaction, en plus de ceux qui le sont physi quement. Au premier abord, la ventriloquie évoque pour tous, la capacité d'une personne à faire parler une marionnette sans bouger ses

lèvres . On imagine donc aisément un spectacle oü l'on s'amuse d'un petit être, une peluche, qui parle aux spectateurs ou à la personne qui le manipule. Du latin ventris ou venter qui signifie ventre et loqui qui signifie parler, ce concept renvoie donc à l'idée da Çfaire parlerÈ quelqu'un ou quelque chose. Nous reviendrons donc à cette idée dans un aspect communicationnel, car il semble permettre d'approcher, d'une certaine manière, les coulisses du discours, de la parole en interaction.

Tout au long de cette étude, le concept clef qui guidera ma réflexion sera celui de présentification car il nous permettra d'observer comment MSF est rendu présente par ses acteurs et ce, en vue de mieux saisir la construction de son identité organisationnelle. Pour cela, je m'inspirerai de l'article de Cooren et al. (2008) qui se conclut en notant l'intérêt d'une étude portant sur l'identité organisationnelle à travers la lentille du concept de présentification organisationnelle. De plus, leur cas d'étude confirme que ce sont dans les interactions que cette construction a lieu:

As É illustrated É what or who belongs (or does not belong) to an organization (i.e. what is considered `in' or `out'), or how an organization is perceived and experienced by `insiders' (identity) and `outsiders' (image), is always a question of negotiation played out on the terra firma of interaction. (p. 1361)

Ainsi, à travers l'interaction, c'est la confrontation de plusieurs images qui peut produire l'identité, c'est-à-dire que chacun (que ce soit des personnes à l'intérieur ou à l'extérieur de l'organisation) mobilise implicitement ou explicitement une ou plusieurs images ou identités de l'organisation et c'est au cours des interactions que ces images/identités s'harmonisent ou non.

comprendre pleinement, il est nécessaire de le situer dans un premier temps dans un cadre plus large, pour ensuite revenir sur ce concept et lÕexpliquer avec plus de profondeur. Nous allons pour cela nous intéresser aux réflexions de lÕÉcole de Montréal, en commentant egalement certains concepts de la théorie de lÕacteur- réseau, pour ensuite nous atteler à la description de ce que lÕon entend par Ç présentification organisationnelle È et la pertinence de cette notion dans le cadre dÕune réflexion sur lÕidentité organisationnelle.

3.1 L'École de Montréal

LÕÉcole de Montréal est un courant de pensée qui rassemble des chercheurs autour dÕune idée centrale selon laquelle les organisations sont constituées par et dans la communication, une communication vue comme organisante (Brummans, 2006). Cependant, lÕÉcole de Montréal ne sÕintéresse pas seulement à la communication, elle cherche aussi son inspiration au sein de toutes les disciplines des sciences humaines, en sÕintéressant notamment à la linguistique, la sémiotique, aux etudes sur les organisations et au m anagement (Brummans, 2006). Comme son nom lÕindique, cette école de pensée prend son origine à Montréal, au Québec, cÕest- à-dire un espace francophone au cÏur de lÕAmérique du nord. Ce lieu se trouve culturellement et historiquement à la frontiére de lÕEurope et du continent américain. Son originalité lui permet notamment de relier et de réunir en son sein des concepts venus des deux cotes de lÕOcéan Atlantique.

Ainsi, par exemple, lÕEcole de Montréal réussit à connecter des idées provenant du pragmatisme européen et américain (Brummans, 2006), cÕest à dire une philosophie qui sÕattache à la réalité, au concret, autrement dit à lÕaction. Cette école

trouve ses fondements dans la théorie des actes de langage dÕAustin, les écrits de Searle, certaines réflexions de Durkheim, le formalisme de Peirce, les travaux de Dewey et de Deetz, pour nÕen citer que quelques-uns. De plus, elle mobilise les concepts issus de la théorie de lÕacteur-réseau (ANT), appelée aussi sociologie de la traduction (Akrich, Callon & Latour, 2006), laquelle considére le monde comme un ensemble de réseaux oil interagissent des acteurs humains et non-humains, acteurs qui peuvent eux -mêmes etre considérés comme des réseaux. Nous allons maintenant faire un petit detour pour presenter les conceptions de cette approche, cela dans le but de mieux comprendre les réflexions de lÕÉcole de Montréal.

Le postulat de base est que tout élément qui fait quelque chose peut etre considéré comme un acteur et quÕil y a une interdépendance entre les différents êtres qui constituent des collectifs. Par ailleurs, lorsquÕun individu prend la parole, ce nÕest pas seulement lui qui parle mais tout ce quÕil peut alors se mettre à représenter ou traduire (cÕest-à-dire, ce quÕil rend present à travers son acte de parole). Ainsi, lÕidentité dÕun acteur peut se définir comme la configuration de ces effets de representation. De fait, les êtres sont hybrides car ils incarnent ou sÕincarnent dans plusieurs choses, cÕest -à-dire que tout etre peut etre représenté, incarné, matérialisé, traduit ou incorporé par plusieurs autres êtres. Cooren et Taylor nous disent ainsi (1997 ; cite dans Cooren et al., 2008) :

An organization is a hybrid, protean and polymorphous entity composed of human and nonhuman agents (documents, computers, spokespersons, employees) that do things in the organization's name or on its behalf. (p. 1342)

<< Faire, c'est faire faire>> (p. 601) et, qu'il n'y a pas d'origine à l'action. On est donc toujours dans un processus, un processus dont on ne peut qu'arbitrairement designer l'origine car tout être est mu par quelque chose qui l'anime en amont, l'amenant, en aval, à faire quelque chose. On est ainsi <<toujours aussi déjà>> (selon l'expression de Derrida, 1990) dans un continuum d'actions successives.

Ainsi, par le discours, on peut faire agir plusieurs choses ou personnes. Le collectif, selon une vision performative, est donc toujours en train de se définir, à travers ces effets de présentification/délégation. Cette re-définition constante peut traduire et/ou trahir la parole du collectif, car il y a forcement transformation, car déplacement/translation. La société est réalisée par les performances de ses acteurs, une société est à la fois complexe (car résultant des interactions) et compliquée (car résultant d'effets de représentation).

Au-delà de l'influence de la théorie de l'acteur -réseau, l'École de Montréal a développé une approche originale du phénomène organisationnel à partir d'une réflexion sur les propriétés organisantes de la communication (Brummans, 2006, Cooren, 2000). Le fonctionnement du langage Ð sous ses deux modalités: la conversation et le texte Ð y est tout particulièrement analysé. Selon cette approche, les textes servent de médiateurs dans une conversation entre agents, alors que les conversations produisent et mobilisent elles-mêmes des textes (Brummans, 2006). De plus, l'emphase est mise sur l'interaction dans la construction des organisations:

Organizational structuring occurs because human interactions are mediated by nonhuman agents (including `objects' like texts or langage more generally) that constrain and enable these interactions, give them a relatively lasting character in time and space, and allow the translation of individual

into collective action (p. 201, Brummans, 2006; voir aussi Cooren & Taylor, 1997 et Taylor & Giroux, 2005)

Au sein des conceptions de cette école, on retrouve aussi l'idée d'agency ou d'agentivité, qui est définie comme suit: << the term agent means what or who appears to make a difference, whereas agency simply means making a differenceÈ (Cooren, 2006, p. 82). Cooren (2006) ajoute que le monde est composé de nombreuses agentivités, << a plenum of agenciesÈ (p. 85), et qu'au quotidien, ces acteurs y font appel dans leurs discours et leurs actions.

3.2 Le concept de ventriloquie

La ventriloquie est un concept développé par Cooren (2010b) dans la continuité des réflexions sur la communication organisationnelle du courant de pensée de l'Ecole de Montréal. Les bases théoriques de ce concept se situent dans un premier temps autour de l'ethnométhodologie de Garfinkel, puis s'insère dans la théorie de l'acteur réseau avec une considération éminente pour les interactions. Ajoutons que cette réflexion ne serait pas sans la contribution d'Austin et sa théorie sur les actes de langages qui amène le postulat de la performance et de l'action des mots, du langage dans les interactions (Cooren & Bencherki, sous presse). Le concept de ventriloquie est présenté et défini de la sorte :

La notion de ventriloquie, [est] concue métaphoriquement comme le processus par lequel des interlocuteurs animent et font parler des êtres (que je propose d'appeler figures, le nom que les ventriloques utilisent pour parler des mannequins qu'ils manipulent), êtres qui sont eux -mêmes censés animer

33 ces mêmes interlocuteurs en situation d'interaction. (p. 1/2, Cooren, 2010b)

Il est donc question, avec la notion ou le concept de ventriloquie, de s'intéresser aux figures que mobilisent les interlocuteurs au sein de l'interaction. En ce sens et comme le dit Cooren (2010a), cette notion permet d'approcher une dimension plus profonde de l'interaction et plus profonde de ses acteurs, car : « interagir, c'est faire parler des figures, figures qui sont censés certes nous animer, mais que nous animons aussi implicitement ou explicitement pour ordonner la conversation de telle ou telle maniere » (p. 24). Il est donc à noter que ce concept prend tout son sens lorsqu'il est utilisé dans le cadre d'une analyse de conversation. De la sorte, il peut être tres utile pour une recherche qui s'intéresse à décrypter ce qui se passe dans une interaction et plus précisément ce que font les acteurs.

L'idée est donc ici de considérer que dans nos conversations nous faisons appel à des figures en les invoquant, de façon implicite ou explicite, pour les faire parler, les ventriloquiser, ajoutant ainsi leur force à notre propos. Mais, il appara»t aussi que nous sommes en quelque sorte des marionnettes et que si nous parlons, c'est aussi que nous sommes agis nous-mêmes. Ainsi comme le dit Cooren (2010b) suite à l'analyse d'une interaction filmée dans le cadre d'une recherche sur l'organisation Médecins Sans Frontieres :

Parler au nom de MSF (ce que lui permet son statut), c'est donc être (officiellement) mue par les intérêts de cette organisation, c'est les traduire, les re-présenter, les présentifier pour une autre première fois. [É] Faire parler ou ventriloquiser la figure d'une organisation, c'est donc aussi et surtout faire parler ses intérêts, tels que traduits et compris au moment même de l'interaction, dans son eccéité. (p.16/17)

Revenons un instant sur la définition d'une figure ou d'un être dans le cadre de cette métaphore de la ventriloquie. Il s'agit de principes, de valeurs, d'idées, d'idéologies, de normes, de lois, de règlements, de procédures, de statuts, d'organisations, de groupes, de sociétés ou de personnes (Cooren; 2010a; 2010b). Il est donc question de répertorier et d'examiner tous les acteurs humains et nonhumains qui agissent dans l'interaction, dans son ici et maintenant de la situation et qui l'influencent. Ainsi, par exemple, invoquer un principe, c'est en quelque sorte se l'approprier et l'incarner. En termes d'identité, c'est donc être identifié par son ou ses interlocuteurs par ce même principe. Cet exemple est valable pour tous les acteurs humains ou non-humains qui peuvent être appelé à participer directement ou indirectement, implicitement ou explicitement, à la conversation. De plus, il existe une réciprocité dans l'action des figures/êtres auxquelles on fait appel dans nos conversations :

Ventriloquism is also interesting as a metaphor for communication because people can alternatively position themselves or be positioned as the figure or the ventriloquist, a vacillation or oscillation that is typical of this type of phenomenon. (Goldblatt, 2006; cité dans Cooren & Bencherki, sous presse)

En effet, au même titre que l'on anime quelque chose ou quelqu'un, celui-ci nous anime aussi: Ç Ils agissent dans la mesure oü on les mobilise/anime/meut/enrôle et oü ils nous mobilisent/animent/meuvent/motivent. È (p.13/14, Cooren, 2010b). Ainsi si dans une conversation, je me présente comme étant d'une certaine nationalité, par la même occasion je recois tous les attributs de cette nationalité et l'incarne aux yeux de mon ou mes interlocuteurs.

construction de l'identité organisationnelle dans les interactions du quotidien permet de s'extraire d'une vision réductrice de la conversation qui ne considère que les seuls interlocuteurs présents physiquement. Aussi, reconstruire les effets de ventriloquie dans une conversation, c'est déconstruire la scène interactionnelle pour rendre compte de son entièreté et lui redonner toute sa dimension visible et surtout invisible (Cooren & Bencherki, sous presse).

3.3 La présentification

Comme nous l'avons vu, les chercheurs de l'Ecole de Montréal considèrent que le collectif se bâtit avec tout ce qui parle et agit en son nom et c'est par ce biais qu'ils amènent l'idée de présentification dans les organisations. Ainsi, selon Cooren (2006):

Acting in the name of others thus amounts to making these others present, a sort of `presentification' that, as we will see, tends to solve the conundrum of the mode of being of societies and organizations. According to this approach, a collective entity like a group, organization, or society exists through all the entities that act or speak on its behalf. (p. 83)

Le concept de la présentification qui est utilisé dans le cadre des études réalisées par les chercheurs de l'Ecole de Montréal sert de lentille dans l'observation des organisations (Brummans et al., 2009). S'inspirant de Gumbrecht (2004), les penseurs de cette école définissent la présentification organisationnelle comme un concept qui renvoie à la manière dont une organisation est rendue présente par le biais d'agents humains et non-humains qui sont, eux-mémes, dans un processus

d' interaction (Cooren, Matte, Taylor & Vasquez, 2007). L'idée de présentification permet donc de voir comment l'organisation s'incarne par l'entremise des acteurs humains et non-humains qui la mettent en scene implicitement ou explicitement (Cooren, 2006). Les acteurs humains peuvent mobiliser des acteurs non-humains et parfois aussi d'autres acteurs humains (Cooren et al., 2008).

Cette idée d'incarnation qui rappelle aussi l'idée de parler ou d'agir au nom de, est décrite ainsi:

The incarnation that enables presentification occurs through the interplay between spoken and written language (conversations, speeches, documents, memos, posters), nonverbal language (gestures, symbols), context (circumstances, previous interactions), and materialities (costumes, buildings, desks, computers). (Brummans et al., 2009, p. 104)

Cependant, même si l'on considère que toute entité peut potentiellement être l'agent d'une autre entité, il faut prendre en compte le fait que dans le cadre d'une organisation, certains agents ont plus de visibilité ou d'importance que d'autres.

Comme nous l'avons vu, présentifier une organisation, c'est la rendre présente. En ce sens, on peut aussi rendre présent son identité, celle-ci s'incarnant dans des acteurs humains (employés, directeurs, porte -parole, É) et non-humains (vêtements, logo, bâtiments, É) qui sont censés la manifester. On notera d'ailleurs qu'il n'y a pas une incarnation, mais bien plusieurs, plusieurs agents ayant potentiellement un rTMle de représentation à jouer au sein du collectif. Ainsi, l'organisation est re-produite selon les nombreuses présentifications censées l'incarner. Comme le précisent Cooren et al. (2008):

Our study indicates that the ways in which an organization's presence is produced can never be fully controlled by the organization itself (i.e. by its representatives), because organization presentification results from the interplay between a number of human and nonhuman interactants. Going one step further than Gumbrecht (2004), we thus argue that an organization's (or individual's) presence is always a co -production. (p. 1346)

Dans le phénomène de présentification et d'incarnation, il y a aussi l'idée de performance, qui se manifeste par la traduction, l'interprétation, la transaction et surtout, en ce qui nous concerne dans cette étude, la co-construction (Cooren et al., 2008).

D'un point de vue communicationnel, cette présentification organisationnelle, dans le cas de l'organisation Médecins Sans Frontières, se manifeste surtout selon des narratifs produits par les membres de l'organisation, narratifs qui les apparentent à des héros, alors que les non-membres passent alors soit pour des adjuvants, soit pour des opposants (Cooren et al., 2008).

La revue de littérature nous a montré que l'identité organisationnelle se construit de facon quotidienne et qu'elle fait l'objet de négociations constantes à travers les interactions. On peut donc considérer que l'organisation se présentifie dans l'interaction à travers les valeurs, les principes, les arguments, les documents qui sont censés incarner son identité, sa mémeté. Nous allons donc nous concentrer sur les interactions au quotidien pour comprendre la construction du Ç soi È d'une organisation, à travers ses incarnations exprimées par le langage. Afin de justifier l'étude de l'identité organisationnelle par le biais de l'analyse du discours en interaction, nous nous baserons sur l'idée d'agentivité développée par Cooren

(2006) : « In a world full of agencies, an organization's identity can thus be understood through all these entities that can act and speak in its name » (p. 83).

Afin d'analyser empiriquement comment l'identité organisationnelle s'incarne dans la construction interactionnelle, nous proposons d'étudier l'organisation Médecins Sans Frontieres. Pourquoi cette organisation ? Notamment parce que c'est l'une des seules ONG à but humanitaire d'envergure internationale, avec une identité complexe et des tensions entre sa cause et ses impératifs stratégiques. Mais aussi, parce que des sa création, elle clame haut et fort dans les médias qu'il faut aider les populations en souffrance sur le terrain de leur drame, en envoyant des médecins, mais aussi des caméras, pour dénoncer la réalité de leur détresse aux yeux du monde. Les représentants de cette organisation ont donc a priori conscience du pouvoir des mots et des images, lesquels sont des éléments majeurs dans la constitution de l'identité d'une organisation. Toutes ces raisons m'amenent à penser que l'organisation Médecins Sans Frontieres semble être un cadre d'étude tres intéressant pour une recherche sur la construction de l'identité organisationnelle. En outre, il existe déjà un corpus de données (vidéos d'une mission de Médecins Sans Frontieres en République Démocratique du Congo) qui est mis à notre disponibilité pour notre recherche par Francois Cooren, mais nous y reviendrons plus tard.

Chapitre 4 : PRESENTATION DU CAS & METHODOLOGIE

SÕinteresser à la question

de lÕidentite organisationnelle et la façon dont celle- ci est construite nous a conduit naturellement vers une demarche de recherche de nature qualitative. En effet, dans un contexte organisationnel, lÕapproche qualitative a tendance à mieux rendre compte de la realité humaine dans toute sa complexite. LÕinteret de notre recherche est de nous interroger sur la façon dont est construite lÕidentite organisationnelle dans les interactions quotidiennes. Au cours de cette recherche, notre attention va se porter sur le quotidien de lÕorganisation Medecins Sans Frontiere (MSF), qui sÕavere etre un riche cas pour notre etude. Aussi, lÕapproche ethnographique (Schwartzman, 1993) semble etre un outil approprie pour nous guider dans notre recherche. Cette demarche prend racine au sein de lÕethnographie, une methode qui me para»t appropriee pour réaliser une etude sur la construction identitaire. LÕethnographie sÕattache à lÕetude analytique et descriptive des mÏurs ou des façons dÕagir et dÕêt re dÕune population determinée, dÕun groupe. Les preceptes de lÕetude ethnographique peuvent etre presentes comme suit :

Il sÕagit : de tenter de comprendre les phénomenes sociaux, à partir des rapports qui sÕétablissent entre les individus plutTMt que dÕétudier ces phénomenes à partir dÕhypotheses préétablies ; de laisser parler les données, cÕest à dire de ne pas faire lÕanalyse à partir de codes et de categories conceptuelles préétablis, mais à partir des données recueillies ; dÕanalyser un nombre restreint de cas, ou même, dans certaines circonstances, un seul ; de fonder lÕanalyse des phénomenes sociaux sur lÕinterprétation du sens à donner aux actions humaines, plutTMt que sur une quantification statistique des

donnees recueillies (pp. 75-76, Guerin-Lajoie, 2006 ; voir aussi Atkinson & Hammersley, 1994).

Apres avoir décrit le cas de notre etude, cÕest-à-dire lÕorganisation Médecins Sans Frontières (MSF), nous présenterons la démarche que nous avons adoptée pour collecter nos données, faire une selection parmi celles-ci, pour finir par leur interpretation, à lÕaide de lÕanalyse de conversation.

4.1. Présentation du cas - Médecins Sans Frontières

4.1.1 Retour sur son histoire

LÕassociation Médecins Sans Frontieres a été créée en France en 1971 par treize fondateurs, avec pour objectif premier dÕallier une action humanitaire à un travail de sensibilisation de lÕopinion internationale, notamment par le biais des médias. Son histoire se définit en plusieurs étapes pour devenir aujourdÕhui la grande ONG internationale connue de tous. Nous allons brievement revenir sur lÕhistoire de cette association. Elle démarre avec un événement fondateur, celui de la guerre du Biafra, en 1969, oil de jeunes médecins francais engages aupres du Comité International de la Croix Rouge sÕinsurgent face au drame dont ils sont les témoins. Ils décident alors de rompre la neutralité dont ils doivent faire preuve, dl au respect de la convention de Geneve de 1864 (Rufin, 1996). Ils témoignent alors de ce quÕils ont vu dans une lettre ouverte, en denonçant le silence et lÕindifférence face aux massacres, afin dÕalerter lÕopinion publique. De retour en France, ils fondent, dans un premier temps,

le GIMCU (Groupe d'intervention médicale d'urgence), puis ces jeunes médecins s'allient aux journalistes du journal médical Tonus et c'est de leur alliance que va naitre l'association Médecins Sans Frontières (Siméant, 2001). Avec la création de MSF, appara»t alors aussi dans l'imaginaire populaire de l'action humanitaire d'urgence, la figure du <<French Doctor >>. Brauman (2006) nous dit à propos de MSF que c'est un produit de son époque, dü notamment à la notion de médecine d'urgence, la capacité de mobilité internationale et l'importance des médias. Ë ses premières heures d'existence, MSF n'était encore qu'une sorte d'agence de placement pour personnel médical humanitaire (Brauman, 2006). Mais ses médecins volontaires interviennent dès lors dans des missions d'urgence, pour soigner des victimes de guerres, d'affrontements, de catastrophes naturelles, de famines et d'épidémies aux quatre coins de la planète. Quéinnec (2003) nous parle d'une rupture stratégique au début des années 1980 oü l'association renouvelle sa direction. En effet, suite à l'opération très médiatisée <<Un bateau pour le Viêt Nam >> en 1979, une querelle a lieu entre les membres fondateurs, qui se conclut par le départ de Bernard Kouchner qui était là depuis le Biafra et qui fondera peu après Médecins du Monde. Dès lors, MSF s'institutionnalise et tend désormais à stabiliser ses ressources financières en plus de professionnaliser son action. Cette organisation a d'ailleurs été récompensée pour son travail par un Prix Nobel de la Paix en 1999, un prix qui a témoigné, aux yeux du monde entier, de la reconnaissance de son combat et de son action sur le terrain. D'ailleurs, MSF qui est qualifié de <<lauréat irrespectueux >> (p. 649) par Vallayes (2004) se sert de cette tribune pour témoigner et user de sa liberté de dénonciation pour faire réagir les politiciens européens et le monde face à la guerre et aux exactions qui font toujours trop de victimes.

4 . 1 .2 Une organisation

A tort ou à raison, MSF est identifié par l'opinion publique à un engagement politique (les droits de l'homme), à l'éthique (le témoignage), au droit d'ingérence et à l'indépendance par rapport aux pouvoirs politiques (Brauman, 2006). Les principes de l'association sont énoncés dans une charte qui vise à guider le travail de tous les membres. Ecrite par Philippe Bernier, voici son contenu:

Les Médecins Sans Frontières apportent leur secours aux populations en détresse, aux victimes de catastrophes d'origine naturelle ou humaine, de situation de belligérance, sans a ucune discrimination de race, religion, philosophique ou politique. Îuvrant dans la neutralité et en toute impartialité, les Médecins Sans Frontières revendiquent, au nom de l'éthique médicale universelle et du droit à l'assistance humanitaire, la liberté pleine et entière de l'exercice de leur fonction. Ils s'engagent à respecter les principes déontologiques de leur profession et à maintenir une totale indépendance à l'égard de tout pouvoir, ainsi que de toute force politique, économique ou religieuse. Volontaires, ils mesurent les risques et périls des missions qu'ils accomplissent et ne réclameront pour eux ou leurs ayants droit aucune compensation, autre que celle que l'organisation sera en mesure de leur fournir. (Source : www.msf.fr)

En outre, afin de parfaire notre esquisse de présentation de cette organisation, ajoutons que Comte et Quéinnec (2004) disent à propos de la constitution de MSF que : Ç Médecins sans frontières fait en quelque sorte serment d'allégeance à une culture du chaos, du bouleversement, de l'impertinence et de l'autogestion dont la congruence avec son environnement opérationnel - turbulent - est à releverÈ (p. 274). De plus, elle se distingue par le fait qu'elle porte Çun projet aussi insolent

qu ' ambitieuxÈ (p. 274; Comte et Quéinnec, 2004). Il est à noter que les objectifs principaux de cette organisation, selon la manière dont elle se présente sur son site internet, sont de ÇSauvegarder la vie, alléger les souffrances, et restaurer les capacités de choix de populations dont l' équilibre est mis en danger par des crises aiguësÈ (Source : www.msf.fr). MSF offre ainsi une aide médicale d'urgence sous la forme de missions humanitaires sur le terrain et est présente dans de nombreuses régions en difficulté à ce jour. De plus, elle possède des sièges sociaux en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse et en Espagne, ainsi que des bureaux aux quatre coins du monde, cela afin de faciliter son action. Elle offre son aide aux populations en danger dans environ 70 pays dans le monde.

MSF est une grosse machine associative de l'humanitaire travaillant main dans la main entre les différents sièges et le terrain. En effet, il est à noter que cette Ç multinationaleÈ de l'humanitaire avait comme budget annuel pour l'ensemble de ses branches en 2009, 665,4 millions d'euros et intervenait approximativement dans une soixantaine de pays (Source: MSF Activity Report 2009). En outre, MSF, ce n'est pas seulement des médecins et des infirmiers, méme si leur présence est indispensable, c'est aussi et avant tout une logistique à toute épreuve, accompagnée de tous les corps de métiers qui font fonctionner n'importe quelle organisation mondiale aujourd'hui. Ainsi, pour réaliser sa mission, elle possède un siège logistique à Bordeaux (France), avec cinq branches plus ou moins autonomes dans le monde, à Amsterdam, Barcelone, Bruxelles, Genève et Paris. Sur le terrain, les équipes sont composées de dizaines, voire de centaines de personnes, avec un responsable de terrain ou de mission qui organise et supervise l'ensemble des activités et coordonne l'action avec le siège. Sur le terrain, le dit responsable est le porte-parole de son organisation et c'est aussi lui qui se charge de développer les

liens avec les autorités et populations locales. Sous sa responsabilité, on retrouve un coordonateur médical, un responsable technique logistique et un administrateur. On retrouve aussi des traducteurs, des cuisiniers, des personnels de sécurité, des opérateurs radio, etc. Nous allons, au cours de cette étude, nous intéresser plus précisément à une région de mission de MSF, en l'occurrence, le Nord-Kivu, situé en République Démocratique du Congo (Afrique centrale).

4.1.3 MSF au Nord-Kivu (RDC)

(Source : www.msf.fr)

Le Nord-Kivu est une province de la République Démocratique du Congo dont la capitale se situe à Goma. L'essentiel des opérations de MSF en République démocratique du Congo (RDC) a pour cadre le Nord -Kivu. Cette province située dans l'est du pays est toujours en proie à des affrontements armés qui provoquent des déplacements incessants de populations. Cette région est ainsi le théâtre de violences oü plusieurs forces et milices se battent depuis des années. Cette tragique mais humaine configuration créée bien évidemment de nombreuses souffrances pour les populations civiles présentes sur le territoire, amenant avec elle son lot de famines, malnutrition, viols, blessures et décès.

à l'intervention MSF. Plusieurs sections de MSF sont présentes en RDC, avec les sections francaise, belge, hollandaise et espagnole. Nous allons présenter les programmes de la section francaise qui prend en charge les programmes du Nord-Kivu. Ainsi, depuis 2004, MSF a ouvert un programme d'intervention à l'hôpital de Laika (nom fictif), oü elle prend en charge les patients en collaboration avec les pouvoirs administratifs locaux. Notons que cette mission a été fermée en 2007 en raison de l'amélioration de la situation au niveau de la sécurité et au bon fonctionnement de la zone de santé .

L'organisation MSF travaille aussi depuis aoüt 2005 dans l'enceinte de l'hôpital de Mumba (nom fictif), afin de venir en aide aux malades. Elle s'occupe à ce titre du service de chirurgie, de la pédiatrie, de la médecine interne, des soins intensifs, des urgences et, depuis 2007, d'une partie du service maternité (césariennes et soins post-opératoires). MSF est aussi présent dans plusieurs centres de santé pour répondre aux problèmes de malnutrition, aux victimes de violenc es sexuelles, aux épidémies et faire des campagnes de vaccination.

4.2 Méthodologie

Mondada (2006) a écrit:

D'une manière générale, les travaux développés en AC [Analyse de conversation] et EM [Ethnométhodologie] montrent que la parole-en- interaction est une ressource centrale pour l'exercice de nombreuses tâches professionnelles (résolution de problèmes, prise de décision, négociation, élaboration collective de solutions, co-conception, coordination des équipes,

offre de service, etc.). (p. 14)

Il semble donc aux vues de ces informations que notre étude s'intègre et se justifie en se positionnant à la suite des précédentes recherches qui ont suivi la méthodologie d'analyse de conversation dans un contexte organisationnel. Nous allons maintenant présenter la facon dont nous avons collecté nos données, puis fait un choix parmi celles-ci, pour enfin les traiter.

4.2.1. Collecte des données

D'ores et déjà, il est nécessaire de stipuler que les données que nous avons utilisées pour notre recherche sont de type secondaire. En effet, les données - des enregistrements vidéo - ont été collectées par Francois Cooren, en 2005, au cours d'un terrain d'une dizaine de jours en République Démocratique du Congo, en pleine zone de conflits. Le chercheur qui est aussi un des directeurs de recherche de cette présente étude avait pour but de suivre le travail d'un chef de mission MSF sur le terrain dans ses activités et déplacements, de devenir en quelque sorte son ombre. L'analyse secondaire est le terme utilisé pour désigner l'analyse de données produites par quelqu'un d'autre - on peut aussi parler de recyclage (Thorne, 1992). Le fait que les données que nous avons collectées soient de type secondaire pose déjà une des limites de cette recherche. Cependant, étant donné que le chercheur qui les a collectées est l'un de directeurs de cette recherche, cela a facilité notre compréhension et la recontextualisation de celles-ci, nous permettant ainsi de limiter les éventuelles erreurs d'interprétation.

La méthode qui a été utilisée est celle de l'observation directe. Notons que, comme nous le dit Peretz (2004), ce qui est intéressant avec l'observation directe des personnes dans leurs activités quotidiennes, c'est que cela permet au chercheur de

découvrir les categories quÕelles utilisent dans les situations et face aux individus pour caractériser ceux-ci selon leur propre perspective. Peretz (2004) dit aussi que lÕobservateur a quatre t%oches à accomplir : (1) etre sur place parmi les personnes observées et sÕadapter à ce milieu, (2) observer le déroulement ordinaire des événements, (3) enregistrer ceux -ci en prenant des notes ou par tout autre moyen, (4) interpreter ce quÕil a observe et en rediger un compte-rendu.

La collecte des données a été effectuée en suivant lÕapproche du shadowing, encore appelé filature en francais (Bruni, 2005 ; Bruni et al. 2004 ; Cooren et al., 2005 ; Kostera, 2007 ; McDonald, 2005 ; Wolcott, 1973). Le shadowing est une pratique qui consiste à suivre quelquÕun en le filmant avec une camera video, tout au long de sa journée de travail, dans le quotidien de son action. Par consequent, elle donne une dimension visuelle et orale de lÕinteraction, donnant ainsi un maximum de details de celle-ci. On peut néanmoins, face à un tel outil, se poser la question de lÕinfluence de la camera sur le naturel des personnes et situations filmées. En effet, la camera sÕavére etre un acteur de la recherche au même titre que le chercheur present sur le terrain. Néanmoins, même si au début une attention lui est généralement portée, trés rapidement, la réalité du travail et du quotidien reprennent le dessus et ces deux acteurs deviennent ainsi presque invisibles, la gene sÕestompant progressivement.

La base de données fut ainsi mise généreusement à notre disposition par Francois Cooren, nous permettant ainsi dÕaccéder aussitTMt à des données relativement brutes mais nous exemptant par la même occasion de lÕexpérience de terrain. Mais, il est à noter que pour le type de recherche et dÕanalyse que nous souhaitons faire, les enregistrements video qui reproduisent des interactions quotidiennes de lÕorganisation sont assez riches en informations. De plus, ce type de données nÕest

pas facilement collectable, étant donné quÕelle se trouve sur un terrain fortement instable et dangereux pour le chercheur, tout comme le personnel de MSF sur place. Notons aussi, afin de nous remettre dans le contexte de la collecte initiale, que pour le chercheur et directeur de recherche, lÕobjectif de cette collecte était dÕenregistrer le plus fidelement possib le la réalité du quotidien dÕune mission humanitaire. Des son arrivée, le chercheur a été accueilli par le chef de mission (Max, un pseudonyme) que nous verrons plus tard dans les analyses et il lÕa suivi tout au long de son périple. Cette filature a donc eu pour principal focus le chef de mission dans ses activités et déplacements, mais par la même occasion, elle a permis de faire la rencontre de différents acteurs de MSF et de partenaires locaux. LÕensemble de la mission filmée correspond à environ 42 heures dÕenregistrements video dÕinteractions entre les membres de MSF eux-mêmes, avec leurs partenaires, les acteurs de leur environnement, aussi nous y trouvons des reunions formelles et dÕautres informelles, ainsi que quelques entrevues.

4.2.2. Choix des sequences

NÕayant pas participé à la collecte de données sur le terrain, il nous a paru important et dans le but de mieux comprendre lÕensemble de la mission, de nous immerger dans les données, cÕest-à-dire les videos. La première étape a donc été de visionner lÕintégralité des 42 heures dÕenregistrements video afin de sÕimprégner du contexte. Regarder lÕensemble des videos nous a permis de nous familiariser avec le langage particulier des membres de MSF et de le comprendre. Puis, à lÕaide dÕun carnet de route et armé dÕun stylo, nous nous sommes attelée à noter les details du déroulement et les sujets de conversations de chacune dÕentre elles. En même temps que nous notions toutes ces informations, nous nous sommes évidemment intéressée plus particulierement à la manière dont MSF est exposé, raconté, présenté et négocié

par ses acteurs dans leurs interactions. Ainsi, notre attention s'est portée sur la facon dont était construite et performée l'identité organisationnelle, mais aussi la facon dont celle-ci était utilisée pour accomplir des choses, explicitement et implicitement. Tout au long du visionnage, nous nous sommes focalisée sur l'expression des marqueurs d'identité tels que: prénoms, noms, on, nous, vous, MSF, principes,É afin de capter des moments de manifestation de l'identité organisationnelle. Le but étant, en particulier, d'identifier des extraits qui démontrent la négociation et la construction de l'identité de MSF au sein des interactions.

Avant d'effectuer l'analyse proprement dite, nous avons dü opérer un choix à travers la quantité de données qui se présentaient à nous. Pour cela, nous avons eu recours à certains critères comme la longueur de l'interaction, le nombre de participants et la diversité des situations interactionnelles. En plus de ces critères de base, nous avons cherché des séquences où la question de l'identité organisationnelle semblait clairement présente dans l'interaction. Il faut noter, de surcroit, que nous avons sélectionné des séquences oü les acteurs utilisaient dans leurs conversations des expressions comme MSF fait/ne fait pas, doit faire/ne doit pas faire ou encore est/n'est pas.

En ce qui concerne la longueur des séquences choisies pour l'analyse, nous avons préféré nous restreindre au choix d'extraits d'interactions n'excédant pas une vingtaine de minutes, cela afin de mieux nous concentrer sur les détails de celles-ci. Il est à noter que les séquences choisies ne correspondent pas aux débuts et fins de rencontres entre les acteurs présents dans les interactions, mais à une sélection en leur sein pour répondre à notre objet d'étude. Le choix s'est aussi fait par rapport à la notion de co-construction dans les conversations. Ë ce sujet, Traverso (2009) dit : Ç La conversation se caractérise surtout par sa temporalité, liée au fait qu'elle impose

à chacun lÕabandon de son temps individuel et ordinaire, lÕentrée dans un temps commun È (p. 83). Ces critéres sur la longueur des sequences nous ont obligee de proscrire de notre analyse des interactions intéressantes dans leur globalité, mais qui duraient environ une heure, donc qui étaient beaucoup trop longues pour pouvoir espérer entrer dans leur detail.

Quant au nombre de participants, nous avons privilégié les sequences qui sÕavéraient suivre cette prémisse : Ç Le nombre des interlocuteurs est a priori illimité, il doit cependant permettre de preserver une proximité favorable aux échanges È (Traverso, 2009, p. 83). Ë ce titre, les extraits choisis ne compte pas plus de trois personnes qui parlent dans lÕinteraction, cela afin de nous permettre de considérer le mieux possible le discours de chacun. Nous avons donc éliminé des sequences qui étaient intéressantes pour notre analyse, comme des reunions dites de « mise au point » entre des membres de MSF et des reunions du Conseil dÕadministration de lÕhTMpital de Mumba (ville fictive), car elles comprenaient de cinq à dix personnes qui prenaient la parole. De plus, il faut savoir que lors de la collecte de données, les participants des videos nÕont pas été choisis par le chercheur, qui sÕest laissé guide par la réalité des rencontres du quotidien du travail du chef de mission MSF.

Un autre de nos critéres a été de sÕefforcer dÕoffrir pour lÕanalyse une certaine diversité des situations et natures interactionnelles, avec un dénominateur commun qui est en lÕoccurrence Max, chef de mission de la branche francaise de MSF. En effet, le but de ce critére était de pouvoir accéder à un florilége, sans aucunes prétentions dÕuniversalité, des situations normales auxquelles peut être confronts un chef de mission MSF dans son travail de tous les jours, afin dÕessayer de capter lÕessence de son discours et dÕen observer les variations et/ou la constance. De plus, nous nous sommes attelés à sélectionner des sequences oil lÕidée de construction

et/ou de négociation de l'identité organisationnelle était clairement présente dans l'interaction. On revient donc ici au coté interprétatif de notre recherche. Remarquons aussi que, comme le dit Traverso (2009), <<La finalité de la conversation est interne et les participants y poursuivent un objectif communÈ (p. 83). Ainsi, c'est aussi l'idée de performance des acteurs qui nous a guidée avec un focus sur les conversations oü les interactants semblaient aborder la question << Qu'est ce que c'est MSF ? È de facon explicite ou implicite.

Ë l'aide de tous ces critères, nous avons finalement abouti à une sélection de quatre extraits vidéo que nous allons brièvement présenter. Pour la première séquence, il s'agit d'une réunion d'information à l'hôpital de Mumba qui se situe au début de l'intervention de MSF dans cet hôpital oü Max, chef de mission MSF, prend la parole devant le personnel de l'hôpital. Cette séquence nous présente donc la voix de MSF ou son discours officiel, face à ses partenaires. La deuxième séquence sélectionnée est une réunion entre Max, accompagné de Carole et deux représentants militaires de la MONUC, mission de la paix de l'ONU en RDC. Cette séquence nous montre la voix de MSF ou son discours officiel, face à des acteurs de son environnement. Le troisième extrait est une rencontre entre Max et deux représentants du ministère de la Santé du Nord-Kivu avec qui MSF travaille en collaboration pour établir ses programmes. Cette séquence illustre les discussions entre un chef de mission MSF et des collaborateurs gouvernementaux de terrain. Ces trois premières séquences nous permettent d'observer et d'analyser une vision donc plus <<externeÈ de l'identité organisationnelle. Pour finir, la quatrième séquence nous présente une interaction entre deux membres de MSF, Max (chef de mission) et Eric (responsable terrain). Celle -ci nous permet de voir comment est présentifier l'organisation sous un angle plus << interne È.

4 .2 . 3 . Traitement des données

4.2.3.1 Transcription des enregistrements

Les données ont été transcrites selon les règles et directives de l'analyse de conversation qui a pour objectif de fixer sur le papier, donc à l'écrit, le maximum des éléments oraux et visuels d'une conversation. Les données vidéos ainsi sélectionnées ont donc été transcrites sous la forme de verbatim avec le plus de détails possibles afin de faire appara»tre les données contextuelles et physiques, ainsi que la dimension non-verbale des interactions, car tous ces éléments peuvent avoir une grande importance sur la signification et la compréhension d'une interaction.

Afin de transcrire les conversations avec le plus de fidélité possible à l'écrit, mais tout en permettant une certaine lisibilité pour le lecteur, nous avons choisi de respecter l'orthographe usuelle des mots tout en ajoutant des symboles témoignant de son oralité (prononciation, intonation, silence, pauses, interruptions, chevauchements) et des indications de son contexte. Nous avons donc eu recours pour la transcription à une partie des symboles présentés dans la convention de transcription de Traverso (2009) dans son livre LÕanalyse des conversations qui se réfère pour cela aux écrits de Gail Jefferson. Voici les symboles que nous avons utilisés:

Tours de paroles

[ Interruption et chevauchement. Le crochet appara»t sur

chacune des deux lignes.

= Enchainement immédiat entre deux tours

Silences et pauses

(.) Pause (dans le tour d'un locuteur) inférieure à 1 seconde

(0.0) Pauses chronométrées (supérieures à 1 seconde)

Rythmes

' Chute d'un son

: Allongement d'un son. Un allongement très important est

marqué par plusieurs fois deux points.

- Mot interrompu brutalement par le locuteur

Réalité Indique une certaine insistance sur le propos (mots soulignés)

Voix et intonations

#? Intonation fortement montante

1. Intonation fortement descendante

(FORT)...+ Les caractéristiques vocales sont notées en petites capitales

entre parenthèses au début de l'extrait. Leur fin est indiquée par le signe +

Actions et gestes

((il se tourne)) Les gestes et actions sont notés entre parenthèses en italiques.

Graphie des unites non lexicales

(ASP) Note une aspiration

(SP) Note un soupir

(RIRE) Note un rire

4.2.3.2 Analyse des interactions

Une fois les séquences audiovisuelles choisies pour notre recherche et transcrites selon les conventions de l'analyse de conversation, nous avons décidé de faire une analyse transversale de celles-ci à partir d'un a priori sur le fait qu'en parlant on accomplit une performance. Nous avons suivi une démarche inductive pour notre analyse qui consistait à réfléchir à partir des données: Ç Partir des données, c'est adopter une démarche construite sur un va-et-vient entre des observations et des hypothèses élaborées en cours de route et vérifiéesÈ (Traverso, 2009, p. 27). Nous avons donc notamment cherché à voir comment s'opérait la

negociation de lÕidentite organisationnelle de MSF, en nous attachant plus précisément à suivre Max qui est chef de mission au Nord-Kivu.

Dans cette analyse, ce ne sont pas que les marqueurs classiques de lÕidentité comme Ç nous È, « on », « MSF » qui nous ont intéressés, mais aussi tous les moments oil les acteurs sont en train de définir les caractéristiques de lÕorganisation et surtout de maniere itérable. En effet, comme le disent Taylor et Van Every (1993) dans le deuxieme prémisse de leur chapitre Organization as talk and text : Ç Conversation is the means by which people construct and maintain social identities È (p. 113). Lors de lÕanalyse, ce sont les séquences où la question même de lÕidentité de MSF semblait etre en question qui nous ont plus particulierement intéressée. En outre, nous avons été tout particulierement guidée par le concept de présentification pour analyser nos données et nous avons aussi observe et rapporté ce que les acteurs étaient en train de faire ou de chercher à faire à travers le langage dans leurs interactions.

Afin de confirmer certaines de nos hypotheses dÕanalyse, nous avons eu recours aux séances dÕanalyse de données en groupe du LOG (Langage, Organisation & Gouvernance), laboratoire de recherche de lÕUniversité de Montréal, ainsi quÕà des rencontres regulieres avec nos directeurs de recherche, Boris Brummans et Francois Cooren. En effet, lÕanalyse de conversation est une méthode qui part des données, mais comme toute les approches qualitatives, une dimension interpretative caractérise sa démarche. Aussi, le fait de pouvoir partager les résultats de nos analyses et de confronter les données aux regards dÕautres chercheurs a permis dÕétablir un plus grand consensus quant aux résultats des analyses et de nous ouvrir à dÕautres regards qui rendent ainsi notre recherche sans doute plus « objective ».

Les séquences sélectionnées présentent trois extraits oü l'on retrouve des marqueurs de l'identité de manière très explicite et un dernier extrait oü ces marqueurs sont moins explicites mais tout aussi forts si la séquence est replacée dans son contexte originel. Il est à noter qu'en analyse de conversation, il y a une prise en compte importante du contexte des interactions. Nous allons donc maintenant tâcher de suivre les enseignements de Boden (1994) qui déclare, au sujet des travaux de Harvey Sacks sur l'analyse de conversation: Ç The key, he felt, was to be able to systematically observe actual détails of actual events, and handle them formally with the precision of description and detachment of observation of natural historyÈ (p. 64). Ainsi, au cours des analyses, nous allons tenter de traduire ce qui s'y passe en terme d'action, c'est-à-dire décrire ce que font les acteurs, comment ils se positionnent, qu'est ce qu'ils invoquent et ventriloquisent. En outre, nous avons pris le parti d'analyser chaque séquence dans son entièreté, toujours en ayant en tête la problématique de l'identité organisationnelle, mais en ayant d'abord comme objectif de décrire et d'analyser ce qui est en train de se passer en lien ou non avec l'identité, par honnêteté intellectuelle avec l'interaction. Notre méthode sera donc, d'une certaine manière, d'analyser le tout, mais, notez cependant que dans le chapitre concernant les résultats des analyses et la discussion, nous nous cantonnerons plus particulièrement à la problématique identitaire et à la question de recherche.

Chapitre 5: ANALYSE DES DONNEES

Nous allons maintenant, dans ce chapitre, entrer au cÏur de notre recherche en analysant les interactions de quatre séquences vidéo choisies pour répondre à notre problématique et la question qui nous intéresse ici, la construction de l'identité organisationnelle de MSF.

5.1 Contexte général des séquences sélectionnées

Les séquences audiovisuelles qui vont faire l'objet de notre analyse sont des extraits d'interactions entre un ou des responsables de Médecins Sans Frontières et des représentants médicaux congolais. MSF est présent dans la région du Nord-Kivu, oü elle mène des actions en partenariat avec des structures médicales locales de plusieurs localités. De plus, l'organisation collabore pour le bien de ses missions avec le Ministère de la santé congolais en tentant de respecter sa structure de soins (soins primaires et soins secondaires). Cette aide humanitaire sous forme de partenariat s'exprime par l'envoi de personnels médicaux (médecins, chirurgiens, infirmiers, etc.) et de personnels non médicaux (logisticiens, Responsables RH, Responsables terrains, Chef de mission, etc.) que MSF recrute dans ses différents sièges à travers le monde. Il y a aussi un recrutement local pour permettre l'aboutissement de ses missions locales sur le terrain de son action. En outre, il est à noter que les noms des personnes présentes dans les différentes séquences sélectionnées ont été remplacés par des pseudonymes, ainsi que les lieux par des villes fictives, cela, afin de respecter leur anonymat tout en n'entravant en rien notre

recherche.

5.2 Analyse de la Sequence A : Reunion d'information MSF à l'hôpital de Mumba

5.2.1. Description du contexte

Cette interaction a lieu dans lÕenceinte de lÕhTMpital de Mumba et réunit lÕéquipe de la mission MSF de Mumba, ainsi que le personnel de lÕhTMpital. Les membres de lÕéquipe de MSF font face au personnel de lÕhTMpital. Au centre, se trouve Max, chef de mission MSF ; à ses cotes le Docteur Joseph, directeur de lÕhTMpital, suivi de Éric, responsable terrain MSF. Pendant toute la sequence, les acteurs sont régulièrement interrompus par le chant dÕun coq qui semble etre proche de la salle oil a lieu la reunion. Cet élément sonore peut possiblement déranger les interventions orales des acteurs et perturber leurs propos, mais nous avons choisi de ne pas lÕinscrire dans les transcriptions afin de ne pas distraire la lecture et lÕanalyse. De plus, il est à noter que le public reste silencieux pendant toute la durée de lÕintervention de Max.

5.2.2. Analyse de la sequence

Comme nous le verrons, cette interaction sÕapparente en réalité à une sorte de monologue avec, dans le rTMle principal, Max, qui se présente comme un porte-voix de son organisation, en lÕoccurrence Médecins Sans Frontières. Nous verrons que le discours de Max est prepare car il regarde de temps à autres ses notes. Par ailleurs, même sÕil sÕagit dÕun monologue, nous verrons que Max met en scène un jeu de questions/réponses quÕil sÕadresse, en quelque sorte, à lui-même. Par cela, nous

verrons qu'il anticipe d'éventuelles critiques qui pourraient être présentes dans la tête de ses auditeurs, pour ensuite y répondre. On peut donc penser que Max tente ainsi de réagir à priori aux opinions et images préconçues que ses interlocuteurs pourraient avoir de son organisation.

4 ((Le chant d'un coq fait irruption tout au long de cette séquence coupant

5 en partie la parole à Max, accompagné de temps en temps de pleurs

6 d'enfants))

7

8 Max Euh:: les gens de MSF se présenter (.) commencons peut -être par Jean-

9 Pierre =

10

11 Jean-Pierre =Oh oui je réponds au nom de Jean-Pierre Barjavel (.) je suis

12 administrateur assistant MSF (.)

13

14 Isabelle Moi c'est Isabelle (.) je suis l'administratrice à Béni (.) donc pour le

15 Nord-Kivu

16

17 Gérard Euh Gérard (.) je suis responsable des ressources humaines de euh sur la

18 RDC (ASP) et: euh:: j'suis suis passé par Kinshasa

19

20 Jonathan J'suis LOG admin euh de Kiwandja

21

22 Eric Ben Eric (.) euh: responsable euh: terrain ici euh: pour MSF euh: à Mumba

23 et voilà

24

25 (3.0)

26

27 Docteur Joseph Ok on a demandé seulement à l'équipe de: MSF de présenter euh sinon::

28 nous avons l'équipe de l'hôpital aussi (( se tourne vers Max qui hoche la tête

29 en signe d'accord)) ils sont nombreux euh nous sommes actuellement au

30 nombre de: cinquante:::

31

32 X Quatre

33

34 Docteur Joseph Quatre personnes et il n'y a pas moyen qu'on donne à chacun la parole

35 pour se présenter. Au nom de l'équipe donc c'est ((fait des gestes avec les

36 bras)) euh c'est toute la c'est tout l'hôpital qui est présent ici ((il s'enfonce

37 au fond de sa chaise et croise ses bras))

Au début de l'interaction (ligne 8), Max demande aux personnes de MSF de se présenter. Par cette intervention, il marque sa supériorité hiérarchique envers ses collègues en leur demandant de se qualifier. Ceux-ci répondent favorablement à sa requête en prenant la parole les uns après les autres; ils choisissent tous de se présenter comme des personnes avec des fonctions dans certains lieux, par exemple: Ç Moi c'est ?Isabelle je suis l'administratrice à ?Béni È (ligne 14). C'est une sorte de tour de table classique oü chacun prend la parole l'un après l'autre dans l'ordre oü sont assises les personnes. Le suivant à prendre la parole, avant Max, est le Docteur Joseph qui ne se présente pas, mais prend la parole au nom du personnel de l'hôpital

de façon très brève (lignes 35-37), choisissant, par souci d'économie, de présenter l'hôpital dans son ensemble en disant Çc'est toute la c'est tout l'hôpital qui est présent iciÈ (ligne 35), ce qui marque évidemment un contraste avec la manière dont les représentants de MSF se sont individuellement présentés. On peut aussi remarquer que tous les intervenants (acteurs de MSF et partenaire) utilisent l'acronyme MSF et non pas le nom ÇMédecins Sans Frontières È, pour parler de l'organisation humanitaire, ce qui peut se traduire comme exprimant une certaine familiarité avec elle.

39 (3.0)

40

41 Max Donc comme je vous ai dit hein c'est une rencontre d'information d'abord

42 j'souhaite un peu vous présenter MSFtd'abord qu'est ce que c'est MSFt

43 euh: à commencer par le Congo donc j'vous ai déjà dit que MSF ben on

44 travaille au Nord-Kivu depuis euh: depuis 2002 on est aussi présent dans le

45 Katanga euh laj'ai pas les dates ca fait déjà euh: ça fait déjà plusieurs

46 années euh ya eu aussi ya aussi une équipe de coordination qui est basée à

47 Kinshasa avec un chef de mission avec Gérard entre autres qui travaille sur

48 les ressources humaines entre autres pour toute la RDC ya Carole que

49 vous avez vue qui est la coordinatrice médicale euh: qui travaille aussi qui

50 est basée à Kinshasa donc ya une Coordinationt à Kinshasa ya une

51 coordination au Katanga et au Katanga ya un projet en cours à Roukourou

52 ya un projet à Kitengi ya un un projet euh: à::: =

53

54 Eric =Moukoubou=

55

56 Max =Moukoubou euh:: et ici au Nord Kivu euh: donc on a des projets à Béni

57 on a des projets à Laika et des projets euh à: Mumba (.) donc ça c'est c'est

58 pour la partie euh::: la partie que (.) donc tMSF ça a été démarré en 1971

59 euh:: par des médecins français (.) ensuite de ça le mouvement s'est

60 internationalisé ya d'autres sections (.) opérationnelles qui sont venues (.)

61 donc Ya 5 sections donc yaMSF France ya MSF Hollande yaMSF

62 Belgique yaMSF Espagne et ya MSF Suisse (.) ces 5 sections euh: sont

63 présentes au Congo (.) hein MSF Suisse ils sont à Bougna MSF Hollande

64 ils sont aussi à Goma mais ils travaillent un peu plus vers le sud Kivu ya

65 MSF Belgique qui est vers l'équateur et euh:: province orientale ya MSF

66 Espagne qui est aussi dans le Katenga MSF Belgique ils sont aussi à:: Kin-

67 ((se tourne vers Gerard)) à Kinshasa donc ya quand mémet tdonc parfois

68 les cinq sections sont dans un pays parfois ya seulement une section et ya

69 aussi des sections partenaires ya 12 sections partenaires euh::

70

71 (2.0)

72

73 Max Qui participent à recruter du personnel à recruter des fonds Euh:: MSF

74 Canada MSF Etats-Unis MSF euh:: Australie Japon Suède donc ya: ya une

75 douzaine de- de sections partenairest

Après un léger silence, Max prend la parole sans se présenter à l'assemblée comme il l'avait demandé à ses collègues, puis il qualifie la situation présente de rencontre d'information (ligne 41). Cet acte de qualification est intéressant dans la mesure oü il définit/identifie pour son auditoire ce qu'il est sur le point de faire:

présenter son organisation, leur offrant ainsi une manière d'interpréter la situation. En prenant la parole devant cet auditoire, Max parle au nom de son organisation MSF au sens général, mais aussi, nous allons le voir, de façon plus locale: << j'souhaite un peu vous présenter MSFtd'abord qu'est ce que c'est MSFt euh: à commencer par le Congo>> (lignes 42-43). Le discours de Max va donc, selon lui, répondre à la question <<Qu'est-ce que c'est MSF ? >> Cependant, nous verrons que, de façon implicite, Max répond aussi à deux autres questions : << Qui sommes - nous ? >> et <<Que faisons-nous ? >> (à titre d'acteurs de MSF). L'intervention de Max répond donc à ces interrogations qu'il s'est adressées à lui-même et il s'en charge dans cet ordre, en donnant des éléments de l'être de son organisation du début de l'interaction à la ligne 165, puis des éléments du faire c'est-à-dire de l'action de MSF à l'hôpital de Mumba des lignes 166 à la fin. Nous allons donc voir comment Max, qui se présente donc comme porte -parole de MSF, communique sur ce qu'est et ce que fait son organisation. Nous observerons ainsi à quels éléments il fait appel pour construire l'image de MSF qu'il présente à l'hôpital de Mumba.

Dans sa présentation de MSF, Max choisit de commencer en parlant de la présence de MSF au Congo. En faisant cela, il situe son organisation de façon locale, avec des éléments géographiques et temporels: << à commencer par le Congo donc j'vous ai déjà dit que MSF ben on travaille au Nord-Kivu depuis euh: depuis 2002 on est aussi présent dans le ?Katanga euh la j'ai pas les dates ça fait déjà euh: plusieurs années euh ya eu aussi ya aussi une équipe de coordination qui est basée à Kinshasa>> (lignes 43-47). Max poursuit son exposé en invoquant des projets. Par cela, on comprend des missions MSF, dans plusieurs villes de la région pour finir par celle de Mumba qui concerne l'assemblée réunie: << ya un projet en cours à Roukourou ya un projet à Kitengi ya un un projet euh: à::: = [É] [Moukoubou euh::

et ici au Nord Kivu euh: donc on a des projets a Beni on a des projets à Laika et des projets euh à: Mumba>> (lignes 51-57).

En amorçant son propos avec ces éléments, Max peut produire donc des effets de légitimation/justification de l'action et la présence de MSF dans l'hôpital, cette justification étant verbalisée par l'énumération des nombreuses présences de MSF dans la région. Ainsi, de cette manière, tout se passe comme si Max était en train de dire implicitement à l'assemblée que MSF a l'expérience nécessaire pour conduire une mission dans cet hôpital. Le passé et la répétition valide donc, en quelque sorte, la présente mission. Après avoir développé l'action de MSF au Congo, Max présente alors l'organisation MSF de façon plus globale. Pour cela, il revient très brièvement sur la fondation de l'organisation pour ensuite s'attacher à sa nature présente, d'envergure internationale: Ç donc tMSF ça a été démarré en 1971 euh:: par des médecins français (.) ensuite de ça le mouvement s'est internationalisé ya d'autres sections (.) opérationnelles qui sont venues>> (lignes 58-60). Il fait donc une invocation très rapide et presque mythique de la fondation de l'organisation, pour ensuite s'attacher à développer en détail la réalité du présent de l'organisation, c'est à dire une organisation avec une présence internationale avec différentes sections, mais qu'il rattache aussitôt au local (lignes 61 à 75).

En invoquant de la sorte toutes les sections de MSF monde, Max donne donc de la force et de la légitimité à la présence de MSF dans cet hôpital. En quelque sorte, en faisant appel à toutes ces organisations qui incarnent MSF, en les présentifiant donc, il donne une valeur ajoutée à l'action locale de MSF, l'inscrivant dans une certaine lignée, une certaine histoire et une notoriété mondiale. En termes de travail identitaire, on peut donc dire que l'intervention de Max définit son organisation non seulement en termes locaux, mais également en termes globaux, ce

qui revient à dire que par le biais de cette intervention locale dans cet hTMpital, c'est aussi toute l'organisation internationale qui se met à agir et opérer.

79 Max Meme si MSF France est basée on dit MSF France parce que le siege est

80 basé à Paris hein mais c'est pas euh: ga a l'air ga n'a /aucun /lien avec la

81 France (.) dans ce sens où euh: Tout le monde peut venir travailler pour

82 une des sections opérationnelles. Moi meme par exemple j'suis Canadien

83 j'suis pas Francais, mais j'travaille avec euh: avec MSF France euh c'est

84 important parce que euh: quand on va revenir sur les principes de MSF

85 entre autres le principe d'indépendance, on est #?d'aucune fagon #?lié au

86 gouvernement frangais belge hollandais ou etc c'est du fait que les Qu- les

87 les sièges sociaux soient basés dans ces capitales là hein (.) donc ya ga \

88 euh (.) ((il sÕeclaircie la voix))

89

90 (2.0)

91

92 Max Donc les grands principes (.) de base de Médecins Sans

93 Frontieres=Médecins Sans Frontieres donc c'est une organisation médicale

94 (.) d'urgence euh: on intervient principalement dans des:: zones de conflit

95 euh dans des endroits oix ya eu des catastrophes naturelles ((bouge ses mains

96 et penche sa tete )) euh pour venir en appui euh aux populations dans des

97 situations précaires dans des situations de danger (.) donc c'est::: (.) le

98 cas ((bouge ses mains en faisant une sorte de reverence)) au Congo

99 ((regarde ses notes sur la table )) et puis euh d'urgence parce qu'on n'est

100 pas là en principe pour du long terme on fait pas de de de développement

101 (.) on est là pour des des appuis ponctuels dans des moments euh:: plus

102 difficiles euh:: dans des contextes euh:: souvent oix euh de /violence (.)

103 donc ga ga c'est aussi une différence par rapport à d'autres organisations

Apres avoir dressé le tableau d'un Médecins Sans Frontieres d'envergure internationale, Max se penche plus précisément sur MSF France, qui est la branche de l'organisation pour laquelle il travaille (lignes 79-83). On remarque toutefois qu'il s'empresse de dissocier cette organisation du gouvernement francais, une dissociation qu'il marque par l'illustration de son cas personnel : « par exemple j'suis Canadien j'suis pas Francais mais j'travaille avec euh: avec MSF France » (lignes 82-83). Conscient en effet que le nom « MSF France » puisse donner à penser à ses auditeurs que cette organisation travaillerait pour le gouvernement francais, Max s'empresse donc d'opérer une désidentification, synonyme pour lui d'indépendance, en regard, en particulier du passé colonial de la France (et ce meme si la RDC était jusque dans les années 60 une colonie belge et non pas francaise). En termes de travail identitaire, on peut donc noter (et ceci se confirmera par la suite) que Max insiste autant sur ce que MSF est ou fait que sur ce qu'elle n'est pas ou ne fait pas.

L'exposé de Max se poursuit en abordant les fondements de MSF, ce qu'il appelle les Çgrands principes de base de Médecins sans Frontières>> (ligne 92). On notera en effet que jusqu'à présent, il n'a pratiquement que fait un travail de mise en situation de l'organisation dans le paysage congolais. Il amorce, par contre, dès la ligne 92 une énumération et une explication des valeurs de MSF, autrement dit de sa raison d'être. Les deux premiers points sont abordés des lignes 93 à 102. Max informe ou rappelle à son auditoire que MSF est une organisation médicale d'urgence, en s'attardant à définir le principe médical et celui d'urgence. L'aspect médical est exprimé ici par un des termes du nom propre de l'organisation Ç Médecins >>, donc de facon très claire, ainsi que par l'emploi du terme Ç appui >> qui renvoie ici au fait d'aider et comme nous parlons de médecine, en l'occurrence de soigner. L'aspect d'urgence, est quant à lui, beaucoup plus explicité: en effet, le terme même est employé deux fois. Il est aussi défini par Max dans un cadre particulier. Ainsi, l'urgence, selon MSF (tel qu'interprété par Max, bien entendu), c'est le cadre d'une zone de conflit, c'est une catastrophe naturelle, c'est une situation de danger, c'est un contexte de violence.

Pour parfaire sa définition, Max inclut l'action de MSF au Congo et justifie donc sa présence, ainsi que la nature de l'organisation en disant: Ç donc c'est::: (.) le cas ((bouge ses mains en faisant une sorte de révérence)) auCongo>> (lignes 97- 9 8) . Mais l'urgence, toujours selon ses propos, cela s'estime de manière temporelle. En effet, Max parle de moments, d'appuis ponctuels et que ce n'est donc pas pour du long terme. De plus, dans le discours, il semble y avoir une opposition forte entre l'urgence et le développement, l'urgence étant associée à du court terme et le développement à du long terme. Les points sont donc expliqués de manière assez claire à l'aide d'exemples et de détails. Cependant, Max précise, à la ligne 100, que

tout ceci est vrai <<en principe È, ce qui induit un doute dans son discours. Ainsi, après avoir fait l'apologie du caractère d'urgence auquel serait associé l' organisation MSF, Max semble dire implicitement que ce n'est pas toujours le cas dans la réalité. L'opposition entre court terme et long terme est donc alors quelque peu remise en question par ces quelques mots.

Puis Max dit à la ligne 103 : << donc ça ça c'est aussi une différence par rapport à d'autres organisations È, marquant ici une différenciation de son organisation par rapport à d'autres organisations humanitaires. L'organisation MSF est donc aussi définie par ce qu'elle n'est pas. Son identité, sa raison d'être est donc présentée comme unique, différente des autres, des autres que Max invoque donc pour asseoir l'originalité de son organisation et donc son importance. On notera d'ailleurs que l'autre est sans nom, il n'est pas identifié nommément, mais porte certaines caractéristiques que l'on retrouve tout au long du discours de Max. Plusieurs indices apparaissent ainsi dans son propos pour marquer la différence de MSF, la distinguer, montrer qu'elle n'est pas semblable à d'illustres <<autres È. Ce principe s'apparente clairement à une démarche identitaire, une démarche d'individuation, qui consiste à se distinguer des autres et à affirmer sa personnalité propre (Lipiansky, 1993). La question est de savoir pourquoi il est important pour Max, lorsqu'il présente son organisation, de la différencier, de verbaliser cette différence. Y a-t-il donc ici un aspect qui peut porter à controverse au sein de l'organisation et qui s'exprime dans le discours du porte-parole de MSF? Mais nous pouvons aussi tout simplement dire que Max, en pointant l'autre du doigt, est en train de construire l'identité de son organisation, à travers un jeu de miroir entre soi et l'autre, oü l'organisation se construit au regard de son environnement et de ce qu'elle ne serait pas.

107 Max Comment MSF fonctionne pour son fi::nancement ((bouge ses mains))

108 donc c'est une association MSFt euh: 85 à 90 % des Fonds (.) de

109 Médecins Sans Frontières sont des fonds privés (.) c'est à dire que c'est

1 1 0 moi qui donne ((fait des gestes vers lui)) de l'argent, mon frere, ma mere

111 ((fait des gestes vers le public dans la salle )) votre frere, votre cousin, votre

112 oncle qui a 1$ qui a 5$ qui a 10$ et qui fait une donation à Medecins Sans

113 Frontieres Donc c'est cet argent c'est avec cet argent là que Medecins

114 Sans Frontieres euh arrive à faire des programmes d'urgence euh:: dans les

115 milieux dans des contextes de violence ou dans des les contextes ou ya des

116 catastrophes naturelles (.) Donc ca c'est le 85 à 90 % et le 10 15 % restant

117 ya un peu de fond institutionnel, les institutions que vous connaissez

118 comme Echo, USAid euh:: ou d'autres (.) donc ca aussi c'est::: ca me

119 semble quand meme assez important dans la mesure où Medecins Sans

120 Frontieres est une organisation tindependante (.) donc on n'est pas euh:: on

121 n'est pas sujet à:: aucunes /politiques nationales euh on n'est pas lie à

122 aucuns gouvernements on n'est pas /lie à aucunes forces militaires donc

123 quand on intervient par exemple comme ici au Congo MSF, par souci

124 d'independance euh:: Ne va pas faire taucuns convois avec aucuns

125 militaires qu'ils soient FARDC ou qu'ils soient MONUC hein euh par souci

126 #?d'independance euh pour pas creer de tconfusion dans la tete euh des

127 populations et on soigne #?tout le monde (.) donc on va soigner euh:: tous

128 les belligerants hein au conflit (.) du moment que ya un blesse militaire

129 ben il devient non combattant ((fait des gestes avec une main )), qu'il soit

130 FDLR, May May, FARDC euh:: ou autre (.) MSF ne fait taucunes

131 tdiscriminations à la prise en charge euh:: des patients (.) donc ca aussi

132 c'est un autre des principes ((fait un geste de la main de soi vers le public))

133 importants de Medecins Sans Frontieres on on soigne tout le monde

134 sans aucunes discriminations ((compte avec ses mains)) de religion de politique

135 euh:: d' ethnie de de et de groupe euh donc pas de politique pas de religion

136 pas:: de de d'ethnie on est là pour soigner tout le monde ca aussi c'est un

137 autre des principes euh::fondateurs de Medecins Sans Frontieres

138

139 (5.0) ((Chant dÕun coq et silence dans la salle))

Max explique ensuite le volet financement de l'organisation MSF des lignes 107 à 118. Pour cela, on voit qu'il materialise/concretise, en quelques sorte, le principe du don en parlant de petites sommes d'argent et en faisant intervenir dans son exemple sa propre identite, des membres de sa famille, ainsi que des membres de la famille de ses interlocuteurs : « c'est moi qui donne ((fait des gestes vers lui)) de l'argent, mon frere, ma mere (( fait des gestes vers le public dans la salle)), votre frere, votre cousin, votre oncle qui a 1$, qui a 5$, qui a 10$ et qui fait une donation à Medecins Sans Frontieres j. » (lignes 109-113). Cet exemple permet non seulement de concretiser un principe, mais aussi de donner un visage et une identite à la figure du donateur. Dans un sens, cette image d'un donateur familier permet de positionner implicitement MSF comme etant responsable face à cet argent, car cet argent qui est utilise dans le cadre de la mission, ce n'est pas de l'argent venu de collectifs sans visage (un gouvernement, des bailleurs de fonds), il porte le visage de son donateur.

De plus, on notera que Max ne parle pas de grosses sommes d'argent dans son exemple. Il situe le don d'un particulier entre 1 et 10 $, ce n'est donc pas enorme si

l ' on considère les coüts qu'engendrent la présence et l'action que peut avoir MSF au sein d'un hôpital. Les coüts financiers de la mission de MSF représentent donc les économies de plusieurs milliers de particuliers et en conséquence, il faut éviter les gaspillages. Ainsi, tout se passe comme si MSF, selon Max, ce n'était pas que le nom d'une organisation, une organisation qui est connue ou méconnue de la part de ses interlocuteurs, mais ce sont aussi des gens qui font des dons, des proches qui donnent quelques dollars, pour rendre possible des interventions d'urgence. En faisant appel à la figure de << Monsieur tout le monde>> et en prenant l'exemple de petites sommes d'argent, Max cherche sans doute à donner à MSF un visage humain dans la mesure oü MSF travaille certes pour les populations en danger, mais aussi au nom de Monsieur et Madame tout le monde qui s'avèrent être ses bailleurs de fonds. De plus, il met aussi en évidence une certaine responsabilité financière qui incombe aux acteurs de la mission prise en charge par MSF.

Cet aspect financier de l'organisation appara»t comme un tremplin pour aborder un sujet qui semble être important aux yeux de Max, soit l'indépendance de MSF, car celui-ci l'annonçait déjà, avant de présenter l'organisation: << c'est important parce que euh: quand on va revenir sur les principes de MSF entre autres le principe d'indépendance>> (lignes 83-85). Le financement et l'indépendance de MSF apparaissent donc comme intimement lié: << ça me semble quand même assez

important dans la mesure oü Médecins Sans Frontières est une organisation tindépendante>> (lignes 118-120). Dans un premier temps, il traduit donc l'indépendance de l'organisation d'un point de vue monétaire: être indépendant signifie pour lui que la trésorerie de l'association soit constituée de dons de nature privée et non, institutionnelle. Max continue cependant sa définition de l'indépendance en apportant de nouveaux éléments: << donc on n'est pas euh:: on

n ' est pas sujet à:: aucunes politiques nationales euh on n'est pas lié à aucuns

gouvernements on n'est pas lié à aucunes forces militairesÈ (lignes 120-122). On notera ici que la traduction est ici faite ici par la négation: être indépendant selon MSF (selon Max, bien entendu), c'est ne pas être assujetti à des politiques nationales, ne pas être lié à un gouvernement et ne pas être lié à une force militaire.

On constate donc que le travail de définition est encore une fois réalisé par Max par le biais d'une différenciation. Il y a donc un fort travail de dissociation de sa part et par sa voix, de son organisation, pour faire en sorte que MSF apparaisse, une nouvelle fois, comme unique. Ce concept d'indépendance qui se présente comme un principe important de MSF, est donc traduit concrètement par Max, porte-parole de l'organisation, qui livre ici sa version ou traduction de l'indépendance. Ajoutons que pour matérialiser ce concept fort d'indépendance et traduire donc, en quelque sorte, l'être par le faire, Max donne des exemples concrets des lignes 122 à 130: Ç donc quand on intervient par exemple comme ici au Congo MSF par souci d'indépendance euh:: ne va pas faire taucuns convois avec aucuns militaires qu'ils soient FARDC ou qu'ils soient MONUC hein euh par souci td'indépendance euh pour pas créer de tconfusion dans la tête euh des populations et on soigne ttout le monde (.) donc on va soigner euh:: tous les belligérants hein au conflit (.) du moment que ya un blessé

militaire ben il devient non combattant ((fait des gestes avec une main)) qu'il soit FDLR, May May, FARDC euh:: ouautre È.

Notons que Max emploie deux fois le mot Ç souci È, un terme qui traduit un intérêt fort, une préoccupation importante, ce qui confirme donc un besoin sérieux qu'aurait MSF de revendiquer son indépendance. De ce fait, MSF est implicitement présenté comme animé par le souci de son indépendance, souci qui enjoint cette organisation à ne pas faire certaines choses, comme être convoyé par des militaires.

Cela veut donc dire concrètement que MSF refuse une protection de ses déplacements par des militaires. MSF est donc présentée comme habitée par un souci d'indépendance qui se traduit en des actions concrètes. Si l'on étend cette idée et en considérant que l'action de MSF se concentre en grande partie dans des contextes de violence, la sécurité de MSF n'est donc pas assurée à proprement dit par les armes, mais semble t-il par la parole. On pourrait, en effet, avancer que Max est donc aussi en train d'assurer la sécurité de son organisation et surtout de son personnel, en donnant ce type d'informations dans son discours, d'oü l'insistance dans ces propos sur ce sujet. Ce fort souci d'indépendance peut donc s'assimiler à un outil de protection de l'action de MSF et non comme une simple idée évoquée dans un discours. Il agit en tant que tel comme bouclier pour anticiper d'éventuelles présomptions qui pourraient mettre en danger les acteurs de MSF et la légitimité de leur action. Nous avons vu avec quelle force Max fait en sorte d'attacher le principe d'indépendance à Médecins Sans Frontières. Cependant, dans un sens, ce fort souci d'indépendance le rend en quelque sorte dépendant de ce souci là précisément. En effet, il est déjà et avant tout dépendant de l'image qu'il renvoie à son environnement, comme aux populations et aux gouvernements notamment, une image qui peut le précéder et qu'il est obligé de négocier dans ses interactions pour essayer de la faconner en adéquation avec la réalité qu'il veut projeter. Il est donc dépendant de son discours officiel; sous entendu, MSF est dépendant de son discours.

Ce souci d'indépendance qui anime MSF, selon Max, semble aussi s'apparenter à un souci de clarté car il dit qu'il n'est pas question de créer de la confusion dans la tête des gens. Le message doit être compris, il doit être clair et consiste à dire: Ç on soigne ttout le mondeÈ (lignes 126-127). Parler de confusion

renvoie à l'idée de prendre une chose pour une autre. Il s'agit donc, via le discours de Max, de présenter un tableau unique, de marquer la différence de son organisation, pour qu'elle ne soit pas confondue avec une autre qui prendrait partie dans un conflit. MSF, à travers Max, se montre donc soucieuse de l'image que la population a de ses activités et de ce qu'elle est. En disant que MSF soigne tout le monde, Max présente un nouveau principe dans la discussion qu'il verbalise concrètement des lignes 130 à 131 : << MSF ne fait taucunes tdiscriminations à la prise en charge euh:: des patients (.) donc ça aussi c'est un autre des principes >>. Il s'agit donc du principe de non-discrimination, principe qui est traduit, de nouveau concrètement par des exemples locaux quand il dit: << qu'il soit FDLR May May FARDC euh:: ou

autre >> (lignes 129-130), évoquant les différentes milices ou armées qui s'affrontent dans la région.

De plus, MSF, par l'intermédiaire de Max, se charge de définir clairement ce qu'est la discrimination à l'aide d'un exemple: << on va soigner euh:: tous les belligérants hein au conflit (.) du moment que ya un blessémilitaire ben il devient non combattant>> (lignes 127-129). MSF, en disant cela, se donne donc implicitement le droit de déclarer qu'un combattant, lorsqu'il est blessé, n'est plus considéré comme tel et obtient, du méme coup, le statut de patient. MSF, en définissant la situation ainsi, fait donc un travail de classification, le public étant là juste pour prendre acte de cette réalité et recevoir/faire sien ce message. Des signes non verbaux sont aussi là pour confirmer cette action: << ((fait un geste de la main de soi vers le public))>> (ligne 132). Mais le public est aussi là pour comprendre et appliquer les principes de MSF. En effet, Max se charge aussi de définir ce que sont les discriminations dont ils parlent aux lignes 130 et 133. Les discriminations sont nommées deux fois à la suite par Max (lignes 134 à 135): elles concernent les

religions, la politique, les ethnies et les groupes, qui sont, en effet, au vu de la situation particuliére du Congo, souvent sources de conflits, voire de massacres. LÕeffet de repetition est donc surement employé pour marquer lÕimportance de son propos et permettre à ce dernier d'être bien saisi par ses interlocuteurs.

Max finit son tour de parole en disant : Ç on est là pour soigner tout le monde ca aussi cÕest un autre des principes euh:: fondateurs de Médecins Sans Frontiéres È (lignes 135-137), il ne parle pas ainsi juste de simples principes, mais de principes fondateurs. Le fait de parler de principes fondateurs renvoie aux origines de lÕorganisation, cÕest à dire ce qui est de lÕordre du non négociable, quÕon ne peut pas remettre en question et quÕil faut appliquer. Max est donc en train de faire implicitement une injonction à lÕassemblée, afin que tous appliquent sans discuter ces principes.

141 Max Que dire dÕautre ? (.) sur Médecins Sans Frontières

142

143 (6.0)

144

145 Max ((Max se tourne vers la droite oh se trouve les collaborateurs de MSF et

146 sÕadresse à eux)) Des choses à ajouter ? (.)

147

148 Max tDes questions par rapport à ga ? ((Max se tourne vers le public de la salle ))

149

150 (12.0)

151

152 Max Pas de questions (.)

153

154 Docteur Joseph Ou bien on nÕa pas de soucis, ga arrive aussi ((rire et décroise ses bras))=

155

156 ((Max et quelques personnes rigolent dans la salle))

157

158 Max =Si ya des choses si ya des choses qui sont pas claires ((Docteur Joseph

159 recroise ses bras en souriant)) faut pas se gêner ((le visage de Docteur

160 Joseph se ferme)) hein euh

161

162 (5.0)

Des la ligne 141, Max semble avoir fini son exposé ou du moins la partie de son exposé quÕil avait consacrée à la question : Ç quÕest ce que cÕest MSF È (ligne 42). Il a donc, semble-t-il, fait le tour de la question et para»t ne plus savoir quoi dire dÕautre sur ce point ; un silence suit cette interrogation. Il se tourne alors vers ses collaborateurs, comme à la recherche dÕun soutien ou dÕune precision par

rapport à ce qu'il vient de dire (lignes 145-146). Il leur propose ainsi de participer à la présentation de l'organisation, du moins si celui-ci n'a pas déjà tout dit sur MSF. On retrouve ici la figure associative de MSF, l'idée que chacun est un membre de valeur de l'organisation, peu importe sa place dans celle-ci, que chacun a la parole et peut donner son avis. Puis il cherche à faire participer l'auditoire (ligne 148), répondant peut-être ainsi à un souci de clarté, le but étant que son discours soit compris pour que l'application des principes de MSF soit effective par les partenaires de MSF. Il laisse le temps (ligne 150) à ses interlocuteurs de lui poser des questions, mais ceux-ci restant muets, Max réagit en notant à la ligne 152 que personne ne semble vouloir poser de questions. La classique paire question/réponse n'est donc pas visible et respecté dans l'interaction.

Le Docteur Joseph intervient alors en associant la demande de questions d'un coté, à l'annonce d'un problème de l'autre. Il prend la parole pour ses employés et se repositionne comme directeur de l'hôpital: Ç Ou bien on n'a pas de soucis, ça arrive aussi ((rire et décroise ses bras))=È (ligne 154). Son intervention et surtout son rire semblent être là pour détendre l'atmosphère et démontrer une certaine solidarité vis-à-vis de Max. Le non verbal nous donne aussi des indications sur l'état d'esprit d'une personne dans le cadre de l'interaction, mais il est difficile d'interpréter le fait que le Docteur Joseph soit très souvent les bras croisés.

Jusqu'à présent, nous avons vu que Max, à travers son discours, a présenté ce qu'est l'organisation MSF à un auditoire composé du personnel de l'hôpital de Mumba. Pour cela, il a invoqué des principes et les a donc présentés. Nous avons également vu comment il a aussi inséré l'action de MSF dans un cadre international tout en donnant des exemples locaux, donc intelligibles pour le public qui l'écoute. En somme, Max a dressé un tableau illustré d'une certaine vision de Médecins Sans

Frontières. Il a donc posé les pierres qui lui permettent dès lors de parler de la mission qui se déroule à l'hôpital de Mumba et qui intéresse tout particulièrement son auditoire.

162 (5.0)

163

164 Max si ya des questions qui vous reviennent plus tard (.) il sera toujours temps

165 (.) ((DocteurJoseph fait un signe d'accord en hochant la tête)) par rapport

166 à ça donc maintenantj'voulais un peu::: revenir un peu::: aussi sur

167 l'entente euh:: que nous avons prise ici (.) avec les autorité sanitaires

168 avec le bureau central avec euh l'hôpital avec le comité de gestion euh de

169 l'hôpital donc on a signé un protocole d'ent euh d'accordt qui a

170 commencé le 7 ((se tourne vers Eric et Docteur Joseph)) Octobre

171 ((Docteur Joseph hoche de la tête pour montrer son accord)) (.) j'vais

172 revenir un peu sur l'esprit/ de cet accord làde cette entente là qu'est ce que

173 ça veut direcomment on va faire comment on va mettre en place quels

174 moyens on vase donner pour faire ça (.) donc comme je vous ai dit on a

175 prit un p'tit peu on a prit on supporte l'hôpital à Laika aussi donc c'qu'on

176 c'qu'on souhaite faire donc le système de santé congolais euh::: le

177 principe c'est que d'abord les gens doivent aller consulter dans un soit

178 dans un poste de santé soit dans un centre de santé euh c'est la première

179 ligne (.) si ça:: si ya besoin de soins supplémentaires àce moment là on

180 doit référer soit vers le centre de santé de référence soit vers l'hôpital euh

181 de référence ((Docteur Joseph tousse)) donc l'idée pour MSF ce n'est pas

182 de tca::sser ((fait des gestes de guillemets avec ses doigts)) le système on

183 est pas là euh::: pour défaire tout mais pour venir en appui euh les

184 populations ici subissent des violences depuis maintenant plusieurs années

185 du fait de ces violences là déplacements de population paupérisation de la

186 population qui a difficilement accès euh aux soins plus particulièrement

187 aux soins secondaires oü on peut sauver beaucoup de vies euh:: avec les

188 soins secondaires donc l'idée c'est de faire un appui essentiellement sur

189 les soins secondaires pour que les soins primaires puissent continuer à

190 fonctionner dans le système de recouvrement des couts que les gens

191 puissent continuer à avoir confiance de ce système là tout en sachant que

192 si ya un gros pépin ben que les centres de santé vont référer les patients

193 vers l'hôpital et qu'à l'hôpital ils pourront être pris en charge gratuitement

194 (.) euh donc ça aussi c'est une une politique de Médecins Sans Frontières

195 quand Médecins Sans Frontières fait un appui euh::: soit à un hôpital ou

196 dans d'autres circonstances dans un camp de déplacés ou etc tMédecins

197 Sans Frontières fait toujours des soins tgratuits (.) euh on n'est pas un

198 tbailleur de fond #?Médecins Sans Frontières ne va pas tDonner ((fait des

199 gestes avec ses mains notamment vers Docteur Joseph)) de l'argent à un

200 centre de santé ou à unhôpital etc etc Médecins Sans Frontières est une

201 organisation indépendante on fait euh Médecins Sans Frontières fait tout

202 par lui tmême c'est à dire qu'il va pas donner d'argent ou des médicaments

203 sans être tPrésent (.) euh:: toujours en travaillant en collaboration

204 évidemment avec les gens qui sont déjà dans ces dans ces structures là hein

Des lignes 164 à 166, Max exemplifie implicitement une qualité d'écoute de MSF à l'encontre de ses partenaires locaux, puis il annonce le sujet de la prochaine question qu'il va aborder dans son discours: Ç donc maintenant j'voulais un peu::: revenir un peu::: aussi surl'entente euh:: que nous avons prise ici (.) avec les autorité sanitaires avec le bureau central avec euh l'hôpital/ avec le comité de gestion euh de l'hôpital/ donc on a signé un protocole d'ent euh d'accordt qui a commencé le 7 ((se tourne vers Eric et Docteur Joseph)) OctobreÈ (lignes 166-170). Ainsi,

Max invoque une entente, un protocole d'accord, c'est à dire un contrat signé et daté. Les acteurs qui prennent part à ce contrat sont de poids, il s'agit de MSF, donc une grosse machine associative représentée par Max et des acteurs de la RDC, avec les autorités sanitaires, le bureau central et l'hôpital de Mumba représenté par son comité de gestion. L'auditoire de la réunion est donc là pour prendre acte de cette information, information de taille car elle les dépasse, tout en les y insérant car ce sont des acteurs d'un des partenaires invoqués dans ce protocole. Max fait donc un travail de positionnement de l'action de MSF dans une structure légale et approuvé par des autorités. Après avoir vu que l'identité de MSF était composée d'idéaux, il semble que celle-ci soit aussi très opérationnelle et construite de façon très pratique dans l'action par ses acteurs et ses partenaires. L'entente est donc quelque chose sur laquelle les différentes parties se sont mises d'accord, impliquant donc une co - construction de l'identité de MSF dans le cadre d'une action locale. L'identité de MSF appara»t comme quelque chose qui est conclue et indiquée dans l'entente dans la mesure oü il y a un accord sur ce que fait et ce qu'est son intervention.

Après avoir informé son auditoire de la présence d'un nouvel acteur dans l'environnement de l'hôpital, Max, poursuit en procédant avec un mode plus explicatifoü il met en scène cet acteur, c'est à dire l'entente. En effet, des lignes 171 à 172, il dit qu'il souhaite revenir sur l'esprit de l'entente et du protocole. Il va donc le faire parler et d'une certaine manière, on peut penser ici à un effet de ventriloquie. Max se donne donc comme objectif de répondre à ces questions: Ç qu'est ce que ça veut direcomment on va faire comment on va mettre en place quels moyens on va se donner pour faire çaÈ (lignes 172-174). Les réponses à ses questions vont donc servir à présenter l'esprit du protocole d'accord, c'est-à-dire les intentions qui sont traduites par ce texte. Max va donc donner les clefs de la mise en Ïuvre de l'action

humanitaire à son auditoire et pour cela, il invoque dans un premier temps deux autres acteurs, qui sont l'hôpital de Laika (ligne 175) et le système de santé congolais (lignes 176-181).

L'hôpital de Laika a déjà été invoqué dans le discours de Max comme exemple de l'intervention de MSF dans une structure locale équivalente à l'hôpital de Mumba. Cet acteur est donc mis en scène afin de démontrer à l'auditoire l'expérience et le savoir-faire de MSF dans des partenariats locaux équivalents à celui qui fait l'enjeu de la discussion de cette réunion d'information. Max ne rentre pas dans les détails de l'intervention de MSF à l'hôpital de Laika. Il semble que sa simple invocation suffise à donner le poids qu'il souhaite à son discours. Cependant, il est à noter que lorsqu'il invoque cette structure, Max commet un lapsus, qui est quand même à souligner : Çon a pris un p'tit peu on a pris on supporte l'hôpital à LaikaÈ (lignes 174-175). En effet, Max semble hésiter pour décrire l'intervention de MSF dans cet hôpital entre les verbes prendre et supporter. Ces deux verbes n'induisent pas les mêmes conséquences pratiques, ce qui laisse à penser que ce lapsus nous montre peut-être une différence entre la réalité et le discours dans le cadre des partenariats et ententes que MSF établit avec ses partenaires.

Aussi, de facon implicite, il semble que ce lapsus nous présente l'image d'une organisation qui, dans la réalité de l'action et non sur le papier, a une certaine main mise ou un certain contrôle sur ses partenaires. Ensuite, Max poursuit en s'attachant à décrire le second acteur qu'il mobilise dans son exposé, c'est à dire le système de santé congolais. Il invoque ce système en parlant de principe, ce qui signifie que normalement, c'est quelque chose que les gens se doivent de respecter, la responsabilité n'étant pas donc pas du coté de MSF, mais du coté des Congolais eux- mêmes. De plus, en invoquant de la sorte le système de santé congolais, MSF (selon

Max, bien entendu) reconna»t donc un système établi dans le cadre oü il opère et par rapport auquel il s'intègre. MSF se positionne donc, à travers Max, comme une organisation consciente de son environnement et qui agit en partenariat avec celui-ci. Cette idée est clairement verbalisée par Max des lignes 181 à 183 : Ç donc l'idée pour MSF ce n'est pas de tca::sser ((fait des gestes de guillemets avec ses doigts)) le système on est pas là euh::: pour défaire tout mais pour venir en appuiÈ. En terme d'identité organisationnelle, on peut traduire le fait de ne pas vouloir casser le système comme la présentation d'une organisation respectueuse de l'ordre établi. MSF est donc identifiée comme n'étant pas destructrice de son environnement. On voit ici que Max tente de déconstruire une idée qui pourrait être préconcue par ses interlocuteurs.

De plus, Max ajoute que le but de MSF, dans ce cadre, c'est de venir en appui, donc de supporter une action et d'aider à sa mise en place. En conséquence, c'est une image altruiste et généreuse de MSF qui est véhiculée lorsque Max parle d'appui. Cependant, si Max trouve le besoin d'aborder ce point, on peut se dire que ce n'est pas anodin et qu'il doit y avoir des raisons. Une des raisons probables est sürement de répondre, à travers son intervention, à d'éventuelles critiques qui peuvent être faites à l'encontre de Médecins Sans Frontières, comme par exemple le fait de se comporter en territoire conquis en ne prenant pas compte du système de santé en place. Aussi, il semble que Max réagisse en prévision de critiques à travers un discours de justification oü il fait intervenir les figures de l'écoute et de la compréhension. Cette réaction montre que le discours de Max est assez rodé et que MSF a l'habitude des critiques et qu'elle met en scène un contre discours qui est donc préparé. En conséquence, cela nous permet de dire que les critiques poussent à la réaffirmation d'une certaine identité. Ainsi, en plus d'être chef de mission chez

MSF , Max est aussi un garant de son image. Ë travers la parole, il tente ainsi de gommer les tâches éventuelles qui pourraient venir ternir l'image de son organisation. En effet, le discours de MSF, par l'intermédiaire de ses porte-parole, s'efforce implicitement et explicitement dans les interactions, d'écarter la critique qui lui est faite par ses partenaires locaux de casser ou du moins de perturber le système de santé local. Il s'avère cependant que les interventions de MSF ont un impact sur le système et que d'une certaine manière on peut dire que MSF casse quand méme, ne serait-ce qu'un peu, le système comme cela a été abordé dans l'article << A humanitarian organization in action : organizational discourse as an immutable mobile >>, écrit par Cooren, Matte, Taylor & Vasquez (2007).

Puis, Max reprend son travail de justification, en s'attelant à légitimer la présence de MSF au Congo, pays oü de nombreuses violences sévissent, violences qui ont des conséquences humaines dramatiques qui correspondent aux domaines d'intervention de l'organisation (lignes 183-187). Cet historique et cette réalité viennent donc appuyer et légitimer la présence de MSF, car elle répond aux principes et à la nature méme du rTMle de Médecins Sans Frontières qui est avant tout de sauver des vies, comme cela est verbalisé par Max: << on peut sauver beaucoup devies>> (ligne 187). MSF répond donc à une demande, demande qui est faite, en quelque sorte, par la réalité de la situation. La population est en danger et a besoin d'aide, besoin de soins: << doncl'idée c'est de faire un appui essentiellement sur les soins secondaires>> (ligne 188-189). Il est à noter que le système de santé congolais est compartimenté en deux niveaux de soins de la population, les soins primaires et les soins secondaires. Les soins primaires se concentrent sur les soins médicaux de base, tandis que les soins secondaires nécessitent des soins chirurgicaux et une surveillance médicale accrue. Max répète trois fois que dans le cadre de cette

mission, MSF ne va s'impliquer que dans les soins secondaires et pas dans les soins primaires (lignes 187-189). Cette insistance semble démontrer le fait qu'il souhaite bien se faire comprendre de son auditoire et faire passer son message.

Puis, Max poursuit en invoquant le système de recouvrement du coüt de soins et en souhaitant que les centres de santé, qui font partie des soins primaires, travaillent main dans la main avec l'hôpital, qui couvre plutôt les soins secondaires (lignes 188-193). Max précise aussi qu'il faut que la population continue à avoir confiance en ce système, la question se posant alors de comprendre pourquoi il parle ici d'un éventuel problème de confiance de la population et le lien qu'il fait implicitement avec la présence de MSF à l'hôpital de Mumba. L'explication possible à cette question se trouve, vraisemblablement, lorsque Max évoque la gratuité des soins qui vont être donnés à l'hôpital: Ç à l'hôpital ils pourront être pris en charge gratuitement È (ligne 193). Cette gratuité des soins est présentée comme une politique affiliée à l'intervention de Médecins Sans Frontières (lignes 194-197), cela fait partie de son identité, de ses habitudes. Il appara»t alors que MSF est aussi représentée par ses politiques et notamment sa politique concernant la gratuité des soins dans ses interventions. D'un point de vue identitaire, la gratuité des soins procurés par MSF à la population démontre son désintérêt dans une optique de don de soi. L'organisation est ainsi ici dans une logique de type missionnaire.

On notera donc que, depuis le début de son intervention, Max dresse petit à petit un tableau de son organisation. Il a ainsi évoqué des principes dans la première partie de celle-ci et il continue ce cheminement même lorsqu'il parle du cadre opérationnel de l'action de MSF à l'hôpital de Mumba. Aussi, on peut dire que Max réalise un travail de positionnement par des effets de ventriloquie, afin de présenter son organisation comme une entité très structurée (principes, politiques, habitudes,

protocoles) qui s'impose inévitablement dans son discours. En conséquence, on peut concevoir que MSF peut ainsi produire, par son représentant, Max, un effet massif qui peut intimider ou désarmer son interlocuteur et le forcer à s'adapter. Il n'y a donc pas d'égalité effective entre MSF et ses partenaires, même si celle-ci est spécifiée par la signature d'ententes qui amènent des partenariats. On comprend donc comment il semble difficile pour l'auditoire de questionner ou de critiquer MSF, alors que leur implication est indispensable au fonctionnement de MSF. S'il y a co-construction de l'identité de MSF, on voit donc qu'une telle co-construction se fait essentiellement par l'affirmation d'une identité d'un coté (celle de MSF par Max) et la reconnaissance, la traduction ou le rejet possible de cette même identité par ses interlocuteurs, lesquels, ne prennent jamais la parole. Autrement dit, on ne voit, à aucun moment, de négociation de l'identité de MSF à travers la parole.

Des lignes 197 à 204, Max présentifie clairement son organisation: << on n'est pas un tbailleur de fond tMédecins Sans Frontières ne va pas tdonner ((fait des gestes avec ses mains notamment vers le Docteur Joseph)) de l'argent à un centre de santé ou à un hôpital etc. etc. Médecins Sans Frontières est une organisation indépendante. On fait euh Médecins Sans Frontières fait tout par lui tmême c'est à dire qu'il va pas donner d'argent ou des médicaments sans être tprésent (.) euh:: toujours en travaillant en collaboration évidemment avec les gens qui sont déjà dans ces dans ces structures là hein È. Dans sa présentation, Max réaffirme ainsi de nouveau le principe d'indépendance de MSF, un principe qui est invoqué pour justifier le fait que MSF ne donne pas de l'argent ou du matériel à une structure médicale sans être présent physiquement. Dans cette intervention, MSF (selon Max, bien entendu) est défini comme n'étant pas un bailleur de fond, mais comme étant une organisation autonome et capable d'agir seule <<Médecins Sans Frontières fait

tout par lui ?même » (lignes 210-202). De plus, Max définit aussi MSF comme une organisation qui, en contrepartie de sa contribution financière et de médicaments, exige sa présence physique dans l'action en le notifiant : « qu'il va pas donner d'argent ou des médicaments sans être #?présent » (ligne 202-203). Enfin, MSF (selon Max, bien entendu) est défini comme une organisation qui collabore avec ses partenaires dans le cadre de l'action.

Ë la lumière de ses quelques paroles, il semble que Max soit de nouveau dans un mode quelque peu défensif. Il protège son organisation et envoie avec force un message au personnel de l'hôpital. De plus, il semble qu'implicitement, cette information soit orientée vers le docteur Joseph : « ((fait des gestes avec ses mains notamment vers le Docteur Joseph)) » (lignes 198-199). On peut donc en déduire qu'une partie du discours de Max s'avère être construit pour renvoyer une certaine image à son auditoire et pas nécessairement la construire avec lui. C'est un « on » exclusif et non inclusif qui est employé par Max. Il y a donc d'un coté un « Nous », représenté par les acteurs de MSF, un « Nous » qui donne de son temps, de son argent et de son matériel en étant présent, chez un « Vous », représenté par les partenaires locaux de MSF, qui recoivent ces aides silencieusement. Nous sommes donc face à une configuration dite classique de la communication oil l'on retrouve l'émetteur, le récepteur et le message ou encore le pourvoyeur/fournisseur, le bénéficiaire et l'offre. Ainsi, le discours de Max laisse transparaitre MSF comme une organisation obsédée par son indépendance, son autonomie et sa présence.

208 Max Donc c'est c'est ga l'idée aujourd'hui c'est c'est d'appuyer l'hôpital de

209 Mumba euh avec une prise en charge de qualité euh pour les patients

210 une prise en charge gratuite donc pour faire ga euh:: et pour pas non plus

211 tout euh:: tout euh briser le système donc M- Médecins Sans Frontières va

212 euh donner des primes (.) à tout le personnel (.) de l'hôpital (.) de la GR

213 de Mumba euh:: en complément de la prime CEMUBAC hein donc euh on

214 va donc la prime CEMUBAC est toujours là#? euh Médecins Sans

215 Frontières va prendre cette portion là (.) la déduire du montant euh que

216 normalement MSF payerai (.) que si vo us aviez 10$ de du CEMUBAC

217 euh: et si MSF euh pour le poste que vous avez vous donne vous /donnerai

218 normalement 50$t donc le 50$t on va déduire le 10$#? MSF va vous

219 donner 40$t et le CEMUBAC 10$t ga vous fera toujours le 50$t donc ga

220 on y reviendra un peu plus dans le détail ((Max se tourne vers Gérard)) ben

221 Gérard pourra vous expliquer un p'tit peu ((fait des gestes avec ses mains))

222 ya une échelle de fonctions a Médecins Sans Frontières on va y revenir

223 après ((Max regarde ses notes sur la table))

224

225 (2.0)

226

227 Max Donc ttous les services de l'hôpital auront la tprime par contre lya un

228 serv ya quelques services euh (.) que MSF ne va pas:: entrer directement la

229 ici j'fais référence a la maternité (.) eta la consultation externe tpourquoi?

230 (.) parce que la maternité euh:: c'est du soinprimaire a la base euh les

231 femmes qui vont consulter viennent pour un accouchement pas seulement a

232 l'hôpital ils vont dans les centres de santé ici dans la zone de santé donc

233 toujours dans le méme esprit tde pas casser tde pas briser le système

234 existant (.) les gens ont confiance d'aller euh accoucher dans les centres de

235 santé donc ça euh ya les gens vont continuer a payer pour euh un

236 accouchement eutocique ((s'adresse au Docteur Joseph)) (TOUT BAS) euh ici

237 c'est quoi c'est 6, 7$ ? +

238

239 Docteur Joseph C'est 6$ ((il reste les bras croisés et racle sa gorge))

240

241 Max Donc 6$ donc ça ça va rester on va quand méme on va quand méme ici

242 payer une prime euh pour ceux et celles qui travaillent a la maternité euh::

243 parce que:: l'hôpital va avoir moins de revenus donc yaura plus de

244 ponctions (.) salariales pour l'hôpital euh:: pour ces salariés la (.) donc euh

245 MSF euh prend en/charge cette partie la euh de prime mais les patients

246 vont quand méme payer c'qui va permettre a l'hôpital de continuer a

247 acheter desmédicaments du matériel a sms pour les services

248 de maternité et de:::

249

250 X (TOUT BAS) dispensaire +

251

252 Max Du dispensaire ((fait un geste de la main vers la personne qui lui a soufflé

253 l'information)) donc ça aussi ça vous ça permet a la GR de pas se mettre

254 en marge du système on parle plutôt de de soins primaires

Des lignes 209 a 214, Max continue son travail de positionnement et de présentification de MSF en l'ancrant dans le présent, le concret, tout en rappelant les points essentiels de l'intervention de MSF. L'organisation y est associée, encore une fois, a la qualité de sa prise en charge des patients, a la gratuité et ne souhaite pas détruire entièrement le système et c'est pour cela qu'elle octroie des primes, donc donne de l'argent au personnel de l'hôpital de Mumba. Max véhicule donc dans son discours le fait que MSF est une organisation qui sait ce qu'elle veut, ce qu'elle ne veut pas et qui prend pour acquis l'adhésion de ses collaborateurs a cette vision. De plus, MSF offre une compensation financière pour pallier sa présence, ce qui laisse entendre donc qu'elle perturbe en partie un système préexistant et qu'elle comprend que sa présence n'est pas forcément positive pour tous ou sur tous les points qui la concerne.

Des lignes 213 a 219, Max invoque la prime CEMUBAC, qui est un salaire

versé au personnel de l'hôpital par l'organisation du même nom. En évoquant le CEMUBAC, MSF, par l'intermédiaire de Max, démontre sa connaissance de l'environnement et qu'elle s'y intègre, car elle va offrir un salaire en complément de cette prime qui était déjà offerte avant l'intervention de MSF à Mumba. De plus, Max ne parle pas de salaires pour l'argent que MSF va donner au personnel de l'hôpital dans le cadre de son intervention, mais de primes: Ç ttous les services de l'hôpital auront la tprime par contre 1.ya un serv- ya quelques services euh (.) que MSF ne va pas:: entrer directement làÈ (lignes 227-228). Le fait de parler de primes peut faire allusion à un caractère exceptionnel, Max étant donc déjà en train signifier à son auditoire que MSF ne va pas rester. Ainsi, il semble qu'implicitement, Max soit en train de dire que tout comme ces primes sont de natures exceptionnelles, la présence de MSF l'est tout autant. On pense ici au caractère d'urgence voulu dans l'intervention de MSF.

Après avoir détaillé les conditions de ces primes, Max revient encore une fois sur des points qui semblent obséder son organisation (lignes 233-236), c'est à dire le fait que MSF ne veuille pas être percue comme un perturbateur de l'ordre établi dans lequel il intervient et le désir profond que sa présence ne perturbe pas les habitudes de la population. MSF apparait donc comme soucieuse de sa présence et des conséquences qu'elle peut avoir sur son environnement, alors qu'elle cherche à ne pas en avoir, si ce n'est pour sauver des vies (ligne 187). Notons aussi que Max (lignes 234-235) associe le fait d'avoir confiance dans un système, au fait de continuer à payer pour recevoir des soins. Il montre ici les conséquences possibles de la gratuité des soins offerts par MSF, c'est à dire que les patients ne souhaitent plus payer. Dans le jeu de questions/réponses auquel s'adonne Max dans son discours, qui met en exergue d'éventuelles critiques faites à l'encontre de MSF, la gratuité semble

en être une. En effet, l'insistance sur ce point semble le confirmer, cela même si elle n'est pas verbalisée clairement. La répétition et l'insistance de façon générale, nous montre que l'identité, selon MSF, doit être protégée et construite prospectivement et rétrospectivement. La construction de l'identité organisationnelle porte donc les stigmates d'hier, d'aujourd'hui et de demain dans le discours, le rôle de Max dans ce cadre-là semble être de contrôler l'image de MSF.

258 Max Donc voilà un peu le l'idée l'esprit de de cette entente là de cet accord là

259 euh (.) c'qui est clair c'est que ga va amener euh de la #?réorganisation

260 euh::: (.) dans #?l'hôpital (.) ga risque d'amener une hausse de l'activité

261 dans #?l'hôpital euh donc attendez vous pas à travailler moins fort avec

262 MSF attendez vous à travailler #?plus #? fort avec MSF Ah Ah Ah on a:: déjà

263 vu déjà revu par exemple les horaires de travail avec vous hein euh:: ga par

264 de ce côté-là j'pense que c'est ga semble satisfaisant pour tout le monde

265 en tout cas de c'que j'ai entendu en tous cas les gens semblent être plutôt

266 heureux euh de cette réorganisation des horaires donc ga c'est pour

267 reprendre un exemple mais yaura dans les prochaines semaines dans les

268 prochains mois yaura toutes sortes de réorganisation comme celle-là hein

269 qui peut être parfois vont vous qui vont être T confrontantes (.) seront

270 peut-être euh:: vont peut-être ((fait le geste des guillemets avec ses doigts))

271 déstabilisantes parfois on va tenter des expériences aussi euh:: c'est aussi

272 à vous ((fait des gestes vers le public de la salle)) à nous dire tout ga hein

273 on fait en tcollaboration on est pas là pour timposer les choses on

274 tpropose des tchoses et puis on essaye de voir tous ensemble après à

275 vous de nous faire des retours si euh si ya des insatisfactions si ya des

276 difficultés parfois on va présenter des choses euh:: peut être que ga

277 fonctionnera pas peut être que ga va fonctionner donc là j'pense l'exemple

278 des des horaires parce qu'on m'a dit que:: que les gens semblait plutôt

279 satisfait de cette réorganisation$? là$? donc y'aura #?d'autres exemples

280 comme ga euh::: pour en reprendre un autre ben la pharmaciet c'est euh::

281 c'est Médecins Sans Frontières qui va fournir ((fait un geste de lui vers le

282 public de la salle)) les médicaments. On va le faire T service par T service

283 donc vous vous étiez habitué à fonctionner avec une pharmacie centrale

284 avec des commandes chaque matin pour chaque service là on va plutôt

285 faire une pharmacie par service (.) avec une commande euh:: par semaine

286 donc euh les superviseurs de chaque service sont en charge du suivi de la

287 de la pharmacie du suivi des consommations ga c'est des choses

288 importantes à (coupe video) tMSF on fait des tcommandes à peu près à

289 tous les tsix mois (.) qui vient qui vient par bateau donc il faut planifier

290 d'avance et il faut avoir des bonnes consommations savoir combien

291 on consomme exactement par service pour être le plus près possible de la

292 réalité quand on va lorsqu'on va faire une commande (.) par exemple

293 ((regarde ses notes sur la table))

294

295 (2.0)

296

297 Max Donc j'pourrais pas vous énumérer (.) tout ce qu'on va réorganiser tout ga

298 va se faire au fur et à mesure avec tvous hein on a pré réorganisé un peu le

299 bloc (.) on a pré réorganisé la stérilisation (.) euh:: donc ga aussi euh:: ga va

300 amener on va rajouter du personnel oil yaura des besoins euh j'pense

301 qu'entre autres sur la tgarde de nuit oil yavait 2 infirmiers pour tout

302 l'hôpital ga faisait une tache #?colossale euh ((se tourne vers Docteur

303 Joseph)) là on a déjà ajouté 2 infirmiers supplémentaires ? ((Docteur

304 Joseph hoche la tête tout en restant les bras croisés, puis il se tourne

305 vers Eric)) donc ga fait 4 infirmiers pour les gardes chaque nuit c'est ga ?

306

307 Eric En fait on a fait par service (.) là euh:: on a ajouté 2 infirmiers sur le::

308 service de pédiatrie et 2 infirmiers euh sur le service de chirurgie (.) pour

309 faire des roulements et avoir 1 infirmier ttoujours sur tchaque tservice (.)

310 et ((se tourne vers Max qui hoche de la tete pour manifester son accord))

311 c'est à dire que les infirmiers tournent plus sur tout l'hôpital juste sur leur

312 service

Ë la ligne 258, Max dit : « Donc voilà un peu le l'idée, l'esprit de de cette

entente là, de cet accord là È, il confirme ainsi qu'il vient de présenter, en quelque sorte, l'idéologie de son organisation (au sens neutre du terme) à travers des éléments choisis, idéologie qui l'amène alors, à aborder les conséquences ou la mise en acte de ce contrat, car il parle de réorganisation dans l'hôpital (lignes 259-260). La mobilisation des principes, des politiques et de la présence en tant que telle de Médecins Sans Frontières dans le discours de Max ont donc pour finalité de générer l'action, une action qui se manifeste particulièrement par la nouveauté et le changement.

Une des premières conséquences voulues, car imaginée et verbalisée par Max est : << ça risque d'amener une hausse de l'activité dans tl'hôpital euh donc attendez vous pas à travailler moins fort avec MSF attendez vous à travailler tplus tfort avec MSF Ah Ah AhÈ (lignes 260 -262). Max annonce donc que la signature de cette entente entre MSF et l'hôpital de Mumba va faire accroitre le nombre de patients à traiter par l'hôpital. On peut imaginer qu'il affirme cela au nom d'une certaine expérience ou bien d'un profond désir que ce chiffre augmente, ce qui justifierait la présence de MSF et les changements qu'elle exige dans la structure. Puis, Max s'adresse directement au personnel de l'hôpital sur le ton de l'humour pour leur annoncer quel va être leur sort suite à ces changements, plus particulièrement du point de vue de leur future charge de travail. La tournure de phrase que Max emploie pour dire cela signifie que, d'une certaine manière, il imagine leur pensée. Autrement dit, Max est en train de leur dire qu'il ne faut pas qu'ils considèrent que la présence de MSF sur leur lieu de travail va les décharger et qu'ils vont <<se tourner les pouces È. Max positionne en cela le rôle de MSF comme un acteur qui accompagne dans l'action et non qui la prend en charge en entier. Il est donc en train de leur demander leur soutien et leur participation à ce processus. MSF se présente donc

comme une entité qui est là pour aider l'autre, mais qui n'est pas là comme un prestataire de service, de bien ou de salaires (MSF n'est pas un bailleur de fond).

Des lignes 262 à 267, Max parle d'un exemple de réorganisation qui a déjà eu lieu dans l'hôpital à l'initiative de MSF. Cet exemple concerne les horaires de travail des infirmiers. Max invoque ce changement à titre d'exemple positif en faisant parler les gens : << j'pense que c'est ça semble satisfaisant pour tout le monde en tout cas de c'que j'ai entendu en tous cas les gens semblent être plutôt heureux euh de cette réorganisation des horairesÈ (lignes 264-266). Ce n'est donc pas Max qui parle seul ici, mais aussi des gens dont on ne conna»t pas le nom, mais qui semble se dire heureux des réorganisations et donc de la présence de MSF. Cependant, le discours de Max n'est pas uniquement basé sur des exemples de réussites sans difficultés marquées, mais se présente aussi comme un discours réaliste qui laisse entendre que le changement ne s'opère que rarement sans conflits ou incompréhensions.

MSF marque ici, à travers la parole de Max, une certaine habitude ou expérience par rapport à ce qui est implicitement présentée comme l'application difficile de ses préceptes chez ses partenaires. Il dit ainsi sous le ton de la prédiction: << y'aura toutes sortes de réorganisation comme celle-là hein qui peut être parfois vont vous qui vont être confrontantes (.) seront peut-être euh:: vont peut-être ((fait le geste des guillemets avec ses doigts)) déstabilisantesÈ (lignes 268-271). En annonçant ces possibles difficultés à son public, au personnel de l'hôpital de Mumba, Max marque du même coup le fait qu'il leur porte de l'intérêt, que MSF est soucieuse de leur condition, un souci qui pourrait être traduit comme de la compassion. MSF véhicule ainsi l'image d'une organisation compréhensive des conditions de ses partenaires face aux changements qu'elle demande. Finalement, c'est en quelque sorte l'image d'une organisation relativement transparente qui est

véhiculée ici car elle pourrait présenter un tableau idyllique de ses interventions à ses partenaires, mais elle ne le fait pas.

De plus, on voit que Max dit: << parfois on va tenter des expériences aussiÈ
(ligne 271). Ainsi, il inclut les partenaires et l'auditoire dans ce processus de
changement, changement qui n'est pas gravé dans la pierre et qui implique donc des
essais. Il laisse entendre ainsi qu'il n'y a pas de recette miracle et qu'une certaine
faillibilité marque les interventions de l'organisation humanitaire (voir aussi Matte,
2006). Cette idée est totalement en phase avec le fonctionnement de l'organisation
MSF, car c'est une organisation qui se présente comme se construisant dans un
échange constant entre la réalité du terrain, l'opérationnel et le siège qui donne les
grandes marches à suivre. D'un coté, il y a les protocoles, les principes, les grandes
lignes et de l'autre coté, il y a le terrain, la réalité, les interactions du quotidien, les
partenaires et des facteurs non prévisibles. Max positionne donc MSF comme une
organisation qui n'a pas toutes les réponses, mais qui a le mérite d'essayer de donner
des réponses à des problèmes, qui va expérimenter des solutions. Cependant, cet
exercice ne se fait pas seul, MSF marquant le besoin de l'autre, de ses partenaires
pour agir et tenter des expériences, comme on peut le constater des lignes 271 à 277.
Ce besoin de l'autre, dans le cas de Médecins Sans Frontières, passe, selon
Max, par un travail de responsabilisation du partenaire vis à vis de la tâche à
accomplir ensemble: << c'est aussi à vous ((fait des gestes vers le public de la
salle
)) à nous dire tout ça hein on fait en tcollaborationÈ (lignes 271-273). Ainsi,
Max attribue des responsabilités à son auditoire. Illes informe qu'ils ne doivent pas
être passifs mais bien actifs afin que ces changements s'avèrent positifs pour tous.
Puis, Max présentifie d'une certaine manière à ses partenaires les règles de conduites
en vigueur dans l'organisation: << on n'est pas là pour timposer les choses on

tpropose des tchoses et puis on essaye de voir tous ensemble après à vous de nous faire des retours si euh si ya des insatisfactions si ya des difficultésÈ (lignes 273- 276) .

Communiquer est une de ces règles. En effet, la parole a une place importante chez MSF et cela se retrouve aussi bien au niveau interne qu'externe, comme on peut le voir ici. Ce principe ou, du moins, cette exigence a sürement pour origine le fondement associatif de l'organisation et ses particularités. En effet, une des particularités des associations est de donner la parole à tous ses membres, MSF montrant donc qu'elle a de la considération pour le personnel de l'hôpital de Mumba, car leur avis compte dans l'opérationnalisation des réorganisations. Leur responsabilité est cependant de manifester cet avis et surtout de dire si ça ne va pas, plutôt que de se taire. On peut aussi imaginer que cette nécessité de communication peut avoir pour objectif de lutter contre une certaine résistance au changement organisationnel. L'image que Max véhicule de MSF est donc celle d'une organisation qui n'impose pas les choses ou les changements mais les propose. Si elle se positionne comme à l'initiative des changements, elle attend des autres une réaction (positive ou négative). C'est donc au nom, implicitement, d'un principe d'échange et d'ouverture que Max encourage son auditoire à ne pas hésiter à s'exprimer. D'une certaine manière, Max est en train de leur dire, si vous voulez changer et vous améliorer, c'est à vous de le faire et de prendre les choses en main. Ajoutons que l'idée de ne pas imposer les choses donne une ouverture à la négociation, MSF en appelle donc à la capacité de réflexion et de penser de ses partenaires. Ceci montre qu'un des marqueurs de l'identité de MSF semble être le dialogue ou du moins une organisation qui laisse place à la conversation, à la négociation pour construire ensemble.

On voit donc que Max, tel un leader, communique la vision de MSF à l'assemblée, celle des principes de Médecins Sans Frontières en l'adaptant à son public, en renvoyant aux caractéristiques qui sont censées lui être propres et en choisissant des exemples locaux. Max est désormais dans une phase oü il cherche à susciter leur engagement et leur transmettre un désir de changement pour les orienter vers l'action. L'identité de MSF semble donc construite dans une idée de projection adressée à l'autre, projection d'un idéal auquel il faut adhérer. Cependant, aucune certitude n'est annoncée quant à la réussite des changements proposés par MSF à l'hôpital de Mumba: << peut être que ça fonctionnera pas peut être que ça va fonctionnerÈ (lignes 276-277). Max met donc de l'avant une tolérance MSFienne vis-à-vis des erreurs, présentifiant donc son organisation comme une organisation qui n'est pas parfaite et qui peut se tromper. Il est aussi peut être en train de leur communiquer le fameux adage : Nous apprenons de nos erreurs.

En somme, cela donne l'idée que MSF est une organisation à échelle humaine, qui a le droit à l'erreur. Tout en montrant une certaine tolérance de la part de MSF, Max donne au public un exemple gratifiant et positif d'un des changements qui a déjà eu lieu dans l'hôpital à l'initiative de son organisation (lignes 277-280). Il parle d'un changement qui s'est opéré par rapport aux horaires de travail des infirmiers. Tout en citant cet exemple, il parle à leur place (il les ventriloquise, donc) pour dire que c'est un changement positif : <<on m'a dit que:: que les gens semblait plutôt satisfait de cette réorganisation.1.. là.1..È (lignes 278-279). MSF tente donc de transmettre l'idée à ses partenaires qu'elle a fait une bonne réforme de leur système et ce n'est pas elle qui le dit, ce sont lesdits partenaires, ce qui est censé donner une plus grande crédibilité au propos en le rendant plus difficilement critiquable.

La démarche de changement initié par MSF à l'hôpital appara»t donc comme

positive gr%oce à l'intervention de cet exemple dans le discours de Max. Les pierres sont dès lors posées pour l'annonce de futures réorganisations, ce que Max va faire: << donc yaura td'autres exemples comme ça euh::: pour en reprendre un autre ben la pharmacietÈ (lignes 279-280). Cet exemple est détaillé par Max des lignes 281 à 292 oü il y spécifie les habitudes de MSF en matière de gestion des stocks de la pharmacie, que l'organisation souhaite bien appliquer au sein de l'hôpital de Mumba. Max invoque donc, de nouveau, l'expérience de son organisation pour laisser entendre que la réforme du système partenaire va ultimement l'améliorer. MSF est ainsi présentifié/mise en scène comme une organisation expérimentée qui partage son savoir et change les habitudes de ses partenaires.

De plus, MSF se présente, à travers Max, comme une organisation préparée et prête à agir dans de brefs délais. Ainsi, comme nous avons pu le constater, l'urgence est aussi bien un cadre opérationnel qu'une façon d'être. MSF est présentifiée comme une organisation qui prévoit le plus possible son action avec une importante logistique à l'appui, le but étant d'optimiser son action. Aussi, Max annonce ce pouvoir d'efficacité et de rapidité dans l'action à ses partenaires des lignes 297 à 299 : << Donc j'pourrais pas vous énumérer (.) tout ce qu'on va réorganiser, tout ça va se faire au fur et à mesure avec tvous hein on a pré réorganisé un peu le bloc (.) on a pré réorganisé la stérilisation È. MSF transmet donc une image forte à son auditoire en ce qui concerne sa réactivité à mettre en place une structure conséquente pour << sauver des vies È. De plus, l'exemple de la gestion de la pharmacie est censé démontrer la rationalité de l'organisation. Ajoutons aussi, que dans ce cadre, il semble que l'initiative revienne aux acteurs de l'association représentés par le <<on È. Cependant, on remarquera que l'annonce est tout de même faite que ce travail est commun aux acteurs de l'hôpital de Mumba: << ça va se faire au fur et à mesure avec

tvous >> (ligne 298). Max est donc en train, pierre après pierre, de se présenter comme responsabilisant les employés de l'hôpital (ce qui laisse entendre quand méme que ceux-ci manqueraient a priori de ce sens des responsabilités, évoquant implicitement une attitude paternaliste, voire méme un tant soit peu <<colonialiste>> de sa part et les intégrant au sein d'un programme de réorganisation à la fois de leur structure de travail et de leur façon de travailler.

Afin, sans doute, de ne pas faire peur aux intéressés, une peur qui pourrait générer de leur part une résistance à cette réorganisation, Max leur montre que MSF est compréhensive de la tâche qu'ils ont à accomplir et qu'il prend les moyens effectifs pour les aider à réussir cette mission: << on va rajouter du personnel oü y'aura des besoins >> (ligne 300) et <<ça faisait une tâche tcolossale>> (ligne 302). Max fait participer Eric à ce processus de mise en scène de MSF, après avoir fait une tentative avortée de joindre le Docteur Joseph à son discours: << ((se tourne vers Docteur Joseph)) [É] ((Docteur Joseph hoche la tête tout en restant les bras croisés, puis il se tourne vers Eric))>> (lignes 302-305). Eric, le responsable terrain de la mission, répond à l'appel de son supérieur et collègue et expose les détails pratiques de cette réorganisation à l'assemblée des lignes 307 à 312. En effet, ces détails sont de son ressort puisque c'est lui et le Docteur Joseph qui sont les maitres d'Ïuvre à l'hôpital de Mumba. La position de Max est, quant à elle, plus générale car il supervise aussi d'autres missions dans la région. Il donne donc les grandes lignes et ce sont des acteurs locaux comme Eric qui les appliquent dans les structures, avec les partenaires et les équipes locales de MSF. Cependant méme si il y a une hiérarchie au sein de l'organisation, c'est l'esprit d'équipe qui ressort de l'intervention de Max, matérialisé par l'utilisation constante du <<on >> et du << nous >> pour parler de l'ensemble des acteurs de MSF.

314 Max Donc ces réorganisations là:: on les fait avec vous j'pense que vous ((jette

3 1 5 un coup dÕÏil vers Docteur Joseph qui hoche de la tete en restant sto
·que
))

316 aussi vous aviez constaté qu'il y avait des besoins de ce cTMté là/ et euh tout

317 ga pour amener euh:: pour essayer euh:: d'avoir des soins de meilleure

318 qualité hein le fait d'être plus d'infirmiers sur une garde va faire en sorte

319 que:: les patients vont bénéficier d'un travail de meilleur qualité donc on

320 s'est c'est plutTMt en ces termes #?là qu'on souhaite voir la réorganisation

321 avec vous #?Médecins Sans Frontieres a quand même une texpertise depuis

322 une trentaine d'années dans ce dans ce type de contexte là et puis on::

323 #?Médecins Sans Frontieres travaille dans des hTMpitaux euh depuis depuis

324 longtemps aussi (.) mais donc ga ((se tourne vers Docteur Joseph)) c'est

325 toujours fait en partenariat euh avec vous avec la direction de l'hTMpital

326 avec la direction du DCZ ((se tourne vers Docteur Joseph)) donc on n'est

327 pas là non plus pour f imposer les choses euh: on est là pour essayer de

328 travailler avec tvous mais c'est stir qu'on a des expertises et qu'on qu'on

329 veut les partager avec vous (.) ensuite on vous remettra aussi du matériel

330 à la disposition de l'hTMpital donc à:: votre disposition'!" euh:: dans les

331 services au bloc euh on aura aussi du du matériel euh de tsupport une

332 bibliotheque opérationnelle à Médecins Sans Frontierest euh vous avez

333 déjà surement vu les guides les guides cliniques euh donc ga ce sera aussi

334 c'est des outils qu'on vous perm- qu'on met à votre disposition c'est ga

335 aussi c'est à vous à tVous les tapproprier ces toutils là\ qu'on va mettre

336 dans les services etc euh: ben aussi à tvous de de d'utiliser ce matériel là

337 (.) donc tout ga pour dire ga fait beaucoup #?d'ajustements euh:: on vous

338 demande un peu de flex::ibilité par ga par rapport à ga euh parfois ga va

339 faire des /frictions parfois ga va peut être faire des /mécontents ((fait des

340 gestes avec ses mains et montre plus ou moins Docteur Joseph)) euh:: il

341 s'agit de pas garder son mécontentement#? mais de venir en tdiscuter euh et

342 comme ga euh on peut aplanir les difficultés (.) une autre chose donc dans

343 cette réorganis- dans cette réorganisation là euh:: comme Eric ((se tourne

344 vers Eric)) l'a dit là au lieu de bouger sur tous les services on va plutTMt se

345 concentrer sur des services donc on va revoir donc j'pense que c'est déjà

346 en cours avec Docteur Joseph ((Docteur Joseph hoche de la tete en signe

347 dÕaccord)) on a revu des profils de poste donc ga pour moi par exemple les

348 profils de poste c'est une chose qui doit demeurer vivante (.) et qui vous

349 appartient aussi (.) c'est pas seulement à nous ((fait des gestes vers lui)) à

350 faire la description du profil de poste c'est aussi à vous:: à vous

351 #?l'approprier et à dire ben apres trois quatre six huit semaines (.) euh:: à

352 un poste qui est un peu changé par rapport peut être à celui que vous aviez

353 (.) à nous dire bein ga fait pas parti de mon profil de poste parce que dans la

354 réalité ga je le fais pas mais dans la réalité ga je le fais et c'est pas dans

355 mon profil de poste (.) donc ga aussi à vous à nous faire des retours sur ça

356 euh:: tranquillement (.) polé polé ? ((qui se traduit par « Lentement,

357 lentement » en Swahili))

L'esprit d'équipe présent chez MSF tend à être véhiculé chez ses partenaires, l'idée principale étant de travailler ensemble : « Donc ces réorganisations là:: on les fait avec vous » (ligne 314). L'organisation exprime ici une reconnaissance de l'autre et la réunion autour d'un objectif commun : améliorer ou réorganiser un systeme existant. Le partenariat est clairement mis en scene dans le discours de Max et le fait de travailler ensemble n'appara»t pas comme une question, mais plutTMt comme une affirmation qui est produite par l'emploi du « donc ». Le public de la réunion est ainsi enrTMlé dans une aventure qui va modifier son quotidien professionnel et se doit de l'accepter. Cependant, cette annonce ne tombe pas telle une sentence car Max dit aussi : « j'pense que f vous ((jette un coup dÕÏil vers Docteur Joseph qui hoche de la

tête en restant sto
·que
)) aussi vous aviez constaté qu'il y avait des besoins de ce côté là È (lignes 314-316). En disant cela, Max opère un travail de traduction de la pensée de ses interlocuteurs et se fait le porte parole de leur avis sur la question, donnant ainsi du poids à son propos.

Leur adhésion à cette réorganisation est donc présentée comme issue de leur propre chef (le directeur de l'hôpital) et les moyens déployés par MSF à l'hôpital répondent donc aussi bien à l'urgence du contexte qu'à l'appel de ses acteurs quotidiens, ce qui est censé rendre leur légitimité d'autant plus évidente. Max est donc, de nouveau, en train de responsabiliser son auditoire face à ses désirs de changement en invoquant le jugement de leur propre situation qui semble être antérieur à l'intervention de son organisation. MSF est donc présentée comme une organisation qui reconna»t et gratifie le raisonnement des acteurs locaux dans les contextes dans lesquels elle intervient. Elle signifie ainsi sa qualité d'écoute et d'attention. L'objectif de ces changements est de permettre au personnel de l'hôpital de donner des soins de meilleure qualité aux patients (lignes 316-319).

Max fait donc intervenir ici la figure du patient, afin sans doute de clarifier l'intervention de MSF à Mumba et de ne pas perdre l'objectif ultime de la mission humanitaire. MSF n'est pas un prestataire de service et n'est pas là pour améliorer leur structure de travail, mais pour sauver un maximum de vies, de patients. Les changements voulus sont là pour répondre à des critères propices à une bonne prise en charge des malades et des blessés. MSF présente ainsi un gage de qualité dans son action oü l'idée principale est de sauver des vies et de le faire bien. L'amélioration de la qualité, du système et du matériel est présentée comme visant à réduire la mortalité des populations qui vont se présenter à l'hôpital. Cependant, il semble aussi que Max véhicule ici le fait que son organisation est attentive et sensible aux

populations dans les endroits oü elle intervient, avec une préoccupation aussi bien pour les patients que pour les soignants.

De plus, Max marque son insistance sur la définition du rôle du personnel dans cette mission: Ç donc on s'est c'est plutôt en ces termes tlà qu'on souhaite voir la réorganisation avec vous tÈ (lignes 319-321). On remarque ici que c'est MSF qui fixe, de nouveau, les règles de ses partenariats, même si les mots employés par Max font part d'une intention et non d'une affirmation. Après avoir communiqué sa vision de la réorganisation à son auditoire, Max y ajoute des arguments pour donner plus de poids à son propos et légitimer la présence, ainsi que la facon de faire de MSF (lignes 321-324). Nous sommes donc face à un discours de légitimation qui repose sur l'expérience et l'expertise de Médecins Sans Frontières depuis plus de 30 ans. Max fait ainsi appel, une nouvelle fois, à l'histoire de son organisation (il la ventriloquise, donc) pour défendre et asseoir son discours. Ce qui semble étonnant dans cette intervention, c'est le besoin que ressent Max de devoir justifier la valeur et la présence de son organisation auprès de ses interlocuteurs, comme si ses compétences pouvaient être, par définition, remises en question. Cela illustre le fait que MSF fait souvent l'objet d'attaques en ce qui concerne sa facon de faire et que le discours de Max est donc empreint de cette critique qu'il anticipe et à laquelle il répond à l'avance. En conséquence, il répond à ses détracteurs sous prétexte d'informer son auditoire, afin de faire taire les éventuelles remises en question du savoir faire de l'organisation. Le porte parole de MSF opère donc un jeu de questions/réponses à l'intérieur même de sa performance.

Après avoir présenté avec intensité son organisation, Max revient sur le partenariat qui unit tous les acteurs en présence des lignes 324 à 326. Il réaffirme que cette mission doit se faire main dans la main et reconna»t verbalement chacun de ses

partenaires dans le cadre de celle-ci en les hiérarchisant: Ç avec vous, avec la direction de l'hôpital, avec la direction du DCZÈ (lignes 325-326). Il met ainsi au premier plan le public qui est face à lui, et cela, avant la direction de l'hôpital, donc le Docteur Joseph et les représentants de la Santé de la RDC. A travers cette annonce, Max est donc en train de valoriser les personnes qui sont en train de l'écouter en laissant quelque peu de côté toute hiérarchie. Il montre en cela que MSF est une organisation qui considère ses employés et qui n'est pas trop concernée par la bureaucratie et la question hiérarchique. De plus, cela dévoile un trait identitaire chez MSF qui est de porter une attention plus particulière au terrain, à sa réalité humaine et à ses acteurs.

Max poursuit en disant : Çdonc on est pas là non plus pour imposer les choses euh: on est là pour essayer de travailler avec tvous mais c'est sür qu'on a des

expertisesÈ (lignes 326-328). Max anticipe donc de nouveau une des critiques souvent adressées à l'encontre de MSF, soit le fait qu'elle impose son propre système, ce qui vient faire écho à ce qu'il avait lui-même avancé quelques minutes auparavant lorsqu'il avait déjà mentionné cette information à son auditoire, comme on peut le voir des lignes 273 à 274. Dans ce tour de parole, il disait que MSF n'imposait pas les choses mais les proposait. Max est donc, encore une fois, en train de protéger son organisation face aux attaques qu'on pourrait éventuellement lui porter. Il communique ainsi une image positive de MSF, une organisation préoccupée et consciente de son environnement. L'argument principal employé ici par Max est l'expertise de son organisation. C'est sa carte de visite pour rassurer et enrôler ses partenaires.

Des lignes 328 à 334, Max exprime par plusieurs exemples l'idée selon laquelle MSF serait une organisation qui partage et met à la disposition de ses

partenaires des outils pour faciliter et améliorer l'action humanitaire. Ainsi, MSF est représentée et incarnée par ses expertises, les guides cliniques d'une bibliothèque opérationnelle, ainsi que du matériel. L'invocation de ces guides par Max nous montre aussi que MSF est aussi une organisation très protocolaire et structurée. De plus, il semble que cette évocation démontre le désir de MSF que ses partenaires adoptent sa façon de faire, en somme, ses pratiques. L'existence d'une telle bibliothèque exprime le caractère raisonnable et prévoyant de MSF et il appara»t donc que, d'une certaine manière, l'organisation cherche à normaliser une action médicale dans un contexte instable. Paradoxalement, l'organisation est aussi représentée par un ensemble d'expertises, donc de témoignages de la réalité du quotidien.

Cette réalité est de l'ordre de l'imprévisible, mais MSF s'en sert pour construire une sorte de mémoire organisationnelle qu'elle utilise pour agir au quotidien et qu'elle est apte à transmettre. MSF appara»t alors dans toute sa complexité, une organisation qui a soif de prévoir l'imprévisible ou du moins de s'y préparer du mieux qu'elle peut. Max continue son travail de responsabilisation des lignes 335 à 336: Ç c'est à vous à tVous les tapproprier ces toutils là qu'on va mettre dans les services etc euh: ben aussi à tvous de de d'utiliser ce matériel là È. Ainsi, il semble que chacun ait sa place au sein de cette configuration: MSF met à disposition des outils, mais c'est aux acteurs de la structure médicale de se les approprier, pour offrir en retour, une meilleure qualité de service. Ajoutons qu'au delà de ce travail qui se veut de responsabilisation, c'est aussi un travail d'éducation qui transparait ici de la part de MSF, laquelle semble donc prête et disposée à instruire ses partenaires, laissant de nouveau entendre qu'ils ont besoin d'être donc responsabilisés et éduqués. L'organisation n'est donc pas qu'une association

médicale d'urgence classique avec du matériel et du personnel médical, c'est aussi un savoir et en quelque sorte une école de la médecine d'urgence ou du moins c'est comme cela qu'elle souhaite être identifiée.

Des lignes 337 à 338, Max fait rimer ajustements (pour ne pas parler de changements) avec flexibilité, demandant ainsi aux acteurs concernés par la réorganisation qu'ils soient ouverts d'esprit et prêts à faire des concessions pour le bien commun. De plus, la communication semble au cÏur de la méthode MSF, car Max incite, de nouveau, ses interlocuteurs à se manifester si ils ne sont pas satisfaits ou que les changements les indisposent. On constate cela des lignes 338 à 342: << parfois ça va faire des frictions parfois ça va peut être faire des mécontents ((fait des gestes avec ses mains et montre plus ou moins Docteur Joseph)) euh:: il s'agit de pas garder son mécontentementt, mais de venir en tdiscuter euh et comme ça euh on peut aplanir les difficultés >>. MSF montre alors, de nouveau, sa disposition à entendre la critique. Puis, des lignes 342 à 355, Max illustre le désir d'agir concrètement ensemble à l'aide d'un exemple de revalorisation des profils des poste, oü il utilise un <<on>> qui inclut cette fois-ci le Docteur Joseph (ligne 346) et incite le personnel à faire des retours, donc à donner leur avis (ligne 355), tout cela, pour être plus en phase avec la réalité (ligne 354).

Ainsi, Max, au nom de MSF, positionne les membres de son auditoire comme de véritables collaborateurs et acteurs de ce processus de changement, leur rTMle devant être actif et non passif. L'organisation est donc présentée comme préoccupée par la communication et la discussion plus précisément, car elle considère que les acteurs détiennent les solutions du changement. C'est donc une vision de la base vers la direction qui est préconisée, même si l'initiative revient au haut de la hiérarchie. Correspondre à la réalité semble être un trait marquant de l'identité projetée de

Médecins Sans Frontières, qui s'exprime ici à travers cet exemple, mais qui semble être récurrent dans son approche. Enfin, Max finit son tour de parole par une note amicale qui démontre l'intérêt qu'il porte à la culture et la langue de ses partenaires: << euh:: tranquillement (.) polé polé? ((qui se traduit par<<lentement, lentement >> en Swahili))>> (lignes 356-357). Cela nous montre également que même si les interventions de MSF sont en quelque sorte brèves, ses acteurs portent une attention particulière à l'autre et cela non pas forcement que d'un point de vue opérationnel et médical. Ce souci démontre aussi une certaine éthique dans ses interventions, sa facon de travailler et un intérêt pour la communication.

Pour finir, nous avons donc pu constater que sous prétexte d'informer, car c'était le but annoncé de la réunion au début de l'intervention de Max, on voit que ce dernier en profite pour donner en réalité la vision des choses de MSF et défendre ses idées dans le but d'influencer l'assemblée réunie et de les convaincre d'agir dans le sens de MSF. Pour faire cela, Max agit avec le seul moyen qu'il a à sa disposition, c'est à dire le langage, le discours, la parole. D'une certaine manière, Max négocie avec le public l'adhésion de ce dernier à sa vision de MSF, le choix de ses arguments devant donc être pertinent. Pour cela, on voit comment il ventriloquise implicitement et explicitement les principes, politiques et pratiques de son organisation afin de la présenter et ainsi la rendre présente dans son intervention. Tout au long de son discours, Max fait un travail de positionnement à travers un subtil jeu de langage mettant en scène le <<nous>> et le <<vous >>, qu'il conclut par un <<faire>> collectif. MSF se caractérise donc aussi dans toute sa complexité, avec au sein de son discours, des marqueurs de l'ouverture et de la fermeture à l'autre.

au Nord-Kivu avec deux officiers de la MONUC

Sur l'ensemble des 42 heures de vidéos que nous avons visionnées concernant la mission de MSF en RDC, nous avons pu constater, à plusieurs reprises, que Max tenait le même discours. Ainsi, sous prétexte d'informer ses interlocuteurs, il semblait souhaiter, en réalité, accomplir quelque chose et notamment les convaincre en communiquant sa vision de l'identité de son organisation. Nous avons donc vu, à de nombreuses reprises, ce même travail à l'Ïuvre et tout particulièrement dans un extrait où il rencontre deux représentants de la MONUC.

Afin de replacer cette séquence dans son contexte, notons qu'elle a lieu dans un camp militaire de la MONUC, qui est une mission de paix des Nations Unies chargée de remplir plusieurs mandats en RDC, notamment la protection des civils et la sécurité du territoire. Les acteurs de cette réunion sont deux officiers de la MONUC, ainsi que deux membres de MSF (Max, chef de Mission au Nord-Kivu et Carole, coordinatrice médicale de la RDC). En plus de ces quatre personnes, nous constaterons la présence de Francois Cooren, co-directeur de ce mémoire, accompagné de sa caméra qui filme l'interaction.

Ce présent extrait ne va pas faire l'objet d'une analyse minutieuse, mais va plutôt être étudié dans son ensemble pour constater que le processus qui est à l'Ïuvre est le même que celui observé dans l'analyse de la séquence A que nous avons précédemment analyser. En arrivant sur le campement des militaires, Max remet un rapport d'activité trimestriel de l'action de MSF dans la région à un des chefs militaires qui l'accueille. Puis il lui pose des questions sur les milices présentes dans la région (May May et FDLR) et leurs activités et mouvements dans celle-ci. Le militaire lui répond en lui donnant certaines informations, puis il demande à Francois

Cooren dÕeteindre la video pour communiquer à Max des informations non officielles.

Les deux hommes discutent cordialement de ces informations sur les milices et lÕaction de la MONUC. Ils disent aussi quÕils se rencontrent assez souvent, cette rencontre nÕest donc pas exceptionnelle. Puis, un deuxieme chef militaire entre dans la reunion. Notons que celui-ci ne conna»t pas Max. Automatiquement, Max lui explique en detail les activités de MSF dans la region. Il parle du programme de lutte contre la malnutrition des enfants, ce qui amène son interlocuteur à le remercier pour le travail que MSF fait sur le terrain. Puis, cette même personne demande à Max comment cela se passe pour que MSF intervienne. Il sÕen suit alors un long monologue de Max, ponctué par des signes dÕaccords de son interlocuteur, lequel se montre apparemment tres attentif au discours de son vis-à-vis.

On voit Max aborder de nombreux points, mentionnant que toutes les operations sont financées par MSF à lÕaide de fonds privés, quÕelle négocie avec les autorités locales pour sÕimplanter sur le terrain. Il parle aussi de la politique de transparence de son organisation, du fait que MSF a été créé en 1971 par des médecins francais et quÕelle est aujourdÕhui une association dÕenvergure internationale implantée localement sur tous les continents avec sa maison mere en France. Il signifie aussi que MSF est organisation médicale non gouvernementale, qui donne des soins gratuitement à tout le monde et cela, sans aucunes discriminations. Max lui dit egalement, avec une certaine conviction dans la voix et les gestes, que MSF est une organisation indépendante et quÕà ce titre elle refuse d'être convoyée avec des militaires lors de ses déplacements. En outre, il précise que MSF nÕest pas lie à la MONUC, ni aux FARDC, ni à aucun gouvernement. Enfin, il indique à son interlocuteur que les membres de MSF sont, pour la majorité, des

volontaires issus de tous les pays du monde.

On le voit ensuite confirmer à plusieurs reprises quÕune des habitudes de MSF est de parler avec tout le monde, afin dÕexpliquer les activités quÕelle realise et le pourquoi de ses interventions. Il explique aussi que le rapport dÕactivité quÕil vient de remettre à son collégue vise à ce que tout le monde soit vraiment au courant de lÕaction de MSF. Finalement, lÕinterlocuteur de Max le félicite pour lÕaction de son organisation et lui demande pour combien de temps ils vont rester dans la region. LÕambiance est ensuite assez détendue tout au long de la rencontre, il y a beaucoup dÕéclats de rire. Les officiers de la MONUC invitent Max, Carole et Francois à rester déjeuner avec eux, mais Max sÕexcuse car il ne peut accepter lÕoffre et se justifie en disant quÕils sont attendus à une autre reunion. Les militaires les raccompagnent endehors du campement et la délégation MSF reprend la route dans leur voiture aux couleurs de MSF.

Cette rencontre entre les membres de MSF et les militaires de la MONUC nous montre quÕau moins deux buts poursuivis semble (1) dÕentretenir des relations cordiales avec leur vis-à-vis et (2) dÕobtenir des renseignements qui peuvent etre utiles à la sécurité du personnel MSF dans le cadre de leurs missions dans la region. Max, qui se confie à Francois Cooren dans un autre extrait, parle de pêche à lÕinformation. Cette sequence nous montre, en outre, que les mêmes exemples sont utilisés par Max lorsquÕil présente les principes de MSF à un des officiers. Nous pouvons donc constater que Max est attaché à un discours identique et recurrent qui rend present MSF dÕune certaine façon, mais aussi que celui-ci est utilisé par ses membres dans leurs interactions pour informer lÕautre de leur(s) vision/programmes (ce quÕils font) et de leur identité (qui ils sont). Le rTMle de Max sÕapparente ici à une sorte de responsable des relations publiques. On pourrait comparer la façon de

communiquer de MSF à celle d'une campagne politique, oü il faut voir un maximum de personnes pour leur communiquer une vision et les rallier à notre cause. Ce type de rencontre sert donc à collecter des informations et à communiquer l'essence de MSF à l'autre.

5.4. Analyse de la Séquence C : Réunion entre Max et des représentants du Ministère de la Santé congolais

5.4.1. Description du contexte

En tant que chef de mission MSF, Max rencontre régulièrement les partenaires locaux des projets mis en Ïuvre par son organisation, il se voit aussi attribuer le rôle de porte-parole de MSF auprès des représentants des institutions du pays d'intervention. Dans le cadre de l'interaction qui nous intéresse ici, Max est en réunion avec deux représentants de la Santé de la RDC, les docteurs Guy et Tony, à Goma (ville du Nord-Kivu). La présente conversation a lieu peu après le début de la réunion oü les trois hommes ont fait le point sur l'action mise en Ïuvre à l'hôpital de Mumba.

5.4.2. Analyse de la séquence

Cette in teraction nous montre comment l'identité de MSF dans son intervention en RDC est négociée et construite entre un de ses membres, autrement dit Max, et des partenaires de l'organisation, les docteurs Guy et Tony, tous les deux congolais. Nous allons aussi voir ici comment certaines figures sont invoquées de part et d'autre pour accepter, refuser ou inviter à accomplir certaines choses. Nous pourrons ainsi constater que l'identité n'est pas quelque chose de figé mais qu'il

existe une utilisation performative de l'identité organisationnelle.

167 Guy Donc par rapport a ça, on avait encore une autre euh, je ne dirai pas une

168 préoccupation on avait une requête a formuler euh:: ((fait un geste de la main vers

169 Tony)) on en a longuement discuté avec Docteur Tony C'est par rapport au euh

170 au chirurgien

171

172 Max Oui=

173

174 Guy =que MSF a amené pour essayer d'aider l'hôpital. Nous, on s'est dit si euh c'est

175 la présence de ce chirurgien ne peut pas profiter a d'autres médecins.

176

177 Max Hum hum

178

179 Guy Je crois que peut être Carole vous en a vous en a déja parlé.

180

181 Max C'est possible

Des lignes 167 a 170, Guy annonce a Max la formulation d'une requête concernant le chirurgien MSF avec le soutien de Tony a l'appui. En formulant cette requête a Max, Guy et Tony reconnaissent implicitement son caractère décisionnaire, car celui-ci représente MSF et prend des décisions en son nom. Cependant, la formulation d'une proposition de la part des deux médecins et la discussion qui s'en suit, peuvent aussi être considérés comme participant de la construction de l'identité de MSF, leur organisme partenaire, car ils tentent de modifier son action en apportant leur propre vision de ce qu'est et doit être MSF dans le cas présent. Guy évoque la présence de MSF (par le biais d'un de ses chirurgiens), qualifiant son action d'aide a l'hôpital, mais il considère que cette présence pourrait constituer une opportunité supplémentaire a l'action classique de MSF, c'est a dire soigner: Ç Nous, on s'est dit si euh c'est la présence de ce chirurgien ne peut pas profiter a d'autres médecins. È (lignes 174-175).

Afin d'ajouter du poids a son propos, Guy, a ligne 179, invoque, par ailleurs, le fait que Carole soit au courant et qu'elle ait possiblement fait part de la requête a Max. En faisant cela, Guy fait appel a ce que représente Carole, c'est a dire, une expertise en tant qu'actrice de l'organisation MSF, car elle est coordonatrice médicale MSF et médecin congolais. Ajoutons qu'une telle introduction a l'annonce

d'une demande et la façon de la formuler, laisse para»tre une certaine hésitation, Guy n'affichant pas beaucoup d'assurance dans son discours. La réponse de Max n'est, quant à elle, pas ou peu claire, lorsqu'il rétorque: Çc'est possibleÈ (ligne 181), ce qui semble pousser Guy à préciser la formulation et l'argumentation de sa requête. Cette réponse confère à Max un certain pouvoir quant au déroulement de la suite de la conversation, car il peut ainsi, par exemple, dire qu'il n'était pas vraiment au courant de cette requête et donc ne pas d'ores et déjà donner une réponse favorable ou non à la requête.

183 Guy Donc que euhnous, on voudrait, avec votre accord envoyer nos médecins en

184 formation, évidemment uniquement euh pour la chirurgie, pour qu'ils puissent

185 profiter euh de de de l'expérience du chirurgien que MSF a mis a mis à l'hôpital.

186

187 Max Bon en formation euh = (( il affiche un visage emprunt de perplexité))

188

189 Guy Bon on dirait formation, c'est peut être trop dire mais bon euh=

190

191 Tony = En fait, en fait euh, l'idée vient du fait que (.) le le système de santé que nous

192 essayons d'appuyer dans la province euh comprend non seulement les structures,

193 les institutions mais aussi du personnel. Et donc qu'euh on a constaté depuis un

194 certain temps que dans les milieux ruraux il y a de plus en plus de jeunes

195 médecins

196

197 Max hum hum

198

199 Tony qui ne sont plus encadrés par des médecins beaucoup plus =

200

201 Guy =[chevron[nés

202

203 Tony [Expérimentés, et donc chaque fois qu'il y a une opportunité comme

204 celle que vous donnez à la zone de santé de Mumba, nous pensons que c'est

205 vraiment quelque chose qu'il ne faut pas rater pour renforcer le système. C'est

206 vrai quel'approche MSF, c'est une approche directement centrée sur le patient

207 mais notre approche, tout en visant le patient essaie d'appuyer plus le système. Et

208 je crois que les 2 ensembles pourraient faire un très bon résultat. Donc nous

209 avons pensé qu'on peut vous approcher dans ce euh=

210

211 Guy =Dans ce sens-là

212

213 Tony =Dans ce sens-là, pour dire qu'euh, on pourrait profiter de cette présence de ce

214 médecin-là pour essayer de de recycler un peu les médecins des autres zones

215 voisines. Ainsi après c'est une année d'intervention MSF, en plus du fait que les

216 gens auront accédé aux soins, on aura en permanence des médecins qui sont

217 capables de répondre aux urgences les plus fréquentes et de manière efficace.

218 Voilà un peu dit en gros.

Des lignes 183 à 185, la requête est enfin formulée plus clairement par Guy et consiste à demander à MSF l'autorisation d'envoyer des médecins à former par le chirurgien MSF présent à l'hôpital de Mumba. MSF est ainsi implicitement qualifiée et reconnue par ses partenaires pour son expérience en matière de chirurgie. De plus, les partenaires de MSF, représentés ici pas Guy et Tony, semblent considérer que

cette expérience chirurgicale pourrait être mise à disposition dans l'hôpital et à ce titre, ils demandent à MSF si cette dernière serait prête à former des chirurgiens locaux, cela en plus de soigner les patients. Il appara»t donc, qu'implicitement, les partenaires de MSF ne voient pas l'organisation uniquement comme une organisation humanitaire d'aide médicale, mais aussi potentiellement comme un organisme capable de former du personnel médical.

Cette requête met donc Max face à plusieurs problématiques. Il doit en effet confirmer ou démentir cette vision/identité de son organisation que lui projettent implicitement ses partenaires/interlocuteurs. Mais, face à cette requête, il est aussi mis à l'épreuve d'y répondre, pouvoir que semblent lui conférer Guy et Tony dans la situation présente. C'est donc dans ce contexte que Max répond: << Bon en formation euh = ((il affiche un visage emprunt de perplexité)) >> (ligne 187), répétant donc l'information principale de la requête en exprimant un certain malaise. Il semble que ce malaise est percu par Guy, qui nuance aussitôt son propos en cherchant à atténuer l'impact du terme <<formation>> (ligne 189). Puis, dès la ligne 191, Tony, le collègue de Guy, entre dans la conversation en s'attachant à construire un contexte à la requête qui vient d'être formuler, lui donnant ainsi une certaine assise et donc une légitimité/autorité.

Son intervention sert sans doute à gagner l'assentiment de Max en optimisant, en quelque sorte, la demande en vue de l'obtention d'un accord de la part de MSF. Il représente donc la demande en l'insérant dans un plan d'action du système de santé de la province du Nord-Kivu. Tony présente ainsi à Max une requête qui est identifiée comme issue d'une constatation raisonnée, à l'effet de laquelle il n'y aurait pas d'encadrement des jeunes docteurs congolais de la région et qu'il serait donc raisonnable et envisageable que le chirurgien MSF les encadrent

pour le temps de son intervention à Mumba. De plus, l'invocation du système de santé de la province comme acteur ajoute un caractère responsable et respectable à la dite requête. Ë la ligne 203, Tony parle du manque de médecins expérimentés, il est donc implicitement en train de dire: << nous avons besoin de médecins expérimentés et vos médecins sont expérimentés, donc MSF devrait pouvoir nous aider È.

De plus, la présence même de MSF est associée à une opportunité du point de vue de ses partenaires : << donc chaque fois qu'il y a une opportunité comme celle que vous donnez à la zone de santé de Mumba, nous pensons que c'est vraiment quelque chose qu'il ne faut pas rater pour renforcer le systèmeÈ (lignes 203-205). Ainsi, on voit que la requête formulé à Max est présentée comme ayant pour but de renforcer le système de santé, MSF étant alors identifiée comme une chance à ne pas rater. Des lignes 206 à 208, on note aussi que Tony tient un discours oü il met en scène le <<vous È, puis le <<nous È, pour conclure sur le <<ensemble È. En effet, dans un premier temps, il invoque l'approche MSF ou la vision que peut avoir un partenaire sur la facon de faire de MSF et la définit comme étant centrée sur le patient. Il se permet donc de parler au nom de MSF en l'identifiant d'une certaine manière. Puis, il insère la facon de faire de son organisation qu'il décrit comme étant équivalente à celle de MSF en ce qui concerne le patient, mais en ajoutant le fait de vouloir aussi appuyer le système. Pour finir, il déclare souhaiter un ralliement entre ces deux visions, proposant que MSF se joigne à sa vision.

En quelque sorte, les partenaires déclarent souhaiter que MSF fasse sienne la mission proposée par la requête et en conséquence, modifie quelque peu sa facon de faire, son approche. Il y a donc une tentative de co-construction de l'identité de MSF par ses partenaires locaux. Tony prétend donc que c'est quelque chose que MSF pourrait faire et de facon implicite que cela pourrait correspondre à son identité. Ë la

ligne 209, on voit Tony reformuler son propos: ce n'est plus une requête qui est
émise, mais une approche, la portée étant dès lors moins forte que celle générée par
une requête. La présence de MSF est aussi qualifiée d'opportunité de recyclage des

médecins des zones de santé voisines à celle de Mumba (lignes 213-215), puis iidéveloppe une vision de l'avenir en exprimant oralement les résultats attendus de

cette initiative.

Tony met en scène MSF dans cette prévision du futur lorsqu'il dit: Ç Ainsi après c'est une année d'intervention MSF, en plus du fait que les gens auront accédé aux soins, on aura en permanence des médecins qui sont capables de répondre aux urgences les plus fréquentes et de manière efficaceÈ (lignes 215-217). En disant cela, Tony reconna»t, bien entendu, que l'intervention de MSF signifie un accès aux soins pour les gens, mais il montre aussi qu'il attend plus que cela de l'intervention de MSF, autrement dit, de la formation. Ainsi, si MSF donne une réponse favorable à cette requête, cela permettrait, selon lui, une augmentation du nombre de médecins capables de répondre à l'urgence et de façon efficace dans la région. En conséquence, MSF est qualifiée et reconnue par ses partenaires pour l'efficacité de son action dans l'urgence. Elle est ainsi identifiée pour son expertise dans ce domaine. Implicitement et en invoquant un désir de permanence, de développement, Tony reconna»t le caractère ponctuel des interventions de Médecins Sans Frontières. Ainsi, MSF semble toujours véhiculer dans son environnement l'image d'une organisation qui intervient épisodiquement dans des situations critiques d'urgence, ce qui se confirme par la manière dont le médecin présente l'organisation humanitaire à Max.

220 Max Ouais faut ouais faut faire attention hein (.) juste comment comment utiliser ça

221 parce que effectivement formation, MSF, on n'est pas une université

222

223 Tony Oui [ça ca on comprend

224

225 Max [On n'est pas là comme formateur en même temps c'est clair quand MSF

226 passe dans un milieu hospitalier::, dans euh même dans des centres de santé::, peu

227 importe oü on passe c'est clair que ya que ya qu'il y a un volet euh

228 apprentissage qui est important

229

230 Guy bien sür

231

232 Max hein parce qu'on a quand même des outils euh qui je pense sont intéressants à

233 MSF. On a plusieurs livres: je pense aux guides cliniques, aux livres à

234 l'utilisation des médicaments essentiels avec les protocoles thérapeutiques,

235 euh: aprês on apporte euh: le savoir en hygiene la gestion la gestion de des

236 déchets de l'hygiene tout ça donc. Oui c'est clair euh qu'il y a =

237

238 Guy =[un apprentissage=

239

240 Max =un euh un apprentissage qui est un peu, je dirai qui se fait au quotidien euh en

241 mettant la main à la pâte hein? ((il agite ses mains en parlant))

242

243 Guy hum hum

244

245 Max Et on n'estpas là j'dirais pour faire Ecole

246

247 Guy Hum hum

248

249 Max C'est aussi aux gens à s'approprier les outils qu'on met à disposition euh. Et c'est

250 surtout de cette façon-là que je pense qu'il qu'il y a des acquis, des apprentissages

251 (.) a, ça me semble, ça me semble euh me semble euh évident. Aprês commeje

252 vous le dis c'est pas:: c'est pas euh tous les matins au tableau pour faire l'école

253 ((il mime quelqu'un en train d'écrire sur un tableau)) a c'est pas, c'est pas la

254 façon que MSF fait donc Moi, moi disons de prime abord j'ai pas de gro::sses

255 objec:tions (.) Mais euh euh à voir comment ça peut se faire (.) D'abord il ya le

256 docteur Luc qui est à l'hôpital de Mumba, qui est aussi un jeune médecin=

257

258 Guy =Voilà

259

260 Max Euh::: qui qui est euh invité à passer au bloc euh à chaque fois qu'il y a des

261 interventions. Donc c'est pas un souci euh mais en premier lieu, c'est quand

262 même le chirurgien MSF qui doit faire euh les opérations euh qui va qui va mettre

263 aprês quand c'est des euh tranquillement, je pense que Luc va faire la césarienne,

264 etc euh sous la supervision de du chirurgien, de de l'anesthésiste

265

266 Guy Hum hum

267

268 Max a c'est clair que l'anesthésiste sera toujours présent euh à chaque euh=

269

270 Guy =Ë chaque [intervention

271

272 Max [à chaque intervention parce qu'on a amené du matériel euh qui doit

273 être utilisé par un anesthésiste [formé àce titre là

274

275 Guy [formé

276

277 (3.0)

278

279 Max donc apres euh:: comment vous vous voyez les choses? Vous en êt- euh, vous

280 feriez passer euh le médecin euh deux semaines trois semaines un mois au bloc?

281 Euh comment vous voyez la chose? Donc si vous envoyez un médecin au bloc,

282 ça veut dire que Luc perd un heu sa son espace=

Des lignes 220 à 221, on voit alors Max revenir sur le principe de formation que Tony a tenté d'écarter de son argumentation et affirme avec vigueur que MSF n'est pas une université. On peut remarquer ici que MSF s'identifie donc aussi à travers ce qu'elle ne fait pas, et donc ce qu'elle n'est pas. C'est donc comme si Max mettait ainsi en garde ses partenaires sur le choix de leurs mots pour parler de son organisation. Il semble donc refuser leur tentative de qualification implicite de son

organisation. On remarque que, ce faisant, Max, en tant que membre de MSF, se positionne implicitement comme ayant le droit et l'autorité nécessaire pour définir et parler au nom de son organisation, ses vis-à-vis n'ayant évidemment pas cette capacité, ou, en tout cas, pas avec la méme autorité. Puis, des lignes 225 à 228, Max s'attèle à requalifier la signification de la présence de MSF, la dissociant d'une structure de formation: Ç On n'est pas là comme formateur È (ligne 225).

Il poursuit en précisant que ce n'est pas de la formation que MSF fait lorsqu'elle est présente dans une structure médicale, mais qu'elle rend possible de l'apprentissage, une distinction intéressante dans la mesure oü il peut y avoir, bien entendu, apprentissage sans formation structurée en tant que telle (par observation, par exemple). Il confirme donc à ses partenaires qu'un des volets de son action et de sa présence peut mener à l'apprentissage, tout en écartant la possibilité d'une formation structurée. On voit que Max est donc en train de requalifier son organisation avec ses propres mots, sa propre vision. Ainsi, c'est comme s'il se réappropriait MSF, contrant du méme coup la qualification implicite que ses vis-à-vis lui proposent, celle d'une organisation dont l'une des aptitudes serait de former des médecins. Il montre, de ce fait, à ses partenaires qu'il n'est pas possible, en quelque sorte, de faire faire quelque chose à MSF, la seule chose qu'il soit possible de faire étant de bénéficier indirectement des activités existantes et définies a priori par l'organisation elle-méme.

Puis, des lignes 232 à 236, Max semble se sentir obligé de justifier le volet apprentissage de MSF dont il vient de parler en invoquant et mobilisant des outils que son organisation apporte dans ses interventions et qui agissent donc en son nom: guides cliniques, livres sur les médicaments essentiels, protocoles thérapeutiques en plus d'un savoir faire en hygiène et en gestion des déchets. Notons aussi que Max

précise: <<parce qu'on a quand même des outils euh qui je pense sont intéressantsÈ (ligne 232), donnant ainsi son avis sur la question avec une certaine intensité, ce qui enjoint implicitement son interlocuteur à reconna»tre la valeur de ces outils. Ajoutons qu'avec l'annonce de tous ces attributs, MSF appara»t comme une organisation assez protocolaire ou du moins très structurée, qui opère selon une formalisation et une standardisation de ses pratiques. Notons également qu'une telle indication des ressources nécessaires laisse entendre que si les partenaires veulent en bénéficier, libre à eux, mais cette même indication conforte également la position d'une organisation qui ne dévie pas de la trajectoire qu'elle s'est elle-même fixée, laissant aux autres le loisir de saisir les opportunités que MSF leur offre de facto.

Ë travers son argumentaire, Max semble donc faire un travail de désappropriation et d'élimination de la responsabilité que ses partenaires ont tenté d'attribuer à MSF, avec la mission proposée. Des lignes 240 à 241, Max confirme qu'il y a un apprentissage chez MSF, mais celui-ci est qualifié comme de nonformel, car quotidien et impliquant qu'on apprenne en <<mettant la main à la pâte È. Il est à noter que <<mettre la main à la pâteÈ est une métaphore qui signifie implicitement l'idée d'un faire collectif, un faire qui, ultimement, mènerait donc à un apprentissage de la part de ceux qui y participeraient. Max est donc en train de mettre en scène et de communiquer l'idée d'une transmission d'un savoir au quotidien, en effectuant le travail, autrement dit en soignant les patients.

Ë la ligne 245, on voit aussi Max dire explicitement: << Et on n'est pas là j'dirais pour faire Ecole È. Ainsi l'organisation souhaite être reconnue par ses partenaires dans la non portée éducationnelle de son action. Max est en quelque sorte en train de dire à ses partenaires qu'ils se trompent dans leur vision implicite de MSF comme lieu de formation formelle, même s'il laisse ouverte la porte à un

apprentissage de facto. Max est donc en train de défendre la vision que son organisation, MSF, souhaite, semble-t-il, transmettre ou faire para»tre à son environnement et en particulier à ses partenaires. MSF partage donc son savoir avec les acteurs locaux, mais ne souhaite et ne donne pas de formation officielle.

Puis, des lignes 249 à 256, on voit comment Max se positionne implicitement comme responsabilisant ses partenaires par rapport à l'héritage que MSF est censé apporter : ÇC'est aussi aux gens à s'approprier les outils qu'on met à disposition euh. Et c'est surtout de cette facon-là que je pense que qu'il y a des acquis, des apprentissages >> (lignes 249-250). Notons que ce positionnement quelque peu paternaliste, voire colonialiste, laisse entendre implicitement que ces interlocuteurs et les gens qu'ils représentent n'auraient pas conscience de cette responsabilité et n'initieraient donc pas d'eux-mêmes de telles pratiques d'appropriation. On voit donc comment le travail identitaire se fait dans les deux sens, les interlocuteurs de Max ne réagissant pas aux attributions implicites de leur vis-à-vis, laissant ouverte l'idée d'une acceptation possible de cette attribution.

Ensuite, on voit Max parler d'évidence lorsqu'il qualifie ce qu'il vient d'annoncer, marquant donc une certaine fermeture, fermeture qui annonce peut-être à ses interlocuteurs qu'il n'est pas ouvert à la négociation. Il reconfirme encore à ses interlocuteurs que MSF ne veut pas être associé à l'image d'une école, en faisant appel à l'image classique de l'école dans la mémoire collectiveÇtous les matins au tableau>> (ligne 252). Puis, Max affirme et confirme en cela que MSF, c'est une facon de faire et des habitudes: Ç a c'est pas, c'est pas la facon que MSF fait>> (lignes 253-254). A la suite de cela, Max relativise son propos et sa fermeté avec l'emploi de la première personne du singulier, oü il sous entend que ce projet ne le dérange pas complètement de facon personnelle, mais que c'est éventuellement avec

son organisation qu'il n'est pas en phase: Ç Moi, moi disons de prime abord, j'ai pas de gro::sses objec::tions È (lignes 254-255). Max fait donc en quelque sorte appel à son expérience personnelle, à son avis d'expert face à cette requête. De plus, c'est aussi, en quelque sorte, une tactique pour ne pas faire perdre la face à ses vis-à-vis. En effet, il ne leur dit évidemment pas que leur projet est inintéressant et irréalisable car ce serait alors une offense à leur encontre. Il s'agit ici, pour Max, de répondre ni par oui, ni par non, mais de laisser une ouverture tout en préparant ses interlocuteurs à la non acceptation de leur requête telle qu'elle est présentée aujourd'hui.

De plus, on voit comment Max opère ici un subtil détachement entre son organisation et lui-même. Notons qu'en invoquant de la sorte la facon de faire et les habitudes de MSF, Max présentifie MSF dans l'interaction comme un être agissant dont il ne serait qu'un simple porte-parole. Ë ce moment là, il n'est plus l'incarnation de MSF, mais il travaille pour MSF. Il peut être ainsi en train de montrer à ses interlocuteurs qu'il n'est pas totalement décisionnaire dans cette histoire et que ce sont d'autres personnes à MSF qui décident de ces implications. Cependant, contre toute attente, il laisse une ouverture à ses partenaires pour l'opérationnalisation de leur requête sans grosses objections, ceci sous-entendant qu'il y aura de toute manière des objections, mêmes petites. Autrement dit, c'est comme si Max leur disait, ÇJe n'ai pas de grosses objections par rapport à ce que vous proposez, mais ma (petite) objection, en quelque sorte, c'est que nous ne sommes pas une école et qu'il n'y aura pas de formation formelle È.

Ajoutons que Max, à la ligne 256, invoque le Docteur Luc, qui est un jeune médecin congolais qui travaille au coté du chirurgien MSF à l'hôpital de Mumba. La raison pour laquelle Max invoque le Docteur Luc semble être qu'il veut démontrer à ses interlocuteurs que ce qu'ils demandent, MSF le fait déjà avec lui, démontrant

ainsi sa générosité et son principe d'apprentissage au quotidien. A la ligne 258, Guy confirme par un Ç VoilàÈ le raisonnement ou du moins le propos de Max, marquant un alignement entre les deux parties (et donc une co-construction identitaire implicite). Puis, des lignes 260 à 264, le porte-parole de MSF poursuit son raisonnement en justifiant le rôle de MSF dans la formation du docteur Luc et la transmission du savoir au quotidien à la manière MSF. Donc MSF appara»t ainsi implicitement comme n'étant pas avare dans la communication de son savoir à l'autre.

Cependant, des lignes 272 à 273, Max dit aussi que l'action de MSF à l'hôpital nécessite du personnel qualifié, l'organisation se présentant donc comme soucieuse de la qualification de ses membres, laissant entendre que MSF fait donc, en quelque sorte, les choses bien. Puis, des lignes 279 à 282, Max marque son désir de conna»tre le point de vue de ses interlocuteurs sur les conséquences pratiques de leur requête. Il renvoie en quelque sorte la balle dans leur camp en leur demandant donc de formuler l'opérationnalisation de leur demande et en les mettant ainsi devant leurs responsabilités. Notons aussi qu'il prend la défense du docteur Luc, car il comprend la requête de ses partenaires comme une perte d'espace, donc de travail et d'apprentissage pour ce médecin.

284 Guy ((il parle avec un debit de parole relativement rapide)) = Nonnon, ce n'est pas

285 de cette façon que nous avons pensé, c'est-à-dire que Luc est là, vous

286 comprendrez l'autre fois on l'a dit, nous n'avons pas voulu lui confier

287 de responsabilité parce qu'on savait que, il venait à peine de terminer, qu'il

288 n'avait pas assez d'expérience raison pour laquelle jusqu'à ce jour c'est docteur

289 Joseph qui qui porte qui porte les deux chapeaux, nous l'idée c'est que la

290 personne que nous envoyons là-bas n'est pas là uniquement pour la chirurgie

291 parce que avec le projet vous vous rendez compte que, il ya un afflux massif de de

292 de malades et que la chir- que le volume de travail:: augmente. a sera aussi pour

293 nous une façon de désengorger un peu docteur Joseph qui en fait doit

294 normalement s'occuper des aspects euh techniques administratifs de la zone de

295 santé, le médecin qui sera là, il est là pour une durée de de de trois mois. Et pour

296 ce qui est de la chirurgie euh c'est au chirurgien de voir comment les utiliser.

297 Donc utiliser Luc et utiliser celui qui sera là. S'il n'est pas euh:: au bloc ce jour -là,

298 il peut, peut être, être en médecin interne ou en chirurgie euh en pédiatrie. Donc

299 c'est c'est de cette façon-là que nous, donc il est là juste pour une période de 3

300 mois mais il bénéficie de de l'expérience de de de du chirurgien MSF. S'il y a par

301 exemple dix interventions programmées pour la jour née, Luc prend cinq, lui

302 prend cinq hein comme ça euh ils ils se relayent. Pour nous le prob - le l'important

303 pour nous c'est que, évidemment ce sont des jeunes, il y a d'autres interventions

304 qu'ils peuvent faire, d'autres non. Mais en voyant le chirurgien MSF le faire, à la

305 longue, ils peuvent être a mesure aussi de le faire, donc que, acquérir de cette

306 expérience-la. Je crois que c'est c'est de cette facon-la que::

307

308 Tony Oui en fait on se dit sans doute avec l'intervention de MSF, on aura l'afflux de::

309 de patients donc on aura besoin d'un personnel supplémentaire. Et on se dit il ne

310 serait pas bien de prendre un médecin euh euh pour neuf mois par exemple hein

311 alors qu'on pourrait potentialiser ce ce médecin-la. On prend par exemple le

312 médecin de la zone de santé voisine qui vient pendant trois mois tout en appuyant

313 l'équipe qui est la. Donc il fournit les services de médecin il profite en même

314 temps de l'expérience des médecins qui sont la, des médecins expérimentés MSF.

315 Et alors pendant les trois mois, il acquiert des compétences, dès qu'il rentre dans

316 sa zo[

317

318 Guy [dans son hôpital

319

320 Tony Dans son hôpital, il améliore aussi dans sa zone dans son hôpital. Et donc que, on

321 se dit ce serait une facon de de potentialiser de de faire en fait d'une pierre=

322

323 Guy =deux coups=

324

325 Tony =Deux coups : on intervient, on améliore la l'accessibilité, mais on améliore

326 aussi=

327

328 Guy =l'offre=

329

330 Tony =dans la périphérie. Donc c'est un peu ce qu'on a pensé. Le seul euh, la la seule

331 préoccupation qui s'est faite c'est que euh, en déplacant ces euh ce personnel-la, il

332 vase créer un beug = un vide

333

334 Max hum

335

336 Tony dans l'hôpital. Donc l'inspection a dit il y a un médecin qui pourrait faire donc le

337 le le c'est un, c'est un autre médecin qui va aussi bénéficier en fait de cette

338 formation mais en dernier lieu. Donc les trois derniers mois ce médecin pourrait

339 alors se retrouver euh euh aussi pour cette formation=

340

341 Guy = Mais entre temps il couvre [les absences

342

343 Tony [il couvre les absences dans les autres centres=

344

345 Guy =des autres médecins dans les autres centres donc quand il y a un médecin par

346 exemple dans la zone A qui est a Mumba, ce médecin-la couvre son absence

347 pendant les trois mois=

348

349 Tony =les trois mois

350

351 Guy Quand le deuxième médecin de la zone B ira a Mumba et que celui qui était a

352 Mumba revient a son poste, il couvre l'absence du médecin dans la zone B

353

354 Tony voila

355

356 Guy et que lui sera le dernier a bénéficier de ce passage=

357

358 Tony =ce déploiement

359

360 Guy deMumba

Des lignes 284 a 306, Guy répond a Max et, dans un premier temps, lui signifie formellement qu'il n'est pas question d'enlever de l'espace au docteur Luc a l'hôpital de Mumba au profit de ce projet et de ce fait, redéfinit les conséquences de leur proposition. Puis il invoque le docteur Joseph et son rôle dans l'hôpital comme médecin et administrateur, laissant ainsi entendre que celui-ci est débordé et qu'il a donc besoin de soutien, donc de médecins supplémentaires. Guy semble ainsi

démontrer à Max que cette requête n'est pas inconsidérée ou une lubie de leur part, mais bien une nécessité, un besoin, qui est le résultat de l'intervention de MSF à l'hôpital. Tony et Guy visent donc, en quelque sorte, à responsabiliser MSF par rapport aux conséquences de ses interventions, de sa présence/ingérence à Mumba. MSF est donc implicitement présentée ici par ses partenaires comme une charge de travail supplémentaire, car il y a une augmentation de patients, donc de la charge de travail et par conséquent cela amène une nécessaire réorganisation à leurs yeux.

MSF est donc ici synonyme de changement perturbateur, une attribution qui leur permet ainsi d'espérer qu'en retour, donnant/donnant, MSF accepte, en compensation pour cette surcharge de travail et ce mini bouleversement, de contribuer à l'apprentissage des médecins qui se rendraient à son hôpital pour y travailler. Selon eux, MSF doit donc comprendre qu'elle doit faciliter la tâche de ses partenaires en acceptant la requête et ainsi permettre à plusieurs chirurgiens d'apprendre de l'expérience du chirurgien MSF. Des lignes 308 à 316, on voit Tony poursuivre le travail de responsabilisation et d'appropriation de la requête de MSF que son collègue a formulé. Il signifie alors que le but de l'opération est d'utiliser le temps de présence de MSF à l'hôpital pour optimiser le savoir et les compétences des médecins/chirurgiens locaux: Ç Donc il fournit les services de médecin il profite en même temps de l'expérience des médecins qui sont là, des médecins expérimentés MSFÈ (lignes 313-314).

L'issue de la requête du point de vue des partenaires est donc de potentialiser la présence de MSF. Ainsi, MSF est présentée de nouveau comme une opportunité à saisir, l'idée étant de puiser dans les ressources que peut offrir l'organisation à la région. Ë la ligne 325, Tony dit qu'il est ainsi possible de faire d'une pierre deux coups, métaphore qui indique la réalisation ou la résolution de

deux choses à la fois en une seule action. La présence de MSF et de chirurgiens expérimentés est donc implicitement présentée comme une opportunité pour améliorer les compétences des chirurgiens, non pas seulement dans la zone d'intervention de MSF, dans la zone de Mumba donc, mais aussi dans les zones périphériques. Des lignes 336 à 360, Tony et Guy montrent qu'ils ont déjà réfléchi à l'opérationnalisation de leur proposition et qu'ils en ont déjà parlé à des instances, invoquant par exemple l'inspection médicale. De plus, ils donnent beaucoup d'informations sur la faisabilité du projet, afin, semble-t-il, de montrer à Max que celui-ci est raisonné et construit.

362 Tony Donc on a pensé que ce sera un système de trois mois trois mois et donc à ce

363 moment-là, le coût coût supplémentaire peut être cela que cela ça ça pourrait

364 jouer, c'est c'est de dire est ce que MSF prévoit payer donc un médecin

365 supplémentaire? Si tel est le cas ça serait facile alors comme ça c e médecin qui

366 remplacerait irait prendre les primes de ceux qui euh qui sont euh.

367

368 Max a pour l'instant, pour moi pour le point de vue administratifeuh ça moi j'ai pas

369 d'enveloppe de prévu pour ça.

370

371 Tony Hum

372

373 Max Mon enveloppe est déjà, mon budget est déjà fait

374

375 Tony Hum

376

377 Max Pour toute l'année 2006 euh on a sorti, on a principalement prévu du personnel

378 infirmier=

379

380 Guy =infirmier

381

382 Max supplémentaire parce que c'est vrai de ce cTMté -là euh euh qu'il y a des manques (.)

383 euh donc moi j'en ai pas, j'en ai malheureusement pas de budget de ce cTMté-là

384 euh.

385

386 Guy hum hum

387

388 Max Euh après moi comme je vous dis j'ai pas euh de prime abord j'ai pas de

389 d'objection qu'on puisse procéder comme ça de cette façon-là

390

391 Guy humhum

392

393 Max euh euh à vous de voir Ðlà à l'inspection provinciale, comme vous pouvez faire; est

394 ce que CEMUBAC, parce que moi je trouve que ça s'inscrit euh directement dans

395 dans ce que le CEMUBAC veut faire en termes de développement. Euh euh, moi

396 j'ai pas d'objection à ce qu'on le fasse en collaboration sauf que du point de vue

397 administratif, moi j'ai pas pour l'instant j'ai pas cette marge de manoeuvre-là.

398 Mon budget vient de passer en commission budgétaire à Paris euh::: j'vais pas

399 pouvoir euh faire des ajouts de ce cTMté-là. ((il affiche un visage désolé et

400 compréhensif))

401

402 X Hum

Des lignes 363 à 366, on voit enfin Tony formuler implicitement une

en charge le projet financièrement. Il déclare ainsi: << le coüt coüt supplémentaire peut être cela que cela ça ça pourrait jouer, c'est c'est de dire est ce que MSF prévoit payer donc un médecin supplémentaire? Si tel est le cas ça serait facile alors comme ça ce médecin qui remplacerait irait prendre les primes de ceux qui euh qui sont euh È. MSF est donc de nouveau positionnée comme une opportunité, mais cette fois-ci en termes monétaires. L'organisation MSF semble ainsi présentifiée comme une possibilité de faciliter des projets de changement et d'amélioration des systèmes partenaires. En ce qui concerne le point financier, Max répond à ses interlocuteurs en disant: << a pour l'instant, pour moi pour le point de vue administratif euh ça moi j'ai pas d'enveloppe de prévu pour çaÈ (lignes 368-369). S'il se confirme implicitement comme décisionnaire d'un point de vue financier, il en profite donc pour dire qu'il ne peut rien faire pour eux de ce coté-là, prétextant que cela n'était pas prévu.

A la ligne 373, Max invoque donc la figure du budget et c'est ce budget qui l'empêcherait, selon lui, de donner suite à la demande de financement: << Mon enveloppe est déjà, mon budget est déjà fait È. MSF appara»t ainsi comme une organisation qui prévoit et planifie les choses, de façon comptable notamment. Des lignes 382 à 383, MSF, par l'intermédiaire de Max, se présente comme une organisation qui pallie les manques en matière de personnel dans ses interventions, cela après les avoir constaté sur le terrain. Max est ainsi en train de positionner MSF comme n'étant ni un bailleur de fonds, ni la trésorerie de la région, mais une association qui dépense son argent pour parer au plus urgent et répondre à sa mission.

Cependant, notons aussi que Max s'excuse implicitement auprès de ses

proj et, laissant entendre qu'il est toujours favorable à leur demande d'apprentissage sur le tas : Ç Euh après moi comme je vous dis j'ai pas euh de prime abord j'ai pas de d'objection qu'on puisse procéder comme ça de cette façon-là >> (lignes 388-389) et Ç j'ai pas d'objection à ce qu'on le fasse en collaboration>> (ligne 396). Puis, il les dirige vers un autre interlocuteur pour le financement de leur projet, en invoquant son nom et sa façon de faire: Ç parce que moi je trouve que ça s'inscrit euh directement dans dans ce que le CEMUBAC veut faire en termes de développement>> (lignes 394-395). Max renvoie ses interlocuteurs à ce qu'il présente implicitement comme leur responsabilité quant à la faisabilité financière de leur projet. Il est à noter que Max invoque le CEMUBAC en l'associant au développement. Par opposition, MSF est associé à l'urgence et n'est donc pas apte à financer ce projet du point de vue de ses principes de bases. C'est une collaboration qui est proposée et non une prise en charge du projet. Max invoque aussi, à la ligne 398, la commission budgétaire de Paris et par ce biais, il montre donc à ses interlocuteurs qu'il n'est pas le seul décisionnaire et qu'il est, en fait, un simple maillon de la structure internationale de MSF.

Cet extrait nous a montré comment des partenaires de MSF peuvent en quelque sorte jouer sur l'identité de MSF en tâchant de saisir les moindres opportunités que sa présence peut leur offrir. Nous avons vu comment Tony et Guy tentent ainsi implicitement de redéfinir l'action possible de MSF selon leurs intéréts, mais aussi comment Max se pose en gardien de l'image/identité que peut/doit avoir son organisation auprès de son environnement, excluant certaines dimensions de l'action que peut poser son organisation vis-à-vis de son environnement. On voit comment Tony et Guy présentent implicitement et explicitement MSF comme détentrice d'un savoir et d'une expérience à transmettre à l'autre sur le terrain de ses

opérations, ce qui est confirmé par Max, même si celui-ci ne veut pas parler de formation, comme eux le font, mais bien d'apprentissage.

De plus, notons que Tony et Guy positionnent implicitement MSF comme un déclencheur de changements et qu'à ce titre ils demandent qu'elle se responsabilise et réponde fa vorablement à leur requête. Max, quant à lui et en tant que porte-parole de MSF, a tout au long de l'interaction fait une sorte de travail de Ç défiguration È (notons que par défiguration, j'entend ici déconstruction) des figures invoquées par ses interlocuteurs afin d'asseoir et de les convaincre de sa propre vision de MSF, donc de la vision qu'ils doivent en avoir. Cette interaction a démontré que la co-construction de l'identité de MSF se faisait dans la négociation, à travers un combat de mots et d'imag es, de part et d'autre. Nous constatons alors qu'une requête peut être vue comme une participation à la construction identitaire de l'organisation. Nous avons aussi vu qu'être partenaire de MSF ne signifiait pas forcément le fait d'en faire partie à part entière comme un de ses membres, de pouvoir parler en son nom. Finalement, il semble que l'identité de MSF fasse l'objet d'un contrôle de tous les jours dans les interactions de ses membres avec leur environnement.

5.5 Analyse de la Sequence D : Conversation entre Max et Eric

Les séquences précédemment analysées nous ont montré des cas oü la question de l'identité para»t évidente à traiter car MSF est positionnée dans le discours de manière explicite, mais ce n'est pas toujours le cas dans le travail de construction de l'identité organisationnelle. Ainsi, l'extrait qui suit va nous démontrer que même les discussions les plus anodines peuvent aussi faire l'objet d'une négociation identitaire. De plus, cet extrait nous amène dans une dimension

plus ÇinterneÈ de l'organisation MSF, car il implique deux de ses membres en interaction: ainsi il est intéressant de voir comment ces deux membres la définissent. MSF y est positionné de manière implicite, mais le dépliage analytique que nous opérerons ouvre la voie vers la découverte d'autres traits identitaires moins évidents à observer.

5.5.1. Contexte de la séquence

L'extrait qui va faire l'objet de notre analyse s'inscrit dans un contexte précis qu'il est important de conna»tre afin de mieux saisir le propos des acteurs réunis dans cette interaction. Ainsi, l'interaction qui va nous intéresser intervient tout juste après une réunion d'environ une heure qui a réunit le Docteur Joseph (directeur de l'hôpital de Mumba), Eric (Responsable terrain MSF) et Max (Chef de mission MSF). Ces trois personnes sont réunies dans le cadre d'un partenariat entre MSF et l'hôpital de Mumba, partenariat qui est officialisé par un protocole d'accord. Ë l'hôpital de Mumba, le directeur de l'hôpital, le Docteur Joseph est responsable du personnel de celui-ci et de sa gestion et rend ainsi des comptes à un comité de direction qui dépend du Ministère de la santé congolais. C'est donc lui l'interlocuteur principal au niveau local pour MSF, qui est représenté par Eric, responsable terrain. Ë ce titre, Eric prend en charge la mise en Ïuvre à Mumba de la mission MSF et localement, il est aussi responsable des autres employés de MSF. Les deux hommes sont donc amenés à se rencontrer régulièrement pour s'entendre sur les modalités d'action et de mise en place de la mission. Concrètement, cela s'exprime par un ajout de personnel, une réorganisation des locaux, des pratiques en vigueur, dans le but d'améliorer la prise en charge des patients et d'accroitre la qualité des soins et le nombre de patients afin de répondre à une forte demande.

Nous retrouvons aussi, dans lÕinteraction, Max, chef de mission MSF et coordinateur des missions MSF au Nord-Kivu. Ë ce titre, il fait donc réguliérement des tournées pour rendre visite aux acteurs des missions dont il a la charge et pour verifier la bonne marche de celles-ci. Il est le superviseur hiérarchique de Eric et des autres responsables terrain de MSF au Nord -Kivu. CÕest donc dans ce cadre quÕil se trouve aux cotés de Eric à lÕhTMpital de Mumba. De plus, afin de replacer lÕaction de façon temporelle, il est à noter que MSF est present à lÕhTMpital de Mumba depuis aofit 2005 et nous sommes, au moment de lÕinteraction, en novembre, donc leur partenariat a commence récemment.

Lors de cette reunion, de nombreux sujets ont été abordés par les trois hommes concernant la vie courante de lÕhTMpital et les changements qui y ont lieu, mais deux sujets plus particuliérement sÕavèrent polémiques. Ils font donc lÕobjet dÕune négociation car les avis sont différents, notamment entre les deux représentants de MSF et le directeur de lÕhTMpital. Il sÕagit dÕun premier désaccord au sujet dÕune clinique privée qui est prise en charge par lÕhTMpital et qui oblige les infirmiers à quitter leurs services, laissant les patients sans surveillance médicale, pour aller visiter un ou deux malades à lÕoccasion. Eric et Max sont dérangés par cette idée, alors que le Docteur Joseph considére que ce nÕest pas problématique, car si il y a un probléme les infirmiers seront alertés. Le second désaccord qui oppose ces messieurs concerne une reunion du staff medical qui a lieu le matin trois fois par semaine, laissant les patients sans surveillance médicale. Pour le Docteur Joseph, ces reunions sont trés importantes car elles sÕinsérent dans une logique de transmission du savoir et des experiences de chacun face aux cas médicaux traités dans lÕhTMpital, cÕest une sorte de mise à niveau réguliére du personnel au complet. Eric et Max se déclarent inquiets et proposent des solutions pour que les patients ne res tent pas seuls, tout en

respectant le volet transmission d'informations et formation. Finalement, le Docteur Joseph ne semble pas être convaincu et conclut en appelant à l'observation. Il souhaite voir avec le temps ce qu'il adviendra.

Ë la fin de cette réunion, Eric et Max se retrouvent devant l'hôpital près de la voiture qui porte les couleurs de MSF (logo sur un drapeau qui flotte sur la voiture). Leur discussion est informelle, mais fait état du ressenti de chacun suite à cette réunion et leur propos sont emprunts de l'atmosphère électrique des discordes qui ont eu lieu quelques minutes plus tôt dans le bureau du Docteur Joseph.

5.5.2. Analyse de la séquence

Nous allons commencer par une vue d'ensemble de cet extrait puis par une description et une analyse linéaire de cette séquence. On peut dire que le rythme de la conversation est tonique et rapide car les enchainements de tours de paroles sont presque tous sans pauses et il y a plusieurs chevauchements. Cela exprime certainement une certaine tension au vu du contexte de la discussion que nous avons préalablement décrite. Les tours de parole de Max apparaissent plus longs que ceux de Eric, lui donnant ainsi l'occasion de développer à voix haute sa pensée, alors que Eric fonctionne plus par des interjections et des phrases courtes. On peut alors dire que Eric est tout au long de la conversation à l'écoute de Max, sanctionnant, qualifiant ou prolongeant les dires de son interlocuteur.

11

Max

Bon au début ça a été difficile aussi à Laika:: ça a pas été non plus Si:: simple que

12

 

ça (.) mais après euh:: deux mois de fonctionnement c'est là que ça s'est mis à:::

13

 

(.)=

14

 
 

15

Eric

=[XXX (inaudible)=

16

 
 

17

Max

=[Ë avoir de la facilité (.)=

18

 
 

19

Eric

=[Parce que=

20

 
 

21

Max

=La Réalité fini tous par nous rattraper Ah Ah Ah (rire cynique) =

22

 
 

23

Eric

=Non mais tu vois sur des trucs j'ai pas envie qu'elle nous rattrape quoi sur des

24

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26

 

trucs euh:: (.) j'ai pas envie qu'on prenne une décision une fois qu'y a un gamin qui est éclaté=

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Max

=Non non non=

 

28

 
 
 

29

Eric

=Tu vois=

 

30

 
 
 

31

Max

=Mais mais j'dis ça dans le sens oü ya d'la

réalité euh=

32

 
 
 

33

Eric

=Ouais=

 

Max amorce cette discussion avec Eric en faisant état de la situation à Mumba par le biais d'une comparaison. En effet, il invoque le déroulement d'une mission MSF proche en termes de temps et d'espace, soit celle de Laika. Il se présente donc comme porte-parole de la situation à Laika, une mission qui se déroule aussi dans la région du Nord -Kivu et dont il est aussi le superviseur. En faisant cela, on peut avancer que Max effectue un travail de normalisation de la situation présente. En normalisant la situation, Max exprime le fait que ce type de situation (assez tendue) est connu et habituel chez MSF. Ainsi comme c'est une situation normale, cela renvoie à une réponse normale de la part de MSF, donc à ce que fait MSF et comment l'organisation agit dans ce cadre-là. En conséquence, si l'on considère que l'action d'un acteur a vocation de refléter une partie de ce qu'est cet acteur, nous sommes donc face à un travail de construction identitaire et donc de ce qu'est MSF habituellement et itérablement.

La situation présente est qualifiée de difficile par Max << Bon au début ça a été difficile aussi à Laika:: ça a pas été non plus Si:: simple que ça (.)È (lignes 11-12). En suivant le fil de cette comparais on, il signifie toutefois à Eric que la situation présente tend à l'amélioration après un certain temps. Il dit ainsi, de la ligne 12 à 17, << mais après euh:: deux mois de fonctionnement c'est là que ça s'est mis à::: [É] à avoir de la facilité (.) È. On peut ainsi supposer qu'en invoquant une mission équivalente à celle dont Eric à la charge à Mumba, il souhaite le rassurer et l'encourager. Il conclut son tour de parole en disant : <<La Réalité finit tous par nous

rattraper>> (ligne 21), ce qui devrait s'apparenter donc, pour Max, à une note d'espoir pour Eric et une issue positive de l'accomplissement de sa mission. Du latin res qui signifie la chose, la réalité désigne communément ce qui est réel, ce qui existe vraiment par opposition à ce qui est rêvé ou imaginaire.

L'interaction aurait pu s'arrêter là si Eric avait acquiescé, mais il enchaine par un << =Non>> (ligne 23) et poursuit en disant qu'il ne souhaite pas avoir à faire face à la réalité car pour lui, cette réalité pourrait être la mort d'un enfant: << j'ai pas envie qu'on prenne une décision une fois qu'y a un gamin qui est éclaté=>> (lignes 24-25). Il semble donc y avoir une mécompréhension entre Max et Eric sur ce qu'ils entendent par le mot réalité. Max reprend la parole et ajoute des éléments à son argumentation pour permettre à Eric de suivre sa pensée entre les lignes 31 à 41. Il défin»t donc ce que signifie pour lui la réalité, c'est à dire des faits, du concret, des actions posées : <<C'est à dire du concret ? en faisant les ?choses que::: que au fur et à mesure que::: qu'ils finissent par se rendre compte d'eux même hein >> (lignes 35- 3 6). Les propos de Max portent à croire ici qu'il y a une sorte de vérité omnisciente, qui n'est connue que des acteurs de MSF et qui apparaitrait donc par le biais de leurs actions. Les membres de MSF, représentés par le << on >> (ligne 37), sont donc positionnés comme ceux qui savent, par opposition à <<eux >> (lignes 36 et 38), les partenaires, qui ne savent pas (les hôpitaux, les centres de santé, les représentants de ces structures). La réalité c'est aussi ce que l'on fait et ce qu'on ne peut pas faire, comme on peut le constater dans l'interaction, des lignes 37 à 46 :

35 Max =C'est à dire du concret en faisant les choses que::: que au fur età mesure

36 que::: qu'ils finissent par se rendre compte d'eux même hein et puis c'est normal

37 que:: on leur fait changer beaucoup de choses on réorganise plein de choses

38 donc euh ça les euh et donc c'est confrontant pour eux hein c'est normal:: quoi

39 on peut pas:: Et puis on peut pas leur présenter le truc à chaque fois en leur

40 disant:: tout est croche votre truc faut tout refaire parce que c'est::: ils s'en

41 prennent plein la gueule quoi [et:::

42

43 Eric [Ouais nan mais en même temps on le fait pas

44 comme ça tu vois

4 5

46 Max Non voilà on le fait pas comme ca mais cÕest pour ca que ca prend du temps cÕest

47 pour ca que ca prend plusie- ca prend des discussions et que parfois cÕest chiant et

48 que Ah Ah Ah ( rire gene) mais bon cÕest:::

49

50 (3.0)

51

52 Max Et cÕest partout pareil hein

52

53 Eric Ah bein ouais ouais

Ë la ligne 37, MSF, par lÕintermédiaire de Max, est présenté comme lÕinitiateur de changements et de reorganisation dans le cadre de ses partenariats. Max signifie toutefois que de telles actions peuvent etre inquiétantes pour les partenaires de MSF, tout en disant aussi que cette inquietude est comprehensible, comme on peut le constater à la ligne 38 : Ç cÕest confrontant pour eux hein cÕest normal:: È. MSF justifie donc la resistance au changement et lÕintegre dans son action et dans sa normalité. Ë la ligne 39, il poursuit en disant deux fois « on peut pas », invoquant par cela un certain principe de respect du partenaire, principe quÕil est, selon lui, nécessaire dÕappliquer dans le cadre de lÕaction. Au niveau identitaire, on peut donc avancer quÕen parlant de la sorte, Max met indirectement de lÕavant certaines valeurs qui définirait MSF et son action, autrement dit, des valeurs de respect vis-à-vis des partenaires avec qui lÕon travaille. Nos actions mettent en scene nos paroles, il faut donc transmettre une certaine image par nos actions qui est en totale correlation avec nos propos.

En suivant cette idée, faire cÕest donc etre, au même titre que Ç dire cÕest faire È selon Austin (1991). Il faut donc faire les choses et parler en adéquation avec nos valeurs, nos principes, valeurs et principes qui définissent ce que nous sommes et donc notre identité. Les paroles dÕEric aux lignes 43-44 sÕapparentent donc à une affirmation identitaire, presentee comme une sorte dÕévidence implicite. Eric semble alors rétorquer à Max que ce respect du partenaire ne doit pas aller jusquÕà remettre en cause les pratiques de MSF, ou du moins la vision quÕil en a. Max lui répond alors

: << Non voilà on le fait pas comme ça mais>> (ligne 46), il marque donc son désaccord par rapport à cette vision et, par l'emploi du <<mais >>, annonce la venue d'un argument plus fort. On note donc une légère confrontation entre eux, c'est à dire deux membres de MSF, par rapport à ce que fait leur organisation dans ce type de situation. Il s'agit donc d'un travail identitaire oü l'on voit que cette identité est en tension.

Poursuivant son propos, Max insiste alors sur les notions de temps et de discussions qui sont pour lui des conditions à la réussite de la mission. Aux yeux de Max, la réalité est donc le résultat d'un processus qui va dans le sens de l'action de MSF, c'est à dire que le but de la mission de MSF se réalise gr%oce à plusieurs facteurs qu'il présente et développe dans cette interaction. Il y a donc le facteur temps avec : << mais après euh:: deux mois de fonctionnement c'est là que ça s'est mis à::: [É] à avoir de la facilité (.) >> (lignes 12-17) et<< ça prend du ?temps >> (ligne 46). Il y a aussi l'action et le travail avec: << en faisant les ?choses >> (ligne 35) et << C'est enrageant mais en même temps bein:: tu fais quand même ? avancer les ?choses tu finit quand même? par avoir accès aux gens tu finis quand même? par faire c'que tu veux faire>> (lignes 82-84). Et pour finir, il y a un facteur déterminant dans ce processus: la parole avec: << ça prend des discussions>> (ligne 47), <<les discussions>> (ligne 56), << des heu::res et des heu::res de discussions qui aboutissent ja:mais (.) tu recommences>> (lignes 61-62) et <<c'était cinq heures de discussions>> (ligne 64).

Le travail de normalisation de Max par le biais des invocations appara»t clairement à ligne 52: << Et c'est partout pareil hein >>. Ainsi, la norme est affirmée implicitement par l'effet de répétition qu'il présente. On voit donc que Max plaide pour un travail à long terme, voulant dire que si toutes ces discussions peuvent être

considérées comme a priori une perte de temps, sur le long terme, ce genre de négociations et de tergiversations payent. Max en appelle donc à une certaine persévérance, persévérance qui finit par porter ses fruits et qui, d'une certaine manière, est présentée comme normale et attendue au sein de MSF, marquant donc aussi son identité. Ë la suite de ces mots, il poursuit son argumentation en évoquant d'autres missions MSF comme il l'a fait en donnant l'exemple de Laika. Il évoque ainsi des anecdotes passées de missions MSF auxquelles il a participé au Darfour, au Soudan et au Tchad.

56 Max C'est:: euh et Ici ca va encore (.) parce que au Soudan putain les discussions

57 foua:::: ((il bouge sa tête de gauche à droite)) j'te dit pas hein

58

59 Eric Ah ouais j'ai fait le Nigeria aussi ca va aussi [c'était pas mal

Ah Ah Ah

60

61 Max [Et là tu voit c'est des heu::res et des

62 heu::res de discussion qui aboutissent ja:mais (.) tu recommences euh:: et là

63 encore tu vois encore pour se déplacer c'est nos propres infos qu'on prend avant

64 de bouger au Darfour au Soudan c'était euh:: c'était cinq heures de discussions

65 pour pouvoir prendre la route pour euh pour faire une heure de route (.) à chaque

66 fois à chee à tous les jours Ah Ah Ah ça prenait l'autorisation le p'tit tampon le

67 machin (.) du AC à chaque fois qu'on faisait euh:: qu'on se déplaçait pour aller à

68 l'appel des populations=

69

70 Eric =Et situ te déplaces sans ça ?

71

72 Max Ah tu te déplaces pas sans ça (.) Ah Ah Ah Tu te déplaces pas sans ça

73

74 Eric Y t'arrête y t'arrête

75

76 Max Ah ouais y t'arrête (.) si t'as pas le tampon du gouverneur du mec du AC ça prenait

77 quatre tampons à chaque arrivée dans chaque ville fallait aller se refaire

78 tamponner parce qu'on arrivait et là c'était trois heures de tampons euh:::

79

80 (3.0)

81

82 Max C'est enrageant mais en même temps bein:: tu fais quand même avancer les

83 choses tu finis quand même par avoir accès aux gens tu finis quand même

84 par faire c'que tu veux faire (.) et ça était le bordel avec les histoires de vaccins

85 on voulait faire campagne vacci on arrive à Genina ((avec une voix grave)) Vous

86 n'avez pas l'autorisation de ramener vos vaccins euh:: Pardon Ah Ah ( rire jaune )

87 Pas de vaccination euh::Pardon Ah Ah Ah (rire jaune) Parce que là ya 25 000

88 personnes dans le camp euh:: Ah Ah Ah (rire gene)

On peut donc dire que l'identité se construit à l'aide du passé, par le biais d'expériences qui sont par la suite exprimées dans des interactions par le biais de la narration, à l'aide d'histoires et d'anecdotes à raconter à ses interlocuteurs. L'identité d'une organisation se construit donc dans le temps. Ainsi, en parlant de ses expériences au cours de missions passées, Max communique ainsi un savoir de MSF

à Eric, car ce n'est pas lui seul qui a été l'acteur de ses histoires, mais bien des équipes MSF. C'est donc l'histoire de Médecins Sans Frontières qui est contée à Eric afin que celui-ci s'y inscrive dans le présent et l'avenir. Max appara»t donc dans un rTMle de formateur vis-à-vis de Eric qui est son subalterne au niveau hiérarchique de l'organisation ou cela peut tout simplement être une transmission du savoir-faire organisationnel d'un collègue à un autre. Ajoutons qu'à travers ses mots, Max semble être en train de construire une image de son organisation, une image qu'il négocie avec Eric au cours de l'interaction.

90 (4.0)

91

92 Eric Mais à la fin t'as réussi

93

94 Max Ë la fin on a réussi

95

96 Eric Au Nigeria on a pas réussi=

97

98 Max Ah Ah Ah ( rire jaune )=

99

100 Eric Eux ils sont pas mal aussi (.) Ah Ah Ah en discussion=

101

102 Max =Ah ouais les soudanais et les nigériens apparemment ils sont pas mal (.) au

103 Tchad ils ont été pas mal aussi par moment euh

104

105 (6.0)

106

107 Max Tu vas voir le plus p'tit tu vas voir le plus grand tu vas voir le plus grand des chefs

108 le p'tit chef Ah Ah Ah (rire a gacé)

109

110 (5.0)

111

112 Max Nous ça va encore tu vois on disait que l'administ- qu'à l'administration du

113 territoire ils étaient chiant finalement ils nous font pas trop chier depuis qu'on est

114 là quoi

On note que les histoires que racontent Max apparaissent comme des symboles de réussite. Il dit à ligne 94: Ç Ë la fin on a réussi È. Ces histoires semblent être invoquées à titre d'arguments dans le but de convaincre l'autre afin qu'il s'identifie, comme dans les morales des histoires pour enfants. Ainsi,

implicitement, Max est en train de présenter et de mobiliser une image de MSF quisemble être résiliente, une organisation patiente et persévérante. En effet, les

histoires que raconte Max montrent que malgré tous les obstacles bureaucratiques,
MSF finit par obtenir ce qu'elle veut et à réussir sa mission, cela à force de patience,

de diligence et gr%oce à sa détermination, trois valeurs qui sont implicitement mises de l'avant ici.

C'est une sorte de récompense face à son obstination et celle de ses acteurs, il dit : Ç C'est enrageant mais en méme temps ben:: tu fais quand mémeavancer les

choses tu finis quand mémepar avoir accès aux gens tu finis quand mémepar faire c'que tu veux faireÈ (lignes 82-84). Ainsi, MSF est présentée comme une organisation résiliente face aux difficultés qui sont présentes dans son environnement. De fait, méme si cela n'est pas dit dans l'interaction, on pourrait avancer que Max laisse entendre (ou ventriloquise) que c'est le type d'attitude ou de comportement qui est attendu de la part des acteurs de l'organisation. Les exemples et anecdotes que Max raconte à Eric au cours de cette interaction servent donc à communiquer cette vision. Ces outils servent donc à lui dire que la normalité au sein de leur organisation est synonyme, certes, de difficulté, mais aussi de réussite.

De plus, Max finit par une note positive aux lignes 112 à 114 en relativisant le comportement de l'administration de la RDC par rapport aux autres pays oü les deux hommes ont accompli des missions pour le compte de MSF. Donc à travers cette discussion, Max véhicule le fait qu'il est important que MSF, par le biais de ses acteurs, garde son calme et continue à discuter parce qu'à la fin elle obtient ce qu'elle veut, soit l'aboutissement de sa mission. De facon purement spéculative, on peut ajouter qu'à travers ce travail d'anecdotes, donc de répétition, Max met en acte un certain leadership en tentant d'inculquer les valeurs et pratiques de MSF à Eric ou, du moins, la vision qu'il en a, et ce afin de renforcer son identification et de le convertir à sa vision. Il est nécessaire à ce stade de rappeler que Max est chef de mission, tandis qu'Eric est Responsable terrain. Ainsi, Max, préche, en quelque sorte, par l'exemple pour qu'Eric adopte sa vision, sa facon de voir les choses, afin

de faciliter la conduite de son travail. Car si Eric voit la réalité comme Max la voit, il
changera sans doute son approche avec le directeur de l'hôpital, méme si celui-ci
semble assez sceptique lorsqu'il déclare à la ligne 96: << Au Nigeria on n'a pas

réussi= È.

Pour conclure, il semble que Max et Eric communiquent deux visions différentes de leur organisation, correspondant ainsi à deux types de profils de membres de MSF. D'un coté il y a Eric, pour qui MSF est une organisation avec certains protocoles, certaines manières de faire et un but à atteindre sans perte de temps, en somme un idéal, mais qui n'est pas toujours accompagné par la réussite, loin s'en faut. De l'autre coté on retrouve Max, qui semble se présenter comme la voix d'un certain compromis, d'une certaine pragmatique de l'action humanitaire, qui considère qu'il faut composer avec les autres, comprendre leurs perspectives, pour finalement atteindre son objectif et réussir sa mission. En somme, c'est donc la confrontation et la négociation de deux acteurs de MSF et semble-t-il de deux visions de leur organisation: celle des principes, incarnées par des hommes comme Eric qui paraissent démunis face aux réalités du terrain et celle d'une organisation plus à l'aise et plus consciente de ces mémes réalités, incarnées par des hommes comme Max. Cette interaction nous a donc montré qu'il y a donc aussi, au sein de l'organisation, une négociation pour répondre aux simples (mais non forcement évidentes) questions: << Qui sommes nous ? È Et donc << Qu'est ce que c'est MSF? È Ainsi, pouvons-nous dire qu'au sein d'une organisation, les acteurs sont non seulement le produit de leurs pratiques mais aussi définis par les principes et les valeurs organisationnelles qui sont censés gouverner ces mémes pratiques.

Chapitre 6 : RESULTATS DES ANALYSES & DISCUSSION

Malgré son apparente longueur, le chapitre précédent comportait plusieurs passages qui, même sÕils nÕabordaient pas tous directement la question précise de lÕidentité organisationnelle, contribuaient selon nous à participer de la (re-)productio n identitaire de MSF. Dans ce chapitre, nous montrerons comment les analyses proposées peuvent etre mises en lien avec la question de recherche qui nous anime et ainsi démontrer la valeur de notre démarche analytique.

6.1 Résultats des analyses

6.1.1 Une identification par la negation et la différenciation

Au cours des différentes analyses, nous avons remarqué que le discours de Max pour qualifier MSF était à plusieurs reprises performé par la negation de type Ç on nÕest pas ca È. Ainsi lÕorganisation est identifié, par exemple, comme nÕétant pas un bailleur de fond ou comme nÕétant pas une université. Le chef de mission fait donc, en quelque sorte, un travail de défiguration en conjurant des images auxquelles il ne souhaite pas que son organisation soit associée. Ainsi, comme le dit Belay (1996) : Ç The process of elaboration of collective consciousness involves contrasting one's cultural group to another. In other words, identity does not exist by itself, in isolation, but is co-created in relationship to others. We are defined in part as being different from how they are. È (p. 322).

Ce travail de défiguration correspond, notamment dans lÕanalyse de la reunion dÕinformation de lÕhTMpital de Mumba, à une sorte de jeu de questions/réponses pour répondre à dÕéventuelles critiques ou images préconçues de ses interlocuteurs sous prétexte dÕinformer. On peut donc dire, dÕune certaine maniere, que Max y conjure des fantTMmes, cÕest-à-dire des figures qui, même si elles sont peut-être présentes à lÕesprit de ses interlocuteurs pour qualifier lÕaction de MSF et ce quÕelle serait, ne correspondrait pas, selon Max, à la réalité de cette organisation, ce qui revient à réduire du même coup ces attributs à des Ç figures de lÕesprit È de ses interlocuteurs. Nous sommes donc ici face à un travail de défiguration ou de deconstruction des figures invoquées ou attribuées par Ç lÕautre È.

Certains de ces fantTMmes peuvent etre, par exemple, issus des origines culturelles de lÕorganisation. Ainsi comme Fox (1995) le dit, Ç lÕaction humanitaire sans-frontiériste est fortement imprégnée de la culture de son pays dÕorigine et de "lÕarrogance" quÕon lui prete souvent È (p. 83 ; cite dans Queinnec, 2004). Aussi, Max, en disant que MSF nÕest pas quelque chose, fait intervenir, implicitement, donc sans le dire ouvertement, ce quÕelle est censée etre. Ainsi lorsquÕil dit que MSF nÕest pas destructrice de son environnement, il est aussi en train de dire quÕelle est respectueuse de lÕordre établi, altruiste et généreuse. Nous notons alors que lÕutilisation de la negation dans le discours peut permettre, dÕune certaine maniere, de sÕauto complimenter sans para»tre prétentieux au regard de lÕautre. Cependant, en disant sans cesse que lÕon nÕest pas quelque chose, on peut aussi avoir tendance, a u contraire, à rendre plus présente cette figure dont on essaye de se débarrasser (cÕest le paradoxe de la conjuration, voire de lÕexorcisme). DÕautre part, on peut aussi considérer que MSF démontre aussi une éthique dans ses

relations interpersonnelles par cette même négation, notamment dans la conversation entre Eric et Max, oü Max dit à Eric <<on ne peut pas imposer les choses >>. Ë ce sujet, Picard (2008) dit: << Respecter les autres, c'est leur donner la place et la considération qui leur reviennent et ne pas s'imposer à eux. Cela se traduit par des marques de déférence et de tact>> (p. 139).

De plus, nous avons aussi pu constater dans les analyses que Max s'employait à justifier la présence de MSF, ce qui laisse entendre qu'elle pourrait être condamnée. Autrement dit, il semble qu'aux yeux de Max, MSF pourrait représenter quelque chose de négatif pour << eux >>, ses partenaires et interlocuteurs, un quelque chose contre lequel il faut donc se battre. En ce sens, il est donc en train d'essayer d'affirmer une certaine identité en disant <<voilà ce que nous sommes et voilà ce que nous ne sommes pas >>. C'est donc dans cette même démarche que notamment Max dissocie clairement son organisation du gouvernement francais, faisant ainsi un travail de désidentification. MSF, comme beaucoup d'autres organisations, a donc une forte tendance, à travers les interventions de Max, à se définir par ce qu'elle n'est pas, par sa différence, ce qui participe d'une démarche d'individuation (Lipiansky, 1992). Dans cet esprit de différenciation, le discours de Max, lorsque celui -ci présente MSF, s'évertue à identifier son organisation à la notion d'urgence. En ce sens, il la distingue des organisations centrées sur le long terme, rappelant ainsi que MSF ne fait pas du développement dans le cadre de son action.

Comme nous l'avons noté dans nos analyses, cette justification récurrente de la présence de MSF sur le terrain de ses missions passe aussi par un travail de légitimation et/ou d'argumentation. Ainsi, lorsque Max dit à ses interlocuteurs du Ministère de la

santé du Congo que MSF n'est pas une université et qu'elle ne fait pas l'école, on observe tout un travail de requalification de l'organisation qui l'amène à écarter l'idée de formation que ses interlocuteurs avaient évoquée, mettant de l'avant la notion d'apprentissage par observation, de facon non formelle. De cette manière, Médecins Sans Frontières, par l'intermédiaire de Max, montre son désir de maitriser et contrôler son image, rejetant, dans ses interactions, toute image qui ne correspondrait pas à celle qu'elle veut mettre de l'avant.

Le désir de singularisation de MSF est également palpable par sa facon de donner ses propres définitions aux choses qui l'entourent. Ainsi, on voit comment Max donne sa propre définition de l'urgence et présente le cadre d'intervention de son organisation, aussi identifiée comme organisation médicale d'urgence. De plus, un des principes forts de MSF est celui d'indépendance et on voit comment il est présenté à la fois par la différenciation et avec l'aide de définitions donnée par Max. Ainsi être indépendant aux yeux de MSF, c'est ne pas être dépendant d'un quelconque gouvernement, de forces militaires et surtout d'un financement par des fonds publics. MSF, à travers Max, marque et confirme donc son identité en donnant ses propres traductions des principes auxquels elle souhaite être assimilée.

De plus, ce besoin de se différencier et d'être clair sur ce que l'organisation est et fait semble relié à l'idée de ne pas être confondu avec une autre organisation qui pourrait par exemple prendre part au conflit. Comme nous avons pu le remarquer, à la question Ç Qui sommes-nous ? È, MSF par l'intermédiaire d'un de ses membres, pourrait raisonnablement répondre Ç nous ne sommes pas celaÈ et comme nous le dit Mucchielli (1986) à propos de l'identité individuelle: Ç L'identité se construit normalement par la

negation dÕun certain nombre de traits identitaires attribues par lÕenvironnement social. " Non, je ne suis pas (nous ne sommes pas) celui (ceux) que lÕon croit. " È (p.86).

6.1.2 Une construction dans la répétition

Les données analysées nous ont egalement montré lÕimportance de la répétition dans la construction de lÕidentité. Cette répétition se déploie, semble-t-il, selon deux modalités: (1) réitérer constamment le même discours, les mêmes idées et les mêmes exemples, mais aussi dans le sens dÕune transmission, (2) assurer le passage de relais, comme lors dÕune course sportive.

SÕil existe une pratique établie chez Médecins Sans Frontières, il semble que cela soit dÕassurer une certaine continuité dans lÕimage véhiculée en envoyant toujours le même message tout le temps et à tout le monde par le biais dÕintermédiaires comme Max (voir aussi Cooren et al., 2007 ; Cooren et al., 2008). Ce message sÕapparente à un travail identitaire oil lÕintermédiaire rappelle sans cesse les valeurs et les principes de Médecins Sans Frontiéres. Remarquons que cette conception de la communication ne consiste pas nécessairement à etre à lÕécoute de lÕautre et/ou à sÕadapter à un public donné, mais à lui adresser continuellement le même message avec quelques variations. Chez MSF, au vu des extraits que nous avons analyses, le même discours semble etre construit et répété dans lÕesprit dÕune diffusion assez uniforme.

Ainsi, le discours de Max est resté identique à quelques ajustements interactionnels prés dans les quatre extraits auxquels nous nous sommes intéressées et nous pouvons même aussi dire la même chose à partir des différentes videos que nous avons visionnées de lÕensemble de la base de données, que la situation sÕavére

interactive ou non. Aussi, tel une cassette enregistrée, Max semble constamment ventriloquiser le discours officiel de MSF, toujours prêt notamment à parer dÕéventuelles critiques de ses interlocuteurs. Nous notons tout particulierement lÕutilisation des mêmes exemples dans les extraits, comme par exemple lorsque Max présente le financement de lÕorganisation par des dons de particuliers, se mettant lui même en scene ainsi que ses interlocuteurs et leurs familles. Ce discours identique et recurrent chez MSF est ainsi utilise dans le but dÕinformer Ç lÕautre È des programmes existants, témoignant ici du faire de lÕorganisation, mais aussi de son identité, renvoyant ici à son 'etre.

LÕun des extraits que nous avons analyses et qui concerne la réunion informelle entre Max et Eric nous a aussi montré à quel point le témoignage et les anecdotes semblent souvent mobilisées par les membres de MSF pour encourager lÕautre à agir dÕune certaine façon ou du moins etr e en adéquation avec une certaine vision privilégiée. Ceci confirme que lÕidentité est quelque chose qui se construit dans le temps et, comme nous lÕavait apprit la revue de littérature, que lÕidentité dÕaujourdÕhui est construite gr%oce aux histoires et anecdotes dÕhier, notamment par le témoignage chez MSF. Ces narrations participent à construire lÕimage de MSF aussi bien auprès de ses membres que vis-à-vis de son environnement, oil elle est présentifié comme une organisation résiliente, patiente et persévérante, ceci étant démontré par la répétition dÕun même discours et dÕhistoires.

Ë ce propos, Cheney et Christensen (2001) disent que les constructions narratives ont une importance dans la gestion de lÕidentité organisationnelle aussi bien au niveau interne quÕexterne. Elles permettent aux membres de se voir comme dans un miroir, mais elles possedent aussi des implications pour les relations publiques. De plus,

nous avons aussi pu constater que la répétition et l'insistance montrent que l'identité de MSF est quelque chose qui est constamment protégée et construite, à la fois prospectivement et rétrospectivement, les narrations apparaissant comme des moyens très efficaces pour servir cette cause. Ajoutons qu'en ce qui concerne la narration, Taylor et Robichaud (2007) disent: <<Narratives, it has been argued, are motivated by the perception of a breakdown of some sort, or a deviation from what was generally expected to happen>> (p.11).

La répétition dans le sens d'une transmission a en outre la vertu de participer à la construction d'une mémoire collective en permettant à chacun de s'identifier et de se reconnaitre dans les histoires qui sont racontées. De plus, comme le dit Brown (1994; cité dans Giroux, 2002), elles font le lien entre les individus qui s'identifient les uns aux autres et donne du sens à leur condition. Mais, comme nous l'avons vu dans les analyses, il y a la répétition d'un discours certes, mais il y a aussi la répétition d'une action qui est valorisée chez MSF, le passé et plus précisément les missions passées servant de référence et validant, en quelque sorte, les missions actuelles. Ces missions passées sont racontées de facon informelle comme dans l'échange entre Max et Eric, oü le témoignage fait part de l'expérience et montre le chemin à suivre. Aussi, il semble que le passé serve de <<béquille >> au présent tout en l'accompagnant. Nous constatons alors que l'identité de Médecins Sans Frontières est construite et ancrée dans l'action et dans le temps.

Ajoutons aussi que la comparaison incite la répétition d'une facon de faire. Ainsi, lors de l'interaction entre Max et Eric, l'idée qui semble être véhiculée est que s'il y a de bons résultats pour l'intervention de MSF à Laika, il va sans dire que cette facon de faire

peut être réitérée à Mumba, car c'est aux même type de structure et d'us et coutumes que les équipes de MSF font face. Il en ressort alors un constant aller et retour entre le passé et le présent.

6.1.3 Un discours qui mobilise pour affirmer l'originalité de son être

Les analyses ont fait état de nombreuses mobilisations ou invocations au cours des interactions, Max faisant alors appel à de nombreuses figures pour présenter son organisation. Nous avons donc vu que MSF semblait être une organisation protocolaire avec l'invocation de figures apparemment très actives comme les protocoles d'accord, les principes et les guides cliniques qui normalisent la pratique médicale lors de missions. Ces figures présentifient donc l'organisation comme une entité stable et structurée. Cepen dant, nous avons pu également constater que MSF est, à travers ses représentants, souvent amenée à improviser, ce qui, à nos yeux, l'identifie à un savoir faire pratique et adaptable. Ce paradoxe montre qu'il s'agit d'une organisation qui laisse place à l' imprévu, tout en essayant de le minimiser. Elle possède donc une identité dynamique, ce qui nous renvoie au concept d'instabilité adaptable développé par Gioia, Schultz et Corley (2000).

Comme nous avons pu le constater, MSF, c'est donc à la fois des règle s, des principes, des protocoles et une identité structurée qui dit à ses acteurs ÇVoilà ce que nous sommes et ce que nous devons être È, mais c'est aussi la réalité du terrain, des partenaires et un environnement complexe. Tous ces éléments forcent à la négociation et nécessite une forme d'appropriation et de traduction personnelle de la part de ses représentants. On se retrouve donc dans une sorte d'opposition entre une voix officielle

et la voix du terrain, qui nécessite une conciliation pour être efficace et opérationnel. D'une certaine manière aussi, on a pu se rendre compte, au cours des analyses, d'une sorte de Ç schizophrénie È de la part de MSF, l'organisation se battant dans son discours avec plusieurs identités, mobilisant plusieurs Çêtres È. En effet, on a pu remarquer cela notamment lorsque l'organisation, par l'intermédiaire de Max, s'évertue à construire par le discours un ensemble alors qu'en même temps, elle fait une distinction entre le nous et le vous (voir aussi Chaput et al., sous presse). D'autre part, on peut aussi retrouver ce type de paradoxe lorsque MSF clame haut et fort qu'elle ne veut pas faire partie de convois militaires et être associée aux militaires, quelle que soit leur bannière, même si, en même temps, Max rend visite aux officiers de la MONUC et glisse dans la conversation ce que fait et où se trouve MSF dans la région, afin, semble-t-il d'obtenir une protection non-officielle de leur part ou du moins susciter leur intérêt.

Évoluant dans un environnement complexe, MSF semble engagée dans un combat incessant pour maintenir tant bien que mal une structure dans un milieu d'action déstructuré (Matte, 2006). Comme la littérature sur la question de l'identité organisationnelle et celle sur l'identité individuelle nous l'a fait remarquer, il n'y a donc pas une identité, mais bien des identités (Gioia et all., 2000 ; Mead, 1933/1963, cité dans Marchal, 2006) et c'est l'expression de cette multiplicité d'identités qui apparait bien dans le discours de son porte-parole, Max. Ce travail de positionnement de l'organisation et de son identité s'est souvent révélé dans les analyses par des effets de ventriloquie, permettant de présenter l'organisation comme une entité très structurée par le biais de l'invocation de principes, habitudes, protocoles et politiques, qui peuvent avoir tendance à désarmer l'interlocuteur et produire un effet massif sur celui-ci.

De plus, nous avons constaté que l'identité, c'est aussi être animé par des choses, comme le souci d'indépendance, par exemple, un souci qui pousse à agir d'une certaine manière et dans notre cas à ne pas se joindre à des convois militaires, par exemple. Le travail identitaire consiste à affirmer son originalité par la mobilisation d'attributs qu'on considère particuliers comme, pour MSF, son financement, sa clarté et son indépendance. Le discours de MSF mobilise aussi le facteur temps pour s'identifier, concluant en cela que la construction de l'identité porte les stigmates d'hier, d'aujourd'hui et de demain, comme c'était d'ailleurs signifié dans notre revue de la littérature. En effet, nous avons vu comment Max en revenait toujours, dans ses interventions, à la fondation de l'organisation en 1971 par des médecins francais pour présenter MSF, comme nous avons pu le constater dans la réunion d'information à Mumba et lors de la rencontre avec les militaires de la MONUC.

En faisant cela, il pose de solides bases à son discours et présente MSF comme une entité qui dure dans le temps, qui est établie, instituée. De plus, il mobilise aussi implicitement la figure du ÇFrench doctorÈ dans l'imaginaire de ses interlocuteurs. Cette figure correspond à la représentation d'un humanitaire indépendant, qui prTMne le droit d'ingérence, qui soigne tout le monde en toute impartialité (Verna, 2007). Ë la suite de cela, Max enchaine généralement sur la présence internationale de l'organisation, la présentant donc implicitement comme une organisation très structurée.

Comme en contrepoint à sa dimension internationale, MSF est aussi présentée comme une organisa tion à échelle humaine quand Max fait appel à la figure du donateur en lui donnant le visage de quelqu'un de familier qui donne des petites sommes d'argent à l'organisation. Ainsi, cette mobilisation sert à montrer que les missions de

l Õ organisation sont financées par Ç Monsieur et Madame tout le monde È, renvoyant à une responsabilité financiére de lÕorganisation oil chaque dollar doit etre dépensé consciencieusement, ce qui exige une réciprocité de ce comportement de la part de ses partenaires.

De plus, nous avons aussi remarqué que la mobilisation de principes, de politiques et de la presence de MSF a pour finalité de générer lÕaction qui est souvent synonyme de changement et de nouveauté pour ses collaborateurs. Ajoutons que Max mobilise aussi la figure du patient dans son discours à Mumba en démontrant lÕobjectif commun avec ses partenaires de sauver des vies, sous entendant en cela que MSF est une organisation préoccupée et attentive aussi bien aux patients quÕaux soignants. En outre, nous avons remarqué à plusieurs reprises que lÕorganisation cherche à normaliser son action dans un contexte instable et représente cela, à travers son discours, par la mobilisation de guides et dÕoutils cliniques, en plus de participer à la construction dÕune mémoire organi sationnelle dans le but dÕagir et de transmettre.

Ce besoin de normalisation exprime ainsi le caractére a priori raisonnable et prévoyant de lÕorganisation. De plus, nous constatons la mobilisation dÕhistoires et exemples anecdotiques de la part de Max, histoires et exemples qui contribuent à un travail de normalisation de la situation assez tendue qui existe entre Eric et le docteur Joseph de lÕhTMpital de Mumba. Ë ce propos, Witten (1993 ; cite dans Giroux & Marroquin, 2005) dit que : Ç les histoires servent à enseigner aux employés leurs obligations ainsi que les normes de comportements jugées acceptables par la direction È (p. 27). Nous tenons, par ailleurs, à mettre lÕaccent sur le fait que dans ces histoires et anecdotes invoquées, la normalité pour MSF semble etre synonyme de difficulté, mais

tout autant de réussite. Aussi, Max valorise l'obstination des acteurs de MSF, une obstination qui finit par payer lorsqu'ils réussissent leurs missions, cela à force de patience, de diligence et de détermination. On reconna»t alors que c'est le type d'attitude qui est attendue chez MSF, une organisation qui se construit par l'exemple. Nous notons alors que d'une certaine manière la culture organisationnelle de MSF est mobilisée telle une boite à outils pour répondre à de possibles problèmes (Hatch et Schultz, 2002).

D'autre part, la mobilisation du protocole par Max dans les discussions avec ses partenaires renvoie à une certaine opérationnalité de l'organisation, son identité étant ainsi inscrite dans l'action par une mise en acte qui se matérialise par la signature d'un contrat. Quant aux exemples invoqués de la réorganisation de la gestion de la pharmacie et des horaires des infirmiers à l'hTMpital de Mumba, il confirme que pour MSF, l'urgence appara»t aussi bien comme un cadre opérationnel qu'une facon d'être, car il faut prévoir et agir vite pour être efficace, donc répondre à la mission première de MSF. Par ailleurs, de cette argumentation construite à l'aide d'exemples, de mobilisations de nature humaine et non-humaine, Max fait la démonstration de ce qu'est et fait son organisation, comme, par exemple, lorsque Max invoque le Docteur Luc, dans sa conversation avec ses partenaires du Ministère de la Santé congolais, pour leur montrer que MSF fait déjà de la formation non officielle avec lui alors que c'est ce qu'ils demandent. Finalement, Max en mobilisant le rapport d'activité trimestriel de MSF dans ses discussions avec les hommes de la MONUC et ceux du Ministère de la santé congolais, sous-entend que la présence de son organisation est efficace et qu'elle donne des résultats, mais c'est aussi une invocation qui plaide en faveur du principe de transparence de l'action de MSF et pour démontrer qu'elle n'a rien à cacher.

Pour finir, il est à considérer qu'avec chaque figure invoquée, viennent des traits ou des caractéristiques de son identité. Aussi, ce travail de mobilisation dans le discours permet de témoigner de son être. Les mobilisation et invocations montre implicitement des aspects de la « personnalité » de MSF dans son discours et elles servent donc à la fois à participer à la construction de l'identité/image de l'organisation et à adresser un message à l'autre quant aux attentes qu'une telle identité implique.

6.1.4 Le rapport entre soi et l'autre et la question de la co-construction

MSF et l'autre Les extraits que nous avons analysés et plus particulierement l'analyse de la réunion d'informations à l'hTMpital de Mumba ont fait état de la présence et de la mobilisation constante d'un certain esprit d'équipe chez MSF, notamment par l'utilisation dans le discours du on et du nous, pour généralement déboucher sur le ensemble, symbole de collaboration et d'union dans l'action avec les partenaires. Nous remarquons donc que la parole met en scene le collectif, un collectif qui représente l'organisation car c'est lui qui est invoqué pour présenter l'organisation. Mucchielli (1986) démontre que l'esprit de groupe ou d'équipe est avant tout un sentiment d'appartenance : « On trouve dans l'esprit de groupe l'adhésion aux normes et objectifs, l'entraide et la solidarité, la loyauté, la confiance dans le groupe, la fierté de l'appartenance et la valorisation des liens communautaires. Toutes ces conduites se trempent dans la participation affective » (p. 50). Ce sentiment d'appartenance des membres de MSF semble même être exacerbé avec l'utilisation fréquente d'un on exclusif qui suppose un rapport exclusif à l'autre ou au partenaire. Donc, si l'on poursuit cette logique, le discours a apparemment pour but de projeter une image et non de la construire avec l'autre. C'est, en quelque sorte, une logique d'émetteur à récepteur, un

nous versus un vous. On peut alors eventuellement se poser la question de savoir si cette logique se retrouve autant dans le discours que dans lÕaction de MSF.

En effet, il reside une idée récurrente chez MSF de faire ensemble, dÕessayer autant que possible de faire du sur mesure et dÕexpérimenter des solutions avec les autres. LÕorganisation démontre alors quÕelle a conscience quÕil y a une marge entre les Ç grandes lignes È, lÕexpertise/expérience et le terrain, sous entendu la réalité de cas particulier, contextuellement et humainement parlant. Dans ses interventions, Max présente donc souvent MSF comme une organisation consciente de son environnement, de l'autre et qui souhaite agir avec lui. Aussi, il répéte sans cesse quÕil nÕest pas question de Ç casser le système È, témoignant de son respect pour le pays hTMte tout en répondant à une des critiques classiques adressées à lÕendroit de son organisation. DÕailleurs, Max répéte à ce titre que MSF se concentre sur les soins secondaires à Mumba, sÕinsérant ainsi dans le systeme de soins congolais. Ë propos du rapport à lÕautre et les reactions de defense qui peuvent se manifester, Mucchielli (1986) dit dans une réflexion sur lÕidentité individuelle :

LÕanalyse systématique des reactions (individuelles ou groupales) aux menaces sur lÕidentité fait appara»tre trois grandes categories de conduites : les mises à distance (lÕautre menacant est attaqué, intimidé ou fuit) ; les immobilisations (on sÕinhibe, se dissimule ou se rétracte devant la menace pour lÕéviter) et les rapprochements (on se conforme ou se justifie pour neutraliser la mise en cause). (p. 113)

positionnerait plutôt dans la catégorie des rapprochements, si l'on en croit, en tout cas, son travail de justification assez courant. En outre, nous avons noté, au cours des analyses, que Max tente souvent de ne pas offusquer l'autre tout en lui faisant passer son message, montrant ainsi par exemple son caractère a priori respectueux. A cela, il faut ajouter que MSF semble s'attendre à ce que ses partenaires reconnaissent la valeur des outils qu'elle met à leur disposition avant que ceux-ci ne lui demande quoi que ce soit d'autre. Un des aspects identitaires qui est aussi projeté dans le discours est que MSF fait tout par elle-méme, ce qui appara»t comme un synonyme d'autonomie de l'organisation.

D'autre part, dans la réunion d'information de Mumba, on voit Max faire tout un travail de traduction de la pensée de ses interlocuteurs lorsqu'il laisse entendre qu'ils ont déjà constaté par eux-mémes les problèmes que MSF veut régler à l'hôpital. Nous notons qu'en disant cela, Max accomplit un travail de légitimation de la présence de MSF (<< vous aviez besoin de nous È), tout en responsabilisant ses partenaires. Mucchielli (1986) déclare à ce propos et dans une méme réflexion sur l'identité individuelle: <<Par son regard, puis par ses attitudes envers moi, autrui m'attribue une identité et me pousse à me comporter de manière à répondre à cette définition qu'il donne de moi. "L'enfer c'est les autres" a aussi pour signification que la relation à autrui est, d'une certaine manière, aliénante È (p.111).

Par ailleurs, nous avons aussi pu constater au cours de l'analyse de l'interaction entre Max et Eric qu'il existe chez MSF, à l'interne et d'une certaine manière, au moins deux visions de l'identité et surtout deux visions de la relation à l'autre, le partenaire. Il est ainsi ressorti de cette analyse une possible identité en tension de MSF et un soi

multiple, avec deux types de profils organisationnels incarnés par Max et Eric. Ainsi, selon Eric, les perpétuelles discussions avec les partenaires ou plus précisément dans son cas, avec le docteur Joseph, sont considérées comme une perte de temps et donc dÕefficacité. Tandis quÕaux yeux de Max, ces mêmes discussions sont un facteur clef pour réussir une mission. Aussi, en tant que porte-parole de lÕorganisation, il prTMne la communication avec l'autre ou plutTMt une certaine persévérance dans cet exercice.

On notera cependant quÕau delà de leurs differences, Max et Éric présentent MSF comme détentrice dÕun savoir, savoir que nÕont pas les autres, qui sont ceux qui ne savent pas et quÕil faut donc guider. En même temps, au cours de la reunion dÕinformation de lÕhTMpital de Mumba, MSF est présenté par Max comme étant ouverte au dialogue et à la négociation avec lÕautre, reconnaissant ainsi sa capacité à informer lÕaction de MSF. Ceci semble donc correspondre à lÕidée dÕune construction de lÕidentité avec une vision externe que nous avions relevé dans la revue de littérature, avec une projection stratégique dÕimages qui servent à maintenir et confirmer son ou ses identités dans le but de plaire à lÕautre en légitimant son action et en tentant de lÕe nrTMler (Cheney et Christensen, 2001). Cependant, comme le disait Jenkins (1994 ; cite dans Hatch et Schultz, 2002), cÕest dans la rencontre des definitions internes et externes de lÕorganisation que lÕidentité est créée, donc la vision que MSF a dÕelle même et celle quÕautrui peut avoir de lÕorganisation.

L'autre et MSF Nous souhaitons maintenant nous intéresser au regard de lÕautre sur MSF et sa participation à la construction de son identité, gr%oce à ce que nous avons pu apercevoir dans les analyses des interactions. Nous disons bien apercevoir, car il est souvent difficile de bien se rendre compte de ce regard et de cette action. Cependant, le

choix des mots, conscient ou inconscient, nous permet tout de méme de faire un point sur ce sujet. Lors de la rencontre entre Max et les messieurs du Ministère de la santé congolais, nous avons remarqué que le discours de Tony mettait en scène le vous, en parlant de MSF et de sa façon de faire centrée sur le patient, le nous, c'est à dire le Ministère de la santé du Congo et sa façon de faire identique à celle de MSF, avec en plus ce qu'il appelle un appui du système. Pour finir, le discours de Tony se clTMt sur le ensemble avec l'annonce du souhait que MSF se joigne à la vision du nous qu'il vient de présenter.

Ë pro pos de l'utilisation du Nous dans le discours, Callon et Latour (2006) disent : << Dés qu'un acteur dit "nous", voici qu'il traduit d'autres acteurs en une seule volonté dont il devient l'âme ou le porte-parole. Il se met à agir pour plusieurs et non pour un seul. Il gagne de la force. Il grandit. >> (p. 16). Ainsi, Tony en parlant au nom de MSF et en définissant sa façon de faire, prétend que c'est quelque chose que MSF pourrait faire, qu'implicitement ça lui correspond. Nous remarquons alors que les partenaires se donnent un pouvoir de proposition tout comme MSF le fait en modifiant les structures dans lesquelles elle intervient. De plus, nous nous rendons compte qu'ils utilisent la même rhétorique du <<Vous, Nous, Ensemble>> que MSF met en scène dans ses discours de mobilisations.

Par ailleurs, comme Benwell et Stokoe (2006) nous le font remarquer en citant un article de Fairclough et Wodak (1997) qui ont analysé les discours de Margaret Thatcher, l'utilisation du pronom nous démontre une certaine ambigu
·té en envoyant différents messages : <<"We" was sometimes used inclusively, to convey solidarity with the général public ("We do enjoy a standard of living that was undreamt of then"), and

sometimes exclusively to convey an institutionalised sense of "we", the party ("After we returned to power")È (p. 115). Comme nous l'avons dit, le langage nous permet d'entrevoir comment MSF est percue par autrui et donc quels sont les traits identitaires qui ressortent. Aussi, MSF est présenté implicitement et explicitement par ses partenaires du Ministère la santé congolais, incarnés par Guy et Tony, comme détentrice d'un savoir à transmettre à l'autre sur le terrain, élément qui est confirmé par Max.

Ainsi, implicitement, MSF est alors percue par ses partenaires comme une aubaine à saisir et à exploiter, car elle représente une opportunité pour la formation des jeunes médecins congolais. Ë cela, il faut ajouter que les partenaires reconnaissent donc implicitement l'expérience pertinente de MSF. Nous notons donc que la présence de MSF est vue comme une chance à ne pas rater par ses collaborateurs locaux et est assimilée à une possibilité d'améliorer l'avenir. MSF est présentifiée par ses partenaires comme une possibilité de faciliter des projets de changement et d'amélioration des systèmes locaux. Finalement, on peut dire que les partenaires tentent de modifier la pensée de MSF en ajoutant le fait de penser au futur, c'est-à-dire à l'après intervention de MSF, en exprimant leur désir que MSF forme des médecins de facon formelle. Implicitement, les partenaires tentent donc de redéfinir l'action possible de MSF par rapport à leurs propres intérêts, mais c'est une tentative qui s'avère avortée pour eux car le porte-parole de l'organisation ne conclut pas vraiment dans ce sens.

Cependant, nous notons tout de même de la part des partenaires la formulation d'une argumentation solide oü ils expriment une réflexion élaborée sur ce que MSF est et fait. Tony et Guy présentent ainsi leur requête en la qualifiant de nécessaire et cette nécessité est dü à l'intervention de MSF à Mumba, car sa présence augmente le travail à

faire et que le Docteur Joseph est débordé. MSF est donc présentée par les acteurs locaux du terrain de sa mission comme une charge supplémentaire de travail. Il semble donc quÕici, MSF soit synonyme de changement Ç perturbateur È et cela même si dans le discours de MSF, lÕorganisation dit quÕelle propose, mais nÕimpose pas les changements.

Par ailleurs, nous nous sommes rendue compte dans les analyses, quÕen suivant ce raisonnement, les partenaires poursuivent un travail de responsabilisation de MSF face aux consequences de son intervention, des changements quÕelle déclenche et finalement de son ingérence. Ainsi, elle se doit d'être responsable et notamment de répondre positivement à leur requête afin de donner une contrepartie à sa presence. De plus, nous avons note la mise en Ïuvre dÕun travail dÕappropriation de la requête à lÕencontre de MSF, en disant que celle-ci aurait pu etre proposée par MSF elle-même. On peut penser que le format de la presence de MSF au titre de partenariat/collaboration pousse à ce genre de réflexion, dans la mesure oil cela peut induire une sorte de relation dÕégal à égal.

En réalité, on sait que cette relation est presque impossible car cÕest MSF qui amene le financement et les moyens dÕaction, ce qui lui confére donc un pouvoir supérieur à celui de ses partenaires. Ajoutons que les partenaires semblent etre conscients de cette réalité et que cÕest sans doute pour cela quÕils semblent trés prudents et précautionneux dans la formulation de leur requête. Finalement, on peut dire que cÕest par un mélange de plaintes et de marques de reconnaissance que sÕexprime le regard de Tony, Guy et le Docteur Joseph sur MSF, une organisation qui sÕavére etre pour le ministére de la sante et la population congolaise quÕils représentent, une opportunité en terme de savoirs, mais aussi en terme financiers. Quant aux deux hommes de la

MONUC avec lesquels Max sÕentretient dans une de nos sequences analysées, leur regard marque une certaine reconnaissance envers MSF et le travail que ses acteurs accomplissent dans la region.

Que dire de la co-construction et de la négociation ? Aprés avoir présenté le rapport que MSF entretient avec autrui et nous etre penché sur le regard dÕautrui vis à vis de MSF, nous sommes naturellement amenée à nous interroger sur la question de la co-construction de lÕidentité de MSF. Dans lÕanalyse de lÕextrait sur la reunion dÕinformation MSF, le public semble etre là pour prendre acte des dires de Max, les comprendre et si possible adhérer aux principes de MSF. En effet, dans son discours, il fait appel à des principes quÕil présente comme fondateurs, cÕest-à-dire quÕimplicitement il signifie à ses interlocuteurs quÕils ne peuvent pas faire lÕobjet dÕune négociation. Aussi, il semble difficile de parler de co-construction de lÕ etre dans cette situation, contrairement à celle du faire, cÕest-à-dire de lÕaction, qui fait lÕobjet dÕune demande explicite de la part de Max, le porte-parole.

Cependant, on peut imaginer une co-construction de lÕidentité de lÕorganisation entre les membres de ladite organisation, car dans cette même sequence, Max invite les membres de la mission à participer à la presentation de lÕorganisation. Cette démarche para»t logique, étant donné que la structure de lÕorganisation est associative. Il semble donc y avoir un esprit associatif chez MSF oil le soi appara»t comme synonyme dÕesprit dÕéquipe, qui semble lui-même etre synonyme du droit à la parole de tous, matérialisé par lÕutilisation récurrente du on et du nous dans le discours. De plus, Max fait intervenir les figures de lÕécoute et de la comprehension face à son partenaire, mais cela ne signifie pas pour autant une co -construction. En effet, comme nous lÕavons remarq ué, le discours

de MSF vis à vis de ses partenaires s'apparente au type Çnous versus vous È. Sous entendu, on va faire les choses ensemble, mais c'est nous qui décidons. Vous devez accepter cette idée-là, néanmoins nous sommes ouvert à la communication.

D'autre part, nous avons constaté que la formulation d'une requête par les partenaires de MSF pouvait être vue comme une tentative de modification de l'action de celle-ci, donc de son être et donc une tentative de participation à sa construction. Face à cela, MSF, par l'intermédiaire de Max, n'a pas dit non mais a bien reprécisé l'identité de MSF, une identité qui semblait être redéfinie par ses interlocuteurs. Max a ensuite poursuivi en s'attachant à requalifier les propos de ses partenaires. De ce fait, il montre qu'il n'est pas possible de faire faire quelque chose à MSF. Nous avons aussi pu voir, au fil des séquences, que c'est une organisation qui souhaite ne pas dévier de sa trajectoire et avec qui on ne marchande pas facilement. Aussi, être partenaire de MSF ne signifie pas pour autant qu'on puisse se mettre à la redéfinir.

On remarque donc que l'identité de MSF fait l'objet de contrôle de la part de ses représentants dans ses interactions avec ses interlocuteurs, un contrôle quotidien, une sorte d'obsession. Cependant, nous avons pu aussi constater un travail de responsabilisation de l'autre, MSF considérant qu'autrui a a priori un avis à formuler et qu'il se doit de le manifester pour que le partenariat soit constructif. Il y a donc invitation à un rôle actif, donc quelque part, un désir de co-construction de la part de MSF. Ajoutons que parler à tout le monde appara»t comme un leitmotiv au sein de MSF et qu'en parlant, en étant en situation d'interaction, on prend le risque de l'implication de l'autre.

Ainsi, comme le dit Kerbrat-Orecchioni (2008) dans une réflexion sur la communication interpersonnelle et l'analyse des conversations : << La proposition d'identité effectuée par l'un des participants sur lui-même ou sur son partenaire peut être ratifiée par ce dernier, ou au contraire contestée, ce qui va enclencher le processus négociatif.>> (p. 132). La co-construction, selon MSF, semble être un jeu compliqué d'aller et retour oü dans l'interaction et la relation avec l'autre, l'identité peut y être niée, réaffirmée ou modifiée (Marc, 1997; cité dans Giroux, 2002). L'avis de l'autre peut ainsi être intégré de facon épisodique à la construction du soi à certaines conditions. Mais, il arrive aussi que celui-ci s'autorise à participer à cette construction sans y être invité au préalable. Aussi, MSF maintient une distance tout en étant proche, il s'agit alors de garder la bonne distance afin de ne demeurer ni en rupture ni en fusion avec l'autre. Mais, d'une certaine manière, on peut parler d'un jeu de miro ir entre soi et l'autre en ce qui concerne MSF, une organisation qui se construit au regard de son environnement.

Nous avons pu remarquer que pour MSF, il y a un besoin de l'autre pour la construction de l'action, du faire, mais pas forcément de l'être. Cependant, comme le soi c'est logiquement ce que nous sommes et ce que nous faisons, il appara»t que MSF se trouve au sein d'une dualité identitaire ou une certaine schizophrénie, comme nous l'avons expliqué précédemment. De plus, nous ajouterons, pour repre ndre la métaphore initiée par Goffman (1967) faisant le parallèle entre le rituel de la danse et la construction de l'identité, un parallèle développée par Roth (1996): << If the interaction dance is to be graceful, the other participants must honor the line that he establishes by showing deference>> (p. 175).

6 . 1 . 5 Une identité qui agit ou l'utilisation performative de l'identité organisationnelle

Lorsque nous nous sommes attelés à analyser les séquences que nous avions sélectionnées, l'idée était de chercher à voir comment l'identité organisationnelle se construisait gr%oce à la parole dans les interactions. Cependant, nous nous étions aussi donnée comme but de nous laisser guider et inspirer par les données. Nous nous sommes ainsi rendus compte qu'en effet, l'identité était bien construite dans les conversations, mais que cette identité, aussitôt re-construite ou réaffirmée, agissait en tant que telle. Par conséquent, il s'est avéré que l'identité de l'organisation pouvait servir dans l'interaction afin de refuser ou d'accepter les choses, d'encourager des comportements et même d'inviter à en accomplir par le biais d'invocations de figures de la part des acteurs de MSF et de leurs partenaires.

La revue de littérature que nous avions établi sur la question ne laissait pas apparaitre cette relation entre être et agir. En parlant de son identité, donc de l'être, on fait quelque chose, on agit, car dire ce que je suis a un effet d'action dans l'interaction. Kaufmann (2004), à ce propos et au sein d'une grande réflexion sociologique sur l'identité de l'individu nous dit: Ç " identité" et " action " sont généralement rangés dans deux catégories bien distinctes du savoir scientifiqueÈ (p. 173). Cependant, il ajoute que les considérer ensemble offre de nouvelles perspectives non négligeables pour la recherche. Ainsi, il envisage Çl'identité comme condition de l'action È, cela, en s'appuyant notamment sur les dires de Mead (1963): Ç l'infrastructure du soi se fond dans l'action en cours È (p. 233), mais aussi de Strauss (1992) : Ç s'impliquer totalement dans un acte signifie s'y intéresser, s'y attacher, s'identifier à luiÈ (p. 44) et de Foote

( 1 95 1 ): Ç lorsque le doute sur l'identité s'accroit, l'action est paralyséeÈ (p. 81).

En conséquence, par exemple, lorsque Max invoque dans son discours les différentes antennes de MSF à travers le monde, nous notons alors que par le biais de l'intervention locale, c'est la structure internationale qui est présentée comme aussi agissante. Ces invocations ont donc un effet massif dans l'interaction, offrant à cette mission MSF, une assise internationale, une légitimité. Chez MSF, il semble y avoir une identification par l'action, ce sont donc les actions qui définissent l'organisation. Faire c'est donc être au méme titre que dire c'est faire. Dans la réunion d'information de l'hôpital de Mumba, à la question Ç Qu'est ce que c'est MSF ? È Max y répond dans son discours par ÇQui sommes nous? et Que faisons nous ? È, il met donc en exergue une dimension totalement humaine de l'organisation, qui correspond ou peut se traduire par le fait que MSF, c'est avant tout des personnes qui agissent.

En outre, nous pouvons noter qu'il existe un lien marqué entre l'être et le faire de MSF dans les interactions qui ont lieu dans la séquence A, oü il y a traduction par le porte-parole de l'être par le faire avec l'aide d'exemples locaux concrets. On dénote alors une volonté de l'organisation de correspondre à la réalité, c'est à dire que son être et son faire soient envisagés seulement ensemble. Il semble y avoir pour MSF une nécessité de faire les choses et de parler en adéquation avec ses valeurs et ses principes car cela défin»t ce que nous sommes, donc son identité. Notons que lorsque Max ventriloquise des principes comme ceux de l'échange et de l'ouverture, il met en perspective des traits identitaires au service d'une meilleure action.

utilisation de lÕidentité pour pousser à lÕaction pouvait être faite de façon inconsciente par les acteurs. En effet, les lapsus et hesitations dans le discours peuvent envoyer des images inconscientes à ses interlocuteurs et ainsi transmettre des images auxquelles on ne souhaite pas etre associés, ou faire appara»tre des incoherence entre le discours et la réalité. En ce sens, nous mettons le point sur le fait de prendre en charge ou de supporter, lorsque Max parle de lÕintervention de MSF à lÕhTMpital de Laika dans la reunion dÕinformation à Mumba. Il est ici question dÕune prise en charge versus une collaboration, ce qui nÕest pas la même chose surtout pour les partenaires. Nous remarquons donc que lÕidentité de lÕorganisation peut agir de manière consciente ou inconsciente dans lÕinteraction en empruntant le corps et la voix des acteurs qui se prêtent à cette performance et donc en reaction induire une certaine action.

Lors de la reunion dÕinformation MSF à lÕhTMpital de Mumba, nous nous sommes aussi rendue compte que les invocations dÕautres projets ayant lieu dans la region servaient à justifier et légitimer la presence de MSF à Mumba. Ainsi en rendant compte dÕactivités qui participent de la definition de ce quÕon est, on performe du même coup quelque chose au niveau interactionnel, marquant un rapport assez clair entre lÕ être et le faire. Ajoutons que le souci dÕindépendance chez MSF la rend paradoxalement dépendante de la reconnaissance de ses interlocuteurs. Ce souci qui lÕanime la pousse, en effet, à véhiculer dans son discours cette idée et cette image aux yeux de tous. Aussi, le discours officiel de lÕorganisation, son être, rend lÕorganisation dépendante dÕune certaine stratégie visant à constamment réaffirmer cette indépendance.

LÕidentite de MSF agit et se force à agir donc sur son environnement. Outre ce

obsession de sa présence et de son autonomie. Ajoutons que la ventriloquie peut avoir un effet de suggestion pour l'interlocuteur dans l'interaction, encourageant et invitant certains comportements. Par exemple, lorsque Max ventriloquise les acteurs de l'hôpital de Mumba en disant qu'ils sont heureux des réorganisations, il construit une identité positive de MSF tout en prévenant qu'il peut y avoir quelques incompréhensions. De plus, les anecdotes invoquées et les narrations construites par Max durant sa conversation avec Eric, concernant des équipes de MSF, ventriloquisent l'expérience de MSF et la marche à suivre pour tous ses membres. Autrement dit, <<Faire, c'est faire faire>> c'est-à-dire que les exemples cités sont censés avoir un pouvoir de suggestion, marquant une construction par l'exemple qui nait de l'expérience, du terrain, avec une tolérance relative à l'erreur, car l'urgence et le terrain impliquent certains <<bricolages >>.

L'identité de MSF agit aussi dans le sens oü elle est utilisée comme un livre de prédictions car, par exemple, elle sait que le changement est synonyme de difficulté, mais qu'il est tout autant nécessaire, etc. Nous constatons alors un positionnement quelque peu paternaliste de MSF, par l'intermédiaire de Max, dans son rapport avec les locaux. En ce sens, Médecins Sans Frontières semble souvent se positionner implicitement comme détentrice d'une sorte de vérité omnisciente. Elle conna»t la réalité et ses membres aussi et à ce titre, ils se doivent de communiquer pour mettre en place leurs solutions et ainsi de voir les objectifs de l'organisation se réaliser. Mais si elle propose des remises en question, cela peut vouloir dire qu'elle est elle-méme en constante remise en question. En effet, nous avons constaté que l'organisation détient une force d'adaptation à chaque situation, en déployant son savoir -faire, ses membres et ses outils. Aussi, la constance de l'identité de MSF se retrouve dans son évolution

permanente, c'est-à-dire que la norme, c'est le changement. De plus, encore une fois, on peut dire que l'identité de MSF est dynamique car elle est présentifiée comme initiatrice de changements.

Pour ce faire, nous avons vu que MSF communique tant à l'oral qu'à l'écrit. En effet, l'organisation a l'habitude de communiquer avec de nombreux interlocuteurs pour expliquer son action, non seulement oralement, comme nous l'avons constaté au cours de nos analyses, mais aussi par écrit, par le biais de son rapport d'activités, par exemple, lequel est donné lors de la réunion avec les officiers de la MONUC et via le protocole d'accord. Dans cette idée, communiquer chez MSF, c'est tenter de rallier à sa cause ses interlocuteurs afin de faciliter son action et de se protéger.

L'identité de MSF semble ainsi être construite selon une idée de projection à l'autre, une projection à laquelle il doit adhérer, un aspect que nous avions identifié lors de la revue de littérature. Mais il n'empêche que cette vision appara»t comme trop simpliste à la lumière de nos analyses et qu'il faut avoir en tête que celle-ci nécessite une âpre négociation qui se matérialise notamment par un combat de mots et d'images, comme en témoigne les échanges lors de la réunion entre les représentants du Ministère de la santé du Congo et Max. Ajoutons que Kaufmann (2004) dit: ÇSchèmes incorporés et processus identitaires se mélangent intimement pour déclencher l'actionÈ (p. 176). Ainsi, les habitudes ou pratiques, l'être et le faire sont interdépendants. De plus, nous avons remarqué que les partenaires parlent aussi au nom de ce qu'est, selon eux, MSF, en qualifiant l'organisation et en lui attribuant de potentielles pratiques, comme celles de former des médecins congolais à Mumba oü elle intervient. Ainsi l'identité de MSF est utilisée aussi bien par ses membres que ses partenaires à des fins d'action.

6.2 Discussion

Dans cette recherche, notre interrogation de base se situait autour de la question de la négociation et de la co-construction de l'identité organisationnelle au fil des interactions du quotidien de MSF et de ses acteurs. Nous avons ainsi trouvé des pistes de réponses en nous rendant compte qu'il y avait tout un travail d'identification par la négation et la différenciation, que cette construction se faisait dans la répétition et que le discours identitaire était mobilisateur, c'est-à-dire que l'invocation d'une identité pouvait agir sur l'interaction et être ainsi au service de l'action organisationnelle.

Nous pouvons alors affirmer que l'organisation est, certes produite et véhiculée à travers des discours, des histoires, des comptes rendus, mais que, d'une certaine manière, l'organisation, par son identité ainsi produite et réaffirmée, produit aussi elle- même certains récits et discours. La parole y tient plusieurs fonctions, c'est un outil pour persuader, pour convaincre l'autre, pour l'informer de ce que je suis ou veut être, mais aussi, bien entendu chez MSF, pour se protéger. Nous pensons aussi, en ce qui concerne l'action de la parole, à Kerbrat-Orecchioni (1990) qui écrit: Çparler, c'est échanger, et c'est changer en échangeantÈ (p. 17). De plus, ce que l'on peut appeler le travail identitaire chez MSF est quelque chose de très pratique, car il a notamment des répercutions concrètes sur la sécurité, sur l'action locale (Cas de Tontine, dans Cooren, Brummans & Charrieras, 2008) et sur l'aspect médical. Ajoutons que l'identité est ajustée en fonction des interlocuteurs, agissant comme un boite à outils, tout en étant ventriloquisée par Max, le chef de mission, qui répète inlassablement les même choses, telle une cassette enregistrée. Obsession de ne pas être mal percu par son entourage.

Par ailleurs, on décèle dans l'organisation beaucoup de paradoxes identitaires. En effet, MSF réitère souvent le même message participatif, mais semble avoir du mal à l'appliquer en pratique. Elle invite, certes, les autres à participer mais avec certaines limites qu'elle n'énonce pas dans un premier temps mais qui ont tendance à se manifester, comme pour les rappeler à l'ordre sans les avoir vraiment prévenu. Il va de soi alors que l'organisation appara»t comme Ç schizophrène È dans son discours. On note une forte volonté de contrôle de son image de la part de MSF, mais l'interaction avec les représentants du Ministère de la santé du Congo montre qu'elle peut renvoyer d'autres images qu'elle ne maitrise pas. On peut alors considérer, dans ce cas précis, qu'il y a cocontruction car négociation avec l'autre de la définition du soi.

Cependant, celle-ci reste difficile à cerner car MSF laisse peu d'espace d'intervention à l'autre, aussi si co-construction il y a, cela s'avère être de facon implicite. Nous avons en effet remarqué que l'identité de MSF fait l'objet d'un contrôle de tous les jours dans les interactions dans l'esprit de protection de son territoire. Pourtant, il semble y avoir co-construction de l'être de MSF par tous les membres de MSF dans un esprit d'équipe hérité du principe associatif de l'organisation, mais il est difficile d'envisager le même type de co-construction avec les partenaires et l'environnement de l'organisation, même si on note cependant un co-construction du faire de celle-ci, c'est-à-dire de l'action organisationnelle.

En outre, il semble aussi y avoir une négociation de l'identité au sein même de MSF, car, il y a plusieurs images et définitions de l'organisation, et en même temps, l'organisation semble avoir le désir de renvoyer à son environnement une seule image de de MSF. Par exemple, on voit qu'au sein de MSF il y a identité multiple en se basant respectivement sur les visions d'Eric et de Max. En effet, le premier semble avoir une

vision protocolaire avec des principes qui doivent être appliqués tels quels, tandis que le deuxième semble avoir une vision avec les mêmes principes mais en offrant plus de marge quant à la manière de composer avec l'environnement pour les voir appliquer. Cette vision étant alors associé à la réussite.

Finalement, le discours identitaire de MSF voyage dans le temps et l'espace, à travers ses différentes missions aux quatre coins de la Terre, avec un désir fort de correspondre à la réalité du moment, du terrain. Paradoxalement, la norme chez MSF semble être la persévérance et ce besoin de normaliser une action dans un contexte qui ne l'est pas, en prévoyant au maximum l'imprévisible, (guides, protocoles, collecte d'informations, etc.). Aussi, MSF rime avec savoir dans le sens oü il semble qu'elle sache quoi faire, elle a l'expertise, mais elle a aussi le Savoir, c'est-à-dire la connaissance et l'expérience d'une pratique médicale d'urgence. Ë ce titre, MSF est initiateur de changement dans ses partenariats mais elle comprend la résistance au changement, en cela, elle respecte dans une certaine mesure ses partenaires. De plus, elle affirme avec humilité ne pas avoir toutes les réponses et propose alors à l'autre d'essayer en le responsabilisant dans l'alternative positive que cela fonctionne.

Ajoutons aussi que MSF transmet majoritairement son message par l'humour et par le biais d'une image sympathique oü tout le monde s'appelle et se présente par son prénom, avec un personnel qui porte des vêtements décontractés ou des t-shirt blanc avec le logo de MSF et qui s'adapte à la culture de l'accueillant en utilisant dans ses interactions des mots de sa langue. Tous ces éléments sont des éléments qui participent à présentifier l'être de MSF dans son environnement et à construire son identité.

Chapitre 7 : CONCLUSION

Notre preoccupation de depart concernait la négociation et la co-construction de lÕidentité organisationnelle par la parole lors des interactions des acteurs, à lÕinterne et à lÕexterne. Appliquée à Médecins Sans Frontiéres, cette problématique nous a guide tout au long du mémoire pour nous amener vers des pistes de réponses et de discussions. LÕutilisation de lÕanalyse de conversation comme methodologie sÕest avérée intéressante car elle permet de sÕapprocher au plus près de la réalité organisationnelle au niveau des pratiques et activités. Au niveau théorique, le concept de ventriloquie sÕest avéré utile pour repérer dans lÕinteraction toutes les figures qui entrent en jeu pour définir lÕidentité de lÕorganisation. En outre, nous nous sommes rendue compte que même lors des situations moins dialogiques, comme quand le chef de mission parle à un public, il y a un discours qui est lui-même dialogique et qui met en scene des voix qui ajoutent au propos et tentent de le renforcer.

Ajoutons que la mobilisation du concept de présentification nous a révélé que lÕidentité était souvent présentifiée au service de lÕaction, du faire, à travers une multitude dÕimages invoquées explicitement ou implicitement, donc de lÕordre de la performance. Nous avons trouvé que le di scours organisationnel se retrouve dans les conversations quotidiennes des acteurs de lÕorganisation oil lÕidentité est construite entre hier, aujourdÕhui et demain. Son identité est construite sur une notion de changement, de rupture (avec la Croix Rouge internationale, notamment) et cela se ressent et se visualise dans son action quotidienne. Ainsi, de par son histoire et sa raison d'être, MSF, lors de

ses rencontres, peut provoquer et perturber l'ordre établi si il y a, ou du moins se faire remarquer.

Nous avons aussi pu nous rendre compte que <<la pratique MSFienneÈ est ritualisée, il y a des schémas qui sont pensés, construits, négociés et reproduits dans le cadre de ses missions à travers le monde, dans l'esprit d'un apprentissage constant de la réalité du terrain. Nous avons, en outre, noté une obsession du contrTMle qu'elle applique dans son quotidien à travers une sorte de jeu de séduction. Dans une recherche permanente de l'anticipation, elle développe donc des stratégies, possiblement inconscientes et des normes. Enfin, nous avons pu observer, à travers ce mémoire et les analyses des séquences, la culture fédératrice de Médecins Sans Frontières et sa dimension << missionnaire È qui nous permet, en ce sens, de citer Quéinnec (2004) lequel déclare:

Parce qu'elles sont issues d'un acte de foi, il n'est pas surprenant que les associations humanitaires soient parvenues à bâtir une identité forte, notamment structurée autour d'une "religion" (l'éthique humanitaire), d'un "langage" particulier (tutoiement systématique, abréviations, anglicismes, etc.) et de "combats" incessants (contre l'oppression ou la maladie, bien entendu, mais aussi contre l'aide humanitaire institutionnelle, certains gouvernements, etc.). (p. 83)

Finalement, Médecins Sans Frontières, tel un monstre à trois tétes est créé et se débat entre la passion, la raison et l'action.

7. 1 Implications pratiques

Il est important que les gens chez MSF sachent ou du moins quÕils aient une idée claire de ce quÕils représentent, de ce quÕils incarnent, de ce quÕils sont car cÕest cela souvent qui va définir ce qui va etre fait dans la mesure oil, comme on lÕa vu, lÕinvocation identitaire peut avoir un reel pouvoir dÕaction. Cette conscience et cette connaissance sÕacquièrent par lÕexpérience, mais cela peut aussi etre enseigné avec une formation préalable à lÕenvoi sur le terrain dÕune mission notamment. Comme nous avons pu le constater au cours de cette recherche, la parole a un vrai pouvoir chez Médecins Sans Frontiéres. Il semble donc nécessaire de former le personnel de lÕorganisation et plus spécifiquement les chefs de mission sur leur rTMle et le discours quÕils doivent tenir à ce titre. Ainsi, il sÕavérerait fondamental de faire attention à la question de lÕidentité et de lÕimage lors de lÕembauche du personnel MSF car comme nous avons pu le constater, dÕune personne à une autre, comme entre Eric et Max, il peut ne pas y avoir la même vision de ce quÕest et de ce que fait (ou doit faire) MSF.

Etant donné que ce sont des personnes influentes dans lÕenvironnement de lÕorganisation, il faut donc faire attention à ne pas véhiculer une image qui pourrait ultimement être néfastes à lÕaction humanitaire entreprise (si lÕon considére, bien entendu, que les aspects de cette action sont généralement positifs pour la population). Notons que Max avait été sélectionné pour lÕétude entreprise car il était considéré comme un bon chef de mission chez MSF, il serait donc intéressant pour dÕautres chefs de mission dÕapprendre, en quelque sorte, de lui. De plus, au cours des analyses, nous avons pu voir plusieurs definitions et un jeu de langage autour du nous et vous et ensemble. Au regard de cela, il semble donc nécessaire de faire un travail de

positionnement plus clair avec les partenaires sur le terrain, de mieux les identifier, ainsi sont-ils ou non MSF et si oui, de façon ponctuelle ou permanente (la même question se pose constamment par rapport aux Ç nationaux È, autrement dit les personnes qui travaillent officiellement pour MSF, mais qui vivent dans le pays oil lÕintervention humanitaire se déroule, mais nous nÕavons pas la place ici pour analyser cette question). Ceci entraine un questionnement pour MSF sur son positionnement quant à lÕurgence et au développement. Pour finir, malgré une idéologie forte et une certaine intransigeance par rapport à ce quÕelle est et fait, une des forces de MSF semble etre sa propension à vouloir constamment se remettre en question et ce, même si en pratique, une telle remise en question est difficile. Que lÕon parle de lÕorganisation en tant que telle ou de son identité, MSF trouve son equilibre, comme toutes les organisations, entre la stabilité et le changement.

7.2 Limites de la recherche

La recherche que nous avons menée ne sÕest basée que sur une mission particuliére avec un focus sur un chef de mission, ce qui, a priori, peut poser certaines limites quant à la Ç tranférabilité È (Lincoln & Guba, 1985) de ses résultats à toutes formes de missions de MSF et à toutes formes dÕorganisations humanitaires. Si nous avons pu traduire une des paroles de MSF, celle dÕune mission du Nord-Kivu, par lÕidentité quÕun de ses représentants lui donnait, implicitement et explicitement, on peut cependant penser que des effets similaires de representation existent dans dÕautres contextes MSFiens, ce que démontre dÕailleurs dÕautres etudes menées par lÕéquipe de

recherche du LOG (Langage Organisation Gouvernance) sur d'autres missions de cette organisation (publications à venir).

Par ailleurs, le fait que notre étude sur la question identitaire ait pour cadre d'analyse, l'humanitaire d'urgence, avec MSF, amène une dimension particulière. En effet, l'humanitaire est un domaine organisationnel particulier car il est peut-être, plus que les autres domaines organisationnels, emprunt de passion et accompagné d'une forte dose d'émotions. Aussi, ceux qui travaillent dans des organisations comme MSF, donc l'humanitaire médical d'urgence, travaillent dans des conditions difficiles et ils les acceptent, car ils ont généralement choisi ce domaine pour la cause que cela représente. Cela nous indique alors qu'il y a une forte notion d'engagement à prendre en compte dans ce type de domaine organisationnel.

Ainsi, si nous avions réalisé la même étude, mais dans un autre domaine organisationnel, les résultats auraient peut-être été différents. Ajoutons aussi parmi les limites de cette recherche, notre propre regard, certes scientifique mais avec un certain attachement pour la cause humanitaire. De facon plus générale, sur le regard extérieur porté aux ONG, Quéinnec (2004) dit : Ç Le concept d'accountability place ici les ONG dans une situation apparemment confortable. Peu d'activités sont aussi peu soumises à un jugement externe invalidant que celles qu'elles mettent en ÏuvreÈ (p. 80).

7.3 Les voies futures de recherche

organisationnelle d'une manière plus dynamique et plus interactionnelle. L'idée serait donc de poursuivre et de pousser cette réflexion. En effet, ne serait-ce que sur le corpus que nous avons exploité, il reste encore beaucoup de données et donc une richesse à exploiter, mais aussi d'autres terrains à investiguer et d'autres manières de présenter d'autres organisations. De plus, le fait de mener une recherche dans le cadre d'une organisation humanitaire médicale d'urgence comme MSF est très riche en terme de communication. Il pourrait donc être intéressant d'envisager une recherche sur les émotions dans les interactions, étant donné que la nature même de cette organisation est fortement chargé d'émotions, car elle implique au centre de son action l'être humain. L'organisation repose donc sur une charge émotionnelle qui se répercute dans son être, son identité, cela même si ses actions, son faire, peuvent être qualifiées de raisonnable, avec une recherche constante de normalisation de son action dans des terrains difficiles et de crises.

Notre recherche a aussi montré implicitement que le rTMle du chef de mission est important dans la construction de l'identité organisationnelle de MSF, aussi cette question pourrait faire l'objet d'une étude plus approfondie dont nous avons décelé quelques pistes que nous allons présenter. En effet, nous nous sommes rendue compte que Max était une sorte d'homme orchestre avec des qualités de leadership endossant plusieurs rTMles et présentifiant l'identité de son organisation à plusieurs titres. Ainsi, il est apparu que le chef de mission pouvait avoir plusieurs rTMles qui impliquaient certaines actions: (1) un rTMle de protection et de collecteur d'informations (gérer l'inattendu, entretenir des relations cordiales avec l'environnement, aller à la Çpêche à l'informationÈ comme outil de protection de l'organisation et de ses membres sur le

terrain), (2) un rTMle de prédication et d'information (comme porte-parole avec un travail d'information pour influencer et négocier l'adhésion d'autrui, ainsi qu'un travail d'interface entre le dedans et le dehors), (3) un rTMle de formation (comme porte-parole implicite de l'expérience de l'organisation, de son savoir, qui est enseigné et transmise par le biais de la narration) et pour finir (4) un rTMle de décisionnaire (rTMle qui est relatif car l'esprit associatif règne solidement chez MSF avec des décisions du collectif prises au siège, mais pour les aspects locaux, il est le chef et doit être capable de prendre des décisions pour l'opérationnalité des missions en cours).

Il serait aussi souhaitable de poursuivre la recherche que nous avons entreprise en s'attachant plus précisément à voir les perceptions de l'identité organisationnelle de MSF à l'extérieur de l'organisation et sa participation à son être. Les différences culturelles ou le choc des identités serait une piste intéressante à exploiter, dans le sens oü MSF par son action est amenée à rencontrer et à interagir avec de nombreuses cultures, cela en plus d'avoir cette multiplicité culturelle au sein même de son organisation, avec des membres issus de tous les continents. Ajoutons, qu'au même titre que l'on parle d'un travail de face ou de figuration, d'après Goffman, on se rend compte qu'on peut aussi parler de face organisationnelle et ceci pourrait être à explorer. En effet, dans nos analyses, nous nous sommes rendue compte de l'importance chez MSF du regard qu'elle pose sur l'autre et qu'autrui peut porter sur l'organisation, cela en ne voulant pas Çcasser le systèmeÈ dans ses interventions et respecter l'autre. Ces éléments pourraient donc s'apparenter aux principes de garder la face et celui de préserver la face de l'autre d'Erving Goffman, mais au niveau organisationnel.

avoir, tant de recherches à mener lorsque l'on s'intéresse à la sphère MSF. Cette organisation, son fonctionnement, son identité, sa raison d'être, ses idéologies, ses actions et ses a cteurs sont une mine d'informations pour un chercheur. Cependant, nous pourrions aussi envisager pour le futur une recherche sur la construction de l'identité organisationnelle d'une autre ONG que Médecins Sans Frontières. Il serait aussi stimulant de s'in téresser aux représentations de l'organisation dans le cadre de son identité, en poussant cette idée dans la dynamique de ce que l'on appelle aujourd'hui le monde du web 2.0. Les chercheurs de l'Ecole de Montréal et les autres ont donc encore de nombreuses réflexions à mener.

7.4 Commentaire personnel

Ce mémoire qui avait pour but de mener une réflexion sur l'identité organisationnelle de Médecins Sans Frontières m'a permis par la même occasion de m'interroger sur ma propre identité. Cette quête m'a révélé qu'empli de doutes et de certitudes, nous sommes toujours en perpétuelle recherche de qui nous sommes, de ce que nous voudrions être et que nous construisons notre identité tous les jours à travers nos paroles et nos actions. Mais cette identité n'aurait pas de sens, sans le regard d'autrui et sa participation, qui nous permet de nous réaliser.

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1 ANNEXE 1 - Transcription Séquence A (durée : 28 min 30 sec)

2 Réunion d'information MSF à l'hôpital de Mumba

3

4 ((Le chant d'un coq fait irruption tout au long de cette séquence

5 coupant en partie la parole à Max, accompagné de temps en

6 temps de pleurs d'enfants))

7

8 Max Euh:: les gens de MSF se présenter (.) commençons peut-être par

9 Jean-Pierre =

10

11 Jean-Pierre =Oh oui je réponds au nom de Jean-Pierre Barjavel (.) je suis

12 administrateur assistant MSF (.)

13

14 Isabelle Moi c'est Isabelle (.) je suis l'administratrice à Béni (.) donc

15 pour le Nord-Kivu

16

17 Gérard Euh Gérard (.) je suis responsable des ressources humaines de

18 euh sur la RDC (ASP) et: euh:: j'suis suis passé par Kinshasa

19

20 Jonathan Jonathan j'suis LOG admin euh de Kiwandja

21

22 Eric Ben Eric (.) euh: responsable euh: terrain ici euh: pour MSF euh: à

23 Mumba et voilà

24

25 (3.0)

26

27 Docteur Joseph Ok on a demandé seulement à l'équipe de: MSF de présenter euh

28 sinon:: nous avons l'équipe de l'hôpital aussi ((se tourne vers Max

29 qui hoche la tête en signe d'accord)) ils sont nombreux euh nous

30 sommes actuellement au nombre de: cinquante:::

31

32 X Quatre

33

34 Docteur Joseph Quatre personnes et il n'y a pas moyen qu'on donne à chacun la

35 parole pour se présenter. Au nom de l'équipe donc c'est ((fait des

36 gestes avec les bras)) euh c'est toute la c'est tout l'hôpital qui est

37 présent ici ((il s'enfonce au fond de sa chaise et croise ses bras))

38

39 (3.0)

40

41 Max Donc comme je vous ai dit hein c'est une rencontre d'information

42 d'abord j'souhaite un peu vous présenter MSFtd'abord qu'est ce

43 que c'est MSFt euh: à commencer par le Congo donc j'vous ai

44 déjà dit que MSF ben on travaille au Nord-Kivu depuis euh:

45 depuis 2002 on est aussi présent dans le Katanga euh la j'ai pas

46 les dates ca fait déjà euh: ça fait déjà plusieurs années euh ya eu

47 aussi ya aussi une équipe de coordination qui est basée à Kinshasa

48 avec un chef de mission avec Gérard entre autres qui travaille sur

49 les ressources humaines entre autres pour toute la RDC ya

50 Carole que vous avez vue qui est la coordinatrice médicale euh:

51 qui travaille aussi qui est basée à Kinshasa donc ya une

52 Coordinationt à Kinshasa ya une coordination au Katanga et au

53 Katanga ya un projet en cours à Roukourou ya un projet à Kitengi

54 ya un un projet euh: à::: =

55

56 Eric =Moukoubou=

57

58 Max =Moukoubou euh:: et ici au Nord Kivu euh: donc on a des projets

59 a Béni on a des projets à Laika et des projets euh à: Mumba (.)

60 donc ça c'est c'est pour la partie euh::: la partie que (.) donc

61 tMSF ça a été démarré en 1971 euh:: par des médecins français (.)

62 ensuite de ça le mouvement s'est internationalisé ya d'autres

63 sections (.) opérationnelles qui sont venu (.) donc Ya 5 sections

64 donc ya MSF France ya MSF Hollande ya MSF Belgique ya

65 MSF Espagne et ya MSF Suisse (.) ces 5 sections euh: sont

66 présentes au Congo (.) hein MSF Suisse ils sont à Bougna MSF

67 Hollande ils sont aussi à Goma mais ils travaillent un peu plus

68 vers le sud Kivu ya MSF Belgique qui est vers l'équateur et euh::

69 province orientale ya MSF Espagne qui est aussi dans le Katenga

70 MSF Belgique ils sont aussi à:: Kin- ((se tourne vers Gerard)) à

71 Kinshasa donc ya quand même.i. tdonc parfois les cinq sections

72 sont dans un pays parfois ya seulement une section et ya aussi des

73 sections partenaires ya 12 sections partenaires euh::

74

75 (2.0)

76

77 Max Qui participent à recruter du personnel à recruter des fonds Euh::

78 MSF Canada MSF Etats-Unis MSF euh:: Australie Japon Suede

79 donc ya: ya une douzaine de- de sections partenaires .i.

80

81 (2.0)

82

83 Max Même si MSF France est basé on dit MSF France parce que le

84 siege est basé à Paris hein mais c'est pas euh: ça a l'air ça n'a

85 /aucun /lien avec la France (.) dans ce sens oü euh: Tout le

86 monde peut venir travailler pour une des sections opérationnelles.

87 Moi même par exemple j'suis Canadien j'suis pas Français, mais

88 j'travaille avec euh: avec MSF France euh c'est important parce

89 que euh: quand on va revenir sur les principes de MSF entre autres

90 le principe d'indépendance, on est td'aucune façon tlié au

91 gouvernement français belge hollandais ou etc c'est du fait que les

92 Qu- les les sieges sociaux soient basés dans ces capitales là hein

93 (.) donc ya ça\ euh (.) ((il sÕéclaircie la voix))

94

95 (2.0)

96

97 Max Donc les grands principes (.) de base de Médecins Sans

98 Frontiéres=Médecins Sans Frontiéres donc cÕest une organisation

99 médicale (.) dÕurgence euh: on intervient principalement dans des::

100 zones de conflit euh dans des endroits oil ya eu des catastrophes

101 naturelles ((bouge ses main et penche sa tete)) euh pour venir en

102 appui euh aux populations dans des situations précaires dans des

103 situations de danger (.) donc cÕest::: (.) le cas ((bouge ses mains

104 en faisant une sorte de reverence)) au f Congo ((regarde ses notes

105 sur la table)) et puis euh dÕurgence parce quÕon nÕest pas là en

106 principe pour du long terme on fait pas de de de développement (.)

107 on est là pour des des appuis f ponctuels dans des moments euh::

108 plus difficiles euh:: dans des contextes euh:: souvent oil euh de

109 /violence (.) donc ça ça cÕest aussi une difference par rapport à

110 dÕautres organisations

111

112 (2.0)

113

114 Max Comment MSF fonctionne pour son f fi::nancement ((bouge ses

115 mains)) donc cÕest une association MSF? euh: 85 à 90 % des

116 Fonds (.) de Médecins Sans Frontiéres sont des fonds privés (.)

117 cÕest à dire que cÕest moi qui donne ((fait des gestes vers lui)) de

118 lÕargent mon frére ma mere ((fait des gestes vers le public dans la

119 salle)) votre frére votre cousin votre oncle qui a 1$ qui a 5$ qui a

120 10$ et qui fait une donation à Médecins Sans Frontiéres Donc

121 cÕest cet argent cÕest avec cet argent là que Médecins Sans

122 Frontiéres euh arrive à faire des programmes dÕurgence euh:: dans

123 les milieux dans des contextes de violence ou dans des les

124 contextes oil ya des catastrophes naturelles (.) Donc ça cÕest le 85

125 à 90 % et le 10 15 % restant ya un peu de fond institutionnel les

126 institutions que vous connaissez comme Echo USAid euh:: ou

127 dÕautres (.) donc ça aussi cÕest::: ça me semble quand meme assez

128 important dans la mesure oil Médecins Sans Frontiéres est une

129 organisation tindépendante (.) donc on nÕest pas euh:: on nÕest pas

130 sujet à:: aucunes politiques nationales euh on nÕest pas lie à

131 aucuns f gouvernements on nÕest pas lie à aucunes forces

132 militaires donc quand on intervient par exemple comme ici au

133 Congo MSF, par souci dÕindépendance euh:: Ne va pas faire

134 #? aucuns convois avec aucuns militaires quÕils soient FARDC ou

135 quÕils soient MONUC hein euh par souci #? dÕindépendance euh

136 pour pas créer de #? confusion dans la tete euh des populations et on

137 soigne ttout le monde (.) donc on va soigner euh:: tous les

138 belligérants hein au conflit (.) du moment que ya un blessé

139 j militaire bein il devient non combattant ((fait des gestes avec une

140 main)), qu'il soit FDLR, May May, FARDC euh:: ou autre (.)

141 MSF ne fait ? aucunes ?discriminations à la prise en charge euh::

142 des patients (.) donc ça aussi c'est un autre des principes ((fait un

143 geste de la main de soi vers le public)) importants de Médecins

144 Sans Frontiéres on on soigne tout le monde sans aucunes

145 discriminations ((compte avec ses mains )) de religion de politique

146 euh:: d' I' ethnie de de et de groupe euh donc pas de politique pas

147 de religion pas:: de de d'ethnie on est là pour soigner tout le

148 monde ça aussi c'est un autre des principes euh:: fondateurs de

149 Médecins Sans Frontiéres

150

151 (5.0) ((Chant dÕun coq et silence dans la salle))

152

153 Max Que dire d'autre ? (.) sur Médecins Sans Frontiéres

154

155 (6.0)

156

157 Max ((Max se tourne vers la droite oil se trouve les collaborateurs de

158 MSF et sÕadresse à eux)) Des choses à ajouter ? (.)

159

160 Max ?Des questions par rapport à ça ? ((Max se tourne vers le public de

161 la salle))

162

163 (12.0)

164

165 Max ?Pas de questions (.)

166

167 Docteur Joseph Ou bien on n'a pas de soucis, ça arrive aussi ((rire et décroise ses

168 bras))=

169

170 ((Max et quelques personnes rigolent dans la salle))

171

172 Max =Si ya des choses si ya des choses qui sont pas claires ((Docteur

173 Joseph recroise ses bras en souriant)) faut pas se gêner ((le visage

174 de Docteur Joseph se ferme)) hein euh

175

176 (5.0)

177

178 Max si ya des questions qui vous reviennent plus tard (.) il sera toujours

179 temps (.) ((Docteur Joseph fait un signe dÕaccord en hochant la

180 tete)) par rapport à ça donc maintenant j'voulais un peu::: revenir

181 un peu::: aussi sur f l'entente euh:: que nous avons prise ici (.)

182 avec les autorités sanitaires avec le bureau central avec euh

183 l'hTMpital (.) avec le comité de gestion euh de l'hTMpital donc on a

184 signé un protocole d'ent- euh d'accord? qui a commencé le 7 (( se

185 tourne vers Eric et Docteur Joseph)) j Octobre ((Docteur Joseph

186 hoche de la tete pour montrer son accord)) (.) j'vais revenir un

187 peu sur l'esprit/ de cet accord là de cette entente là qu'est ce que

188 ça veut dire comment on va faire comment on va mettre en place

189 quels moyens on va se donner pour faire ça (.) donc comme je

190 vous ai dit on a prit un p'tit peu on a prit on supporte l'hôpital à

191 Laika aussi donc c'qu'on c'qu'on souhaite faire donc le systeme

192 de santé congolais euh::: le f principe c'est que d'abord les gens

193 doivent aller consulter dans un soit dans un poste de santé soit

194 dans un centre de santé euh c'est la première ligne (.) si ça:: si ya

195 besoin de f soins supplémentaires à ce moment là on doit référer

196 soit vers le centre de santé de référence soit vers l'hôpital euh de

197 référence ((Docteur Joseph tousse)) donc l'idée pour MSF ce

198 n'est pas de tca::sser ((fait des gestes de guillemets avec ses

199 doigts)) le systeme on est pas là euh::: pour défaire I tout mais

200 pour venir en appui euh les populations ici subissent des

201 violences depuis maintenant plusieurs années du fait de ces

202 violences là déplacements de population paupérisation de la

203 population qui a difficilement accés euh aux soins plus

204 particuliérement aux soins secondaires oil on peut sauver

205 beaucoup de vies euh:: avec les soins secondaires donc l'idée

206 c'est de faire un appui essentiellement sur les soins secondaires

207 pour que les soins primaires puissent continuer à fonctionner dans

208 le systeme de recouvrement des couts que les gens puissent

209 continuer à avoir confiance de ce systeme là tout en sachant que

210 si ya un gros pépin ben que les centres de santé vont référer les

211 patients vers l'hôpital et qu'à l'hôpital ils pourront être pris en

212 charge gratuitement (.) euh donc ça aussi c'est une une politique

213 de Médecins Sans Frontiéres quand Médecins Sans Frontiéres

214 fait un appui euh::: soit à un hôpital ou dans d'autres circonstances

215 dans un camp de déplacés ou etc ?Médecins Sans Frontiéres fait

216 toujours des soins ?gratuits (.) euh on n'est pas un ?bailleur de

217 fond ?Médecins Sans Frontiéres ne va pas #?Donner ((fait des

218 gestes avec ses mains notamment vers Docteur Joseph)) de

219 l'argent à un centre de santé ou à un hôpital etc etc Médecins

220 Sans Frontiéres est une organisation indépendante on fait euh

221 Médecins Sans Frontiéres fait tout par lui ?même c'est à dire qu'il

222 va pas donner d'argent ou des médicaments sans être #?Présent (.)

223 euh:: toujours en travaillant en collaboration évidemment avec les

224 gens qui sont déjà dans ces dans ces structures là hein

225

226 (2.0)

227

228 Max Donc c'est c'est ça l'idée aujourd'hui c'est c'est d'appuyer

229 l'hôpital de Mumba euh avec une prise en charge de qualité euh

230 pour les patients une prise en charge f gratuite donc pour faire ça

231 euh:: et pour pas non plus tout euh:: tout euh briser le système

232 donc M- Médecins Sans Frontières va euh donner des primes

233 (.) à tout le personnel (.) de l'hôpital (.) de la GR de Mumba euh::

234 en complément de la prime CEMUBAC hein donc euh on va donc

235 la prime CEMUBAC est toujours làt euh Médecins Sans

236 Frontières va prendre cette portion là (.) la déduire du montant euh

237 que normalement MSF payerai (.) que si vous aviez 10$ de du

238 CEMUBAC euh: et si MSF euh pour le poste que vous avez vous

239 donne vous donnerai normalement 50$t donc le 50$t on va

240 déduire le 10$t MSF va vous donner 40$t et le CEMUBAC 10$t

241 ça vous fera toujours le 50$t donc ça on y reviendra un peu plus

242 dans le détail ((Max se tourne vers Gérard)) ben Gérard pourra

243 vous expliquer un p'tit peu ((fait des gestes avec ses mains)) ya

244 une échelle de fonctions à Médecins Sans Frontières on va y

245 revenir après ((Max regarde ses notes sur la table))

246

247 (2.0)

248

249 Max Donc ttous les services de l'hôpital auront la tprime par contre

250 1.ya un serv- ya quelques services euh (.) que MSF ne va pas::

251 entrer directement là ici j'fais référence à la maternité (.) et à la

252 consultation externe tpourquoi ? (.) parce que la maternité euh::

253 c'est du soin primaire à la #?base euh les femmes qui vont

254 consulter viennent pour un accouchement pas seulement à

255 l'hôpital ils vont dans les centres de santé ici dans la zone de santé

256 donc toujours dans le méme esprit t de pas casser t de pas briser le

257 système existant (.) les gens ont confiance d'aller euh accoucher

258 dans les centres de santé donc ça euh ya les gens vont continuer à

259 payer pour euh un accouchement eutocique ((s'adresse au

260 Docteur Joseph tout BAS)) euh ici c'est quoi c'est 6 7$ ? +

261

262 Docteur Joseph C'est 6$ ((il reste les bras croisés et racle sa gorge ))

263

264 Max Donc 6$ donc ça ça va rester on va quand même on va quand

265 méme ici payer une prime euh pour ceux et celles qui travaillent à

266 la maternité euh:: parce que:: l'hôpital va avoir moins de revenus

267 donc yaura plus de ponctions (.) salariales pour l'hôpital euh::

268 pour ces salariés là (.) donc euh tMSF euh prend en charge cette

269 partie là euh de prime mais les patients vont quand méme payer

270 c'qui va permettre à l'hôpital de continuer à acheter des

271 médicaments du matériel à sms pour les services de maternité

272 et de:::

273

274 X (TOUT BAS) dispensaire +

275

276 Max Du dispensaire ((fait un geste de la main vers la personne qui lui a

277 soufflé l'information)) donc ça aussi ça vous tça permet à la GR

278 de pas se mettre en marge du système on parle plutôt de de soins

279 primaires

280

281 (4.0)

282

283 Max Donc voilà un peu le l'idée l'esprit de de cette entente là de cet

284 accord là euh (.) c'qui est clair c'est que ça va amener euh de la

285 tRéorganisation euh::: (.) dans tl'hôpital (.) ça risque d'amener

286 une hausse de l'activité dans tl'hôpital euh donc attendez vous

287 pas à travailler moins fort avec MSF attendez vous à travailler

288 tplus tfort avec MSF Ah Ah Ah on a:: déjà vu déjà revu par

289 exemple les horaires de travail avec vous hein euh:: ça par de ce

290 côté-là j'pense que c'est ça semble satisfaisant pour tout le

291 monde en tout cas de c'que j'ai entendu en tous cas les gens

292 semblent être plutôt heureux euh de cette réorganisation des

293 horaires tdonc ça c'est pour reprendre un exemple mais yaura

294 dans les prochaines semaines dans les prochains mois yaura toutes

295 sortes de réorganisation comme celle-là hein qui peut être parfois

296 vont vous qui vont êtreconfrontantes (.) seront peut-être euh::

297 vont peut-être ((fait le geste des guillemets avec ses doigts))

298 déstabilisantes parfois on va tenter des expériences aussi euh::

299 c'est aussi à vous ((fait des gestes vers le public de la salle)) à

300 nous dire tout ça hein on fait en tcollaboration on est pas là pour

301 timposer les choses on tpropose des tchoses et puis on essaye de

302 voir tous ensemble après à vous de nous faire des retours si euh

303 si ya des insatisfactions si ya des difficultés parfois on va présenter

304 des choses euh:: peut être que ça fonctionnera pas peut être que ça

305 va fonctionner donc là j'pense l'exemple des des horaires parce

306 qu'on m'a dit que:: que les gens semblait plutôt satisfait de cette

307 réorganisation.i. là.i. donc yaura td'autres exemples comme ça

308 euh::: pour en reprendre un autre ben la pharmaciet c'est euh::

309 c'est Médecins Sans Frontières qui va fournir ((fait un geste de lui310 vers le public de la salle)) les médicaments on va le faire service

311 par service donc vous vous étiez habitué à fonctionner avec une

312 pharmacie centrale avec des commandes chaque matin pour

313 chaque service là on va plutôt faire une pharmacie par service (.)

314 avec une commande euh:: par semaine donc euh les superviseurs

315 de chaque service sont en charge du suivi de la de la pharmacie du

316 suivi des consommations ça c'est des choses importantes à (coupe

317 video) tMSF on fait des tcommandes à peu près à tous les tsix

318 mois (.) qui vient qui vient par bateau donc il faut planifier

319 d'avance et il faut avoir des bonnes consommationssavoir

320 combien on consomme exactement par service pour être le plus

321 près possible de la réalité quand on va lorsqu'on va faire une

322 commande (.) par exemple((regarde ses notes sur la table))

323

324 (2.0)

325

326 Max Donc j'pourrais pas vous énumérer (.) tout ce qu'on va réorganiser

327 tout ça va se faire au fur et à mesure avec tvous hein on a pré

328 réorganisé un peu le bloc (.) on a pré réorganisé la stérilisation (.)

329 euh:: donc ça aussi euh:: ça va amener on va rajouter du personnel

330 oü yaura des besoins euh j'pense qu'entre autres sur la tgarde de

331 nuit oü yavait 2 infirmiers pour tout l'hôpital ça faisait une tache

332 t colossale euh ((se tourne vers Docteur Joseph)) là on a déjà

333 ajouté 2 infirmiers supplémentaires? ((Docteur Joseph hoche de

334 la tête tout en restant les bras croisés, puis il se tourne vers Eric ))

335 donc ça fait 4 infirmiers pour les gardes chaque nuit c'est ça?

336

337 Eric En fait on a fait par service (.) là euh:: on a ajouté 2 infirmiers sur

338 le:: service de pédiatrie et 2 infirmiers euh sur le service de

339 chirurgie (.) pour faire des roulements et avoir 1 infirmier

340 ttoujours sur t chaque t service (.) et ((se tourne vers Max qui

341 hoche de la tête pour manifester son accord)) c'est à dire que les

342 infirmiers tournent plus sur tout l'hôpital juste sur leur service

343

344 Max Donc ces réorganisations là:: on les fait avec vous j'pense que

345 vous ((jette un coup d'oeil vers Docteur Joseph qui hoche de la

346 tête en restant sto
·que
)) aussi vous aviez constaté qu'il y avait des

347 besoins de ce côté là et euh tout ça pour amener euh:: pour essayer

348 euh:: d'avoir des soins de meilleure qualité hein le fait d'être plus

349 d'infirmiers sur une garde va faire en sorte que:: les patients vont

350 bénéficier d'un travail de meilleur tqualité donc on s'est c'est

351 plutôt en ces termes tlà qu'on souhaite voir la réorganisation avec

352 vous tMédecins Sans Frontières a quand même une texpertise

353 depuis une trentaine d'années dans ce dans ce type de contexte là

354 et puis on:: tMédecins Sans Frontières travaille dans des hôpitaux

355 euh depuis depuis longtemps aussi (.) mais donc ça ((se tourne

356 vers Docteur Joseph)) c'est toujours fait en partenariat euh avec

357 vous avec la direction de l'hôpital avec la direction du DCZ ((se

358 tourne vers Docteur Joseph)) donc on n'est pas là non plus pour

359 imposer les choses euh: on est là pour essayer de travailler avec

360 tvous mais c'est sür qu'on a des expertises et qu'on qu'on veut

361 les partager avecvous (.) ensuite on vous remettra aussi du

362 matériel à la disposition de l'hôpital donc à:: votre dispositiont

363 euh:: dans les services au bloc euh on aura aussi du du matériel

364 euh de tsupport une bibliothèque opérationnelle à Médecins Sans

365 Frontièrest euh vous avez déjà surement vu les guides les guides

366 cliniques euh donc ça ce sera aussi c'est des outils qu'on vous

367 perm- qu'on met à votre disposition c'est ça aussi c'est à vous à

368 tVous les tapproprier ces toutils là qu'on va mettre dans les

369 services etc euh: ben aussi à tvous de de d'utiliser ce matériel là

370 (.) donc tout ça pour dire ça fait beaucoup td'ajustements euh:: on

371 vous demande un peu de flex::ibilité par ça par rapport à ça euh

372 parfois ça va faire des /frictions parfois ça va peut être faire des

373 /mécontents ((fait de s gestes avec ses mains et montre plus ou

374 moins Docteur Joseph)) euh:: il s'agit de pas garder son

375 mécontentementt mais de venir en tdiscuter euh et comme ça euh

376 on peut aplanir les difficultés (.) une autre chose donc dans cette

377 réorganis- dans cette réorganisation là euh:: comme Eric ((se

378 tourne vers Eric)) l'a dit là au lieu de bouger sur tous les services

379 on va plutôt se concentrer sur des services donc on va revoir

380 donc j'pense que c'est déjà en cours avec Docteur Joseph

381 ((Docteur Joseph hoche de la tête en signe d'accord)) on a revu

382 des profils de poste donc ça pour moi par exemple les profils de

383 poste c'est une chose qui doit demeurer vivante (.) et qui vous

384 appartient aussi (.) c'est pas seulement à nous ((fait des gestes vers

385 lui)) à faire la description du profil de poste c'est aussi à vous:: à

386 vous tl'approprier et à dire bein après trois quatre six huit

387 semaines (.) euh:: à un poste qui est un peu changé par rapport

388 peut être à celui que vous aviez (.) à nous dire ben ça fait pas parti

389 de mon profil de poste parce que dans la réalité ça je le fais pas

390 mais dans la réalité ça je le fais et c'est pas dans mon profil de

391 poste (.) donc ça aussi à vous à nous faire des retours sur ça euh::

392 tranquillement (.) polé polé ? ((qui se traduit parÇ Lentement,

393 lentement È en Swahili))

394

395 (6.0)

396

397 Max Ensuite (TOUT BAS) qu'est ce que je voulais euh donc maternité

398 + donc là on a commencé avec euh on a pri- on vous accompagne

399 au bloc on vous accompagne à la::: pédiatrie on va faire ça

400 graduellement on va reprendre tous les services de l'hôpital

401 comme j'vous l'ai dit sauf la maternité sauf la:: le dispensaire (.)

402 par contre pour la maternité c'est pas parce qu'on est pas:: qu'on

403 y est pas directement (.) qu'on se parle pas (.) parce que dans la

404 maternité ya beaucoup de cas qui vont passés d'un accouchement

405 eutocique à:: euh pour passer au /bloc vers la césarienne (.) donc

406 euh c'est clair que l'équipe de chirurgie va va y passer de temps à

407 autre voir comment ça se passe de votre côté euh:: la stérilisation

408 qu'on va mettre en place euh:: pourra très bien servir aussi euh

409 pour le service de maternité donc c'est pas parce qu'on:: qu'on y

410 est tpas euh:: complètement (.) qu'on collabore plus et qu'on se

411 parle pas (.) ça aussi ça me semble euh:: ça me semble importantt

412 (.)

413

414 Eric Juste en rajout euh:: aussi quand tu parles de tous les services de

415 l ' hôpital euh:: on inclut pas non plus laboratoire et euh =

416

417 Max =La radio=

418

419 Eric =La radiographie (.) voilà ((se tourne vers Max))

420

421 Max Donc ça euh à chaque fois qu'on utilisera le labo et la radio euh ce

422 sera refacturé à Médecins Sans Frontières euh pour ces services là

423 (.) euh donc ça aussi ça va permettre à l'hôpital de continuer à

424 acheter du matériel euh via srams et ne pas se mettre en marge

425 euh du système ((regarde ses notes sur la table))

426

427 (4.0)

428

429 Max Une fois qu'on aura:: repris avec tvous tous les services ton va

430 mettre en place une salle d'urgence euh de soins intensifs et euh

431 observation (.) normalement j'pense ((se tourne vers Eric)) qu'on

432 va utiliser la salle qui est ici ((Docteur Joseph hoche de la tête en

433 restant sto
·que et les bras croisés
)) et euh::: tinquiétez vous pas

434 on va vous trouver une autre salle de réunion Ah Ah donc on va:::

435 mettre ici une salle d'urgence tsoins intensifs (.) et euh::

436 tobservation donc euh un peu le tpremier passage de l'hôpital

437 parfois pour stabiliser le patient avant de le diriger vers un un un

438 un des services ou un autre ou avant de monter au bloc tou si on

439 est pas certain si le patient doit être hospitalisé si on peut le garder

440 donc on:: fera un lieu d'observation pour quelques heures et /pour

441 les cas qui ont besoin de soins intensifs les cas qui sont ttrès

442 lourds qui sont ttrès graves pourront aussi demeurer ((se tourne et

443 regarde Eric )) dans ce service là ici =

444

445 Eric = La chose c'est que:: les gens qui viendr- bein toutes les

446 références qui se feront à l'hôpital pourront passer par ce service

447 là ce sera beaucoup plus simple et ensuite on pourra dispatcher

448 dans le bon service au bon endroit en sachant que ya de la place

449 dans le les services (.) pareil pour le dispensaire après qui pourra

450 référer les patients sur la salle d'urgence pour après les dispatcher

451 sur les services après

452

453 Max a devrai s'mettre en place euh:: ((regarde ses notes sur la table))

454 tranquillement et progressivement euh:: une fois qu'on aura repris

455 avec tvous tous les services

456

457 (7.0)

458

459 ((Bruit de l'alarme d'une montre))

460

461 Max On va aussi euh:: (.) yÕavait une question? ? (1.0) avec le PAM?

462 on a prit une entente avec le::: programme euh:: alimentaire

463 mondial euh pour fournir la nourriture aux patients et aux

464 accompagnants donc euh:: et à oui ça veut dire tun accompagnant

465 pas ?aux accompagnants Ah Ah donc un patient un accompagnant

466 donc euh::: on::: on a reçu de la nourriture du PAM il faut quÕon

467 mette tout ça (.) ((fait des gestes avec ses mains)) en /branle euh

468 par contre là dans dans dans ce cas-ci on va faire tout dÕun coup

469 on va pas prendre service pas service pour faire la difference euh

470 donc ça on espére? pouvoir faire démarrer vers la fin de la

471 semaine prochaine (.) le temps quÕon sÕorganise ça va etre des des

472 rations sèches qui vont etre remis aux (.) aux patients et aux

473 accompagnants cÕest une ration de 2100 (.) kilocalories par ?jour

474 euh qui est recommandé par ?par lÕOMS (.) donc et ce sera aux

475 accompagnants à les à cuisiner ces rations là euh pour leurs

476 patients donc on va aussi (.) fournir le materiel euh de cuisson

477 donc euh le ?charbon euh::: les les les chaudrons les cuillères etc

478 =

479

480 Eric = [Les braseros

481

482 Docteur Joseph = [Les braseros

483

484 Max ((se tourne vers Eric)) Les braseros voilà je cherchais le mot (.)

485 ((met la main sur son front)) le #?brasero euh:: ((regarde ses notes

486 sur la table)) donc ça donc ça aussi ça va etre une autre chose hein

487 quand jÕvous parle de reorganisation ça va demander un pÕtit peu

488 de temps à se mettre en place (.) euh ?moi jÕpense par exemple

489 quÕil serait intéressant pour fonctionner avec ça cÕest que dans::

490 chaque service y est:: ((Sonnerie de téléphone qui s'arrete

491 rapidement aprés que Max ai touché sa poche)) y est un tableau

492 et quÕon puisse tous les matins tous les soirs inscrire le nombre de

493 patients quÕy a dans chaque service et là euh on va (.) ya

494 quelquÕun euh quÕon va embaucher pour faire la distribution euh

495 ?tous les matins et euh cette ration #?là devrait servir pour toute la

496 journée pour le patient et lÕaccompagnant (.) et peut etre que le

497 ?soir une fois quÕon aura efi euh deux cinq dix admissions (.) ces

498 patients pourront recevoir aussi aprés les admissions le soir ((Bip))

499 donc quÕon fera probablement une ?grande distribution le matin?

500 et le soir pour les quelques patients qui auront été admis euh:::

501 durant la journée ((regarde ses notes sur la table))

502

503 (5.0)

504

505 Max Donc voilà à peu prés pour euh:: ?nourriture:: ?

506

507 (4 . 0)

508

509 Max Est ce qu'il y a des questions jusque là ? (.) OUT

1 ANNEXE 2 - Transcription Séquence B (durée : 19 min 21 sec)

2 Rencontre entre Max, Carole et deux officiers de la MONUC

3

4 MONUC 1 you coming from Canada

5

6 Cooren Canada yeah Montreal

7

8 MONUC 1 ((Inaudible il semble parler en indi))

9

10 Max well:: (.) we spend 2 3 days here after tomorrow we are going to

11 Rutshuru

12

13 MONUC 1 ok

14

15 Max we euh just to do our medical activities report for the past 3

1 6 months ((donne le rapport à MONUC 1)) euh:: for the all:: Nord-

17 Kivu

18

19 MONUC 1 ok Nord-Kivu

20

21 Max but unfortunately it's in french (RIRE)

22

23 MONUC 1 I need english (RIRE)

24

25 Max but if somebod- if you want to keep it and somebody wants to

26 translate it if someone wants to see the data

27

28 MONUC 1 you have other copy also?

29

30 Max it's a copy for you

31

32 MONUC 1 you can give it to me, me I can interpreted it interpret it on reverse

33

34 Max (inaudible)

35

36 MONUC 1 Please

37

38 ((MONUC 1 fait entrer tout le monde sous une tente en bois))

39

40 Cooren thank you

41

42 ((on entend quelqu'un tousser))

43

44 Max So last time I came we had some (.) problems with the May May

45

46 MONUC 1 and the very next day=

47

48 Max =the very next day (.) [they missed to rugabou

49

50 MONUC 1 [I need to remember so how sticky how

51 caviar he euh how I don't what we are saying you how they can

52 touch MSF people so I don't know if it's you jinsengtsia when

53 you make in Laika in front of hospital remember he was a hero to

54 come here (.) ok let me speak land of nord-kivu

55

56 Max hum hum

57

58 MONUC 1 to chef or anyone (.) in Goma I spoken to him and the night we

59 came to know provide them transport tomorrow morning they

60 have to livedthis place then (.) [then they stop it I think from

61 here

62

63 Max [so it was done the quite only

64 euh (.)

65

66 MONUC 1 I know you have also (.) a good chain also (.) it was reported to

67 Goma

68

69 Max hum hum

70

71 MONUC 1 to your chain also

72

73 Max hum hum

74

75 MONUC 1 it was reported

76

77 ((Un serveur en habit militaire passe avec un plateau et donne des

78 verres d'eau à tout le monde))

79

80 Cooren thank you

81

82 MONUC 1 then hum I don't know but we provide them the transport

83

84 Max oh that's good news (.) ((il boit de l'eau)) that's definitely a

85 good news and euh so now the the major problem left is still with

86 the FDLR

87

88 MONUC 1 FDLR (TOUT BAS) makes problems + ((il arrête un homme en

89 habit militaire qui passe prés de la tente)) hello Lison what would

90 you have to have

91

92 Max it's fine with me water is perfect

93

94 ((MONUC 1 s'adresse à Cooren))

95

96 MONUC 1 so what do you like to have it is juice tea coffee what have a have

97

98 Cooren euh juice ok

99

100 MONUC 1 juice

101

102 ((MONUC 1 pivote et regarde Carole))

103

104 Carole nothing thank you

105

106 MONUC 1 nothing we don't have (RIRE)

107

108 Carole thank you

109

110 ((MONUC 1 pivote et regarde Max))

111

112 Max water water it's just good for me

113

114 MONUC 1 ok a juice likiena ((Il parle à l'homme en habit militaire qui est

115 en-dehors de la tente)) (.) ((Il s'adresse à Max)) tea coffee black

116 coffee?

117

118 Max euh no thanks I already have 2 coffee this morning that's enough

119 for me (RIRE)

120

121 MONUC 1 ((Inaudible il semble parler en indi en s'adressant à l'homme qui

122 est en-dehors de la tente))

123

124 MONUC 2 juice likiena

125

126 MONUC 1 ((Inaudible il semble parler en indi en s'adressant à l'homme qui

127 est en-dehors de la tente))

128

129 ((MONUC 1 boit de l'eau)) (3.0)

130

131 Max my team have seen euh:: a helicopter (.) landing in Laika for the

132 past:: couple of days=

133

134 MONUC 1 =day before yesterday yes I don't know what is there euh general

135 of with here and commandant nord-kivu are from India

136

137 Max hum hum hum

138

139 MONUC 1 ((inaudible)) they come (.) they are going to ((inaudible)) Somalia

140 witch is ((inaudible)) and euh general here say that he want to

141 meet my people in order to see Camp those witch was a couple

142 May May people

143

144 Max ok

145

146 MONUC 1 that's why they're landing in

147

148 Max ok

149

150 MONUC 1 and euh chart notice I was order to seeing them and now they

151 want to see them=

152

153 Max =and now the FRDC they took this camp

154

155 MONUC 1 yes yes yes they say them by palatum

156

157 Max ok and euh:: any discussion with the FDLR ? because now we

158 have a lot of euh rumours that euh:: is gone a be that's some kind

159 of a deadline for them then they accept to demobilize and go

160 back or they're gone a be some kind of a:: deadline for euh for

161 fighting or euh

162

163 (2.0)

164

165 Max because the camp here is still ready to receive them?

166

167 MONUC 1 I don't think (.) ((il commence à toucher ses cheveux)) these are

168 all rumours frankly these are all rumours nothing is going to

169 happen ((il arrête de se toucher les cheveux)) because everybody

170 knows that why they didn't go to Rwanda:: it is a question of my

171 why they don't go to Rwanda to get kill hein they lindja fighting

172 here hein isn'it ?

173

174 Max hum hum hum

175

176 MONUC 1 I don't think there is a solution (.) this is not a simply problem this

177 is a political problem so there is nothing to do it with them just the

178 time frankly I don't know the solution

179

180 Max yes but it's been 12yearsit's it's not clear (RIRE)

181

182 MONUC 1 It's not very easy you know it's not very easy (.) to tell them you

183 go and they will go

184

185 Max hein hein hein (.) but apparently there is a fewa few men

186

187 MONUC 1 ((Il sÕadresse et parle à Cooren qui tient la camera)) I don't know

188 but what are they talking is not official please don't

189

190 Cooren ah ok ok

191

192 (Coupure de la video)

193

194 MONUC 2 It' nice to meeting you ((il regarde la camera))

195

196 Cooren thank you

197

198 Max It's a pleasure (.) so we just bring euh:: every 3 months or 4

199

200 ((Un serveur en habit militaire donne des boissons à ceux qui en

201 avaient commandé précédemment ))

202

203 Cooren thank you

204

205 Max we try to do a medical report on the activities we have euh around

206 the place oh là là merci ((il prend un verre de jus)) and euh so we

207 give you a copy=

208

209 MONUC 2 =ok=

210

211 ((Bruit de fond de personnes qui parlent))

212

213 Max =unfortunately I said it's produce in french so I guess somebody

214 can translate it=

215

216 MONUC 2 =ok

217

218 ((Un verre de jus de fruit est posé sur le table))

219

220 Cooren thank you ((il sÕadresse au serveur))

221

222 ((Fin du bruit de fond ))

223

224 Max so actual ly we have activities in Beni area for euh=

225

226 MONUC 2 =ok

227

228 Max =for victims of sexual violence=

229

230 MONUC 2 =ok=

231

232 Max =euh we ha::ve programs here in Laika=

233

234 MONUC 2 =ok=

235

236 Max =at the hospital euh:: we treating everybody for Free for

237 secondary medical care=

238

239 MONUC 2 =ok=

240

241 Max =so euh anything that's need hospitalization=

242

243 MONUC 2 =ok=

244

245 Max =and we have a program in malnutrition for severally

246 malnourished we take in charge euh in Laika=

247

248 MONUC 2 =ok=

249

250 Max =we have a center for this (.) and we have for the:: moderately

251 malnourished child=

252

253 MONUC 2 =ok=

254

255 Max =for euh:: that we have five centers one in Meriki=

256

257 MONUC 2 =Year=

258

259 Max =that is usually do::ne on monday=

260

261 MONUC 2 =ok=

262

263 Max =one in Lufo=

264

265 MONUC 2 =ok=

266

267 Max =that's usually done on Tuesday=

268

269 MONUC 2 =ok=

270

271 Max =one in::: Kayabayanga that is today=

272

273 MONUC 2 =ok=

274

275 Max =euh tomorrow it's in Laika=

276

277 MONUC 2 =ok=

278

279 Max =and on friday it's in Butsiry around Kamandy=

280

281 MONUC 2 =ok ok

282

283 Max so we are going those places=

284

285 MONUC 2 =ok=

286

287 Max =euh:::=

288

289 MONUC 2 =it's a lot of job because it's a big area=

290

291 Max =year=

292

293 MONUC 2 =and I would say you're doing a good job because I see what

294 they doing in hospital (.) but they are doing a good job not much

295 time I seen lot (inaudible) in Laika hospital and they really it's a

296 good job in them we don't talk about but you see (inaudible) in

297 that kind you are priority specially in surgical those team which

298 you are giving

299

300 MONUC 1 (inaudible)

301

302 MONUC 2 ((il bouge sa tête d'un coté à l'autre)) Ok

303

304 (3.0)

305

306 MONUC 2 so really it's a good job (.) I think good very good

307

308 Max and we are doing (.) pretty the same kind of program in Mumba

309 now we started to work (.) at the hospital also

310

311 MONUC 2 yes

312

313 Max so we are speaking also with your colleague in euh in Kiwandja=

314

315 MONUC 2 =ok=

316

317 Max =and euh::: pretty much the same thing except tha::t we don't take

318 in charge the malnutrition thing because there is some others

319 organisation doing it=

320

321 MONUC 2 =yes and pretty much the same program also=

322

323 Max =year (.) so euh:: the surgical team is there also=

324

325 MONUC 2 =ok=

326

327 Max so euh everybody is welcometo receive treatment euh:: for free

328 euh:: military FDLR we don't do any discrimination=

329

330 MONUC 2 =ok=

331

332 Max =as long as nobody comes with a gun (.) inside the hospital

333 everybody is welcome (.) so whatever reason if you have some

334 [wounded it will be welcome

335

336 MONUC 1 [Excuse me (.) euh you don't listen excuse me at

337 least it comes

338

339 MONUC 2 (inaudible)=

340

341 MONUC 2 =no no no it come and they said what team is coming from in this

342 Laika hospital=

343

344 MONUC 2 =ok=

345

346 MONUC 1 =that the surgical team=

347

348 MONUC 2 =ok=

349

350 MONUC 1 =with the ( inaudible) they (inaudible) of everything=

351

352 MONUC 2 =ok=

353

354 MONUC 1 =and we'll going to treat everybody=

355

356 MONUC 2 =ok=

357

358 MONUC 1 =it include euh whatever everybody=

359

360 MONUC 2 =ok=

361

362 MONUC 1 =then euh: there is a doctor (.) what we don't have in database

363 witch you call it euh we can security never manded euh [we don't

364 have the thing

365

366 MONUC 2 [ok

367

368 MONUC 1 so if that happen to us we don't have the duch

369

370 MONUC 2 ok

371

372 MONUC 1 euh what you can do for this

373

374 MONUC 2 ok

375

376 ((on entend le bruit d'une bache qui se dechire, Max & MONUC 1

377 se retourne))

378

379 MONUC 1 (RIRE) then I had spoken to euh (inaudible) witch he said ok I euh

380 I would like to speak to him he made from that Laika hospital then

381 he said welcome (.) everybody here would like to go see the

382 doctor

383

384 Max so it's also important to know that MSF our medical organisation

385

386 MONUC 2 year=

387

388 Max =of course we're an independent organization we're not link

389 with the UN=

390

391 MONUC 2 =ok=

392

393 Max =we're not link with the:: MONUC=

394

395 MONUC 2 =year=

396

397 Max =euh:: so in that sense and to keep that independence we're not

398 doing any euh (.) we're not using any military convoy=

399

400 MONUC 2 =ok=

401

402 Max =when we go on the road=

403

404 MONUC 2 =ok=

405

406 Max =either MONUC FARDC or whatever right it's the case here but

407 it's the case wha wha- whatever we work work=

408

409 MONUC 2 =ok=

410

411 Max =if it's f Soudan f Tchad=

412

413 MONUC 2 =ok=

414

415 Max =euh (.) it's always the same policy for euh for MSF f =

416

417 MONUC 2 =ok=

418

419 Max =so we used to speak with everybody euh:: to try to see we

420 normally explain what's what's our programm

421 [activities so that everybody can used that why we are doing this

422

423 MONUC 1 [(inaudible) ((il montre le rapport à MONUC 2 ))

424

425 MONUC 2 the report=

426

427 Max =yes=

428

429 MONUC 1 =so we can also the FR problems

430

431 Max yes=

432

433 MONUC 1 =the treatments (RIRE )

434

435 Max (RIRE) yeah yeah yes we told everybody is welcome at the

436 hospital that's no problem

437

438 ((Un serveur en habit militaire entre dans la tente avec un

439 plateau))

440

441 MONUC 2 [thank ((il s'adresse au serveur))

442

443 Max [as long as there is no arms

444

445 MONUC 1 yes

446

447 MONUC 2 [would you like juice

448

449 Max [our hospital is neutral place

450

451 Carole no thanks you very much

452

453 MONUC 2 you sure it's a juice

454

455 Carole no thanks

456

457 MONUC 2 do you want some beer or something

458

459 Carole no no

460

461 MONUC 1 beer you like it

462

463 MONUC 2 you like some beer or something

464

465 Max no no no (.) not during the day (RIRE)=

466

467 MONUC 2 = ((ilparle avec un debit rapide)) ok since we came what we saw

468 of MSF I say it present very very well present been in the XXX

469 what we give the situation not very well a lot of famine a lot of

470 casualties (.) and what I know at least 6 to 7 casualties that came

471 to us (.) that we transported to Laika to your hospital that MSF

472 hospital (.) they all thinks thanks for the surgical team it was there

473 because we don't have the facility of surgery here=

474

475 Max =hum hum=

476

477 MONUC 2 =((il parle avec un debit rapide)) ok we can treat them medically

478 we can give them anything or something if somebody come in to

479 us but we don't have facility for surgery=

480

481 ((MONUC 1 s'adresse à la camera))

482

483 MONUC 1 =initially (inaudible) where we use an entire:: very very we used

484 to go to see what our area every possibility before MSF people

485 sitting already on the area and treating it was an entire:: =

486

487 MONUC 2 =[I don't know the other but yes

488

489 MONUC 1 [20 kilometres 30 kilometres from

490

491 MONUC 2 ((il parle avec un debit rapide)) this place you are doing a good

492 job let's talk about really every place where you granted we see

493 MSF is (inaudible) specially for the treatments in (inaudible) I see

494 a lot of people from Lufu or Meriki and if you ask a normal

495 agency of (inaudible)

496

497 MONUC 1 (inaudible)

498

499 MONUC 2 ((ilparle avec un debit rapide)) they say no situation are not good

500 people are not good that what I think if you are not doing a good

501 job people don't travel and I like they are doing because MSF here

502 (.) really good job I'm telling you very very well I say I say keep it

503 that

504

505 Cooren (RIRE)

506

507 MONUC 2 really [really good

508

509 Max [we will try (RIRE) we're gonnabe (.) at the hospital:: euh

510 minimum until euh mid june =

511

512 MONUC 2 =ok=

513

 

xxxiv

514

Max

=next year=

515

 
 

516

MONUC 2

=ok=

517

 
 

518

Max

=euh but it's probably gonna be euh:: extended for the euh I would

519

 

say for the six months=

520

 
 

521

MONUC 2

=ok=

522

 
 

523

Max

=this would have to be to be talk but we gonna be there at least

524

 

euh:: until mid june (.) that's for sure=

525

 
 

526

MONUC 2

=do I need pick some permission for memento or::: something

527

 

some contracted for bring if you wanted one

528

 
 

529

Max

euh:: everything is finance by MSF

530

 
 

531

MONUC 2

yes I must see but in Congolese hospital=

532

 
 

533

Max

=wait yes=

534

 
 

535

MONUC 2

=(inaudible) in hospital Laika=

536

 
 

537

Max

=but we are=

538

 
 

539

MONUC 2

=(inaudible) in administration first=

540

 
 

541

Max

=of course=

542

 
 

543

MONUC 2

=(inaudible) administration in Kinshasa

544

 
 

545

Max

euh::: both=

546

 
 

547

MONUC 2

=both=

548

 
 

549

Max

=we normally negotiate with the local authority=

550

 
 

551

MONUC 2

=ok=

552

 
 

553

Max

=then we go to the province authority in Gomaand then we also

554

 

deal with the ministry of health in Kinshasa=

555

 
 

556

MONUC 2

=ok=

557

 
 

558

Max

=so everybody is well well about what we doing (.) euh this kind

559 of report are euh are giving in Kinshasa euh:: apparently even the

560 president is reading them=

561

562 MONUC 2 =ok=

563

564 Max =euh:: so:: year MSF that's also an other policy we try to do

565 everything in transparency so every everything is available

566 everything that we are doing is available and we try to hum to

567 spread it so that's the people can understand that we are doing

568

569 MONUC 2 ((il parle avec un debit rapide)) thanks ok so I'm sorry for my

570 ignorance if I don't know much what MSF are doing because we

571 are doing this not in deli basis we are seeing ( inaudible) we deal

572 with them sometimes but what is a it's a government funded? it's

573 a (inaudible) mission ? or it's a some kind trust mentoring it ?

574

575 Max no it's an an association=

576

577 MONUC 2 =ok=

578

579 Max =we started in euh 71 euh 1971=

580

581 MONUC 2 =ok=

582

583 Max =euh:: by some French doctors=

584

585 MONUC 2 =ok=

586

587 Max =and it's a non non governmental organization=

588

589 MONUC 2 =ok=

590

591 Max =and it's private fund=

592

593 MONUC 2 =ok=

594

595 Max =so euh Me my brother my mother

596

597 MONUC 2 ok

598

599 Max your sister your brother can give (.) 1$ 2$ 10$ 100$ to MSF=

600

601 MONUC 2 =ok=

602

603 Max =and all those funds that are used euh::: for the medical activities

604 undergrounds=

605

606 MONUC 2 =ok=

607

608 Max =so 90% of the funding of MSF is private donor like you and me=

609

610 MONUC 2 =[ok=

611

612 MONUC 1 =[ok=

613

614 Max =and there is a 10 to 15% with euh gove rnmental euh fundings

615 like the FID or euh::: Canadian or European or euh::ECHO for

616 exemple is sometimes euh:: funding euh:: MSF (.) so that's also a

617 big part of the independence of MSF because we have our own

618 funding

619

620 MONUC 2 year and that (inaudible)

621

622 Max actually there is 5 different=

623

624 MONUC 2 =ok=

625

626 Max =operational sections=

627

628 MONUC 2 =ok=

629

630 Max =MSF is also became also an international movement=

631

632 MONUC 2 =ok=

633

634 Max =there is 5 (.) operational sections and there is 12 partner sections

635 (.) there is total=

636

637 MONUC 2 =17=

638

639 Max =17 euh office=

640

641 MONUC 2 =ok=

642

643 Max =and we are working with the MSF France

644

645 MONUC 2 ok=

646

647 Max =section=

648

649 MONUC 2 =ok=

650

651 Max =so the head office is in France=

652

653 MONUC 2 =ok=

654

655 Max =but it's everybody that can work for MSF France I'm not

656 French I'm Canadian

657

658 MONUC 2 ok

659

660 Max ((il montre Carole avec ses mains)) Carole is coming from

661 Congo Brazzaville=

662

663 MONUC 2 =ok=

664

665 Max =and there is:: people from euh there is Indian working at MSF=

666

667 MONUC 2 =ok=

668

669 Max =and there is people from euh from all over the world actually (.)

670 for euh:: as the majority of the time euh as a volunteer=

671

672 MONUC 2 =ok (.) so I want say very good ((il est trés souriant))

673

674 (2.0)

675

676 MONUC 2 So how long you will be here?

677

678 Max euh normally I'll be here for euh 12 1 year (.) [so I finish euh

679

680 MONUC 2 [no you will be for

681 this visit=

682

683 Max =ah this visit ah tomorrow I'm living for- to Mumba=

684

685 MONUC 2 =Mumba

686

687 Max yes I'm gone a spend 3 days in Mumba=

688

689 MONUC 2 =ok

690

691 Max and after euh I'm going to Goma (.) going back to Beni (.) and

692 then going back to Goma (RIRE)

693

694 MONUC 2 back to Beni and Goma ( RIRE )

695

696 Max (RIRE)

697

698 MONUC 2 that's good

699

700 MONUC 1 your base is in Beni?

701

702 MONUC 2 based in Beni

703

704 Max we are based actually in Beni but we are moving to Goma in the

705 next week

706

707 MONUC 1 ok

708

709 Max the coordination team will be base in Goma starting first week of

710 November

711

712 MONUC 1 how you move by road ?

713

714 Max year bein non euh when we do Goma/Beni we use a plane

715

716 MONUC 2 ok

717

718 ((MONUC 1 fait un hTMchement de tête))

719

720 Max no no not always on road because pffff ((il montre se jambes))

721

722 ((RIRE de tout le monde))

723

724 Max there is a little a little bit hard on the body=

725

726 MONUC 2 =year this is a bit stretch for little bit

727

728 Max yes=

729

730 ((RIRE de tout le monde))

731

732 MONUC 2 =it's difficult to do Goma/Beni in one day=

733

734 Max =euh already Goma/Laika it's euh pffff Beni/Laika that's enough

735 for one day (RIRE) Alright thanks very much

736

737 MONUC 2 our pleasure

738

739 MONUC 1 you can have lunch if you wanted

740

741 Max no we have a meeting euh at the hospital in 30 minutes so we

742 have to go back in Mumba (.) maybe next time (RIRE)=

xxxix

743

744 MONUC 1 =[oh sure sure

745

746 MONUC 2 =[no problem the next time we can just walking for the day

747

748 ((MONUC 1 se léve & Max boit une gorgée de son verre de jus de

749 fruit))

750

751 Max (RIRE) (.) we still have a lot of meeting going on ((il se léve de sa

752 chaise)) because when we do visit short like this like 2 3 days we

753 have a lot a lot things to see with the medical program and so (.)

754 but thanks for the offer next time=

755

756 ((Poignée de main entre Max et MONUC 1 puis MONUC 2))

757

758 MONUC 1 =welcome welcome always welcome=

759

760 MONUC 2 =always welcome and just say what we can do for you even you

761 has independent everything we can do but yes if you need

762 anything please do come=

763

764 Max =euh:: if you ha:::ve euh anything bounded anything like that you

765 ha:::ve the number of Mumba

766

767 MONUC 2 (RIRE)

768

769 ((Tout le monde sort de la tente et marche vers la sortie du

770 campement))

771

1 ANNEXE 3 - Transcription Séquence C (durée : 36 min)

2 Réunion à Goma entre Max et des représentants du Ministère de la Santé congolais,

3 Guy et Tony

4

5 Max C'était le: c'était l'autre d'avant j'pense que c'était le semestriel là on

6 avait pas pu faire de trimestriel en juin là on était trop débordé en: et là

7 c'est juillet aout septembre=

8

9 Guy =ah ok (.) ok qu'on nous dérange pas pour le moment

10

11 ((Bruit de porte qui se ferme, Guy va s'asseoir et lit le compte-rendu

12 MSF))

13

14 (43.0)

15

16 Guy Alors à Mumba, ça va?

17

18 Max Mumba:: ça va, polé polé ((qui veut direÇ Lentement, lentement È en

19 Swahili))

20

21 ((Rires aux éclats de Max et Guy))

22

23 Max Tranquillement euh donc on a euh on est: euh fonctionnel au bloc-là, on a

24 remis en marche- ah mais Voilà le docteur Tony

25

26 ((Sonnerie de téléphone cellulaire))

27

28 Tony Bonjour

29

30 Max Comment allez-vous?

31

32 Tony a va très bien.

33

34 Guy Pouli, bonjour Pouli

35

36 Tony Bonjour vous allez bien ? ((Poignée de main)) Je m'excuse

37

38 ((La sonnerie continue))

39

40 Max Donc ouais, euh on a pris:: en charge le bloc, le service de chirurgie=

41

42 Guy Hum hum=

43

44 Max Donc on a:: refait un peu le circuit du bloc pour rendre propre la salle, on

45 a remis en marche la salle de réveil=

46

47 Guy =Hum hum

48

49 Max euh: salle de préparation, on embauché du personnel supplémentaire euh

50 pour être euh:: pour être fonctionnel euh 24heures sur 24

51

52 Guy Hum hum

53

54 Max euh garder le bloc propre

55

56 Guy Propre oui

57

58 Max On a redémarré la stérilisation à l'autoclave

59

60 Guy Oui oui

61

62 Max Parce que pour Pinel euh:::, c'est pas sécuritaire

63

64 Guy Hum hum

65

66 Max euh Donc ça, ça fonctionne bien. Pour la semaine dernière, donc du lundi

67 24 au dimanche 30 on a fait 20 interventions au bloc

68

69 Guy Hum hum

70

71 Max dont 5 blessés par balles, euh: donc on travaille euh donc j'pense que ça

72 se passe bien avec les équipes de l'hôpital, l'équipe personnelle de

73 l'hôpital, on travaille en collaboration avec eux évidemment. a semble

74 bien se passer. On a tout: fait la désinfection aussi euh du service de

75 chirurgie, on a mis en place des euh des pharmacies (.) pour le Bloc,

76 pour le service de Chirurgie, pour laPédiatrie, on a pris en charge la

77 pédiatrie aussi, donc on a dit qu'on irait

78 graduellement [

79

80 Guy [Oui oui XXX

81

82 Max Comme on est en plein pic de malaria et que: près de 50% des références

83 qu'on fait avec l'ambulance ce [sont des enfants

84

85 Guy [sont des enfants

86

87 Max En palu endémique [

88

89 Guy [Hum hum

90

91 Max euh donc le souci actuellement est plutôt en termes de transfusion

92 [sanguine

93

94 Guy

95 [sanguine Oui

96

97 Max On a un tout peu de difficulté à trouver des donneurs. Donc il y a une

98 rencontre qui devait se tenir aujourd'hui

99

100 Guy [Avec l'association des donneurs de sang oui oui

101

102 Max [Avec l'association des donneurs de sang voir comment on peut

103 les donner un petit incentive =

104

105 Guy =hum hum=

106

107 Max =supplémentaire-là pour s'assurer d'avoir un peu plus de donneurs, un

108 peu plus de sang en réserve parce que c'est vraiment euh, c'est un peu

109 problématique à ce niveau-là.

110

111 Guy Et puis je sais que le niveau national a envoyé un frigo pour euh pour euh

112 l'unité de transfusion, je ne sais pas si le frigo est déjà arrivé sur place si

113 ya =

114

115 Max =Je sais que le docteur Joseph en a parlé heu au dernier comité de gestion

116 hum euh: j'me rappelle pas si si il était sur place, je pense hein

117

118 Guy oui oui

119

120 Max donc on va on va travailler aussi sur ça avec eux. Donc en pédiatrie

121 aussi on a ajouté un tout petit peu de personnel, pour les gardes de nuit

122 aussi on a ajouté du personnel parce que hum bon deux deux deux

123 infirmiers pour tout l'hTMpital ça faisait pas beaucoup.

124

125 Guy Hum hum ouais

126

127 Max Donc là on est passé à quatre donc au moins un infirmier

128

129 Guy [par service=

130

131 Max =[par service. Euh donc on fait tout ça hein graduellement euh: donc que

132 les pharmacies par service aussi euh: je pense que c'est qu'c'est

133 intéressant, ça nous permet de suivre leur consommation. Normalement

134 ils ont tout leur matériel pour toute la semaine pour euh travailler=

135

136 Guy =par semaine

137

138 Max Donc ça aussi ça ça euh semble bien se passer euh. Ensuite après ça bien

139 on va prendre tranquillement la médecine interne euh obstétrique et puis

140 on mettra en place une salle dÕurgence euh soins intensifs, observation.

141 a sera peut etre, ça sera probablement la derniére étape.

142

143 Guy hum hum

144

145 Max En même temps ça sera une passage oblige pour les services, euh donc

146 tout ce qui sera transfert des différents centres de sante. Donc pour le

147 mois de septembre on a fait 91 transferts

148

149 Guy oui cÕest ça

150

151 Max avec lÕambulance. a aussi ça se passe trés bien avec les services de

152 sante, ils nous appellent, on se déplace pour tout ce qui est urgence. Donc

153 ça semble etre euh bien compris, ça va moi, on sÕen réjouie, ça

154 fonctionne, en tout cas de ce cTMté-là, ça fonctionne beaucoup mieux quÕà

155 Laika

156

157 Guy Laika

158

159 Max Ë Laika il y a encore beaucoup de reticence, ils retiennent encore

160 beaucoup les patients euh en terme de euh, pour ce qui est dÕurgence et

161 référence. Euh: donc ça va cÕest ça se fait seul, je pense que ça met euh

162 les gens en confiance, jÕai lÕimpression. Les gens vont dans les centres de

163 s[anté

164

165 Guy [Sante

166

167 Max Euh pour une première ligne tout en sachant que sÕil y a quelque chose

168 [de grave, dÕurgence

169

170 Guy [de grave, dÕurgence ils vont

171

172 Max ils seront référés à lÕhTMpital de Mumba (.) Donc euh:: que ça se passe

173 plutTMt bien de ce cTMté -là.

174

175 Guy Donc par rapport à ça, on avait encore une autre euh, je ne dirai pas une

176 preoccupation on avait une requête à formuler euh:: ((fait un geste de la

177 main vers Tony)) on en a longuement discuté avec Docteur Tony CÕest

178 par rapport au euh au chirurgien

179

180 Max Oui=

181

182 Guy =que MSF a amené pour essayer dÕaider lÕhTMpital. Nous, on sÕest dit si

183 euh cÕest la presence de ce chirurgien ne peut pas profiter à dÕautres

184 médecins.

185

186 Max Hum hum

187

188 Guy Je crois que peut être Carole vous en a vous en a déjà parlé.

189

190 Max C'est possible

191

192 Guy Donc euh nous on voudrait (.) avec votre accord envoyer nos médec ins

193 en formation, évidemment uniquement euh pour la chirurgie, pour qu'ils

194 puissent profiter euh de de de l'expérience du chirurgien que MSF a mis a

195 mis à l'hôpital.

196

197 Max Bon en formation euh = ((il affiche un visage emprunt de perplexité))

198

199 Guy Bon on dirait formation, c'est peut être trop dire mais bon euh=

200

201 Tony = En fait, en fait euh, l'idée vient du fait que (.) le le système de santé que

202 nous essayons d'appuyer dans la province euh comprend non seulement

203 les structures, les institutions mais aussi du personnel. Et donc qu'euh on

204 a constaté depuis un certain temps que dans les milieux ruraux il y a de

205 plus en plus de jeunes médecins

206

207 Max hum hum

208

209 Tony qui ne sont plus encadrés par des médecins beaucoup plus=

210

211 Guy =chevron[nés

212

213 Tony [Expérimentés, et donc chaque fois qu'il y a une opportunité

214 comme celle que vous donnez à la zone de santé de Mumba, nous

215 pensons que c'est vraiment quelque chose qu'il ne faut pas rater pour

216 renforcer le système. C'est vrai que l'approche MSF, c'est une approche

217 directement centrée sur le patient mais notre approche, tout en visant le

218 patient essaie d'appuyer plus le système. Et je crois que les 2 ensembles

219 pourraient faire un très bon résultat. Donc nous avons pensé qu'on peut

220 vous approcher dans ce euh=

221

222 Guy =Dans ce sens-là

223

224 Tony =Dans ce sens-là, pour dire qu'euh, on pourrait profiter de cette présence

225 de ce médecin-là pour essayer de de recycler un peu les médecins des

226 autres zones voisines. Ainsi après c'est une anné e d'intervention MSF, en

227 plus du fait que les gens auront accédé aux soins, on aura en

228 permanence des médecins qui sont capables de répondre aux urgences les

229 plus fréquentes et de manière efficace. Voilà un peu dit en gros.

230

231 Max Ouais faut ouais faut faire attention euh:: (.) juste comment comment

232 utiliser ça parce que effectivement formation, MSF, on nÕest pas une

233 université

234

235 Tony Oui [ca ca on comprend

236

237 Max [On nÕest pas là comme formateur en même temps cÕest clair quand

238 MSF passe dans un milieu hospitalier:: dans euh:: même dans des centres

239 de sante:: peu importe oil on passe (.) cÕest clair que ya que ya quÕil y a

240 un volet euh apprentissage qui est important

241

242 Guy Bien sur

243

244 Max hein parce quÕon a quand même des outils euh qui je pense sont

245 intéressants à MSF. On a plusieurs livres: je pense aux guides cliniques

246 euh aux livres à lÕutilisation des médicaments essentiels euh avec les

247 protocoles thérapeutiques, euh: apres on apporte euh:: le savoir en

248 hygiene la gestion la gestion de des déchets de lÕhygiène tout ça donc.

249 Oui cÕest clair euh quÕil y a=

250

251 Guy =[un apprentissage=

252

253 Max =[un euh un apprentissage qui est un peu, je dirai qui se fait au quotidien

254 euh en mettant la main à la p%ote hein ? ((il agite ses mains en parlant))

255

256 Guy hum hum

257

258 Max Et on nÕest pas là jÕdirais pour faire f Ecole

259

260 Guy Hum hum

261

262 Max CÕest aussi aux gens à sÕapproprier les outils quÕon met à disposition euh.

263 Et cÕest surtout de cette façon-là que je pense que quÕil y a des acquis, des

264 apprentissages (.) a, ça me semble, ça me semble euh me semble euh

265 evident Apres comme je vous le dis cÕest pas:: cÕest pas euh tous les

266 matins au tableau pour faire lÕécole ((il mime quelqu'un en train d'écrire

267 sur un tableau)) a cÕest pas, cÕest pas la façon que MSF fait donc Moi,

268 moi disons de prime abord, jÕai pas de gro::sses objec::tions (.) Mais euh

269 euh à voir comment ça peut se faire (.) DÕabord il ya le docteur Luc qui

270 est à lÕhTMpital de Mumba, qui est aussi un jeune médecin=

271

272 Guy =Voilà

273

274 Max Euh::: qui qui est euh invite à passer au bloc euh à chaque fois quÕil y a

275 des interventions. Donc cÕest pas un souci euh mais en premier lieu, cÕest

276 quand même le chirurgien MSF qui doit faire euh les operations euh qui

277 va qui va mettre après quand c'est des euh tranquillement, je pense que

278 Luc va faire la césarienne, etc euh sous la supervision de du chirurgien,

279 de de l'anesthésiste

280

281 Guy Hum hum

282

283 Max a c'est clair que l'anesthésiste sera toujours présent euh à chaque euh=

284

285 Guy =A chaque [intervention

286

287 Max [à chaque intervention parce qu'on a amené du matériel euh

288 qui doit être utilisé par un anesthésiste [formé à ce titre là289

290 Guy [formé

291

292 (3.0)

293

294 Max doncaprès euh:: commentvous vous voyez les choses? Vous en êt -

295 euh vous feriez passer euh le médecin euh deux semaines trois semaines

296 un mois au bloc ? Euh comment vous voyez la chose ? Donc si vous

297 envoyez un médecin au bloc, ça veut dire que Luc perd un heu sa son

298 espace=

299

300 Guy ((il parle avec un debit de parole relativement rapide)) = Nonnon, ce

301 n'est pas de cette façon que nous avons pensé, c'est-à-dire que Luc est là,

302 vous comprendrez même l'autre fois on vous l'a dit, nous n'avons pas

303 voulu lui confier de responsabilité parce qu'on savait que, il venait à304 peine de terminer, qu'il n'avait pas assez d'expérience raison pour

305 laquelle jusqu'à ce jour c'est docteur Joseph qui porte le qui porte les

3 0 6 deux chapeaux, nousl'idée c'est que la personne que nous envoyons là-

307 bas n'est pas là uniquement pour la chirurgie parce que avec le projet

308 vous vous rendez compte que, il ya un afflux massif de de de malades et

309 que la chir- que le volume de travail:: augmente. a sera aussi pour nous

310 une façon de désengorger un peu docteur Joseph qui en fait doit

311 normalement s'occuper des aspects euh techniques administratifs de la

312 zone de santé, le médecin qui sera là, il est là pour une durée de de de

313 trois mois. Et pour ce qui est de la chirurgie euh c'est au chirurgien de

314 voir comment les utiliser. Donc utiliser Luc et utiliser celui qui sera là.

315 S'il n'est pas euh:: au bloc ce jour-là, il peut, peut être, être en médecin

316 interne ou en chirurgie euh en pédiatrie. Donc c'est c'est de cette façon-là317 que nous, donc il est là juste pour une période de 3 mois mais il bénéficie

318 de de l'expérience de de de du chirurgien MSF. S'il y a par exemple dix

319 interventions programmées pour la journée, Luc prend cinq, lui prend

320 cinq hein comme ça euh ils ils se relayent. Pour nous le prob- le

321 l'important pour nous c'est que, évidemment ce sont des jeunes, il y a

322 d'autres interventions qu'ils peuvent faire, d'autres non. Mais en voyant

323 le chirurgien MSF le faire, à la longue, ils peuvent être à mesure aussi de

324 le faire, donc que, acquérir de cette expérience -là. Je crois que c'est c'est

325 de cette facon-là que::

326

327 Tony Oui en fait on se dit sans doute avec l'intervention de MSF, on aura

328 l'afflux de:: de patients donc on aura besoin d'un personnel

329 supplémentaire. Et on se dit il ne serait pas bien de prendre un médecin

330 euh euh pour neuf mois par exemple hein et alors qu'on pourrait

331 potentialiser ce ce médecin -là. On prend par exemple le médecin de la

332 zone de santé voisine qui vient pendant trois mois tout en appuyant

333 l'équipe qui est là. Donc il fournit les services de médecin il profite en

334 même temps de l'expérience des médecins qui sont là, des médecins

335 expérimentés MSF. Et alors pendant les trois mois, il acquiert des

336 compétences, des qu'il rentre dans sa zo[

337

338 Guy [dans son hôpital

339

340 Tony Dans son hôpital, il améliore aussi dans sa zone dans son hôpital. Et donc

341 que, on se dit ce serait une facon de de potentialiser de de faire en fait

342 d'une pierre=

343

344 Guy =deux coups=

345

346 Tony =Deux coups: on intervient, on améliore la l'accessibilité, mais on

347 améliore aussi=

348

349 Guy =l'offre=

350

351 Tony =dans la périphérie. Donc c'est un peu ce qu'on a pensé. Le seul euh, la

352 la seule préoccupation qui s'est faite c'est que euh, en déplacant ces euh

353 ce personnel-là, il va se créer un beug = un vide

354

355 Max hum

356

357 Tony dans l'hôpital. Donc l'inspection a dit il y a un médecin qui pourrait faire

358 donc le le le c'est un, c'est un autre médecin qui va aussi bénéficier en

359 fait de cette formation mais en dernier lieu. Donc les trois derniers mois

360 ce médecin pourrait alors se retrouver euh euh aussi pour cette

361 formation=

362

363 Guy = Mais entre temps il couvre [les absences

364

365 Tony [il couvre les absences dans les autres

366 centres=

367

368 Guy =des autres médecins dans les autres centres donc quand il y a un

369 médecin par exemple dans la zone A qui est à Mumba, ce médecin-là

370 couvre son absence pendant les trois mois=

371

372 Tony =les trois mois

373

374 Guy Quand le deuxieme médecin de la zone B ira à Mumba et que celui qui

375 était à Mumba revient à son poste, il couvre l'absence du médecin dans la

376 zone B

377

378 Tony voila

379

380 Guy et que lui sera le dernier à bénéficier de ce passage=

381

382 Tony =ce déploiement

383

384 Guy de Mumba

385

386 Tony Donc on a pensé que ce sera un systeme de trois mois trois mois et donc à

387 ce moment-là, le cofit cofit supplémentaire peut etre cela que cela ca ca

388 pourrait jouer, c'est c'est de dire est ce que MSF prévoit payer donc un

389 médecin supplémentaire? Si tel est le cas ca serait facile alors comme ca

390 ce médecin qui remplacerait irait prendre les primes de ceux qui euh qui

391 sont euh.

392

393 Max a pour l'instant, pour moi pour le point de vue administratif euh ca moi

394 j'ai pas d'enveloppe de prévu pour ca.

395

396 Tony Hum

397

398 Max Mon enveloppe est déjà, mon budget est déjà fait

399

400 Tony Hum

401

402 Max Pour toute l'année 2006 euh on a sorti, on a principalement prévu du

403 personnel infirmier=

404

405 Guy =infirmier

406

407 Max supplémentaire parce que c'est vrai de ce cTMté-là euh euh qu'il y a des

408 manques (.) euh donc moi j'en ai pas, j'en ai malheureusement pas de

409 budget de ce cTMté-là euh.

410

411 Guy hum hum

412

413 Max Euh apres moi comme je vous dis j'ai pas euh de prime abord j'ai pas de

414 d'objection qu'on puisse procéder comme ca de cette facon-là

415

416 Guy hum hum

417

418 Max euh euh à vous de voir là à lÕinspection provinciale, comme vous pouvez

419 faire: est ce que CEMUBAC, parce que moi je trouve que ça sÕinscrit euh

420 directement dans dans ce que le CEMUBAC veut faire en termes de

421 développement. Euh euh, moi jÕai pas dÕobjection à ce quÕon le fasse en

422 collaboration sauf que du point de vue administratif, moi jÕai pas pour

423 lÕinstant jÕai pas cette marge de manÏuvre-là. Mon budget vient de passer

424 en commission budgétaire à Paris euh::: jÕvais pas pouvoir euh faire des

425 ajouts de ce cTMte-là. ((il affiche un visage désolé et compréhensif))

426

427 X Hum

428

429 Tony Parce que le scenario euh, nous le suggérions dans le le sens oil il y aurait

430 un personnel supplementaire, nous pensions que dans ce personnel il y

431 aurait un poste supplementaire dÕun medecin, donc cÕetait comme ca

432 que=

433

434 Max =Euh, nous au depart on a prit lÕidee quÕil avait deux medecins à lÕhTMpital

435 de Mumba et que euh avec deux medecins supplementaires de MSF

436

437 Guy de MSF ouais

438

439 Max que ca que cÕetait suffisant, en plus f du chirurgien.

440

441 Guy & Tony Hum hum

442

443 Max Euh:: que cÕest amplement suffisant en termes de médecins

444

445 Guy de médecins

446

447 Max donc cÕest pour ça jÕvous dis euh je nÕai pas aucune objection à ce que

448 euh à ce que euh un médecin qui puisse profiter de cette euh=

449

450 Guy =Exp[érience

451

452 Max [Expérience -là. Mais cÕest surtout nous on a surtout calculé en

453 termes de besoin infirmiers supplémentaires, Et là oui, on a prévu euh

454 une enveloppe budgétaire pour =

455

456 Guy =[pour les infirmiers supplémentaires

457

458 Max [pour les infirmiers supplémentaires pour les services. En terme de

459 médecins, moi jÕai, on nÕa pas fait de euh on nÕa pas fait, euh on a rien

460 prévu de ce côté-là parce qu'on pensait que c'était suffisant euh parce que

461 ça donne en gros un médecin par service.

462

463 X hum

464

465 (4.0)

466

467 Tony moi j'pense que Là ce sera difficile parce qu'à ce moment -là, le médecin

468 qui devrait aller remplacer dans les dans les hôpitaux euh ne saurait être

469 payé parce que celui qui serait en formation=

470

471 Max =Et puis le CEMUBAC, il a pas::?=

472

473 Tony =En fait une =

474

475 Max =peut pas débloquer une enveloppe pour ça ? parce que au fait ça

476 profiterait aux autres zones de santé que le CEMUBAC appuie aussi.

477

478 Tony Oui (.) Oui c'est vrai ça nous dans la zone ce qui est prévu, nous

479 prévoyons donc la prime de deux médecins=

480

481 Guy =deux Médecins

482

483 Tony Donc que nous n'avons pas une prime supplémentaire, si on avait une

484 prime supplémentaire pour un septième septième médecin en tout cas ça

485 serait une bonne chose ça serait une très bonne chose (.)

486

487 Max Je ne sais si y a moyens de de trouver euh:: une petite enveloppe euh::

488 auprès de bailleurs je ne sais hein (.) mais là moi de ce côté-là c'est

489 vraiment pas possible. Comme je vous l'ai dit c'est passé ya deux jours

490 en commission budgétaire à Paris =

491

492 Guy =deux jours=

493

494 Max =ça été acc - j'attend on attend l'accord du CA la semaine prochaine, pour

495 confirmer euh:: cette enveloppe budgétaire-là donc là moi c'est trop tard

496 pour euh pour refaire le plan

de ce côté -là

497

498 Guy (ASP)

499

500 Max Après euh possiblement au mois de juin (.) l'année prochaine, ça sera un

501 truc qu'on pourrait revoir

502

503 Guy Hum hum

504

505 Max Euh d'ici là je je ne pourrai pas[

506

507 X [XXX

508

509 Max Je ne pourrai pas re bougé sur le budget

510

511 (0.5)

512

513 Guy Bon ok, bon de toute façon ce qui est important pour nous c'est peut être

514 cet accord de de principe-là, bon on va essayer un peu de voir. Peut être si

515 bon, de deux côtés voir dans la mesure du possible bon ce n'est pas

5 1 6 impossible vous pouvez aussi faire eu h soit une proposition dans ce sens-

517 là, Le CEMUBAC de son côté pourra voir

518

519 Tony Ce qui est [faisable

520

521 Guy [Ce qui est faisable évidementBon nous l'État, euh bon

522 pour le moment je ne saurais pas beaucoup comment vous me

523 prononcer euh oui mais ça ça nous ça ça ça cela aurait été intéressant

524 pour nous vraiment de de de faire partager cette expérience-là à nos

525 jeunes médecins parce qu'il est vrai que:: de plus en plus on a de

526 médecins, nous les envoyons en training c'est vrai mais le temps de

527 training est court et même au niveau des hôpitaux oü nous les envoyons

528 l'encadrement n'est pas vraiment, je ne dirai pas vraiment un

529 encadrement de qualité. Et euh, nous pensons que si euh nous arrivons

530 pendant ce temps à les envoyer euh à Mumba pour qu'ils puissent euh

531 profiter de l'expérience du chirurgien MSF. a nous arrangerait dans

532 l'avenir.

533

534 Max Bon euh mais comme je le dis moi euh ça me semble euh ça me semble

535 intéressant comme euh:: comme expérience euh:: j'ai j'ai pas

536 d'objection euh à::: ce qu'on puisse faire ça

537

538 Guy Même Carole, c'est ça que Carole m'avait dit quand je l'ai contactée elle

539 m'avait dit elle m'a dit que non c'est une idée pourquoi pas XXX

540

541 ((Bruit d'une mobylette qui démarre son moteur))

542

543 Max Dites-moi, Docteur Guy, vous pensez aller faire un tour vers la zone de

544 santé de Laika:: dans les prochaines semaines ? les prochains mois?

545

546 Guy Euh:: c::'est planifié mais je sais pas encore Quand euh:: mais j'avais

547 prévu cette sortie pour euh:: décembre parce que novembre si tout va

548 bien, je vais faire un effort pour arriver à Kinda c'est une de nos zones

549 longtemps oubliées et aussi à Laika, j'ai (.) durant toute cette année, je

550 n'ai pas été à Laika et je l'avais planifié pour décembre.

551

552 Max Comme je vous le disais euh on est à Mumba ça se passe bien avec euh

553 les centres de santé, c'est moins le cas dans K- dans la zone de=

554

555 Guy =Laika

556

557 Max Laika oü c'est plus problématique, hum bon c'est pas c'est pas catas- =

558

559 Guy = trophique (RIRE)

560

561 Max trophique (.) Loin de l à euh (.) donc il y a il y avait quelques réticences-là

562 au départ avec XXX avec les centres de santé, ils avaient peur qu'on leur

563 vole ((fait le signe des guillemets avec ses mains)) le Business

564

565 Guy (RIRE)

566

567 Max Bon là là Voilà les chiffres après trois mois (.) prouvent que ce n'est pas

568 le cas hein

569

570 Guy Hum hum

571

572 Max Qu'on n'a pas, qu'on n'a pas on n'a eu de euh:::: on redistribue bien les

573 patients mais je pense qu'il faudrait qu'on puisse (.) rediscuter avec les

574 centres de santé. Nous on va le faire mais ya ya encore de là on retient

575 encore toujours

576 [les patients

577

578 Guy [les malades

579

580 Max Les malades euh en cas d'urgence euh on a tel à plusieurs reprises où les

581 patients arrivent beaucoup trop [tard

582

583 Guy [tard Hum hum

584

585 Max Et que ça devient un peu le mouroir à l'hTMpital

586

587 Guy Hum

588

589 Max donc a c'est c'est pas très intéressant

590

591 Guy Hum hum

592

593 Max Euh ::: Donc ouais, on aimerait bien que vous puissiez revenir:: bon parce

594 que bon que c'est écrit dans le système

595

596 Guy Ouais

597

598 Max de santé congolais

599

600 Guy oui oui

601

602 Max on est pas

603

604 Guy oui c'est vrai

605

606 Max Nous c'est dans ce sens qu'on aimerait s'inscrire aussi à MSF hein être

607 vraiment en soin secondaire pour référer les urgences

608

609 Guy Hum hum

610

611 Max On on veut définitivement que que les patients aillent en premier lieu =

612

613 Guy =au centre de santé

614

615 Max Au centre de santé, on a eu une rencontre avec tous les centres de santé

616 il y a (.) une dizaine de jours donc on a évidemment réexpliqué, on va

617 refaire le tour des centres de santé individuellement pour rediscuter avec

618 eux (.) Avec Docteur Jean-Pierre qui est à Kayabagnaga aussi ça ne se

619 passe pas très bien il a fait beaucoup de retenus de patients euh:: une fois

620 qu'il a (.) bon ils ont le ptit bloc qui est à Kayabagnaga oü ils font la

621 césarienne et quelques trucs et::: quand les indications ne sont sont pas

622 très bonnes, il fait la césarienne quand même et euh il nous a amené une

623 patiente:: bien euh:: mal en point euh la vessie était complètement

624 bousillée euh donc donc il y a donc c'est pas très intéressant pour les

625 patients (.) pas intéressant non plus pour le personnel de l'hôpital de

626 reprendre euh des trucs qui ont été mal faits derrière.

627

628 Guy oui

629

630 Max Alors que:: on est on a bien dit euh on est là, vous nous appelez [on se

631 déplace

632

633 Guy [on

634 dépêche une ambulance

635

636 Max Le véhicule, on déplace une ambulance et puis on euh:: donc on est en

637 on discute toujours hein Mais je pense que ça serait bien que vous

638 puissiez aussi [euh :::

639

640 Guy [je sais je sais

641

642 Max Euh faire un ptit tour à propos [de:::::

643

644 Guy [Si Si

645

646 Max De ca ok (.)

647

648 Guy Ok c'est bien noté dans ma planification en tout cas Laika est prévu

649 pour pour décembre évidemment si nous ne sommes pas dérangés par le

650 niveau national, je crois qu'on fera cette sortie sur Laika donc euh

651

652 Max D'accord

653

654 Guy Ah oui

655

656 Max donc là présentement il y a il y a aussi des opérations militaires-là qui ont

657 lieu dans le Mumba

658

659 Guy Oui

660

661 Max Euh:: qui devraient j'pense avoir lieu je crois dans Libéru Laika, Mumba

662 Ouest

663

664 Guy hum hum

665

666 Max on a fait un p'tit peu, on a réduit un tout ptit notre nos équipes en

667 préventif

668

669 Guy ouais

670

671 Max euh:: donc que:: l'équipe qui était principalement à Katiguru donc là=

672

673 Guy =Eh là

674

675 Max comme les opérations se se sont sur cet axe là on a:: retiré notre équipe

676 tTMt en préventif hein

677

678 Guy Hum hum

679

680 Max Pour l'instant ca va j'ai parlé aux équipes ce matin pou- c'est toujours

681 calme euh à Mumba on a pu positionner pas mal du matériel sur l'hTMpital

682 s'il y a si ja- si jamais ya un afflux massif de blessés=

683

684 Guy =De blessés

685

686 Max La même chose à Laika euh donc moi le vehi, le message que je véhicule

687 euh, j'ai rencontré l'état major hier, je vais rencontrer le gouverneur cet

688 aprés midi euh:: c'est qu'on va prendre f en charge tout le monde

689 hein

Guy Oui

690

691

692

693 Max Comme dÕhabitude à MSF [notre politique

694

695 Guy [Voilà oui cÕest sans

696

697 Max on est ap[olitique oui cÕest neutre sans discr[iminations

698

699 Guy [oui cÕest neutre [criminations quoi

700

701

702 Max Donc sÕil y a des blesses FDLR des blesses May[may

703

704 Guy [Maymay

705

706 Max FARDC euh voir de la MONUC

707

708 Guy Hum hum

709

710 Max On prend tout le monde en charge euh:: gratuitement

711

712 Guy Hum hum

713

714 Max Et euh::

tout le monde sera soigné (.) donc ça moi je:: je diffuse ce ce

715 message là pour pas quÕil ait des confusions par aprés et

716 [quÕon dise comment ça vous prenez en charge les FDLR

717

718 Guy [Non non MSF cÕest XXX (RIRE)

719

720 Max Ou quoi que ce soit. a me semble bien clair-là. LÕétat major, ils nous ont

721 dit que cÕétait clair euh quÕil nÕy avait pas de souci euh aprés une fois

722 quÕil y a de toute façon bon ce sont des combattants, une fois quÕils sont

723 blesses ce sont des non-combattants Et puis une fois quÕils sont guéris=

724

725 Guy =bein là là=

726

727 Max =Bon sÕil faut les remettre à la MONUC ou quoi que ce soit [il n y a pas

728 de souci

729

730 Guy [pas de

731 problémes

732

733 Max Euh nous:: on va pas se mêler de ça (.) Mais bon est prêt à prendre en

734 charge euh sÕil y a un af afflux massif de blesses ou quoi que ce soit euh::

735 et puis ça se passe bien jusquÕà maintenant.

736

737 Guy Hum hum (.)

738

739 Tony Par rapport à au protocole (.) hum le médecin-inspecteur m'avait

740 demandé de faire la relecture après, donc comme on venait de dire euh on

741 avait suggéré accorder si on avait ces points-là qui donc que (.)

742

743 ((Tony cherche un document dans sa pile de papiers))

744

745 Max Tous les points qui ont été discutés en comité de gestion sont ont été

746 modifié=

747

748 Tony = Oui=

749

750 ((Tony donne un document à Max))

751

752 Max =on a tenu compte euh::::

753

754 Tony Oui bien sür ce qu'on a ce que j'avais constaté, je crois que on peut on

755 peut euh juste même l'ajouter à la au crayon parce que euh c'est dit mais

756 ce n'est pas tellement dit. Par exemple le recrutement se fera

757 conformément aux directives donc euh:: en ac- selon le besoin en accord

758 avec euh:: la direction et tout ça

759

760 Max C'est à quelle page ?

761

762 Tony Le point deux treize::

763

764 Max Deux treize?

765

766 Tony Oui (.) Donc euh:: MSF pourra employer du personnel additionnel selon

767 le besoin, conformément aux lois du travail. Mais là on avait dit que euh

768 c'était conformément aux directives donc:: au recrutement tel qu'on l'a

769 dit au point quatre trois. Donc euh:: MSF procédera:: donc euh à

770 l'embauche:: et soumettra des candidatures retenues à la validation du

771 conseil de gestion. C'est juste pour /pour dire que hein ça doit d'abord se

772 faire en rapport.

773

774 Max Ouais

775

776 Tony Au point [quatre trois

777

778 Max [Tout à fait

779

780 Tony Trois donc euh alors on pensait que au deux quatorze on ajouterait donc

781 que que ça ne serai pas seulement le personnel de l'hôpital ((se tourne

782 vers Guy)) que on profiterait de cette occasion pour fournir aussi du

783 personnel des médecins surtout des hTMpitaux que l'inspection pourrait

784 désigner. ((il tourne une page du document quÕil a entre ses mains ))

785 Mais, bon je crois que ça ça pourrait etre ajouté =

786

787 Max = Ouais mais ça:: pour moi ce n'est pas nécessaire de l'ajouter euh:: =

788

789 Tony =Dans le pro=

790

791 Max =Dans le protocole d'accord euh:: on a on a discuté on est T d'accord

792 euh:: si on le fait c'est pas pour moi c'est pas un souci hein !

793

794 Tony Oui, alors au point trois cinq (.) Là vous vous rappelez que nous avions

795 dit que ça devrait etre (.) dans le (.) on devrait insister sur le c'est dans le

796 respect du protocole euh de norme national

797

798 Max Hum hum

799

800 Tony Parce que ce n'est pas ressorti mais il faudrait vraiment donc ((il lit le

801 document)) la direction de l'hTMpital s'engage à respecter et à faire

802 respecter le protocole thérapeutique T hein ? ((il regarde Max et se remet

803 à lire le document)) défini et mis en place conjointement avec MSF et la

804 direction dans le respect des normes nationales ((il regarde Guy))

805

806 Max je l'reprenais

807

808 Tony Ouais

809

810 (5.0)

811

812 Max Tout ça on peut l'ajouter

813

814 Guy & Tony Oui Oui

815

816 ((Max cherche quelque chose dans sa poche))

817

818 Tony (.) Donc tout ça on s'est dit que ce sont des petits ajouts de ce qui est

819 euh ,j, hein (BAS) la forme (NORMAL ) et à la fin donc le cinq un euh, le

820 point cinq un à la fin vraiment (.) ((il regarde son document)) Donc que il

821 y a::: ((il leve la tete et regarde Max)) T Ya des clauses qui sont déjà ((il

822 regarde la camera)) prédéfinies entre autres lorsqu'on devra sortir MSF

823 s'est engagé à donner les médicaments hein pour euh pour euh le point

824 deux neuf deux dix -neuf deux dix-neuf (( il lit son document)) MSF

825 s'engage à donner une prime au personnel pour un mois supplémentaire

826 lors du désengagement

827

828 Max Hum hum

829

830 Tony Et euh point un vingt euh un vingt

831

832 Max Deux vingt ou un vingt?

833

834 Tony Deux vingt

835

836 Max Deux vingt

837

838 Tony deux vingt ((il lit son document)) MSF s'engage à faire une donation pour

839 la pharmacie de l'hôpital en médicaments essentiels génériques d'une

840 valeur de Donc ces points lorsqu'il y a un désengagement euh:: inopiné,

841 nous pensons que ces deux points doivent quand même être euh:: être

842 respectés parce que sinon:: =

843

844 Max = Ah oui absolument

845

846 Tony Oui mais quand on lit l'article cinq un ((RIRE gêné et il regarde la

847 caméra)) ce n'est pas retenu donc on on aurait souhaité que avant

848

849 Max ouais ouais ouais [la résiliation avant euh

850

851 Tony [Oui ajouté donc ((il lit son document)) [en dehors de

852 cette

853

854 Max [a c'est cas oü

855 euh::

856 Bon euh bon on met ça c- c- cette clause-là le cinq un, on met ça dans

857 [tous les protocoles dans tous les pays oü MSF

858

859 Tony [Oui mais

860

861 Max Euh::: travaille euh c'est au cas oü il y a une éva[cuation

862

863 Guy [cuation

864

865 Max très [rapide

866

867 Guy [rapide

868

869 Max pour qu'on ne puisse absolument rien [faire donc

870

871 Guy [Rien faire hum hum

872

873 Max Et:: en général [euh: ::::

874

875 Guy [Si on est préparé=

876

877 Max =On a déjà on a déjà une enveloppe de préparer pour le personnel=

878

879 Guy oui oui

880

881 Max Qu'on laisse pour un mois. Et si on quitte les consommations, les

882 médicaments, on quitte pas avec les médicaments. De toute façon ca reste

883 là

884

885 Tony Oui

886

887 Max Donc ca reste un peu implicite ca

888

889 Guy (RIRE)

890

891 Tony Oui mais c'est =

892

893 Max =C'est pas euh::: =

894

895 Tony = C'est une question de for::malités euh (.) c'est ca dire que lorsque cet

896 accord ici peut-être que (( il pointe Max de la main)) vous vous ne serez

897 plus là et que l'on ((il regarde Guy)) soit amené à traiter avec quelqu'un

898 d'autre=

899

900 Max f Ouais mais que ca soit moi:: ou un autre c'est toujours comme ca de tout

901 façon

902

903 Tony (.) Mais moi je suggérai que par mesure de prudence on ajoute même à

904 la main dans ce protocole en dehors de ce prévu dans la [dans la

905

906 Guy [Dans les autres

907

908 Tony par les clauses deux dix-neuf et deux vingt comme ça attire l'attention

909 de tout le monde que::: lorsque en cas même de déguerpissement brutal

910 (.) on veille quand même à maintenir le systeme renforc- en place (.)

911 Donc euh en dehors ((il se met à rédiger e t parle tout bas)) de celle prévu

912 par les clauses de ((il tend le papier à Guy)) C'est ca

913

914 Guy Il ne reste que ma signature

915

916 Tony Oui

917

918 ((Tony et Guy s'échangent des papiers))

919

920 Tony je faisais des annotations

921

922 ((Guy tourne les pages du document, 3'))

923

924 Tony Alors sinon à part ça euh j'ai reçu la copie d'une lettre euh sur les

925 médicaments ((il regarde Max)) je crois que vous l'avez reçu ((il

926 feuillette ses papiers et assemble ses notes et recoit un papier de la main

927 de Guy)) Je vais XXX

928

929 Max (LENTEMENT) Copie d'une lettre:: sur les médi- ? =

930

931 Tony = Du PCZ le médecin euh directeur le médecin chef de zone nous a

932 transmis une lettre avec une liste de médicaments euh en voie de

933 péremption au niveau de l'hôpital

934

935 Max Ouais ouais on a dit [que::

936

937 Tony [En fait c'est un peu pour voir le mécanisme de de

938 recyclage, alors moi ((il regarde la camera)) j'ai j'ai répondu en disant

939 qu'il fallait qu'il dise

940

941 Guy hum hum

942

943 Max qu'il déclare le stock en fait en début de:: l'intervention MSF Parce

944 que:: nous nous sommes dit qu'il faut qu'il faut qu'on maintienne en fait

945 le niveau de l'hôpital et donc il faudrait que:: il vous informe aussi =

946

947 Max = mais on a discuté de ça au dernier comité de gestion =

948

949 Tony =Oui=

950

951 Max =On a dit qu'on se donnait encore un mois

952

953 Tony hum hum

954

955 Max de fonctionnement

956

957 Tony Hum hum

958

959 Max Euh::: en commun pour voir comment on ferrait Pour l'instant il y a ya

960 pas grande cho::se qui périme avant avant la fin 2005

961

966 pour voir comment on fait pour s'assurer qu'il n'y a qu'il n'y ai pas de

967 perte de ce côté-là

968

969 Tony Hum

970

971 Max (.) Effectivement ça ça a été discuté

972

973 ((Guy et Tony remettent en ordre leur papiers)) (29.0)

974

975 ((Tony donne un document à Guy))

976

977 Guy merci

978

979 ((ASP de Tony)) (6.0)

980

981 Max j'vais::: Euh:: ((s'adressant à Tony)) j'vais récupérer une copie ((il tend

982 la main))

983

984 Guy Ouaisouais ouais (.) peut-être que vous ne repartez pas pour aujourd'hui

985

986 Max euh::: Demain

987

988 Guy Demain:: dans la matinée ?

989

990 Max ah non demain je devrais être encore -là

991

992 Guy ok

993

994 Max je devrais repartir jeudi=

995

996 Guy =ok jeudi

997

998 Max donc euh j'peux repasser demain

999

1000 Guy Oui demain dans la matinée ça sera fait

1001

1002 Max D'accord

1003

1004 Guy Ou même cet après-midi

1005

1006 Max parfait

1007

1008 Guy si vous avez encore le temps de repasser par ici. Même si je ne suis pas

1009 là je crois que vous pourrais juste demander au ((montre une direction

1010 du doigt)) juste secrétariat il vous servira

1011

1012 Max c'est parfait

1013

1014 Guy voilà

1015

1016 Max j'ai::: euh ouais on peux se voir ((s'adressant à Tony))
1017

1018 Tony j'ai une deux petites brochures pour vous

1019

1020 Max parfais j'ai mon rapport trimestriel à vous remettre
1021

1022 Tony (RIRE)

1 Annexe 4 - Transcription Séquence D (durée : 3 min 50 sec)

2 Conversation entre Max et Eric suite à la réunion

3 avec le Docteur Joseph à l'hôpital de Mumba

4

5

6 ((Eric et Max discutent devant la voiture MSF, on entend pendant toute leur

7 conversation un bruit de fond de transmission des échanges qui se font sur la fréquence

8 de leur radio qui est dans la voiture))

9

10

11 Max Bon au début ça a été difficile aussi à Layka:: ça a pas été non plus Si::

12 simple que ça (.) mais après euh:: deux mois de fonctionnement c'est là

13 que ça s'est mis à::: (.)=

14

15 Eric =[XXX (inaudible)=

16

17 Max =[Ë avoir de la facilité (.)=

18

19 Eric =[Parce que=

20

21 Max =La réalité finit tous par nous rattraper Ah Ah Ah (rire cynique) =

22

23 Eric =Non mais tu vois sur des trucs j'ai pas envie qu'elle nous rattrape quoi

24 sur des trucs euh:: (.) j'ai pas envie qu'on prenne une décision une fois

25 qu'y a un gamin qui est éclaté=

26

27 Max =Non non non=

28

29 Eric =Tu vois=

30

31 Max =Mais mais j'dis ça dans le sens oü ya d'la réalité euh=

32

33 Eric =Ouais=

34

35 Max =C'est à dire du concretquoi en faisant les choses que::: que au fur et à

36 mesure que::: qu'ils finissent par se rendre compte d'eux méme hein et

37 puis c'est normal que:: on leur fait changer beaucoup de choses on

38 réorganise plein de choses donc euh ça les euh et donc c'est confrontant

39 pour eux hein c'est normal:: quoi on peut pas:: Et puis on peut pas leur

40 présenter leur truc à chaque fois en leur disant:: tout est croche votre truc

41 faut tout refaire parce que c'est::: ils s'en prennent plein la gueule quoi

42 [et:::

43

44 Eric [Ouais nan mais en méme temps on le fait pas comme ça tu vois

45

46 Max Non voilà on le fait pas comme ça mais c'est pour ça que ça prend du

47 temps c'est pour ça que ça prend plusie- ça prend des discussions et que

48 parfois c'est chiant et que Ah Ah Ah (rire gêne) mais bon c'est:::

49

50 (3.0)

51

52 Max Et c'est partout pareil hein

53

54 Eric Ah bein ouais ouais

55

56 Max C'est:: euh et Ici ca va encore (.) parce que au Soudan putain les

57 discussions foua:::: ((il bouge sa tête de gauche à droite)) j'te dit pas hein

58

59 Eric Ah ouais j'ai fait le Nigeria aussi ca va aussi [c'était pas mal Ah Ah Ah

60

61 Max [Et là tu vois c'est des

62 heu::res et des heu::res de discussions qui aboutissent ja:mais (.) tu

63 recommences euh:: et là encore tu vois encore pour se déplacer c'est nos

64 propres infos qu'on prend avant de bouger au Darfour au Soudan c'était

65 euh:: c'était cinq heures de discussions pour pouvoir prendre la route pour

66 euh pour faire une heure de route (.) à chaque fois à chee à tous les

67 joursAh Ah Ah ça prenait l'autorisation le p'tit tampon le machin (.) du

68 AC à chaque fois qu'on faisait euh:: qu'on se déplaçait pour aller à

69 l'appel des populations=

70

71 Eric =Et situ te déplaces sans ça?

72

73 Max Ah tu te déplaces pas sans ça (.) Ah Ah Ah Tu te déplaces pas sans ça

74

75 Eric Y t'arrête y t'arrête

76

77 Max Ah ouais y t'arrête (.) si t'as pas le tampon du gouverneur du mec du AC

78 ça prenait quatre tampons à chaque arrivée danschaque ville fallait

79 aller se refaire tamponner parce qu'on arrivait et là c'était trois heures de

80 tampons euh:::

81

82 (3.0)

83

84 Max C'est enrageant mais en même temps bein:: tu fais quand même avancer

85 les choses tu finis quand mêmepar avoir accès aux gens tu finis quand

86 mêmepar faire c'que tu veux faire (.) et ça était le bordel avec les

87 histoires de vaccins on voulait faire campagne vacci on arrive à Genina

88 ((avec une voix grave)) Vous n'avez pas l'autorisation de ramener vos

89 vaccins euh:: Pardon Ah Ah (rire jaune) Pas de vaccination euh::

90 Pardon Ah Ah Ah (rire jaune) Parce que là ya 25 000 personnes dans le

91 camp euh:: Ah Ah Ah (rire gêne)

92

93 (4. 0)

94

95 Eric Mais à la fin t'as réussi

96

97 Max Ë la fin on a réussi

98

99 Eric Au Nigeria on a pas réussi=

100

101 Max =Ah Ah Ah (rire jaune)=

102

103 Eric Eux ils sont pas mal aussi (.) Ah Ah Ah en discussion=

104

105 Max =Ah ouais les soudanais et les nigériens apparemment ils sont pas mal (.)

106 au Tchad ils ont été pas mal aussi par moment euh

107

108 (6.0)

109

110 Max Tu vas voir le plus p'tit tu vas voir le plus grand tu vas voir le plus grand

111 des chefs le p'tit chef Ah Ah Ah (rire agace)

112

113 (5.0)

114

115 Max Nous ça va encore tu vois on disait que l'administ- qu'à l'administration

116 du territoire ils étaient chiantfinalement ils nous font pas trop chier

117 depuis qu'on est là quoi

118

119 Chauffeur XXX ( inaudible)

120

121 Eric Non non bein non il est pas là

122

123 Chauffeur Ouais ouais

124

125 Eric Il est en salle d'opération (.) Bon bein c'est qui après?

126

127 ((Le chauffeur donne le micro de la radio de la voiture à Eric))

1 2 8






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe