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Le phénomène d'acquisition des anciennes demeures par les étrangers, un processus de mise en tourisme de la médina de Fès?

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par Widad Jodie BAKHELLA
Université Mohammed V  - Master recherche en aménagement, développement local et gestion des territoires 2008
  

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Université Mohammed V - Agdal

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines

Département de Géographie - Equipe de Recherche sur la Région et la Régionalisation

Le phénomène d'acquisition des anciennes demeures
par les étrangers :
Un processus de mise en tourisme de la médina de
Fès ?

Mémoire de fin d'études pour l'obtention du Master recherche en

« Aménagement, Développement et Gestion des Territoires -- ADEGEST »

Promotion: 2006-2008

Réalisé par

Widad-Jodie BAKHELLA

Sous la direction du professeur
Mohamed BERRIANE

Projet TEMPUS JEP_32022_2004 - Université Mohammed V - Agdal,
Université François Rabelais - Tours, Université Ca Foscari - Venise,
DAT et Enda Maghreb

Travail réalisé au sein du laboratoire de la E3R
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines

2

Le phénomène d'acquisition des anciennes demeures
par les étrangers :
Un processus de mise en tourisme de la médina de
Fès ?

4

Remerciements

Mes remerciements vont à toutes les personnes qui, à un moment ou à un autre de cette recherche, ont facilité ou enrichi mon travail, en particulier M. Berriane, mon directeur de recherche, dont la disponibilité, le soutien et les conseils m'ont été d'une aide précieuse. Mais aussi à tout le corps professoral et administratif du Master ADEGEST-recherche.

Je voudrais également remercier vivement les personnes-ressources dans les différentes administrations à Fès et qui m'ont été d'une grande aide et assistance et ont contribué à l'enrichissement de ce travail de recherche. Je nome ici M. Dahbi, M. Ez.zaânta, M. Ouadghiri, M. Raftani, M. Baâli, M. Hachmioui et Omar de la collectivité Lamtèyene, ainsi que les moqadems et les caïds des différentes collectivités de la médina notamment M. Ritou et M. Khadir pour leur intérêt et leur aide précieuse.

Je voudrais nommer aussi les nouveaux habitants étrangers en médina de Fès de m'avoir reçu et aidé dans mes investigations de terrain. Merci à Cécile, Michael, Favard Gaëtan, Helen Ranger, David Amster, Pauline et Moller.

Un grand merci, pour finir, à toutes les personnes ayant contribué de près ou de loin à la réalisation de cet humble travail.

Dédicace

5

Je dédie ce mémoire de Jtlaster d'abord à mes parents, ma saur et mon frère .Aman qui m'a particuCièrement soutenu tout au Cong de ce travaiC~

Je Ce dédie égaCement à tous mes amis, spéciaCement à Youssef et Chakib, je ne sais pas comment je m'en serais sortie sans votre aide, vous êtes adorabCes !

6

Préface

Ce travail est le fruit d'un stage de recherche qui s'inscrit dans le cadre d'un Master en Aménagement, Développement local et Gestion des Territoires et qui conclut un parcours de deux ans d'études.

Durant ce stage, nous avons dû faire face à plusieurs contraintes et limites. La première est une contrainte liée à la difficulté du terrain de l'étude, qui correspond à l'ancienne médina de Fès, pour son immensité, sa densité, l'enchevêtrement de ces ruelles et ses impasses grouillantes qui en font un véritable labyrinthe. Ceci a des fois freiné mon accès à certains quartiers.

La deuxième contrainte est celle de la durée du stage et qui ne permet pas de cerner tous les aspects liés au sujet et limite ainsi les résultats obtenus. D'autant plus qu'il a fallu une période d'accommodation et de découverte des lieux qui nous étaient totalement inconnus.

La troisième contrainte est liée à l'absence des enquêtés, étrangers propriétaires de logements en médina, durant la période qui a coïncidé avec nos investigations de terrain. En effet, ceci nous a été confirmé par différentes personnes-ressources qui ont estimé le nombre d'étrangers présents sur place à 10% uniquement du nombre total. Et ce pour deux raisons, la première est due au fait que la majorité des étrangers achètent des maisons qu'ils laissent vides, et la deuxième est due au fait que la période du stage a coïncidé avec celle des vacances d'été.

En dépit de toutes ces contraintes, nous avons essayé de surpasser ces limites et de fournir tous les efforts nécessaires à la réussite de ce travail de recherche.

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Sommaire

REMERCIEMENTS

DEDICACE PREFACE SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE

CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE L'APPARITION DU PHENOMENE A L'ECHELLE DES VILLES MAROCAINES ET SON ARRIVEE A FES

Introduction

I- Problèmes de définitions

II- Etat des lieux du phénomène des acquisitions de vieilles maisons dans les médinas marocaines

III- Les raisons de l'attrait des Occidentaux pour les centres anciens marocains

IV- La valorisation de l'espace médinal de Fès : prémices de la mise en tourisme

Conclusion

CHAPITRE II : MISE EN TOURISME OU TOURISTIFICATION DE LA MEDINA DE FES PAR LES ETRANGERS PROPRIETAIRES DE MAISONS

Introduction

I- Les maisons de la médina de Fès : Vers une nouvelle forme de mise
en tourisme

II- Les maisons étrangères dans la médina de Fès : Des usages polymorphes

Conclusion

8

CHAPITRE III : LES NOUVEAUX « TOURISTES-RESIDENTS » DANS LA MEDINA

Introduction

I- Les propriétés étrangères dans la médina de Fès : D'une installation sporadique à un ancrage du phénomène

II- Les étrangers en médina : Une variété d'acteurs

Conclusion

CONCLUSION GENERALE BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES

TABLE DES ILLUSTRATIONS TABLE DES MATIERES

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INTRODUTION GENERALE

"Il est courant aujourd'hui d'opposer tourisme et culture: le premier est réputé mercantile, le second serait noble. Il y a là incontestablement un paradoxe, car historiquement, à l'origine même du tourisme, est la culture..."

-Catherine TRAUTMANN1-

Le tourisme a été toujours perçu comme un phénomène social dont l'impact économique est considérable. En effet, selon l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), il occupe la deuxième place parmi les industries du monde avec un taux de 10% du marché de l'emploi mondial.

Au bout d'un demi-siècle (1950-2005), le nombre de touristes est passé de 25 millions à 808 millions, réalisant ainsi une croissance annuelle moyenne de 4,1%2 ; et si les tendances actuelles se poursuivent, l'OMT prévoit 1 milliard de touristes en 2010 et 1,6 milliard en 2020. L'industrie touristique va connaître une véritable explosion, et va sans doute modifier notre environnement et influer sur nos comportements3.

Avec 0,7% de part de marché dans le tourisme mondial, l'industrie touristique marocaine, pour sa part, a connu une forte croissance ces dernières années avec une progression annuelle moyenne de l'ordre de 9% sur la période 1996-20044. En effet, dès les années soixante, le Maroc fait du tourisme un secteur prioritaire de ses choix économiques, et s'est engagé dans une vision à long terme dans le but d'accueillir à l'horizon 2010 dix millions de touristes.

1 Cahiers Espaces n°37, p 226. in D. DESURVIRE, L'hébergement touristique au secours du patrimoine monumental ancien, p : 17

2 « Faits saillants du tourisme : Édition 2006 », in : www.world-tourism.org.

3 Selon un communiqué de presse des Sommets mondiaux du Tourisme Chamonix-Mont-Blanc-Genève, 03 décembre 1999, in : http://www.sommets-tourisme.org/f/presse/communiques99.htm.

4 Plan de Développement Régional Touristique (PDRT) de Fès, p 3.

10

La stratégie de relance du secteur du tourisme menée par l'État depuis 2000 dans le cadre de la vision 2010 est essentiellement basée sur le produit balnéaire, ce qui accentue davantage les déséquilibres spatiaux qui existent dans l'aménagement du territoire marocain. En effet, comme le soulignait M. BERRIANE : « L'une des particularités du tourisme marocain est la concurrence serrée et continue entre le tourisme culturel d'un côté et le tourisme balnéaire de l'autre » (BERRIANE, 2003, p.217)5.

Le plan de développement triennal (1965-1967) inscrivait le tourisme parmi les priorités économiques du pays (BERRIANE, 2003, p.218). Le choix de celui-ci en tant que secteur prioritaire de la politique de développement n'est pas fortuit. En effet, outre ses atouts géographiques et naturels, le Maroc possède un patrimoine culturel d'une grande richesse (villes impériales, médinas médiévales, gastronomie réputée, artisanat renommé et population accueillante).

« L'héritage culturel est un produit d'appel fortement recherché par le touriste 6 », avance M. KACIMI, ancien secrétaire général au département du tourisme. Ceci pour souligner l'importance du tourisme culturel qui représente, entre autres, une composante centrale de la stratégie de développement touristique au Maroc à l'horizon 2010. En effet, le tourisme culturel constitue semble-t-il une part importante du tourisme national ; Celle-ci s'élève à quelques 60% des touristes internationaux qui optent pour ce type de tourisme.

Le tourisme culturel peut être défini comme un déplacement dont la motivation principale est d'élargir ses horizons, de rechercher des connaissances et des émotions au travers de la découverte d'un patrimoine et de son territoire7. Ainsi, ce qui élargit le champ de ce segment du tourisme, c'est surtout la dimension du patrimoine qui renvoi aux composantes matérielles et immatérielles de l'identité de toute société humaine, élaborée, puis transmises et réactualisées sur un territoire8. Le patrimoine devient ainsi un instrument et un point d'appui à la politique de mise en tourisme9 d'un lieu.

5M. BERRIANE, (2003), Rapport Final, Bilan sur le tourisme marocain, in Rencontre internationale de Fès (patrimoine et développement durable des centres historiques urbains), vol.2, UNESCO, Rabat, pp. 217-233.

6 Propos avancés lors d'un séminaire sur le thème : « Le tourisme et le patrimoine culturel » organisé à Rabat conjointement par le British Council et Trade Partners UK en Décembre 2002.

7 C. ORIGET DU CLUZEAU: Le tourisme culturel, PUF, coll. « Que-Sais-Je ? », 2ème Ed, 2000, Paris, p3.

8 Idem, p4.

9 Par mise en tourisme nous entendons, le processus par lequel on construit un espace touristique. Nous allons revenir sur la définition de ce concept plus en détail dans ce qui suit.

11

Certes, le tourisme tient un rôle essentiel dans la dialectique d'assignation de signification à un lieu. Au niveau mondial, beaucoup de villes ont adopté le discours du patrimoine dans leurs stratégies de développement du secteur touristique, mais seules certaines d'entres elles sont devenues des destinations privilégiées du `tourisme culturel'10.

La composante culturelle au Maroc s'appuie essentiellement sur le label des `villes impériales'. Le Maroc compte quatre villes impériales dont celle de Fès considérée comme la plus ancienne capitale du Maroc.

À Fès, le tourisme est une activité cyclique et sans tendance claire en terme de croissance. Fès, mémoire nationale chargée de culture et de spiritualité est un pôle important pour le développement du tourisme culturel. Celui-ci est surtout axé sur la médina11, qualifiée de `Ressource phare'12 de la destination, grâce à sa richesse patrimoniale considérable qui lui a value d'être classée patrimoine universel par l'UNESCO en 1981.

Les villes marocaines, comme beaucoup de villes du monde arabe, ont l'originalité de posséder une structure duale. Elles sont composées d'une partie indigène (la médina) et d'une partie européanisée (ville nouvelle développée à partir de 1912 sous l'autorité du protectorat français). Les médinas constituent la première forme d'urbanisme à voir le jour au Maroc. Elles sont toujours assimilées au lieu de la citadinité traditionnelle par rapport à celle du modèle occidental, à l'espace d'une urbanité typique arabe et marocaine, valorisée dans le contexte d'une globalisation des modes d'habiter et de la mise en tourisme du Maroc13. Elles sont, de ce fait des morceaux de mémoire uniques qui ont su conserver à travers l'histoire les signes d'identité et les modes de vie traditionnels du peuple marocain.

Aujourd'hui, les médinas sont perçues et reconsidérées autrement, autant pour leur valeur architecturale que pour leur configuration urbaine particulière. Elles représentent de ce fait, l'un des centres d'intérêt privilégiés des visites à motivation culturelle.

10 R. BORGUI, Aménagement touristique et transformation de l'espace urbain: les risques du développement du secteur à travers le cas comparé de Venise et Marrakech, 2007, p 1.

11 Médina signifie en langue arabe `la ville'. Elle est devenue la ville arabe par opposition à la ville européenne à l'époque coloniale au Maghreb.

12 Selon le Plan de Développement Régional Touristique de la ville de Fès, lancé le 25 novembre 2005, p 7.

13A. -C. KURZAC-SOUALI, "Rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech : l'étranger où on ne l'attendait pas", in revue Hérodote, N° 127, 4ème trimestre 2007, p. 64-86.

12

Dans cette optique, la médina de Fès connaît depuis quelques années une croissance rapide dans le secteur du tourisme. En effet, d'après la délégation régionale du ministère du tourisme, la ville de Fès a accumulée en janvier 2008 un total de 7 466 arrivées et 46 501 nuitées, soit une augmentation de 5% en termes de nuitées en comparaison avec le même mois de l'année 2007. Cette nouvelle dynamique s'inscrit dans une mutation profonde de la demande et de l'offre qui fait qu'un nouveau regard touristique est inventé pour les villes patrimoniales et plus particulièrement leurs médinas.

Il semble qu'au Maroc depuis ces trois dernières décennies, l'espace urbain ancien acquiert un autre statut au sein de la ville marocaine contemporaine. Cette mise en valeur patrimoniale et touristique de la médina s'opère particulièrement, et de plus en plus, à travers l'achat des riads14 et anciennes demeures par les étrangers. En effet, le phénomène s'est amplifié considérablement durant ces dernières années ne pouvant plus être qualifié d'une simple mode passagère. Il s'agit désormais d'un phénomène qui persiste et se diffuse de plus en plus pour toucher à des degrés variables un bon nombre de médinas marocaines. Ce mouvement s'inscrit à la fois comme une réaction de rejet et de fuite du tourisme de masse et aussi comme une quête d'un voyage inédit. Les anciennes demeures, généralement sans confort moderne, sont donc peu à peu délaissées par les autochtones pour être récupérés par des riches étrangers fascinés par le cachet traditionnel de ces villes anciennes.

Les médinas au Maroc sont passées, dès le protectorat, par un ensemble de faits ayant pour conséquence un processus de dévalorisation à multiples facettes. D'abord, la politique urbaine du protectorat sous l'égide du Général Lyautey et qui préconisait la séparation de la population européenne de celle des autochtones par la création de la ville européenne, symbole de modernité par opposition à la médina, et le glissement des principales fonctions des tissus traditionnels vers la ville nouvelle. "Par cette séparation nette et tranchée, le Résident Général a voulu, outre les questions morales, économiques et de sécurité, préserver l'aspect des villes indigènes, les monuments historiques ou religieux, les vieilles murailles pittoresques, maintenir enfin dans son cadre une civilisation intacte depuis des siècles (...)"15.

14 Riad (ryad ou riyad) : jardin irrigué de plaisance et de prestige ; grand jardin intérieur d'une demeure urbaine (définition de P. PASCON, 1977), in : TROIN J.-F. (2002) (sous la direction de), Maroc. Régions, Pays, Territoires (Encadré 5, Le patrimoine des médinas), p 152.

15 Propos de l'architecte Henri PROST dans une communication de 1931 sur les choix urbanistiques de la France au Maroc pendant le protectorat. H. PROST, "Le développement de l'urbanisme dans le protectorat du Maroc", dans L'urbanisme aux colonies et dans les pays tropicaux. Communications et Rapports du Congrès International de 1931, Edition Delayance, 1932, p.60. (Cité par Anne-Claire KURZAC-SOUALI, 2006, p. 19).

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Ensuite, ce rôle du protectorat s'est renforcé par le départ des élites en ville nouvelle mais aussi vers d'autres villes notamment Rabat et Casablanca, voire même à l'étranger. Après l'indépendance, les médinas se sont transformées en des foyers de migration de substitution réceptifs de migrants ruraux, c'est le cas de la ville de Fès où 82% des migrants installés en 1982 sont venus directement de la campagne à la ville (FEJJAL, 1995a, p.208)16. Et c'est ainsi que les médinas sont dès lors habitées par une population plus pauvre. De ce fait, habiter la médina n'était plus valorisé mais, au contraire, avait une image négative accentuée par la perte de sa valeur foncière et la dégradation de son bâti.

Cependant, il paraît qu'au cours des dernières années de la décennie passée cet espace, autrefois marginalisé, bénéficie d'un regain d'intérêt qui fait que la médina est devenue au centre de considérations politiques, économiques, culturelles et touristiques. Pour la plupart, classées au patrimoine mondial de l'UNESCO (Marrakech, Essaouira, Tétouan et Fès), mises en valeur par le tourisme, les médinas sont désormais sujettes de 'la ruée' des étrangers vers les riads et maisons anciennes. Toutes ces médinas marquées par un développement historique différent mais qui ont toutes été, à un moment de leur histoire, touchées par le départ de leurs élites et l'installation de ruraux, sont devenues maintenant un foyer qui reçoit une vague de touristes venant y séjourner, y investir et y prendre résidence.

Il s'avère que le processus est particulièrement important à Marrakech, où depuis déjà les années 1960 les Occidentaux, notamment issus de la jet-set internationale, décident d'acheter des anciennes demeures pour y habiter. En revanche, c'est surtout vers la fin des années 1990 que ce phénomène a pris de l'ampleur pour ne plus être l'apanage de Marrakech mais aussi, et à des degrés différents, d'autres médinas notamment celle d'Essaouira et de Fès.

Après avoir rappelé dans un bref aperçu historique le contexte de ce phénomène en insistant sur le changement du statut des médinas d'espaces délaissés et marginalisés vers des espaces reconnus et convoités, il semble que ce travail de recherche sur le processus de la mise en tourisme de la médina de Fès sous l'effet de l'achat des demeures traditionnelles par les étrangers est un thème riche et susceptible de répondre à différents axes de recherche. En effet, l'afflux des étrangers vers la médina de Fès pour, de plus en plus y prendre résidence,

16 Cité par A-C. KURZAC-SOUALI, Les médinas marocaines: une requalification sélective, Elites, patrimoine et mondialisation au Maroc, Thèse de doctorat, Université Paris IV, 2006, p. 24.

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pourrait être considéré comme une nouvelle forme de mobilité qui nous rappelle la mobilité Sud-Nord mais qui prend cette fois-ci le sens inverse, pour concerner les différents pays occidentaux à des degrés différents. Cette mobilité résidentielle se traduit par une accession à la propriété réalisée par des acheteurs solvables et étrangers au pays. S'ajoutant à cela, la spécificité de l'espace `médinal' en son rôle de foyer de réception de polymigrants17 d'origine occidentale, alors qu'il y a encore quelques années passées, à l'heure du protectorat, cet espace typique leur été interdit. On pourrait en effet qualifier cette installation étrangère dans la médina d'une migration, puisqu'elle obéît à un déplacement d'un pays (occidental) à un autre (ici, le Maroc) pour s'y installer définitivement ou temporairement.

D'un autre angle de vue, cette nouvelle tendance d'investissement étranger en médina pourrait être assimilée à une nouvelle forme de tourisme, celui-ci qui n'est à la base qu'une forme de mobilité humaine. Un tourisme dont les acteurs principaux sont des étrangers de nationalités différentes, et que l'on pourrait qualifier de tourisme de résidence.

Il paraît que peu d'études scientifiques se soient intéressées à l'étude de ce phénomène dans la médina de Fès. Par ailleurs, la littérature semble être plus ou moins abondante sur ce même phénomène à Marrakech et d'une proportion inégale à Essaouira. Cependant, ces études ont généralement traité le sujet comme une forme de reconquête, de requalification, de gentrification, de bradage mais jamais comme un processus de mise en tourisme.

Cette perspective de recherche met la notion de mise en tourisme au centre de notre réflexion. Ce terme désigne un processus de développement touristique planifié, volontariste d'un espace. Il s'oppose au terme de `touristification' qui tend à désigner a contrario un processus de développement touristique spontané (J.M DEWAILLY, p.31 in AMIROU et alii, 2005). Ce concept a vu le jour à la fin des années 80 grâce à des géographes notamment, Rémy KNAFOU, Philippe DUHAMEL et Isabelle SACAREAU.

«Tous les lieux ne sont pas touristiques, mais tous peuvent le devenir» (Claude RAFFESTIN, 1986). En effet, il n'existe pas de territoire doté de vocation touristique. La mise en tourisme

17 Pour reprendre le terme utilisé par Justin MCGUINNESS dans son article: "Errances vers un Orient imaginaire? Les polymigrants de la médina de Fès", revue Ibla de l'Institut des Belles-Lettres Arabes, n°198, 2006, pour qualifier les étrangers s'installant dans la médina de Fès.

15

de l'espace obéit à un système d'acteurs. Cette évolution des territoires est celle qu'on qualifie par le concept de `touristification'.

Le champ théorique relatif aux approches de la mise en tourisme est relativement large. L'approche de la mise en tourisme en géographie permet de comprendre comment, pourquoi et dans quel contexte un espace donné est choisi par un certain nombre d'acteurs pour y construire un espace touristique18.

Nous proposons alors, par le biais du cas de la médina de Fès, de baser notre travail de recherche sur cette approche géographique, étant donné que la médina de Fès constitue un espace touristique en mutation par un processus de plus en plus important, même si encore à ses débuts par rapport à d'autres villes telle que Marrakech ou Essaouira.

Ce concept s'adapte parfaitement au cas de la médina de Fès puisqu'il nous permettra de définir l'espace relatif à la médina en tant qu'espace touristique qui subit des transformations initiées par des acteurs publics et des acteurs privés étrangers, et renforcées par la forte fréquentation touristique de ce même espace.

La médina de Fès, en effet, et parallèlement à une croissance exponentielle du nombre des touristes et visiteurs, se voit peu à peu transformée par un processus volontariste guidé par la volonté des pouvoirs publics et les acteurs privés étrangers. Ce sont ces dynamiques qui nous interpellent et nous poussent à nous interroger sur ce processus de mise en tourisme de la médina par l'achat d'anciennes demeures et riads par des touristes étrangers.

Le choix qui est le nôtre d'étudier ce phénomène, dans la médina de Fès en particulier, s'explique tout d'abord par le fait que la ville de Fès nous est apparue comme un espace de prédilection pour travailler sur le thème du tourisme dans son lien à la culture et au patrimoine. D'autre part, la médina de Fès anime une fascination particulière auprès des touristes, car l'importance de la dimension de son patrimoine civilisationel prédomine sur tous les autres aspects. Elle constitue, de ce fait, un lieu emblématique pour analyser les dynamiques de ce processus de mise en tourisme dans un espace urbain en mutation.

18 M.-A. CHOPLIN, 2007, La mise en tourisme de Ouarzazate : Acteurs, discours et lieux, mémoire de master, Université François-Rabelais de Tours, p12.

16

Ainsi, et à la lumière de toutes ces données, nous sommes en droit de nous poser les questions suivantes : Pourquoi les étrangers s'installent-ils dans la médina de Fès ? Quelles sont les conditions permettant aux étrangers d'acheter des riads et vieilles demeures dans l'ancienne médina ? Comment un tel phénomène a-t-il pu se produire dans la médina ? Comment se présente le phénomène dans l'espace `médinal' ? L'apparition du phénomène à Fès a-t-il une relation avec le succès qu'il a eu dans d'autres villes comme Marrakech ? Prend-t-il la même allure qu'à Marrakech ou au contraire est-il particulier à Fès ?

Par là, notre questionnement central peut être formulé comme suit : Dans quelle mesure ce phénomène d'investissement des étrangers par l'achat des maisons anciennes peut-il contribuer à la mise en tourisme de la médina de Fès ?

Postulats et hypothèses de travail:

Dans le but d'entreprendre cette étude, quelques hypothèses devront être formulées; celles-ci se rattachent à notre perception des dynamiques de la mise en tourisme de la médina de Fès. Il s'agit notamment de confirmer ou d'infirmer que:

· Le phénomène d'achat par les étrangers des riads et vieilles demeures participe à la mise en tourisme de la médina de Fès;

· L'investissement étranger dans la médina de Fès prend la même allure qu'à Marrakech ou Essaouira et se développe par conséquent, selon les mêmes processus.

Pour répondre à nos questionnements, nous avons structuré notre recherche selon trois axes qui correspondent à trois chapitres. Ainsi, dans un premier temps, ce travail propose un éclairage sur le phénomène d'acquisition des maisons traditionnelles par les étrangers. Le premier chapitre se veut être un état des lieux de la question. Il vise à contextualiser le phénomène en se basant sur les cas des villes de Marrakech et d'Essaouira, et à comprendre les effets déclencheurs de cet afflux à travers les efforts de patrimonialisation et de sauvegarde encouragés par les acteurs étrangers et l'Etat, par le biais de la promotion touristique. Ceci nous permettra de montrer par la suite comment le phénomène a atteint la médina de Fès et dans quelles conditions, en s'attardant sur les actions menées pour la

17

sauvegarde et la mise en patrimoine de celle-ci en tant que base à la revalorisation de son image et sa mise en tourisme.

Puis, il s'agira dans un deuxième temps, de décrire les dynamiques récentes en médina en cherchant à expliciter la perception de la médina de Fès par les étrangers ainsi que l'organisation de ce nouveau marché et à temporaliser le phénomène pour en comprendre le développement. Nous nous attarderons également sur la manière avec laquelle ces étrangers investissent ou exploitent leur habitation en médina. Ce chapitre nous permettra donc de répondre en partie et d'une part à notre première hypothèse qui posait le constat de la mise en tourisme de l'espace `médinal' par cet afflux de plus en plus fort d'étrangers, et d'autre part, et en partie, à notre deuxième hypothèse qui supposait que le phénomène à Fès prenait la même allure que dans les villes de Marrakech et d'Essaouira qui l'ont précédé dans ce sens.

Dans un troisième temps, nous nous intéresserons plus au profil de ces nouveaux habitants étrangers. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils dans la médina? Combien sont-ils ? Et comment s'organisent-t-ils dans l'espace ? En effet, la médina de Fès incorpore à son tissu des résidents étrangers nouveaux, de profils différents et dont les choix de localisation obéissent à des logiques sélectives.

La mise en tourisme constitue la clef de lecture à l'étude de ce phénomène d'afflux étrangers vers la médina de Fès. Elle nous permettra de comprendre comment, pourquoi, par qui et dans quel contexte l'espace `médinal' de Fès a été choisi par un certain nombre d'acteurs étrangers pour y construire un espace touristique19.

Approche méthodologique :

Afin de répondre à notre objectif principal et afin de vérifier les hypothèses que nous nous sommes posées comme base de notre recherche, des données aussi bien qualitatives que quantitatives seront indispensables à une étude géographique sur un phénomène en mouvement dans un espace spécifique.

19 M.-A. CHOPLIN, 2007, La mise en tourisme de Ouarzazate : Acteurs, discours et lieux, mémoire de master, Université François-Rabelais de Tours, p12.

18

Ainsi, en ce qui concerne les matériaux, la méthodologie retenue dans le cadre de cette étude s'est basée sur une analyse documentaire, une analyse sur le terrain et une série de questionnaires pour compléter les sources disponibles.

L'investigation bibliographique nous a permis d'avoir un aperçu général sur l'état des lieux de la question. Elle a été réalisée auprès des différentes institutions concernées par cette problématique, ainsi que dans les centres de documentation universitaires ou professionnels.

Pour les enquêtes de terrain, nous avons opté pour une démarche qualitative par observation directe à travers une enquête de repérage qui a concerné les anciennes demeures achetées par les étrangers. Cette observation a été appuyée de prises de notes et de photographies, qui ont servi par ailleurs, de trame à nos investigations de terrain.

Notre enquête s'est poursuite avec des questionnaires qui ont été distribués auprès des différents acteurs concernés par la question. Nous entendons par acteurs ici les propriétaires étrangers de maisons dans la médina. Le questionnaire est organisé en plusieurs volets et a été rempli avec la personne interrogée dans son habitation dans la grande majorité des cas. Le but à travers l'enquête auprès des nouveaux habitants, parfois propriétaires de maison d'hôtes, est d'analyser leurs profils, les modalités de leurs arrivées, leurs motivations, les procédures d'acquisition de leurs logements en médina et leurs perceptions de celle-ci. Le nombre de ces acteurs étant limités, en raison de l'absence de la majorité d'entre eux, le choix des personnes à enquêter se faisait en fonction de leur présence sur place et des opportunités de rencontre.

Certains entretiens semi-dirigés ont été également nécessaires dans les premières visites du terrain, auprès de personnes-ressources, qui nous ont permis de comprendre le contexte dans lequel s'installaient ces étrangers.

Par ailleurs, nous avons effectué un relevé cartographique presque systématique des maisons à propriétaires étrangers dans la médina. Nous nous sommes à cet effet, servis des informations recueillies à partir des dossiers de la conservation foncière, auxquelles nous avons eu accès auprès du cadastre de la ville de Fès, ainsi qu'à des listes et dossiers des habitants étrangers qui nous ont été communiqués par les différentes collectivités de la médina de Fès.

D'autre part, nous avons aussi pris contact avec certaines agences immobilières où nous avons pu avoir des compléments d'informations sur les acquéreurs étrangers en médina. Nous avons

19

aussi contacté « le représentant », des nouveaux habitants étrangers qui nous a, à son tour, fait part d'une liste personnelle d'étrangers résidant dans la médina, depuis 1997 et jusqu'à 2002.

Présentation du terrain d'étude :

Nous avons choisi d'entreprendre notre travail de terrain à Fès. La ville de Fès est située à la limite du Saïs, plateau enserré entre les rides prérifaines au Nord et le Moyen Atlas au Sud. La ville s'est localisée à la croisée des routes qu'empruntaient les échanges du Maroc pré-colonial20.

Sa médina comporte deux entités : Fès Jdid (Fès la nouvelle), construite à la fin du XIIIème siècle qui comprend la ville proprement dite avec son quartier juif, le Mellah et le palais royal ; et Fès El Bali (Fès l'ancienne) datant du IXème siècle. Cette entité est établie sur les pentes d'une cuvette traversée par l'oued Boukhrareb qui la découpe en deux parties, Adwat Al Andalous à l'Est et Adwat Al Qarawiyine à l'Ouest. Elle constitue la plus vaste et la plus passionnante médina du Maroc. C'est le coeur historique de la ville, classée comme site d'héritage mondial par l'UNESCO.

La commune urbaine de Fès est née lors du découpage administratif de la province de Fès en mars 1992. En 2002, cette commune a été divisée en deux arrondissements qui sont : Fès Médina et Jnan El Ouard21.

L'arrondissement de Fès Médina occupe la partie Est de la ville de Fès. La médina de Fès est un labyrinthe de 9 500 rues et d'un millier d'impasses grouillantes dans une médina qui s'étend sur 350 ha et la densité de la population y est estimée à 1200 personne/ha.

Notre terrain d'étude se limite à Fès el Bali, qui constitue le coeur de la ville traditionnelle et où le phénomène d'acquisition des anciennes demeures par les étrangers commence à se développer de plus en plus.

20 J.-P. LABOIRIE, 1990, Atlas de la médina de Fès, Presse Universitaire du Mirail, Toulouse, p 2.

21 Selon les dispositions du Dahir n°297-02-01 du 3 octobre 2002 relatif à la Charte communale.

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CHAPITRE I :

Le contexte de l'apparition du phénomène à

l'échelle des villes marocaines et son arrivée

à Fès

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Introduction

Les médinas constituent le coeur des villes anciennes du Maroc. A côté des grandes médinas comme celles de Fès, Marrakech, Meknès, Rabat, Salé, Tanger . .etc, il en existe de plus petites telle que celle d'Asilah, Essaouira, Chaouen, Safi. .etc. La médina est un espace à haute valeur symbolique, identitaire et cultuelle qui a le plus souvent conservé une position centrale au sein des agglomérations marocaines22. Après avoir subit autrefois, un long processus de marginalisation et de dégradation de son tissu urbain, la médina acquiert, depuis peu, un nouveau statut au sein de la ville marocaine. En effet, elle fait l'objet désormais d'une attention particulière soutenue par le souffle des organismes internationaux. A partir de là elle bénéficie d'une valeur patrimoniale manifeste. Ainsi, l'inscription des médinas de Fès, Marrakech et Essaouira donne une nouvelle dimension spatiale à ce patrimoine par son universalité déclarée. Une reconnaissance qui traduit un changement du regard porté sur la médina et qui se traduit par une nouvelle pratique de cet espace envisagé désormais comme un patrimoine-ressource par le nouveau sens qu'il lui est donné « Dès qu'un espace est une valeur f...] il grandit » (BACHELARD, 1957, p.153)23.

Bien plus qu'un patrimoine culturel, la place de la médina évolue pour devenir un vrai support au produit touristique marocain. La vogue des Occidentaux pour les anciennes demeures et riads des centres historiques s'inscrit dans ce contexte. En effet, depuis la fin des années 1990 surtout, la médina incorpore à son tissu, des acteurs récents, ils sont des touristes mais aussi des nouveaux résidents de nationalités et de cultures différentes.

Cette première partie introductive est un état des lieux du phénomène d'acquisition des anciennes demeures par les étrangers. Il s'agit en effet, pour nous de contextualiser le cas de Fès en faisant état du phénomène dans les médinas qui en sont les plus concernées, et en expliquant les fondements de l'attrait des Occidentaux pour les centres anciens, avant d'arriver au cas de Fès, en cherchant à répondre en partie à notre première hypothèse qui posait le constat d'une mise en tourisme de sa médina.

22 La question relative à la centralité des médinas a fait objet d'un article de Pierre SIGNOLES, « La centralité des médinas maghrébines : quel enjeu pour des politiques d'aménagement urbain ? », revue Insanyat, n°13, janvier-avril 2001, pp.9-41.

23 Cité par A-C. KURZAC - SOUALI, 2006, p.58.

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I- PROBLEMES DE DEFINITIONS

1-Riad et Dar: Une nouvelle construction sémantique

L'acquisition d'anciennes demeures en médina par les étrangers est un phénomène récent mais qui a pris au cours de ces dernières années une grande ampleur qui a contribué à ce que la presse écrite qualifie de la "ruée vers les riads". Cette diffusion importante s'est accompagnée d'une banalisation de la signification du mot "riad" et son détournement vers un sens plus large pour qualifier toutes les maisons de la médina.

La maison traditionnelle au Maroc prend en général deux formes urbaines fondamentales: le dar et le riad. On qualifie de dar, la maison d'habitation classique avec une simple cour intérieure entourée de piliers autour de laquelle les pièces sont agencées en se faisant face (Cf. figure 2 et 4, Planche 1). Le riad lui, qualifie une forme de maison spéciale avec un jardin (Cf. figure 1 et 3, Planche 1). La forme fondamentale dispose généralement de pièces sur les largeurs opposées du rectangle tandis que des murs élevés délimitent les longueurs24.

Au Maroc, l'existence du riad remonterait au moins au XIIème siècle. Sa morphologie rappelle celle de la maison à patio, mais la richesse historique et culturelle de ce terme rend difficile la détermination d'une définition exacte. Pour J.GALLOTTI "le riad est un jardin clos de hautes murailles, rectangulaires, avec à ses extrémités, deux corps de logis face à face. Fait comme une Dar dont la cour serait étirée pour faire place à la lumière aux arbres et aux fleurs et dont les deux côtés seuls seraient restés, il n'est que l'expression du besoin d'espace. Il semble une maison dilatée dans un soupir". Il ajoute plus loin: "Je n'ai jamais entendu dire qu'il existait au Maroc de ryad aussi ancien que les vieilles maisons de Fès Bali"25. Cette définition exclue toutes les demeures qui ont plus de deux corps de logis et/ou qui ne seraient pas étirées.

24 A. ESHER, S. PETERMAN et B. CLOS, Le bradage de la médina de Marrakech? in: M. BERRIANE et A. KAGERMEIER, (2001), Le Maroc à la veille du troisième millénaire (Défis, chances et risques d'un développement durable), publication de la FLSHR, Rabat, p: 220.

25 J. GALLOTTI, Le jardin et la maison arabe au Maroc, Ed. Filbert Lévy, (1926), (Tome I), p: 12.

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Cependant, pour A.TOURI "Le terme riyad couvre au Maroc une réalité quelque peu complexe. La définition la plus directe et la plus large est celle qui en fait un jardin clos de murailles qui renferme des constructions destinées principalement à l'habitat occasionnel d'agrément et placées généralement à ses deux petits côtés. Cette définition prend encore plus de poids lorsque la surface plantée est divisée en parcelles, généralement d'égales dimensions, par des allées surélevées et se coupant à angles droits. A partir de là, le sens s'élargit pour s'appliquer même aux maisons dont la seule présence d'un jardin -mais à condition que celui-ci soit d'une assez grande superficie qui généralement avoisine le tiers de la surface totale et que son organisation s'attache au modèle décrit- justifie la dénomination de riyad."(A.TOURI, 1987)26

Les maisons de la médina ont quelque chose d'unique. Elles présentent toutes, un aspect commun étant dotées de façades aveugles et sobres. La demeure riche côtoie ainsi la demeure pauvre, et c'est à l'intérieur que se déploie la richesse architecturale de ces demeures. "Il était de tradition de ne jamais refaire les enduits des murs qui donnaient sur la rue"(REVAULT, GOVIN, AMAHAN, 1985). A Fès, l'habitat traditionnel d'inspiration Mérinide est plus dense et prend la forme de maisons plus hautes, centrées sur des patios, rarement végétalisées, plutôt minérales et richement décorées de zelliges. Les demeures construites sur les jardins périphériques en médina au XIXème siècle et au début du XXème siècle (Batha et Ziat) possèdent, en revanche, des jardins comme les riads de l'époque saâdienne à Marrakech. (EL OUARZAZI, 1990).

Il semble, en revanche, qu'à Fès on ne dit pas "Riad" pour désigner toute une demeure. Dans l'ouvrage "Palais et Demeures de Fès", toutes les maisons sans distinction sont nommées "Dar". (Dar Tazi et bien d'autres comprennent des riads). Riad à Fès, d'après les auteurs de ce même ouvrage, est défini comme "un jardin intérieur clos". Les recherches que nous avons menées sur le terrain nous ont permis de toucher de plus près, tous ces aspects.

La différence qui existe donc entre riad et dar viendrait essentiellement du fait que le premier est agrémenté d'un jardin intérieur qui fait défaut dans le dar. Il est aussi utile de souligner que le riad est le plus souvent richement décoré et relève d'un standing généralement

26 Cité par: A. EL OUARZAZI, (1999), Les riyads de Marrakech, étude d'un phénomène urbain, mémoire de fin d'études de l'ENA, p. 52.

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supérieur de celui d'une dar. Il n'empêche que l'on peut avoir des riads d'un niveau très modeste. Les riads sont le fruit d'un stade d'évolution du tissu urbain qui se densifie du centre à la périphérie. C'est, l'on peut dire, une étape intermédiaire d'une évolution à tendance de densification du tissu urbain de la médina, qui a laissé la place à des maisons à patio de petite taille.

Au Maroc, et depuis quelques années, on assiste à une vulgarisation du terme "riad", qui était jusqu'à il y a peu, restreint et directement lié à son contexte `médinal' et résidentiel. En effet, riad semble faire désormais, la une de certains journaux, revues, périodiques, livres mais aussi d'émissions télévisées, brochures et publicités touristiques, pour devenir le mot vendeur d'un rêve et d'un certain orientalisme et exotisme. Commercialisé dans le contexte de l'affluence des étrangers sur les maisons traditionnelles en médina, le mot riad est devenu ainsi, à la mode et traduit un signe extérieur de richesse

Dans l'imaginaire des touristes occidentaux, le riad suscite l'idée d'un mode de vie à l'oriental qui rappelle l'univers des Mille et une nuits. Il surprend/ intrigue/ excite la curiosité/ stimule l'enchantement. (R. SAIGH BOUSTA, 2004b, p.159).

Pour compléter cette idée de glissement sémantique, du côté des Marocains également, surtout ceux qui n'habitent pas la médina, la maison traditionnelle, quelle soit dar ou riad, est devenue un riad. Le terme riad, enfin, tend de plus en plus à qualifier "la maison de l'étranger".

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Planche 1

La différence entre un riad et une dar

www.carredazur.com.

W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

Figure 1 : Exemple d'une cour intérieure d'un riad. La photo a été prise à « Riad Louna », une maison d'hôtes à propriétaire belge.

Figure 3

Figure 2 : Exemple d'une cour intérieure d'une dar dans le quartier de Tala'a Kbira.

Figure 4

Source, figure 3 et 4 : A. Esher, S. Petermann et B. Clos, 2000, p.220.

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2-A propos de la notion de gentrification

Depuis la fin des années 1990, les opérations d'acquisition de logements, souvent dégradés en médina, se fait de plus en plus par une population de catégorie socio-professionnelle aisée. Ces gens vont, en fait, parier sur l'avenir en investissant dans des bâtisses et en mettant de l'argent pour les restaurer ou les rénover. Ce retournement de fortune s'apparente à ce que les sociologues appellent "la gentrification".

Rappelons que la gentrification est un concept forgé dans le champ de la sociologie et qu'il a été développé dans le monde anglo-saxon. Il s'agit de l'arrivée d'une population au niveau social élevé dans un espace urbain populaire, au bâti dévalorisé, et de la réhabilitation de ses logements, appropriés par les nouveaux habitants.

Ce processus a commencé dans les années 1960-1970 dans les grandes villes anglaises et nord-américaines et le concept le définissant a été utilisé pour la première fois en 1963 par Ruth GLASS27. Dans son ouvrage, R. GLASS s'était attaché à comprendre les raisons qui poussaient une partie de la classe moyenne londonienne à s'installer dans des quartiers jusqu'alors dégradés du centre ancien au lieu d'emprunter l'itinéraire jugé normal, qui consistait à habiter dans la banlieue bourgeoise. Cette notion a été, à partir des années 1970, utilisée par les géographes, ainsi C.HAMNET définit la gentrification comme "un phénomène à la fois physique, économique, social et culturel. Elle implique un changement social mais aussi un changement physique du stock de logements, à l'échelle de quartiers, enfin un changement économique sur les marchés foncier et immobilier28."

Par ailleurs, le Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés29 définit la gentrification comme "le processus d'installation de résidents d'un niveau socio-économique plus élevé que celui des populations initialement résidentes..."

27 Ruth GLASS, (1963), Introduction to London: Aspects of change, London, Center for urban studies. Cité par A-C. KURZAC-SOUALI, (2006).

28 C. HAMNET, (1995), Les changements socio-économiques à Londres, Sociétés contemporaines, n°23, pp.15-32, in: A-C. KURZAC-SOUALI , (2006).

29 Jacques LEVY, Michel LUSSAULT (dir.), (2003), Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Ed. Belin.

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Le déroulement de ce processus a été détaillé par Alexandre DJIRIKIAN30, il le représente comme une suite logique d'événements qui peuvent se ressembler dans un nombre important de quartiers centraux des villes anciennes. En effet, à partir du moment où les quartiers sont découverts, ils commencent à attirer les investisseurs, et c'est à ce moment que les pouvoirs publics interviennent dans ce mouvement en qualifiant ces quartiers d'historiques, traditionnels ou patrimoniaux tout en y développant des équipements collectifs nécessaires à leur valorisation. C'est à partir de ce moment que les prix de l'immobilier flambent et le niveau de vie devient insupportable par les habitants. Ce processus est simplifié dans le schéma ci-dessous, élaboré par Alexandre DJIRIKIAN:

Le processus de gentrification

logements dégradés
à potentiel

Mise en valeur du
parc de logements

Hausse des prix de

l'immobilier

Caractéristiques du stock résidentiel

Dynamiques de la structure socioprofessionnelle

afflux de capitaux Privés et/ou publics

Départ des classes populaires

arrivée de classes moyennes

Source : Alexandre DJIRIKIAN, La Gentrification Du MARAIS : quarante ans d'évolution de la population et des logements, Université Paris I, maîtrise de Géographie sous la direction de M. BERGER et Y. CHAUVRE, juin 2004. Cité par : A. ARDALANE, 2007, p.125.

Il y a donc là des points de similitudes, malgré la dissemblance des contextes, avec la représentation du concept de gentrification, tel qu'il se présente dans le contexte médinal. L'arrivée massive d'une population d'un niveau social élevé au sein d'une population dont le niveau social frôle des fois le seuil de la pauvreté, crée bien là un différentiel concernant les

30 Alexandre DJIRIKIAN, La Gentrification du Marais: Quarante ans d'évolution de la population et des logements, Université Paris I, Maîtrise de Géographie, juin 2004, cité par: Abdellah ARDALANE, Le tourisme dans la ville d'Essaouira, Impact socio-économique et spatial sur la médina (2007).

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niveaux de vie. Cette installation de nouveaux propriétaires s'accompagne généralement d'opérations de restauration et de rénovation. Les investissements vont s'accélérer et le marché immobilier va s'enflammer. La conséquence logique de ce mouvement est l'augmentation des prix, ce qui pousse les propriétaires ou les locataires à céder leurs logements et quitter la médina. Il reste que chez nous, ce n'est pas un phénomène de classes sociales appartenant à la même société mais bien de nationalités différentes et surtout de cultures différentes. (BERRIANE, 2003).

II- Etat des lieux du phénomène des acquisitions de vieilles maisons dans les médinas marocaines

De plus en plus d'étrangers investissent dans les médinas marocaines. Ceux-ci acquièrent de vieilles demeures pour y séjourner en tant que résidence secondaire, y monter un commerce ou s'y établir. Ainsi, plusieurs médinas, quelles soient grandes ou petites, ont été touchées, à des degrés différents, par ce flot.

Des médinas comme celle de Tanger, Asilah, Chaouen, Tétouan, Rabat s'ouvrent de plus en plus à un public international. Cependant, le développement d'une communauté étrangère aussi importante reste l'apanage de villes comme Marrakech, Essaouira ou encore Fès.

C'est ainsi que nous nous arrêterons, dans ce titre, sur l'état des lieux de ce phénomène dans les deux villes de Marrakech et Essaouira, car c'est par ces deux médinas que le phénomène a commencé, avant de traiter le cas de la ville de Fès.

1- Marrakech : le nouvel Eldorado

La médina de Marrakech est la plus grande médina du Maroc en superficie et en hommes. Elle s'étend sur 700 ha dont 450 ha bâtis, et sa population a atteint 250 000 habitants en 2004, selon le Recensement Général de la Population et de l'Habitat.

La place de la médina dans l'ensemble du périmètre urbain demeure prépondérante avec en 1981, 20% du total des espaces urbanisés31.

31 Chiffres extraits des études préliminaires au Schéma Directeur de la ville de Marrakech, cité par A-C. KURZAC SOUALI (2006, p.87).

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L'espace intra-muros est éventré par de nombreuses portes qui permettent la circulation routière en ses périphéries, et est entouré de remparts discontinus qui laissent la médina s'ouvrir vers l'extérieur.

A l'heure du protectorat, Hubert Lyautey, le premier Résident Général français, a condamné Marrakech à devenir la capitale du tourisme et a concentré ainsi tous ses efforts exclusivement à cette fin. Ainsi, Marrakech devint, et grâce à ses particularités, la destination la plus prisée par les touristes. C'est ainsi que le seul nom de Marrakech évoque toute une série d'images enracinées dans l'imaginaire occidental.

Au cours des deux dernières décennies, et devant une croissance continue du nombre des touristes, la médina de Marrakech a été principalement transformée par les actions conjointes des acteurs publics et d'acteurs privés particulièrement étrangers.

En effet, outre les interventions des acteurs publics pour la revalorisation du tissu traditionnel et de son environnement urbain, la médina de Marrakech a été inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO en 1985 et la place Jamaâ El Fna a été proclamée Chef-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité en 2001. Toutes les deux bénéficient d'une double reconnaissance internationale au titre de patrimoine matériel et immatériel. La médina se transforme ainsi et peu à peu d'un espace à visiter et à parcourir à un espace de séjour. On parle ici des riads et anciennes maisons qui y sont achetés par des étrangers. Le phénomène semble avoir commencé à Marrakech effectivement, dès les années 1960 (BERRIANE, 2003). Les adeptes de ce type de logement étaient, à l'époque, des hippies, des artistes et de grands couturiers. Cependant, il y a des années avant, que le peintre Jacques Majorelle avait découvert le charme de l'Orient à Marrakech, la ville ocre. En 1917, il décide de s'y établir en achetant un riad dans l'ancienne médina avant d'être obligé de la quitter par la suite au début des années 1920 à cause de la politique d'urbanisme liée au protectorat qui interdisait l'installation des Européens dans le centre historique.

Aujourd'hui, le cercle s'est élargit et le phénomène s'est amplifié à partir de la moitié des années 1990 pour concerner d'autres couches de la société occidentale. Des intellectuels, des cadres supérieurs, des touristes branchés...etc. tous se bousculent aux portillons de ces demeures. Le développement d'une communauté aussi dynamique qu'à Marrakech reste

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inégalé au Maroc (ESHER, 2000). En effet, selon les travaux de relevés menés par le géographe allemand A. ESHER, à la fin de l'année 2000, 457 étrangers ont acheté plus de 500 maisons dans la médina de Marrakech. Ces nouveaux venus sont de nationalités différentes dont les français représentent 60%. Leur présence est attestée dans presque toute la médina comme l'illustre la Carte 2.

Carte 2. Répartition géographique des propriétés étrangères dans la médina de Marrakech

Source: ESCHER A., PETERMANN S., CLOS B., (2000), "Le bradage de la médina de Marrakech?"

In: Le Maroc à la veille du troisième millénaire- Défis, chances et risques d'un développement durable, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat, Colloques et Séminaires, 93, Rabat, p.224.

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Au départ, ce sont des étrangers qui ont exprimé un enthousiasme pour l'acquisition de riads ou maisons traditionnelles dans l'objectif de les rénover pour y habiter une partie de l'année. Mais, ce mouvement, d'abord disparate et varié, a vite intéressé ceux qui font de leur habitation en médina une résidence principale mais aussi et surtout les investisseurs qui donnent aux vieilles demeures une vocation touristique en les aménageant comme maison d'hôtes. En effet, sur les quelques 400 riads répertoriés à Marrakech, presque 120 ont été transformés en maisons d'hôtes32. Sur ce total, plus de 90% sont détenus par des Européens.

Ces étrangers ne s'installent pas aléatoirement, le choix de la localisation est très sélectif, il obéit à des critères bien précis liés, d'une part à la proximité du noyau urbain et de la place Jamaâ El Fnaa où sont présents les commerces et l'artisanat, et d'autres part, à la facilité d'accès au quartier d'habitat, sa sûreté et son bon état.

Aujourd'hui, Marrakech, qualifiée de "la capitale des riads" par la presse marocaine, est devenue saturée, les prix y sont exorbitants et hors de portée des jeunes investisseurs de classe moyenne qui préfèrent investir dans d'autres médinas comme celle d'Essaouira, à des prix encore plus ou moins accessibles.

2- Essaouira: Une médina en ébullition

Essaouira, l'ancienne Mogador, est une ville côtière située au bord de l'Atlantique à 175 km à l'ouest de Marrakech et à 170 km au nord d'Agadir. Sa médina, au style maroco-portugais s'étend sur une trentaine d'hectares et communique avec son environnement grâce aux six grandes portes qui l'entourent et qui assurent son ouverture.

La médina d'Essaouira a vu le jour en 1760 lorsque le sultan Mohammed Ben Abdellah décida de construire le plus grand port de son royaume et confie à un architecte français, Théodore Cornus, la réalisation du plan d'une nouvelle ville selon les principes de l'architecture militaire européenne de l'époque. Depuis sa fondation, elle est restée un port de commerce international de premier plan reliant le Maroc et l'arrière-pays saharien à l'Europe et au reste du monde.

32 Selon le recensement du ministère du tourisme.

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La médina d'Essaouira est petite de taille. Elle ne représente qu'un dixième de la superficie de la ville et abrite environ 25 000 habitants sur 70 000 habitants dans l'ensemble de la ville.

Depuis les années 1990, la ville d'Essaouira est devenue pour le Maroc une destination touristique importante. Proche de Marrakech et soutenue par une forte médiatisation qui véhicule l'image d'une ville pittoresque à fort potentiel touristique, Essaouira étend la gamme des produits touristiques du pays et permet d'en diffuser les retombées à grande échelle.

Le tourisme à Essaouira est en grande partie basé sur le volet culturel. Elle renferme un patrimoine architectural et urbanistique particulier, témoignant d'un riche passé ouvert sur toutes les civilisations humaines (Européenne, Arabo-musulmane et Africaine) qui ont contribué chacune pour sa part à la création de son centre historique. C'est ainsi que la médina d'Essaouira a été inscrite sur la liste du patrimoine culturel de l'Humanité par l'UNESCO, depuis décembre 2001.

Les maisons de la médina sont riches en figures architectoniques qui offrent un exemple d'une ville fortifiée aux allures européennes mais aux valeurs traditionnelles arabo-musulmanes. La médina d'Essaouira ne possède pas de riads mais des dars hautes avec un patio central souvent étroit. Pourtant, à l'image de Marrakech avec ces grands riads, des étrangers de différents horizons du monde ont élu domicile dans la médina d'Essaouira ; peintres, musiciens et écrivains ont depuis longtemps trouvé dans cette ville un lieu emblématique pour la création et l'art comme elle a été un haut lieu du monde hippie (Jimmy Hendrix) dans les années 1960. Cependant, cette installation s'est démocratisée depuis la fin des années 1990, surtout, puisque des investisseurs étrangers de partout dans le monde achètent les anciennes demeures de la médina pour y prendre résidence ou bien pour y diriger une maison d'hôtes. En effet, le dynamisme d'achat et de restauration de ces anciennes demeures enclenché chez les propriétaires étrangers s'est beaucoup étendu pour prendre, plus ou moins, la même allure qu'à Marrakech. Des travaux de relevés d'évaluation de cette population ont été menés à Essaouira par l'équipe de Recherche sur la Région et la Régionalisation de l'Université Mohammed V-Agdal et qui ont fait état de pas moins de 200 maisons à propriétaire étranger dans la médina (Cf. Carte 3).

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Carte 3.

Source : relevé de terrain réalisé par l'équipe de Recherche sur la Région et la Régionalisation de l'Université Mohammed V-Agdal, Décembre 2003.

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Ces nouveaux habitants occupent pratiquement tous les quartiers avec une préférence pour les maisons longeant les murailles et donnant sur la mer. Ils sont, à l'instar de Marrakech, de nationalités et de profils très différents.

Le développement de la médina d'Essaouira par la mise en valeur de son tissu ancien, sa patrimonialisation et le développement de sa dimension culturelle par le biais du tourisme ont tous participé à la forte pratique de la médina en tant qu'espace de séjour par des étrangers d'horizons différents. Ainsi, à l'instar de Marrakech, le prix de l'immobilier dans la médina a considérablement augmenté en l'espace de quelques années, ce qui a considérablement poussé le phénomène vers d'autres villes qui étaient encore financièrement accessibles. La médina de Fès a par conséquent pris la relève grâce à son offre en riads et anciennes demeures à caractère particulier. L'arrivée de ce phénomène à Fès correspond ainsi, à un prolongement de son développement dans les villes d'Essaouira et Marrakech. Cet élan n'est pas non plus à dissocier des représentations et des discours médiatiques dont elles font objet dans différents supports et différents pays et qui ont beaucoup encouragé leur promotion auprès des Occidentaux.

II- Les raisons de l'attrait des Occidentaux pour les centres anciens marocains

La médina séduit de plus en plus d'Occidentaux. L'attrait de ces étrangers pour les centres historiques anciens trouve son explication dans différentes raisons. En effet, la grande mobilité de ceux-ci vers le Maroc pour de plus en plus y prendre résidence est facilitée, outre les prix alléchants du foncier, par une bonne accessibilité soutenue par une forte promotion des médinas et des investissements étrangers au Maroc, et accompagnée d'un fort engouement médiatique pour les maisons anciennes et les riads des médinas marocaines.

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1- La promotion touristique : Un tourisme culturel porté par les médinas

Depuis une vingtaine d'années, compte tenu de la concurrence accrue en matière de tourisme mais aussi du caractère périssable du produit touristique, les professionnels du tourisme commencent à développer d'autres formules liées à de nouveaux produits dont l'originalité et la nouveauté offrent des atouts incontestablement compétitifs.

Les modèles de consommation sont modifiés. La demande touristique évolue en fonction des changements socioculturels profonds que connaissent les sociétés post-industrielles. Cela se traduit par de nouveaux comportements des touristes qui deviennent entre autres, plus intéressés par l'authenticité, la découverte de l'autre, son mode de vie, sa culture et ses traditions. A partir de là, le tourisme culturel devient attrayant pour davantage de clients.

Les professionnels du tourisme marocain sont désormais, conscients de l'importance du développement de cette forme du tourisme compte tenu de la richesse du potentiel culturel du pays. Ceci s'est concrétisé par un plan global baptisé Plan Mada'in en tant que déclinaison de la vision 2010 à l'échelle régionale et qui passe par l'élaboration de Programmes de Développement Régionaux Touristiques (PDRT), dans le but de repositionner le produit culturel marocain qui compte parmi les plus riches du bassin méditerranéen. Ce tourisme s'appuie en grande partie sur le produit "villes impériales" soutenu par la composante "médina".

En effet, à la fin des années 1970, dans le monde arabe an général, on assiste à une "recomposition du discours sur la ville au travers du prisme du patrimoine" (A-C. KURZAC SOUALI), 2006, p. 60), accompagné par le rôle de l'UNESCO pour le soutien et la sauvegarde du patrimoine à l'échelle mondiale. Ce changement en faveur de la valorisation des centres historiques fait de ces espaces des lieux de référence cognitifs affirmés et reconnus. La médina, par conséquent, ne renvoie plus à une image archaïque face à une modernité importée "...le vieux centre constitue un pôle de fréquentation pour effectuer des achats ou s'adresser à des services alors que les activités de loisirs sont plutôt dirigées vers le centre-ville moderne." (BERRIANE, 2003). Elle est identifiée, désormais, à un espace représentatif de la culture marocaine et des valeurs qui lui sont rattachées.

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La promotion touristique des médinas participe également à la valorisation de son image, à travers des campagnes publicitaires qui mettent en avant leur authenticité, les éléments fascinants qui les composent et la patrimonialisation de certaines d'entres elles. La médina, hormis sa vocation liée aux souks et au shoping, véhicule actuellement chez les touristes l'image d'un espace imprégné de mythes et de dépaysement singuliers.

Par ailleurs, Le discours politique, concrétisé par la déclaration de sa majesté le roi Hassan II en Juillet 1980 met en avant l'authenticité du pays et fait de sa préservation une obligation, il annonce: " Le Maroc doit demeurer le pays de l'authenticité véritable, le vrai chemin qui mène à la réalisation des ambitions de notre siècle de progrès et de prospérité".

La revalorisation de la médina passe donc en grande partie par son ouverture à un tourisme qui consomme les centres historiques comme des lieux et des produits de valeur symbolique et culturelle. La médina en tant que pilier du tourisme culturel est ainsi, présente dans les campagnes publicitaires qui ciblent les différents marchés touristiques. Ainsi, en 2003, une vaste promotion sur le Maroc a été lancée en Europe et qui fait du Maroc le pays des sens et où la médina fait figure du lieu dépaysant par ses sons, ses couleurs, ses souks, ses produits et ses parfums exotiques.

Ainsi, la promotion touristique de la médina comme point d'appui au développement d'un tourisme culturel en sa qualité de patrimoine-ressource, a permis une réorientation des interventions des acteurs publics et privés vers les centres anciens en leur accordant un nouveau statut au sein de la ville marocaine.

2-Promotion et support des investissements étrangers au Maroc

a- L'engouement médiatique et l'afflux des acheteurs étrangers

L'attrait que peut exercer la vie en médina sur les étrangers est lié aux aspects de son originalité et les représentations que celle-ci requiert dans l'imaginaire du touriste occidental, fortement imprégné par les mythes de l'Orient, avec ses charmes et ses secrets.

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De ce fait, les médinas marocaines et surtout les riads et maisons traditionnelles de villes comme Marrakech, Essaouira et Fès ont bénéficié d'une grande médiatisation internationale qui a contribué à la diffusion à grande échelle du phénomène d'acquisition de maisons en médina par des étrangers.

En effet, depuis la fin des années 1990, de nombreuses émissions ont mis la lumière sur ces maisons de la médina. A ce sujet, Capital, l'émission télévisée diffusée sur la chaîne française M6 a donné une grande impulsion au phénomène. Elle s'est intéressée dans certains de ces épisodes aux riads de Marrakech, puis d'Essaouira et quelques années plus tard à ceux de Fès. « Les riads de Marrakech », tel était le titre du premier épisode consacré à ce thème, et où on y traite de l'achat d'une maison traditionnelle dans la médina de Marrakech. Beaucoup d'épisodes ont après suivi sur les riads d'Essaouira mais aussi ceux de Fès. L'émission a eu un impact certain sur l'extension des ventes en médina, à partir de 1998, grâce à des reportages riches en informations et en témoignages, susceptibles d'intéresser les différents touristes et investisseurs potentiels. Les villes de Marrakech et d'Essaouira y sont présentées comme une opportunité de faire fortune en devenant propriétaire d'une maison traditionnelle au Maroc. Le documentaire se base essentiellement sur des témoignages et des histoires d'étrangers ayant déjà élus domicile en médina ou ayant choisi d'en faire un business en reconvertissant leur demeure en maison d'hôtes. Cette formule d'hébergement a en effet connu un réel essor depuis l'intervention dans la même émission du propriétaire de « La maison arabe », un hôtel au style d'un riad à Marrakech. Les prix attrayants annoncés dans l'émission ont entraîné un afflux important pour ces maisons anciennes. D'autres épisodes de cette même émission se sont plus tard intéressés à Fès. Le documentaire la qualifie de « nouvel Eldorado de l'immobilier pas cher », comme il ne manque pas de faire des comparaisons en termes de prix et de l'état des bâtisses entre Fès et Marrakech. Les caméras poursuivent les touristes étrangers dans leur circuit de quête d'une demeure, visite de différents riads, transactions, prix, négociations et démarches d'achat. Tout y est vulgarisé et le discours est très incitatif.

Par ailleurs, d'autres émissions télévisées en France ont aussi exploité les riads de Marrakech, notamment sur Voyage, la chaîne satellite spécialisée dans l'industrie du voyage. Mais aussi sur la chaîne française TF1 dont les journaux télévisés, ont fait passer des reportages qui parlent d'une retraite dorée au Maroc. 5 000 Français y habitent, apparemment, parmi eux beaucoup de retraités qui sont partis pour pouvoir mieux vivre, car leur retraite ne le leur

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permettaient pas en France. D'autres reportages sur la même chaîne évoquent désormais l'explosion du marché de l'immobilier au Maroc et mettent la lumière sur le salon de l'immobilier marocain dont la cinquième édition a eu lieu à Paris du 8 au 11 mai 2008, et qui représente une base forte qui renforce l'investissement étranger au Maroc. Par ailleurs, un nouvel élan est donné par la diffusion du magazine « Eco-décode », un magazine hebdomadaire qui traite d'un thème mensuel, diffusé sur huit TV régionales de Suisse romande, où l'on parle des riads du Maroc sous le titre : « Maroc : nouvel eldorado ? Riad : le rêve devenu réalité ? », et où les riads y sont présentés comme des palais mystérieux typiquement marocains, dépositaires d'une riche culture, et où les Européens peuvent passer leurs vacances ou y couler une douce retraite.

D'autre part, depuis 2003 des émissions télévisées dans le monde anglo-saxon ont aussi traité la possibilité de résider au Maroc, notamment sur la chaîne CNN, à travers le documentaire Design 360, dans lequel était décrite la vie dans les riads de Marrakech et de Fès. Ou encore, en 2005, sur la chaîne BBC, à travers l'émission Uncharted Territory, où les animateurs conseillaient aux touristes britanniques d'acheter une maison ancienne à Fès.

L'engouement médiatique c'est aussi des émissions radio, dont notamment celle de Mounia Daoudi, « Dimanche économie », sur la Radio Française Internationale (RFI) qui diffuse sur ses antennes l'actualité internationale en français et en 19 autres langues. En 2006, Mounia Daoudi se demande si le Maroc était devenu le nouvel Eldorado des seniors français ?, une émission de vingt minutes qui explique très bien les différents aspects relatifs à l'achat d'immobilier au Maroc notamment dans les médinas de Fès et de Marrakech.

La télévision a été un outil exceptionnel de promotion des médinas, par l'impact direct qu'elle a eu sur le nombre d'Européens ayant traversé le détroit de Gibraltar pour poser leurs valises dans le royaume du Maroc. En effet, à la question, comment avez-vous eu l'information sur les maisons en vente dans la médina ? Un touriste français nous répond : « L'idée m'est venue d'une part par les émissions qui sont passées en France qui ont éveillé mon esprit ...».

D'autre part, la presse écrite et internet ont contribué de leur côté à faire augmenter encore davantage l'intérêt des touristes étrangers pour les investissements immobiliers dans la médina. Des périodiques et des revues (Le Revenu, Maroc Hebdo international, Le Parisien économie, Medina, Maisons du Maroc, la revue de la compagnie aérienne allemande Lufthansa ...) véhiculent des images qui jouent sur le caractère prestigieux et luxurieux des

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demeures de la médina. Porté par des images et des textes enthousiastes, habiter la médina devient un art de vivre à l'oriental. Le Magazine marocain Médina, a consacré dans une de ses éditions un numéro spécial aux maisons d'hôtes de Marrakech. Les revues d'architecture également, se font des porte-parole des architectes et propriétaires étrangers de demeures en médina et participent, de ce fait, à la mise en scène de leur art et savoir-faire architectural. Tel est le cas de la revue Architecture du Maroc qui a également consacré un numéro spécial aux vieilles demeures à vendre en médina et particulièrement celles faisant fonction de Maisons d'hôtes.

L'invitation au voyage et à la pénétration de l'espace `médinal' a été largement portée par la télévision et les revues et périodiques internationaux. Toutefois, le réseau internet est fortement impliqué lorsqu'il s'agit de commercialiser la médina et ses demeures auprès d'un public plus large. En effet, il est l'outil incontestable des différents acteurs privés. Il regroupe en grande partie les propriétaires de demeures notamment celles à usage touristique, mais aussi des agences immobilières spécialisées dans la vente des riads dans les différentes médinas du Maroc, des entreprises de restauration, des blogs de nouveaux propriétaires...etc. La mise en scène faite sur les pages web à travers les vidéos, les sons et les images finement choisies permet aux internautes l'immersion en amont dans l'ambiance de l'espace urbain de la médina.

La promotion de la médina et de ses demeures traditionnelles doit beaucoup à leur forte médiatisation. Les supports étudiés dans ce qui précède ont beaucoup joué dans la vente de la médina. Ils apportent à cet espace patrimonial un nouveau regard qui s'insère dans les nouvelles logiques de mondialisation des échanges renforcé par l'arrivée à cet espace identitaire d'étrangers nombreux.

b- Le rôle du transport aérien dans le soutien à la valorisation des destinations touristiques

"...Comme Nous l'avons vivement recommandé dans le Message Royal que nous avons adressé lors de vos troisièmes Assises tenues à Agadir au début de l'année dernière, le projet de réforme de la carte du ciel vient d'être achevé. Ceci permettra non seulement la libéralisation du secteur, mais aussi une réduction du coût du transport, une plus grande

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fluidité et une desserte appropriée et directe entre les marchés émetteurs et les zones touristiques. De cette façon, le transport aérien cessera d'être un handicap dissuasif pour devenir un réel facteur persuasif de la politique de promotion touristique". Extrait de la lettre royale adressée le 12 février 2004 aux participants aux 4èmes Assises Nationales du Tourisme de Casablanca.

Dans le but d'accompagner la "Vision 2010" pour le tourisme et afin de profiter des opportunités de développement offertes pour le secteur du transport aérien au Maroc, le Ministère de l'Equipement et du Transport a mis en oeuvre une politique de libéralisation du secteur du transport aérien et d'ouverture cadrée du ciel marocain.

La libéralisation, effectuée en 2004, et l'entrée en vigueur de l'Open Sky en 2006 ont eu un impact positif sur le tourisme au Maroc. En effet, en brisant le monopole public longtemps exercé par la Royal Air Maroc (RAM) sur le trafic aérien, le nombre de passagers a enregistré un essor remarquable, puisque il a presque doublé, passant de 5,3 millions passagers en 2003 à 10,1 millions en 2007. Les touristes, parfois futurs résidents, et les résidents ont ainsi l'occasion d'accentuer leur mobilité en partance et à destination du Maroc.

« La libéralisation du transport aérien constitue l'une des meilleurs façons de contribuer à la mise en oeuvre d'une nouvelle politique touristique », comme mentionné dans l'Accord Cadre de 2001. Les acteurs publics et privés sont désormais conscients des synergies importantes qui existent entre le tourisme et le transport.

Dans ce sens, les fréquences des vols internationaux, de même que le nombre des passagers, ont augmenté sensiblement. Ainsi, depuis 2004, le nombre de passagers a enregistré un taux de croissance annuel moyen de 19% entre 2003 et 200733. Une augmentation due majoritairement à l'introduction de nouvelles compagnies aériennes régulières et low-cost. En 2004, il y a eu l'entrée en vigueur de la compagnie aérienne low-cost « Atlas Blue », filiale de la RAM, spécialisée dans la desserte aérienne des destinations touristiques du Royaume, notamment sur Marrakech, par des vols charters et réguliers point à point. Il s'agit de Marrakech-Lille, à raison d'un à deux vols par semaine, Marrakech-Nantes avec 3 vols par semaine, Marrakech-Marseille avec une fréquence quotidienne durant la saison d'été, Paris-

33 Le Soir Echos, le 17 juin 2008.

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Marrakech, à raison de 4 vols quotidiens, 3 vols par semaine sur la ligne Milan-Marrakech et 2 vols par semaine sur les lignes Marrakech-Madrid et Marrakech-Barcelone. A partir de 2006, la compagnie aérienne irlandaise « Ryanair », a inauguré à son tour, des liaisons régulières avec Marrakech, Fès mais aussi Oujda. Cette compagnie à bas coût, assure la desserte de Marrakech et de Fès à partir de Francfort, Londres et Marseilles Provence, comme elle opère à compter de l'année 2007, 3 vols hebdomadaires à partir de l'aéroport Girona de Barcelone à destination de Marrakech. Néanmoins, il paraît que l'augmentation des taxes d'atterrissage à l'aéroport de Fès s'est soldée par la suppression des vols directs assurés par Ryanair depuis la Grande-Bretagne. De toute évidence, cela profite à Marrakech et à Casablanca et Fès en a très lourdement fait les frais. Par ailleurs, dès 2006 également, un nouveau transporteur britannique entre dans le ciel marocain. Il s'agit d'Easy-Jet, c'est l'un des leaders européens du low-cost. Easy-Jet se démarque par les vols quotidiens qu'elle assure entre Londres Gatwick et Marrakech, à des prix très attractifs et une offre bien ciblée via Internet.

De surplus, cette politique d'open sky a permis de drainer d'autres compagnies aériennes. Leur nombre s'élève à quelques 46 compagnies aériennes depuis la libéralisation, dont notamment : Corsair, Air Horizons, TUI Airlines Belgium, Virgin express, SN Brussels, Hapag Lloyd, LTU Airline, Air Berlin, Air Europa, First Choice Airways et Neos. Ces compagnies effectuent des vols à partir de France, Belgique, Allemagne, Espagne, Grande Bretagne et Italie vers les principales destinations touristiques du pays, à savoir Marrakech, Fès, Essaouira, Rabat, Agadir, Ouarzazate, Tanger, Oujda et Nador.

L'accord euro-marocain sur l'open-sky prévoit également la suppression des limitations de nationalité et de capacité pour toutes les compagnies européennes et marocaines pour les liaisons entre l'Europe et le Maroc. En vertu de cet accord, les compagnies marocaines et européennes peuvent desservir plusieurs destinations européennes à la fois par le biais des escales, à condition que le point de départ soit l'Union Européenne (UE) ou le Maroc. Les compagnies européennes pourront également desservir, à partir du Maroc, tous les pays subméditerranéens concernés par la politique de voisinage de l'UE34.

34 Le Matin, le 7 mars 2006.

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L'entrée sur le marché marocain de nouvelles compagnies étrangères à bas prix, la multiplication des lignes aériennes et l'augmentation de la desserte profitent beaucoup au Maroc et aux touristes et futurs résidents étrangers. La demande étrangère conditionne la stratégie de localisation des différentes compagnies et confirme ainsi une valorisation sélective de certains espaces en facilitant leur accès. Pour la ville de Fès, et parallèlement à une faiblesse du nombre des nuitées, des mesures ont été prises en vue d'améliorer la dimension internationale de son aéroport et la desserte sur la ville, parallèlement à une forte promotion de celle-ci et de son patrimoine durant la période 2003-2004.

La vogue des Occidentaux pour les médinas marocaines doit beaucoup à l'ouverture du Maroc sur la scène internationale qui a été accélérée par la promotion du pays et la médiatisation des images de son espace de vie traditionnel pour développer son marché touristique, soutenue par l'ouverture du ciel marocain et la multiplication des vols directs en provenance des pays occidentaux et à destination des principales villes touristiques du Maroc. L'élan pour les médinas confirme ainsi le choix de certains d'envisager ces lieux comme des espaces touristiques à consommer autrement que le temps d'un voyage.

III- La valorisation de l'espace médinal de Fès : prémices de la mise en tourisme

La médina de Fès a bénéficié outre ses potentialités touristiques et sa forte image culturelle, d'un intérêt de sauvegarde et de reconnaissance universelle par la mise en place d'une image de plus en plus valorisante et la recomposition du discours sur son centre ancien par le prisme du patrimoine. A cette démarche patrimoniale vient s'intercaler une mise en valeur touristique. La médina de Fès illustre assez parfaitement un passage de la prise en compte du patrimoine à la touristification et la mise en tourisme de celui-ci.

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1- Sauvegarde et patrimonialisation de la médina de Fès : Une politique qui bat au rythme de la touristification

Fès est une ville historique, fondée en l'an 809, a une population de 150 461 habitants occupant 12 212 maisons dont 9369 maisons traditionnelles à caractère historique. La Médina avec ses deux entités Fès El Bali et Fès Jdid est un lieu d'activité (9600 unités) et en particulier de production artisanale non polluante (1276 ateliers).

Fès a connu à la fin du 19ème siècle, un rythme de dégradation continue marqué par trois phases principales : abandon, surexploitation, mauvaise restauration et occupation inadéquate des lieux, en parallèle avec une dégradation avancée des infrastructures et des équipements socio-éducatifs. Autant de facteurs qui ont favorisé le surpeuplement de la médina qui atteignait au cours des années 1980 plus de 180 000 habitants. Cette surdensification a eu de graves répercussions sur les conditions de vie de la population et sur la qualité du cadre bâti. En effet, sur les 13 385 bâtisses de la médina de Fès (dont 11 601 historiques), l'ADER-Fès35 a relevé globalement, 34% de logements en mauvais état, dont 31% à Fès El Bali et 67% à Fès Jdid. (Cf. Carte 4)

C'est ainsi que la médina de Fès a fait, à partir des années 1980, l'objet d'une attention de plus en plus soutenue. Elle a bénéficié de la mise en place d'une image valorisante de ses tissus anciens par le biais d'acteurs locaux et internationaux. Ainsi, au comble de sa dégradation, la médina de Fès reprend son dynamisme grâce à sa patrimonialisation. Rappelons ici que la « patrimonialisation » correspond au processus par lequel une communauté reconnaît, en tant que patrimoine, des productions de sa culture héritées des générations passées ou produites par les générations actuelles et jugées dignes d'être transmises aux générations futures36.

35 Agence pour la Dédensification et la Réhabilitation de la Médina de Fès.

36 SKOUNTI, 2004, p.149, cité par A-C. KURZAC SOUALI, 2006, p.42.

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Carte 4. Répartition des maisons menaçant ruine dans la médina de Fès.

Source: ADER-Fès, 2000.

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En octobre - novembre 1976, dans l'idée de sauvegarder la médina de Fès, une assemblée générale de l'UNESCO à Nairobi déclare la médina de Fès « Trésor Culturel de l'humanité ». « Mais, c'est une campagne sans précédent, par sa nature, dans l'action de l'UNESCO. C'est la première qui soit entreprise en faveur d'une ville islamique. L'action à mener constitue, par son ampleur, l'exemple d'un des défis majeurs que l'humanité doit relever pour préserver et enrichir son héritage culturel, devant les contraintes que nous impose un processus de modernisation et l'industrialisation accélérées. Ce défi est à la hauteur des capacités et de l'imagination de l'homme. » Par ces termes le Directeur général de l'UNESCO a annoncé en 1980 l'intérêt que porte cette organisation pour la sauvegarde de la médina de Fès. C'est ainsi qu'en 1981, la médina de Fès a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial.

Cependant, l'intérêt du gouvernement marocain pour la sauvegarde de la médina de Fès et sa valorisation comme ville vivante dépasse son inscription par l'UNESCO sur la liste du patrimoine mondial. Elle remonte au premier Schéma Directeur d'Urbanisme de Fès préparé en 1975 et qui a été confirmée par la lettre Royale du 21 juillet 1980 concernant la sauvegarde de la ville (Cf. Annexe 2). Les études du schéma directeur se sont concrétisées par le lancement d'une campagne internationale pour la sauvegarde de Fès en 1980 et la mise en place d'un plan visant à améliorer les conditions de vie des habitants tout en préservant leur héritage culturel.

Ainsi, de 1980 à 1985 la "Délégation à la sauvegarde de la ville de Fès" utilisant un compte d'affectation spécial a réalisé les études nécessaires qui ont permis l'élaboration d'une stratégie globale sur différents niveaux d'intervention.

De 1985 à 1989 des opérations expérimentales ont été menées par la Délégation à la Sauvegarde de la Ville de Fès (D.S.V.F) aux niveaux: de l'habitat, des équipements, des activités artisanales, des infrastructures,...etc. La réussite de ces opérations expérimentales a permis de démontrer que la sauvegarde est possible dans sa conception intégrée et grâce à la mobilisation des potentialités locales.

En 1989, le gouvernement marocain crée l'Agence pour la Dédensification et la Réhabilitation de la Médina de Fès (ADER-Fès), une agence d'exécution qui n'est autre que la continuité de

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la Délégation à la Sauvegarde de la Ville de Fès, et dont la mission est la réalisation des programmes de sauvegarde de Fès dans le cadre des prérogatives gouvernementales. Cet objectif place l'agence au coeur d'un processus qui, au-delà de la simple restauration du bâti, vise à adapter le centre historique à son évolution démographique, économique et touristique.

La patrimonialisation de la médina a entraîné un changement de son statut. Elle est devenue un « bien collectif » caractérisé par une nouvelle dimension spatiale liée à son universalité déclarée. En effet, au-delà de l'aspect lié à la protection des bâtiments et des sites inscrits, la patrimonialisation permet d'appréhender la médina de Fès comme « patrimoine-ressource ».

L'image qui se dessine, de nos jours, pour la médina est celle d'un espace patrimonialisé entièrement offert à la consommation ludique et affecté à séduire les touristes. En effet, le rapport tourisme/patrimoine ou patrimonialisation/touristification n'est plus à démontrer. « La relation est maintenant tellement évidente que l'on pourrait presque superposer la carte des hauts lieux touristiques mondiaux avec celle des ensembles patrimoniaux prestigieux37». Ceci rejoint l'hypothèse de O. LAZZAROTTI (2000) à propos du « patrimoine et du tourisme : un couple de la mondialisation », selon laquelle « le tourisme et le patrimoine procèdent d'un même système de valeurs, dont la diffusion mondiale est conforme à un seul et même mouvement de mise en ordre d'un monde ».

Ainsi, l'instrumentalisation institutionnelle du patrimoine en médina dévoile aussi la priorité économique de cette sauvegarde, par la mise en valeur touristique du bâti ancien. L'évolution de la place de la médina de Fès dans le produit touristique marocain est illustrative de cette patrimonialisation qui se matérialise de plus en plus par l'engouement des touristes pour les maisons traditionnelles du centre historique de la ville et l'assimilation de ce patrimoine dans le produit du tourisme culturel.

2- Le tourisme culturel à Fès : Une richesse indéniable

Les médinas des villes impériales marocaines (Fès, Meknès, Marrakech et Rabat) ont joué un rôle considérable dans le développement et la promotion du tourisme culturel. En effet, le

37 Propos de Jean DAVALLON in : Maria GRAVARI-BARBAS (dir.), (2005), Habiter le patrimoine. Enjeux-approches-vécu, p.220.

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Maroc devrait sa renommé de pays touristique en grande partie à sa composante culturelle qui lui permet, comme le confirme M. BERRIANE, d'occuper encore aujourd'hui une place de choix dans le marché international surtout si on le compare à la Tunisie. (BERRIANE, 2003)

Toutefois, comme le souligne encore une fois M. BERRIANE, l'une des particularités du tourisme marocain est la concurrence serrée et continue entre le tourisme culturel d'un côté et le tourisme balnéaire de l'autre (BERRIANE, 2003, p.217). En effet, la stratégie de relance du secteur touristique menée par l'Etat pour l'horizon 2010 est essentiellement basée sur le produit balnéaire à travers le projet de création de six nouvelles stations touristiques dispersées sur les différentes côtes du pays.

Tableau 1. Nuitées réalisées dans les destinations culturelles Fès et Marrakech en comparaison avec Agadir

 
 

2004

2005

2006

 

2007

TMAA* 00/07

Marrakech

3

866 976

4 986 194

5 278 929

 

5 572 847

6,5%

Fès

 

559 833

630 834

628 811

 

678 647

-0.1%

Agadir

3

860 999

4 168 992

4 609 917

 

4 655 701

2,1%

Total Maroc

12

253 160

14 211 374

15 207 945

15

822 274

3,1%

*Taux moyen d'accroissement annuel 2000-2007.

Source : Ministère du Tourisme, Rapport dévaluation du tourisme marocain 2000-2006.

Jusqu'en 2003 le nombre de nuitées réalisées en faveur du tourisme culturel était inférieur à celui des séjours balnéaires (Agadir avec 3 174 383 nuitées contre 3 048 107 nuitées à Marrakech). Cependant, et à partir de l'année 2004, les nuitées à vocation culturelle ont pris largement le dessus (Cf. Tabl.1). Ceci s'expliquerait en partie par le vieillissement du produit balnéaire classique et le changement des habitudes de consommation chez les touristes étrangers avec le développement de nouveaux besoins qui préconisent la découverte de l'autre et de sa culture. Mais aussi par l'intérêt nouveau porté sur quelques médinas des villes impériales et leur classement comme patrimoine universel ainsi que les diverses actions de sauvegarde et de réhabilitation qui ont permis à leur tour de relancer le tourisme culturel dans ces villes.

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L'attrait touristique de la ville de Fès a milité, dès les années 1960, en faveur d'un tourisme itinérant répondant aux besoins d'un tourisme national et international. En effet, le séjour des touristes à Fès est limité, car il ne dépasse pas les deux nuitées/touriste (Cf. Tabl.2). Les retombés sur la médina sont donc très faibles.

Tableau 2. Evolution de la durée moyenne de séjour à Fès durant la période 2003-2006

2003 2004 2005 2006

Total 2,1 2,1 2,2 2,1

Source : Statistiques du Ministère du Tourisme.

Cependant, Fès est marquée par son patrimoine culturel et historique connu tant à l'échelle nationale qu'internationale. Avec sa charmante médina, son artisanat d'art et de services, ses monuments, son art culinaire et son festival des musiques sacrées du monde, elle suscite le tourisme culturel par lequel elle se démarque. En effet, Fès possède un potentiel culturel d'une richesse indéniable. La médina intra-muros est la mieux conservée des villes médiévales des pays arabes. Elle renferme plusieurs catégories de monuments et sites touristiques qui sont parmi les lieux les plus visités par les touristes. Il s'agit de monuments culturels (médersa, bibliothèque et musées), de monuments religieux (mosquées et mausolées), de sites artistiques (murailles, palais, demeures et fontaines) et de quartiers artisanaux.

Les flux des étrangers dans la médina de Fès s'accompagnent outre le besoin de découverte de l'atmosphère d'une ville ancienne, de visites culturelles et d'achats. « On va plus en médina pour faire des achats que pour y flâner » (BERRIANE, 1988, p.206)38.

Jusqu'au années 1990, trois circuits touristiques étaient opérationnels dans la médina de Fès. Il ne s'agit pas de circuits ayant été matérialisés de manière "volontariste" par les pouvoirs publics, mais plutôt d'un essai de matérialisation des itinéraires qui étaient suivis par les touristes de manière "spontanée" en dehors de toute action de promotion. Ce sont : le circuit de Fès Jdid, le circuit de Boujloud et le circuit de Palais Jamaï. Ces circuits ont néanmoins

38 Cité par A-C. KURZAC SOUALI, 2006, p.30.

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engendré des goulots d'étranglement dans des quartiers comme Tala'a Kbira et Tala'a Sghira qui constituent les principaux artères de la médina où se concentre l'essentiel de l'activité artisanale, commerciale et touristique.

Actuellement, l'ADER-Fès a développé six nouveaux circuits touristiques thématiques d'une heure trente environ chacun, pour visiter la médina, proposant ainsi de nouveaux itinéraires qui permettent aux touristes et visiteurs de découvrir d'autres facettes touristiques restées jusque là mal exploitées, comme elle a renforcé l'accessibilité et la visibilité du tissu ancien par la mise en place de panneaux de signalisation trilingues (anglais, français et arabe) afin de desservir ces parcours thématiques et par conséquent de permettre au touriste de passer plus de temps dans l'espace intra-muros (Cf. Planche 2). Il s'agit des circuits: murailles et fortifications, palais et jardins andalous, monuments et souks, artisanat et la rive andalouse (Cf. Carte. 5).

Par ailleurs, une nouvelle formule touristique sera bientôt mise en place dans la médina de Fès. Cette mission financée par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) répond à une demande exprimée par « La Fondation Esprit de Fès ». Ce nouveau projet s'inscrit dans le cadre de l'Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) et a pour objectif de participer à la promotion du tourisme spirituel dans l'espace intra-muros, et par conséquent, de permettre d'améliorer les revenus des populations locales pour les encourager à ne pas vendre leurs demeures en médina.

Cette nouvelle forme touristique, à ne pas confondre avec « la maison d'hôtes », consiste à faire loger les touristes en quête de découverte d'histoire et de lieux culturels au sein d'une famille de la médina de Fès en mettant à leur disposition une ou plusieurs chambres de leur demeure avec un confort adapté. Elle a également pour ambition de contribuer aux efforts actuellement déployés, aussi bien par les autorités de la Wilaya que par le Conseil Régional du Tourisme (CRT) de la ville, pour faire de Fès une destination touristique à part entière.

Les familles qui accueilleraient les touristes dans leurs logements ont été déjà sélectionnées. Il s'agit de 26 familles dans différents quartiers de la médina. Les travaux de restaurations et de mise à niveau de leurs habitations seront financés à part entière par les autorités locales, et les bénéfices de ce tourisme seront recueillis par ces familles.

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Le statut de la médina de Fès a de plus en plus évolué d'un espace parcouru à un espace de séjour. La multiplication des hôtels à bas prix en médina et l'évolution de ce concept pour s'adapter au besoin de l'immersion du touriste dans la culture autochtone, par l'apparition d'un nouveaux mode d'hébergement en riads et l'afflux de plus en plus important des étrangers pour l'acquisition de ces maisons traditionnelles jouent tous en faveur du développement et de la mise en tourisme de la médina de Fès.

Carte 5.

Les circuits touristiques dans la médina de Fès

Artisanat

La Rive Andalouse

Monuments et Souks

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Murailles et Fortifications

Palais et Jardins Andalous

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A

Lieux et sites touristiques

Tannerie

Palais et belles demeures

A Médersa

Mausolée

Mosquée

[71 Fondouk

Circuits touristiques

Circuit Palais et Jardins Andalous Circuit Murailles et Fortifications

- Circuit Monuments et Souks Circuit La Rive Andalouse

- Circuit Fès Jdid Circuit Artisanat

I. f{,n.x.r.

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Source. ADER-Fée

(c)Widad-Jodie BAKHELLA, Master ADEGEST, 2008.

 
 
 

Planche 2

Formes de sauvegarde et de mise en valeur touristique de la médina de Fès

W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

Figure 1 : Bab Boujloud, l'une des principales portes d'accès à la Médina. Ses façades ont été ornées de lampes de lumières pour renforcer les couleurs des zelliges. Ils sont de couleur bleue sur la façade extérieure, comme signe de bienvenu, et de couleur verte sur la façade intérieure, comme signe de paix.

ADER-Fès.

Figure 3 : Des interventions urgentes dans la médina pour éviter les risques d'effondrement.

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Figure 2 : La place Seffarine au quartier Qettanine en cours de travaux d'embellissement et de restauration.

W-J. B, juillet 2008

Figure 4 : photo qui montre les signaux touristiques de parcours piétons sous forme de pictogramme accrochés aux murs à l'entrée de la médina par Bab Boujloud.

W-J. B, juillet 2008

Figure 6 : panneaux de signalisations installés dans l'une des ruelles de la médina.

Figure 5 : Un signal explicatif fournissant des informations sur un site figurant dans un des circuits touristiques. La couleur joue le rôle d'un code caractérisant chaque parcours.

54

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Conclusion

La fonction culturelle affirmée de la médina et la patrimonialisation de son espace présentent une nouvelle façon d'envisager ce centre ancien. En plus, l'afflux engagé par des acteurs étrangers sur les demeures anciennes participe à l'évolution de la fonctionnalité de l'espace `médinal' d'un espace résidentiel à un espace touristique. Nous avons à travers ce chapitre essayé de présenter un état des lieux sommaire de cette forme touristique émergeante dont se distinguent les centres anciens du Maroc, à travers les cas de Marrakech et d'Essaouira. Cette contextualisation nous a permis de voir comment le phénomène des acquisitions étrangères est apparu au Maroc et les modalités de sa propagation, pour pouvoir par la suite en comprendre l'arrivée à Fès.

A travers l'étude des médinas les plus dynamiques, nous avons pu déterminer que les lieux pivots de la touristification s'établissent et se diffusent par effet d'entraînement selon les centres à haute valeur patrimoniale les plus prisés et les plus accessibles.

Le bilan de ce chapitre nous permettra de nous pencher sur la description du phénomène des acquisitions étrangères qui, à l'instar des médinas de Marrakech et d'Essaouira, se développe et prend de plus en plus d'ampleur dans la médina de Fès.

Le deuxième chapitre mettra ainsi en évidence l'évolution de ce phénomène dans la médina de Fès .Comme nous nous attacherons à envisager la manière dont le nouvel habitant étranger perçoit la médina, les modalités d'organisation de ce nouveau marché et les différents modes d'investissements. Ce deuxième chapitre devrait nous permettre de savoir si ce qui se passe actuellement à Fès est une mise en tourisme ou une touristification de la médina ?

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Chapitre II :

Mise en tourisme ou touristification de la

médina de Fès par les étrangers

propriétaires de maisons

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Introduction

La mise en valeur de la médina de Fès en tant qu'un espace rempli de sens et chargé de valeurs et l'affirmation de sa vocation culturelle, ainsi que la patrimonialisation de son bâti ont aidé à la construction d'une nouvelle manière de percevoir la médina, en fonction des différents acteurs et enjeux touristiques en place.

Le tourisme culturel en médina repose essentiellement sur la mise en tourisme de cet espace urbain et de son patrimoine. En effet, le produit touristique est une matérialisation des mythes et des images, et le touriste, lui, est de plus en plus tenté par la recherche de l'authenticité.

A travers ce chapitre, et après avoir étudié le phénomène de la vogue des étrangers vers les demeures traditionnelles dans les médinas d'Essaouira et de Marrakech et en s'attardant sur le contexte lié à la sauvegarde et à la patrimonialisation de la médina de Fès, nous essaierons d'analyser ce phénomène dans la médina de Fès en caractérisant la structuration du marché immobilier et les différentes phases de son évolution. Nous nous attacherons ensuite à indiquer les formes que prennent les investissements étrangers compte tenu des usages faits de ces demeures anciennes de la médina dans leur relation avec une possible mise en tourisme ou touristification de cet espace spécifique.

Ces deux termes sont à usage récent dans l'étude géographique du tourisme et peuvent ainsi prêter à confusion. Nous n'allons pas reprendre les définitions citées en introduction générale de cette recherche. Cependant, nous allons en clarifier le sens en se basant toujours sur les recherches de J.-M. DEWAILLY. Selon lui, « la Touristification pourrait concerner le processus, et l'état qui en résulte, de développement relativement spontané, non planifié du tourisme, s'appliquant à un espace, une société, une économie ... Les acteurs en sont plus isolés, moins institutionnels ». Alors que la Mise en tourisme « pourrait désigner le processus, et l'état qui en résulte, d'un développement plus planifié, plus volontariste, contrôlé, sinon maîtrisé, s'appliquant aux mêmes objets. Le rôle des décideurs et acteurs locaux, hors des particuliers et entreprises privées, semble plus important dans l'élaboration des processus et des décisions qui provoquent ou accompagnent le développement du tourisme ». (J.M DEWAILLY, p.30-31 in AMIROU et alii, 2005). Les deux termes sont en effet, complémentaires et ne peuvent pas faire objet d'une opposition irréductible. Ce que nous

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essaierons de démontrer au fur et à mesure de notre avancement dans ce chapitre en tentant d'expliquer si ce qui se passe actuellement dans la médina de Fès est une mise en tourisme ou bien une touristification.

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I- Les maisons de la médina de Fès : Vers une nouvelle forme de mise en tourisme

L'arrivée de nouveaux habitants étrangers dans la médina de Fès est orientée par un ensemble d'images que ceux-ci se font de la ville de Fès en général, et de sa médina en particulier. Cet afflux s'est concrétisé de plus en plus à travers le temps en prenant différentes formes liées à quatre temps distincts de cette installation et impliquant une restructuration du marché de l'immobilier qui tend à répondre à cette forte demande. Cette installation en médina se matérialise par des usages différents faisant parfois évoluer l'espace résidentielle vers un espace de pratiques touristiques.

1- L'image de Fès chez les étrangers

« [...] la ville des autres constitue des lieux de l'ailleurs, c'est-à-dire des dispositifs spatiaux qui emblématisent l'ailleurs, qui en constituent une icône39 ».

Nombreux sont les étrangers en médina de Fès qui y séjournent à temps partiel dans une résidence secondaire ou y habitent dans une résidence principale ou encore en y investissant dans l'aménagement de leur demeure en une maison d'hôtes. Posséder un riad ou une maison traditionnelle dans la médina de Fès est devenue, à l'instar de ce qui s'est produit à Marrakech, un phénomène de mode chez les Occidentaux.

Au-delà de sa renommée internationale liée à sa labellisation en tant que patrimoine universel et à sa forte image culturelle, la médina de Fès évoque chez les étrangers qui s'y installent une série d'images et de représentations. Les enquêtes réalisées auprès des nouveaux habitants révèlent que le choix de s'y installer répond aussi à une recherche de dépaysement et d'une nouvelle façon de vivre. Le gérant d'une des premières maisons d'hôtes à propriétaire étranger dans l'ancienne médina « Riad Mabrouka » exprime son envoûtement pour le style de vie dans la médina de Fès: « c'est un des derniers exemples au monde de ville organisée comme autrefois, sans voitures et avec toutes les corporations artisanales ». Cet attrait pour

39 L. LUSSAULT, « Quelques images de la ville arabe », Géographie et cultures, n°29, printemps 1999, pp.39-58. In : A-C. KURZAC SOUALI, 2006, p.170.

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la médina préconisant un mode de vie ancien par opposition à la vie en ville, a été le plus souvent évoqué par ces nouveaux venus. Comme le soulignait une enseignante de nationalité américaine: « The medina is [...] unique in that it is so old, no cars, feels like a small town as opposed to part of a large city ». La médina serait, comme le résume bien dans ses mots, le directeur d'une agence immobilière de nationalité française: « Une ville hors du temps actuel, un art de vivre `à l'ancienne' autour des valeurs traditionnelles ». Ainsi, l'idée que l'on retrouve souvent chez les enquêtés est celle de retrouver dans cette médina des éléments de l'espace de vie d'un temps plus ancien, où les valeurs auraient été conservées avec acuité. Une authenticité mais aussi des valeurs architecturales et urbaines particulières. Le rythme de vie en médina, la proximité des sites culturels, des commerces et des souks de fruits et de légumes sont soulevés comme des éléments décisifs du choix de l'installation en médina.

D'autres étrangers soulignent les contrastes importants qui résident dans cet espace unique. La médina semble les transporter dans un autre monde. Comme l'exprime une française assez âgée : « Une vie grouillante de richesses individuelles, de couleurs, d'odeurs, de formes. Un voyage tous les jours renouvelé, l'exotisme à domicile [...] ». La médina de Fès est aussi évoquée chez ces nouveaux habitants comme un lieu de magie, de mythe, de spiritualité, de joie de vivre et de fascination continue. Une autre étrangère de nationalité anglaise en médina relie sa décision de venir au Maroc et de s'installer à Fès à l'attrait exercé par le Festival de Fès des musiques sacrées du monde : « I was enticed by the Fes Festival of world sacred music and decided to stay ».

D'autre part, l'acceptation et l'amabilité des habitants de la médina interpellent et attirent beaucoup d'étrangers : « The warmth and generosity of its inhabitants has been fantastic » souligne un jeune anglais gérant du premier et seul café culturel dans la médina de Fès « Café Clock ». Un autre américain assez âgé souligne: « Fez is also one of the few places in the Islamic world where foreigners can live comfortably and safely in the old quarter of the city. I've lived in the medina for over nine years, and it has been a wonderful experience. At no point have I felt threatened, and find the people here friendly and hospitable, [...] ». En effet, les rapports humains et de voisinage ont été le plus souvent, évoqués par les nouveaux résidant en médina comme un aspect qui caractérise la vie dans le tissu ancien, par cette chaleur humaine perdue dans l'Occident.

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Cependant, mis à part ces caractères d'ordre émotionnel lié à cet art de vivre à l'ancienne et aux images visuelles, sonores et olfactives de la médina, une composante de choix s'impose, même si elle n'est pas souvent évoquée par les enquêtés. Il s'agit du coût de la vie largement faible au Maroc. Ce qui constitue pour ces étrangers une opportunité d'acquérir une belle maison à un prix d'achat raisonnable. « [...] it's one of the few cities in the world where it's possible to own a magnificent traditional house for the price of a modest car. », nous affirme un acheteur américain. En effet, les étrangers peuvent acheter à moindre coût par rapport à l'Europe ou ailleurs, une grande maison traditionnelle avec cour intérieure à un prix qui ne vaut même pas celui d'un studio dans leur pays d'origine, et bénéficier en outre, d'un pouvoir d'achat accru qui les place dans un niveau de vie nettement supérieur à celui qu'ils avaient dans leur pays. Comme nous le confirme une résidente anglaise : « It's a hugely good investment. If I convert that money to British or South Africa I can not buy an apartment with this ». S'ajoutant à cela l'intégration facilitée par la langue, et une proximité géographique, surtout pour les pays européens, facilitée par un coût de transport abordable.

Nous avons essayé de synthétiser ces différentes perceptions et images de la médina de Fès chez les nouveaux habitants étrangers dans un schéma qui représente de façon sommaire les expressions rencontrées dans les enquêtes de terrain auprès de ces nouveaux occupants (Cf. Figure 1).

A partir de l'analyse de la représentation de la médina de Fès chez ces nouveaux touristes étrangers y résidant, il s'avère que ceux-ci soient venus y chercher une nouvelle vie, simple et chaleureuse, lassés par la modernité et l'individualisme des sociétés modernes. Cette image exotique de la médina est certes déterminante dans la décision de s'y installer, cependant, nombre d'autres conditions ont aussi permis à ces nouveaux venus d'acquérir des maisons dans la médina de Fès.

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Figure 1. Schéma de synthèse des exemples de l'image de la médina de Fès chez les nouveaux résidents étrangers*

Forte image culturelle Coup de coeur Authenticité

Spiritualité

Patrimoine de l'humanité Art de vivre à l'ancienne Pièce d'histoire Ambiance unique Exotisme à domicile Médina intemporelle Paix

Amour des maisons anciennes

Beauté

Lieu mythique et magique

Usage extrême des sens Echos

Joie de vivre

Lieu vivant et coloré Voyage renouvelé Vestige de l'empire arabo-andalous

Lieu de travail Prix abordable Coup de transport raisonnable

Pouvoir d'achat accru Proximité de l'étranger Besoin en place récréative

Opportunités

Sens du lieu

Médina de Fès

Qualités humaines

Qualités urbaines

Style de vie fascinant Esprit de famille Intégration facilitée par la langue

Affection pour la population

Chaleur

Générosité des habitants Traditions

Diversité culturelle Bon voisinage

Richesse individuelle Mélange de populations

Architecture

Aspect préservé Interdiction de la circulation en engins motorisés Atmosphère

Proximité des souks Proximité des sites culturels Corporations artisanales Propreté Sécurité

Source: enquêtes personnelles, juin-juillet, 2008. (Les mots sont cités par ordre de fréquence)

* voire question n°16 du questionnaire en annexe.

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2- Quatre grandes phases dans l'évolution des investissements étrangers en médina

Le mouvement d'acquisition des anciennes demeures par les étrangers dans la médina de Fès a connu un développement rapide sur moins de deux décennies. Cette installation étrangère est passée par différentes étapes allant du cas isolé à la « sur-représentation » de ces nouveaux occupants. Ainsi, l'on pourrait distinguer entre quatre grandes phases de la programmation de la médina en tant qu'espace de séjour et que l'on pourrait énumérer comme suit :

· La fin des années 1990 : des cas isolés

C'est à la fin des années 1990 que le phénomène d'acquisition des maisons traditionnelles dans les médinas marocaines a pris une grande ampleur. C'est ainsi que l'exploitation de la médina de Fès en tant qu'espace de séjour et d'habitation par les étrangers pris forme dans la même période. La première maison traditionnelle à avoir été vendue à un étranger dans la médina de Fès date de l'année 1997.

La maison a été acquise par un américain au fin fond de la médina. Ce passionné de maisons traditionnelles est considéré par les fassis comme par les autres étrangers venus s'installer plus tard, comme un « pionnier ». Il a été dans plusieurs pays arabes, comme il a vécu cinq années au Caire, en Egypte, avant qu'il se décide à s'installer définitivement dans la médina de Fès. Sa forte passion pour l'achat et la restauration des anciennes demeures l'a poussé une année après à en acheter une autre au coeur de la médina. Il en fait une maison de vacances à louer, par opposition à la logique de fonctionnement d'une maison d'hôtes. Dans l'espace de neuf ans, cet américain avait déjà acheté cinq maisons dans la médina en prenant plaisir à les restaurer pour participer à la sauvegarde de cet héritage unique. « Our hope is that, at least in the case of the more important houses, Moroccans and foreigners with the means to restore these houses correctly would do so, either to live in them, or as a holiday home or investment property. About one-hundred houses have been restored in the past eight years, half by foreigners and half by Moroccans. This is a much healthier situation than in some other Moroccan cities, where most of the restoration has been done by foreigners»40. Dit-il pour

40 « Nous espérons qu'au moins, dans le cas des maisons les plus importantes, les Marocains et les étrangers, ayant les moyens pour restaurer correctement ces demeures, le feront, que ce soit pour y habiter, ou pour en faire une maison secondaire de vacances, ou bien pour y investir. Presque cent maisons ont été restaurées dans

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exprimer la raison pour laquelle il achète les maisons traditionnelles tout en mettant l'accent sur le fait qu'à Fès, le phénomène est un peu différent, dans la mesure où ce ne sont pas que les étrangers qui achètent et restaurent ces vieilles demeures, mais que les Marocains, essentiellement des fassis ayant quitté la médina auparavant, expriment aussi un désir d'y retourner.

Deux années se sont écoulées depuis l'acquisition de la première demeure par un étranger dans la médina, c'est alors que les premiers français y posent bagages en 1999, attirés par la richesse de son potentiel touristique et par sa forte image culturelle, pour y investir en maison d'hôtes. Ils acquièrent ainsi un beau riad de 620 m2 à un million de dirhams (hors travaux) dans le quartier de Tala'a Kbira et le rénovent dans le strict respect des traditions locales. Ces français sont également qualifiés de pionniers à venir s'implanter dans la médina de Fès et à y pratiquer le commerce de maison d'hôtes. Ils ont été, de ce fait, référencés dans la plupart des guides touristiques.

· Début des années 2000 et jusqu'à fin 2003 : phase de stagnation du mouvement d'achat

Durant la période allant de l'année 2000 à l'année 2003, les effets de la guerre en Irak en mars 2003, s'ajoutant à ceux, encore plus sensibles des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avaient provoqué une nette régression des flux globaux des touristes étrangers surtout à destination des pays arabes, notamment le Maroc qui avait enregistré en cette période une baisse importante des arrivées touristiques notamment en provenance des Etats-Unis d'Amérique. Ce contexte lié à la conjoncture internationale marquée par une crise générale du tourisme a impliqué bien évidemment par conséquent une stagnation des ventes dans la médina.

les huit dernières années, la moitié par des étrangers et l'autre moitié par des Marocains. Ceci est une situation meilleure que dans d'autres villes marocaines, où la plupart des restaurations ont été faites par des étrangers ».

· 65

Depuis l'année 2004 et jusqu'à fin 2006 : phase d'extension des propriétés étrangères dans la médina

Marrakech étant jugée saturée et chère au début des années 2000, Fès prit sa place et devient la destination qui monte auprès des touristes, l'objectif étant de devenir propriétaire d'une maison traditionnelle en médina. Ainsi, après les quelques rares installations étrangères, une troisième période marque la phase d'expansion des maisons étrangères dans la médina de Fès.

En effet, à partir de l'année 2004, un grand mouvement d'achat des maisons traditionnelles par les étrangers a pris forme. Il se poursuit durant les années 2005 et 2006 en enregistrant une augmentation qui atteint son pic vers la fin de l'année 2006 (Cf. figure 2). Cet engouement sans précédent des étrangers pour les maisons anciennes s'est développé dans un contexte de vaste promotion du Maroc lancée en Europe vers la fin de l'année 2003 mais aussi grâce à la politique de libéralisation du transport aérien en 2004 et l'entrée en vigueur de l'open sky en 2006, ainsi que la mise en place de vols à bas coût à destination de Fès et l'instauration d'une nouvelle politique d'aide à l'investissement des étrangers au Maroc, valorisée par une vaste campagne de communication sur les opportunités d'investissement ciblée auprès des investisseurs étrangers. Ainsi, depuis 2004, Fès attire de plus en plus d'étrangers qui logent en médina comme propriétaires ou locataires. L'achat de demeures en médina de Fès s'est ainsi étendu aux classes moyennes et aux différents pays occidentaux.

Figure 2.

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Source : enquête personnelle auprès des acquéreurs, des agences immobilières, de la conservation foncière et des collectivités locales (juin-juillet 2008).

· Depuis l'année 2007 et jusqu'à nos jours : de l'apogée au déclin

Le grand mouvement d'achat des maisons traditionnelles par les étrangers, enregistré dans la période précédente se poursuit en 2007 avec une tendance à se stabiliser avant de s'estamper visiblement vers la fin de l'année 2007. En effet, les agences immobilières spécialisées dans la vente des riads et demeures en médina ont accusé une chute considérable du nombre des transactions immobilières. « Jusqu'à 2007 déjà, on vendait une à deux maisons par semaine. Maintenant, en six mois nous n'avons réalisé que deux ventes. Actuellement, on vit par la restauration, plus de ventes.», nous déclare avec une grande déception le propriétaire de la première agence immobilière et de restauration du patrimoine à Fès prise par des étrangers. En effet, la forte demande en matière d'habitat traditionnel par les étrangers a provoqué une réévaluation foncière des biens immobiliers dans la médina de Fès (Cf. Tabl.3). Les prix ont ainsi doublé en une année depuis le début 2007. Une inflation estimée à +100% parfois et surtout conjuguée avec un non rapport du prix avec la valeur du bien. « Les prix n'étaient plus significatifs parce qu'à l'origine ils n'étaient pas réels [...] ». nous déclare le président de l'association de sauvegarde du patrimoine et l'authenticité de Fès. Les prix sont devenus comme à Marrakech. De ce fait, les étrangers préfèrent acheter à Marrakech, parce que c'est pour eux un investissement plus sûr, surtout quand il s'agit de maisons d'hôtes. Le prix de l'immobilier à Fès a augmenté en l'espace d'une année, contrairement à Marrakech où ça a pris du temps. A Fès, il parait déjà que neuf maisons d'hôtes seraient en vente pour des raisons de non compétitivité du projet, et que 20% d'entre elles ne marchent pas bien41. « Fès n'est pas comme Marrakech, il n'y a pas une vraie activité touristique, des lieux de loisirs et de détente pour accompagner la volonté de faire de la ville une destination touristique » souligne un touriste français récemment installé en médina.

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41 Affirmation qui nous a été faite par le directeur de l'association de sauvegarde du patrimoine et de l'authenticité de Fès.

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Tableau 3. Exemples de réévaluation foncière des demeures dans la médina de Fès

Superficie de la
demeure

Année de l'achat

Montant de
l'achat en DH

Montant des
travaux

60-80m2

1998

160 000

250 000

620m2

1999

1 000 000

2 000 000

300m2

2000

180 000

250 000

120m2

2002

400 000

300 000

180m2

2005

740 000

_

80m2

2006

280 000

300 000

60m2

2007

480 000

150 000

320m2

2008

2 777 500

_

 

Source : enquêtes auprès des acquéreurs (juin-juillet 2008).

D'autres raisons semblent expliquer cette baisse des ventes et qui relèvent cette fois de la non fiabilité des transactions immobilières, liées à l'inexistence d'une culture écrite du mandat de vente (système de samsars), ce qui entraine un changement de prix au dernier moment par les vendeurs, mais aussi à la non actualisation des prix de ventes sur les sites internet de certaines agences immobilières à Fès, chose qui provoque une forte déception chez les acheteurs potentiels. En outre, la suppression des vols directs de Ryanair en provenance de Londres et à destination de Fès a causé une chute importante de la clientèle anglo-saxonne. « A friend of mine works as a real estate agent in England. Before the cheap airlines ceased their flights to Fez, he had sold in a month, 30 houses in the medina. Now, he doesn't sell anything, and I think this is bad »42, nous declare une touriste anglaise habitant en médina. Par ailleurs, les correspondances à partir de Casablanca sur Marrakech sont très fréquentes, alors qu'il faut attendre 2h voir plus pour se rendre à Fès.

L'année 2008, est qualifiée d'année de crise concernant l'élan des étrangers pour les maisons traditionnelles, pourtant les prix des maisons n'arrêtent pas de flamber, et une bonne partie d'entre elles sont en revente sur le marché. Il s'agit principalement de maisons non rénovées ayant été acquises par des anglais, qui semblent être de grands spéculateurs.

42 « Un ami à moi qui travaille comme agent immobilier en Grande Bretagne, avait vendu en un mois, avant la suppression des vols à bas coût vers Fès, trente maisons dans la médina. Actuellement, il n'en vend plus et je pense que ce n'est pas une bonne chose. »

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Ces étrangers-acheteurs ont toutefois joué en l'espace de quelques années le rôle de principaux acteurs dans la valorisation du centre historique de Fès en participant par leur restauration à la patrimonialisation et la mise en tourisme de la médina.

3- Un marché immobilier particulier et complexe

L'acquisition de maisons anciennes dans la médina de Fès par les étrangers s'inscrit dans un contexte de mondialisation des échanges, des pratiques et des personnes, appuyé par une volonté politique du gouvernement marocain d'encourager les investissements étrangers et l'arrivée des touristes. En effet, le Maroc a procédé par des réformes à la simplification et à l'allègement des procédures administratives en vue du développement et de la promotion des investissements dans le pays, avec en tête, ceux relatifs au secteur du tourisme.

La loi Cadre n°18-95 formant la charte de l'investissement43 indique dans l'article 16 relatif à la réglementation des changes : « Les personnes physiques ou morales de nationalité étrangère, résidentes ou non, ainsi que les personnes physiques marocaines établies à l'étranger, qui réalisent au Maroc des investissements financés en devises, bénéficient pour lesdits investissements, sur le plan de la réglementation des changes, d'un régime de convertibilité leur garantissant l'entière liberté pour le transfert des bénéfices nets d'impôts sans limitation de montant ni de durée; le transfert du produit de cession ou de liquidation totale ou partielle de l'investissement, y compris les plus-values ». D'autres avantages fiscaux accompagnent cette loi parmi lesquels ceux qui permettent aux retraités européens qui, en acquérant le statut de résidents permanents, bénéficient d'un abaissement du taux d'imposition de 30% en moyenne44.

Afin de répondre à une demande de plus en plus forte pour les demeures traditionnelles en médina, la susciter mais aussi l'anticiper, le marché de l'immobilier à Fès s'est fortement transformé. Les transactions immobilières se faisaient, selon une longue tradition à l'aide d'un samsar qui est l'équivalent plus ou moins d'un courtier, et un agent ayant une grande connaissance du stock de logements disponibles dans un quartier jouant le rôle

43 Promulguée par le Dahir n° 1-95-213 du 14 Joumada II 1416 (8 Novembre 1995).

44 A-C.KURZAC-SOUALI, 2006, p.158.

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d'intermédiaire commercial et de négociateur entre les vendeurs et les acheteurs d'immobiliers. Ainsi, l'achat ou la location de demeures dans la médina de Fès passait depuis longtemps par le recours à ses services, les agences immobilières étant rares, voire même, absentes.

Cependant, et avec l'apparition des premiers acheteurs de maisons dans la médina, on pouvait déjà remarquer des avis et des annonces accrochées ou transcrites sur les murs ou les portes des demeures (Cf. Planche 3). Pour répondre à la forte demande sur les demeures traditionnelles qui s'est concrétisée par la suite vers le début des années 2000, un bon nombre d'agences immobilières a vu le jour. Elles sont localisées en médina ou en ville nouvelle et sont spécialisées dans la vente des demeures traditionnelles dans le centre ancien. Celles-ci sont de plus en plus visibles en se promenant dans les ruelles de la médina de Fès. Des agences nouvelles apparaissent, mais aussi des épiciers et des artisans se transforment, vu les bénéfices à tirer d'un tel engouement pour les maisons anciennes, en agents immobiliers. C'est à peine qu'un étranger pose les pieds dans l'une des ruelles de la médina de Fès, qu'il est immédiatement abordé par une personne multilingue qui lui demande s'il veut acheter une ancienne maison en médina. Chose que nous avons pu expérimenter en prenant des photos lors de nos investigations de terrain.

Ces réseaux sont désormais animés par la création d'agences immobilières qui se distinguent par leurs prestations diverses. En effet, bien plus que de simples intermédiaires immobiliers, celles-ci essaient de s'adapter à la forte demande en développant des prestations de services différentes et particulières. L'exemple peut être fourni par la première agence immobilière et de restauration du patrimoine ouverte par des étrangers à Fès. Cette agence a ouvert ses portes en 2005 en ville nouvelle et est dirigée par un historien d'art et un décorateur d'intérieur expert en objets d'art français. Elle dispose d'une offre potentielle de 116 riads et demeures traditionnelles et en a vendu jusqu'à maintenant quelque 110. Bien plus qu'une simple agence immobilière, cette agence propose à ses clients, principalement des touristes étrangers, des prestations en amont et en aval de leurs achats et qui vont des transactions, à l'accompagnement, puis à la restauration et ramassage des gravats et la décoration d'intérieur. Les matériaux étant transportés à dos d'âne, les travaux de restauration peuvent prendre jusqu'à deux ans. Ces nouveaux services développés par les agences immobilières sont donc en mesure d'encourager l'achat des demeures par les étrangers, grâce à ces opérations « clefs en main » susceptibles d'intéresser les étrangers pressés et moins aventuriers. Ces agences

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agissent souvent en partenariat avec des notaires et des samsars locaux. Ainsi, le marché immobilier en médina préconise une nouvelle façon d'envisager les maisons traditionnelles comme des biens immobiliers attrayants. L'outil de navigation Internet est massivement utilisé pour commercialiser ces demeures auprès d'un grand public. Le samsar reste malgré cela présent dans cette nouvelle organisation du marché de l'immobilier vu son savoir faire en la matière. En effet, selon notre enquête de terrain, tous les étrangers interrogés ont eu recours à un samsar pour trouver une maison dans la médina.

Les prix de vente des maisons traditionnelles à Fès est facteur de plusieurs variables. Le prix d'un riad à Fès ne se fixe pas au nombre de mètres carrés mais au nombre d'héritiers. Avec l'argent de la vente il faut qu'ils puissent tous avoir de quoi s'acheter un appartement en ville nouvelle. Une maison traditionnelle de 80m2, selon un agent immobilier, pourrait valoir 20 000 euros, voire 300 000 euros pour les plus luxuriantes. D'autres variables conditionnent le prix de vente, à savoir l'état de la maison, 10% des maisons de la médina de Fès sont en ruine, les Marocains n'ont généralement pas les moyens pour les restaurer, ce qui fait qu'elles se vendent pour rien, d'autres sont d'une forte valeur architecturale et historique et les prix suivent. L'emplacement et la vue jouent aussi un rôle déterminant du prix de vente. L'accessibilité et la proximité des parkings et des stations de bus et de taxis fait que le prix de vente des demeures soit élevé dans certains quartiers par rapport à d'autres.

A Fès, rares sont les maisons rénovées qui se vendent, c'est la grande différence entre Fès et Marrakech où la proportion est inversée. Aujourd'hui, les plus beaux riads et demeures traditionnelles ont été déjà vendues à des étrangers, dont la plupart désirent les convertir en maisons d'hôtes.

Il est à souligner que le rôle des étrangers dans l'organisation du marché de l'immobilier à Fès est prépondérant. Ils sont des acteurs à double titre de la mise en tourisme de la médina, parce qu'ils y habitent mais aussi par leur implication directe ou indirecte dans les nouvelles dynamiques qui apparaissent en médina. Ils sont acheteurs, investisseurs et revendeurs de maisons anciennes.

W-J. B, juillet 2008

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Planche 3

La multiplication des annonces de vente de demeures et des agents immobiliers en

médina

W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

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W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

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II- Les maisons étrangères dans la médina de Fès : Des usages polymorphes

Les nouveaux habitants étrangers dans la médina de Fès sont des moteurs de la mise en tourisme par le poids de leur présence et de leurs investissements dans le tissu ancien. Les maisons achetées par les étrangers obéissent à des modes d'investissement polymorphes qui correspondent à des logiques diverses. On peut en distinguer deux qui sont fondamentaux : les maisons d'habitation privée et les maisons à usage commercial ou culturel.

1- Les maisons traditionnelles : des habitations à usage privé

La plupart des maisons anciennes à propriétaire étranger dans la médina de Fès sont utilisées pour l'habitation personnelle. Cependant, il est intéressant de différencier entre celles qui jouent le rôle de résidence principale et celles qui sont des habitations secondaires ou de vacances. Les étrangers que nous avons pu rencontrer lors de notre enquête sont principalement ceux qui font de leur maison une habitation principale. Les autres, bien évidemment, n'étaient pas sur place, ce qui explique le nombre de maisons vides dans la médina.

L'investissement en résidence principale est réalisé par des personnes étrangères qui résident et travaillent au Maroc. Leur choix de s'installer au Maroc été conditionné par une bonne offre de travail pour les uns, ils sont des professeurs, des architectes, des guides, des gérants de société...etc. ou encore des personnes ayant plusieurs demeures dans la médina dont une est à usage personnel. Pour d'autres, c'est une envie de refaire leur vie tout simplement. C'est des personnes généralement assez jeunes (30 ans et plus) ou encore des retraités qui ont un capital d'argent et qui ont décidé de tout laisser tomber pour venir s'installer en médina. Ils sont aussi des locataires mais à une proportion moins importante, ils utilisent en général ce qui s'appelle une location emphytéotique. Il s'agit d'un bail immobilier de très longue durée, le plus souvent 99 ans45. La location est généralement réalisée par des personnes n'ayant pas les moyens nécessaires pour acquérir la maison.

45 Mais pouvant atteindre 999 ans dans certains pays, qui confère au preneur un droit réel sur la chose donnée à bail, à charge pour lui d'améliorer le fonds en échange d'un loyer modique, L'emphytéote (le locataire) est un quasi-propriétaire du bien qui lui est donné à bail.

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D'autre part, ces maisons sont souvent des maisons d'habitation secondaire ou de vacances, (expliqué par l'absence des étrangers au moment de l'enquête). Les étrangers achètent de ce fait des maisons qu'ils laissent vides et qu'ils ne viennent visiter qu'une ou deux fois par an. Ce type d'usage en résidence secondaire est le plus souvent le fait de retraités ou de personnes assez âgées (50 ans et plus), mais il peut aussi concerner des jeunes acheteurs dont la profession permet une certaine mobilité. Ou encore des personnes qui réalisent des investissements anticipés et des placements d'argent pour le future. Cette catégorie d'étrangers utilise le plus souvent leur maison à des fins commerciales pendant la période de leur absence, en la louant à d'autres touristes étrangers voulant s'imprégner de l'ambiance `médinale'. (Cf. Planche 4)

Planche 4

Les maisons d'habitations à propriétaires étrangers dans la médina de Fès

Figure 1 : Travaux de restauration dans un grand riad à propriétaire français dans le quartier Douh. Les modes de construction et de décoration reprennent les éléments traditionnels

de l'artisanat marocain. Figure 2 : Une grande dar achetée par un étranger

dans le quartier Ziat comme résidence secondaire.

W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

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Figure 3 : Travaux d'installation d'un jacuzzi et d'une douche sur le toit d'un riad acheté par un français pour usage privé dans le quartier Douh.

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2- Les maisons traditionnelles : des habitations à usage commercial et culturel

Il existe un autre type d'usage lié aux maisons traditionnelles achetées par les étrangers dans la médina de Fès. Celui-ci est relatif à la reconversion de ces demeures à un but lucratif en les aménageant en maisons d'hôtes ou encore en un café ou restaurant. Comme elles peuvent aussi servir de local pour les institutions culturelles. Ceci permet ainsi à certains de couvrir leurs dépenses d'achat et de restauration.

En effet, de plus en plus de demeures dans la médina de Fès sont utilisées comme une nouvelle forme d'hébergement touristique selon la formule de maison d'hôtes46, un concept nouveau qui a vu le jour vers la fin des années 1990, et qui vend le désir d'habiter la médina. Mais, c'est un concept qui est, du point de vu symbolique, en contradiction avec l'hospitalité traditionnelle suivant laquelle l'hôte est quelqu'un qu'on reçoit selon des règles de convenances claires. Cette hospitalité consistait à refuser de faire payer l'invité (l'hôte). « Lorsqu'on reçoit, c'est son horizon géographique et symbolique qui s'élargit. [...] les hôtes reconduisent ces règles immémoriales qui se transmettent encore comme des coutumes [...] de l'ordre de la bienséance élémentaire47 ». Pour M. CHEBBAK, universitaire, « En toute rigueur, une maison est un foyer, un lieu de vie et d'intimité où logent des résidents permanents qui, par moments et selon les circonstances, reçoivent gracieusement et sans artifices de véritables hôtes à qui l'on offre le gîte et le couvert parce qu'ils nous sont proches. [...]Aujourd'hui, ces attitudes d'accueil, de chaleureuses retrouvailles et d'exquises convivialités [...] sont cyniquement récupérées par le marketing touristique48. »

Déjà à la fin du Protectorat, l'hébergement des touristes dans la médina de Fès se faisait dans des anciennes demeures sous forme de petits hôtels qui se trouvent principalement à Tala'a Kbira et Tala'a Sghira. Aujourd'hui les maisons d'hôtes offrent au touriste la possibilité de séjourner en médina dans une ambiance sophistiquée et parfaitement dépaysante.

46 Selon la loi n°61-00 portant statut des établissements touristiques, article 2 : « La maison d'hôte est un établissement édifié sous forme d'une ancienne demeure, d'un riad, d'un palais, d'une kasbah ou d'une villa et situé soit en médina, soit dans des itinéraires touristiques ou dans des sites de haute valeur touristique », in : Droit du tourisme, première édition, 2004, p135.

47 Revue Architecture de Maroc, 2004, Dossier « Les maisons d'hôtes » n°17, juin-juillet-août, Archimédia, Casablanca, p.9.

48 Idem, p.29.

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Actuellement à Fès sur les 56 maisons d'hôtes déclarées et autorisées, quelques 27 sont tenues par des étrangers, dont 17 sont classées. Un chiffre qui reste très modeste en comparaison avec Marrakech, où le nombre de maisons d'hôtes étrangères est estimé à quelques 11049. Mais la particularité de Fès, réside dans le fait que cet investissement en maisons d'hôtes est pour la plupart réalisé par des marocains, principalement des fassis ayant manifesté le désir de retour en médina.

Les maisons d'hôtes dans la médina de Fès ont été recensées et cartographiées par l'ADER-Fès en 2006 (Cf. Carte 6). Il faut également envisager la présence à Fès de maisons d'hôtes non déclarées qui opèrent secrètement dans le domaine en proposant les mêmes services. Nous avons pu en recenser en Juin 2008, à l'aide des autorités locales, quelques 13 maisons. Les propriétaires les louent par le biais d'Internet ou directement de leur pays par la remise des clefs en main au locataire, ou encore en confiant la maison à un marocain qui, une fois les clients sur place, s'occupera de la gestion du logement et de sa location.

Les propriétaires des maisons d'hôtes déclarées se sont regroupés en une association des propriétaires des maisons d'hôtes de Fès. Le statut de l'association n'a pas encore été approuvé. Mais celle-ci démarre bien puisqu'elle a des missions et des objectifs clairs et précis. Elle est présidée par un marocain, le propriétaire de « la maison Bleue », et le conseil d'administration est constitué à moitié d'étrangers et à moitié de Marocains. Ses principales missions sont, entre autres, de représenter les maisons d'hôtes autorisées à Fès (médina et ville nouvelle), de promouvoir leur activité et défendre leurs droits ainsi que d'organiser le marché en luttant contre les activités clandestines.

La multiplication des riads aménagés en maisons d'hôtes joue par cette réutilisation, un rôle déterminant dans la mise en tourisme de la médina par la mise en valeur du patrimoine domestique.

Une autre forme d'usage touristique des maisons anciennes dans la médina de Fès par les étrangers est celle d'une dar transformée en un café et restaurant culturel. Dans la médina de Fès, il en existe un seul et qui est connu de tous les étrangers qui y habitent.

49 Antone ESHER, 2000, p.227.

Carte 6. La localisation des maisons d'hôtes (marocaines et étrangères) à Fès en 2006

Source : ADER-Fès, 2006.

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Ce café est tenu par un jeune homme anglais qui a tout quitté à Londres pour réaliser son rêve d'ouvrir un restaurant à Fès. Son idée vient du fait qu'il avait senti le besoin dans la médina d'un espace de récréation. Ce café a ouvert ses portes en 2007 dans une petite ruelle au quartier de Tala'a kbira à 200m de Bab Boujloud, axe commercial très fréquenté, et s'est rapidement intégré au tissu économique de la médina. Outre, ses mets et boissons inspirés généralement de la cuisine marocaine, le café abrite une bibliothèque riche et variée comme il fait aussi office de galerie d'expositions, de café-concert, de séances de yoga, et autres activités diverses. Il est volontairement décoré simplement en puisant dans les spécificités de l'artisanat et des traditions locales.

D'autre part, certaines institutions culturelles peuvent prendre pour local des riads et demeures anciennes, comme le cas de l'Institut Français qui utilise le patrimoine domestique en médina comme support des manifestations culturelles. L'annexe se trouve au fond d'une ruelle au quartier Batha. La demeure est louée à une famille de notables de la médina qui n'y vit plus, et l'Institut Français en a fait un local pour les concerts et les colloques ainsi qu'un lieu de résidence pour les jeunes chercheurs et les artistes. Il existe aussi une demeure personnelle en copropriété maroco-anglaise, qui sert également de galerie d'exposition d'art dans le quartier historique Qarawiyine.

En somme, les maisons acquises par les étrangers dans la médina de Fès prennent deux formes principales. L'investissement se fait généralement pour un usage privé dans une première phase de la mise en tourisme. Il est rattrapé et renforcé ensuite par des choix d'investissement alimentés par la recherche de gains. Ces investissements sont polymorphes, selon que le propriétaire décide de convertir sa demeure en une maison d'hôtes, occasionnellement pour couvrir ses dettes et ses dépenses de restauration ou comme activité principale guidée par l'éventualité d'un bénéfice important. La mise en tourisme de la médina est d'autre part soutenue par l'exploitation de ces demeures en des équipements touristiques dans le cas où est programmée une utilisation de celles-ci en café ou en restaurant ou en un local pour les manifestations culturelles ou encore pour la location aux touristes, hors la formule d'hébergement en maison d'hôtes. L'investissement peut aussi être effectué pour un placement d'argent ou une revente ultérieure relative à une hausse anticipée des prix de l'immobilier sur le marché. C'est la spéculation foncière.

Planche 5

Les demeures étrangères à usage commercial ou culturel dans la médina de Fès

W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

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Figure 2 : Le café vu de l'intérieur avec une décoration

typiquement marocaine.

Figure 4 : La cour d'une dar transformée en un café - restaurant culturel.

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Figure 1 : Entrée de derb El Magana abritant le café culturel, qui en tire le nom, à propriétaire anglais.

 

W-J. B, juillet 2008

 

Figure 3 : Une demeure étrangère à louer dans l'ancienne médina.

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Figure 5 : Une demeure transformée en maison d'hôtes par un étranger dans le quartier de Tala'a Kbira.

W-J. B, juillet 2008

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Figure 6 : Un riad en copropriété maroco-française transformé en maison d'hôtes dans le quartier Ziat. Le derb a été entièrement refait et embelli.

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Conclusion

L'installation des étrangers dans la médina de Fès s'est développée peu à peu à travers le temps, soutenue par une forte image liée au lieu, pour se transformer d'une installation de quelques personnes pionnières à un phénomène plus généralisé. Ceci a produit des transformations sur les fonctionnalités du lieu, en le faisant évoluer d'un espace à vocation résidentielle en un espace pratiqué par des étrangers qui en font le plus souvent un espace d'activité commerciale, appuyant de la sorte la mise en tourisme du patrimoine en médina. La médina devient alors leur espace de vie, de vacances ou de leur business.

Les aménagements et les politiques de valorisation, de sauvegarde et de patrimonialisation du tissu urbain ancien relèvent d'une planification stricte et volontariste. On pourrait donc parler de mise en tourisme. Toutefois, le développement touristique en médina est fortement livré à lui-même, c'est-à-dire, au bon vouloir de particuliers et d'entreprises privées (résidences secondaires, maisons d'hôtes, cafés, restaurants, agences immobilières et de restauration...etc.), ce qui nous permet aussi de parler d'une touristification. Sous l'effet du développement du tourisme culturel en médina, suscitant des initiatives nombreuses, dispersées et de formes différentes, cet espace se `touristifie' peu à peu. Le temps aussi fait progressivement passer la médina de Fès d'un processus à l'autre. Les extensions planifiées pendant des années dans la médina tirent cet espace vers une mise en tourisme.

Compte tenu du bilan de ce deuxième chapitre, le troisième chapitre mettra en évidence le profil des différents acteurs étrangers de la mise en tourisme et les modes de fonctionnement de ces communautés étrangères dans leur vie quotidienne et à travers les rapports qu'ils entretiennent avec les Marocains. Nous allons mettre l'accent par la suite sur la répartition spatiale des propriétés étrangères et les logiques d'implantation de ces nouveaux venus.

Il s'agirait en fait de monter que l'arrivée d'une population étrangère nouvelle et exogène participe à la structuration et à la mise en tourisme de la médina en fonction de ses points de fixation et de ses pratiques urbaines.

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Chapitre III :

Les nouveaux « touristes-résidents » dans la

médina

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Introduction

L'étude des formes et des phases d'expansion du nouveau marché lié à l'installation des étrangers dans la médina de Fès, a montré à quel point dans le cadre d'une volonté des acteurs publics pour la mise en valeur de la ville de Fès, les acteurs étrangers ont été des éléments déclencheurs de la mise en tourisme de la médina. Une mise en tourisme qui s'inscrit plus globalement dans une patrimonialisation élargie de ce même espace. Ce qui est entrain d'installer dans la médina de Fès, un système touristique tournant dans une sphère de développement, de modernisation et de valeurs marchandes.

L'engouement récemment manifesté pour les demeures traditionnelles de la médina de Fès est porté par des étrangers de profils variés et dont les choix de localisation répondent à des logiques sélectives. Loin d'être globale, cette mise en tourisme concerne des quartiers spécifiques et des axes privilégiés. Par ailleurs, l'arrivée de nouveaux habitants dans les quartiers traditionnels, est accompagnée par le départ de familles marocaines en quête d'un logement plus fonctionnel en ville nouvelle, ce qui crée dans ces quartiers anciens, de nouveaux systèmes sociaux.

A travers ce chapitre, nous distinguerons dans un premier temps, les logiques d'installation de ces nouveaux habitants étrangers. Nous nous arrêterons, ensuite sur le phénomène de reconversion des maisons traditionnelles en des maisons d'hôtes. Un phénomène qui joue un rôle considérable dans la mise en tourisme du patrimoine domestique et sa réutilisation fonctionnelle.

Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons aux profils variés de ces nouveaux venus que nous qualifions de « touristes-résidents », et là, nous nous arrêterons sur une question : Pourrait-on qualifier ces nouveaux résidents étrangers de touristes ? La définition couramment admise du « touriste » selon les normes internationales retenues par la commission statistique de l'ONU, englobe « toute personne voyageant hors de son domicile habituel pour au moins une nuit et au plus un an ». Au-delà d'une année hors de son domicile habituel, le touriste est

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qualifié de « résident ». Or, le désir récemment manifesté par des étrangers de séjourner en médina, et de plus en plus y habiter pourrait être assimilé à une nouvelle forme de tourisme. Si l'on se base sur les écrits de R. BARTHES, « Le résident est en somme un touriste qui répète son désir de rester » (Roland BARTHES, 1972, p.144)50. Le chercheur A.-C. KURZAC SOUALI qualifie à son tour, cet enthousiasme des étrangers pour l'installation en médina de tourisme de résidence tout en appelant ces nouveaux venus, des touristes-habitant.

Nous essaierons finalement d'introduire certains aspects liés à la vie quotidienne de ces étrangers dans leurs rapports entre eux et avec la population locale.

50In: http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ETHN&ID_NUMPUBLIE=ETHN_023&ID_ARTICLE=ETHN_023_05 15

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I- Les propriétés étrangères dans la médina de Fès : D'une installation sporadique à un ancrage du phénomène

L'installation des « touristes-résidents » dans la médina de Fès obéissait au début à une sélection bien claire de quartiers et de maisons avant que le phénomène ne prenne une grande ampleur, faisant tâche d'huile dans le reste de la médina. Le type d'investissement joue aussi en faveur du choix d'un quartier au détriment d'un autre, surtout quand il s'agit de transformer sa demeure en un lieu de commerce généralement sous forme de maison d'hôtes.

1- Répartition spatiale des propriétés étrangères dans la médina de Fès : Des logiques de localisation sélectives

D'après nos observations, jusqu'à la fin du mois de juillet 2008, quelques 233 étrangers ont acheté près de 251 maisons dans la médina de Fès. Le choix du quartier d'installation par ces nouveaux habitants répond à des exigences bien précises (Cf. Carte 7).

En effet, les étrangers jugent le quartier selon différents critères. Le calme, la sécurité, l'accessibilité, l'emplacement, le prix, le voisinage...etc. Autant de logiques qui interviennent, à des degrés différents, dans le choix du quartier chez les différents étrangers. Au début du processus de la mise en tourisme engagé par ces nouveaux venus, les installations étrangères étaient limitées à certains quartiers. Le choix par les pionniers du quartier d'installation était surtout lié aux qualités architecturales de la maison. Ainsi, les toutes premières maisons achetées se trouvent au coeur du centre historique dans le quartier Qarawiyine. Depuis, et en raison de la forte demande, les achats se diffusent peu à peu dans l'ensemble de la médina. En général, les étrangers préfèrent s'installer dans les quartiers calmes, et la sécurité passe avant tout autre critère. Les quartiers jugés sûrs sont généralement ceux qui se trouvent dans la partie ouest de l'oued Boukhrareb, appelée Adwat Al Qarawiyine. Ils préconisent ainsi l'installation dans les quartiers ouverts et aérés, dans lesquels ils se sentent le plus en sécurité et où ils peuvent vivre calmement loin des foules de Tala'a Kbira et Tala'a Sghira, notamment à Batha, Douh, Ziat, Aïn Azliten et Lamtèyene.

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Carte 7.

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L'accessibilité, est également un facteur important pour l'achat d'une demeure. Dans une médina aussi grande que celle de Fès, les premières vagues d'étrangers se sont installées près des grandes portes menant à la ville nouvelle, des voies carrossables, des parkings et des stations de taxis (Batha à l'entrée de la médina, Ziat, Douh, Zerbtana près de Bab Boujloud, Aïn Azliten, longeant la muraille à l'ouest et du côté de la percée de Bab R'cif). Ceci est le cas surtout pour les étrangers voulant convertir leurs demeures en maisons d'hôtes, afin de faciliter l'accès des touristes à ces maisons.

Hormis le facteur d'accessibilité, d'autres raisons interviennent dans le choix de la localisation, mais cette fois-ci en relation avec la situation centrale du quartier. La vue panoramique a été un critère de choix des premières maisons d'hôtes étrangères ouvertes dans la médina, notamment du côté d'Aïn Azliten donnant sur des espaces verts. Le phénomène de reconversion des demeures anciennes en maisons d'hôtes a commencé au quartier Batha, puis Ziat et Douh pour ensuite toucher d'autres quartiers comme Tala'a, Fondouk Lihoudi et Zenjfor. En effet, ces quartiers bien localisés abritent des maisons de type néo-traditionnel, relativement encore en bon état et de grande taille, idéales pour être aménagées en maisons d'hôtes51.

Par ailleurs, d'autres étrangers résidant de façon permanente dans la médina, préfèrent habiter à proximité de leur lieu de travail ou à côté des commerces, des souks de fruits et de légumes et des sites culturels. Ce qui explique la concentration des propriétés étrangères dans les deux axes parallèles de Tala'a Kbira et Tala'a Sghira. Réputés également pour leurs belles demeures de l'époque des Mérinides.

Un autre critère pas moins décisif que les précédents, est celui du prix. En effet, face à la grande demande étrangère en anciennes demeures de la médina et avec l'élargissement de la gamme des acheteurs pour regagner les étrangers de la classe moyenne, les prix de l'immobilier ont incroyablement doublé, surtout dans les quartiers au fort succès, qui obéissent aux différents critères de choix mentionnés antérieurement. Ainsi, les zones jusque là rejetées, pour des raisons d'inaccessibilité ou d'insécurité, gagnent en importance. C'est

51Selon l'Arrêté ministériel n° 1751.02 du 23 chaoual 1424(18 décembre 2003) fixant les normes de classement des établissements touristiques : « La maison d'hôtes classée «première catégorie » doit disposer d'un minimum de (05) chambres et/ou suites et d'un maximum de trente (30) chambres et/ou suites.

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ainsi, que les étrangers ont commencé à s'aventurer encore plus au fond de la médina, mais aussi, et au cours de l'année 2008, dans les quartiers du côté Est de la médina, appelé Adwat Al Andalous, notamment à Bab Khokha, jugé extrêmement dangereux, et où les maisons sont plutôt récentes. En effet, au lieu d'acquérir une maison à Ziat à 100 Millions de Dirhams, les étrangers peuvent en avoir une similaire dans d'autres quartiers moins accessibles mais à moitié prix.

Le choix du quartier peut, par ailleurs, être conditionné par la maison elle-même, suite à de longues recherches décevantes ou par amour de son architecture. C'est généralement les habitants de nationalité américaine et anglaise qui sont les plus sensibles à ce dernier aspect. Ils sont séduits par les maisons de statut Habous qui n'ont jamais été restaurées et qui gardent de ce fait leur authenticité, comme c'est le cas des maisons du quartier Chrablyine.

A Fès, les maisons acquises ou occupées par des étrangers se trouvent pratiquement dans tous les quartiers. Elles se concentrent, cependant, dans la partie ouest de la médina avec des groupements dans les axes de Tala'a Kbira et Sghira, le quartier de Batha et Ziat, Qarawiyine et Chrablyene. Les préférences de localisation sont assez sélectives en fonction de la sécurité du quartier, son accessibilité et son environnement. Avec l'évolution des prix du marché de l'immobilier, le mouvement d'achat s'est déplacé vers d'autres quartiers jusque là moins attractifs. Il a ainsi touché des espaces géographiques plus étendus en médina et une gamme de bien immobiliers plus large (dar, riad, petites demeures réunies), selon l'usage qui en sera fait.

2- Le phénomène de reconversion des anciennes demeures en maisons d'hôtes par les étrangers : Un support à la mise en tourisme de la médina

Afin de s'adapter à l'évolution de la demande touristique en services de qualité personnalisés, et en dehors des multiples formes d'hébergement touristique classiques, de nombreux étrangers acquièrent des riads et demeures traditionnelles pour de plus en plus, les convertir en maisons d'hôtes. Les demeures anciennes de la médina de Fès acquièrent ainsi rapidement une vocation touristique et rentrent en concurrence désormais avec les fameux riads de Marrakech et d'Essaouira.

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Le potentiel particulier de ce type d'hébergement suscite une demande touristique importante, en ce qu'il permet au touriste une immersion dans l'ambiance traditionnelle locale et un certain dépaysement fortement recherché. Le patrimoine domestique dûment chargé de valeur devient ainsi un vrai support au développement de nouveaux produits touristiques.

La première maison d'hôtes étrangère à Fès a ouvert ses portes en 2000 au quartier de Tala'a Kbira, et ce n'est qu'en 2007, qu'un bon nombre de maisons d'hôtes est apparut officiellement dans la médina. Cependant, en l'absence d'un bon encadrement de cette activité récente, beaucoup de personnes opèrent de façon clandestine et ne déclarent pas leurs activités. La cartographie de la localisation des maisons d'hôtes étrangères est représentée dans -la Carte 7-, cité précédemment. Elle traduit comme nous l'avons souligné auparavant des priorités d'investissement dans des zones bien précises.

L'engouement pour les maisons d'hôtes à Fès reste très modeste en comparaison avec Marrakech, qui se veut être le laboratoire de cette formule d'hébergement. L'ambiguïté due au vide juridique au moment de la prolifération des premières maisons d'hôtes a créé une certaine anarchie qui a fait coulée beaucoup d'ancre du côté de la presse nationale. Mais dans cette désorganisation qui marque le cadre global où ont évolué les maisons d'hôtes, la ville de Fès paraît être un bon exemple. En effet, contrairement à Marrakech, ce sont surtout les autochtones aisés qui reprennent en main ce type de commerce tout en veillant au respect des spécificités locales. Des associations de défense et de sauvegarde de patrimoine existent et une démarche qualité est initiée à grande échelle. Les autorités marocaines se sont toujours refusées à accorder aux investisseurs étrangers les mêmes facilités qu'à Marrakech par exemple. C'est ainsi que le respect de la diversité culturelle de la médina a mieux préservé son authenticité qu'ailleurs.

Les premiers textes régissant le statut des maisons d'hôtes ont été initiés par le ministère du Tourisme en 1997. Il s'agissait de créer une législation inspirée du modèle européen et adaptée au Maroc. Les textes européens concernent généralement d'anciens bâtiments historiques tels que les maisons d'hôtes, les gîtes d'étapes et les relais château en France ou encore les Paradores52 en Espagne. Ces textes prévoyaient que ces riads soient faciles d'accès,

52 Il s'agit d'un type d'hébergement qui propose de séjourner dans des châteaux anciens, des palais et des édifices historiques.

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qu'ils fassent l'objet d'une réelle rénovation pour une meilleure conservation du patrimoine et qu'ils répondent à des normes d'hygiène aux standards internationaux53.

L'administration de tutelle a laissé couler beaucoup de temps avant qu'elles réagissent fin 2003 pour réglementer ce type d'hébergement et instaurer ses normes de classement. Les premiers rappels à l'ordre des pouvoirs publics en vue du contrôle du mode de gestion des maisons d'hôtes, datent de 2002. L'arrêté du ministre du Tourisme date du 18 décembre 2003 (B.O n°5192 du 4 mars 2004). Il est venu fixer les nouvelles normes dans ce secteur d'activités et déterminer le cahier des charges pesant sur chaque catégorie d'établissement touristique y compris les maisons d'hôtes. Cet arrêté a donné lieu à la mise en vigueur de la loi 61-00 portant sur les normes de classement, et qui distingue entre deux catégories de maisons d'hôtes, la première et la deuxième. La notion de maison d'hôte n'est plus utilisée à tord et à travers. Il faut, en effet, que la maison d'hôtes soit caractérisée « par son architecture marocaine traditionnelle, sa décoration et son ameublement de style typique marocain 54 ». Avec ces nouveaux statuts, toutes les maisons d'hôtes qui sont recensées par le ministère du Tourisme seront soumises aux mêmes taxes et impôts que tout autre établissement hôtelier.

Par ailleurs, et suite au décret n° 2-02-186 du 5 mars 2002, publié au B.O. n° 4984 en date du 07-03-2002, le classement des établissements touristiques, et donc des maisons d'hôtes, a été délégué au Wali de la région, après avis d'une commission consultative dite « commission régionale de classement55 ». Le Wali peut également modifier le classement de tout établissement si les conditions d'exploitation le justifient. Les demandes de classement doivent être adressées au délégué du tourisme deux mois au moins avant la date de la mise en exploitation de l'établissement, et un délai de deux ans est donné aux maisons d'hôtes déjà existantes pour se mettre à niveau.

L'application des classements supposés par la loi en vigueur présente, toutefois, des limites dues aux incompatibilités qui surgissent sur le terrain. Il s'agit d'incohérences entre, d'une part, les exigences du classement et les projets des patrons de maisons d'hôtes, et d'autre part,

53 Economie & Entreprises, juillet-août 2000, p 73.

54 Selon l'arrêté du ministre du tourisme N° 1751.02 du 23 chaoual 1424(18 décembre 2003) fixant les normes de classement des établissements touristiques, p 95.

55 Cette commission est présidée par le délégué du tourisme, et est composée des chefs de la division économique et sociale du service d'hygiène, du représentant de la protection civile de la préfecture ou de la province du lieu d'implantation, du directeur de l'école hôtelière relevant du département du tourisme, des présidents des associations régionales de l'industrie hôtelière, d'agences de voyage et de restaurateurs.

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entre les exigences de confort et de modernité que supposent la loi et les attentes des touristes ayant choisi cette forme d'hébergement. Ceci est dû en partie à la réalité particulière de la médina et de ses demeures, mais aussi au fait que les pouvoirs publics n'arrivent pas encore à bien cerner ce nouveau mode d'hébergement.

En effet, la classification établie des normes standards aux maisons d'hôtes incompatibles avec leur vocation (A-C.KURZAC SOUALI, 2006, p233.). L'offre en services exigée pour le classement d'une maison d'hôtes s'applique généralement aux hôtels classiques. Elle est, par conséquent, difficilement réalisable et surtout non souhaitée par les touristes, dans le cas d'une maison d'hôtes. La loi suppose par exemple, que la maison d'hôtes soit dotée d'un parking gardé jour et nuit ou de lieux d'arrêts à proximité de la maison d'hôtes, réservés spécialement pour les clients. Elle suppose également que la maison d'hôtes dispose d'un minimum de 5 chambres qui doivent avoir chacune une superficie minimale de 14m2. Ceci va parfois à l'encontre de la spécificité des demeures traditionnelles et des réalités de l'accès dans la médina, généralement labyrinthique.

D'autre part, la maison d'hôtes doit également répondre à des critères de confort et de services, qui sont reproduits selon le modèle de fonctionnement d'un hôtel classique. Nous citons en exemple, les critères relatifs aux sanitaires dans les locaux communs (sèche mains électrique, boîtes à rebuts et distributeurs de savon liquide), ou encore des cabines téléphoniques insonorisées dans le hall de la réception, d'une piscine (si l'infrastructure le permet), d'un mini-bar dans le cas des maisons d'hôtes de deuxième catégorie. Ceci est loin de répondre aux critères de l'authenticité recherchée par les touristes. Il serait plus approprié d'intégrer et d'adapter la notion du confort au cadre urbain original, sans pour autant nuire à ce qui fait la particularité de cette formule d'hébergement qui prend les pratiques et les modes de vie en médina comme des supports d'activité en soi.

En outre, la classification des maisons d'hôtes ne prend pas en compte le contexte local pour ce qui est des normes relatives au personnel, et qui supposent que « Tout le personnel de l'établissement doit être issu d'une école hôtelière ou d'un centre de formation spécialisé ou bien, justifier d'une formation ou d'un apprentissage adéquat », et que le directeur de la maison d'hôtes « doit être de bonne moralité, titulaire d'un diplôme en tourisme ou avoir bénéficié d'une formation en hôtellerie ou justifier d'une expérience en matière de gestion d'unités touristiques ». Ceci est loin de correspondre à la réalité. En effet, les promoteurs des

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maisons d'hôtes ont investis pour la plupart dans de vieilles demeures qu'ils ont ensuite restaurées avant de s'improviser eux-mêmes hôteliers. En plus, les critères de recrutement du personnel ne correspondent pas au profil des personnes employées dans les maisons d'hôtes dans la médina. La plupart du personnel requis est non diplômés. Il s'agit, de personnes habitants la médina, des voisins généralement, qui sont recrutés sur la base de leur expérience ou de leur dynamisme.

Au cours de l'année 2007, l'ensemble des patrons des maisons d'hôtes dans la médina de Fès avait tenu une réunion avec le Wali de la ville afin de discuter de la nouvelle réglementation régissant les normes auxquelles doivent obéir les maisons d'hôtes. La plupart de ces patrons, généralement étrangers, souhaitent convertir leur demeure en une maison d'hôtes, s'acquitter de leurs taxes et impôts et régulariser leur statut. Or, la nouvelle loi de classement semble ne pas les aider. Le Wali avait donné son accord, suite à cette réunion, pour qu'ils opèrent en attendant de leur trouver une solution, mais depuis rien n'a changé. « Ils mettent les bâtons dans les roues des investisseurs étrangers », nous affirme avec déception, un patron étranger d'une maison d'hôtes en attente du classement de son hébergement. Les patrons de maisons d'hôtes demandent des dérogations multiples qui concernent dans la plupart des cas le nombre minimum des chambres devant exister dans la maison d'hôtes, ou encore leur taille, l'introduction du salon marocain, le respect de l'architecture et autres dispositifs réglementés par la loi 61-00 citée précédemment.

En tout état de cause, le phénomène « Riad-maisons d'hôtes56 » constitue une bonne solution pour Fès afin de remédier au déficit en capacité d'hébergement dont elle souffre, surtout que la demande touristique semble préférer de plus en plus, le logement dans des structures pareilles plutôt que de s'adresser à un hôtel cinq étoiles.

L'implantation de maisons d'hôtes dans les espaces résidentiels les plus anciens, à forte valeur patrimoniale et à proximité des espaces fréquentés par les touristes, participe fortement dans la valorisation touristique de la médina de Fès. Cette mise en tourisme est moins perceptible quand il s'agit d'acquisition de maisons à titre privé. Il y a ici comme l'affirme M. BERRIANE, un besoin mutuel entre le tourisme et le patrimoine architectural (BERRIANE,

56 Pour reprendre la locution utilisée par le chercheur Rachida SAÏGH BOUSTA, pour qualifier les anciennes demeures des médinas, transformées en maisons d'hôtes.

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2003). Le premier ayant besoin de diversification et d'originalité et le deuxième en quête de reconnaissance, de restauration et d'entretien.

II- Les étrangers en médina : Acteurs et réseaux

Les étrangers venant s'installer en médina sont de nationalités et de profils socioprofessionnels très variés. Ainsi, leur pratique de la médina et de leur quartier d'habitat en tant que nouvel espace de séjour diffère d'un individu à un autre et d'une communauté étrangère à une autre. Ce nouvel espace de vie est également pour ces nouveaux « touristes-résidents », un espace de rencontres et de cohabitation entre les différents étrangers mais aussi entre ceux-ci et les autochtones.

1- Le profil des nouveaux touristes

Ils sont passés d'un seul étranger en 1997, à 140 selon le Recensement Général de la Population et de l'Habitat en 2004, pour devenir en l'espace de quatre ans quelques 233 étrangers dans la médina de Fès. Ces nouveaux touristes résidant dans la médina sont de profils très variés. En effet, ce qui nous a le plus marqué dans la médina de Fès c'est le grand mélange des nationalités différentes qui y existe actuellement (Cf. Carte 8).

Les français forment le groupe le plus important en constituant 50% des étrangers. Ils sont suivis par les anglais avec 17%, les américains avec un pourcentage de 9%, puis les espagnols et les italiens avec environ 3% pour chaque groupe.

Par ailleurs, on trouve avec 2% et moins pour chaque nationalité, les algériens, les irlandais, les australiens, les allemands, les néerlandais, les canadiens, les britanniques, les suisses et les norvégiens. D'autres nationalités sont représentées par un seul habitant, telle une indienne, un colombien, une vénézuélienne, un sud africain, un néozélandais, une autrichienne, un irakien, et une famille palestinienne (locataires). La médina est en effet devenue un vrai foyer d'accueil des étrangers de partout dans le monde, s'inscrivant à plein dans le processus de la

Carte 8.

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mondialisation. Pour saisir l'importance de ce bouleversement il faut rappeler qu'à la veille de l'Indépendance, il était interdit pour un non marocain de s'installer dans la médina.

Les Européens principalement représentés par les français sont aussi majoritaires dans les autres médinas de Marrakech et d'Essaouira, amplement touchées par ce phénomène. Les touristes français représentent depuis toujours la principale clientèle touristique à Fès, atteignant en 2006, selon les statistiques du Ministère du Tourisme, près de 25% du total. Ce sont, selon M.BERRIANE et H. SEBBAR (1999), des vacanciers qui s'intéressent au « tourisme itinérant » et programment souvent la visite de la ville impériale pendant leur séjour au Maroc.

Il semblerait, cependant, que la population anglo-saxonne soit de plus en plus importante. Comme nous l'affirme une touriste anglaise habitant en médina, il semblerait qu'en Grande Bretagne comme aux Etats-Unis, Fès est devenue une destination à la mode.

Ce qui est intéressant à souligner également c'est la localisation de ces étrangers selon leur nationalité. Les français, sont présents dans tous les quartiers de la médina et sont les plus nombreux à investir en maisons d'hôtes. Les anglais et les américains eux, se regroupent essentiellement dans le coeur historique de la médina, à côté des commerces et sites culturels principalement dans l'axe de Tala'a Kbira et Tala'a Sghira et les quartiers qui les entourent.

Par ailleurs, les étrangers résidant en médina sont pour la plupart jeunes. On y rencontre des habitants dans les vingtaines, mais aussi et majoritairement des profils entre 30 et 50 ans puis des retraités. On peut en effet, distinguer trois profils différents de la manière suivante : les retraités venus s'accorder une retraite paisible au soleil, les personnes entre les trente et les cinquante ans, qui décident généralement de changer de vie, et enfin ceux ayant reçu une bonne offre d'emploi à Fès et qui décide de s'installer en médina.

Par ailleurs, ces nouveaux « touristes-habitants »57, sont de profils socioprofessionnels importants. Ils sont des gérants de sociétés ou de maisons d'hôtes, des professeurs, des architectes, des ingénieurs, des médecins, des guides...etc.

57 Pour reprendre l'expression utilisée par le chercheur Anne-Claire KURZAC SOUALI, pour désigner les étrangers qui s'installent dans les médinas marocaines.

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2- Les communautés étrangères : réseaux et cohabitation

Les quartiers d'installation des étrangers dans la médina constituent des espaces urbains en mutation par un processus de mise en tourisme mais aussi et surtout, pour ces nouveaux venus, des espaces sociaux de vie et de cohabitation avec les marocains. Ses liens sociaux vont des simples rapports de voisinage noués avec les autochtones, aux réseaux relationnels créés avec les autres étrangers habitant la médina.

Les relations entre les étrangers se tissent principalement entre les résidents de la même nationalité, ou du moins parlant la même langue. La solidité des rapports tient à différentes affinités, parmi lesquelles, la fréquence de la présence de l'étranger en médina. En effet, certains étrangers y viennent passagèrement, par contre d'autres y vivent de façon permanente. Certains en font leur lieu de travail pendant que d'autres l'envisagent comme un espace de résidence ou de villégiature. Les premiers étant le plus souvent sur les lieux, ont le plus de chance d'établir des liens plus étroits avec le reste de la communauté étrangère.

A Fès, et d'après nos observations, le réseau le plus solidaire est celui de la population anglophone. Ceux-ci semblent s'organiser autour d'un américain dans les cinquantaines, directeur du centre d'enseignement d'anglais et de l'arabe, qui a acquis une grande réputation auprès des différents étrangers, mais aussi auprès des habitant de la ville en générale, pour avoir été le premier étranger à acheter une demeure traditionnelle en médina, pour en acquérir par la suite quatre autres. Cet esthète américain, comme le qualifie Justin MCGUINESS (J.MCGUINNESS, 2006, p.191), est devenu spécialiste de l'acquisition et de la restauration des riads et demeures traditionnelles. Il a créé à cet effet, un site Internet très riche en informations utiles à tout nouveau étranger (anglophone, puisque le site est en anglais), souhaitant s'installer dans la médina de Fès58. En effet, à travers son site Internet, il explique aux étrangers comment acheter et restaurer une maison ou un riad à Fès dans le but de les encourager mais aussi pour leur faire part de ses expériences afin de leur faire éviter les erreurs que lui ou d'autres étrangers ont pu commettre. Comme il cite différents contacts utiles d'ingénieurs, d'architectes, d'agents immobiliers et différents autres administrateurs, qui peuvent aider à une étape ou à une autre de l'achat de la maison.

58 http://www.houseinfez.com.

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Nos enquêtes de terrain nous ont, en effet permis de vérifier la position centrale de cet américain dans les choix à prendre par les nouveaux "touristes-résidents" d'origine anglophone, en matière de consultation et de demande de conseils. Des habitants anglais nous ont affirmé le rôle de celui-ci et l'utilité de son site Internet comme source d'information.

D'autre part, et en sa qualité de "pionnier" en médina, cet américain s'amusait à enregistrer, jusqu'en 2002, et avec précision, tous les autres étrangers venant s'établir en médina et ce depuis son installation en 1997. Il est même un interlocuteur privilégié auprès des autorités locales et du Wali comme interface entre les autorités et cette communauté étrangère. Il est intéressant de souligner également, qu'en sa qualité de directeur du centre linguistique, cet habitant américain loue une de ces maisons en médina aux enseignants et aux étudiants étrangers ou leur propose de vivre au sein d'une famille marocaine, pendant une à deux années, avant que ceux-ci ne se décident généralement à s'acheter eux-mêmes une maison traditionnelle.

Le réseau de contact entre les étrangers se développe généralement dans le sens d'une communauté d'intérêts. Ces étrangers "néo-Fassis" comme les qualifient Justin MCGUINNESS (Idem, 2006), se partagent les informations relatives aux processus d'acquisition d'une demeure, sa restauration, le coût des travaux,...etc. comme ils peuvent tisser des relations d'amitié avec des samsars marocains qui les aident et les accompagnent aussi pour la traduction ou toute autre démarche.

Le motif d'installation et la situation sociale du nouvel habitant aident au rapprochement entre les différents groupes. Nous avons noté ici, l'exemple des patrons de maisons d'hôtes qui se réunissent et se rendent souvent visite et s'organisent en association. D'autre part, les étrangers ayant noués des liens d'amitiés peuvent s'inviter mutuellement. Dans ce sens, les anglophones ont créé leur point de rencontre à eux en médina, le café culturel dont le patron est un anglais. C'est pour eux un lieu de rencontre idéal pour manger ensemble, prendre un pot, discuter ou travailler au calme.

D'autres étrangers, par contre, semblent être moins ouverts à la rencontre ou à la connaissance des autres membres de la communauté étrangère, et n'entretiennent ainsi aucune relation avec

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eux. Ils sont généralement des habitants dont le lieu de travail est en ville nouvelle et qui ne passent, ainsi, que peu de temps en médina.

Habiter dans l'ancienne médina, c'est aussi côtoyer de plus près les aspects de la vie quotidienne de l'autochtone. Les nouveaux étrangers s'intéressent à tous ce qui concerne leur ville adoptive. Une jeune anglaise mariée à un marocain est constamment vêtue en habits traditionnels marocains et ne parle aux marocains qu'en arabe. Un autre couple d'une française mariée à un allemand, est devenu un couple vivant à la marocaine dans la façon de s'habiller à la marocaine et de vivre à la marocaine. C'est des manières parmi d'autres de se faire accepter et de s'adapter à leur nouveau milieu de vie. La cohabitation entre les étrangers et les marocains commence par les liens de voisinage, ainsi les contacts entre le fassi et son nouveau voisin étranger peuvent prendre forme à travers les incidents de tous les jours. Ces relations sont souvent modestes, mais courtoises. Un voisin demandera son avis à l'étranger sur les travaux qu'il est en train de faire exécuter et lui montrera sa maison. Le représentant des résidents lui proposera de devenir membre de leur association du quartier...etc. (J.MCGUINESS, 2006, p.196). En plus, ces étrangers font souvent travailler des marocains chez eux, surtout quand il s'agit d'un lieu de commerce (Maison d'hôtes, café,...). Comme le souligne M.BERRIANE, "de façon générale, les premiers acquéreurs ont été accueillis à bras ouverts par les habitants de ces quartiers anciens: ils apportent des devises, du travail (gardiennage, travail ménager) et des consommateurs de biens et de services, et contribuent à la relance des activités artisanales" (BERRIANE, 2003).

Les relations de proximité et de voisinage entre ces nouveaux habitants étrangers et la population locale n'ont pas encore fait l'objet d'une recherche ou d'enquêtes approfondies. Elles ont, néanmoins, été introduites dans les écrits de J. MCGUINNESS qui explique, sur la base de plusieurs séries d'entretiens réalisés auprès des nouveaux habitants étrangers, quelques aspects liés à la nécessité pour ces derniers, de se faire accepter dans leur nouvel environnement. Une enquête plus fine sur « Le voisinage des Ryads-maisons d'hôtes (RMH) dans la médina de Marrakech », a été néanmoins encadrée par le chercheur R. SAIGH BOUSTA, afin de cerner les transformations de la vie du quartier historique face à la prolifération rapide des riads reconvertis en maisons d'hôtes à Marrakech. Le chercheur A.-C. KURZAC SOUALI, s'est également arrêtée sur les rumeurs et cohabitation en médina de Marrakech face à l'installation d'étrangers, sous le thème de « l'Autre où on ne l'attendait pas ». Ces recherches

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sont révélatrices d'une superficialité relative concernant les contacts de la population marocaine avec les étrangers en médina.

La mise en tourisme de la médina par ses acteurs étrangers de plus en plus nombreux est perçue, d'une part, comme valorisante, étant donné que les nouveaux venus participent à l'amélioration de l'environnement local et offrent des opportunités d'emplois pour les habitants du quartier. D'autre part, l'arrivée d'étrangers est susceptible de générer des craintes par les anciens habitants, surtout dans les quartiers les plus investis, notamment par les maisons d'hôtes. La réaction des habitants est, en effet, généralement basée sur un sentiment de danger et de perte des repères identitaires et traditionnels.

Il serait intéressant de consacrer un travail de recherche ultérieur aux aspects liés à cette problématique de pratique de la médina par les étrangers et les questions de la cohabitation et des rapports entretenus entre les marocains et ses nouveaux touristes-résidents en le renforçant par des enquêtes et des entretiens.

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Conclusion

L'insertion d'une nouvelle population étrangère dans la médina de Fès et l'extension des types d'investissements entrepris par ces touristes résidant dans l'espace traditionnel confirme l'ancrage spatial d'un processus de mise en tourisme dans la médina. La multiplication des achats de maisons pour en faire des résidences secondaires et des maisons d'hôtes vient compléter ce phénomène.

L'installation récente des étrangers dans la médina s'opère selon des logiques de localisation relatives à des critères d'accessibilité, de sécurité, de bonne situation et de convenance du prix au pouvoir d'achat. En effet, l'habitat traditionnel a été, en l'espace de quelques années, très sensiblement réévalué sur le marché immobilier. D'autre part, selon qu'il s'agisse d'une maison privée ou d'une maison à usage commercial (maisons d'hôtes, restaurant, café...), les choix d'installation suivent, en préconisant les lieux à haute fréquentation touristiques ou les lieux à vue panoramique.

Il existe en outre, un mélange très intéressant de nationalités et de profils socioculturels dans la médina. Ces habitants étrangers ont toutefois, tous pour point commun la pratique et l'expérience d'un nouvel espace de vie qui leur est étranger. Ils participent ainsi par leur présence à un côtoiement plus resserré entre les deux communautés, étrangère et marocaine habitant la médina. De nouveaux rapports s'établissent ainsi, entre l'étranger et son nouvel espace de vie, et entre les habitants locaux et ce nouveau venu.

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CONCLUSION GENERALE

Ce travail de recherche est une interrogation menée sur le processus de la mise en tourisme de la médina de Fès, à travers le phénomène d'acquisition des demeures traditionnelles par les étrangers. En effet, dans un contexte d'ouverture du Maroc aux investissements étrangers, soutenu par une volonté nationale pour le développement du secteur du tourisme au pays, la médina en générale, et ses demeures anciennes en particulier acquièrent un nouveau statut parmi les produits touristiques proposés aux touristes. Ces derniers sont devenus, de plus en plus, demandeurs d'authenticité et d'exotisme, qu'ils trouvent désormais dans le centre historique marocain.

A travers ce travail de recherche, nous avons cherché à mettre l'accent sur la mise en valeur patrimoniale et touristique de la médina de Fès à travers l'achat des riads et anciennes demeures par les étrangers. Nous avons à cet effet, rappelé le contexte de l'apparition de ce phénomène dans les villes de Marrakech et d'Essaouira, étant donné que c'est par ces deux médinas qu'il a commencé. La médina de Fès a ainsi suivie et est devenue de plus en plus vécue par des Occidentaux qui décident d'y investir, d'y concevoir leur travail, d'y séjourner en vacances dans une résidence secondaire ou d'y vivre au quotidien.

Dans la ville ancienne de Fès, le développement économique est basé essentiellement sur le tourisme qui repose sur la valorisation du patrimoine. Ceci est illustré par le poids des investissements occidentaux, appuyés par une souplesse des pouvoirs locaux dans la gestion de ce dernier.

Tout au long de ce mémoire nous avons essayé d'apporter des réponses aux questionnements et aux hypothèses que nous nous étions posés au début de ce travail de recherche. Nous avons ainsi pu connaître de près, différents aspects liés aux acquisitions des demeures anciennes dans la médina de Fès. La médina redevient, en fait, un lieu à habiter et à vivre par des étrangers de nationalités très variées et de profils différents.

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Nous avons cherché à appliquer le concept de la mise en tourisme sur le cas de la médina de Fès qui, selon nos recherches, est entrain d'être mise en tourisme par le bon vouloir de pouvoirs publics et d'acteurs privés souvent étrangers. Les politiques de sauvegarde et de valorisation largement menées dans la médina sont soutenues par des acteurs locaux à travers des planifications strictes, appuyées par des programmes et des actions volontaristes pour le soutien au développement d'un tourisme culturel à Fès, dans le but d'en faire une destination touristique à part entière. Parallèlement à cela, la grande mobilité des étrangers depuis la fin des années 1990, investissant en médina en achetant des habitations anciennes, participe à la restauration du patrimoine domestique et à la touristification de la médina. Ils constituent des acteurs essentiels dans la valorisation du centre ancien de Fès, en l'utilisant, plus encore, comme un patrimoine-ressource. L'élan pour la médina confirme ainsi le choix fait par ces nouveaux "touristes-résidents" de considérer ce lieu comme un espace touristique qu'ils consomment autrement que le temps d'un voyage ou d'un séjour.

Parmi ces nouveaux venus, nombreux sont ceux qui se sont installés dans la médina de Fès, pour le différentiel de revenus qui leur permet de vivre mieux à moindre coût. Cependant, beaucoup y sont dans la quête d'une authenticité perdue ailleurs et une nouvelle façon de vivre à l'ancienne.

Dans une moindre mesure que dans la ville historique de Marrakech, ou même celle d'Essaouira, si nous prenons en compte la taille de la médina, mais généralement dans le même contexte, pour les mêmes raisons, et d'après une même organisation du marché de l'immobilier, les maisons anciennes de Fès se font vendre à des étrangers, pour entre autres en faire des lieux de commerce en maisons d'hôtes, en cafés, en restaurants, ou en galerie d'exposition d'art. Ce qui soutien la mise en valeur touristique du tissu urbain ancien. Cependant, à l'inverse de Marrakech ou d'Essaouira où le phénomène a pris une grande ampleur, les autorités locales à Fès semblent plus vigilantes quand il s'agit d'accorder aux investisseurs étrangers des facilités d'investissement. En effet, le respect de l'héritage culturel de la médina chez les fassis et la volonté de mieux la préserver sont très présents.

A l'issu de cette première recherche sur les acquisitions des anciennes demeures par les étrangers dans la médina de Fès, et pendant l'avancement de nos investigations, il nous est apparu que ce thème est un vrai chantier à explorer. En effet, nous avons, à travers ce mémoire essayé d'apporter des éclaircissements sur ce phénomène récemment apparut à Fès,

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en établissant une sorte d'état des lieux de la question. Nous nous sommes ainsi intéressés au contexte lié à l'apparition de ces nouvelles dynamiques, les principaux acteurs en présence, les modalités d'acquisition des demeures, leur répartition dans l'espace 'médinal', ainsi que les différents usages qui en sont fait. Toutefois, il serait en effet intéressant de s'attarder sur les aspects relatifs aux pratiques de cette nouvelle communauté étrangère et les relations de celle-ci avec son nouvel espace de vie, en mettant l'accent sur les effets de cette mise en tourisme sur l'espace et sur la vie sociale dans les quartiers historiques de la médina, qui deviennent un espace de rencontre et de sociabilité transformés avec l'insertion d'une population étrangère par son identité, ses pratiques et ses perceptions de l'espace et de la société. Il serait également utile de s'interroger sur la perception de la population de la médina de ce nouveau phénomène et ses relations avec ses nouveaux voisins. Enfin, le devenir même du contenu social des anciennes médinas serait digne d'intérêt avec une interrogation quand à une nouvelle société en gestation.

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Annexes

Annexe 1. QUESTIONNAIRE

DATE: N°:

QUARTIER:

Cette enquête sur le phénomène d'acquisition des anciennes demeures de la médina de Fès par des étrangers est réalisée dans le cadre d'un mémoire de master en Aménagement, Développement local et Gestion des Territoires à la faculté des lettres et des sciences humaine de Rabat.

L'objectif de cette étude est de comprendre les raisons et le processus par lequel ces nouveaux habitants occupent la médina.

Je vous remercie d'avance pour l'attention que vous porterez à ce questionnaire et vous souhaite une bonne continuation dans vos projets.

Widad-Jodie BAKHELLA.

IDENTITE DE L'ENQUETE:

1- Nationalité : .

2- Âge :

3- Sexe : Masculin Féminin

4- Situation familiale : Célibataire En couple Autres

5- Profession précise :

LE LOGEMENT :

6- Type d'hébergement : Résidence principale Location

Résidence secondaire Maison d'hôtes

Résidence en copropriété Autres (précisez)

7- 111

Vous vivez dans votre logement en médina : Toute l'année

Partiellement (précisez le nombre de mois, la période de l'année et le lieu de résidence principale)

8- Quelle est la date d'achat (ou de location) de votre logement en médina ?

9- Possédez-vous d'autres maisons en médina ? Oui Non
Si oui, combien ?

10- Où viviez vous avant votre installation : Au Maroc ? .
À Fès ?

En médina ?

CHOIX DE LA LOCALISATION :

11- Pourquoi avez-vous choisi de vous installer au Maroc ?

12- Pourquoi avez-vous choisi de vous installer dans la médina de Fès ?

13- Quels sont les critères qui vous ont décidé pour ce quartier ? Pour cette maison?

14- Comment avez-vous eu l'information concernant les maisons en vente dans la médina ?

15-

112

Quelles sont les démarches que vous avez entreprises et les personnes que vous avez contactées pour trouver une maison dans la médina ?

16- En quelques phrases / mots, évoquez ce que représente, pour vous, la médina de Fès ?

17- Est-ce que votre investissement dans la médina de Fès a une relation avec le succès que cela a eu dans d'autres villes comme Marrakech, Essaouira ...?

18- Avez-vous d'autres projets à réaliser dans la médina de Fès?

Lesquels ?

Facultatif:

Nom :

Adresse/Tel/Mail :

Montant d'achat/ du loyer de la demeure:

Superficie et âge du bâti :

Montant des restaurations :

Remarques :

113

Annexe 2. Déclaration de feu sa Majesté le Roi Hassan II

Le rôle historique que la ville de Fès a assumé pour consolider la civilisation marocaine et répandre les lumières de la foi et de la science, la valeur inestimable de son patrimoine artistique riche de tant de chefs-d'oeuvre que le génie marocain a su produire, qu'il s'agisse de la conception architecturale et urbanistique, de la décoration des mosquées et des médersas ; des créations d'un merveilleux artisanat et de la parfaite organisation des souks, objet de la fierté de la culture arabo-islamique, nous fait une obligation de considérer que la restauration et la sauvegarde de la ville de Fès font partie des missions que nous devons accomplir avec l'aide et l'assistance d'Allah.

Nos ancêtres se sont préoccupés de l'édification et de la promotion de Fès. Dans le passé, Fès avait atteint l'apogée de la civilisation et était devenue un haut lieu de rencontre de rayonnement culturel et une source féconde de la création artistique.

Si les années ont terni quelque peu sa splendeur et si des signes de vieillissement se manifestent dans le corps de ses édifices et de ses monuments, notre devoir aujourd'hui est de la faire revivre et de la rénover afin qu'elle retrouve ses antiques traditions. Nous devons oeuvrer pour que ses fissures soient réparées et que sa vie reprenne son cours normal. Ainsi se dresseront de nouveau dans Fès les piliers de la civilisation sur lesquels une aube nouvelle de science et de sagesse répandra sa lumière.

Notre tâche devient agréable quand nous constatons que le monde entier s'associe à notre effort en reconnaissant la cité de Fès comme un patrimoine universel. C'est ainsi que la conférence générale de l'UNESCO, dans sa session de 1976 à Nairobi, a adopté une résolution faisant de la sauvegarde de la ville de Fès un devoir qui incombe à toute l'humanité.

Il s'ensuivit l'appel que le Directeur général de L'UNESCO, Monsieur Amadou-Mahtar M'Bow a adressé à la communauté internationale pour la restauration et le renouveau de Fès.

A ce propos, nous rappelons à notre peuple et à nos amis qu'en aidant à rendre à Fès sa place dans le concert des civilisations, ils participeront à la renaissance de la gloire éternelle de notre patrie et au développement de la culture islamique sur cette terre d'honneur et de dignité.

Aussi devons-nous donner à notre gouvernement des instructions pour qu'il considère le projet de Fès comme une préoccupation prioritaire et pour qu'il accorde une attention particulière dans le cadre de ses responsabilités relatives :

- aux programmes d'équipement et de l'habitat,

-

114

à la préservation du patrimoine culturel,

- au développement de l'art, de la culture et de la pensée,

- et à la diffusion des enseignements de l'islam.

Le Maroc doit demeurer le pays de l'authenticité véritable,

Le vrai chemin qui mène à la réalisation des ambitions de notre siècle de progrès et de prospérité.

Fait au Palais Royal de Rabat.

Le 8 Ramadan 1400 ( 21 Juillet 1980)

115

Annexe3. Appel de Mr. Amadou-Mahtar M'BOW Ex-Directeur Général de

l'UNESCO

Pour la Sauvegarde de la ville de Fès

En fondant Fès, au deuxième siècle de l'Hégire, dont nous célébrons cette année le quatorzième centenaire, Moulay Idriss Al-Azhar voulait, dans un esprit d'humanité, qu'elle soit la Cité de la Foi et du Savoir. Et, ces vertus, Fès les a incarnées, au plus haut point, tout au long de sa brillante histoire...

Symbole du génie créateur de l'Islam, de sa haute faculté intégratrice, Fès est un témoignage exemplaire de ce que des hommes, mus par la même foi et le même idéal, et venus vers elle d'horizons divers, de Kairouan ou de Cordoue, de l'Est, du Nord ou du Sud, ont pu réaliser en commun.

Lieu de rencontres et d'échanges, elle a trouvé, sur le plan urbanistique, une expression à la mesure du dessein de ses illustres fondateurs et des fonctions économiques, sociales et culturelles que son expansion et le génie de ses habitants ont fait éclore. On pourrait difficilement trouver, dans l'agencement de l'ensemble de mosquées, de sanctuaires, de palais, de maisons, de caravansérails et de marchés qui la constituent, ordonnance mieux équilibrée, plus subtile ingéniosité.

L'espace urbain lui-même y a été organisé dès ses origines de manière à intégrer la cité à son environnement,

Réalisant une parfaite symbiose entre son site et ses fonctions, entre ses ambitions et ses moyens, Fès est ainsi depuis mille ans, et à juste titre, l'une des cités les plus prestigieuses du monde islamique.

L'Université Quaraouiyine, construite quelques décennies après la fondation de la cité, et qui demeure, avec sa mosquée, un foyer d'enseignement et de méditation, est sans doute une des premières universités du monde à avoir pu maintenir son activité pendant plus de dix siècles. Autour d'elle et de tant d'autres mosquées se sont ajoutés les sanctuaires, les célèbres médersas et les zaouias qui ont généreusement accueilli des étudiants venus de toutes les corporations de la ville et de lointaines contrées, pour vivre et travailler ensemble auprès de maîtres illustres...

Ainsi, située au carrefour des grands itinéraires intellectuels et religieux que les fameuses routes commerciales font trop souvent oublier, Fès a constitué un des noeuds d'un réseau intellectuel qui a profondément marqué la trame des relations entre diverses régions du continent Africain, de l'Orient Islamique et de l'Occident Européen ; Elle a été un des principaux foyers d'étude, par où le savoir scientifique et la réflexion fondamentale, épanouis sous l'impulsion de l'Islam, allaient stimuler et

116

parfois même susciter un développement sans précédent des connaissances au seuil du monde moderne.

Mille ans d'histoire n'avaient ni affecté le tissu urbain, ni entamé l'homogénéité architecturale, ni même troublé l'activité intellectuelle et artistique de la ville de Fès. Il n'en va plus de même aujourd'hui. Les transformations rapides que connaissent toutes les parties du monde, et en particulier les villes anciennes, ont eu des répercussions directes sur la Cité...

Les changements sont devenus si importants au cours des dernières décennies que Fès risque, sous la pression de contraintes démographiques, sociales et économiques sans équivalent dans son histoire, de perdre l'originalité profonde qui en fait un des joyaux les plus purs de la culture islamique.

Des ensembles d'une grande valeur architecturale se délabrent ; certaines infrastructures publiques, telles que le système d'alimentation en eau et de drainage des eaux usées, ont atteint un seuil de saturation dangereux. L'artisanat traditionnel, qui est une des sources les plus fécondes de son art, est gravement menacé. Les différents quartiers de la ville, entraînés comme par un tourbillon auquel ils ne peuvent résister, perdent peu à peu chacun sa fonction spécifique...

Pour sauver Fès, le gouvernement marocain déploie depuis des années des efforts d'une grande envergure...

La compagne internationale que la dix-neuvième session de la Conférence générale de l'Unesco m'a demandé d'entreprendre en vue de la sauvegarde, de la réhabilitation et de la réanimation de Fès répond aux mêmes préoccupations que celles qui ont conduit l'Unesco à lancer les campagnes de la sauvegarde des monuments de Nubie en Haute-Egypte et au Soudan, de Venise,...

Mais, c'est une campagne sans précédent, par sa nature, dans l'action de l'Unesco. C'est la première qui soit entreprise en faveur d'une ville islamique. L'action à mener constitue, par son ampleur, l'exemple d'un des défis majeurs que l'humanité doit relever pour préserver et enrichir son héritage culturel, devant les contraintes que nous impose un processus de modernisation et d'industrialisation accélérés. Ce défi est à la hauteur des capacités et de l'imagination de l'homme.

Voilà pourquoi, du site de cette terre qui est par excellence celle de l'homme et de sa quête de l'Absolu, je lance aujourd'hui un appel solennel à la solidarité internationale.

J'invite les gouvernements de tous les Etats membres de l'Unesco, les organisations internationales, gouvernementales et non gouvernementales, les institutions publiques et privées, les organismes de financement, les peuples des différentes

117

nations, à participer par des contributions volontaires de toute nature à la Campagne de sauvegarde, de réhabilitation et de réanimation de la ville de Fès...

J'invite tous les intellectuels, artistes et écrivains, ulémas et juristes, historiens et sociologues, ainsi que tous ceux qui ont pour mission d'informer, journalistes, chroniqueurs, professionnels de la presse, de la radio, de la télévision, du cinéma, à contribuer à sensibiliser le public de tous les pays aux problèmes de Fès et à l'inciter à contribuer à sa sauvegarde...

Je forme l'espoir que les contributions soient à la mesure de la vaste tâche à entreprendre et qu'elles permettent de conserver, pour toujours, l'un des environnements urbains les plus harmonieux que l'homme ait créé, en même temps que de préserver, pour le bonheur de ceux qui l'habitent et de ceux qui la visiteront, son âme collective, qui, depuis plus de onze siècles, porte le plus actuel des messages : celui de la solidarité et de la fraternité de tous les hommes.

Amadou-Mahtar M'BOW.

Fès, le 23 Joumada 1400 (9 Avril 1980).

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Annexe 4. Discours de Mr. Federico MAYOR
Directeur Général de l'UNESCO

Si le nom d'Abou Simbel résonne si glorieusement à nos oreilles, c'est bien évidement à cause de la beauté majestueuse de ces temples nubiens, mais peut-être plus encore parce que ce site fut l'éclatante preuve que la mobilisation de la communauté internationale et sa détermination pouvaient conduire au plus grand sauvetage archéologique de l'histoire. Cet exemple mondialement connu n'est pas la seule illustration de la volonté de préserver les chefs-d'oeuvre de l'humanité ; il y a aussi Borobudur, Sana'a, la vallée de Kathmandou, pour ne citer que ceux-là. La sauvegarde de ces sites en péril est l'exemple parfait de ce que peuvent accomplir la solidarité et la fraternité humaines.

Compte tenu de la mission que lui confiait son Acte constitutif, l'UNESCO était toute désignée pour promouvoir la conservation et la protection du patrimoine universel. Depuis 1966, vingt-six campagnes internationales de sauvegarde ont été engagées. A vingt-six reprises, donc, mes prédécesseurs et moi-même avons tenté de faire prendre conscience à l'opinion publique que ce patrimoine était commun à tous, que ces chefs-d'oeuvre étaient universels et que, bien au-delà de sa spécificité culturelle ou de sa localisation géographique, un site est avant tout le témoin et le symbole de la chaîne ininterrompue de la créativité humaine.

Cette année, la Convention du patrimoine mondial célèbre son vingtième anniversaire. En vingt ans, cet instrument a permis l'inscription de 358 sites sur la liste du patrimoine mondial, parmi lesquels on peut citer l'arrondissement historique de Québec, les parcs des Montagnes rocheuses canadiennes ou encore la grande muraille de Chine, Machu-Pichu, Teotihuacan et le Mont Saint-Michel. J'ai tenu à marquer l'importance que j'y attache en créant cette année au secrétariat de l'UNESCO un Centre du Patrimoine Mondial dont la tâche est de promouvoir, dans une même approche, la conservation du patrimoine culturel et celle du patrimoine naturel de l'humanité. Les meilleurs experts dans les domaines de la conservation et de la restauration seront donc mobilisés afin de suivre l'état de conservation des sites déjà inscrits et, le cas échéant, de proposer leur inscription sur la liste de patrimoine mondial en péril - qui compte aujourd'hui neuf sites. Le centre doit donner à la Convention un nouvel éclat en veillant tout spécialement à informer le public et à le sensibiliser à la protection du patrimoine.

Mais une campagne internationale de sauvegarde n'a pas pour seul objectif de restaurer ou de préserver des monuments ; elle vise aussi à rendre des sites à la vie, à faire en sorte que le coeur des villes-mémoires battent à nouveau avec force. La compagne de sauvegarde est génératrice d'un progrès qui prend racine dans la fierté du patrimoine revalorisé. Elle comporte indéniablement une dimension humaine, moins visible certes, mais de loin la plus importante. Et quelle autre ville que Fès, cité de la foi et de savoir, peut mieux illustrer cette dimension ? La campagne de Fès était,

119

lors de son lancement en avril 1980, la première campagne entreprise en faveur d'une ville islamique. L'action à mener constitue, par son ampleur, l'exemple d'un des défis majeurs que l'humanité doit relever pour préserver et enrichir son héritage culturel devant les contraintes que lui impose la modernité.

Sur cette terre du Maroc, au confluent de l'Afrique, de l'Orient et de l'Europe, naissait il y a plus de douze siècles, la médina de Fès. Avec elle naissait une communauté humaine ouverte, tolérante, multi-confessionnelle, qui allait façonner non seulement une composition urbaine associant harmonieusement nature et culture, mais aussi un art de vivre où la solidarité et la discrétion côtoient l'élégance. Mille ans ont passé sur la ville sans briser son ordonnance secrète ni altérer son rayonnement, sans ébranler les continuités vitales entre sa population, son architecture et son site.

Mais il n'en va plus de même aujourd'hui. Les aléas du temps ont terni la splendeur de ses édifices et commencé à anémier ses facultés créatrices. La ville est blessée, fragilisée. Pour cette médina, unique en son genre dans le monde arabe, il s'agit d'assurer à la fois la protection du système monumental et des richesses artistiques, la revitalisation de la tradition artisanale et la mise en oeuvre d'une stratégie de développement. Ici, l'environnement, la population, les aménagements urbains sont autant de morceaux d'un puzzle qu'il faut reconstituer avec précision. Le gouvernement marocain, à l'échelon tant national que régional et local, s'est engagé avec détermination dans cette entreprise de réhabilitation en assurant la convergence d'actions menées par des mécènes, des entreprises, des associations pour redécouvrir l'urbanité exemplaire de Fès.

La campagne internationale de sauvegarde de Fès trouve actuellement un second souffle grâce a l'énergie conjuguée des autorités marocaines, de l'UNESCO, et du PNUD. L'initiative de cette renaissance est venue de Sa Majesté le Roi du Maroc, qui a choisi de financer sur ses fonds personnels la restauration de l'édifice le plus complexe et en même temps le plus symbolique de la Médina, la Médersa Mesbahiya. La Reine du Danemark s'est engagée quand à elle, à prendre en charge la restauration du musée de l'Astrolabe. La voie est ainsi ouverte pour que se déploie à nouveau la solidarité de la communauté internationale.

A travers cette exposition, l'UNESCO espère une mobilisation active, tant financière que technique, de ses Etats membres. Il va de soi que je serai heureux de la constitution d'un comité canadien de soutien à la campagne pour la sauvegarde de Fès. Ce comité réunirait des femmes et des hommes de tous horizons, unis dans la conviction que ce patrimoine singulier appartient à l'humanité toute entière et que sa sauvegarde fait partie des devoirs collectifs que nous devons remplir pour assurer notre destin commun.

Federico MAYOR.

Québec, 20 Septembre 1992.

DENOMINATION

CAT ADRESSES

CAP NB

D'EMP

PROPRIETAIRE

TEL&FAX

25 SEFRIOUI CHAKIR 'V : 74-10-12//74-12-06

FAX : 74-11-43

15 ALAMI GHIZLANE 'V : 63-73-24 // 33

FAX : 63-73-09

14 ABBADI MEHDI 'V : 74-18-43

FAX : 74-06-86

1 RIAD FES

riad.fes@iam.net.ma www.riadfes.com

1er ~ 5 Derb Ben Slimane

Zerbttana FES

10 Suites

10 Ch 40 lits

2 PALAIS D'HOTES

fes@palais-hotes.com

1er ~ 9-14Derb Sournass Ziat FES

3 Suites

12 Ch 30 lits

3 LA MAISON BLEUE

resa@maisonbleu.com

www.maisonbleu.com

1er ~ 2 PL de Istiqlal Batha

FES

5 Suites

1 Ch 12 lits

'V : 74-18-73//39 FAX : 63-60-52

12 OMAR LEBBAR 'V : 63-41-67//74-15-74

FAX : 63-63-93

6 RIAD SHEHRAZADE

Sheheraz@iam.net.ma www.sheheraz.com

1er ~ 23 Arset Bennis

Douh Batha FES

11 Suites

2 Ch 17 lits

21 BENGHAZI ABDELLHAI NAJIBA

4 EL HAYAR JALIL 'V : 62-15-61

FAX : 62-31-67

7 DAR ZIRYAB

Darziryab@wanadoo.net.ma www.darziryab.com

1er ~ 2 Rue Badiss BP 2150

V.N FES

4 Suites 4 Ch

12 lits

'V : 74-07-00//74-10-81 FAX : 74-07-12

8 RIAD ANDALOUSS

Dar.andalouss@menara.ma réservation@darandalous.com www.riadandalous.com

1er ~ 14 Derb Bennani Douh

Batha FES

8 Suites 4 Ch

13 lits

12 KADIRI

MOHAMMED

120

4 RIAD El KADI

lamaisonbleu@menara.ma

www.maisonbleu.com

5 DAR GHALIA

rarelghalia@hotmail.com

www.darelghalia.com

1er ~ 33Quartier DerbMitter

Talaa Kebira FES

1er ~ 15 Ross Rhi Prés du

Place R'Sif FES

8 Suites

5 Ch 26 lits

11 Suites

3 Ch 28 lits

14 ABBADI MEHDI

'V : 74-16-42

FAX : 74-16-45

Annexe 5. Liste des maisons d'hôtes classées à Fès selon la Délégation Régionale du Tourisme (Fès)

2 : 74-00-00//63-80-80 FAX : 63-82-82

8 CHAB

MOHAMMED

1er ® 13 Salaj Batha

FES

9 RIAD MYRA

info@riadmyra.com www.riadmyra.com

9 Suites

3 Ch 24 lits

10 RIAD DAMIA

riaddamiafes@riaddamiafes.co

1er ® 10 rue Sornas Ziat

Fès.

5 Farid Lahlou 2 : 035 63 43 76

GSM 062 18 97 77

m

10 Hassan Chahbi 2 : 035 63 61 12 / 035 63 59 65

Fax :035 63 59 37

1er ® 16 Derb Bennis Douh

30200 Fès medina

11 RIAD LA PERLE DE LA MEDINA Perledelamedina@menara.ma www.riadperlemedina.com

1er ® 9 Derb El Gabbass Douh

Batha FES

12 ALLAL KHALIFI 2 : 74-00-20//63-66-07

FAX : 63-67-54

12 DAR EL YAKOUT

riadyacout@menara.ma www.riadyacout.com

9 Suites

3 Ch 24 lits

13 RIAD AL BERTAL

Riadalbartal@menara.ma www.riadalbartal.com

2 : 63-70-53 FAX : 63-70-53

6 LAROCHE CHRISTIAN

2 éme ® 21 Rue Sournass

Ziat FES

5 Suites 2 Ch

14 lits

14 RIAD MABROUKA

Ryadmabrouka@iam.net.ma www.ryadmabrouka.com

10 MICHEL TREZZY 2 : 63-63-45//42

FAX : 63-63-10

2éme ® 25 Derb Mitter

Talaa Kibira FES

6 Suites 2 Ch 16 lits

15 ARABESQUE

Arabesque@iam.net.ma www.arabesquehotel.com

7 BENAMOUR KHALID

2éme ® Zenjfour Derb Mitter

Bab Guissa FES

2 : 63-53-21 FAX : 63-45-90

5 Suites 2 Ch 9 lits

2éme ® 12 Derb Skalia

Douh Batha FES

6 BELKADI SAKINA 2 : 74-04-40

FAX : 74-04-41

4 Suites

2 Ch 12 lits

16 RIAD ZAMANE

Contact@riadzamane.com

www.riadzamane.com

17 RIAD NORMA

monique@riadnorma.com

www.riadnorma.com

2 : 63-47-81 FAX : 63-47-48

2éme ® Rue Sournass

Ziat FES

4 Suites

2 Ch 11 lits

6 DEVAUX

DOMINIQUE

18 RIAD EL PACHA

Riadpacha@menara.ma www.riadpacha.com

2éme

.

® 7 Derb el miter Talaâ kebira FES

2 : 63-66-06//63-89-00 FAX : 65-27-36

10 RACHID

BENAMOR

3 Suites 11 Ch 22 lits

19 RIAD AU VINGT JASMINE

7 Ch 14 Lits

2éme ® 11 Derb Zebtana Batha

FES

2 : 74-11-89 FAX : 74-11-89

2 AICHA

BEMAKLOUF

if 20 i

20 RIAD GHITA

contact@riadghita.com www.riadghita.com

2 : 74-09-01 FAX : 74-09-21

6 BENKHALED MOHAMMED

2éme ® 52 Bouâjara

Bab Jdid FES

4 Suites

3 Ch 14 lits

121

7 Suites 2 Ch 16 lits

5 Suites

5 Ch 20 lits

V : 74-05-84 FAX : 74-05-84

3 MARC // KHADIJA

CHASTAGNER

2éme ~ 16, Derb Bannani Douh

Batha FES

21 RIAD FES BARAKA

riad-fes-baraka@wanadoo.fr riad-fesbaraka@yahoo.fr www.fes-baraka-riad.com

4 Suites 1 Ch

10 lits

22 DAR CORDOBA

darcordoba@darcordoba.com www.darcordoba.com

V : 63-83-40 //71-94-71 FAX : 63-83-40

4 JUAN JOSE

ALAMO MOREMO

2éme ~ 15, Derb El Gabbass

Douh Batha FES

4 Suites

1 Ch

11 lits

23 RIAD DAR DMANA

riaddardmana@menara.ma www.riaddardmana.com

5 BOUZIDI IDRISSI

KHALID

2éme ~ 20 rue Salaj

Douh Batha FES

V : 74-09-17 FAX : 63-85-71

3 Suites

5 Ch 16 lits

24 RIAD JAOUHARA

riadjaouhara@menara.ma www.riadjaouhara.com

V : 74-03-03//74-08-08 FAX : 74-00-88

2éme ~ 11 rue de la Poste Batha

FES

6 Suites

1 Ch 10 lits

7 HAROUCHI AZEDINE/ DEKKAK ABDEALI

25 RIAD IBN BATTOUTA

contact@riadibnbattouta.com

www.riadibnbattouta.com

2éme ~ 9 Derb Lalla Mina Av

Allal El Fassi Batha FES

5 Suites

2 Ch 16 lits

V : 63-71-90 // 91 FAX : 63-71-91

7 EL KAABE ANASS

OHNSTON
BEATRICE

26 DAR ANBAR

info@daranebar.com www.riadanebar.com

3 GUESSOS NADIA

ALAMI TALBI

2éme ~ 15 Derb El Mitr Zenjefour

FES

3 Suites

6 Ch 13 lits

V : 63-57-85 FAX : 63-57-85

27 RIAD SARA

Riadsara@riad-sara.com

www.riad-sara.com

2 TAHRI DRISS V : 63-68-20

FAX : 63-68-25

2éme ~ 17 Derb El Gabass

Douh Batha FES

3 Suites

6 Ch

13 lits

2éme ~ 5/6 Rue El Hamia

Ziat FES

7 Suites

14 lits

28 RIAD LES OUDAYAS

contact@lesoudayas.com

www.lesoudayas.com

6 LOUDIYI FOUAD V : 63-63-03

FAX : 63-63-03

29 DAR VICTORIA

lesjouarhate@menara.ma www.darvictoria.com

V 035 63 00 03

GSM / 078 20 42 83

2 Michel de Victore et

Kacem Bouasria

2éme ~ 31 Rue Makhfia quartier Bourajoue

2 Suites

4 Ch

12 lits

30 RIAD CHRABLYENNE

Calipau.fes@menara.ma www.dar.calipau.com

2 Bernard Viviane V :035 63 72 41

GSM :064 01 07 41

2éme ~ 1,Rue Rha

Chrableyenne

31 DAR SAFFARINE

info@darseffarine.com www.darseffarine.com

6 Ch 12 lits

2éme ~ N° 14 Sbaa Laouiate

Fès médina

3 ALAA ABDELAMIR

SAID

V 07- 11-13-52-8 FAX 055 63 52 05

32 RIAD IBN KHALDOUN 2éme ~ 7 Moukhfia derb Sefli 9 Ch 8 Salah Eddine Lazrak V 035 62 90 28

122

5 Ch

10 lits

123

Rcif Fès. 14 lits Fax 035 66 94 86

riadibnkhaldoun@menara.ma www.riad-ibnkhaldoun.com

34 DAR ROUMANA

Info@darroumana.com

38 RIAD YAMANDA

fez.yamanda@gmail.com

39 RIAD DAR CHRIFA

riaddarchrifa@menara.ma www.riaddarchrifa.com

2éme ~ 21 Derb el guabbas douh Fès

5 Ch 4 FRANCOISE V 035 63 74 99

10 lits HUGUET

2éme ~ 30 Derb El Amer Zkak

Roumane FES

1 Suites

4 Ch 10 lits

6 JENNIFER SMITH V : 74-16-37

FAX : 74-16-37

2éme ~ 3 Derb Bechara Talaâ

Seghira FES

7 Ch 10 FREDERIC SOLA

12 Lits ISALELLE 074-18-

76-39

V : 63-66-99 FAX : 63-82-37

2éme ~ 104 Bouajjara Bab

Jdid FES

5 Ch 4 LETIMONIER

5 Lits HUGUES

076-28-50-29

V : 63-50-45 FAX : 63-50-45

2éme ~ 2 Oued Souafine Ziat

FES

7 Ch 16 lits

7 BERNARD PELAY

065-74-94-72

V : 63-86-86 FAX : 63-78-53

2éme ~ 1/3 Derb Daoud Zerbtana

FES

9 Ch

9 lits

5 ARCHIDART SAIL V : 63-55-30

FAX : 3-55-30

2éme ~ 20 Arset Hammoumi Ziat

FES

4 Suites 3 Ch 29 lits

3 MAJID

BENJELLOUN

061-69-04-78

V : 63-78-50 FAX : 63-78-51

2éme ~ 3 Derb Sekalia Douh

Batha FES

2éme ~ 21 Derb Guebass Batha

FES

6 Suites

2 Ch 18 lits

5 Ch 6 PAULINE ET

10 lits JURGEN MOLLER

061-28-17-08

2 BRIGITT ET

CHARLLY

061-32-86-06 // 01984-86-92

2éme ~ 21 Derb SerajTalaa

Sghira FES

3 Suites 3 Ch

7 lits

6 JEAN-PIERRE PARENT

V : 74-19-85 FAX : 74-19-85

33 RIAD LA CLE DE FES

reservation@riadcledefes.com

35 RIAD LAAROUSSA

contact@riad-laaroussa.com www.riad-laaroussa.com

36 RIAD ATTARINE

contact@riadattrine.com www.riadattarine.com

37 RIAD SOUAFINE

souafine@riadsouafine.com

www.riadsouafine.com

40 LUNE ET SOLEIL

luneetsoleil@menara.ma www.luneetsoleil.com

41 RIAD DAR SKALLI

contact@riaddarskalli.com www.riaddarskalli.com

42 RIAD LOUNA

Riadlouna@caramail.com

V : 63-45-23 FAX : 74-02-52

V : 63-42-57 FAX : 63-42-73

124

Table des illustrations

Liste des tableaux

TABLEAU 1. Nuitées réalisées dans les destinations culturelles Fès et Marrakech en comparaison avec Agadir 48

TABLEAU 2. Evolution de la durée moyenne de séjour à Fès durant la période 2003-2006 49

TABLEAU 3. Exemples de réévaluation foncière des demeures dans la médina de Fès 67

Liste des figures

FIGURE 1. Schéma de synthèse des exemples de l'image de la médina des Fès chez les nouveaux résidents

étrangers 62

FIGURE 2. Evolution des investissements étrangers dans la médina de Fès (1997-2008) 65

Liste des cartes

CARTE 1. Localisation de la zone d'étude 20

CARTE 2. Répartition géographique des propriétés étrangères dans la médina de Marrakech 31

CARTE 3. Répartition des propriétés étrangères par nationalité dans la médina d'Essaouira 34

CARTE 4. Répartition des maisons menaçant ruine dans la médina de Fès. 45

CARTE 5. Les circuits touristiques dans la médina de Fès 52

CARTE 6. La localisation des maisons d'hôtes (marocaines et étrangères) à Fès en 2006 78

CARTE 7. Les propriétés étrangères dans la médina de Fès en 2008 87

CARTE 8. Répartition des propriétés étrangères par nationalité dans la médina de Fès 95

Liste des planches photographiques

PLANCHE 1: La différence entre un riad et une dar 26

PLANCHE 2: Formes de sauvegarde et de mise en valeur touristique de la médina de Fès 53

PLANCHE 3: La multiplication des annonces de vente de demeures et des agents immobiliers en médina 71

PLANCHE 4: Les maisons d'habitations à propriétaires étrangers dans la médina de Fès 75

PLANCHE 5: Les demeures étrangères à usage commercial ou culturel dans la médina de Fès 80

125

Table des matières

REMERCIEMENTS 4

DEDICACE 5

PREFACE 6

SOMMAIRE 7

INTRODUTION GENERALE (Problématique, questionnements,Postulats et hypothèses de

travail, Approche méthodologique, présentation du terrain d'étude) 9

CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE L'APPARITION DU PHENOMENE A
L'ECHELLE DES VILLES MAROCAINES ET SON ARRIVEE A FES

Introduction 22

I- Problèmes de définitions 23

1-Riad et Dar: Une nouvelle construction sémantique 23

2-A propos de la notion de gentrification 27

II- Etat des lieux du phénomène des acquisitions de vieilles maisons dans les médinas

marocaines 29

1- Marrakech : le nouvel Eldorado 29

2- Essaouira: Une médina en ébullition 32

II- Les raisons de l'attrait des Occidentaux pour les centres anciens marocains 35

1- La promotion touristique : Un tourisme culturel porté par les médinas 36

2-Promotion et support des investissements étrangers au Maroc 37

a- L'engouement médiatique et l'afflux des acheteurs étrangers 37

b- Le rôle du transport aérien dans le soutien à la valorisation des destinations

touristiques 40

III- La valorisation de l'espace médinal de Fès : prémices de la mise en tourisme 43

1- Sauvegarde et patrimonialisation de la médina de Fès : Une politique qui bat au rythme

de la touristification 44

2- Le tourisme culturel à Fès : Une richesse indéniable 47

Conclusion 53

CHAPITRE II : MISE EN TOURISME OU TOURISTIFICATION DE LA MEDINA
DE FES PAR LES ETRANGERS PROPRIETAIRES DE MAISONS

Introduction 57

I- Les maisons de la médina de Fès : Vers une nouvelle forme de mise en tourisme 59

1- L'image de Fès chez les étrangers 59

2- Quatre grandes phases dans l'évolution des investissements étrangers en médina 63

3- Un marché immobilier particulier et complexe 68

126

II- Les maisons étrangères dans la médina de Fès : Des usages polymorphes 73

1- Les maisons traditionnelles : des habitations à usage privé 73

2- Les maisons traditionnelles : des habitations à usage commercial et culturel 76

Conclusion 82

CHAPITRE III : LES NOUVEAUX « TOURISTES-RESIDENTS » DANS LA

MEDINA

Introduction 84

I- Les propriétés étrangères dans la médina de Fès : D'une installation sporadique à un

ancrage du phénomène 86

1- Répartition spatiale des propriétés étrangères dans la médina de Fès : Des logiques de

localisation sélectives 86

2- Le phénomène de reconversion des anciennes demeures en maisons d'hôtes par les

étrangers : Un support à la mise en tourisme de la médina 89

II- Les étrangers en médina : Acteurs et réseaux 94

1- Le profil des nouveaux touristes 94

2- Les communautés étrangères : réseaux et cohabitation 97

Conclusion 101

CONCLUSION GENERALE 102

BIBLIOGRAPHIE 105

ANNEXES 110

TABLE DES ILLUSTRATIONS 115

TABLE DES MATIERES 125






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote