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Le regard porté sur les femmes par le franciscain Jean Benedicti à  travers son manuel de confession "la somme des pechez et le remede d'icevx" (1595, réédition )

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par Lucie HUMEAU
Lyon  - Master 1 2013
  

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VIE ET OEUVRE DU FRANCISCAIN JEAN BENEDICTI.

Les grandes lignes de la vie de Jean Benedicti sont difficiles à tracer du fait d'un manque de sources. Afin de déterminer la biographie de ce frère franciscain, nous nous appuierons principalement sur les éléments qu'il donne lui-même dans ses ouvrages ainsi que sur diverses biographies plus tardives.

Le passage de l'oeuvre de Benedicti qui apporte le plus de pistes biographiques est l'extrême fin de son Epistre Dedicatoire à la Vierge Marie qui ouvre la Somme des pechez, et le remede d'icevx, éditée pour la première fois en 1584. Voici ce que l'auteur dit de lui-même : « Au reste ie vous [la Vierge Marie] requiers tres-humblement qu'il vous plaise m'impetrer la grace de garder mon estat, de correspondre à la profession que i'ay faite en l'ordre de vostre seruiteur S. François au monastere à Ansenis, et de retenir la bonne doctrine que i'ay apprise en ma ieunesse au monastere de nostre Dame des Anges de la Province de Touraine en Poitou, ainsi vulgairement appelee, lequel lieu est dedié à vostre honneur : où i'ay esté instruit és meurs & és primitiues sciences, de ces bons maistres qui sont devant Dieu & vous : entre lesquels il y en a eu de martyrs, comme un frere Pierre Odion occis par la fureur Caluinisque pour la foy Catholique [...] »172. Nous pouvons de suite souligner que la grande importance de la Vierge Marie dans l'ouvrage est due à la sensibilité franciscaine de son auteur. En effet, les franciscains ont pour patronne la mère de Jésus.

171Marcel BERNOS, « Les manuels de confesseurs... », op. cit. [note n°166], p.95.

172Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], dernière page de l'« Epistre Dedicatoire A Tres Haute, Tres Grande, et Tres Pvissante Royne, Mere de Dieu, la Glorieuse vierge Marie, Imperatrice du ciel & de la terre, honneur & gloire ».

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Sur la naissance de Jean Benedicti, nous ne savons rien. Prosper Levot le dit breton173. Cela peut venir du fait qu'au XVIe siècle, Ancenis, aujourd'hui commune de Loire-Atlantique, appartenait à la Bretagne. Nous pouvons remarquer de plus que Prosper Levot classe le cordelier, dans son dictionnaire biographique, à l'entrée « BENOIT » tout comme Alphonse Angot174 et D.-L.-O.-M. Miorcec de Kerdanet175. Jean Benedicti fait une deuxième référence à ce monastère d'Ancenis où il aurait fait sa profession de foi. Il dédie en effet la Triomphante victoire De la vierge Marie sur sept malins esprits finalement chassés du corps d'une femme dans l'eglise des Cordeliers de Lyon. Laquelle histoire est enrichie d'vne belle doctrine pour ente[n]dre l'astuce des diables à « Monseignevr Monsievr Le Reverendissime Philippes du Bec Euesque de Nantes & Conseiller de sa Maiesté, en son conseil d'estat &c. »176 à qui il rappelle qu'il a « fait profession de l'ordre de S. Fra[n]çois, au monastere d'Ancenis, qui est en vostre diocese »177. Un couvent de Cordeliers existait effectivement à Ancenis depuis 1448. Il avait été fondé grâce à Jeanne d'Harcourt, veuve de Jean III de Rieux, baron d'Ancenis. Philippe du Bec, évêque de Vannes de 1559 à 1566 et évêque de Nantes de 1566 à 1594 a bien eu ce monastère sous sa juridiction.

Jean Benedicti a peut-être effectué son noviciat dans ce couvent d'Ancenis. Au XVIe siècle, l'âge minimum requis pour être admis au noviciat était de 16 ans mais, ne connaissant pas la date de naissance du futur franciscain, nous ne pouvons déterminer la date approximative de son entrée au couvent. Lázaro Iriarte explique que le « travail de l'année probatoire consistait surtout dans l'explication de la Règle aux novices, avec ses préceptes et les déclarations pontificales, les règles d'éducation religieuse sur la base du Speculum disciplinae et autres livres classiques, les règles ascétiques, la récitation de l'office divin, le cérémonial de l'Ordre et en particulier - chez les conventuels et les observants - le chant liturgique »178. Le Speculum disciplinae (Miroir de la discipline), a été écrit par Bernard de Besse, mort vers 1300, disciple de saint Bonaventure. Lázaro

173Prosper LEVOT, Biographie bretonne, recueil de notices sur tous les bretons qui se sont fait un nom, soit par leurs vertus ou leurs crimes, soit dans les arts, dans les sciences, dans les lettres, dans la magistrature, dans la politique, dans la guerre, etc., depuis le commencement de l'ère chrétienne jusqu'à nos jours, tome I, Vannes, Cauderan, 1852, entrée « BENOIT (Jean) ». 174Alphonse ANGOT, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Laval, Imprimerie-Librairie Adolphe Goupil, 1903, entrée « Benoît (Jean) ».

175Daniel-Louis-Olivier-Mathurin MIORCEC DE KERDANET, Notices chronologiques sur les théologiens, jurisconsultes, philosophes, artistes, littérateurs, poètes, bardes, troubadours et historiens de la Bretagne, depuis le commencement de l'ère

chrétienne jusqu'à nos jours ; Avec deux Tables : la première présentant, dans l'ordre alphabétique, tous les Personnages dont il est fait mention dans ces Notices ; la seconde les rapportant aux villes et lieux auxquels ils appartiennent, Brest, Guillaume-Marie-François Michel, mars 1818, entrée « Benoit (Jean) ».

176Jean BENEDICTI, La triomphante victoire De la vierge Marie sur sept malins esprits finalement chassés du corps d'une femme dans l'eglise des Cordeliers de Lyon. Laquelle histoire est enrichie d'vne belle doctrine pour ente[n]dre l'astuce des diables, Lyon, Benoist Rigavd, 1583, p.41 [disponible sur le site < http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k79084f>] (consulté le 05 décembre 2012).

177Ibid., p.41.

178Lázaro IRIARTE, Histoire du franciscanisme, Paris, Éditions du Cerf, 2004 (coll. Les Éditions franciscaines), p.306.

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Cadres généraux : penser l'histoire des femmes au XVIe siècle.

Iriarte précise que son « contenu est exclusivement disciplinaire ; l'objectif du livre est de modeler le jeune religieux selon un type idéal de discipline conventuelle, non seulement dans la tenue corporelle et dans les comportements spirituels, mais aussi en donnant les directives les plus élémentaires de politesse et de propreté »179. Lors de sa profession de foi, Jean Benedicti décide d'intégrer les Frères mineurs de l'Observance. En 1517, les franciscains se divisent en effet en deux branches, les conventuels et les observants. La particularité des observants est d'essayer de respecter au plus près le testament laissé par saint François tandis que les conventuels ne rejettent pas l'idée d'une évolution de l'Ordre des Frères Mineurs. Après sa profession de foi à Ancenis, Jean Benedicti serait allé étudier au monastère de Notre-Dame-des-Anges. En effet, après leur profession de foi, les jeunes franciscains poursuivaient leurs études auprès d'un ou de plusieurs maîtres qualifiés, « ''jusqu'à 25 ans accomplis'', déterminaient les Constitutions de Benoît XII (1336) ; mais l'habitude de limiter ce temps à trois ans prévalut »180 souligne Lázaro Iriarte. Benedicti parle du « monastere de nostre Dame des Anges de la Province de Touraine en Poitou »181. Ce dernier est assez difficile à localiser. Il pourrait peut-être correspondre au couvent de franciscains fondé par Pierre Rohan-Gié au tout début du XVIe siècle à la frontière entre la Mayenne et le Maine-et-Loire. Gérard Danet, dans un document traitant de l'abbaye Notre-Dame des Anges à Landéda dans le Finistère, parle de ce « couvent du nom de Notre-Dame des Anges desservi par les Cordeliers Observantins dits de Touraine »182 fondé par Pierre Rohan-Gié, selon lui, vers 1505. Il appuie ses dires sur les archives du Maine-et-Loire. Mais Christophe Paillard, dans un document assez détaillé sur la vie de Benedicti, affirme qu'il pourrait avoir fait ses études dans l'abbaye Notre-Dame des Anges de Landéda183. C'est ici, dans le Finistère, qu'il aurait peut-être rencontré le Père Christophe de Cheffontaines, personnage important dans son parcours dont nous parlerons un peu plus loin.

Dans ce monastère, Jean Benedicti affirme avoir été « instruit és meurs & és primitiues sciences, de ces bons maistres qui sont deuant Dieu & vous »184. Les études ont une place importante dans la vie des franciscains. Des leçons publiques étaient

179Ibid., p.149.

180Ibid., p.150.

181Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], dernière page de l'Epistre Dedicatoire A Tres Haute, Tres Grande, et Tres Pvissante Royne, Mere de Dieu, la Glorieuse vierge Marie, Imperatrice du ciel & de la terre, honneur & gloire.

182Gérard DANET, Notre-Dame des Anges, Landéda - Finistère, 2008, p.34 [disponible sur le site < http://www.abbayedesanges.com/archives/rapport_danet.pdf>] (consulté en décembre 2012).

183Christophe PAILLARD, Jean Benedicti ou la stigmatisation du fatum calvinisticum, Encyclopédie de l'Agora, avril 2012.

[disponible sur le site < http://agora.qc.ca/documents/jean_benedicti--
jean_benedicti_ou_la_stigmatisation_du_fatum_calvinisticum_par_christophe_paillard>] (consulté le 06 décembre 2012). 184Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], dernière page de l'Epistre Dedicatoire A Tres Haute, Tres Grande, et Tres Pvissante Royne, Mere de Dieu, la Glorieuse vierge Marie, Imperatrice du ciel & de la terre, honneur & gloire.

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données dans les couvents. Lázaro Iriarte indique que « [t]ous les clercs, y compris les gardiens, les prédicateurs et les confesseurs, étaient tenus d'assister aux explications du lecteur installé dans chaque communauté »185. Les matières étudiées étaient diverses : grammaire, logique, philosophie ou encore théologie. Néanmoins, il semble que « [d]ans l'Ordre, les études de philosophie et de théologie n'étaient pas aussi nombreuses que celles des arts »186. Les franciscains devaient donc avoir une culture assez large et variée. Benedicti cite plus précisément le nom d'un de ses maîtres : « frere Pierre Odion occis par la fureur Caluinisque pour la foy Catholique »187. Nous avons pu retrouver deux occurrences de ce nom dans d'autres ouvrages. En 1609, Barezzo Barezzi Cremon, dans son ouvrage La Qvatriesme partie des chroniqves des freres mineurs, diuisee en dix liures explique les massacres perpétrés par les protestants en France. Il raconte : « A vn lieu appellé Osan, ils massacrerent le bienheureux fr. Pierre Odio[n], signalé Predicateur, & Lecteur en la sacree Theologie, au conuent de Chasteau-roux. Ils le virent arriuer en ce lieu d'Osan, & apres l'allerent tuer, vsans d'vne grande meschanceté & cruauté. Son ame s'en allant au Ciel, auec la palme de martyre »188. La deuxième occurrence est plus tardive, de 1864, et dit que « les féroces religionnaires attirèrent, près du château d'Orsan, le lecteur des Cordeliers, Pierre Odion, et le massacrèrent en embuscade »189. Le texte précise que ces événements datent de 1560. Il existe toujours aujourd'hui, à une cinquantaine de kilomètres de Châteauroux, un prieuré Notre-Dame d'Orsan, lieu où le lecteur Pierre Odion chercha peut-être à se réfugier après la mise à sac de son couvent de Châteauroux par les calvinistes.

Après ces études, Jean Benedicti serait devenu, pour certains, « élève de CHEFFONTAINES »190 ou encore « secrétaire du P. Christophe de Cheffontaines, général de son ordre »191. Selon Prosper Levot, « Cheffontaines consacrait ordinairement onze heures par jour à l'étude. Versé dans la langue française, il savait en outre le latin,

185Lázaro IRIARTE, op. cit. [note n°178], p.195.

186Ibid., p.196.

187Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], dernière page de l'Epistre Dedicatoire A Tres Haute, Tres Grande, et Tres Pvissante Royne, Mere de Dieu, la Glorieuse vierge Marie, Imperatrice du ciel & de la terre, honneur & gloire.

188Barezzo Barezzi CREMON, La Qvatriesme partie des chroniqves des freres mineurs, diuisee en dix liures, Paris, Vesue G. Chaudiere, 1609, p.523 [disponible sur le site < http://books.google.fr/books?id=Yd23trICIZAC&pg=PR32&lpg=PR32&dq=fr %C3%A8re+pierre+odion&source=bl&ots=BadlDilVKw&sig=l19UZSYjcSYcebxvZrIqTNi3jBw&hl=fr&sa=X&ei=HA6_UN2Q Eq7K0AXwhIHYAQ&ved=0CDkQ6AEwAg#v=onepage&q=fr%C3%A8re%20pierre%20odion&f=false>] (consulté le 06 décembre 2012).

189Alexandre DESPLANQUE, Essai sur les vicissitudes des institutions monastiques dans le Bas-Berri, Paris, Imprimerie Impériale, 1864, p.17. [disponible sur le site < http://bibnum.enc.sorbonne.fr/gsdl/collect/tap/archives/HASH0123/ec89e5a0.dir/0000005561797.pdf>] (consulté le 06 décembre 2012).

190Daniel-Louis-Olivier-Mathurin MIORCEC DE KERDANET, op. cit. [note n°175], entrée « Benoit (Jean) ».

191Alfred VACANT (dir.), Eugène MANGENOT (dir.), Émile AMANN (dir.), Dictionnaire de théologie catholique contenant l'exposé des doctrines de la théologie catholique, leurs preuves et leur histoire, tome 2, Paris, Librairie Letouzet et Ané, 1923, entrée « BENEDICTI Jean ».

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le grec, l'hébreu, l'italien, l'espagnol, et avait une connaissance approfondie du bas-breton »192. C'est donc auprès d'une personne très cultivée que va se trouver Benedicti, pendant un temps de sa vie. Si Jean Benedicti a bien été secrétaire de Christophe de Cheffontaines alors que celui-ci était général de l'Ordre des Frères Mineurs observants, nous savons que cela ne peut être qu'entre 1571 et 1579, dates du généralat de Cheffontaines. Puisque Jean Benedicti est dit prédicateur de Lyon à partir de 1574 environ, cela réduit encore cet intervalle et affine la chronologie. Les auteurs du Dictionnaire de théologie catholique... précisent que Benedicti « l'accompagna dans ses visites à travers l'Europe »193. Il est intéressant de remarquer une nouvelle fois que, parmi la dizaine de notices biographiques étudiées, une seule souligne ce fait tout comme deux seulement mentionnaient la présence de Benedicti auprès de Cheffontaines. Les indications peu précises ou floues sont nombreuses. L'exemple de Louis-Philippe Joly montre d'une manière flagrante certaines incohérences. En effet, ce dernier défend longuement la nationalité française de Benedicti et le fait qu'il ait écrit son manuel en langue française et non en latin. Il semble s'emporter contre Bayle qui, dans son dictionnaire, « prétend » des choses fausses et contre « Jean-Albert Fabricius [qui] a copié la faute de Bayle, & a crû que l'Auteur étoit Italien »194. Il s'appuie, pour démontrer ses dires, sur les écrits de Benedicti. Puis, à la fin de la démonstration, il écrit : « Benedicti étoit François, comme je l'ai dit. Mais dans quelle Province étoit-il né ? [...] Je crois qu'il étoit Provençal »195. Nous voyons donc que les biographes laissent parfois libre cours à leurs interprétations personnelles. En effet, de nombreux textes, et Benedicti lui-même, laissent à penser que son enfance s'est déroulée en Bretagne.

Après avoir été secrétaire de son ordre, Benedicti aurait occupé la charge de « commissaire général en France »196 selon Alphonse Angot. Lázaro Iriarte explique la mission de ce dernier : « Depuis 1517 le ministre général devait être élu tous les six ans, alternativement par les deux familles, cisalpine et transalpine197. Quand le ministre général appartenait à l'une, l'autre était gouvernée par un commissaire général »198. Si donc Benedicti a assuré cette charge, il aurait eu la mission de diriger l'ensemble de la famille franciscaine de France pendant un temps. Seul Alphonse Angot lui donne ce titre

192Prosper LEVOT, op. cit. [note n°173], entrée « CHEFFONTAINES (Chritophe DE) ».

193Alfred VACANT (dir.), Eugène MANGENOT (dir.), Émile AMANN (dir.), op. cit. [note n°191], entrée « BENEDICTI Jean ».

194Louis-Philippe JOLY, Remarques critiques sur le dictionnaire de Bayle, première partie, Paris, Hyppolite-Louis Guerin,

Dijon, Hermil-Andrea, 1748, p.712.

195Ibid., p.713.

196Alphonse ANGOT, op. cit. [note n°174], entrée « Benoît (Jean) ».

197Les familles cisalpines correspondent aux franciscains vivant « en deçà des Alpes », c'est-à-dire en Italie, tandis que la famille

transalpine rassemble les franciscains vivant au nord des Alpes, en France ici.

198Lázaro IRIARTE, op. cit. [note n°178], p.215.

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tandis que Benedicti se dit lui-même « Pere Provincial de Touraine Pictauienne »199. Christophe Paillard date cet événement pour 1593 au plus tard puisqu'il signale que l'édition de la Somme des pechez de 1593 porte la mention de cet honneur200. Néanmoins, un document émanant des autorités franciscaines de la Touraine pictavienne date l'entrée en charge de Benedicti pour le 15 juillet 1587, à « Clissii »201 c'est-à-dire à Clisson (Loire-Atlantique). La charge de père provincial, de ministre provincial, est de trois ans au XVIe siècle. Cette charge donne à celui qui la reçoit la mission de s'assurer que les couvents de sa province respectent bien la règle de saint François. Un custode202 le seconde dans cette mission. Quatre définiteurs l'assistent aussi ainsi que « ceux qui, dégagés de leurs charges à la Curie générale, jouissaient dans leur Province des prérogatives de "définiteurs perpétuels" ; tous ensemble ils formaient le discrétoire de la Province [...] »203. Benedicti a donc participé durant sa carrière ecclésiastique à l'administration d'une province franciscaine. Cette charge lui aurait été attribuée à la fin de sa vie, signe de son importance au sein de l'ordre des Franciscains. Lucien Bély précise que la Touraine pictavienne204 est l'une des « quatre petites » provinces observantes (France parisienne, Touraine pictavienne, Aquitaine ancienne et Saint-Louis), à côté des quatre « grandes provinces » que sont la France, la Touraine, l'Aquitaine récente et Saint-Bonaventure205.

Entre les différentes charges importantes et honorifiques que semble avoir occupé Benedicti, ce dernier affirme être « Professeur en Theologie »206 dans sa Somme des pechez... ou, dans La triomphante victoire De la Vierge Marie sur sept malins esprits..., « lecteur en Theologie et Predicateur en la ville de Lyon »207. Le grade de lecteur pouvait être acquis dans les universités ou dans les écoles franciscaines. Chaque province de l'Ordre pouvait accueillir un maximum de trois lecteurs : deux en théologie et un en philosophie. Lázaro Iriarte précise que « [l]a connaissance de [la langue hébraïque] était obligatoire pour tous les élèves des études générales et pour tous les lecteurs de théologie. Les langues orientales furent aussi enseignées dans les divers collèges fondés dans un but missionnaire »208. Cela pourrait permettre de comprendre

199Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], page de garde.

200Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

201Odoric-M. JOUVE, ofm, « Vicaires généraux des observants ultramontains et vicaires provinciaux des observants deTouraine-

Pictavienne de 1415 à 1517. Ministres Provinciaux des observants de Touraine-Pictavienne de 1517 à 1678 », FF, 15, 1932,

p.107-117.

202Dans l'ordre franciscain, les provinces sont subdivisées en « custodie » et le « custode » est le moine chargé de l'inspection

d'une custodie.

203Lázaro IRIARTE, op. cit. [note n°178], p.291.

204Est « pictavien » ce qui est relatif à Poitiers, Pictavis étant l'ancien nom cette ville.

205Lucien BELY (dir.), op. cit. [note n°46], article « Franciscains ».

206Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], page de garde.

207Jean BENEDICTI, La triomphante victoire..., op. cit. [note n°176], page de garde.

208Lázaro IRIARTE, op. cit. [note n°178], p. 406-407.

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pourquoi Christophe Paillard qualifie Benedicti d' « orientaliste »209. Benedicti était « très versé dans la connaissance de l'hébreu, du grec et du latin »210 et, selon Christophe Paillard, « il possédait des rudiments d'arabe »211. Les notes qui entourent le texte de la Somme des pechez, et le remede d'iceux montrent ses connaissances, si ce n'est sa pratique de ces langues. Ainsi, à la page 107 de cet ouvrage, nous pouvons remarquer quelques notes en hébreu, d'autres en grec, tandis que la grande majorité sont en latin 212. De plus, il cite dans son manuel de confession des vers italiens, ce qui laisse à penser qu'il connaissait, au moins en partie, cette langue213. Lázaro Iriarte explique que la charge de lecteur dans les couvents « durait sept ans, soit trois de philosophie et quatre de théologie ; chaque fois que naissait un nouveau groupe d'étudiants, on nommait le lecteur respectif qui devait enseigner successivement toutes les matières »214. Après sa charge de lecteur, le cordelier Jean Benedicti est nommé par son Ordre prédicateur de la ville de Lyon. Jean Benedicti est chargé d'annoncer la parole de Dieu, de transmettre au peuple son message. Cette mission est réservée, au sein des franciscains, aux clercs les plus instruits. Benedicti met son verbe au service de la défense de la foi catholique contre la réforme protestante, ce qui se ressent très bien dans ses écrits, qui deviennent parfois de virulents pamphlets contre la « secte Caluinienne »215, les « esprits Huguenotiques »216. Selon Christophe Paillard, Jean Benedicti exerce sa charge de prédicateur à Lyon d'environ 1574 « à au moins 1584 »217.

Durant cette période, il fit un voyage à Jérusalem. L'oeuvre La triomphante victoire De la vierge Marie sur sept esprits malins... commence par ces mots « En l'an de nostre Seigneur 1582 [...] »218. Plus haut dans la préface, Jean Benedicti dit « ie l'ente[n]dy l'a[n]nee passee en Hierusale[m] »219. Nous pouvons donc dater ce voyage pour l'année 1581. Il alla en Terre-Sainte pour accomplir un voeu que nous ne connaissons pas mais qui est peut-être lié à son activité de prédicateur, de confesseur ou encore à celle d'exorciste. En effet, nous pouvons lire dans son ouvrage de 1583 qu'il fait trois voeux en cas de guérison de sa patiente : « La premiere [promesse] fut que nous

209Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

210Alfred VACANT (dir.), Eugène MANGENOT (dir.), Émile AMANN (dir.), op. cit. [note n°191], entrée « BENEDICTI Jean ».

211Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

212Voir annexe 8.

213Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.348.

214Lázaro IRIARTE, op. cit. [note n°178], p. 407-408.

215Le terme de « secte caluinienne » renvoie à Calvin, maître à penser du protestantisme français. Quant à « huguenotique », il

s'agit d'un adjectif formé sur le nom « huguenot », qui servait à désigner les protestants français.

216Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.32 de l'Epistre Dedicatoire A Tres

Haute, Tres Grande, et Tres Pvissante Royne, Mere de Dieu, la Glorieuse vierge Marie, Imperatrice du ciel & de la terre, honneur

& gloire.

217Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

218Jean BENEDICTI, La triomphante victoire..., op. cit. [note n°176], p.17.

219Ibid., p.7.

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enuoyerions en Italie, faire vn voyage a nostre Dame de Lorette. La 2. que nous ferions processions publiques à nostre Dame de l'Isle, qui n'est pas loing de Lyon. La 3. que la patie[n]te iroit vestue l'espace d'vn an de l'habit & cordon, de l'ordre de S. Fra[n]çois en signe de penitence »220. Son voyage ne dure pas plus d'un an puisqu'il était à Lyon en 1582 pour effectuer deux exorcismes. Nous savons aussi que Benedicti se trouvait en Anjou, au monastère de la Baumette en 1586. En effet, il signe son épître à Pierre de Gondi de ces mots : « d'Angers en vostre Monastere de la Balnette, ce neufieme iour d'Aoust, 1586 »221. Si l'on ajoute les voyages faits ou supposés en compagnie de Christophe de Cheffontaines et son déplacement en Terre-Sainte pour lequel il serait passé « via Chypre, Tunis et Tripoli »222, ce franciscain semble avoir eu une existence faite de voyages. Il aurait de plus été « visitateur de plusieurs provinces en Italie »223 selon Alphonse Angot et Christophe Paillard224. Ce terme signifie qu'un couvent principal lui avait donné la charge de visiter des monastères inférieurs de l'Ordre. Les dates auxquelles il aurait eu cette mission ne sont mentionnées nulle part.

Une autre des activités de Jean Benedicti, qui l'a rendu célèbre en son temps, est celle, déjà évoquée, d'exorciste. Sur ce sujet, les sources sont plus précises puisque nous disposons en premier lieu d'un ouvrage écrit en partie par Benedicti lui-même, qui retrace les deux exorcismes qu'il fit à Lyon en 1582 : La triomphante victoire De la vierge Marie sur sept malins esprits finalement chassés du corps d'vne femme dans l'eglise des Cordeliers de Lyon. Laquelle histoire est enrichie d'vne belle doctrine pour ente[n]dre l'astuce des diables. Ce petit ouvrage d'une centaine de pages contient trois parties. La première est la description, par Benedicti lui-même, de l'exorcisme qu'il fit sur Perinette Pinay, une veuve de 57 ans. La deuxième est le récit par le « Frère Gerard Grudius de la prouince de Brabant »225 de l'exorcisme d'une jeune femme de 22 ans, Catherine Pontet, récit suivi de quatre avis de médecins lyonnais attestant de la possession de la jeune femme. Enfin, le dernier ensemble de cet ouvrage est composé d'une longue formule d'exorcisme livrée par Jean Benedicti à destination de ses confrères. Cette formule est entièrement écrite en latin. L'exorcisme raconté par Benedicti permet d'exalter la figure de la veuve vertueuse et de dénoncer les thèses calvinistes. En effet, le diable Frappan, qui seul parmi les sept diables est resté attaché

220Ibid., p.37-38.

221Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], dernière page de l'Epistre A

Monseignevr Le Reverendissime Evesqve De Paris, Messire Pierre de Gondy, Conseiller du Roy en son Conseil Privé & d'Estat,

& Commandeur en l'ordre du S. Esprit.

222Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

223Alphonse ANGOT, op. cit. [note n°174], entrée « Benoît (Jean) ».

224Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

225Jean BENEDICTI, La triomphante victoire..., op. cit. [note n°176], p.41.

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Cadres généraux : penser l'histoire des femmes au XVIe siècle.

au corps de Perinette Pinay, reconnaît la supériorité de cette veuve de laquelle il n'a rien obtenu : « Elle est vray vefue dit-il, ô la vray vefue, ô la vray vefue, repliquoit-il souuent elle est vrayement vefue : car depuis que ie suis icy, ie n'ay rien gaigné sur elle »226. À la fin du récit, Jean Benedicti tente de prouver, du fait du succès de l'exorcisme, que la vierge Marie et Jésus-Christ ont de larges pouvoirs. Il essaie de porter les Lyonnais à l'enthousiasme et à la piété devant le miracle qui vient de s'accomplir. « Quelle puissance voyla Recorde toy, Lyon, du miracle demonstré a tes yeux, & ne preste l'oreille a ces nouueaux Pharisiens calomniateurs des miracles de Iesus Christ [...] »227. Au cours de son récit, il s'appuie sur les discours tenus par le diable Frappan pour affirmer les dogmes de l'Église catholique, contre les hérésies. Ainsi, lorsque le diable semble avouer qu'il n'y a pas d'absolution possible pour lui mais « ouy bien pour vous », Jean Benedicti dit : « ie cogneu alors, qu'il rembarroit deux heresies contraires l'vne à l'autre celle d'Origene, ou pour mieux dire des Origenistes pardonna[n]s aux obstinez, & celle de Nouatus denia[n]t aux penitens remission »228. Pour les deux femmes, une sorcière est la cause de l'entrée d'au moins un démon en leur corps. Les trois diables de Catherine Pontet « luy furent donnés par le moien d'vne sorciere »229 tandis que le septième diable possédant Perinette Pinay lui est administré « par vn morceau de beuf, qui luy auoit esté donné d'vne sorciere »230. Il est significatif de voir que les six premiers diables « y estoient entrez au temps des vendanges en vne po[m]me »231. Les images du péché originel semblent très présentes ici. Ce récit montre les activités de Benedicti et ses objectifs : chasser le mal et faire régner la foi catholique en France.

Cet ouvrage permet enfin de situer l'écriture du manuel de confession La somme des pechez... puisque Jean Benedicti affirme qu'il démontre « de quelle inconstance est le peché [...] en vn traité des cas de conscience que i'escry maintenant ». Cela signifie qu'en 1582, il était en train d'écrire son manuel. Peut-être l'avait-il commencé dès 1581 puisque Prosper Levot232 et D.-L.-O.-M. Miorcec de Kerdanet233 affirment que c'est à Jérusalem qu'il compose ce livre. Les titres donnés à ce second ouvrage du cordelier Jean Benedicti sont multiples : si Antoine Péricaud (Somme des pechez)234, François-

226Ibid., p.41.

227Ibid., p.41.

228Ibid., p.41.

229Ibid., p.41.

230Ibid., p.41.

231Ibid., p.41.

232Prosper LEVOT, op. cit. [note n°173], entrée « BENOIT (Jean) ».

233Daniel-Louis-Olivier-Mathurin MIORCEC DE KERDANET, op. cit. [note n°175], entrée « Benoit (Jean) ».

234Antoine PERICAUD, Notes et documents pour servir à l'histoire de la ville de Lyon : tome II : 1594 à 1643, Lyon, [s.n.], [s.

d.], année 1611, p.87.

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Xavier Feller (La Somme des péchés, et le Remède d'iceux)235, Alfred Vacant (Somme des péchez et le remède d'iceulx)236, Louis-Philippe Joly (Somme des Péchés)237 et Christophe Paillard (Somme des pechez)238 semblent bien avoir eu en main en quelque sorte des exemplaires de l'ouvrage de Benedicti, d'autres auteurs sont plus fantaisistes dans les titres attribués à ce manuel de confession. Ainsi, Prosper Levot239 et D.-L.-O.-M. Miorcec de Kerdanet240 affirment tous deux que Benedicti a composé une Somme des péchés, des vices et des vertus tandis qu'Aphonse Angot s'éloigne le plus en annonçant une Somme de Théologie morale241. Tous néanmoins ne soulignent l'existence que de deux ouvrages tandis que Jean Benedicti annonçait dans La triomphante victoire De la vierge Marie... à un calviniste fictif : « Tu feras bien d'autres grimaces, quand tu verras la Grande Mariade, que ie medite, à son honneur & gloire »242. Benedicti ne semble pas avoir eu le temps d'écrire cette louange en l'honneur de la vierge. Le titre de son deuxième ouvrage voit aussi une variation intéressante qui montre le caractère subjectif de certaines notices biographiques. En effet, toujours associés, Prosper Levot et D.-L.-O.-M. Miorcec de Kerdanet parlent de la Victoire Triomphante de la B. Vierge Marie sur sept esprits immondes chassés du corps d'une femme. Deux remarques peuvent être faites. Premièrement, nous pouvons souligner que ces deux auteurs sont les seuls à affirmer que ce qu'ils appellent la Somme des Péchés, des Vices et des Vertus a été écrite à Jérusalem et ils font la même erreur de titre tant sur le manuel de confession que sur l'ouvrage portant sur l'exorcisme de Catherine Pontet et Perinette Pinay. D.-L.-O.-M. Miorcec de Kerdanet écrit ses Notices chronologiques... en 1818 tandis que la Biographie bretonne... de Prosper Levot est de 1852. Il semble donc que ce dernier ait pu recopier les informations données par le premier sans chercher à les vérifier. De plus, il apparaît que D.-L.-O.-M. Miorcec de Kerdanet a laissé parler sa sensibilité plus que sa rigueur d'historien quand il rapporte les titres des ouvrages du franciscain Jean Benedicti. En effet, il n'hésite pas à changer l'ordre des mots dans le titre des ouvrages (Victoire triomphante au lieu de La Triomphante victoire) voire à ajouter des mots : B. Vierge Marie, certainement le « b » de « bienheureuse ». Nous pouvons remarquer de

235François-Xavier FELLER, Dictionnaire historique ou Biographie universelle des hommes qui se sont fait un nom par leur

génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours, tome III,

Paris, Étienne Houdaille, 1836, à l'entrée "BENEDICTI (Jean)''.

236Alfred VACANT (dir.), Eugène MANGENOT (dir.), Émile AMANN (dir.), op. cit. [note n°191], entrée « BENEDICTI Jean ».

237Louis-Philippe JOLY, op. cit. [note n°194], p.713.

238Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

239Prosper LEVOT, op. cit. [note n°173], entrée « BENOIT (Jean) ».

240Daniel-Louis-Olivier-Mathurin MIORCEC DE KERDANET, op. cit. [note n°175], entrée « Benoit (Jean) ».

241Alphonse ANGOT, op. cit. [note n°174], entrée « Benoît (Jean) ».

242Jean BENEDICTI, La triomphante victoire..., op. cit. [note n°176], p.41.

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plus qu'il transforme le terme « malins » en « immondes » ce qui change le sens du titre en dévoilant les opinions de celui qui l'a modifié.

Enfin, Jean Benedicti semble avoir fini sa vie dans le couvent franciscain de Laval. Selon Alphonse Angot, il « fut inhumé dans la salle capitulaire des Cordeliers, où l'on voyait son tombeau quand le P. Wadding écrivit sa Bibliothèque franciscaine (1650) »243. Sa date précise de décès reste floue. Elle fait même débat puisque d'après l'ouvrage dirigé par Alfred Vacant, « [l]e P. Benedicti était mort en 1600 »244. Or Christophe Paillard dit que Roman d'Amat, biographe, défendait le fait que Benedicti serait mort en 1611245. Mais le document de Jouve cité précédemment est très précis en ce qui concerne le décès du franciscain : il serait mort le 09 août 1592 à Laval246. Nous pouvons penser que ce témoignage est le plus digne de confiance puisqu'il émane directement des autorités franciscaines de la province de Touraine pictavienne. Néanmoins, une erreur humaine est possible. En ce qui concerne les mentions portées sur les frontispices des livres de Benedicti, il semble que les éditeurs aient eu connaissance de son décès entre 1595 et 1597. En effet, sur le frontispice de l'édition de la Somme des pechez datant de 1597 et recensée par le SUDOC (Système universitaire de documentation), l'auteur est signalé comme « feu R. P. F. I. BENEDICTI »247. Dans la version datée de 1595 que nous avons étudiée, il n'est fait aucune mention de la mort de Benedicti. De même pour la version de 1596 imprimée par Pierre Landry à Lyon et conservée à la bibliothèque de Grenoble248. Néanmoins, sur une autre version de l'ouvrage, elle aussi datée de 1596, la mention « feu R. P. F. I. Benedicti »249 apparaît. Cette dernière version est celle de Jean Pillehotte, imprimeur lyonnais lui aussi. L'exemplaire est actuellement conservé à Avignon. Du fait que le livre de ce franciscain ait été utilisé en Sorbonne « après la mort de son auteur comme livre d'enseignement universitaire »250, nous pouvions imaginer que la précision des dates des frontispices ait été plus précise que dans un ouvrage moins officiel. Ce ne semble toutefois pas être le cas. Aujourd'hui, malgré la subsistance de l'église des Cordeliers à Laval, la salle capitulaire n'existe plus. Les recherches que nous avons faites ne nous ont pas permis d'être plus affirmatifs sur la date exacte de sa mort. Néanmoins, il semble certain que la

243Alphonse ANGOT, op. cit. [note n°174], entrée « Benoît (Jean) ».

244Alfred VACANT (dir.), Eugène MANGENOT (dir.), Émile AMANN (dir.), op. cit. [note n°191], entrée « BENEDICTI Jean ».

245Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

246Odoric-M. JOUVE, ofm, op. cit. [note n°201], p.107-117.

247Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx, Paris, Georges Lombart, 1597 (rééd.). [disponible sur le site

< http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SRCH?IKT=12&TRM=094304653>] (consulté le 20 décembre 2012).

248Jean BENEDICTI, La somme des péchez, et les remèdes d'iceux, Lyon, Pierre Landry, 1596 (rééd.), frontispice.

249Jean BENEDICTI, La somme des péchez, Lyon, Jean Pillehotte, 1596 (rééd.), frontispice.

250Christophe PAILLARD, op. cit. [note n°183].

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biographie utilisée par les catalogues des bibliothèques françaises soit fautive puisque ces derniers indiquent les dates (15..-161.).

Nous pouvons penser que cet homme au parcours flatteur au sein de son ordre et qui était de plus un voyageur avéré, ait eu un regard assez juste, ou plus juste que d'autres, sur la condition féminine en France au XVIe siècle. Nous allons à présent passer à l'étude de l'ouvrage qui a permis de le faire connaître à la postérité, véritable somme théologique sur les problèmes posés par son époque.

LA SOMME DES PECHEZ ET LE REMEDE D'ICEVX, UN REGARD PARTICULIER SUR LA CONDITION DES FEMMES AU XVIE SIÈCLE.

La somme des pechez, et le remede d'icevx. Comprenant tous les cas de conscience, & la resolution des doubtes touchant les Pechez, Simonies, Vsures, Changes, Commerces, Censures, Restitutions, Absolutions, & tout ce qui concerne la reparation de l'ame pecheresse par le Sacrement de Penitence, selon la doctrine des saincts Conciles, Theologiens, Canonistes & Jurisconsultes, Hebrieux, Grecs & Latins est un manuel de confession écrit par Jean Benedicti à la fin du XVIe siècle. Cet ouvrage montre que les manuels de confession écrits à cette époque sont des témoins valables pour celui qui cherche à étudier l'histoire des femmes. Cette oeuvre, dont nous allons abréger le titre en « La somme des pechez, et le remede d'icevx », a été rééditée plusieurs fois après sa première impression à Lyon en 1584 par Charles Pesnot. Les différentes rééditions sont dues tant au franciscain qu'à des professeurs de la Sorbonne ayant continué d'étudier son oeuvre après sa mort. Le moteur de recherche Worldcat251 recense un certain nombre d'éditions, référencées dans le tableau présenté ci-dessous. Nous avons croisé les résultats obtenus sur Worldcat avec une recherche sur le Catalogue Collectif de France (CCFr)252. Les éditions présentes uniquement sur le CCFr sont précédées d'un astérisque. Bien que le tableau ci-dessous cherche à être le plus exhaustif possible, il est probable que d'autres éditions existent qui n'aient pas été référencées dans les moteurs de recherche utilisés.

251[disponible sur le site < http://www.worldcat.org/search?

q=benedicti+somme&fq=&dblist=638&start=1&qt=page_number_link>] (consulté le 02 janvier 2013).

252Catalogue Collectif de France, Question: Titre [''somme''] et Auteur [''benedicti''][disponible sur le site < http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/>] (consulté le 17 janvier 2013).

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Tableau présentant diverses éditions de l'ouvrage de Jean Benedicti dans un ordre

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