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La maladie de Basedow: rôle du système immunitaire

( Télécharger le fichier original )
par Karim CHAJAI
Université Abdelmalek EssaàŻdi ; faculté des sciences Tétouan - Licence d'études fondamentales en sciences de la vie biologie cellulaire et moléculaire 2013
  

Disponible en mode multipage

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Université Abdelmalek Essaâdi

i

Faculté des Sciences

Tétouan

Département de Biologie

 

Licence d'Etudes Fondamentales

Filière : Science de la vie

Parcours : Biologie cellulaire et moléculaire

Titre :

1 La maladie de Basedow : rôle du système immunitaire.

Présenté par :

CHAJAI Karim

Soutenu le 29/06/2013

Devant les membres du jury :

Nom et Prénom

Etablissement

Qualité

Pr. Sanae ZINBI

Faculté des sciences

Président

Pr. Zaynab M'GHARA

Faculté des sciences

Examinateur

Pr. Ali OUAROUR

Faculté des sciences

Directeur

Année Académique 2012/2013

2 Remerciements

Dans ce remerciement, je tiens tout d'abord à remercier Dieu le tout puissant et miséricordieux, qui m'a donné la force et la patience d'accomplir ce modeste travail.

Je tiens à remercier particulièrement mon encadrant Pr. Ali OUAROUR d'avoir accepté d'encadrer ma recherche ; Vos précieux conseils, vos explications et orientations qui m'ont éclairé la méthodologie de la recherche et votre aide durant toute la période de la réalisation de ce modeste travail.

Mes vifs remerciements vont également aux membres du jury Pr. Sanae ZINBI et Pr. Zaynab M'GHARA pour l'acceptation d'examiner mon travail.

Je profite l'occasion pour exprimer mes sincères remerciements, généralement, à tous mes enseignants qui ont veillé à me donner du savoir tout au long de ma carrière scolaire et, en particulier, à tous mes professeurs de la faculté des sciences de Tétouan qui m'ont enseigné et qui par leurs compétences m'ont soutenu durant toutes ces 3 années de licence.

Je dédie ce travail

A Mes très chers parents ;

Vous êtes perpétuellement à mes cotés pour me soutenir et m'encourager.

Aucun hommage ne saurait exprimer la grandeur de mon amour, mon estime, et ma profonde reconnaissance pour les sacrifices et les efforts consentis pour moi. J'espère avoir été à la hauteur de vos attentes, et que Dieu vous garde afin que je puisse vous combler à mon tour.

A mon frère et ma soeur ;

Que ce modeste travail soit le net reflet de ma reconnaissance pour le soutien moral, l'affection fraternelle, ainsi que la compréhension et les encouragements dont vous avez toujours fait preuve. Que Dieu voue protège et guide vos pas avec mes voeux de succès et bonheur à l'éternité.

A toutes ma famille ;

Je me permets, par le biais de ce modeste travail, de vous apporter la chaleur de notre affection, témoignage de liens affectueux qui m'attache.

A tous mes amis ;

Vous m'avez offert ce qu'il y a de plus cher : la sincère amitié.

Que Dieu puisse vous combler de la santé et de longue vie avec notre affection la plus profonde.

Résumé 

Le système immunitaire est normalement conçu pour protéger l'être vivant contre les attaques dues aux agents pathogènes étrangers par le biais de sa capacité de distinguer les propres constituants des organismes, le "soi", de ceux des agents exogènes, le "non soi". Cependant, Le phénomène de  tolérance au "soi"  peut, parfois, se dérégler et aboutir à des réponses qui perdent leur destination et attaquent des cibles du "soi : C'est l'auto-immunité. Elle est la conséquence directe de la rupture de la tolérance du "soi" provoquant ce qu'on appelle des maladies auto-immunes. Il s'agit de pathologies hétérogènes durant lesquelles le système immunitaire peut attaquer des auto-antigènes partagés par plusieurs cellules de l'organisme comme il peut attaquer des auto-antigènes spécifiques d'un organe donné. La thyroïde représente l'un des organes les plus menacés par les attaques auto-immunes dans le corps humain.

La glande thyroïde est une glande endocrine qui, par l'excrétion de ses hormones sous l'influence de la thyréostimuline (thyroid-stimulating hormone, TSH), assure le déroulement métabolique normal des cellules de l'organisme. Lorsque des auto-anticorps fabriqués par les lymphocytes B se lient aux récepteurs membranaires de la thyréostimuline, la thyroïde devient hyperactive en secrétant plus d'hormones thyroïdiennes provoquant une maladie auto-immune dite la maladie de Basedow.

Ce travail tente d'expliquer les facteurs prédisposant responsables de l'apparition de cette maladie, le rôle du mécanisme auto-immun dans l'apparition de l'hyperthyroïdie, et par quelles approches thérapeutiques les dégâts peuvent-ils se corriger.

Mots clés : auto-immunité, glande thyroïde, thyréostimuline (TSH), auto-anticorps anti-récepteur TSH (TRAK).

Liste d'abréviations

Ac : Anticorps 

Ag : Antigène 

ATS : AntiThyroïdiennes de Synthèse 

auto-Ac : Auto-Anticorps 

auto-Ag : Auto-Antigène 

CMH : Complexe Majeur d'Histocompatibilité 

HLA : Antigène Leucocytaire Humain 

HT : Hormone Thyroïdiennes 

I131 : Iode Radioactif 

LB : Lymphocyte B 

LED : Lupus Erythémateux Disséminé

LT : Lymphocyte T

LT rég: Lymphocyte T régulateur 

MAI : Maladie Auto-Immune 

R-TSH : Récepteur de la TSH 

SI : Système Immunitaire 

T: Triiodothyronine

T: Thyroxine 

Tg : Thyroglobuline 

TPO : Thyroperoxydase 

TRAK : Anticorps Anti-récepteurs de la TSH 

TSH : Thyroid-Stimul Hormon 

Sommaire

1. INTRODUCTION 3

2. Le phénomène de l'auto-immunité 14

2.1. Généralité : la tolérance immunitaire 14

2.2. Définition 16

2.3. Types de réponses auto-immunes 17

2.4. Causes de l'auto-immunité 18

2.4.1. Facteurs génétiques 19

2.4.2. Facteurs environnementaux 21

2.5. Mécanismes d'attaque 23

3. La glande thyroïdienne 26

3.1. Anatomie 26

3.2. Histologie 27

3.3. Mode de fonctionnement et hormones thyroïdiennes 28

3.3.1. Structure des hormones thyroïdiennes 29

3.3.2. Mode de fonctionnement des follicules et synthèses des hormones thyroïdiennes 29

3.3.3. Régulation de la fonction thyroïdienne 31

3.4. Rôles physiologiques 32

4. La maladie de Basedow 34

4.1. Généralité 34

4.2. Facteurs prédisposant : génétiques et environnementaux 37

4.3. Mécanismes immunopathologiques 41

4.4. Symptômes et formes cliniques 44

4.5. Diagnostic 49

4.6. Traitements 50

4.6.1. Traitement médical 50

4.6.2. Traitement par iode radioactif 52

4.6.3. Traitement par chirurgie 52

4.7. Complications et maladies associées 53

4.8. Conclusions et perspectives 54

Références bibliographiques 55

Préambule

Les maladies auto-immunes constituent la troisième cause de mortalité dans le monde après les cancers et les maladies cardiovasculaires ; ce sont la conséquence d'une réponse inappropriée des cellules du système immunitaire vis-à-vis des constituants propres de l'organisme : ces derniers sont attaqués comme s'il s'agissait de substances étrangères.

Les maladies auto-immunes, telles que les dysthyroïdies auto-immunes, résultent d'une combinaison de plusieurs phénomènes immunologiques qui conduisent, au final, à la rupture de la tolérance périphérique aux antigènes du «soi» et donc à une réponse auto-immune.

Ce modeste travail de mémoire sera consacré à un type particulier de dysthyroïdies auto-immunes, la maladie de Basedow ou maladie de graves. Il s'agit d'une cause principale de l'hyperthyroïdie où plusieurs facteurs, tant génétiques qu'environnementaux, contribuent au développement de la maladie et à la persistance d'auto-anticorps stimulants dirigés contre la thyroïde.

Ce travail présentera, dans un premier chapitre, une revue générale sur le phénomène d'auto-immunité, puis, par un second chapitre, il apportera des généralités sur le fonctionnement normale de la glande touchée par la maladie, la glande thyroïde, pour en fin, grâce à un troisième chapitre, seront discutés certains facteurs prédisposant à l'apparition de la maladie de Basedow, les principaux symptômes, le diagnostic et les approches thérapeutiques disponibles contre cette maladie.

INTRODUCTION

Dans l'environnement qui nous entoure (air, eau, terre, aliments, etc.), il existe de nombreux organismes pathogènes microscopiques qui sont en contacte permanent avec notre corps, et qui représentent un véritable danger pour notre santé puisqu'ils sont souvent les causes directes de maladies. La seule chose qui nous protège de leurs dangers et qui nous permet de rester souvent en bonne santé c'est l'immunité.

L'immunité est donc définie comme la résistance aux maladies, et plus spécifiquement aux maladies infectieuses. L'ensemble des cellules, des tissus et des molécules qui concourent à opposer une résistance aux infections est appelé système immunitaire (SI), et la réaction coordonnée de ces cellules et molécules contre les germes pathogènes porte le nom de réponses immunitaires ( Abbas et Lichtman, 2008). Le SI est un système diffus constitué de nombreuses structures discrètes, comprenant la moelle osseuse, le thymus, la rate, et les ganglions lymphatiques, ainsi que de nombreuses sortes de cellules sanguines circulant librement dans le sang, appelées lymphocytes : Ce sont les petites cellules rondes que l'on appelle « globules blancs ». Les cellules du SI sont produites dans la moelle osseuse et certaines reçoivent une éducation supplémentaire dans le thymus où ils terminent leur maturation, notamment les lymphocytes T (LT). Elles se déploient alors pour aller occuper l'ensemble du corps, à l'exception du cerveau, (Rensberger, 1999) prêtes à commencer leurs fonctions protectrices.

La fonction physiologique du SI est de prévenir et d'éradiquer les infections déclarées ( Abbas et Lichtman, 2008) tout en répondant de façon appropriée à un nombre considérable d'agents distincts et potentiellement pathogènes qui pénètrent et envahissent l'organisme humain ( Boutammina, 2012).

Le système de défense de l'organisme se compose d'une immunité innée ou naturelle, responsable de la protection initiale contre les infections (dont les éléments participants sont une surface épithéliale ou barrière, des neutrophiles et des macrophages, des cellules Natural killer, un certain nombre de protéines incluant des cytokines et des composants du système du complément ( Kierszenbaum, 2006), et d'une immunité adaptative ou acquise qui se développe plus lentement et met en oeuvre une défense tardive et plus efficace contre les infections. Cette dernière se subdivise en une immunité humorale, dans laquelle des anticorps (Ac) fabriqués par les lymphocytes B (LB) neutralisent et éliminent les microbes et les toxines extracellulaires, et en une immunité cellulaire, dans laquelle des LT éliminent les microbes intracellulaires. Ces cellules de l'immunité acquise, c'est-à-dire les lymphocytes, expriment des récepteurs qui reconnaissent, de manière spécifique, différentes substances produites par les microbes, ainsi que des molécules non infectieuses : Ces substances sont appelées antigènes (Ag). Tandis que les mécanismes de l'immunité naturelle reconnaissent des structures partagées par plusieurs classes de microbes, qui sont appelés PAMPs (Pathogen-associated molecular patterns). Le terme d'immunité innée fait référence au fait que ce type de défense développé par l'hôte est toujours présent chez les individus sains, prêt à bloquer l'entrée des microbes et à éliminer rapidement ceux qui ont réussi à pénétrer dans les tissus de l'hôte. Tandis que l'immunité adaptative est le type de défense qui est stimulé par les microbes qui envahissent les tissus, c'est-à-dire qu'elle s'adapte à la présence des micro-organismes invasifs ( Abbas et Lichtman, 2008).

Généralement, tous les lymphocytes sont produits dans la moelle osseuse hématopoïétique, à partir de cellules souches multipotentes. Ces lymphocytes (B ou T) sont capables de reconnaitre une molécule ou un Ag par l'intermédiaire d'un récepteur spécifique : immunoglobuline de surface ou B cell receptor (BCR) pour le LB et T cell receptor (TCR) pour le LT. Ces récepteurs sont produits par l'association aléatoire de gènes et génèrent une capacité de reconnaissance phénoménale. Les LB peuvent reconnaitre l'Ag sans que celui-ci ne soit modifié. Les LT, en revanche, ne reconnaissent l'Ag qu'une fois dégradé et présenté dans une molécule du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH). Ce complexe tire son nom des réactions intenses qu'il suscite lors de la transplantation d'organes incompatibles. En présentant des peptides antigéniques aux LT, ces molécules de CMH, qui chez l'Homme s'appelle antigènes leucocytaires humains (HLA, human leucocyte antigen), jouent un rôle fondamental dans la réponse immunitaire. Il s'agit de glycoprotéines de surface réparties en deux classes, I et II, caractérisées par un important polymorphisme génétique, c'est-à-dire que chaque locus comporte de multiples allèles. En conséquence, la variabilité génétique entre individus est très grande ; à moins qu'ils n'appartiennent à une famille, ils ont le plus souvent des HLA différents.

Ce complexe contient au mois 128 gènes fonctionnels parmi lesquels plus de 20% ont une fonction dans l'immunité ; c'est la région du génome humain avec la densité de gènes la plus élevée. C'est aussi la région à laquelle sont associées le plus de maladies : la plupart sinon toutes les maladies auto-immunes (MAI) sont associées à des gènes du CMH, ce qui met en évidence le rôle essentiel de ces molécules dans la sélectivité des réponses immunitaires (Hachulla et Hatron, 2006 ; Chapel et al., 2004).

Les gènes du CMH sont désignés par des lettres comme montré dans la figure1. Les gènes codant pour les molécules de CMH sont traditionnellement répartis en trois classes : les gènes du CMH de classe I et II qui codent pour les molécules du CMH présentatrices d'Ag, et les gènes de classe III, un groupe de gènes assez disparates codant pour d'autres molécules immunitaires (DeFranco et al., 2009).

Figure. 1. Les gènes de CMH humain (DeFranco et al., 2009).

Diagramme simplifié du CMH sur le chromosome 6 humain. (Seuls les gènes de classe III qui ont une fonction immunitaire identifié sont représentés).

DP, DQ, DR, A, E : Gènes classiques de classe II 

HLA-A, HLA-B, HLA-C, K, D, L : Gènes de classe I

DN, DM, DO, M, O : Gènes non classique de classe II 

MICA, MICB, HLA-E, HLA-G, HLAf, HFE, Q, T, M : gènes de molécules non classiques du CMH de classe I

C4A, , Bf : gènes de molécules du complément

LMP : gènes de composants du protéasome, le complexe enzymatique qui dégrade les proteines en peptides dans le cytoplasme

LT : gènes de la lymphotoxine

TAP : gènes du transpoorteur responsable de l'entrée des peptides du cytoplasme dans le réticulum endoplasmique

TAPBP : gène de la tapasine, une moélcule chapéronne ipliquée dans le chargement des peptides CMH de classe I

TNF : gènes du facteur de nécrose tumorale, une cytokine importante

En fait, les molécules du CMH présentatrices d'un Ag peptidique sont parfois appelées molécules CMH classiques. Il existe aussi des molécules structuralement apparentées à ces deux classes, mais dont la fonction n'est pas la présentation de l'Ag aux cellules T : elles sont appelées molécules CMH apparentées à la classe I ou à la classe II ou molécules non classiques du CMH (DeFranco et al., 2009).

Ces réactions de défense immunitaire sont basées sur la capacité du SI à distinguer le « soi » du « non soi » et, donc sur la capacité à préserver l'individualité et l'intégrité de l'organisme. Le « soi » peut être défini comme l'ensemble des tissus, cellules et molécules faisant partie intégrante de l'organisme, et qui sont codés par le génome. Le « non soi » est constitué par tout le reste (Schaechter et al., 1999), et forme, d'après les auteurs, les micro-organismes (bactéries, virus, parasites et champignons), les toxines bactériennes, différents poisons, les éléments constituant les cellules tumorales, les greffons et les transplants ( Boutammina, 2012 ). Cette capacité de distinction est, en fait, un apprentissage par divers mécanismes tout au long du processus de maturation des lymphocytes. Les lymphocytes sont exposés aux Ag du "soi" dans un but d'éliminer tous les lymphocytes qui les reconnaîtront et de laisser passer ceux qui n'en reconnaitraient pas lors de leur dernier stade de développement (DeFranco et al., 2009 ; Chapel et al., 2004).

Dans des conditions normales, ces réactions immunitaires de défense suffisent le plus souvent à protéger notre corps. Malheureusement, elles ne sont plus parfois capables d'assurer ces fonctions protectrices correctement. Ainsi, il résulte de ce fait des maladies. Les anomalies de fonctionnement du SI peuvent être des causes de maladies essentiellement de deux manières : par un déficit immunitaire (réponse immunitaire insuffisante) ou par une attaque immunitaire inappropriée (réponse immunitaire excessive ou erreur de cible) qu'on rencontre dans l'allergie, les MAI et les maladies de complexes immuns dans lesquelles des Ac produits en excès endommagent des tissus normaux (Sherwood et Molotchnikoff, 2006).

En raison de leur capacité à distinguer les cellules étrangères, la majorité des cellules du SI se comportent correctement la plupart du temps. Elles se retiennent "poliment" d'attaquer les protéines et les cellules dont est constitué leur propre corps. Parfois, cependant, le SI peut perdre sa capacité à distinguer le « soi » du « non-soi ». Les agents des réponses immunitaires peuvent brusquement se révéler déloyaux, échapper à tout contrôle et attaquer les propres constituants de l'organisme.

Les cellules du SI peuvent, par exemple, mélanger leurs gènes et leur faire subir des mutations dont les combinaisons amèneront les cellules B et T à considérer comme étrangères des protéines parfaitement normales et fonctionnelles de leur propre corps. Les attaques de ce type peuvent être fatales aux cellules du corps, les tuant aussi facilement que le feraient des bactéries. Le résultat est ce qu'on appelle des MAI (Rensberger, 1999). Il s'agit de maladies causées par le détournement de l'immunité adaptative vers des cibles constituées par des cellules et des tissus sains de l'organisme lui-même. Au cours des MAI, les tissus qui sont attaqués (les cibles des réactions auto-immunes) et les symptômes qui se manifestent sont très variés. Dans la plupart des cas, l'incidence diffère entre hommes et femmes, celles-ci en étant plus souvent victimes. Un caractère typique de ces maladies est la présence d'Ac et de cellules T spécifiques des Ag exprimé par les tissus cibles, ces Ag sont appelés auto-antigènes (auto-Ag) et les effecteurs de l'immunité adaptative qui les reconnaissent sont appelés auto-anticorps (auto-Ac) et cellules T auto-immunes (Parham, 2003).

Les SI renégats ne sont malheureusement pas rares. Ils provoquent plusieurs maladies relativement courantes. Ceci comprend la sclérose en plaques (le SI attaque les cellules spéciales qui forment un revêtement isolant autour des nerfs, provoquant un « court-circuit » des nerfs, exactement comme des fils électriques ayant perdu leur isolation), l'arthrite rhumatoïde (le SI attaque les articulations, détruit leurs tissus et provoque une inflammation douloureuse ainsi qu'un gonflement), la myasthénie grave (le SI attaque les récepteurs des cellules musculaires qui reçoivent des signaux chimiques du système nerveux, laissant les muscles paralysés parce qu'ils ne peuvent plus recevoir le signal pour se mouvoir), et le diabète de types I (le SI attaque des cellules particulières à l'intérieur du pancréas, dont le travail consiste à fabriquer de l'insuline). Dans toutes ces maladies et dans bien d'autres moins connues, le SI n'est plus capable de distinguer un Ag étranger d'un élément qui appartient à son propre corps. Les cellules immunitaires attaquent les cellules natives aussi vigoureusement que si elles étaient des ennemies mortelles de leur corps (Rensberger, 1999).

Les experts ont constaté que tous les organes endocriniens et pratiquement toutes les cellules endocrines pouvaient être victimes de cette auto-agression (Chapel et al., 2004). Les réactions auto-immunes peuvent alors être dirigées contre des cellules endocrines, leurs récepteurs, les hormones ou les récepteurs de celles-ci sur des cellules cibles. Il existe plusieurs mécanismes d'agression auto-immune, autrement-dit plus d'un mécanisme pouvant intervenir dans une maladie donnée. Les cellules T et les Ac semblent opérer en parallèle dans la pathogénie de la maladie endocrine auto-immune. Grosso modo, on peut dire que les cellules T (tant CD4+ que CD8+) sont responsables de la destruction glandulaire et que les Ac perturbent la fonction physiologique de la glande affectée (Chapel et al., 2004).

La thyroïde est parmi les glandes endocrines considérées comme cibles potentielles des attaques erronées du SI. Elle intervient par ses hormones, la tri-iodothyronine (T3) et la thyroxine (T4) sécrétées sous l'influence de la TSH (thyroid-stimulating hormone) antéhypophysaire, dans la régulation du métabolisme des lipides, des protides et des glucides. Ces hormones régissent notamment l'oxydation du glucose par les cellules et sa conversion en énergie chimique. Puisque toutes les cellules de l'organisme dépendent de l'apport continu d'énergie, elles sont donc toutes des cibles pour les hormones thyroïdiennes (HT). Ces dernières, par leurs actions métaboliques, participent également à la thermorégulation (effet thermogène ou calorigène), ainsi qu'au métabolisme hydrique et minéral. Elles sont essentielles à la croissance et au développement du squelette, des muscles, des organes génitaux et du système nerveux. Elles agissent sur les tissus pour augmenter la réactivité nerveuse, mais aussi la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Toutes déficiences ou excès en hormones thyroïdiennes sont donc extrêmement perturbateurs pour l'organisme (Cornet, 2009).

Les cellules thyroïdiennes expriment de nombreux Ag, pouvant servir de cibles aux auto-Ac : thyroperoxydase (enzyme clé de la synthèse des HT, TPO), thyroglobuline (précurseur des HT, Tg) et récepteur de la TSH (R-TSH), qui rendent, malheureusement, la thyroïde susceptible d'être attaquée par des lésions auto-immunes par un mécanisme mal élucidé les immunités à médiation humorale et cellulaire interviendraient toutes les deux amenant à des anomalies du fonctionnement, ou même, à la destruction de cette glande (Perlumuter et Hernandez 2002).

Les R-TSH constituent l'interface indispensable entre le thyrocyte (cellule endocrine de la thyroïde) et la TSH (hormone hypophysaire régulant la fonction et la croissance des cellules thyroïdiennes) (Kubab et Kubab 2011). Il arrive que des Ac se trompent et attaquent ces récepteurs, perturbant leur déroulement normal, ce sont les Ac anti-R-TSH (TRAK). Ces TRAK se combinent au R-TSH et miment les effets de la TSH (Weil et Batteux, 2003) provoquant une stimulation prolongée des cellules de la thyroïde qui aboutit à l'hyperthyroïdisme (augmentation de la teneur du sang en HT) (Karp 2010). Ainsi, le métabolisme est sur stimulé et passe en surrégime. Du coup, le coeur bat trop vite, les muscles sont hypertoniques, le système nerveux est en état d'alerte permanente, etc (Nys, 2012). De telles réactions sont rencontrées dans une maladie dite maladie de Basedow relative au médecin allemand Carl Adolph von Basedow qui, en 1840, fut le premier à décrire une hyperfonction de la thyroïde, désormais connue sous le nom de maladie de Basedow. Il s'agit essentiellement d'une hyperthyroïdie d'origine auto-immune. Par ailleurs, Il est possible de rencontrer l'état contraire, une hypothyroïdie, suite à une destruction totale de la glande.

Qu'est-ce que c'est que l'auto-immunité ? Pourquoi et comment intervient-elle dans l'apparition de l'hyperthyroïdie ? Comment une hyperthyroïdie perturbe tout le métabolisme de l'organisme ? Y a-t-il une solution pour contrer cette mésaventure ?

1. Le phénomène de l'auto-immunité

1.1. Généralité : la tolérance immunitaire

L'une des caractéristiques les plus remarquables du SI normal est qu'il est capable de répondre à une variété considérable de microbes sans pour autant réagir aux Ag propres à l'individu, le « soi ». Cette absence de réponse aux Ag du soi est qualifiée de tolérance immunitaire, elle se maintient bien que les mécanismes par lesquels les récepteurs des lymphocytes sont exprimés ne soient pas génétiquement déterminés à ne produire que des récepteurs d'Ag étrangers. En d'autres termes, des lymphocytes capables de reconnaître des Ag du "soi" sont constamment formés au cours du processus normal de maturation des lymphocytes. En outre, le SI est facilement accessible à de nombreux Ag du "soi", de telle sorte que l'absence de réponse à ces Ag ne peut pas simplement être maintenue en cachant ces Ag aux lymphocytes. Il doit, par conséquent, exister des mécanismes qui empêchent le déclenchement des réponses immunitaires contre les Ag du "soi". Ces mécanismes sont responsables d'une des caractéristiques essentielles du SI, sa capacité à distinguer les Ag du "soi" des Ag du "non soi" (généralement microbiens). Si ces mécanismes sont altérés, le SI risque de s'attaquer aux propres cellules et tissus de l'individu ( Abbas et Lichtman, 2008).

La tolérance immunitaire est établie et entretenue par des mécanismes centraux et périphériques (DeFranco et al., 2009). En effet, au cours de leur développement, les LT et B passent par un test de sélection où ils rencontrent les Ag du "soi" présentés par des cellules spécifiques appartenant ou pas au SI. Les mécanismes centraux de la tolérance immunitaire, constituant une tolérance centrale, sont induits lorsque les lymphocytes en développement rencontrent les Ag du "soi" dans les organes lymphoïdes primaires, c'est-à-dire la moelle osseuse et le thymus, tandis que les mécanismes périphériques, représentant la tolérance périphérique, sont réalisés lorsque les lymphocytes matures rencontrent les Ag du "soi" dans les tissus périphériques de l'organisme (ou les organes lymphoïdes secondaires, c'est-à-dire la rate et les ganglions lymphatiques) (Abbas et Lichtman, 2008). Etant donné que les LT, en particulier les LT CD4+, contrôlent presque toutes les réponses immunitaires, leur tolérance au "soi" est plus importante pour prévenir l'auto-immunité. Par conséquent, la plupart des LB spécifiques du "soi" seront incapables de produire des auto-Ac s'ils ne reçoivent pas l'aide appropriée des LT (Chapel et al., 2004).

Le mécanisme de la tolérance centrale concerne exclusivement les Ag du "soi" qui sont présents dans les organes lymphoïdes primaires et la tolérance envers les Ag du "soi" qui ne sont pas présentés dans ces organes doit être induite et maintenue par les mécanismes de la tolérance périphérique.

Le SI assure ses fonctions de protection de l'organisme contre les infections sous le contrôle de plusieurs mécanismes de régulation. Tout d'abord, au cours de l'ontogenèse, il est éduqué pour distinguer les auto-Ag - qu'il faut préserver - des substances et agents potentiellement toxiques, à éliminer. Cette étape d'éducation passe par l'élimination de la majorité des lymphocytes, soit parce qu'ils sont incapables de produire des récepteurs efficaces, soit parce qu'au contraire, ils risquent d'agresser les propres constituants de l'organisme (Hachulla et Hatron, 2000).

Les mécanismes d'élimination (apoptose) sont, toutefois, insuffisants car des cellules auto-réactives qui reconnaissent avec peu d'affinité nos constituants antigéniques persistent à l'état physiologique après la sélection centrale. Des mécanismes de tolérance périphérique, donc, prennent le relais pour éviter une activation inappropriée des cellules auto-réactives. Les contrôles s'effectuent à plusieurs niveaux : tout d'abord, les conditions d'activation des cellules immunitaires sont strictement maitrisées ; leur activation ne peut aboutir que s'il existe une interaction coopérative entre l'Ag et les lymphocytes lesquels échangent des signaux d'activation. Si un seul maillon de cette signalisation vient à manquer, la cellule immunitaire est éliminée ou bloquée dans son programme fonctionnel (induction d'un état dit d'Anergie). Le contrôle s'exerce également après l'activation du SI, où plusieurs mécanismes concourent à freiner cette réponse (rôle des LT régulateur, LT rég) et des cytokines anti-inflammatoires (Hachulla et Hatron, 2000).

Grosso modo, c'est la rupture de ces mécanismes de tolérance qui conduirait à l'action destructrice du SI et à l'apparition de MAI. Le répertoire des récepteurs des LT et LB étant produit au hasard des recombinaisons génétiques, le SI est conduit, alors, à reconnaître les composants du "soi". Et, pour éviter les inconvénients d'une auto-réactivité, l'individu doit développer les mécanismes complexes de tolérance pour distinguer le "soi" du "non-soi". Cependant, tout mécanisme physiologique comporte un risque d'erreurs ; les mécanismes de reconnaissance du "soi" ne font pas exception à cette règle et l'on connait de nombreuses maladies ou les auto-Ac sont abondants et des LT auto-réactifs sont très nombreux. (Hachulla et Hatron, 2000).

1.2. Définition

En 1897, le microbiologiste allemand Paul Ehrlich découvrait l'une des caractéristiques fondamentales du SI : son pouvoir de discriminer le "soi" du "non-soi". Par l'expression horror autotoxicus, il était le premier à définir la capacité du SI de rejeter les substances étrangères tout en laissant intactes les structures de l'organisme. Ehrlich postulat alors que toute anomalie dans la reconnaissance du "soi" et du "non-soi" pouvait déclencher l'apparition d'une réaction immunitaire contre un ou plusieurs des constituants de l'organisme, entrainant son auto-destruction. Ehrlich venait de définir la pathologie auto-immune (Bernard et batteux, 2003).

Les réponses auto-immunes sont une conséquence naturelle des répertoires étendus des récepteurs des cellules B et T, ce qui leur permet de reconnaître n'importe quel pathogène. Bien que ces répertoires soient purgés de la plupart des récepteurs qui se lient avec une forte affinité aux Ag du "soi" rencontrés au cours de leur développement, ils contiennent toujours des récepteurs de faible affinité qui réagissent contre certains Ag du "soi". Les experts ne savent pas exactement ce qui déclenche l'auto-immunité pathologique, mais des facteurs environnementaux et génétiques, particulièrement le génotype du CMH, sont couramment mentionnés. C'est seulement lorsque les réponses auto-immunes sont prolongées et qu'elles causent des lésions tissulaires durables qu'elles attirent l'attention du corps médical (Janeway et Travers, 2003). Ainsi, une MAI est une lésion tissulaire ou l'altération d'une fonction physiologique causée par une réaction auto-immune. Il importe de faire cette distinction car des réactions auto-immunes peuvent survenir en absence de maladies ou en présence de maladies relevant d'autres mécanismes (comme l'infection). La preuve que l'auto-immunité cause une maladie particulière doit répondre à un certain nombre de critères, comme dans les postulats de Koch à propos de l'implication de micro-organismes dans des pathologies infectieuses (Tab.1.) (Chapel et al., 2004).

L'auto-immunité constitue une cause importante dans le large répertoire des pathologies. On a estimé qu'au moins 1 à 2% de personnes souffrent de MAI dans les pays développés, alors que la prévalence parait s'élever dernièrement. Toutefois, dans de nombreux cas, des maladies associées à des réponses immunitaires incontrôlées sont qualifiées d'auto-immunes sans que des réponses contre des Ag du "soi" aient été clairement démontrées (Chapel et al., 2004).

Tableau. 1. Critères qu'une réponse auto-immune particulière doit satisfaire pour être considérée responsable d'une maladie auto-immune (Chapel et al., 2004).

1.3. Types de réponses auto-immunes

Figure. 2. Les maladies auto-immunes non spécifiques d'organes peuvent atteindre à la fois la peau, les articulations, les reins et les muscles. Certaines d'entre elles ont cependant une affinité élective pour un organe particulier : les reins pour le LED, les articulations pour l'arthrite rhumatoïde (Roitt et al., 2002).

 LED : Lupus érythémateux disséminé

La réponse auto-immune pathologique (ou une MAI) se déclare lorsque l'organisme déclenche une réponse immunitaire adaptative délétère à l'encontre d'un des constituants du "soi". Les lésions tissulaires qui découlent de cette réponse immunitaire dépendent de la localisation de l'auto-Ag. Si celui-ci est confiné au sein d'un tissu ou d'un organe, les répercussions cliniques sont limitées à ce tissu et on parle de MAI spécifique d'organe où les cibles antigéniques peuvent être des molécules exprimées à la surface de cellules vivantes ou de molécules intracellulaires, en particulier des enzymes. Les raisons de cet aspect restreint à certains organes et cibles antigéniques restent inconnues. En revanche, si l'auto-Ag est largement distribué dans l'organisme, les lésions sont disséminées au sein de différents tissus et on parle de MAI non spécifique d'organe (ou systémique). Ces maladies, alors, touchent de multiples organes et sont en général associés à des réactions auto-immunes contre des molécules du "soi" distribuées largement dans tout l'organisme, et particulièrement contre des molécules intracellulaires impliquées dans la transcription et la traduction génétiques. Beaucoup de ces MAI sont multisystémiques et font partie des pathologies désignés par le terme « connectivités » ; même cette dénomination est trompeuse puisque le tissu conjonctif n'est ni anormal ni lésé (Weil et Batteux, 2003 ; Chapel et al., 2004).

Dans les maladies spécifiques d'organe, les organes cibles généralement atteints sont les glandes thyroïdes et surrénales, l'estomac et le pancréas. Les MAI non spécifiques d'organe dont font partie certains rhumatismes inflammatoires atteignent typiquement la peau, les reins, les articulations et les muscles (Roitt et al., 2002).

1.4. Causes de l'auto-immunité

L'approche fondamentale des mécanismes effecteurs de l'auto-immunité à été largement facilité par la mise au point de modèles expérimentaux ; néanmoins, si les mécanismes immunologiques mis en jeu au cours de l'auto-immunité sont aujourd'hui mieux connus, les causes du déclenchement de la réaction auto-immune demeurent en revanche énigmatiques (Bernard et batteux, 2003). Comme décrit précédemment, les principaux facteurs contribuant au développement de l'auto-immunité sont, d'une part, des gènes de susceptibilité et, d'autre part, des facteurs environnementaux déclenchant, comme les infections.

L'auto-immunité peut consister en la production d'Ac contre des Ag du "soi" ou l'activation de cellules T réactives envers des auto-Ag. Des gènes de susceptibilité peuvent interférer avec les voies de l'auto-tolérance et conduire à la persistance de LT et LB auto-réactifs. Des stimuli environnementaux et des lésions tissulaires peuvent aboutir à l'activation de ces lymphocytes autoréactifs. Néanmoins, malgré la connaissance croissante des anomalies immunologiques susceptibles d'entrainer une auto-immunité, les experts ne connaissent pas suffisamment l'étiologie des MAI humaines. Cette absence de compréhension est principalement due aux trois facteurs suivants : les MAI humaines sont généralement hétérogènes et multifactorielles ; les auto-Ag inducteurs et cibles des réactions auto-immunes sont souvent inconnues ; les maladies peuvent apparaître sur le plan clinique longtemps après que les réactions auto-immunes aient été induites ( Abbas et Lichtman, 2008).

En général, toutes les MAI impliquent une rupture de la tolérance immunologique. Comme la tolérance au "soi" est assurée de plusieurs façons différentes, elle peut donc être rompue par divers mécanismes où les facteurs génétiques et environnementaux contribuent à la perte de tolérance qui conduit aux MAI (Parham, 2003).

1.1.1. Facteurs génétiques

Chez l'Homme, toutes les MAI spécifiques, ou non, d'organe, ont une composante génétique. Et, la meilleure preuve de l'existence des gènes de prédisposition à l'auto-immunité est fournie par des études familiales, tout particulièrement sur les jumeaux. Une technique semi-quantitative pour mesurer qu'elle est la proportion de la prédisposition à une maladie particulière qui provient de facteurs génétiques consiste en la comparaison de l'incidence d'une maladie chez des jumeaux monozygotes et dizygotes. Si une maladie est commune à tous les jumeaux, la maladie peut être causée par des facteurs génétiques ou environnementaux. En revanche, si la maladie n'est commune qu'aux jumeaux monozygotes, il est alors probable que les facteurs génétiques sont plus importants que les facteurs environnementaux. Autrement dit, si un vrai jumeau développe une MAI, l'autre jumeau a beaucoup plus de risques de développer la même maladie qu'un membre non apparenté ( Janeway et Travers, 2003 ; Weill et Batteux, 2003).

Des études sur des jumeaux ont été entreprises concernant plusieurs maladies humaines dans lesquelles la part de l'auto-immunité est importante, dont le diabète insulinodépendant de type 1, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques et le LED. Dans chaque cas, environ 20% des paires de jumeaux monozygotes avaient une maladie commune, contre moins de 5% des jumeaux dizygotes. Une technique similaire consiste à comparer la fréquence d'une maladie telle que le diabète chez les frères et soeurs de patients souffrant de diabète avec la fréquence de cette maladie dans la population générale. Le rapport de ces deux fréquences donne une mesure du facteur héréditaire dans cette maladie, bien que des facteurs environnementaux communs dans les familles puissent également être, au moins en partie, responsables d'une fréquence accrue ( Janeway et Travers, 2003).

Des analyses d'association portant sur l'ensemble du génome ainsi que des études de croisements chez l'animal ont permis l'identification de certains des gènes qui peuvent contribuer à la genèse des différentes MAI. Il s'avère que la plupart des MAI sont polygéniques et sont associées à de multiples locus, les plus importants étant ceux du CMH ( Abbas et Lichtman, 2008).

De nombreuses MAI chez l'Homme et chez les animaux consanguins sont liées à des allèles particuliers du CMH. L'association entre des allèles HLA et les MAI chez l'Homme à été mise en évidence il y a de nombreuses années, et a constitué l'un des arguments principaux en faveur du rôle important joué par les LT dans ce type de maladies (dans la mesure où la fonction des molécules du CMH est de présenter les Ag peptidiques aux LT). L'incidence d'une MAI particulière est souvent supérieure chez les individus qui héritent d'un ou plusieurs allèles HLA particuliers que dans la population générale. Cette augmentation de l'incidence porte le nom de « risque relatif » de l'association HLA-maladie. Il est important de souligner qu'un allèle HLA n'est pas, par lui-même, la cause de cette maladie. En fait, la grande majorité des individus qui héritent d'un allèle HLA fréquemment associé à une pathologie ne la développent jamais. Des allèles particuliers du CMH peuvent contribuer au développement d'une auto-immunité car soit ils s'avèrent inefficaces dans la présentation des Ag du "soi", ce qui empêche la sélection négative des LT, soit les Ag peptidiques présentés par ces allèles du CMH ne parviennent pas à stimuler les LT rég ( Abbas et Lichtman, 2008).

Cependant, de nombreux gènes non-HLA sont également associés à des MAI. Les jumeaux monozygotes qui ont en commun l'ensemble de leurs gènes ont, en effet, beaucoup plus de risque de développer la même MAI que des jumeaux dizygotes qui partagent le même génotype HLA. Ceci démontre que d'autres facteurs génétiques peuvent intervenir dans la prédisposition à la maladie (Weill et Batteux, 2003).

Par ailleurs, les gènes du complément peuvent également être impliqués. En effet, des déficits homozygotes de certaines protéines du complément (c1q, , C4) sont fortement associés au développement du LED. Le mécanisme de cette association est inconnu mais l'altération de la voie classique d'activation du complément limite les possibilités d'élimination des complexes immuns (Weill et Batteux, 2003).

De la même manière, des variantes alléliques des gènes codant le récepteur des fragments Fc des immunoglobulines n'ayant pas les mêmes propriétés opsonisante, peuvent influer sur l'élimination des complexes immuns (Weill et Batteux, 2003).

Chez l'Homme et chez la souris, des mutations de gènes codant pour des protéines impliquées dans la régulation de l'apoptose lymphocytaire comme Fas ou Fas Ligand sont fortement associées à certaines formes de maladie lupique, ce qui montre que les gènes des récepteurs de la mort cellulaire peuvent être impliqués (Weill et Batteux, 2003).

Il semble que certaines variantes alléliques de gènes codant pour des cytokines pro-inflammatoires comme l'IL-6 et le TNF-alpha, puissent augmenter la prédisposition à certaines MAI en modifiant le niveau d'expression de ces molécules (Weill et Batteux, 2003).

1.1.2. Facteurs environnementaux

La présence d'allèles à haut risque peut être nécessaire pour l'apparition de certains MAI chez un individu, mais ce n'est pas le seul facteur causal. Des recherches sur des jumeaux identiques montrent que, si un des jumeau est atteint d'une MAI, la probabilité pour que la maladie apparaisse chez l'autre est comprise entre 25 et 75%, et non de 100% comme ce serait le cas si l'hérédité était le seul facteur en cause. Ce type de recherche prouve que les facteurs de l'environnement jouent également un rôle. Les plus susceptibles de déclencher l'auto-immunité comprennent des hormones, des infections, des médicaments et divers autres agents comme les rayons ultraviolets ( Karp, 2010 ; Chapel et al., 2004).

Une des observations épidémiologiques les plus remarquables à propos des MAI est le fait que les femmes courent un risque beaucoup plus grand que les hommes de développer une affection auto-immune. Il s'agit manifestement d'une prédisposition génétique, mais cette prévalence accrue chez les femmes dépend aussi fortement des hormones. Comme leur activité peut être modulée facilement de l'extérieure, l'étude de leur influence peut avoir sa place parmi celles des autres facteurs (Chapel et al., 2004).

La plupart des MAI débutent pendant les années d'aptitude à la reproduction. De nombreuses observations expérimentales et quelques études cliniques impliquent les oestrogènes dans le déclenchement de ces pathologies. L'ovariectomie prévient l'auto-immunité spontanée chez des modèles animaux, en particulier les modèles de LED ; et l'administration d'oestrogènes favorise l'apparition de la maladie. Le mécanisme d'action des oestrogènes n'est pas connu, mais les observations dont les experts disposent suggèrent qu'ils sont capables de stimuler certains types de réponses immunitaires (Chapel et al., 2004).

La prolactine, une hormone hypophysaire, stimule également les mécanismes immunitaires, en particulier la fonction des LT. Le taux de prolactine s'élève immédiatement après la grossesse ce qui pourrait expliquer la tendance de certaines MAI, en particulier l'arthrite rhumatoïde, à se développer à ce moment (Chapel et al., 2004).

En ce qui concerne l'infection, l'importance des agents pathogènes dans l'apparition des MAI a été démontrée d'abord lors de recherches sur le rhumatisme articulaire aigu, qui apparait chez les enfants quelques semaines après une infection de la gorge (angine) par des Streptocoques. Le rhumatisme articulaire se manifeste quand le tissu cardiaque est attaqué par les Ac produits en réponse aux Streptocoques. Ce tissu devient la cible de ces Ac à la suite d'un phénomène de « mimétisme moléculaire ». Dans ce cas, une des composantes de la paroi cellulaire de la bactérie est semblable à une glycoprotéine de la surface des cellules qui tapissent les valves cardiaques. Il en résulte que les Ac produits en réponse à l'infection bactérienne peuvent réagir avec le tissu cardiaque ( Karp, 2010).

En fait, des similarités de structures entre des protéines provenant de micro-organismes et celles du "soi" peuvent également être à l'origine d'une réaction auto-immune. Un peptide du "soi", présent en faible concentration et dépourvu d'accès à des cellules présentatrices d'Ag peut être l'objet d'une réaction croisée avec un peptide microbien de structure similaire. Lors d'une infection systémique, ces réactions croisées vont provoquer l'expansion de populations de LT spécifiques qui peuvent alors reconnaître le peptide du "soi" si la situation locale (comme une lésion tissulaire) permet la présentation de ce peptide et l'accès des LT aux tissus (Chapel et al., 2004).

La relation entre infection et auto-immunité est la plus évidente dans le cas de mimétisme moléculaire, mais d'autres liens existent sans doute. L'infection de l'organe cible peut jouer un rôle clé dans l'augmentation de l'expression de molécules de costimulation et aussi dans les modifications de la dégradation et de la présentation des Ag déclenchant ainsi des réactions auto-immunes en absence de mimétisme (Chapel et al., 2004).

Aussi, de très nombreux médicaments peuvent induire des MAI. Les médicaments agissent souvent comme des haptènes et deviennent immunogéniques après liaison avec une protéine porteuse. C'est le cas, notamment, des thrombopénies (par exemple, cas de la thrombopénie induite par la quinine) et des anémies hémolytiques auto-immunes (Weill et Batteux, 2003). Certains médicaments peuvent aussi favoriser la survenue de MAI telles des anémies hémolytiques en inhibant les fonctions des cellules régulatrices (alpha-méthyle-DOPA) (Weill et Batteux, 2003).

Divers autres facteurs sont suspectés de pouvoir déclencher une MAI, mais leur importance reste inconnue, en particulier le stress psychologique et la nutrition (Chapel et al., 2004).

1.2. Mécanismes d'attaque 

Il est clair maintenant qu'une MAI survient lorsqu'une réponse immunitaire adaptative spécifique se développe contre les Ag du "soi". La conséquence normale d'une réponse immunitaire adaptative contre un Ag étranger est l'élimination de l'Ag de l'organisme. Les cellules infectées par un virus, par exemple, sont détruites par les cellules T cytotoxiques (Tc), tandis que les Ag solubles sont éliminées par la formation de complexe Ag-Ac, qui sont pris en charge par des cellules du système des phagocytes mononucléaires comme les macrophages. Cependant, lorsqu'une réponse immunitaire adaptative se développe contre les Ag du "soi", il est généralement impossible pour les mécanismes effecteurs de l'immunité d'éliminer complètement l'Ag, et c'est ainsi qu'une réponse prolongée apparaît, en plus d'un apport constant de nouveaux auto-Ag, ce qui amplifie la réponse. Mais, il existe une exception à cette règle, le diabète insulinodépendant de type I, pour lequel la réponse auto-immune détruit complètement l'organe cible ce qui aboutit à l'incapacité de produire l'insuline. Le manque d'insuline est à son tour responsable du phénotype du diabète. La conséquence en est l'induction par les voies effectrices de l'immunité de lésions tissulaires inflammatoires chroniques qui peuvent s'avérer mortelles. Les mécanismes de lésion tissulaire dans les MAI sont par essence les mêmes que ceux opérant dans l'immunité protectrice (Janeway et Travers, 2003).

Les lésions tissulaires peuvent être liées aux actions effectrices des cellules B et T. L'Ag, ou le groupe d'Ag, contre lequel la réponse auto-immune est dirigée et le mécanisme par lequel le tissu qui porte l'Ag est endommagé, détermine à la fois la pathogénie et l'expression clinique de la maladie (Janeway et Travers, 2003).

Dans une réaction protectrice, les réponses immunitaires adaptatives commencent par l'activation de cellules T spécifiques de l'Ag. Il semble que l'auto-immunité soit amorcée de la même façon. Les réponses des cellules T envers les Ag du "soi" sont responsables d'atteintes tissulaires directes ou indirectes. Les réponses des cellules Tc et l'activation inopportune des macrophages par les cellules TH1 peuvent provoquer d'importantes lésions tissulaires, tandis qu'une stimulation inappropriée des cellules B auto-réactives par des cellules T peut mener à la production d'auto-Ac nocifs. Ainsi, les lésions tissulaires auto-immunes peuvent être causées par des Ac (hypersensibilité de types II et III), par des macrophages activés par les LT CD4+ ou par des LT cytotoxiques (hypersensibilité de type IV). L'un ou l'autre des mécanismes prédomine dans la plupart des MAI, mais les lésions causées par les Ac et par l'immunité cellulaire se superposent souvent : cas des maladies à complexe immuns (hypersensibilité de type III) ( Janeway et Travers, 2003 ; Chapel et al., 2004).

Les MAI peuvent être regroupées selon le type de réponse immunitaire et le mécanisme qui provoque les lésions tissulaires (Tab.2.). Les mécanismes immuno-pathologiques sont provoqués par des réactions d'hypersensibilité. Plusieurs mécanismes interviennent en parallèle dans beaucoup de MAI, comme l'illustre bien l'arthrite rhumatoïde, par exemple, dont la pathogénie relève de plus d'une catégorie de mécanismes immuno-pathologiques ( Janeway et Travers, 2003).

Les auto-Ac peuvent également être pathogènes en se liant à des sites fonctionnels d'Ag du "soi", comme des récepteurs hormonaux, des récepteurs de neurotransmetteurs et des protéines plasmatiques. Ces auto-Ac imitent ou bloquent l'action du ligand endogène de la protéine du "soi", et ainsi causent des anomalies de fonction sans nécessairement entrainer une inflammation ou des lésions tissulaires, comme ce qui ce passe, particulièrement, dans le système endocrinien (Chapel et al., 2004). En général, il est admis que les lésions tissulaires auto-immunes ne peuvent être causées par des auto-Ac que lorsque ceux-ci reconnaissent un Ag qui est libre dans le liquide extracellulaire ou exprimé à la surface de cellules. Cependant, il a été constaté, qu'in vitro, certains Ac dirigés contre des Ag intracellulaires étaient capables de pénétrer dans des cellules vivantes et de perturber leur fonction. L'importance de ce mécanisme pathogénique dans les MAI demeure, toutefois, inconnue (Chapel et Al,. 2004).

Tableau. 2. Maladie auto-immune classée par type de mécanisme de lesion tissulaire ( Janeway et Travers, 2003 ; Parham, 2003).

Certaines maladies auto-immunes classées suivants leurs mécanismes immunopathogéniques

Maladie auto-immune

Autoantigène

conséquence

Anticorps dirigés contre des antigènes de la surface cellulaire ou de la matrice extracellulaire (Type II)

Antigène des groupes sanguins Rh, antigène I

Destruction des globules rouges par le complément et les phagocytes FcR+, anémie

 
 
 

Intégrine GpIIb : IIIa des plaquettes

Saignements anormaux

 
 
 

Domaine non-collagènes du collagène de type 4 des membranes basales

Glomérulonéphrites, hémorragie pulmonaire

 
 
 

Cadhérine épidermique

Vésicules cutanées (lésions bulleuses de la peau) 

 
 
 

Récepteur de l'acétylcholine

Faiblesse progressive

 
 
 

Antigènes de la paroi des streptocoques Les anticorps réagissent avec le muscle cardiaque

Arthrite, myocardite, cicatrices persistantes des valvules cardiaques

 
 
 

maladie induite par des complexes immuns (Type III)

Complexes de facteurs rhumatoïdes IgG (avec ou sans antigènes de l'éhpatite C)

Vasculite systémique

 
 
 

ADN, histones, ribosomes, SnRNP, ScRNP

Glomérulonéphrite, vasculite, arthrite

 
 
 

Complexes de facteurs rhumatoïdes IgG

Arthrite

 
 
 

maladie induite par les cellules T (Type IV)

Antigène de la cellule â du pancréas

Destruction des cellules â

 
 
 

Antigène inconnu de la synovie des articulations

Inflammation et destruction des articulations

 
 
 

Protéine basique de la myéline protéolipide, glycoprotéine des oligodendrocytes

Invasion du cerveau par des cellules T CD4+, faiblesse

 
 
 

SnRNP : petites ribonucléoprotéines nucléaires ; ScRNP : petites ribonucléoprotéines cytoplasmiques ; GpIIb/IIIa : inhibiteurs de la glycoproteine membranaire iib-iiia ; Rh : Rhisus

Des auto-Ac peuvent également être pathogènes en se liant à des sites fonctionnels d'Ag du "soi". Le R-TSH, situé à la surface des cellules de la glande thyroïde, constitue un bon exemple où les TRAK perturbent le déroulement normal de la thyroïde en imitant l'action du ligand endogène de ce récepteur. Chez la plupart des personnes présentant les symptômes de la maladie de Basedow, le sérum présente une quantité élevée de ces types d'auto-Ac ce qui suggère que ce phénomène est à la base de la maladie de Basedow.

2. La glande thyroïdienne

2.1. Anatomie

La thyroïde est une petite glande endocrine, agissant sur le métabolisme de la plupart des cellules de l'organisme, qui pourrait passer inaperçue si elle ne jouait un rôle central dans notre équilibre physique, mental et émotionnel. Mais ses faibles dimensions (4 cm de hauteur et 2 cm de largeur, pour un volume de 10 à 15 cm3 et un poids d'environ 20 à 30 g) font d'elle un élément discret de notre dispositif métabolique (Wémeau, 2011 ; Nys, 2012).

Son nom est issu du terme grec thuroeidês qui signifie « bouclier ». Ses découvreurs l'ont ainsi nommée car elle leur apparaissait comme un bouclier protecteur. De fait, elle est située à la base du cou, juste sous la peau, en avant de deux conduits essentiels : la trachée (en regard du troisième cartilage trachéal) à laquelle elle est rattachée par le ligament de Grüber qui conduit l'air jusque dans les poumons, et l'oesophage par lequel transitent les aliments entre la cavité buccale et l'estomac (Wémeau, 2011 ; Nys, 2012).

Elle est de consistance souple et élastique, et de couleur rougeâtre. Sa forme ressemble vaguement à celle d'un papillon déployant ses ailes ou d'un H. Elle est constituée de deux lobes étalés, reliés par un corps central, l'isthme thyroïdien. Celui-ci est surmonté d'une partie plus charnue, la pyramide de Lalouette. La thyroïde est accrochée à un cartilage, invisible chez la femme mais souvent perceptible chez l'homme : la pomme d'Adam qui monte et descend lorsqu'on avale. Sur sa partie arrière sont insérées quatre petites glandes dites parathyroïdes, de forme ovoïde et d'environ 8 mm de grand axe, qui participent à la régulation du taux de calcium sanguin. Cette face est également parcourue par une série de nerfs (les nerfs récurrents) qui assurent la mobilité des cordes vocales (Wémeau, 2011 ; Nys, 2012).

Figure. 3. La forme et l'emplacement de la thyroïde (Nys, 2012).

2.2. Histologie

La thyroïde comprend deux sortes de cellules indépendantes les unes des autres (Renate, 2011) : Les thyrocytes T d'origine endodermique et les thyrocytes C provenant de la crête neurale (Fig.4.) . Les cellules folliculaires, en premier lieu, ou thyrocytes T, sont des cellules polarisées reposant sur une lame basale et s'assemblant en une assise unistratifiée réalisant une formation sphérique : le follicule (ou vésicule) de diamètre compris entre 50 et 900 ìm (Wémeau, 2011 ; Nys, 2012).

La thyroïde est entourée d'une capsule fibreuse comportant deux feuillets. On trouve entre ceux-ci les ramifications des vaisseaux irriguant la thyroïde et les parathyroïdes. Le feuillet interne émet vers l'intérieur de la thyroïde des septa qui la divisent en lobules. Chaque lobule contient de nombreux follicules bordés par un épithélium simple et remplis d'une masse homogène non structurée, la colloïde, substance amorphe et jaunâtre, lieu de stockage et de synthèse des HT. La colloïde forme après fixation un matériel coriace et difficile à sectionner (souvent déformé dans les coupes en paraffine par des trous et des artéfacts de toutes sortes) (Wémeau, 2011 ; Nys, 2012).

Les cellules folliculaires représentent 99% du contingent cellulaire thyroïdien, elles assurent la production des HT et de la Tg. Le pôle apical des thyrocytes projette des microvillosités dans la lumière du follicule qui contient la colloïde où sont stockées et synthétisées les hormones thyroidiennes qui peuvent ensuite être déversées dans la circulation sanguine via le pôle basolatéral, lui-même en contact avec les capillaires. Les faces latérales des cellules folliculaires adjacentes sont réunies entre elles par des complexes de jonction, et l'interstice entre les follicules contient une membrane basale et un réseau serré de capillaires à endothélium fenêtré (Wémeau, 2011).

L'aspect des thyrocytes T ainsi que la taille des follicules et la hauteur de leur épithélium varient selon leur état d'activité. Au repos, les cellules sont aplaties avec une colloïde abondante devenant très acidophile. A l'inverse, en cas d'hyperactivité, les cellules prennent une forme cylindrique, les organites de synthèse protéique sont plus nombreux tandis que la substance colloïde se raréfie et se colore mois vivement.

Les cellules parafolliculaires, ou cellule C, représentent l'autre type de cellules de la thyroïde, elles produisent la calcitonine et représentent moins de 1% du parenchyme thyroidien. Elles sont en contact avec la lame basale du follicule, d'où leur appellation de cellules parafolliculaires. Elles sont reconnaissables en microscopie électronique par leurs grains de sécrétion contenant la calcitonine libérée par exocytose (Wémeau, 2011).

Figure. 4. Coupes histologiques de la glande thyroïde en MO, (Renate, 2008).

Cap capillaire ; F follicule ; ThC thyrocytes C ; ThT thyrocytes T

a faible grossissement (thyroide humaine, hématoxyline-éosine, x 75) : les follicules thyroïdiens sont bien visibles. (Organisation folliculaire du parenchyme thyroïdien)

b Fort grossissement (rat, coupe semifine, bleu de toluidine, x 800).

2.3. Mode de fonctionnement et hormones thyroïdiennes

Comme toutes les glandes endocrines, la thyroïde sécrète des hormones qui sont déversées dans le sang. Celles-ci jouent un rôle central car elles contrôlent et régulent l'ensemble du métabolisme. Les hormones sont, en fait, des messagers chimiques, produits en très petite quantité par des cellules spécifiques concentrées dans les glandes (les thyrocytes T dans la glande thyroïde). Chaque hormone délivre son message à un type de tissu particulier possédant des récepteurs capables de le recevoir et de le déchiffrer. A la manière d'une clé s'insérant dans une serrure, l'hormone « ouvre » alors la porte de la cellule et y déclenche une série de réactions. Chaque hormone possède ainsi ses cellules-cibles. Celles des HT sont très nombreuses et concernent un grand nombre de tissus (Nys, 2012).

La thyroïde fabrique ses hormones à partir d'une substance majeure, l'iode, qui nous est apportée par l'alimentation. Cette glande renferme d'ailleurs une bonne partie de nos réserves en iode (environ 20%). Elle produit deux types d'hormones : Les T4 qui représentent 80% de la production thyroïdienne, et les T3 qui constituent les 20% restants.

2.3.1. Structure des hormones thyroïdiennes

Les HT T3 et T4 contiennent, respectivement, 3 et 4 atomes d'iode, sont fabriquées par les cellules folliculaires, et possèdent une structure organique commune : la thyronine, dérivant de l'acide aminé tyrosine et comprenant deux cycles phénols réunis par un pont diphényl-éther. Ils ne diffèrent que par le nombre et la position des atomes d'iode qu'elles portent (Wémeau, 2011).

Figure. 5. Structures des hormones thyroïdiennes, (Wémeau, 2011).

2.3.2. Mode de fonctionnement des follicules et synthèses des hormones thyroïdiennes

Les cellules folliculaires sont intimement liées et doivent donc être traitées ensemble (Fig. 6.). Les thyrocytes T ne fabriquent, cependant, pas directement les deux hormones mais bien une glycoprotéine, la thyroglobuline (Tg), dans laquelle les précurseurs hormonaux font partie intégrante de la chaine peptidique sans pourtant avoir déjà fixé l'iode. La Tg est expulsée par exocytose vers la lumière du follicule où elle s'accumule. L'ensemble de ces processus de synthèse et de transport est lié à la présence d'un réticulum endoplasmique granuleux bien développé, d'appareils golgiens, de nombreuses petites vésicules dans le cytoplasme apical et de jonctions serrées entre les thyrocytes T (verouillage de la lumière du follicule à l'encontre de l'interstitium) (Renate, 2008).

Les thyrocytes T de l'épithélium folliculaire se caractérisent par leur capacité à accumuler l'iodure dans leur cytoplasme au moyen d'un transporteur à symport (ou symporteur) Na+ /I- (NIS) (Fig.6.). La concentration en iodure libre est jusqu'à 40 fois plus élevée que celle du plasma. La captation de l'iodure est indirectement réalisée par la Na+/K+-ATPase. L'iodure est transféré dans la lumière du follicule grâce à la présence dans le plasmalemme apical d'un transporteur anionique, la pendrine. Il y est oxydé (éventuellement sous forme de radicaux I0 d'iode ou d'ions iodonium I*) pour permettre l'ioduration des résidus tyrosyle de la Tg. La T3 et la T4 résultent du couplage de résidus tyrosyle de la Tg. Toutes les étapes de la transformation (oxydation, ioduration et couplage) sont catalysées par une enzyme membranaire du plasmalemme basal, la thyroperoxydase (TPO), dont les nombreuses microvillosités augmentent la surface (Renate, 2008).

La sécrétion des hormones dans le sang passe par les stades suivants : endocytose de colloïde par les thyrocytes T (contenant de ce fait des vésicules d'endocytose et de « gouttelettes » de colloïde plus grandes dans leur cytoplasme apical), fusion des vésicules avec des lysosomes, dégagement des hormones T3 et T4 par découpage protéolytique de la Tg. Et, enfin, sortie des hormones de la cellule (Renate, 2008).

Figure. 6. Thyrocytes T dans l'épithélium des follicules thyroidiens, (Renate, 2008).

a Ultrastructure (rat, x 6 000).

b Schéma simplifié du fonctionnement.

Coll colloïde ; Go appareil golgien ; Lys lysosomes ; mv microvillosités ; NIS symporteur Na+/I- ; Reg réticulum endoplasmique granuleux ; TG thyroglobuline ; tj jonction serrée ; TPO thyropyroxydase ; TSH-R récepteur à la TSH

A gauche, formation des hormones : le précurseur protéique (thyroglobuline) est synthétisé dans le Reg, emballé dans des vésicules golgiennes et transféré dans la lumière du follicule par exocytose ; les ions d'iodure I- sont captés par un symporteur Na+/I- et transportés dans la lumière par un transporteur anionique (pendrine) ; TPO du plasmalemme apical catalyse l'oxydation de l'iodure, de même que l'ioduration et le couplage des résidus tyrosyle.

A droite, sécrétion des hormones : endocytose de la thyroglobuline iodurée, fusion des vésicules d'endocytose avec des lysosomes et dégagement protéolytiques des hormones T3 et T4 qui traversent passivement le plasmalemme basal.

2.3.3. Régulation de la fonction thyroïdienne

Les HT ne sont pas fabriquées à la demande. Elles sont régulièrement synthétisées par la glande qui les stock dans sa partie centrale (la colloïde). Elle les libère ensuite en fonction des besoins, sur ordre de deux autres glandes qui supervisent tout le système : l'hypophyse et l'hypothalamus (Fig.7.). La première sécrète la TSH (thyréostimuline), le second produit la TRH (Thyroid releasing hormon) (Renate, 2008).

La TSH, hormone thyréostimuline antéhypophysaire, est une glycoprotéine de 211 acides aminés sécrétée de manière pulsatile par l'hypophyse. Elle comporte deux sous-unité á et â, la sous unité á étant identique à celles des FSH, LH et HCG (hormones de stimulation folliculaire, lutéinisante et chorionique gonadotrophique, respectivement). La sécrétion de TSH est stimulée par la TRH hypothalamique. La TSH exerce son action via un récepteur couplé aux protéines G et favorise la sécrétion des HT en stimulant les différentes étapes de la biosynthèse hormonale : synthèse de la Tg, synthèse des iodothyronines, endocytose et hydrolyse de la Tg, sécrétion des HT. Elle possède aussi un rôle trophique en stimulant la prolifération des thyrocytes et leur organisation en follicules (Wémeau, 2011).

Figure.7. L'axehypothalamo-hypophyso-thyroïdien et représentation du rétrocontrôle négatif exercé sur la production et la sécrétion de TSH par T3 (et T4 converti en T3 dans la cellule thyréotrope) (Hennen, 2001)

Les HT exercent un rétrocontrôle négatif sur leur propre production en inhibant la sécrétion de TRH et de TSH ainsi que les cellules folliculaire elles-mêmes. Sur le plan hypothalamo-hypophysaire, le mécanisme implique TRbeta2 (thyroid hormone receptor beta2) spécifiquement exprimé au niveau cérébral ; en l'absence de T3, celui-ci agit comme activateur de l'expression de la TSH en facilitant l'accès des facteurs de transcription à l'ADN. La liaison de la T3 au TRbeta2 génère une compaction de la chromatine qui entrave la transcription (Wémeau, 2011). Ainsi, lorsque la thyroïde ne sécrète pas assez d'hormones, la production de TSH et de TRH augmente, comme si ces deux superviseurs multipliaient les messages en direction de l'organe déficient pour stimuler son fonctionnement ; à l'inverse, lorsque la glande thyroïde s'active de trop, l'hypothalamus et l'hypophyse diminuent leur production de TSH et de TRH (Nys, 2012).

2.4. Rôles physiologiques

La thyroïde n'est donc ni un bouclier anatomique, ni un fragile papillon. C'est une glande endocrine essentielle à notre équilibre et à notre santé (Nys, 2012). La T3 et la T4 agissent sur de nombreuses cellules du corps où elles influencent le métabolisme de diverses manières, notamment en augmentant la consommation d'O2 et la production de chaleur (Renate, 2008). Une grande partie des T3 et des T4 libérées circulent dans le sang en s'accrochant à des protéines de transport, ce qui les rend inactives. Le reste constitue des « hormones libres », directement utilisables par les cellules. En effet, la T4 constitue environ 90% des hormones sécrétées par la thyroïde, or son activité biologique est environ quatre fois moindre que celle de la T3. Plus précisément, c'est la T3 qui agit au niveau des récepteurs cellulaires. La T4 libre doit donc être transformée en T3 libre pour que le message hormonal soit délivré aux cellules. De ce fait, l'essentiel de la T4 sécrétée est convertie en T3, c'est-à-dire activée par soustraction d'un atome d'iode. Cette amputation se fait naturellement en dehors de la glande thyroïde, au niveau des organes périphériques surtout dans le foie et les reins (Nys, 2012 ; Sherwood et Molotchnikoff, 2006).

Presque chaque tissu de l'organisme est influencé directement ou indirectement par les HT, elles sont le principal facteur déterminant le métabolisme de base et ont aussi d'autres effets, notamment sur la production de chaleur, l'activité du coeur, la croissance, le système nerveux, etc.

Les HT augmentent le métabolisme de base qui est le régime de croisière du métabolisme. C'est le principal facteur déterminant la consommation d'O2 et la dépense d'énergie au repos. En plus, l'effet calorigénique (producteur de chaleur) est étroitement lié à l'effet des HT sur le métabolisme car l'augmentation de celles-ci va de paire avec celle de la production de chaleur.

Les HT ont également un effet sympathomimétique. Elles ont, en effet, des actions semblables à celles causées par le système nerveux sympathique en augmentant la réponse des cellules cibles aux catécholamines, noradrénaline des neurones postganglionnaires du système nerveux sympathique et adrénaline produite par la médullosurrénale. Les HT exercent cet effet par le biais de l'augmentation du nombre de récepteurs spécifiques des catécholamines des cellules cibles. D'ailleurs, beaucoup des symptômes liés à la sécrétion excessive d'HT sont semblables à ceux qui accompagnent l'activation du système sympathique (Sherwood, Molotchnikoff, 2006).

Les HT renforce l'effet des catécholamines aussi sur le coeur ; elles l'accélèrent et stimulent sa force de contraction d'où l'augmentation du débit cardiaque (Sherwood et Molotchnikoff, 2006).

Les HT sont indispensables à la croissance normale en raison de leur effet sur l'hormone de croissance, la somatotrope (STH), non seulement en stimulant la sécrétion de STH, mais en favorisant aussi l'action de celle-ci (ou des somatomédines) sur la croissance du squelette et la synthèse de protéines. La croissance est arrêtée chez les enfants souffrant d'insuffisance thyroïdienne ; un effet réversible par l'administration d'HT de remplacement est observable. A la différence de la STH, les HT ne causent pas une croissance excessive (Sherwood et Molotchnikoff, 2006). En plus, le développement normal du système nerveux est fortement perturbé si l'insuffisance thyroïdienne existe dès la naissance : Les HT ont un rôle crucial dans le développement normal du système nerveux, surtout, central. Elles sont aussi importantes pour son fonctionnement normal chez l'adulte (Sherwood et Molotchnikoff, 2006).

Tout dérèglement au niveau de la régulation de la fonction thyroïdienne peut déséquilibrer les processus physiologiques habituels du corps. Lorsque les HT sont produites en quantité insuffisante, l'organisme fonctionne au ralenti, le rythme cardiaque diminue, la température corporelle s'abaisse, les dépenses énergétiques s'amenuisent, les pensées s'enlisent, le moral est en berne, etc (Nys, 2012).

A l'inverse, trop d'HT et nos fonctions s'emballent : le coeur bat plus vite ; les dépenses énergétiques s'envolent provoquant un amaigrissement excessif ; la température corporelle augmente ; la nervosité s'installe, etc. La thyroïde dans cette situation est dite en état d'hyperthyroïdie dont la cause la plus fréquente est la maladie de Basedow (ou maladie de Basedow-Graves), causée par un détournement de cellules immunitaires vis-à-vis des constituants des cellules folliculaires de la thyroïde.

3. La maladie de Basedow

3.1. Généralité

La maladie de Basedow, encore appelée maladie de Graves dans la littérature anglo-saxonne, est la cause la plus fréquente des hyperthyroïdies (plus de 85% des cas) dues à une production et une libération excessive, et en permanence, d'HT. Un terme similaire, thyréotoxicose, fait référence aux phénomènes biochimiques et physiologiques qui surviennent quand les tissus reçoivent une quantité excessive d'HT (Stanley et Beare, 2005). La maladie de Basedow est une MAI dans laquelle des auto-Ac sont produits par des plasmocytes dérivés de LB sensibilisés contre les R-TSH présents au niveau de la face basale des cellules folliculaires thyroïdiennes (Kierszenbaum, 2006).

Normalement, les HT sont synthétisées en permanence dans les thyrocytes, stockées dans la colloïde et ne sont libérées que si la TSH est fixée sur son récepteur. Et, cela se fait en réponse aux besoins de l'organisme. Dans la maladie de Basedow, les auto-Ac se fixent sur ces récepteurs et reproduisent l'effet de la TSH, stimulant la production d'AMPc. Ainsi, les cellules folliculaires thyroïdiennes deviennent cylindriques et sécrètent, de manière incontrôlée, de grandes quantités d'HT dans la circulation sanguine (Kierszenbaum, 2006).

Comme les MAI sont des maladies multifactorielles dont la plupart se développent lors de l'association d'un terrain génétique favorable et de stimulations environnementales, les attaques auto-immunes thyroïdiennes ne font pas exception à cette situation. Dans la maladie de Basedow, les deux facteurs prédisposant majeurs influençant la survenue de la maladie sont le sexe et l'hérédité, en plus de certains facteurs déclenchant comme le stress brutal et une forte tension mentale qui stimule de façon brusque et prolongée le SI. Les femmes ont 3 à 10 fois plus de risque d'être atteintes que les hommes. La maladie peut survenir à n'importe quel âge, mais son incidence maximale se situe entre 20 et 40 ans (Stanley et Beare, 2005 ; Barbara, 2010 ; Henry et Thomson, 2004 ; Revue dans Vigreux, 2009).

Les scientifiques pensent que la maladie est une anomalie héréditaire du SI. Environ 15% des patients atteints de la maladie de basedow ont un membre proche de leur famille souffrant de la même maladie, suggérant une composante génétique non négligeable dans l'origine de cette pathologie auto-immune (Stanley et Beare, 2005 ; Gurnell, 2009).

Comme dans le décours de beaucoup d'autres MAI, celui de la maladie de Basedow présente habituellement des périodes d'exacerbation et de rémission. Le sérum de beaucoup de patients atteints de cette maladie contient un stimulateur à longue durée de la thyroïde qui stimule la fonction thyroïdienne (Stanley et Beare, 2005). L'étude du rôle de l'auto-immunité dans la maladie de Basedow-Graves est limitée par l'absence de modèle expérimental bien défini. La première indication d'une origine immunologique de l'hyperthyroïdie a été fournie par l'étude du facteur de stimulation de la thyroïde à longue durée d'action ou LATS (long acting thyroid stimulator). Le sérum de malades atteints d'hyperplasie diffuse de la thyroïde est capable de stimuler de façon prolongée les thyroïdes de cobayes ou de souris comme le montre la mesure de l'augmentation de la captation d'iode radioactif. Au contraire, la TSH ne provoque qu'une brève augmentation de l'incorporation d'iode radioactif (Fudenberg et al., 1986).

En utilisant des techniques classiques de fractionnement, le LATS a été isolé du sérum humain dans la fraction des ã-globulines. Il est également précipitable par un anti-IgG. Après clivage de ces IgG par la papaïne, l'activité LATS est retrouvée dans le fragment Fab. De plus, les antisérums anti-IgG humaines sont capables d'inhiber l'activité biologique du LATS. Des extraits bruts de thyroïde humaine possèdent également cette activité inhibitrice ou neutralisante de l'activité LATS. La présence de la substance active a pu être détectée à la surface des cellules, sur la membrane plasmique. Elle est détruite par traitement par des enzymes protéolytiques. La thyroglobuline humaine purifiée ne neutralise pas le LATS (Fudenberg et al., 1986).

Bien que le LATS semble réagir spécifiquement avec la surface des cellules thyroïdiennes, et peut être avec le récepteur de la TSH, la pathogénie auto-immune de la maladie de Basedow-Graves ne peut pas être affirmée sur la seule existence de cet Ac. En fait, le LATS n'est trouvé que chez environ 50% des malades atteints de la maladie de Basedow-Graves en évolution, et sa présence n'est que mal corrélée avec la fonction thyroïdienne (hyperfonctionnement thyroïdien non inhibé par rétroaction) (Fudenberg et al., 1986). On a ultérieurement observé que des IgG de malades dépourvus d'activité LATS démontrables stimulent la glande thyroïde humain in vitro et protègent le LATS de l'inhibition provoquée par des extraits thyroïdiens humains (et non murin). Pour cette raison, ces immunoglobulines non LATS stimulant la thyroïde ont été appelées « facteurs protecteurs du LATS » (Fudenberg et al., 1986). Lorsque des méthodes sensibles sont utilisées, la grande majorité des sérums de malades porteurs d'une maladie de Basedow-Graves évolutive possèdent une activité stimulante de la thyroïde humaine. On a démontré que les Ac responsables de cette stimulation sont capables de déplacer la TSH de son récepteur membranaire à la surface des cellules thyroïdiennes et d'imiter l'activité de l'hormone en activant l'adényl-cyclase (Fudenberg et al., 1986). Dans l'hyperthyroïdie de Basedow-Graves, les immunoglobulines pathologiques (LATS et facteurs protecteurs du LATS) sont donc des Ac anti-récepteurs qui possèdent la fonction de l'hormone qu'ils déplacent (TSH). Actuellement, le terme général d'Ac stimulant la thyroïde (TSab) s'applique à la fois au LATS et aux facteurs protecteurs du LATS.

D'un point de vue anatomopathologique, l'étude des pièces de thyroïdectomie de cette maladie révèle une hyperplasie de l'épithélium thyroïdien, avec de nets signes de prolifération des thyrocytes. Les cellules folliculaires sont hautes, et la lumière des follicules est petite, avec une colloïde rare, témoignant de l'hyperactivité (Fig.8.). Des structures pseudopapillaires peuvent être observées, se projetant dans la lumière folliculaire. On trouve entre les follicules des lymphocytes T et B. Il existe une vasodilatation. La glande est hyperémiée (Gorochov et Papo, 2000).

En immunohistochimie, on a pu montrer que les LT comprenaient aussi bien des lymphocytes helper (majoritaires que des lymphocytes suppresseurs cytotoxiques) que des lymphocytes suppresseurs cytotoxiques. Il a pu être montré également une expression anormale par les cellules thyroïdiennes des Ag de classe II du CMH (Gorochov et Papo, 2000). Cette expression est considérée comme un élément primordial du déclenchement de l'auto-immunité thyroïdienne. On sait maintenant qu'il s'agit d'un phénomène secondaire, éventuellement impliqué dans la perpétuation de la maladie, mais pas dans son déclenchement (Gorochov et Papo, 2000).

Figure. 8. Coupe transversale schématique d'un follicule thyroidien hyperfonctionnel (I) et au repos (II), (Maunand, 2002).

La sensibilisation des LT aux Ag intra-thyroïdiens donne naissance à des auto-Ac dirigés contre ces Ag, plus particulièrement, les auto-Ac anti-récepteur TSH, ce qui exagère la sécrétion des HT et élimine la possibilité de rétrocontrôle négatif. Il en résulte un tas de troubles physiologiques au niveau de tout l'organisme dues aux divers symptômes de l'hyperthyroïdie, d'une part, et un effet pathogène des auto-Ac sur autres cibles, d'autre part. Des complications plus graves, notamment oculaires et dermiques, peuvent aussi apparaître.

3.2. Facteurs prédisposant : génétiques et environnementaux

La maladie de Basedow constitue l'une des principales dysendocrinies thyroïdiennes auto-immunes avec la thyroïdite de Hashimoto qui résultent d'une rupture de la tolérance immunitaire vis-à-vis d'auto-antigènes thyroïdiens. Comme il est mentionné plus haut, elles se développent essentiellement lors de l'association d'un terrain génétique favorable et de stimulations environnementales. De nombreuses recherches ont permis d'identifier plusieurs facteurs prédisposant au développement des thyroïdites auto-immunes même si l'évènement initiateur du dérèglement immunitaire reste inconnu à ce jour (Revue dans Vigreux, 2009).

Chez l'Homme, les données épidémiologiques concernant les thyroïdites auto-immunes ont mis en évidence une répartition hétérogène de ces dysendocrinies au sein de la population ainsi que des degrés variables de pénétrance. Dès le début des années 40, l'observation d'un caractère familial a permis d'envisager une influence du patrimoine génétique sur le développement des affections thyroïdiennes auto-immunes sans pour autant exclure l'implication conjointe de facteurs environnementaux. Dès 1967, il a été remarqué que 33% des frères ou soeurs d'individus atteints d'une maladie thyroïdienne auto-immune (maladie de Basedow ou thyroïdite de Hashimoto) développaient également la maladie, et que près de 56% d'entres-eux possédaient des anticorps anti-thyroïdiens (contre 7 à 20% dans la population générale) (Revue dans Vigreux, 2009). Il n'est pas rare d'observer à la fois des cas de thyroïdite de Hashimoto et des cas de maladie de Basedow chez des individus d'une même famille ce qui suggère un terrain génétique commun au développement des diverses maladies thyroïdiennes auto-immunes (Revue dans Vigreux, 2009).

Ensuite, les preuves les plus évidentes d'une susceptibilité génétique au développement d'une thyroïdite auto-immune sont apportées par l'étude des taux de concordance chez des jumeaux homozygotes et hétérozygotes (pourcentage de jumeaux tous les deux malades) qui sont, respectivement, de 35% et 3% pour la maladie de Basedow (Revue dans Vigreux, 2009). La forte discordance (un seul jumeau homozygote est malade sur les deux) suggère qu'il n'existe pas un unique gène responsable de l'auto-immunité mais un ensemble de gènes qui codent pour des molécules intervenant à différents stades de la réponse immunitaire (Revue dans Vigreux, 2009).

De études récentes ont identifié deux loci principaux impliqués dans la prédisposition aux thyroïdites auto-immunes chez l'Homme: le gène CTLA-4 (gène codant pour le Cytotoxic T-Lymphocyte-associated Antigen-4) et le CMH. D'autres gènes de susceptibilité ont été identifiés, tels que ceux codant pour la CD40, la TSH, le LMP (Large Multifunctional Proteosome), le TAP (Transport of Antigen Processing), la PTPN22 (Protein tyrosine phosphatase, non-receptor type 22). De même, certains haplotypes HLA, et plus particulièrement ceux codant pour les molécules du CMH II, sont associés au développement de la maladie de Basedow ; le locus HLA-DR semble être le principal gène du HLA capable de modifier la susceptibilité à développer une maladie de Basedow : l'allèle DR3 prédisposerait à la maladie alors que l'allèle DR5 aurait un rôle protecteur (Revue dans Vigreux, 2009). L'allèle HLA-DR3 (= HLA-DRB1*03) serait, en effet, présent chez environs 56% des basedowiens contre 26% dans la population générale et constituerait un risque relatif de développer la maladie, proche de 3,7% chez les Caucasiens. Certains allèles HLA sont plus fréquents chez les basedowiens que dans la population générale, il s'agit des allèles DRB1*0304, DQB1*02, DQB1*0301/4 et DQA1*0501. L'haplotype DRB1*0304-DQB1*02-DQA1*0501 serait, quant-à lui, associé à un risque plus élevé de développer la maladie de Basedow (Revue dans Vigreux, 2009).

Deux gènes localisés sur la région du HLA mais ne codant pas pour les molécules du HLA pourraient également contribuer au développement de la maladie de Basedow : les gènes LMP (Large Multifunctional Proteosome) et TAP qui codent, respectivement, pour une sous-unité d'un protéasome multifonctionnel (complexe enzymatique intracellulaire) responsable de la dégradation d'antigènes et pour des molécules intervenant dans le transport des antigènes remaniés vers la surface cellulaire. Ces gènes, indispensables à la présentation antigénique aux cellules immunitaires, seraient des gènes de susceptibilité à la maladie de Basedow (Revue dans Vigreux, 2009). La substitution d'une histidine par un résidu arginine en position 60 de la LMP2 est, en effet, associée à un risque élevé de développer la maladie de Basedow. Certains allèles des gènes TAP1 et TAP2 sont associés à un risque accru de développer la maladie de Basedow (TAP1*0301 et TAP2*0101) alors que d'autres sont associés à un risque réduit (TAP2*0401) (247) (Revue dans Vigreux, 2009).

Plusieurs équipes de recherche ont observé une association entre le gène CD40 (nommé GD 2), qui code pour la protéine CD40 (joue un rôle fondamental essentiellement dans la maturation des LB et la sécrétion des Ac), et la maladie de Basedow (Revue dans Vigreux, 2009).

Les études menées sur le gène codant pour le R-TSH (le déterminant antigénique principal de la maladie de Basedow), situé sur le chromosome 14q31, montrent que certaines mutations ou polymorphismes génétiques au niveau d'une partie du gène R-TSH pourraient influencer la pathogénie de l'auto-immunité basedowienne (Revue dans Vigreux, 2009).

A l'instar de la majorité des maladies multifactorielles, les histoires familiales des maladies thyroïdiennes auto-immunes ne suivent pas un schéma de transmission héréditaire évident avec une pénétrance et une expressivité variable. Les études d'épidémiologie génétique et de biologie moléculaire jouent un rôle majeur dans la détermination de la susceptibilité génétique à développer une maladie auto-immune comme la maladie de Basedow. Ces études ont mis en évidence que les prédispositions génétiques observées étaient la conséquence de variations mineures dans un grand nombre de gènes. Ces variations isolées ne suffisent pas à provoquer la maladie ; c'est leur association combinatoire et leurs interactions avec d'autres facteurs externes qui entraînent des effets sur le métabolisme cellulaire, tissulaire et à l'échelle de l'organisme et qui déclenchent la maladie (Revue dans Vigreux, 2009).

Le stress parait également jouer un rôle fondamental dans le déclenchement des MAI. De récentes études cas-témoins ont démontré que les patients basedowiens rapportent plus souvent des évènements facteurs de stress survenus quelques mois précédant le début des symptômes.

Les mécanismes patho-physiologiques responsables de l'influence des facteurs de stress sur les processus auto-immuns sont encore hypothétiques : l'auto-immunité anti-thyroïdienne pourrait être liée à l'altération de l'axe hypothalamo-hypophyso-adrénalien pendant et après la période de stress qui provoquerait une immunosuppression globale (concernant notamment les cellules immuno-régulatrices). Les corticostéroïdes, les endorphines et les enképhalines, libérées au cours du stress, ont des activités immunosuppressives in vivo (Revue dans Vigreux, 2009). Les corticostéroïdes jouent un rôle majeur de rétrocontrôle négatif sur les réponses immunitaires. Les lymphocytes eux-mêmes peuvent répondre au CRF (Corticotrophin Releasing Factor) en produisant leur propre hormone corticotrope qui induit à son tour la sécrétion de corticostéroïdes. Il a été démontré que les corticostéroïdes inhibaient la production de cytokines Th1, tandis qu'ils épargnaient les réponses Th2 : ils orientent donc les réponses immunitaires vers des réponses à médiation humorale.

La maladie de Basedow peut être également attribuée à une infection. Cependant, le rôle d'agents infectieux dans la pathogénie des thyroïdites auto-immunes reste hypothétique. Dans la maladie de Basedow, Yersinia enterolitica, un bacille à Gram négatif, semble jouer un rôle de déclenchement de la maladie par le phénomène de mimétisme moléculaire. Une voie d'évidences est indiquée, d'une part, par l'observation d'une communauté antigénique entre le récepteur thyroïdien de la TSH et une structure de la capsule de Yersinia enterolitica, et d'autre part, par la prévalence élevée d'anticorps anti-Yersinia chez les basedowiens, au moins dans certaines populations. Yersinia enterolitica possède des sites de liaison pour la TSH et les anticorps provenant de patients basedowiens sont capables de se fixer sur la bactérie et d'inhiber la liaison de la TSH sur cette dernière. Deux protéines capsulaires de Yersinia enterolitica de faible poids moléculaire (5,5 et 8 kDa) contiennent des épitopes responsables d'une réaction croisée avec le récepteur de la TSH ; ces protéines sont appelées TSHR-CRP (Thyroid Stimulating Hormone Receptor CrossReactive Proteins). Zhang H. et son équipe ont mis en évidence qu'en plus d'être responsables d'une antigénicité croisée, ces TSHR-CRP sont également mitogènes des lymphocytes B spléniques chez la souris car ils stimulent leur prolifération et la production d'immunoglobulines G et M. Ainsi, Yersinia enterolitica pourrait être impliquée dans la pathogénie de la maladie de Basedow par le biais des TSHR-CRP (Revue dans Vigreux, 2009).

3.3. Mécanismes immunopathologiques

La physiopathologie de la maladie de Basedow est mal connue et cette méconnaissance résulte largement de l'absence jusqu'à ces dernières années de modèle animal convaincant. Ce qui est évident c'est que la maladie de Basedow survient sur un terrain génétiquement prédisposé. Des facteurs de l'environnement tels qu'une infection capable de déclencher une stimulation non spécifique du SI, ou des agressions diverses vont entrainer une réponse auto-immune pathologique, par suite d'un déficit latent d'une variété des LT, les LT suppresseurs. Des LT dirigés contre les Ag thyroïdiens vont apparaître, activant les LB qui vont produire des immunoglobulines stimulant la thyroïde (Gorochov et Papo, 2000).

Les deux affections majeurs auto-immune de la thyroïde, la thyroïdite de Hashimoto et la maladie de Basedow, partagent un mécanisme immunitaire similaire mais, sur le plan histologique, une infiltration inflammatoire lymphocytaire de degré variable. La communauté de mécanisme explique la variabilité du cours respectif de ces affections, une maladie de Basedow pouvant évoluer vers une thyroïdite de Hashimoto, l'inverse étant aussi possible (Page web).

Dans la maladie de Basedow, la réponse auto-immune est dominée par les cellules Th2 CD4+, l'infiltrat lymphocytaire est moindre et la destruction tissulaire relativement faible (Parham, 2003). Les anomalies biologiques thyroïdiennes rencontrées sont une TSH infranormale et l'apparition d'Ac anti-RTSH (95% des cas), anti-TPO (80%) et anti-Tg (25%) (Eyquem, et al., 2000). La réponse immunitaire à l'origine de la maladie est détaillée dans la figure ci-dessous.

Figure. 9. Processus immunologique à l'origine de la maladie de Basedow et de la thyroïdite de Hashimoto. (Page web)

L'activation des LT auxiliaires (T helper, Th1 CD4+) se fait par l'agression d'une cellule présentatrice d'Ag (par exemple, un macrophage) qui induit l'expression de l'Ag MHC de classe II, permettant ainsi la présentation d'un Ag auquel répond le T helper (Fig.9, 1a). Cette activation peut aussi être stimulée par des Ag thyroïdien (Fig.9, 1b), ou des Ag ressemblant à un Ag thyroïdien, par exemple, viral. Les cellules T helper activées induisent la sécrétion de cytokines (Fig.9, 2) et activent les lymphocytes B (Fig.9, 3). Les cytokines stimulent différentes populations de lymphocytes dont les CD8+ qui provoquent l'apoptose du thyréocyte (Fig.9, 4). Les LB produisent des Ac antithyroïdiens dont les Ac anti-TPO qui ont une propriété cytotoxique. La perturbation des éléments modulateurs (Fig.9, 5) de la réponse immunitaire peut contribuer à l'apparition de la thyroïdite de Hashimoto ou de la maladie de Basedow (Page web).

Si les facteurs de prédisposition à la maladie de Basedow sont encore mal cernés, et si les stades initiaux de l'auto-immunisation contre la cellule thyroïdienne sont largement méconnus, le mécanisme d'apparition de l'hyperstimulation de la thyroïde et de l'hyperthyroïdie parait clair. Parmi les Ac antithyroïdiens présents au cours de la maladie de Basedow, on trouve des Ac dirigés contre le R-TSH capables de stimuler ce récepteur, en particulier par son fragment Fab, et donc d'activer, en l'absence de TSH, la synthèse et la libération des HT.

La réponse auto-immune dans la maladie de Basedow repose principalement sur la production d'Ac, les symptômes étant dus à la fixation des Ac aux récepteurs de TSH (Fig.10.). En mimant le ligand naturel, les Ac fixés déclenchent une surproduction chronique d'HT qui est indépendante de la régulation par la TSH et insensible aux besoins métaboliques de l'organisme.

Figure. 10. Dans la maladie de Basedow, les auto-Ac dirigés contre le récepteur de la TSH causent une surproduction d'HT (Parham, 2003).

La figure N° 10 représente des follicules thyroïdiens entourés de cellules épithéliales. La partie gauche de la figure montre l'absorption d'iodure (cercles verts), l'iodation de la thyroglobuline et son stockage dans les follicules quand les HT ne sont pas nécessaires. Le panneau en haut à droite montre ce qui suit en cas de besoin d'HT. La TSH de l'hypophyse induit l'endocytose et la dégradation de la Tg iodée, ce qui produit la T3 et la T4. En plus de l'effet qu'elles exercent sur le métabolisme, T3 et T4 signalent à l'hypophyse d'arrêter la sécrétion de TSH. Le panneau en bas à droit montre ce qui se passe dans la maladie de Basedow. Les auto-Ac miment l'action de la TSH et entrainant de manière continue la synthèse et la libération d'HT. Chez les patients souffrant de la maladie de Basedow, la production d'HT devient indépendante de la TSH (Parham, 2003).

Les mécanismes immunologiques responsables de l'apparition et de l'évolution des symptômes spécifiques de la maladie de Basedow, notamment ophtalmo-pathique et dermique, sont encore obscurs (Gorochov et Papo, 2000).

L'apparition de l'exophtalmie lors de la maladie de Basedow est peut être liée à un processus différent. Enfin, des arguments ont été présenté en faveur de l'existence d'Ac stimulant les récepteurs pour la TSH situés sur les cellules rétro-orbitaires. On privilégie l'hypothèse d'une auto-immunité croisée entre un ou des Ag thyroïdiens et un ou des Ag de l'orbite, et en particulier des muscles oculomoteurs. Le récepteur de la TSH est un Ag candidat. Certaines équipes ont montré la présence de son ARN dans les cellules des tissus orbitaires. Mais la démonstration de la présence de la protéine elle-même n'est pas faite (Gorochov et Papo, 2000 ; Fudenberg et al., 1986)

3.4. Symptômes et formes cliniques

Puisque l'hyperthyroïdie de la maladie de Basedow est due à des auto-Ac dirigés contre les auto-Ag de la thyroïde, la maladie associe, donc, des signes de thyrotoxicose à des signes liés à la dysimmunité ou à des signes spécifiques de la maladie de Basedow. Cette dernière est alors associée à des manifestations cliniques variées qui peuvent atteindre n'importe quel système (page 42). Les mécanismes expliquant ces manifestations ne sont pas complètement connues mais doivent impliquer une augmentation de la sensibilité aux catécholamines (Mallard, 2010 ; Stanley et Beare, 2005).

· Le syndrome de thyrotoxicose (ou l'hyperthyroïdie) se manifeste par différents signes ou troubles

- Signes généraux :

. asthénie,

. amaigrissement (fonte de la masse musculaire et fonte graisseuse) contrastant avec une augmentation de l'appétit,

. thermophobie accompagnée d'une main chaude et moite lors de la pognée de main, et d'une hypersudation ;

- Troubles cardiovasculaires :

. tachycardie permanente,

. palpitations,

. troubles du rythme cardiaque,

. insuffisance cardiaque ;

- Troubles digestifs :

. diarrhée motrice par poussées ;

- Troubles neuromusculaire :

. tremblements diffus (principalement aux extrémités, majorés par l'émotion),

. asthénie majorée à l'effort,

. troubles psychiques : nervosité, irritabilité, agitation, anxiété, troubles de l'attention et de l'humeur, état dépressif ou, au contraire, état maniaque voire délirant (hallucination etc.) chez les sujets âgés ;

- Troubles endocriniens :

. baisse de la libido,

. troubles de la menstruation,

. gynécomastie chez l'homme.

· Les signes liés à la dysimmunité (Mallard, 2010)

- Un goitre :

. diffus,

. homogène,

. mobile,

. indolore,

. thrill vasculaire à la palpitation (sensation de vibration),

. souffle systolique à l'auscultation,

. non compressif,

. sans adénopathie ;

- Une ophtalmopathie :

. une exophtalmie bilatérale (yeux exorbités) et symétrique permet de porter le diagnostic. Elle s'accompagne de signes qui accentuent l'aspect tragique du regard :

. rétraction de la paupière supérieure,

. fixité du regard,

. oedème palpébral,

. pigmentation palpébrale,

. oedème conjonctival ;

- Une dermopathie :

. un myxoedème prétibial (aspect peau d'orange, peau dure et éventuellement brune) localisé à la face antérieure des jambes ;

- Une acropathie

. épaississement des doigts et des orteils avec hippocratisme digital et ostéoarthropathie.

Généralement, l'hyperthyroïdie se caractérise par une tachycardie, un amaigrissement, une moiteur des mains, une accélération du transit intestinal, une nervosité et un tremblement des extrémités auxquels s'ajoutent les signes spécifiques de la maladie comme un goitre, une ophtalmopathie, une dermopathie (un myxoedème prétibial) et une acropathie (Mallard, 2010).

Lors de l'excès d'HT, la peau, les poiles et les phanères peuvent être affectés. En réalité, le métabolisme augmente la production de chaleur et une vasodilatation périphérique survient pour dissiper la chaleur excessive ce qui donne une peau chaude, moite et une augmentation de la transpiration. Les mains sont généralement moites et rouges. Le teint est habituellement rose et le patient rougit facilement. Les HT en excès entrainent une augmentation de la synthèse et de la dégradation des protéines et des lipides. La dégradation dépasse, cependant, la synthèse, c'est pourquoi les patients hyperthyroïdiens peuvent avoir une peau et des cheveux fins et signaler que leurs cheveux ne restent pas bouclés (Stanley et Beare ,2005).

Avec l'excès d'HT, la synthèse et la dégradation des protéines augmentent. La dégradation est plus importante que la synthèse, ce qui entraine une faiblesse et une fatigabilité au niveau des muscles. La faiblesse est habituellement plus importante dans les muscles proximaux des membres, et le patient éprouve des difficultés pour monter les escaliers ou pour maintenir les jambes étendues. Dans certains cas, la fonte musculaire, en particulier dans les endroits proximaux, est hors de proportion avec la perte globale de poids. Cette dégradation des protéines, affectes également les muscles respiratoires, entraine une dégradation musculaire et par la suite une faiblesse de ceux-ci amenant une diminution de la capacité vitale. De plus, comme la demande métabolique est augmentée, les besoins en oxygène augmentent aussi que la nécessité de dissiper l'excès de gaz carbonique. Ceci entraine une augmentation de la fréquence respiratoire et une sensation de dyspnée (Stanley et Beare ,2005).

La modification la plus caractéristique de l'hyperthyroïdie est remarquée au niveau du système cardiovasculaire, en particulier chez les personnes âgées. Etant donné l'hypermétabolisme, la demande circulatoire pour dissiper l'excès de chaleur produite augmente. Le volume d'éjection et la fréquence cardiaque sont tous deux augmentés, ce qui entraine une augmentation du débit cardiaque. L'augmentation de la demande métabolique et les effets directes des HT sont responsables d'une tachycardie même au repos. Les effets adrénergiques des HT sur le coeur entrainent une augmentation de la force de contraction, ce qui amène une augmentation de la pression sanguine et des plaintes cardiaques, et parfois un frottement systolique (Stanley et Beare ,200

Etant donné les modifications du métabolisme des protéines, les muscles papillaires peuvent subir des altérations qui entrainent un prolapsus de la valve mitrale. De toutes ces modifications, les troubles du rythme cardiaque sont les plus fréquents. La tachycardie paroxystique supraventriculaire et la fibrillaion auriculaire sont des manifestations habituelles. Suite à l'augmentation du métabolisme et la sensibilité cardiaque aux catécholamines, le patient âgé peut ne pas avoir assez de réserve pour supporter ces troubles du rythme : Une décompensation cardiaque congestive peut survenir. La réponse aux digitaliques, des classes thérapeutiques de médicaments utilisés en cardiologie, est diminuée étant donné que l'excès d'HT accélère la métabolisation de ce médicament. Et, comme la dégradation des protéines excède la synthèse, la protéinémie peut diminuer entrainant une augmentation de la fragilité capillaire qui serait responsable de pétéchies et d'ecchymoses (Stanley et Beare ,2005).

Le système gastro-intestinal peut à son tour être affecté ; l'accélération du métabolisme ainsi que la dégradation des protéines et des lipides entrainent une augmentation de l'appétit et de la consommation des aliments chez la plupart des personnes âgées présentants une hyperthyroïdie. Cette prise calorique plus importante peut, malgré tout, être inadéquate et le patient peut perdre du poids. En effet, un autre facteur contributif intervient sous forme d'une augmentation de la motilité gastro-intestinale, ce qui diminue l'absorption des nutriments. Bien qu'une augmentation de l'appétit chez les personnes âgées hyperthyroïdiennes soit très fréquente, l'anorexie survient chez environ 1/3 de ces personnes. Par un mécanisme inconnu, la vidange gastrique rapide et l'hypermotilité sont fréquentes, ce qui entraine des selles abondantes et peu formées. Dans certains cas, l'hypermotilité entraine une légère malabsorption des lipides (Stanley et Beare ,2005).

Le système nerveux peut également être touché, les patients ressentent fréquemment, en effet, de la nervosité, une labilité émotionnelle (qui est habituellement évidente), de l'hyperkinésie et de la fatigue. Les mécanismes responsables des modifications dans le système nerveux n'ont pas encore été élucidés mais peuvent se manifester par une augmentation de l'activité adrénergique. La personne âgée peut présenter de l'agitation qui se traduit par de faibles capacités d'attention et un besoin constant de bouger (Stanley et Beare ,2005).

Lors de l'hyperthyroïdie, des quantités plus importantes de calcium et de phosphore sont excrétées dans les urines et dans les selles. L'organisme répond en libérant plus d'hormones parathyroïdiennes qui extraient le calcium des os pour normaliser la calcémie. Cela peut entrainer une déminéralisation des os et des fractures pathologiques, en particulier chez les femmes âgées (Stanley et Beare ,2005).

Les personnes âgées présentant une hyperthyroïdie semblent souvent avoir un regard brillant. Il y a une rétraction de la paupière supérieure comme le prouve la présence d'un bord de sclérotique entre la paupière et le limbe. Il y a aussi une asynergie de la paupière, le déplacement de la paupière supérieure est en regard sur celui du globe oculaire quand le patient regarde vers le bas, ainsi qu'une asynergie du globe oculaire dans laquelle le déplacement du globe est en retard sur celui de la paupière supérieure quand le patient regarde lentement vers le haut. Les mouvements des paupières sont vifs, et il peut y avoir un léger tremblement quand les paupières sont closes. Ces signes et symptômes sont probablement reliés à une augmentation de l'activité adrénergique (Stanley et Beare ,2005).

Une manifestation majeure de la maladie de Basedow est l'ophtalmopathie infiltrative entrainant une exophtalmie qui résulte d'un épaississement des muscles oculomoteurs (dû à une infiltration des muscles extraoculaires par des cellules mononuclées) et d'une hypertrophie du tissu adipeux orbitaire, avec dépôts de glycosaminoglycanes (GAG), entrainant une protrusion de l'oeil. L'accumulation des GAG (dérivant de fibroblastes orbitaires) accentue la rétention liquidienne réduisant de ce fait l'espace libre à l'intérieur de la cavité orbitaire (Stanley et Beare ,2005).

Le patient peut ressentir des symptômes précoces qui sont : l'irritation des yeux et le larmoiement excessif avec une injection conjonctivale. Le patient peut dormir avec les yeux partiellement ouverts, ce qui dessèche la cornée et entraine des ulcérations ou des infections cornéennes. L'exophtalmie survient bilatéralement mais est habituellement asymétrique. Etant donné l'infiltration des muscles extraoculaires, le patient éprouve des difficultés à atteindre et maintenir la convergence, ce qui entraine des problèmes de mise au point et de diplopie (Stanley et Beare ,2005).

Les signes oculaires  de la maladie de Basedow peuvent aller de la simple rétraction palpébral, qui peut s'intégrer aussi bien dans les signes d'hyperadrénergie (présents dans n'importe quelle forme d'hyperthyroïdie) que dans l'ophtalmopathie vraie, à l'exophtalmie maligne. Dans l'ophtalmopathie vraie, la rétraction palpébrale est souvent associée à l'asynergie oculopalpébrale (Gurnell, 2009 ; Gorochov et Papo, 2000). Les muscles oculomoteurs, en fait, sont le siège d'un chémosis.

Enfin, il arrive que le nerf optique lui-même souffre par compression au pole postérieur de l'orbite par les muscles hypertrophiés. L'atteinte de la cornée et/ou du nerf optique s'intègrent dans l'ophtalmopathie maligne avec un risque majeur de cécité par atteinte ischémique du nerf optique, ou perforation cornéenne, voire fonte purulente de l'oeil. Les formes les plus graves résultent souvent de la conjonction des phénomènes inflammatoires vrais et de phénomènes de compression et de congestion vasculaire dans l'orbite (Gorochov et Papo, 2000).

Une autre forme typique de la maladie de Basedow est le myxoedème prétibial lequel est beaucoup plus rare et toujours associé à une ophtalmopathie basedowienne. Il s'agit d'une infiltration de la face antérieure de la jambe, dans sa forme la plus limitée, et d'un épaississement de la peau et du tissu sous-cutané, avec dilatation des pores desquels saillent des poils épais (aspect de peau de cochon). On peut noter un aspect légèrement inflammatoire, chaud et rosé. Dans sa forme la plus sévère, très rare, l'infiltration devient majeure réalisant un aspect d'oedème sur éléphantiasique très invalidant. Cette infiltration correspond à un dépôt de GAG, comme dans l'ophtalmopathie basedowienne. Une infiltration lymphoïde a été décrite, beaucoup plus modeste et semble-t-il uniquement dans les stades initiaux de la maladie (Gorochov et Papo, 2000).

Une acropathie, même si elle est exceptionnelle, peut également apparaître. Elle est toujours associée à une ophtalmopathie et un myxoedème prétibial. Les doigts sont déformés en baguette de tambour et les ongles s'arrondissent. C'est une périostite de l'extrémité inférieure du radius (Gorochov et Papo, 2000).

3.5. Diagnostic

L'hypothèse d'une maladie de Basedow survient lorsque les observations cliniques mettent en évidence une hypertrophie symétrique de la thyroïde avec une surface lisse (ou un goitre diffus) et des signes d'hyperthyroïdie parfois associés à une ophtalmopathie infiltrative et à un myxoedème prétibial (Revue dans Vigreux, 2009).

Chez le patient présentant une hyperthyroïdie, le diagnostic de la maladie de Basedow repose sur l'association d'un goitre diffus vasculaire (souffle audible à l'auscultation de la thyroïde), d'une ophtalmopathie éventuelle et de la présence de TRAK. Dans 80% des cas, le diagnostic peut être posé sans le dosage des TRAK. L'association de l'hyperthyroïdie et des signes oculaires suffit la plupart du temps à faire évoquer le diagnostic. Toutefois, les signes oculaires peuvent manquer et les examens paracliniques sont alors utiles. Le goitre peut être détecté par une échographie thyroïdienne qui montre un goitre diffus, à tendance hypoéchogène, hétérogène (Gorochov et Papo, 2000 ; Revue dans Vigreux, 2009).

L'hyperthyroïdie Basedowienne n'est pas différente biologiquement des autres causes d'hyperthyroïdie : TSH effondrée et T4 et T3 libres augmentées, parfois seule la T3 libre est augmentée. La preuve de l'auto-immunité est apportée par la présence d'Ac antithyroïdiens : Ac anti-TPO, anti-TG et Ac anti-récepteur de la TSH. Ces derniers sont les plus caractéristiques de la maladie de Basedow. Ces Ac sont mis en évidence par des techniques radio-immunologiques ou, plus récemment, par des techniques ELISA (Guilloux et al., 2006 ; Gorochov et Papo, 2000).

Pour l'ophtalmopathie, lorsque le diagnostic de la maladie de Basedow est incertain, la tomodensitométrie ou l'IRM des orbites permettent d'objectiver, outre la protursion oculaire, l'infiltration des muscles oculomoteurs. La scintigraphie peut également aider au diagnostic dans certaines situations telles que l'absence d'ophtalmopathie, de titres en TRAK peu élevés ou d'une association avec un goitre nodulaire. Dans la maladie de Basedow, la scintigraphie au technétium, ou à l'iode radioactif, montre un captage diffus homogène. La courbe de fixation, lorsqu'elle est faite, montre une augmentation du captage et de l'organification du traceur. L'échographie est rarement nécessaire mais peut être utile lorsque la palpation cervicale révèle des formations nodulaires afin de les caractériser. On peut alors cytoponctionner ou biopsier les formations nodulaires afin de confirmer le diagnostic (Gorochov et Papo, 2000).

3.6. Traitements

Le repos est nécessaire dans tous les cas, surtout le repos mental. Au cours de la maladie de Basedow, le traitement est palliatif, il vise à restaurer et maintenir l'euthyroïdie d'une part, et à limiter les manifestations extrathyroïdiennes, d'autre part. Ce qui impose la diminution de la quantité d'HT par usage d'antithyroïdiens de synthèse (ATS) ou suppression du tissu thyroïdien, soit par chirurgie (thyroïdectomie bilatérale subtotal), soit par iode radioactif. Il n'y a pas, en effet, à ce jour de thérapeutique spécifique de la maladie auto-immune elle-même.

3.6.1. Traitement médical

Le traitement médical de la maladie de Basedow repose sur la réduction de la synthèse hormonale et sur l'inhibition des effets périphériques des HT. Ce traitement comporte un traitement par :

- ATS : le plus utilisé est, surtout, le carbimazole (Néo-mercazole) ; plus rarement, on utilise le propyl-thio-uracile (PTU). La posologie, élevée au début du traitement (2 à 3 comprimés de Néomercazole soit 20 mg par jour), est ensuite progressivementt diminuée. Outre les mesures purement symptomatiques, sédatifs, bétabloquants, etc., ce traitement doit être précédé d'un bilan hépatique et s'accompagner d'une surveillance hématologique (NFS toutes les semaines pendant les deux premiers mois, puis NFS tous les 3 mois) (Rouquette, 2002).

Tableau. 3.1. Antithyrodiens de synthèse, (Rouquette, 2002).

Ces drogues bloquent l'action de la TPO et donc l'iodation de la Tg indispensable à la synthèse des HT. Le traitement doit être prolongé, de 12 à 18 mois. Après la phase d'induction du traitement, la posologie est réduite et l'on tente de maintenir l'euthyroïdie avec une petite dose ; le maintien de l'euthyroïdie est facilité par une substitution en HT. Il est discuté un effet immunosuppresseur propre des antithyroïdiens, ce qui a justifié le recours à de fortes doses pour favoriser l'induction d'une rémission, voire d'une guérison, de la maladie. Cet effet immunosuppresseur n'a pas été prouvé, et les protocoles associant de fortes doses de méthimazole ou carbimazole en traitement prolongé à une substitution en HT afin de ne pas plonger le patient en hypothyroïdie n'ont pas fait la preuve de leur supériorité sur les traitements classiques (Gorochov et Papo, 2000 ).

- Betabloquants : ils agissent essensiellement sur les symptomes cardiovasculaires (tachycardie, palpitations) à un degré moindre sur les sueurs, la thermophobie, le tremblement. Le propranolol est souvent utilisé. Associés aux bétabloquants et aux ATS, sont souvent prescrits des anxiolytiques, des hypnotiques avec un conseil pour un repos total : physique, psychique, émotionnel (Molinier, 2007).

Tableau. 3.2. Bétabloquants, (Rouquette, 2002).

3.6.2. Traitement par iode radioactif

A l'arrêt du traitement, il existe un risque de rechute de l'ordre de 30 à 40%. Il n'a pas été identifié à ce jour de critère formel de risque de rechute ou de guérison. Lorsque survient une rechute après un traitement prolongé par les antithyroïdiens, un traitement radical est proposé : La thyroïdectomie de réduction ou destruction partielle de la thyroïde par l'iode radioactif (ou castration par iode radioactif, I131) est une méthode simple, efficace, peu onéreuse et n'a pas les inconvénients de la chirurgie. L'I131 est capté et organifié de la même façon que l'iode naturel mais émet localement des particules B destructrices qui endommagent les cellules et les tuent en plusieurs mois. Cependant, là encore, il ne s'agit que d'un traitement palliatif, visant à éviter la réapparition de l'hyperthyroïdie. L'I131 est un moyen de traitement sûr et efficace de la thyrotoxicose, sans modifier le cours évolutif de la MAI (Gorochoy et Papo, 2000).

Pour certaines équipes, ce traitement radical est préférable au traitement médical prolongé, compte tenu de la fréquence des rechutes. Puisque cette méthode est basée sur la destruction partielle de la thyroïde, l'effet secondaire le plus fréquent après le traitement est la survenue de manière insidieuse, et parfois tardive, d'une hypothyroïdie qui légitime la prescription d'hormones substitutives à dose physiologique (Gorochoy et Papo, 2000).

Le suivi à long terme des patients ayant reçu de l'I131 est nécessaire du fait du risque important d'hypothyroïdie réactionnelle. L'établissement de registres des patients traités permet de les reconvoquer facilement, une fois par an, pour effectuer un bilan fonctionnel thyroïdien (Gurnell, 2009).

3.6.3. Traitement par chirurgie 

La thyroïdectomie sub-totale est rarement choisie en traitement de première ligne d'une thyrotoxicose non compliquée. En revanche, elle sera indiquée en cas de thyrotoxicose récidivante, signes de compression, allergies multiples aux traitements médicamenteux ou mauvaise observance de ces traitements, adénome toxique ou convenance personnelle. Une brève préparation par les ATS est également nécessaire afin d'eviter la survenue d'une crise thyrotoxique post-opératoire (Gurnell, 2009 ; Gilberg et Barthe, 2011).

En ce qui concerne l'ophtalmopathologie basedowienne, l'exophtalmie ne nécessite pas le traitement spécifique lorsqu'elle est modérée. Et, dans les formes plus sévères, il y a recours à la corticothérapie. Diverses thérapeutiques ont pu être utilisées dans les formes très évolutives, menaçant le pronostic visuel : plasmaphérèses, bolus de corticoïdes, immunoglobulines polyvalentes, etc. La place réelle de ces diverses thérapeutiques reste mal définie (Gorochoy et Papo, 2000).

3.7. Complications et maladies associées

A l'instar de n'importe quelles maladies, auto-immunes ou pas, les complications sont présentes souvent, surtout, si la maladie n'est pas traitée dans une brève période. Comme l'hyperthyroïdie basedowienne provoque une accélération du métabolisme, il y a une dépense accrue d'énergie. À long terme, une hyperthyroïdie non traitée augmente le risque d'être atteint d' ostéoporose, car l'absorption du calcium par les os est affectée. Egalement, une hyperthyroïdie non traité provoque plusieurs types d'atteintes organiques irréversibles. Il peut s'agir d'une détérioration progressive du système cardiovasculaire conduisant à une insuffisance cardiaque. Le risque de développer un type d'arythmie cardiaque appelé fibrillation auriculaire augmente aussi (Stanley et Beare ,2005).

Les agressions, y compris les infections, peuvent précipiter une crise ou « tempète » thyrotoxique. Généralement, les infections sont mal maîtrisées par les malades thyrotoxiques. Lors d'une telle crise, tous les signes d'hyperthyroïdie se trouvent réunis et s'expriment à leur paroxysme, ce qui peut entraîner des complications graves, comme de l' insuffisance cardiaque ou un coma. La personne est confuse et agitée. Cette situation requiert des soins médicaux d'urgence (Stanley et Beare ,2005).

De même, l'exophtalmie basedowienne peut présenter des complications. Elle peut provoquer une kératite et une atteinte cornéenne ou, pire, une névrite optique et une cécité (Gorochov et Papo, 2000).

La maladie de Basedow présente des associations propres avec d'autres maladies. Une atteinte hépatique peut témoigner soit de la sévérité de l'hyperthyroïdie, soit d'une authentique hépatite auto-immune associée. Parfois, elle traduira une intolérance au traitement antithyroïdien (hépatite toxique ou immunoallergique). L'atteinte musculaire peut être la conséquence de l'hyperthyroïdie (signe du tabouret), mais il s'agit parfois d'une myasthénie. Un purpura thrombopénique idiopathique peut également être associé à la maladie de Basedow (Gorochov et Papo, 2000).

Des auto-Ac peuvent attaquer les cellules pariétales de l'estomac entrainant une réduction de l'acide chlorhydrique, qui est nécessaire à l'absorption de la vitamine B12, indispensable pour la maturation des globules rouges. La réduction de cette vitamine entraine une anémie pernicieuse. Quand les globules rouges larges et immatures de l'anémie pernicieuse pénètrent dans la circulation, ils s'hémolysent, libérant de la bilirubine. L'augmentation de la bilirubine entraine un ictère (Stanley et Beare ,2005).

Peuvent également s'associer à la maladie de Basedow, comme à la thyroïdite de Hashimoto, d'autres MAI telles que le diabète de type 1, le vitiligo ou la polyarthrite rhumatoïde (Gorochoy et Papo, 2000).

4 Conclusions et perspectives

Il est clair que la cause exacte du déclenchement de la maladie de Basedow reste mal comprise, mais les facteurs génétiques et environnementaux prédisposant à son apparition donnent une vision globale sur le déroulement de la maladie. Les manifestations cliniques variées de la maladie ainsi que la possibilité des complications imposent aux patients de suivre un protocole thérapeutique radical pour un bon traitement et pour éviter le plus possible le pourcentage de récidive et de rechute après le traitement en suivant un mode de vie adéquat.

Vu que le traitement n'est que palliatif, même après ablation de la thyroïde, la production extra-thyroïdienne d'Ac dans les tissus lymphoïdes explique la persistance des Ac, en particulier chez la femme enceinte qui conserve le risque de transmettre ces Ac à son bébé. Cette situation impose aux chercheurs de se diriger vers une piste de recherche à l'avenir pour trouver un traitement d'un effet direct sur l'origine auto-immune de la maladie de Basedow.

Les progrès récents, comme l'identification des gènes associés aux maladies, l'amélioration des techniques permettant l'étude des réponses immunitaires spécifiques, chez l'Homme ainsi que chez les modèles animaux dont les observations sont extrapolables à des syndromes humains, sont très prometteurs et devraient permettre de résoudre l'énigme de l'auto-immunité.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote