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La genèse d'un projet de renouvellement urbain - le cas du bas Chantenay à  Nantes

( Télécharger le fichier original )
par Philippe Lassale
IAUR (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de Rennes) - Université Rennes 2 - Master MOUI (Maîtrise d'Ouvrage Urbaine et Immobilière) 2012
  

Disponible en mode multipage

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LA GENESE D'UN PROJET DE RENOUVELLEMENT URBAIN

Le cas du Bas Chantenay à Nantes

Philippe LASSALE - sous la direction de Mr André SAUVAGE

Master 2 Maîtrise d'Ouvrage Urbaine et Immobilière

Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de Rennes

~ 28 septembre 2012 ~

Moskau I, 1916 (c) Adagp, Paris

« Je crois qu'on ne peut trouver notre harmonie aujourd'hui par des voies géométriques, mais au contraire par l'anti-géométrique, l'anti-logique le plus absolu ».

- Wassily Kandinsky

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier l'ensemble des personnes qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire. Je remercie tout particulièrement :

- Monsieur André Sauvage, sociologue et enseignant tuteur, pour sa disponibilité, ses conseils avisés, et les longues discussions échangées,

- Monsieur Gilbert Gaultier, Directeur du Master Maîtrise d'Ouvrage Urbaine et Immobilière ainsi que de l'Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de Rennes, d'avoir accepté ma candidature atypique,

- Monsieur Florent Turck, responsable professionnel, pour la confiance qu'il m'a accordée et renouvelée, en m'accueillant à Nantes Métropole Aménagement,

Je suis également très reconnaissant envers Monsieur Franck Savage, Directeur de Nantes Métropole Aménagement, et envers l'ensemble des collaborateurs de la société pour leur soutien amical et nos nombreux échanges.

Je remercie enfin chaleureusement celles et ceux qui ont accepté, encouragé et soutenu ma démarche de reprise d'études, en m'offrant la motivation dont j'avais besoin pour aller au bout de ces deux années, dont l'enrichissement, l'épanouissement personnel et professionnel, ont bien largement dépassé mes attentes.

- PRÉAMBULE

Il est délicat de traiter d'un sujet aussi vaste que le renouvellement urbain d'un quartier. La question de la problématique s'impose rapidement, et comme pour tout projet urbain, dès lors que l'on réfléchit à sa mise en place effective, il est difficile d'en faire une synthèse en abordant la totalité des thèmes qui peuvent être abordés.

Le sujet de ce travail porte sur le quartier du Bas Chantenay à Nantes, territoire façonné par son histoire industrialo-portuaire, autour duquel Nantes Métropole Aménagement, mandaté par Nantes Métropole, lance un projet de renouvellement urbain. L'objectif est de transformer ce morceau de ville enclavé en un lieu proposant davantage de mixité. Le maître d'ouvrage cherchera à développer projet urbain durable, pour dessiner un quartier accessible et dynamique.

Un tel sujet, sur un projet d'envergure, soulève des questions méthodologiques. Par quel bout l'aborder - le réseau viaire, le foncier, l'espace public, les stratégies juridiques, les modèles à réinterpréter, l'approche budgétaire, autant de portes d'entrées qui seraient toutes pertinentes si elles n'étaient incomplètes. On cherche ici à produire un mémoire qui présente un intérêt opérationnel, aussi ténu soit-il, afin d'apporter notre pierre à l'édifice du projet qui s'annonce. A l'heure où nous rédigeons ce travail, le maître d'oeuvre et son équipe ne sont pas encore recrutés, pour des raisons de difficultés dans le montage juridique du projet. C'est un contretemps fâcheux pour le contenu de ce mémoire, car nous ne pouvons pas profiter de la présence de l'urbaniste pour échanger sur les premières remarques et intentions sur le lieu. Mais c'est un contretemps qui peut aussi s'avérer bénéfique, puisqu'il nous permet de prendre le recul qui nous semble nécessaire dans le métier d'aménageur, et de retranscrire ce que disent et pensent quelques auteurs sur des notions de renouvellement urbain, de projet durable et d'espace public. Cela nous permettra par ailleurs de se pencher sur chacune des candidatures avec attention, et d'en relever les passages pertinents pour alimenter notre réflexion.

Aussi nous chercherons, non pas à être exhaustifs puisque nous n'en avons pas la prétention, mais à aborder de la manière la plus claire possible chacune des problématiques qui s'imposent, en essayant pour chacune d'apporter un début de réponse ou des pistes de réflexions. Ce travail sera appuyé par la reprise du fil du projet et la manière dont il a été relancé, par des remarques théoriques sur la place de l'espace public dans la ville, sur l'importance des approches participatives, sur des éléments de travail internes à Nantes Métropole Aménagement mais aussi sur les réponses proposées par les urbanistes candidats dans leur note d'intention.

Cette approche, mêlant apports théoriques, descriptifs et opérationnels nous permettra, nous l'espérons, de proposer, pour le projet du Bas Chantenay, une grille de lecture des points à traiter par et avec le maître d'oeuvre urbain qui sera recruté. Et ce travail ne sera pas exhaustif, mais il aura le mérite « pratico-pratique » de coucher en un seul et même endroit tout ce qui fait le projet du Bas Chantenay à ce jour, de jouer peut-être un rôle d'archive, qui servira, qui sait, dans quelques années lorsque l'on cherchera à saisir la genèse du projet.

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 5

PRÉAMBULE 7

INTRODUCTION 11

PARTIE 1. LA GOUVERNANCE D'UN PROJET DE RENOUVELLEMENT URBAIN 13

HISTORIQUE DE LA GOUVERNANCE DU BAS CHANTENAY 16

LA RELANCE DU PROJET DE RENOUVELLEMENT 18

UNE DYNAMIQUE GLOBALE SUR LE CoeUR DE L'AGGLOMÉRATION 19

UN NOUVEAU MANDAT AU BUDGET LIMITÉ 20

QUELLE GOUVERNANCE OPTIMALE ? 22

UNE PROCÉDURE NÉGOCIÉE POUR CRÉER UN MOTEUR POLITIQUE 23

S'INSPIRER DE PROJETS EXISTANTS 24

SUSCITER L'INTÉRÊT DES CANDIDATS PAR ACCORD-CADRE DE MAÎTRISE D'oeUVRE 25

INTÉGRER LES MISSIONS DE MAÎTRISE D'oeUVRE DANS L'ACCORD-CADRE 25

LA FAISABILITÉ JURIDIQUE D'UN ACCORD-CADRE DE MAÎTRISE D'oeUVRE SANS CONCESSION D'AMÉNAGEMENT 29

UN TERRITOIRE EN COURS DE TRANSFORMATION 30

PARTIE 2. LES ÉLÉMENTS CLÉS DE L'ANALYSE URBAINE 34

LA PLACE DE L'ESPACE PUBLIC 37

DÉFINITION DE L'ESPACE PUBLIC 37

L'ESPACE PUBLIC, PRODUIT D'UNE VIE ÉCONOMIQUE ET D'UNE MIXITÉ 38

LA DESTRUCTION DE L'ESPACE PUBLIC PAR LE ZONAGE MONOFONCTIONNEL 40

LES ENJEUX DE LA CONSULTATION 42

LES ENJEUX DE LA FORME URBAINE 42

LES ENJEUX DE DÉPLACEMENTS ET DE POLARITÉS 44

LES ENJEUX DE LA PROGRAMMATION D'UNE MIXITÉ DE FONCTIONS 46

LES ENJEUX RÈGLEMENTAIRES : INTÉGRER DES CONTRAINTES FORTES 46

LES ENJEUX DE DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS UN CONTEXTE MÉTROPOLITAIN 49

QUELQUES APPROCHES DE LA TRANSFORMATION DE LA VILLE 53

PARTIE 3. QUELQUES APPROCHES DE STRATÉGIES D'AMÉNAGEMENT 61

AMÉNAGER SANS MAÎTRISE FONCIÈRE, LA DÉLICATE QUESTION DU BUDGET 64

UN RENOUVELLEMENT ORIENTÉ PAR LES OPPORTUNITÉS DU MARCHÉ 64

LE PROCESSUS DE VALORISATION DU FONCIER EN RENOUVELLEMENT URBAIN 65

ETABLIR UNE STRATÉGIE FONCIÈRE DANS LE TEMPS 67

DE L'IMPÉRATIF DU PARTENARIAT AVEC LES GRANDS ACTEURS FONCIERS 69

REGROUPER DES ACTEURS AUX AMBITIONS DIVERGENTES 69

CRÉER DES STRUCTURES DE PARTENARIAT POUR IMPLIQUER LE SECTEUR PRIVÉ 70

LE CAS DES OCCUPATIONS TEMPORAIRES 72

L'ARTISTIQUE COMME RÉPONSE PARTIELLE AU DÉVELOPPEMENT D'UNE MIXITÉ FONCTIONNELLE 72

L'EXEMPLE NANTAIS 73

LA MISE EN CULTURE DES FRICHES URBAINES 74

CONCLUSION 76

ANNEXES 79

ANNEXE 1. BILAN DU MANDAT D'ÉTUDES OPÉRATIONNELLES POUR LE PROJET DU BAS CHANTENAY (NMA, NOVEMBRE 2011) 81

ANNEXE 2. ANALYSE COMPARATIVE DES TYPES DE MARCHÉS ENVISAGÉS (NMA, 13 MARS 2012) 83

ANNEXE 3. QUELQUES EXEMPLES DE PROJETS DE RENOUVELLEMENT URBAIN ISSUS DE NOS LECTURES 85

GLOSSAIRE INACHEVÉ 91

BIBLIOGRAPHIE 95

INTRODUCTION

La ville s'est toujours construite à travers l'intervention d'une forme d'autorité, depuis les principes érigés par les rois d'Egypte antique jusqu'aux grands plans d'urbanisme de l'après-guerre en Europe. Aujourd'hui en France tout projet urbain d'envergure est planifié et piloté par un maître d'ouvrage opérationnel dépendant directement de la puissance publique (commune, communauté de commune, département, région ou Etat). Cette manière de fabriquer la ville demande une réflexion préalable sur les intentions à développer dans le projet, aussi il existe de nombreux textes faisant état des idées et principes développés autour de la notion d'urbanisme.

En effet, si la paternité du terme « urbanisme » est attribuée à Idelfonso Cerdà dans son ouvrage Théorie générale de l'urbanisation publié en 1867, la ville a toujours été un sujet de réflexion récurrent chez les penseurs. Et depuis la fin du XIXe siècle, de nombreux auteurs se sont penchés sur la question, proposant chacun leur propre approche : sociologique bien sûr, mais aussi anthropologique, architecturale, artistique, voire même philosophique.

Un projet urbain est fait de cette multitude de sujets d'approche et d'acteurs ayant des visions et des objectifs, non pas opposés, mais différenciés : le politique pense à son électorat, les riverains à leur confort immédiat, les services techniques au bon respect des normes... Ceci est particulièrement vrai au moment du démarrage d'un projet, là où tout reste à faire, là où le maître d'ouvrage a des velléités d'innover, de voir grand, d'avancer vite. Il sait qu'avant d'enclencher l'aménagement en tant que tel, il lui faut s'attirer l'adhésion, ou l'approbation, de l'ensemble de ces acteurs du projet urbain. Dans une première partie, c'est cet aspect du projet que nous désirons approfondir à travers l'exemple de la gouvernance du projet de renouvellement urbain du Bas Chantenay, son histoire, ses acteurs et la manière dont on a cherché à impliquer les acteurs principaux, élus et maître d'oeuvre, avant même que le projet ne débute.

Il faut à l'aménageur une volonté politique forte bien sûr, mais aussi une analyse fine du territoire concerné pour en faire ressortir les enjeux et les contraintes techniques, règlementaires ou sociales, d'espace, de rapport à la nature, afin de se doter d'un schéma d'aménagement qui soit cohérent avec toutes ces contraintes et qui réussisse à faire la somme de tous les points de vue. On s'attachera dans une seconde partie à explorer cet aspect tout aussi primordial, à travers la mise en lumière des thèmes et éléments urbains identifiés par la maîtrise d'ouvrage, mais aussi par les maîtres d'oeuvre candidats lors de l'énonciation de leurs premières intentions.

Enfin, pour approfondir l'approche et aborder l'aspect opérationnel du projet, nous identifierons dans une dernière partie les quelques stratégies qui se profilent d'ores et déjà, soit parce qu'elles découlent d'approches identifiées à ce stade (la question du foncier notamment), soit parce que ce sont des stratégies qui ont été mises en places dans des projets similaires et que l'on estime indispensables pour la bonne gouvernance et le bon amorçage du projet (la nécessité d'engager un processus de partenariat qui implique les acteurs locaux présents sur le site et qui autorise l'éphémère, le temporaire).

PARTIE 1.
LA GOUVERNANCE D'UN PROJET DE RENOUVELLEMENT URBAIN

Jean Frébault (2012) énonce que c'est la maîtrise d'ouvrage qui pilote un projet urbain, et que pour ce dernier, le levier d'intervention pour aménager n'est plus uniquement la transformation physique de l'espace, comme ce fut le cas pendant longtemps. Aujourd'hui, dès lors qu'ils s'inscrivent dans la stratégie d'ensemble du projet, les leviers utilisés sont multiples : développement économique, mixité urbaine et diversité sociale, actions de rénovation urbaine articulés avec la politique de la ville, projets culturels, prise en compte des dimensions de gestion et de sécurité, etc. Tout particulièrement en tissus urbains constitués, on s'oriente de plus en plus envers une combinaison d'actions de natures très variées, polarisées ou diffuses sur un même territoire : transformation foncière à travers la procédure de ZAC (Zone d'Aménagement Concerté), projets d'initiatives privées cadrés par le PLU (Plan Local d'Urbanisme), requalifications préalables de l'image du site, aménagement d'espaces publics, insertion urbaine d'infrastructures, combinaison de programmes neufs et d'actions de réhabilitation.

Ces projets, par leur ampleur, engagent l'ensemble du devenir de la ville et de ses habitants. Ils font partie intégrante de la stratégie urbaine, laquelle relève directement de la sphère politique et non des seuls acteurs de l'aménagement. La complexité accrue des opérations et des partenaires mobilisés, les exigences de la concertation avec les habitants, l'évolution inéluctable des projets, le besoin d'une vision prospective et à large échelle nécessitent un engagement fort des autorités élues durant tout le processus de transformation. Celles-ci sont aujourd'hui au premier plan, non seulement dans l'initiative du projet, la définition de ses lignes directrices, mais aussi pour mobiliser et défendre le projet auprès des acteurs économiques ou de la population. Ce qui est en jeu est la vision stratégique du devenir, et c'est bien in fine aux politiques de porter cette responsabilité, d'indiquer les priorités et de réaliser les arbitrages qui conditionneront les modalités de mise en oeuvre opérationnelle.

Cette implication forte des collectivités est d'autant plus justifiée que ce sont elles qui supportent largement le coût de l'aménagement, tout comme ses risques financiers et politiques. Ceci est d'autant plus vrai pour les opérations de renouvellement urbain, qui exigent des investissements lourds et à très long terme, et qui ne peuvent plus, comme dans les opérations classiques, être couverts par une simple vente de charges foncières.

La notion opérationnelle de renouvellement urbain, développée en France dans la lignée de la « régénération » britannique, est définie par Sylvaine Le Garrec (2006) comme une « méthodologie d'intervention sur les zones urbaines dévalorisées (friches industrielles, quartiers d'habitat ancien et d'habitat social) qui privilégie la création de nouvelles valeurs foncières et immobilières et le retour des mécanismes de marché ». Cette notion, fréquemment associée à l'idée de « refaire la ville sur la ville », est aujourd'hui devenue un antonyme de l'étalement urbain et de la conquête de terrains vierges, renforcé par sa rencontre avec les principes du développement durable alimentant un positionnement en faveur de la ville compacte.

Cette posture, favoriser le renouvellement plutôt que l'extension, est admise et intégrée dans les stratégies d'urbanisation des agglomérations. Cela peut être une évidence, au regard des objectifs de faire une ville durable. Pourtant, produire la ville en travaillant sur le tissu existant plutôt qu'en investissant de nouveaux terrains, et en faisant évoluer ce tissu par voie de mutations foncières, soulève plusieurs enjeux et problématiques. C'est de cette tendance contemporaine de l'aménagement de la ville par le renouvellement dont nous discuterons, à travers l'exemple du projet de renouvellement urbain du Bas Chantenay à Nantes.

Avant toute chose, un projet urbain se mûrit, il passe par différentes phases. C'est tout d'abord une impulsion politique, appuyée ou non par des études issues de l'agence d'urbanisme de l'agglomération, par des objectifs retranscrits dans les documents de planification tels que le SCOT (Schéma de Cohérence et d'Orientation Territoriale) pour la stratégie à grande échelle, ou le PLU pour les orientations et règles à respecter à l'échelle locale. Cette impulsion se traduit par la délégation à une société d'aménagement d'études de définition ayant pour objectifs de bien cerner le territoire ciblé, ses qualités et ses défauts, mais aussi de dessiner des premières orientations d'aménagement. Lorsque cette étape a été franchie, et c'est sans aucun doute une des phases les plus importantes du lancement d'un projet, l'aménageur doit déterminer le mode de recrutement de son maître d'oeuvre, le type de marché le mieux adapté à la mission qui lui sera confiée, et la mise en oeuvre de ce recrutement.

C'est une étape capitale en effet, car du choix de l'équipe de maîtrise d'oeuvre va découler la qualité du dessin d'aménagement d'une part, mais surtout de sa mise en oeuvre dans le temps. On le sait, un projet urbain s'étale sur un temps long, et s'il faut que les intentions initiales répondent aux ambitions politiques, c'est son application et la manière dont va fonctionner l'alchimie entre l'équipe recrutée, l'aménageur et la collectivité, qui déterminera la réussite du projet urbain. Sur ce point, Alain Bornarel, ingénieur et dirigeant du bureau d'études Tribu Conseil (2012), énonce ainsi que « le projet urbain est la complexité même (...). Pas seulement parce qu'il nécessite une multitude de nouveaux points de vues, introduit de nouvelles ambitions et de nouvelles richesses. Mais surtout parce (qu'il) repose sur la conviction que la qualité du tout est supérieure à la somme de chacune de ses parties, que l'organisation attentive de leur indépendance conditionne la richesse du projet et ne procède que d'arbitrages. Ainsi, un jeu des acteurs professionnels élargi est déterminant (...). Il s'agit de construire un savoir partagé issu de la prise en compte simultanée des aspects culturels, sociaux, environnementaux et économiques de chaque projet ».

Nous avons ici la chance de rendre compte des réflexions qui ont été menées afin d'initier le projet de renouvellement urbain du Bas Chantenay, à Nantes. C'est une chance, car il est rare, en tant que jeune aménageur, d'être intégré à ce stade d'un projet, et de participer aux débats juridiques, politiques et stratégiques qu'il entraine.

Historique de la gouvernance du Bas Chantenay

Le territoire nantais du Bas Chantenay forme la partie ouest de la rive Nord de la Loire, dans sa traversée du coeur de l'agglomération nantaise. Au même titre que l'île de Nantes, et que les territoires du Pré Gauchet sur la rive Nord et de Pirmil-Les Isles sur la rive Sud, il constitue un site majeur de renouvellement urbain pour conforter et développer le coeur d'agglomération dans toutes ses composantes.

La genèse du projet de renouvellement du Bas Chantenay remonte à 2006. A cette date, Nantes Métropole confie à Nantes Métropole Aménagement la responsabilité d'engager des premières études de définition sur le secteur Est du territoire, portion du Bas Chantenay la plus à même de muter à court terme, puisqu'elle comprend déjà plusieurs terrains conséquents en friche (emprise Armor, carrière Miséry, parc des Oblates, etc.).

Périmètre 1 : études de définition et pré-opérationnelles.

Le projet urbain intègre désormais également le périmètre 2, pour davantage de cohérence.

Ces études de définition, confiées à l'urbaniste hollandais Pierre Gautier, ont abouti, en 2008, à une étude pré-opérationnelle, avec déjà à l'époque des premiers objectifs de programmation. Elles ont établi un potentiel d'aménagement global sur un périmètre élargi de 30 ha environ, dont le programme propose deux équipements publics ainsi qu'une capacité constructive de l'ordre de 300.000 m² de SHON (Surface Hors OEuvre Nette, aujourd'hui Surface de Plancher), constitué de logements, de commerces et d'activités tertiaires (bureaux). L'étude a procédé en définissant des secteurs opérationnels sur les sites les plus capables en termes de densité et de maîtrise foncière. Ainsi s'agissant de l'approche opérationnelle, il était proposé, pour la partie Est, un développement du quartier par sous-secteurs, présentant chacun une forte mixité d'usages entre habitat, commerces, tertiaire, culture, sport et restauration.

En termes d'outil d'aménagement, il a été préconisé, à cette date, la procédure de ZAC.

Schéma des affectations par « chapitres », Pierre Gautier (2008)

Rapidement s'est posée la question de la poursuite de la mission de l'urbaniste. Pour des raisons de manque d'adhésion au programme proposé, et parce qu'il existait déjà un certain nombre de projets de grande envergure sur l'agglomération, la collectivité n'a pas donné suite à cette étude en lançant un marché de maîtrise d'oeuvre. Il a été décidé d'attendre que cette dernière dispose d'un budget pour relancer le projet. Et ce n'est donc qu'en 2011 que le projet de renouvellement du Bas Chantenay est « ressorti des cartons », avec à la clé un nouveau mandat d'études confié à nouveau à Nantes Métropole Aménagement.

La relance du projet de renouvellement

Le premier atelier élus-techniciens, mis en place après la signature du mandat d'études opérationnelles fin 2011, s'est tenu le 15 mai 2012. Il initiait la collaboration entre les élus et les techniciens de Nantes Métropole, ainsi que Florent Turck, le chargé d'opération de Nantes Métropole Aménagement.

Il y était repris les grandes lignes de l'étude de Pierre Gautier afin de valider les orientations de ce nouveau mandat. Il y a été précisé que l'étude avait préconisé une programmation plurifonctionnelle envisageant une mixité de bureaux et de logements, pour ce territoire dont la position avait été considérée comme attractive économiquement. Elle avait par ailleurs mis en évidence un noeud de mobilité à traiter à partir de l'espace public, prenant place entre la gare de Chantenay, bénéficiant d'une position centrale, et sur la place Jean Macé, à l'Est du territoire.

En ce qui concerne les espaces verts, le projet avait esquissé une continuité du cheminement haut entre le square Maurice Schwob et le Parc des Oblates, en hauteur au bord de la falaise. Enfin, rendre la Loire accessible était l'une des intentions essentielles du projet, en prenant en compte la qualité des courtes séquences naturelles et longues séquences ouvragées (estacades) de la rive Nord, en opposition avec une rive sud très naturelle. Il s'agissait de jouer avec les continuités et discontinuités.

En termes de budget, le chiffrage présenté en 2008 prévoyait une participation de la collectivité à hauteur de 40 à 50 millions d'euros sur un bilan total de 80 millions d'euros, auxquels s'ajoutaient 60 millions d'euros pour le traitement des berges. Ces éléments ont conforté l'intérêt d'une opération d'aménagement d'ensemble.

Alain Robert, Vice-président de Nantes Métropole et adjoint à l'urbanisme, retenait, à l'issue de la réunion, trois éléments forts : la liaison entre le haut et le bas du territoire, l'intervention dans un contexte d'entrée de ville, et le rapport à la Loire. Il ajoutait, sur le plan stratégique, que « nous sommes dans un contexte plus apaisé aujourd'hui, car il n'y a plus d'enjeux ferroviaires ». En effet pendant plusieurs années se posait la question d'utiliser l'emprise ferroviaire du Bas Chantenay, aujourd'hui gare de triage, pour y développer une seconde gare afin de désengorger le tunnel menant au centre-ville.

Une dynamique globale sur le coeur de l'agglomération

Le projet d'aménagement du Bas Chantenay s'intègre dans un processus global d'aménagement du centre de l'agglomération.

En termes de projets d'aménagement à proximité du site, on remarquera de nombreuses opérations à différents stades de maturité, notamment :

· La poursuite de l'aménagement de l'Ile de Nantes dans sa seconde phase, pilotée par la SAMOA et Marcel Smets, qui a succédé à Alexandre Chemetoff depuis 2010 ;

· Le lancement fin septembre 2011 de l'étude urbaine du secteur des Isles de Rezé et de Pirmil, pilotée par Nantes Métropole Aménagement et l'agence OBRAS ;

· L'élaboration du projet Centre-ville (travaux sur le Cour des cinquante otages, l'îlot Neptune et la place Bouffay, entre autres) ;

· Le Projet Global de Bellevue au nord de Chantenay, piloté en régie par Nantes Métropole avec l'agence Bécard et Palay.

Les Isles de Rezé & Pirmil

Bas Chantenay

Ile de Nantes

GoogleMaps, 2011

Parallèlement à ces projets en cours dans la proximité du territoire du Bas Chantenay, le projet urbain s'inscrit dans une véritable stratégie de développement cohérente à l'échelle du coeur d'agglomération. Ainsi, dans le cadre d'une réflexion globale sur l'aménagement du coeur de la ville, Nantes Métropole a lancé en septembre 2011 une mission « Cohérence des deux rives », pilotée par Marcel Smets, parallèlement à sa mission de maîtrise d'oeuvre urbain de l'Ile de Nantes. Elle a pour objectif de définir une stratégie cohérente du développement concomitant des berges du Bas Chantenay, de l'Ile de Nantes et des Isles de Rezé. Cette mission prend fin à l'automne 2012. Les observations, analyses et scénarios de développement envisagés dans ce cadre serviront de matière à réflexion pour l'orientation du projet du Bas Chantenay.

Par ailleurs, les qualités économiques du site et leur potentiel de mutation seront étudiés en profondeur par une étude de vocation économique de la zone d'activités du Bas Chantenay, pilotée par Nantes Métropole. Elle s'attachera à définir les enjeux de conservation d'activités industrielles, la faisabilité du transfert éventuel de certaines d'entre elles, et le potentiel de mixité de fonctions sur le quartier. Le bureau d'étude, Synopter, a été désigné en juin 2012, et sa mission prendra fin en février 2013, période à laquelle l'équipe de maîtrise d'oeuvre devrait avoir été recrutée.

Jusque fin 2012 la région Pays de la Loire effectue également l'inventaire du patrimoine matériel et immatériel du quartier de Chantenay. Cette étude vise à identifier les bâtiments ainsi que les lieux qui présentent un intérêt patrimonial fort et seront donc à conserver ou mettre en valeur. Elle sera d'un intérêt certain pour alimenter la réflexion sur les orientations d'aménagement du Bas Chantenay.

Enfin, le projet du Bas Chantenay s'inscrit dans une réflexion en cours autour d'un franchissement de la Loire, dont l'emplacement est envisagé entre le pont de Cheviré et l'Ile de Nantes, et concerne donc directement le Bas Chantenay. L'étude franchissement, actuellement en cours, complétera la réflexion du futur bénéficiaire de l'accord-cadre et sera à prendre en compte pour la définition du parti d'aménagement du territoire.

C'est donc un projet urbain qui est entièrement inscrit dans une dynamique forte de renouvellement, non pas simplement du territoire ciblé, mais de tout le coeur de la ville, avec des approches variées mais très complémentaires. Ces études diverses serviront à nourrir la réflexion d'un point de vue urbain, et constitueront également le moteur politique du projet, puisqu'il est très distinctement inscrit dans un mouvement de mutation global.

Un nouveau mandat au budget limité

Fin 2011 a donc été signé un nouveau mandat d'études avec NMA, qui présente une vocation opérationnelle très marquée. Le mandat stipule en effet dans sa rédaction les résultats attendus de la manière suivante :

· Un état des lieux fonctionnel et urbain complet ;

· L'identification et le dimensionnement économique des contraintes et des conditions de réalisation des opérations d'aménagement : contraintes réglementaires, desserte en réseaux VRD, aléas d'occupation du sol et du sous-sol, risques juridiques et fonciers ;

· Un scénario de développement associant :

o des intentions urbaines articulant la mise en oeuvre des politiques publiques de Nantes Métropole et de la ville de Nantes et les conditions réglementaires, techniques, économiques et foncières des sites,

o un phasage général de mise en opération.

· L'identification des mesures conservatoires indispensables pour préserver les évolutions urbaines à long terme : desserte ferroviaire de l'agglomération, franchissements de Loire, continuité des boulevards du 19ème siècle vers le sud de la Loire, continuité douce le long de la Loire en ouvrant la ville au fleuve, développement de l'offre de mobilité alternative, lien entre le haut et le bas Chantenay, développement conjoint de l'activité économique et industrielle et de l'habitat ;

· Un programme général d'aménagement ;

· Une approche bilancielle d'opération globale ;

· Des schémas d'aménagement de secteurs cohérents d'un point de vue urbain et opérationnel, précisant pour chaque site :

o les contraintes et conditions de mise en opération,

o un préprogramme,

o des modes opératoires et des périmètres opérationnels,

o un pré-bilan économique,

o les modalités de participation des opérations à l'aménagement.

Il est donc clair que le mandat est ambitieux et exige de l'aménageur un travail de fond complet, et vise ouvertement à lancer la maîtrise d'oeuvre dans la foulée (contrairement à ce qu'il s'est passé avec les études de Pierre Gautier). Ainsi, la production exigée du candidat retenu est complète, et la question du budget dédié à ce dernier doit se poser. Un budget faible réduirait les chances de recevoir des candidatures de qualité, or ce budget ne peut plus, aujourd'hui, être étoffé de subventions nationales. Il ne dépend que des capacités financières de la commune et de la communauté de communes.

En effet, depuis les années 1990, les mécanismes de financement mis en place par l'Etat se focalisent sur les grands ensembles : zones sensibles des quartiers classées en GPV ou ZUS, en ne s'attachant qu'à l'échelle du quartier et non de l'agglomération, et à la question du logement en soi, et non de la diversification des usages. Philippe Méjean (2003) affirme ainsi que « nous sommes revenus à une conception restrictive du renouvellement urbain, qui privilégie essentiellement les quartiers sensibles et les procédures de démolition / reconstruction des logements sociaux, plutôt que de chercher à faire de l'urbanisme de projet sur la ville ou l'agglomération dans son ensemble, comme c'est la tendance aujourd'hui ». La réalité du renouvellement urbain semble ainsi proposer un double régime de renouvellement urbain :

· Celui des opérations « labellisées » qui concernent les secteurs d'habitat social ou dégradé, ainsi que les friches urbaines qui sont considérées comme étant hors marché. Ces dernières bénéficient des soutiens financiers de l'État, et souvent, la stratégie de renouvellement appliquée est antinomique, puisqu'elle passe par des opérations de « table rase » pour acter les pertes, devant l'impossibilité d'une réversibilité par la seule intervention du marché.

· Celui des opérations qui mettent en oeuvre le renouvellement urbain dans une logique de retour sur le marché immobilier, dans laquelle entre le projet urbain du Bas Chantenay. Le plus souvent non labellisées, elles sont renvoyées aux modes d'intervention classiques, vers les financements des collectivités locales et les mécanismes du marché immobilier. Mais ces opérations ont une capacité supérieure à attirer des projets nouveaux et des investisseurs pour les financer, car c'est là que l'on peut trouver les processus de recyclage-revalorisation, grâce à l'instauration de mixités fonctionnelles et sociales, lorsque les politiques locales font preuve de courage politique.

Ainsi, dans l'agglomération lyonnaise par exemple, le renouvellement urbain ne concerne que les quartiers de logements sociaux ou des copropriétés en difficulté des années 60-90 puisqu'il n'y a pratiquement pas de quartiers plus anciens classés en GPV, ZUS ou ORU. En revanche, les interventions développées sur de vastes sites en tissu urbain ancien (comme par exemple celles de Vaise et de Lyon-Confluence), qui ont pour objet de reconvertir des zones péricentrales jugées obsolètes ou occupées par des friches industrielles, ne relèvent pas du label, ni des financements du renouvellement urbain.

A l'image de la ZAC Lyon Confluence, le projet urbain et Bas Chantenay et la ou les ZAC qui y seront mises en place ne bénéficient donc pas, sauf modification de la loi, de l'aide de l'Etat. C'est à l'aménageur que relève la responsabilité d'équilibrer son budget, soit par un apport financier conséquent de la collectivité, soit par un travail sur les niveaux de charges foncières, soit bien souvent par la conjonction des deux.

Aujourd'hui le mandat précise un budget dans lequel il est prévu, pour la maîtrise d'oeuvre urbaine, une enveloppe totale de 150.000 euros HT. Au vu de l'ambition affichée d'aller rapidement vers l'opérationnel, ce montant est faible. Pour palier à ce manque, comme on le verra plus bas, il a été décidé d'inclure cette mission d'étude dans un accord-cadre au périmètre plus large, qui intègre dès à présent des missions de maîtrise d'oeuvre d'espace public et d'accompagnement architectural des projets spontanés.

A l'été 2012, la procédure de recrutement d'une équipe d'urbanistes est en cours. C'est une procédure négociée dont les vingt-six candidatures et leurs notes d'intentions viennent d'être reçues. Après un premier jury, entre trois et cinq équipes seront retenues pour concourir sur des premières orientations de projet urbain, et le choix final se fera sur leurs esquisses et ébauches de schémas directeurs.

Si le projet semble donc avancer dans la bonne direction, il est légitime de se poser la question de son positionnement au milieu des nombreux projets d'envergure existants sur l'agglomération : le grand projet de renouvellement de l'île de Nantes, les aménagements du centre-ville, le (re)démarrage de la ZAC des Isles à Rezé, le lancement des études de définition des Gohards plus à l'Est, mettent la ville dans une dynamique de mutation positive, mais posent clairement la question épineuse du financement. Il est donc démarré un projet urbain ambitieux, sans savoir quel sera son avenir d'ici la fin du mandat, ce qui nous amène à poser la question de la voie à suivre pour assurer sa bonne gouvernance.

Quelle gouvernance optimale ?

La structure juridique de la société d'aménagement est un indice de la volonté politique qu'y met l'agglomération. Ainsi pour lancer l'opération de l'Ile de Nantes, il a été décidé de créer une SEM ex nihilo, la SAMOA (Société d'Aménagement Ouest Atlantique). Un geste fort, que l'on peut retrouver dans plusieurs autres opérations d'envergures en France : la SEM Ville Renouvelée pour les friches de Roubaix, la SEM Lyon Confluence pour la pointe Ouest du centre-ville, la SEM Paris Rive Gauche pour les friches industrielles du nord-est du 13e arrondissement, etc. Cela permet, en premier lieu, la composition d'une équipe complète impliquée sur le site, avec ses services de communication, de négociation foncière sur les territoires où il n'existe pas d'établissement public foncier (EPF) comme c'est le cas à Nantes, de gestion budgétaire, et de pilotage du projet par thématiques (espaces publics d'un côté, aménagement du foncier cessible de l'autre, etc.). Mais une telle structure dédiée a aussi un effet de levier indéniable sur le plan politique : c'est bien souvent un élu qui siège à la tête de ces SEM, il devient donc de facto le pilote du projet de renouvellement urbain, et porte le projet dans les arcanes de la direction de la ville ou de la communauté de communes.

Ici point de SEM dédiée, ce qui clarifie plusieurs points : le projet n'est pas, à l'heure actuelle, la priorité de l'agglomération, et il ne disposera pas, contrairement au lancement de l'île de Nantes, d'un budget extensible.

Une procédure négociée pour créer un moteur politique

Comment faire alors pour montrer son ambition ? Il a été décidé, à Nantes Métropole Aménagement, de faire fi du peu d'ambition actuelle, et d'anticiper sur l'avenir en imposant en quelque sorte, par la procédure de marché utilisée, une présence et une implication des élus tout du long du processus de sélection de l'équipe lauréate.

Cette décision a été prise après la commande de plusieurs notes juridiques à la SCET afin d'identifier clairement, d'une part ce qu'il était possible de mettre en place étant donné notre statut (mandat d'étude et non concession, donc sujet au code des marchés publics, plus contraignant que la loi MOP) et les objectifs identifiés (souplesse, implication des élus et des candidats). Le résultat de ces échanges a été synthétisé dans un tableau comparatif ayant pour objectif de présenter à la collectivité les options qui s'offraient à nous (voir annexe 1). Un des arguments principaux pour l'aménageur était la possibilité qu'offrait la procédure négociée de diviser la sélection de l'équipe lauréate en plusieurs étapes, ponctuées par des jurys officiels composés d'un minimum d'un tiers d'élus.

Pour le projet, il a été décidé d'avancer en deux phases, une première dite de candidature, lors de laquelle les candidats présentent, en sus des documents administratifs indispensables dans toute réponse à un appel d'offre, la composition et l'organisation de leur équipe, trois références significatives pour chacun des membres (urbaniste, architecte, paysagiste, bureau d'étude VRD (voirie et réseaux divers), agence de concertation et de communication, spécialiste développement durable ou environnement, etc.), ainsi qu'une note de méthodologie et d'intention vis-à-vis des premiers enjeux identifiés. Pour le présent marché, vingt-six candidats ont répondu, parmi lesquels une douzaine travaille sur des projets d'envergure internationale et sont du niveau du Grand Prix d'Urbanisme. De ces vingt-six candidats, NMA en retiendra de trois à cinq pour participer à la seconde phase, dite d'offre. Ce choix sera effectué à l'issue d'un premier jury, les élus devront donc avoir pris une première décision quant aux équipes qu'ils aimeraient voir travailler davantage sur le sujet, en accord avec les analyses et préconisations des maître d'ouvrage (Nantes Métropole) et maître d'ouvrage délégué (Nantes Métropole Aménagement).

Lors de la seconde étape, les équipes retenues devront approfondir leurs intentions et leur proposition de méthodologie, en proposant des éléments d'analyse et des scénarios d'aménagement qui soient déjà de l'ordre du pré-opérationnel. Même si bien sûr, un gros travail d'analyse restera à effectuer pour le lauréat avant qu'un plan soit adopté. Ils proposeront des éléments de rendus papier, mais ils seront également auditionnés, avec un échange, en face des élus composant le jury.

Ce processus, plus long et plus demandeur qu'un simple appel d'offre, permet d'avancer petit à petit dans la sélection, et demande aux élus de s'approprier non pas simplement la résultante du projet urbain, mais le choix en lui-même de l'équipe qui travaillera sur le projet. Présents dès l'origine, ils sont ainsi sensibilisés aux problématiques mises en avant par les urbanistes, peuvent prendre le temps de réfléchir aux intentions et méthodologies développées par chacun, et choisissent donc, non pas une équipe, mais un projet urbain. Cela permet également de se départir des idées préconçues que certains peuvent avoir sur tel ou tel urbaniste, voir de lisser les pressions qui peuvent être présentes pour choisir une équipe plutôt qu'une autre. Ce point peut paraître anodin, mais il est important, à nos yeux, que, d'une part, le politique adhère au choix du maître d'oeuvre dès l'origine, et que d'autre part, l'aménageur garde la main sur cette décision.

S'inspirer de projets existants

C'est une étape importante dans un projet urbain que le choix du maître d'oeuvre, puisque celui-ci va être amené à être le partenaire privilégié et presque exclusif de l'aménageur. Il faut donc que la méthode de travail soit en accord avec celle de l'aménageur, et que les intentions urbaines satisfassent les ambitions politiques.

De longs mois de discussions ont eu lieu sur ce sujet au sein de Nantes Métropole Aménagement ainsi qu'avec les techniciens de Nantes Métropole, et Florent Turck, chargé d'opération et responsable de ce projet en tant qu'aménageur, s'est inspiré de la méthode adoptée pour le projet urbain d'EuraLens. Développée par Une Fabrique de la Ville et initiée par le projet du Louvre Lens, cette stratégie préconisait la mise en place d'une procédure de dialogue compétitif, pour les mêmes raisons d'implication de l'ensemble des acteurs dans le choix de l'équipe retenue.

Calendrier de la procédure négociée pour l'attribution de l'accord-cadre Euralens. SCET 2012

Pour le Bas Chantenay, le mandat signé ne courant que jusque fin 2013, nous ne disposions pas d'assez de temps pour reprendre cette approche, qui implique une phase de négociation relativement lourde à organiser, mais, comme nous l'avons vu plus haut, nous avons insisté pour qu'une procédure négociée soit préférée à un simple appel d'offre restreint.

Susciter l'intérêt des candidats par accord-cadre de maîtrise d'oeuvre

La procédure négociée entraîne l'implication des élus en charge du projet, ce qui est la garantie d'un projet bien gouverné, piloté par une association de maîtres d'ouvrages (collectivité et aménageur) qui s'entendent sur les partenaires du projet et la méthode envisagée. Mais il fallait également s'assurer du recrutement d'un maître d'oeuvre de qualité, car le projet est complexe et devrait s'inscrire dans un temps long.

L'objectif était donc de réussir à véhiculer l'idée que nous n'étions pas sur une nouvelle phase d'étude de définition, mais bien sur des études opérationnelles suivies directement de la maîtrise d'oeuvre des espaces publics. Pour la gouvernance du projet, nous insistions ainsi, de fait, sur la nécessité de sortir de l'étude du site et d'aller vers l'opérationnel, car la transformation du quartier ne peut aujourd'hui se passer d'un outil d'aménagement et de prescriptions architecturales et urbaines en accord avec la vision du futur Bas Chantenay.

Le quartier est d'ores et déjà en mouvement, comme le montre, entre autres, l'aménagement de l'îlot Armor, d'initiative privée. Il faut donc que, dans un délai court, nous disposions d'un outil permettant d'encadrer les mutations spontanées du quartier. Et, comme précisé dans une note interne de NMA le 4 avril 2012, « cet outil doit permettre de faire face à des situations variées et multiples dans un contexte où les projets n'avanceront pas linéairement. En effet, le projet du Bas Chantenay est déjà, de fait, en cours (Armor, Parc des Oblates...), et l'accord-cadre permettra de répondre aux diverses sollicitations dans un délai restreint, notamment pour la réalisation d'espaces publics et l'accompagnement d'opérations ».

Intégrer les missions de maîtrise d'oeuvre dans l'accord-cadre

Par ailleurs, dès lors qu'il était anticipé dans sa rédaction, cet accord-cadre nous offrait la souplesse de pouvoir passer un marché subséquent de maîtrise d'oeuvre dès que la décision politique serait prise, sans le délai traditionnel de mise en concurrence.

Ainsi, lors de sa rédaction, le cahier des charges précisait déjà les principales missions que devrait assumer le maître d'oeuvre ; ces dernières étant listées sous forme de marchés subséquents. Sous cette forme, il permettait de mettre en avant l'étendue du projet tel qu'il est imaginé par l'aménageur ; ce ne sont pas de simples compétences en études que l'on attend du candidat, mais bien des compétences globales pour le pilotage d'un projet de renouvellement urbain complet.

A travers sa rédaction, il identifie d'ores et déjà cinq volets, un volet par type de mission, concrétisés par des marchés subséquents. Si les trois premiers volets, A, B et C, rentrent dans le cadre du mandat actuel, les deux derniers, D et E (ainsi qu'une prolongation du volet C), anticipent la signature d'une concession d'aménagement à Nantes Métropole Aménagement par la collectivité.

Au 30 août 2012, ces missions sont donc rédigées de la manière suivante :

VOLET A. Mission de conception urbaine

Cette mission est une mission de prestations intellectuelles qui se développe en deux phases :

a) Traduction spatiale d'une stratégie d'aménagement du quartier

Il s'agit pour le maître d'oeuvre d'élaborer les intentions urbaines et le parti d'aménagement permettant la mise en oeuvre de la stratégie de développement du projet sur le territoire ciblé.

Sur la base de scénarios contrastés, cette réflexion de projet urbain se traduira sur l'ensemble des deux périmètres et devra donc intégrer dans une démarche globale et cohérente sa partie ouest. Ainsi un scénario de développement par secteurs devra être proposé, pour lequel le maître d'oeuvre devra :

· Dans l'est du périmètre, offrir une réinterprétation des enjeux et orientations précédemment identifiés par l'étude de Pierre Gautier en 2008 ;

· Dans la partie ouest, qui n'a à ce jour pas fait l'objet de réflexions pré-opérationnelles, proposer un parti d'aménagement, répondant notamment à l'enjeu majeur qui est la gestion dans le temps des activités présentes sur site. La proposition sur ce secteur devra ainsi afficher une vision à terme, mais aussi offrir une réponse à la gestion transitoire du site, dans l'objectif d'une continuité de développement et de préfiguration des usages finaux.

Le maître d'oeuvre proposera une méthodologie d'accompagnement du projet urbain permettant l'inscription de chaque opération se développant sur le territoire, quelle qu'en soit sa nature, dans une cohérence d'ensemble et dans le respect des objectifs initiaux (...).

b) Dimensionnement économique des scénarios de développements

Les outils et supports cartographiques devront appuyer des propositions précises de niveau pré-opérationnel dans chacune des composantes d'un projet d'aménagement :

· L'identification des prestations techniques complémentaires nécessaires à la réalisation du projet, prenant en compte ses différentes contraintes : contraintes réglementaires, desserte en réseaux VRD, aléas d'occupation du sol et du sous-sol, risques juridiques et fonciers, etc. ;

· Un phasage général de chaque scénario de développement envisagé ;

· Une évaluation des coûts de réalisation des aménagements proposés, pour chaque secteur identifié.

Suite à ce programme d'études, un ou plusieurs périmètres opérationnels seront identifiés et mis en place, selon des procédures à définir avec le maître d'ouvrage et la collectivité. Cette mission A pourra faire l'objet de plusieurs marchés subséquents. Il s'agira de marchés forfaitaires.

VOLET B. Mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage

Cette mission comprend globalement toute intervention de la maîtrise d'oeuvre en assistance à la maîtrise d'ouvrage pour la mise en place des actions, outils et procédures nécessaires à la mise en oeuvre du projet et de ses opérations. Il s'agit notamment :

· d'une assistance à l'élaboration des dossiers réglementaires règlementaires : outil(s) d'aménagement retenu(s), PLU, dossier loi sur l'eau, études d'impact, etc. ;

· d'une assistance à l'élaboration des supports de communication ;

· d'une assistance lors de l'organisation d'événements exceptionnels sur le site (de type Biennale Estuaire) ;

· d'une présence à l'ensemble des réunions auxquelles la présence du maître d'oeuvre urbain sera jugée utile.

Cette mission B pourra faire l'objet de plusieurs marchés subséquents. Il s'agira de marchés à bons de commande, rémunérés par type d'intervention et par opération.

VOLET C. Mission de coordination urbaine et architecturale

Cette mission consiste en l'accompagnement de l'élaboration des programmes immobiliers, afin de garantir leur inscription dans la cohérence du projet d'ensemble. Elle se développe dès l'expression d'une volonté de projet, que son porteur soit connu ou non, jusqu'à sa réalisation par des actions successives :

· Pour l'assistance dans le choix du maître d'oeuvre de l'opération,

· La mise en cohérence du programme et des objectifs urbains à travers l'élaboration d'un cahier des charges d'insertion urbaine,

· La formulation d'un avis motivé sur le permis de construire et/ou l'autorisation d'urbanisme nécessaire,

· Le suivi de l'évolution du projet jusqu'à sa livraison.

Cette mission C pourra faire l'objet de plusieurs marchés subséquents. Il s'agira de marchés à bons de commande, rémunérés par type d'intervention et par opération.

Comme nous l'avons introduit précédemment, à ces trois missions correspondent un budget, puisqu'elles rentrent dans le cadre du mandat actuel. Afin de bien clarifier cette particularité de l'accord-cadre, il a été décidé de le repréciser dans l'AAPC (Avis d'Appel Public à la Concurrence), car ce dernier ne proposait pas le cahier des charges complet mais une simple note présentant les enjeux de manière synthétique (le cahier des charges complet ne sera en effet diffusé qu'aux trois à cinq candidats retenus pour la seconde phase, dite d'offre). A des fins de transparence et pour s'assurer des offres cohérentes avec nos moyens, nous avions également décidé de préciser les montants affectés à ces trois premières missions. Il a donc été écrit dans l'AAPC que « ces trois premiers marchés subséquents d'une durée de 18 mois seront de l'ordre de 150.000€ HT ». De la même manière, pour rassurer les concurrents sur l'ambition du projet et afficher cette dernière, il est précisé que « ce montant est indicatif et correspond à une première étape du projet ».

Afin de se laisser la liberté de continuer ou non de collaborer avec le maître d'oeuvre une fois l'outil d'aménagement créé, il a été décidé de préciser que les missions hors mandat d'études ne seraient pas systématiquement attribuées au même maître d'oeuvre. La description des missions du cahier des charges se poursuit donc ainsi :

Les missions suivantes (volets D et E) porteront sur un ou plusieurs périmètres opérationnels définis à l'issue du mandat d'étude. Nantes Métropole Aménagement précise que le bénéficiaire du présent accord-cadre ne se verra pas nécessairement confier l'ensemble des missions sur le périmètre opérationnel.

VOLET D. Missions de maîtrise d'oeuvre d'espaces publics

On entend par « espace public » l'ensemble des équipements de surface, y compris mobilier urbain, éclairage public, traitement des sols, plantations ainsi que les ouvrages à modifier ou à créer liés à la mise en oeuvre des espaces publics. Y sont inclus les travaux de génie civil des réseaux de télécommunication et de régulation de trafic.

Les principaux objectifs d'aménagement des espaces publics du Bas Chantenay sont les suivants :

· enrichir la trame viaire en recomposant un maillage et des îlots ;

· accompagner et initier les différents programmes en cours ou à venir ;

· redéfinir les usages et le partage des fonctions de l'espace public ;

· aménager des espaces pérennes et de qualité intégrant les incidences liées à leur gestion dans le temps ;

· conforter par le paysage, l'éclairage, le mobilier, etc., l'image identitaire du quartier dans la diversité des situations rencontrées.

Du fait de l'impossibilité de décrire précisément à ce jour les programmes de ces missions (programme, cahier des charges et enveloppes prévisionnelles), l'offre sera proposée pour trois catégories d'intervention pour une mission de base (VISA sans EXE) :

· Une intervention sur un secteur dont le montant de travaux est supérieur à 500 k€ H.T. ;

· Une intervention plus restreinte dont le montant de travaux est compris entre 50k€ H.T. et 500k€ H.T. ;

· Une intervention ponctuelle (notamment dans le cadre de l'accompagnement des opérations immobilières) dont le montant de travaux est inférieur à 50 k€ H.T.

Cette mission D pourra faire l'objet de plusieurs marchés subséquents. Il s'agira de marchés de maîtrise d'oeuvre (mission de base VISA sans EXE) rémunérés par opération. Il est précisé que le titulaire ne se verra pas nécessairement confier la maîtrise d'oeuvre de la totalité des espaces publics à réaliser dans le cadre du secteur opérationnel.

VOLET E. Mission de suivi de la mise en oeuvre du projet urbain

Cette mission a pour objet :

· d'assurer le suivi et la mise à jour du parti d'aménagement et de ses outils de formalisation ;

· d'élaborer une méthodologie d'évaluation et d'actualisation des documents de référence sur une occurrence à définir et sur la durée du contrat.

Cette mission E pourra faire l'objet de plusieurs marchés subséquents. Il s'agira de marchés forfaitaires.

Enfin, afin de bien clarifier la position dans le temps de chacune des missions, il a été ajouté un récapitulatif des missions de l'accord-cadre :

On peut déjà envisager le tableau de répartition suivant :

 

Dans le cadre du mandat d'études en date du 20/12/2011

Hors mandat d'études

Conception urbaine

A

-

Assistance à maîtrise d'ouvrage

B

B2

Coordination urbaine et architecturale des constructions

C

 

Maîtrise d'oeuvre d'espaces publics

-

D

Suivi du projet urbain

-

E

La faisabilité juridique d'un accord-cadre de maîtrise d'oeuvre sans concession d'aménagement

Il est donc bien évident que cet accord-cadre est original et bouscule un peu l'ordre établi, puisqu'il mentionne des missions auxquelles ne sont pas associés, pour l'instant, ni de maître d'ouvrage, ni de budget. Afin de s'assurer de la solidité juridique d'un tel contrat, nous avons passé un certain temps à échanger avec la SCET (Services Conseil Expertises Territoires) sur les possibilités juridiques qui s'offraient à nous, puis à vérifier que la voie retenue, accord-cadre et procédure négociée, ne posait pas de problème.

Les conclusions de ces échanges sont présentées le 4 avril 2012 dans une note interne destinée au service marchés de NMA et à sa direction. Elle reprend les précisions apportées par la SCET et s'exprime en ces termes :

3 procédures sont envisagées dans le code des marchés publics pour la passation des contrats de maîtrise d'oeuvre :

· Le dialogue compétitif, dans l'hypothèse où le contrat est considéré comme étant complexe. Solution non retenue par la collectivité pour des raisons de délai et de moyens.

· La procédure négociée, à condition de démontrer que « la prestation à réaliser est de nature telle que les spécifications du marché ne peuvent être établies préalablement avec une précision suffisante pour permettre le recours à l'appel d'offre ».

· L'appel d'offre restreint, l'appel d'offre ouvert n'étant pas envisageable dans ce cas.

La procédure négociée nous semble répondre aux différents enjeux de l'opération, et surtout correspondre à la situation à laquelle nous sommes confrontés. Sa mise en oeuvre paraît possible au regard de l'article 35 du code des marchés publics car l'accord-cadre prévoit :

· Une mission sur un périmètre large au départ. Les études doivent déterminer le ou les périmètres opérationnels, sur lesquels seront mises en oeuvre des opérations d'aménagement. Selon les conclusions intermédiaires des études, des compléments variés en fonction des secteurs et des objectifs pourront être mis en oeuvre.

· Des missions pouvant évoluer suivant les orientations des secteurs. La maîtrise foncière étant incomplète, les opérations privées peuvent amener à définir des missions d'étude et d'accompagnement adaptées aux enjeux du site.

· Des missions d'études à qualifier selon les réponses et méthodologies des équipes.

Par ailleurs, il nous semble que le principe même du choix de la passation d'un accord-cadre est justifié par l'absence de certitude sur la définition exacte des missions à réaliser. Ceci est donc en cohérence avec la mise en oeuvre d'une procédure négociée.

Un territoire en cours de transformation

Le territoire du Bas Chantenay est depuis plusieurs années en cours de transformation, de fait, par des mutations issues du secteur privé ou des projets publics d'aménagement qui vont transformer petit à petit le visage du quartier, avant même que le projet urbain ne soit entrée dans sa phase opérationnelle. Quelques-unes d'entre elles méritent d'être identifiées.

Projet immobilier du site d'ARMOR

Le site Armor, ancien site de de bureaux et de production d'encre d'imprimerie est, de fait, le premier vrai projet de renouvellement urbain sur le Bas Chantenay. Suite à l'organisation, par la société Armor, propriétaire du site, d'un concours promoteur-concepteur, un jury composé de représentants de la société, de la Ville de Nantes et son AMO (Pierre Gautier), s'est réuni le 20 juin 2008, sous la présidence de Monsieur Alain Robert, adjoint au maire à l'urbanisme. Après présentation des quatre projets en lice, le jury a unanimement choisi le projet du promoteur Brémond et les architectes V. Cornu, F. Grether, Bouillaud & Donnadieu accompagné du paysagiste PHYTOLAB, des bureaux d'études exNdo, et Burgeap pour la dépollution.

En l'absence d'outil d'aménagement, il a été confié à Pierre Gautier, à la suite de son étude programmatique, l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour le projet immobilier envisagé par la société Armor. Le projet validé propose un programme de 9.000 m² de bureaux sur la partie sud, dont 2.145 m² réhabilités, ainsi que 14.000 m² de logements, soit 169 logements dont 25% de logements sociaux.

Perspective du projet ARMOR. Groupe Brémond (2008)

Un certain nombre d'éléments marquant l'esprit du site ont été conservés dans le projet : la pointe du bâtiment historique, l'esprit linéaire du bâtiment industriel le long du boulevard Chevreul, certaines particularités telles que des murs/murets, arbres remarquables, etc. François Grether a su inscrire cette étape de ré-urbanisation dans la continuité du tissu urbain, en proposant en outre la création d'une rue perpendiculaire à l'axe principal suivant le fleuve.

Le chantier, débuté fin 2009, courra sur 5 ans pour s'achever fin 2014.

Projet d'aménagement du Bois Hardy

Nantes Métropole a également entamé une réflexion autour de l'aménagement du quartier du Bois Hardy, entre le boulevard du Maréchal Juin et la rue des Alouettes. A ce jour, les premières intentions d'aménagement sont les suivantes :

o Définir des lots constructibles à partir des voiries existantes, avec des prescriptions de cheminements piétons, et du stationnement mutualisé en entrée de lots ;

o Définir le secteur de jardins sur les parcelles enclavées du nord du site, en adossement au mur ancien de clôture de la cité Arthur Benoît, et un espace commun de coeur d'îlot, à flanc de coteau (perspectives visuelles lointaines), autour du chêne centenaire marquant le site, à l'interface des constructions existantes et nouvelles ;

o Améliorer la viabilité des voies ouest : mise en liaison des rues de Mallève avec l'avenue des Alouettes.

Il est envisagé une typologie d'habitat intermédiaire et individuel dense, inscrits dans la pente du coteau. En terme de programme, il est envisagé un tiers de logement social, un tiers de primo-accession abordable, et un tiers de logement libre, dans le cadre d'une servitude de mixité sociale. L'hypothèse de l'insertion d'un programme d'autopromotion est également envisagée.

Un quartier ancré dans un cadre naturel. NMA (2010)

Sur le plan stratégique, la création d'une ZAC dédiée est envisagée depuis plusieurs années déjà. Mais des discussions récentes avec Nantes Métropole laissent apparaître la possibilité d'une intégration de cette opération au projet global du Bas Chantenay, afin d'accorder plus de cohérence aux deux interventions. La présence d'une société de recyclage de métaux, qui pose problème en secteur d'habitat, motive également cette option. Réintégrer le projet du Bois Hardy dans le Bas Chantenay offrirait en effet davantage de latitude à l'aménageur pour proposer des solutions de relocalisation à la société en question.

Extension des bâtiments SECODI

L'entreprise SECODI, PME de construction de moteurs, est implantée sur le site depuis plusieurs dizaines d'années. Fort de 300 employés, son fondateur et dirigeant, M. Jacques Setis, est un élément essentiel du tissu économique du quartier et de l'agglomération. Il dispose d'un réseau relationnel important et suit avec attention l'évolution du quartier, surtout depuis ces dix dernières années, qui ont vu se concrétiser la mise en place du renouvellement du quartier avec l'étude de définition de Pierre Gautier. Ainsi, comme plusieurs autres acteurs industriels locaux, il s'est attaché à élargir progressivement son patrimoine foncier. Aujourd'hui propriétaire important, il est devenu acteur du projet puisqu'il a récemment réhabilité un bâtiment désaffecté appartenant aux brasseries de la Meuse pour y installer un centre de formation interne ainsi qu'une surface de bureaux en location.

Centre de Formation SECODI et bureaux en location. Personnel (2011)

C'est une initiative entièrement privée et le projet est modeste de part ses dimensions, mais cela confirme, s'il en était besoin, le fait que le quartier est d'ores et déjà en cours de mutation.

PARTIE 2.
LES ÉLÉMENTS CLÉS DE L'ANALYSE URBAINE

Il a été vu les enjeux de la construction d'un projet urbain en amont, à travers une explication les processus de décision politique et de prise en main par l'aménageur. L'étape suivante, dans la définition du projet, est l'identification des éléments urbains sur lesquels va pouvoir s'appuyer le projet. Le travail mené en interne pour la rédaction du cahier des charges, ainsi que nos lectures, nous ont permis d'identifier les éléments de composition urbaine sur lesquels l'attention doit être portée pour l'élaboration du projet urbain. Ce travail est aujourd'hui complété par les notes d'intention des vingt-six candidats à l'appel d'offre, qui explicitent, avec plus ou moins de précision, la vision qu'ont les équipes du territoire et leur première approche.

Avant d'entrer dans des considérations d'ordre méthodologique ou de détailler certaines approches que nous avons identifiées comme étant pertinentes pour le projet du Bas Chantenay, il nous semble important de s'attarder à brosser un portrait rapide de ce qui a fait et ce qui fait la ville : depuis son histoire à ses usages actuels, la ville est un ensemble de lieux, d'objets, de pratiques qui lui façonnent une personnalité propre.

Et si l'organisation de la ville a bien changé depuis l'avènement de l'ère moderne et l'urbanisme fonctionnaliste qui s'en suivi, elle présente toujours les mêmes idéaux qui sont ceux que l'aménageur et son urbaniste essaient aujourd'hui de réinventer : un lieu d'échanges, de vivre ensemble, de découvertes, d'activités, de conflits mais aussi de partages. Bref, un lieu vivant.

Dans un premier temps, nous allons essayer de faire ressortir une sélection de quelques pensées et remarques autour de la ville et de ses espaces publics. Il nous semble important, pour tout projet urbain, de se constituer une certaine culture de l'urbain, afin de garder en tête, tout au long de la conception puis de la construction du projet, les éléments qui « font ville » et qu'il faut savoir mettre ou remettre en valeur. Puisque nous nous plaçons du côté du maître d'ouvrage, et donc de la puissance publique, nous nous focaliserons sur ce qui fait notre coeur de métier, les espaces publics et l'influence que ces derniers ont sur la qualité urbaine d'un quartier.

La mission d'un maître d'ouvrage est en effet double : d'un côté il faut savoir s'accompagner d'un maître d'oeuvre qui a bien saisi les enjeux du projet et qui sait les retranscrire par un plan directeur mais aussi par des prescriptions, qui retranscrivent les idées phares du plan et qui s'appliquent à tout intervenant sur le territoire (promoteurs immobiliers, constructeurs, sociétés de transport, de réseau) ; de l'autre il faut mettre en branle le projet par des actions fortes, ou par des ajustements bien ciblés, sur l'espace public. Ce peut être un travail sur le redimensionnement des voiries, la requalification des places, des rues, des parcs, mais également la construction, par la puissance publique, d'équipements qui marquent le renouveau du quartier. On pense souvent, sur ce point, aux grands équipements culturels tels le musée Guggenheim à Bilbao ou l'opéra de Sydney, qui sont des symboles forts pour les acteurs privés et attirent une nouvelle population, mais ce peut être aussi tout simplement des établissements scolaires, sportifs, associatifs, qui viennent s'inscrire dans une logique plus douce afin de retisser des liens entre les résidents et travailleurs du territoire, de relier le quartier à la ville, à son centre.

La place de l'espace public

Lors de la rédaction du cahier des charges d'appel d'offre pour l'accord cadre de maîtrise d'oeuvre urbaine, il a été porté une attention certaine à la présentation du territoire, du contexte de l'accord-cadre et surtout des enjeux urbains d'ores et déjà identifiés : la forme urbaine, le parcellaire, les déplacements, la gestion des rives, l'inscription dans une démarche globale de développement durable... Il n'a pas été abordé, en revanche, la question plus générale mais primordiale dans un projet urbain de la place des espaces publics. Comme introduit précédemment, nous allons essayer, à travers quelques réflexions issues de nos lectures, de palier à cet oubli en explicitant la place de l'espace public dans la ville, ses éléments physiques mais aussi immatériels, la façon dont ils constituent le terreau de l'expression visible des liens sociaux.

Définition de l'espace public

Un espace physique, juridique et localisé

Lorsque l'on pense espace public, on pense d'abord à un espace physique, matériel. C'est ainsi que Merlin et Choay, dans leur Dictionnaire de l'Urbanisme et de l'Aménagement (1988), introduisent leur chapitre sur l'espace public par une définition qui lui dessine des limites physiques et juridiques : « On peut considérer l'espace public comme la partie du domaine public non bâti, affectée à des usages publics. L'espace public est donc formé par une propriété et par une affectation d'usage (...). En tant que composé d'espaces ouverts ou extérieurs, l'espace public s'oppose, au sein du domaine public, aux édifices publics. Mais il comporte aussi bien des espaces minéraux (rues, boulevards, places, passages couverts) que des espaces verts (parcs, squares, cimetières) ou des espaces plantés (mails, cours). » Isabelle Billiard, dans ce qui est considéré comme la première véritable étude sur les espaces publics en France (1988), ajoutera une dimension géographique à cette définition, en considérant que « l'espace public se polarise autour de lieux publics, mais clos, destinés à des citoyens-usagers, dont les architectures spécifiques (écoles, mairies, postes) constituent une emblématique nationale ».

Un espace immatériel, vecteur de communication

De cette définition qui procède d'une démarche descriptive et qui encadre l'espace public dans des repères physiques, juridiques et géographiques, on peut envisager d'expliciter cet espace en partant des usages qu'il induit et non de ses caractéristiques. Ainsi Thierry Paquot, dans son ouvrage « L'espace Public » (2009), présentera une approche non plus descriptive, mais fonctionnelle, énonçant que l'espace public consiste en un ensemble d'espaces « mettant en relation, du moins ponctuellement, des gens, qui s'y croisent, s'évitent, se frottent, se saluent, conversent, font connaissance, se quittent, s'ignorent, se heurtent, etc. Ces gens remplissent une fonction essentielle de la vie collective : la communication. Ils facilitent l'urbanité élémentaire et reçoivent, comme un don anonyme et sans réciprocité attendue, l'altérité. C'est dans ces espaces publics que le soi éprouve l'autre. C'est dans ces espaces dits publics que chacun perçoit dans l'étrangeté de l'autre la garantie de sa propre différence ». De la même manière, Richard Sennett (1972) précisera que la ville est le lieu privilégié de cet en-commun créé par l'espace public, car elle se présente comme « un milieu humain dans lequel des inconnus se rencontrent ».

La ville et son espace public sont donc avant tout des lieux de communication entre habitants, travailleurs, promeneurs, enfants, parents. C'est une définition que nous apprécions, car elle insiste, non sur les espaces qui font public, mais sur l'aspect relationnel qui fait de certains espaces des espaces publics. Et cela nous paraît pertinent, puisque de nombreux lieux nous semblent devenir publics par leur usage, et non par leur destination initialement imaginée. C'est une conception qui semble convenir à une réflexion de renouvellement urbain : l'aménageur et son urbaniste ne devraient pas chercher à créer des lieux qui doivent être amenés à être publics, mais plutôt à trouver les lieux qui font du lien et seront amenés, par leur usage, à devenir espaces publics de fait. Une telle approche pousse l'urbaniste à réfléchir à la valeur d'usage des espaces qu'il crée, et donc à adopter une posture sensible dans sa vision de la transformation du territoire.

C'est une approche que l'on retrouve dans certaines notes d'intentions issues des candidatures pour l'accord-cadre de maîtrise d'oeuvre urbaine. Ainsi Reichen et Robert diront que « le sens de l'espace public est celui de la rencontre, du vivre ensemble et de l'appropriation, base de la désirabilité. » Ils imaginent déjà que « des lieux communs, hors normes et aménagés avec les gens du coin, pourront créer des lieux actifs et vivants, pixels inattendus dans la ville, associant le loisir à la pédagogie. »

L'espace public, produit d'une vie économique et d'une mixité

Journaux, salons, cafés

On vient de le voir, nous préférons appréhender l'espace public comme sortant des espaces minéraux ou plantés pour être présent, de manière plus large, omnisciente presque, dans les lieux et vecteurs de communication publique.

Ainsi les remarques de Jürgen Habermas (1962), philosophe et sociologue allemand, présentent un intérêt certain. Il cherche à caractériser l'espace public en identifiant sa rémanence dans trois « formes » qui selon lui font communication ; le journal, le salon et le café.

Le journal car il est issu de l'écriture, premier médium de communication entre les hommes mais surtout premier lieu d'expression après l'agora de la Grèce antique. Les journaux véhiculent la pensée unique du pouvoir, lissée encore davantage par la publicité, mais également les courants alternatifs de pensée dite « libre », depuis les républicains avant la révolution aux fanzines, journaux spécialisés ou dits indépendants.

Le salon quant à lui, est le lieu privilégié de l'échange d'information, depuis les cours des rois aux salons littéraires tenus chez certaines grandes familles, et de nos jours ce que l'on a coutume de nommer les « think tanks », associations de professionnels, penseurs, chercheurs, qui se réunissent afin de réfléchir et échanger sur un sujet de société. On remarquera d'ailleurs que ces groupes de réflexions existent depuis bien longtemps, si l'on considère par exemple la franc maçonnerie dans sa pratique actuelle en Europe.

Enfin le café, qui est en quelque sorte le prolongement naturel du salon accessible au plus grand nombre. Il est en effet ouvert à toutes les catégories sociales, promeut la circulation des idées, accepte la tenue de réunions à caractère public, assure la promotion d'un artiste... Ainsi pendant longtemps la paie des marins était distribuée dans les bars des ports, avec les atmosphères enivrées de jour de paie qui s'en suivaient. Ce sont dans ces lieux que les ouvriers inventeront le syndicalisme, que les artistes dénonceront l'académisme et lanceront de nouveaux courants artistiques. Paquot dira qu'avec les cafés, « c'est l'esprit de la ville qui se répand sur territoire, et avec lui, les conceptions politiques et la reconnaissance de l'opinion publique. C'est une balise dans l'océan agité de la grande ville ». Il citera Champfleury, qui dans ses Souvenirs et portraits de jeunesse, dira que « le café est plus qu'un café, il correspond à un prolongement de l'habitation et à un entre-deux, à la frontière entre la sphère publique et la sphère privée ». On retrouve encore maintenant certains cafés qui sont le lieu de la discussion, de l'échange de points de vue, de la démocratie finalement, en dehors des lieux privés. Cafés d' « after work » entre collègues, cafés de Flore ou Deux Magots pour les intellectuels parisiens, cafés dits « alternatifs » que l'on retrouve souvent dans les villes ou quartiers engagés politiquement. Cafés proposant une connexion internet ou cyber-cafés également, qui installent une part de bureau (personnel ou professionnel) dans la vie publique. L'inverse n'est pas systématiquement valable, mais on constate souvent que l'absence de tels lieux de rencontres peut, en partie, être tributaire des désordres sociaux que l'on retrouve régulièrement dans les quartiers de grands ensembles par exemple, ou de la distension des liens sociaux qui s'opère dans les quartiers pavillonnaires des périphéries urbaines.

Ce qu'il est intéressant de remarquer dans cette approche c'est qu'on est ici en présence de trois formes d'espaces publics qui ne sont pas du ressort de la puissance publique, mais apparaissent spontannément, et sont bien souvent la conséquence d'un quartier vivant. Vivant dans le sens où le lien social existe entre les habitants, qui se réunissent pour discuter, jouer, se rencontrer, etc.

Ces espaces pourraient donc, d'une certaine manière, constituer un des marqueurs d'un quartier ou d'une ville qui favorise l'échange. On remarquera ainsi que bien souvent les quartiers monofonctionnels présentent peu de médium de communication : le grand ensemble en est souvent peu ou pas pourvu ; une zone d'activité est un agrégat de parkings et d'entrepôts qui prête peu à la rencontre ; une zone de bureau présente souvent les mêmes carences ; et les zones industrielles, du fait des distances importantes entre chaque bâti et de la dimension des parcelles, en sont encore davantage dépourvues. Cette carence est également une conséquence de l'absence de diversité de fonctions dans un territoire. Zones d'activités, industrielles ou de bureaux souffrent bien souvent du syndrome du « 9h-18h », car leurs « résidents »... n'y résident pas, et se contentent de faire la navette chaque matin et chaque soir.

Il s'agira donc pour le Bas Chantenay, territoire « asocial » de par l'absence d'espaces publics vivants, de retrouver un dynamisme, qui, l'agence Urban Act le remarque dans sa note d'intention, existait il y a quelques dizaines d'années, lorsque l'activité économique était florissante : « le Haut Chantenay accueillait auparavant les ouvriers travaillant en bas, dans les usines, les chantiers, les ateliers. Cette vie économique suscitait également une vie festive et sociale : des cafés et des bars, des guinguettes (300 au maximum contre 3 aujourd'hui). Il y avait un lien, aujourd'hui très distendu, entre le Haut et le Bas Chantenay. Le quartier emploie en effet moins de main d'oeuvre, l'activité s'y est réduite et les friches sont plus nombreuses, un processus de gentrification relative s'est développé sur le Haut Chantenay (...). Il y a aujourd'hui une déconnexion sociale et économique entre le Haut et le Bas, déconnexion qui a accentué le processus de dévalorisation des quartiers du Bas Chantenay ».

Cette remarque est intéressante car elle fait le lien avec plusieurs des objectifs majeurs de ce projet de renouvellement : la conservation et le redressement de l'activité économique dans le quartier, et le développement d'une mixité de fonction, notamment par l'apport de logements. Cet apport existait de fait, à l'époque où l'industrie était florissante, car les ouvriers habitaient un peu plus haut dans Chantenay, et descendaient à pied tous les matins. Aujourd'hui ils ne sont plus, et leurs maisons ouvrières, au coeur de Nantes, sont devenues des biens immobiliers prisés par les classes supérieures.

On peut donc envisager que ces trois enjeux, espaces publics, activité économique et habitat, sont intimement liés, et que la réussite d'une vie sociale dans le quartier passera nécessairement par un renouveau de sa vie économique ainsi qu'un retour des habitants sur le territoire. On retrouve ce type de réflexion dans les divers fascicules de recommandations sur l'aménagement de l'espace public en France. Ainsi, le livret « Revisiter les espaces publics pour changer la ville », publié par la Direction régionale et interrégionale de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France (2011) est introduit par les propos suivants : « Les espaces publics de la ville situent les terrains et les constructions privées dans la ville, en font la vocation, la valeur, l'intérêt, l'usage, l'ambiance. Ils permettent que s'établisse un lien social entre ceux qui y vivent, qui y travaillent ou les visitent ». Plus loin on lira même qu' « un espace public qui est défait par la pauvreté de ses usages, l'insécurité ou l'ambiance qui y règne n'est que la moitié du système composé des pleins et des vides de la ville, des fonctions urbaines qui s'y logent, des flux qui le traversent ».

La destruction de l'espace public par le zonage monofonctionnel

Longtemps, composer la ville consistait à dessiner des rues, des places censées à la fois être des lieux du vivre ensemble, du bouger ensemble, de la rencontre, à pied ou à cheval. Les moyens de déplacements étaient limités, aussi le dessin de la ville s'est fait avec une forme de modestie dans l'échelle des compositions. Il fallait lier les espaces de la manière la plus simple bien sûr, mais la moins désagréable aussi, puisqu'à pied on ressent davantage les barrières et autres éléments incongrument placés.

Avec le XXe siècle sont arrivés d'un seul coup dans les villes toutes les mobilités mécaniques, tramways, métros, trains et automobiles. Mais Jean-Marie Duthilleul (2012) estime que les espaces de la ville n'ont pas été reconçus autour de cette nouvelle donne de la vie urbaine. Il explique ainsi que « ces espaces sont devenus de plus en plus encombrés, difficiles à vivre et à gérer, jusqu'à ce que, autour des années 1940, prennent forme des théories qui allaient se révéler dramatiques pour la vie urbaine : les théories de la séparation des réseaux par modes, puis des territoires par fonction. Il s'agissait, pour gérer la complexité, de « séparer les variables ». Ce faisant, on a coupé la ville en morceaux et détruit la fine alchimie d'activités humaines génératrice de la richesse urbaine. Il en a résulté des découpages de la ville en zones, optimisées par fonctions, reliées entre elles par ce que l'on a appelé des transports (...), sans souci de la qualité du trajet si ce n'est son efficacité ».

Regardons le Bas Chantenay : c'est une zone monofonctionnelle (activités industrielles, de stockage et de manutention) dont l'unique accès se fait par la voiture, excepté une ligne de bus au demeurant bien trop esseulée pour un si vaste territoire. Et s'il y a eu desserte par train, elle est aujourd'hui anecdotique puisque la gare de Chantenay, mise à part sa fonction logistique, n'est desservie que par quatre arrêts de TER chaque jour.

Nous avons envie de croire, après ces quelques remarques, que le Bas Chantenay est un laboratoire presque exhaustif pour analyser les carences de qualité urbaine qu'ont engendrées sur un territoire un phénomène bien connu de nos agglomérations françaises. Ce phénomène, ce sont des années d'industrialisation rapide, caractérisées par une apparente absence de stratégie urbaine que l'on pourrait attribuer à la période d'euphorie économique, suivies d'autres années de désindustrialisation qui là aussi ont fait montre d'une absence d'organisation urbaine, liée cette fois-ci peut-être à une déprime, ou une paralysie collective.

On peut s'interroger sur cette érosion de ce qui a été identifié, il y a peu longtemps, comme faisant partie intégrante de l'espace public. Est-ce, comme on vient de l'aborder, lié à une mutation des formes de communication, à un changement radical dans l'organisation de nos sociétés modernes, ou bien à un échec de la fabrique de la ville depuis l'ère industrielle ? Il est possible que tous soient liés, mais il n'en reste pas moins que nous nous devons aujourd'hui, en tant que « dessinateurs de ville » de se pencher avec le maximum d'attention sur ce qui fait l'espace public aujourd'hui.

Les enjeux de la consultation

Après avoir cerné, il nous semble, ce qui fait espace public, reprenons les enjeux identifiés actuellement dans le cahier des charges tel qu'il est à ce stade, puisqu'il n'est pas encore finalisé. Ce document, issu d'un travail sur les acquis des études précédentes et fruit de nombreux échanges entre NMA et les services de Nantes Métropole, est volontairement très pragmatique. Sans entrer dans des considérations théoriques sur l'avenir d'un ancien quartier industriel, il recense des éléments matériels et factuels sur lesquels pourront s'appuyer les candidats admis en phase offre. Il rassemble ainsi les enjeux identifiés à ce jour, auxquels il nous semble indispensable que l'urbaniste lauréat répondre dans ses intentions programmatiques. Ce sont des enjeux spécifiques au territoire, mis en exergue tout d'abord par les travaux de Pierre Gautier (en 2006 puis 2008), puis plus récemment par la mission de cohérence des deux rives de Marcel Smets (en 2011). Ils relèvent certains éléments distinctifs de l'urbanisation du site, de ses atouts et de ses contraintes actuelles, et laissent volontairement apparaître des premières orientations pour le dessin du projet. A ces éléments nous avons essayé d'associer certaines des pistes de réflexion proposées par les candidats, afin d'amorcer le dessin de ce qui pourrait être l'approche urbaine demain.

Les enjeux de la forme urbaine

Faire cohabiter deux fonctions urbaines distinctes

Marcel Smets 2011

L'urbanisation originelle du Bas Chantenay s'est faite sur les hauteurs, en tissant un maillage serré et de petites parcelles d'habitations. Dans un second temps, l'industrie s'est développée en bas du quartier, sur les parties planes de bord de Loire. Le maillage de ce territoire est donc majoritairement lâche, composé de grandes parcelles d'activité industrielle ou logistique. Il s'agit de réfléchir à la cohérence entre ces deux grandes fonctions urbaines et de travailler à rétablir une forme d'articulation entre ces deux espaces aujourd'hui très distincts.

De la même manière, le lien qui unissait naguère, à travers les activités navales, les habitations en surplomb au fleuve en contrebas n'existe plus.

Marcel Smets 2011

Le site est ainsi marqué par un réseau viaire peu irrigué qui contrarie les jonctions entre l'habitat au nord et le bord de fleuve. Cette absence de liaison vers le fleuve demande une réflexion poussée sur le rôle des deux axes parallèles à la Loire, boulevards au nord et rue des usines au sud.

Cet enjeu est bien saisi par les candidats. L'équipe formée autour de Devillers propose ainsi d'assurer la traversée des infrastructures et autres barrières pour accéder au bord de Loire. Elle propose de privilégier « la requalification des escaliers et ruelles existantes, la réalisation de certains ouvrages permettant de franchir les fractures urbaines mais aussi d'augmenter les flux et l'accessibilité avec des parcours spécifiques (ascenseurs urbains, funiculaires, rampes...) ». Bernardo Secchi et Paola Vigano envisagent eux le lien entre haut et bas Chantenay à travers le prisme des usages : « Le projet (...) devra donc s'intéresser à la mixité des usages comme moteur de nouvelles relations qui s'établissent, de sociabilité et d'échanges. Cela pose la question de la politique à adopter en termes de mixité des usages, quels types d'activités, quel type d'habitat, pour qui, quelle place aux lieux de la culture, de la sociabilité ? »

Ajuster le parcellaire en fonction des orientations programmatiques

Marcel Smets 2011

D'un point de vue morphologique, le parcellaire, hérité des activités industrielles et portuaires, présente de vastes unités foncières, qui ont parfois subi des redécoupages ou remaillages. Ces vastes parcelles, dont les dimensions peuvent atteindre une dizaine d'hectares, ne sont plus adaptées aujourd'hui à une forme contemporaine de mixité. Si la partie Ouest a pour vocation de rester industrielle, une réflexion doit être menée sur son accessibilité (peu de voies intérieures nord-sud) ainsi que sur le redimensionnement de ses îlots. De la même manière, la partie Est, qui semble plus adaptée à l'insertion progressive d'une mixité, doit être le fruit d'un remembrement afin de travailler sur des parcelles de taille plus modestes. En parallèle de l'étude économique en cours visant à conforter et à préciser les vocations de chaque site, une réflexion sur les évolutions parcellaires envisageables (découpage, remembrement) sera à conduire.

Les enjeux de déplacements et de polarités

Redéfinir le rôle d'entrée de ville du territoire

Marcel Smets 2011

Actuellement deux axes forts morcèlent le territoire, accentuant la rupture entre le bas et le haut, la rue des Usines au sud des voies ferrées et le boulevard de Koenig à la jonction entre le haut et le bas Chantenay. Cette dualité dans les entrées nécessite d'être questionnée. Les rôles de ces deux axes doivent faire l'objet d'une analyse afin d'identifier des solutions de réaménagement, en tenant compte de leurs impacts et des mesures d'accompagnement induites. Cette réflexion est souvent abordée en parallèle avec une approche plus globale autour des déplacements et de l'accompagnement de polarités.

Affirmer et développer les polarités

L'ensemble des projets de développement de transports collectifs amène à redéfinir le Bas Chantenay comme un pôle d'échange majeur pour le quartier et la ville. Ainsi :

· Plusieurs lignes de chronobus sont en cours de déploiement ou à l'étude, dont la ligne C1 qui devrait prendre son terminus à la Gare de Chantenay dès la rentrée 2012 ;

· La réflexion en cours sur le déploiement d'un nouveau pont devrait redéfinir la trame viaire du quartier ;

· La gare devrait gagner en importance avec la mise en place du tram-train ;

· Enfin, certaines pistes de réflexion évoquent un réseau de navibus associé à des parkings relais.

La gare et les boulevards ouest-est et nord-sud devraient donc devenir des pôles importants dans le dispositif de transports en commun du quartier. Leurs destinations, ainsi que leurs dimensions, doivent prendre en compte ces remaniements à venir.

Par ailleurs, il est demandé aux équipes de réfléchir au développement de pôles de proximités, de commerces, de tertiaire ou de loisir. A ce titre, il existe aujourd'hui un pôle regroupant des commerces de proximité autour de la place Jean Macé, à l'angle des boulevards de la Liberté et de Cardiff. Le projet devra prendre en compte cette polarité existante, en cherchant à mettre en oeuvre les moyens de la développer.

Sur ce sujet des polarités, les premières réponses des candidats apportent des propositions intéressantes. Le groupement Pranlas-Descours expliquera sa vision du concept de transformation des polarités de la ville, en affirmant que les mutations « sont de deux ordres, soit par intensification - désintensification des polarités, soit par déplacement et recomposition de ces polarités dans des ensembles plus vastes. Ainsi, la notion de polarité est liée à l'histoire et à l'accumulation de micro-centres (pouvoirs religieux, militaires, civils) par agrégats progressifs ». De manière plus pragmatique, l'équipe Urban Act identifie déjà quatre points d'appuis à des centralités renforcées, qu'elle cerne comme étant complémentaires les unes des autres, graines de mixité et d'une vie urbaine riche et intense :

Equipe Urban Act, note d'intention (2012)

· Le village Roche Maurice, et son ambiance unique de petite enclave sous un pont monument, dont les berges de Loire sont accessibles et le paysage grandiose (grues, pont...) mêle une échelle très locale à une localisation globale. C'est un noyau de vie urbaine dont la densification et l'extension sont à envisager, tout en conservant son identité conviviale et villageoise, sa richesse culturelle et artistique ;

· Les Coteaux Hardy : le coeur de l'ilot revêt un potentiel fort de densification dans la pente, qui pourrait s'amplifier et se poursuivre vers le Bas Chantenay, en lien avec un franchissement de la Loire et le faisceau ferré. Des franchissements événements, source d'intensification des échanges et des flux, créateurs d'urbanité, lieux de vie, d'habitat, de travail ;

· La Gare de Chantenay : pôle multimodal à intensifier comme lieu d'échanges, de densité, de commerces, de vie, en lien avec un nouveau réseau de mobilité durable, avec des équipements d'échelle métropolitaine ;

· Crucy Plage : en lien avec le boulevard de la liberté, axe structurant du haut Chantenay, le quartier Crucy est l'un des rares sites résidentiels du Bas Chantenay, mais aussi de commerces, d'ateliers d'artistes, et de lien avec la Loire à travers la cale Crucy et le chantier de l'Esclain, ainsi que le port sec plus loin.

Les enjeux de la programmation d'une mixité de fonctions

Le territoire du Bas Chantenay est majoritairement économique, notamment sur sa partie ouest. Sur la partie est, l'accès au fleuve n'étant plus indispensable comme il l'était à l'époque des chantiers navals, il faut se poser la question de l'introduction d'une certaine mixité par l'habitat, le tertiaire, les commerces, équipements et lieux culturels, comme l'étude de définition de Pierre Gautier l'avait abordé en 2008, et en prenant en compte les préconisations de l'étude économique menée par Nantes Métropole.

Marcel Smets 2011

Il faudra aussi garder en tête la volonté politique de conserver une activité économique dominante sur le quartier, et de faire avec ces acteurs du monde de l'entreprise, en les impliquant dans la conception du projet. Car en effet, comme l'explique simplement Laurent Théry (2009), ancien directeur de la SAMOA aujourd'hui directeur d'Euralille et Grand Prix d'urbanisme, « quand un territoire a un projet, il gagne en attractivité pour les entreprises. Et quand on rencontre des chefs d'entreprises, la plupart du temps, ils s'intéressent en réalité beaucoup moins aux aides financières qu'à l'évolution du tissu dans lequel ils vivent. (...) Quand on est capable de leur montrer que ce tissu est en mouvement, qu'il a un projet, qu'il va quelque part (...), c'est quelque chose qui compte beaucoup dans le développement d'une entreprise. »

Les enjeux règlementaires : intégrer des contraintes fortes

Le Bas Chantenay est un territoire contraint. Par la taille de ses emprises, par l'enchevêtrement de réseaux de transports peu coordonnées, mais aussi par des contraintes latentes que sont la pollution liée à l'histoire industrielle du site et le risque d'innondabilité, ce malgré la présence de berges urbanisées.

Ainsi, si l'eau est un élément très important sur ce territoire et en fait toute la qualité, cet élément représente aussi de fortes contraintes (enclavement, risque d'inondation). Le nouveau PPRI (Plan de Prévention du Risque d'Inondation) est en cours de finalisation et fait ressortir une cartographie plus fine des zones sensibles. Le secteur du Bas Chantenay devrait être ainsi soumis à un aléa inondation moyen à fort sur les berges, et faible à moyen sur certaines zones du territoire plus au nord, notamment des espaces identifiés comme porteurs de projets, tel le boulevard de Chantenay (ancien canal). Cette contrainte forte devra donc influencer les mesures proposées par l'urbaniste, duquel il sera attendu une approche sensible.

En termes de pollution, à priori, le territoire du Bas Chantenay a subi l'influence de deux types de pollution :

- La pollution liée aux produits chimiques et matériaux utilisés pour les activités industrielles elles-mêmes ;

- La pollution des matériaux utilisés pour remblayer, notamment en bord de Loire, et dont l'origine est bien souvent inconnue.

Ces contraintes ne sont pas identifiées précisément aujourd'hui. Elles vont avoir comme conséquences :

- Une intégration de cette préoccupation dès la phase de conception générale avec des orientations adaptées aux niveaux de pollution suspectés ou constatés ;

- Une prise en compte plus fine des faisabilités d'aménagement ou de changement de destination, proposant des morphologies adaptées au confinement ou autres mesures de gestion de la pollution ;

- Une rationalisation des mouvements de terres et mises en décharge.

L'ensemble de ces contraintes est, de manière étonnante, cartographiée par un des candidats, l'équipe formée par Christian Devillers. Nous nous permettons donc de reprendre sa production afin de synthétiser ces enjeux.

Devillers, note d'intention (2012)

Sur la pollution du sol, nous apprécions l'approche de l'atelier Reichen & Robert, qui considère cet élément comme une ressource pour le projet. Comme d'autres équipes, il préconise d'intégrer cette question dès les phases initiales de conception du programme et du projet, afin de s'y adapter au mieux, tout en gardant « une plasticité suffisante au projet pour permettre des adaptations au cours de sa mise en oeuvre ». Mais il aborde aussi une approche pragmatique qui nous semble juste : pour ce candidat, le sol, « matière et ressource, est largement oublié dans la conception des villes aujourd'hui ». Ainsi il affirme vouloir « régénérer, réutiliser, recouvrir ; (car) le sol est une matière vivante, jamais un déchet ». L'équipe réunie autour de GOA propose une approche identique, en affirmant que « l'ensemble doit rester sur le site quelle que soit sa transformation, dépollution, recomposition, remodelage, réutilisation... Les matériaux de déconstruction (...) peuvent être réutilisés pour un nouvel usage : les déblais pour former les reliefs d'un projet, les gravats pour les fonds de chaussées, le bois de charpente pour le mobilier urbain (...). Ces principes participent à l'évolution du site dans le temps, ils lui donnent un visage, une vocation et une organisation spatiale selon les procédés employés ».

De ces contraintes, et particulièrement sur le sujet de l'innondabilité, nous sommes également sensibles à l'approche de l'équipe réunie autour de l'atelier Roland Castro. Ce dernier a produit, dans le cadre du Grand Paris, un travail intitulé « Vivre le fleuve », issu des publications « Les Chemins de l'Urbanité » menées par l'Atelier Castro Denissof et Nexity Ville & Projets, dans lequel il explicite sa vision des possibilités d'urbanisation des berges de cours d'eau.

« Vivre le fleuve », Atelier Castro Denissof et Nexity Villes & Projets (2012)

L'équipe exprime ainsi dans sa note d'intention un argumentaire appuyé pour une culture de projet davantage que le strict respect d'un cadre règlementaire. Il énonce que « la culture juridique du principe de précaution ne prend pas toujours en compte la réalité des territoires, ni le formidable potentiel d'innovations techniques en la matière. Tout en prenant en considération les contraintes imposées par le PPRI, nous promouvons une culture de projet et souhaitons mettre en valeur la géographie, la poésie, la beauté de ce quartier au bord de l'eau ». L'atelier exprimera sa position en ces termes : « L'eau et la végétation pourraient s'installer au sein même du quartier en aménageant par exemple des bassins qui évoqueraient le rivage proche (...) ».

Les enjeux de développement durable dans un contexte métropolitain

La volonté de conduire le renouvellement urbain du territoire du Bas Chantenay s'inscrit, de fait, dans une démarche de développement durable. Les objectifs de développement urbain devront ainsi s'appuyer sur les fondements du développement durable : un projet équitable socialement, soutenable économiquement et respectueux de l'environnement, dans l'esprit des écoquartiers métropolitains. Les préoccupations de respect de la biodiversité, de mobilité durable, d'efficacité énergétique, de gestion économe des ressources et de nature en ville devront infuser les intentions de développement.

Afin de prendre conscience de l'étendue des problématiques à traiter dans le cadre d'un projet urbain de l'ampleur du bas Chantenay, l'équipe de maîtrise d'oeuvre urbaine aura a sa disposition un mémento des mesures applicables en terme de développement durable (réalisé par Nantes Métropole), et devra accompagner le maître d'ouvrage dans la mise en oeuvre des actions identifiées. Parmi cette liste plusieurs points sont d'ores et déjà identifiés, que le maître d'oeuvre devra prendre en compte.

Mettre en valeur les espaces verts et leurs connexions 

Le Bas Chantenay dispose de sites naturels de qualité, avec des rives de Loire exposées plein sud, des anciennes carrières en partie investies par la nature, des parcs paysagés (Parc des Oblates et Square Maurice Schwob). Aussi Nantes Métropole Aménagement demandera qu'une réflexion soit menée autour de la pertinence d'un lien entre les berges et les parcs, ainsi que sur les nouveaux aménagements paysagés à concevoir.

L'omniprésence de la Loire dans l'agglomération (vue depuis Trentemoult - 2012)

Sur ce point, Jane Jacobs, dans son ouvrage The Death and Life of Great American Cities (1961), considère que la rue n'est pas qu'un élément de voirie, mais la possibilité d'une plurifonctionnalité. Elle observe que « plus une ville réussit à mêler une diversité d'usages et d'usagers quotidiens dans ses rues, plus ses habitants fréquentent et animent tout naturellement les jardins publics bien placés ; ceux-ci sont alors source de plaisir et d'agrément dans leur environnement, et non des espaces vides ». Aux espaces vides et aux espaces verts, qui sont des espaces morts, on a opposé des espaces qui fonctionnent et qu'elle propose de nommer espaces actifs. Elle estime que le vide gratuit est une source d'angoisse et la verdure demande à être mise en forme et localisée en des points «stratégiques». Jane Jacobs fait ainsi une série de suggestions concernant à la fois leur localisation (comme ponts entre deux quartiers animés par exemple) et leur qualification fonctionnelle (nécessité d'y aménager des installations sportives et des éléments d'attrait particuliers).

Reconquérir les bords de Loire

Le coeur de l'agglomération de Nantes constitue un point d'ancrage essentiel de la reconquête urbaine du fleuve. Le projet du secteur du Bas Chantenay, dont un des objectifs est de se réapproprier une partie de la rive nord de la Loire, en fait partie, et devra prendre en compte le fait qu'il se situe sur le parcours de la Loire à Vélo.

Par ailleurs, sur le plan topographique, la rupture entre le haut et le bas Chantenay offre des belvédères dégagés sur les coteaux. Par conséquent, il s'agira aussi de mettre en valeur ces panoramas en bord de Loire, ouverts sur le fleuve et la berge naturelle de Rezé.

Marcel Smets 2011

Sur ce point un certain nombre d'approches concordent en visant à réintroduire de la végétation dans le quartier et sur les berges, par touches progressives. L'équipe de Bruno Fortier ouvre ainsi le débat par l'interrogation suivante : « Est-ce en faisant de ses points hauts des forêts verticales (micro tours, toitures végétales, cours industrielles transformées en jardins), ou est-ce en fabriquant à cet endroit une forêt de saules, sorte de long parc habité annonçant la présence de l'estuaire aux portes du quai de la Fosse ? Il faudra en tout cas qu'à un terme plus ou moins long, ces cent cinquante hectares apparaissent comme un jardin et que celui-ci vienne lécher l'artifice compliqué des quais ».

Par ailleurs, la présentation du projet en comité de pilotage avec les élus, le 13 mai 2012, a donné lieu à des remarques, notamment sur la faisabilité d'entamer, dans le cadre de l'accord-cadre, des travaux de réhabilitation des quais depuis le quai de la fosse. Il a été décidé d'insister, dans l'approche à développer sur le traitement des rives de Loire, sur la connexion du site au centre-ville. Il est ainsi exigé que le projet fasse preuve d'exemplarité dans sa capacité à recréer un véritable quartier de ville sur le fleuve, à travers notamment une réflexion sur l'aménagement des quais dans le quartier et vers le centre-ville.

Il est préconisé que cette réflexion s'appuie sur un travail autour du réseau de déplacements doux et sa lisibilité. A l'échelle du piéton, les distances vis-à-vis du centre-ville ainsi qu'au sein même du quartier doivent être réduites. Il s'agit de repenser le réseau viaire pour favoriser les connexions douces : parcours piétons mais aussi cycles doivent intégrer l'accès au haut du quartier, au fleuve et au centre-ville. Les quais doivent ainsi devenir un support de déplacement majeur pour rapprocher le Bas Chantenay du centre-ville.

Près de 3km de quais longent le quartier de Chantenay (c) Joncheray 2012

Quelques approches de la transformation de la ville

Après avoir identifié les principaux enjeux à traiter dans l'approche de la maîtrise d'oeuvre, ainsi que les quelques éléments de réponses apportés par les candidats à ce jour, nous aimerions traiter de certaines approches de la transformation de la ville, rencontrées dans nos lectures, qui trouvent leur sens dans la phase de réflexion qui précède le démarrage d'un projet de renouvellement. Il nous semble en effet qu'il est aisé de s'arrêter au traitement (dans le sens de trouver une réponse à) de problématiques physiques, structurelles ou environnementales d'un territoire, sans s'attarder à la manière de penser la transformation. Renouveler un morceau de ville, c'est comprendre ce lieu dans ce qu'il a d'unique en embrassant, non pas chacune de ses composantes une à une, mais leur ensemble.

Réinterpréter l'histoire du lieu

Même si cela n'est pas explicitement exprimé dans notre cahier des charges, Chantenay est un site chargé d'histoire, et il est indispensable de prendre en compte cette caractéristique dans la réflexion qu'il va falloir mener sur son évolution. C'est un point qui d'ailleurs revient souvent dans nos lectures, à savoir l'impact du passé dans la transformation d'une ville. Ainsi sur ce sujet, nous pouvons reprendre les écrits de Patrick Geddes, qui énonce déjà au début du XXe siècle, qu' « un projet de création urbaine ne peut échapper à l'abstraction que s'il est précédé d'une vaste enquête portant sur l'ensemble complexe des facteurs qu'il met en jeu ». Le projet urbain, selon Geddes, « doit être la résultante et la fleur de toute la civilisation d'une communauté et d'une époque, en intégrant le passé sous forme d'histoire des idées, des institutions et des arts ». Par ailleurs, si Geddes valorise le passé, il n'en reconnait pas moins l'importance de la situation contemporaine, sa spécificité : il considère qu'aujourd'hui est une transformation du passé, et non sa répétition.

Studio 012, Bernardo Secchi & Paola Vigano, note d'intention (2012)

Il s'agit donc, pour le projet du Bas Chantenay, de bien prendre en compte l'histoire du site. La façon dont il a été urbanisé et la culture locale qui s'y est développée autour du milieu ouvrier, le rapport aux maisons ouvrières intégrées sur les hauteurs, les éléments de patrimoine remarquables, sont autant de critères à intégrer dans le dessin du nouveau Bas Chantenay. A ce titre, il serait judicieux d'affirmer clairement dans notre cahier des charges notre volonté de voir s'affirmer un positionnement quant à l'histoire et au patrimoine culturel du quartier.

Villes & Paysages, note d'intention (2012)

Pour reprendre l'exemple nantais, l'urbaniste Pranlas-Descours, chargé de la ZAC Bottière-Chénaie à Nantes, parle volontiers d'un projet d' « association urbaine plutôt que de composition urbaine ». Il estime que le maître d'oeuvre doit s'employer à un « travail de révélation pour retrouver des organisations territoriales plus anciennes ». Nicolas Michelin se rapprochera de la position de Geddes dans sa note d'intention en affirmant que le devenir du quartier « doit s'inscrire, non pas dans une continuité stricte, mais dans la compréhension de ce passé, et dans une transformation progressive et évolutive, à l'écoute de l'émergence de nouveaux usages et programmes ». Et de manière assez judicieuse, Michel Desvigne conclura sa note d'intention par une mise en bémol de cette tendance qui voudrait une prise en compte à tout prix de l'histoire et du patrimoine, et de la possible nécessité, au contraire, d'aller de l'avant. Il explique en effet que « la modernité de cette nouvelle façade du centre de Nantes ne doit pas être écrasée par le patrimoine ». Selon lui, « on est sans doute arrivé au bout d'une logique. A eux seuls, les vestiges et leurs traces ne suffisent pas à restaurer l'aspect des villes. La situation actuelle offre au contraire une forme de liberté, celles de certaines périodes où les villes ont su affirmer leur renouvellement ».

Intégrer la notion de temporalité du projet

Reprenons les écrits de Thierry Paquot dans son ouvrage « L'espace public » (2009), dans lequel il développe une approche sociale, ou sociétale, de cet espace qui fait la ville. Il considère que le traitement des lieux urbains connaît depuis une vingtaine d'année une indéniable avancée, tant sur la qualité des matériaux employés que par la recherche esthétique et l'attention portée aux habitants. Ainsi il reprend l'exemple de Barcelone, qui depuis 1992 a entamé un travail de réorganisation de sa voirie afin de faciliter systématiquement les déplacements pédestres et la cohabitation entre véhicules et piétons, avec un mobilier urbain novateur, des revêtements harmonieux, une signalétique redessinée, un éclairage public efficient, etc. Il considère que depuis cette date, les lieux urbains naissent d'un travail minutieux, et font l'objet, progressivement, non plus d'aménagements, mais de ménagements. Cette notion de ménagement est à nos yeux essentielle dans le travail d'un urbaniste aujourd'hui, qui ne peut plus se contenter de donner des réponses franches à chacune des problématiques qui lui sont posées. C'est ce qui rend le travail de choix d'une équipe passionnant : chercher, parmi les multiples réponses proposées, les équipes qui ne proposent pas des solutions à tout, mais qui admettent, avec une certaine forme de modestie, qu'un projet est par essence incomplet, en mouvement, fait de petites touches, de retouches, d'ajustements.

Ainsi on retrouve des intentions qui se traduisent par des « plan-guide », « scénarios multiples », qui affirment haut et fort leur incomplétude et leur souplesse, et qui sonnent juste vis-à-vis de ce que nous ambitionnons. Il a été dit, dans la note de synthèse fournie avec l'AAPC, qu'il s'agissait de « mettre en mouvement une véritable transformation du quartier, en s'appropriant ses contraintes urbaines de maillage, d'emprise de bâti, de noeuds de transport et d'accès au fleuve pour en faire ressortir les atouts », et qu' « à l'image du travail mené sur l'île de Nantes ces dernières années, le Bas Chantenay doit entrer dans une phase de renouveau, afin de prolonger la démarche de faire une ville qui se renouvelle en innovant. » Nous l'abordions donc dans notre présentation des enjeux, et en effet, le plan-guide élaboré par Alexandre Chemetoff en 2000 pour piloter la transformation de l'Ile de Nantes pourrait être un exemple à suivre. Laurent Devisme (2009) dira de cet outil qu'il est considéré par les élus nantais comme un exemple achevé d'une démarche d'urbanisme durable. Il explicitera son propos en affirmant qu'à travers ce plan-guide, et à l'opposé de l'urbanisme fonctionnel des années 1960, c'est ici l'existant qui anime le projet, en affirmant des principes forts selon lesquels il faut chercher à conserver la diversité sans faire table rase du passé et à assumer et accepter l'héritage du site.

Bruno Fortier parlera de la méthode employée sur l'Ile de Nantes dans sa note d'intention. Il expliquera « qu'elle est à nos yeux la bonne mais mérite quelques inflexions : (...) plus qu'en retenant un unique grand dessin, c'est en imaginant des scénarios et une construction progressive qu'il faut très probablement avancer. Il ajoutera vouloir développer une « succession de projets (...) basée sur des situations très diverses (...) que le travail à venir sera peut-être d'ordonner, mais avec pas mal de prudence et en imaginant une grammaire de projets ».

Pranlas-Descours, lui, abordera cette anticipation du temps long dans le projet, en proposant un plan-guide dans lequel il considère la notion de temps comme un « élément de constitution des espaces ». Il propose de créer en permanence des « lieux stables », de ne pas investir la totalité du site, mais de créer des liens de continuité avec les quartiers existants. C'est, selon lui, une préoccupation qui est liée à l'observation des temps cycliques de l'urbanisation, parfois lente, et de la nécessité de construire progressivement dans le projet même des liens sociaux, tout en intégrant les conditions foncières du site.

Nicolas Michelin dira lui qu'il défend « l'idée du plan d'urbanisme ouvert, du plan guide fait sur mesure, élaboré en fonction du contexte (...). Ce plan n'est pas figé, mais propose des invariants - les choix déterminants - dans les domaines de l'infrastructure, du bâti, de la nature et du sociétal, et sa mise en oeuvre doit pouvoir s'adapter dans le temps ».

Quant à Michel Desvigne, du fait de son profil paysagiste, il propose là aussi un programme évolutif, mais en s'appuyant sur le végétal. Il imagine ainsi « un système d'accompagnement lié à libération du foncier, et envisageant un paysage à deux vitesses, l'un pérenne, construit dès que (...) des parcelles se libèrent, l'autre explicitement provisoire, prairies, pépinières, passages, surfaces minérales accessibles, terrains de jeux ». Il affirme ainsi proposer, « au lieu d'un plan d'aménagement rigide, une stratégie d'infiltration, un processus d'occupation évolutive, en utilisant la fragmentation du territoire pour y glisser jardins et promenades ».

De la même manière, l'équipe de Devillers et associés, citera Michel Corajoud pour expliciter son approche de la gestion du temps. Ce dernier, parlant de « l'art de la lenteur », dira d'un projet urbain que « les conditions du contexte métropolitain n'autorisent pas une approche globalisante, figée dans sa forme et dans le temps. Au contraire, cette configuration doit donner lieu à l'élaboration d'une stratégie d'urbanisation souple, basée sur des temporalités longues ». Et il abordera la prise en compte de l'ensemble des acteurs qui font la ville : « Le temps long implique l'incertitude, l'ouverture, le dialogue. Les temps du politique, de l'urbaniste, de l'habitant, des acteurs de l'aménagement et de l'histoire des villes sont très différents. Mais c'est le temps qui donne un sens profond à la transformation urbaine, laquelle soit s'inscrire dans une permanence ».

Ménager une ville sensible

En tant que philosophe de l'urbain, Thierry Paquot développe également sa vision de la transformation de la ville sous un oeil sensible de sociologue. Il considère la phase de conception d'un projet comme étant cruciale pour bien faire la ville, et recommande aux (a)ménageurs d' « observer le site, tenir compte des usages temporels du lieu, questionner les riverains et les passants, enquêter sur ce qui fait défaut, élaborer plusieurs propositions qui seront soumises à la critique publique, éviter le standard, choisir les matériaux, les couleurs, les plantations, l'éclairage, le mobilier selon ce qui existe et ce qui est à proximité, pour marquer la rupture ou au contraire se fondre dans l'existant, offrir des possibilités de détournement, de surprises, d'étonnement, et assurer le bien-être ». Il conclue en annonçant que c'est parce qu'un lieu est hospitalier qu'il devient urbain.

Ces propos vont dans le sens de la tendance à recruter des équipes de maîtrise d'oeuvre qui présentent des compétences multiples, et intègrent une analyse ou tout du moins une approche sensible d'un point de vue sociologique. Or s'il a été exigé des équipes concourant à l'appel d'offre de maîtrise d'oeuvre urbaine du Bas Chantenay des compétences diverses, en urbanisme, paysagisme, VRD, communication et concertation, il n'a pas été demandé de compétences en analyse sociologique. Et dans les candidatures reçues, il semblerait que très peu d'équipes ont développé cette approche. C'est un sujet qui nous paraît important, au vu de la complexité du site et de la diversité de ses riverains (habitants, ouvriers, employés, chefs d'entreprises, commerçants), qui mériterait d'être intégré dans les phases de négociations qui se dérouleront d'ici fin 2012.

Favoriser une maîtrise d'usage

S'il faut prendre en compte les personnes vivant dans le quartier et y travaillant, il faut donc aussi appréhender ses usages. La ville peut en effet être considérée comme un organisme vivant, et ses usages sont polyfonctionnels. Ainsi par leurs observations de la vie citadine dans trois villes, Tokyo, Manille et New York, les sociologues regroupés par Hidetoshi Kato (1978) remarquent que l'animation dépend des heures du jour, des jours de la semaine, mais qu'elle s'avère toujours polyfonctionnelle : on y discute, on y mange, on y traite des affaires, on s'y donne rendez-vous, on y dort, on y lit, bref elle est un territoire à la fois personnel et collectif, privé et public, un morceau de chez soi et un monde à part entière. Edward Hall (1971) publiera également en ce sens, et constatera que les individus originaires de cultures différentes « habitent des mondes sensoriels différents » sans que les urbanistes et architectes ne s'en rendent compte.

Pour le professionnel, à la manière de Thierry Paquot, Kato recommande déjà de ménager, et non pas d'aménager, ces lieux urbains en tenant compte de la variété de leurs usages selon le temps. Il estime que pour bien faire, il faudrait réaliser des cartographies temporelles qui renseigneraient sur le comment-faire, et éviteraient des aménagements disgracieux, anodins, ou sans qualité et standardisés.

En guise de réponse à cette approche de la maîtrise d'usage, prenons l'exemple bien connu de la politique de (réa)ménagement des îlots barcelonais. Un des objectifs est de reconstituer une vie urbaine à travers la constitution d'espaces publics au coeur des ilots. On cherche ainsi à créer des parcs régulièrement, qui soient accessibles à pied, mais on reconstitue également des îlots entièrement multifonctionnels, qui vivent à toute heure du jour. A ce titre, le travail réalisé sur l'îlot Fort Pienc est exemplaire : dessiné par l'architecte catalan Josep Llinas et livré en 2003, il regroupe en un même lieu, autour d'une place aménagée, hébergement pour personnes âgées à un angle, supermarché en sous-sol, marché partiellement couvert, école maternelle, jeux pour enfants, bibliothèque et café aux étages supérieurs. S'y croisent donc la totalité du spectre des âges, depuis les personnes âgées qui s'installent sur les bancs, les parents qui emmènent leurs enfants, font leurs courses, les étudiants qui se rendent à la bibliothèque, et les riverains qui se rendent au marché le week-end ou au café. Bel exemple de polyfonctionnalité, en un seul et même endroit.

Ilot Fort Pienc, vue depuis la bibliothèque à l'étage. Google images (2012).

Penser aux appropriations contemporaines des espaces publics

La définition, que l'on a vue plus haut, de l'espace public comme lieu de communication publique, se vérifie dans la manière dont ces lieux peuvent être investis spontanément par différentes formes de manifestations publiques aujourd'hui. En effet on retrouve de plus en plus d'espaces qui deviennent public de fait, ou bien ponctuellement. On retrouvera par exemple des golfeurs urbains, des comédiens de rue qui investissent temporairement une rue, un parking, des places... Ainsi, aux équipements urbains qui dépendent de la puissance publique s'ajoutent les créations des riverains, graffitis, collages, pochoirs, installations éphémères, qui peuvent, d'une certaine manière, compenser le manque d'attention que porte la municipalité sur ces espaces publics. Il suffit de regarder d'où est née la pratique pour comprendre que le citoyen est un maillon à part entière de cette vie artistique de la ville. Dès lors que la monotonie s'installe, il reprend ses droits et s'approprie l'espace en le peignant, le redessinant, le modifiant. Un exemple nous vient en tête, celui d'un groupe d'artistes, Julien Berthier et Simon Boudvin, qui ont « inventé » une adresse. Profitant d'un pignon aveugle laissé à l'abandon rue Chapon, ils installent, de manière pérenne, un faux pas de porte, avec son numéro, sa boite au lettre, et sa porte, fixée au mur.

Le 1bis rue de Chapon à Paris. Julien Berthier et Simon Boudvin (2009)

Quatre ans plus tard, l'adresse fictive est toujours là, lorsqu'elle est taguée elle est ensuite nettoyée par les services de la ville de Paris.

Les tunnels de métros sont sales et monotones ? Ils sont aujourd'hui à Paris couverts de graffitis. La publicité est abrutissante ? Des collectifs s'escriment à tourner des affiches en dérision. Les potelets sont rébarbatifs ? Certains iront les repeindre de multitudes de couleurs.

Paris, rue de la Planche, personnel (8 avril 2012)

Autant d'interventions spontanées qui confèrent à la rue et aux espaces publics en général une dimension esthétique qu'ils ne possèdent pas spontanément.

Ces remarques sont tout à fait appropriées au contexte du bas Chantenay, puisque les deux axes qui le traversent d'Ouest en Est sont linéaires sur plus de deux kilomètres, et ne sont jalonnés que d'entrepôts de vastes dimensions. Certains espaces délaissés, telle la carrière de la Meuse, sont d'ores et déjà investis par des artistes (promenades, animations, jeux, fresques sur les restes de l'ancienne brasserie). Il y a là clairement un travail à mener pour intégrer de la variété dans le parcours.

Pour autant, ce sujet de l'appropriation spontanée des espaces libres, des délaissés, des lieux sans projets et un sujet qui nous semble indispensable d'aborder, on ne le retrouve que très peu dans les premières intentions des équipes d'urbanistes candidates. C'est regrettable car ce sont des thèmes qui permettent de gérer le temps long d'un tel projet, tout en impliquant les acteurs locaux. Ils participent donc, d'une certaine manière, à l'acceptation du changement induit par les transformations du territoire.

PARTIE 3.
QUELQUES APPROCHES DE STRATÉGIES D'AMÉNAGEMENT

Un projet urbain s'organise par étapes. La première, essentielle au bon déroulement des suivantes, consiste en la mise en place d'un processus de gouvernance efficace, afin de s'assurer la bonne maîtrise du projet pour l'aménageur, et une implication de l'appareil politique afin que les directions prises soient collectives.

Dans la seconde, on vient de le voir, il s'agit de bien identifier les enjeux urbains à traiter, et donc de les communiquer de la manière la plus simple et évidente possible, afin que la maîtrise d'oeuvre recrutée, avec laquelle nous serons en collaboration, en coproduction sur un temps long, soit en phase avec les ambitions du projet, et réponde de manière satisfaisante aux exigences que la maîtrise d'ouvrage s'est fixées.

La dernière étape est celle de l'opérationnel. Car dès lors que maîtrise d'ouvrage politique (les élus et techniciens de la collectivité), maîtrise d'ouvrage opérationnelle (la société d'aménagement mandatée ou déléguée) et maîtrise d'oeuvre (l'urbaniste et son équipe) sont en phase et travaillent de concert sur des objectifs communs, c'est à l'aménageur qu'il revient de bien gérer son projet. Il dispose d'un budget, de compétences en interne et en externe, et se doit de mener à bien la mission de service public qui est la sienne, avec donc pour invariant de faire son maximum dans un budget contraint.

Nous aborderons ici deux aspects de la gestion du projet, volontairement différents mais qui nous semblent importants, parce que dans les deux cas, les négliger peut freiner l'avancement du projet, voir le mettre en péril. Il s'agit d'un côté de la question du foncier et de l'approche budgétaire qu'elle implique, et dans l'autre la question de la gestion du temps, à travers l'organisation, l'orchestration, du provisoire et de l'éphémère.

Vont donc se poser des questions très pragmatiques, économiques mêmes, d'équilibrage du bilan, de gestion du foncier et des grands propriétaires, étatiques ou privés, dont les intérêts bien souvent divergent des nôtres. Des questions financières donc, mais qui induisent une réflexion sur la manière de travailler avec ces acteurs importants (et non contre ou en parallèle de), d'aller vers une forme de partenariat plutôt que d'affrontement. Nous aborderons ce thème à travers quelques exemples croisés dans nos lectures ou nos discussions professionnelles.

De la même manière, le développement du projet s'inscrit sur un temps long, et engendre des attentes, des frustrations, des envies qui nécessitent de sortir d'une approche purement technique, et de réfléchir à instaurer des transformations alternatives, temporaires, afin de faire participer l'ensemble des acteurs de la ville.

Aménager sans maîtrise foncière, la délicate question du budget

Le plus gros enjeu d'un projet de renouvellement en zone industrielle, puisque l'on a vu que ces projets n'entrent pas dans les critères de financement de l'ANRU et que, pour le cas du Bas Chantenay, il ne semble pas, à ce jour, que la puissance publique dispose de biais de financement importants. La question est d'ores et déjà très présente chez l'aménageur et à Nantes Métropole aménagement, puisque à chaque fois qu'une DIA (Déclaration d'Intention d'Aliéner) est reçue pour des parcelles qui ont été identifiées comme étant intéressante pour la transformation du quartier, des micro-budgets sont réalisés à la hâte, pour estimer le coût de transformation du terrain et sa valeur foncière dans le cadre d'une acquisition. Il faut donc que l'on s'attarde à saisir les tenants et aboutissants de la gestion foncière d'une opération de renouvellement urbain.

Un renouvellement orienté par les opportunités du marché

Sur ce point, O. Piron et J. Comby (2002) affirment que la logique des opérations de renouvellement doit être de dégager de la valeur, en offrant des perspectives de profit aux investisseurs que l'on veut attirer et aux propriétaires que l'on souhaite associer. Ils estiment que le choix de la rupture est considéré comme pouvant seul permettre le retour au niveau de qualité du reste de l'agglomération et attirer des investisseurs. Pour réussir, cette démarche doit être appuyée par l'octroi d'avantages comparatifs suffisamment attractifs. Ces orientations coûteuses pour les budgets publics ne sont justifiées que par l'espoir de revenir à une situation normalisée qui pourra dégager des plus-values. Pour les « théoriciens » du renouvellement urbain, c'est précisément l'aspect radical de cette solution qui peut assurer le succès du renouvellement urbain. Ces derniers privilégient clairement une approche économique du renouvellement urbain, en se réfèrant à l'expérience du renouvellement urbain britannique qui favorise le rôle des acteurs privés, les logiques de marché et les changements d'usage des zones à renouveler. Ils estiment en outre que cette approche semble pouvoir s'appliquer davantage aux tissus urbains anciens et aux friches urbaines qui sont dévalorisés et de statut privé, plutôt qu'aux quartiers d'habitat social où l'appropriation publique est importante. Eric Crouzet (2009) dira ainsi que : « Après les appareils de productions eux-mêmes (entreprises en général, usines, exploitations agricoles, activités de service...), l'urbain, par le biais de la rente foncière et immobilière, est entré dans des logiques spéculatives et de rentabilité. C'est la question de la « ville mondiale spéculative » qui se pose à travers la question des bureaux et du logement. »

Marc Bonneville (2004) précisera que le dynamisme d'un quartier est un facteur important à prendre en compte dans la stratégie foncière à adopter. Il explique ainsi que « les secteurs situés en zone péricentrale présentent des cas qui correspondent bien aux logiques du renouvellement urbain. Il s'agit de friches industrielles, militaires ou urbaines, ou bien de zones résidentielles dévalorisées parce qu'obsolètes et désinvesties. Souvent bien insérées à proximité des quartiers centraux et bien desservies par les transports en commun, elles offrent des possibilités bien plus aisées de recyclage. Ces possibilités existent dès lors que les marchés immobiliers sont suffisamment actifs et que des investisseurs sont demandeurs de sites de développement. Ces opérations sont clairement conçues dans une logique d'aménagement et de produits pour le marché immobilier, et les acteurs privés, en particulier les investisseurs, y jouent un rôle essentiel ».

Il s'agirait donc, pour le Bas Chantenay, d'anticiper une ligne budgétaire conséquente pour le foncier, afin de lancer une dynamique qui puisse être reprise ensuite par les acteurs privés sur le territoire. C'est une stratégie qui nous semble correspondre au projet, car nous avons ici un site qui présente déjà de la valeur aux yeux des investisseurs, puisqu'il est en mutation, de manière spontanée, depuis quelques années déjà (projet Armor, développements de l'entreprise Secodi...).

La question qui doit se poser alors est celle de la rentabilité du foncier que l'aménageur va faire muter, et de l'approche qu'il faut développer en termes budgétaires. Ainsi Bonneville expliquera que le Grand Lyon par exemple, « est contraint d'utiliser la pratique du «gap funding» pour assurer le financement du différentiel entre le prix de revient des opérations d'aménagement et le prix acceptable par le marché pour l'acquisition des terrains aménagés ». Sur le plan comptable, il ajoute que « ces subventions sont consenties soit directement sur le budget des opérations, soit indirectement par la réalisation d'infrastructures et d'équipements pour ou à proximité des opérations ».

Le processus de valorisation du foncier en renouvellement urbain

Attachons nous maintenant à estimer le poids du foncier dans une opération de renouvellement urbain, et le chemin qu'il suit pour être valorisé. Un des objectifs étant d'apporter de la mixité dans le quartier par l'apport de logements (un minimum de 400 logements est aujourd'hui inscrit dans le PLU), regardons la chaîne de valeur d'une transformation d'un foncier d'activités en foncier de logements.

Dans le domaine du logement, le foncier est une matière première transformée à plusieurs reprises pour obtenir, au bout de la chaîne de valeur, une opération de construction. Sa valeur est progressivement augmentée par le travail de mobilisation et d'aménagement réalisé par de multiples acteurs, qui apportent chacun une véritable valeur ajoutée. Cette création de valeur est rendue possible par le faible rendement du foncier occupé par d'autres activités que le logement neuf (baux industriels, fermage...). Il s'agira ici de comprendre comment les principales étapes de transformation du foncier se traduisent par une valeur ajoutée. Nous nous baserons pour ce faire sur la fiche du conseil général de Haute Savoie, la création des valeurs foncières (2007).

Mobiliser le foncier

Il s'agit dans un premier temps d'identifier des gisements fonciers. Dans notre cas, et puisque l'établissement public foncier de Loire Atlantique n'est pas encore opérationnel, c'est à l'aménageur que revient cette responsabilité. Lorsque ces gisements fonciers ne constituent pas d'emblée une unité foncière opérationnelle pour le projet, un remembrement peut s'avérer nécessaire. À cette identification des gisements fonciers s'ajoute, tout au long du processus, l'acquisition foncière, qu'elle se fasse à l'amiable ou sous contrainte. En plus du temps passé par les intervenants, des frais s'ajoutent lors de chaque accession. À l'issue de cette étape, on dispose d'une matière première : le foncier maîtrisé.

Rendre opérationnel le droit des sols

En fonction des avants projets, une adaptation du droit des sols est souvent nécessaire : foncier non urbanisable ou sur des densités très faibles, contraintes ne permettant pas de réaliser le projet... Il s'agit alors pour l'aménageur d'élaborer un pré-projet à destination de la collectivité pour examiner une modification du droit des sols. La procédure de ZAC permet de réaliser cette étape conjointement avec la définition de l'aménagement. Le fait de rendre un terrain urbanisable ou d'augmenter les droits à construire a un impact majeur sur sa valeur. Cette étape est extrêmement consommatrice de temps, non seulement pour l'opérateur et ses prestataires, mais aussi pour la collectivité.

Aménager le foncier

L'aménagement dote le foncier d'un certain niveau d'équipement et d'une qualité urbaine qui apportent de la valeur : l'aménagement créée de la valeur par les investissements réalisés.

Le coût est plus ou moins élevé en fonction de la nature du foncier : en renouvellement urbain, les coûts de démolition et de dépollution viennent fortement renchérir le foncier par rapport à un foncier nu (extension urbaine). Ces coûts peuvent s'avérer très élevés et sont difficilement évaluables au début du projet. En projet d'aménagement (ZAC ou lotissement principalement), le foncier est une seconde fois commercialisé auprès d'opérateurs immobiliers : cette étape vient également augmenter le prix des charges foncières finales, notamment lorsque les opérateurs passent par une mise en concurrence.

Schéma des processus de valorisation du foncier dans une opération de renouvellement urbain, Conseil Général de Haute Savoie (2007)

Etablir un bilan d'aménagement

En termes de bilan d'aménagement, il est nécessaire de distinguer projet d'aménagement de renouvellement urbain (hors projets types ANRU qui reposent beaucoup sur les subventions publiques) et projet en extension urbaine. Cette distinction repose principalement sur le poids relatif des acquisitions foncières, beaucoup plus importants en renouvellement urbain : environ 49 % du bilan, contre 17 % en extension urbaine.

Ventilation des postes dans un bilan d'aménagement, Conseil Général de Haute Savoie (2007)

Cette différence s'explique par :

· Une valeur des marchés fonciers bien plus élevée dans les secteurs urbains, principaux territoires porteurs de renouvellement ;

· La nécessité d'offrir une valeur suffisante aux grands propriétaires industriels devant financer un projet de réimplantation souvent très coûteux et assurer la dépollution et le démolition de leur site ;

· Un processus d'acquisitions foncières complémentaires souvent complexe et étalé dans le temps, dans des conditions de survalorisation progressive des coûts plus l'échéance opérationnelle du projet se rapproche.

Il faut compter aussi avec la prise de valeur progressive de tous les fonciers, à mesure que le projet prend forme. Car les acteurs immobiliers présents comprennent rapidement l'intérêt de la présence d'un projet urbain à proximité, et l'intègrent par anticipation dans la valorisation de leur terrain, entraînant un phénomène spéculatif. Ce phénomène, que l'on peut déjà voir à l'oeuvre sur le Bas Chantenay (on l'a vu plus haut avec l'exemple de Mr Sertis, propriétaire de l'entreprise SECODI), est à nuancer cependant, car l'aménageur dispose également de la possibilité de faire évaluer les parcelles par une estimation des domaines, qui bien souvent ont tendance à lisser volontairement les effets spéculatif pour favoriser l'acquisition publique.

Etablir une stratégie foncière dans le temps

Afin de bien évaluer les potentialités du foncier sur le territoire, il a été décidé de mener un travail exploratoire en constituant un atlas foncier, recensant, de manière exhaustive, l'ensemble des parcelles identifiées comme présentant un intérêt pour le projet. Cet atlas a pour ambition de servir de fil rouge pour la stratégie d'acquisition foncière, et regroupe, par parcelle, toutes les informations disponibles à ce jour : dimensions, zonage au PLU, propriétaire, locataire, nature et durée du bail, principales caractéristiques urbaines (situation, voisinage, présence pressentie de pollution...), type d'affectation, historique de la relation avec le propriétaire (rencontres, propositions amiables, DIA...).

L'objectif est annoncé comme suit :

La présente note a pour objectif de recenser l'avancement de la maîtrise foncière pour le projet urbain du Bas Chantenay :

· Les terrains privés disponibles,

· Le foncier maîtrisé,

· Les différents dispositifs d'acquisition (préemption, négociation amiable).

La politique foncière doit servir un projet de territoire afin de :

· Optimiser la gestion de la ressource foncière et la diversité des usages,

· Limiter l'enchérissement du prix,

· Mener à bien et privilégier les projets d'intérêts collectifs,

· Planifier durablement par une action continue dans le temps.

Ce travail n'est pas encore abouti, mais a déjà permis d'identifier plusieurs parcelles présentant un intérêt opérationnel avéré. Ces parcelles sont aujourd'hui, soit déjà maîtrisées par la puissance publique (NMA, NM ou Ville de Nantes), soit sans affectation et donc sans besoin de dédommagement, de gestion de bail ou de démolition / déconstruction / dépollution. Ainsi la surface totale identifiée représente près de 14 hectares de foncier sur lesquels le projet pourrait s'appuyer à une échéance brève.

Tableau synthétique des possibilités de réaffectations foncières, Nantes Métropole (juillet 2012)

De l'impératif du partenariat avec les grands acteurs fonciers

Nous avons vu que le foncier nécessitait une approche rationnelle et une méthodologie organisée pour bien envisager les possibilités de mutations qui s'offrent à nous, mais surtout bien quantifier les efforts budgétaires qu'elles impliquent et leurs impacts dans l'équilibre financier de notre opération. Afin de limiter les coûts induits par les temps de négociations en amont et de portage financier en aval, il faut également envisager la manière d'approcher des propriétaires fonciers pour engager des discussions positives et efficaces. Il existe une littérature conséquente sur ce point, et les auteurs semblent s'accorder sur la nécessité d'envisager des mécaniques de partenariats afin de faciliter les discussions, particulièrement avec les grands propriétaires fonciers (port autonome, grandes emprises industrielles...).

Regrouper des acteurs aux ambitions divergentes

Ainsi Frebault (2012) dira que, plutôt qu'un espace de transformations techniques, l'aménagement est devenu un lieu de débat, de confrontation et de négociation. La mise en oeuvre des projets exige de mobiliser un système d'acteurs publics et privés de plus en plus large : maîtres d'ouvrages opérationnels, opérateurs, partenaires fonciers et économiques, habitants... « En particulier, de nouveaux modes de partenariats avec les grands propriétaires fonciers sont à inventer, soit sous forme de contractualisation, soit sous forme de solutions de portage intermédiaires. En effet, sur des territoires vastes et composites, les stratégies d'aménagement mises en oeuvre ne s'appuient plus systématiquement sur l'acquisition foncière publique préalable. Ainsi à Boulogne-Billancourt, l'entreprise Renault est un acteur incontournable directement associé au projet urbain, et le projet de l'Ile de Nantes affiche comme stratégie le partenariat avec le partenaire plutôt que l'acquisition directe des terrains. La coordination de l'ensemble de ces interventions et des maîtres d'ouvrage opérationnels devient alors stratégique. Il s'agit de l'organiser et de la situer au bon niveau de la conduite du projet ».

Rodrigues-Malta ajoutera sur ce sujet que les opérations de reconversion sont des actions de grande envergure qui exigent d'importants investissements financiers et impliquent de nombreux acteurs aux logiques le plus souvent divergentes. C'est pourquoi elle estime que « la négociation et la recherche du consensus constituent une étape préalable importante du processus de mise en oeuvre ». Le Bas Chantenay est un territoire fluvial, et l'ensemble de ses berges appartient au port autonome. Et puisque, on l'a vu précédemment, les quais sont un enjeu majeur du projet, il faut donc se rapprocher de cet acteur afin de cerner sa position quant à d'éventuels transferts fonciers.

Cartographie des principaux propriétaires sur le périmètre d'études. Nantes Métropole (2012).

Or Rodriguez-Malta explique que bien souvent, le port autonome présente un comportement attentiste. En effet, dans l'incapacité de prévoir quelle sera l'évolution du trafic dans une décennie, les autorités portuaires se montrent toujours réticentes à l'idée de se défaire définitivement d'une partie de leur patrimoine foncier sous-utilisé. À Marseille et à Bilbao, les premiers projets formulés par les acteurs locaux pour le réaménagement des emprises portuaires obsolètes se sont ainsi heurtés au refus catégorique des autorités portuaires. Ces espaces deviennent alors les lieux symboliques de l'affrontement de deux logiques distinctes et antagonistes : d'un côté, une ville qui avance des arguments « citoyens » en termes de cadre de vie, d'exigences sociales et qui plaide en faveur « d'un port urbain ; de l'autre, un agent économique puissant, tourné vers le marché et la compétition économique, et bien conscient de la valeur de son patrimoine foncier.

Créer des structures de partenariat pour impliquer le secteur privé

Rodrigues-Malta préconise ainsi la création d'une structure de nature consortiale regroupant, selon des modalités variables, l'État, les pouvoirs locaux et les propriétaires fonciers majoritaires. Il s'agit avant tout d'institutionnaliser un partenariat public-public capable d'apporter quelques garanties sur les investissements réalisés par le secteur privé.

À Bilbao, la société Ria 2000, société de droit privé créée à l'initiative du ministère des Travaux publics, est à ce titre exemplaire. Sa fonction essentielle est celle de coordonner le processus de revitalisation à l'échelle de la métropole, de planifier et d'aménager les terrains qui sont ensuite revendus. Mais son rôle est également celui d'assurer la médiation entre les nombreux acteurs politiques et administratifs impliqués dans l'entreprise et de parvenir ainsi à dépasser les éventuels blocages politiques, juridiques et techniques. À cette fin, le conseil d'administration de Ria 2000 est composé égalitairement par l'État et par les collectivités territoriales basques. Le président est le maire de Bilbao et le vice-président est un représentant du ministère des Travaux publics. D'autre part, toutes les décisions sont votées à l'unanimité. On notera que l'État intervient surtout comme un médiateur, exerçant une pression sur les grands agents économiques publics tels que le port ou les compagnies de chemin de fer pour qu'ils cèdent aux institutions locales les terrains inutilisés.

En France ce rôle de pression relèverait plutôt de l'EPF, aussi il peut être intéressant de rencontrer cet acteur, une fois la structure de Loire Atlantique opérationnelle, afin de discuter des possibilités d'association, formelle ou non, entre la maîtrise d'ouvrage, l'EPF et les grands propriétaires fonciers. Ce peut être, de manière plus légère, une simple présence systématique de l'EPF aux rencontres organisées entre NMA, NM et les propriétaires. Dans tous les cas, on ne peut pas, comme c'est le cas aujourd'hui, développer une défiance des acteurs privés par la répétition de rencontres avec chacun des services de Nantes Métropole concernés (service de développement économique, de gestion du patrimoine, de l'urbanisme), ainsi qu'avec NMA qui a pour mission de gérer la question foncière.

Barcelone 22@ : Des incitations économiques pour promouvoir la mixité

Dans le quartier de Poble Nou, composé d'anciennes industries textiles à l'Est de Barcelone, la stratégie employée pour redynamiser l'immobilier, sans maîtrise foncière, est intéressante à plus d'un titre. Car avec un simple contrat gagnant-gagnant, la ville a réussi la gageure de développer un centre économique conséquent, sans même être propriétaire du foncier.

Le principe est celui du donnant-donnant. La société d'aménagement 22@ aménage un accès facilité à des infrastructures performantes de mobilités collectives et douces (29 km de pistes cyclables et un objectif de 70% des déplacements en transport collectif), de communication (déploiement de la fibre optique) et d'énergie (climatisation publique centralisée), et le Plan Général Métropolitain est modifié pour permettre une augmentation significative des droits à bâtir, en passant d'un COS (Coefficient d'Occupation du Sol) de 2 à 2,2, voire 3 sous condition. En contrepartie les propriétaires s'engagent à céder 30 % de leurs terrains à la municipalité à des fins publiques, l'objectif étant de consacrer, grâce à cet échange, 10 % des espaces à de nouveaux logements, 10 % à de nouveaux équipements publics, et 10 % à des espaces verts. Ils doivent également participer au financement des infrastructures (équivalent des conventions de participation exigées en ZAC).

Principe de création de valeur, La Fabrique de la Cité (2011)

Avec cette stratégie, en douze ans, la ville a réussi à dynamiser le quartier de manière spontanée, ce dernier a ainsi accueilli plus de 1.500 entreprises et généré près de 45.000 emplois.

S'il est peut-être difficile de mettre en place une telle approche (Barcelone est une ville qui pratique la concertation et le partenariat depuis plusieurs dizaines d'années déjà et dispose d'une certaine expérience en la matière), il n'en reste pas moins évident à nos yeux, qu'il est indispensable de dessiner une stratégie claire et efficace pour tous les acteurs du projet.

Le cas des occupations temporaires

Si la gestion budgétaire du foncier est un volet crucial d'une opération de renouvellement en milieu urbain, il faut aussi se pencher sur l'approche opérationnelle que l'on désire mettre en place. Est-il besoin de la rappeler, le renouvellement urbain est différent d'une opération de construction, car il s'étale sur un temps long, ponctué de périodes de constructions et d'aménagement d'espaces publics, mais aussi de périodes en creux, pendant lesquels les traces de la transformation du quartier sont moins visibles. Entre l'acquisition d'une parcelle et sa réaffectation, il subsiste souvent un temps pendant lequel le terrain ou le bâtiment n'est plus affecté à un usage. Aussi, que l'ambition du maître d'ouvrage soit de détruire ce qui a été estimé comme n'étant plus réutilisable pour développer un programme immobilier nouveau (logements, bureaux, équipement public), ou de transformer le bâti afin d'en modifier l'usage (un entrepôt transformé en halle accueillant des cellules artisanales par exemple), les délais techniques et administratifs ouvrent une fenêtre de temps pendant laquelle il ne se passe rien. Cette fenêtre, nous pouvons l'approcher de deux manières différentes : nous pouvons la murer et rendre inaccessible le site, créant par la même occasion une dent creuse, un non-lieu, un espace considéré comme une vitrine de la désaffectation du quartier pour qui passerait par là ; mais nous pouvons aussi l'ouvrir et y faire entrer des activités temporaires. C'est de cette seconde approche dont nous aimerions discuter ici.

L'artistique comme réponse partielle au développement d'une mixité fonctionnelle

Elise ROY (2004) dira que l'on observe, dans des quartiers urbains en mutation, l'investissement de lieux laissés en suspens par l'entreprise de « refabrication urbaine ». Dans les réserves foncières et autres lieux en attente, s'installent ateliers d'artistes, logements et services pour des personnes en situation de précarité économique et sociale, activités associatives, etc. Des territoires urbains transitoires se constituent ainsi au sein de la ville en transformation, qui apparaît comme une configuration urbaine particulière, lieu de pratiques spécifiques.

Ainsi nous pouvons trouver, dans l'investissement artistique, une forme d'activité un peu alternative certes, mais qui permet de maintenir voire d'attirer une forme d'activité artisanale et commerciale dans le quartier. Plus encore, nous voyons dans la figure urbaine du quartier d'artistes un rouage urbain intéressant en termes de programmation urbaine : les activités artistiques peuvent en effet être susceptibles d'entraîner dans leur sillage d'autres activités relevant du secteur économique de la création, plus urbaines peut-être, mais surtout plus durables. Par ailleurs, la mise en place d'un tel usage temporaire des lieux en creux permettrait, d'une certaine manière, d'influencer l'avenir du quartier en guidant sa réanimation urbaine vers les objectifs de mixité fonctionnelle qui ont d'ores et déjà été fixés pour le quartier du Bas Chantenay. En autorisant et en accompagnant l'investissement des sites en attente de projets, nous pourrions ainsi commencer à apporter une forme de mixité transitoire, qui se superposerait à la programmation plus formelle définie par l'urbaniste.

Dans ce contexte, une politique d'ouverture des réserves foncières à des activités artistiques, cadrée par des baux précaires de courtes durées révocables « pour tout motif lié à l'opération d'aménagement », peut être envisagée par NMA. Du fait de sa double mission, l'aménagement mais aussi la gestion immobilière, la SPL dispose en effet de moyens et d'expérience pour mener à bien ce type d'initiatives. Il existe déjà, d'une certaine manière, un fonctionnement similaire dans les pépinières d'entreprises, qui proposent des baux à faibles loyers et de courte durée à de jeunes entreprises, afin qu'elles puissent disposer de bonnes conditions matérielles pour leur développement.

Par ailleurs, les intérêts trouvés dans cette forme d'ouverture sont multiples. L'aménageur y voit une façon originale de contrer le phénomène de squat, évitant de murer les ouvertures des constructions en attente et d'imposer ainsi une image d'abandon potentiellement nuisible à la valeur de ce territoire en redéfinition. Gestionnaire d'un parc immobilier éclectique au fur et à mesure des acquisitions, ce dernier pourra également ouvrir aux artistes ces lieux divers, sans devoir engager trop de frais de viabilisation provisoire. Car en la matière, Roy estime que la population d'artistes investissant les lieux montre d'importantes compétences en aménagement de l'espace et en bricolage, et sont donc à même de composer avec un cadre bâti éclectique, souvent inconfortable et vétuste.

On retrouve cette philosophie dans certaines villes subissant un phénomène important de vacance dans des immeubles dégradés, ou de friches industrielles. Ainsi, pour redynamiser les quartiers Est de Berlin par exemple, les autorités de la ville ont engagé un programme de location à bas coût des rez-de-chaussée d'immeubles, pour des activités artistiques (ateliers et galeries), artisanales, de restauration ou de commerce de proximité (boulangeries, épiceries, traiteurs...).

Bar en plein air installé dans une friche industrielle à Berlin Est, personnel (2011).

Dans les immeubles d'habitation de rapport construits durant le régime soviétique, cette stratégie visait à contrer le phénomène important de squat qui posait des problèmes de sécurité. Aujourd'hui nombre de ces quartiers sont en voie de gentrification, et les loyers, dérisoires il y a une dizaine d'années, reprennent le chemin d'un marché immobilier plus sain.

L'exemple nantais

Il est possible que le moment soit bien choisit pour proposer une telle approche dans la ville de Nantes. En effet, la pratique des baux précaires est existante dans la ville depuis la fin des années 1980 et le réaménagement du quartier Madeleine - Champs de Mars par Nantes Métropole Aménagement. Quartier faubourien au passé industriel, artisanal et commerçant, il présentait alors les caractéristiques des espaces visés par le renouvellement urbain, en associant friches industrielles et habitat dévalorisé, à proximité directe du centre-ville. Le renouvellement des zones bordant ses quais, vidées par la désindustrialisation, s'est fait au gré des opportunités, avant que la Ville ne choisisse, en 1986, d'y implanter la Cité des Congrès et de développer un site d'immeubles tertiaires dans sa frange Est. Mais le quartier a suscité des ambitions d'initiatives individuelles qui ont contribué à inscrire cet espace urbain, de forme urbaine pittoresque et de valeur foncière attractive, dans un processus de mutation durable. Aujourd'hui en effet le quartier s'est embourgeoisé et les ateliers installés au détour d'une venelle ou au fond d'une cour se font plus rares, remplacés progressivement par des activités plus pérennes, agences d'architectures, sociétés de communication ou de graphisme.

Ces pratiques culturelles ont ainsi certainement joué un rôle dans l'implantation spontanée d'activités professionnelles dans le quartier, apportant ainsi une mixité qui n'était peut-être pas anticipée dans les objectifs de programmation affichés par l'aménageur et la ville. En outre, elles ont montré à la collectivité la capacité des artistes à composer avec des espaces bâtis en tout genre, et ont mis en avant leur effet moteur pour le développement d'un réseau artistique reconnu aujourd'hui en dehors des frontières nantaises. En effet, une telle approche a permis à la ville de prendre soin et de favoriser le développement de réseaux culturels, qui s'enrichissent en étant regroupés et en échangeant. Nantes est aujourd'hui une ville reconnue pour la créativité de son vivier d'artistes.

Et les artistes installés sur Madeleine-Champ de Mars ont du se retirer progressivement du quartier avec le phénomène de gentrification de ce dernier. De la même manière, la pratique a été reprise sur l'Ile de Nantes, laquelle connaît aujourd'hui un début d'embourgeoisement similaire. Il est donc à parier qu'il réside une demande de locaux dans la ville, à laquelle le Bas Chantenay serait en mesure de répondre d'ici quelques années, lorsque le projet aura pris sont rythme de croisière.

La mise en culture des friches urbaines

Si cette stratégie de valorisation d'un quartier en renouvellement par l'installation temporaires d'activités artistiques ou artisanales passe par l'implication de différents acteurs et le passage de contrats entre les deux, il en existe d'autres qui présentent un intérêt tout aussi évident et sont moins contraignantes : ce sont les pratiques aménageuses de pré-verdissement, qui sont en partie abordées par les équipes d'urbanistes dans leurs candidatures.

L'aménageur peut en effet se saisir du temps même de la transformation de la ville, en installant par exemple des espaces verts sur les terrains en attente, qui constituent ainsi de véritables pépinières dans lesquelles les sujets végétaux, avant d'être transplantés à leur place définitive, vont grandir et prendre de la valeur, tout en valorisant les espaces alentours. On retrouvera ainsi l'exemple contemporain de la cité internationale place Charles de Gaule à Rennes, qui, le temps de la validation du permis de construire, est aménagé en un champ urbain percé d'un cheminement.

Toujours à Rennes, les berges nord menant aux étangs d'Apigné sont investies par des entrepôts et industries, mais certains espaces ont été ponctuellement aménagés, au gré des acquisitions foncières. Un aménagement minime destiné aux loisirs, proposant un terrain nivelé et quelque mobilier urbain. Ces espaces sont confidentiels, puisqu'il n'existe pas de promenade continue sur cette rive et qu'il faut donc y accéder en traversant la zone industrielle, mais aussi discrets qu'ils soient, ils permettent tout de même de développer une réappropriation progressive des rives par les habitants, avec les pratiques de loisirs qu'ils entraînent (pêche, barbecues...). Les berges côté sud ont connu tel développement, et forment aujourd'hui, grâce aux aménagements de la ZAC Mabillais dans les années 1990 par Chemetoff, un itinéraire complet depuis la place de Bretagne en plein centre-ville jusqu'aux étangs d'Apigné, six kilomètres plus à l'Ouest. L'itinéraire part ainsi du centre-ville dense, longe l'opération de Chemetoff sur un quai aménagé et planté, traverse sous la voie ferrée, longe une centrale électrique, une station d'épuration puis un supermarché, passe sous la rocade et finit par retrouver des espaces naturels plus au-delà.

Le quai d'Auchel à Rennes. Berge Sud, le long de la centrale électrique. Personnel (2011).

Ainsi, sur des secteurs moins propices à l'installation temporaires d'une activité professionnelle, ils offrent un aperçu de projet, une ébauche qui montre aux riverains que le quartier commence à se transformer. Et cette approche permet, pour l'aménageur, de tracer des esquisses de projets de petites envergures immédiatement, plutôt que de laisser le foncier en sommeil en attendant de pouvoir dessiner le grand projet.

CONCLUSION

La genèse d'un projet de renouvellement urbain est une étape délicate à appréhender pour un aménageur. Délicate, car comme on vient de le voir, une multitude de thèmes et de stratégies sont à mettre en mouvement sur un temps court. Il s'agit ainsi de prendre le temps de la réflexion nécessaire à la bonne appréhension des enjeux qui feront de ce projet une réussite à terme, tout en s'assurant de l'accord et de l'adhésion de chacun des acteurs. Il faut ensuite anticiper sur les stratégies à développer pour le bon déroulement de l'aménagement.

Ce type de projet retrace bien, à nos yeux, l'ensemble des aspects de pilotage qu'un maître d'ouvrage se doit de maîtriser. Aménager, c'est d'abord impulser des dynamiques, coordonner des acteurs aux intérêts qui peuvent diverger, être moteur tout en faisant preuve de diplomatie. Mais c'est aussi être bon gestionnaire et développer une vision des approches à mener dans le temps.

Retracer l'ensemble de ces aspects n'a pas été chose aisée, et ce travail n'est bien sûr pas exhaustif. Nous avons la certitude cependant qu'il saura trouver un intérêt chez les personnes travaillant actuellement autour du sujet. C'est du moins notre modeste ambition. Produire un document regroupant les sujets qui sont présents dans notre esprit à l'heure actuelle, qui peut servir de rappel des enjeux actuels, de ligne de conduite pour leur approche à l'avenir, et peut-être, qui sait, de repère dans quelques années, lorsqu'il s'agira de prendre du recul sur le chemin parcouru.

Dans cette optique, nous proposons ci-dessous un tableau succinct des actions à mener dans le proche avenir, qui n'a pas la prétention d'être complet, bien au contraire, mais pourra être utile à la maîtrise d'ouvrage afin de bien garder en tête certains des enjeux opérationnels à traiter.

Thème

Action

Prérequis

Appel d'Offre

Compléter le cahier des charges en développant certaines thématiques urbaines (histoire, place du temporaire...)

-

Communication

Rendre le projet intelligible à tous

Utiliser les médias

Prévoir des moyens financiers et humains

Concertation

Faire participer tous les acteurs dès l'origine du projet

Disposer d'une volonté politique forte

Patrimoine

Valoriser le patrimoine pour mettre en avant l'histoire et la culture du territoire

Identifier le patrimoine de valeur (étude en cours)

Identifier les probabilités de pollution

Provisoire

Accepter et accompagner les usages temporaires du lieu (baux précaires, lieux d'expression artistique, champs urbains...)

Etre propriétaire du foncier

Foncier

Négocier avec les grands propriétaires en amont du projet. Attention aux autorités portuaires, souvent attentistes

Disposer d'un budget pour l'acquisition en propre, ou disposer d'un EPF

Gouvernance

Mettre en place des comités de pilotages regroupant tous les acteurs, leur donner voix au projet

Disposer d'une volonté politique forte

Bilan

S'assurer de la présence d'un marché pour les acteurs privés

Mettre en oeuvre les moyens de revitaliser le marché

Connaitre la valeur foncière des îlots identifiés

Point sur les enjeux opérationnels à traiter à l'origine d'un projet de renouvellement urbain (2012).

De nombreux autres thèmes avaient été initialement envisagés : présenter des cas concrets de renouvellement urbain qui puissent servir de références, aborder la question de la place du développement durable dans des opérations touchant à de si vastes sujets de société, développer un glossaire des enjeux autour de l'espace public... Il n'a pas été possible de les aborder en profondeur, mais cela ne nous parait pas pénalisant, car certains de ces thèmes sont malaisés à aborder alors que nous sommes si en amont du projet. Ils pourraient par ailleurs, si tant est qu'un nouvel étudiant travaille sur cette même opération à l'avenir, être repris afin de mettre à jour et compléter le travail actuel.

En effet, de la même manière qu'il est parfois utile de changer de maîtrise d'oeuvre urbaine pour donner un nouveau souffle au projet urbain, nous sommes convaincus que revenir sur les réflexions initiales qui ont dessiné les grandes lignes de l'opération présenterait un intérêt certain afin de mettre en lumière les bonnes décisions, celles qu'il aurait fallu éviter, et réajuster éventuellement la direction du projet, ou au contraire être confortés dans la voie à suivre.

Car de sa genèse à sa complétude, un projet urbain est un éternel recommencement, une suite de remises en question des orientations en fonction des opportunités foncières, des priorités politiques et des tendances économiques et sociales.

ANNEXES

Annexe 1.

Bilan du mandat d'études opérationnelles pour le projet du Bas Chantenay (NMA, novembre 2011)

Annexe 2.

Analyse comparative des types de marchés envisagés (NMA, 13 mars 2012)

Annexe 3.

Quelques exemples de projets de renouvellement urbain issus de nos lectures

Annexe 1. Bilan du mandat d'études opérationnelles pour le projet du

Bas Chantenay (NMA, novembre 2011)

Annexe 2. Analyse comparative des types de marchés envisagés (NMA, 13 mars 2012)

Annexe 3. Quelques exemples de projets de renouvellement urbain issus de nos lectures

Lyon

Deux exemples d'aménagements lyonnais nous semblent importants à mettre en avant, car les sites présentent des caractéristiques similaires au Bas Chantenay, et chacun présente sa propre logique d'investissement :

· Les ZAC du quartier de l'Industrie à Vaise (Lyon 9e ).

Il s'agit d'un secteur en bordure de la Saône qui était occupé en majorité par des entrepôts et des friches industrielles. En vue de la reconversion de l'ensemble du quartier, de très importants équipements publics y ont été apportés : ligne et stations de métro, interconnexion avec la gare SNCF, aménagements routiers et contournement autoroutier pour désengorger le site. L'objectif était de proposer les terrains aménagés à des entreprises de haute technologie que la ville de Lyon voulait conserver. Les terrains équipés ont été cédés à des investisseurs ou à des entreprises à des prix notoirement inférieurs au prix du marché. Si l'on examine les budgets des deux ZAC, ils ne sont équilibrés que grâce aux subventions des collectivités qui couvrent respectivement 80% et 64% des dépenses (Marc Bonneville 2004).

Cet exemple illustre que même les opérations de renouvellement urbain qui sont bien situées et destinées à des usages de bureaux, de commerce et de loisirs, ou de logement privé, c'est-à-dire au marché immobilier, ne sont pas réalisables sans d'importantes contributions publiques. Dans le cas de Vaise Industrie, elles sont justifiées par des considérations de politique économique et d'emploi, et par l'espoir de récupérer les investissements publics par les recettes fiscales à venir.

· La ZAC Berthet dans le même secteur de Vaise.

Cette ZAC nuance le constant fait précédemment puisqu'elle a été réalisée par un aménageur privé. L'objectif était de recycler une friche industrielle de 14,5 hectares libérés par l'entreprise Rhodiacéta. Celle-ci a souhaité valoriser ce patrimoine par un programme de bureaux et de logements privés de 145 000 m2 . L'opération a bénéficié de la réalisation d'importantes infrastructures par le Grand Lyon et la ville de Lyon (ouverture d'une station de métro, voiries d'accès au tunnel routier, voiries primaires, équipements scolaires, sociaux et sanitaires, espaces verts) et d'aménagements réalisés dans le centre du quartier de Vaise, qui n'ont pas été imputés sur son budget. Mais elles ont créé les conditions nécessaires pour placer ce quartier dans une situation immobilière attractive qu'il n'avait pas jusque-là. La forte densification du projet et une

conjoncture immobilière redevenue favorable lui ont permis de dégager des excédents, tout en assurant la production des équipements publics nécessaires à son fonctionnement (Marc Bonneville 2004).

Cette opération montre que dans un contexte immobilier favorable et porteur, mais aussi grâce à un très important investissement public sur l'environnement du quartier,

Grenoble

Laurent Gaillard, Directeur de l'urbanisme à la ville de Grenoble, explique que la ville s'est dotée très tôt de directives strictes en matière d'exigences énergétiques et de développement durables. Ces directives sont issues du quartier de Bonne, sorte de laboratoire, habité depuis 2010, et sont aujourd'hui appliquées à toutes les ZAC de la ville. Ainsi la ZAC Bouchayer-Viallet, opération de reconversion d'une friche industrielle. Pour gérer les nuisances créées par l'autoroute qui jouxte le quartier et traverse la ville, une barrière phonique formée par des bureaux a été édifiée le long du Drac. A l'intérieur de la ZAC, un parc, des équipements culturels, et un maillage qui reprend autant que possible les tracés préétablis.

En termes de zones d'activités, le projet de la Presqu'île, grand pôle de recherche situé en limite du centre-ville, de la gare et du quartier Europole, prévoit 250 ha à diversifier, avec pour objectif ambitieux d'aboutir à un quartier neutre en carbone. Parmi les moyens proposés, un travail en profondeur sera mené sur les transports : développement des conditions favorables aux modes alternatifs à la voiture, retrait des voitures en coeur d'îlot et construction de parkings silos. Mais plus que les moyens développés, c'est ici l'ambition du projet qu'il faut saluer. Il est utile de rappeler que le premier bâtiment HQE en France est sorti de terre il y a moins de 10 ans et consommait 280 KWh/m2/an. Il faut donc, dès l'origine d'un projet urbain, chercher de nouvelles exigences pour aller plus loin encore que ce qui est la norme actuelle.

Et pour ce qui est de la concertation, Grenoble dispose de près de 23 unions de quartiers et des comités consultatifs pour chacun des six secteurs de l'agglomération, qui sont régulièrement consultés afin d'expliquer et de réexpliquer les projets. En outre, depuis 2008, tout projet privé sortant en dehors des ZAC doit être présenté en réunion publique avant le dépôt du permis de construire. Ceci afin d'entamer les discussions tôt, et de limiter le recours éventuel au contentieux.

Montpellier écocité : densifier et rendre durable une entrée de ville

CONSTANS Laurence, HEBERT Florent & FAUCHEUX Franck, « Les leçons de la démarche écocité », in Projets urbains durables, Stratégies, Editions du Moniteur, 2012.

L'écocité de Montpellier, labellisée par l'Etat, s'articule sur 8km de la RD 21, de Castelnau-le-Lez à Pérols, vers la mer. Le territoire de la route de la mer, sur les communes de Lattes et Pérols, nous intéresse puisqu'il intègre le plus grand secteur commercial de la ville (220.000m2 d'enseignes) ainsi que la salle de spectacles Arena et le parc des expositions, dans ce qui est une des principales entrées de la ville. Le projet a été confié à Bernard Reichen et son équipe, et s'assoit sur la nouvelle ligne 3 du tramway, tout juste mise en service au printemps 2012. Des dispositifs associent les enseignes au montage des projets pour leur permettre de recomposer leur patrimoine, et les stations génèrent de la valeur en apportant une fonction urbaine majeure dans cet axe routier. Au même titre que sur le Bas Chantenay on peut présumer que certaines implantations ne sont plus optimales pour les activités qui y sont installées, ici c'est l'obsolescence d'un urbanisme commercial de boites à chaussures, et l`évolution des formes de consommation qui permettent d'envisager la destruction de près de 100.000m2 de surfaces commerciales pour entremêler commerces, habitats et bureaux.

Les auteurs considèrent ainsi que c'est, en France, l'un des rares projets à grande échelle tentant de résoudre une équation jamais résolue à ce jour : transformer une zone d'entrée de ville en quartier mixte. Et pour ce faire, la Société d'équipement de la région montpelliéraine (SERM) devra faire preuve d'une inventivité sur tous les registres (juridiques, financiers et opérationnels) pour transformer l'essai et montrer la voie à d'autres opérations en gestation en France.

Strasbourg écocité : à la reconquête des industries portuaires du Rhin

CONSTANS Laurence, HEBERT Florent & FAUCHEUX Franck, « Les leçons de la démarche écocité », in Projets urbains durables, Stratégies, Editions du Moniteur, 2012.

A travers l'écocité Heyritz-Kehl, Strasbourg a désigné son fleuve, le Rhin, comme axe de développement urbain privilégié. Le premier geste fort pour rapprocher la capitale européenne de sa voisine allemande Kehl a été la construction d'une passerelle dessinée par Marc Mirmam qui relie les deux cités.

Le projet se structure sur une réflexion autour de la mobilité et des déplacements, en utilisant le tramway comme axe de développement et outil de désenclavement, ainsi que les 540km d'itinéraires cyclables que propose la ville. L'objectif est de maîtriser le rapport entre la vocation économique portuaire et le développement urbain vers l'Est ; chaque secteur à urbaniser est une entité propre avec une coloration thématique spécifique en fonction de sa géographie, son histoire et son patrimoine, et en s'articulant autour des transports.

Des nombreux secteurs opérationnels identifiés, le plus avancé est l'axe Strasbourg-Kehl, retenu pour illustrer cette stratégie. Faisant partie de l'ancienne ceinture des glacis militaires, le périmètre de 250ha vise à reconquérir les friches portuaires et industrielles et à désenclaver certains quartiers populaires situés à proximité du port. La route du Rhin en est la ligne directrice, reliant, côté Ouest, le quartier du Heyritz, à, côté allemand à l'Est, l'ancien hôpital civil de Kehl.

Desservi par plusieurs lignes de tramway, doté d'équipements majeurs, cet axe vise à limiter l'usage de la voiture, et à désenclaver les quartiers sensibles des Deux-Rives à l'Est par le prolongement de la ligne D du tramway.

Aujourd'hui le fer de lance de cette reconquête est le quartier Danube, primé lors de chaque appel à projets écoquartiers ; c'est un véritable laboratoire des savoir-faire en matière de développement urbain durable (MOE Devillers et associés). Sur les 650 logements programmés, 50% seront aidés et 10% seront issus de l'autopromotion. Un îlot à énergie positive est envisagé, il est prévu une place de stationnement pour deux logements ainsi que de nouveaux services de déplacements (un « pass mobilité » offrira un bouquet de services alternatifs à la voiture individuelle, de l'auto-partage, etc.). Un second îlot a été imaginé entièrement en bois pour la constitution d'une filière bois locale.

Sur le plan opérationnel, un schéma directeur de programmation et d'aménagement a été défini par le groupement piloté par Reichen et Robert & Associés afin d'articuler ces ZAC ou ces projets. En termes de maîtrise d'Ouvrage, la Société d'aménagement et d'équipement de la région de Strasbourg (SERS) est en appui sur de nombreux projets, et la compagnie des transports strasbourgeois est également présente. Il faut noter sur ce point la grande capacité des acteurs et investisseurs locaux à se mobiliser autour de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS).

Les waterfronts

RODRIGUES-MALTA Rachel, « Une vitrine métropolitaine sur les quais, villes portuaires au sud de l'Europe », in Renouvellements Urbains, Annales de la Recherche Urbaine, n°97, 2004.

Dans le panorama sud-européen, après l'élection de Barcelone au titre de «Poisson pilote », c'est au tour de Bilbao d'être élevée au rang de «Mecque de l'urbanisme » et d'être donc désignée comme « l'exemple » à suivre.

Plusieurs générations de waterfronts peuvent être distinguées (Chaline, 1994 ; Marshall, 2001).

Première génération : Inner Harbor à Baltimore, Union Wharf à Boston (1970)

La première génération, illustrée par les opérations d'Inner Harbor à Baltimore ou d'Union Wharf à Boston au cours des années 1970, regroupe des interventions dont la finalité vise essentiellement à reconquérir une centralité perdue. À partir de la reconversion physique et fonctionnelle des emprises des ports anciens, il s'agit de lutter contre la désertification et la dégradation du coeur des villes en les dotant de fonctions urbaines exceptionnelles : équipements culturels et récréatifs complétés par une infrastructure d'accueil haut de gamme pour le tourisme d'affaires. Ces réalisations prennent aussi valeur de manifeste contre l'étirement infini de l'espace urbain de la ville nord-américaine et contre la rénovation urbaine selon les dogmes de l'urbanisme moderne alors vigoureusement dénoncés.

Seconde génération : les Docklands de Londres (1980)

L'opération des Docklands de Londres, initiée à la fin des années 1980, est représentative d'une seconde génération de waterfronts où les objectifs poursuivis concernent tout autant la requalification physique de vastes territoires que la reconversion de la base économique locale. À Londres, les quelque 2000 ha de friches portuaires au coeur de la ville sont considérés comme une véritable opportunité foncière pour le développement de grandes opérations d'immeubles de bureaux, la création de zones d'entreprises dotées de nombreux avantages fiscaux et la création d'un nouveau parc de logements haut de gamme. Cette expérience qui repose largement sur le dynamisme du marché immobilier, devient ainsi, pour un temps, une référence majeure pour les autres villes portuaires européennes.

En Italie, par exemple, les premières interventions sur les espaces industrialo-portuaires concernent la construction de quartiers d'affaires comme l'illustrent le centre directionnel de San Begnino à Gênes et le centre directionnel de Naples.

Les premiers projets pour la transformation du secteur de la Joliette à Marseille sont eux aussi fortement conditionnés par cette aspiration au « tout tertiaire ».

Barcelone, Bilbao, Gênes et Marseille, en dépit du degré d'avancement variable des opérations sur les quais participent à l'émergence d'une nouvelle génération. Le terme de friche convient mal pour qualifier les liens unissant ces villes à leurs ports. Certes, les espaces urbano-portuaires y sont communément ponctués par des fractures singulières. Toutefois, l'inventaire des emprises et des équipements promis à la reconversion n'offre rien de comparable avec les situations britanniques et étasuniennes. Dans le contexte de l'Europe du Sud et plus particulièrement en Méditerranée, la topographie de l'espace littoral a le plus souvent généré une forte compression de la ville sur le rivage et n'a généralement pas permis au port de se développer autrement que par le recyclage permanent des emprises portuaires existantes. Aussi, le découplage prend-il davantage la forme d'une densification de l'interface, de la construction d'une épaisseur que

les logiques divergentes de la ville et du port ont contribué à rendre opaque et stérile (Guillermin, Hagège et al ., 1994). Les opérations de reconversion s'y caractérisent donc par leur taille contenue et des objectifs visant moins la production d'une nouvelle pièce urbaine unitaire que la recherche d'une nouvelle articulation entre l'espace portuaire et la ville.

Selon ce scénario, le waterfront est alors promis à fonctionner comme une vitrine où seront mises en scène les « potentialités », « les singularités », les « modernités » de ces villes portuaires aspirant au titre de « vraies » métropoles européennes.

Barcelone

En 1988, dans le cadre des avancées de la jurisprudence espagnole en matière d'aménagement portuaire, l'autorité portuaire prend l'initiative de la rédaction du plan d'aménagement des 55 hectares du Port Vell qui sera approuvé en juin 1989. La mise en oeuvre de l'opération et sa promotion commerciale sont confiées à la Gerencia urbanistica Port 2000, structure créée par le port et dotée d'une personnalité juridique propre. Le projet élaboré par l'autorité portuaire, résolument tourné vers la mise en valeur commerciale et jugé peu respectueux de la singularité du lieu, a d'ailleurs fait l'objet de vives critiques de la part des acteurs locaux. Cependant, l'accord donné par les institutions municipale et régionale pour la mise en oeuvre d'une opération sacrifiant quelque peu l'intérêt général à celui de la rentabilité économique témoigne ici du pragmatisme des décideurs locaux et de l'art du compromis.

Gênes

En Italie, dans le cadre de la réforme de la législation portuaire (loi n° 84/1994), les nouvelles autorités portuaires ont été invitées à réviser leur position hégémonique avec une obligation de se doter d'un piano regolatore portuale (PRP). Désormais, il ne s'agit plus d'établir une simple liste de travaux et de dépenses à effectuer mais d'élaborer un véritable schéma d'aménagement en concertation avec la ville, document qui sera ensuite évalué par les ministères de l'Environnement et des Beni culturali avant d'être définitivement approuvé par la Région.

En 1996, pour l'élaboration de son nouveau document, l'autorité portuaire crée « l'Agence du plan », structure qui associe les techniciens du port, de la ville et de la Région, les facultés d'architecture, d'économie et de droit. Quatre consultants internationaux (M. Smets, R. Koolhaas, M. Sola-Morales, B. Secchi) sont invités à animer les réflexions et à développer des scenarii de développement sur des zones urbano-portuaires spécifiques (Port de Gênes, 1999). Après évaluation par les ministères compétents, le PRP a été définitivement approuvé par la Région en juillet 2001. C'est dans le cadre de ce nouveau document qu'est aujourd'hui activement poursuivie la reconversion du vieux port avec, notamment, la programmation d'un nouveau pôle culturel et récréatif dans le secteur Darsena- Ponte Parodi, haut lieu de la célébration de

« Gênes, capitale européenne de la culture 2004 ».

GLOSSAIRE INACHEVÉ

La place

David Mangin et Philippe Panerai l'abordent dans leur ouvrage Projet Urbain (2009) à travers la problématique du parcellaire : si les places anciennes ont du charme et fonctionnent aujourd'hui sans que l'on ne sache trop pourquoi, c'est qu'elles sont le fruit de bâtisseurs qui dessinaient depuis le sol, petit à petit, avec en face d'eux les conséquences directes de ce que leur travail produisaient sur l'espace public. On constate que beaucoup de places contemporaines fonctionnent moins bien aujourd'hui. Pour prendre un exemple local à Rennes, il est, de notre point de vue, difficile de « lire » l'usage des places de Bretagne, carrefour routier avant tout, ou Charles de Gaule, esplanade aux proportions gigantesques d'où souffle le vent et sur laquelle la vie sociale est somme toute très limitée. Est-ce lié à la planification par le haut, le plan dessiné puis appliqué d'un seul tenant sans laisser le temps à la ville d'intégrer ces changements ? Il faudrait reprendre les méthodes anciennes, revenir sur le site, le parcourir, le sentir, et éprouver les dessins du projet directement sur place, pour bien évaluer la pertinence des modifications envisagées.

La rue

Françoise Choay, dans son ouvrage Espacements (2003), explique qu'une ville, c'est d'abord ses rues. La rue peut être aimable, revêche, prétentieuse, accueillante, colorée, animée, déserte, monotone, triste, angoissante. Avec la multiplication des déplacements quotidiens et le développement des transports (individuels et collectifs), la ville s'affiche aujourd'hui comme fonctionnelle et régulée. Une telle conception de la ville, qui associe sa morphologie à son réseau viaire, est contemporaine de la généralisation du chemin de fer, du tramway, des réseaux souterrains et de la voiture individuelle. La ville de la modernité, née de la révolution industrielle, se veut en perpétuel mouvement, traversée par d'innombrables flux. D'un refuge pour ses habitants (dans une anfractuosité, au fond d'une vallée, derrière une muraille, autour d'un carrefour marchand) dans lequel la circulation est exclusivement piétonne, rarement véhiculée (les chevaux et calèches sont restés en dehors des enceintes pendant bien longtemps), elle est devenue un lieu de passage pour des machines de transport souvent surdimensionnées.

Le trottoir

Le trottoir est un signe d'aménité pour une rue, et d'efficacité pour la voirie (c'est sous les trottoirs que sont installés les réseaux). C'est également un élément révélateur de la qualité de vie d'un quartier : un trottoir défoncé révèle la faillite ou l'abandon d'une municipalité. A l'inverse, sa propreté et son animation expriment la « bonne santé » de la ville et de sa population. Elément symbolique s'il en est, sa fin signifie souvent le passage en dehors des limites de la ville, l'entrée dans les faubourgs ou la campagne. Sa qualité peut également mettre en lumière l'usage du quartier. Aussi sur le Bas Chantenay les trottoirs sont, soit absents, soit de piètre qualité, puisqu'il n'existe que très peu d'usage de ces équipements par les piétons.

L'art

D'après L'Esthétique de la rue (1900) de Gustave Kahn, poète symboliste, la rue est une école d'art pour tous, qui élève l'âme des citoyens et les initie au sentiment du beau.

Ainsi, les différences de coloris et de matériaux des façades attirent l'oeil, ponctuées par des monuments, des affiches, des luminaires... La rue en elle-même est également un élément fort de diversité : une rue qui serpente donne à la ville un aspect de grandeur, mais surtout un aspect familier et intime, en raccourcissant les chemins. En effet, si la distance réelle est allongée par des angles, la distance morale est elle raccourcie, par un effet de découverte : des images nouvelles et imprévues se déroulent devant vos yeux et charment la route, tandis qu'une ligne droite amplifie la linéarité du chemin. C'est la variété des cheminements qui permet de casser l'ennui d'un parcours linéaire.

Camillo Sitte, dans son ouvrage de référence L'Art de Bâtir les Villes insistera sur l'émouvante courbure des rues, la diversité des devantures de boutiques, les statues qui « entrent essentiellement dans le décors de la rue », les encorbellements et autres saillies d'immeubles au dessus de la chaussée qui rythment les façades. Mais ces attributs ne peuvent révéler la beauté d'une ville ou d'un quartier s'il ne réside pas de vie dans la rue. Sur ce point, il introduit son chapitre « Le mouvement de la rue » ainsi : « Une rue, si belle soit-elle, ne manifeste pas d'existence par la seule vertu de son architecture. Organisme inerte, elle a besoin d'être parcourue et habitée pour acquérir une âme. Dès lors, reflet d'humanité, elle adopte, dans la collectivité urbaine, l'attitude que lui communiquent ses habitants et ses passants ». Robert de Souza appuie le propos en expliquant que les rues, les places, les espaces libres, les éclairages, les affiches, les vitrines, l'animation de la rue, tout ce qui caractérise une cité doit mériter le plus grand soin, ce qui ne veut pas dire les dépenses les plus somptuaires, au contraire même, parfois une intervention minimale suffit à embellir un coin de rue, un bout de trottoir, un accès à un bâtiment.

On peut penser que ces propos relèvent de situations passées, et que pour un aménageur il est difficile de rajouter de la complexité volontairement. Instinctivement, il sera attentif au coût des aménagements et cherchera l'efficience avant tout. Ce n'est pas nécessairement vrai : si l'on regarde par exemple les aménagements mis en place sur la ZAC du quai d'Auchel à Rennes, on remarquera que par quelques artifices de composition, la promenade au bord de la Vilaine est animée et offre des effets de découvertes : conçue sur deux niveaux, l'un en hauteur en bordure de fleuve, l'autre plus bas en stabilisé, et séparée par des plantations variées, elle offre tout à fait ce dont Kahn fait référence. S'agissant du Bas Chantenay, le fleuve est plus vaste et surtout plus rectiligne, mais le redécoupage du parcellaire et l'aménagement de sections de berges pourraient aussi créer un effet similaire. Ce sont des points sur lesquels il faudrait insister lors du recrutement du maître d'oeuvre urbain.

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