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Le Front Farabundo Marti de Libération Nationale au Salvador: 1980- 2009

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par Kacou Elom Jean-Michel ADOBOE
Université de Lomé Togo - Maà®trise en histoire contemporaine 2010
  

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CONCLUSION GENERALE

Habité avant l'arrivée des espagnols, l'espace aujourd'hui salvadorien était peuplé par des populations amérindiennes, qui s'organisaient à leur manière sur cet espace. La civilisation de ces peuples, y compris leur structure sociale était fortement encrée dans la religion (dite traditionnelle). Nous ne connaissons pas très bien la période précolombienne, mais on peut noter quelques caractéristiques. Elle semble avoir eu dans les grands empires sur lesquels nous sommes mieux informés de deux caractéristiques : la propriété d'Etat des terres, d'une part, une organisation communautaire d'une partie de celles-ci, d'autre part (Rouquié 1987 : 81).

Avec l'arrivée des conquistadores, vont se mettre en place de grands domaines coloniaux, qui inaugurèrent la période coloniale. En effet les nouveaux arrivants vont détruire la structure de tenure de terre existante et la remplacer par la grande propriété (hacienda), au bénéfice bien sûr des colons. Cette situation accentua les inégalités sociales et le problème de la terre qui se posèrent plus tard dans le pays.

De fait l'histoire de Salvador fut marquée par une série de soulèvements, des indiens tout d'abord (on ne parlait pas encore de marxisme ni de communisme), des paysans métis ensuite, les uns et les autres ne faisant que défendre leurs terres contre ceux qui les en chassaient (Placido et Barth 1982 : 13-14). En chassant les Espagnols dans le contexte des guerres d'indépendance en Amérique latine, les masses paysannes n'ont pas connu une amélioration de leurs sorts. Face à l'échec d'une fédération de républiques d'Amérique centrale due aux affrontements entre conservateurs et libéraux, le Salvador a dû faire route seule à partir de 1841. Pire encore à la domination coloniale, se substitue une autre forme de domination, celle des grands propriétaires terriens, héritiers des colons qui vont constituer une oligarchie : une véritable classe aristocratique qui va désormais détenir le pouvoir politique, économique et ayant une armée à leur solde.

Ainsi l'indépendance vit les grands domaines se consolider ou parfois même s'agrandir tandis que la situation des indigènes s'aggravait. Très tôt les héritiers du domaine colonial, devraient faire face à des séries de contestation des populations laissées dans un état de pauvreté. Ce furent les débuts des mouvements de contestation, de soulèvements, de manifestations, de grève contre l'ordre oligarchique régnant après les indépendances. Mais ces soulèvements furent durement réprimés surtout par une armée à la solde de la classe aristocratique. C'est pour faire face aux mécontentements qui s'aggravaient, qu'on ne trouva de solution qu'en la personne d'un homme à poigne. C'est dans ce contexte que la classe aristocratique fit appel à l'armée qui, par le biais du général Maximiliano Hernandez Martinez va profiter de la situation pour faire irruption dans la vie politique et essayer de s'y maintenir autant que faire se peut au pouvoir. Celui-ci s'empara du pouvoir en 1931, se rendit rapidement célèbre en noyant dans le sang, en 1932 une insurrection paysanne soutenue par des partisans communistes. C'est dans ce contexte de répression qui fit de nombreuses victimes, que Farabundo Martí, un héros de la libération nationale du pays fut exécuté.

Cependant l'oligarchie qui appuyait le général Hernandez, se refusait à toute reforme sociale et aucun effort ne fut entrepris pour contrecarrer les effets de la dépression économique qui frappaient le pays. Le mécontentement général de la majorité de la population qui s'ensuivit, son état de pauvreté, la répression de toute tentative réformiste et surtout de reforme agraire, furent à l'origine de la formation puis de la radicalisation d'organisations révolutionnaires, aux nombres desquelles se situe le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN), qui a fait l'objet de notre réflexion dans ce présent mémoire.

C'est dans cette atmosphère politique et sociale marquée par tant d'inégalités sociales, que le FMLN va se constituer. Il est issu de l'unification sous une coordination unique de différentes organisations révolutionnaires qui existèrent et se développèrent à partir des années 1970. Ces différentes organisations qui vont se retrouver au sein du FMLN, vont choisir de s'inscrire dans le contexte d'une lutte armée « libération-révolution ».

Ainsi c'était surtout pour mettre fin à une situation d'inégalités sociales, à une dictature, que le FMLN mena le combat de lutte armée dans un contexte où comme nous l'avons vu cette lutte armée était la seule alternative du moment. Il mena cette lutte armée non pas parce qu'il ne pouvait pas s'insérer dans la voie démocratique, puisque le cours de l'histoire nous montrera le contraire, mais parce que c'était un moyen pour lui de se faire entendre et de parvenir à la satisfaction de ses revendications.

Mais avant d'en arriver là, nous devons noter que l'organisation d'abord révolutionnaire, pénétrée par les idéologies marxistes, s'engagera dans le combat politique à travers une stratégie de guerre : la guérilla. Ceci dans le but d'atteindre des objectifs qu'il s'est assigné notamment l'établissement d'une série de reformes, d'une politique de reforme agraire, la justice sociale, d'un climat démocratique ou les droits des citoyens seront préservés etc. Le FMLN devant le refus du pouvoir en place d'opérer de nombreux changements, va s'inscrire dans une lutte armée qui va plonger le pays dans une guerre civile. Cette guerre civile va opposer les forces gouvernementales et les organisations révolutionnaires : le FMLN va s'allier avec les différents partis de gauche rassemblés au sein du Front démocratique révolutionnaire (FDR). On parlera de l'alliance révolutionnaire FMLN-FDR. Les forces gouvernementales seront épaulées par les Etats-Unis. Ceux-ci n'hésiteront pas à fournir des moyens tant financier que militaire pour contrecarrer l'influence de la guérilla du FMLN. Pour les USA, il s'agit d'une lutte contre le communisme dont les idées marxistes les inquiétaient beaucoup. Le soutien apporté par les Américains aux forces gouvernementales a joué un grand rôle dans l'échec de la lutte armée engagée par le FMLN et le développement des dérives gouvernementales. Mais devions nous parler d'échec ?

Même si cela est vrai en terme de conquête militaire (mis à part quelques départements notamment le Morazan et le Chalatenango contrôlés par la guérilla à l'issue de quelques offensives), il faut sans doute souligner que la lutte armée a néanmoins permis au FMLN de se faire entendre, d'être reconnu puis pris en compte par le pouvoir en place et la société internationale. On peut donc partager l'avis du commandant guérillero Joaquín Villalobos de l'ERP, Villalobos (1999 : 142): « Quant à l'offensive des guérilleros, elle n'avait pas pour but de remporter une victoire militaire, mais de faire pression pour une médiation internationale ».

Ainsi elle a permis, malgré quelques échecs au niveau des négociations, de relancer le cours des celles-ci entre forces gouvernementales et dirigeants de la guérilla en permettant d'exiger des négociations qui finiront bon gré malgré par aboutir aux Accords de paix de Chapultepec en 1992. Ces Accords de paix permirent de poser de véritables bases pour un cadre institutionnel et démocratique pour moderniser le Salvador.

En cela le FMLN peut se dire qu'il a contribué d'une certaine manière à la démocratisation du Salvador. La tenue régulière des élections dans un climat relativement apaisé et sa transformation en parti politique légal témoignent de cette démocratisation. Ainsi le combat politique de l'ex-guérilla puis du parti politique qui en est issu pour la justice sociale, pour la démocratie et les droits de l'homme au Salvador ne fut donc pas vain puisqu'il paya plus tard par le couronnement du FMLN au sommet de l'Etat en 2009. Ces négociations aboutiront à la signature des Accords de paix de Chapultepec en 1992.

Les Accords de paix signés en 1992 ont mis fin à douze ans de guerre civile, qui a pratiquement déchiré un pays. Ces Accords de paix signés grâce à la médiation onusienne vont contenir un certain nombre de décisions pour instaurer une paix durable. L'un des faits majeurs introduits par ces accords furent d'importantes reformes au sein de l'appareil de l'Etat. Du côté de la guérilla, c'était sa démobilisation et sa transformation en parti politique. La capacité des anciens guérilleros de s'adapter à la nouvelle donne, a permis de donner à la mutation du mouvement de guérilla en formation politique tout son sens. Malgré les crises et tensions internes que va subir le nouveau parti, les approches de solution vont permettre de surmonter ces moments difficiles et de mieux s'insérer dans la scène politique. Une analyse minutieuse donc de l'évolution du FMLN nous permet donc de souligner sa capacité à s'adapter au contexte du moment et à être toujours tenace par rapport à l'atteinte des objectifs qu'il s'est assigné depuis sa création.

C'est ainsi que, le nouveau parti politique issu de l'ex-guérilla participera aux différentes élections qui se tiendront après les Accords de paix. Cette participation du FMLN, son programme politique puis l'insatisfaction des milliers de salvadoriens face à l'action gouvernementale du parti au pouvoir (l'ARENA), contribuèrent à son enracinement. En effet l'augmentation de sa côte de popularité et de ses scores aux différents scrutins, furent du FMLN et de l'ARENA, les principaux partis politiques du Salvador. Mais pour les élections législatives et présidentielles de 2009, une grande partie de l'opinion publique salvadorienne prévoyaient un ultime basculement du pouvoir. Certes l'insatisfaction des salvadoriens et le candidat choisi par le FMLN à jouer mais aussi le programme politique que s'est assigné le nouveau parti et qui, pas trop différent du programme des guérilleros au moment de la lutte armée, ont beaucoup contribué à ce renversement de tendance.

Ainsi le 15 mars 2009, le candidat du FMLN, l'ex-journaliste Mauricio Funes populaire pour ses critiques à l'encontre du gouvernement salvadorien, remporte les présidentielles et amène donc avec lui le parti de gauche issu de l'ex-guérilla au pouvoir. Mauricio Funes venait ainsi donc de faire virer le Salvador dans la vague des pays latino- américains dirigés par des socialistes, mais parmi ces socialistes il y en a qui s'inscrivent dans la ligne dure caractérisée par un certain anti-américanisme (le cas de Hugo Chavez au Venezuela, d'Evo Morales au Pérou pour ne citer qu'eux) et certains qui sont modérés et qui prônent une collaboration avec les USA, (le cas de Lula Da Silva au Brésil). Dans cette diversité de la gauche latino-américaine, vers quelle catégorie de gauches se tournera Mauricio Funes et avec lui tout le Salvador ?

En effet Mauricio Funes, premier président de gauche du Salvador a annoncé toute une séries de mesures sociales à son actif. Face à cette diversité de la gauche latino-américaine, celui-ci s'est dit prêt à privilégier une approche beaucoup plus modérée. Il n'est pas prêt à tourner le dos aux Etats-unis et espère d'eux une véritable coopération. Ainsi donc il s'insère d'emblée dans le camp de la gauche modérée, il a aussi nommé les deux hommes qu'il considère comme ses modèles : le président américain Barack Obama et le président brésilien Lula123(*). Mais ses autres collaborateurs notamment les ex-commandantes du FMLN lui apporteront-ils leur confiance dans cette nouvelle orientation politique ?

En effet c'est là que plane beaucoup de doutes. Le président Funes est épaulé par un ex-guérillero Salvador Sánchez Cerén, 65 ans son vice-président, qui était connu sous le nom de Comandante Leonel González pendant la guerre, et a pris les rênes du parti après la mort de Shafick Handal. Il était l'un des pères fondateurs des Forces populaires de libération, l'un des cinq groupes qui ont fusionné pour former le FMLN en 1980, donc un membre de la vieille garde du parti. Entre ces deux personnalités c'est-à-dire Mauricio Funes incarnant une certaine modernisation idéologique du parti et Salvador Sánchez Cerén, incarnant la ligne dure et le courant jadis des « orthodoxes » ; on se demande si la collaboration serait efficace ? Arriverait-il à se comprendre par rapport aux orientations du président et par rapport aux volontés de certains membres influents le plus souvent anciens guérilleros d'être toujours attachées aux valeurs de l'ex-guérilla et son affiliation idéologique au communisme ?

Beaucoup de personnes ont exposé leur inquiétude en ce qui concerne qui dirigera le Salvador au sein du FMLN ? C'est le cas de l'économiste Hernandez qui affirme : « Le FMLN... donne à Funes le titre de candidat présidentiel, mais c'est toutTous les candidats [au parlement] proviennent de la ligne dure, la linea dura. Le candidat avance souvent une chose, mais le parti en affirme une autre. Ce ne sont pas des erreurs, mais des manières de dire à Funes qui commande réellement » (Wheeler 2009). Pour un autre Salvador Samayoa ancien dirigeant de la guérilla, il anticipait des difficultés entre le FMLN et Mauricio Funes, qui n'a jamais appartenu à un parti politique : « Ils ne se connaissaient pas vraiment quand Mauricio a été choisi [en 2007 comme candidat à la présidence] et plus ils se connaissent, moins ils s'aiment. Je n'imagine pas le FMLN au pouvoir sans une relation forte et très étroite avec Cuba, le Venezuela et le Nicaragua »124(*). Ainsi donc il semble apparaître, un FMLN pro- Chavez et un FMLN- Mauricio Funes, qui préfère se référer au président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. Qui de l'ex-guérilla ou du président élu gouvernera réellement le Salvador?

Néanmoins pour l'instant et pour son mandat présidentiel, le nouveau président aura à faire face à de nombreux défis pour améliorer le quotidien de milliers de salvadoriens qui, en proie à la pauvreté, attendent beaucoup de lui : la désastreuse situation sociale de ce petit pays de 5,7 millions d'habitants a obligé plus de 2,5 millions d'entre eux à émigrer, essentiellement aux Etats-Unis ; 47,5 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 19 % dans l'extrême pauvreté - quand 0,3 % accaparent 44 % du revenu national. Un chômage massif et le taux d'homicides le plus élevé du continent (67,8 pour cent mille habitants) complètent le tableau. Il devra aussi composer avec un parlement où il n'a pas la majorité parlementaire (Lemoine 2009).

Le Salvador reste un pays vivant entre le passé et le présent -- divisé idéologiquement entre la droite et la gauche et conservant beaucoup des mêmes figures de la guerre civile, lesquelles s'évertuent à crier en direction de tous ceux qui veulent bien les écouter. Mauricio Funes saura t-il combler ces divisions -- ou leur succombera-t-il -- ; ceci reste une question à laquelle personne ne peut répondre (Wheeler 2009).

* 123 Information tirée de « Aussitôt investi, Mauricio Funes renoue avec Cuba » in www.Rfi.fr, article publié le 02 juin 2009 à 02h 58 TU et consulté le 27 mai 2010 à 23 heures.

* 124 Salvador Samayoa, dans une déclaration publiée par le quotidien français Le Monde daté du 14 mars 2009 et cité dans  « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com, consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote