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Le Front Farabundo Marti de Libération Nationale au Salvador: 1980- 2009

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par Kacou Elom Jean-Michel ADOBOE
Université de Lomé Togo - Maà®trise en histoire contemporaine 2010
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE LOME

FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES

(FLESH)

DEPARTEMENT D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE

---------------------------------------------

LE FRONT FARABUNDO MARTí DE LIBERATION NATIONALE AU SALVADOR : 1980 - 2009.

Mémoire pour l'obtention du diplôme de maîtrise ès - lettres et sciences humaines.

Option : Histoire Contemporaine.

Présenté et soutenu par : sous la direction de :

Jean-Michel Kacou Elom ADOBOE M. Essoham ASSIMA- KPATCHA

Maître de conférences en

Histoire Contemporaine.

Décembre 2010

DEDICACE

A mes chers parents bien-aimés.

A mes chères soeurs Carine Dadié et Marie-antoinette Adoboe.

REMERCIEMENTS

Au terme de ce travail, nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à notre directeur de mémoire M. Essoham Assima-Kpatcha, Maître de Conférences qui a bien voulu le diriger, malgré ses multiples occupations. Qu'il trouve ici l'expression de notre sincère reconnaissance.

Nos profondes gratitudes vont ensuite à tout le corps enseignant du Département d'Histoire et d'Archéologie de l'Université de Lomé pour sa participation à notre formation notamment aux Docteurs Tsigbé et Mayeda pour leurs soutiens et leurs conseils prodigués. Qu'ils trouvent également en ce présent travail l'expression de notre sincère reconnaissance.

Nos remerciements vont également à l'endroit de nos amis et compagnons de route, Alexandre Danhoussrou, Magloire Hova, Gilbert Sika et Isaac Sabi pour leurs soutiens dans la réalisation de ce document.

Nous remercions très vivement nos camarades de promotion notamment Bertrand Ahogla Gbamehossou, Dominique Ahossey, Mawobou Attandji, Gadoufio Kodjo, Yom Dossou sans oublier Messan Kodja pour leur assistance et soutien moral pour la confection de ce mémoire.

Nous témoignons enfin notre reconnaissance à tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à notre formation, à la rédaction de ce document de recevoir l'expression de nos meilleurs sentiments.

SIGLES ET ABREVIATIONS

ARENA : Alliance républicaine nationaliste.

BPR : Bloc populaire révolutionnaire.

CD : Convergence démocratique.

CDU : Convergencia democrático unido.

CV : Commission de Vérité.

ERP : Armée révolutionnaire du peuple.

FDR : Front démocratique révolutionnaire.

FENASTRAS : Fédération nationale syndicale des Travailleurs

Salvadoriens.

FMLN : Front Farabundo Martí de libération nationale.

FPL : Front populaire de libération.

FSLN  : Front Sandiniste de Libération Nationale.

ONUSAL : Mission des Nations unies au Salvador.

PCN : Parti de conciliation nationale.

PCS : Parti communiste salvadorien.

PD : Parti démocrate.

PDC : Parti démocrate chrétien.

PRTC : Parti révolutionnaire des travailleurs centraméricains.

RN : Résistance nationale.

UCA : Université centroaméricaine.

INTRODUCTION GENERALE

La vie politique en Amérique latine et particulièrement dans sa partie centrale, après la période coloniale aussi mouvementée qu'elle soit, a été marquée par de nombreux problèmes parmi lesquels violences, insurrections généralisées et répressions de toutes sortes furent souvent le quotidien des populations. La pérennité d'un pouvoir oligarchique du XIXè siècle soutenu par les grandes puissances, l'ordre social injuste produit d'une structure de tenure de la terre inégalitaire, d'un système fiscal inefficace et du régime excluant, suscita des réactions de rejet de divers types (Dabène 2003 : 146).

Ainsi le Salvador, un des petits Etats de l'Amérique centrale (moins de 22 000 km2) et selon les termes d'Alain Rouquié « le petit poucet » de la région Amérique centrale, n'a pas échappé à cette situation politique, économique instable et défavorable. A côté d'une minorité d'individus riches qui concentre en leurs mains le pouvoir politique et économique, figure une majorité de la population en grande partie paysanne laissée dans un état de paupérisation. La répression des militaires à toute forme de revendication ainsi que le rejet systématique de reformes et contestations notamment la reforme agraire furent des éléments principaux à l'origine de la formation et de la radicalisation des mouvements populaires puis des organisations militaires révolutionnaires à l'instar des guérillas à partir des années 1970.

En effet l'instauration au Salvador de la dictature militaire ferme qui ne respecte pas les libertés individuelles et fondamentales de l'homme, entraîne des contestations et des soulèvements venant d'horizons divers et le développement de groupes dont certains optèrent pour la guérilla. C'est dans cette logique que se situent les différents groupes révolutionnaires créés dans les années 1970 et qui vont unir leur force en une faîtière d'organisations qu'est le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) en 1980, dans le but de mieux s'organiser et de mettre fin au régime dictatorial qui sévit au Salvador. Par la suite une guerre civile éclate dans le pays opposant combattants du Front Farabundo Martí de libération nationale et forces armées salvadoriennes soutenues et financées par les Etats-Unis, qui voient dans la guérilla l'instrument de Moscou et de la Havane. A partir de 1992, un accord de paix fut signé mettant fin à la guerre civile et prévoyant la réinsertion du FMLN dans le paysage politique en tant que formation politique. Ainsi le FMLN devint un parti de gauche et anima la vie politique au Salvador en essayant de conquérir le pouvoir, qu'il obtient récemment en 2009.

C'est eu égard à toutes ces considérations que nous avons opté dans le cadre de notre mémoire pour ce thème : «Le Front Farabundo Martí de libération nationale au Salvador : 1980-2009».

Le choix de la période d'étude n'est pas le fruit du hasard. En effet il est basé sur certaines considérations historiques qui constituent des ruptures pour l'historien.

Ainsi l'année 1980, marque la création officielle du FMLN, issu de la fédération de nombreux groupements révolutionnaires. Quant à 2009, elle marque l'année, où un leader du mouvement Mauricio Funes, est élu président du Salvador, amenant donc le Front Farabundo Martí, un parti de gauche à être à la tête de l'Etat après avoir passé de longues années comme mouvement armé puis parti politique d'opposition.

Ce sujet de recherche tient à apporter une modeste contribution à l'histoire des mouvements armés qui optent pour la guérilla dans la région Amérique latine, à analyser la question de leur montée dans la marée de la nouvelle gauche dans ladite région due à l'évolution des guérillas en formation politique, et enfin à voir si ceux-ci ont atteint leurs objectifs fixés à travers l'étude du cas FMLN au Salvador.

L'originalité de ce sujet de recherche tient à sortir du champ d'étude classique des chercheurs au Département d'Histoire et d'Archéologie, où mémoires et thèses sont consacrés en grande partie à l'Afrique en général et au Togo en particulier. Rares sont ceux qui sortent de ce champ d'étude, et nous avons voulu après avoir été suscité par notre directeur de mémoire, de porter loin nos recherches afin de mieux connaître et comprendre les réalités historiques et constitutives d'autres régions du monde et les problèmes qui se posent. Par ailleurs, il faut souligner qu'au cours de nos recherches nous avons pu constater qu'il y a des ouvrages sur le Salvador le plus souvent en anglais ou en espagnol écrits par des spécialistes de sciences sociales tels que des sociologues, des spécialistes de science politique, d'économie mais rares sont des ouvrages écrits par des spécialistes de la discipline historique et se penchant sur l'évolution du FMLN. Aspect que nous avons voulu combler en abordant cette thématique dans ce présent mémoire.

De fait l'histoire du Salvador a été marquée par des séries de soulèvements et de luttes qui ont contribué au développement d'organisations révolutionnaires. Pour mieux comprendre cela il incombe d'analyser ceci au regard du contexte historique du pays. Le pays a été longtemps victime de nombreux affrontements armés et d'ingérences étrangères. En effet c'est à la suite de la série d'indépendance en Amérique latine que le Salvador pays de l'Amérique centrale conquiert son indépendance le 15 septembre 1821 (Lemoine 1988 : 302). Ainsi à la période coloniale succède une autre celle de la dictature et de la dépendance étrangère et de la soumission du pays à l'impérialisme américain. Ces derniers soutenaient les régimes dictatoriaux en place. Face à cela divers groupes armés opérant sous forme de guérilla se sont constitués dans le but de faire sortir le pays de la domination américaine, de renverser le régime dictatorial en place, ensuite d'enclencher le processus de développement du pays afin de réduire ou de mettre fin à tant d'inégalités sociales et d'instaurer un climat démocratique dans le pays. C'est dans ce sillage qu'est né le FMLN au Salvador au début des années 1980 grâce au ralliement et la fédération de nombreuses guérillas du pays surtout d'inspiration marxiste. De ce fait, en quoi la lutte armée a-t-elle permis au Front Farabundo Martí de libération nationale d'atteindre ses objectifs et de contribuer à la démocratisation du Salvador de 1980 à 2009 ?

Toutefois pour mieux approfondir l'analyse du sujet à travers sa problématique, il est nécessaire de définir les objectifs de la recherche dudit sujet. L'objectif que vise cette recherche est d'apporter une modeste contribution à la connaissance des mouvements de libération nationale comme acteurs des relations internationales et qui aspirent à devenir des acteurs politiques étatiques. Dans le cas de notre étude nous montrerons l'exemple typique de l'Amérique centrale plus précisément au Salvador où le Front Farabundo Martí a pu réaliser ses objectifs à travers la lutte armée et un processus de démocratisation.

Pour atteindre cet objectif principal, nous avons dû élaborer des objectifs spécifiques. Nous allons montrer dans un premier temps la genèse du front et de sa plate-forme revendicative, dans un deuxième temps la logique de lutte armée qui a prévalu dans les décennies qui ont suivi la création de l'organisation militaire et ensuite dans un troisième temps nous analyserons comment la mutation du mouvement de guérilla en formation politique après 1990 était orientée vers la satisfaction des buts du front révolutionnaire.

Le travail en outre a reposé sur des hypothèses de travail. D'abord, nous présumons que face à un pouvoir qui gouverne par le meurtre et la répression, une partie importante de la population a commencé la lutte pour ses droits légitimes, la restauration de sa dignité et pour l'amélioration de leur condition de vie. Ce qui a conduit à des insurrections qui se généralisèrent en des mouvements de contestation qui, à l'instar du FMLN optèrent pour la lutte armée pour atteindre leurs objectifs et instaurer une démocratie dans le pays.

Ensuite, nous partons du principe selon lequel l'environnement politique et social assez délicat du pays dans les années 1970 et 1980 à contribuer au développement de guérillas qui exposèrent leurs revendications.

Par ailleurs, il est fort probable que dans les années qui suivirent la création du FMLN, la lutte armée qui existait, était fondée et avait pour mission d'atteindre les objectifs fixés par la guérilla.

Enfin, nous supposons que les Accords de paix de 1992 ont contribué à la mutation du FMLN de la guérilla en parti politique ; mutation qui avait pour but de réaliser les objectifs assignés à l'ex-mouvement de guérilla.

Pour bien cerner et éviter des nombreuses confusions, il a été important pour nous de définir certains mots-clés utilisés dans la formulation de notre thème de recherche et nécessaire à sa compréhension. Ainsi donc nous avons retenu trois mots et expressions à savoir « Front Farabundo Martí de libération nationale », « Guérilla » et « Guerre civile ».

Par Front Farabundo Martí de libération nationale (en espagnol : Frente Farabundo Martí Para La liberación nacional, le FMLN), on entend selon le site Answers.com « autrefois une coalition de cinq organisations de guérilla révolutionnaire et qui est depuis 1992 un parti politique socialiste au Salvador (en espagnol El Salvador). Le FMLN a été formé comme un groupe de coordination le 10 octobre 1980, de l'aile gauche, des différentes organisations de guérilla »1(*). De cette définition il ressort que ce front est révolutionnaire et donc aspire au changement brutal et parfois violent de la structure politique et sociale du Salvador. Ce front est aussi synonyme d'un mouvement insurrectionnel, qui par des soulèvements massifs essaye de renverser par la force un pouvoir établi. Par ailleurs selon le site Wikipédia, le Front Farabundo Martí de libération nationale en abrégé FMLN est à l'origine (1980) « un mouvement de guérilla issu de l'unification de cinq forces révolutionnaires. Le FMLN s'est transformé en parti politique en 1992, après le rétablissement de la paix et de la démocratie »2(*). De ces deux définitions, nous retenons deux sens qui cadrent bien avec notre recherche. Premièrement il s'agit d'une coalition ou une union étroite de mouvements s'accordant sur un programme commun, aspirant au changement brutal et parfois violent de la structure politique et sociale du Salvador, et utilisant la tactique de guérilla dans le but de lutter harmonieusement pour libérer le peuple contre le régime dictatorial installé dans le pays et soutenu par des puissances étrangères à l'instar des Etats-Unis, et instaurer par tous les moyens un régime démocratique où les inégalités sociales seront réduites. Deuxièmement le FMLN que nous étudierons dans le cadre notre mémoire, constituera également à partir 1992 suite aux Accords de paix de cette même année, un parti politique légal de tendance socialiste faisant partie aujourd'hui de l'un des principaux partis politiques du Salvador, après que toutes les unités armées de l'ex-guérilla du même nom ont été démobilisées.

Quant au concept « Guérilla », selon sa définition donnée par le dictionnaire du site la Toupie, ce terme (en espagnol guerrilla) désigne « une petite guerre, qui est diminutif de guerra, guerre. Son utilisation remonte aux tactiques utilisées par les Espagnols contre le régime imposé par Napoléon Bonaparte au début du XIXè s. Ainsi donc ce terme est employé pour désigner des combats réalisés par des petits groupes menant une guerre de harcèlement, de coups de main, d'embuscades et de sabotage contre une armée régulière. Contrairement au terrorisme elle ne vise pas les civils. Elle a pour objectif de renverser une autorité en place en la destabilisant par des confrontations peu intenses mais de longue durée »3(*). Cette définition cadre bien avec notre thème car elle met en relief les objectifs des guérillas et la nature de leurs luttes. Par extension, « guérilla » désigne aussi les groupes qui mettent en oeuvre ce type de combats. Les combattants se livrant à la guérilla sont appelés des guérilleros. Selon David Garibay, la guérilla désigne aussi des « groupes irréguliers caractérisés par des méthodes de combats privilégiant la mobilité et la surprise ». Nous retenons également cette définition proposée par David Garibay, qui en plus de présenter la nature du combat des guérillas, les distingue des forces armées régulières. Donc en faisant le rapprochement des sens, nous retenons alors de la guérilla : des groupes de combattants qui ne font souvent pas partie de l'armée régulière et qui mènent une guerre d'harcèlement, d'embuscades, d'attaques multiples et surprises dans une logique de lutte armée en vue d'éparpiller voir anéantir les forces ennemies.

Enfin le concept « Guerre civile » désigne selon le dictionnaire de droit international public un « conflit armé non interétatique mettant aux prises soit un gouvernement établi avec un mouvement insurrectionnel, soit des groupes se disputant entre eux le pouvoir de l'Etat. Dans la guerre civile le mouvement insurrectionnel veut prendre le pouvoir du gouvernement en place. » (Dictionnaire de droit international public 2001 : 538). Cette définition cadre mieux avec notre sujet dans la mesure où la guerre civile (1980-1992) que nous étudierons dans notre mémoire, est un conflit armé non interétatique c'est-à-dire un recours à la force armée entre forces gouvernementales et des groupes armés organisés tels que la guérilla du FMLN au Salvador. Les hypothèses susmentionnées nous ont conduits à adopter une méthodologie pour le travail. La méthodologie utilisée ici, est basée d'abord sur la collecte des données, ensuite sur le traitement des sources et des documents répertoriés, et enfin les difficultés rencontrées et les approches de solutions.

La méthode de collecte de données qui s'est pour l'essentiel déroulée à Lomé, a consisté à la fréquentation des centres de documentation par ordre d'importance et en fonction de la documentation qui y est disponible  notamment le centre culturel français, la Bibliothèque centrale de l'université, des cybers pour collecter des données sur le net. Ceci dans le but de recueillir des informations relatives à notre thème. A ce niveau, nous avons consulté des ouvrages et articles traitant de la région Amérique latine, du Salvador et des Etats- Unis. Par ailleurs il faut noter que nous avons fait usage de la photographie sur Internet pour étayer des réalités que nous dépeignons dans ledit mémoire.

Grâce à cette étape il nous a été permis de nous familiariser avec les grands problèmes que soulèvent notre sujet et les grandes thématiques qui y sont abordées. Par ailleurs, pour la collecte, nous procédons par le prêt du document pour le lire et prendre quelques notes et dans certains cas quand les parties intéressantes sont vastes, nous en faisons copies.

La méthode adoptée pour le traitement des informations a été des opérations analytiques, des opérations synthétiques (comparaison des sources et documents, confrontation des données pour trouver matière à histoire, raisonnement, analogie, déduction et interprétation).

En ce qui concerne les opérations analytiques, il s'agit pour nous de nous assurer de l'authenticité des documents et des informations qu'ils véhiculent. Par rapport aux opérations synthétiques, nous avons procédé à la vérification et à la confrontation des sources et documents pour jauger le degré de pertinence. Les données douteuses dont la vérification s'avère difficile voire impossible sont purement et simplement abandonnées. Lorsque nous sommes en face de certains documents qui comportent des contradictions, nous procédons à la confrontation et avec toutes les précautions qu'exige l'analyse historique. Ceci a été d'une grande importance dans la confrontation et la fiabilité des sources et documents recueillis. Le même procédé a été aussi observé avec les sources webographiques notamment avec beaucoup de précautions.

En effet aucune entreprise ne pouvant se faire sans difficultés, notre recherche n'a pas échappé à quelques difficultés telles que celles de notre incapacité de pouvoir aller sur le terrain d'étude pour recueillir des informations, de rencontrer des personnes ressources. Une des difficultés est aussi le fait que certains documents utiles ne sont pas au Togo et où certains sont en des langues outre que le français (l'espagnol et l'anglais surtout). Une autre difficulté majeure a été surtout celle liée aux informations fournies par les différentes sources, le plus souvent divergentes. D'où leurs confrontations et leurs vérifications parfois difficiles.

Néanmoins nous avons dû rechercher quelques ouvrages trouvés sur place et avons combler la faille de notre recherche en enquête orale, en faisant recours à Internet où nous avons eu accès à de nombreux articles et des témoignages des acteurs de la période. Mais là encore les difficultés ont été liées surtout au téléchargement des documents et à leurs critiques. Souvent nous avions dû faire face à des situations où certains documents et articles sont accessibles à un abonnement via internet. Par ailleurs, pour mieux cerner notre problématique, nous avions dû faire l'état de la question.

Pour faire ce travail et surtout pour mieux comprendre nous avons eu recours à des sources essentiellement écrites. Pour ce faire, une large attention a été prêtée aux sources informatiques. Nous avons recouru à des moteurs de recherche sur le net et encyclopédies numériques (Microsoft Encarta) tels les sites Google (www.google.fr), de Wikipédia (fr.wikipédia.org) pour ne citer qu'eux, qui nous ont livré des informations générales sur l'histoire, la géographie, la vie politique au Salvador, sur Farabundo Martí et l'histoire du front révolutionnaire qui portera son nom. Certains sites sur le net ont fait l'objet de collection. Particulièrement le site du quotidien français « le monde diplomatique » (www.Monde-diplomatique.fr), qui fait une lecture critique de la situation du Salvador, de la question de la reconversion du FMLN et de la montée de sa côte de popularité jusqu'à sa prise du pouvoir en 2009.

Par ailleurs le site de Latin reporters (www.latinreporters.com) où nous avons eu accès par exemple à l'article « l'ex-guérilla du FMLN aux portes du pouvoir » s'est appesanti sur la montée de la côte de popularité et de l'électorat de l'ex-guérilla devenu parti politique et ses possibilités de favori aux échéances électorales de 2009. Dans cette même optique le site de l'Esisc (www.Esisc.org) dans une note d'analyse du 02 février 2008 a orienté ses réflexions sur les conditions et les raisons d'un éventuel basculement dans la vie politique salvadorienne.

Ajoutons également à ceux-ci les sites du Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine (Risal.collectifs.net) et d'Alterinfos (www.Alterinfos.org). Sur le premier site où nous avions eu accès à des informations concernant la violence surtout celle juvénile et la prolifération de gangs dans les pays d'Amérique latine, qui plonge ces pays dans un état d'insécurité ; puis celles concernant le conflit Honduras- Salvador pour ne citer qu'eux ont été collectionnées. Quant au site Alterinfos.org, nous avons pu trouver entre autres des informations relatives à la présence militaire des Etats-Unis et l'accession du Front Farabundo Martí au pouvoir en 2009.

En outre dans cette optique de l'état de la question, nous avons consulté divers ouvrages à travers la fréquentation des centres de documentation. Parmi les sources écrites, nous avons consulté des ouvrages généraux tels que  Chaunu (1964) ; Dabène (2003) ; Rouquié (1987) ; Maurois (1947) qui nous apportent des informations sur l'histoire de l'Amérique latine et des Etats-Unis.

Chaunu (1964) retrace l'histoire du continent américain de la préhistoire jusqu'aux débuts des années 1960. Il est intéressant dans la mesure où il apporte des informations sur la conquête de l'Amérique latine, l'indépendance de l'Amérique espagnole, l'impérialisme états-unien et les premières formes de révolutions dont celles du Mexique. Néanmoins on ne note presque pas d'informations intéressantes concernant le Front révolutionnaire au Salvador. Dabène (2003) quant à lui retrace l'évolution de l'Amérique latine à l'époque contemporaine sur les aspects politiques, sociaux et économiques. Nous trouvons des informations ayant trait à notre sujet et nous voyons comment il montre les origines de la crise en Amérique centrale qui ont entraîné la radicalisation des mouvements révolutionnaires, le déclenchement, le déroulement et le dénouement de la crise, les effets de la révolution cubaine qui ont eu un impact sur la lutte armée engagée par les guérillas en Amérique centrale pour se libérer des dictatures. Des informations relatives à l'ordre oligarchique dans la région, le panaméricanisme et le Front Farabundo Martí au Salvador y sont abordées. Ceci nous permettra de comprendre le régime oligarchique et les ingérences américaines, ses buts et fondements dans la région.

Ensuite Maurois (1947) retrace l'histoire des Etats-Unis depuis la découverte de ce continent par les Européens jusqu'aux lendemains de la seconde guerre mondiale. L'auteur dans son ouvrage réserve une partie à la puissance américaine. Ceci nous permettra de mieux comprendre la montée de l'hégémonisme américain en Amérique latine.

Nous avons aussi recouru à Lemoine (1988). Le premier a le mérite de nous donner des informations générales sur les dates, chiffres, les noms et les faits marquants de l'histoire de l'Amérique latine. Cet ouvrage correspond à une sorte de mini dictionnaire de l'Amérique latine. Les informations générales retrouvées dans les ouvrages généraux étant insuffisantes, nous avons recouru aussi à des ouvrages spécifiques, peu nombreux mais qui traitent indirectement ou directement d'une thématique liée à notre sujet.

Il faut mentionner à cet effet l'ouvrage de Erdozain et Barth (1982). Le premier traite de l'histoire du Salvador des origines jusqu'à l'assassinat de Mgr Romero, grande figure marquante pour la lutte pour la liberté dans le pays. Nous montrerons dans notre travail comment son assassinat sera aussi à l'origine de la remontée des violences au Salvador. Dans cet ouvrage, l'auteur de la première partie présente les forces majeures intervenant dans la vie politique, évoque les forces en présence au cours de la guerre civile et donne des informations sur la constitution du FMLN. Quant à Placido Erdozain, auteur de la seconde partie de l'ouvrage, il s'appesantit sur l'attitude du clergé salvadorien du moins une partie de ce clergé qui, fidèle à son évêque Mgr Romero dénoncera les abus, la situation de dictature et de répression brutale que subissent de milliers de salvadoriens. Nous montrerons dans notre travail que cette attitude du clergé salvadorien a été vivement combattue et réprimée par le gouvernement en place.

Ajoutons Rouquié (1991) plus précisément son article sur le Salvador, Villalobos (1999), Garibay (2003), Garibay (2004) et Puyo et Taracena (2007). Le premier traite des forces politiques en Amérique centrale. C'est surtout un de ses articles consacrés au Salvador qui nous intéressera dans la mesure où il retrace la genèse et l'évolution des forces politiques et formations révolutionnaires dans le pays. J. Villalobos, un ancien dirigeant de l'ex-guérilla et plus précisément de l'Armée Révolutionnaire du Peuple (ERP), dans son article retrace le processus de paix au Salvador depuis le début de la guerre civile. Il met un accent particulier sur les exactions commises par la guérilla et l'armée régulière, la manière dont le retour à la paix a été une réussite, les rapports de l'ERP avec la Commission Vérité et Justice mise en place pour faire la lumière sur la guerre civile et enfin sur des éléments de comparaison par rapport à d'autres pays qui ont connu des guérillas à l'instar du Guatemala.

David Garibay, dans sa thèse de doctorat, montre comment les anciennes guérillas en Colombie et au Salvador ont tenté de parvenir au pouvoir par les armes et comment le lien entre démilitarisation et démocratisation a mis fin effectivement à un conflit armé et a permis la transformation de guérilla en parti politique au Salvador et temporairement et partiellement en Colombie. Cette thèse est intéressante à plus d'un titre car en plus des éléments de comparaison entre les guérillas dans ces deux pays, elle livre des informations sur le processus de paix et de réinsertion des guérillas colombiennes et salvadoriennes dans le paysage politique. Par ailleurs dans l'un de ses articles publié dans la revue scientifique critique internationale en 2004, il fait une bonne analyse de la manière dont les Etats-Unis influencent les pays de l'Amérique centrale en leur imposant des régimes démocratiques. Il montre les inquiétudes des américains face aux révolutions dans la région, présente leur stratégie (assistance militaire, mise en place de régimes démocratiques caractérisés par l'organisation d'élections à intervalles réguliers). Cet article est intéressant dans la mesure où il nous permet de comprendre les ingérences américaines en Amérique latine, la manière dont ils soutiennent les dictatures si leurs intérêts sont préservés et comment le contraire a favorisé des coups d'état et la chute des gouvernements.

Ensuite Puyo et Taracena (2007) dans leur article, font une étude comparative des guérillas latino-américaines en Amérique centrale et en Colombie en retraçant le contexte historique de l'émergence des différentes vagues de guérillas, le rôle de l'interventionnisme américain, les différentes idéologies qui animaient ces guérillas.

Nous ne devons pas perdre de vue l'ouvrage de Gandolfi (1989) qui nous présente la typologie des mouvements de libération nationale, leurs objectifs et leurs actions. Il évoque l'extrême complexité du problème due à la multiplicité des mouvements de libération nationale et tente d'en dresser un inventaire de ces mouvements de libération. Cet ouvrage est intéressant à plus d'un titre car il nous a permis de mieux cerner et comprendre le mouvement que nous étudions, ses actions et ses objectifs et de pouvoir mieux l'inscrire dans la panoplie d'organisations de libération nationale. Il nous apporte des informations sur la dénomination des mouvements de libération nationale (MLN), sur la manière dont les populations expriment leur participation, leurs actions qu'elles soient pacifiques ou violentes avec usage de stratégie de guerre comme la guérilla, la recherche d'une reconnaissance internationale comme soutien pour la réalisation de leur objectif et la manière dont réagissent les Etats qui font face à de telles situations.

Par ailleurs nous ne pouvions pas oublier de souligner les articles de Toinet (1982) et de Falquet (1997). Le premier traite de la politique salvadorienne des Etats-Unis de Carter à Reagan. L'auteur relève la dimension historique de la domination états-unienne dans la région Amérique latine et son évolution. Il souligne par ailleurs les actions américaines à travers les politiques cartérienne et reaganienne. Ceci nous a permis de mieux saisir et analyser les influences américaines à travers sa politique extérieure et comment les actions nord-américaines ont contribué à la déstabilisation de cette région et donc aussi du Salvador. Le second article traite de la participation de la gente féminine dans la guerre révolutionnaire ou civile au Salvador de 1981 à 1992. L'auteur soulève entre autres pourquoi une forte participation féminine à cette guerre, en dresse le bilan de la guerre pour ces femmes. Ceci nous a permis de voir la portée du conflit et la manière dont presque toutes les couches sociales au Salvador furent impliquées notamment les femmes.

Nous ne devons pas sans doute perdre de vue les articles sur le web, qui nous ont apporté un complément d'informations. Nous pouvons mentionner certains comme : Bail (2006), Bourtel (2002), Anonyme (2009). R. Bail montre avec chiffres à l'appui comment l'émigration massive de salvadoriens aux USA a entraîné la dollarisation de l'économie du Salvador. Ensuite Bourtel (2002) présente la situation dans laquelle le Front Farabundo Martí gouverne la capitale San Salvador et montre comment la gestion de cette capitale aura une portée sur les élections présidentielles de 2004. Ceci nous aidera à mieux analyser la montée de la côte de popularité de l'ex-guérilla depuis sa démobilisation après 1992. Par ailleurs l'auteur anonyme de l'article publié dans www.latinreporters.com  montre comment pour la première fois depuis la fin de la guerre civile au Salvador le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN), parti issu de l'ex-guérilla d'extrême gauche du même nom, est favori aux élections législatives et présidentielles de 2009. Nous montrerons dans notre travail les conditions et les éléments qui ont permis au FMLN d'accéder au pouvoir.

Ajoutons également à ceux-ci Huste (2008), Beaulande (2009), Blanca (2004), Kaeser (2006). Huste (2008) dans son article, fait une note d'analyse des conditions et de l'environnement dans lequel se dérouleront les élections de 2009. Il évoque les raisons du basculement de l'électorat au profit de l'ex-guérilla du FMLN c'est-à-dire qu'il montre les raisons qui ont poussé les Salvadoriens à ne pas accorder leur vote de confiance au parti au pouvoir  (ARENA) aux élections de 2009, expose les propositions du FMLN à travers son candidat Mauricio Funes. Quant à Beaulande (2009), il évoque la victoire récente du FMLN à la présidence du 15 mars 2009 et retrace la vie politique du Salvador en montrant les conditions d'évolution du FMLN de mouvement révolutionnaire en parti politique, aujourd'hui au pouvoir. Blanca (2004) dans son article présente les gangs d'Amérique centrale comme un fléau incontournable. En effet pour l'auteur ces gangs qui sévissent dans les pays comme le Nicaragua, le Guatemala et le Salvador sont accusés d'être les responsables du problème de sécurité dans ces pays à cause de l'accroissement du nombre d'assassinats, de viols, de vols. Par ailleurs il évoque dans cet article les séries de mesures qu'ont essayé de mettre en place les dirigeants politiques.

L'historien suisse T. Kaeser pour sa part montre dans son article comment le football a été le détonateur d'une courte guerre entre le Honduras et le Salvador, guerre qui se profilait à l'horizon à cause d'un certain nombre de problèmes que connaissaient ces pays et que le football a été l'élément déclencheur.

Etant donné que notre sujet porte sur un pays se trouvant dans un continent autre que le nôtre (le Togo et l'Afrique), nous avons jugé bon de présenter l'espace territorial dans lequel s'inscrit notre recherche. Nous nous réservons de ne pas trop en dire sur l'histoire car une partie lui étant consacrée dans le présent mémoire.

Pour ce qui est du pays, nous pouvons dire qu'il appartient à une région ou un sous continent dénommé Amérique latine4(*), plus précisément en Amérique centrale qui est une région, constituée d'un long isthme étroit formant une passerelle entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud (Anonyme, 2009)5(*). L'Amérique centrale couvre une superficie d'environ 520 000 km2 et comprend, du nord au sud, outre la péninsule du Yucatán, au Mexique, sept États dont le Guatemala, le Belize, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica et le Panama. C'est sur cet espace que se localise au nord ouest le Salvador, une république de cette région.

Il est limité au nord et à l'est par le Honduras, au sud par l'océan Pacifique et à l'ouest et au nord-ouest par le Guatemala6(*). Par ailleurs il est l'un des plus petits Etats du continent (moins de 22 000 km2) et aussi l'un des plus densément peuplés (250 hbts/km2) Rouquié (1991 : 61). La population du Salvador était évaluée à 6,9 millions d'habitants en 2007. Son relief (cf. carte n°1) est composé d'un plateau central peu élevé (de 400 à 800 m d'altitude) découpé par des vallées fluviales et recouvert par de nombreux volcans (Santa Ana, San Vicente, San Salvador, Tepaca, Conchagua), dont certains sont encore actifs7(*). C'est sur cette terre volcanique, dominée économiquement jusqu'à une époque récente par « quatorze familles », que de nombreux conflits sociaux vont se dérouler. Depuis 1979, une confrontation armée déclenchée par une large coalition politique et sociale se heurte à une aide militaire et un soutien économique massifs des Etats-Unis qui voient dans la guérilla l'instrument de Moscou et de la Havane (Lemoine 1988 : 301).

Le climat du Salvador est tropical, avec une saison sèche (novembre à avril) et une saison humide (mai à octobre). Les ressources naturelles du Salvador sont rares, mais le pays possède un important potentiel hydroélectrique, partiellement exploité. Les forêts fournissent divers bois (chêne, cèdre, pin, acajou) et du caoutchouc mais leur exploitation reste limitée. Les montagnes du Salvador sont en partie couvertes de chênes et de pins ; dans le reste du pays, des arbres à feuilles caduques et des prairies dominent. La faune du Salvador, moins variée que celle des pays voisins en raison de la grande densité de population, comprend notamment des singes, des coyotes, des jaguars, des pumas et des ocelots. La forte densité de population tend à accentuer les tensions sociales et est l'une des causes de l'émigration, notamment vers les États-Unis. Plus de 90 % des Salvadoriens sont des métis (d'Espagnols et d'Indiens). La société est surtout rurale, le taux d'urbanisation est de 60,1 %8(*). L'Espagnol est la langue officielle du pays, et la principale religion est le catholicisme. Le pays est divisé en quatorze départements. Les grandes villes (cf. carte n°2) sont la capitale San Salvador, des villes comme Santa Anna et San Miguel, située au pied du volcan du même nom9(*).

Ces cartes n°1 et n°2 présentent les composantes du relief au Salvador ainsi que les principales villes de ce petit pays de l'Amérique centrale.

Pour traiter ce sujet de recherche nous avons opté pour le plan chronologique qui est axé sur trois grandes parties. Les trois grandes parties se composent de deux chapitres chacune.

Notre première partie intitulée : « La genèse du Front Farabundo Martí de libération nationale et de sa plate-forme revendicative en 1980 », nous permettra de présenter le contexte historique du Salvador et analyser les problèmes hérités de l'histoire et comprendre le développement de mouvements de soulèvements et de contestation. Dans cette logique nous analyserons le processus ayant conduit à la création du Front Farabundo Martí de libération nationale comme mouvement révolutionnaire optant pour la guérilla.

Notre deuxième partie intitulée : « La lutte armée au Salvador 1980 à 1992 », nous permettra de voir en quoi la lutte armée engagée par le front révolutionnaire au Salvador était orientée vers la satisfaction de ses revendications de 1980 à 1992 ? Cette question nous conduira à analyser la guerre civile salvadorienne et l'engagement du front révolutionnaire dans l'option de lutte armée.

Enfin dans la dernière partie intitulée : « Accords de paix, mutation et enracinement du FMLN de 1992 à 2009 », nous essayerons de montrer le processus ayant conduit aux accords de paix, les mesures prises pour instaurer un véritable climat de paix, puis nous verrons et analyserons comment la mutation du front révolutionnaire en parti politique a participé à l'enracinement de ce nouveau parti politique en vue de la conquête du pouvoir et pour satisfaire les objectifs qui lui sont assignés.

PREMIERE PARTIE

LA GENESE DU FRONT FARABUNDO MARTí DE LIBERATION NATIONALE ET DE SA PLATE -FORME REVENDICATIVE EN 1980

La question de soulèvement et de séries de révoltes au XIXè siècle et au XXè siècle, se généralisant parfois en mouvements de contestation parfaitement organisés en Amérique centrale et particulièrement au Salvador, est à analyser eu égard l'histoire du pays et de la région. En effet ce pays, à l'origine peuplé d'indiens, va connaître au XVIè siècle la colonisation espagnole. Celle-ci va entraîner à son tour une destruction totale de la structure sociale, économique et de la tenure de la terre. La spoliation des terres d'avant et d'après les indépendances, le processus d'accaparement des terres laissant une masse de la population sans terre et dans un état de paupérisation, conduiront à des séries de révolte. Il en résulte que « des citoyens sont plus citoyens que d'autres » (Puyo et Taracena 2007 : 5). Tout simplement pour dire que l'ordre social était inégalitaire et injuste. À côté d'une minorité riche disposant de tous les droits et pouvoirs, vit dans la misère et la pauvreté une masse de la population dépourvue de nombreux moyens. Face à cette situation l'exigence d'un changement s'impose. Mais le rejet systématique de toute forme de contestation, de mouvement social ainsi que le rejet de toute reforme furent à l'origine de la radicalisation de soulèvements populaires et à la formation d'organisations révolutionnaires telles le Front Farabundo Martí de libération nationale au Salvador qui fait l'objet de notre étude ; organisation souvent recourant à la violence et qui auront pour mot d'ordre « La révolution ou la mort » (Erdozain et Barth 1982 : 37).

Dans cette partie, il s'agira pour nous de répondre à la question suivante : quelle a été la genèse du Front Farabundo Martí de libération nationale et de sa plate-forme revendicative de 1970 à 1980 ?

Cette question trouvera sa réponse à travers deux chapitres à savoir : « Aperçu historique du Salvador» et  « La création du Front Farabundo Martí de libération nationale au Salvador ». Ce sont ces deux chapitres qui feront l'objet de notre réflexion dans la première partie.

Chapitre 1 : APERÇU HISTORIQUE DU SALVADOR

El Salvador10(*), c'est tout d'abord une région de l'Amérique latine plus précisément de l'Amérique centrale, qui a connu une histoire bien mouvementée, méritant d'être éclairée pour mieux comprendre les problèmes qui se poseront et se répercutèrent dans la vie politique, sociale et économique du pays à partir des années 1970.

Quelles furent les grandes lignes de l'histoire du Salvador de l'époque précolombienne jusqu'aux années 1980 ?

Cette question nous amènera à voir d'abord l'époque précolombienne et la période coloniale, ensuite l'indépendance et les débuts de la république salvadorienne et enfin les problèmes posés par la colonisation.

1. L'époque précolombienne et la période coloniale

La région Amérique latine a servi de cadre à de brillantes civilisations indiennes qui se sont vite écroulées au contact des Européens et ont cédé la place à la culture européenne importée par les conquérants espagnols et portugais à partir du XVè siècle et XVIè siècle. La rapide défaite des Indiens s'explique pour une large part par la supériorité technique des Européens dont l'avance technologique était plus qu'évidente. Ainsi après la période précolombienne où se sont développées de brillantes civilisations, l'intrusion européenne occasionnée par les conquistadors notamment dans le cas de notre champ d'étude par ceux espagnols, va sonner le glas à une colonisation d'au moins trois siècles, qui laissera de nombreuses empreintes sur la vie sociopolitique du pays.

1.1 L'époque précolombienne

Avant la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb en 1492, le Salvador était déjà peuplé au cours de l'époque dite précolombienne par des populations amérindiennes dont les cultures furent influencées par les Mayas11(*). C'est une époque qui n'est pas bien connue des chercheurs mais néanmoins on sait qu'au cours de cette période se sont développées de brillantes civilisations amérindiennes telles que celles des Mayas, des Incas et des Aztèques.

En ce qui concerne le cas de notre champ d'étude, il faut noter que le territoire aujourd'hui salvadorien a connu un peuplement autochtone avant l'arrivée des colons espagnols. La zone qui est maintenant El Salvador était composée de trois grands États autochtones et plusieurs principautés. Pipils Nahua MexicoLes habitants autochtones étaient les Pipils, une tribu du peuple nomade des Nahuas12(*) installés depuis longtemps dans le centre du Mexique. LencasLa région de l'Est a été peuplée et gouverné par les Lencas. Lempa Hi River Chortis Mayan peopleLa zone nord de la rivière Lempa Salut a été peuplée et gouverné par les Chorti, un peuple maya13(*). Ces peuples qui se sont épanouis sur l'actuel territoire salvadorien, avaient une organisation sociale et administrative particulière et fortement influencée par la religion. Aztec Maya Leur culture était similaire à celle de leurs voisins Mayas et Aztèques. Tazumal San Andrés Joya de CerénNéanmoins on peut noter que toute la civilisation de ces peuples y compris leur structure sociale étaient encrées dans la religion tout comme le note M. Barth : « La religion était le ciment de ces communautés. » (Erdozain et Barth 1982 : 14).

Mais à partir du XVIè siècle, le territoire est en proie à la conquête espagnole qui va entraîner de nombreux bouleversements au sein de ces brillantes civilisations.

1.2 La conquête espagnole et la période coloniale

La conquête espagnole de l'Amérique latine est la période qui a vu en moins de cinquante ans des aventuriers ou des conquistadores comme on les nomme, à la fois à la recherche de fabuleuses richesses et désireux de soumettre tout un continent.

En effet de la fin du XVè siècle et au début du XVIè siècle, l'Europe sortait du Moyen-Âge. Les Espagnols, désormais possesseurs d'instruments de navigation hauturière (caravelle équipée du gouvernail d'étambot, boussole, connaissance sur la navigation astronomique...) et animés d'une volonté ardente de s'approvisionner en épice, de trouver des métaux précieux, volonté de trouver le prêtre Jean14(*) et de faire des chrétiens, vont se lancer sur les mers, sur les traces de leurs devanciers, les Portugais. Leur souci était d'atteindre les Indes. Ainsi après la découverte de l'Amérique par Christoph Colomb au service des « Rois catholiques » d'Espagne, avait ouvert le chemin à de nombreuses expéditions qui furent l'objet de conquête puis de colonisation plus tard.

C'est dans cette perspective qu'à la suite des conquistadors15(*), des tentatives d'annexion et d'occupation du territoire qui correspond plus ou moins à l'actuel Salvador ont commencé. Elles furent menées par Pedro de Alvarado, un conquistador espagnol et lieutenant d'Hernán Cortés, (conquistador espagnol de l'empire Aztèque du Mexique entre 1523 et 1525). A l'arrivée des Espagnols, les Indiens du Salvador (environ 130 000 habitants) sont constitués en communautés d'agriculteurs et d'artisans. Les familles recevaient temporairement une parcelle du terrain de la commune et cultivaient collectivement les produits de base. La chasse et la cueillette des fruits constituaient d'autres activités qui constituaient aussi une source de richesse. Les Espagnols détruisirent cette structure et la remplacèrent par la grande propriété (hacienda), au bénéfice bien sûr des colons, constituant une unité de production et dotée d'une police, d'une prison et d'un aumônier... (Erdozain et Barth 1982 : 14). Ces nouveaux conquérants venus pour s'enrichir et vivre noblement vont mettre en place les grands domaines coloniaux pour pouvoir mieux organiser la conquête.

Mis à part le souci d'apporter aux populations amérindiennes la religion catholique, l'un des buts premiers de la conquête était aussi l'exploitation économique du continent. Il s'agira d'exploiter massivement les mines d'or et de développer de véritables plantations agricoles surtout sucrières. C'est dans ce cadre que pour réussir cette exploitation, il fallait mettre en place des structures administratives : c'est le cas par exemple de l'instauration du système du repartimiento ou de l'encomienda à la base. Système qui a sans doute accentué les clivages sociaux et les inégalités sociales.

Le système du repartimiento ou de l'encomienda attribuait au colon en même temps que la terre, les indiens vivant sur le territoire, à charge de les « protéger » et de les amener à la foi chrétienne (Erdozain et Barth 1982 : 14).

En effet ce système fit des esclaves qui devaient contribuer au rendement maximum des terres dont ils avaient été dépossédés. Quant aux produits de ces terres ils étaient avant tout destinés à l'exportation vers la métropole, l'indien devant se contenter de la nourriture que le maître lui consentait en échange de son travail16(*) (Erdozain et Barth 1982 : 14).

Cette conquête entraîna la fin de la civilisation indienne et aussi l'extermination d'une grande partie de celle-ci. Pour les conquérants, les indiens étaient des sous-hommes, ce qui justifiait tous les abus (Erdozain et Barth 1982 : 10). Il n'a fallut qu'attendre les interventions du Pape Paul III et les protestations des Dominicains Montesimos et surtout Bartolomé de Las Casas pour qu'on puisse penser à l'amélioration de leur sort.

Le pays une fois conquis, fera partie intégrante de la « Capitainerie générale du Guatemala ». La société quant à elle se divisa en castes : les créoles, descendants blancs des conquérants ; les métis et les indiens parlant castillan qui adoptèrent des coutumes européennes (en général artisans et petits commerçants) ; enfin les Indiens qui restaient fidèles à leur civilisation, essentiellement des paysans, de plus en plus marginalisés.

C'est sur un ensemble d'organisation administrative et politique et sur cette nouvelle organisation sociale, que se feront sentir les cris d'indépendance (Erdozain et Barth 1982 : 10). Ainsi de 1808 à 1823 l'Amérique latine s'émancipe de la domination coloniale espagnole et portugaise.

2. L'indépendance et les débuts de la république salvadorienne

Les Espagnols, qui avaient imposé à leurs possessions d'Amérique latine une certaine unité en soumettant à leurs dominations les peuples de diverses civilisations sur de vastes espaces, commençaient à rencontrer vers le XVIIIè siècle des signes de faiblesses de leur système colonial. Ces signes de faiblesses qui conduirent à l'effondrement de l'empire colonial espagnol et à la déclaration d'indépendance du 15 septembre 1821, étaient dûs à des causes internes et externes. Le Salvador est immédiatement envahi par l'armée mexicaine qui l'incorpore, contre son gré à l'empire d'Augustin Iturbide. Après le rapide renversement de celui-ci en mars 1823, il intègre les Provinces unies d'Amérique centrale17(*), dont le premier président, Manuel José Arcé, est salvadorien (Lemoine 1988 : 301). Mais cette fédération fut de courte durée entraînant donc la proclamation par le Salvador de sa souveraineté entière en 1841.

2.1. L'indépendance

L'Empire espagnol qui était quasi intact jusqu'en 1810, commence à rentrer dans sa phase de déclin sous l'influence de mouvements de contestations internes et suite à des influences extérieures.

En ce qui concerne les influences extérieures, il faut souligner les effets de la révolution des treize premières colonies d'Amérique du Nord, l'embryon des futurs USA, ceux de la Révolution française de 1789 et des idées libérales du siècle des Lumières ont grandement contribué à la fin de la domination coloniale espagnole en Amérique, car ces effets servirent d'exemples et firent de ces colonies des foyers de révolutions.

Parmi les mouvements de contestation, nous pouvons évoquer l'action de l'aristocratie créole entraînant de véritables révolutions. La révolution qui a abouti à la fin de la domination coloniale ibérique fut avant tout l'action des aristocrates créoles, avec ou sans l'appui de la population métisse, alors que les Indiens sont restés souvent passifs (Chaunu 1995 : 59). Sous l'influence de la guerre d'indépendance des colons d'Amérique du Nord puis de la Révolution française, l'aristocratie créole - descendants d'Espagnols nés aux Amériques - formule depuis deux décennies des revendications de caractère national (Lemoine 1988 : 209)

La déclaration d'indépendance du 15 septembre 1821 fut entrecoupée par la volonté d'annexion de toute l'Amérique centrale à l'Empire mexicain. Ainsi donc juste après son accession à l'indépendance, le Salvador est incorporé dans l'Empire mexicain. Mais cette incorporation fut aussi brève car cet empire d'Augustin Iturbide s'effondra et donc permettant au Salvador d'être à nouveau libre.

Néanmoins le Salvador et ses voisins vont former les provinces Unies d'Amérique centrale, une sorte de fédération de pays centraméricain dont la consolidation fut aussi un échec.

2.2. De la République fédérale d'Amérique centrale aux débuts de la République salvadorienne

Dans le souci de proclamer leur indépendance vis-à-vis de leurs anciennes métropoles et afin de consolider leur acquis contre toute ingérence étrangère, les pays de l'Amérique centrale vont se regrouper en une fédération de pays indépendants.

C'est ainsi qu'en 1824 fut enfin créée cette fédération centraméricaine, comprenant le Guatemala, le Honduras, le Salvador, le Nicaragua et le Costa Rica. Sa capitale qui était Ciudad Guatemala (Guatemala), fut plus tard transférée à San Salvador dans les années 1830 sous la présidence de Francisco Morazán18(*). Par ailleurs il faut noter que cette fédération avait une organisation. Il y avait un congrès fédéral et un président, mais chaque Etat avait son propre président et ses propres organes administratifs (Erdozain et Barth 1982 : 12).

Cependant cette fédération fut de courte durée. En effet les conflits qui existaient entre les différents hommes politiques de diverses tendances ne permettaient pas de mieux asseoir la fédération. Le combat sans cesse que se livraient, hommes politiques « libéraux » opposées à l'intervention économique et sociale de l'Etat, et hommes politiques « conservateurs » hostiles à tout changement de l'ordre politique établi, n'était pas de nature à favoriser le développement de la fédération entraînant une guerre civile. La guerre civile donna la victoire aux « libéraux », mais mit en même temps fin à la fédération (Erdozain et Barth 1982 :12).

C'est ainsi qu'en 1838, un autre Congrès fédéral décida que les Etats avaient le droit de quitter la fédération s'ils le désiraient afin d'aller s'organiser de façon indépendante. C'est dans ce sillage que le Nicaragua et le Costa Rica s'en retirèrent immédiatement suivis par le Guatemala et le Honduras en 1839 ; le Salvador restant encore partisan de ladite fédération. Mais devant l'échec de Morazán de rétablir l'Union, le Salvador va devoir changer d'orientation et proclamer entièrement sa souveraineté.

La république d'El Salvador fut proclamée en 1841 (Erdozain et Barth 1982 :12). Cette nouvelle indépendance ne changea pas grandes choses mais plutôt accentuaient la donne. Les affrontements entre « libéraux » et « conservateurs » se poursuivaient pendant plusieurs décennies dégénérant en des guerres civiles et des fois en des guerres entre Etats voisins (Guatemala 1906 ; Nicaragua 1907). De fait, les débuts de la nouvelle république salvadorienne furent marqués en plus des troubles sur le plan politique, par des révolutions sur le plan économique. Cette indépendance ne modifia en rien le sort des populations indigènes, qui restèrent dans un état de paupérisation et soumises aux grands propriétaires terriens. L'introduction du café dans les années 1860 accentuèrent la donne et favorisèrent les intérêts de ces riches propriétaires terriens. La présence de survivances héritées de la colonisation, sur lesquelles va reposer la société salvadorienne ne fut pas sans incidences sur la vie sociopolitique du pays.

3. Les conséquences de la colonisation et ses survivances

Nous pensons pour notre part que la colonisation du continent latino-américain, de par sa nature et ses institutions, a entraîné de nombreuses conséquences aux nouveaux Etats qui se constituèrent dans la logique des indépendances de ce sous-continent. Ces pays héritèrent des problèmes hérités de l'époque coloniale. La détention de vastes et riches terres voire leurs confiscations par les colons puis par leurs successeurs et héritiers furent le prélude à la constitution d'une véritable oligarchie qui va détenir l'essentiel du pouvoir entre ses mains et va s'enrichir sur le dos de la grande majorité de la population laissée à elle-même et dépourvue de terres.

Cette situation conduira à une certaine instabilité politique engendrée aussi par une situation économique précaire. Tout ceci précipita l'entrée de nouveaux acteurs sur la scène politique : l'immixtion des militaires qui instaurèrent une véritable dictature et le développement de mouvements de contestations politiques et sociales alimentés par des formations révolutionnaires.

3.1. Le développement de l'aristocratie salvadorienne

La conquête de l'Amérique latine a eu aussi pour conséquence l'installation d'une aristocratie foncière. La propriété féodale qui, régnait encore en Europe au XVè siècle, fut transplantée aux Indes ; d'immenses domaines furent constitués en faveur des conquistadores et de leurs compagnons (Chaunu 1995 : 42).

Dans son entrée dans l'ère contemporaine, cette région vit l'apparition d'hommes forts les « caudillos » donnant naissance au caudillisme et l'assise puis la consolidation d'une aristocratie foncière évoluant vers une véritable oligarchie. En effet, en Amérique latine, au XIXè siècle, le pouvoir local, régional voire national est bien souvent accaparé par des personnages tout-puissants (les caudillos). Ce qui va accroître le pouvoir de ces derniers c'est aussi le désordre et l'instabilité politique qui régnaient aux sorties des indépendances. Il arrivait même que dans les rivalités qui les opposaient, un caudillo réussisse à s'imposer aux autres, s'érige donc en unique et seul gouvernant du pays en installant un régime dictatorial et népotiste. Grâce à l'entretien de véritables armées privées, ils peuvent passer de la gestion d'une propriété à la domination d'une région entière. C'est le cas du dictateur dominicain Trujillo, caudillo unique qui règne sans partage sur l'île de 1930 à 1960.

Par ailleurs il faut noter que par rapport à l'apparition d'une société rurale profondément inégalitaire due au régime colonial et l'anarchie qui s'en est suivi à la suite des indépendances ; les critères de valeur et de puissance du caudillo reposaient sur la possession de terres. La grande propriété - latifundio, hacienda, estancia, fazenda, fundo ou finca suivant selon les régions - était à la fois le moteur de la vie économique des pays et un modèle d'organisation sociale (Dabène 2006 : 3). Entre le caudillo ou entre le propriétaire terriens et ses travailleurs agricoles, il existait une relation basée sur le clientélisme.

Cependant des groupes économiquement dominants exerçant directement le pouvoir c'est-à-dire liés aux activités d'exportation vont évoluer pour se constituer en une véritable oligarchie dominante. Les caudillos furent évincés voire intégrés dans un système de collaboration avec le pouvoir central.

Au Salvador, comme nous l'avons évoqué précédemment l'indépendance ne modifia en rien le sort des populations indigènes qui restèrent soumises aux grands propriétaires terriens. Les grandes exploitations mises en place par les colons et leurs successeurs, au détriment des terrains appartenant aux communes, c'est-à-dire exploités selon un système communautaire très élaboré et ignorant la propriété privée, s'orientèrent vers la grande culture de l'indigo et du café (Erdozain et Barth 1982 : 12). Cette classe dominante, celle des grands propriétaires terriens, s'accapara le pouvoir politique et militaire. On appelle au Salvador ceux qui détiennent ce pouvoir oligarchique notamment le pouvoir économique à base agraire : les « quatorze familles » des cafetaleros (caféiculteurs). L'introduction d'un nouveau produit, le café dans le pays dans les années 1850 va contribuer à l'assise économique de ces « quatorze familles ». L'indigo qui constituait la principale source de revenus de cette nouvelle société salvadorienne fut abandonné au profit du café. Ceci est dû au fait que lorsque furent découverts les colorants chimiques, à partir de 1860, il a fallu trouver un nouveau produit de substitution exportable et rentable. C'est dans ce contexte que fut introduit le café. Pour permettre le développement de cette culture des mesures furent adoptées : « Des lois furent promulguées qui permirent l'expulsion des dernières communautés indiennes subsistantes, l'interdiction de faire paître les troupeaux sur les terres à l'abandon et firent disparaître tout ce qui restait de terres communales. » (Erdozain et Barth 1982 : 15). Ces nouvelles lois furent qualifiées de « reforme ou révolution libérale ». Conséquence un nombre important de paysans fut réduit au chômage. Ayant déjà leur police pour contraindre les paysans à travailler dans leurs plantations, les grands propriétaires créèrent également leurs propres banques pour financer leur production et investirent leurs richesses dans les appareils d'Etat (Erdozain et Barth 1982 : 15).

En témoigne le tableau n°1 ci-dessous, qui montre comment ces riches propriétaires terriens étaient pour l'ensemble des caféiculteurs et avaient entre leurs mains le pouvoir au Salvador.

Tableau n°1 : Salvador : quelques-unes des « quatorze familles » et leurs secteurs d'activité.

Noms

des familles

Culture

du café

Traitement

du café

Exportation

Du café

Sucre

Banque

Assurance

Immobilier

Construction

Industrie

Distribution

Alvarez

X

 

X

 

X

 
 
 

X

 

Battle

X

 

X

 
 
 
 
 

X

 

Dueñas

X

 

X

 

X

 

X

 
 
 

Escalón

X

 
 
 
 
 

X

 
 
 

Guirola

X

 
 
 

X

 

X

 
 
 

Magaña

X

 

X

 
 
 
 
 
 
 

Mathies

X

 
 

X

 
 
 
 

X

X

Meza Ayau

X

 

X

 

X

 
 
 

X

X

Quiñonez

X

 
 

X

X

 
 
 

X

X

Regalado

X

X

 

X

X

 
 
 
 

X

Deininger

X

X

 

X

 
 
 
 
 
 

De Sola

X

X

X

X

 

X

X

X

X

X

Hill

X

 

X

 

X

 
 
 

X

 

Wright

X

 
 

X

 
 
 
 

X

 

Source: Rouquié (1987:143)

Au vu de ce tableau, il ressort que les quelques-unes des grandes familles qui s'accaparent le pouvoir au Salvador sont presque présentes dans tous les secteurs de l'activité économique. On peut même l'observer à travers la famille De Sola dans ledit tableau. Ceci témoigne de l'emprise sociopolitique et économique de ces familles oligarchiques au Salvador. En effet ces familles sont présentes dans presque tous les secteurs de l'activité économique et dans leur ensemble concentrent entre leurs mains l'essentiel du pouvoir économique. Cela leur a permis d'avoir une assise économique et une certaine emprise sur la vie sociopolitique au Salvador, en faisant ainsi du pays leur propriété privée pendant qu'une grande masse de la population vit dans l'extrême pauvreté et dépend totalement d'eux. C'est grâce à ce pouvoir, qu'ils prirent une part active à l'exercice des décisions dans le pays, le plus souvent épaulés par les militaires. En outre Ce fut la plupart d'un des leurs qui occupa le pouvoir suprême19(*).

Par ailleurs les capitaux étrangers commencèrent à s'intéresser au café salvadorien vers 1920 ; ils sont d'abord européens, britanniques surtout, puis à la faveur de la Première Guerre Mondiale, nord-américains exposant le pays à l'impérialisme états-unien. La grande crise mondiale de 1929 atteint le Salvador : l'effondrement du prix du café empêche, en 1931, d'effectuer la récolte, unique gagne-pain pour des centaines de milliers d'ouvriers agricoles : c'est la famine. Des révoltes éclatent. Le gouvernement interdit les réunions syndicales et la circulation des écrits marxistes. Farabundo Martí est arrêté et expulsé (Erdozain et Barth 1982 : 17).

En outre, sur le plan politique, les premières élections libres organisées en 1931, portaient au pouvoir Arturo Araujo. Ce dernier sans parvenir à accomplir les promesses faites aux ouvriers et paysans, doit aussi faire face à l'hostilité de l'oligarchie. Les conditions économiques précaires, les mécontentements politiques nés de la grande dépression de 1929, précipitèrent sa chute et provoquèrent l'immixtion de l'armée dans la vie politique.

3.2. La révolte de 1932 et l'affirmation du rôle politique des militaires

A partir des années 1920 à 1932, des mouvements populaires qui visaient l'amélioration des conditions de vie des ouvriers agricoles, commençaient à se développer au Salvador. Constitués d'abord en unions d'artisans ou de paysans, les syndicats locaux se regroupent en 1924 au sein de la Federación Regional de Trabajadores de El Salvador (Garibay 2003 : 231). Arturo Araujo, dirigeant du Partido Laborista20(*), est élu président du Salvador à l'issue de cette élection l'emportant sur le candidat de la dynastie des Melendez-Quiñonez. Ce fort riche ingénieur qui avait fait ses études en Grande Bretagne, où il s'est également marié, avait une vive admiration pour le Parti travailliste britannique, admiration et influence qu'il transposa à travers son nouveau parti crée au Salvador.

Cependant celui-ci n'a pas pu combler les attentes du peuple en matière de reformes surtout celle agraire mais aussi il devait faire face à l'hostilité de l'oligarchie terrienne à cause de la dépression économique occasionné par la crise de 1929. C'est le même avis que partage David Garibay dans sa thèse : « un programme de gouvernement aux accents volontaristes ne débouche sur aucune reforme véritable, en partie à cause des effets de la crise économique mondiale (...) L'oligarchie caféière s'inquiète à son tour, d'autant qu'elle est touchée par la baisse des prix mondiaux du café. » (Garibay 2003 : 232).

La dépression frappe le pays de plein fouet (Rouquié 1991 : 62). Les conséquences ne se firent pas attendre : réactions par des manifestations et grèves ouvrières et paysannes malgré la répression dont elles font l'objet ; le chômage et le gel des salaires des fonctionnaires et en particulier des militaires.

C'est une erreur grave que va commettre Arturo Araujo en gelant le salaire des militaires car cela va lui fait perdre son poste de président. Ainsi donc ce gel des salaires des militaires va servir tout comme le remarque Garibay (2003 : 232) de « prétexte à un coup d'Etat militaire le 2 décembre 1931, au cours duquel les jeunes officiers putschistes confient le pouvoir au vice-président le général Maxiliano Hernandez Martinez. ».

Afin d'obtenir la reconnaissance internationale que les Etats-Unis refusent aux régimes de fait, ils portaient au pouvoir le général Hernandez Martinez, vice-président et successeur légal du président déchu. L'immixtion de l'armée salvadorienne dans la vie politique inaugurait une longue période de dictature militaire que connaîtra le Salvador. Cependant très tôt, le nouvel homme fort du pays se voit lui aussi confronter à des difficultés notamment à d'intenses mobilisations sociales dues aux effets de la crise, aux velléités des partisans d'Arturo Araujo désireux qu'ils reviennent au pouvoir, et à la nécessité d'obtenir des Etats- Unis les super-grands de la région une certaine reconnaissance diplomatique de son pouvoir et de son gouvernement de fait21(*).

Pour régler les différents problèmes qui se posent à lui et pour plaire aux Etats-Unis en faisant un semblant de régime démocratique, le général Martinez annonce des élections locales qui sont en effet convoquées en janvier 1932. Le Parti communiste salvadorien (PCS) récemment crée en 1930, y participe en présentant de nombreux candidats, en particulier des dirigeants indiens dans l'ouest du pays, et obtient des résultats significatifs.

L'annulation de l'élection constitue pour le PCS l'occasion d'appeler à une insurrection générale pour le 22 janvier22(*) (Garibay 2003 : 233). Le général Maximilien Hernandez Martinez instaura une dictature militaire de 1931 à 1944, dirigea le pays avec une main de fer, refusant toute reforme visant l'amélioration des conditions de vie des populations. Ce refus d'accepter toute possibilité de revendications, le conduira à réprimer durement souvent les manifestations surtout dans le sang.

Nous renseignant sur la manière dont s'est déroulée cette insurrection réprimée dans le sang, dont la mémoire collective se souvient sous le nom de Matanza « la boucherie ou la tuerie » ; voilà ce que nous dit Garibay (2003 : 233) :

« Celle-ci se développe néanmoins, principalement dans l'ouest du pays ; les insurgés, les paysans indigènes armés de machetes, révoltés contre leurs conditions de travail et la baisse de leurs salaires, qui ont été divisés par quatre en deux ans, réussissent à s'emparer de quelques villes. La répression massive et sauvage de l'armée, et d'une « garde civique » constituée pour l'occasion par des propriétaires terriens, vient y mettre tragiquement fin, en faisant en quelques semaines entre 10 et 20 000 victimes parmi la population indigène. »

Evidemment objet de polémique le nombre précis de victimes de la répression de l'insurrection, ce nombre est en fait inconnu. Plusieurs versions existent. Les autorités reconnaissent 2 000 exécutions. Chiffres qui nous semblent faible en vertu de la nature de cette répression et de la zone concernée. Le Parti communiste parlant de 30 à 40 000 morts. Ces estimations nous semblent assez élevées étant donné que l'insurrection ne s'est que principalement concentrée dans la zone centre-occidentale consacrée à la culture du café et n'a touchée qu'une partie de la population indigène révoltée. Le nombre probable devrait se situer entre 10 et 20 000 victimes comme le note plusieurs spécialistes à l'instar de Sara Gordon23(*). La population du Salvador était alors de 1,5 millions d'habitants, parmi lesquels entre 25 et 30 % d'indigènes. C'est donc entre 5 et 10 % de la population indigène qui est brutalement éliminée (Garibay 2003 : 233).

La mémoire historique de cet événement, et la peur de sa reproduction, marque le Salvador un demi-siècle plus tard, aussi bien dans la région affectée24(*), que dans le comportement de l'oligarchie terrienne (Garibay 2003 : 233-234). Outre la répression dans le sang de cette insurrection qui fait de nombreuses victimes puis de nombreux déplacés vers des pays voisins, il faut noter également l'arrestation puis l'exécution le 1er février 1932 de celui qui avait appelé à l'insurrection générale : il s'agit d'Augustin Farabundo Martí, secrétaire général du PCS.

Les Etats-Unis quant à eux ne se plaignirent pas de cette situation en Amérique centrale et plus précisément au Salvador en vertu de leurs positions anticommunistes. Vaut mieux un régime dictatorial qui sert les intérêts nord-américains qu'un régime qualifié de communiste qui vient porter un coup dur au développement de l'économie libérale dans la région. C'est cet avis que partage M. Barth quand il affirme que :

« Les Etats-Unis approuvèrent cette politique de répression sauvage, sous prétexte d'arrêter le danger communiste, argument qui se répétera à chaque fois que des soulèvements populaires - ou simplement la mise en place de régimes démocratiques - provoqueront la répression ou des coups d'Etat militaire, soutenus par les Etats-Unis, et ceci jusqu'à nos jours dans toute l'Amérique latine. » (Erdozain et Barth 1982 : 18).

En ce qui concerne l'idéologie du général Martinez, elle était simple, claire et surtout basée sur la répression. A l'Archevêque de San Salvador qui lui demandait, au nom de Dieu d'arrêter les exécutions (Avril 1944), il répondit : « Je suis Dieu au Salvador » (Erdozain et Barth 1982 : 18). Ceci témoigne encore une fois de plus le caractère de l'autoritarisme militaire qui commençait à s'enraciner.

A partir de 1932, les militaires ne quittent plus le pouvoir. La répression, quasi institutionnalisée se poursuit même après le départ du général Hernandez lâché par les Etats-Unis suite à une grève générale, sous les présidences successives du général Castaneda Castro, des colonels Osorio et Lemus qui tous accèdent à la charge suprême à la suite d'élections frauduleuses. Le climat politique du pays était défavorable et pire encore la situation s'aggrave avec un conflit qui éclate entre le Honduras et le Salvador.

3.3. Le conflit Honduras- Salvador et la naissance de mouvements

révolutionnaires

Durant l'été 1969, les matches de qualifications pour la coupe du monde 1970 à Mexico (Mexique) entre le Salvador et le Honduras ont servi de déclencheur à une guerre meurtrière et courte. Pour de nombreuses personnes la qualification pour la phase finale du mondial à Mexico en est la cause. Même si le football a été le catalyseur de cette guerre ou le prétexte, pour l'historien les causes profondes de ce conflit sont à voir ailleurs surtout à travers l'histoire de ces deux pays. Ainsi pour l'historien suisse Thibaut Kaeser, les racines de cette guerre plongent dans un contexte local marqué par la question agraire, le déséquilibre démographique et la rivalité nationale.

En effet ce bref et brutal conflit, que les historiens centre-américains appellent « la guerre des cent heures » (en raison de sa durée exacte), a des causes plus profondes que le seul sport (Kaeser 2006). Malgré leur proximité géographique, ces deux pays voisins connaissent des conditions démographiques très différentes : le Salvador, au Sud, a une faible superficie mais est surpeuplé (quatre millions d'habitants au moment de la guerre, pour 23 000 kilomètres carrés) ; le Honduras au Nord, est plus grand, moins peuplé (trois millions d'habitants pour 120 000 kilomètres carrés) et beaucoup moins dense (sept fois moins que son voisin)25(*). Dans ces deux pays la répartition des terres est inégale. Face à une agriculture tournée vers l'extérieur et ne favorisant que les intérêts de l'élite terrienne, beaucoup de paysans émigraient pour chercher un mieux-être ailleurs. Cette situation a été perceptible aussi au Salvador. L'absence de terres et l'inégalité dans la répartition poussaient les salvadoriens à l'exode26(*).

En effet les militaires qui servent fidèlement l'oligarchie terrienne, ont encouragé l'émigration massive de milliers de Salvadoriens surtout à partir de 1932 afin de pallier à une surpopulation lourde de menaces sociales et aussi éviter une reforme agraire pourtant nécessaire. Ainsi San Salvador, estime avoir un droit de regard sur ses 300 000 concitoyens au Honduras, dont la majorité sont des illégaux tolérés depuis longtemps à cause du besoin en main d'oeuvre qui s'est fait sentir avec la culture de la banane au Honduras.

Même si au début cette situation n'inquiétait pas, il n'en demeure pas pour longtemps. Cette situation ne va plus satisfaire le président Arellano du Honduras qui, encouragé par les revendications paysannes et la Fédération nationale des Agriculteurs et Eleveurs du Honduras (FENAGH), relance la reforme agraire et avec elle le sentiment anti-salvadorien qui couve. Ainsi au début des années 1969, la FENAGH, relayée par une presse enflammée, accuse les Salvadoriens d'envahir illégalement les terres promises aux Honduriens (fait au demeurant partiellement vrai), tandis que l'Institut national agraire distribue des titres aux seuls nationaux en jouant la carte de la xénophobie. En quelques mois, l'atmosphère se dégrade : molestés, menacés, les immigrés salvadoriens subissent la colère populaire et cinq cents familles sont officiellement expulsées le 1er juin 1969 (Kaeser 2006).

En outre parmi les causes de ce conflit, il ne faut pas négliger les effets du Marché commun centre-américain. En effet pour certains auteurs à l'instar de M. Barth, cette guerre est en réalité une « des conséquences de la crise du marché commun centre-américain » (Erdozain et Barth 1982 : 21). Le pays fait office de parent pauvre dans le Marché commun centre-américain27(*). Peu industrialisé et considéré comme archaïque, le Honduras ne récolte pas les fruits du décollage économique promis, alors que son voisin, El Salvador, bénéficie de cette libéralisation des échanges. Le déséquilibre économique qui en découle de cette situation, ensuite alimenté par le sentiment de jalousie des Honduriens face à la réussite économique des Salvadoriens dans leurs pays va précipiter les deux pays à une guerre inévitable. Face à cette situation, les passions se déchaînent, et c'est dans ce contexte haïssable que les deux équipes nationales se disputent l'honneur de représenter l'Amérique centrale au Mondial mexicain de 1970.

La rencontre des équipes de football des deux pays, pour le championnat du monde, est l'occasion d'une bagarre qui se transforme en guerre. Après une nuit sans sommeil et un accueil hostile, l'équipe du Salvador est battue 1 à 0 lors du match aller le 8 juin. Le match retour s'annonce encore plus détestable. Arrivée à l'aéroport le 14 juin, l'équipe du Honduras apprend que son hôtel a été incendié. Le match retour donne l'avantage au Salvador : 3-0. Dans la nuit qui suit, deux supporters ayant fait le déplacement sont tués, et une chasse à l'homme à l'encontre des salvadoriens est lancée au Honduras. La frontière entre les deux pays est fermée. Le 26 juin, les relations diplomatiques sont rompues. Le lendemain, un match devait se jouer pour départager les deux équipes sur un terrain neutre. Celui-ci a lieu à Mexico et El Salvador se qualifie par 3 buts à 2: les émeutes recommencent au Honduras. Des incidents de frontières se produisent, tandis que les médias des deux pays jettent de l'huile sur le feu en mêlant le vrai au faux sur un air martial. Pendant ce temps, des salvadoriens sont expulsés du Honduras chaque jour.

Le président du Salvador, le général Fidel Sanchez Hernandez, ne peut pas tolérer ces agressions. L'oligarchie et l'état-major, eux, craignent l'arrivée de réfugiés qui représentent potentiellement une menace de contestation agraire derrière laquelle ils imaginent le spectre du communisme. Le 14 juillet, Tegucigalpa est bombardée et l'avancée de l'armée salvadorienne, qui fait peu de prisonniers, est fulgurante. Sa progression n'est stoppée que par manque de munitions et de ravitaillement ; le Honduras gagne la victoire aérienne en détruisant les provisions de fuel. La situation va s'améliorer un peu plus tard. Sous la pression des Etats-Unis et de l'Organisation des Etats Américains (OEA), un armistice est signé28(*) (Lemoine 1988 : 302).

Cette guerre quoique courte ne fut pas sans incidences sur la vie sociopolitique des deux pays. En effet, en quatre jours, cette guerre a causé 6 000 victimes, dont 2 000 morts (une majorité de civils honduriens), et entraîné la fuite de 60 000 à 130 000 salvadoriens établis au Honduras (Kaeser 2006). Le Mercomún est mort. Les relations entre les deux pays resteront rompues jusqu'en 1980 où, sous la pression des Etats-Unis, un traité de paix est signé, mais qui supprime pas le problème des « poches » frontalières permettant à l'armée salvadorienne de débusquer les guérilleros (Erdozain et Barth 1982 : 21).

Le Honduras s'est vidé d'une majorité de ses Salvadoriens. Sa réforme agraire fut timide et bancale. Suite à ce conflit, des paysans et salariés ruraux salvadoriens rentrent dans leur pays en provenance du Honduras. Ceux-ci retournés dans leurs villages -avec lesquels ils n'avaient plus aucun lien- ne reçoivent pas les terres qu'on leur avait promises et vont augmenter le nombre de paysans sans terres dans un pays déjà surpeuplé. Ceci fut aussi à l'origine de la résurgence de nouvelles luttes pour la libération nationale. En effet ceux-ci apportèrent avec eux l'expérience de la lutte acquise au Honduras.

L'environnement sociopolitique défavorable et le mécontentement qui prévalaient, aggravèrent la situation et conduisirent à la naissance d'organisations révolutionnaires optant pour la guérilla. C'est ainsi donc que dans le début des années 1970 voit naître des organisations révolutionnaires armées telles que, les Forces de libération nationale et l'Armée révolutionnaire du peuple qui participèrent à la création du FMLN vers la fin de l'année 1980.

Peuplé par des populations paisibles amérindiennes, le territoire aujourd'hui salvadorien a subi dans le contexte de la découverte du nouveau monde par Christoph Colomb en 1492, la colonisation espagnole. C'est ainsi qu'après moult péripéties, ce pays a fini par s'affranchir de la domination coloniale espagnole mais les débuts de la nouvelle république ne furent pas faciles.

En effet ce pays se voit contraint de subir les problèmes posés par l'héritage colonial. A la domination coloniale, supplante une autre forme de domination, celle de la minorité oligarchique, qui place les masses rurales dans un état de paupérisation et de misère. Les problèmes posés par la tenure de la terre inégalitaire, l'environnement politique instable marqué par des coups d'état, par la répression à toute tentative de réforme entraînèrent le mécontentement général et exacerbèrent les tensions. La conséquence est le foisonnement d'organisations révolutionnaires armées dans les années 1970, qui se fixèrent un objectif, celui de mettre fin à une situation pleine d'injustices sociales.

La lutte enclenchée par le développement de ces mouvements révolutionnaires de guérilla, s'accentua avec l'union de ces différentes formations révolutionnaires pour atteindre leurs objectifs. Avec la création Front Farabundo Martí de libération nationale en 1980, commence une nouvelle ère dans le processus de lutte armée au Salvador.

Chapitre 2 : CREATION DU FRONT FARABUNDO MARTå DE LIBERATION NATIONALE (FMLN)

Résultat d'une atmosphère sociopolitique dégradée, le Salvador à partir des années 1970 et 1980, va connaître le développement d'organisations révolutionnaires optant pour la guérilla. Ces différentes formations vont entreprendre une réalisation inédite : la constitution d'un front révolutionnaire commun pour unir leur force et atteindre leur objectif. C'est dans cette perspective que s'est constitué le FMLN, fruit aussi d'un contexte favorable à sa formation. Dans ce sillage, quel a été le processus de la création du Front Farabundo Martí de libération nationale ?

Cette question nous amène à voir d'abord le prélude à la constitution du front révolutionnaire et ensuite la formation du Front Farabundo Martí de libération nationale.

1. Le prélude à la constitution du front révolutionnaire

Nous pensons pour notre part que l'exclusion socio-économique, engendrée par les crises économiques et la situation de tenure inégalitaire de terre, marque la vie quotidienne de milliers de salvadoriens. Cela a accentué l'inégale répartition des ressources et la hausse du taux de pauvreté. A l'actif de la formation ou de la radicalisation des mouvements de contestation révolutionnaires, il faut ajouter les ingérences étrangères voire leurs dominations. En cela dans le cas du Salvador, l'ingérence américaine dans les affaires intérieures salvadoriennes a contribué à l'organisation des différentes formations révolutionnaires qui s'opposèrent aux régimes dictatoriaux le plus souvent soutenus par Washington.

1.1. Le Panaméricanisme et les débuts de la domination étrangère

Les Etats-Unis voisins de l'Amérique latine peuvent sembler placés par la nature dans une position géographique prédestinée pour exercer leur influence sur les républiques latino-américaines (Chaunu 1995 : 113).

En effet, ces deux Amériques libérées presque au même moment du joug colonial ont paru se rapprocher dans les premières décades du XIXè siècle. Mais plus tard il commence à naître chez les Américains un véritable désir d'expansion et de domination de toute la région Amérique latine. Ces idées furent alimentées par différentes doctrines qui sonnèrent le glas au panaméricanisme, signe de l'impérialisme américain dans la région. Impérialisme qui est certes encore perceptible de nos jours sous diverses formes.

L'impérialisme a des origines lointaines en Amérique latine. Aux lendemains des indépendances, la pénétration des capitaux étrangers, britannique surtout, se chargea de soumettre le continent à une dépendance d'un nouveau type (Dabène 2006 : 24). Comme nous l'avions souligné précédemment, l'une des causes de l'ingérence étrangère dans les pays latino-américains est aussi à voir dans la dépendance de ces pays sur le plan économique. En effet bien avant la première guerre mondiale, c'était l'Europe par le biais de la Grande Bretagne qui s'imposait sur tous les marchés américains. Mais avec la guerre on va assister à un basculement d'hégémonie de l'Europe vers les Etats-Unis.

En Amérique latine ce changement se fit sentir de manière spectaculaire. Aussi bien en ce qui concerne le commerce que les investissements la Grande Bretagne s'effaça (Dabène 2006 : 38). Nous pouvons le constater à travers le tableau n°2 suivant :

Tableau n°2 : Importations salvadoriennes des Etats-Unis et de la Grande Bretagne rapportées au total des importations en pourcentage, (1913-1927).

 

Importations des Etats-Unis

Importations de la Grande Bretagne

El Salvador

1913

1927

1913

1927

39,5

46,3

27.2

16.1

Source : Dabène (2006 : 39).

En observant le tableau ci-dessus on note que les importations salvadoriennes en provenance des Etats-Unis de 1913 à 1927 ont connu une hausse passant de 39,5 % à 46,3 % contrairement à ceux provenant de la Grande Bretagne qui ont connu une baisse passant de 27,2 % à 16,1 % à la même période. Ceci s'explique en particulier par la Grande Guerre et ses effets sur l'économie. En effet on va assister à un basculement d'hégémonie de l'Europe vers les Etats-Unis. En raison de la guerre, et notamment des attaques sous-marines menées par les Allemands à partir de 1917, le commerce latino-américain s'orienta vers les Etats-Unis (Dabène 2006 : 37). Même si c'est vrai que les importations en provenance de la Grande Bretagne ne s'estompèrent pas au cours de cette période, ils furent toutefois supplantés par ceux américains qui progressivement évoluèrent sans cesse.

Ainsi donc, dès le début du XIXè siècle, les Etats-Unis se découvrent une vocation à dominer l'ensemble des Amériques. Cette vocation découle d'une déclaration faite par le président Jefferson : « cette ultime possession de tout le continent est l'ordre naturel des choses » (Dénécheau, Girault et al 1979 : 30). Cette idée fut reprise sous une autre forme par le président Monroe dans son message annuel au Congrès américain le 2 décembre 1823. Celui-ci signalait aux Européens que l' « Amérique appartenait aux Américains ». Cette fameuse citation élément moteur de ce qu'on va appeler la « doctrine Monroe », va définir et sous-tendre la politique extérieure américaine dans le continent latino-américain. C'est cet avis que partagent D. Puyo et A. Taracena quand elles affirment que : « la politique extérieure américaine a une influence dans les pays de l'isthme depuis la déclaration de la doctrine Monroe en 1823. » (Puyo et Taracena 2007 : 5).

Mais cette politique extérieure connut par la suite une note impérialiste. Car il faut que noter les Américains avaient le désir de reprendre le projet de solidarité de l'Amérique latine  mais sous une autre forme afin de mieux influencer et assurer leurs intérêts dans la région. La touche impérialiste fut renforcée par le président Roosevelt (Théodore) dans sa politique du « Big stick » qui veut dire « Gros bâton » qui visait avant tout l'Amérique centrale. Le « Big stick » va en effet reprendre les idées de Monroe mais rendant les Américains plus actifs dans la région à travers leurs interventions. Cette lecture impérialiste entraîne de multiples interventions :

- à la suite de la guerre de 1898 où ils écrasent l'Espagne, les Etats-Unis annexent Porto Rico ; ils proclament l'indépendance de Cuba, tout s'en attribuant un droit permanent d'intervention et en occupant la base de Guantanamo,

-depuis longtemps, les USA s'intéressent à la réalisation d'un canal interocéanique en Amérique centrale ; en 1849, ils obtiennent une concession sur le territoire du Nicaragua ; puis une société française héritière de la compagnie de Lesseps, propose le rachat de la concession et des travaux réalisés à Panama (Dénécheau, Girault et al 1979 : 31).

Ainsi donc les Américains au nom du panaméricanisme intervinrent dans les affaires internes des pays latino américains à travers attaques armées ou occupations militaires surtout quand leurs intérêts y sont en jeu. En témoigne le tableau n°3 suivant :

Tableau n°3 : Interventions ou occupations militaires nord-américaines en Amérique centrale et Caraïbes entre 1898 et 1933

Cuba

1898-1902, 1906-1919, 1917-1922

Guatemala

1920

Haïti

1915-1934

Honduras

1903, 1907, 1911, 1912, 1924, 1925

Mexique

1914, 1916-1917

Nicaragua

1909-1910, 1912-1925, 1926-1933

Panama

1903

Porto Rico

1898

République Dominicaine

1903, 1904, 1905, 1912, 1916-1924

Source : Dabène (2006 : 27).

L'observation de ce tableau nous montre quelques interventions ou occupations américaines dans certains pays de l'Amérique centrale et les Caraïbes. On voit que ces interventions furent successives dans certaines régions que dans d'autres. Cela s'explique par la politique d'expansion des Etats-Unis et les intérêts en jeu.

En effet les Etats-Unis vers la fin du XIXè siècle et les débuts du XXè siècle voulurent imposer leurs hégémonies politiques sur l'ensemble du continent américain. La révolution économique qui fit d'eux la première puissance du monde, et l'épuisement de la frontière en 1890 incitèrent ce pays à offrir à son développement capitaliste de nouveaux débouchés et à la suite de nouveaux intérêts. D'où de nombreuses intrusions dans des pays voisins en l'occurrence latino-américains se généralisant parfois en occupations et interventions militaires successives dans les pays tout comme le montre le tableau n°3. Ceci dans le but d'assouvir ses intérêts tant sur le plan économique que géostratégique.

Cependant cette intrusion américaine dans les affaires internes des pays latino-américains va entraîner de nombreuses résistances de la part de ces derniers désireux de sauvegarder leur indépendance sur tous les plans. Pas question de sortir d'une domination coloniale où espagnols et portugais se sont illustrés en véritables maîtres, pour rentrer encore dans la domination yankee (états-unienne). Ces interventions nord-américaines provoquèrent des résistances armées29(*) et participèrent au développement de mouvements de contestation qui lutteront pour la libération nationale particulièrement en Amérique centrale. Pour Puyo et Taracena (2007 : 5) : « l'interventionnisme des Etats-Unis dans la région, spécialement dans le cas de l'Amérique centrale, est un facteur qui a contribué à la radicalisation des mouvements de gauche puis au développement d'un sentiment anti-américain très marqué dans les années 1960 et 1970. ». Nous le démontrerons beaucoup plus loin mais il faut sans doute souligner que l'intervention directe et continue des Américains alimentera des thèses idéologiques et anti-impérialistes chez les guérillas, thèses idéologiques qui furent pénétrées profondément par l'idéologie marxiste.

1.2. La pénétration d'idéologie marxiste et leurs adaptations

A l'actif de la création de la guérilla du FMLN, il faut souligner la propagation de doctrines et d'idéologies d'inspiration marxiste, qui alimenteront les formations révolutionnaires au Salvador. L'influence des idéologies d'inspiration marxiste est fondamentale pour analyser la formation des guérillas en Colombie, en Amérique centrale et aussi au Salvador. Car au fait une des caractéristiques de ces guérillas révolutionnaires, c'est que la plupart dans ces régions adoptent une vision marxiste de la société. Elles sont majoritairement constituées par des dissidents du Parti communiste, des étudiants de classes moyennes et, dans certains cas par des paysans et des ouvriers (Puyo et Taracena 2007 : 6).

Les guérillas en Amérique centrale et même en Colombie apparaissent officiellement dans les années 1960 et se définissent comme des formations au service de la masse populaire surtout du peuple opprimé. Ils se présenteront pour la plupart comme des mouvements de libération nationale. Ils auront pour but la lutte contre l'oppression d'un homme, d'un régime ou d'une classe avec, en toile de fond, la résistance à l'impérialisme nord-américain.

Cependant les guérillas latino-américaines plus particulièrement en Amérique centrale ne naissent pas ex-nihilo. Ce sont des organisations sociales qui vont opter pour la mise en place d'une structure politico-militaire influencée par les thèses guévaristes foquistes et le triomphe de la révolution cubaine (Puyo et Taracena 2007 : 7). A travers la guérilla, les formations révolutionnaires pensent mettre en place une stratégie de guerre, un moyen d'atteindre leurs objectifs et à parvenir pour la plupart des cas au pouvoir. Mais pourquoi ces guérillas furent majoritairement fortement influencées par les doctrines d'inspiration marxiste ?

Il faut noter que ce sont les effets du triomphe de la révolution cubaine en 1959 qui sert de détonateur et de modèle à toute l'Amérique latine. Ainsi la révolution cubaine a joué un rôle fondamental dans le choix de l'adoption des doctrines marxistes30(*) dans la mesure où elle constitue la preuve que la révolution peut bien avoir lieu en Amérique latine et être victorieuse. La portée de cette révolution eut un impact sur le devenir futur des mouvements de guérillas car « Cuba devient donc un point de référence historique et politique pour les gauches du continent. Elle devient aussi un lieu de formation politico-militaire pour la plupart des guérilleros d'Amérique centrale » (Puyo et Taracena 2007 : 7).

Selon l'analyse de David Garibay31(*), il faut sans doute noter deux vagues dans le processus d'émergence des guérillas latino-américaines. C'est cet avis que partage aussi Wiarda32(*) notamment dans le cas de la région Amérique centrale.

Une première vague se développe après le succès de la révolution cubaine de 1959, autour des théories de Che Guevara33(*), notamment la théorie des foyers (focos en espagnol) dont l'idée sera de créer des foyers insurrectionnels isolés en milieu rural, qui précipiteraient par leur action armée, leur courage et leur détermination, les conditions de la révolution. Ainsi suivant l'exemple du « Che » les théories du « foquisme » exposées dans son ouvrage (la Guerre de guérilla, 1960) seront mises en oeuvre en Amérique centrale et du Sud. Elles conduiront à des cuisants échecs, faute pour la guérilla d'avoir trouvé un véritable soutien dans le peuple, notamment dans le peuple en Bolivie en 1967 (Gandolfi 1989 : 29).

L'autre vague, la deuxième, qui se développera à partir de la seconde moitié de la décennie 1970, fera le bilan de l'échec des expériences précédentes. Il s'agit d'une remise en cause de la théorie du focos et la mise en place d'une large alliance constituée par l'ensemble des forces révolutionnaires, civiles ou armées, pour lutter contre un régime dictatorial.

C'est dans ce contexte marqué déjà par une atmosphère sociopolitique et économique défavorable, puis par la pénétration des idéologies marxistes que vont se développer les différentes formations révolutionnaires à l'origine du Front Farabundo Martí de libération nationale au Salvador.

2. Formation et organisation du FMLN

Une situation d'oppression et de misère est fondamentalement à l'origine du développement de mouvements révolutionnaires, qui trouvèrent que la seule option pour atteindre leurs objectifs résiderait dans la lutte armée à travers la stratégie de la guerre de guérilla. Cette situation favoriserait probablement la guerre civile meurtrière qui se déclencha au Salvador et qui dura au moins pendant une décennie. L'espace politique étant resserré et marqué par la répression des oppositions politiques, des associations paysannes et ouvrières, la contestation se prolongeait dans les organisations révolutionnaires qui commencèrent à émerger et qui furent à l'origine de la création du FMLN.

2.1. Les différentes formations révolutionnaires à l'origine du FMLN

Pour une meilleure compréhension de cette partie et pour ses besoins, nous distinguerons les forces de guérilla proprement dites des « organisations populaires » qui dépendent d'elles. Il existe cinq groupes armés qui ont participé à la création du FMLN. À ces groupes, il est important pour nous de parler des organisations populaires ou organisations de masse qui ont joué un rôle non négligeable dans l'organisation du front révolutionnaire et dans la mobilisation des couches sociales surtout les plus défavorisées.

2.1.1. Etat des lieux des principales formations révolutionnaires

Le plus ancien des groupes de guérilla a été fondé le 1er avril 1970 par des dissidents du Parti communiste, qui ont choisi la voie des armes (Rouquié 1991 : 90). Il s'agit des  Fuerzas Populares de libéración ou Forces Populaires de Libération (FPL). Critiquant la stratégie du parti et prônant la lutte armée contre le pouvoir, Salvador Cayetano Carpio34(*), alors secrétaire général du PCS de 1964 à 1970, va se séparer de son parti et fonder ce groupe armé. Cayetano Carpio qui va prendre le nom de « commandant Marcial » au sein de la guérilla va assurer le commandement en chef des FPL jusqu'à sa mort. A ce groupe armé s'est alliée une confédération des mouvements de masse. Il s'agit du Bloc révolutionnaire populaire (Bloque Popular revolucionario, BPR)35(*) créé officiellement le 30 juillet 1975 et qui se présente comme une organisation populaire de soutien à la guérilla du FPL et plus tard au FMLN, regroupant des syndicats agraires, ouvriers, étudiants et même des associations de quartiers.

Un second groupe fut créé en 1971 suite à une rencontre entre militants du parti communiste, d'orientation maoïste, et un groupe radicalisé de la jeunesse de la démocratie chrétienne. Constitué en une armée révolutionnaire : Ejército Revolucionario del Pueblo (ERP), il avait une vision beaucoup plus militariste et insurrectionnelle. Il était dirigé par le comandante Joaquín Villalobos, ancien étudiant en économie issu d'une famille aisée de San Salvador. Cette armée révolutionnaire s'était dotée d'un parti, le Parti de la révolution socialiste (Partido de la revolución socialista, PRS) et d'une organisation de masse les Ligues du 28 février (Ligas Populares - 28 de Febrero, LP-28)36(*) qui ont une importance très réduite en raison du fait que l'ERP ne s'est pas départie de son caractère éminemment militaire. Même si elle connaît une faiblesse sur le plan organisationnel, il faut noter que l'ERP était une véritable armée et elle a été d'une importance capitale dans le contexte de la lutte armée engagée par le FMLN à partir de 1980. Ainsi selon A. Rouquié l'ERP avait constitué la première force militaire du FMLN, la plus nombreuse, la mieux entraînée et la mieux disciplinée. La seule à avoir attiré des officiers de carrière et à posséder une brigade de commandos d'élite (la Brigade Arce Zablah) d'une redoutable efficacité (Rouquié 1991 : 93).

Un troisième groupe armé vit le jour à partir de 1975 ; issu d'une scission intervenue au sein de l'ERP. Il s'agit de la Résistance nationale (Resistencia Nacional, RN) ou des Forces armées de la résistance nationale (FARN), une des cinq organisations du FMLN. En effet, en réaction à l'assassinat du poète Roque Dalton37(*) par la direction de l'ERP, un groupe de personnes iront fonder la Résistance nationale même si on estime la RN un peu proche de l'ERP surtout en partageant ses thèses insurrectionnalistes ; elle diffère un peu de l'ERP sur le plan action. Elle en diffère par ses relations étroites avec les syndicats ouvriers et son implantation populaire (Rouquié 1991 : 94). Dirigée par un ancien ouvrier textile, Ernesto Jovel, premier secrétaire général et commandant en chef des Forces armées de la Résistance nationale jusqu'à sa mort en septembre 1980 dans un accident d'avion « alors qu'il réalisait une tournée d'orientation en vue de préparer l'offensive finale du 10 janvier 1981»38(*). Lui a succédé Fermán Cienfuegos (Eduardo Sánchez Castañeda), un intellectuel ancien membre des jeunesses communistes issu d'une riche famille costaricienne (et salvadorien par sa mère) (Rouquié 1991 : 94). Son organisation de masse n'est que le Front d'action populaire unifié (le Frente de Acción Popular Unificada, FAPU).

Un quatrième groupe armé vit le jour mais tardivement vers la fin des années 1979. Il s'agit du groupe armé créé par le PCS : les Forces armées de libération (Fuerzas Armadas de Libéración, FAL). En effet le Parti communiste, illégal ou traqué depuis sa fondation le 28 mars 1930 a connu une existence à éclipses. Presque disparu après le soulèvement populaire auquel il a appelé et qui s'est soldé par un véritable bain de sang et la mort de ses principaux dirigeants dont Farabundo Martí en 1932; le PCS va adopter une autre politique. Elle sera opposée à toute forme de lutte armée et s'engagea dans le domaine juridique électoral et dans l'organisation syndicale. Il fut donc légaliste et pacifiste comme l'immense majorité de ses homologues en Amérique latine ; mais ce fut pour un temps. Car après le succès de la révolution cubaine et la radicalisation croissante dans les années 1960, certains au sein du Parti communiste salvadorien ont commencé à préconiser la lutte armée pour renverser la dictature salvadorienne. Et nous savions plus loin que c'est dans ce contexte de désaccord sur les options politiques à prendre que certains communistes durent quitter le parti. C'est le cas par exemple de Salvador Cayetano Carpio que nous avons précédemment souligné. Légaliste et pacifiste, il est forcé de rejoindre les autres mouvements de guérilla sous la pression de ces mêmes guérillas et par les sollicitations de Cuba, convaincu que le Salvador peut suivre le chemin révolutionnaire embrassé par lui et par le Nicaragua. C'est ainsi que le Parti communiste est donc entré dans la lutte armée en 1980 en formant ses Forces armées de libération qui comptent un faible nombre de combattants mais néanmoins son influence au sein du FMLN dépasse largement son poids militaire. Ceci en raison de la qualité de ses cadres et de leur expérience, d'abord et ensuite à cause du prestige de son secrétaire général : Shafick Handal, qui fut un des membres les plus puissants du commandement suprême de la guérilla du FMLN.

A ces groupes armés, il faut ajouter le Parti révolutionnaire des travailleurs centre-américains créé le 25 janvier 1976 par des « jeunes révolutionnaires » qui privilégiaient une révolution régionale à l'échelle centraméricaine, va se désorienter de cette option politique et va opter pour la révolution par pays. C'est ainsi qu'au Salvador, le PRTC va abandonner l'orientation de révolution régionale et va rejoindre le FMLN. Ce sont ces principales organisations qui formeront l'organisation révolutionnaire armée de guérilla, à qui elles donneront le nom d'un héros de la lutte contre la dictature au Salvador : Augustin Farabundo Martí.

Mais qui est ce fameux Augustin Farabundo Martí que toutes les organisations révolutionnaires salvadoriennes rendent hommage et que tous les salvadoriens considèrent jusqu'à nos jours comme un héros et un modèle de la lutte pour la justice sociale et pour la liberté du peuple ?

2.1.2. Qui est Augustin Farabundo Martí ?

Augustin Farabundo Martí39(*) (cf. photo n°1), à qui se rattache le nouveau front révolutionnaire, est une figure historique marquante du mouvement paysan et ouvrier salvadorien, qui connut très jeune la répression et l'exil. Après des expériences militaires dans des pays comme le Mexique et son soutien au général Sandino pendant la résistance aux marines nord-américains au Nicaragua, il retourna au Salvador où il fonda le Parti communiste salvadorien en 1930. Instigateur de l'insurrection paysanne de 1932, il sera arrêté et fusillé la même année par le régime militaire du général Maximiliano Hernandez. L'organisation révolutionnaire sera dénommée « Front Farabundo Martí de libération nationale » en hommage à cet héros et combattant salvadorien des années 1930. Ainsi Comme le remarque Gandolfi (1989 : 35-36) : « plus spécialement en Amérique latine ils aiment à se donner le nom d'un héros de l'indépendance nationale ou de la lutte contre la dictature, où s'incorporer la date d'un événement particulièrement symbolique de cette lutte. ».

Photo n°1 : Augustin Farabundo Martí (1893-1932), vue prise lors d'une de ses visites au Nicaragua en 1929

Source: http:// fr.wikipédia.org/wiki/fichier : Farabundomarti. Jpg.

Une fois constitué, il était impérieux pour le front révolutionnaire de mieux s'organiser pour faire face aux défis qu'ils visent à relever.

2.2. Création et organisation de la guérilla du FMLN

La continuité entre les guérillas des années 1980 et l'histoire nationale et centraméricaine des mouvements révolutionnaires s'impose d'autant plus que la direction unifiée des mouvements de guérilla créée en octobre 1980 a pris le nom du secrétaire général du Partido Comunista de El Salvador (PCS), Agustín Farabundo Martí (Garibay 2003 : 231). Ainsi le 11 octobre 198040(*), est créé le FMLN, comme l'organe de direction commune des groupes armés (Garibay 2003 : 261). Les groupes de guérilla en tant que tels sont organisés en trois structures, un parti politique, un front de masse (syndicats, associations, etc.), une armée de guérilla. Chaque organisation conserve son identité et ses propres structures, ainsi que ses zones d'intervention (Lemoine 1988 : 169). Le mouvement révolutionnaire salvadorien apparaît donc comme singulier et donc difficile à maîtriser de par son organisation. Les mouvements révolutionnaires de guérilla au Salvador ont eu le mérite d'être l'un des mouvements révolutionnaires les plus aguerris et les plus importants d'Amérique latine car ils ont su tirer profit des expériences révolutionnaires cubaines de 1959 et celles sandiniste au Nicaragua de 1979. Ecartant un « foquisme » par ailleurs géographiquement impraticable, il s'est créé, suivant en cela les guévaristes repentis, en appliquant la formule « ni les armes sans le peuple, ni le peuple sans les armes » (Rouquié 1991 : 89).

Ainsi chaque organisation s'est organisée sur une base tripartite plus ou moins développée alliant parti, armée et organisation de masse. Par exemple à l'organisation politique Résistance nationale (RN) correspond la branche militaire des Forces armées de résistance nationale (FARN) et l'organisation de masse Front d'action populaire unifiée (FAPU) ; aux Forces populaires de libération Farabundo Martí correspondent les Forces armées populaires de libération et l'Union démocratique nationaliste (UDN) etc. Comment se présentaient alors les structures de direction du FMLN ?

Chacune des cinq organisations regroupées au sein du FMLN étaient représentées de manière égale au sein des structures de direction. Le niveau le plus élevé de commandement militaire du FMLN, la Comandancia general était composée des dirigeants de chacun des cinq groupes. La direction politique était assumée par la Comisión Política, composée de 15 membres, 3 par organisation, le Consejo Nacional, organe délibératif, formé quant à lui par 10 membres par organisation (Garibay 2003 : 459).

Par ailleurs on ne saurait limiter l'origine de ces mouvements révolutionnaires rien qu'à l'influence du marxisme ou du marxisme-léninisme. Même si c'est vrai que ces mouvements de guérilla se réfèrent ouvertement au marxisme, il faut aussi souligner l'influence de l'Eglise catholique et de la composante chrétienne. Non seulement le rôle du clergé et des laïcs, des communautés ecclésiales de base, a été décisif dans la formation des organisations révolutionnaires, mais on ne peut les comprendre sans se référer, à travers la théologie de la libération, à une légitimation chrétienne de la mobilisation populaire et de l'insurrection (Rouquié 1991 : 89).

2.3. La prise de position de l'Eglise catholique

Il faut sans doute souligner qu'à cette même époque, en Amérique centrale et particulièrement au Salvador, des secteurs entiers de l'Eglise catholique vont participer à l'organisation de mouvements paysans chrétiens et révolutionnaires. Ainsi donc l'Eglise catholique a toujours eu une grande influence et un fort pouvoir de mobilisation dans les sociétés centraméricaines. S'inscrivant dans la ligne tracée par la Conférence épiscopale d'Amérique latine de Medellín, en Colombie (1968), à savoir « l'option préférentielle pour les pauvres » selon le chemin ouvert par le concile Vatican II, une certaine solidarité envers le peuple salvadorien, qui est en grande partie catholique, allait avoir une répercussion et constituer une étape décisive à la lutte populaire ; même si il y a eu une partie qui restera aux côtés du pouvoir. L'engagement de l'Eglise prendra deux orientations différentes comme le souligne Garibay (2003 : 247): « L'une modérée, inspirée par le christianisme social, reste proche du Parti démocrate-chrétien, l'autre, plus dynamique et moins nombreuse, se tourne vers une orientation plus radicale, proche de la théologie de la libération ».

Au Salvador, cette « option préférentielle pour les pauvres » touchera tous les niveaux de la hiérarchie catholique. En témoigne le changement même perceptible aux plus hauts niveaux de la hiérarchie à travers le changement d'attitude de Mgr Romero à partir de 1977, ou le comportement plus modéré de son successeur Mgr Arturo Rivera y Damas, ou dans les lieux de formation, en particulier l'université centroaméricaine, fortement influencée par les Jésuites.

Cependant cette solidarité de l'Eglise se concrétisera par la présence de prêtres, de religieuses aux côtés des plus pauvres dans leurs revendications. Les missions se développent dans les zones rurales les plus pauvres dès 1969, dans un engagement où se mêlent foi catholique, conscience politique et action revendicative (Garibay 2003 : 247). De nombreux prêtres créent des communautés évangéliques de base et des pastorales de la parole. Sous la conduite des prêtres, des grèves ou des occupations de terre sont menées dans différentes régions à partir de 1973, ou lors des manifestations pour l'augmentation des salaires des journaliers en 1976 dans plusieurs régions (Garibay 2003 : 247).

Face à ces différentes actions, le gouvernement oppose une terrible répression de la population, répression qui n'épargne pas les milieux religieux et ecclésiastiques, accusés de soutenir les mouvements de contestations et plus tard les différents groupes révolutionnaires de guérilla. Par rapport à cette situation, l'Eglise catholique commence à condamner les actions répressives et violentes du gouvernement et apparaîtra comme un acteur d'opposition non négligeable. Selon Garibay (2003 : 248): « Ce n'est qu'à partir des mobilisations de 1976, et de la répression conséquente de la part de milices organisées par les propriétaires terriens, avec pratiquement l'assassinat des pères Rutilio Grande et Alfonso Navarro en mars et avril 1977 et l'occupation militaire de plusieurs églises en 1977, que l'église catholique s'érige dans sa grande majorité contre la répression officielle. ». Ainsi après avoir été un des acteurs dans les mobilisations agraires, l'Eglise catholique devient entre 1977 et le début de la guerre civile au Salvador une des sources importantes de critique politique et sociale, non seulement au régime politique, mais également à l'organisation socio-économique du pays.

Face aux exactions commises par l'armée, par des milices paramilitaires à la solde du pouvoir notamment la ORDEN41(*), l'Eglise répond en s'érigeant en contre-pouvoir. Elle organise des manifestations de protestation, mène des enquêtes sur les disparitions, fait des lieux de culte de refuges pour les victimes de persécutions, et propose sa médiation dans les conflits agraires et sociaux, voire même dans les rivalités entre les membres de l'oligarchie.

L'absence de Mgr Romero et de quatre évêques à la cérémonie d'investiture du président Carlos Humberto Romero témoigne de cette prise de distance par rapport au pouvoir institué, et d'une certaine manière de la transformation de l'Eglise en véritable opposition civile au régime (Garibay 2003 : 248-249).

A cette nouvelle position de l'Eglise, s'est ajouté les effets où la pénétration des thèses de la théologie de la libération, qui ont renforcé les mouvements révolutionnaires dans leur quête d'une justice sociale.

2.4. Les effets de la Théologie de la libération et les revendications du FMLN

La prise de conscience d'une situation de dépendance économique, sociale, politique et culturelle, ressentie comme injuste et aliénante, est le point de départ des théologies dite de « libération ». De nos jours l'expression est employée au pluriel pour désigner différentes approches théologiques qui prennent à leur compte diverses formes d'oppression (fondées par exemple sur la race, le sexe, la culture). Par exemple la « théologie féministe », la « théologie noire », la « théologie africaine », qui sont des exemples les plus connues de théologies de libération.

Mais lorsque l'expression théologie de la libération est employée au singulier sans autre spécification, elle est associée le plus souvent aux mouvements religieux et sociopolitiques d'Amérique latine, liée aux noms de Gustavo Gutiérrez, Ruben Alves, Hugo Assmann, Juan Luís Segundo, José Miguez Bonino, Leonardo Boff, Jon Sobrino, et à ceux d'autres théologiens catholiques et protestants des années 1960 et 1970. Le texte fondateur de cette théologie est la publication par Gustavo Gutiérrez d'une réinterprétation de l'évangile à la lumière de la théorie marxiste (Puyo et Taracena 2007 : 15). Loin de limiter le salut à la délivrance du mal, du péché, de la maladie et de la damnation éternelle, ou uniquement, comme d'autres religions, à la délivrance de la « prison du corps » ou de l'emprise de la passion, la théologie de la libération étend le salut à la libération de l'esclavage, de la domination politique ou de l'oppression sociale42(*).

Dans un contexte où le capitalisme, la domination étrangère et les dérives dictatoriales d'un gouvernement aggravent la situation politique et les inégalités sociales dans le pays ; beaucoup voient dans le marxisme et à travers la théologie de la libération un stimulant, un moyen pour alimenter les contestations sociales et de lutter contre le régime en place. Ainsi les théologiens de la libération défendent-ils l'accès à l'éducation et aux services de santé pour les pauvres, de même qu'un travail intellectuel d'éducation civique et politique des masses afin de leur permettre d'identifier leurs vrais ennemis et de devenir des moteurs du changement actuel (Puyo et Taracena 2007 : 15). Après le concile Vatican II et la conférence des évêques latino-américains de Medellín (Colombie), à l'occasion desquels sont crées les Communautés Ecclésiales de Base et le concept d'Eglise populaire, s'organisent des communautés populaires actives animées par des délégués instruits directement par des prêtres. Des prêtres vont s'engager aux côtés des plus pauvres et vont alimenter les mouvements de contestation face à une situation d'inégalités sociales et d'oppression. Ceux-ci voient dans le marxisme et dans la théologie de la libération la seule, du moins l'une des voies possibles pour analyser de manière réelle les causes de pauvreté, en procédant en partie par des analogies de la situation précaire du christ et autres Saints avec les conditions de pauvreté des exclus latino-américains, de même qu'une proposition concrète et radicale pour l'abolir. La participation dans les mouvements sociaux et les organisations populaires, voire dans les mouvements d'obédience marxiste, se présentent comme des moyens pour atteindre la liberté et la dignité de l'homme sur terre (Puyo et Taracena 2007 : 15). Ainsi même les groupes de guérilleros établiront des liens très étroits avec les organisations ecclésiales. Certains parmi eux ont compté des prêtres en leur sein comme dans les cas du Salvador avec Neto Barrera par exemple43(*), du Nicaragua ou de la Colombie avec le Père Camillo Torres, qui sera à l'origine de la « plate-forme du Front Uni du peuple colombien ». Cette présence donc de prêtres dans les mouvements de guérilla semble être justifiée. Etant donné que face à une situation de pauvreté, d'inégalités sociales, de violence et de répression, les deux parties (certains prêtres et les guérillas) sont à la recherche d'une certaine justice sociale dans la société salvadorienne, veulent atteindre un seul objectif : celui de la libération du peuple de l'oppression dont il est victime et de lutter contre l'extrême pauvreté. Par ailleurs ces deux milieux imbus d'une même idéologie chrétienne, ne pouvaient que collaborer ensemble pour atteindre les objectifs qu'ils se sont assignés.

C'est cette atmosphère défavorable sur le plan politique et social et marquée par la pénétration de différentes idéologies à caractère révolutionnaire et le souci de libérer le peuple salvadorien qui poussèrent le FMLN à exposer ses revendications.

Elles avaient pour but principal entre autres la recherche de la justice sociale et l'ébranlement de la dictature qui sévit dans le pays. Ces revendications portèrent sur une plate-forme dont les idées essentielles furent : mettre fin à une situation d'inégalités sociales, mettre en place une véritable politique de réforme agraire, améliorer les conditions de vie des populations, instaurer par tous les moyens un climat démocratique dans le pays (droits de vivre sur leurs terres, droits de s'organiser, droits à un salaire décent, liberté des individus, liberté publique etc.).

Les différentes formations révolutionnaires qui se développèrent au début des années 1970, furent à l'origine de la constitution du FMLN le 11 octobre 1980. Cette création survient suite à un contexte favorable à la formation de mouvements de guérilla. En effet, face à une situation d'injustices sociales et de pauvreté, des mouvements de contestation se sont élevés. Ceux-ci devinrent de véritables organisations révolutionnaires à la faveur des dérives du pouvoir en place et d'une domination étrangère sans cesse croissante. Par ailleurs la pénétration des idéologies marxistes et le soutien de l'Eglise aux mouvements révolutionnaires confortèrent les actions de ceux-ci. Les idées de la théologie de la libération en furent pour beaucoup. Les idées défendues sont principalement la solidarité avec les pauvres ainsi que la défense de l'émancipation (Puyo et Taracena 2007 : 15).

C'est ainsi que dans ce contexte défavorable, les mouvements de guérilla vont l'exploiter pour atteindre leurs objectifs. Ceux-ci vont se lancer dans la lutte armée, à travers la stratégie de la guérilla contre le régime dictatorial en place.

Le processus qui a conduit à la constitution du FMLN, est le fruit de l'héritage de l'histoire et d'une situation d'après indépendance défavorable. En effet la colonisation espagnole qui s'est mise en place à partir des XVè et XVIè siècles a profondément porté atteinte à la structure sociale et économique des populations précolombiennes présentes avant l'arrivée des Espagnols. Cependant les mouvements d'indépendance qui ébranlèrent la domination coloniale, ne furent pas une aubaine pour asseoir une fédération de républiques d'Amérique centrale. Après de nombreuses tentatives pour en aboutir, celles-ci échouèrent à cause des dissensions qui existaient entre les hommes politiques (l'affrontement entre conservateurs et libéraux) menant parfois à des guerres civiles.

Contraintes à proclamer seules leurs indépendances en 1841, les populations salvadoriennes durent faire face à une domination de la classe oligarchique qui s'accapara les terres surtout les bonnes et exploitaient la majorité de la masse paysanne, laissée dans un état de pauvreté. L'armée qui, une fois au pouvoir à partir des années 1930, accentuait la donne par les séries de répression à tout mouvement de contestation exigeant une véritable réforme profitable à toute la société salvadorienne.

C'est dans cette atmosphère défavorable caractérisée par l'état de paupérisation de la majorité de la population, accentuée par le nombre élevé de paysans sans terre et de chômeurs ; que vont commencer à surgir des mouvements révolutionnaires dans les années 1970, qui se radicalisèrent dans les années 1980 surtout avec l'assassinat de Mgr Oscar Romero ( la voix des sans voix) pour constituer un véritable front révolutionnaire en octobre 1980 baptisé  Front Farabundo Martí de libération nationale  en l'hommage de Farabundo Martí, héros du combat pour la liberté du peuple salvadorien. Ce front révolutionnaire pour atteindre ses objectifs dont l'essentiel est l'instauration de la justice sociale et de la démocratie, va se lancer dans la lutte armée pour parvenir à ses fins à travers la stratégie d'une guerre de harcèlement : la guerre de guérilla.

DEUXIEME PARTIE

LA LUTTE ARMEE AU SALVADOR DE 1980 À 1992

A partir d'octobre 1980, le Front Farabundo Martí de libération nationale vit officiellement le jour. Ce front se décidera d'agir pour mettre fin à une situation d'inégalités sociales et d'oppression du peuple. Le régime en place ne voulant pas donner réponse à leurs revendications, son action s'orientera beaucoup plus dans la lutte armée avec comme principal moyen, la technique de la guerre de guérilla, dans le souci de pouvoir réaliser les objectifs qui lui ont été assignés. De ce fait, en quoi la lutte armée engagée par le front révolutionnaire au Salvador était orientée vers la satisfaction de ses revendications de 1980 à 1992 ?

Cette question trouvera sa réponse à travers deux chapitres qui feront l'objet de notre réflexion : « La guerre civile salvadorienne : des origines à l'unification du mouvement révolutionnaire » et « Le Front Farabundo Martí de libération nationale dans la lutte armée ».

Chapitre 3 : LA GUERRE CIVILE SALVADORIENNE : DES ORIGINES À L'UNIFICATION DU MOUVEMENT REVOLUTIONNAIRE

Les années 1980 au Salvador furent les débuts d'une nouvelle guerre civile, qui dura douze ans, guerre civile à laquelle participa le Front Farabundo Martí de libération nationale formée au cours de ces mêmes années dans le but d'atteindre ses objectifs. Quelles ont été les origines de la guerre civile qui plongea le Salvador pendant douze ans dans la lutte armée ?

C'est à cette question que nous allons apporter des éléments de réponses.

1. Les causes de la guerre civile

De nombreuses raisons sont à l'origine du déclenchement par le FMLN de l'insurrection populaire prolongée qui a conduit à une véritable guerre civile. La situation politique, sociale et économique précaire accentuée par de nombreuses inégalités sociales poussèrent de nombreux milliers de salvadoriens à dénoncer les dérives gouvernementales.

En effet la population vivait dans un contexte où suite à des élections frauduleuses, elle était victime des répressions, de plus les conditions sociales n'étaient pas améliorées surtout par la mise en place d'une véritable reforme agraire qui prend en compte les intérêts de tous. Tous ces aspects contribuèrent à accentuer le sentiment de mécontentement et préparait le terrain à une véritable révolte généralisée que les mouvements de guérilla n'hésiteront pas à exploiter. Les points culminants de cette situation précaire furent donc le coup d'Etat de 1979 et l'assassinat de l'archevêque de San salvador.

1.1. Le coup d'Etat de 1979 et les troubles civils

Au pouvoir depuis les années 1930, les militaires avec le concours de l'oligarchie terrienne durent recourir à de fraudes massives pour se maintenir au pouvoir lors des différents scrutins. En témoigne les élections présidentielles de 1972 et 1977, les législatives de 1972 et 1974 qui ne furent que des parodies qui envenimaient encore plus une atmosphère politique déjà dégradée.

Par ailleurs les répressions dont étaient victimes les organisations populaires et le peuple salvadorien atteignirent leur point culminant. La politique de répression prend vite le dessus avec une intensité accrue : de décembre 1977 à février 1978, on dénombre 790 victimes du terrorisme d'Etat ; 126 pour le seul mois d'avril 1978 (Erdozain et Barth 1982 : 26). Ceci témoigne encore une fois le caractère répressif du régime militaire au Salvador opposé à toute forme de contestation sociale.

Cette politique intense de répression du peuple entraîne des mobilisations sociales. Les grèves se multiplient, obligeant le gouvernement à faire de larges concessions. Ainsi tous les mouvements populaires se livraient à de vastes campagnes de contestation et exigèrent une démocratisation du pays. Par exemple, Le BPR occupe l'ambassade de France (mai 1979) et fait ainsi connaître au monde entier la situation du peuple salvadorien. Le gouvernement répond en faisant tirer sur des manifestants et en multipliant les incursions dans les villages : viols, incendies, assassinats (Erdozain et Barth 1982 : 26).

Cependant à la crise sociopolitique qui commençait à s'installer, un élément de force majeur vient réconforter les organisations populaires et révolutionnaires dans leur lutte contre le régime dictatorial établi au Salvador.

Il s'agit des effets de la révolution sandiniste au Nicaragua en 1979. La chute du dictateur Somoza au Nicaragua, le 19 juillet 1979, fut un encouragement pour tous les Salvadoriens qui ne voyaient d'issue à leur crise que dans la lutte armée (Dabène 2006 : 173). Redoutant une contagion révolutionnaire et d'origine communiste surtout dans la région ; et pour l'éviter, les Etats-Unis vont soutenir un coup d'Etat à caractère préventif qui mis fin au régime du général Romero et ouvrit la période du première junte révolutionnaire composée de civils et de militaires, le 15 octobre 1979. Pour certains auteurs en l'occurrence M. Barth, ce coup d'Etat soutenu par les Etats-Unis comme nous venons juste de le souligner, fut un coup d'Etat sérieusement préparé de longue date. Selon lui des représentants des Etats-Unis avaient effectué plusieurs voyages au Salvador en vue « de barrer la route à l'insurrection et au communisme... »44(*). Pour d'autres à l'instar d'Olivier Dabène, ce coup d'Etat, qui reçut un soutien de la part de l'Eglise catholique lança un processus de démocratisation mitigé dans le pays et suscita l'espoir de nombreuses couches de la population. L'ouverture de la junte aux parties civiles du pays notamment de l'opposition fut perçue comme un début de changement dans le pays. Les éléments modérés de l'opposition (certains d'entre-eux acceptent de faire partie de la junte ; Ramon Mayorca, recteur de l'Université Centre Américaine, Guillermo Ungo, chef du M.N.R.45(*), et Antonio Andino, chef d'entreprise), ainsi que Mgr Romero, croient tout d'abord à une évolution libérale et démocratique (Erdozain et Barth 1982 : 27).

Mais il est à noter que le pouvoir réel au sein de cette junte restait aux mains des militaires conservateurs. Par rapport à cet état de fait, les attentes furent néanmoins rapidement frustrées. La « junte révolutionnaire de gouvernement » qui s'installa se trouva dans l'impossibilité d'affirmer son autorité face à une armée qui continuait à réprimer avec force toute forme de contestation sociale au nom de la lutte contre le communisme (Dabène 2006 : 173-174). Face à cette situation de répression et de pérennité d'un ordre social injuste qui accentuent les clivages sociaux et aggravent les mouvements de violences, la nécessité de procéder à une véritable réforme dans le pays s'imposait. C'est dans cet ordre d'idées que la junte révolutionnaire essaya de mettre sur pieds une reforme sociale. La junte annonce des réformes : réforme agraire46(*), nationalisation des banques et du commerce extérieur (Erdozain et Barth 1982 : 27). Mais hélas ces réformes ne purent se réaliser dans ce présent cadre et contexte.

Pendant ce temps, la junte commençait à essuyer de nombreuses critiques en son sein suite à son incapacité d'asseoir les séries de reformes promises à la population. Ces critiques aboutirent à des dissensions et contradictions qui vont aller dans le sens de la désintégration et de la dissolution de la junte soixante quinze jours après sa formation. De nombreux hauts fonctionnaires et ministres menacèrent de démissionner si la situation ne s'améliorait pas. Ainsi le 26 décembre les ministres civils lancent un ultimatum aux forces armées, exigeant la destitution du ministre de la Défense, le colonel José Guillermo Garcia et la mise en pratique des reformes annoncées. Devant le refus de l'armée d'obtempérer, le gouvernement démissionne le 3 janvier 1980, à l'exception de quatre ministres. En février 1980, les membres civils de la junte se retirent, parmi eux Guillermo Ungo qui déclare : « Il n'y a aucune organisation ou parti politique, quelle que soit son idéologie, capable de présenter une alternative possible et viable de la crise que vit le Salvador. La seule alternative est celle que présentent les organisations populaires, c'est-à-dire un gouvernement qui émane directement du peuple. » (Erdozain et Barth 1982 : 29). Ainsi pense t-il que la seule solution à la crise que traverse le Salvador est la prise du pouvoir par les organisations populaires et donc par le peuple ; car ces dernières défendent les intérêts du peuple salvadorien opprimé face à une oligarchie terrienne injuste soutenue par le régime militaire répressif.

Par ailleurs, après la dissolution de la première junte dite « révolutionnaire », une deuxième junte se formait, avec la participation du Parti démocrate-chrétien (PDC) de Napoleón Duarte.

En effet le 3 mars 1980, le leader démocrate-chrétien Napoleón Duarte47(*), entre temps en exil au Venezuela, revient au pays et entre dans la nouvelle junte formée. Le 6 mars, la nouvelle junte militaro-civile adopte les premières mesures de la reforme agraire, mais en même temps elle décrète l'état de siège et suspend les droits civiques et les garanties constitutionnelles. L'état de siège sera régulièrement reconduit et la répression s'accroîtra, surtout dans les campagnes (Erdozain et Barth 1982 : 29). Mgr Romero qui n'avait cessé de dénoncer les méfaits du pouvoir et de l'oligarchie est assassiné le 24 mars. Son assassinat le 24 mars 1980 en pleine messe, ouvrit une période de guerre civile qui provoqua la mort de 70 000 personnes en dix ans.

1.2. L'assassinat de Mgr Romero et la remontée des violences

Parler du Salvador, c'est aussi évoquer la mémoire et le rôle joué par le saint évêque d'alors de San Salvador, Mgr Oscar Romero, dans la lutte contre l'injustice sociale dont est victime la population salvadorienne. Qui est donc Mgr Romero (cf. photo n°2) ? Et quel rôle a-t-il joué dans la société salvadorienne ?

Oscar Arnulfo Romero naît en 1917 d'un modeste télégraphiste de Ciudad Barrios au Salvador. A dix-neuf ans, il part pour Rome où six années de formation théologique à l'Université Grégorienne lui forgent une mentalité très traditionnelle. Ordonné prêtre en 1942, il rentre dans son pays et y demeure relativement effacé (Lemoine 1988 : 299). Les conditions misérables de ses concitoyens l'amènent à travailler avec les communautés chrétiennes de base ; mais en 1977 en raison de ses positions conservatrices, il est choisi pour prendre la tête de l'Eglise salvadorienne.

Ce choix était salué par les milieux tels que la classe oligarchique et l'armée qui, en voyant le caractère simple et conservateur du nouvel évêque, pensaient avoir un représentant de l'Eglise qui ne les dérangerait pas. C'est cet avis que partage le moine bénédictin brésilien Marcelo Barros dans l'un de ses articles : «  Le gouvernement et l'oligarchie se réjouirent beaucoup quand il fut nommé archevêque. Il était si simple et humble qu'ils pensèrent pouvoir facilement le manipuler. Un évêque timide et aussi conservateur était l'idéal pour cette maffia sans miséricorde qui, depuis quarante ans, s'était installée au pouvoir et avait empêché les petites réformes sociales et politiques. Beaucoup de chrétiens qui assistaient à la cérémonie de prise de possession de Mgr Romero comme archevêque de San Salvador retournèrent chez eux tristes et déçus par l'homélie du nouvel archevêque. »48(*). Il commence son ministère pastoral d'archevêque à l'époque la plus dure de la répression contre le peuple et l'Eglise. Le 28 janvier 1977, alors qu'il n'est pas encore été intronisé, plusieurs prêtres étrangers sont expulsés par le gouvernement, dont certains après emprisonnements et tortures.

Cependant la vie de Mgr Romero fut marquée par un changement inédit. Celui qu'on percevait comme un homme conservateur qui pourrait être à la solde du régime militaire et de l'ordre oligarchique, se présentera plus tard comme un opposant au régime répressif installé au Salvador. Certains éléments ont milité au changement de sa pensée et de sa ligne pastorale. La répression, les tortures, les emprisonnements voire les assassinats dont étaient victimes les autorités ecclésiales qui luttaient pour l'amélioration des conditions de vie des salvadoriens, le touchèrent énormément. L'assassinat, le 12 mars 1977, de son ami le jésuite Rutilio Grande49(*), fondateur des communautés de base paysannes d'Aguilares, l'assassinat encore du prêtre Alfonso Navarro, les menaces de mort portées par l'Union guerrière blanche- escadron de la mort paramilitaire- contre tous les jésuites, le touchent profondément et marquent un tournant dans sa vie (Lemoine 1988 : 300).

Après cet assassinat du père Rutilio, Mgr Romero rompt avec le pouvoir militaire, prend le parti des pauvres et légitime la violence révolutionnaire en donnant son appui aux « organisations populaires ». Certains ont même parlé dans son cas de « conversion »50(*). Il déclare alors : « l'Eglise ne peut être absente de la lutte pour la libération » et, s'inscrivant désormais dans la droite ligne de la théologie de la libération, bascule dans l'opposition (Lemoine 1988 : 300).

Durant trois années, dans un climat de répression féroce, l'archevêque de San Salvador se fut la « voix des sans voix » et devient une figure mondiale de l'Eglise engagée dans la lutte contre les injustices sociales et pour l'amélioration des conditions de vie.

Photo n°2 : Mgr Oscar Arnulfo Romero y Galdamèz, archevêque de San Salvador de 1977 à 1980

Source : www._groupes-jonas_com-neaojonas-modules-upload-upload-romero_jpg_fichiers.

Défenseur acharné des Droits de l'homme, Mgr Romero appuie le développement des Communautés de base et se prononça contre toute ingérence étrangère en l'occurrence des Etats-Unis. C'est dans ce sillage, qu'il adresse une lettre au président Carter pour lui demander de cesser l'aide militaire octroyée au gouvernement salvadorien dans sa lutte contre les mouvements révolutionnaires au nom de la lutte contre le communisme. Mgr Romero s'insurgea contre le régime militaire : « le pouvoir politique est aux mains de militaires sans scrupules qui savent faire qu'une chose : réprimer le peuple et servir les intérêts de l'oligarchie. » (Lemoine 1988 : 300). Mais aussi contre l'opposition qu'il dénonce en particulier (9 mars 1980) : « Nous ne passons pas sous silence les péchés de la gauche déclare-t-il, mais ceux-ci sont infiniment moins graves que la violence répressive » (Lemoine 1988 : 300).

Face aux répressions que subissait la population, Mgr Romero appelait les soldats à la désobéissance dans sa dernière homélie du 23 mars 1980 : « Frères, vous êtes du même peuple que nous, vous tuez vos frères paysans. Devant l'ordre de tuer donné par un homme, c'est la loi de Dieu qui doit prévaloir, la loi qui dit : tu ne tueras point. Un soldat n'est pas obligé d'obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter. Au nom de Dieu, au nom du peuple souffrant dont les cris toujours plus grands montent jusqu'au ciel, je vous en supplie, je vous le demande, je vous l'ordonne : arrêtez la répression ! » (Lemoine 1988 : 300).

Accusé de « communiste infiltré dans l'Eglise », l'archevêque de San Salvador, compte tenu de ses engagements en faveur du peuple salvadorien et le pouvoir militaire, avait fait de nombreux ennemis. Par deux fois des tentatives d'assassinats échouèrent. Mais le 24 mars 1980, pendant qu'il célébrait une messe à l'hôpital de la Divine Providence, il fut assassiné par un groupe de paramilitaires (les escadrons de la mort). Il était exactement 18h 25 minutes. Mgr Romero avait 62 ans. On l'emmena à l'hôpital mais il y arriva mort. Cet assassinat a été commandité par les escadrons de la mort à la solde du gouvernement salvadorien. En l'occurrence ce fut le major Roberto d'Aubuisson, futur fondateur du fameux parti ARENA, qui fut mis en cause dans cet assassinat.

Cet assassinat sera à l'origine de la remontée des violences dans le pays et aussi du déclenchement de la guerre civile salvadorienne meurtrière qui va durer douze ans comme le souligne un rapport de l'ONU51(*). La cérémonie de ses obsèques (30 mars) sera ensanglantée (35 morts et 200 blessés) par tirs déclenchés par la garde nationale (Erdozain et Barth 1982 : 29).

2. l'unification du mouvement révolutionnaire

La guerre civile salvadorienne de 1980 à 1992 résulte d'une situation déjà défavorable dans les années 70. Le contexte marqué par la répression à toute forme de réforme sociale, les tortures, les assassinats, l'autoritarisme militaire engendraient un climat de violence, accentuaient la situation dans laquelle se trouvaient des millions de salvadoriens en proie à la pauvreté.

Cependant, la situation d'inégalités sociales et économiques qui prévalaient et perdurèrent, a fait prendre conscience les Salvadoriens, les poussant à adopter de nouvelles mesures : le déclenchement de la lutte armée.

En outre, par rapport à la mission qui les incombaient et les attendaient, les différentes formations révolutionnaires devaient par tous les moyens dépasser leurs différends sur le plan idéologique, afin de s'unir pour lutter contre l'adversaire. C'est dans cette perspective que l'unification de toutes les formations furent prônées et aboutiront à la formation du FMLN et du Front démocratique révolutionnaire (FDR), qui s'allieront pour mener ensemble la lutte.

2.1. La coordination de la révolution

Face à cette mosaïque d'organisations à caractère révolutionnaire (mouvements de masse, parti politique, mouvement de guérilla etc.) le plus souvent divergent sur le plan idéologique, il fallait comme nous l'avions souligné précédemment une action coordonnée de la lutte révolutionnaire de la part de ces organisations. Cela serait une condition sine qua non pourtant de leur succès. C'est dans cette perspective que l'unification de toutes les formations révolutionnaires fut prônée et aboutit à la formation du FMLN et du Front démocratique révolutionnaire (FDR). Alain Rouquié nous dépeint dans son article sur El Salvador, les conditions voire le processus de constitution des organes de coordination révolutionnaire : « Le 11 janvier 1980, un pas fut franchi, le plus facile, puisqu'il ne concernait que les mouvements de masse : BPR, FAPU, LP-28 et UDN, rejoints plus tard par le MLP, formèrent la coordination révolutionnaire de masses (CRM). Le 22 mai 1980, ce fut le tour des organisations de guérilla, malgré les réticences de l'ERP et les doutes du Parti communiste, nouveau venu dans la lutte armée, pour ne rien dire des réticences de la Resistencia Nacional à côtoyer l'ERP et du ralliement tardif du PRTC. La Direction révolutionnaire unifiée (DRU) fut néanmoins créée, d'abord à trois, comme une première étape sur le chemin de l'unité révolutionnaire. » Rouquié (1991 : 98). Ces pas enregistrés pour la formation révolutionnaire furent selon certaines sources52(*), le fruit des médiations de Cuba à travers la personne de Fidel Castro. Cela n'est pas un fait étonnant. Comme nous l'avions pu le souligner dans nos pages précédentes, en vertu de la portée historique de sa révolution réussie, il est vrai que Cuba a toujours selon A. Rouquié - le précédent sandiniste en atteste- subordonné son aide politique et organisationnelle à l'unité des mouvements révolutionnaires.

Les coordinations révolutionnaires ne concernaient pas uniquement les mouvements de guérilla. Même les mouvements de masse et les partis politiques furent touchés par cette donne. Ainsi les mouvements de masse formèrent la coordination de masses (CRM), et puis plus tard avec la gauche démocratique s'unifia le Front démocratique révolutionnaire (FDR). Le 18 avril 1980, dans un climat de guerre civile qui semble laisser présager la victoire proche, est fondé le Front démocratique révolutionnaire, qui comprend les sociaux-démocrates du Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR), les dissidents de gauche du Parti démocrate chrétien (Mouvement populaire social-chrétien), l'Association des entrepreneurs de transport en commun (AEAS, propriétaires d'auto-bus), l'Université nationale qui va payer très cher par sa présence dans un cartel politique, l'Association générale des Etudiants (AGEUS), le Mouvement indépendant des techniciens et membres des professions libérales (MIPTES), le comité d'unité syndicale où l'on retrouve cinq centrales syndicales influencées par des groupes politico-militaires et même quelques autres organisations politiques et professionnelles. Ces institutions politico-syndicales disparates sont supposées former un front commun avec la Coordinadora Revolucionaria de Masas (CRM) qui chapeaute les milliers d'adhérents des Fronts de masse de la guérilla (Rouquié 1991 : 99). 

Le FDR a connu aussi ses hauts et ses bas. Très vite sa composition initiale se réduit. Il n'en reste que trois partis qui en feront partie à savoir : le MNR, le MPSC et MIPTES. Ceci est dû sans doute aux difficultés que traversent les composantes du FDR et sans doute tout comme le pense A. Rouquié à l'assassinat de six dirigeants du FDR par la police en novembre 198053(*). Nous partageons cette pensée de l'auteur car sans doute l'assassinat des principaux dirigeants aurait conduit au découragement, à l'abandon de la lutte révolutionnaire par certaines organisations politiques et donc aurait contribué à réduire la composition du FDR.

Par ailleurs il faut souligner que mis à part la réduction du nombre de groupes affiliés au FDR dû à l'assassinat déjà évoqué, il faut noter ce même assassinat a aussi contribué à un revirement de stratégie politique et à conforter le choix des armes par les révolutionnaires. Selon ce même auteur, le rôle du FDR serait d' « obtenir la compréhension des peuples et des gouvernements du monde, de canaliser les appuis à la lutte populaire. ».

Néanmoins malgré les difficultés les différentes organisations politiques et révolutionnaires conscientes que le succès de leur lutte pour la justice sociale quelle soit dans la lutte armée ou pas, nécessitait une véritable alliance de toutes les forces révolutionnaires du pays.

2.2. L'alliance révolutionnaire : le FDR et le FMLN

L'espace politique salvadorien jusqu'aux milieux des années 1970 était caractérisé par la multiplication d'organisations à caractère révolutionnaires. Ces groupes parfois opposés sur le plan idéologique et stratégique, venaient conforter les divisions et la faiblesse de l'ensemble de la gauche révolutionnaire. Or qu'est-ce qu'il fallait améliorer surtout pour venir à bout d'un pouvoir politique dictatorial et atteindre ses objectifs ?

Une fois conscientes que le succès politique au Salvador réside dans la mise en place d'une solide et véritable alliance pour la révolution, les différentes organisations révolutionnaires essayeront bon gré malgré de s'entendre et de s'unir pour une cause commune à tous. Les expériences de regroupement à travers les différentes coordinations tant dans le contexte des mouvements de masse, des partis politiques que des mouvements de guérilla en témoignent des actions concrètes en vue d'une alliance révolutionnaire. Mais cela restait aussi insuffisant, il fallait aussi s'allier avec les différents partis d'opposition et dépasser les différends sur le plan idéologique et de la stratégie politique à adopter. C'est dans ce sillage qu'un pas fut franchi pour aboutir à une alliance révolutionnaire : c'est l'alliance révolutionnaire FMLN-FDR.

Il faut ajouter aussi que les fronts ont tout d'abord mis sur pied une structure de direction de l'alliance, compétente pour tous les aspects non militaires de l'action révolutionnaire : la commission politico-diplomatique dont Guillermo Ungo assuma la présidence et qui comprenait sept membres : un représentant des cinq composantes du FMLN, ainsi que les leaders du MNR et MPSC. Cette commission créée en janvier 1981 par l'alliance FMLN-FDR était destinée à développer une offensive diplomatique à l'échelle mondiale. Elle avait des finalités à atteindre : « Son but est de faire connaître le programme de gouvernement du FMLN-FDR et de démasquer la position hypocrite des Etats-Unis en dénonçant des interventions extérieures qui menacent toute la zone des caraïbes. Elle doit aussi chercher une issue politique et appeler les nations démocratiques à la solidarité. Elle a engagé une action systématique et intense dans tous les pays du monde, soit par ses représentants permanents (c'est le cas en France), soit par des délégués auprès des grandes organisations internationales, en particulier lors des sessions sur les droits de l'homme. Elle est présente à la dernière session de l'assemblée générale des Nations Unies. » (Erdozain et Barth 1982 : 34).

Mais malgré cette alliance, les moments de tensions subsistèrent toujours en vertu des considérations politiques et idéologiques de chacun. Néanmoins des accords furent signés pour essayer de fortifier cette alliance. C'est le cas d'un nouvel accord FMLN-FDR signé en décembre 198654(*), qui « remet à jour les termes de l'alliance » en ouvrant largement la porte à des évolutions indépendantes de chacune des composantes. Cet accord reconnaît l'existence de « différentes conceptions idéologiques » et l' « autonomie des partis », écarte « dogmatisme et hégémonie » et précise les caractéristiques et les objectifs politiques de chacun : « tandis que le FMLN maintient et développe une aspiration et une politique d'unité afin de constituer un parti unifié, le FDR est formé d'organisations politiques et sociales (...) cherchent à préserver leur propre identité. » (Rouquié 1991 : 104).

Les origines de la guerre civile, qui embrasa le pays à partir de 1980 eurent pour cause essentielle la situation défavorable qui prévalait dans les années 1970. C'était une situation marquée par la frustration née de nombreuses inégalités sociales et d'un régime dictatorial basé sur la répression. Cela entraîna le développement de formations révolutionnaires, qui fort du contexte de l'époque où des révolutions ont ébranlé des régimes dictatoriaux particulièrement à Cuba (1959) et au Nicaragua (1979), vont se lancer dans la lutte armée en vue d'instaurer par tous les moyens une société salvadorienne plus juste et démocratique.

Néanmoins pour arriver et faire face à un régime dictatorial soutenu par les grandes puissances à l'instar des Etats-Unis dans leur lutte contre le communisme, il était impérieux pour les différentes organisations révolutionnaires de s'unir. Cette unification se concrétisera malgré les divergences politiques et idéologiques par la formation de la coordination révolutionnaire de masses (CRM) ; de la Direction révolutionnaire unifiée (DRU), et le Front démocratique révolutionnaire (FDR). Et plus tard la formation de l'alliance entre le FMLN et le FDR : c'est l'alliance révolutionnaire du FMLN-FDR.

C'est de cette alliance révolutionnaire, que les mouvements révolutionnaires, surtout les organisations de guérilla réunies au sein du FMLN, se lancèrent de pleins pieds dans la lutte armée. Le pouvoir en place eut donc à faire face à une opposition ferme et « unie » dans sa lutte pour la justice sociale au Salvador.

Chapitre 4 : LE FRONT FARABUNDO MARTå DE LIBERATION NATIONALE DANS LA LUTTE ARMEE AU SALVADOR

Les années 1980 à 1992 marquent le déroulement d'une nouvelle guerre au Salvador. Guerre « civile » pour les uns et guerre « révolutionnaire » pour d'autres ; mais ce qui est certain est que cette guerre va opposer les forces armées gouvernementales et le régime en place aux organisations révolutionnaires dont le Front Farabundo Martí de libération nationale. Ainsi, comment a participé donc ce front révolutionnaire à la lutte armée ?

Cette question nous amène à voir dans un premier temps la stratégie de guerre des combattants du FMLN, dans un deuxième temps les offensives armées, et dans un troisième temps les appuis étrangers reçus par la guérilla et le pouvoir en place.

1. Stratégie et moyens d'action de la guérilla

Le revirement de la stratégie politique des mouvements révolutionnaires (mouvements de masse, partis politiques de gauche et mouvements de guérilla) suite à la persistance des maux dont souffre le Salvador, a amené ces différentes organisations à rejoindre la ligne tracée par les mouvements armés. Il a s'agi de faire une guerre populaire prolongée pour aboutir à ses fins. C'est dans ce sillage que les mouvements armés et les différentes organisations révolutionnaires ayant appris des expériences ratées des guérillas des années 1960 en Amérique latine, vont se lancer dans une nouvelle stratégie révisée de la guerre de guérilla.

1.1. La guerre de guérilla

Face à un combat qui l'oppose à l'Etat qui est supposé se trouver dans une position de force, il était important pour les mouvements révolutionnaires engagés dans la « libération nationale » d'éviter tout affrontement direct qui lui conduirait et le condamnerait au suicide. Il fallait trouver une stratégie donc pour affaiblir l'Etat et l'armée gouvernementale, de tenter de déstabiliser l'adversaire dans un premier temps, pour acquérir l'avantage et remporter la victoire définitive par les moyens de la guerre classique ou de l'insurrection populaire. La « guerre de guérilla » tel que nous peint Che Guevara fut adoptée mais révisée eu égard les expériences fâcheuses des guérillas des années 1960 qui ont suivi ses directives. Qu'est que donc la guerre de guérilla ?

S'inscrivant dans la logique de lutte armée, les organisations révolutionnaires réunies au sein du FMLN, optèrent pour la guerre de guérilla qui fut une de leur stratégie de luttes. La guérilla est une guerre. Non conventionnelle, certes, mais tout de même une guerre opposant des bandes armées à une armée régulière, les premières évitant les confrontations directes avec la seconde en multipliant les coups de main et les opérations de harcèlement55(*). Abondant dans le même sens, voilà ce que nous en dit Gandolfi (1989 : 66-67): « La guérilla ou « petite guerre » est l'arme du faible contre le fort. C'est une technique qui permet à une petite troupe aux moyens limités de harceler l'armée régulière de l'ennemi par de rapides coups de main, de l'attaquer par surprise et de lui causer des pertes sans que l'attaquant en subisse de semblable. ».

La guerre de guérilla mène une guerre populaire dans un climat de violence à laquelle adhèrent toutes les couches pauvres et marginalisées de la société, lutte contre des régimes non démocratiques comme c'est le cas au Salvador et vise à contrôler le territoire et s'accaparer du pouvoir de l'Etat, en vue de la réalisation de leurs objectifs. Selon A. Gandolfi, la guerre de guérilla est un prélude à la guerre conventionnelle et à l'insurrection. Elle doit permettre le conditionnement de l'ennemi tant sur le plan matériel que psychologique afin de mobiliser toutes les forces nécessaires et d'établir un équilibre avec les forces adverses pour les affronter en combat régulier. Il est rare sinon plus qu'elle ne permet pas une victoire militaire décisive. Les expériences catastrophiques des mouvements de guérilla des années 1960 à travers l'échec de la théorie du « foquisme », de certains autres mouvements tels le sentier lumineux au Pérou etc., et même de l'échec sur le plan de la conquête militaire du FMLN au Salvador témoignent bien cet état de fait et conduisent à montrer que le succès d'une guerre de guérilla est possible que si certaines conditions sont réunies. Ces conditions, Alain Gandolfi les relève dans son ouvrage en analysant les actions des mouvements de libération nationale. Elle ne peut réussir que si trois conditions sont réunies : 1) un idéal politique, exprimant le projet d'une société meilleure, et conforté par une abnégation et un moral à toute épreuve chez les combattants; 2) le soutien inconditionnel de la population, la guérilla devant pouvoir évoluer en son sein « comme un poisson dans l'eau »56(*); 3) un espace géographique favorable, la guérilla rurale trouvant ses terrains de prédilection dans les forêts et les montagnes d'Amérique latine, d'Afrique ou d'Extrême-Orient, la guérilla urbaine rencontrant des conditions de déroulement plus difficiles s'apparentant au terrorisme (Gandolfi 1989 : 67).

Par ailleurs il est à noter qu'il arrive qu'on confonde les deux concepts à savoir guérilla et terrorisme. Surtout qu'aujourd'hui, il n'y a pas de moments où on ne parle pas d'actions « terroristes » par rapport aux différentes actions de violence enregistrées ça et là dans le monde. Cette situation a amené de nombreux chercheurs à se poser de nombreuses questions sur les actions qui relèvent de la guérilla et celles qui viennent du terrorisme; bref qu'est-ce qui distingue la guérilla du terrorisme?

Nous n'allons pas trop nous attarder dans un développement qui risque de nous éloigner de l'essentiel de notre thématique mais nous essayerons d'en dire quelques mots en vue de lever l'équivoque.

Comme la guérilla, le terrorisme est aussi un moyen de déstabilisation de l'adversaire mais les fins diffèrent. Le terrorisme utilise des moyens plus déconcertants, plus limités sans doute mais plus efficaces, en vue de résultats plus spectaculaires. De plus, pour paraphraser Luis Mercier-Vega, la guerre de guérilla c'est fondamentalement « deux pouvoirs se disputant le contrôle des populations.»57(*). Or le terroriste ne veut pas contrôler la population; il veut la « terroriser », et par elle terroriser les acteurs politiques centraux. On dira donc que la guerre de guérilla est une forme de mobilisation politique qui implique nécessairement une modification de la compétition politique (c'est-à-dire l'apparition d'une guerre interne), tandis que le terrorisme, par sa portée et par ses buts et objectifs, ne vise pas à infléchir la compétition proprement dite, mais tout au plus une ou des politique(s) d'un gouvernement donné. A l'opposé du guérillero, le terroriste oeuvre essentiellement dans la clandestinité. Il se déploie indépendamment des sympathies populaires : elles ne lui sont pas nécessaires, ni pour l'organisation de ses opérations ni pour produire ses effets, a fortiori quand les civils en sont les victimes.

Précisons par ailleurs qu'il existe un autre concept du terrorisme qui caractérise notamment certains régimes dictatoriaux en Amérique latine et dans d'autres régions du monde. Il s'agit du « terrorisme d'État ». On pourrait le définir approximativement comme une forme de gouverne étatique, dans laquelle le but prioritaire, voire l'obsession des acteurs centraux est le maintien de la sécurité de l'État, et l'objectif, la liquidation physique et systématique de l'opposition interne ou du moins son aile perçue comme « subversive ». Les principaux portefaix sont alors la police et autres forces paramilitaires (avec bases civile ou militaire), et les moyens sont ceux de la violence et de la terreur. Ce qui dans cette forme de gouverne s'apparente au terrorisme, c'est, d'une manière apparemment paradoxale, la « personnalisation de la répression » -- qui touchera tel chef syndical, tel leader étudiant, etc. --, et simultanément, l'indiscrimination avec laquelle on frappera dans les populations civiles58(*).

Mais la lutte violente à travers la guerre de guérilla n'est pas le seul moyen. Ainsi comme le souligne (Gandolfi 1989 : 65): « si la lutte violente et clandestine apparaît indispensable, rien n'exclut cependant l'utilisation d'autres moyens pacifiques, surtout quand ils sont susceptibles de conduire à une victoire plus sûre et à moindre frais ». Par rapport à cet état de fait d'autres moyens dont la négociation, furent engagées.

1.2. Le recours à la négociation et à d'autres moyens

Il semble de plus en plus évident que la guerre révolutionnaire ou la lutte armée prolongée ne permet forcement pas de trouver une issue à la crise que traverse le Salvador, crise qui prend d'ailleurs de plus en plus la forme d'un génocide de la part de la junte au pouvoir.

Néanmoins il faut noter que la lutte armée même si elle n'est pas parvenue à la victoire décisive, elle a aussi contribué à considérer le mouvement révolutionnaire dans sa lutte pour la justice sociale et à imposer au gouvernement salvadorien de discuter avec lui : d'où les tentatives de négociations qui furent menées à plusieurs reprises par des instances extérieures au conflit notamment gouvernements d'Amérique latine, Internationale Socialiste, le Vatican etc. Les négociations, si elles réussissent, permettent aux mouvements révolutionnaires d'obtenir satisfaction du moins à une partie de ses revendications. Et si elle fait économie des moyens violents, ses résultats ne peuvent être que limités.

En effet, depuis les accords d'Esquipulas tentant de mettre fin au conflit centraméricain maintes rencontres eurent lieu entre des représentants du gouvernement salvadorien et du FMLN-FDR. Elles ont abouti à des cessez-le-feu provisoires et éphémères. Les discussions sur le règlement de fond piétinent au contraire, chacun des protagonistes cherchant à imposer à l'autre son propre point de vue. Un gouvernement supporte d'ailleurs généralement assez mal les exigences des rebelles, et même la négociation sur un pied d'égalité avec eux (Gandolfi 1989 : 82). C'est ce qu'exprime le général Humberto Ortega en juin 1988 à l'occasion des pourparlers entre les Sandinistes et la Résistance nicaraguayenne : « ils se comportent comme si nous discutions de gouvernement à gouvernement, alors qu'ils représentent des forces irrégulières et illégales » (Gandolfi 1989 : 82).

C'est dans ce contexte défavorable que vont évoluer les tentatives de négociation au Salvador. Ce fut notamment la première rencontre qui a lieu à La Palma, dans le nord du Chalatenango, le 15 octobre 1984. A cette rencontre, les émissaires du FMLN-FDR rappellent que la violence des escadrons de la mort, le gel des reformes et le non-respect des droits de l'homme limitent toute possibilité de participation de la gauche à la vie politique.

Le 30 novembre a lieu la deuxième rencontre à Ayagualo (La Libertad) (Garibay 2003 : 325). A cette rencontre la guérilla présente un contre-projet (délimitation de cessez-le-feu sur la base de territoires séparés, fusion des armées, formation d'un gouvernement d'unité national) précédant la convocation de nouvelles élections. Le refus du président Duarte entraîne un arrêt des conversations et discussions.

Une dernière rencontre entre l'administration démocrate chrétienne et la guérilla les 4 et 5 octobre 1987 à la Nonciature de San Salvador, dans le cadre de la mise en oeuvre des accords d'Esquipulas II59(*) (Garibay 2003 : 326). Ces nombreuses rencontres organisées entre le gouvernement et le FMLN-FDR ont toujours butté sur les mêmes problèmes, les mêmes méfiances.

Mis à part les négociations d'autres moyens à l'instar de la subversion sont utilisés par certains mouvements révolutionnaires. Ainsi se développe une guerre dite subversive. La subversion est une méthode de prise de pouvoir, ou plutôt de désagrégation du pouvoir, par la diffusion et la valorisation de l'action violente (guérilla ou terrorisme) par le moyen de la propagande et de l'organisation des populations (Gandolfi 1989 : 72). Elle combat le pouvoir pour lui ôter sa légitimité ; elle incite les esprits à se dresser contre lui ; et par là même à l'isoler, le paralyser, le gangrener et le condamner. Elle peut en outre se développer sous plusieurs formes et de nos jours utilise les techniques modernes de communication : chaque organisation à sa radio, sa presse qui la fait connaître, ainsi que les faiblesses de l'adversaire. C'est parfois distribution des tracts, diffusion de mots d'ordre de bouche à oreille cristallisant les mécontentements et suscitant les ralliements, préparant l'insurrection finale et la victoire du mouvement de libération nationale.

Il faut noter qu'une simple guerre populaire prolongée n'aurait pu en venir à bout, la combinaison des deux « guerres » pourrait renforcer les capacités du mouvement révolutionnaire à faire fléchir le pouvoir en place.

A propos des négociations, le fait que chacun reste sur des positions difficilement conciliables entre elles, le FMLN vise désormais le long terme, c'est-à-dire la « guerre populaire prolongée », qui prépare l'insurrection populaire par le mécontentement que crée l'échec des négociations, la destruction de l'infrastructure économique et génératrice de chômage et de pauvreté. Les espoirs de négociation entamés sous la présidence de Napoléon José Duarte et poursuivis par le Jésuite Ignacio Ellacuria furent des échecs.

En effet l'opposition de l'armée qui refusait cette éventualité et l'assassinat du père jésuite en 1989, allaient jouer un rôle dans la radicalisation du climat de violence. Il se solda par deux offensives majeures de la part des guérilleros en vue de la victoire finale.

2. Les actions armées de la guérilla du FMLN

Parmi les actions du FMLN, il faut noter des actions armées dont certaines sont assimilables au terrorisme (le cas d'un guérillero du FMLN qui ouvre le feu sur des personnes assises à une terrasse à San Salvador le 19 juin 1985)60(*). Ces actions armées ont parfois débouchées sur de véritables luttes sanglantes entre guérilleros et forces armées gouvernementales soutenues par des puissances étrangères à l'instar des Etats-Unis. Les guérilleros, organisés et placés sous un haut commandement, munis de leur signe distinctif (port d'un uniforme, d'un foulard, d'un brassard etc.) se lancèrent dans la guerre de guérilla, qui visait elle à contrôler le territoire et s'accaparer le pouvoir de l'Etat. De ce fait, les guérilleros se réfugient habituellement dans un havre frontalier ou en un lieu géographique difficilement accessible (maquis, montagnes, jungle) où ils sont bien reçus par les populations locales. À partir de cette base d'opération, ils étendent peu à peu leur emprise sur le territoire en grignotant l'adversaire et en ralliant les populations civiles à leur programme d'action61(*).

En témoigne les bastions de la guérilla dans les quelques régions du pays (cf. photo n°3). C'est le cas des FPL dans le département du Chalatenango, le nord de San Salvador et de Cabañas, de l'ERP dans le département du Morazán, de la RN implantée dans le centre du pays (Usulután, Guazapa) et à l'Est (San Miguel) (Rouquié 1991 : 91, 93, 94.).

C'est dans le souci de venir à bout du pouvoir et de mettre en place son programme social et politique, que les guérilleros du FMLN vont se lancer dans la lutte armée qui sera perçue comme ultime solution à la crise politique que traverse le Salvador. Dans ce sillage parmi les attaques du FMLN, il faut sans doute souligner deux attaques ou offensives de force majeure : celle de 1981 et l'autre de 1989.

2.1. L'offensive de 1981

De nombreuses raisons ont militées et poussées le FMLN pour une véritable offensive armée contre l'armée et le pouvoir en place. Nous avons déjà souligné certains. La crise politique et sociale que traverse le pays, l'exemple de la victoire des révolutionnaires du FSLN en 1979 grâce à leur offensive sur Managua, la capitale du Nicaragua et l'assassinat de six dirigeants du FDR en novembre 1980, confortent le choix des armes pour la révolution dans chacune des organisations révolutionnaires. C'est dans ce sillage que le FMLN essayera de préparer son offensive armée qualifiée de « finale » en vue de la victoire. Celle-ci a lieu le 10 janvier 1981 et se solda par un échec sur le plan militaire. Plusieurs raisons ont été avancées pour justifier cet échec.

D'abord même le déclenchement de cette offensive ne fera pas l'unanimité au sein du FMLN qui était souvent en proie à des divisions internes, ensuite cette offensive était mal préparée par ces organisations révolutionnaires qui n'étaient pas encore habituées à travailler ensemble surtout dans une logique de lutte armée et enfin le soutien inconditionnel des États-unis à l'armée, au pouvoir en place, a aussi beaucoup jouer dans la défaite du FMLN. C'est sans doute ce dont témoigne Lemoine (1988 : 170): « Faible équipement en armes lourdes, difficultés de ravitaillement, non-participation des populations urbaines, en particulier à San Salvador, aide militaire massive et immédiate des États-unis où Ronald Reagan vient d'être intronisé, l'insurrection échoue. ».

Si l'administration Carter, au nom du respect des droits de l'homme, avait forcé l'armée à s'allier avec le PDC et à promulguer une reforme agraire, l'administration Reagan se montra avant tout soucieuse d'empêcher au Salvador toute réitération de l'expérience nicaraguayenne. Il fallait empêcher le FMLN et vaincre et faire du Salvador un modèle de démocratisation (Dabène 2006 : 174).

Ainsi donc le soutien des États-unis entraînant la contre-offensive de l'armée salvadorienne et leur fait de s'opposer, de surveiller et d'empêcher toute possibilité de ravitaillement de la guérilla par ses alliés notamment Cuba ou le Nicaragua sandiniste, entraîneront le repliement des guérilleros dans leurs sanctuaires. Le FMLN se retire dans le nord-est du pays, et parvient, malgré son échec initial, et après six mois de réorganisation, à s'implanter durablement dans les départements du Cabañas, Chalatenango, Morazán et San Vicente62(*) (Garibay 2003 : 261).

Photo n°3 : (photo : AFP) Les guérilleros du FMLN dans leur camp d'entraînement en avril 1982, à Guacamaya dans le département du Morazán, au nord-est du Salvador

Source : Gayral M. (2009) : « Législatives : l'ex guérilla de gauche favorite » in www.rfi.fr, consulté le

1er juin 2010 à 14h 02 min.

A travers la photographie ci-dessus l'on peut observer des guérilleros du FMLN en train de danser dans un de leur camp d'entraînement. Cela montre que les camps des guérilleros ne sont pas non seulement des camps exclusivement consacrés à l'entraînement militaire, mais aussi des camps où une partie du temps est consacrée à la distraction, à la récréation et dans ce cas à la danse.

Ce retrait du FMLN dans ces zones susmentionnées était justifié dans la mesure où c'était le moment de faire le bilan de l'offensive dernière, de se réorganiser en vue d'en préparer et de lancer une autre de grande envergure.

2.2. L'offensive de 1989 et autres moyens d'actions du FMLN

Les dix années qui suivirent l'offensive de 1981 furent rythmées par la guerre et des élections. Ces élections et même le dialogue qui s'ouvrit toutefois à nouveau entre le nouveau gouvernement et le FMLN dans le cadre de trouver une sortie de la crise politique du pays (le 13 septembre 1989 au Mexique et qui se poursuivait en octobre de la même année au Costa Rica) n'aboutirent pas aux résultats escomptés.

L'échec de l'offensive de 1981 amena le FMLN à repenser sa stratégie armée d'attaque, à se réorganiser et à préparer une nouvelle attaque victorieuse. De plus les espoirs de négociation entamés sous la présidence de Napoléon José Duarte et poursuivis par le Jésuite Ignacio Ellacuria échouèrent. Ce dernier entretenait des contacts avec le président Alfredo Cristiani et explorait les possibilités d'une négociation entre dirigeants du FMLN et le pouvoir en place. L'opposition de l'armée qui refusait cette éventualité et l'assassinat du père jésuite en 1989, allaient jouer un rôle dans la remontée des violences. Dans ces conditions, la logique de lutte armée prévalait encore et préparait encore le terrain à de nouvelles offensives de grande envergure notamment celle de 1989.

Le 11 novembre 1989, le FMLN lança alors sa plus grande offensive en dix ans de guerre civile (Dabène 2006 : 175). Il bouscule l'armée salvadorienne et s'empare de pans entiers de la capitale San Salvador. Militairement les résultats sont significatifs, sans toutefois répondre à l'ambition du triomphe révolutionnaire attendu. Il faudra aux forces armées une dizaine de jours de combats acharnés, une aide militaire massive des Etats-Unis et le bombardement des quartiers populaires pour reprendre le contrôle de la situation (Lemoine 1997).

Par ailleurs le pouvoir en place ne se laissait pas faire et accentuèrent les répressions par le biais des forces armées, de quoi déstabiliser les guérilleros dans leurs actions armées: « l'armée en profitait pour se livrer à une vaste opération de répression, et assassina six prestigieux professeurs jésuite de l'Université centraméricaine (UCA). »63(*) (Dabène 2006 : 175).

L'assassinat des jésuites64(*) se justifiait selon le commandement militaire qui n'a pas cessé de percevoir les jésuites comme le principal soutien intellectuel et moral du FMLN dans le pays, ainsi qu'en témoigne la virulente campagne de presse menée contre eux les jours précédents le massacre. Le soutien dont bénéficiait le pouvoir, l'absence de mobilisation populaire autour du FMLN surtout dans la capitale à cause du régime de terreur installé dans le pays, entraînèrent de nouveau l'échec de la guérilla du FMLN sur le plan militaire mais d'une certaine manière entraînèrent également une « victoire » dans la mesure où à nouveau des nouvelles voies s'ouvrirent pour d'éventuelles négociations. Ainsi nous partageons le même avis que Garibay (2003 : 436) qui pense que : « Le FMLN agit donc dans l'idée de renforcer sa position dans les négociations et non dans l'objectif de remporter l'assaut final. ». Ces négociations qui ont repris dans les années 90 et 91 aboutiront à une trêve et aux Accords de janvier 1992, entraînant la fin de la guerre civile.

Mis à part les offensives armées de la part de la guérilla, il faut souligner qu'elle avait aussi d'autres moyens propres à elles de se faire entendre et d'atteindre ces objectifs. J. Villalobos nous renseigne sur les pratiques les plus courantes du FMLN :

« enlèvement de personnes étrangères ou nationales à des fins de financement (sept chefs d'entreprises, cadres et diplomates ainsi enlevés furent assassinés pendant leur détention65(*)) ; plus d'un millier de civil d'exécutions sommaires de civils considérés comme des espions de l'armée ; exécutions de prisonniers ; victimes civiles de mines ; dizaines d'assassinats de fonctionnaires civils du gouvernement, depuis des ministres jusqu'à des maires de petits villages, dizaines de victimes civiles d'attentats à l'explosif contre des installations militaires situées dans des zones habitées ; et actions assimilables au terrorisme, comme l'agression de quatre marins des Etats-Unis dans un restaurant, qui provoqua la mort de plus d'une dizaine de civiles. » (Villalobos 1999 : 141). Ces autres actions permettaient notamment au front de trouver des moyens financiers pour continuer la lutte.

Par ailleurs, il faut aussi noter que les actions du FMLN quelles soient armées où non, ne pourraient avoir une certaine envergure s'il n'y avait pas eu aussi une certaine adhésion populaire.

2.3. La participation de la population

Comme nous l'avons souligné précédemment, la réussite d'une révolution conduite par une guérilla dépend aussi d'une adhésion du peuple c'est-à-dire que d'une certaine manière que les couches sociales adhèrent à l'idée révolutionnaire et y participent selon leurs possibilités.

Dans leurs grandes majorités les guérillas révolutionnaires en Amérique latine ont eu en leur sein des militants provenant de catégories peu touchées par la politique traditionnelle. Etant donné le contexte défavorable au Salvador : pour une grande partie de la population qui doit faire face à de nombreuses difficultés économiques, sociales et même politiques pendant qu'une minorité vit dans l'opulence et jouit de tous les droits et richesses ; militer au sein du mouvement révolutionnaire et donc au sein du FMLN est la seule façon pour les couches sociales défavorisées d'aider ce mouvement à réaliser son objectif pour le bien de tous. Ainsi les organisations révolutionnaires en Amérique latine et particulièrement au Salvador recrutaient la majorité de leurs militants parmi les jeunes, les femmes, les paysans, les anciens militaires ou des déserteurs et parfois même des intellectuels.

En effet en ce qui concerne les jeunes (des adolescents et enfants surtout), il faut noter que l'idéalisme, l'enthousiasme et parfois l'inconscience les rendent plus sensibles à l'action de libération. Adolescents, parfois enfants de onze à douze ans, ils sont mûrs pour le combat que pour l'action politique (Gandolfi 1989 : 44). Presque dans toutes les guerres de libération, ils furent mobilisés pour le combat, où ils ont payé un lourd tribut à la cause, portant un fusil parfois plus grand qu'eux, constamment sur la brèche dans les embuscades, participant aux attentats, souvent après quelques journées à peine de présence dans des camps d'entraînement. Cette participation de jeunes et d'enfants (Cf. photo n°4) dans la guerre civile eut des effets négatifs même dans la période de l'après-guerre

Photo n°4 : un jeune enfant combattant du FMLN

Source : Erdozain et Barth (1982 : 35).

Evidemment du fait des exclusions sociales, de la pauvreté et de la circulation des armes dans le pays, on assiste au Salvador, le développement de bandes ou gangs armés (les Maras), à l'accroissement des crimes perpétrés par des jeunes hommes, au développement de la violence sociale sous toutes ses formes.

Pour la femme aussi, l'action est une autre libération. Elle se sent alors l'égale de l'homme dans des pays où elle a souvent été habituée à être sa subordonnée, voire son esclave, à ne pas participer à la vie communautaire, à être exclue, en tant que femme, des bureaux de vote et des manifestations de la vie civique.

Au Salvador, les femmes ne sont pas restées en marge de la guerre civile qui oppose depuis 1981 le FMLN et les gouvernements démocrate-chrétien et d'extrême-droite puissamment soutenus par les Etats-Unis. Cette guerre a fait irruption dans la vie des femmes, les a précipitées hors des cuisines pour participer activement au projet révolutionnaire de la guérilla malgré le fait que beaucoup se sont contentées de subir, non sans héroïsme, la violence, la terreur et la misère supplémentaires produites par la guerre. C'est ce qui nous montre clairement Jules Falquet dans l'un de ses articles sur la question66(*). Selon lui, la participation des femmes à la vie du pays, aux luttes sociales du pays puis à la guerre civile révolutionnaire, a été très importante. Loin de faire une analyse voire une étude approfondie de la participation des femmes, nous allons juste aller à l'essentiel c'est-à-dire montrer pourquoi cette adhésion des femmes au projet révolutionnaire ? Et quelle a été leur rôle ?

Si la guérilla du FMLN a pu s'enorgueillir de compter parmi ses quelques douze mille combattants un tiers de femmes- un pourcentage élevé pour les guérillas latino-américaines- c'est que les femmes étaient, depuis avant la guerre et malgré un système patriarcal écrasant, fort actives dans la vie du pays (Falquet 1997 : 2).

Face au contexte politique et social qui prévalait vers la fin des années 1960 et le début des années 1970, les femmes eurent une grande participation dans la vie politique du pays en dénonçant les abus et les dérives du pouvoir en place. Ce qui a motivé que beaucoup voire que certaines s'intéressèrent à la lutte révolutionnaire s'explique par le fait qu'elles ont fait leurs pas à partir des années 1960 et 1970 aux activités de la théologie de la libération (réunions de lecture critique de la réalité sociale appuyées sur la Bible, les sessions d'alphabétisation, la formation des coopératives etc.). Ceci leur a permis, légitimement aux yeux des hommes, de mettre le nez hors du foyer.

Ainsi donc, les femmes ont même été parmi les premiers pionniers à réaliser les organisations populaires qui opteront pour la lutte armée révolutionnaire. C'est dans ce sillage que la première formation de lutte armée révolutionnaire issue de la scission du PCS en 1970 et, qui va basculer dans le camp de la guérilla, était notablement porté par des femmes. Des femmes se distingueront dans la lutte armée clandestine et parviendront même au sommet de la hiérarchie militaire au sein de la guérilla, ceci parfois causant des démêlés. C'est le cas par exemple de la dirigeante principale du syndicat des enseignants (ANDES 21) qui fut une femme : Mélida Anaya Montes, bien que la direction du syndicat fut largement masculine. C'est l'une des premières organisatrices, clandestine, de la lutte armée révolutionnaire, où elle devient la Comandante Ana María, dirigeante en second. Sa détermination, son prestige et sa clairvoyance en font, avec le dirigeant ouvrier Caetano Carpio (ancien secrétaire général du Parti communiste salvadorien et fondateur de la guérilla sous le nom de commandant Marcial) un des principaux piliers de la lutte révolutionnaire pendant plus de dix ans (Falquet 1997 : 2-3).

Malheureusement celle-ci fut assassinée sous ordre de Marcial, à cause probablement des différents idéologiques qu'ils existaient entre-eux, et surtout qu'il craignait semble t-il qu'elle ne lui ravisse la direction de la Révolution. Poussées à embrasser l'idéal révolutionnaire pour diverses raisons67(*), les femmes eurent une participation significative au sein de la guérilla. Voila ce que nous en dit Falquet (1997 : 3): « Mais comme généralement d'autres membres de la famille sont du côté des compas guérilleros, elles donnent volontiers un coup de main - la force de l'habitude : nourrir ces jeunes gens, laver leurs vêtements, voire pour les plus jeunes et les plus dégourdies, prendre en charge les communications radios, apprendre quelques rudiments d'infirmerie... et pour les plus exceptionnelles, non sans difficultés, prendre un fusil pour venger leurs morts et pour lutter pour un meilleur futur pour les enfants du Salvador. ». Ainsi donc certaines étaient cuisinières, d'autres infirmières, d'autres chargées de l'éducation des enfants orphelins, une infime minorité était combattante en première ligne et moins nombreuses étaient les gradées qui emmenaient leurs compagnons au combat. Ces femmes ont donc joué un rôle d'exemple déterminant et ont puissamment lutté pour favoriser la participation des femmes. Pour souligner les raisons de cette participation féminine, certaines à l'instar de Puyo et Taracena pensent que mis à part que cette participation était nécessaire pour accroître l'effectif des guérilleros ; elle était aussi nécessaire pour s'affirmer dans la vie politique et réclamer une certaine émancipation : « si cette participation s'explique surtout par le manque réel de combattants, elle renvoit aussi au souci d'une égalité de genre au sein des groupes guérilleros. » (Puyo et Taracena 2007 : 13).

Il faut aussi mentionner que le paysannat n'était pas en marge des mobilisations populaires pour soutenir la guérilla. Les paysans sont bien entendus l'élément le plus nombreux pour diverses raisons : parce que la guérilla étant essentiellement rurale, ils constituent un élément de recrutement naturel, parce qu'aussi une des revendications essentielles des MLN68(*) porte sur des reformes profondes de la société, dont la reforme agraire est en général l'élément central (Gandolfi 1989 : 46-47). Quand on voit la composition du FMLN il est n'est pas fortuit de voir qu'elle recrute en son sein de nombreux paysans étant donné qu'on a même souligné que la guérilla se réorganise dans les milieux ruraux et quand il s'agit d'une guérilla urbaine le nombre de participant est limité ou du moins se recrutent dans les milieux universitaires. Il faut quand même souligner que dans le cas salvadorien, il y a quand même dans les milieux urbains quelques foyers qui ont adhéré à la révolution témoignant ainsi de l'importance réelle de l'élément urbain dans la lutte de libération. C'est le cas du Parti révolutionnaire des travailleurs centraméricains, qui a rejoint plus tard la composition du FMLN ; des Ligues populaires ouvrières du Salvador etc.

Une place doit être aussi réservée aux anciens militaires déserteurs et qui, passés dans la résistance ou dans un mouvement de libération nationale, sont des recrues de choix par leur formation, leur entraînement et par la possibilité qu'ils ont d'être utilisés pour l'encadrement d'autres militants (Gandolfi 1989 : 47). Ainsi certains soldats adhérant au projet révolutionnaire de la guérilla au Salvador, ont dû pour certaines raisons la rejoindre et combattre avec elle pour atteindre leur objectif.

Enfin il faut noter la participation estudiantine, des universitaires et des milieux religieux aux diverses organisations révolutionnaires de libération en Amérique latine. Les membres des mouvements de libération sont souvent recrutés dans les universités, voire dans les lycées. Ce sont des milieux du savoir et ce sont là où les futurs révolutionnaires ont été animés de doctrines révolutionnaires dont le marxisme. C'est la raison pour laquelle ces établissements sont si fréquemment fermés par les autorités.

Au Salvador, le mouvement Résistance nationale rassemble surtout des intellectuels, des étudiants, des membres de la petite bourgeoisie (Gandolfi 1989 : 49).

Quant au clergé il a souvent fourni, également par idéalisme, de nombreux éléments aux mouvements latino-américains. Au Nicaragua par exemple, les principaux fondateurs du FSLN ou du « groupe des douze » sont d'anciens séminaristes ou étudiants souvent réfugiés au Costa Rica ; au Salvador l'engagement de l'Eglise et du clergé notamment des jésuites pour l'amélioration des conditions de vie et leur soutien à la guérilla témoignent de ce fait.

Face aux différentes actions de la guérilla, la réaction du gouvernement salvadorien ne se fit pas attendre.

2.4. L'Etat face au FMLN (la répression et la persuasion)

Il est souvent très difficile qu'un Etat traite un mouvement de guérilla ou insurrectionnel d'égal à égal. Et donc de cette manière face à une contestation sociale qui débouche sur une lutte voire une lutte armée révolutionnaire, le pouvoir met en place une politique caractérisée par la répression et parfois par la persuasion. Ce qui envenime la situation et pousse le régime à vraiment discuter avec les contestataires pour trouver une solution à la crise. D'où les négociations qui souvent aboutissent à des cessez-le-feu et puis à de véritables accords de paix. C'est le cas dans de nombreux pays notamment au Salvador.

Cependant la répression est la première réaction de l'Etat qui doit faire face à un mouvement de libération nationale (mouvement populaire, mouvement de guérilla etc.). Elle se caractérise surtout dans une atmosphère politique instable, par des arrestations, des poursuites judiciaires, des opérations de police et de maintien de l'ordre, des opérations militaires pouvant aller parfois jusqu'à une véritable et interminable guerre civile débouchant souvent sur un terrorisme d'Etat. Les exactions et les violences causées par l'armée au Salvador furent importantes et furent dénoncées par des organisations de défense des Droits de l'homme. C'est le cas du massacre d'El Mozote en décembre 1981 à la suite des combats entre l'armée et le FMLN dans le Morazán à la frontière avec le Honduras69(*). L'Etat peut agir seul ou être aidé par les forces de police ou de l'armée, être aidé par des conseillers étrangers ou aidé ouvertement par des mouvements paramilitaires. Tel est encore le cas avec les Escadrons de la mort ou la Main Blanche au Salvador ou au Guatemala où la quarantaine d'organisations qui, en Colombie, combattent la guérilla, plaçant le pays dans un état de véritable anarchie (Gandolfi 1989 : 76). Le soutien de l'armée dans la répression fut inconditionnel.

Il faut par ailleurs souligner qu'il est rare que la répression se poursuive jusqu'à l'épuisement du mouvement révolutionnaire et que le succès des entreprises gouvernementales ne dépend pas nécessairement des moyens mis en oeuvre. L'aide massive apportée à l'armée salvadorienne par les Etats-Unis n'a pas détruit pour autant la guérilla, mais l'a peut-être simplement empêché de remporter une victoire militaire qui était à la portée de sa main en 1982 (Gandolfi 1989 : 77). Ainsi les actions du gouvernement furent véritablement soutenues par des puissances étrangères, qui avaient des intérêts dans le pays : C'est le cas par exemple des Etats-Unis au Salvador et dans d'autres pays de la région.

La victoire de mouvements révolutionnaires d'inspiration marxiste inquiétait beaucoup le gouvernement américain. Celui-ci n'hésita pas à accorder des aides financières et à former les officiers de l'armée pour lutter contre la guérilla. Non seulement les Etats-Unis sont accusés de soutenir des systèmes économiques latifundiaires, mais aussi ils sont associés au maintien des oligarchies et des dictatures au pouvoir (Puyo et Taracena 2007 : 6).

Mis à part la répression Alain Gandolfi distingue aussi la persuasion, qui fut aussi une arme déployée par l'Etat pour faire pression sur la guérilla et l'anéantir. La mise en oeuvre d'actions violentes par une organisation à caractère révolutionnaire est généralement source d'émanation d'un profond malaise qui touche la société. La réponse par la répression violente ne peut à elle seule guérir le malaise. C'est pourquoi l'Etat, souvent quand il a les moyens et s'il le peut préfère utiliser d'autres moyens. Parmi ces moyens : la persuasion. Tout en poursuivant la lutte armée contre un mouvement, l'Etat développe une large action psychologique auprès des populations, dénonçant certaines atrocités commises par les mouvements de libération, leur intransigeance qui rend la guerre interminable, dans le but de détacher d'eux les populations (Gandolfi 1982 : 80).

C'est ainsi qu'au Salvador une vaste campagne médiatique voire auprès des populations fut une aubaine pour discréditer l'image des guérilleros, accusés de communistes, de véritables criminels, de destructeurs de l'ordre de l'Etat ; ceci en vue de désolidariser les populations et d'empêcher la guérilla d'avoir un véritable soutien populaire.

Dans cette optique aussi, l'Etat prévoit dans la lutte contre la guérilla, de mettre en place de séries de reformes qui iront dans l'intérêt commun de tous. Ces programmes de reformes sont susceptibles de battre l'adversaire sur son propre terrain, en coupant court à certaines de ses revendications essentielles, en le privant du soutien de la population, ou éventuellement d'un concours extérieur. Mais à vrai dire ces reformes qu'elles soient économiques ou agraires n'ont pas marché comme cela se doit, étant donné le contexte qui prévalait et les oppositions diverses provenant des milieux conservateurs (l'armée et les riches propriétaires terriens).

Quelque soit la nature du mouvement et la nature de la lutte, il est à noter que les protagonistes ne sont pas seuls à être impliqués. Chacun a ou recherche en plus d'un soutien interne, un autre beaucoup plus externe afin de lui permettre d'assurer sa victoire.

3. Les appuis étrangers reçus par la guérilla et le pouvoir en place

Généralement les mouvements révolutionnaires et ses adversaires (dans notre cas ici il s'agit principalement de l'Etat) nouent des relations avec des acteurs étrangers dans le but de mener à bien leur lutte.

Nous pensons pour notre part que pour l'Etat salvadorien, il s'agit d'affaiblir et d'anéantir par tous les moyens la guérilla en recherchant un véritable soutien étranger. Les mouvements de libération nationale, étant des acteurs non étatiques qui envisagent d'être des acteurs étatiques, il est nécessaire d'avoir une certaine reconnaissance et une certaine légitimité du mouvement et de son action sur le plan international.

Le FMLN tout comme un mouvement révolutionnaire a besoin lui aussi d'importants moyens pour poursuivre son objectif. Il lui faut de l'argent pour subsister, pour s'organiser, entreprendre son action de propagande, acheter des armes et des munitions. Ces besoins s'accroissent d'ailleurs au fur et à mesure que le mouvement se développe et qu'il se rapproche de la phase finale de son action.

3.1. La politique salvadorienne des Etats -Unis

Comme nous l'avons montré dans les pages et chapitres précédents, les Etats-Unis ont joué un grand rôle dans la région Amérique latine et ont participé et contribué à l'instabilité politique de ladite région, ceci en raison de la défense de leurs intérêts. Depuis les années 60 et 70, les Etats-Unis s'intéressent à l'Amérique centrale. Craignant que l'exemple cubain se propage (ils) orientent leur politique suivant trois grands axes : - l'aide militaire - le réformisme modernisant de l'Alliance pour le progrès - l'encouragement à une apparence de démocratie politique avec des élections, soit une démocratie restreinte 70(*)(Erdozain et Placido 1982 : 20).

En effet tout au long du XXè siècle, dans le bassin de la mer des Caraïbes, l'influence des Etats-Unis s'est manifestée davantage par le recours par la force que par des velléités d'édifier des régimes démocratiques stables (Garibay 2004 : 125). Si ses intérêts sont menacés, les Américains n'hésitent pas à agir à travers des types d'opérations qui vont de l'intervention militaire directe (en témoigne les dernières interventions : Grenade 1983, Panama 1989), à la menace de la force, Gunboat Diplomacy, à l'utilisation de troupes de substitution (intervention militaire indirecte), d'opérations clandestines de « déstabilisation contre les régimes de gauche- y compris des tentatives d'assassinat sur des dirigeants politiques « hostiles »- à des blocus ou sanctions économiques. A un moment donné l'une ou l'autre de ces méthodes peut être préférée, mais aucune n'a jamais été définitivement abandonnée. Il y a une grande continuité de la politique étrangère des Etats-Unis dans la région »71(*).

Dans les années 1980 en particulier, la victoire des sandinistes au Nicaragua et les insurrections révolutionnaires au Guatemala et au Salvador sont apparues aux Etats-Unis comme autant des facteurs de déstabilisation de la région, et ont mis l'isthme centraméricain sur l'agenda international (Garibay 2004 : 125).

En effet la victoire du FSLN au Nicaragua, le coup d'Etat perpétré au Salvador en 1979 et le déclenchement de la lutte armée en janvier 1981 obligent le président américain Jimmy Carter élu en 1976 à revoir la politique américaine en Amérique latine. Cette nouvelle politique va consister à subordonner l'octroi de l'aide militaire au respect des droits de l'homme par le destinataire. La politique suivie par M. Carter au Salvador va dans le sens de la promotion des droits humains. Sous le règne du général Romero frauduleusement élu à la présidence du Salvador en 1977, il accéda au pouvoir à la même période et tenta de faire pression sur le gouvernement salvadorien pour que les droits de l'homme soient respectés dans un climat où la répression était active. Son souci prioritaire était de collaborer avec les pays démocratiques de la région, comme le Costa Rica et surtout le Venezuela, afin de contraindre les dictatures militaires à respecter les droits de l'homme et à établir des calendriers de retour à la démocratie. C'est en ce sens que l'aide américaine aux régimes en Amérique latine fut conditionnée. Le coup d'Etat contre le général Romero, le soutien aux juntes militaro-civiles installées dans le pays dans le but d'enclencher une séries de reformes dans le pays en témoignent de cette attitude de la politique américaine du moins de celle cartérienne.

Mais son successeur  Ronald Reagan va modifier en profondeur la politique extérieure des Etats-Unis en lançant sa « croisade démocratique » en juin 1982 (Garibay 2004 : 127). Anticommuniste et arrivé au pouvoir dans un contexte de Guerre Froide, M. Reagan veut rapporter tous les conflits locaux à un affrontement généralisé Est-Ouest : la main de Moscou est partout. Ainsi, dès sa première conférence de presse présidentielle du 29 janvier 1981, il accuse les dirigeants soviétiques d'être prêts « à commettre n'importe quel crime, à mentir, à tricher72(*) » pour parvenir à la révolution mondiale (Toinet 1982 : 503). Selon lui, la guérilla qui se développe au Salvador est l'oeuvre des soviétiques et de leurs alliés cubains qui n'hésitent pas à les soutenir. Son élection comme président des Etats-Unis fait passer la lutte contre le communisme et la subversion en Amérique centrale avant la défense des droits de l'homme. Le nouveau gouvernement s'abstiendrait de critiquer les atteintes aux droits de l'homme dans les régimes autocratiques « amis », leur rétablirait l'aide économique et militaire et leurs troupes, fournirait des « conseillers » militaires et n'hésiterait pas à reprendre les activités clandestines contre-insurrectionnelles (covert activities) contre les groupes de gauche73(*) (Toinet 1982 : 504). Refusant de lier l'aide nord- américaine aux reformes effectivement entreprises, Ronald Reagan base sa politique sur la reprise en main d'une région historiquement sous sa domination et qui, depuis le succès des sandinistes, tend à échapper à son contrôle (Lemoine 1988 : 306).

Craignant une véritable contagion révolutionnaire dans la région après le succès des sandinistes et qui risque de saper les intérêts nord-américains, Reagan a fait du Salvador une place de choix dans son agenda et n'hésita pas à soutenir financièrement et matériellement le gouvernement salvadorien en vue de lutter contre la guérilla du FMLN74(*). Et comme le précise en effet un de ses principaux adjoints : « il serait inconcevable que la nouvelle administration laisse tomber le Salvador tomber (aux mains de la guérilla) sans faire le moindre effort pour l'empêcher. Reagan ne peut se peut se permettre un autre Nicaragua75(*) » (Toinet 1982 : 504). C'est dans cette optique qu'il intensifia l'aide américaine et apporta considérablement son soutien au gouvernement salvadorien contre la guérilla du FMLN76(*).

Toutefois, la politique américaine ne changea guère de fond, du Nicaragua au Salvador, de M. Carter à M. Reagan. En toute circonstance ce fut la sauvegarde d'intérêts nord-américains dans la région dans son ensemble. Néanmoins ce fut au niveau des formes des stratégies politiques que les divergences paraissent.

Que ce soit la politique cartérienne ou reaganienne, ce fut plus ou moins un échec par rapport au but à atteindre. Mais cela est à relativiser un tout petit peu. La politique de promotion des droits de l'homme de Carter eut des effets ambigus. Mais elle eut au moins le mérite d'attirer l'attention du monde sur la cruauté de certains régimes latino-américains. Ceux-ci furent frappés d'ostracisme par la communauté internationale, alors que les opposants étaient encouragés dans leurs efforts. Il y eut là un facteur d'évolution non négligeable qui porterait ses fruits ultérieurement (Dabène 2006 : 166).

En ce qui concerne celle de Reagan mis à part qu'elle a empêché la guérilla de parvenir au pouvoir par une victoire militaire, elle n'a pas cependant réussi à faire du Salvador un cas-test contre l'expansionnisme soviétique et anéantir totalement le FMLN. Tout compte fait, les guérilleros ne vont pas rester les bras croisés. Eux aussi rechercheront du soutien à l'extérieur pour leur permettre de parvenir à réaliser leurs objectifs.

3.2. Le FMLN et la société internationale

Un mouvement cherche à se faire reconnaître pour que soit prise en considération la légitimité de ses objectifs et de son action et, par conséquent, il attend de cette reconnaissance un soutien à cette action, de la part des organisations internationales, gouvernementales ou non, ainsi que des Etats (Gandolfi 1989 : 99). Il faut au mouvement révolutionnaire des soutiens politiques à l'extérieur pour conduire son action psychologique, persuader l'opinion publique internationale de la justesse de son combat.

Cette recherche de reconnaissance, les dirigeants l'ont vite pressenti comme nécessaire. C'est dans cette optique que déjà au début de la lutte pour la « libération nationale », ils vont nouer des contacts avec des acteurs extérieurs au conflit. C'est ainsi que le FMLN-FDR ont fait des propositions le 4 octobre 1981 dans un texte publié par département d'information de la représentation du FMLN-FDR et remis à Daniel Ortega, membre de la junte révolutionnaire au Nicaragua pour le transmettre à la 36è Assemblée générale des Nations Unies et aux peuples du monde. Il s'agit de propositions relatives à la recherche de conversations de paix, afin de trouver une solution à la crise que vit le peuple salvadorien.

C'est aussi à la recherche de cette reconnaissance, de cette légitimité internationale, que les dirigeants de la guérilla salvadorienne nouèrent des contacts avec les pays étrangers pour se faire reconnaître77(*). Sur le plan international, en effet le FMLN entretenait déjà avec le Mexique, l'Europe et l'Amérique latine des relations qui renforçaient de ceux (comme moi) qui, au sein de la guérilla, étions favorables à la négociation et à un programme démocratique (Villalobos 1999 : 142). Le soutien aussi des cubains et des pays voisins à l'instar du Nicaragua sandiniste n'est plus à démontrer.

La guerre civile salvadorienne de 1980 à 1992 a vu la participation du FMLN qui fut aux prises avec le régime en place soutenu par la classe oligarchique et l'armée. Cette participation du FMLN se matérialisa par l'usage de divers moyens : la tactique de la guerre de guérilla, la négociation etc. Mais l'échec de cette dernière due aux raisons que nous avons évoquées plus loin, a fait perdurer le cours de la guerre. Une guerre qui fut alimentée par des ingérences étrangères dont celles des Etats-Unis, qui n'hésitaient pas à apporter leurs soutiens tant financiers que militaires au régime en place. Cette politique va connaître un changement avec l'arrivée de Ronald Reagan en 1981 à la magistrature suprême des Etats-Unis. Celui-ci accentue l'aide nord-américaine au Salvador en vertu de sa croisade contre le communisme.

Ainsi donc pour le front révolutionnaire, il fallait aussi des appuis étrangers et se faire reconnaître. Le soutien apporté par des pays comme la France, le Mexique, Cuba... Viendront renforcer le front dans son engagement pour la lutte pour la liberté. Cette guerre civile fut néanmoins de nombreuses victimes et des déplacés : environ 79 000 morts (sur cinq millions d'habitants)78(*).

La lutte armée engagée au Salvador de 1980 à 1992, et qui a opposé les forces gouvernementales et les organisations révolutionnaires dont le FMLN, n'était pas fortuite du moins pour le FMLN. Elle avait un but, celui de la satisfaction des revendications et l'atteinte des objectifs de la guérilla. Quel qu'en soit les moyens utilisés pour venir à bout, c'est l'atteinte des objectifs assignés à la guérilla qui est nécessaire tout comme le souligne Gandolfi (1989 : 6) : « cependant ce qui compte essentiellement c'est la réalisation de l'objectif qu'il s'est assigné. ». L'option pour une lutte armée était donc justifiée. En effet le régime en place ayant fermé toutes les voies pacifiques vers un changement, oblige le mouvement révolutionnaire à opter pour la forme violente (la lutte armée). Cette option leur a conduit à unir leurs forces et à faire face à un régime autoritaire. L'échec des tentatives de négociations et des offensives de la guérilla feront perdurer la guerre civile. Mais devant son échec à parvenir à leur fin par la lutte armée, le FMLN après surtout l'échec de l'offensive de 1989, va revoir son programme révolutionnaire.

Cependant la lutte armée leur a permis de se faire entendre et de pouvoir discuter et peser sur le régime en place. Ceci va lui amener à reprendre les négociations, qui aboutiront aux Accords de paix de 1992, qui mit fin à douze années de guerre civile meurtrière et qui entraîna un changement inédit de la guérilla.

TROISIEME PARTIE

ACCORDS DE PAIX, MUTATION ET ENRACINEMENT DU FMLN DE 1992 À 2009

Après la période de guerre civile, qui a ravagé le pays pendant douze ans, la recherche d'une négociation du conflit interne s'imposait. Le processus de négociation relancé aboutit aux Accords de paix de janvier 1992. Ceux-ci eurent des retombées en ce qui concerne le devenir de la guérilla du FMLN : transformation en parti politique, insertion dans le paysage politique et possibilité d'accession au pouvoir. De ce fait, en quoi alors la mutation en parti politique a orienté les actions du FMLN dans une perspective politique et démocratique, qui lui ont permis d'atteindre ses objectifs qu'il s'est donné à sa création de 1992 à 2009 ?

C'est à cette question que nous nous livrerons à apporter des éléments de réponses à travers deux chapitres : « La négociation de la paix » et « La mutation et l'enracinement du FMLN ».

Chapitre 5 : LA NEGOCIATION DE LA PAIX

A partir de janvier 1992, les Accords de paix de Chapultepec au Mexique mirent fin à douze ans de guerre civile. Ces Accords de paix ont été le fruit d'une longue négociation parfois entrecoupée par des moments de crises entre gouvernement salvadorien et dirigeants du FMLN, assistée par des observateurs tels que l'Eglise catholique ou les Nations unies. Quel a été alors le processus qui a conduit à l'instauration d'un climat de paix ?

C'est à cette question que nous tenterons d'apporter des éléments de réponses.

1. Les Accords de paix de 1992

La recherche de la paix à travers des négociations pour mettre fin à un conflit, a connu de nombreuses péripéties. Cela n'a pas été facile de parvenir aux Accords de paix qui mettront fin à la longue guerre civile. Les nombreuses rencontres organisées entre le gouvernement salvadorien et le FMLN-FDR ont toujours butté sur les mêmes problèmes, sur les mêmes méfiances (Gandolfi 1989 : 82). Le fait que chacun reste sur ses positions difficilement conciliables entre elles, l'assassinat de personnalités chargées de la médiation (le cas du père Ignacio Ellacuria en 1989), sont certains des éléments qui ont entravé la quête d'une véritable paix.

Néanmoins le changement d'attitude des Etats-Unis envers le gouvernement en place, l'échec des offensives militaires de la guérilla entre autres ont concouru à parvenir à la reprise des négociations qui aboutiront à la signature des Accords de paix en 1992.

1.1. Le prélude aux Accords de paix

Les Accords de paix de 1992 qui scellèrent la fin de la guerre civile qui a duré douze ans au Salvador sont le fruit d'un long processus de négociations à la recherche de la paix. Nous avons vu dans les chapitres précédents comment cette recherche fut menée quelques années après le déclenchement de cette guerre et comment les espoirs pour la fin de cette guerre étaient minimes. Il a fallu attendre les années 1989 et 1990 pour que de véritables espoirs pour trouver une solution au conflit interne surgissent.

En effet plusieurs facteurs ont joué pour qu'on arrive à instaurer la paix au Salvador. Sur le plan interne, la victoire de l'Alliance républicaine nationaliste (ARENA) aux élections présidentielles de 1989 est un élément majeur dans l'évolution des négociations qui menèrent à la recherche de la paix. L'ARENA79(*), parti fondé le 30 septembre 1981, est un rassemblement des droites salvadoriennes destiné - pour la première fois dans l'histoire du pays - à se mesurer à d'autres partis dans une compétition électorale. L'idéologie de ce parti, qui reçut une aide importante de l'ANEP (Association nationale de l'entreprise privée) et de la Chambre de commerce pour lutter contre les reformes de structure mises en oeuvre par la Junte révolutionnaire démocrate chrétienne, est simple sinon simpliste et, comme l'art de la guerre, toute d'exécution (Rouquié 1991 : 82). L'idéologie du parti donc se fondait sur des slogans du type : « Premièrement le Salvador, deuxièmement le Salvador, troisièmement le Salvador », « Oui à la patrie, non au communisme », « Aujourd'hui la lutte, demain la paix, le progrès et la liberté » (Rouquié 1991 : 82).

Cette victoire de l'ARENA à ces présidentielles renforça un secteur modéré au sein de l'élite salvadorienne contre les partisans de la solution militaire. C'est-à-dire qu'au sein de ce parti, l'élite modérée au pouvoir ne va pas trouver la solution à la crise à travers la riposte militaire contre la guérilla dans un climat où la violence est à un haut degré ; mais plutôt va faire évoluer tout le parti vers la recherche du dialogue en vue de véritables négociations pour aboutir à la paix dans le pays. Cela se concrétisa par les initiatives du nouveau patron de l'ARENA, Alfredo Cristiani, élu président du Salvador en 1989. Il va essayer de trouver un compromis avec la guérilla du FMLN afin de trouver une solution au conflit qui perdurait au Salvador. Le lendemain de son élection à la présidence, Alfredo Cristiani fait une proposition de paix au FMLN (Garibay 2003 : 434). D'ailleurs dans son discours d'investiture le 1er juin 1989, il confirme ses propositions dans un plan de paix qu'il annonce avec des conversations régulières. Ces propositions de paix ne furent pas que purement formelles car des rencontres entre gouvernement et responsables de la guérilla furent organisées. C'est dans ce sens que se situent les rencontres au sommet qui démarrent à Mexico du 13 au 16 septembre, puis se prolongent à San José (Costa Rica) du 15 au 17 octobre80(*). Ces négociations achoppent sur les questions de l'armée et du cessez-le-feu, mais n'en représentent pas moins une avancée significative par rapport aux dialogues antérieurs (Garibay 2003 : 435). La troisième rencontre était prévue sur Caracas le 20 novembre de la même année.

En plus de ce facteur, il y a eu aussi les effets de l'offensive de la guérilla de novembre 1989 qui a fait évoluer vers de véritables négociations. Les guérilleros du FMLN, conscients qu'ils ne pouvaient pas remporter l'assaut final à travers cette offensive de 1989, agissaient dans l'idée de montrer non seulement qu'ils ne sont pas affaiblis comme certains peuvent le croire et le penser ; mais aussi c'était une manière pour eux de renforcer leurs positions dans les négociations.

Sur le plan externe, nous pouvons noter d'autres facteurs qui ont fait évoluer le Salvador de la donne de la guerre civile à la donne de véritables assises ouvrant la voie à l'instauration de la paix. En effet, comme nous l'avons montré dans les chapitres précédents, l'ingérence des Etats-Unis dans les affaires des pays latino-américains en l'occurrence au Salvador pendant la période de guerre civile, a été vivement forte. Cependant pour qu'on arrive à mettre fin à un long conflit ou pour arriver à un apaisement dans le pays, il faut que les forces extérieures qui participent d'une manière ou d'une autre au conflit en soutenant les différents protagonistes de ce conflit, acceptent de rentrer dans la dynamique de la recherche de la paix.

En ce sens que vers la fin de l'année 1989 et le début des années 90, Washington va peser de tout son poids chaque fois davantage pour parvenir à une résolution rapide et négociée du conflit salvadorien. Pour la nouvelle administration américaine dirigée par le président Bush, le Salvador devient l'un des problèmes de taille dans l'agenda de la politique étrangère américaine dans le monde latino-américain auquel il faut trouver une solution. Pour des raisons différentes, l'attitude du Congrès nord-américain va dans le même sens : si lors de l'offensive de novembre, il a voté le rétablissement de l'aide militaire, conditionnée depuis la victoire électorale d'Alfredo Cristiani, il réintroduit de nouvelles restrictions, lors de la publication du rapport Moakley, puis du vote en octobre 1990 de l'amendement Dolle81(*). L'ensemble de ces circonstances constitue autant de pressions pour le gouvernement Cristiani qui sait que le caractère indéfectible du soutien de Washington dépend de l'avancée significative des négociations (Garibay 2003 : 442).

En outre, même le régime sandiniste qui a souvent soutenu la guérilla du FMLN, a accéléré le calendrier électoral dans son pays pour permettre la tenue d'élections libres, avec participation pleine de l'opposition, en février 1990.

De plus le contexte international a changé. Les effets de la Guerre froide s'adoucissaient et les deux blocs incarnés par les deux super-grands (Les Etats-Unis et l'URSS) rentraient dans une phase de détente puis coexistèrent pacifiquement. La chute du mur de Berlin en 1989 sonna le glas à un contexte international changeant et eut une certaine influence dans le monde latino-américain. La guérilla du FMLN va commencer par perdre le soutien dont il bénéficiait de Moscou. C'est pourquoi, pour affirmer d'une certaine manière son existence autonome et montrer que sa force n'est pas liée exclusivement à ses soutiens internationaux qui d'ailleurs commençaient à perdre leurs influences, que le FMLN va lancer son insurrection de novembre 1989.

Dans la logique du processus de négociations qui a conduit à la paix au Salvador, il faut sans doute souligner que la route qui a conduit aux Accords de paix de 1992 a enregistré des hauts et des bas. En effet, l'offensive de 1989 déclenchée par la guérilla empêchera le cours des rencontres de dialogues entre le gouvernement et la guérilla. Cet arrêt des négociations fut momentané car les discussions vont reprendre surtout avec la médiation des Nations unies.

C'est ainsi que, les deux parties sollicitent rapidement l'aide du Secrétariat général des Nations unies, et pour la première fois de la guerre, les premières rencontres aboutissent sur des textes qui vont constituer des bases pour d'éventuelles négociations.

Le 4 avril 1990, les parties s'engagent par l'Accord de Genève à rechercher une solution politique au conflit, sous la médiation des Nations unies (Garibay 2003 : 442). Un mois après, du 16 au 21 mai à Caracas, les thèmes et le calendrier des négociations à venir sont établis : les accords sur le devenir des forces armées, les droits de l'homme, les reformes du système judiciaire, électoral et constitutionnel et les thèmes socio-économiques constituent les points de l'agenda des discussions à venir et conditionnent in fine le cessez-le-feu et l'accord de paix final (Garibay 2003 : 442).

Les négociations se poursuivirent par des séries de rencontres dans différents pays. Certaines de ces rencontres n'aboutissent pas à des résultats encourageants tandis que d'autres feront évoluer les négociations. Toujours est-il qu'il existait une volonté manifeste des deux parties de parvenir à la résolution rapide du conflit. Cette volonté était confortée non seulement par l'engagement que prirent les deux grands Mikhaïl Gorbatchev et George Bush82(*) pour la résolution des conflits en Amérique centrale lors du sommet de Moscou (fin juillet 1991) mais aussi par l'appui onusien à la résolution du conflit à travers la Mission des Nations unies au Salvador (Onusal) dont les activités démarrèrent le 26 juillet 1991 (Garibay 2003 : 447).

Après les dernières discussions (les dernières négociations ont eu lieu à Mexico du 11 au 22 octobre et 5 au 15 novembre 1991 puis à San Miguel de Allende du 25 novembre au 11 décembre 1991), les Accords de paix, scellant la fin du conflit au Salvador, sont formellement signés à Mexico le 16 janvier 1992.

1.2. Les clauses des Accords de paix de 1992

A la sortie d'une longue guerre civile qui a ravagé le pays ; pour panser les plaies et blessures et s'inscrire dans la logique de réconciliation nationale, il était cependant important de commencer par guérir les blessures causées par les deux camps à l'ensemble de la société salvadorienne. L'accord de paix signé à Chapultepec (Mexique) le 16 janvier 1992, sous l'égide des Nations unies, fut le moyen d'y parvenir (Villalobos 1999 : 141-142). Un ensemble de mesures concernant l'armée, la police, le système électoral et le pouvoir judiciaire allait transformer la société ; les programmes de réinsertion dans la vie civile pour les ex-commandants des deux bords devaient garantir le désarmement et empêcher le retour à la guerre ; et des mesures comme la création de la Commission de vérité, l'épuration de l'armée et l'amnistie régleraient la question du passé. Assurer la pacification par des dispositions concernant de façon à la fois réaliste et équilibrée le passé, le présent et l'avenir, tel était en somme le contenu de l'accord (Villalobos 1999 : 142).

En effet concernant l'armée, elle est désormais soumise au pouvoir civil, son statut constitutionnel est normalisé et elle cesse d'être considérée comme la garante des institutions de la république. Elle devra démobiliser tous les bataillons spéciaux entraînés pour la lutte anti-insurrectionnelle, réduire de moitié ses effectifs, qui doivent passer de 80 000 à 40 000 hommes, dissoudre les unités de police qui en dépendent (Policia de Hacienda, Policia Nacional et Guardia Nacional), ainsi que les services d'intelligence (Garibay 2003 : 450). Ses officiers supérieurs devront répondre des crimes des droits de l'homme commis pendant le conflit à travers des mécanismes prévus par la Commission ad hoc et par la Commission de vérité. Les fonctions de police sont dévolues désormais à une nouvelle police civile (Policia Nacional Civil) qui ne sera plus un corps militaire et qui devra être composée majoritairement de personnes n'ayant pas combattu dans aucun des deux camps (Garibay 2003 : 450).

En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, des reformes également furent instituées. Le système judiciaire fut donc reformé dans le sens d'une large indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Une Procuraduría sur les questions des droits de l'homme fut instituée mais aussi une instance chargée de vérifier les processus électoraux également dans le sens d'une grande indépendance vis-à-vis de l'exécutif et des partis politiques.

Ensuite en ce qui concerne les reformes sur le plan socio-économique, il faut noter qu'un ensemble de mesures furent prévues principalement sur le transfert de terres aux anciens membres de la guérilla, sur la légalisation des terres occupées et sur la mise en place d'un forum sur les questions socio-économiques, avec la participation du gouvernement, des représentants du patronat et du syndicat.

En outre les Accords de paix comportent un point précis et clé relatif à la participation politique du FMLN. En ce sens les Accords prévoient la démobilisation des effectifs de la guérilla, sa démilitarisation parallèle à celle de l'armée et la livraison puis la destruction de tout le matériel de guerre.

Enfin les Accords de paix prévoient la légalisation du FMLN en parti politique prévue pour le 1er mai 1992 une fois que la démobilisation de ces forces combattantes et la démilitarisation seront assurées. La pleine liberté d'expression et d'exercice des droits civiques de ses membres, avec les mesures de sécurité qui s'imposent, devraient être garanties. Néanmoins, cette transformation ne pourra avoir d'effets en termes politiques et institutionnels qu'à partir des élections suivantes, programmées pour le 19 mars 1994, soit plus de deux ans après la signature de la paix, et près de 18 mois après la date prévue pour la fin de sa démobilisation83(*) (Garibay 2003 : 451). La démobilisation des deux camps est programmée en plusieurs phases et doit se terminer le 31 octobre 1992 ; mais elle prendra beaucoup plus de temps que prévu, pour des raisons imputables aux deux parties, et la fin officielle du conflit sera finalement annoncée le 15 décembre 1992 (Garibay 2003 : 448).

Par ailleurs la question de la terre, qui fut un problème majeur au Salvador et qui a accentué les inégalités sociales et les violences dans les pays, fut abordée par les Accords de paix. Là où les différentes reformes agraires et surtout celles de 1980 ont échoué, les Accords de paix ont réussi d'une certaine manière relativement à éliminer le problème de terre. Ceci grâce à un programme de transferts de terres aux anciens combattants des deux bords.

Entre janvier 1992 et mars 1994 la polarisation de la vie politique salvadorienne s'accentue sur la question de la mise en oeuvre des accords. À ce moment se généralise l'idée que l'effective application des Accords de paix deviendra le signe tangible de la démocratisation du pays (Garibay 2003 : 452). Mais très vite les Accords de paix virent leur applicabilité être difficiles.

En effet une situation difficile se posait en ce qui concerne la mise en oeuvre des mesures décidées durant l'année 1992. Très rapidement, les retards et les louvoiements du gouvernement et de l'armée dans l'application des dispositions, en particulier dans un premier temps sur la démobilisation des unités de police militaire et des bataillons anti-insurrectionnels, puis sur l'épuration des officiers impliqués dans des crimes contre les droits de l'homme et plus tard sur les programmes de distribution de terres, sont utilisées comme prétextes par le FMLN pour retarder sa propre démobilisation (Garibay 2003 : 452).

En outre, pour de nombreux dirigeants du FMLN, les armes ont représenté non seulement une force essentielle qui a permis de mettre en échec le gouvernement et l'armée pendant la guerre civile, mais aussi constituent un moyen de pression dont dispose l'organisation pendant la période qui suit la signature de la paix. Par exemple, l'explosion d'armes appartenant au FMLN à Managua (Nicaragua) le 23 mai 1993 témoigne encore que le FMLN a conservé une partie significative de ses meilleures armes et montre comment les armes demeurent une garantie incontournable pour la réalisation effective des Accords de paix dans un contexte de profonde méfiance vis-à-vis de l'armée. Or, cette situation contribue à prolonger la période de transition, puisqu'elle retarde la transformation formelle de l'ancienne guérilla en parti politique. Cette transformation prévue pour le 1er mai ne sera effective que huit mois plus tard, à la mi-décembre.

Par ailleurs ces Accords de paix portèrent en eux des lacunes et insuffisances qui pourraient entraver le processus de paix dans le pays. Villalobos (1995 : 143-144) les résume en ces termes :

« Celui qui portait sur la commission chargée d'épurer l'armée ne précisait pas les modalités d'application, ni s'il serait ou non rendu public ; il n'y avait pas de programmes spécifiques de réinsertion pour les chefs de la guérilla, dont certains avaient pris le maquis depuis vingt ans ; l'Etat n'assurait pas la sécurité des dirigeants du FMLN84(*) ; il n'y avait pas non plus de dispositions visant à réinsérer dans la vie civile des officiers ayant fait l'objet de l'épuration ; la date d'entrée en vigueur de l'amnistie n'était pas fixée ; et il n'était pas garanti que les terres, très productives, qui étaient aux mains de la guérilla seraient effectivement transférées aux anciens combattants. La sécurité des dirigeants du FMLN était essentielle pour le déroulement du processus ; l'assassinat, en octobre 1993, de deux de ses chefs provoqua une crise.».

Ces Accords en outre eurent une incidence sur la composition du FMLN car, des négociations et de l'Accord de paix intervinrent des brouilles dont nous ne manquerons pas d'élucider quand nous serons dans la partie concernant les scissions intervenues au sein des ex-guérilleros dans le chapitre suivant. Ces lacunes donc furent l'objet de renégociation, ceci dans le but d'améliorer le processus d'instauration d'un climat de paix au Salvador à la sortie d'une longue guerre civile.

2. L'instauration d'un climat de paix

La guerre civile qui a duré pendant douze ans au Salvador, a opposé les forces armées salvadoriennes soutenues par les Etats-Unis et le FMLN, une alliance de cinq groupes de gauche appuyée par Cuba, par le Nicaragua sandiniste et par l'Union soviétique. Les forces armées salvadoriennes massacrent et déplacent sans discrimination des paysans vivant dans la zone où opère le FMLN. Le FMLN assassine l'opposition politique. La justice n'est pas en mesure d'en imputer la responsabilité aux perpétrateurs.

Lorsque l'affrontement entre les deux Blocs s'atténue et par conséquent que le flux d'aide cesse, il est évident que, de part et d'autre, il ne peut y avoir de victoire nette. Cela mène à des négociations pour la paix sous la médiation des Nations Unies et enfin, en 1992, aux Accords de paix mettant fin à la guerre.

Les Accords préconisent diverses mesures de confiance de nature à dissiper la profonde méfiance entre les groupes et à établir une interprétation commune des évènements passés. L'une de ces mesures est une Commission pour établir la vérité sur les pires exactions commises pendant la guerre. Ces mesures ont pour but de contribuer à l'instauration d'un climat de paix. Ce climat de paix pour le maintenir, fut suivi par des organes pour s'assurer de l'aboutissement du processus apaisé. C'est ainsi que l'entremise des Nations Unies dans les négociations, a conduit à une mission de paix (Onusal) qui aura pour tâche de s'assurer du respect et du suivi des clauses des Accords de paix.

Mis à part elle, il y a eu la mise en place de la Commission de Vérité (CV). Celle-ci placée sous l'égide de l'Onu, était chargée d'enquêter, de faire la lumière sur la situation de violations des droits humains et les responsables des atrocités et des meurtres au cours de la guerre civile.

2.1. La Mission des Nations Unies

C'est à la recherche de la paix que les protagonistes du conflit au Salvador vont aller solliciter l'appui onusien pour un règlement pacifique de la crise salvadorienne. Le 4 avril 1990, les deux parties s'engagent par l'Accord de Genève, à rechercher une solution politique au conflit, sous la médiation des Nations unies. C'est ainsi que par résolution 693 du Conseil de sécurité de l'Onu fut créée la Mission d'Observation des Nations unies en El Salvador (Onusal), composée de près 380 observateurs militaires, 8 médecins et 631 observateurs de police85(*). L'Onusal avait pour mission de vérifier l'application de tous les accords négociés par le gouvernement salvadorien et le FMLN, en vue de mettre un terme à douze ans de guerre civile.

Pour retracer le rôle de la mission de l'Onu au Salvador, nous nous sommes appuyés sur les résumés de l'ouvrage Sur le chemin de la paix de Michel Lelièvre86(*), dans l'article intitulé « Sur le chemin de la paix avec l'Onu au Salvador » disponible sur le site www.Irenees.net. C'est à travers cet article que nous avions dégagé les idées essentielles de ce qui était dévolu à l'Onusal.

Après la signature des accords finaux de paix à Chapultepec (Mexico), le 16 janvier 1992, la mission de l'Onu, initialement centrée sur l'observation du respect des Accords de paix, voit son mandat s'élargir. Elle est désormais chargée d'une part, de veiller à la cessation des actes de combat (il est précisé que les Nations unies devront vérifier la réalité du cessez-le-feu, la séparation et le regroupement des forces), et d'autre part, de dissoudre les anciens corps de police (issus des forces armées) et de créer une nouvelle police entièrement civile sous le contrôle des Nations unies qui devra assurer la vérification du maintien de l'ordre public jusqu'au déploiement total de ce nouveau corps. Ainsi l'Onusal va s'organiser sur divers plans pour bien assurer sa mission. La mission se décline en trois divisions.

Le premier plan concerne, la division des droits de l'homme, qui poursuivit le travail entrepris précédemment et conserva la responsabilité de la vérification du respect des accords de paix (accords de San José, juillet 1990) concernant le respect des droits de l'homme.

Le second plan concerne, la division militaire qui fut en charge de vérifier l'applicabilité du cessez-le-feu, de la part des forces gouvernementales comme des unités de la guérilla. Parallèlement, la division organise le désarmement progressif des combattants et le contrôle de la circulation des armes.

Enfin, le dernier plan concerne la division de la police, qui eut pour objectif essentiel de remplacer les trois corps de police existants (Garde nationale, Police financière et Police nationale) en une force unique entièrement nouvelle, la Police nationale civile, aux effectifs et au commandement totalement indépendants des forces armées, à la différence de la situation antérieure où les anciens corps de sécurité publique étaient en fait des unités militaires.

Par ailleurs au-delà de la mission de reconstruction de la paix qui lui incombait, l'Onusal participa, d'une certaine manière à l'organisation des élections générales (présidentielles, législatives et municipales). Celles-ci se tiennent en mars 1994 et constituent la première consultation depuis le retour à la paix. Le bon déroulement du processus électoral et l'analyse des résultats de ces élections témoignent du chemin parcouru depuis les Accords de paix et présentent, en dépit de quelques incidents, des gages de l'engagement du pays sur une voie démocratique. Quand au mandat de l'Onusal, il s'est achevé le 30 avril 1995.

Cependant, le chemin de la reconstruction est encore long : l'appui financier, économique et politique de la communauté internationale sera déterminant pour s'assurer de la pérennité des efforts de l'Onusal. Les efforts de l'Onusal furent poursuivis dans le cadre de l'apaisement total dans le pays par une deuxième mission beaucoup plus réduite. Il s'agit de la mission des Nations unies au Salvador (Minusal), composée d'un petit groupe de civils des Nations unies restée au Salvador pour fournir ses bons offices aux parties et contrôler l'application des points non réglés des Accords de paix.

Mis à part l'appui onusien pour un règlement pacifique du conflit au Salvador, les Accords de paix ont aussi prévu des organes dont notamment la Commission de vérité pour assurer le bon processus de l'instauration de la paix.

2.2. La Commission de vérité (CV)

Au Salvador, les négociations surtout celles qui aboutirent aux Accords de paix furent des négociations directes où gouvernement de droite, l'armée et le FMLN y participèrent. Ceci dans le but de rendre celles-ci efficaces et fructueuses. Mais un problème se posait faudrait-il traduire les négociateurs en justice dans la mesure où ceux-ci ont été entre autres des protagonistes de la guerre et que chacun d'eux d'une certaine manière ont commis des exactions et violer les droits de l'homme à des degrés différents ? Si oui, le processus de négociations risquerait d'être bloqué. C'est pour pallier à cette difficulté qu'il a été proposé la création d'une commission chargée de faire la lumière sur la guerre civile salvadorienne. C'est dans ce sillage que finalement les deux parties s'entendirent pour déléguer le Secrétaire général des Nations unies la mission de former une Commission de vérité composée de trois membres étrangers au Salvador87(*). Ce furent Belisario Betancur, ancien président de la Colombie, Reinaldo Figueredo, ancien ministre des affaires étrangères du Venezuela, et le juriste américain Thomas Buergental (Villalobos 1999 : 148). Ces personnalités internationales de hauts rangs furent choisies sans doute parce qu'ils sont un exemple dans la vie politique et sociale de leur pays, parce qu'ils jouissent d'un certain prestige dans la défense des droits de l'homme sur le plan national qu'international et surtout pour qu'ils soient impartiaux dans leurs tâches. Mais cela ne nous empêche pas de jeter un regard critique sur la composition des membres de cette Commission. Même si en évitant le parti pris dans les affaires salvadoriennes, on ne pouvait pas empêcher le fait qu'étant étrangers au Salvador, ils ne connaîtront pas bien les réalités salvadoriennes et certaines de leurs recommandations risquent de ne pas cadrer avec ces réalités. C'est le cas par exemple où une de leurs recommandations interdisait pour dix ans aux dirigeants du FMLN et aux responsables de l'armée toute charge publique et de les écarter à vie de toute fonction dans la sécurité ou la défense. Cette recommandation fut invalidée au motif qu'elle violait la Constitution en privant de leurs droits des individus qui n'avaient pas faits l'objet de poursuites judiciaires (Villalobos 1999 : 148).

Il faut ajouter aussi que si l'un des objectifs des Accords de paix c'était que, ceux qui utilisaient la violence comme moyen de lutte politique, l'abandonnent au profit de méthodes démocratiques c'est-à-dire passent par des élections transparentes et libres pour accéder au pouvoir. Il n'était donc pas question d'exclure du jeu politique les ex-militaires et les ex-guérilleros ; mais cela plutôt impliquait une mutation de la guérilla en parti politique et la soumission de l'armée au pouvoir civil. Quelle a été donc le rôle dévolu à cette dite Commission ?

La Commission de vérité (CV) était une instance d'enquête et de vérification et non de condamnation dont l'objectif était de promouvoir la réconciliation nationale au Salvador. Néanmoins nous pensons que c'est compte tenu du fait que la Commission pensait que ses travaux ne seraient pas relayés par la justice salvadorienne - une justice qui n'a pas su faire ses preuves par le passé de par son inaction à mettre fin à l'impunité- que les membres de la Commission décidèrent de rendre publics les noms des personnes reconnues comme responsables et faire recommander les interdictions de ceux-ci aux charges publiques comme nous l'avions souligné tantôt.

La Commission devait enquêter surtout sur les faits survenus depuis 1980 et agir avec discrétion pendant une période limitée à six mois, mais qui peut être prolongée à trois mois de plus. Parmi ces prérogatives, on peut dire que la Commission avait dans le cadre du recueillement d'informations, la possibilité et le droit de s'entretenir librement et en privé avec les personnes de son choix, de demander des informations et des documents aux parties et de visiter tous lieux sans préavis. C'est dans ce sillage qu'elle interrogea les représentants du gouvernement, les autorités religieuses, les membres d'organisations civiles, associatives et syndicales, des représentants des médias, la direction du FMLN et les responsables locaux etc. Cette collecte de renseignements permet donc d'avoir une idée globale des événements qui se sont produits au cours des douze années de guerre civile. Par ailleurs la Commission pouvait exprimer des recommandations et devait remettre un rapport au Secrétaire général des Nations unies après sa mission afin qu'on le publie88(*).

Par rapport à la mission qui lui incombait, ladite Commission avait besoin de beaucoup de moyens. Les moyens ne manquèrent pas ou du moins ce qui pourrait permettre à la CV de mieux fonctionner. Il lui a fallu du personnel et des moyens financiers. Mis à part les trois commissaires nommés par le Secrétaire général de l'Onu, il a été décidé que le reste du personnel pour cause d'impartialité qu'aucun ressortissant du pays n'y sera recruté pour travailler : « Le personnel se compose donc de juristes, de sociologues, d'anthropologues légistes et de travailleurs sociaux originaires d'autres pays d'Amérique latine, des Etats-Unis et d'Europe. Comparée aux Commissions vérité chiliennes, la Commission a beaucoup de moyens. Elle dispose d'un budget de fonctionnement de 2,5 millions $. Le personnel de la Commission vérité établit plusieurs bureaux dans le pays et met en place une politique de «portes ouvertes. » Elle demande instamment aux témoins et aux victimes de communiquer leurs renseignements. »89(*).

Cependant il faut souligner que les tâches de la CV ne furent pas chose aisées. Il n'était pas facile de recueillir des informations dans un contexte d'après guerre caractérisé par une certaine méfiance et un manque de confiance envers les membres de la Commission. Et de plus cette Commission intervient juste après la cessation des violences et du conflit. Ainsi donc les gens doutent, hésitent à donner des informations et ne savent pas encore si la paix sera précaire ou bien durable.

Néanmoins malgré ces quelques difficultés la CV a essayé de faire son travail et a présenté son rapport final. Rapport final dans lequel une série recommandations furent prises à savoir : une réforme des forces armées et le licenciement des officiers de l'armée et des officiers civils coupables de violence, une réforme judiciaire (réforme de la Cour Suprême de Justice et du Conseil national du Judiciaire, épuration du personnel judiciaire, réforme sur l'administration de la Justice), une réforme du secteur de la sécurité publique, une enquête sur les anciens groupes illégaux ainsi que diverses mesures sur la protection des droits humains (le renforcement du Bureau du Conseil national pour la défense des droits humains, le renforcement de certaines procédures, le respect de certains principes, la ratification de divers instruments internationaux, la reconnaissance de la compétence de la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme). Les victimes et leur famille doivent avoir droit à une compensation matérielle et morale. Pour ce qui est de la compensation matérielle, la Commission recommande la création d'un fonds spécial (en prévoyant son organisation et son financement). Quant à la compensation morale, la Commission conseille la reconnaissance des victimes et des crimes commis, la construction d'un monument national portant les noms des victimes, et l'instauration d'un jour férié national en mémoire des victimes du conflit90(*). Par rapport à sa mission, quel bilan pouvions-nous tirer de l'action de la CV ?

Le bilan reste mitigé car les travaux de la CV eurent des aspects positifs tout comme négatifs. A court terme, le bilan est plutôt positif même si quelques faiblesses et lacunes sont à constater, telles que la courte durée de son activité qui l'a obligée à concentrer ses activités sur les cas les plus importants. La Commission de vérité a exécuté une tâche certes difficile mais qui à l'issue a fait sortir un rapport dans lequel, des recommandations furent émises.

Cependant, les recommandations de la Commission n'ont été que partiellement appliquées et souvent avec du retard et ce probablement en raison de la nature même des recommandations basées sur des principes internationaux parfois éloignés de la réalité au Salvador. De plus même si le rapport a mis en évidence le nom des principaux coupables des exactions les plus importantes, cinq jours plus tard, conformément à l'accord signé entre le FMLN et le Président de la république, la Ley de Amnistía General para la Consolidación de la Paz 91(*)(Loi d'amnistie générale pour la consolidation de la paix) est promulguée. Ce qui donc est une loi relevant d'un acte politique et qui permet de ne pas poursuivre judiciairement les auteurs des violences et violations des droits humains au cours de guerre civile. En plus de ces lacunes précitées, d'autres encore sont des aspects de faiblesses selon l'ex-commandante de l'ERP, Joaquin Villalobos. Celui-ci note donc dans l'un de ses articles ces points négatifs : « La Commission fut au-dessous de sa tâche sur quatre points :

- son rapport ne fut pas équilibré. D'un côté elle fit porter la responsabilité sur la seule armée et, de l'autre, sur un seul des cinq groupes de la guérilla, l'ERP. Elle ne mentionna ni la responsabilité concrète des Etats-Unis ni celle du patronat92(*) dans la répression ;

- elle recommanda des mesures allant à l'encontre de la nature de l'accord et de la légalité en demandant d'interdire toute action politique à certains des assignés (dont l'auteur de cet article ou en reclamant la démission du président de la Cour suprême ;

- elle n'encouragea pas l'aveu comme mécanisme de réconciliation. Bien au contraire, elle le punit. Et, en évitant dans bien des cas d'aller au fonds des choses, elle se montra disposée à éluder des responsabilités différentes ;

- elle ne recommanda pas que les parties demandent pardon à la société. » (Villalobos 1999 : 150).

Néanmoins au-delà des ces faiblesses et lacunes, il faut quand même reconnaître que la CV eut des effets positifs. Elle eut un rôle positif car elle rendit publique les enquêtes sur l'assassinat de Mgr Romero en 1980, sur celui des pères jésuites, sur le massacre d'El Mozote et sur d'autres événements de violations des droits humains d'une grande portée historique.

Par ailleurs, il faut noter que ces Accords de paix qui étaient censés contribuer à promouvoir la réconciliation et l'union de tous les salvadoriens, a aussi été source de division notamment entre les ex-guérilleros du FMLN. Nous y reviendrons beaucoup plus en détails dans le chapitre suivant.

En définitive les travaux de la CV qui ont été rendus publics dans un rapport, ont aussi abouti à des conclusions et résultats. Les travaux de la Commission rendent responsables les Forces armées, la police ou les groupes paramilitaires pour 95 % des actes de violations des droits de l'homme commis pendant la guerre civile. Seuls les 5 % restants sont attribués au FMLN, essentiellement dans le cas d'enlèvements et exécutions de maires dans les zones de présence de la guérilla (Garibay 2003 :455).

L'apport de la CV au processus de réconciliation nationale au Salvador a été d'une grande importance jusqu'au point où certains pays qui ont traversé ces genres de crises ou situations, ou bien qui sont en train de faire les expériences de réconciliation nationale, pourraient s'en inspirer. On peut citer actuellement le cas du Togo avec la Commission vérité justice et réconciliation qui s'attèle à réconcilier tous les Togolais. Il est bien vrai que le Togo n'a pas connu une guerre civile similaire au Salvador, mais ladite Commission peut s'inspirer à quelques près des travaux de la CV salvadorienne, mis à part celle de l'Afrique du Sud afin d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

En somme, le processus de négociation qui a conduit aux Accords de paix a été ardu. Malgré les nombreux échecs, la solution d'un conflit négocié fut trouvée : c'est la signature des Accords de paix de Chapultepec au Mexique 1992, lui-même résultant d'un long processus de discussions entre forces gouvernementales et dirigeants du FMLN. Ces Accords de paix portaient sur le cessez le feu, la réduction de l'armée salvadorienne, la démobilisation des guérilleros et leur réinsertion, l'évacuation des zones de contrôle etc.

Par ailleurs pour mieux assurer le suivi des clauses des Accords, la mission de paix des Nations Unies et la Commission de vérité mise en place se chargeaient respectivement du suivi du processus de paix et de faire la lumière sur les actes posés par les forces impliquées dans la guerre civile.

Les Accords de paix vont entraîner des changements en ce qui concerne la guérilla du FMLN. En effet le FMLN se transforme en parti politique et s'insère de nouveau dans le paysage politique sous une autre bannière : celui d'un nouveau parti politique de gauche issu de l'ex-guérilla du même nom, en quête du pouvoir.

Chapitre 6 : LA MUTATION ET L'ENRACINEMENT DU FMLN

A partir de janvier 1992, les Accords de paix mettent fin à douze ans de guerre civile et exposent un certain nombre mesures pour l'instauration de la paix et sa garantie. Parmi ces mesures, il est prévu que le mouvement de guérilla du FMLN démobilise ses forces combattantes et intègre l'atmosphère politique en tant que parti politique. De ce fait, en quoi la mutation du FMLN de guérilla en parti politique a contribué à son enracinement, à sa prise du pouvoir et à la démocratisation du Salvador ?

C'est à cette question que nous essayerons d'apporter des éléments de réponses.

1. La mutation du FMLN

La guérilla salvadorienne du FMLN a négocié avec le gouvernement en place la fin d'un conflit armé et sa transformation en parti politique, ceci dans le cadre d'une reforme des institutions politiques permettant une pratique plus démocratique. La métamorphose ou la mutation devait suivre une logique donnée qui s'inscrit dans un processus temporaire qui y va de la signature des Accords de paix à la première participation à des élections libres et transparentes.

Mais à l'issue des Accords de paix qui stipulaient une transformation de la guérilla en parti politique une fois sa démobilisation et sa démilitarisation achevée ; il faut noter que l'ex-guérilla va rencontrer des difficultés en ce qui concerne sa composition, difficultés qui aboutiront à des scissions internes.

1.1. La transformation de guérilla en parti politique

Après les Accords de paix signés au Mexique le 16 janvier 1992, le FMLN conformément à ces mêmes Accords, a progressivement enclenché son processus de transformation de son statut de mouvement de guérilla pendant la guerre civile à un statut de parti politique. La création du nouveau parti est conditionnée à l'effectivité de la démobilisation de ses forces combattantes et à la remise de ses dernières armes.

C'est en Août 1993 que la guérilla remet ses dernières armes, ce qui permet au FMLN de devenir un parti politique et de tenir sa première convention nationale en tant que tel le mois suivant (Garibay 2003 : 489). Juste après la fin de la guerre civile, le nouveau parti politique en constitution a gardé toujours la dénomination de l'ex-guérilla (FMLN). Le choix de ce nom a été débattu et a reposé sur des considérations historiques. En effet ce sont chacune des cinq composantes du FMLN qui ont fait la lutte armée, mais c'est aussi au nom du Frente (FMLN) qu'ils sont allés aux négociations et que la paix a été signée.

Le choix de ce nom, et plus tard de la dissolution des composantes du FMLN (ERP, PRTC, FPL, RN, PCS), témoigne de cette volonté de combiner la mémoire des années de la lutte et le rappel de l'obtention de la paix par la négociation. Le nouveau parti politique en constitution devra s'organiser sur de nouvelles bases. C'est ainsi que la campagne pour les élections de 1994 accélèrent le mode d'organisation du nouveau parti issu de l'ex-guérilla. La Comandancia general disparaît, remplacée par le poste de Coordinador general, dont le premier titulaire n'est nommé qu'après les élections. Quatorze délégués, nommés par l'organisation majoritaire dans chaque département du pays, viennent s'ajouter au Consejo Nacional (Garibay 2003 : 459).

Cependant, le nouveau parti politique en constitution devait très rapidement faire face à des séries de crises dont celles qui entraîneront des scissions dues aux désaccords sur le plan idéologique et politique en son sein. Ces désaccords se solderont par le départ de quelques membres et des dirigeants de l'ERP à l'instar du commandante Joaquín Villalobos et des dirigeants de la RN peu après les élections législatives de 1994.

1.2. Les crises internes au sein du FMLN et les approches de solution

Le FMLN n'a jamais été homogène. Ce fut un regroupement de groupes ou organisations politiques plus ou moins ayant différentes conceptions sur le plan idéologique ; mais qui en vertu de la lutte contre les inégalités sociales et pour la libération nationale, se sont mis ensemble pour unir leurs forces et atteindre des objectifs communs. Mais lors des négociations qui menèrent aux Accords de paix de 1992 mettant fin à la guerre civile, vont surgir des divisions au sein de l'ex-guérilla. Lors de ces négociations, les divisions internes se font jour ouvertement au sein de l'ancienne guérilla, certains cherchant à faire prévaloir les textes des Accords de paix dans leur version originelle, d'autres privilégiant une renégociation concertée de certaines modalités pour éviter d'éventuelles réactions de l'armée ou des secteurs les plus durs de la droite (Garibay 2003 : 454). Mais à cette occasion, les divisions conduisent la direction de l'ERP à rechercher des soutiens à sa position auprès de ses adversaires d'hier contre leurs propres anciens camarades d'armes, pour des raisons qui tiennent compte à la fois d'analyses politiques sur la situation et d'intérêts institutionnels bien compris (Garibay 2003 : 454).

La fracture opposait en effet d'une part l'ERP et la RN, et de l'autre les trois autres organisations FPL, PCS, et PRTC. Joaquin Villalobos justifie le fait qu'il soit sorti du FMLN peu après 1994 du fait des divergences d'idées sur les Accords, du fait qu'il soit mal compris et accusé de traître.

En effet, le commandante Villalobos suite à quelques échecs dans les négociations entre le Commandement général du FMLN et le Président du Salvador, s'engagea dans des réunions informelles dans la résidence d'Iqbal Riza93(*) pour signer un accord avec le Président Cristiani au nom de l'ERP94(*) face à la crise engendrée par l'échec des négociations entre M. Cristiani et le Commandement général du FMLN. De ce fait, cet accord ne fut pas bien vu par le Commandement général du FMLN et Joaquin Villalobos fut accusé par celui-ci de traître pour avoir signé seul un accord avec le Président Cristiani. Mais pourquoi le commandante de l'ERP a-t-il signé un accord avec le président Cristiani ?

Le discours de l'ERP, et en particulier Joaquín Villalobos, mêle à cette occasion une volonté de concertation et de modération dans les discussions avec le gouvernement et l'armée, et un intérêt à voir le commandement de son organisation amnistiée rapidement. Il savait en effet que les actions de la guérilla sur lesquelles la Commission de vérité portait ses enquêtes étaient essentiellement les assassinats des maires dans les zones de conflits, plus d'autres d'actions isolées (assassinats de personnalités de la vie politique salvadorienne, d'anciens membres du FMLN déserteurs, des responsables d'ONGs, attentat de la Zona Rosa contre les marines, séquestration de Inès Duarte95(*), exécution des officiers survivants de l'hélicoptère de l'armée nord-américaine). L'exécution des maires était la seule action sur laquelle la Commission pouvait faire porter la responsabilité sur l'ensemble du commandement de l'organisation incriminée, dans ce cas l'ERP. Celle-ci dans un geste de transparence, reconnut sa responsabilité à la Commission de Vérité (Garibay 2003 : 454).

La scission au sein du FMLN va entraîner la faction dissidente à aller se constituer en parti politique. Cette faction dissidente du FMLN ira fonder « une nouvelle organisation politique, le Partido Demócrata, d'orientation sociale-démocrate, qui va se situer dans une ligne politique de gauche réformiste » (Garibay 2003 : 473).

D'une manière générale, la scission produit des effets relativement forts. Elle n'a pas réussi à rallier un nombre important de membres et de dirigeants de l'ex - mouvement de guérilla ; quand même elle a porté un coup dur à la consolidation du nouveau parti. En effet, très rapidement la scission échoue à rallier au-delà des dirigeants des organisations dissidentes. Si la quasi-totalité des anciens combattants et de cadres moyens reste au FMLN, la scission contribue néanmoins à accroître la faiblesse du FMLN.

Confronté à une situation délicate à la fin de 1994 due aux tensions internes et la scission, le FMLN va quand même parvenir à se stabiliser et à se consolider sur la scène politique. La deuxième Convention du parti, en décembre 1994 acte le départ des dirigeants de l'ERP et de la RN et décide d'importantes reformes d'organisation interne (Garibay 2003 : 476). Compte tenu du problème posé par la scission et pour éviter que de pareils se reproduisent, on va opter pour la dissolution des organisations composants le FMLN. L'auto-dissolution de ses différentes composantes (essentiellement les FPL, le PCS et le PRTC96(*), auxquelles viennent s'ajouter les tendances composées par les militants de l'ERP et de la RN qui n'ont pas accompagné leurs dirigeants dans la scission et se sont regroupés dans la Tendencia Democrática) est décidée dans le but de transformer le FMLN d'un « parti de partis » en un parti qui reconnaît certes la possibilité d'expressions des tendances internes mais où l'adhésion ne repose plus sur l'appartenance initiale à l'une ou l'autre de ses composantes, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles adhésions et de nouveaux axes de clivages internes (Garibay 2003 : 476).

Ainsi donc les différentes organisations regroupées au sein du FMLN perdent leur autonomie et se fondent dans un parti unique afin de mieux s'insérer dans le paysage politique. Par ailleurs il faut noter qu'il y eut une autre scission au sein du parti, scission sur laquelle nous reviendrons plus loin.

2. L'enracinement et la consolidation du FMLN

Comme le prévoyaient les Accords de paix, une fois que la démilitarisation et la démobilisation des ex-guérilleros furent menées à bon terme sous l'égide des Nations Unies ; la guérilla du FMLN, doit se transformer en parti politique légal.

Le FMLN, en tant que parti politique, tient d'ailleurs sa première convention nationale en septembre 1993. La décision d'y participer aux élections y est adoptée (Garibay 2003 : 458). Cela se justifie car pour tout parti politique, l'objectif qui lui est assigné c'est la conquête du pouvoir. Et donc pour parvenir au pouvoir et surtout par des moyens démocratiques tels que le prévoient les Accords de paix de 1992 ; il incombait au FMLN, nouveau parti politique de passer par des voies démocratiques et donc, par des élections pour conquérir le pouvoir. C'est dans ce sillage que le FMLN participera aux différentes élections (législatives, municipales et présidentielles) organisées dans le pays juste après la signature de la paix.

Et comme le processus de paix ne modifie en rien le calendrier électoral, ce n'est que neuf mois plus tard, en mars 1994, que le parti peut se présenter aux élections municipales et législatives. Ces premières expériences de participation électorale du FMLN permettront au nouveau parti politique de s'insérer dans le paysage politique du Salvador, de mesurer ses chances pour une éventuelle conquête du pouvoir. Cela contribuera beaucoup d'une certaine manière à renforcer l'assise électorale du FMLN, à favoriser la consolidation et l'enracinement du parti politique issu de l'ex-guérilla sur l'échiquier politique national.

2.1. La participation du FMLN aux élections de 1994 à 2006

La signature de la paix au Salvador va permettre au FMLN de pouvoir participer à de véritables scrutins électoraux dans un climat apaisé et démocratique. Pour Garibay (2003 : 461) le premier scrutin post-Accords de paix révèle d'une certaine spécificité : « Si des élections de 1994 ne sont pas formellement les premières élections libres de l'histoire du pays, puisqu'elles s'inscrivent dans la suite du calendrier électoral mis en place depuis 1982, elles sont indubitablement les premières élections véritablement pluralistes de la vie politique salvadorienne depuis 1932. ». Ainsi donc pour le FMLN, les élections de 1994 sont une occasion pour lui de mesurer son influence au suffrage universel. Ces élections qualifiées d'« élections du siècle »97(*) vont représenter un défi particulier pour le FMLN. Pour parvenir à cela, il compte sur ses solides bases sociales qu'il pense avoir acquis dans le pays durant la période de la guerre civile. Car selon le parti issu de l'ancienne guérilla, il n'aurait pas pu combattre pendant douze ans s'il n'avait pas de bases sociales solides ou du moins une forte adhésion populaire. Dans cette préparation pour ces élections, de nouvelles sources de frictions émergent autour du candidat à présenter aux élections présidentielles. Finalement ce fut la formule Rubén Zamora - Francisco Lima98(*) qui fut trouvé à l'issue d'un accord tardif entre la CD et le FMLN.

Mais la campagne va être minée par les tensions existantes entre les différentes formations politiques de la gauche salvadorienne. Elle se présenta donc divisée aux élections municipales et législatives de 1994. Si le processus électoral semble se dérouler dans de conditions correctes, il faut noter qu'il y a eu quelques irrégularités et des problèmes sérieux qui ont entaché le scrutin. Ce furent surtout des problèmes liés à la campagne électorale, à l'inscription des électeurs, à la constitution de la liste électorale provoquant de nombreuses irrégularités le jour du vote.

Par ailleurs la vague d'assassinats de dirigeants de l'ancienne guérilla laissa présager une dégradation de la situation et amena l'Onusal à intervenir99(*).

Pendant la campagne, ARENA n'a pas hésité à employer un discours très agressif contre le FMLN avec un recours massif aux moyens de communication et un financement très supérieur à celui des autres partis (Garibay 2003 : 464). Cela se justifie d'une certaine manière car, étant parti au pouvoir l'ARENA cherche les voies et moyens pour se maintenir autant que faire se peut aussi longtemps au pouvoir tout en discréditant ses principaux adversaires en l'occurrence le FMLN. Sa position de parti au pouvoir lui offre les moyens (financiers et médiatiques) pour y parvenir. Mais est-ce que cela va toutefois anéantir et affaiblir complètement le parti issu de l'ex -guérilla ?

Nous pouvons dire non car pour le FMLN, nouveau parti, la lutte politique dans la voie démocratique venait d'être enclenchée, pas question de reculer devant les difficultés et surtout si les objectifs assignés ne sont pas encore atteints. Ainsi malgré cette première expérience électorale de 1994 qui se révélera décevante, les dirigeants du FMLN ne vont pas se décourager mais vont toujours continuer la lutte.

En effet, les élections sont décevantes pour le FMLN car il va enregistrer un faible score surtout dans les zones où il semblait avoir une certaine assise100(*). Cela s'explique surtout par la faiblesse dans l'organisation de l'ancienne guérilla, surtout par les tensions difficiles qui minent le nouveau parti et par l'absence d'expérience de l'ex-guérilla en matière électorale.

Toutefois aux législatives, le FMLN ne rassemble que 21 % des voix, et obtient que 21 députés. Aux municipales, le FMLN ne l'emporte que dans 16 villes. Le candidat d'ARENA, Armando Calderón Sol, ancien ministre du président Cristiani et représentant des secteurs les plus conservateurs du parti, manque de peu l'élection au premier tour du scrutin présidentiel avec 49 % des voix. Aux législatives, son parti demeure de loin le premier du pays et maintient, avec 44,8 %, le même résultat qu'en 1991 et exactement le même nombre de sièges (39). Le mode de scrutin aux municipales permet d'ailleurs à ARENA de contrôler 206 municipalités sur les 262 du pays. La campagne, dans laquelle Alfredo Cristiani s'est engagée personnellement, axée sur le rôle d'ARENA dans l'obtention de la paix, a produit les résultats escomptés (Garibay 2003 : 465). Cela a permis d'ailleurs à l'ARENA de conserver la majorité absolue au parlement (cf. annexe n°2). Le second tour confirme la polarisation de l'électorat salvadorien, puisque Armando Calderón est élu avec 68,2 % des voix, montrant ainsi les limites de la gauche à mobiliser au-delà de l'électorat qui s'est porté sur son candidat au premier tour (Garibay 2003 : 466).

Cependant les élections suivantes furent une occasion pour le FMLN d'évoluer du statut de deuxième force politique du pays largement distancée par ARENA en 1994 à une situation où il peut faire jeu égal avec le principal parti de droite. La perte de popularité du gouvernement d'Armando Calderón y contribua surtout.

En effet cette perte de popularité était liée sans doute au cas de corruptions et de mauvaise gouvernance dans lesquels le gouvernement était impliqué. C'est ainsi qu'aux élections législatives et municipales de mars 1997, à la surprise d'un grand nombre d'observateurs électoraux, le FMLN connaît une très forte progression et parvient à talonner le parti au pouvoir. Ainsi l'ARENA recule au profit du FMLN et ne garde qu'une étroite majorité relative aux législatives de 1997. Alors qu'en 1994, ARENA a obtenu plus du double des voix que le FMLN, les deux partis ne sont désormais séparés que par 40 000 voix, ARENA obtenant 35,4 % et 28 députés contre 33,0 % et 27 députés pour le FMLN (Garibay 2003 : 526).

Par ailleurs, les élections municipales confirment cette progression. Le FMLN remporte plusieurs dizaines de municipalités dont la capitale San Salvador. Si ARENA conserve 162 municipalités, le FMLN l'emporte dans 54 d'entre-elles et surtout s'impose dans 9 des 10 villes les plus peuplées, dont la capitale, et dans 6 capitales départementales, administrant de ce fait au niveau municipal plus de la moitié de la population du pays (Garibay 2003 : 527). Par rapport à cette progression électorale, le FMLN nourrissait l'espoir de remporter les présidentielles de 1999. Mais les différentes tendances et fractions en son sein rendirent la réalisation de cet objectif presque difficile.

En effet, après la scission intervenue après les élections de 1994, des rivalités politiques resurgissent et conduiront à des affrontements d'idées entre les secteurs « orthodoxes » désireux que le parti suive une ligne socialiste voire révolutionnaire et les secteurs « rénovateurs » désireux que le parti évolue vers la social-démocratie. Ces affrontements se transforment en conflits d'intérêts personnels entre dirigeants du FMLN : les « orthodoxes » qui soutiennent Salvador Sánchez Cerén et les « rénovateurs », Facundo Guardado101(*). Au terme de discussions très vives et d'un scrutin très serré lors de la 5è convention nationale du parti en décembre 1997, deux des figures du camp « orthodoxe », Salvador Sánchez Cerén et Schafik Handal sont écartées des postes de direction au profit de Facundo Guardado du camp des « rénovateurs », qui s'impose comme coordonnateur du FMLN. Finalement pour les élections présidentielles de 1999, le choix fut porté sur la formule Facundo Guardado - Nidia Díaz, après de longues et vives discussions, pour affronter le candidat de l'ARENA, Francisco Flores. Ce dernier s'impose dès le premier tour avec 52,0 % des voix, Facundo Guardado en obtient 29 % (cf. annexe n°3). Les tensions et les rivalités au sein du FMLN ne lui permettent pas d'accéder à la magistrature suprême. De plus cette défaite de Facundo Guardado à la présidentielle de 1999, scelle l'incapacité du courant « réformateur » ou « rénovateur » qu'il incarne, à asseoir son influence au sein du parti. Il y a encore du chemin à parcourir pour le FMLN et surtout s'il veut accéder au pouvoir, il va falloir qu'il essaie de trouver des solutions idoines aux différentes difficultés qui surgissent dans le parti.

Le FMLN à travers les scrutins électoraux, va continuer sa progression en essayant d'accroître son électorat. Les législatives et les municipales de 2000 sont une occasion au parti de refaire partiellement son unité. Dans un contexte de forte abstention, le FMLN fait jeu égal avec ARENA. C'est ainsi qu'aux élections législatives et municipales de 2000, le FMLN arracha autant de sièges au parlement (31 contre 29 pour l'ARENA) puis autant de municipalités dont de nombreuses villes autour de la capitale, et de nombreuses capitales départementales102(*).

Huit ans après la fin de la guerre civile, et six ans après sa première participation aux élections, on pourrait affirmer que le FMLN est en train de bien réussir sa conversion en parti politique, dont l'objectif principal est la conquête du pouvoir. Mais c'est encore loin de s'en réjouir car un événement qu'on redoutait fort, surtout après le départ des dissidents en 1994, réapparut.

En effet le FMLN va encore faire face à une nouvelle scission qui va affecter son organisation. Nous avons plus loin évoqué la question des différents courants et tendances qui s'expriment dans le FMLN et qui porte tout à croire que l'organisation politique est loin d'être homogène. En ce sens comme l'indique Garibay (2003 : 533): « Malgré la consolidation à l'occasion des scrutins de 2000 et de ses résultats électoraux, la fracture interne entre « orthodoxes » et « rénovateurs » est si forte que le parti est au bord d'une nouvelle scission majeure, qui se révèlerait beaucoup plus autodestructrice qu'en 1994. ».

Cependant cette fracture interne ne fut pas de nature à affaiblir complètement le FMLN. Et tout comme nous l'avons souligné, la pérennité et la conquête du pouvoir par le FMLN dépendra surtout de sa capacité à gérer ses conflits internes et sa manière de trouver des solutions idoines. En cela nous pouvions affirmer que l'une des forces du FMLN, c'est aussi sa capacité à s'adapter aux réalités du moment, aux situations de l'heure, de faire face aux difficultés et d'arriver à trouver des solutions. C'est dans ce sens que face à cette éventuelle crise, le processus de consolidation était visé à être conservé. Le contrôle exercé par les « orthodoxes » sur l'appareil du parti, leur plus grande influence sur les structures militantes du parti surtout hors de la capitale, va permettre au FMLN de conserver son unité au prix des départs, ponctuels et sur des bases individuelles de grandes figures du camp « rénovateur ».

C'est ainsi que la Convention nationale de novembre 2001 voit la majorité « orthodoxe » consolider sa majorité interne, et porte à nouveau Salvador Sánchez Cerén à la tête du parti. A cette occasion, les tensions sont telles entre les deux groupes que Facundo Guardado finit par être exclu en octobre 2001, et que plusieurs figures du camp « rénovateur »103(*) font le choix quelques semaines plus tard de partir du FMLN, à l'image de Francisco Jovel, l'ancien commandant en chef du PRTC, ou de Raúl Mijango, l'un des dirigeants de l'ERP à être restés après la scission de 1994 (Garibay 2003 : 533). Un an plus tard, fin 2002, le maire de San Salvador, Héctor Silva et certains de ses proches, comme Héctor Dada, quittent le parti à la suite de rivalités internes dans la préparation de la campagne pour les élections législatives et municipales de mars 2003104(*) (Garibay 2003 : 533).

Par ailleurs, entre janvier et février 2001, le Salvador est frappé par deux tremblements de terre. Le premier séisme, d'une magnitude de 7,6 sur l'échelle de Richter, est le plus violent séisme survenu en Amérique centrale depuis vingt ans. La plupart des victimes sont ensevelies par des glissements de terrain, notamment à 12 km de la capitale, qui est pour sa part épargnée.

Près d'un cinquième de la population est touchée et le bilan humain s'élève 1 200 morts105(*). Le coût de la reconstruction du pays est élevé, malgré l'aide internationale. Des mesures telles que la réforme des retraites et à la chute du cours du café, influencent fortement l'économie du pays. En outre, l'augmentation des dépenses publiques et l'accroissement de la dette affaiblissent la politique du gouvernement. Le FMLN profite de cette situation pour encore progresser dans sa marche vers la conquête du pouvoir au point de devenir l'un des plus importants partis du Salvador.

En effet en 2003, les élections législatives confirment le mécontentement populaire, avec 58,45 % d'abstention, et la montée du Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN), qui obtient 31 des 84 sièges de l'Assemblée, devançant ainsi l'ARENA du président Francisco Flores, qui n'obtient que 27 sièges106(*). De même les municipales s'inscrivent dans la même dynamique. Le FMLN fera un bon score en arrachant environ 74 municipalités107(*). Ces résultats enregistrés permettront d'une certaine manière au FMLN d'avoir une véritable assise électorale, de consolider et d'enraciner le parti en vue d'une possibilité pour conquérir le pouvoir.

Les scores enregistrés par le FMLN en matière électorale, lui permettent de diriger et administrer de nombreuses villes et d'avoir une représentation parlementaire relativement forte pour avoir un oeil sur l'activité gouvernementale. C'est donc un contexte plutôt favorable au parti issu de l'ex-guérilla, une atmosphère qui pourrait permettre au FMLN de mieux préparer les présidentielles de 2004 et espérer cette fois-ci accéder à la magistrature suprême du pays. Mais ce n'est pas chose aisée car le parti se trouve en difficulté pour choisir son candidat à la présidentiel. On veut par tous les moyens éviter les erreurs du passé en l'occurrence celles des présidentielles de 1999 et on veut porter le choix sur un homme à poigne, un homme qui puisse rallier un électorat plus large. Après des élections et de sérieuses discussions au sein du parti, ce fut celui qui fut pendant une trentaine d'années secrétaire général du Parti communiste salvadorien, Shafick Hándal108(*), qui fut choisi. Celui-ci devait affronter le candidat de l'ARENA Elías Antonio Saca. Mais malheureusement pour le FMLN, cette élection ne fut pas l'occasion pour lui de conquérir le pouvoir.

L'élection présidentielle de 2004 est donc remportée par le candidat de l'ARENA, Elías Antonio Saca (dit Tony Saca), un ancien commentateur sportif, face à Schafik Handal, ex-commandant de la guérilla du FMLN (35,63 p. 100 des voix), à l'issue d'une campagne marquée par la peur de voir le pays dirigé par un ex-guérillero109(*).

En outre, lors du scrutin législatif de mars 2006, l'ARENA obtient 34 députés devant le FMLN qui en a désormais 32, ce qui oblige le président à s'allier avec le Parti de conciliation nationale (PCN) qui dispose de 10 élus110(*).

Les résultats obtenus au cours de ces scrutins ont participé à la consolidation du parti politique issu de l'ex-guérilla et de faire de lui l'une des principales formations politiques du pays. Ainsi, face à la montée de sa côte de popularité beaucoup de spécialistes et d'observateurs de la vie politique salvadorienne prévoyaient un ultime basculement dans la vie politique. C'est-à-dire la fin d'un long règne sans partage de la droite conservatrice incarnée par l'Alliance république nationaliste (ARENA) et la montée au pouvoir d'un mouvement de gauche notamment le FMLN.

2.2. Un ultime basculement du pouvoir au profit du FMLN

Les efforts et la progression électorale du FMLN au Salvador depuis sa transformation en parti politique, lui ont permis de pouvoir rivaliser le parti au pouvoir. Certains spécialistes et observateurs qui ont suivi de près la vie politique et électorale dans ce petit pays de l'Amérique centrale, prévoient pour les futures échéances électorales de 2009 un changement de pouvoir qui risque de faire basculer le Salvador à gauche. Cet ultime revirement de tendance est à analyser eu égard le contexte politique et socio-économique qui prévaut au Salvador du moins depuis la fin de la guerre civile.

En effet les Salvadoriens ne sont pas satisfaits de la situation qui prévaut dans leur pays et de surcroît de la gestion du pouvoir faite par l'ARENA. Ainsi plusieurs motifs évoqués par l'opinion publique salvadorienne risquent d'être de nature à provoquer un ultime basculement du pouvoir. Ces motifs sont nombreux mais on peut relever quelques uns.

Au premier plan des raisons pouvant pousser des Salvadoriens à ne plus attribuer leur confiance à un représentant de l'ARENA, se range sans doute dans la détérioration du niveau de vie qui s'ajoute au constat récurrent des retards qui n'a pas enregistré d'améliorations à la hauteur de la croissance économique (Huste 2008 : 2). Si el Frente gagne la présidence en mars 2009, il est héritera d'un pays désespéré (Wheeler 2009). Durant les 20 ans où l'ARENA a gouverné, le Salvador a pâti de réformes économiques néolibérales qui ont conduit à la privatisation de services sociaux et détruit des emplois, essentiellement dans le secteur de l'agriculture. Paul D. Almeida, un professeur de l'université de Georgetown, a écrit dans son livre publié en 2006, Les vagues de la protestation : la lutte populaire au Salvador, 1925-2005, que la génération des opposants d'après-guerre s'est battue non pas pour des terres ou pour renverser le gouvernement, mais pour s'opposer à la privatisation des besoins humains vitaux tels que la médecine, l'éducation et l'accès à l'eau. En retour des centaines de millions de dollars que les Etats-Unis ont envoyés au gouvernement pendant la guerre, Washington a insisté pour semer les graines de la libéralisation de l'économie d'après guerre (Wheeler 2009). Pour Julia Evelyn Martinez, une économiste progressiste de l'Université d'Amérique centrale, la privatisation des services sociaux, l'adoption par le Salvador du dollar en 2001 et les accords de libre-échange - comme l'Accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l'Amérique centrale (CAFTA) - ont placé le pays à la merci de multinationales étrangères et l'ont rendu trop dépendant des importations (Wheeler 2009).

Malgré plusieurs tentatives de réformes sur le plan agraire, les inégalités restent toujours criantes entre les grands propriétaires terriens, dont les latifundia travaillent surtout pour l'exportation, et les familles d'ouvriers agricoles ou de petits propriétaires, qui pratiquent une agriculture de subsistance. Ceci entraîne de nombreuses inégalités et bon nombre de Salvadoriens sont livrés à eux-mêmes face à un gouvernement qui est incapable de trouver des solutions idoines. Conséquence, nombreux sont ceux-là qui préfèrent émigrer sous d'autres cieux à la recherche du mieux-être. Ainsi comme nous l'avons souligné dans les tous premiers chapitres, des situations (injustices sociales, guerre civile, régime de répression) ont amené les populations salvadoriennes à émigrer. A ces situations, s'ajoutera la baisse accrue du niveau de vie même durant la période post-guerre civile, amenant de nombreux exodes massifs vers les Etats-Unis où ces immigrants bénéficient d'un statut particulier leur permettant de travailler et d'envoyer de l'argent à leurs familles respectives restées au pays111(*).

Ces envois de devises des Salvadoriens vivant aux Etats-Unis (les remesas) contribuent d'une certaine manière à maintenir l'économie hors de l'eau. Ces remesas ou transferts familiaux vers le Salvador sont devenus une des principales ressources financières du pays. Ils représentent 2,1 milliards de dollars en 2003, soit un chiffre équivalent à 14 % du PIB, 67 % des exportations ou 80 % des investissements directs étrangers (Garibay 2004b : 11). Ainsi donc l'on comprend alors le poids des remesas dans l'économie du pays et ce que cela représentent pour les couches défavorisées, au point qu'ils furent utilisés comme élément d'intimidation même dans les campagnes électorales. Par exemple à travers les élections présidentielles de 2004, on pourrait observer comment le candidat de l'ARENA, Tony Saca a axé sa campagne sur les dangers représentés par une victoire du FMLN, en particulier sur la question spécifique des transferts familiaux depuis les Etats-Unis. Des spots télévisés, amplement diffusés, mettent en scène une conversation téléphonique entre un couple et leur fils, installé aux Etats-Unis, dans lequel ce dernier annonce qu'en cas de victoire du FMLN, il sera expulsé et ne pourra plus envoyer l'argent qu'il épargne pour sa famille (Garibay 2004b : 11). Le gouvernement de George Bush ira aussi dans le même sens en avertissant le peuple salvadorien qu'il supprimera l'envoi des remesas au cas où le peuple fera le choix d'être dirigé par le FMLN lors de la campagne électorale de 2004 (Lemoine 2009). La dégradation du niveau de vie, la cherté de la vie, la flambée des prix des produits de premières nécessités, un fort taux de chômage sont autant d'éléments parmi tant d'autres qui ont mécontenté les Salvadoriens et les ont amené à s'en prendre au gouvernement ARENA, qui leur a fait de nombreuses promesses112(*).

Cette situation n'est pas sans incidence sur la couche juvénile qui en pâtit sérieusement. En effet, les jeunes au Salvador sont désoeuvrés, subissent les effets d'une guerre civile passée et des politiques libérales mises en place par le gouvernement ARENA. Cela accentue dans un premier temps le taux de chômage faute de trouver un emploi décent bien rémunérer113(*) et dans un deuxième temps le développement de fléaux sociaux tels que la délinquance juvénile, la prostitution, le vol à main armé, les homicides et le développement de gangs etc. Ce dernier aspect fut un des éléments principaux qui ont milité chez le peuple salvadorien au profit du basculement du pouvoir car touchant à la sécurité publique.

En effet l'Amérique latine se présente de nos jours comme l'une des régions les plus violentes au monde114(*). Cette violence s'explique d'une certaine manière par les situations délicates qu'ont traversé ces pays sur le plan politique (régime de terreur et de répression, climat de violence, guerre civile etc.) et par les diverses formes d'inégalités sociales, qui d'ailleurs subsistent encore. Nous pouvons aussi ajouter que l'environnement dans lequel baignent ces jeunes, familiarise vite ceux-ci à la violence. Par exemple, dès leur naissance, les enfants sont confrontés à toutes les formes de violence qui sont devenues leur lot quotidien : violence familiale, violence faite aux femmes, harcèlement et sévices sexuels, violence dans les médias, violence exercée par les Etats qui tendent à régler les conflits par la guerre et la répression, etc. Parallèlement à ces phénomènes, on observe dans presque tous les pays - fruit de l'application du capitalisme sauvage - un développement de la petite délinquance et des formes de délits quotidiens. Cette banalisation de la violence favoriserait chez les enfants et les jeunes un apprentissage de la violence comme façon « de trouver leur place dans la société et d'être reconnus ». Faute d'y parvenir par d'autres voies, ils cherchent à se faire reconnaître par la peur (Tamayo 2005).

Ainsi donc depuis un certain temps, ces pays font face à un climat d'insécurité publique caractérisé par une certaine violence urbaine et masculine. Dans la plupart de ces pays, des crimes sont commis dans les rues par des hommes jeunes, qui s'organisent en de véritables bandes armées appelées les « Maras »115(*).

Au Salvador et dans presque dans tous les pays latino-américains, on donne la responsabilité de la criminalité sans cesse galopante aux Maras. Ce sont de bandes de jeunes, des gangs en « rupture avec la société » issus des classes pauvres et se livrant à des activités illicites et criminelles désormais liées selon les autorités au crime organisé. Le manque de marchés soutenables à l'intérieur du Salvador laisse nombre de jeunes avec deux options : s'arranger pour trouver 9 000 dollars - tarif en vigueur d'un « coyote » pour faire passer quelqu'un aux Etats-Unis - ou rejoindre un gang (Wheeler 2009).

Face au développement des Maras qui font accroître la violence, les crimes et l'insécurité dans le pays ; les responsables politiques se sont investis pour trouver des solutions aux développements de ces fléaux sociaux. Sur ce point l'ARENA a beaucoup axé sa campagne et sa politique sur le règlement de ces problèmes sociaux116(*). Mais la manière dont le gouvernement ARENA a entrepris la lutte contre les gangs au Salvador, s'avère tout comme le note J.P. Huste dans son article insuffisant voire décevant pour les salvadoriens. Elément de plus qui fait baisser la côte de popularité du parti au pouvoir.

Par ailleurs, mis à part ces quelques raisons susmentionnées, d'autres raisons auraient eu aussi naturellement des effets sur un éventuel basculement de tendance notamment la présentation de Mauricio Funes, comme candidat du FMLN à la présidence du Salvador en mars 2009.

Nous reviendrons plus tard sur les effets de cette candidature. Ainsi donc pour de nombreux observateurs, ce furent principalement, ces raisons (climat d'insécurité publique, pauvreté, conflits sociaux etc.) qui auront milité en faveur de ce basculement ou à pousser de nombreux salvadoriens à ne pas faire confiance à un représentant de l'ARENA. Ces raisons, en plus de la figure ou de la personnalité du candidat du FMLN aux présidentielles de 2009, vont militer au profit du basculement de tendance.

Conséquence, aux élections présidentielles de mars 2009, des milliers de salvadoriens vont accorder leur confiance à Mauricio Funes, candidat du FMLN amenant donc l'ex-guérilla à la tête de l'Etat salvadorien.

2.3. L'accession au pouvoir de Mauricio Funes

Pour une seconde fois au Salvador, du moins depuis que le calendrier électoral fut fixé en 1982, les élections présidentielles, législatives et municipales qui s'annoncent, se déroulent dans la même année (2009). Les élections législatives et municipales sont prévues pour le 18 janvier 2009 et les présidentielles pour le 15 mars 2009. Les différentes formations politiques en lice et surtout les principales du pays (ARENA et FMLN) vont donc se préparer pour parvenir à leurs objectifs. Pour le parti au pouvoir, il s'agit de remporter ces élections surtout présidentielles et barrer donc la route à la conquête du pouvoir à son principal rival le parti issu de l'ex-guérilla. En revanche pour le FMLN, la présidentielle lui a toujours échappé. Les élections de 2009 seront une aubaine pour ce parti de confirmer la bipolarité du paysage politique au Salvador et de mettre fin à un long règne sans partage de l'ARENA au pouvoir. De tous les côtés les candidatures s'annoncent, les différents Etats-majors s'investissent de plein pied dans les préparatifs de ces échéances électorales.

Ainsi dans un contexte politique polarisé et où la présidentielle constitue un enjeu, le FMLN a joué un tour de maître-politicien en réussissant à présenter bien avant les autres partis et dès septembre 2007, la personne du journaliste de télévision Mauricio Funes (cf. photo n°5) comme son candidat à la présidence en 2009. Mais qui est donc Mauricio Funes ?

Mauricio Funes, préalablement à son engagement en politique, a exercé le métier de journaliste. Il a été correspondant pour la chaîne de télévision CNN en espagnol et a animé pendant quatorze ans « L'interview du jour », où il a reçu presque tous les responsables politiques du pays[]. Il a été également reporter durant la guerre civile salvadorienne, où il interrogera de nombreux chefs rebelles. C'est durant cette période qu'il se forgera son orientation politique. Agé de 49 ans, personnage à la fois connu et très populaire pour ses « talk show » volontiers critiques des actions du gouvernement, M. Funes n'est devenu membre du Front qu'en août 2008 (Huste 2008 : 4).

Photo n°5 : Mauricio Funes, le nouveau président du Salvador (Photo : Luis Galdamez / Reuters)

Source : Faux F. (2009) : « Un nouveau président de la gauche » in www. Rfi.fr, consulté le 26 mai 2010

à 23h.

Pourquoi alors la candidature d'une personne qui n'avait auparavant aucun lien avec le Frente ?

Il s'agissait d'une stratégie politique visant à passer par tous les moyens pour accéder au pouvoir. Faisant le bilan des expériences électorales précédentes, les dirigeants du FMLN ont vu que le peuple salvadorien n'était pas encore prêt pour accepter un ex-commandant de la guérilla comme leur président et de plus la communauté internationale et de surcroît les Etats-Unis. En effet, jusque-là, c'étaient d'anciens combattants, d'anciens chefs de l'insurrection armée, qui avaient porté les couleurs du Front Farabundo Martí à la présidentielle et jusque là la présidence leur a toujours échappé. Ce sont ces raisons probablement qui ont amené le parti issu de l'ancienne guérilla à choisir une personne neutre et renommée c'est-à-dire quelqu'un qui n'aurait pas participé à la guerre révolutionnaire et qui pourrait attirer et avoir le vote de confiance des salvadoriens.

Ainsi donc changement de génération et contexte politique obligent, c'est maintenant un journaliste de télévision, très populaire au Salvador, qui est le candidat de l'opposition, après avoir dû renoncer à son métier parce qu'il était très critique à l'égard du gouvernement. Il s'appelle Mauricio Funes. Ce choix, nous verrons plus loin va payer puisque le FMLN remportera les présidentielles de 2009.

Par ailleurs il faut souligner que la présentation de Mauricio Funes était soumise à certains garde-fous. Pas question pour les ex-commandantes de dénaturer l'idéologie principale du FMLN et de s'exclure totalement du jeu électoral. Considéré comme novice en la matière, les dirigeants du FMLN ont jugé bon d'épauler la candidature de Mauricio Funes par la présence d'un ancien du FMLN, en l'occurrence un ancien chef guérillero. C'est dans ce sillage que ce fut la formule Mauricio Funes - Salvador Sánchez Cerén qui fut adoptée. Ce dernier ancien chef guérillero, chef de file du Front à l'Assemblée législative, postulera au poste de la vice-présidence. Mais que va proposer le FMLN à travers son candidat Mauricio Funes ?

Lors de l'approbation de sa candidature par la 23e Convention nationale du parti de novembre 2007, Maurico Funes a fait preuve de beaucoup de prudence, de beaucoup d'habileté dans la présentation. Il a même émis la possibilité de pouvoir réaliser des alliances avec d'autres partis. Bien entendu, M. Funes s'est engagé à promouvoir « la construction d'une société juste et solidaire », à régler les problèmes de la pauvreté et de la délinquance en investissant dans l'action sociale et en pourfendant les privilèges des nantis. Il a promis de respecter les investissements privés mais en conformité avec les lois ainsi que les accords existants avec les Etats-Unis « dans le respect de l'autodétermination des peuples ». Enfin, il a annoncé l'ouverture de relations avec Cuba et la République populaire de Chine ainsi que le renforcement des liens avec le Venezuela (Huste 2008 : 5).

Lors de la 24e Convention nationale (août 2008), Mauricio Funes va dévoiler son programme de société qu'il pourra mettre en exécution si les Salvadoriens lui accordent leur confiance. Ce programme de gouvernement ou de société (2009-2013) reprend bon nombre de propositions du FMLN à l'Assemblée législative et s'organise autour de quatre chapitres. Ce programme touche du doigt des reformes sur tous les plans de la vie salvadorienne. Huste (2008 : 5) nous donne une idée de ce programme en nous résumant les idées essentielles : « Reforme sociale se traduisant par de très nombreuses mesures : éducation, sécurité sociale et logement pour tous, lutte contre la malnutrition, le travail des enfants, etc. ; reforme économique associée au développement de l'emploi et des droits des travailleurs et à l'aide au développement des PME mais aussi à une « reforme fiscale intégrale » ; gestion de l'environnement ; reforme politique dans laquelle se détache le choix de la démocratie participative et qui vise parallèlement l'instauration d'un « Etat social fort et efficace ». ». De ce fait, tout était prêt pour que le FMLN et son candidat se lance de plein pied dans la campagne électorale (cf. photo n°6) à la quête du vote de confiance de millions de salvadoriens. D'une certaine manière nous pouvons affirmer que Mauricio Funes a su faire adhérer de nombreux salvadoriens à son projet de société lors de la campagne présidentielle. En témoigne la photographie n°6.

Photo n°6 : Le candidat de gauche du Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) aux élections présidentielles du Salvador, Mauricio Funes, au milieu de ses partisans, à la Herradura, le 10 mars 2009 (Photo : Reuters)

Source : Misslin F. (2009) : « la présidentielle ravive des rivalités datant de la guerre civile » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre 2010 à 09h 44 min.

Cependant, il faut souligner que le FMLN devait affronter un parti de taille au pouvoir à savoir l'ARENA.

L'ARENA, parti du président sortant Antonio Saca, domine la vie politique depuis vingt ans au Salvador. Il a été aux commandes avant même les Accords de paix qui ont mis fin en 1992 à la guerre civile qui faisait rage dans ce petit pays d'Amérique centrale. Ce parti se présente aussi incontestablement comme un parti très à droite, et d'ailleurs très proche des Etats-Unis. Ce n'est qu'en avril 2008, soit près de 6 mois après le FMLN, que l'ARENA a désigné comme son candidat à la présidence, M. Rodrigo Avila (Huste 2008 : 5). Personnage pas très charismatique, M. Avila a, depuis 1992, alterné les charges de directeur national de la police civile, de vice-ministre chargé de la sécurité et de député de son parti. Ainsi ARENA va se lancer dans la campagne électorale le plus souvent avec le soutien d'autres partis de moindre audience. Pour tenter de barrer le chemin à la gauche, les deux autres formations conservatrices, le Parti de conciliation nationale (PCN), représentant des gouvernements militaires (1961-1976), et le Parti démocrate-chrétien (au pouvoir de 1984 à 1989), ont renoncé à présenter un candidat et se sont ralliés d'emblée à l'ARENA (Lemoine 2009). Cette campagne électorale de l'ARENA (cf. photo n°7) fut sous-tendue par un programme politique et des critiques à l'endroit du FMLN et de son candidat.

En ce qui concerne le programme politique présenté sous la devise « Plan pour la Nation 2009-2014 », il faut souligner qu'il ne présentait pas de grande différence avec celui du FMLN. Juste quelques jeux de mots et de termes. Par exemple au terme « reforme » employée par son rival du FMLN, M. Avila préfère plutôt le terme de « gestion ». Ainsi on parlera de gestion sociale, de gestion de l'environnement, de gestion politique etc.

En ce qui concerne les critiques, M. Avila tout au long de la campagne a d'emblée attaqué les ambitions du FMLN en dénonçant l'ambiguïté d'un parti qui, selon lui, puise ses références idéologiques à l'étranger et place « au dessus de notre drapeau... les drapeaux de pays dont les systèmes de vie sont totalement opposés aux nôtres ». Le candidat de l'ARENA à travers ses propos critiques, fait ressortir un lien entre le FMLN et des pays dont le système de vie est qualifié de socialistes et de communistes (Cuba, Venezuela, Nicaragua etc.). Faisant en quelque sorte écho à Mauricio Funes qui prétend incarner une nouvelle gauche sous la bannière d'un vieux parti, M. Avila se présente comme le représentant d'une nouvelle droite populaire oeuvrant « pour un pays plus juste » (Huste 2008 : 6).

Photo n°7 : Le candidat de droite de l'ARENA aux élections présidentielles du Salvador, Rodrigo Avila, au milieu de ses partisans, à San Salvador, le 8 mars 2009 (Photo : Reuters)

Source : Misslin F. (2009) : « la présidentielle ravive des rivalités datant de la guerre civile » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre 2010 à 09h 44 min.

De part et d'autre, les adversaires politiques ont émaillé la campagne électorale de nombreuses déclarations et critiques visant à discréditer l'autre.

Ainsi, Mauricio Funes, ancienne vedette du petit écran et candidat à la présidence du Salvador, s'est voulu rassurant pendant toute la campagne. Au nom de l'ancienne guérilla de gauche du FMLN, il a d'ores et déjà promis que le Salvador demeurerait un allié convaincu de Washington s'il devenait président, et non un « satellite » du Venezuela et des autres forces de gauche de la région, comme l'affirment ses adversaires de droite. L'ARENA, n'a pas ménagé ses efforts pour effrayer l'électorat : la télévision a diffusé en boucle depuis des semaines des scènes de guerre urbaine et des soldats en tenue de camouflage. Sans subtilité, le message prend la forme d'un avertissement : si Mauricio Funes devient président, le pays sera happé par le « camp socialiste » latino-américain. L'ancien présentateur du journal télévisé a pourtant deux atouts : il est très populaire, et ne ressemble pas à un militaire. La droite accuse en effet Mauricio Funes d'être une marionnette aux mains des anciens guérilleros. C'est dans la même optique que le président Tony Saca de l'ARENA n'a eu de cesse de traiter Funes de marionnette du FMLN, en faisant cette déclaration à la chaîne `CNN en espagnol' en février : « Si ça vole comme un canard, nage comme un canard et mange comme un canard, c'est un canard... Le FMLN est un parti communiste. Ses idées n'ont pas changé. » (Wheeler 2009). Pour le parti ARENA, il fallait tout faire pour entacher la quête de l'électorat par le FMLN. D'où déclarations et campagnes médiatiques pour tenter de faire croire aux Salvadoriens les dangers que menace leur pays si le FMLN gagnait les élections. En matière de la bonne gouvernance, les partisans de l'ARENA répètent que « sous la droite, le pays a connu la liberté, notamment religieuse et la prospérité économique ». A gauche, avec autant de ferveur, on rétorque : « Les patrons ont peur, ils pensent que nous allons devenir comme Cuba ou le Venezuela, mais c'est un mensonge » (Misslin 2009).

Quant au candidat du FMLN, en réponse aux critiques de bonne gouvernance, il s'attaqua à son principal adversaire en ces termes: « L'ARENA a fait du Salvador le pays le plus violent de la région latino-américaine... Quand nous disons que son candidat été deux fois directeur de la police, et qu'il a échoué... on ne le dénigre pas et on ne le diffame pas...»117(*). Tout simplement pour montrer la faiblesse voire l'incapacité du parti au pouvoir à trouver des solutions aux problèmes quotidiens des salvadoriens notamment en ce qui concerne leur sécurité, dénonçant ainsi le mauvais bilan d'ARENA en matière de criminalité. Il revendique également en effet une filiation plus brésilienne (même si Hugo Chavez a apporté son soutien à la campagne du FMLN).  « La gauche que je représente est la gauche salvadorienne », martèle-t-il. Le FMLN a « évolué », selon lui et il en veut pour preuve son slogan : « Le changement dans la sécurité ». Mauricio Funes promet de « construire des ponts avec l'élite économique conservatrice », comme le président Lula, mais sera-t-il suivi par la direction de son parti  (Misslin 2009 : 3) ?

Par ailleurs, nous ne devons pas perdre de vue le fait que ces élections de 2009 au Salvador vont constituer un véritable enjeu pour les puissances européennes notamment les Etats-Unis qui ne vont pas hésiter à apporter leur soutien au parti au pouvoir qu'ils ont toujours soutenu et à exprimer leurs inquiétudes d'une éventuelle victoire du FMLN et des risques et menaces pour la sécurité dans la région. Ainsi les Etats-Unis, dont l'intervention avait été décisive en faveur du pouvoir actuel dans la guerre civile et qui pèsent sur l'économie « dollarisée » du pays, sont directement intéressés par les résultats de l'élection. L'ARENA a reçu le soutien de 46 congressistes américains qui ont écrit à Hillary Clinton : « La victoire de Funes serait porteuse de menaces potentielles pour nos intérêts de sécurité nationale » (Misslin 2009 : 3). Comme à l'accoutumée, aux Etats-Unis, les représentants républicains Dana Rohrabacher et Conni Mack ont sonné le tocsin à la veille de l'élection : « Si le FMLN gagne ce dimanche, le Salvador se transformera rapidement en un satellite du Venezuela, de la Russie et peut-être de l'Iran118(*). Toutefois, l'arrivée à la Maison Blanche du démocrate Barack Obama semble changer la donne. Après que le porte-parole du département d'Etat Heidi Bronke a affirmé que le gouvernement des Etats-Unis n'appuierait aucun candidat, Washington a réaffirmé sa détermination à coopérer avec quelque président que ce soit (Lemoine 2009).

L'enjeu de ces élections est de taille : l'ancienne guérilla de gauche du Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) semble en bonne position pour l'emporter sur la droite, qui préside le pays depuis 20 ans.

Finalement les premières échéances, pour se jauger avant les présidentielles furent les législatives et les municipales. En effet, les Salvadoriens se sont rendus aux urnes le 18 janvier 2009 pour élire leurs 84 députés à l'Assemblée législative pour un mandat de trois ans et les 262 maires. Il faut noter qu'il y avait également le scrutin pour le choix de représentants du peuple au parlement centraméricain. Plus de 2 000 observateurs et environ 17 000 policiers furent déployés dans un dispositif qui devrait être remis en service en mars, pour l'élection présidentielle.

En ce qui concerne les législatives, le FMLN gagna les législatives. Il obtient 35 sièges contre 32 pour l'ARENA soit 3 sièges de plus par rapport aux législatives de 2006 et 2 sièges de moins pour l'ARENA par rapport à ces mêmes législatives. Les autres partis se partageront les autres sièges : PCN, 11 sièges ; PDC ; 5 sièges et CD, 1 siège (cf. Annexe 2).

En ce qui concerne les municipales, l'ARENA est sorti victorieux. Les résultats du scrutin du 18 janvier 2009 montrent qu'ARENA continue de rafler la majorité des  municipios  du pays : 111 en 2003, 147 en 2006 et 122 en 2009. La grande fierté du parti aréniste a été la conquête (avec 49,83 % des votes) de la mairie de San Salvador qui demeurait aux mains de la gauche depuis 1994. De son côté, le Frente passe de la gestion de 53  municipios  en 2006 à celle de 75 en 2009119(*). Il s'agit là pour le FMLN en plus d'une nette progression par rapport aux municipales dernières, d'une aussi grande défaite car il va perdre la mairie de la capitale qu'elle dirigeait depuis 1994.

En ce qui concerne les présidentielles, qui se dérouleront le 15 mars 2009, la gauche salvadorienne emmenée par le FMLN avait de grandes chances de gagner. Le candidat du FMLN, Mauricio Funes, a devancé son adversaire de droite, Rodrigo Ávila, ancien directeur de la Police National Civile (PNC) de 2006 à 2008, avec 51,32 % des voix contre 48,68 %120(*). Ainsi Mauricio Funes parvient à mettre fin à vingt ans de règne de l'ARENA et à faire basculer le Salvador dans la marée de gauche qui déferle depuis quelques années dans la région latino-américaine.

La signature des Accords de paix de Chapultepec de 1992 mettant fin à douze ans de guerre civile, a changé le destin de la guérilla du FMLN. En effet aux termes des Accords, le mouvement de guérilla devrait après sa démobilisation, se muer en formation politique. Le parti politique issu de cet ex-mouvement de guérilla va se lancer dans la quête du pouvoir en s'insérant dans le paysage politique. Cette insertion dans la scène politique va lui permettre d'asseoir le parti.

Malgré les crises en son sein qui vont entraîner des scissions, le FMLN va vite trouver une solution à celle-ci et continuer à consolider son assise sur l'échiquier politique national. Cette consolidation va payer grâce à l'enracinement du FMLN aux cours des récentes élections législatives, municipales et présidentielles.

L'insatisfaction de l'opinion publique salvadorienne face à la gouvernance de l'ARENA et la présentation d'une personnalité qui n'a pas été combattant du FMLN pendant les luttes de guérilla, ont favorisé le basculement de tendance.

En effet, aux élections présidentielles de 2009, l'ex-journaliste Mauricio Funes, présenté comme candidat du FMLN accède à la magistrature suprême amenant donc avec lui le parti de gauche du FMLN au pouvoir. Tout comme les présidents latino-américains surtout issus de la gauche, Mauricio Funes a annoncé et promis toute une série de mesures pour environ les 40 % de pauvres parmi lesquelles on peut citer la gratuité des fournitures scolaires, la construction de logements etc.

Ainsi donc on pourrait se demander quelle serait la portée historique de cette victoire du FMLN ? Celui-ci fait virer le Salvador à gauche avec l'ex-guérilla du FMLN, et l'inscrit dans la marée de gauche qui déferle depuis dix ans sur l'Amérique latine. Mais cette nouvelle gauche au Salvador sera-t-elle une gauche modérée ou radicale pour gouverner le pays ?

A l'issue de la signature des Accords de paix de 1992, le FMLN s'est transformé en parti politique légal et reconnu. Le FMLN, qui jadis était un mouvement de guérilla, a troqué sa bannière révolutionnaire contre une bannière démocratique. Cette mutation était fondée dans la mesure où les ex-guérilleros ont toujours orienté leurs actions en vue de la conquête du pouvoir politique, dans le but d'instaurer ou de mettre en place leurs mesures en vue de la transformation de la société salvadorienne et de l'instauration d'un climat démocratique. Malgré les crises et les tensions que va connaître le nouveau parti politique après sa constitution suite aux divergences idéologiques provenant de quelques dirigeants des organisations affiliées à l'ex-guérilla, il va quand même arriver à les surmonter et à s'insérer dans le paysage politique. La lutte politique engagée par l'ex-guérilla puis par le parti politique qui en est issu va payer plus tard et mettre fin à 20 ans de règne du parti au pouvoir l'ARENA.

En effet après la signature des Accords de paix, il fallait accompagner le processus devant mettre fin complètement à une guerre civile qui a déchiré le pays, puis instaurer une paix durable. C'est dans ce contexte que les Nations unies qui avaient joué un grand rôle dans la négociation avaient une mission de paix sur place, qui devait s'assurer du respect et du suivi des clauses de l'accord de paix. En outre une Commission dite de Vérité fut créée pour faire la lumière sur cette guerre. C'est sur cet ensemble de garde-fous mis en place pour la garantie de la paix que le FMLN évolua et s'enracina. Du fait de l'insatisfaction des milliers de salvadoriens par rapport à la gestion de l'ARENA, beaucoup de spécialistes et d'observateurs prévoyaient pour les élections législatives et présidentielles de 2009, un renversement de tendance et une probable victoire de la gauche. Événement qui arriva lorsque le candidat du FMLN, Mauricio Funes déjà populaire pour ses critiques contre le pouvoir en place fut élu président de la république. A travers cette élection, le FMLN pouvait s'en réjouir non seulement pour le fait qu'il soit victorieux, mais aussi pour le fait qu'il a participé d'une certaine manière grâce sa lutte, à la démocratisation du Salvador puisque depuis sa mutation à l'issue de la guerre, le calendrier électoral a été bien respecté et les élections se sont bien tenues dans le pays.

Pour ce pays, déchiré par une guerre civile de 1980 à 1992, et gouverné depuis par une droite très conservatrice (ARENA), l'élection de Mauricio Funes à la présidence de la république du Salvador le 15 mars 2009 était un événement historique car c'est un représentant du parti issu de l'ex-guérilla du Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) qui accède au pouvoir, pour la première fois.

Parvenu à la tête de l'Etat, il a promis comme n'importe quel candidat présidentiel latino-américain, de gauche ou de droite, la lutte contre la pauvreté, la corruption, l'inflation et la délinquance, l'amélioration des services de santé et d'éducation, ainsi que le respect de l'écologie et des droits fondamentaux. Ce succès, la gauche, le doit d'abord à son candidat Maurico Funes. Ancien journaliste, il s'est forgé une image d'opposant, grâce à ses interviews politiques. C'est un homme qu'on sent modéré, voire de tendance social-démocrate et c'est cela qui serait l'une des raisons qui a permis d'une manière ou d'une autre à toute une frange de la population de voter à gauche pour la première fois. D'ailleurs, cette modération a été constatée dès son premier discours (cf. Annexe 1). Il a rappelé que son gouvernement donnerait la priorité aux pauvres, aux exclus, mais il a assuré aussi qu'il respecterait la propriété privée et qu'il ferait tout pour conserver de bonnes relations avec les Etats-Unis.

Cette victoire est historique. Mauricio Funes, élu le 15 mars dernier, a été intronisé officiellement le 1er juin président du Salvador (cf. photo n°8). L'un des premiers gestes du nouveau président était de renouer les relations avec Cuba, rompues depuis l'arrivée de Fidel Castro au pouvoir en 1959. Ceci pour témoigner de sa politique de gauche modérée.

Photo n°8 : Le nouveau Président du Salvador Mauricio Funes, en compagnie de son épouse Wanda Pignato, après la prestation de serment le 1er juin 2009

Source : www. Rfi.fr/actufr/images/114/salvador_432.jpg.

Mais des interrogations méritent d'être posées en ce qui concerne l'orientation du futur gouvernement du FMLN au pouvoir. Est-ce que le FMLN d'aujourd'hui c'est-à-dire au pouvoir sera-t-il vraiment une survivance de l'ère de la Guerre froide c'est-à-dire héritière du bloc communiste? Renversera-t-il le capitalisme, chassera t-il les compagnies étrangères, annulera-t-il les accords de libre-échange et expropriera-t-il les terres ? Ces questions sont difficiles à répondre. Car il est vrai qu'il serait difficile de faire un bilan à mi-parcours tant que le mandat du président Funes n'est pas encore achevé. Mais de façon théorique et si l'on se réfère à ces propos durant la campagne électorale et après sa victoire, on peut quand même voir quelle orientation il compte donner au Salvador durant sa présidence. En effet, le président élu veut donc maintenir l'apparente modération, réelle ou tactique, qui a attiré les électeurs indécis et mêmes d'anciens sympathisants de l'ARENA. Au cours de sa campagne électorale facilitée par la popularité acquise sur les petits écrans, l'ex-journaliste s'était efforcé de gommer l'image communiste du FMLN, auquel il s'est allié voici moins de deux ans. Dans une interview publiée le 13 janvier à San Salvador par El Mundo, Mauricio Funes affirmait qu'il ne cherchera pas à construire le socialisme, lui préférant « l'économie sociale de marché », qu'il ne s'inféodera pas à Hugo Chavez et qu'il conservera d'excellentes relations avec les Etats-Unis. Il ne remettrait même pas en question l'usage par l'US Air Force de la base salvadorienne de Comalapa pour combattre le trafic régional de stupéfiants121(*). Ponctué du slogan « Le changement au Salvador pour vivre mieux », le « Programme de gouvernement 2009-2014 » cosigné par le FMLN et Mauricio Funes ignore totalement, au long de ses 106 pages, non seulement le mot « communisme », mais aussi ceux de « socialisme », « nationalisation », « bolivarien », « révolution », « lutte des classes » etc122(*). Ainsi M. Funes privilégie donc une politique pour moderniser le capitalisme et non un socialisme pur. Par exemple, face à la crise financière mondiale, il promet d'offrir sa collaboration aux institutions monétaires internationales vilipendées au Venezuela et dans d'autres pays de la région gouvernés par la gauche radicale. A propos de la voie d'une modernisation du capitalisme voilà ce que nous en dit l'économiste Martinez : « Si vous lisez leur plan de gouvernement, vous verrez que c'est un plan pour moderniser le capitalisme au Salvador. C'est un plan économique avec de meilleures opportunités pour distribuer la richesse et les services au sein de la population, et [il] insiste sur le combat contre la pauvreté et la garantie de la sécurité alimentaire pour les secteurs qui ont traditionnellement été exclus du processus politique... Ce à quoi nous assistons est un retour au pragmatisme » (Wheeler 2009).

Ainsi d'une part avec cette victoire de Mauricio Funes, le Salvador est un pays de plus qui, en Amérique latine, bascule à gauche. Cependant, pour le tout nouveau président, il s'agira d'une gauche modérée proche de celle pratiquée par le président Lula du Brésil. D'autre part, un tel succès serait révélateur d'une tendance actuelle de l'Amérique latine non seulement à se doter de gouvernements de gauche ou de centre-gauche - il n'y a décidément plus beaucoup de présidents de droite dans la région - mais en plus ça confirmerait qu'à la faveur de ce grand mouvement de balancier vers la gauche, il y a de plus en plus de possibilités pour d'anciennes guérillas d'arriver au pouvoir en Amérique latine par des moyens démocratiques. Le cas du FMLN est un exemple typique.

CONCLUSION GENERALE

Habité avant l'arrivée des espagnols, l'espace aujourd'hui salvadorien était peuplé par des populations amérindiennes, qui s'organisaient à leur manière sur cet espace. La civilisation de ces peuples, y compris leur structure sociale était fortement encrée dans la religion (dite traditionnelle). Nous ne connaissons pas très bien la période précolombienne, mais on peut noter quelques caractéristiques. Elle semble avoir eu dans les grands empires sur lesquels nous sommes mieux informés de deux caractéristiques : la propriété d'Etat des terres, d'une part, une organisation communautaire d'une partie de celles-ci, d'autre part (Rouquié 1987 : 81).

Avec l'arrivée des conquistadores, vont se mettre en place de grands domaines coloniaux, qui inaugurèrent la période coloniale. En effet les nouveaux arrivants vont détruire la structure de tenure de terre existante et la remplacer par la grande propriété (hacienda), au bénéfice bien sûr des colons. Cette situation accentua les inégalités sociales et le problème de la terre qui se posèrent plus tard dans le pays.

De fait l'histoire de Salvador fut marquée par une série de soulèvements, des indiens tout d'abord (on ne parlait pas encore de marxisme ni de communisme), des paysans métis ensuite, les uns et les autres ne faisant que défendre leurs terres contre ceux qui les en chassaient (Placido et Barth 1982 : 13-14). En chassant les Espagnols dans le contexte des guerres d'indépendance en Amérique latine, les masses paysannes n'ont pas connu une amélioration de leurs sorts. Face à l'échec d'une fédération de républiques d'Amérique centrale due aux affrontements entre conservateurs et libéraux, le Salvador a dû faire route seule à partir de 1841. Pire encore à la domination coloniale, se substitue une autre forme de domination, celle des grands propriétaires terriens, héritiers des colons qui vont constituer une oligarchie : une véritable classe aristocratique qui va désormais détenir le pouvoir politique, économique et ayant une armée à leur solde.

Ainsi l'indépendance vit les grands domaines se consolider ou parfois même s'agrandir tandis que la situation des indigènes s'aggravait. Très tôt les héritiers du domaine colonial, devraient faire face à des séries de contestation des populations laissées dans un état de pauvreté. Ce furent les débuts des mouvements de contestation, de soulèvements, de manifestations, de grève contre l'ordre oligarchique régnant après les indépendances. Mais ces soulèvements furent durement réprimés surtout par une armée à la solde de la classe aristocratique. C'est pour faire face aux mécontentements qui s'aggravaient, qu'on ne trouva de solution qu'en la personne d'un homme à poigne. C'est dans ce contexte que la classe aristocratique fit appel à l'armée qui, par le biais du général Maximiliano Hernandez Martinez va profiter de la situation pour faire irruption dans la vie politique et essayer de s'y maintenir autant que faire se peut au pouvoir. Celui-ci s'empara du pouvoir en 1931, se rendit rapidement célèbre en noyant dans le sang, en 1932 une insurrection paysanne soutenue par des partisans communistes. C'est dans ce contexte de répression qui fit de nombreuses victimes, que Farabundo Martí, un héros de la libération nationale du pays fut exécuté.

Cependant l'oligarchie qui appuyait le général Hernandez, se refusait à toute reforme sociale et aucun effort ne fut entrepris pour contrecarrer les effets de la dépression économique qui frappaient le pays. Le mécontentement général de la majorité de la population qui s'ensuivit, son état de pauvreté, la répression de toute tentative réformiste et surtout de reforme agraire, furent à l'origine de la formation puis de la radicalisation d'organisations révolutionnaires, aux nombres desquelles se situe le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN), qui a fait l'objet de notre réflexion dans ce présent mémoire.

C'est dans cette atmosphère politique et sociale marquée par tant d'inégalités sociales, que le FMLN va se constituer. Il est issu de l'unification sous une coordination unique de différentes organisations révolutionnaires qui existèrent et se développèrent à partir des années 1970. Ces différentes organisations qui vont se retrouver au sein du FMLN, vont choisir de s'inscrire dans le contexte d'une lutte armée « libération-révolution ».

Ainsi c'était surtout pour mettre fin à une situation d'inégalités sociales, à une dictature, que le FMLN mena le combat de lutte armée dans un contexte où comme nous l'avons vu cette lutte armée était la seule alternative du moment. Il mena cette lutte armée non pas parce qu'il ne pouvait pas s'insérer dans la voie démocratique, puisque le cours de l'histoire nous montrera le contraire, mais parce que c'était un moyen pour lui de se faire entendre et de parvenir à la satisfaction de ses revendications.

Mais avant d'en arriver là, nous devons noter que l'organisation d'abord révolutionnaire, pénétrée par les idéologies marxistes, s'engagera dans le combat politique à travers une stratégie de guerre : la guérilla. Ceci dans le but d'atteindre des objectifs qu'il s'est assigné notamment l'établissement d'une série de reformes, d'une politique de reforme agraire, la justice sociale, d'un climat démocratique ou les droits des citoyens seront préservés etc. Le FMLN devant le refus du pouvoir en place d'opérer de nombreux changements, va s'inscrire dans une lutte armée qui va plonger le pays dans une guerre civile. Cette guerre civile va opposer les forces gouvernementales et les organisations révolutionnaires : le FMLN va s'allier avec les différents partis de gauche rassemblés au sein du Front démocratique révolutionnaire (FDR). On parlera de l'alliance révolutionnaire FMLN-FDR. Les forces gouvernementales seront épaulées par les Etats-Unis. Ceux-ci n'hésiteront pas à fournir des moyens tant financier que militaire pour contrecarrer l'influence de la guérilla du FMLN. Pour les USA, il s'agit d'une lutte contre le communisme dont les idées marxistes les inquiétaient beaucoup. Le soutien apporté par les Américains aux forces gouvernementales a joué un grand rôle dans l'échec de la lutte armée engagée par le FMLN et le développement des dérives gouvernementales. Mais devions nous parler d'échec ?

Même si cela est vrai en terme de conquête militaire (mis à part quelques départements notamment le Morazan et le Chalatenango contrôlés par la guérilla à l'issue de quelques offensives), il faut sans doute souligner que la lutte armée a néanmoins permis au FMLN de se faire entendre, d'être reconnu puis pris en compte par le pouvoir en place et la société internationale. On peut donc partager l'avis du commandant guérillero Joaquín Villalobos de l'ERP, Villalobos (1999 : 142): « Quant à l'offensive des guérilleros, elle n'avait pas pour but de remporter une victoire militaire, mais de faire pression pour une médiation internationale ».

Ainsi elle a permis, malgré quelques échecs au niveau des négociations, de relancer le cours des celles-ci entre forces gouvernementales et dirigeants de la guérilla en permettant d'exiger des négociations qui finiront bon gré malgré par aboutir aux Accords de paix de Chapultepec en 1992. Ces Accords de paix permirent de poser de véritables bases pour un cadre institutionnel et démocratique pour moderniser le Salvador.

En cela le FMLN peut se dire qu'il a contribué d'une certaine manière à la démocratisation du Salvador. La tenue régulière des élections dans un climat relativement apaisé et sa transformation en parti politique légal témoignent de cette démocratisation. Ainsi le combat politique de l'ex-guérilla puis du parti politique qui en est issu pour la justice sociale, pour la démocratie et les droits de l'homme au Salvador ne fut donc pas vain puisqu'il paya plus tard par le couronnement du FMLN au sommet de l'Etat en 2009. Ces négociations aboutiront à la signature des Accords de paix de Chapultepec en 1992.

Les Accords de paix signés en 1992 ont mis fin à douze ans de guerre civile, qui a pratiquement déchiré un pays. Ces Accords de paix signés grâce à la médiation onusienne vont contenir un certain nombre de décisions pour instaurer une paix durable. L'un des faits majeurs introduits par ces accords furent d'importantes reformes au sein de l'appareil de l'Etat. Du côté de la guérilla, c'était sa démobilisation et sa transformation en parti politique. La capacité des anciens guérilleros de s'adapter à la nouvelle donne, a permis de donner à la mutation du mouvement de guérilla en formation politique tout son sens. Malgré les crises et tensions internes que va subir le nouveau parti, les approches de solution vont permettre de surmonter ces moments difficiles et de mieux s'insérer dans la scène politique. Une analyse minutieuse donc de l'évolution du FMLN nous permet donc de souligner sa capacité à s'adapter au contexte du moment et à être toujours tenace par rapport à l'atteinte des objectifs qu'il s'est assigné depuis sa création.

C'est ainsi que, le nouveau parti politique issu de l'ex-guérilla participera aux différentes élections qui se tiendront après les Accords de paix. Cette participation du FMLN, son programme politique puis l'insatisfaction des milliers de salvadoriens face à l'action gouvernementale du parti au pouvoir (l'ARENA), contribuèrent à son enracinement. En effet l'augmentation de sa côte de popularité et de ses scores aux différents scrutins, furent du FMLN et de l'ARENA, les principaux partis politiques du Salvador. Mais pour les élections législatives et présidentielles de 2009, une grande partie de l'opinion publique salvadorienne prévoyaient un ultime basculement du pouvoir. Certes l'insatisfaction des salvadoriens et le candidat choisi par le FMLN à jouer mais aussi le programme politique que s'est assigné le nouveau parti et qui, pas trop différent du programme des guérilleros au moment de la lutte armée, ont beaucoup contribué à ce renversement de tendance.

Ainsi le 15 mars 2009, le candidat du FMLN, l'ex-journaliste Mauricio Funes populaire pour ses critiques à l'encontre du gouvernement salvadorien, remporte les présidentielles et amène donc avec lui le parti de gauche issu de l'ex-guérilla au pouvoir. Mauricio Funes venait ainsi donc de faire virer le Salvador dans la vague des pays latino- américains dirigés par des socialistes, mais parmi ces socialistes il y en a qui s'inscrivent dans la ligne dure caractérisée par un certain anti-américanisme (le cas de Hugo Chavez au Venezuela, d'Evo Morales au Pérou pour ne citer qu'eux) et certains qui sont modérés et qui prônent une collaboration avec les USA, (le cas de Lula Da Silva au Brésil). Dans cette diversité de la gauche latino-américaine, vers quelle catégorie de gauches se tournera Mauricio Funes et avec lui tout le Salvador ?

En effet Mauricio Funes, premier président de gauche du Salvador a annoncé toute une séries de mesures sociales à son actif. Face à cette diversité de la gauche latino-américaine, celui-ci s'est dit prêt à privilégier une approche beaucoup plus modérée. Il n'est pas prêt à tourner le dos aux Etats-unis et espère d'eux une véritable coopération. Ainsi donc il s'insère d'emblée dans le camp de la gauche modérée, il a aussi nommé les deux hommes qu'il considère comme ses modèles : le président américain Barack Obama et le président brésilien Lula123(*). Mais ses autres collaborateurs notamment les ex-commandantes du FMLN lui apporteront-ils leur confiance dans cette nouvelle orientation politique ?

En effet c'est là que plane beaucoup de doutes. Le président Funes est épaulé par un ex-guérillero Salvador Sánchez Cerén, 65 ans son vice-président, qui était connu sous le nom de Comandante Leonel González pendant la guerre, et a pris les rênes du parti après la mort de Shafick Handal. Il était l'un des pères fondateurs des Forces populaires de libération, l'un des cinq groupes qui ont fusionné pour former le FMLN en 1980, donc un membre de la vieille garde du parti. Entre ces deux personnalités c'est-à-dire Mauricio Funes incarnant une certaine modernisation idéologique du parti et Salvador Sánchez Cerén, incarnant la ligne dure et le courant jadis des « orthodoxes » ; on se demande si la collaboration serait efficace ? Arriverait-il à se comprendre par rapport aux orientations du président et par rapport aux volontés de certains membres influents le plus souvent anciens guérilleros d'être toujours attachées aux valeurs de l'ex-guérilla et son affiliation idéologique au communisme ?

Beaucoup de personnes ont exposé leur inquiétude en ce qui concerne qui dirigera le Salvador au sein du FMLN ? C'est le cas de l'économiste Hernandez qui affirme : « Le FMLN... donne à Funes le titre de candidat présidentiel, mais c'est toutTous les candidats [au parlement] proviennent de la ligne dure, la linea dura. Le candidat avance souvent une chose, mais le parti en affirme une autre. Ce ne sont pas des erreurs, mais des manières de dire à Funes qui commande réellement » (Wheeler 2009). Pour un autre Salvador Samayoa ancien dirigeant de la guérilla, il anticipait des difficultés entre le FMLN et Mauricio Funes, qui n'a jamais appartenu à un parti politique : « Ils ne se connaissaient pas vraiment quand Mauricio a été choisi [en 2007 comme candidat à la présidence] et plus ils se connaissent, moins ils s'aiment. Je n'imagine pas le FMLN au pouvoir sans une relation forte et très étroite avec Cuba, le Venezuela et le Nicaragua »124(*). Ainsi donc il semble apparaître, un FMLN pro- Chavez et un FMLN- Mauricio Funes, qui préfère se référer au président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. Qui de l'ex-guérilla ou du président élu gouvernera réellement le Salvador?

Néanmoins pour l'instant et pour son mandat présidentiel, le nouveau président aura à faire face à de nombreux défis pour améliorer le quotidien de milliers de salvadoriens qui, en proie à la pauvreté, attendent beaucoup de lui : la désastreuse situation sociale de ce petit pays de 5,7 millions d'habitants a obligé plus de 2,5 millions d'entre eux à émigrer, essentiellement aux Etats-Unis ; 47,5 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 19 % dans l'extrême pauvreté - quand 0,3 % accaparent 44 % du revenu national. Un chômage massif et le taux d'homicides le plus élevé du continent (67,8 pour cent mille habitants) complètent le tableau. Il devra aussi composer avec un parlement où il n'a pas la majorité parlementaire (Lemoine 2009).

Le Salvador reste un pays vivant entre le passé et le présent -- divisé idéologiquement entre la droite et la gauche et conservant beaucoup des mêmes figures de la guerre civile, lesquelles s'évertuent à crier en direction de tous ceux qui veulent bien les écouter. Mauricio Funes saura t-il combler ces divisions -- ou leur succombera-t-il -- ; ceci reste une question à laquelle personne ne peut répondre (Wheeler 2009).

ANNEXES

Annexe 1

Premier discours du président élu, Mauricio Funes

Voir le discours sur Youtube.

Traduction :

« Chers compatriotes,

Nous avons réussi mes amis. Aujourd'hui nous réalisons nos rêves de justice et de démocratie. Aujourd'hui, nous initions une des tâches les plus importantes de ces dernières années. Nous allons reconstruire notre pays. À partir de maintenant, l'ARENA devient un parti d'opposition comme nous l'avons été pendant si longtemps.

Maintenant est venu le tour de l'offensée, de l'exclue, de tous ceux que l'on a marginalisés. Aujourd'hui est venu le tour de ceux qui sont authentiquement démocrates, de ceux qui veulent, pour tous, hommes et femmes, une justice sociale.

Je veux dédier cette victoire à un saint125(*) qui nous éclaire, à notre Farabundo Martí [...] qui déjà réclamait cette justice sociale.

Nos armes se résument à la Constitution de la République de ce pays pour la construction d'un État social et démocratique... »

Source : Beaulande (2009) : « El Salvador- Victoire du FMLN contre une droite désarmée » in www. Alterinfos.org.

Annexe 2 : Distribution des sièges parlementaires de 1994 à 2009

 

1994

1997

2000

2003

2006

2009

ARENA

39

28

29

27

34

32

FMLN

21

27

31

31

32

35

PCN

4

11

14

16

10

11

PDC

18

7

5

4

6

5

CDU-CD

 

2

3

5

 
 

CD

 
 
 
 

2

1

PLN

 
 
 
 

0

 

FDR

 
 
 
 
 

0

Autres

2

9

2

1

 
 

Total

84

84

84

84

84

84

Source: « El Salvador: Elections » in www.Opalc.org, consulté le 27 septembre 2010 à 14h 28 min. Elaboration personnelle à partir des données recueillies sur la page web de l'Instituto de Iberoamérica (Salamanque) et sur le site du Tribunal Suprême Électoral.

Annexe 3 : Résultats des élections présidentielles au Salvador de 1994 à 2004

Source : Garibay (2004b : 4)

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau n°1 : Salvador : quelques-unes des « quatorze familles » et leurs secteurs d'activités...........................................................................................31

Tableau n°2 : Importations salvadoriennes des Etats-Unis et de la Grande Bretagne rapportées au total des importations en pourcentage, (1913-1927).........................43

Tableau n°3 : Interventions ou occupations militaires nord-américaines en Amérique centrale et Caraïbes entre 1898 et 1933 .......................................................45

LISTE DES CARTES

Carte n°1 : la carte routière du Salvador....................................................... 16

Carte n°2 : le Salvador avec ses principales villes........................................... 17

LISTE DES PHOTOS

Photo n°1 : Augustin Farabundo Martí (1893-1932), vue prise lors d'une de ses visites au Nicaragua en 1929.................................................................................. 53

Photo n°2 : Mgr Oscar Arnulfo Romero y Galdamèz, archevêque de San Salvador de 1977 à 1980................................................................................................68

Photo n°3 : Les guérilleros du FMLN dans leur camp d'entraînement en avril 1982, à Guacamaya dans le département du Morazán, au nord-est du Salvador.............................................................................................83

Photo n°4 : un jeune enfant combattant du FMLN............................................87

Photo n°5 : Mauricio Funes, le nouveau président du Salvador................. .........136

Photo n°6 : Le candidat de gauche du Front Farabundo Martí de la libération nationale (FMLN) aux élections présidentielles du Salvador, Mauricio Funes, au milieu de ses partisans, à La Herradura, le 10 mars 2009 ..................................................139

Photo n°7 : Le candidat de droite de l'Alliance nationale républicaine (ARENA) aux élections présidentielles du Salvador, Rodrigo Avila, au milieu de ses partisans, à San Salvador, le 8 mars 2009 .................................................................................141

Photo n°8 : Le nouveau Président du Salvador Mauricio Funes, en compagnie de son épouse Wanda Pignato, après la prestation de serment le 1er juin........................148

TABLE DES MATIERES

 

Dédicace.....................................................................................................

i

Remerciements.....................................................................................

ii

Sigles et abréviations................................................................................

iii

Introduction générale.............................................................................

1

Première partie : La genèse du Front Farabundo Martí de libération nationale au Salvador en 1980.............................................................................................................

19

Introduction de la partie............................................................................................

20

Chapitre 1 : Aperçu historique du Salvador...................................................

21

Introduction.............................................................................. .............

21

1. L'époque précolombienne et la période coloniale.......................................................

21

1.1. L'époque précolombienne...................................................................

22

1.2. La conquête espagnole et la période coloniale...........................................

23

2. L'indépendance et les débuts de la république salvadorienne...........................

25

2.1. L'indépendance..............................................................................

25

2.2. De la république fédérale d'Amérique centrale aux débuts de la

république salvadorienne........................................................................

26

3. Les conséquences de la colonisation et ses survivances...................................

28

3.1. Le développement de l'aristocratie salvadorienne......................................

28

3.2. La révolte de 1932 et l'affirmation du rôle politique des militaires...................

33

3.3. Le conflit Honduras-Salvador et la naissance des mouvements révolutionnaires....................................................................................

36

Conclusion.............................................................................................

40

Chapitre 2 : Création du Front Farabundo Martí de Libération Nationale (FMLN)............................................................................................

41

Introduction..........................................................................................

41

1. Le prélude à la constitution du front révolutionnaire.....................................

41

1.1. Le Panaméricanisme et les débuts de la domination étrangère.........................

42

1.2. La pénétration d'idéologies marxistes et leurs adaptations ............................

46

2. La formation et l'organisation du FMLN........................................................

48

2.1. Les différentes formations révolutionnaires à l'origine du FMLN....................

48

2.1.1. L'état des lieux des principales formations révolutionnaires.............................

49

2.1.2. Qui est Augustin Farabundo Martí ?.....................................................................

52

2.2. Création et organisation de la guérilla du FMLN........................................

53

2.3. La prise de position de l'Eglise catholique.....................................................

55

2.4. Les effets de la théologie de la libération et les revendications du FMLN...............................................................................................

57

Conclusion.............................................................................................

59

Conclusion de la première partie................................................................

60

Deuxième partie : la lutte armée au Salvador de 1980 à 1992 ..............................

61

Introduction de la partie..........................................................................

62

Chapitre 3 : la guerre civile au Salvador : des origines à l'unification du mouvement révolutionnaire....................................................................................

63

Introduction.......................................................................................

63

1. Les causes de la guerre civile...............................................................

63

1.1. Le coup d'Etat de 1979 et les troubles civils..........................................

63

1.2. L'assassinat de Mgr Romero et la remontée des violences...........................

66

1. L'unification du mouvement révolutionnaire...........................................

70

2.1. La coordination de la révolution..........................................................

70

2.2. L'alliance révolutionnaire : FDR et FMLN...............................................

72

Conclusion..........................................................................................

74

Chapitre 4 : Le Front Farabundo Martí de libération nationale dans la lutte armée au Salvador...........................................................................................

75

Introduction.........................................................................................................

75

1. Stratégie et moyens d'action de la guérilla............................................................

75

1.1. La guerre de guérilla....................................................................................

75

1.2. Le recours à la négociation ou à d'autres moyens .........................................

78

2. Les actions armées de la guérilla du FMLN............................................................

81

2.1. L'offensive de 1981.................... ....................................................

82

2.2. L'offensive de 1989 et autres moyens du FMLN....................................................

84

2.3. La participation de la population.......... ................................................

86

2.4. L'Etat face au FMLN (la répression et la persuasion)....... ..........................

91

3. Les appuis étrangers reçus par la guérilla et le pouvoir en place.. ......................

93

3.1. la politique salvadorienne des Etats-Unis..............................................................

94

3.2. le FMLN et la société internationale....................... ................................

97

Conclusion........................................................................................................

98

Conclusion de la deuxième partie...............................................................

99

Troisième partie : Accords de paix, mutation et enracinement du FMLN de 1992 à 2009................................................... ............................................

100

Introduction de la partie.......................................................................................

101

Chapitre 5 : La négociation de la paix................. .........................................

102

Introduction......................................... ..............................................

102

1. Les Accords de paix de 1992...............................................................

102

1.1. Le prélude aux accords de paix............................................ ...................

102

1.2. Les clauses des Accords de paix de 1992................................................

106

2. L'instauration d'un climat de paix ..........................................................

110

2.1. La mission des Nations unies................................ ..............................

111

2.2. La Commission de Vérité....................... ...........................................

113

Conclusion..........................................................................................

118

Chapitre 6 : Mutation et enracinement du FMLN.............................. ............

119

Introduction.......................................................................................

119

1. Mutation du FMLN..........................................................................

119

1.1. La transformation de guérilla en parti politique .......................... ............

119

1.2. Les crises internes au sein du FMLN et les approches de solution ...... ...........

120

2. L'enracinement et la consolidation du FMLN .......... .................................

123

2.1. La participation du FMLN aux élections de 1994 à 2006................ .............

124

2.2. Un ultime basculement du pouvoir au profit du FMLN....................................

131

2.3. L'accession au pouvoir de Mauricio Funes........................................................

135

Conclusion........................................................................................

144

Conclusion de la partie..........................................................................

146

Conclusion générale..............................................................................

150

Annexes ....................................................................................................................

157

Annexe 1............................................................................................

158

Annexe 2..................................... ......................................................

159

Annexe 3............................................................................................

159

Sources et bibliographie............................................................. ............

160

1. Webographie................................................................................ ..

160

2. Bibliographie.......................................... ........................................

165

Liste des tableaux.................................................................................

167

Liste des cartes....................................................................................

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Liste des photos................................................... ................................

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Table de matières........................... .....................................................

169

* 1 Information tirée de « Farabundo Martí de libération nationale », p. 1 in www. Answers.com, consulté le 08 mars 2010 à 14h 05 min.

* 2 Information tirée de  « Front Farabundo Martí de libération nationale », p. 1 in fr. wikipédia.org, consulté le 20 mars 2010 à 10h 51 min.

* 3Information tirée de www. La Toupie.org.

* 4 Région du continent américain, située au sud des Etats-Unis et englobant les pays hispanophones d'Amérique centrale, quelques îles des Caraïbes et les pays hispanophones et lusophones de l'Amérique du sud. Information tirée de « Amérique latine » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.

* 5 Information tirée de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.

* 6 Information tirée de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.

* 7 Information tirée de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.

* 8 Information tirée de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.

* 9 Information tirée de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.

* 10 En espagnol le nom officiel du Salvador est « República de El Salvador » et le nom usuel « El Salvador » (Garibay 2003 : 55).

* 11 Indiens de l'Amérique centrale, créateurs d'une brillante civilisation (IIIè- Xè s.) (Dictionnaire de poche Larousse 2010 : 985).

* 12 Ensemble des populations amérindiennes des régions centrales et orientales du Mexique, parlant le nahuatl (information tirée dans « Nahuas » in Microsoft encarta 2009 [DVD]).

* 13 Information tirée dans « Histoire d'El Salvador » in www.answers.com, consulté le 08 mars 2010 à 14h 20 min.

* 14 Roi et prêtre légendaire au Moyen Âge, dont le vaste territoire aurait été situé en Asie ou en Afrique. Information tirée de « Jean, le prêtre » in Microsoft Encarta 2009.

* 15 Nom donné aux aventuriers espagnols qui allèrent conquérir l'Amérique (Dictionnaire de poche Larousse 2010 : 173).

* 16 Le maître avait tout pouvoir sur ses esclaves, y compris pouvoir de vie et de mort. Dans bien des régions les Indiens préférèrent se suicider collectivement, plutôt que de se soumettre. Nombreuses furent aussi les victimes des maladies apportées par les conquérants, ainsi que du travail forcé, surtout dans les mines (Erdozain et Barth 1982 : 14).

* 17 Confédération, qui de 1824 à 1840, regroupa cinq Etats d'Amérique centrale, le Guatemala, le Honduras, le Salvador ( San Salvador jusqu'en 1841), le Nicaragua et le Costa Rica. Information tirée de « Provinces-Unies d'Amérique centrale » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.

* 18 Francisco Morazán (1792-1842), homme d'Etat hondurien, président des Provinces- Unies d'Amérique centrale (1830-1840), champion du fédéralisme d'Amérique centrale (« Morazán, Francisco. » in Microsoft Encarta 2009.

* 19 De 1913 à 1931 le gouvernement fut dirigé par une véritable « dynastie », celle de la famille Quinonez-Melendez. Durant cette période éclatèrent des conflits, à l'intérieur même de l'oligarchie, entre les tenants agro-exportateurs traditionnels et ceux qui s'ouvraient à l'influence nord-américaine, prônant la diversification de l'appareil de production (Erdozain et Barth 1982 : 15).

* 20 Il fut soutenu par les secteurs ouvriers de la capitale du moins jusqu'à l'élection présidentielle de 1931 (Garibay 2003 : 232).

* 21 Afin d'assurer la stabilité de l'Amérique centrale, les Etats-Unis refusent à partir de 1923 de reconnaître tout gouvernement sans légitimité constitutionnelle (Garibay 2003 : 232).

* 22 Il existe plusieurs versions sur la date de l'insurrection. Par exemple contrairement à celle de Garibay (2003); Lemoine (1988), Erdozain et Barth (1982) puis Rafael Menjivar Larin dans son article « El Salvador, le plus petit maillon » paru dans l'édition espagnole du Monde Diplomatique (septembre 1979) et cité dans l'ouvrage de Erdozain et Barth (1982) s'accordent sur la date du 21 janvier. Notre propre opinion à partir de la confrontation de ces diverses sources, se penche en vertu de nos considérations historiques sur la date du 21 janvier. Mais pour éviter toute polémique sur la date de cette insurrection, il faut noter que ce qui est certain, est que celle-ci a eu lieu en janvier 1932.

* 23 Cf. Gordon (Sara), Crisis política y guerra en El Salvador, Mexico : Siglo XXI, 1989, p. 65 cité par Garibay (2003 : 233).

* 24 Timothy Wickham- Crowley considère que la mémoire de la répression de 1932 est un des facteurs qui permettent d'expliquer pourquoi les habitants, en particulier les ruraux, des zones occidentales du pays (départements d'Ahuachapán et Sonsonate) se sont tenus pratiquement à l'écart du conflit du gouvernement entre le gouvernement et le FMLN de 1979 à 1992 cf. Wickham-Crowley T., Guerrillas and Revolution in latin America, op.cit par Garibay (2003 : 233-234).

* 25 Information tirée de « Guerre de cent heures » in fr.wikipédia.org, consulté le 14 mars 2010 à 19h 31 min.

* 26 Ils allaient peupler les villes (la capitale passa de 280 000 habitants en 1961 à 350 000 en 1969) ou émigraient au Honduras pour pouvoir travailler la terre. C'est ce que firent 300 000 d'entre eux. Information tirée de « Guerre de cent heures » in fr.wikipédia.org, consulté le 14 mars 2010 à 19h 31 min.

* 27 Le Mercomún réunit les cinq républiques centre-américaines) mis en place à la ferme invitation de Washington en 1960 (Kaeser 2006).

* 28 Un cessez-le-feu est signé le 18 juillet. Le dernier soldat salvadorien quitte le sol hondurien le 3 août (Kaeser 2006).

* 29 C'est le cas au Nicaragua avec Cesar Augusto Sandino qui va animer la guérilla et va résister à la présence des marines nord-américains dans ce pays. Augustin Farabundo Martí avait été son collaborateur (Garibay 2003 : 231). Et c'est en son hommage que le Front révolutionnaire au Nicaragua, hier mouvement de guérilla et aujourd'hui parti politique, portera le nom de Front Sandiniste de libération nationale. Notre propre opinion à partir de Lemoine (1988), Garibay (2003) et Gandolfi (1989).

* 30 Encore sont-ils la plupart du temps divisés en plusieurs courants, pro-soviétique, pro-chinois, pro-castrite ou autonomes, difficilement enclins à collaborer ou dont les alliances sont éphémères (Gandolfi 1989 : 28).

* 31Garibay D., s.d : « De la naissance de guérillas au Chiapas. Bref aperçu historique de la lutte armée en Amérique latine, disponible sur www.dissidences.net/documents/chronologie_Garibay. pdf, consulté le 26 novembre 2009 à 10h 30 min.

* 32 Howard J. Wiarda, Conflicto y Revolución: la crisis en América Central, Ed Tres tiempos, 1986 cité par (Puyo et Taracena 2007 : 7).

* 33Guevara (Ernesto, dit Che), homme politique cubain (1928-1967). Il développa la guérilla en Amérique latine (Dictionnaire de poche Larousse 2010 : 961).

* 34 Ancien séminariste, dirigeant du syndicat des ouvriers boulangers; Cayetano Carpio a rompu avec son parti à l'issue d'un long et vif débat interne autour de la révolution cubaine. Il entraîna derrière lui un nombre non négligeable de cadres syndicaux communistes comme José Dimas Alas, secrétaire de la Fédération unitaire syndicale (FUS) (Rouquié 1991 : 90).

* 35 Le BPR est l'organisation de masse la plus nombreuse, en particulier à cause de l'importance de ses bases paysannes dont la Fédération chrétienne des paysans salvadoriens (FECCAS). Il a d'ailleurs été successivement dirigé par deux dirigeants venus du syndicalisme agraire, Juan Chacón, jusqu'à son assassinat le 27 novembre 1980, puis Facundo Guardado (Garibay 2003 : 251).

* 36 Les Ligues populaires -28 février doivent leur nom au massacre de manifestants qui eut lieu le 28 février 1977, Plaza libertad à San Salvador, à la suite des élections frauduleuses. Elles comprenaient avant leur éclipse totale en 1981 : les Ligues populaires paysannes, les Ligues populaires ouvrières, les comités de quartier LP-28 et l' « Association des usagers et des travailleurs des marchés. » (Rouquié 1991 : 94).

* 37 Principal rival au sein de l'organisation de Joaquim Villalobos, fondateur de l'ERP, accusé de travailler pour la CIA. Cet assassinat (aucun élément de preuve ne sera jamais apporté de l'éventuelle culpabilité de Roque Dalton) entraîne le départ de quelque 2 000 guérilleros qui fondent les Forces armées de la Résistance nationale (Lemoine 1988 : 169).

* 38 Cette information provient de la presse du mouvement « Guazapa », organe officieux de la RN, septembre 1985, p. 2 cité par Rouquié (1991 : 94).

* 39 La figure de Farabundo Martí est doublement symbolique de la continuité revendiquée par le FMLN. Les guérillas des années 1980 ont cherché à rappeler leur lien avec l'histoire nationale, ou régionale dans le cas de l'Amérique centrale, rompant ainsi avec l'aspect froid et impersonnel des mouvements armés des années soixante. Par ailleurs, à la différence d'Augusto Sandino, Farabundo Martí a été un dirigeant communiste, marquant ainsi la plus forte affiliation idéologique de la guérilla salvadorienne par rapport aux mouvements nicaraguayens (Garibay 2003 : 231-232).

* 40 D'après Sara Gordon, le FMLN est composé initialement du PCS, des FPL et de l'ERP. Les FARN avaient quitté la DRU en septembre, isolées dans leur idée de rallier les secteurs progressistes. L'échec de cette tentative, et la mort le 20 septembre dans un accident d'avion des dirigeants favorables à cette stratégie, les conduisent à rallier le FMLN fin octobre. Le PRTC suit cette voie en décembre (Garibay 2003 : 261).

* 41 Organisation Démocratique Nationaliste, créée en 1964 par le colonel José Alberto Medrano, alors chef de la Garde Nationale, se présentait comme une organisation paramilitaire dont le but était à la fois d'encadrer et de surveiller la population, en particulier rurale, afin de propager les idéaux de la civilisation occidentale et de combattre l'agitation communiste. La ORDEN acquiert très vite une dimension beaucoup plus importante (Garibay 2003 : 244). Elle va jouer un grand rôle dans la répression (Erdozain et Barth 1982 : 24).

* 42 Information tirée de « libération, Théologie de la » in Microsoft Encarta 2009 [DVD].

* 43 Neto Barrera était membre des Forces Populaires de Libération « Farabundo Martí» (FPL) et curé de la paroisse de San Sebastian à Delgado (Erdozain et Barth 1982 : 116).

* 44Rapport de Vaky, secrétaire adjoint aux Affaires interaméricaines devant la commission des Affaires étrangères, 11 septembre 1979, cité par (Erdozain et Barth 1982 : 27).

* 45 Mouvement nationaliste révolutionnaire est un parti socialiste démocratique. Son programme modéré refuse notamment « La dictature d'une classe sociale et la création d'un parti unique » voir « Supplemento especial : Bases ideológicas del Moviemento Nacional Revolucionario » in Orientación Popular (organe du MNR), février- mars 1987, cité par (Rouquié 1991 : 100).

* 46 Elle fut décrétée le 5 mars 1980, voir Dabène (2006 : 174).

* 47 Fondateur du Parti démocrate-chrétien en 1962, candidat à la présidentielle de 1972 au nom de toute l'opposition. Remportant les élections, il est arrêté, brutalisé et doit s'exiler au Venezuela. Le 13 décembre 1980, appuyé par Washington qui, pour discréditer et combattre les guérillas de gauche, a besoin d'une apparence de gouvernement modéré, Napoléon Duarte est nommé président de la République (Lemoine 1988 : 137).

* 48 Information tirée de Barros M. (2005) : « El Salvador- il y a vingt cinq ans, Mgr Oscar Romero était assassiné. L'actualité d'une vie » in www. Alterinfos.org, consulté le 08 mars 2010 à 13h 28 min.

* 49 Le père Rutilio Grande, était curé du Paisnal près de Guazapa, au nord de la capitale (Rouquié 1991 : 107).

* 50 La fe de un pueblo. Historia de una communidad cristiana en El Salvador (1970-1980), San Salvador, UCA, 1983, pp. 100-101, cité par Rouquié (1991: 108).

* 51 En 1993, une enquête de l'ONU a confirmé que le major d'Aubuisson a ordonné l'assassinat de Mgr Romero, déclenchant ainsi la guerre civile salvadorienne cf. Rapport de la commission de la vérité de l'ONU sur le Salvador, le 1er avril 1993, cité par « Salvadorien Civil War » in www. Answers. Com, consulté le 26 janvier 2010.

* 52 Elle aurait été selon certaines sources fortement encouragée par Cuba pour obliger le Parti communiste à brûler ses vaisseaux et « casser la junte » réformiste de militaires Rouquié (1991 : 98).

* 53 C'est ainsi que parmi les six dirigeants du FDR assassinés figuraient Juan Chacón, secrétaire général du BPR et Manuel Franco, dirigeant de l'UDN, un représentant du FAPU et des LP-28 (Rouquié 1991 : 100).

* 54 Dont le texte fut rendu public par le MPSC dans son organe Vispera, décembre-janvier 1986 (Rouquié 1991 : 103).

* 55 Information tirée de Régimbald P. (2004) : « Qu'est-ce qui distingue la guérilla du terrorisme ? » in www. Cvm.qc.ca/encephi/syllabus/Hist..., consulté le 1er mars 2010à 13h 27 min.

* 56 Précepte de Mao, selon lequel le révolutionnaire ou le guérillero doit s'immerger dans la population civile et y «être comme un poisson dans l'eau » : il y trouve les complicités et les sympathies nécessaires pour son ravitaillement, son financement tout en offrant une couverture pour déjouer les tentatives de répression de l'État. Information tirée de Régimbald P. (2004) : « Qu'est-ce qui distingue la guérilla du terrorisme ? » in www. Cvm.qc.ca/encephi/syllabus/Hist..., consulté le 1er mars 2010 à 13h 27 min.

* 57 Mercier-Vega L., Techniques du contre-État: les guérillas en Amérique du Sud, Paris, Belfond, 1968, p. 107 cité par Grenier Y., (s.d) : « Guérilla et terrorisme en Amérique latine » disponible sur http://id.erudit.org, consulté le 25 décembre 2009 à 19h 12 min.

* 58 Grenier Y., (s.d) : « Guérilla et terrorisme en Amérique latine » disponible sur http://id.erudit.org, consulté le 25 décembre 2009 à 19h 12 min.

* 59 Le texte de cet accord dit d' « Esquipulas II » (Guatemala) (1986-1987) reconnaît les gouvernements, quels que soient leur alignement international, comme légitimes, et donc les insurrections, quelles soient leurs orientations idéologiques, comme illégitimes, propose un véritable programme pour la paix, incluant entre autres, dialogues nationaux, amnistie, élections démocratiques, réconciliation nationale et vérification régionale (Garibay 2003 : 326).

* 60 Voir Grenier Y., (s.d) : « Guérilla et terrorisme en Amérique latine » disponible sur http://id.erudit.org, consulté le 25 décembre 2009 à 19h 12 min.

* 61 Information tirée de Régimbald P. (2004) : « Qu'est-ce qui distingue la guérilla du terrorisme ? » in www. Cvm.qc.ca/encephi/syllabus/Hist..., consulté le 1er mars 2010 à 13h 27 min.

* 62 Le choix de ces zones ne s'explique pas uniquement par le fait que l'organisation et la conscientisation des paysans y étaient plus importantes, mais aussi pour des raisons stratégiques (présence moins permanente de l'armée et des organisations paramilitaires, zones de montagnes et de forêts etc.) tout comme le fait remarquer Kincaid (Douglas), « Des paysans aux rebelles : communautés et classes dans le Salvador rural », p. 154-155, cité par Garibay (2003 : 261).

* 63 C'est au cours de ces opérations de répression que le père jésuite Ignacio Ellacuria, alors recteur de l'Université centraméricaine fut assassiné, en novembre 1989 (Rouquié 1991 : 108).

* 64 Si les jésuites de l'Université Centraméricaine ont été des fervents partisans de la Théologie de la libération, et figuraient en bonne place sur les listes des Escadrons de la mort au début des années quatre-vingt, ils ont assumé depuis le milieu des années quatre-vingt une position plus modérée, prônant une solution négociée et démocratique du conflit, au nom d'une analyse, lucide et sans concession pour aucune des deux parties engagées dans la guerre, de l'évolution de la société salvadorienne (Garibay 2003 : 439).

* 65Ernesto Regalado en 1971, Roberto Porna en 1977, Mauricio Bergonovo en 1977, Raúl Molina Cañas en 1977, Fujio Matsumoto en 1978, Ernesto Liches, consul d'Israël, en 1979, et Archibald Garner Dunn, ambassadeur d'Afrique du Sud, en 1979 (Villalobos 1999 : 141).

* 66 Falquet J. (1997) : « Les Salvadoriennes et la guerre civile révolutionnaire » in Clio. Histoire, femmes et sociétés n°5, pp. 1-10.

* 67Pour avoir des informations approfondies sur ces raisons, voir Falquet J. (1997) : « Les Salvadoriennes et la guerre civile révolutionnaire » in Clio. Histoire, femmes et sociétés n°5, pp. 1-10.

* 68 Mouvement de libération nationale. Pour en savoir beaucoup plus sur la nature et les buts de ces mouvements, cf. Gandolfi (1989).

* 69 C'est à l'occasion de cette offensive de l'armée, menée en accord avec les troupes honduriennes, qu'à lieu le massacre du Mozote (Morazán), les 10 et 11 décembre 1981, lors duquel le bataillon Atlacatl de l'armée extermine la population de ce village, faisant plus de 200 victimes civiles. Ce massacre est suivi plusieurs autres dans la zone, le nombre de victimes étant supérieur à 500 (Garibay 2003 : 321).

* 70 Menjivar Larin R. (1979) : « El Salvador, le plus petit maillon » in Monde Diplomatique et traduit en français dans une brochure éditée par le comité de solidarité avec le peuple d'El Salvador (Paris 1980, déjà épuisé).

* 71 Pearce J., Under the Eagle, Londres, Latin America Bureau, 1981, p. 2 cité par Toinet (1982: 501).

* 72 Cité in Strout R.L, « Reagan's Foreign Policy Blitz », Christian Science Monitor, 23 février 1981, repris par Toinet (1982 : 503).

* 73 Chardy A, « Reagan's Latin Policy: Nationalism is the Key », Miami Herald, 4 janvier 1981, cité par Toinet (1982: 504).

* 74 Lors de l'offensive du FMLN en janvier 1981, les forces armées salvadoriennes reçoivent des Etats-Unis de l'équipement, des armes, des munitions pour une valeur de 35,4 millions de dollars et 55 conseillers militaires nord-américains (Lemoine 1988 : 306).

* 75 Cité in Chardy A, « Reagan's Latin Policy: Nationalism is the Key », Miami Herald, 4 janvier 1981.

* 76 Selon Cynthia McClintock, le Salvador reçut dans les années quatre-vingt 3,6 milliards de dollars. McClintock C., Revolutionary Movements in Latin America, United State Institute of Peace Press, 1998, p. 221, cité par Villalobos (1999: 141).

* 77 Les gouvernements du Mexique et de la France ont reconnu le FMLN -FDR comme des forces politiques représentatives qui luttent pour la libération nationale du peuple salvadorien (Erdozain et Barth 1982 : 38).

* 78 Information tirée du rapport de la Commission de vérité : « De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au Salvador », disponible sur www.Irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 58 min.

* 79 De 1982 à octobre 1985, le leader et secrétaire général de ce parti fut le major Roberto D'Aubuisson (Rouquié 1991 : 83). Ancien chef services de renseignement de l'armée et commanditaire des Escadrons de la mort, il fut accusé plus tard d'être responsable de l'assassinat de Mgr Romero en 1980 suite aux résultats de l'enquête menée par l'Onu. La Commission pour la Vérité, qui a enquêté sur les crimes commis durant la guerre civile au Salvador (1980-1992), a établi dans un rapport paru en mars 1993, que l'assassinat de Mgr Romero a probablement été ordonné par le leader d'extrême droite Roberto d'Aubuisson, fondateur de l'Alianza Republicana Nacionalista (Arena), parti au pouvoir pendant vingt ans et jusqu'en mars 2009. Information tirée de «Mgr Romero, « l'évêque des pauvres » assassiné par les escadrons de la mort : les évêques du Salvador demandent sa béatification » in plunkett.hautefort.com/archives/2010.

* 80 Le nouveau Président n'y participe pas directement mais y délègue une équipe rapprochée qui constituera le noyau dur des négociateurs gouvernementaux (Garibay 2003 : 435).

* 81 Ce rapport présenté par Moakley (démocrate) chargé d'enquêter sur le massacre des Jésuites mettaient en avant la responsabilité haut commandement militaire salvadorien dans ces assassinats et l'amendement déposé par le sénateur Dolle qui sera voté par le Congrès va préconiser le gel de la moitié de l'appui financier (la moitié des 85 millions de dollars votés en crédits d'aide au Salvador) à l'armée salvadorienne jusqu'au jugement des responsables du massacre. Mais il faut noter que ce vote eut peu d'incidences réelles car le Président Bush va rétablir une grande partie de l'aide en décembre 1990, puis en la confirmant en janvier 1991 après qu'un hélicoptère de l'armée nord-américaine avait été abattu par le FMLN (Garibay 2003 : 441-442).

* 82 Homme politique américain, (né en 1924). Républicain, président des Etats-Unis de 1988 à 1993. Son fils George Walker Bush (né en 1946), républicain, a été président des Etats-Unis de 2001 à 2009 (Dictionnaire de poche Larousse 2010 : 931).

* 83 Les différentes négociations sur les Accords de paix ont reporté au 15 décembre la date de la fin formelle de la guerre civile (Garibay 2003 : 455).

* 84 Dans la partie de l'accord de paix relative au rôle politique du FMLN, il y a un paragraphe à ce sujet, mais sans engagement clair du gouvernement (Villalobos 1999 : 143).

* 85 Information tirée de « Sur le chemin de la paix avec l'Onu au Salvador » disponible sur www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 54 min.

* 86 Michel Lelièvre est un officier de la gendarmerie nationale française, qui a pris part, à l'occasion d'un appel à volontaires lancé en 1991, à la mission internationale d'observation des droits de l'homme en République du Salvador. Information tirée de « Sur le chemin de la paix avec l'Onu au Salvador » disponible sur www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 54 min.

* 87 Les membres de la Commission Vérité ont été nommés en décembre 1991 par le Secrétaire général des Nations Unies, Javier Pérez de Cuellar, après consultation des parties. Pour éviter tout risque de partialité, aucun salvadorien n'a été engagé. Information tirée du rapport de la Commission de vérité « De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au Salvador », disponible sur www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 58 min.

* 88 La Commission a rendu son rapport « De la folie à l'espoir, douze ans de guerre au Salvador » dans lequel figurent les noms des principaux coupables des massacres les plus importants le 15 mars 1993. Information tirée « De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au Salvador », disponible sur www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 58 min.

* 89 Information tirée de « Salvador : Commission de vérité des Nations unies pour le Salvador » in www.thruthcommission.org, consulté le 12 août 2010 à 20h 27 min.

* 90 Information tirée « De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au Salvador », disponible sur www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 58 min.

* 91 Texte disponible à l'adresse suivante : www. asamblea.gob.sv/leyes/19830210.htm.

* 92 L'armée salvadorienne fut un instrument de la politique des Etats-Unis et des détenteurs salvadoriens du pouvoir économique. Le bataillon d'Atlacatl fut entraîné par les Etats-Unis et c'est lui qui commit la majorité des meurtres y compris, celui des pères jésuites. Il ne s'agit pas seulement là d'actes de fanatisme individuel, mais des effets de l'instruction et la doctrine militaires qu'ils avaient reçues (Villalobos 1999 : 151).

* 93 Chef de la mission des observateurs de l'Onu (Onusal) (Villalobos 1999 : 144).

* 94 Pour en savoir plus sur l'accord signé entre Joaquin Villalobos et le Président Cristiani et sur cet épisode de la scission intervenue, voir Villalobos J. (1999) : « Ni vainqueurs ni vaincus : la paix au Salvador », in Critique internationale n°5- Automne 1999, pp. 145-146.

* 95 Fille du président Napoléon Duarte enlevée par la guérilla en septembre et octobre 1985. Le 24 octobre 1985, Inès Duarte est libérée en échange de 22 prisonniers politiques et 96 guérilleros blessés (Lemoine 1988 : 138).

* 96 Le PRTC s'autodissout le 30 juillet, le PCS le 5 août, les FPL le 9 décembre 1995 (Garibay 2003 : 476).

* 97 Manuel Alcántara Sáez, « El Salvador : les "élections du siècle" », Problèmes de l'Amérique latine, 15, octobre 1994, pp. 73-85 cité par Garibay D., « Salvador, les défis du renouvellement. Le FMLN et les élections de 2003 et 2004 », Problèmes d'Amérique latine, 54, automne 2004, pp. 33-52.

* 98 Rubén Zamora est un dirigeant de la Concertación Democrática (CD) un parti politique issu de l'ex-FDR allié au FMLN pendant la guerre civile, qui depuis la disparition de Guillermo Ungo en février 1991, apparaît comme le seul dirigeant d'envergure nationale ayant une expérience politique nationale et internationale mais ne dispose pas d'un véritable appareil militant. Francisco Lima quant à lui est un avocat et avait été vice-président du colonel Rivera entre 1961 et 1966 (Garibay 2003 : 463).

* 99 Les assassinats de trois dirigeants du FMLN (le 25 octobre, Francisco Velis, membre du Conseil National, le 30 octobre, Eleno Hernán Castro, membre de la commission agraire, et le 9 décembre Mario López, membre de l'équipe de négociation du FMLN), abattus selon les méthode propres aux escadrons de la mort, va conduire l'Onusal et les parties signataires à constituer une commission d'étude et à renforcer les mesures de protection (Garibay 2003 : 464).

* 100 Dans les anciennes zones de présence permanente, les résultats sont faibles pour l'ancienne guérilla, le FMLN n'obtenant aux législatives que 15,8% dans le Morazán, 15,9% dans l'Usulután ou 18,9% dans le Chalatenango. Dans les départements où le FMLN avait maintenu pendant la guerre une activité importante, les résultats sont également décevants : 12,1% dans le département de Cabañas, 15,0% dans le San Miguel, 18,3% dans le Cuscatlán (Garibay 2003 : 468).

* 101Tous deux s'étaient disputés le commandement militaire des FPL assumé par Salvador Sánchez Cerén depuis le suicide de Salvador Cayetano Carpio (Garibay 2003 : 525).

* 102 Héctor Silva est réélu à San Salvador avec plus de 56 % des voix, et le FMLN s'impose dans 12 des 19 villes autour de la capitale et dans la moitié des capitales départementales, gouvernant au niveau local désormais près 70 % de la population (Garibay 2003 : 532).

* 103 Ce courant crée un nouveau parti politique, le Partido del Movimiento Renovador, qui, avec 1,9 % des voix aux élections législatives de 2003, échoue une nouvelle fois à concurrencer le FMLN. (Garibay 2003 : 593).

* 104 Pendant ses mandats de maire de la capitale, il acquit une popularité qui sans doute lui a influencé. Car ce dirigeant du courant des « rénovateurs » nourrissait des ambitions personnelles pour se présenter aux présidentielles de 2004 dans le compte du FMLN. Cela a attisé de sérieuses tensions avec les dirigeants historiques du FMLN et donc du courant « orthodoxe ». Cela a entraîné son départ du FMLN et il va rallier la CDU. Notre opinion à partir de Garibay (2003 : 534).

* 105 Information tirée de « Salvador » in Microsoft Encarta 2009, Microsoft Corporation, 2008.

* 106 Information tirée de « Salvador » in Microsoft Encarta 2009, Microsoft Corporation, 2008.

* 107 Dont 62 en son propre nom et 12 en coalition, avec le CDU ou le PDC (Garibay 2003 : 534).

* 108 Figure emblématique du FMLN, décédé en 2006, fut l'un des membres du commandement général du FMLN durant la guerre civile. Il occupa durant les dix dernières années de sa vie et avant Sanchez Cerén, la place de chef de file des députés du Front à l'Assemblée législative (Huste 2008 : 4).

* 109 Information tirée de « Salvador » in Microsoft Encarta 2009, Microsoft Corporation, 2008.

* 110 Information tirée de « Salvador » in Microsoft Encarta 2009, Microsoft Corporation, 2008.

* 111 Le Salvador, comme d'autres pays d'Amérique centrale, a bénéficié de conditions dérogatoires pour les conditions de séjours de ses nationaux aux Etats-Unis pendant toute la période de la guerre civile. Révisées à l'occasion de la fin du conflit, ces dispositions ont été prolongées jusqu'à la fin de 1994, sous l'appellation de « Temporary Protected Status (TPS) », mesure transitoire de 18 mois destinée généralement aux ressortissants des pays en guerre ou souffrant de situations exceptionnelles. Près 180 000 Salvadoriens ont alors obtenu des permis de séjours temporaires. Depuis mars 2001, une nouvelle période de TPS a été ouverte, officiellement pour aider les efforts de reconstruction du pays à l'issue du tremblement de terre de janvier 2001. La mesure a été reconduite en septembre 2003 et demeure valable jusqu'en mars 2005. 300 000 Salvadoriens en bénéficient actuellement. Le nombre d'immigrants salvadoriens entrant légalement aux Etats-Unis est 30 000 par an, soit en 2002 le 6ème contingent national, et le deuxième latino-américain après le Mexique (chiffres du service du recensement des Etats-Unis consultables, sur www.census.gov). Le nombre de salvadoriens vivant aux Etats-Unis est estimé à environ 2 millions, en y incluant les illégaux (Garibay 2004b : 11).

* 112 Environ 100 000 Salvadoriens - à peu près un sur soixante - sont passés sous le seuil de pauvreté entre septembre 2007 et juin 2008, selon le Programme alimentaire mondial (Wheeler 2009).

* 113 Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a rapporté récemment que 62,4 % de la jeunesse salvadorienne est sous-employée, manquant de travail suffisant pour mener une vie digne. (Wheeler 2009)

* 114 Avec un taux de 30 homicides pour 100 000 habitants, l'Amérique latine est une des régions les plus violentes du monde : elle devance largement l'Afrique et le Moyen-Orient, qui affichent des taux inférieurs à 10, selon des études de la Banque interaméricaine de développement (BID) et de la Banque mondiale. Avec la Colombie, le Salvador et le Honduras se partagent les premières places au titre du degré de violence observé dans la région (Tamayo 2005).

* 115 Le terme mara (bande de jeunes) vient de marabunda, nom d'une fourmi vorace originaire d'Afrique, bien connue pour agir en communautés de plusieurs milliers, qui détruisent sur leur passage toute vie animale et végétale. Pour en savoir plus sur les Maras, on peut consulter l'article de Eduardo Tamayo sur les Maras : « les « Maras » : une nouvelle menace internationale ? » sur le site de risal (risal.collectifs.net).

* 116 Le président Flores (1999-2004) avait opté pour la méthode répressive (Plan Mano Dura en 2003), et M. Saca a confirmé le choix avec le plan Super Mano Dura qui a rempli les prisons de Pandilleros (4500 sur 14 600 prisonniers) sans épuiser les ressources de cette criminalité, d'autant plus que les Etats-Unis ont augmenté les expulsions d'immigrés clandestins salvadoriens, dont 20 % avec antécédents pénaux (Huste 2008 : 3).

* 117 Information tirée de « Mauricio Funes, candidat de la gauche et favori du scrutin : le mauvais bilan de l'ARENA même en matière de criminalité » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre 2010 à 09h 44 min.

* 118Déclaration faite sur BBC Mundo, le 14 mars 2009 cité par Lemoine (2009).

* 119 Information tirée de « El Salvador : Elections » in www. Opalc.org, consulté le 27 septembre 2010 à 14h 28 min.

* 120 Information tirée de « El Salvador : Elections » in www. Opalc.org, consulté le 27 septembre 2010 à 14h 28 min.

* 121 Information tirée de « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com, consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min.

* 122 Information tirée de « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com, consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min.

* 123 Information tirée de « Aussitôt investi, Mauricio Funes renoue avec Cuba » in www.Rfi.fr, article publié le 02 juin 2009 à 02h 58 TU et consulté le 27 mai 2010 à 23 heures.

* 124 Salvador Samayoa, dans une déclaration publiée par le quotidien français Le Monde daté du 14 mars 2009 et cité dans  « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com, consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min.

* 125 Mauricio Funes a dédié son élection à la présidence à un saint qui illumina le peuple salvadorien. Il s'agit de l'évêque martyr de San Salvador Oscar Arnulfo Romero. M. Funes a promis qu'il gouvernera comme Mgr Romero voulait que gouvernent les hommes de son époque. Information tirée de « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com, consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min.

 






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