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Le phénomène d'acquisition des anciennes demeures par les étrangers, un processus de mise en tourisme de la médina de Fès?

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par Widad Jodie BAKHELLA
Université Mohammed V  - Master recherche en aménagement, développement local et gestion des territoires 2008
  

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CHAPITRE I :

Le contexte de l'apparition du phénomène à

l'échelle des villes marocaines et son arrivée

à Fès

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Introduction

Les médinas constituent le coeur des villes anciennes du Maroc. A côté des grandes médinas comme celles de Fès, Marrakech, Meknès, Rabat, Salé, Tanger . .etc, il en existe de plus petites telle que celle d'Asilah, Essaouira, Chaouen, Safi. .etc. La médina est un espace à haute valeur symbolique, identitaire et cultuelle qui a le plus souvent conservé une position centrale au sein des agglomérations marocaines22. Après avoir subit autrefois, un long processus de marginalisation et de dégradation de son tissu urbain, la médina acquiert, depuis peu, un nouveau statut au sein de la ville marocaine. En effet, elle fait l'objet désormais d'une attention particulière soutenue par le souffle des organismes internationaux. A partir de là elle bénéficie d'une valeur patrimoniale manifeste. Ainsi, l'inscription des médinas de Fès, Marrakech et Essaouira donne une nouvelle dimension spatiale à ce patrimoine par son universalité déclarée. Une reconnaissance qui traduit un changement du regard porté sur la médina et qui se traduit par une nouvelle pratique de cet espace envisagé désormais comme un patrimoine-ressource par le nouveau sens qu'il lui est donné « Dès qu'un espace est une valeur f...] il grandit » (BACHELARD, 1957, p.153)23.

Bien plus qu'un patrimoine culturel, la place de la médina évolue pour devenir un vrai support au produit touristique marocain. La vogue des Occidentaux pour les anciennes demeures et riads des centres historiques s'inscrit dans ce contexte. En effet, depuis la fin des années 1990 surtout, la médina incorpore à son tissu, des acteurs récents, ils sont des touristes mais aussi des nouveaux résidents de nationalités et de cultures différentes.

Cette première partie introductive est un état des lieux du phénomène d'acquisition des anciennes demeures par les étrangers. Il s'agit en effet, pour nous de contextualiser le cas de Fès en faisant état du phénomène dans les médinas qui en sont les plus concernées, et en expliquant les fondements de l'attrait des Occidentaux pour les centres anciens, avant d'arriver au cas de Fès, en cherchant à répondre en partie à notre première hypothèse qui posait le constat d'une mise en tourisme de sa médina.

22 La question relative à la centralité des médinas a fait objet d'un article de Pierre SIGNOLES, « La centralité des médinas maghrébines : quel enjeu pour des politiques d'aménagement urbain ? », revue Insanyat, n°13, janvier-avril 2001, pp.9-41.

23 Cité par A-C. KURZAC - SOUALI, 2006, p.58.

23

I- PROBLEMES DE DEFINITIONS

1-Riad et Dar: Une nouvelle construction sémantique

L'acquisition d'anciennes demeures en médina par les étrangers est un phénomène récent mais qui a pris au cours de ces dernières années une grande ampleur qui a contribué à ce que la presse écrite qualifie de la "ruée vers les riads". Cette diffusion importante s'est accompagnée d'une banalisation de la signification du mot "riad" et son détournement vers un sens plus large pour qualifier toutes les maisons de la médina.

La maison traditionnelle au Maroc prend en général deux formes urbaines fondamentales: le dar et le riad. On qualifie de dar, la maison d'habitation classique avec une simple cour intérieure entourée de piliers autour de laquelle les pièces sont agencées en se faisant face (Cf. figure 2 et 4, Planche 1). Le riad lui, qualifie une forme de maison spéciale avec un jardin (Cf. figure 1 et 3, Planche 1). La forme fondamentale dispose généralement de pièces sur les largeurs opposées du rectangle tandis que des murs élevés délimitent les longueurs24.

Au Maroc, l'existence du riad remonterait au moins au XIIème siècle. Sa morphologie rappelle celle de la maison à patio, mais la richesse historique et culturelle de ce terme rend difficile la détermination d'une définition exacte. Pour J.GALLOTTI "le riad est un jardin clos de hautes murailles, rectangulaires, avec à ses extrémités, deux corps de logis face à face. Fait comme une Dar dont la cour serait étirée pour faire place à la lumière aux arbres et aux fleurs et dont les deux côtés seuls seraient restés, il n'est que l'expression du besoin d'espace. Il semble une maison dilatée dans un soupir". Il ajoute plus loin: "Je n'ai jamais entendu dire qu'il existait au Maroc de ryad aussi ancien que les vieilles maisons de Fès Bali"25. Cette définition exclue toutes les demeures qui ont plus de deux corps de logis et/ou qui ne seraient pas étirées.

24 A. ESHER, S. PETERMAN et B. CLOS, Le bradage de la médina de Marrakech? in: M. BERRIANE et A. KAGERMEIER, (2001), Le Maroc à la veille du troisième millénaire (Défis, chances et risques d'un développement durable), publication de la FLSHR, Rabat, p: 220.

25 J. GALLOTTI, Le jardin et la maison arabe au Maroc, Ed. Filbert Lévy, (1926), (Tome I), p: 12.

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Cependant, pour A.TOURI "Le terme riyad couvre au Maroc une réalité quelque peu complexe. La définition la plus directe et la plus large est celle qui en fait un jardin clos de murailles qui renferme des constructions destinées principalement à l'habitat occasionnel d'agrément et placées généralement à ses deux petits côtés. Cette définition prend encore plus de poids lorsque la surface plantée est divisée en parcelles, généralement d'égales dimensions, par des allées surélevées et se coupant à angles droits. A partir de là, le sens s'élargit pour s'appliquer même aux maisons dont la seule présence d'un jardin -mais à condition que celui-ci soit d'une assez grande superficie qui généralement avoisine le tiers de la surface totale et que son organisation s'attache au modèle décrit- justifie la dénomination de riyad."(A.TOURI, 1987)26

Les maisons de la médina ont quelque chose d'unique. Elles présentent toutes, un aspect commun étant dotées de façades aveugles et sobres. La demeure riche côtoie ainsi la demeure pauvre, et c'est à l'intérieur que se déploie la richesse architecturale de ces demeures. "Il était de tradition de ne jamais refaire les enduits des murs qui donnaient sur la rue"(REVAULT, GOVIN, AMAHAN, 1985). A Fès, l'habitat traditionnel d'inspiration Mérinide est plus dense et prend la forme de maisons plus hautes, centrées sur des patios, rarement végétalisées, plutôt minérales et richement décorées de zelliges. Les demeures construites sur les jardins périphériques en médina au XIXème siècle et au début du XXème siècle (Batha et Ziat) possèdent, en revanche, des jardins comme les riads de l'époque saâdienne à Marrakech. (EL OUARZAZI, 1990).

Il semble, en revanche, qu'à Fès on ne dit pas "Riad" pour désigner toute une demeure. Dans l'ouvrage "Palais et Demeures de Fès", toutes les maisons sans distinction sont nommées "Dar". (Dar Tazi et bien d'autres comprennent des riads). Riad à Fès, d'après les auteurs de ce même ouvrage, est défini comme "un jardin intérieur clos". Les recherches que nous avons menées sur le terrain nous ont permis de toucher de plus près, tous ces aspects.

La différence qui existe donc entre riad et dar viendrait essentiellement du fait que le premier est agrémenté d'un jardin intérieur qui fait défaut dans le dar. Il est aussi utile de souligner que le riad est le plus souvent richement décoré et relève d'un standing généralement

26 Cité par: A. EL OUARZAZI, (1999), Les riyads de Marrakech, étude d'un phénomène urbain, mémoire de fin d'études de l'ENA, p. 52.

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supérieur de celui d'une dar. Il n'empêche que l'on peut avoir des riads d'un niveau très modeste. Les riads sont le fruit d'un stade d'évolution du tissu urbain qui se densifie du centre à la périphérie. C'est, l'on peut dire, une étape intermédiaire d'une évolution à tendance de densification du tissu urbain de la médina, qui a laissé la place à des maisons à patio de petite taille.

Au Maroc, et depuis quelques années, on assiste à une vulgarisation du terme "riad", qui était jusqu'à il y a peu, restreint et directement lié à son contexte `médinal' et résidentiel. En effet, riad semble faire désormais, la une de certains journaux, revues, périodiques, livres mais aussi d'émissions télévisées, brochures et publicités touristiques, pour devenir le mot vendeur d'un rêve et d'un certain orientalisme et exotisme. Commercialisé dans le contexte de l'affluence des étrangers sur les maisons traditionnelles en médina, le mot riad est devenu ainsi, à la mode et traduit un signe extérieur de richesse

Dans l'imaginaire des touristes occidentaux, le riad suscite l'idée d'un mode de vie à l'oriental qui rappelle l'univers des Mille et une nuits. Il surprend/ intrigue/ excite la curiosité/ stimule l'enchantement. (R. SAIGH BOUSTA, 2004b, p.159).

Pour compléter cette idée de glissement sémantique, du côté des Marocains également, surtout ceux qui n'habitent pas la médina, la maison traditionnelle, quelle soit dar ou riad, est devenue un riad. Le terme riad, enfin, tend de plus en plus à qualifier "la maison de l'étranger".

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Planche 1

La différence entre un riad et une dar

www.carredazur.com.

W-J. B, juillet 2008

W-J. B, juillet 2008

Figure 1 : Exemple d'une cour intérieure d'un riad. La photo a été prise à « Riad Louna », une maison d'hôtes à propriétaire belge.

Figure 3

Figure 2 : Exemple d'une cour intérieure d'une dar dans le quartier de Tala'a Kbira.

Figure 4

Source, figure 3 et 4 : A. Esher, S. Petermann et B. Clos, 2000, p.220.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein