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Le tableau de bord de gestion et la microfinance pour les femmes

( Télécharger le fichier original )
par Alaa Benhammida
HEC Montréal - M. Sc. Contrôle de gestion 2013
  

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    HEC Montréal

    La microfinance pour les femmes et le tableau de bord de gestion

    par

    Alaa Benhammida

    Sciences de la gestion
    (Contrôle de gestion)

    Mémoire présenté en vue de l'obtention
    du grade de maîtrise ès sciences

    (M. Sc.)

    Avril 2013

    (c) Alaa Benhammida, 2013

    ii

    « [...] quand une fois la division du travail est généralement établie, un homme ne peut plus appliquer son travail personnel qu'à une bien petite partie des besoins qui lui surviennent. Il pourvoit à la plus grande partie de ces besoins par les produits du travail d'autrui achetés avec le produit de son travail, ou, ce qui revient au même, avec le prix de ce produit. Or, cet achat ne peut se faire à moins qu'il n'ait eu le temps, non seulement d'achever tout à fait, mais encore de vendre le produit de son travail. Il faut donc qu'en attendant il existe quelque part un fonds de denrées de différentes espèces, amassé d'avance pour le faire subsister et lui fournir, en outre, la matière et les instruments nécessaires à son ouvrage. Un tisserand ne peut pas vaquer entièrement à sa besogne particulière s'il n'y a pas quelque part, soit en sa possession, soit en celle d'un tiers, une provision faite par avance, où il trouve de quoi subsister et de quoi se fournir des outils de son métier et de la matière de son ouvrage, jusqu'à ce que sa toile puisse être non seulement achevée, mais encore vendue. Il est évident qu'il faut que l'accumulation précède le moment où il pourra appliquer son industrie à entreprendre et achever cette besogne. »

    Adam Smith (1776, Livre II), La Richesse des Nations

    iii

    Sommaire

    Ce mémoire a pour objectif d'étudier la possibilité d'utiliser le tableau de bord de gestion dans le cadre des institutions de microfinance, notamment celles dont la stratégie est axée autour des femmes. Ces institutions sont en majeure partie à but non lucratif, et elles poursuivent souvent des missions sociales visant à améliorer le niveau de vie de leur clientèle. Toutefois, elles doivent pouvoir mettre en place un modèle d'affaire qui permette de garantir la pérennité financière sur le long terme afin de pouvoir atteindre leurs missions sociales.

    Dans ce sens, le tableau de bord de gestion nous apparait comme un outil de gestion utile pour étudier la performance de ces institutions et les aider à optimiser leur chaine opérationnelle. Nous avons donc analysé la performance de deux institutions de microfinance dont la stratégie est axée autour des femmes, et nous pensons avoir pu établir des diagnostics conformes à la réalité. Ces analyses ont été faites grâce à un tableau de bord élaboré selon le modèle de Kaplan et Norton, modèle auquel nous avons dû apporter quelques modifications pour adapter l'outil au contexte particulier de ces institutions.

    Mots clés : Microfinance, tableau de bord, femmes, institution de microfinance, microcrédit, indicateur de performance, carte stratégique, IMF.

    iv

    Table des matières

    SOMMAIRE

    TABLE DES MATIÈRES

    LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX

    REMERCIEMENTS

    III

    VI

    VII

    IV

    CHAPITRE 1

     

    1

    INTRODUCTION

     

    1

    REVUE DE LITTÉRATURE

    5

     

    CHAPITRE 2

     

    5

    LE TABLEAU DE BORD

     

    5

    Introduction

     

    5

    I. Historique du tableau de bord

     

    6

    II. Un outil de gestion de la performance

     

    9

    III. Un outil de communication de la stratégie

     

    11

    IV. Les critiques du Tableau de Bord

     

    13

     

    CHAPITRE 3

     

    16

    LA MICROFINANCE

     

    16

    I. La finance pour les plus petits

     

    16

    Introduction

     

    16

    1. Un besoin existant

     

    17

    2. L'importance des entrepreneurs dans les pays en développement

     

    17

    3. L'asymétrie de l'information comme obstacle au prêt

     

    19

    II. Le microcrédit

     

    20

    1. Fournisseurs informels

     

    20

    2. Organismes non gouvernementaux

     

    21

    3. Institutions de microfinance formelles

     

    21

    4. Des méthodes de prêts variées

     

    22

    III. Les institutions de microfinance

     

    27

    1. Bref historique

     

    27

    2. Le champ d'action d'une IMF

     

    28

    3. La sélection des projets

     

    29

    4. Le manque d'outils de gestion appropriés pour la gestion des risques

     

    30

    IV. Mesurer la performance des institutions de microfinance : un état des lieux

     

    33

    1. Performance financière

     

    33

    2. Performance sociale

     

    36

    3. Conclusion

     

    39

     

    V. Pertinence du choix des femmes

     

    40

    1. Un aperçu de l'inégalité entre l'homme et la femme

     

    40

    2. De l'inégalité quant à l'accès au financement

     

    41

     

    3. L'autonomie de la femme

     

    42

    4. La femme est-elle un meilleur client que l'homme?

     

    43

    VI. Conclusion

     

    44

    CADRE CONCEPTUEL

    45

     

    CHAPITRE 4

     

    45

    Introduction

     

    45

    I. La carte stratégique

     

    48

    1. La carte stratégique et le tableau de bord

     

    48

    2. Le choix des perspectives stratégiques

     

    50

    3. Exemples de cartes stratégiques pour les IMF

     

    51

    II. Modèle théorique

     

    55

    1. Rappel de la revue de littérature

    2. Présentation du modèle

    III. Conclusion

    ÉTUDES DE CAS

    64

    v

    55

    57

    63

    CHAPITRE 5

     

    64

    Introduction

     

    64

    I. Bandhan Financial Services

     

    65

    1. Situation socioéconomique de la femme indienne

     

    66

    2. Environnement politique et économique

     

    66

    3. La microfinance indienne

     

    67

     

    4. Bandhan Financial Services

     

    68

    5. Analyse de performance

     

    71

    II. FONDEP

     

    83

    1. Situation socioéconomique de la femme marocaine

     

    83

    2. Environnement politique et économique

     

    84

    3. La microfinance marocaine

     

    85

    4. Fondep

     

    86

    5. Analyse de performance

     

    88

    Synthèse

     

    98

    CHAPITRE 6

     

    101

    CONCLUSION

     

    101

    ANNEXES

    107

     

    ANNEXE 1 : INDICATEURS DE PERFORMANCE

     

    108

    ANNEXE 2 : PROPOSITION DE TABLEAU DE BORD

     

    110

    BIBLIOGRAPHIE

     

    111

    vi

    Liste des figures et des tableaux

    PRINCIPALES DIFFÉRENCES ENTRE LE PRÊT DE GROUPE ET LE PRÊT INDIVIDUEL 25

    DIFFÉRENTS TYPES DE RISQUES AUXQUELS FONT FACE LES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE 32

    CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES POUR LE TABLEAU DE BORD 46

    EXEMPLE SIMPLIFIÉ D'UNE CARTE STRATÉGIQUE 49

    LABIE (2005) - TABLEAU DE BORD POUR LES ORGANISATIONS DE MICROFINANCE 52

    MICROFINANCE CENTER (MFC, 2007) - CARTE STRATÉGIQUE TYPIQUE POUR UNE IMF 53

    EXEMPLES D'INDICATEURS DE PERFORMANCE DE LA LITTÉRATURE ACADÉMIQUE 56

    PROPOSITION DE TABLEAU DE BORD DE GESTION 62

    PRODUITS FINANCIERS DE LA BANDHAN FINANCIAL SERVICES 70

    TABLEAU DE BORD POUR LA BANDHAN FINANCIAL SERVICES ENTRE 2009 ET 2011 72

    LIENS DE CAUSE-À-EFFET PRÉSUMÉS SUITE À L'ÉTUDE DE CAS DE LA BANDHAN FINANCIAL SERVICES 82

    TABLEAU DE BORD POUR LA FONDEP ENTRE 2009 ET 2011 90

    vii

    Remerciements

    Le mémoire de maitrise constituait pour moi l'occasion d'approfondir mes connaissances dans un sujet qui me passionnait et que je n'aurai pas forcément l'occasion d'étudier à l'université ou pendant mon expérience professionnelle. Depuis que j'ai découvert le monde de la microfinance, j'y ai trouvé un domaine enthousiasmant, utile et qui méritait plus d'attention. Toutefois, l'écriture de ce mémoire n'a pas été une tâche facile pour moi, et le travail a été particulièrement long et laborieux. C'est grâce à certaines personnes que j'ai pu y arriver, et j'aimerais profiter de l'occasion pour les remercier.

    Je tiens d'abord à remercier mon directeur, Monsieur Claude Laurin, pour son soutien inconditionnelle pendant la rédaction de ce mémoire, mais aussi pendant mes études. Il a été mon coach, mon professeur et mon directeur, et j'ai pu compter sur son soutien à plusieurs reprises. Merci.

    Je tiens aussi à remercier ma directrice de mémoire, Madame Marlei Pozzebon, pour ses précieux conseils et pour m'avoir permis de me dépasser plus loin que je ne m'en pensais capable.

    Je souhaite également remercier des amis très précieux qui m'ont permis d'aller au bout de ce mémoire, Mehdi, Marc et Badr, ainsi que ma copine, Mélanie.

    Enfin, je ne remercierai jamais assez mes parents, Yamna Ghabbar et Khalil Benhammida, pour avoir toujours été là pour moi. Et merci aussi à mon petit frère, Sami, qui ne m'a pas vraiment aidé pour ce mémoire, mais qui fait partie des trois personnes les plus importantes pour moi, et que j'aime le plus.

    Chapitre 1

    According to the State of the Microcredit Summit Campaign 2001 Report, 14.2 million of the world's poorest women now have access to financial services through specialized microfinance institutions (MFIs), banks, NGOs, and other nonbank financial institutions. These women account for nearly 74 percent of the 19.3 million of the world's poorest people now being served by microfinance institutions. Most of these women have access to credit to invest in businesses that they own and operate themselves. The vast majority of them have excellent repayment records, in spite of the daily hardships they face. Contrary to conventional wisdom, they have shown that it is a very good idea to lend to the poor and to women.

    Cheston et Kuhn (2002 pg. 4)

    Introduction

    Dans les décennies qui ont suivies la seconde guerre mondiale, il était généralement admis que les plus démunis ne pouvaient avoir accès à des services financiers (McGuire et Conroy, 2000). L'Europe avait pourtant connu l'émergence de plusieurs systèmes, plus ou moins formels, de dépôts et de crédits collectifs au cours du 19ème siècle (Seibel, 2003). Depuis lors, la microfinance s'est de plus en plus imposée comme un outil clef pour la lutte contre le chômage, la pauvreté, ou encore l'exclusion sociale et financière (Commission Européenne, 2007). Des compagnies de service-conseil tentent même de standardiser un système de notation pour l'évaluation de la performance des IMF (Planet Finance, M-CRIL...).

    Avant de pouvoir mesurer la performance des institutions de microfinance, il s'agit d'abord de définir celle-ci, et cet exercice ne semble pas évident comme le soulignent Nanayakkara et Iselin (2012). Nous pensons que le progrès et le développement du secteur de la microfinance passe par une meilleure gestion des ressources, et l'utilisation d'un système de mesure de la performance à l'interne peut être bénéfique dans ce sens. En effet, les institutions de microfinance poursuivent à la fois un objectif social à travers des

    Chapitre 1 : Introduction 2

    programmes de lutte contre la pauvreté, mais elles doivent aussi gérer leur propre santé financière, et restent en grande partie subventionnées. À ce propos Lashley (2004) dit :

    Par essence, la nature complexe de ce problème réside dans les parties prenantes qui ne définissent pas ce qu'on entend par une microfinance réussie. À moins que les gouvernements, les donateurs et les prestataires de microfinance ne puissent explicitement et stratégiquement définir la mission de la microfinance, le mouvement de la microfinance (...) continuera à patauger. Que signifie le terme « microfinance réussie »? Est-ce l'autonomie institutionnelle, la hausse des revenues durables au-dessus du seuil de pauvreté, ou un secteur de micro entreprises performant? Effectivement, il peut être toutes ces choses.

    (Lashley, 2004 pg. 93)

    Sur la scène publique, le microcrédit est au coeur d'une polémique qui remet en question son apport réel à la société, et aux pauvres plus spécifiquement. On critique, entre autres, le fait que les taux d'intérêts appliqués par les IMF sont beaucoup plus élevés que ceux du marché. Par exemple, aux Philippines, Fernando (2006) recense des taux d'intérêts de 30% à 70%, et Hamm (2008) parle même de taux d'intérêts dépassant les 100% annuels pour la banque Compartamos du Mexique.

    D'un autre côté, ceux qui défendent l'emprunt aux plus démunis ne manquent pas de souligner le réel besoin de microcrédits dans la société actuelle. Dans le Rapport Annuel 2010 de l'Observatoire de la Microfinance (France, 2010), on peut lire que les statistiques du Fonds de Cohésion Sociale notent une augmentation d'environ 43% de la distribution de microcrédits personnels en France, après une augmentation de 55% en 2009.

    De telles statistiques sont nombreuses et sont constatées partout où les initiatives de microcrédits existent. Dans son livre, A World Without Poverty, Mohamed Yunus (2007) explique le succès du microcrédit par le fait que ce système constitue le seul apport de capitaux formel d'une population démunie. L'auteur affirme, par ailleurs, que les taux d'intérêts du système informel sont plus grands que les taux appliqués par les IMF, et l'accès au crédit dans le système financier traditionnel est quasi inexistant (Yunus et

    Chapitre 1 : Introduction 3

    Chapitre 1 : Introduction 4

    Weber, 2007). L'emprunt auprès des IMF reste donc une alternative valable pour cette population, et les taux d'intérêts élevés permettent à ces banques de couvrir les coûts opérationnels et les risques engagés.

    Néanmoins, les problèmes d'autosuffisance et de financement des banques constituent des difficultés majeures pour les acteurs de cette industrie, et ces problèmes nous intéressent particulièrement pour les fins de notre étude. Des études axées sur le développement de système de gestion pour le microcrédit sont peu nombreuses. Les études sur le terrain et les expériences sont certes innombrables, mais la littérature académique présente très peu d'études à ce sujet. En étudiant le Balanced Scorecard de Kaplan et Norton, nous avons fait l'hypothèse qu'un tel outil de gestion pourrait aider les IMF à mieux gérer leurs efforts et leurs coûts opérationnels.

    L'objectif de cette étude est donc d'élaborer un système de contrôle de gestion de type Balanced Scorecard (BSC) afin de pouvoir établir un diagnostic fiable de la performance d'une IMF. Les évaluations externes peuvent coûter très cher pour une IMF, et les informations tirées de ces évaluations peuvent être très utiles afin de se situer dans l'atteinte de sa mission. Il est peu réaliste pour une IMF de faire appel à une agence externe de manière périodique. Le tableau de bord nous apparait donc comme un outil pertinent pouvant soutenir un bon contrôle à l'interne de l'institution. En effet, les gestionnaires d'IMF, comme ceux d'autres organismes sans but lucratif tels que des hôpitaux, sont contraints de devoir gérer la stabilité financière de leurs institutions en offrant un maximum de services à la population. Toutefois, la pression des besoins financiers les amène à en oublier la vision stratégique globale (Inamdar, Kaplan et Bower, 2002). Un tableau de bord de gestion permettrait de ne pas dévier de la raison d'être de l'IMF en divisant les objectifs stratégiques à long terme en plusieurs sous indicateurs de performance financiers et sociaux.

    Enfin, nous nous intéressons aux cas spécifiques des institutions ciblant un marché féminin par intérêt personnel pour ces institutions. En fait, les raisons qui poussent ces IMF à élaborer une stratégie axée autour des femmes nous ont convaincu de centrer notre étude sur ce type d'institutions. L'emprunt à ces femmes a pour principal objectif de les rendre financièrement et socialement indépendantes (Cheston et Kuhn, 2002). Dans certains pays,

    la structure sociale donne peu de liberté à la femme qui se trouve à avoir moins d'accès au crédit ou même à un emploi formel, mais qui se retrouve surtout avec un plus faible poids sur les décisions familiales que le mari (Pitt, Khandker et Cartwright, 2006). Au niveau d'un tableau de bord adapté spécifiquement aux IMF dont la stratégie est axée autour des femmes, la question se pose quant à l'influence qu'aurait une telle stratégie sur le tableau de bord en question : Quelles différences présenterait ledit tableau de bord par rapport à un outil similaire développé pour les institutions de microfinance en général? Ces adaptations sont-elles justifiées? Apportent-elles de l'information de gestion pertinente?

    Une telle étude s'inscrit comme une adaptation de l'un des outils les plus modernes et les plus reconnus en matière de gestion de la performance financière. Pour développer notre modèle théorique de tableau de bord, nous commencerons par élaborer une revue de littérature en portant une attention particulière sur le modèle développé par Kaplan et Norton au début des années 1990. Alors que certains auteurs, comme Gumbus et Lussier (2006), font état du bénéfice que pourrait tirer une PME de l'utilisation d'un tableau de bord, d'autres critiquent le manque de flexibilité de l'outil (Voelpel, Leibold et Eckhoff, 2006).

    Par la suite, nous développerons sur les caractéristiques importantes de l'industrie de la microfinance, en mettant l'emphase sur la demande actuelle d'un système financier adapté aux plus pauvres. Enfin, nous conclurons la revue de littérature sur les possibilités que présentent les deux éléments d'étude, afin de pouvoir présenter le tableau de bord retenu pour nos études de cas dans le cadre conceptuel au troisième chapitre.

    5

    Revue de littérature

    Chapitre 2

    Le tableau de bord

    Introduction

    Le tableau de bord est un outil de gestion permettant de mesurer la performance d'une entreprise. Dans ce sens, il permet un soutien informationnel à l'organisation pour une meilleure prise de décision et une direction plus réfléchie des opérations et de la stratégie d'ensemble. Un outil de gestion et de mesure de la performance permet, entre autres, à une entreprise de répondre aux questions suivantes : Avons-nous la bonne stratégie ? Atteint-on nos objectifs ? Quels sont nos points faibles à corriger ? Les clients sont-ils satisfaits ? Quel contrôle avons-nous sur les opérations de l'entreprise ? etc.

    Une mesure de performance est une unité de mesure permettant d'évaluer un aspect spécifique de l'organisation. Elle est toujours liée à un objectif à atteindre. Elle peut prendre une dimension temporelle, dimensionnelle, monétaire, statistique ou autre. Un centre hospitalier pourrait avoir intérêt à connaitre le nombre de patients par centre de service, par exemple. Cette information constitue une mesure de performance pour le cas étudié. Une bonne mesure de performance devrait avoir plusieurs qualités. Elle se doit, entre autres, d'être compréhensible, précise et compatible avec le système d'information interne, en plus de refléter fidèlement la réalité. (Crampton et al., 2004).

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 6

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 7

    Le tableau de bord comprend donc d'un ensemble de mesures de performance et permet un soutien informationnel fiable pour les organisations. Nous commencerons par faire un bref survol de l'historique de cet outil, avant d'expliquer plus en détail en quoi cet outil est un outil de communication de la stratégie et de la gestion de la performance, pour conclure sur les principales critiques de la littérature vis-à-vis de cet outil.

    I. Historique du tableau de bord

    Kaplan et Norton ont rendu célèbre le tableau de bord dans un article de 1992, publié dans le Harvard Business Review : « The Balanced Scorecard : Measures That Drive Performance ». Ce texte est issu de la volonté des deux chercheurs de mesurer les facteurs à l'origine de la performance d'une institution. Selon un credo partagé avec Lord Kelvin, physicien britannique de la fin du 19ème siècle :

    If you cannot measure it, you can't improve it.

    Le tableau de bord s'articule donc comme un outil de gestion regroupant un ensemble de mesures qui offrent au gestionnaire l'information nécessaire à la bonne prise de décision dans l'organisation. Autant pour les gestionnaires que pour les scientifiques, une prise de mesure adéquate, ciblée et précise est essentielle. La publication du texte en 1992 a entrainé l'adoption du tableau de bord par plusieurs organisations publiques ou privées pour l'implémentation de leur stratégie. Toutefois, le tableau de bord en tant qu'outil de gestion et de mesure de la performance n'est pas une idée nouvelle au début des années 1990, puisque d'autres organisations avaient déjà adopté un modèle semblable auparavant.

    Parmi les pus anciens modèles de tableaux de bord, certains se trouvent en France. À l'époque, le tableau de bord était surtout le fruit du travail d'ingénieurs, dont la volonté était d'offrir un outil aux dirigeants et aux ingénieurs pour ne pas qu'ils perdent de vue leurs organisations, et pour leur permettre de les observer et de les analyser de la manière la plus efficace et efficiente possible (Lebas, 1994). Cet outil est venu modéliser ce qui

    n'était pas visible, permettant ainsi de représenter et synthétiser la réalité de l'organisation. Selon Pezet (2007), à partir de la seconde moitié du 19ème siècle, les dirigeants élaborent un système d'information de gestion présentant les données, pour l'essentiel sous forme narrative, au travers d'un « rapport hebdomadaire » ou « journal de marche ». La révolution industrielle entraine la croissance de la taille des entreprises et leur complexité. Le besoin des gestionnaires de plus d'informations statistiques descriptives de la réalité opérationnelle se fait de plus en plus important. En 1936, Robert Satet (Pezet, 2007) propose un contrôle budgétaire permettant la direction rationnelle des affaires. À travers son contrôle budgétaire, il propose l'adoption d'une « documentation appropriée », ou ce qu'il définit aussi comme des « statistiques dont une sélection judicieuse est de rigueur pour atteindre le but que l'on se propose ». Par exemple, Satet considère dans le cas d'une organisation textile trois groupes de statistiques : statistiques commerciales et économiques, statistiques industrielles et statistiques financières. Ce système de gestion, que Satet regroupe dans un contrôle budgétaire, semble déjà définir les fondements de ce qu'on appellera plus tard le tableau de bord.

    Un modèle plus proche de la conception actuelle du tableau de bord remonte au début des années 1950, avec le projet de General Electric (GE) de développer les mesures de performance de ses unités d'affaire (Kaplan et Norton, 2001). Pour ce faire, l'équipe en charge du projet développa huit axes financiers et non financiers de mesure de la performance tels qu'ils apparaissent dans cette liste :

    · Profitabilité

    · Part de marché

    · Productivité

    · Leadership du produit

    · Responsabilité sociale

    · Développement des ressources humaines

    · Attitudes des employés

    · Balance entre objectifs long terme et court terme

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 8

    Avec l'expérience de GE, le tableau de bord n'était plus un outil de gestion réservé à la haute direction. En étudiant le cas de GE, Drucker (1958) introduit le management par objectif et soutient ainsi une démocratisation de l'outil à tous les paliers de l'entreprise. À travers un choix judicieux d'objectifs de performance pour chaque employé, une organisation pourra atteindre une performance plus intéressante et plus profitable pour les actionnaires :

    Each manager, from the «big boss» down to the production foreman or the chief clerk, needs clearly spelled-out objectives. These objectives should lay out what performance the man's [sic] own managerial unit is supposed to produce. They should lay out what contribution he and his units are expected to make to help other units obtain their objectives. [...] These objectives should always derive from the goals of the business enterprise. [...] Managers must understand that business results depend on a balance of efforts and results in a number of areas. [...] Every manager should responsibly participate in the development of the objectives of the higher unit of which his is a part. [...] He must know and understand the ultimate business goals, what is expected of him and why, what he will be measured against and how.

    (Drucker, 1958, pg. 126, cité par Kaplan 2008)

    L'approche de Drucker est intéressante puisqu'elle implique une intégration de l'employé avec l'organisation. L'employé est plus impliqué dans la gestion de l'organisation et sa participation et compréhension de la stratégie sont mises à profit.

    Plus tard, dans les années 1960, Robert Anthony propose un cadre global de planification qui propose trois types de systèmes de contrôle : contrôle de la planification stratégique, de gestion et d'exploitation. Il rejoint Drucker dans une proposition de système basé sur la décision d'objectifs, et la définition des ressources nécessaires à l'atteinte de ces objectifs. Il définit la planification stratégique ainsi:

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 9

    The process of deciding upon objectives, on changes in these objectives, on the resources used to attain these objectives, and on the policies that are to govern the acquisition, use, and disposition of these resources

    (Kaplan, 2008, pg. 6)

    Il se fait précurseur de ce que l'on définira plus tard comme la carte stratégique, puisqu'il soutient que la planification doit reposer « sur une estimation d'une relation de cause-à-effet entre le cours d'une action et un résultat désiré » (Kaplan, 2008, pg. 6).

    Durant les décennies qui ont suivi, l'établissement des objectifs est devenu un exercice bureaucratique administré par le département des ressources humaines. Les objectifs à atteindre étaient établis en fonction du poste professionnel, rendant la remise en cause de ces objectifs et leur adaptation à l'évolution de l'entreprise difficile. Le modèle de Kaplan et Norton tente donc de rompre avec l'inflexibilité relative à l'établissement des mesures de performance, tout en proposant des lignes directrices pour générer un tableau de bord équilibré. Au lieu de proposer des mesures de performance standards et inflexibles, le modèle de Kaplan et Norton insiste plutôt sur une structure selon quatre axes : finance (1), client (2), processus internes (3) et apprentissage et innovation (4).

    II. Un outil de gestion de la performance

    «What you measure is what you get»

    Grâce à leur article « The Balanced Scorecard - Measures that drive performance » (Kaplan et Norton, 1992), le tableau de bord gagne en popularité auprès des gestionnaires et de la communauté scientifique. Le système de mesure de la performance traditionnel, principalement axé sur des mesures financières, était efficace pendant l'ère industrielle, marquée par la production de masse et la démocratisation de la mécanisation dans les organisations (Pezet, 2007). Toutefois, avec la mondialisation des échanges, l'émergence des marchés asiatiques et la forte compétitivité entre les marchés européens et nord-américains, il fallait trouver un système de mesure de la performance qui permette d'être

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 10

    encore plus efficace et efficient dans la synergie des efforts des ressources humaines. Alors que Kaplan et Norton proposaient un tableau de bord équilibré entre mesures de performance financières et non financières, une autre école de pensée rejetait complètement l'utilisation des mesures de performance financières :

    « Forget the financial measures. Improve operational measures like cycle time and defect rates; the financial results will follow.»

    (Kaplan, 2008, pg. 2)

    Les recherches de Kaplan et Norton ont montré que les gestionnaires d'expérience ne s'appuient pas seulement sur une seule catégorie de mesures mais plutôt sur un jeu varié de celles-ci, une combinaison qui puisse donner une vision globale de la gestion de l'organisation en mesurant ses activités clefs. Ils veulent une présentation équilibrée entre mesures financières et mesures non financières.

    Les deux auteurs donnent plus de précision sur leur modèle de BSC en 1996, à travers l'article « Using the BSC as a strategic management system » (Kaplan et Norton, 1996a). Le BSC de Kaplan et Norton divise la vision et la stratégie d'une organisation en quatre perspectives distinctes pour la mesure de la performance :

    l La perspective financière : quelle relation l'organisation entretient-elle avec ses parties prenantes ? La gestion du financement, des liquidités et de tous les aspects financiers de l'organisation est essentielle pour sa survie. Cette survie est mesurée par le cash flow généré par les activités de l'organisation, l'augmentation des ventes, la part de marché etc. Pour que la gestion d'une organisation soit saine, il est essentiel pour le gestionnaire de ne jamais perdre de vue de tels aspects de l'organisation.

    l La perspective client : quelle image a l'organisation aux yeux du consommateurs ? Des mesures axées autour de la qualité du produit, du délai de livraison ou encore de la qualité du service après-vente permettent aux gestionnaires d'avoir une vision claire de la relation de l'organisation vis-à-vis du client et de la satisfaction du client en regard de la prestation offerte.

    l

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 11

    La perspective processus internes : dans la chaine de création de valeur, où l'organisation devrait-elle exceller ? Si certaines organisations se distinguent par rapport à la concurrence, elles se distinguent à travers un nombre très limité d'aspects de leurs produits. Alors que Walmart se démarque par ses prix très compétitifs, Fedex est plutôt connu pour sa rapidité de livraison du courrier. C'est donc au niveau opérationnel que ces deux organisations se doivent d'être très performantes. Toutefois, ce ne sont pas les mêmes aspects opérationnels qui devront être compétitifs chez Walmart et chez Fedex.

    l La perspective innovation et apprentissage : l'organisation pourra-t-elle continuer à créer de la valeur dans le futur ? Bien que l'organisation soit compétitive aujourd'hui, rien ne garantit sa place dans quelques années. Kaplan et Norton soulignent la grande importance d'investir dans les ressources humaines, et de créer un climat d'innovation et de développement continuel dans l'organisation pour qu'elle puisse rester d'avant-garde face à ses concurrents.

    Un tel projet de BSC donne en effet une vision assez large et complète de l'organisation. Par ailleurs, les deux auteurs recommandent de limiter les mesures de performance d'un tableau de bord à un nombre total variant entre 16 et 24 mesures. Limiter le nombre de mesures permet de ne pas disperser l'information et de se concentrer à choisir les mesures réellement pertinentes pour la gestion.

    III. Un outil de communication de la stratégie

    Dans la pratique, le BSC est reconnu aujourd'hui pour le support que cet outil apporte à la gestion stratégique et à la communication entre la haute direction de l'organisation et la gestion opérationnelle (Kaplan et Norton, 2000). Kerr (1995), dans son article « On the folly of rewarding for A, while hoping for B » montre l'importance d'avoir un système de rémunération de la performance aligné avec les intérêts de la direction. Dans le même sens, Larry D. Brady, vice président exécutif de FMC Corporation en 1993, dit à ce propos :

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 12

    « If you are going to ask a division or the corporation to change its strategy, you had

    better change the system of measurement to be consistent with the new strategy»

    (Kaplan et Norton, 1992, pg. 144)

    Gumbus et Lussier (2006) font un état du bénéfice que pourrait tirer une PME de l'utilisation d'un tableau de bord dans la gestion quotidienne de l'organisation. Ils partent d'une constatation sur l'écart entre l'établissement d'une stratégie et son application au niveau opérationnel :

    « Researchers have clearly stated that companies of all sizes are good at developing mission statements and strategies but poor at implementing operational strategies to achieve them, and that they are poor at measuring whatever they are achieving the mission and strategy. The BSC addresses this problem by linking the mission to strategy and then translates the strategy into operational objectives.»

    (Gumbus et Lussier, 2006, pg. 407)

    Le plus intéressant dans l'article de Gumbus et Lussier, par rapport à notre étude, est l'importance que les auteurs accordent à l'utilisation d'un tableau de bord dans la gestion d'une PME, démocratisant ainsi la vision de certains quant à l'exclusivité d'un tel outil aux grosses organisations. Parmi les principaux avantages de l'utilisation de cet outil, les auteurs citent :

    l Le soutien à la croissance : le tableau de bord crée un équilibre entre intérêts à long terme et à court terme.

    l Le suivi de la performance : son utilisation permet de créer un historique des objectifs atteints par l'organisation et ainsi permet ainsi une analyse historique des buts atteints par les gestionnaires.

    l Concentrer les efforts et la clarté des objectifs : en établissant des objectifs à court terme contrôlables et réalisables, les employés de l'organisation savent vers où la direction s'oriente et gèrent ainsi leurs efforts en fonction de cette orientation.

    l

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 13

    Alignement des intérêts : des mesures de performance bien établies permettent d'aligner les efforts des employés et des actionnaires et d'éviter le mieux possible les actions opportunistes.

    Si nous portons autant d'intérêt au tableau de bord dans les PME, c'est parce que la grande majorité des IMF sont de tailles moyennes. Qui plus est, la nature même des IMF fait de ces institutions des organismes qui ne sont pas à la recherche d'une maximisation des bénéfices ou de la valeur des actions. La mission humanitaire derrière la création d'une IMF en fait une organisation dont la gestion se rapproche d'un hôpital qui doit rendre service à un maximum de personnes avec un budget et des entrées de fonds limités. Si on la compare à un hôpital, une IMF doit s'occuper de la santé financière de ses clients tout en offrant des prix abordables et un accès facile à un maximum de patients.

    Toutefois, le tableau de bord à lui seul ne permet pas d'atteindre de tels objectifs. Il n'est qu'un support de communication au sein d'une équipe de gestion. La manière dont Kaplan et Norton ont présenté l'outil suscite beaucoup de critiques, et bien qu'il se veuille offrir de la flexibilité par rapport à ses prédécesseurs, on lui reproche justement d'être une sorte de tableau de bord « one size fits all ».

    IV. Les critiques du Tableau de Bord

    Il est en général admis que le tableau de bord aide à réduire les incertitudes dans un environnement dynamique tout en donnant des prévisions plus justes dans le processus budgétaire. Cependant, certains auteurs ont questionné le tableau de bord à propos de problématiques différentes.

    Voelpel et al. (2006) proposent une faiblesse quant à l'utilité et la bonne flexibilité du tableau de bord de Kaplan et Norton dans le passage d'une économie industrialisée à une économie de l'innovation. La problématique proposée par les auteurs peut être illustrée

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 14

    ainsi: L'outil est-il assez flexible pour s'adapter au changement et fournir l'information utile et pertinente dans un monde en perpétuelle évolution ?

    La méthodologie de Kaplan et Norton suggère l'implication de tous les employés, pour permettre la transmission de l'information du haut vers le bas de la hiérarchie, mais aussi dans le sens inverse. Les auteurs suggèrent un calendrier de 26 mois pour la mise en place de la stratégie. Selon Voelpel, Leibold et Eckhoff (2006), cette durée est trop longue dans un environnement de plus en plus dynamique. Une autre critique intéressante renvoie directement à la dimension recherche et développement du tableau de bord qui serait trop centrée sur les travaux internes de l'entreprise, alors que les sources de solutions innovantes sont désormais partagées grâce aux nouvelles technologies de l'information. Le tableau de bord ne prend en effet pas en compte ce nouveau paradigme.

    Le modèle de Kaplan et Norton est également critiqué lors de l'évaluation du rendement et des mesures incitatives (Hope et Fraser, 2001). Les régimes incitatifs liés directement à la carte stratégique et les actions punitives contre les objectifs non atteints peuvent conduire à une baisse de la productivité et aux mêmes inconvénients que la budgétisation traditionnelle. Les gestionnaires peuvent craindre d'être évalués sur des éléments non contrôlables, surtout que les liens de cause à effet de la carte stratégique ont été vivement critiqués dans la littérature (Haas et Kleingeld, 1999). Bien que Kaplan et Norton soient ouverts à l'intégration de nouvelles perspectives dans le tableau de bord, ils ne discutent pas de la manière dont ces perspectives pourraient être intégrées, ni comment les mesures de performance doivent être intégrées entre elles (Norreklit, 2000). Otley (1999) constate que le tableau de bord est surtout centré sur les intérêts des actionnaires (« shareholders ») alors qu'il constitue d'abord un outil de gestion pour les parties prenantes (« stakeholders »). Enfin, Butler, Letza et Neale (1997) dénoncent le fait que le tableau de bord n'est pas suffisamment flexible pour s'adapter à la culture et au jargon organisationnels.

    En bref, le principal apport du tableau de bord est de permettre une vision équilibrée de la performance d'une organisation grâce à quatre différents aspects de la chaine de production de valeur d'une organisation. Le modèle suggère aussi un équilibre entre des indicateurs sur le court et le long terme. Enfin, il permet de s'assurer que chaque action

    Chapitre 2 : Le tableau de bord 15

    stratégique aboutisse aux résultats escomptés. Par contre, l'outil est critiqué pour son manque de flexibilité et pour la complexité de son intégration dans les opérations de l'entreprise. Qui plus est, non seulement les perspectives de Kaplan et Norton ne donnent pas une vue complète de la performance de l'organisation, mais en plus celles-ci ne s'intègrent pas aussi bien d'une industrie à l'autre.

    Dans le prochain chapitre, nous commencerons par faire un survol de l'historique et des origines de la microfinance pour expliquer par la suite les différents types de services qu'offre cette industrie. Nous discuterons des difficultés rencontrées par certaines populations à se procurer du crédit, et nous nous concentrerons sur le public cible qui englobe les femmes entrepreneures des classes démunies.

    Chapitre 3

    La microfinance

    I. La finance pour les plus petits

    Introduction

    Le concept de la microfinance ne semble pas nouveau puisque des systèmes similaires à ceux que l'on voit aujourd'hui ont existé dans plusieurs pays. On peut citer comme exemples le «susus» au Ghana, «chit funds» en Inde, «tandas» au Mexique», «arisan» en Indonésie, «cheetu» au Sri Lanka, «tontines» en Afrique de l'Ouest ainsi que le «pasanaku» en Bolivie1. Commençons d'abord par définir le concept de microfinance.

    Selon le CGAP (Consultative Groupe to Assist the Poor)2:

    « Elle (la microfinance) désigne les dispositifs permettant d'offrir des crédits de faible montant (« microcrédits ») à des familles pauvres pour les aider à conduire des activités productives ou génératrices de revenus leur permettant ainsi de développer leurs très petites entreprises. Avec le temps et le développement de ce secteur particulier de la finance partout dans le monde, y compris dans les pays développés, la microfinance s'est élargie pour inclure désormais une gamme de services plus large (crédit, épargne, assurance, transfert d'argent etc.) et une clientèle plus étendue également. Dans ce sens, la microfinance ne se limite plus aujourd'hui à l'octroi de microcrédit aux pauvres mais bien à la fourniture d'un ensemble de produits financiers à tous ceux qui sont exclus du système financier classique ou formel. »

    1 Voir l'étude de Bari (1998) ou encore l'article web de l'organisation Global envision « The History of Microfinance » publié le 14 avril 2006 à l'adresse suivante : http://www.globalenvision.org/library/4/1051, visité le 27 avril 2013.

    2 Section FAQ du portail de la microfinance http://www.lamicrofinance.org/ visité le 10 avril 2013

    1. Chapitre 3 : La microfinance 17

    Un besoin existant

    Les institutions financières traditionnelles n'avaient, en règle générale, pas tendance à offrir du crédit à tous, encore moins aux plus démunis et aux femmes. En parlant des plus démunis, Von Piscke (1998) explique le fait qu'ils soient marginalisés par les politiques mêmes des banques qui ne sont pas destinées à favoriser ce marché. Selon l'auteur, ces personnes sont en général analphabètes et les banques ne possèdent pas les compétences pour servir ce type de clientèle, notamment dans les régions rurales. Les coûts de transaction dans ces régions sont très élevés étant donné la faible densité de la population et le temps nécessaire pour rencontrer les clients (Schreiner, 2003). Par conséquent, la clientèle des IMF ne peut répondre aux exigences des banques traditionnelles en matière d'informations (historique de crédit) et en matière d'actifs à offrir en hypothèque pour contracter un prêt (Berger, Goldmark et Sanabria, 2006). Quant aux femmes, selon un rapport de CARE Organization (2005), elles possèdent moins de 1% des recettes mondiales et ont, par conséquent, plus de mal à obtenir un prêt hypothécaire.

    Cependant, moins de crédits accordés aux entrepreneurs implique une création d'entreprises moins forte et réduit le potentiel de création d'emplois (Pfeffermann, 2001). Plusieurs auteurs insistent en effet sur l'importance de l'entrepreneuriat dans la création d'emploi et dans l'augmentation du niveau de vie (Malchow-Møller, Schjerning et Sørensen, 2011). D'ailleurs, comme nous le verrons à travers l'étude de la Bandhan au Chapitre 5, le taux de croissance de l'économie indienne pourrait augmenter de 4,2% si les femmes bénéficiaient de plus d'opportunités.

    2. L'importance des entrepreneurs dans les pays en développement

    i. La création de nouveaux emplois par les petites entreprises

    McMillan et Woodruff (2002) expliquent le manque de dynamisme dans le marché du travail en partie par la main mise des grosses entreprises, et le manque de ressources et de marge de manoeuvre dont disposent les petits entrepreneurs. En effet, durant la seconde moitié du siècle, la croissance de l'emploi aux États-Unis n'aurait pas été si forte sans la

    Chapitre 3 : La microfinance 18

    dynamique créée par la naissance des petites entreprises (Birch, 1987). Aujourd'hui , le marché de l'emploi européen est propulsé par la création de nouvelles entreprises, et les pays ayant une croissance soutenue de ce facteur sont les mieux positionnés pour être compétitifs dans les marchés internationaux (Bednarzik, 2000). Par ailleurs, Birch (1987) ne manque pas de souligner l'importance des nouvelles technologies de l'information et de l'innovation pour une croissance à long terme de l'entrepreneuriat. Pfeffermann (2001) fait même le lien entre la création d'emploi et la pauvreté :

    L'obtention d'un emploi ou d'un meilleur emploi fait partie des changements les plus étroitement liés à l'amélioration de la situation économique. La création d'emplois est un élément crucial de la lutte contre la pauvreté.

    (Pfeffermann, 2001, pg. 43)

    ii. «Think global, act local»

    Il est permis de croire qu'une facilité d'accès aux crédits et qu'une offre de services financiers plus flexibles pourraient faciliter la création d'entreprises, et donc d`emplois. Plusieurs exemples de la microfinance et de témoignages diffusés montrent la nécessité de rendre les structures bancaires plus flexibles pour mieux répondre aux besoins de certaines communautés. Voici un témoignage recueilli par Oiko Credit, qui développe des services de microcrédit au Rwanda :

    « I am a client at Vision Company (...) I don't have a loan at another bank because the procedures are too complicated. The costs for getting a loan are almost equal to the amount of the loan. Therefore I decided not to go to this bank. Vision Finance doesn't require collateral. It allows you to borrow as a member of a group. In our group we

    guarantee each other.» Haabimanas Pius3

    En fait, comme l'explique Von Piscke (1998), la structure des banques traditionnelles ne permet pas de servir en-dessous d'un certain niveau d'emprunt ou de revenu. Comme le

    3 Témoignage recueilli de la chaîne Youtube de Oiko Credit sur le lien suivant, visité le 10/01/2012 : http://www.youtube.com/watch?v=ziHb2R-mvg

    Chapitre 3 : La microfinance 19

    reflète le témoignage ci-dessus, les coûts administratifs et la longueur des procédures sont trop importants pour le type et la taille du service dont le client a besoin. Et si les banques traditionnelles ne font pas l'effort d'essayer d'atteindre ce type de clientèle, c'est à cause de moyens de contrôle non adaptés à ce type de clientèle (Arwidsson, 2006; Schreiner, 2003).

    3. L'asymétrie de l'information comme obstacle au prêt

    Bakker, Udell et Klapper (2004) insistent sur le fait que l'asymétrie de l'information et le manque d'outils de contrôle des institutions financières pose obstacle à l'obtention d'un prêt. Ce phénomène incite les agents des banques à ne pas servir suffisamment les PME car celles-ci nécessitent souvent une analyse plus approfondie et une meilleure compréhension de la gestion de l'entreprise pour se prononcer sur leurs demandes.

    Dans le même sens, Arwidsson (2006) soutient qu'une plus forte asymétrie de l'information se situe dans les milieux où se développe la microfinance. Pour l'auteur, l'information n'est pas également partagée entre les différentes parties impliquées dans une entente. Par ailleurs, elle soutient aussi que l'allocation des ressources serait plus efficace si cette asymétrie était réduite. En effet, ce phénomène augmente le risque de non remboursement des emprunts et par conséquent, pousse les banques à appliquer des taux d'intérêts plus élevés. Ces derniers sont problématiques et créent une inefficience dans l'allocation des ressources puisqu'ils repoussent les meilleurs emprunteurs et les démotivent à contracter un emprunt (Armendariz, Morduch et de Aghion, 2007).

    Comme nous le verrons dans les prochaines pages, des banques ont pu innover pour offrir des crédits de plus petite taille, sans actif tangible à donner en garantie. En simplifiant les procédures administratives, elles peuvent ainsi avoir une structure de coût plus flexible pour répondre aux besoins de la clientèle. L`impact sur le client est direct puisqu'il a accès à un service financier à moindre coût. Même si les taux d'intérêts sont plus importants que ceux offerts par les banques traditionnelles, nous pensons que le client économise beaucoup en coûts de transactions.

    Chapitre 3 : La microfinance 20

    II. Le microcrédit

    Le microcrédit n'est qu'un outil qui fait partie du système financier de la microfinance (Mitra, 2007). Le microcrédit est le prêt d'un petit montant à des entrepreneurs issus de milieux défavorisés, tandis que la microfinance englobe l'ensemble des produits financiers, dont le microcrédit, qui sont offerts à tous ceux qui sont exclus du système financier formel. Ces produits peuvent comprendre des produits d'assurance, d'épargne étude, etc. (Yunus et Weber, 2007). Parmi les principaux fournisseurs de services de microfinance, outre les institutions microfinancières (IMF) formelles, nous pouvons citer les fournisseurs informels et les organismes gérés par des ONG reconnus.

    1. Fournisseurs informels

    Dans les milieux défavorisés, le recours à la communauté, à la famille et aux amis compense le manque de services appropriés des banques et du gouvernement. La cohésion sociale se fait plus forte étant donné la précarité de la situation financière des personnes. C'est ainsi que l'emprunt se fait surtout à travers un membre de la famille ou un voisin (Helms, 2006).

    Par ailleurs, des systèmes de prêts et de dépôts similaires entre eux ont été constatés entre des régions éloignées et de cultures pourtant différentes. C'est ainsi qu'au Ghana et au Mexique, des clubs restreints s'organisent pour pouvoir accumuler les dépôts de plusieurs membres afin de répondre à des besoins en liquidités ponctuels d'un membre en cas de nécessité (Helms, 2006). C'est sur ce principe que se fondent les ROSCAs (Rotating Savings and Credit Associations) et les ASCAs (Accumulating Savings and Credit Associations). Dans les deux systèmes, les intérêts payés par les emprunteurs permettent de contribuer à la croissance d'un capital commun accessible pour fins d'emprunt pour les membres seulement (Yunus et Weber, 2007). De nombreuses ONG internationales et IMF à travers le monde (CARE, Oxfam) utilisent des modèles similaires pour améliorer les conditions de vie des femmes africaines. Selon un rapport de CARE Organization (2011), ce groupe social se situerait au centre de l'économie de leurs pays malgré sa situation financière complexe :

    Chapitre 3 : La microfinance 21

    « Women are a cornerstone of African economic development, providing an estimated 70 percent of agricultural labor and producing between 78 and 90 percent of all food - and they do so on subsistence and small land holdings, owning very little land or other productive resources.»

    CARE (2011, pg. 10)

    2. Organismes non gouvernementaux

    Les ONG ont rapidement pris le pas sur l'émergence de la microfinance pour devenir pionnières dans le domaine (Holth, 2011). Elles allouent un certain montant de leur budget, ou reçoivent un capital de gouvernements ou donateurs privés pour créer un fonds d'emprunt microfinancier (Dingue, 2005). Dans leur cas, ces montants s'inscrivent souvent dans l'accomplissement d'une mission globale ou pour répondre à des besoins de liquidités ponctuels d'une clientèle ciblée bien précise, telle que les réfugiés climatiques ou politiques, les personnes atteintes de maladies graves, etc. (Helms, 2006).

    Certaines ONG se retrouvent à jouer un rôle de banquiers informels dans certaines conditions, et il a été constaté que les OBNL (organismes à but non lucratif) et les institutions non financières offrant des services de microfinance étaient moins efficaces (Hassan et Sanchez, 2009). De fait, pour pouvoir s'adapter à la conjoncture économique dans une perspective de pérennité, les IMF devraient être indépendantes des subventions et des dons en étant financièrement autosuffisantes, ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'ONG qui survivent principalement grâce à ce type de fonds (Dingue, 2005). Cet aspect est particulièrement important pour notre étude, puisque nous proposerons un modèle de tableau de bord qui vise la mesure de deux objectifs : l'un est social et est étroitement lié à la mission sociale de l'institution, le second est financier et se veut être un soutien pour l'autonomie financière de l'institution.

    Les institutions de microfinance (IMF) formelles sont d'une grande diversité de par leur fonctionnement et leur statut légal. En effet, par institutions de microfinance on entend les

    3. Institutions de microfinance formelles

    Chapitre 3 : La microfinance 22

    coopératives régulées et les credit unions, les banques publiques, les banques spécialisées en microfinance, les banques rurales et les institutions financières privées (Holth, 2011).

    Les IMF peuvent travailler en collaboration avec d'autres fournisseurs de service de microfinance, telles que des ONG. Par ailleurs, leur capacité à atteindre leur mission est reliée à plusieurs facteurs du système de gestion interne de l'institution. Une étude de Hartarska et Mersland (2009) a trouvé que certains systèmes étaient plus efficients. Ils ont notamment trouvé que les institutions qui évoluent dans un environnement mature avec des outils de contrôle de gestion appropriés ont une croissance plus soutenue et atteignent mieux leurs objectifs. Un tableau de bord de gestion équilibré pourrait donc aider une IMF à mieux performer.

    En outre, Dieckmann (2007) affirme que l'un des principes de la microfinance est la solvabilité des créanciers et entrepreneurs à petite échelle, sous-entendant une possible économie d'échelle pour les IMF. Toutefois, pour profiter de la solvabilité de ces créanciers et atteindre une efficacité dans l'utilisation des ressources, les institutions de microfinance ont dû innover dans la manière d'offrir du crédit.

    4. Des méthodes de prêts variées

    i. Contexte général

    La microfinance est surtout présente dans les pays en voie de développement, dans lesquels les PME ont du mal à trouver du financement pour l'expansion de leurs activités (Robinson, 2001). Elle se définit comme un outil de développement qui propose des services financiers similaires aux banques traditionnelles mais à plus petite échelle, tels que les microcrédits, la micro-assurance et le transfert d'argent. Certaines IMF n'hésitent pas à offrir d'autres services d'intermédiation sociale pour le développement de la confiance en soi et la formation des membres d'un groupe à la littérature financière et de gestion (Ledgerwood, 1999). Elles ciblent en général des travailleurs indépendants et entrepreneurs à faible revenu. Le principal apport de leurs produits et services reste toutefois d'ordre financier, puisqu'elles offrent du crédit à des hommes ou femmes ne possédant quasiment pas d'actifs tangibles, n'ayant pas accès à des sources d'emprunt conventionnelles, et qui sont bien souvent analphabètes (Von Pischke, 1998).

    Chapitre 3 : La microfinance 23

    Par conséquent, non seulement les ROSCAs aident-elles les individus à créer un fond de sécurité pour la consommation ou pour les cas d'urgence, mais elles encouragent aussi une

    L'offre de produits de microfinance implique toutefois des coûts de transaction pour sensibiliser et atteindre le public visé. Certaines institutions se rendent même directement chez leurs clients afin de leur éviter le fardeau des coûts de déplacement (Yunus et Weber, 2007). Mais pour être rentable et perdurer à long terme, les IMF sont contraintes d'afficher des taux d'intérêts supérieurs aux taux d'une banque commerciale traditionnelle afin de pouvoir couvrir la totalité des dépenses et des risques supportés (Holth, 2011). Ces taux sont souvent subventionnés (Robinson, 2001), et même si les taux sont élevés pour les demandeurs, il n'en reste pas moins que ceux-ci sont capables de rembourser et de renouveler le prêt à plusieurs reprises (Yunus et Weber, 2007). Qui plus est, les avantages sociaux qui en découlent excèdent les hauts taux d'intérêts appliqués (Rosenberg, 2009).

    Pour pallier les risques de non remboursement de leur clientèle, les IMF ont mis sur pied de nouvelles manières d'offrir du crédit, et qu'elles adaptent en fonction du client et de son historique de crédit auprès de l'institution. L'industrie de la microfinance a innové avec de nouveaux systèmes de prêts tels que les associations d'emprunts et de dépôts (ROSCAs) et le prêt de groupe.

    ii. Les ROSCAs

    Les associations d'emprunts et de dépôts, plus connues sous l'abréviation anglaise de ROSCAs, Rotating and Credit Associations, font partie des institutions financières informelles les plus communément utilisées dans les pays en voie de développement (Bari, 1998). Leur origine ne peut pas être précisément définie dans le temps, puisque plusieurs modèles semblables ont existé auparavant dans différentes régions du monde sous des noms différents (Aniket, 2005). Bouman (1994, cité par Aniket, 2005) donne comme exemples les Totines au Cameroun et au Sénégal, Esusu au Nigéria, Stokvel en Afrique du Sud, Bishi et Chti Fund en Inde. Ardener (1964, pg. 201) définit les ROSCAs ainsi : une association formée d'un groupe de participants qui se sont entendus pour contribuer régulièrement à un fond qui est donné, entièrement ou en partie, à chaque contributeur tour à tour.

    Chapitre 3 : La microfinance 24

    culture de l'épargne (Cotler, 2005). Les participants des ROSCAs sont en général des femmes, et on peut constater leur émancipation même dans les pays industrialisés, auprès des communautés de nouveaux immigrants tels que les coréens, vietnamiens et mexicains aux États-Unis (Morduch, 1999). Ce type de modèle a été repris et adapté par des institutions de microfinance pour éduquer des nouveaux emprunteurs à l'épargne et à la gestion d'un crédit.

    iii. Village Banking

    Les banques de village4 offrent des services de crédit et d'épargne aux résidents d'un village. Contrairement à d'autres systèmes de microfinance, ce sont les résidents du village qui créent, possèdent et dirigent ladite banque5. Ils élisent parmi eux un comité de direction qui s'occupe de la gestion des opérations de la banque. Certaines IMF ont utilisé ce même concept pour développer de nouveaux services de microfinance.

    Parmi les exemples les plus connus des ces IMF, FINCA (Foundation for International Community Assistance) a été créée en 1984 par John Hatch. Cette fondation fait figure de pionnière dans le microcrédit de type Village Banking. Un groupe de type village banking est constitué de 10 à 15 membres auquel FINCA accorde un crédit qui sera géré de manière autonome par des groupes comportant 70% de femmes6. Le groupe décide lui-même du montant à accorder à chaque membre et s'occupe aussi de la gestion du recouvrement.

    Ce modèle a été récemment répliqué dans plusieurs pays pour encourager l'entrepreneuriat de régions rurales et quartiers à faible revenu d'Amérique latine, du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Asie (Westley 2003, Nelson et al. 1996, cités par Lavoie, 2009). Contrairement au prêt de groupe, l'objectif de ce prêt est d'aboutir à la constitution d'une institution de prêt autonome et autogérée par ses membres dans un horizon de 3 ans (Waterfield et Duval, 1996).

    4 Traduction personnelle pour village banks

    5 Informations tirées du Handbook for Village Bank Management Committees and Support Organizations, 2008, publié par la International Labour Organization, bureau régionale pour l'asie de l'est. Disponible en ligne sur le site de l'organisation http://www.ilo.org/ visité le 10 avril 2013.

    6 Site web de l'organisation : http://www.finca.org/ , section Microfinance and Village Banking, visité le 02 décembre 2012.

    Chapitre 3 : La microfinance 25

    iv. Le prêt de groupe

    Plusieurs banques de microfinance offrent des prêts de groupe. Nous pouvons citer BancoSol (Bolivie) et la Grameen Bank (Bengladesh) comme exemples. L'approche des prêts de groupe est différente de celle des prêts individuels traditionnels, puisqu'elle a pour objectif de compenser le manque de capital à offrir en garantie par les individus, et de réduire le contrôle de la banque sur les emprunteurs (Acevedo, 2007). Lorsqu'un emprunteur s'inscrit à un prêt de groupe, aussi appelé prêt de solidarité, il rejoint d'autres personnes pour lesquelles l'emprunt se fait de manière conjointe. L'ensemble du groupe est ainsi responsable du remboursement de la totalité de l'emprunt, de sorte que si une personne fait défaut de payer, tout le groupe se verra refuser un emprunt futur et ce, jusqu'à la couverture totale du montant (Yunus et Weber, 2007).

    La formule la plus communément utilisée du prêt de groupe s'applique à des groupes de 3 à

    6 personnes (Acevedo, 2007). Ils ont en général des taux de remboursement plus élevés que les prêts aux individus puisqu'en cas de défaut de paiement de l'un des membres, celui-ci se retrouve couvert par d'autres membres (Mitra, 2007). Pour mieux comprendre la distinction entre le prêt de groupe et les prêts traditionnels (prêt individuel), le tableau suivant présente les caractéristiques principales de chacun :

    Caractéristiques
    distinctives

    Prêt de groupe

    Prêt individuel

    Clients cibles

    Groupes composés de
    5 à 90 membres

    Individus

    Garantie pour l'emprunt

    Prêt garanti par les
    pairs (mécanisme de
    pression sociale)

    Collatéral (co-
    signataire, actifs
    physiques)

    Importance en
    Microfinance

    Prédominant

    Moins commun

    Principales différences entre le prêt de groupe et le prêt individuel7

    7 Tableau tiré du mémoire de Frédéric Lavoie, Conditions facilitating the replication of microcredit methodologies, 2009, HEC Montréal

    Chapitre 3 : La microfinance 26

    v. Conclusion

    Acevedo (2007) note trois principaux apports des prêts de groupe à la société. D'abord, la performance du marché financier local est améliorée puisque les taux de remboursement augmentent et sont plus constants. De plus, ceux-ci viennent réduire l'asymétrie de l'information et les coûts de transaction, permettant aux banques d'offrir des taux d'intérêts plus avantageux. Enfin, les prêts de groupe créent un capital social et un réseau de contacts entre les emprunteurs.

    Quant aux ROSCAs, des modèles microfinanciers similaires sont nés pour répondre à certains besoins dans les communautés rurales et à moindre revenu (Van Bastelaer, 1999). Ils sont issus de groupes socialement interconnectés et exclus du système financier commun (Besley, Coate et Loury, 1993, cités par Van Bastelaer, 1999). Néanmoins, ces modèles ne constituent pas des solutions suffisantes puisqu'on peut observer, par exemple, des situations où des agents de crédit d'IMF accordent des prêts à des taux plus élevés aux femmes sans raisons valables, et ce malgré la transparence des procédures de l'institution. De tels obstacles relèveraient davantage de préjugés culturels quant à la capacité de la femme à être financièrement autonome.

    En conclusion, la microfinance pourrait être identifiée comme une industrie non pas créée au 20ème siècle, mais plutôt découverte et rendue populaire au 20ème siècle. En effet, comme nous l'avons vu et nous continuerons de le voir plus tard dans notre étude, elle semble issu du rassemblement de plusieurs outils et méthodologies financières informels, créés pour répondre aux besoins d'une population à moindre revenu. Ces outils et méthodologies de gestion auraient donc inspiré la naissance des institutions de microfinance modernes.

    Chapitre 3 : La microfinance 27

    III. Les institutions de microfinance

    Le CGAP définit les institutions de microfinance ainsi :

    «En termes simples, une institution de microfinance est une organisation qui offre des services financiers à des personnes à faible revenu qui n'ont pas accès ou difficilement accès au secteur financier formel (banques classiques). Au sein du secteur, le terme institution de microfinance renvoie aujourd'hui à une grande variété d'organisations, diverses par leur taille, leur degré de structuration et leur statut juridique (ONG, association, mutuelle/coopérative d'épargne et de crédit, société anonyme, banque, établissement financier etc.)»8

    1. Bref historique

    L'une des plus anciennes IMF ayant prospéré était le Loan Fund System en Irlande, créée au début du 18ème siècle (Seibel, 2003). Dans les années 1840, l'institution se serait étendue pour couvrir une grande partie du territoire national, offrant des emprunts à près de 20% de la population irlandaise par an. Par la suite, l'Europe a connu une émancipation d'institutions formelles d'emprunts et de dépôts pour les démunis. Ces institutions étaient surtout créées sous forme de coopératives ou de Credit Unions (Seibel, 2003). Ces modèles sont devenus plus populaires dans d'autres régions comme l'Amérique Latine et l'Asie au début du 20ème siècle, notamment avec The Bank Perkreditan Rakyat ouverte en 1895 en Indonésie, et qui était l'une des plus importante IMF de l'époque. Avec le développement de la finance moderne et des nouvelles théories économiques, mais aussi à cause des deux guerres mondiales de la période 1914-1945, ces institutions sont devenues de moins en moins nombreuses.

    À partir des années 1970, des programmes expérimentaux au Bengladesh, au Brésil et dans d'autres pays ont étendu le concept du microcrédit, jusqu'alors réservé de manière quasi exclusive aux agriculteurs, à des groupes de femmes dans le besoin (Yunus et Weber,

    8 Site web du CGAP, http://www.lamicrofinance.org/section/faq, visité le 31 mars 2013.

    Chapitre 3 : La microfinance 28

    2007). L'un de ces programmes a entrainé la création de l'une des banques les plus connues aujourd'hui, la Grameen Bank.

    Yunus (2007), professeur d'économie au Bengladesh, raconte qu'au cours d'une étude détaillée sur la famine qui sévissait dans son pays, il s'est rendu compte que beaucoup de pauvres nécessitaient un petit prêt pour démarrer une entreprise rentable. Il a donc fait l'expérience de prêter quelques dollars à quelques familles qui arrivaient à le rembourser sans trop de difficultés. C'est alors qu'il décida de créer la Grameen Bank spécialisée dans le microcrédit, et qui est devenue l'une des plus grandes banques de microcrédit aujourd'hui, avec 11,35 milliards de dollars empruntés depuis sa création9. En octobre 2007, la banque comptait 7,34 millions d'emprunteurs dont 97% étaient des femmes. En fait, depuis sa création, la banque a priorisé le prêt aux femmes. Plus tard, un nombre de plus en plus importants d'IMF a choisi de prioriser l'emprunt aux femmes.

    2. Le champ d'action d'une IMF

    Les institutions de microfinance ciblent des populations aussi diverses que variées. Alors que l'IMF marocaine Al Amana10 offre des crédits au logement et des crédits individuels pour le démarrage d'entreprise, l'institution colombienne Fundación Mundo Mujer11 cible exclusivement les femmes en offrant des services de microcrédits et de microassurances. Mais pour évaluer la performance d'une institution dans l'industrie de la microfinance, d'après la littérature académique, deux facteurs semblent importants pour comprendre et évaluer le champ d'action d'une IMF : sa profondeur et son étendu.

    i. Profondeur du champ d'action

    La profondeur du champ d'action (deep of outreach) se réfère au pouvoir d'achat financier de la clientèle servie par une IMF (Holth, 2011). Bien qu'il existe plusieurs techniques pour mesurer le niveau de pauvreté d'une clientèle donnée, il n'y a pas toujours de consensus

    9 Site web de l'institution : http://www.grameen-info.org/ visité le 6 juin 2012.

    10 Site web de l'institution : http://www.alamana.org.ma/, visité le 24 novembre 2012.

    11 Site web de l'institution : http://www.fmm.org.co/ visité le 24 novembre 2012.

    Chapitre 3 : La microfinance 29

    pour la mesure de cette profondeur (Holth, 2011). Toutefois, on peut considérer que plus les montants prêtés sont petits, plus les clients sont pauvres, et plus la profondeur du champ d'action d'une IMF sera grande; par conséquent une institution ayant des statistiques mesurant les montants prêtés pourrait évaluer sa profondeur d'action.

    ii. Étendue du champ d'action

    L'étendu du champ d'action d'une IMF (breath of outreach) se réfère au nombre de clients, ou de comptes actifs, à un certain moment (Rosenberg, 2009). En général, les institutions de microfinance ont tendance à vouloir augmenter le nombre de clients servis et ayant accès à leurs offres de services (Holth, 2011). Les clients actifs regroupent tous les clients profitant des services de l'institution à un moment donné. Toutefois, malgré leur volonté de vouloir servir et aider un maximum de clients, les institutions de microfinance sont amenées à faire un choix quant aux microentreprises à financer étant donné leurs ressources limitées.

    3. La sélection des projets

    Tout comme les banques commerciales traditionnelles, les institutions de microfinance font un choix quant à l'acceptation d'une demande de prêt. Le marché ciblé, le stade de développement de l'entreprise ou encore le secteur d'activité sont des éléments importants considérés par l'IMF (Ledgerwood, 1999). Entre autres, à travers leur analyse du marché, les IMF doivent faire le choix de mettre l'accent sur les entrepreneurs déjà existants ou sur les entrepreneurs potentiels cherchant du financement pour démarrer une entreprise. Elles considèrent moins risqué de travailler avec des microentreprises existantes parce que celles-ci peuvent présenter un historique de succès (Ledgerwood, 1999). Toutefois, les entreprises qui nécessitent d'être financées à partir de zéro auront un impact certain sur la société puisqu'elles vont augmenter le niveau de revenu des entrepreneurs, réduire la pauvreté et aider ainsi l'IMF à atteindre sa mission sociale (Pfeffermann, 2001). Toutefois, les simples services financiers traditionnels ne suffisent pas, puisque de tels entrepreneurs

    Chapitre 3 : La microfinance 30

    ont d'autres besoins tels que de la formation relative aux finances et à la gestion. Qui plus est, les IMF sont amenées à servir un nombre de clients relativement plus important que les banques traditionnelles pour pouvoir rentabiliser leurs activités. Elles sont amenées à développer des modèles d'affaires qui allient mission sociale et viabilité financière, et le contexte particulier dans lequel elles évoluent les force à gérer des risques très variés.

    4. Le manque d'outils de gestion appropriés pour la gestion des risques

    La dernière décennie a connu une croissance exponentielle des IMF. Selon le CGAP (2010), de 2004 à 2008 la microfinance mondiale a connu une croissance moyenne de 39% par an en termes d'actifs, atteignant un total de plus de 60 milliards de dollars d'actifs en décembre 2008 (Chen, Rasmussen et Reille, 2010a). Selon Fernando (2007), la croissance rapide de la microfinance implique une augmentation de la compétitivité entre les IMF et devrait les pousser à revoir leurs méthodes de gestion de risques. L'offre de produits des IMF est devenue très large et diversifiée, allant des emprunts à court terme aux prêts agricoles à long terme, et les méthodes de financement des IMF sont plus vastes puisque certaines contractent des emprunts en devises étrangères pour financer la croissance des opérations (Fernando, 2007). Les femmes ont constitué un point d'intérêt particulièrement important pour ces institutions, puisqu'une grande partie de ces IMF se donnent pour mission de faciliter l'accès au crédit à cette population pour promouvoir son émancipation sociale. En effet, les femmes entrepreneures ont plus de mal à développer leurs activités que les hommes car l'accès au crédit leur est plus difficile. Nous développerons sur les raisons d'une telle discrimination plus tard dans notre étude.

    Par rapport à la gestion de ces IMF, une telle croissance devrait être accompagnée d'une gestion proactive des risques auxquels elles font face, et qui ont augmenté en nombre et en importance avec la croissance de l'industrie. Avec l'augmentation des sources financement des IMF, celles-ci doivent porter une plus grande attention aux différents risques financiers qu'elles prennent (Powers, Brom et Magnoni, 2005). Elles devraient, par conséquent, profiter de l'expertise et des outils utilisés par les banques traditionnelles pour développer et mettre à jour leur management et leurs techniques de gestion des risques. La majorité

    Chapitre 3 : La microfinance 31

    des IMF focalisent surtout leur attention sur les risques de crédits et de liquidités, alors que la pérennité de l'IMF est désormais mise à l'épreuve par bien d'autres facteurs (Fernando, 2007). Parmi les outils utilisés dans les institutions financières traditionnelles, le tableau de bord de gestion permet de mettre l'emphase sur différents aspects de la chaine de valeur d'une institution, et à différents niveaux. Cet outil pourrait donc être d'un bon support pour établir un diagnostic fiable de la performance d'une IMF à l'interne, et mettre à jour certains risques auxquels l'institution est confrontée.

    Fernando (2007) a listé les plus importants risques auxquels ces institutions font face. Ceux-ci sont présentés dans le tableau qui suit. L'auteur définit le risque de microfinance comme suit :

    «The potential for events or ongoing trends to cause futures losses or declines in future income of an MFI or deviate from the original social mission of an MFI.»

    (Fernando, 2007, pg. 3)

    32

    Sources12 :

     

    Risques financiers

    Risques opérationnels

    Risques stratégiques

    (Steinwand, 2000)

     

    Risque de crédit

    pas l'intégrité de comprend le risque

    se réfère au cas d'un

    se réfère au risque

    composé d'un

    pas répondre à ses

    change et le risque du

    risque de subir une perte dans le marché lié à une perte due aux change

    d'investissement se à long terme pour le de l'IMF

    Risque de transaction

    Risque de gouvernance

    Risque que l'emprunteur ne rembourse l'emprunt à l'échéance. Ce risque transactionnel et le risque de portefeuille.

    · Le risque de transaction emprunt individuel.

    · Le risque de portefeuille

    inhérent d'un portefeuille
    ensemble de comptes

    Risque de liquidité

    Le risque de transaction est lié aux activités opérationnelles au jour le jour de l'IMF. Celui-ci est d'autant plus grand si l'IMF connait un grand nombre de transactions de petits montants. Il s'agit principalement

    de risque de pertes liés à des
    erreurs ou à de la fraude.

    Risque de fraude

    Risque lié à une inefficience dans la

    prise de décision étant donné la

    structure hiérarchique de l'IMF. Ce
    risque augmente avec la faiblesse du système de contrôle ou de gouvernance.

    Risque de réputation

     
     
     
     
     
     
     
     

    et

    Risques institutionnels

    Risque de gestion financière

    Risques externes

    Risques opérationnels

     

    · Passifs et actifs

    · Inefficience

    · Intégrité du
    système

    · Régulation

    · Compétitivité

    · Démographie

    · Macro-économique

    · Environnemental

    · Crédit

    · Fraude

    · Sécurité

    · Personnel

     

    Différents types de risques auxquels font face les institutions de microfinance

    12 Tableau tiré de Managing microfinance Risks : some observations and suggestions, Fernando 2007.

    Chapitre 3 : La microfinance 33

    IV. Mesurer la performance des institutions de

    microfinance : un état des lieux

    Pour le marché, une bonne institution de microfinance apporte plus de bénéfices sociaux que de coûts, sa performance se mesure par l'atteinte de ses objectifs aujourd'hui, sa durabilité se mesure par l'atteinte de ses objectifs aujourd'hui et demain (Schreiner, 1997). Les institutions de microfinance ont un rapport à la performance assez spécial, puisqu'elles jouent un double rôle financier et social, et qu'elles doivent être efficaces dans les deux (Gutiérrez-Nieto, Serrano-Cinca et Molinero, 2007). La littérature offre une large gamme d'indicateurs de performance sociaux et financiers pour les institutions de microfinance. Toutefois, aucune étude ne semble proposer une liste équilibrée de mesures de performance, sous la forme d'un tableau de bord, pour le type d'institutions qui nous intéresse. Qui plus est, peu d'études intègrent une analyse croisée des performances sociale et financière d'une IMF (Guttierrez-Nieto et al. 2009, cités par Christopoulos et Pozzebon, 2011).

    1. Performance financière

    Avec le développement de la microfinance, l'importance de la rentabilité financière des IMF a pris plus d'ampleur avec une prise de conscience du besoin de mesurer la performance financière (Harraf, 2008). À la fin des années 90, Morduch (1999) affirmait que la majorité des IMF restait dépendante des subventions et donations externes; certaines avaient commencé à prendre la voie de la rentabilité financière, mais les institutions formelles bien établies ne pouvaient être solvable avec leurs seules activités opérationnelles. En analysant les données de l'organisation Microfinance Information eXchange (MIX), Armandariz et Labie (2011) ont trouvé qu'en 1998, 42 des 95 institutions inclues dans sa base de données généraient des revenues inférieurs aux dépenses opérationnelles, soient 44% de l'échantillon. Cinq ans plus tard, le taux a baissé à 35% et a fini par plafonner à 26% en

    Chapitre 3 : La microfinance 34

    2006, avec 226 institutions sur 853. L'industrie offre désormais plusieurs outils pour mesurer la performance financière d'une ou de plusieurs institutions. Nous allons présenter deux exemples d'organisations centrées sur la gestion de la performance financière des IMF. Nous introduirons par la suite ce que la littérature académique propose comme indicateurs de performance. Enfin, nous conclurons cette section en présentant des organisations dont le travail tourne autour de la gestion de la performance financière et/ou sociale.

    i. MIX organisation

    Microfinance Information eXchange (MIX)13 est une base de données centrée sur la performance de l'industrie de la microfinance. L'organisation rend accessible des indicateurs de performance financière, opérationnelle, sociale ou autre, pour plus de 2000 institutions de microfinance à travers le monde. Les plus anciennes données disponibles sur une IMF datent de 1999, de sorte qu'il est possible d'analyser la performance d'une institution à travers le temps en fonction d'une grande panoplie d'indicateurs.

    ii. MicroSave organisation

    MicroSave14 offre des outils d'analyse et de formation pour des gestionnaires séniors d'institutions de microfinance, pour construire et assurer la bonne tenue des processus financiers et comptables. L'organisation propose des exercices de compréhension et de mise en application des états financiers, des rapports opérationnels, des ratios financiers de base et de l'analyse financière. Ce type d'initiative nous parait particulièrement intéressant dans le cadre de notre étude, puisqu'elle nourrit les compétences techniques des institutions de microfinance vers une meilleure utilisation de leurs ressources pour atteindre leurs missions sociales.

    13 Site web de l'organisation : http://www.mixmarket.org/, visité le 02 décembre 2012.

    14 Site web de l'organisation : http://www.microsave.org/ , visité le 02 décembre 2012.

    Chapitre 3 : La microfinance 35

    iii. Les indicateurs de la littérature académique

    La littérature académique offre un certain nombre d'outils pour l'analyse de la performance financière des institutions. Dans les années 1990, certains auteurs proposaient déjà des indicateurs de performance pour les IMF en général. L'étude la plus intéressante que nous avons trouvée pour notre étude est celle de Ledgerwood (1999). Celle-ci semble en effet avoir inspiré un grand nombre d'études (Armendáriz et Morduch, 2007; De Crombrugghe, Tenikue et Sureda, 2008; Helms, 2006). L'auteur divise les indicateurs de performance en six catégories :

    · Qualité du portefeuille (ex : taux de remboursement...)

    · Productivité et efficience (ex : nombre de clients actifs par agent de crédit...)

    · Viabilité financière (ex : autosuffisance opérationnelle/financière...)

    · Profitabilité (ex : rendement sur l'actif ...)

    · Levier et adéquation des fonds propres (ex : ratio dette/fonds propres...)

    · Échelle, portée et croissance (ex : emprunt moyen ...)

    Chacun des indicateurs de performance a été choisi pour son utilité quant à la gestion d'une IMF (Ledgerwood, 1999 pg 205); certains sont même utiles aux parties prenants externes (levier financier, croissance...). Outre l'étude de Ledgerwood, certains auteurs ont proposé des outils moins généraux, pour mesurer certains aspects particuliers de la performance des IMF. Ainsi, Paxton et Fruman (1998) proposaient des diamants de mesure de la portée d'une IMF. Saltzman, Rock et Salinger (1998), quant à eux, ont développé le système CAMEL pour mesurer les conditions financières et l'efficacité opérationnelle.

    Il existerait aujourd'hui un consensus sur une liste de 21 indicateurs financiers et qui sont les plus communément utilisés en microfinance; ces indicateurs sont classés en quatre catégories : profitabilité, gestion des actifs, qualité du portefeuille et productivité (CGAP, 2003; Gutierrez-Nieto, Serrano-Cinca et Mar Molinero, 2007). Ces indicateurs sont d'ailleurs fortement inspirés de l'étude de Ledgerwood (1999). En parallèle, certains modèles d'évaluation de la performance des IMF proposent des analyses statistiques pour trouver les facteurs déterminants de cette performance (Weber et Ferro-Luzzi, 2006). D'autres sont plus spécifiques et tentent de s'adapter à des formes nouvelles de services de

    Chapitre 3 : La microfinance 36

    microfinance. Christopoulos et Pozzebon (2011) proposent une série d'indicateurs pour évaluer la performance des banques de correspondance brésiliennes15.

    2. Performance sociale

    Des fonds sont accordés aux IMF par des gouvernements, des fondations ou des donateurs privés dans l'optique de pouvoir aider les plus démunis. En contrepartie, ces institutions doivent générer des rapports périodiques de leurs opérations pour démontrer la bonne utilisation de ces fonds. Il est donc important de pouvoir mesurer l'impact socioéconomique de l'IMF (CGAP, 2007), et les outils de mesure de la performance sociale peuvent être très différents d'une organisation à une autre.

    i. CERISE

    L'outil CERISE16 mesure la performance sociale d'une institution en évaluant ses intentions par rapport à ses actions. L'outil utilise un questionnaire divisé en quatre sections, et permet d'évaluer l'impact social d'une IMF en fonction des dimensions suivantes: l'atteinte des pauvres et des exclus, l'adaptation des produits et services à la clientèle cible, les bénéfices économiques et sociopolitiques pour les clients et leurs familles, et la responsabilité sociale de l'institution.

    ii. Social Performance Assessment

    Le Social Performance Assessment tool (SPA) offre des outils pour mesurer la performance sociale d'une institution et la communiquer aux parties prenantes17. Il analyse l'infrastructure et les processus opérationnels d'une IMF, et permet de comparer l'IMF à

    15 Chritopoulos et Pozzebon (2011) définissent les banques de correspondance (BCs) ainsi : « an arrangement by which a retail operator makes a financial transaction on behalf of a commercial bank [...]BCs are integrated in a network that connects: its clients, banks and sometimes intermediaries, called network integrators. These integrators are hired by Banks and are responsible for management of BCs' infrastructure provision, maintenance and training ».

    16 Site web de l'organisation : http://www.cerise-microfinance.org/ , visité le 25 novembre 2012.

    17 Site web de Moody's Analytics : http://www.moodysanalytics.com/ , visité le 26 novembre 2012

    Chapitre 3 : La microfinance 37

    l'industrie de la microfinance en fonction de la mission sociale, la stratégie, la relation client, l'impact sur la clientèle, la gestion des ressources humaines et la performance environnementale.

    iii. ACCION SOCIAL

    L'organisation ACCION a mis en oeuvre un outil d'évaluation de la performance sociale dont SOCIAL constitue les acronymes (en anglais) des aspects sociaux pris en compte : la mission sociale (social mission), l'atteinte du client (outreach), le service à la clientèle (clients), la transparence de l'information (information transparency), la relation avec la communauté (association with the community) et le climat de travail (labor) 18 . L'organisation effectue son évaluation au travers de rencontres avec les différentes parties prenantes (employés, gestionnaires, clients etc.) et agit ainsi en tant que consultant externe pour l'IMF.

    iv. Progress out of Poverty Index (PPI)

    Développé par la collaboration de la Ford Foundation, le Consultative Group to Assist the Poor (CGAP), et le professeur Mark Shreiner19, le PPI permet de mesurer le niveau de pauvreté de la clientèle d'une IMF et de faire le suivi de son niveau de vie au fil du temps20. Il définit un certain nombre de standards qu'une IMF doit atteindre pour pouvoir compter sur un processus de report transparent au sujet de l'impact socioéconomique de l'activité de l'institution sur sa clientèle. L'outil est adapté en fonction de chaque pays permettant une comparaison réaliste avec les standards de vie régionaux.

    18 Site web de ACCION : http://www.accion.org/ , visité le 26 novembre 2012

    19 Site web sur les travaux de Mark Shreiner : http://www.microfinance.com/ , visité le 26 novembre 2012

    20 Site web de la Grameen Foundation : http://www.progressoutofpoverty.org/ , visité le 26 novembre 2012

    v. Chapitre 3 : La microfinance 38

    FINCA's Client Assessment Tool

    FINCA est une institution de microfinance qui opère dans plusieurs pays21 et qui a développé son propre outil de mesure de la performance sociale. Cet outil lui permet de comparer les résultats entre les différentes divisions de FINCA, et évalue les besoins de la clientèle en terme d'emprunts, de dépenses du foyer, d'éducation, de santé et de satisfaction de la clientèle. Cet outil permet de cibler la clientèle pouvant le mieux profiter des services de l'institution et d'adapter les produits et services en fonction.

    vi. Les agences de notation

    Des agences de notation externes se proposent de noter la performance sociale des institutions de microfinance. Nous avons retenu trois agences importantes :

    ? M-CRIL mesure la performance sociale d'une institution et évalue l'alignement de l'institution avec sa mission sociale22. Elle évalue la capacité de l'IMF à répondre aux besoins de sa clientèle et à avoir une grande profondeur de champ d'action.

    ? Microfinanza Rating a développé un premier outil similaire à celui de M-CRIL puisqu'il mesure la mission, la stratégie, l'efficacité opérationnelle, la qualité du service et la responsabilité sociale de l'institution23. Elle a développé un second outil, plus simple puisqu'il ne nécessite pas de conduite d'entrevues auprès de la clientèle et se suffit à l'information disponible chez l'IMF.

    ? Planet Rating24 a développé l'outil Girafe qui diffère des deux outils précédents dans le sens où il s'appuie entièrement sur les données disponibles auprès de l'IMF. Il évalue différents aspects des opérations de l'institution tels que la gouvernance, le système d'information, la gestion du risque etc.

    21 Site web de FINCA : http://www.finca.org/ , visité le 26 nomvembre 2012

    22 Site web de M-CRIL : http://www.m-cril.com/ , visité le 26 novembre 2012.

    23 Site web de Microfinanza : http://www.microfinanzarating.com/ , visité le 26 novembre 2012

    24 Site web de Planet Rating : http://www.planetrating.com/ , visité le 10 avril 2013

    Chapitre 3 : La microfinance 39

    3. Conclusion

    Au niveau de la mesure de la performance, autant financière que sociale, des IMF, l'industrie propose aujourd'hui plusieurs outils d'évaluation, voire de notation des institutions de microfinance. Ces outils sont parfois développés à l'interne, parfois par des agences externes à but lucratif ou non lucratif, ou alors proposés au travers d'études académiques empiriques.

    L'outil que nous désirons proposer sera spécial dans le sens où il s'adresse à un cercle spécifique d'IMF qui cible une clientèle principalement féminine. Nous pensons qu'un tel outil pourrait permettre à une institution de mieux concentrer ses activités sur les besoins de sa clientèle cible. Il offrirait un cadre de réflexion pour la mise en place d'un système d'information efficace pour le contrôle de gestion de l'institution. Qui plus est, il permettrait de nourrir une réflexion quant à la mise à niveau du système d'information pour pouvoir en récolter les informations utiles de gestion. Finalement, cette étude soutiendrait une réflexion croisée de la performance des IMF entre les aspects sociaux et financiers, puisqu'il semble que peu d'études traitent une analyse combinée de ces deux aspects (Guttierrez-Nieto et al. 2009, cités par Christopoulos et Pozzebon, 2011).

    De nombreuses IMF ont développé des stratégies pour contourner les barrières de la tradition qui empêchent les femmes d'avoir accès à des services financiers (Cheston et Kuhn, 2002). Au niveau de l'accès au crédit, d'énormes progrès doivent encore être réalisés pour que la femme ait un accès convenable aux services bancaires, du moins autant que l'homme.

    Chapitre 3 : La microfinance 40

    V. Pertinence du choix des femmes

    La pénétration du marché féminin se réfère au nombre de femmes et au pourcentage de celles-ci qui ont accès au crédit d'une institution microfinancière, ou encore qui utilise d'autres services de l'institution de manière volontaire, tels que les services de dépôt, microassurances etc. (Holth, 2011). En 2001, un sondage effectué par l'Unité Spéciale de Microfinance du Capital de Développement des Nations Unies a révélé que 60% de la clientèle de 29 institutions microfinancières étudiées étaient des femmes, 6 de ces institutions ciblaient exclusivement cette clientèle (Cheston et Kuhn, 2002).

    Parmi les principales raisons de vouloir cibler exclusivement une clientèle féminine, nous pouvons citer l'inégalité d'accès à l'emploi, mais aussi l'inégalité quant à l'accès à l'éducation, aux services publics, financiers etc. Certains chercheurs affirment pourtant que les femmes ont un meilleur apport sur leur environnement immédiat puisqu'elles dépensent plus d'argent pour le bienêtre du foyer, qu'elles constituent des créditeurs solvables, et qu'elles épargnent autant sinon plus que les hommes (Felder-Kuzu, 2006).

    1. Un aperçu de l'inégalité entre l'homme et la femme

    L'inégalité entre l'homme et la femme quant au partage des richesses et du travail est encore très grande dans le monde. Selon un rapport de CARE Organisation (2005):

    ? Sur les 1,3 milliards de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté,

    70% sont des femmes.

    ? Les femmes fournissent deux tiers du travail mondial : La grande majorité du
    travail domestique nécessaire à la société (éducation des enfants, cuisine, nettoyage) est fourni par les femmes. En règle générale, ce travail est sous-estimé et/ou non rémunéré.

    ? Elles gagnent moins de 10% des recettes mondiales.

    Chapitre 3 : La microfinance 41

    ? Elles possèdent moins de 1% des propriétés mondiales. Étant donné la

    ségrégation de la femme et son statut légal vulnérable dans certaines régions, la

    femme ne possède en général pas d'actifs tangibles pour sa sécurité financière.

    ? Pour ces mêmes raisons, deux tiers des illettrés dans le monde sont des
    femmes.

    Par ailleurs, la majorité des femmes démunies dans les pays en développement travaille dans le secteur informel : dans les pays en développement, les femmes représentent plus de 60% de l'emploi informel hors secteur agricole - un pourcentage qui serait plus élevé si ce secteur était pris en compte (UNIFEM, 2005). Souvent, avec l'aide de la famille, elles survivent grâce à des petits commerces et entreprises en vendant de la nourriture, des services ménagers ou par des petits commerces. Selon Felder-Kuzu (2006), bien que cela dépende de la législation du pays quant aux droits de propriété, lorsque le revenu de ces femmes augmente, elles peuvent se permettre d'acheter une petite propriété ou de construire une maison. Elles étendent aussi leur microentreprise, créant de l'emploi autour d'elles, et leur intégration économique et sociale se fait alors plus évidente.

    2. De l'inégalité quant à l'accès au financement

    Les femmes entrepreneures ont plus de mal à développer leurs activités que les hommes. L'accès au financement est plus difficile et les taux d'intérêts s'en trouvent parfois plus élevés. Dans le rapport de 2011 de l'IFC (International Finance Corporation), Strengthening access to Finance for Women-Owned SMEs Countries, l'organisation a définit les principaux points de différences entre l'homme et la femme entrepreneurs. Un premier point à noter est que les femmes ont tendance à gérer des entreprises de bien plus petites tailles que les hommes, et le manque d'accès au crédit marginalise cette population qui se retrouve enclavée dans des entreprises de cette taille. Ensuite, l'accès au capital humain et physique est très faible chez la femme, entravant par le fait même l'accès au financement. Ces deux types de capitaux sont très importants pour une banque pour l'évaluation d'une demande de crédit. Toutefois, étant donné l'inégalité quant à l'accès à l'emploi et à la propriété dans

    Chapitre 3 : La microfinance 42

    beaucoup de pays en développement, la femme se retrouve limitée pour exprimer son potentiel humain d'entrepreneure.

    Pour ces raisons, les femmes sont considérées plus risquées ou moins rentables que les hommes, incitant l'institution bancaire formelle à discriminer les demandes de crédit par sexe. La microfinance a partiellement équilibré l'accès au crédit pour le développement des affaires. Comme son entreprise croît, la femme a besoin d'avoir un accès à de plus grands capitaux et à un soutien réel de la part des banques pour pouvoir maintenir la croissance de leur commerce (IFC, 2011).

    3. L'autonomie de la femme

    L'autonomie des femmes (women empowerment) est au coeur de la mission de beaucoup d'IMF. L'UNIFEM définit l'autonomie de la femme comme le fait de gagner l'habilité de générer des choix et d'exercer son pouvoir de négociation, de développer son estime de soi et de se rassurer par rapport à son désir de changement. Ces éléments sont essentiels pour l'autonomie de la femme. En bref, ils tournent autour du choix, du pouvoir et du changement (Cheston et Kuhn, 2002).

    Les programmes de microfinance peuvent avoir un impact énorme sur la vie de leurs clientes et sur leur habilité à faire des choix dans leur vie. Dans les pays en développement, la structure sociale dans laquelle elles vivent les empêche bien souvent d'exprimer leur plein potentiel et de s'accomplir en tant que personne (Cheston et Kuhn, 2002).

    There is education in the family: first you shouldn't speak because you are a girl, then later you shouldn't speak because no one will marry you, then later you shouldn't speak because you are a new bride. Finally, you might have the chance to speak but you don't speak because you forgot how to.25

    Kosovo Prishtina, women activist

    25 Citation extraite par Cheston et Kuhn (2002) du rapport des « International Helsinki Federations for Human Rights », Women 2000 : An investigation into the status of women's rights in central and south-eastern europe and the newly independent states.

    Chapitre 3 : La microfinance 43

    En encourageant la solidarité sociale, les institutions de microfinance cherchent l'accomplissement personnel et l'autonomie des membres de ces groupes (Acevedo, 2007). Pour que ces femmes deviennent autonomes et puissent être maitresses d'elles mêmes et de leurs choix, la société doit leur donner accès aux ressources matérielles et financières adéquates.

    4. La femme est-elle un meilleur client que l'homme?

    Armendariz de Aghion et Morduch (2007) ont identifié trois principales raisons pour lesquelles les femmes seraient de meilleurs clients pour les IMF (et pour la société en générale) que les hommes :

    ? Selon le principe économique de retour sur investissement, les auteurs avancent que les femmes auront un meilleur retour sur investissement que les hommes puisqu'elles sont plus pauvres. Yunus (2007) ajoute d'ailleurs que les femmes ont un accès beaucoup plus restreint au financement, et par ce fait même, elles auront une plus grande volonté à rembourser leurs emprunts pour ne pas être davantage marginalisées par le système financier.

    ? Les femmes ont une moindre mobilité que les hommes, et sont par le fait même des emprunteurs moins risqués pour les banques. Étant donné leurs obligations familiales, elles seront moins susceptibles de fuir les pressions externes.

    ? Aussi, comme les femmes sont moins mobiles que les hommes, elles sont plus sensibles aux pressions sociales, plus facilement contrôlables par les banques et constituent donc des clients prenant des décisions moins risquées pour leurs investissements.

    Outre les raisons professionnelles, les dépenses pour le domicile familial reflètent le partage des responsabilités dans le couple. Selon Arwidsson, les femmes dépenseraient une plus grande proportion de leurs revenus pour les enfants du couple que les hommes. Les politiques supportant l'autonomie des femmes s'appuient donc sur le fait que leur épanouissement professionnel sera profitable pour elle et pour les enfants, entrainant par conséquent des bénéfices sociaux plus importants tel qu'une meilleure scolarisation des plus jeunes (Arwidsson, 2006).

    Chapitre 3 : La microfinance 44

    VI. Conclusion

    Dans la section relative à la microfinance, nous avons fait un large survol de cette industrie, du microcrédit, des institutions de microfinance et enfin du marché cible des femmes. Nous avons vu comment les IMF pouvaient constituer un moyen de lutte contre la pauvreté puisqu'elles dynamisaient la création d'emplois en offrant un accès au crédit pour les entrepreneurs à faible revenus, exclus du système financier traditionnel. Nous avons aussi constaté que la femme était davantage marginalisée que l'homme de ce système, et qu'en réponse à cette discrimination, certaines IMF centraient leurs efforts sur cette clientèle. Par ailleurs, nous avons abordé la problématique quant à la gestion de la performance de ces institutions. Les revues scientifiques et académiques proposent des outils de mesure de la performance sociale ou financière, mais très peu, sinon aucune, ne semblent permettre une réflexion croisée de ces deux dimensions.

    Dans le cadre conceptuel, nous présenterons les indicateurs de performance retenus pour le tableau de bord. Nous expliquerons aussi comment nous avons modifié le modèle de Kaplan et Norton pour adapter l'outil au contexte particulier des institutions qui nous intéressent.

    Cadre conceptuel

    Chapitre 4

    Introduction

    Pour que notre outil se rapproche le plus proche possible de la réalité, nous avons essayé de prendre en compte les principaux facteurs qui influencent les dirigeants dans leurs choix des indicateurs de performance et des orientations stratégiques.

    La littérature scientifique identifie ces facteurs. Entre autres, Kaplan et Norton (1996b) insistent sur l'importance de refléter la mission et la vision de l'institution dans l'outil de gestion en y intégrant des mesures de performance adéquates. Par exemple, une organisation qui se voudrait avoir le meilleur service à la clientèle inclurait des indicateurs de performance relatifs à la satisfaction de la clientèle, avec comme objectif des taux de satisfaction supérieurs à la concurrence.

    Dans le cas d'une organisation à but non lucratif, Kaplan (2002) souligne l'importance de bien comprendre l'environnement dans lequel elle évolue. En effet, il suggère une analyse préliminaire afin de définir son marché, de comprendre les facteurs déterminant la satisfaction de la clientèle ainsi que ses valeurs organisationnelles, en plus de déterminer les objectifs à court et moyen terme. Par ailleurs, Creelman et Makhijani (2011) insistent sur l'établissement d'une carte stratégique avant de commencer à choisir les indicateurs de performance pertinents. Cette carte permettrait de visualiser et de comprendre les relations de cause-à-effet entre les différentes perspectives afin de s'assurer de la cohérence du tableau de bord (Kaplan, 2008). Enfin, Epstein et Birchard (1996) discutent

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 46

    d'une judicieuse combinaison par type d'indicateurs afin de pouvoir aboutir à un tableau de bord qui soit équilibré : De façon générale, la liste définitive doit comprendre des indicateurs financiers et des indicateurs non financiers, externes et internes, retardés et avancés (Epstein et Birchard, 1996, pg 7).

    Nous aboutissons donc à un ensemble de considérations importantes à prendre en compte pour l'élaboration de notre tableau de bord. Ces considérations créent en quelque sorte le cadre conceptuel dans lequel l'outil doit être développé.

    Carte
    stratégique

    Marché cible

    Objectifs
    stratégiques

    Tableau de bord

    Mission & vision

    Considérations importantes pour le tableau de bord

    Au cours de cette étude, nous évaluerons la pertinence de l'utilisation d'un tableau de bord dans le cadre d'institutions de microfinance dont la stratégie est axée autour des femmes. Pour ce faire, nous appliquerons notre modèle à quelques cas réels pour étudier la possibilité d'établir un diagnostic fiable de la performance de l'institution grâce à cet outil. Dans la suite de la présente section, nous approfondirons certains éléments d'analyse avant de nous lancer dans les études de cas. Nous commencerons par discuter de la carte

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 47

    stratégique et des différentes formes que celle-ci peut prendre pour s'adapter au contexte particulier de notre étude. Par la suite, nous ferons un rappel des différents indicateurs de performance que propose la littérature avant de conclure sur la liste des indicateurs qui composeront notre tableau de bord.

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 48

    I. La carte stratégique

    La carte stratégique constitue un préalable indispensable au développement d'un tableau de bord. Elle permet de bien aligner les mesures de performance à la stratégie interne de l'entreprise (Kaplan et Norton, 1996c). Pour la prise de décision, la carte stratégique et le tableau de bord permettent de démontrer aux parties prenantes externes que leurs intérêts sont pris en compte. Ces éléments permettent aussi la communication de la stratégie au sein de l'équipe de direction. Enfin, ils guident les dirigeants pour la création d'un système de pilotage complémentaire ou alternatif au système budgétaire (Meyssonnier et Rosolofo-Distler, 2011).

    1. La carte stratégique et le tableau de bord

    La carte stratégique est une représentation graphique de la stratégie organisationnelle supportant la chaine de création de valeur dans l'organisation (Kaplan et Norton, 2004). À travers l'élaboration de la carte stratégique, les gestionnaires font le lien entre les actifs intangibles de l'organisation et les attentes de la clientèle et des actionnaires. Elle apporte une discussion quant à l'alignement des objectifs à moyen terme et à long terme de l'organisation avec les besoins des principales parties prenantes, en dévoilant les liens de cause-à-effet entre les différentes perspectives du tableau de bord (Kaplan et Norton, 2004). Les objectifs à long terme de l'organisation sont ainsi divisés en plusieurs objectifs à court et moyen terme, plus faciles à contrôler. Pour illustrer les liens de cause-à-effet, nous pouvons prendre un exemple très simple d'une carte stratégique contenant un objectif stratégique par perspective :

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 49

    Finances

    Profitabilité

    Retour sur investissement

    Clients

    Fidélisation de la clientèle

    Taux de satisfaction de la clientèle

    Processus internes

    Contrôle qualité

    Taux de rejets

    Innovation et apprentissage

    Formation des employés

    # Jours de formation par employé

    Exemple simplifié d'une carte stratégique

    Supposons une entreprise manufacturière utilisant les quatre perspectives de Kaplan et Norton pour son tableau de bord, et ayant représenté sa stratégie à travers la carte stratégique ci-dessus. Dans ce modèle très simple, chaque perspective aurait un impact sur la perspective supérieure. Ainsi, à travers une meilleure formation des employés, les gestionnaires pensent pouvoir mieux contrôler la qualité de la production, une garantie de bonne qualité permettant une bonne fidélisation de la clientèle et ultimement une profitabilité intéressante pour l'organisation. C'est ainsi que la représentation graphique de la stratégie permet de mieux comprendre le processus de création de valeur. Au niveau du tableau de bord, il s'agit de pouvoir contrôler chacun des objectifs stratégiques grâce à des indicateurs de performance pertinents. Dans notre exemple, nous avons proposé le nombre de jours de formation par employé, les taux de rejets, le taux de satisfaction de la clientèle et le retour sur investissement comme indicateurs de performance. En gardant l'oeil sur ces indicateurs, le gestionnaire peut ainsi contrôler le processus opérationnel de création de valeur dans l'organisation. Dans notre exemple, le tableau de bord comporte l'ensemble de ces indicateurs de performance dont il est possible de mieux comprendre les interrelations grâce à la carte stratégique.

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 50

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 51

    Le choix des indicateurs de performance est étroitement lié aux perspectives stratégiques retenues pour le tableau de bord. Kaplan et Norton (1992) ont proposé des perspectives qui peuvent s'adapter à une grande proportion d'entreprises commerciales. Néanmoins, Kaplan (2002) discute de l'importance d'adapter le système de contrôle de gestion au contexte des organismes à but non lucratif et, pour ce faire, certains auteurs proposent de revoir le choix des perspectives stratégiques.

    2. Le choix des perspectives stratégiques

    Pour l'élaboration d'une carte stratégique destinée à un organisme à but non lucratif, plusieurs auteurs proposent d'adapter les perspectives stratégiques standards de Kaplan et Norton au contexte particulier de ces organisations.

    Les institutions de microfinance poursuivent généralement plusieurs objectifs simultanément, d'ordre social et/ou financier, alors que la finalité des entreprises commerciales pourrait être résumée à la maximisation de la valeur (Labie, 2005). Dans le cadre du tableau de bord, Labie propose de remplacer l'axe financier de Kaplan et Norton par un axe d'efficacité quant à l'utilisation des ressources. En effet, les OBNL se distinguent des entreprises commerciales de par plusieurs aspects. Tout d'abord, il existe une scission entre les apporteurs de fonds et ceux qui gèrent ces fonds, contrairement aux autres entreprises où l'on parle plutôt d'actionnaires à la recherche d'un rendement pour leurs investissements. Ensuite, les OBNL doivent faire un arbitrage quant aux missions qu'elles veulent accomplir pour ne pas trop disperser leurs efforts; elles établissent alors ces missions en fonction des ressources financières et humaines disponibles, et d'une évaluation des coûts de transaction de chaque mission. Enfin, des mécanismes de contrôle doivent aussi être mis en place dans ces organismes. Toutefois, ce qui importe aux apporteurs de fonds et à l'équipe dirigeante n'est pas forcément l'utilisation efficace des fonds et le rendement sur le capital investi, mais plutôt les externalités positives générées par l'utilisation de ces fonds. Et ces externalités sont parfois difficiles à mesurer, puisqu'il s'agit bien souvent de la satisfaction d'un tiers.

    Meyssonnier et Rosolfo-Distler (2011) proposent plutôt d'intégrer un cinquième axe au-dessus de l'axe financier, qui serait un axe de développement durable : économique, sociale et/ou environnemental. C'est ce que les auteurs appellent le Sustainability Balanced Scorecard. L'intégration d'une dimension de responsabilité sociale permettrait de rappeler à l'équipe de direction la primauté de l'aspect social dans les activités de l'institution. Qui plus est, le tableau de bord qui en découlerait poursuivrait plusieurs fonctions parallèles. D'une part il soutiendrait le processus budgétaire de l'institution afin de permettre son autosuffisance financière. D'autre part, il permettrait l'institutionnalisation des préoccupations sociales, et serait un système de pilotage du développement durable de l'institution. Enfin, il pourrait être utilisé comme un document de communication des activités de l'IMF.

    En ce qui concerne notre outil, un des objectifs est non seulement de pouvoir contrôler l'efficience de l'utilisation des ressources pour poursuivre un objectif d'autosuffisance financière, mais aussi de donner la primauté aux externalités sociales de l'IMF. Par conséquent, il nous parait judicieux d'intégrer le cinquième axe de développement durable au-dessus de l'axe financier, respectant ainsi la logique de Meyssonnier et Rosolfo-Distler (2011). Par ailleurs, l'axe financier pourrait permettre de contrôler l'efficacité de l'utilisation des ressources comme le suggère Labie (2005).

    3. Exemples de cartes stratégiques pour les IMF

    Nous avons retenu deux modèles génériques de cartes stratégiques proposés dans la littérature. Le premier est issu d'une étude de cas de Labie (2005) sur les institutions de microfinance. Le modèle est relativement simple est peu développé mais il suit la philosophie de l'auteur, telle que discutée précédemment, puisque l'axe financier se concentre sur l'utilisation optimale des coûts et non sur la maximisation du profit. Le second modèle a été élaboré par le Microfinance Centre (2007) et correspond à la philosophie de Meyssonnier et Rosolfo-Distler (2011) puisqu'il intègre un cinquième axe stratégique au-dessus de l'axe financier. Ces modèles sont présentés dans les deux prochaines pages.

    52

    Perspective

    Objectif

    Indicateurs possibles

    Financier

    Couverture de l'ensemble des coûts (coûts du capital, coûts organisationnels, coûts liés aux provisions pour arriérés) au moyen d'une offre qui ait du sens du point de vue économique que du point de vue social

    · Degré de couverture des coûts

    · Indices de dépendance par rapport aux subventions

    · Rapport entre taux d'intérêt pratiqués et ceux du concurrent

    · Coût total d'obtention d'un crédit pour un client (en incluant les coûts de transaction qu'il supporte)

    Clients

    Satisfaction des clients

    · Nombre de crédits successifs

    · Durée moyenne de l'épargne

    · Taux de croissance du nombre de clients

    · Taux d'arriérés

    Processus internes

    Efficacité dans l'octroi de services financiers (ce qui suppose une participation adéquate du personnel)

    · Coûts organisationnels/volume de portefeuilles

    · Taux d'arriérés

    · Rotation du personnel

    Innovation et apprentissage

    Développement des produits qui correspondent aux souhaits des clients

    · Degré de satisfaction des clients par rapport aux produits

    · Rotation du personnel

     

    Labie (2005) - Tableau de bord pour les organisations de microfinance

    Microfinance Center (MFC, 2007) - Carte stratégique typique pour une IMF

    53

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 54

    Le fait que certains auteurs ou institutions, comme nous venons de le voir avec Labie (2005) et le microfinance center (2007), intègrent une perspective sociale souligne l'importance de considérer cette dimension à part entière. Son intégration dans le modèle de Kaplan et Norton permettrait éventuellement d'intégrer une étude de performance financière et sociale au sein d'une même réflexion lors de l'analyse d'une institution de microfinance. Comme le souligne Woller (2007), les institutions de microfinance relèvent le défi de développer un modèle d'affaire qui présente un équilibre entre les performances financière et sociale.

    « Extending formal financial services to poor and hard-to-reach clientele necessarily entails higher costs and lower per unit returns and is, susequently, harder to scale-up. The trade-off inherent in this relationship creates incentives for microfinance institutions (MFIs) to move up-market and away from their traditional poor clientele - a phenomenon known as mission drift. »

    (Woller, 2007 pg 14)

    Cette dérive de la mission (mission drift) sur laquelle insiste Woller semble être une menace importante du secteur de la microfinance. En supportant une réflexion croisée des performances financière et sociale, les gestionnaires seraient plus à même de protéger leur institution de ce risque.

    La présente étude s'adonne donc à un exercice de compilation équilibrée d'indicateurs de performance. Cet équilibre n'est pas évident, puisqu'il doit avoir une dimension à court terme et à long terme, être accessible à son utilisateur cible, être synthétique quant à l'information fournie etc. Par conséquent, avant de présenter les indicateurs de performance retenus, nous ferons un court rappel de la revue de littérature pour mieux expliquer le raisonnement suivi en vue de retenir certains indicateurs plutôt que d'autres.

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 55

    II. Modèle théorique

    1. Rappel de la revue de littérature

    Selon Holth (2011), afin de devenir financièrement autosuffisantes, les institutions se doivent de garder la quête du profit alignée avec les autres objectifs institutionnels; une telle gestion de l'institution ne signifie pas forcément l'inscription de l'institution en tant qu'organisme à but lucratif. En effet, alors que les organismes à but lucratif ont la possibilité de réinvestir les bénéfices générés par les activités dans l'institution ou de les redistribuer à ses actionnaires, les organismes à but non lucratif n'ont d'autre choix que de réinvestir ces revenus au profit de l'institution dans son ensemble (Holth, 2011). Par conséquent, la gestion d'une IMF se doit d'être élaborée dans une perspective de rentabilité financière pour assurer la viabilité de l'institution dans son ensemble. Elle se doit d'être faite dans une perspective de pérennité à long terme qui ne pourra exister sans une indépendance de l'institution face aux subventions et aux dons, et nécessitera donc une autosuffisance de l'institution grâce aux revenus générés par ses propres activités (Dingue, 2005). Le tableau suivant présente une partie des indicateurs de performance provenant des études présentées dans la revue de littérature.

    56

    Sources26

     

    (CGAP, 2003)

     

    (Christopoulos et
    Pozzebon, 2011)

    (Gutiérrez-Nieto, Serrano-
    Cinca et Molinero, 2007)

     

    (Rosenberg, 2003)

    Indicateurs


    ·

    Taux de provision pour


    ·

    Portefeuille à risque


    ·

    Total des actifs


    ·

    Nombre de clients actifs

     
     

    créances douteuses

     

    (PAR30, Portfolio At


    ·

    Coûts opérationnels


    ·

    Emprunt moyen par

     


    ·

    Taux d'abandon de

     

    Risk) en retard de plus


    ·

    Nombre d'employés

     

    client

     
     

    créances

     

    de 30 jours


    ·

    Nombre de femmes


    ·

    Portefeuille à risque

     


    ·

    Taux de


    ·

    Ratio de coûts

     

    parmi les emprunteurs

     

    (PAR30, Portfolio At

     
     

    rééchelonnement des

     

    opérationnels


    ·

    Nombre d'emprunteur

     

    Risk)) en retard de plus

     
     

    prêts


    ·

    Ratio de la dette sur les


    ·

    Emprunt moyen par

     

    de 30 jours

     


    ·

    Ratio de liquidité

     

    fonds propres

     

    client / PIB par habitant


    ·

    Emprunts à risque

     
     

    immédiate


    ·

    Frais moyen par


    ·

    Montant du portefeuille

     

    (LAR30, Loans At Risk)

     


    ·

    Marge nette d'intérêts

     

    transaction


    ·

    Revenus financiers

     

    de plus de 30 jours

     


    ·

    Augmentation annuelle du nombre


    ·

    Taux d'intérêts sur les emprunts


    ·

    Etc.


    ·


    ·

    Taux de recouvrement Rendement de l'actif

     


    ·

    d'emprunteurs

    Taux de croissance annuel de l'épargne


    ·

    Nombre de services différents offerts aux clients

     
     


    ·


    ·

    Rendement des capitaux propres Ratio de coûts

     


    ·

    Augmentation annuelle


    ·

    Âge de l'institution

     
     
     

    opérationnels

     


    ·

    du nombre de déposants

    Nombre de clients actifs


    ·


    ·

    Ratio coûts/revenues Taux d'acceptation des demandes de crédit

     
     


    ·

    Etc.

     


    ·

    Pourcentage de clientes


    ·

    Etc.

     
     
     
     
     


    ·

    Montant médian des premiers prêts

     
     
     
     
     
     
     


    ·

    Etc.

     
     
     
     
     
     

    Exemples d'indicateurs de performance de la littérature académique

    26 Le tableau n'est pas un récapitulatif exhaustif des indicateurs proposés par les auteurs. Certains indicateurs ont été omis volontairement car ils ne correspondent pas au type d'IMF que nous voulons étudier ou au type d'analyse que nous voulons poursuivre. Les auteurs ne sont d'ailleurs pas les seuls à avoir présenté de tels

    indicateurs, mais ils constituent les principales sources desquelles nous avons sélectionné nos indicateurs.

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 57

    2. Présentation du modèle

    i. Considérations théoriques

    Le tableau de bord de gestion pourrait être utilisé comme outil diagnostic à l'interne pour mieux comprendre la performance des IMF. Étant donné leur objectif à la fois financier et social, l'introduction de mesures financières et non financières semble appropriée pour ce type d'analyse, et le modèle de Kaplan et Norton suggère l'utilisation de ces deux types de mesures. Comme nous l'avons vu dans la revue de littérature, l'émergence de cet outil est venu combler certaines faiblesses des systèmes de contrôle de gestion traditionnels, en apportant des éléments de réponses et d'analyse pour mieux comprendre les origines de l'inefficacité opérationnelle des entreprises. Ce type d'outil pourrait donc permettre aux IMF qui nous intéressent de mieux comprendre leur performance financière tout en s'assurant qu'elle s`harmonise avec leur objectif social. En décomposant la performance globale d'IMF en plusieurs aspects de la chaine opérationnelle, et en mesurant chacun de ces aspects, le gestionnaire d'une IMF serait plus à même de comprendre les déterminants de la rentabilité de l'institution : Quels facteurs soutiennent l'autosuffisance financière de l'institution? Dans quel processus l'IMF devrait-elle exceller pour atteindre tel ou tel objectif? Etc.

    D'autres études ont traité des mesures de performance des institutions de microfinance, et il serait intéressant de faire le parallèle entre les perspectives stratégiques du modèle de Kaplan et Norton (auxquelles nous avons ajouté une perspective sociale) avec les dimensions que proposent certaines de ces études. Parmi elles, nous avons retenu l'étude de Ledgerwood (1999). Le tableau suivant aide à représenter cette idée :

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 58

    Kaplan et Norton

    Ledgerwood

    Perspective :

    ? Sociale

    ? Financière

    ? Clients

    ? Processus internes

    ? Innovation et apprentissage

    Qualité du portefeuille Productivité et efficience Viabilité financière Profitabilité

    Levier et adéquation du capital Échelle, portée et croissance

    Les perspectives de Kaplan et Norton et les dimensions de Ledgerwood

    Nous pensons que les deux modèles ci-dessus sont très similaires, de sorte que nous proposons d'inclure les dimensions de Ledgerwood dans les perspectives de Kaplan et Norton. Il nous semble que toutes les dimensions de l'étude de Ledgerwood pourraient être incluses dans les perspectives financière, clients, et processus internes du modèle de Kaplan et Norton. À travers la perspective innovation et apprentissage, ainsi que la perspective sociale suggérée par Meysonnier et Rosolfo-Distler, notre outil offrirait deux nouveaux aspects à considérer dans la mesure de la performance des IMF. Par conséquent, nous pouvons penser que le tableau de bord pourrait constituer un outil à fort potentiel pour le contrôle de gestion des IMF.

    Avant de passer à la description des indicateurs de performance, il serait intéressant de faire un rappel de la définition de la performance d'une institution de microfinance.

    ii. Qu'est ce qu'une IMF performante?

    Comme nous l'avons vu dans la littérature, il existe peu, sinon pas, de consensus pour définir la performance des institutions de microfinance (Lashley, 2004; Nanayakkara et Iselin, 2012). Des mesures de performance d'entreprises commerciales telles que le retour sur investissement ou le cours de l'action ne semblent pas appropriées pour ce type d'institution. Celles-ci tentent en effet d'avoir un impact social positif sur leur clientèle pour

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 59

    améliorer le niveau de vie des clients, et les outils de mesure de la performance accordent une importance prioritaire à cette performance dite sociale.

    D'un côté, il s'agit donc de mesurer la performance sociale d'une IMF. Par exemple, le Consultative Group to Assist the Poor a étudié la performance sociale d'institutions de microfinance à travers le niveau de scolarité des enfants en Ouganda, la réduction de la malnutrition au Bangladesh et la diminution des périodes de carence alimentaire au Vietnam (CGAP, 2002 , cité par Nanayakkara et Iselin 2012). D'un autre côté, il est essentiel pour une institution de gérer sa performance financière pour pouvoir oeuvrer à long terme. L'avenir de la microfinance passerait par une indépendance des institutions de microfinance quant aux subventions et dons externes (Dingue, 2005). En conclusion, concernant les institutions de microfinance, deux aspects essentiels sont à considérer pour mesurer leur performance : la viabilité financière (ou l'autosuffisance opérationnelle) ainsi que l'étendue du champ d'action. À travers les études de cas du prochain chapitre, nous pourrons déterminer s'il est possible d'établir un diagnostic fiable de la performance de ces institutions grâce au tableau de bord.

    Kaplan et Norton (1992) recommandent de sélectionner un nombre restreint d'indicateurs par perspective stratégique. Il nous a semblé aussi important de représenter chacune des dimensions de Ledgerwood dans le tableau de bord par au moins un indicateur de performance. D'autres indicateurs ont été ajoutés pour prendre en compte le contexte particulier des IMF dont la stratégie est axée autour des femmes. Enfin, pour ce qui est de l'origine des données financières du prochain chapitre, nous avons combiné la base de donnée publique de l'organisation Microfinance eXchange27 avec les différents ratios calculés par les IMF et disponibles sur leur site internet.

    iii. Le choix des indicateurs de performance

    L'annexe 1 présente les détails de calcul des indicateurs de performance retenus pour le tableau de bord. Notre choix des indicateurs de performance a été réalisé sans étude de terrain, et s'est appuyé exclusivement sur nos recherches de la littérature scientifique et

    27 Site web de l'organisation : http://www.mixmarket.org/ données collectées le 28 janvier 2013.

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 60

    académique. Plusieurs modèles de gestion de la performance ont retenu notre attention, principalement le PPI (Progress Out of Poverty Index) développé par Mark Shreiner, l'outil CERISE, de l'agence de notation Planet Finance, et les différents outils de la Social Performance Task Force (SPTF). Toutefois, ces outils sont élaborés sous forme de questionnaires et/ou de sondages et ne fournissent pas d'indicateurs de performance relatifs à la gestion de l'IMF conformément à notre étude. Le PPI, par exemple, permet de mesurer le niveau de pauvreté de la clientèle d'une IMF et, par conséquent évalue la performance de ladite institution en fonction l'amélioration du niveau de vie de la population. Une telle approche quant à la mesure de la performance d'une IMF est intéressante, mais contrairement au tableau de bord élaboré selon l'esprit de Kaplan et Norton, elle ne renseigne pas sur l'utilisation efficiente des ressources par l'institution et sur sa pérennité à long terme.

    D'autres études correspondaient davantage au modèle du tableau de bord de gestion. Parmi ces études, nous avons retenu celles de Ledgerwood (1999), Christopoulos et Pozzebon (2011), CGAP (2003), Rosenberg (2003, 2009); (Rosenberg, 2009), Gutiérrez-Nieto, Serrano-Cinca et Molinero (2007), Von Stauffenberg et Ramirez (2003), Waterfield et Ramsing (1999) et Weber et Ferro-Luzzi (2006). Nous avons ainsi observé tous les indicateurs de performance que proposait cette littérature pour en tirer des mesures relatives à chacune des perspectives de Kaplan et Norton. Nous avons pris en compte les principales caractéristiques du tableau de bord tel qu'introduit précédemment dans la revue de littérature. La liste suivante en présente quelques-unes :

    ? Indicateurs simples à calculer et à comprendre car l'outil s'adresse à des personnes n'ayant pas forcément une formation poussée en gestion ou en statistiques;

    ? Information de gestion précise et unique à chaque indicateur : par exemple, chacun du nombre d'employés et de clients nous informe sur la taille de l'institution, mais le second donne également une idée de l'étendue du champ d'action et a donc davantage tendance à être retenu par rapport au premier;

    ? Tableau de bord équilibré entre mesures financières et non financières, mais aussi entre mesures d'efficacité, d'efficience, de rendement, de productivité et d'économie;

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 61

    ? Chaque indicateur de performance lié à un aspect de la structure opérationnelle doit faciliter la définition d'un objectif stratégique. Par exemple, nous faisons le choix du rapport entre les dettes et les fonds propres pour mesurer la structure de financement; une IMF pourrait donc juger qu'une structure de financement convenable pour ses opérations impliquerait un ratio inférieur à tel ou tel palier.

    Par ailleurs, nous nous sommes inspirés de l'information disponible sur la base de données du Microfinance eXchange28 car elle constitue notre principale source de données financières et comptables sur les institutions étudiées dans le prochain chapitre. Cet élément a constitué une limite quant au choix et à la qualité des indicateurs disponibles, et nous avons surtout été limités au niveau des indicateurs de performance des perspectives sociales, et innovation et apprentissage. La page suivante présente les indicateurs de performance retenus et l'annexe 1 fournit plus de détails quant à leur définition et formule de calcul.

    Pour conclure, le tableau de bord de la page suivante ne présente pas d'objectifs à atteindre pour chaque indicateur. Dans le chapitre suivant, bien que nous ayons essayé de proposer des éléments de comparaison tels que des ratios de l'industrie et des principaux concurrents, nous sommes conscients que l'absence de tels objectifs affaiblit la pertinence de notre étude. Nous approfondirons sur ce point plus tard, au niveau des limites de l'étude.

    28 http://www.mixmarket.org/, visité le 01 mars 2013.

    62

    Perspective sociale

     

    Marché cible

     
     
     

    Pourcentage de femmes parmi la clientèle

     

    Perspective financière

    Gestion des coûts

    Structure de financement

    Autosuffisance financière

    Rendement sur l'actif

     
     
     
     

    Coûts opérationnels / Portefeuille de prêts

    Dette / Fonds propres

    Ratio d'autosuffisance financière

    Bénéfice net / Actif total

    Perspective client

    Dépôts de la clientèle

    Étendue du champ d'action

    Profondeur du champ d'action

     
     
     

    Dépôts / Portefeuille de prêts

    Nombre d'emprunteurs actifs

    Emprunt moyen

    Perspective processus internes

    Distribution de la

    Clients à risque

    Distribution des activités

    Coût des emprunts

    Distribution des agents

    clientèle

    de crédits

     
     
     
     
     

    Nombre d'emprunteurs
    actifs par succursale

    % du Portefeuille en
    retard de plus de 30 jours

    Nombre d'emprunteurs
    par agent de crédit

    Moyenne du coût par
    emprunt

    Nombre d'agents de crédit par succursale

    Apprentissage et innovation

    Conditions salariales

    Femmes

    Femmes

     
     
     

    Salaire moyen / PIB par habitant

    % de femmes employées

    % de femmes gestionnaires

    Proposition de tableau de bord de gestion

    Chapitre 4 : Cadre conceptuel 63

    III. Conclusion

    Dans le cadre conceptuel, nous avons vu les principaux facteurs à prendre en compte dans le choix des indicateurs de performance. Nous avons aussi suggéré de placer une cinquième perspective sociale au-dessus de la perspective financière de Kaplan et Norton afin de montrer la primauté du rendement social sur le rendement financier d'une IMF.

    Comme nous l'avons vu dans la revue de littérature, certains modèles de mesure de la performance ont déjà été développés, mais aucun ne semblerait intégrer les performances sociale et financière dans un même modèle; qui plus est, aucun ne semble se concentrer sur les IMF dont la stratégie est axée autour des femmes. Par ailleurs, nous avons soulevé le manque de standards de performance dans l'industrie de la microfinance. Nos analyses de performance devraient donc se faire au cas par cas, en fonction des objectifs stratégiques et des activités sociales de chaque institution.

    Finalement, nous avons présenté les indicateurs de performance qui pourraient composer notre tableau de bord de gestion et que nous utiliserons pour faire un diagnostic d'IMF dont la stratégie est axée autour des femmes dans le prochain chapitre. L'objectif étant d'évaluer la possibilité d'établir un diagnostic de performance fiable d'IMF grâce au tableau de bord.

    Etudes de cas

    Chapitre 5

    Introduction

    Suite à la revue de littérature et au cadre conceptuel, nous pouvons maintenant rentrer dans le vif du sujet et évaluer l'utilisation du tableau de bord sur quelques situations réelles. Nous avons vu que plusieurs modèles de mesure de la performance proposaient des indicateurs pour évaluer les finances et la durabilité des IMF. Toutefois, il semblerait qu'aucun n'ait abordé le sujet à travers un tableau de bord, en y ajoutant une perspective sociale, et en s'intéressant aux IMF dont la stratégie est axée autour des femmes particulièrement.

    Dans le présent chapitre, nous allons tenter de faire un diagnostic de performance de deux institutions de microfinance, l'une en Inde, l'autre au Maroc, grâce au tableau de bord que nous avons présenté dans le cadre conceptuel. L'objectif est de savoir s'il est possible de formuler une évaluation juste de la performance d'une IMF à travers cet outil. Nous avons retenu ces deux IMF car nous pensons qu'elles peuvent nous aider à comprendre si le tableau de bord permet d'aboutir à un diagnostic fidèle de la réalité. En effet, selon les littératures professionnelles et scientifiques, l'une de ces institutions jouit d'une excellente performance financière et sociale contrairement à la seconde institution, et le tableau de bord que nous vous proposons devrait nous permettre d'aboutir à des conclusions similaires.

    Le présent chapitre ne traite pas d'une étude de cas à proprement dit, avec une étude terrain et une collecte de données auprès des institutions de microfinance. À partir d'informations financières et comptables collectées de sources secondaires, il s'agit d'évaluer la possibilité de réaliser un diagnostic fiable de la performance de ces institutions à partir de ces mêmes données. Ces dernières ont été principalement recueillies du site

    Chapitre 5 : Études de cas 65

    web du Microfinance eXchange29, précédemment présenté dans la revue de littérature. Le site propose en effet une base de données contenant des indicateurs financiers pour plus de 2000 institutions à travers le monde. Une minorité d'indicateurs, à savoir les indicateurs sociaux de la Bandhan Financial Services30, a été collectée du site web de l'institution.

    Kaplan (2002) a noté l'importance de comprendre l'environnement sociopolitique et la culture d'entreprise d'une organisation avant de pouvoir en apprécier la performance. Par conséquent, pour chacune des institutions de microfinance, nous ferons une analyse de l'environnement politique et économique du secteur de la microfinance dans le pays ainsi que de l'historique et du fonctionnement de l'institution. Par la suite, nous présenterons le tableau de bord de chacune des institutions sur 3 ans pour voir si ces indicateurs de performance nous permettent d'arriver à des conclusions cohérentes avec la réalité.

    I. Bandhan Financial Services

    Pour l'évaluation de notre outil, nous avons choisi une institution renommée, ayant a priori une bonne performance financière et opérationnelle, et reconnue par ses pairs. Notre choix s'est porté sur la Bandhan Financial Services (Bandhan), classée deuxième institution la plus performante par le magazine Forbes en 200731 et 13ème par l'organisation Microfinance eXchange en 200932. Nous pensons ainsi avoir un modèle d'institution de microfinance performante sur laquelle nous pourrions tester notre outil, et voir s'il permet d'aboutir à une image de la Bandhan similaire à celle que perçoit le marché.

    29 Site web de l'organisation http://www.mixmarket.org/ visité le 8 avril 2013.

    30 Site web de l'organisation http://www.bandhan.org/ visité le 8 avril 2013.

    31 Site web de Forbes, page du classement affiché le 20 juillet 2007, visité le 3 février 2013 http://www.forbes.com/2007/12/20/microfinance-philanthropy-credit-biz-czms1220microfinancetable.html

    32 Site web de Microfinance eXchange, page du classement affiché en janvier 2010, visité le 3 février 2013 http://www.themix.org/sites/default/files/2009%20MIX%20Global%20100%20Composite.pdf

    Chapitre 5 : Études de cas 66

    Aussi, comme notre outil porte sur les IMF dont la stratégie est axée autour des femmes, il nous semble important de présenter la situation socioéconomique de la femme dans le pays de l'institution.

    1. Situation socioéconomique de la femme indienne

    Bandhan a choisi de travailler à l'amélioration des conditions de vie de la femme indienne qui ne bénéficie pas encore des mêmes droits que l'homme.

    Sur le site de la Banque Mondiale, nous pouvons constater une augmentation de 11,9% du PIB par habitant de l'Inde de 2010 à 2011. Néanmoins, il semblerait que cette croissance ne soit pas à son plein potentiel, et surtout qu'elle ne profite pas à tous. Dans le rapport du CSIS, Center for Strategic & International Studies, par Inderfurth et Kahmbatta (2012), les auteurs soulignent l'importance de l'économie indienne avec la seconde plus grande population active mondiale, soit 478 millions d'habitants. Seulement, l'accès à l'emploi et aux opportunités économiques ne semble pas égal pour les deux sexes, puisqu'on peut constater que les femmes ne constituent que 24% de la population active indienne, que le taux de femmes séniors employées atteint à peine 5% pour une moyenne nationale de 20%, et que près de la moitié des femmes arrête de travailler avant d'achever la moitié de leur carrière.

    Cette discrimination présente un coût pour l'économie indienne. Selon Lakshmi Puri, assistante au secrétaire général de United Nations Women33, le taux de croissance de l'économie indienne pourrait augmenter de 4,2% si les femmes bénéficiaient de plus d'opportunités.

    2. Environnement politique et économique

    Selon le rapport annuel de la Reserve Bank of India (2012), la microfinance en Inde a été développée dans une perspective d'extension du système bancaire, avec l'ambition de

    33 Témoignage recueilli dans le rapport de Khambatta et Inderfurth (2012).

    Chapitre 5 : Études de cas 67

    pouvoir intégrer tout le peuple indien dans ce système traditionnel. Depuis lors, les institutions de microfinance ont évolué vers un modèle formel, avec une approche orientée vers le profit. L'industrie a vu se multiplier les IMF à but lucratif enregistrées en tant que non-banking financial company (NBFC). Les NBFC sont des institutions financières offrant des services bancaires, sans être enregistrées en tant que banque. Ces institutions sont traitées différemment puisqu'elles ne sont pas toutes autorisées à accepter des dépôts du public, mais restent régulées par la Reserve Bank of India (RBI)34. La RBI accorde néanmoins cette autorisation à certains IMF sous certaines conditions relativement strictes.

    En juillet 2010, l'industrie de la microfinance en Inde a connu le premier passage en bourse de la SKS, la plus grosse IMF jusqu'à présent avec un portefeuille de prêts de 1,2 milliards de dollars. Le magazine The Economist (2013) rapporte que l'évaluation de la banque était plus de 13 fois surestimée. Une crise de l'industrie s'en est suivie, et les méthodes de collecte et les taux d'emprunts ont été remis en cause, puisque certaines IMF profitaient principalement aux investisseurs privés (The Economist, 2013; M-CRIL, 2012; RBI, 2012). La situation a été rattrapée par la RBI qui émit une nouvelle règlementation de la microfinance fin 2011 et qui imposa, entre autres, un plafond aux taux de prêts (The Economist, 2013). Certaines IMF ont pu survivre et accroitre leurs activités pendant cette période de crise. Parmi ces IMF, Bandhan a pu continuer à offrir des taux d'intérêts compétitifs grâce à un contrôle serré des coûts opérationnels, en « créant des succursales à une salle contenant à peine plus que des chaises en plastique »35.

    3. La microfinance indienne

    Le secteur de la microfinance en Inde connait deux modèles majeurs : les réplications de la méthodologie de la Grameen Bank, et le Bank-Self-Help Group (Karmakar, 2009).

    34 Site de la Reserve Bank of India http://www.rbi.org.in/ visitée le 5 février 2013.

    35 Témoignage du PDG de Bandhan, rapporté par The Economist, édition imprimée du 12 janvier 2013. Traduction personnelle.

    Chapitre 5 : Études de cas 68

    Le premier tire son origine de l'autorité de la Grameen Bank comme étant l'une des institutions de microfinance les plus performantes (Seibel et Torres, 1999). Les expériences de réplications du modèle se fondent principalement sur la méthodologie de prêt de groupe dont la réussite doit être évaluée du point de vue « de l'empowerment » (autonomisation) de la clientèle plutôt que de celui du taux de pénétration du marché (Syed, 2009). Avec des structures de financement orientées vers les donations, certaines réplications n'ont pas été à la hauteur des espérances, les taux d'intérêts observés étaient inadéquats et les coûts administratifs exorbitants (Seibel et Torres, 1999).

    Le second modèle, le Bank-Self-Help Group (BSHG), est chapeauté par des institutions de microfinance et la discipline de la gestion d'un prêt est enseignée à un groupe d'emprunteurs à travers un modèle bien défini. Selon Harper (2002), un groupe d'une vingtaine de personnes provenant d'une classe sociale homogène est constitué. Ces personnes créent un fonds commun à partir des épargnes de chacun, fonds qui leur sera emprunté, tour à tour, moyennant des intérêts qui serviront à faire grossir ledit fond. Une fois que le groupe a assimilé la rigueur du crédit bancaire, des banques formelles sont alors encouragées à fournir des emprunts sans garantie à ce groupe qui s'est constitué un historique de crédit. Les membres décideront alors eux-mêmes des termes du prêt et de la manière dont celui doit être géré entre eux.

    4. Bandhan Financial Services36

    Bandhan a été créée en 1995, et a commencé ses opérations de microfinance sous sa forme actuelle en 2006 en tant que non banking financial company. À la fin de 2011, l'institution comptait 1 553 succursales, pour 9 309 employés et 3,5 millions de clients, répartis dans 18 états indiens.

    36 Toutes les informations de la présente section sont publiques et disponibles sur le site du Microfinance eXchange et sur celui de l'institution, visités le 5 février 2013. L'évaluation de performance étant faite pour la période 2009 à 2011, à défaut d'indication contraire, les données font état de la situation de l'IMF à la fin de l'exercice fiscal terminant le 31 mars 2011.

    i. Chapitre 5 : Études de cas 69

    Gouvernance

    L'IMF est incorporée sous la supervision de la Reserve Bank of India, sa forme légale actuelle lui permettant d'accepter l'épargne de sa clientèle. Le conseil d'administration est formé de sept membres, dont six directeurs indépendants, et tous les membres ont plus de dix ans d'expérience dans leur domaine de spécialisation. Le comité de gestion se réunit sur une base mensuelle pour discuter de la performance financière et opérationnelle et des nouvelles directives. Étant donné l'étendue des opérations, le CA a formé des sous-comités (gestion de risque, comité d'audit etc.) pour la gestion saine de l'institution et pour accroitre la transparence des opérations.

    ii. Mission, vision et stratégie

    L'IMF travaille à la réduction de la pauvreté et à la responsabilisation des femmes. Avec 3,5 millions de clients en 2011, l'institution espère pouvoir servir 10 millions de clients à l'horizon 2020. Bandhan progresse quant à l'atteinte de sa mission en privilégiant une stratégie tournée vers la création de l'emploi à travers le financement d'entrepreneurs à très faible revenu pour la promotion de l'entreprenariat et de la microentreprise.

    iii. Marché cible

    Certaines activités de développement communautaire visent les jeunes de moins de 18 ans, d'autres activités à caractère éducatif se concentrent sur les enfants de 8 à 14 ans sans discrimination quant au sexe. En ce qui concerne le microcrédit, Bandhan s'est engagée à fournir des services de microfinance à un marché cible exclusivement féminin. Elle fournit des formations de leadership et de gestion financière à sa clientèle pour assurer une bonne utilisation des crédits. Les produits et services ne visent pas seulement la microentreprise, mais s'étendent également à l'entreprise de taille moyenne.

    Chapitre 5 : Études de cas 70

    iv. Produits et services

    Bandhan semble diversifier son offre de produits et de services puisqu'elle propose notamment des services de transfert bancaire et de marge de crédit par exemple. Aussi, elle propose des prêts non seulement pour le financement d'entreprise, mais aussi pour les soins hospitaliers. En règle générale, le client doit démontrer le potentiel qu'il présente de générer des revenus supplémentaires grâce au prêt. En cas de défaut de paiement ou de prépaiement, aucune pénalité n'est appliquée et les emprunts se font sans hypothèque. Le tableau ci-dessous récapitule les principaux produits financiers offerts par l'IMF37 :

    Produit financier

    Montant

    Durée

    Taux d'intérêt

    Sushana (microcrédit)

    18$ - 25$

    12 mois

    22,90%

    Srishti

    (microentreprise)

    25$ - 90$

    24 mois

    22,90%

    Samriddhi (micro, petite et moyenne entreprise)

    90$ - 900$

    12/18/24 mois

    22,90%

    Suraksha

    (microcrédit pour
    soins hospitaliers)

    18$ - 180$

    12 mois

    20%

    Susikhsha

    (microcrédit pour l'éducation)

    18$ - 180$

    12 mois

    20%

    Fisheries

    18$ - 90$

    12/24 mois

    22,90%

    Produits financiers de la Bandhan Financial Services

    37 Page web de l'institution http://www.bandhanmf.com/loan.aspx visité le 6 février 2013

    Chapitre 5 : Études de cas 71

    5. Analyse de performance

    Après avoir présenté le contexte dans lequel évolue l'IMF, la situation socioéconomique de la femme en Inde, ainsi que le fonctionnement général de l'institution, nous pouvons maintenant nous concentrer sur l'analyse de performance de cette institution à partir du tableau de bord que nous avons introduit dans le cadre conceptuel. La page suivante présente les indicateurs de performance pour Bandhan sur la période 2009 à 2011. Ceux-ci sont présentés par année et par perspective stratégique. Nous rappelons que l'objectif et d'étudier la possibilité d'établir un diagnostic de la performance de l'institution à partir du tableau de bord. Pour rester dans l'esprit de l'outil selon Kaplan et Norton, nous analyserons la performance de l'institution perspective par perspective, du bas vers le haut, en commençant par la perspective innovation et apprentissage, afin de mieux apprécier l'existence de relations de cause-à-effet.

    Chapitre 5 : Études de cas 72

    Les devises sont en dollars américains

    2009

    2010

    2011

    Apprentissage et
    innovation

    Salaire moyen/PIB par habitant

    1,63

    1,11

    1,29

    Pourcentage de femmes employées

    ND

    ND

    ND

    Pourcentage de femmes gestionnaires

    ND

    ND

    ND

    Processus
    internes

    # Emprunts par succursale

    2 155

    2 192

    2 096

    PAR30

    0,09%

    0,13%

    0,57%

    # Emprunteurs/Agent de crédit

    530

    522

    521

    Coût par emprunt

    7,76

    6,61

    9,73

    # Agents de crédit/Succursale

    4,07

    4,20

    4,02

    Clients

    Dépôts/Portefeuille de prêt

    16,21%

    17,66%

    1,41%%

    # Emprunteurs actifs

    1 454 834

    2 301 433

    3 254 913

    Emprunt moyen

    86

    144

    173

    Financière

    Coûts opér./Portefeuille de prêts

    8,78%

    5,43%

    6,12%

    Dettes/Fonds propres

    15,39

    8,57

    6,24

    Autosuffisance opérationnelle

    174%

    158%

    156%

    Retour sur actif

    8,66%

    3,52%

    5,32%

    Sociale

    Pourcentage de femmes clientes

    100%

    100%

    100%

    # Élèves du Bandhan Education Program

    1 980

    3 645

    5 002

    # Familles du Bandhan Health Program

    37 500

    75 000

    186 330

    Tableau de bord pour la Bandhan Financial Services entre 2009 et 2011

    i. Chapitre 5 : Études de cas 73

    Perspective innovation et apprentissage

    En 2011, l'Inde affichait un PIB par habitant de 1 410$US, à titre de comparaison le Canada affichait 45 560$ pour la même année38. Le salaire moyen pour les employés de Bandhan se serait donc situé entre 1 565$ (1,11 x 1 410) et 2 298$ (1,63 x 1 410) par an entre 2009 et 2011. Pour fins de comparaison, le ratio du salaire moyen/PIB par habitant des IMF indiennes Grameen Bank et Spandana39 était respectivement de 4,05 et 2,79 en 2009, avec 1,63 pour Bandhan la même année.

    Au niveau de la composition du personnel par sexe, nous n'avons pu pas avoir accès aux données des années 2009 à 2011. Par contre, nous avons pu identifier un pourcentage de femmes de 7,75% parmi les employés, et un pourcentage de 3,35% de femmes gestionnaires en 2012.

    En conclusion, les conditions salariales de Bandhan semblent a priori très faibles, surtout que la concurrence affiche des ratios presque deux fois plus élevés. Au niveau de l'équité quant à l'accès à l'emploi, la proportion des femmes est, elle aussi, très faible parmi les employés de la Bandhan, mais les conditions socioéconomiques particulières à la femme indienne expliquent en grande partie ce déséquilibre. Qui plus est, la concurrence n'affiche pas forcément de meilleurs résultats puisque le pourcentage de femmes parmi les employés de Spandana plafonnait à 0,50% et 3,78% en 2010 et 2011.

    ii. Perspective processus internes

    Au niveau des opérations, le nombre d'emprunteurs par succursale est demeuré relativement stable avec une moyenne sur la période d'environ 2 150. Les ratios du nombre d'emprunteurs par agent de crédit et du nombre d'agents de crédit par succursale sont eux aussi restés stables avec des moyennes respectives d'environ 525 et de 4 sur la période. Ce constat nous semble très positif étant donné la rapide augmentation du nombre de succursales qui a plus que doublé sur la période, passant de 675 en 2009 à 1 553 en 2011. Bandhan pourrait avoir profité de la croissance du secteur de la microfinance

    38 Site de la Banque Mondiale http://data.worldbank.org/ visité le 6 février 2013.

    39 La Grameen Bank et Spandana peuvent constituer de bons éléments de comparaison puisque les trois IMF (avec Bandhan) font partie des plus grosses IMF en Inde.

    Chapitre 5 : Études de cas 74

    indienne pour aller toucher un plus grand nombre d'emprunteurs, dont le nombre est passé de 1 450 000 à 3 250 000 sur la même période. Qui plus est, l'institution semblerait investir les moyens nécessaires pour continuer à répondre adéquatement à la clientèle puisque le nombre d'agents de crédit a crû dans les mêmes proportions, en passant de 2700 à 6 200.

    Au niveau de la qualité du portefeuille, le portefeuille à risque de plus de 30 jours (PAR30) a conservé des valeurs très basses en restant inférieur à 1%. Cela signifie que plus de 99% des clients de Bandhan recouvrent leur emprunt dans les temps. Le coût par emprunt a quant à lui a connu une baisse de 15% de 2009 à 2010, en passant de 7,76$ par emprunt à 6,61$, avant d'augmenter de près de 50% en 2011 pour atteindre 9,73$. Malgré l'augmentation du coût par emprunt, les résultats semblent très encourageant lorsque l'on compare à la compétition. En effet, alors que Spandana est demeurée autour d'une moyenne de 9$ par emprunt sur la même période, les opérations de la Grameen Bank coûtaient 14$ par emprunt.

    En conclusion, au niveau des processus internes de Bandhan, l'institution semble investir les moyens nécessaires pour répondre à la forte demande en services de microfinance en Inde, puisqu'elle a su doubler le nombre de ses agents de crédits et de ses succursales pour continuer à évoluer au même rythme que le nombre de clients. Qui plus est, le contrôle des dépenses et les procédures de recouvrement ne semblent pas avoir souffert de cette augmentation, puisque Bandhan a su conserver une excellente qualité de portefeuille avec un PAR30 inférieur à 1% sur la période, et un coût par emprunt concurrentiel. Avec l'expansion des activités de la Bandhan, nous posons la question quant à la source du financement ayant permis une telle croissance, puisqu'il nous semble peu probable de pouvoir doubler l'effectif des agents de crédit ou le nombre de succursales sans un emprunt bancaire ou un investissement externe. Nous espérons pouvoir trouver des éléments de réponse dans la suite de notre analyse.

    Chapitre 5 : Études de cas 75

    iii. Perspective client

    Comme nous l'avons vu dans la section précédente, l'augmentation des ressources opérationnelles (nombre de succursales et d'agents de crédit) semble avoir permis une augmentation significative de l'étendue du champ d'action de l'IMF. Le nombre d'emprunteurs actifs a en effet augmenté de 60% entre 2009 et 2010, et de 41% entre 2010 et 2011, portant le nombre total de 1 450 000 à 3 250 000. Cette augmentation s'aligne parfaitement avec la vision de Bandhan de servir 10 millions de clients à l'horizon 2020.

    Au niveau de l'emprunt moyen, celui-ci a plus que doublé sur la période, passant de 86$ à 144$ de 2009 à 2010, pour atteindre une moyenne de 173$ en 2011. À titre de comparaison, les emprunts moyens de la Grameen Bank et de Spadana sont passés respectivement de 127$ à 140$, et de 215$ à 155$. Qui plus est, la moyenne des emprunts du secteur de la microfinance en Inde se chiffrait à 144$ en 2010 (Kashyap et Kotoky, 2010). Ces observations apportent plusieurs réflexions au niveau de la stratégie de Bandhan. Tout d'abord, étant donné l'émancipation des activités de l'institution, il est possible que la profondeur du champ d'action (mesurée par l'emprunt moyen) ait été revue à la baisse afin de garantir l'efficience financière de l'institution. En effet, toute chose étant égale par ailleurs, nous pouvons supposer que plus l'emprunt est gros, plus il est rentable pour l'institution car il apporte plus d'intérêts pour les mêmes coûts opérationnels. Néanmoins, une telle constatation ne signifie pas un éloignement de la raison sociale de Bandhan en tant qu'institution de microfinance, puisqu'elle était en-dessous de la moyenne nationale de 144$ et de ses concurrents. Avec une croissance des activités, il fallait trouver un nouvel équilibre entre les coûts opérationnels et les revenus générés des activités, et cet équilibre semble passer par un rééchelonnement de l'emprunt moyen pour Bandhan.

    Pour passer au dernier indicateur de la perspective client, le rapport entre les dépôts et le portefeuille de prêts est resté relativement stable de 2009 à 2010, mais a chuté de plus de 90% l'année suivante, passant de 17,66% à 1,41% de 2010 à 2011. Cette chute s'explique en partie par l'augmentation rapide du nombre clients dont l'épargne n'a pas augmenté à la même vitesse. Avec un montant total des dépôts passant de 99,7 millions de dollars à 10,3 millions de dollars, il semble y avoir un changement dans l'approche de l'institution vis-à-

    Chapitre 5 : Études de cas 76

    vis du client. Dans Ledgerwood et White (2006), les auteurs expliquent la difficulté pour une IMF de devenir et rester une institution de dépôts. Le statut de la Bandhan en tant que Non Banking Financial Company a certes l'avantage de pouvoir attirer de gros investissements locaux et étrangers, mais il requiert des approbations très strictes de la part de la Reserve Bank of India. Dans une entrevue de l'un des directeurs de la Bandhan40, nous pouvons apprendre la volonté de l'IMF d'obtenir une certification bancaire afin de pouvoir mobiliser les dépôts et épargnes de sa clientèle et ainsi emprunter à des taux plus intéressants. Ce recul dans les dépôts de la clientèle pourrait donc être vu comme provisoire, pour mieux préparer le passage de Bandhan du statut d'IMF à celui de banque certifiée.

    Pour conclure sur la perspective client, malgré la chute des dépôts de la clientèle en 2011, la direction semble accorder une grande importance à ce service étant donné sa volonté d'obtenir une certification en tant qu'institution financière formelle. Par ailleurs, l'augmentation des ressources opérationnelles a été suivie par une plus grande étendue du champ d'action (augmentation du nombre de clients) et par une diminution de la profondeur du champ d'action (augmentation de l'emprunt moyen). D'un point de vue conceptuel, nous pouvons voir ici les liens de cause-à-effet dont parlent Kaplan et Norton dans la présentation de leur modèle de tableau de bord; l'augmentation du nombre d'agents de crédit et de succursales (perspective Processus internes) ayant permis de toucher un plus grand nombre de clients (perspective Client). A priori, nous pensons que cette augmentation est liée aussi à la diminution de la profondeur du champ d'action pour des raisons de rentabilité, et il serait intéressant de voir si ce constat est confirmé par les indicateurs de rentabilité financière de la perspective Finances.

    iv. Perspective finances

    Au niveau des indicateurs de performance financiers, il semble que Bandhan ait pu conserver ses coûts à un niveau raisonnable comme le montre la baisse du ratio des coûts opérationnels sur le portefeuille de prêts de 8,78% à 6,12% pour la période étudiée. L'IMF

    40 Article paru le 25 janvier 2013, interview de Chandra Sekhar Ghosh « Bank for the unbanked », site web visité le 8 février 2013 http://www.mydigitalfc.com/news/bank-unbanked-114

    Chapitre 5 : Études de cas 77

    aurait donc profité d'une certaine économie d'échelle suite à la croissance de ses activités. Les indicateurs de retour sur actifs et d'autosuffisance opérationnelle ont aussi connu une légère baisse mais restent à des niveaux très satisfaisants. En effet, sur les trois années, ceux-ci restent à des niveaux supérieurs à 3,5% et à 150% respectivement. Des ratios de retour sur actifs et d'autosuffisance opérationnelle respectivement supérieurs à 0% et à 100% démontrent la capacité de l'institution à couvrir ses charges d'exploitation par les revenus tirés de sa propre exploitation.

    Au niveau de la structure de financement, nous avons précédemment posé la question de l'origine du financement de la croissance des activités de Bandhan. Le ratio de la dette sur les fonds propres montre un profond bouleversement dans cette structure, puisque le ratio est passé de 15,4 en 2009 à 6,24 en 2011. Jusqu'en 2009, il semble que Bandhan se soit financée principalement par de la dette, qui représentait plus de 15 fois le montant des fonds propres. Seulement, la diminution observée du ratio de la structure de financement laisse sous entendre un investissement important de la part d'une partie externe (ou un remboursement anticipé de la dette). En retraçant les investissements en capitaux propres dans l'IMF, nous pouvons apprendre que la SIDBI, agence d'investissement gouvernementale indienne, a investi près de 10 millions de dollars en 2009, pour quelques 10,8% des parts; encore plus important, la International Finance Corporation, filiale de la Banque Mondiale, aurait investi à son tour plus de 25 millions de dollars en 2011 pour 11% des parts de l'IMF41.

    Pour conclure, les résultats financiers de l'IMF nous semblent excellents étant donné la forte croissance des activités de 2009 à 2011. Cette croissance n'aurait pas été possible sans les investissements représentant près de 35 millions de dollars (combinés) de deux agences externes. Au niveau de l'analyse de performance, grâce au tableau de bord, nous avons pu faire le lien entre deux problématiques soulevées plus haut. Nous avons d'abord pu expliquer la source de financement expliquant la croissance des investissements, et soulevée dans la perspective Processus Internes. Ensuite, nous pensons que le maintien de

    41 Article web sur The Economic Times, publié le 5 septembre 2011, « IFC picks up close to 11% in MFI Bandhan Financial Services for Rs 135 crore », site du journal http://articles.economictimes.indiatimes.com/ visité le 8 février 2013.

    Chapitre 5 : Études de cas 78

    la rentabilité et de l'efficience opérationnelle de l'institution n'aurait pas pu être aussi intéressant sans l'augmentation de l'emprunt moyen constaté dans la perspective Clients.

    v. Perspective sociale

    Comme nous l'avons vu dans la revue de littérature, les IMF peuvent avoir des missions sociales très spécifiques. Nous avons proposé d'évaluer le pourcentage de femmes parmi la clientèle pour la perspective sociale de notre tableau de bord. Toutefois, cet indicateur peut s'avérer très peu informatif comme dans le cas de Bandhan. En effet, l'institution sert une clientèle exclusivement féminine, et il n'est donc pas étonnant de constater des ratios de 100% sur toute la durée de la période étudiée.

    Par conséquent, nous avons ajouté deux indicateurs de performance sociale parmi les indicateurs de l'institution, qui s'adaptent davantage au contexte de cette IMF :

    ? Le nombre d'élèves du Bandhan Education Program : Ce programme vise les enfants de 8 à 14 ans vivant dans des régions rurales. L'institution espère pouvoir améliorer l'accès à l'éducation de cette clientèle en finançant la construction et les opérations d'écoles primaires. Sur la période étudiée, Bandhan a pu augmenter son champ d'action de 1 980 à 5 002 au niveau du nombre d'élèves, et de 60 à 167 au niveau du nombre d'écoles. Ce programme a d'ailleurs été récompensé du Skoch Financial Inclusion Award42 en 2012.

    ? Le nombre de familles du Bandhan Health Program : Lancé en 2007 avec l'association californienne Freedom from Hunger 43 , le programme vise principalement les enfants, les adolescentes et les jeunes femmes. Celui-ci se veut être un moyen d'améliorer les habitudes d'hygiène, d'assurer un accès facile aux services de santé d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux et de réduire les dépenses de santé des familles défavorisées. Depuis son instauration,

    42 Selon le site de la HDFC Bank, http://www.hdfcbank.com/ visité le 8 février 2013, le « Skoch Financial Inclusion Awards recognises best practices and achievement in the banking and financial services sector for promoting inclusive growth and poverty alleviation from across urban and rural India. »

    43 Site de l'association http://www.freedomfromhunger.org/ visité le 9 février 2013.

    Chapitre 5 : Études de cas 79

    44 Document public disponible sur le site du Microfinance eXchange à l'adresse http://www.mixmarket.org/sites/default/files/gradingreportnovember11.pdf visité le 8 février 2013.

    Bandhan a pu offrir ses services à 37,500 familles en 2009, et a étendu son champ d'action pour toucher 186,330 familles en 2011.

    En conclusion, l'IMF s'est donnée deux objectifs sociaux pour améliorer l'accès à l'éducation primaire aux enfants et pour améliorer les conditions sanitaires des enfants et jeunes femmes en milieu rural. Avec un nombre d'enfants et de familles touchés par ces programmes plus de deux fois plus élevé en 2011 qu'en 2009, l'importance qu'accorde Bandhan à ses objectifs sociaux ne semble pas être des moindres. Nous pourrions donc conclure que l'IMF a profité de l'augmentation des opérations et de la stabilité de ses résultats financiers observés plus haut pour étendre encore plus l'étendue sociale de son champ d'action. Néanmoins, nous avons eu accès à peu d'informations financières et statistiques descriptives des activités sociales de la Bandhan. Les indicateurs de la perspective sociale sont tirés directement du site web de l'institution, et nous aimerions souligner une certaine réserve quant l'image très positive que ceux-ci reflètent.

    vi. Synthèse

    À travers les cinq perspectives du tableau de bord, nous avons pu établir un diagnostic très positif de la performance financière et sociale de Bandhan Financial Services. Nous avons pu constater une augmentation des opérations de l'institution, augmentation qui a permis de doubler le nombre de ses emprunteurs tout en conservant de très bon résultats financiers. Au niveau social, l'institution semble toucher un plus grand marché grâce à ses programmes d'éducation et de santé. Nous avons néanmoins noté des conditions salariales inférieures à la concurrence et une nette diminution des dépôts de la clientèle.

    Pour confirmer la fiabilité du diagnostic établi grâce à ces indicateurs de performance, nous avons pu avoir accès au rapport de notation 2011 de l'IMF, établi par l'agence de notation CARE Ratings44. L'agence apporte une note de 2+, égale à la notation de 2010, et qui se réfère à une échelle de 1 à 5, une note de 1 étant la plus élevée, et une note de 5 la plus basse. Outre la note très positive établie par l'agence, nous avons pu constater de

    Chapitre 5 : Études de cas 80

    nombreux points communs entre notre évaluation et le rapport de notation. Ci-dessous quelques commentaires tirés du rapport de notation :

    · Adequate loan appraisal & monitoring systems.

    · Adequate system for tracking over-dues.

    · Risk management systems are in place & are commensurate with the size of the operation.

    · Comfortable asset quality with gross NPA of less than 1%.

    · Legal form allows equity infusion from investors.

    · High collection efficiency (more than 99%)

    · Low operating cost ratio vis-à-vis the size of the operation.

    · Diversified funding profile.

    · Until FY11, the company was mainly dependent on bank funding. However, during the current year the company has been successful in diversifying its funding mix by placing long term instrument in order to recap cost advantage.

    Nous pensons avoir pu couvrir correctement une bonne partie de ces points d'analyse à travers notre analyse de performance, grâce au tableau de bord proposé. Par ailleurs, nous avons pu supposer quelques liens de cause-à-effet, que nous présentons à travers les flèches du tableau de bord à la fin de cette section:

    · Au niveau de la perspective des processus internes :

    o L'augmentation du nombre d'agents de crédit aurait permis de toucher une clientèle plus importante.

    o La pression sur les coûts notée par l'augmentation du coût par emprunt aurait incité la direction à augmenter l'emprunt moyen pour mieux couvrir ses coûts opérationnels.

    · Au niveau de la perspective client :

    o L'augmentation de l'étendue du champ d'action a permis de conserver un ratio d'autosuffisance opérationnelle grâce à une économie d'échelle suggérée par la diminution du ratio des coûts opérationnels sur le portefeuille de prêts.

    Chapitre 5 : Études de cas 81

    o Par l'augmentation de l'emprunt moyen, l'institution a pu soutenir l'efficience opérationnelle et le retour sur l'actif (conformément aux résultats de l'étude de Gonzales et Rosenberg (2006)).

    ? Au niveau de la perspective financière, les bons résultats financiers de l'institution ont permis de donner plus d'essor aux programmes sociaux de l'institution.

    Le tableau à la page suivante illustre ces liens présumés de cause-à-effet. Évidemment, ceux-ci dépendent étroitement du choix des indicateurs, mais ils semblent aussi dépendre d'autres facteurs comme le contexte dans lequel évoluent l'institution et la stratégie de la direction. Par exemple, nous avons constaté une augmentation du coût moyen par emprunt et de la moyenne des emprunts. Par conséquent, nous avons suggéré une décision de la direction d'accorder des emprunts plus grands afin d'améliorer la rentabilité de l'institution. Toutefois, l'institution aurait pu décider autrement en augmentant les taux d'intérêts.

    Par conséquent, avant de pouvoir affirmer l'existence d'un lien de cause-à-effet, nous pensons qu'une étude plus poussée (étude statistique et/ou de terrain) de plusieurs institutions apporterait plus de crédibilité. La pertinence même des indicateurs de performance pourrait dépendre de facteurs comme l'âge de l'institution ou le pays dans lequel elle évolue. Dans la prochaine section nous étudierons l'application de notre tableau de bord sur une IMF marocaine, et nous pourrions peut-être apporter plus d'éclaircissements à ces questions.

    82

    Perspective sociale

    Marché cible

    Mission sociale 1

    Mission sociale 2

     
     
     

    Pourcentage de femmes parmi la clientèle

    Bandhan Education Program

    Bandhan Health Program

     

    Perspective financière

    Gestion des coûts

    Structure

    de financement

    Autosuffisance financière

    Rendement sur l'actif

     
     
     
     
     

    Coûts opérationnels / Portefeuille de prêts

    Dette

    / Fonds propres

    Ratio d'autosuffisance financière

    Bénéfice net / Actif total

     

    Perspective client

     

    Dépôts de la clientèle

    Étendue du champ d'action

    Profondeur du champ d'action

     
     
     

    Dépôts / Portefeuille de prêts

    Nombre d'emprunteurs actifs

    Emprunt moyen

    Perspective processus

    internes

    Distribution de la

     
     
     

    Distribution des agents

     

    Clients à risque

    Distribution des activités

    Coût des emprunts

     

    clientèle

     
     
     

    de crédits

     
     
     
     
     

    Nombre d'emprunteurs
    actifs par succursale

    % du Portefeuille en
    retard de plus de 30 jours

    Nombre d'emprunteurs
    par agent de crédit

    Moyenne du coût par
    emprunt

    Nombre d'agents de crédit par succursale

    Apprentissage et innovation

    Conditions salariales

    Femmes

    Femmes

     
     
     

    Salaire moyen / PIB par habitant

    % de femmes employées

    % de femmes gestionnaires

    Liens de cause-à-effet présumés suite à l'étude de cas de la Bandhan Financial Services

    Chapitre 5 : Études de cas 83

    II. FONDEP

    Suite à l'évaluation de l'IMF Bandhan, il serait intéressant de tester le tableau de bord sur une autre institution a priori moins performante. Nous avons porté notre choix sur l'IMF marocaine FONDEP, Fondation pour le Développement Local et le Partenariat - Micro-Crédit, qui semble avoir traversé une période de crise en 200945. Nous pensons qu'il serait intéressant de mesurer la portée de notre outil en confirmant cette période de crise à travers les indicateurs de performance retenus pour le tableau de bord.

    1. Situation socioéconomique de la femme marocaine

    Le droit de la femme au Maroc a connu de profonds changements au cours des dernières décennies, notamment avec des bouleversements des comportements familiaux et des nouvelles législations du pays.

    Au niveau législatif, l'un des changements majeurs date de février 2004, lors de la révision de la Moudawana (le Code de la Famille) par le gouvernement du Maroc, en vue d'une formulation moderne des droits et devoirs des composantes de la famille (Moudawana, 2004). Par soucis de garantir l'équité entre l'homme et la femme, le nouveau texte accordait plus de droits à la femme qu'elle n'en avait jusqu'alors. À titre d'exemple, celle-ci n'a désormais plus besoin de tutelle pour se marier, avec un âge légal du mariage à 18 ans pour les 2 sexes (au lieu de 15 pour les femmes dans l'ancien texte). Au niveau du divorce, celui-ci peut être demandé par la femme et la garde d'enfants lui revient en premier lieu. Le texte se prononçant même sur la polygamie en imposant des conditions tellement strictes qu'elle en devient quasi impossible.

    Zerari (2006) propose une analyse sociale de l'évolution de la famille marocaine à travers le dernier siècle. Le taux de fécondité par femme est passé de 7,7 à 2,6 dans les milieux urbains de 1962 à 1997. L'âge du premier mariage, quant à lui, n'a cessé de reculer pour

    45 Journal L'Économiste du 26 mai 2011 « Microcrédit : Fondep remonte la pente », article disponible sur le blog http://moroccomicrofinanceblog.blogspot.ca/ visité le 6 février 2013.

    Chapitre 5 : Études de cas 84

    passer de 22,3 ans à 27,4 ans en moyenne pour les femmes de 1982 à 2000. D'autre part, l'auteur constate un déséquilibre quant à l'accès à l'éducation, puisque le pays comptait 10 millions d'analphabètes en 2006, dont une majorité de femmes à 62%. Ce déséquilibre a d'ailleurs poussé le gouvernement à mettre en place le « Plan d'action de lutte contre l'analphabétisme pour un développement global », et dont les femmes constituent la cible prioritaire.

    Il apparait aujourd'hui que le pays soit à mi-chemin entre traditions et modernité, et plusieurs changements sont encore à venir pour inscrire le pays dans l'ère moderne. C'est ainsi qu'un violeur peut éviter la peine carcérale si celui-ci consent à épouser sa victime. Une incongruité qui serait en passe d'être abrogée suite aux vagues de protestation de mars 201246.

    2. Environnement politique et économique

    L'essor de l'industrie de la microfinance au Maroc a démarré au milieu des année 90, grâce à des acteurs majeurs comme le PNUD, l'USAID et le fonds Hassan II (Amana, 2010). Sur le site de la FNAM47, nous pouvons voir que sur ses 31 millions d'habitants, le Maroc comptait 820 000 clients actifs en microfinance en 2010, pour un emprunt moyen de 600$. La répartition de la clientèle est à 50/50 entre les milieux urbains et ruraux, certains auteurs notant une forte concentration des IMF dans les grands villes (Reille, 2009).

    Dans son rapport au CGAP, Reille (2009) discute de la croissance exponentielle du secteur de la microfinance au Maroc entre 2003 et 2007. Le portefeuille de prêts du secteur a en effet été multiplié par 11 avec une clientèle qui a quadruplé sur la même période. La croissance aurait été entrainée par 4 principales IMF : Zakoura, Al Amana, Fondation des Banques Populaires et l'IMF dont nous étudions la performance financière et sociale, à savoir la Fondep.

    46 Magazine Jeune Afrique, article du 23 janvier 2013 « Maroc : un pas en avant pour le droit des femmes ». Lu sur http://www.jeuneafrique.com/ visité le 6 février 2013.

    47 Fédération Nationale des Associations de Microcrédit http://www.fnam.ma/ visité le 6 février 2013.

    Chapitre 5 : Études de cas 85

    En 2007, le Maroc jouissait donc d'un secteur microfinancier parmi les plus performants au monde. Il fut supervisé de 1999 à 2007 par le Ministère des Finances, responsabilité transmise à la banque centrale et à Bank Al Maghrib par la suite. Ce secteur a été supporté par le gouvernement marocain depuis l'instauration de la Loi du Microcrédit promulguée en 1999, et offrant un cadre légal pour le développement du secteur :

    « Est considéré comme microcrédit tout crédit dont l'objet est de permettre à des personnes « économiquement faibles » :

    ? De créer ou de développer leur propre activité de production ou de service en vue d'assurer leur insertion économique;

    ? D'acquérir, de construire ou d'améliorer leur logement;

    ? De se doter d'installations électriques ou d'assurer l'alimentation de leurs foyers en eau potable.

    Le montant du microcrédit (...) ne peut excéder cinquante mille dirhams (près de 7500$ en 1999) »48.

    Dans un autre rapport au CGAP, Reille (2010) discute de la crise du secteur à partir de 2007. Avec un déclin du portefeuille d'emprunts et une dégradation de la qualité des portefeuilles, la moyenne nationale du portefeuille à risque de plus de 30 jours (PAR30) atteint des sommets de plus de 10%. Selon l'auteur, cette crise est due à une croissance fragile et non durable, avec une mauvaise gestion des coûts et des clients empruntant de plusieurs IMF à la fois.

    3. La microfinance marocaine

    L'article de loi 18-97 relative au microcrédit promulguée le 5 février 1999 tente d'établir un cadre transparent et équitable pour le développement de la microfinance au Maroc. Ainsi, les IMF ont le devoir de servir leur clientèle sans discrimination de genre, de sorte qu'une telle institution ne pourrait décider de servir uniquement des femmes ou des

    48 Le texte en langue arabe a été publié dans l'édition générale du « Bulletin Officiel » n. 5207 du 26 avril 2004. Vu sur le site de la FNAM http://www.fnam.ma/ visité le 6 février 2013.

    Chapitre 5 : Études de cas 86

    hommes. L'article propose aussi une transparence des services et impose aux IMF certaines procédures, comme l'affichage des conditions de prêts dans les locaux et l'audit des livres comptables par une agence habilitée externe.

    Toutefois, après la crise de la microfinance marocaine en 2007, ce cadre ne semble plus suffisant pour la croissance durable du secteur. Dans un rapport du CGAP (Chen, Rasmussen et Reille, 2010b), nous pouvons constater que cette crise n'est pas un cas isolé du Maroc, celle-ci ayant également touché plusieurs autres pays comme le Nicaragua, la Bosnie-Herzégovine et le Pakistan. Toujours selon le même rapport, la crise économique mondiale n'aurait pas été le seul facteur du ralentissement de la microfinance dans ces pays, et les auteurs identifient trois vulnérabilités principales qui constituent le fond du problème :

    ? La concentration des IMF dans certaines régions saturées et l'endettement croisé de la clientèle;

    ? Des systèmes de contrôle inefficaces dans les institutions;

    ? Un relâchement de la discipline de crédit dans les institutions.

    Dans ces quatre pays, les auteurs ont constaté une augmentation de la taille de l'emprunt moyen, et une structure de financement où l'épargne est très faible, avec un ratio entre les dépôts d'épargne et un encours de crédit inférieur à 10%, comparé une moyenne mondiale de 46%. Malgré la crise, l'impact sur les communautés marocaines semble positif, et certains auteurs ont pu constater une augmentation des revenus agricoles dans les régions rurales, et une augmentation des dépenses en santé et en éducation des foyers (Crépon et al., 2011).

    4. Fondep49

    La Fondep, Fondation pour le Développement Local et le Partenariat, a été créée en 1996 dans le secteur du développement, et a changé de statut en 1999 pour se consacrer exclusivement aux activités de microfinance. Enregistrée comme association à but non

    49 Toutes les informations de la présente section sont publiques et disponibles sur le site du Microfinance eXchange visité le 6 février 2013. L'évaluation de performance étant faite pour la période 2009 à 2011, à défaut d'indication contraire, les données font état de la situation de l'IMF à la fin de l'exercice fiscal se terminant le 31 décembre 2011.

    Chapitre 5 : Études de cas 87

    lucratif, elle comprenait 169 succursales en 2010, réparties principalement entre les régions rurales et périurbaines.

    i. Gouvernance

    Durant l'exercice fiscal de 2008, la composition du conseil d'administration fut profondément modifiée pour améliorer la gestion et la prise de décision institutionnelle. Des sous-comités au conseil d'administration et de nouveaux départements ont ainsi été créés pour soutenir la croissance de l'IMF, en réponse à la crise de la microfinance au Maroc en 2007. Par exemple, depuis 2008, un comité de ALM (Assets Liabilities Management) se réunit mensuellement pour faire un suivi rapproché des risques de surendettement de la clientèle et pour de meilleures pratiques de recouvrement des emprunts.

    ii. Mission, vision et stratégie

    La Fondep est une organisation non gouvernementale, à but non lucratif, qui appuie des microentreprises ainsi que des projets d'amélioration des conditions d'habitat dans le but de contribuer à la lutte contre la pauvreté. Outre les produits microfinanciers proposés à sa clientèle, l'IMF offre aussi des formations en alphabétisation à une population majoritairement féminine et rurale. Elle tente de mieux toucher sa clientèle avec des agents de crédit sensibles aux activités et à la culture de la région.

    iii. Marché cible

    Tel que le confirme sa mission, la Fondep vise une clientèle majoritairement féminine vivant en région rurale et périurbaine. En 2006, le taux de pénétration du marché rural était estimé à 3%, comparativement à un taux de 30% dans les régions urbaines et périurbaines. L'organisation offre des conditions plus flexibles pour la clientèle rurale étant donné les distances importantes entre les agences de l'IMF et les lieux de travail et de résidence de la clientèle.

    Chapitre 5 : Études de cas 88

    iv. Produits et services

    La Fondep offre principalement des crédits en groupe de 4 à 25 personnes, en offrant la possibilité d'augmenter le montant du crédit octroyé au fur et à mesure de la construction d'un historique de crédit positif. Les principaux produits financiers sont présentés dans le tableau ci-dessous :

    Nom du produit

    Commentaires

    Crédit mutuel


    ·

    Crédit de groupe

     


    ·

    Engagement du client à suivre une formation de groupe sur le microcrédit

    Crédit souple


    ·

    Destiné aux demandeurs dont le revenu est inférieur à 2$ par jour

     


    ·

    Modalités de remboursement souples

    Crédit confiance


    ·

    Nécessité d'avoir un historique de crédit

     


    ·

    Destiné à des microentreprises en croissance

     


    ·

    Crédit aux individus, maximum de 3500$

    Crédit aménagement


    ·

    Destiné à l'amélioration des conditions d'habitat

     


    ·

    Améliorer l'accès à l'électricité ou à l'eau potable

    Carte privilège


    ·

    Emprunteurs ayant un bon historique de crédit

     


    ·

    Permet un accès prioritaire et plus facile au niveau de crédit supérieurs

    5. Analyse de performance

    Après avoir présenté le contexte dans lequel évolue l'IMF, la situation socioéconomique de la femme au Maroc, ainsi que le fonctionnement général de l'institution, nous pouvons maintenant nous concentrer sur l'analyse de performance de cette institution à partir du tableau de bord que nous avons introduit dans le cadre conceptuel. La page suivante présente les indicateurs de performance pour la Fondep sur la période 2009 à 2011. Ceux-ci sont présentés par année et par perspective stratégique. Nous rappelons que l'objectif

    Chapitre 5 : Études de cas 89

    est d'étudier la possibilité d'établir un diagnostic de la performance de l'institution à partir du tableau de bord. Pour rester dans l'esprit de l'outil selon Kaplan et Norton, nous analyserons la performance de l'institution perspective par perspective, du bas vers le haut, en commençant par la perspective innovation et apprentissage, afin de mieux apprécier l'existence de relations de cause-à-effet entre les perspectives.

    Chapitre 5 : Études de cas 90

    Les devises sont en dollars américains

    2009

    2010

    2011

    Apprentissage et
    innovation

    Salaire moyen/PIB par habitant

    2,79

    2,65

    3,74

    Pourcentage de femmes employées

    ND

    43%

    44%

    Pourcentage de femmes gestionnaires

    ND

    ND

    19,70%

    Processus
    internes

    # Emprunts par succursale

    613

    784

    776

    PAR30

    8,00%

    2,37%

    1,97%

    # Emprunteurs/Agent de crédit

    193

    256

    241

    Coût par emprunt

    84

    98

    121

    # Agents de crédit/Succursale

    3,17

    3,06

    3,22

    Clients

    Dépôts/Portefeuille de prêts

    0%

    0%

    0%

    # Emprunteurs actifs

    110 277

    132 431

    131 879

    Emprunt moyen

    520

    610

    645

    Financière

    Coûts opér./Portefeuille de prêts

    16,52%

    17,83%

    18,94%

    Dettes/Fonds propres

    4,93

    3,56

    3,48

    Autosuffisance opérationnelle

    82%

    135%

    119%

    Retour sur actif

    (4,69%)

    6,52%

    4,57%

    Sociale

    Pourcentage de femmes clientes

    57%

    54,33%

    56,34%

    Tableau de bord pour la Fondep entre 2009 et 2011

    i. Chapitre 5 : Études de cas 91

    Perspective innovation et apprentissage

    La Fondep semble proposer de meilleures conditions salariales à ses employés comme le montre l'augmentation du rapport entre le salaire moyen et le PIB par habitant. Celui-ci a en effet connu une augmentation de près de 40% sur la période étudiée. En 2011, la Maroc affichait un PIB par habitant de 2 970$US. À titre de comparaison, le Canada affichait 45560$ pour la même année50. Le salaire moyen pour les employés de la Fondep se serait donc situé entre 8 286$ (2,79 x 2 970) et 11 107$ (3,74 x 2 970). À titre de comparaison, les IMF Zakoura et Al Amana51 présentaient des ratios de 2,33 et 2,65 respectivement en 2010, avec 2,65 pour la Fondep la même année.

    Au niveau du pourcentage de femmes parmi les employés, la Fondep semble fournir des conditions relativement équitables avec un taux de 44% de femmes en 2011, et un gestionnaire sur cinq étant une femme.

    À partir de ces observations, nous pouvons supposer que la Fondep offre des conditions salariales relativement bonnes (comparativement à la concurrence). Elle semble d'ailleurs appliquer sa mission d'autonomisation de la femme au sein de son propre personnel puisque près d'un employé sur deux est une femme.

    ii. Perspective processus internes

    Au niveau des indicateurs de productivité, le nombre d'emprunteurs par succursale a augmenté sur la période étudiée, en passant de 613 à 776. Cette augmentation s'explique par une augmentation de 20% du nombre d'emprunteurs actifs, mais aussi par une diminution du nombre de succursales, passé de 180 en 2009 (186 en 2008) à 170 en 2011. Par ailleurs, l'augmentation de la clientèle a entrainé une augmentation du nombre d'emprunteurs par agent de crédit dont l'effectif a lui aussi connu une diminution sur ladite période. Le nombre d'agents de crédit est en effet passé de 570 à 517 à 547 sur les trois années.

    50 Site de la Banque Mondiale http://data.worldbank.org/ visité le 9 février 2013.

    51 Zakoura et Al Amana peuvent constituer de bons éléments de comparaison puisque les trois IMF (avec la Fondep) font partie des 4 plus grosses IMF du Maroc.

    Chapitre 5 : Études de cas 92

    Au niveau de la qualité du portefeuille, le portefeuille à risque de plus de 30 jours (PAR30) a connu une nette augmentation en 2009. Celui-ci est en effet passé de 2,46% en 2008 à 8% en 2009, pour revenir à un niveau aux alentours de 2% par la suite. Le coût par emprunt, quant à lui, a continué à croitre graduellement sur la période étudiée, pour passer de 84$ à 121$ par emprunt de 2009 à 2011.

    La crise de la microfinance au Maroc (Chen, Rasmussen et Reille, 2010a) semble avoir grandement affecté les opérations de la Fondep. Le nombre d'agents de crédit et de succursales a en effet été revu à la baisse, tout en conservant un ratio stable du nombre d'agents par succursale. Le PAR30 a atteint un niveau maximal de 8% en 2009, et cette augmentation semble avoir affecté le coût par emprunt, qui a augmenté de 17% et de 23% respectivement en 2010 et 2011. Le PAR30 a par la suite diminué de plus de 70% pour atteindre un niveau raisonnable se situant autour de 2% en 2010 et 2011. Pour parfaire notre analyse, il serait intéressant de consulter un indicateur non inclus dans notre tableau de bord : le taux de radiation des comptes client (write-off ratio, voir annexe 1). Celui-ci a atteint près de 10% en 2009, 6,6% en 2010, puis 3,9% en 2011. Les valeurs élevées du taux de radiation expliquent la diminution rapide du PAR30 sur la période étudiée et confirment l'explication de Chen, Rasmussen et Reille (2010a) sur les mauvaises pratiques de recouvrement des emprunts des IMF marocaines ayant contribué à la crise de l'industrie de la microfinance du pays.

    Au niveau de l'étude du tableau de bord comme outil diagnostic, nous avons pu constater des liens présumés de cause-à-effet existant entre les indicateurs de performance de la perspective processus internes. Dans l'étude de performance de Bandhan, nous avons constaté une augmentation de l'emprunt moyen pour améliorer la performance financière de l'institution. Nous pensons donc constater des liens de cause-à-effet similaires sur l'emprunt moyen ainsi que sur les indicateurs de performance financière plus haut dans le tableau de bord.

    iii. Chapitre 5 : Études de cas 93

    Perspective client

    Comme nous l'avons souligné plus haut, le nombre d'emprunteurs actifs a augmenté de quelques 20% sur la période, passant de 110 000 à 132 000 emprunteurs actifs sur la période étudiée et ce, malgré la diminution du nombre de succursales et d'agents de crédit. L'emprunt moyen, quant à lui, a crû de près de 25%, passant de 520$ à 645$. Enfin, le ratio du montant des dépôts sur l'actif est resté nul étant donné la législation marocaine entourant le microcrédit. En effet, selon l'article 3 de la loi 18-97 relative au microcrédit52, les associations de microcrédit ne peuvent recevoir des fonds du public. Cette règlementation serait d'ailleurs sur le point de changer, et un nouveau projet de loi serai bientôt présenté devant la Première Chambre du Parlement marocain53.

    L'augmentation de l'emprunt moyen pourrait être interprétée comme une volonté de la direction d'améliorer la rentabilité de l'institution. La profondeur du champ d'action serait donc limitée par la rentabilité globale de l'institution qui semble être assez faible en début 2009. Qui plus est, nous pensons que l'emprunt moyen pourrait être encore plus élevé si la loi n'imposait pas un plafond de microcrédit équivalant à 50 000 dirhams54 (+/- 5,990$). Au niveau du cadre théorique du tableau de bord, nous pensons que l'augmentation de l'emprunt moyen est une conséquence de la détérioration de la qualité du portefeuille, et nous pensons être en mesure d'observer un impact de cette détérioration sur les indicateurs de rentabilité institutionnelle de la perspective financière.

    iv. Perspective finances

    Au niveau des indicateurs financiers du tableau de bord, la structure de financement semble avoir connu de légers changements avec un ratio de la dette sur les fonds propres entre 3,5 et 4,9 sur la période. Le ratio des coûts opérationnels sur le portefeuille de prêts a connu une légère augmentation, passant de 16,5% à 19% de 2009 à 2011. Un ratio pouvant

    52 Disponible sur le lien suivant visité le 9 février 2013

    http://www.lamicrofinance.org/files/15729 loi microfinance maroc.pdf

    53 Site du magazine web http://www.econostrum.info/, article du 12 octobre 2012 « Au Maroc, la microfinance vise 3 millions de bénéficiaires ».

    54 Article 2 de la loi 18-97.

    Chapitre 5 : Études de cas 94

    être interprété comme satisfaisant si on le compare aux résultats des autres grandes IMF du Maroc, Al Amana et Zakoura ayant observé des ratios de 7% et de 20% en 2009.

    Malgré cela, la rentabilité financière témoigne d'une période de crise en 2009, avec un ratio d'autosuffisance opérationnelle et retour sur actif de 82% et -4,7% respectivement. Par conséquent, l'IMF n'a pas pu financer ses activités avec les revenus tirés de ses opérations pendant l'exercice 2009. Elle a tout de même pu remonter la pente pour rétablir ses ratios d'autosuffisance opérationnelle et de retour sur actif à des niveaux satisfaisants, à raison de 135% et 6,52% respectivement dès 2010.

    v. Perspective sociale

    Contrairement à l'analyse de cas de la Bandhan Financial Services, nous n'avons pu obtenir davantage d'informations sur les activités et les programmes sociaux de la Fondep55. Nous pouvons néanmoins constater qu'à défaut de pouvoir légalement servir les femmes de manière exclusive légalement, l'institution accorde une certaine priorité à ce marché qui représente entre 54% et 57% de l'ensemble de la clientèle.

    vi. Synthèse

    En présumant les liens de cause-à-effet du tableau de bord, nous pouvons faire le lien entre différents éléments d'analyse énoncés dans les différentes perspectives, et tenter une interprétation des faits.

    Comme le suggèrent Chen, Rasmussen et Reille (2010a), la crise de la microfinance au Maroc est due, entre autres, à une mauvaise discipline dans les procédés de recouvrement des emprunts et à des emprunts croisés de la clientèle (microcrédit auprès de plusieurs agences par un même client). Nous pouvons en effet constater un niveau très élevé du PAR30 en 2009, suggérant une incapacité de la clientèle à rembourser les crédits. Cette situation implique une détérioration des liquidités et une inefficience opérationnelle de l'institution (ratio d'autosuffisance opérationnelle inférieur à 100% et retour sur actif négatif en 2009). En réponse à son besoin de liquidité, l'institution a pu avoir accès à des

    55 Site web indisponible pendant la durée de notre étude http://www.fondep.com/ , dernière visite le 27 février 2013.

    Chapitre 5 : Études de cas 95

    fonds externes en capitaux propres, comme le témoigne la diminution du ratio de la dette sur les fonds propres de 4,9 à 3,6, ou encore la croissance de plus de 300% des fonds propres assimilés56 dans les états financiers de l'exercice terminé le 31 décembre 200957.

    En 2010, le PAR30 a pu être rétabli à un niveau convenable de 2,4%, non sans un taux de radiation des comptes très élevés, à hauteur de 10% en 2009, et 6,6% en 2010. C'est ainsi qu'au niveau des processus internes, l'IMF semble avoir suivi une stratégie d'allègement de la structure de coûts, diminuant les frais fixes par la fermeture de succursales et la mise à pied d'une partie du personnel, notamment des agents de crédit. Au niveau du client, la Fondep a pu augmenter l'étendue de son champ d'action en touchant un plus grand nombre de clients, mais sa profondeur a dû être revue à la baisse comme en témoigne la croissance de l'emprunt moyen.

    De nouvelles directives semblent donc avoir été données pour améliorer la rentabilité de l'institution, qui a pu retrouver une performance financière satisfaisante comme le témoigne le ratio d'autosuffisance opérationnelle et le retour sur actif, respectivement de 135% et 6,5% en 2010, et 119% et 4,6% en 2011.

    Comme pour la Bandhan, nous avons pu supposer quelques liens de cause-à-effet : ? Au niveau de la perspective des processus internes :

    o Le niveau du PAR30 de 8% en 2009 a engendré un taux de radiation des comptes en souffrance très élevé, à raison de 10% et 6,6% en 2009 et 2010.

    o La pression sur les coûts notée par l'augmentation de 44% du coût par emprunt aurait incité la direction à augmenter l'emprunt moyen de 24% pour mieux couvrir ses coûts opérationnels.

    56 Selon le Ministère de l'Économie et des Finances du Maroc: capitaux restant à la disposition de l'entreprise en application des dispositions légales ou réglementaires. Il en est ainsi pour la rubrique de financement permanent comprenant les subventions d'investissement et les provisions réglementées, assimilées à des capitaux propres en dépit d'une dette latente d'impôts qu'elles sont censées incorporer.

    57 L'article du quotidien L'Économiste du 4 février 2008 « La Fondep décroche 113 millions de DHS », disponible à l'adresse ci-dessous témoigne des nouveaux fonds débloqués pour l'institution pendant la période de crise. http://www.leconomiste.com/article/microcreditbrla-fondep-decroche-113-millions-de-dh

    Chapitre 5 : Études de cas 96

    ? Au niveau de la perspective client :

    o Contrairement à la Bandhan, l'augmentation de 19% de l'étendue du champ d'action a été jumelée d'une diminution du nombre d'agents de crédits, et d'un ratio d'emprunteurs par agent de crédit ayant augmenté de 25% de 2009 à 2011.

    o Par l'augmentation de l'emprunt moyen, l'institution a pu soutenir l'efficience opérationnelle et le retour sur l'actif, conformément aux résultats de l'étude de Gonzales et Rosenberg (2006).

    Nous constatons donc des liens de cause-à-effet plus ou moins similaires avec la Bandhan, bien qu'ils ne soient pas tous évidents. En effet, si nous revenons à l'augmentation du nombre d'emprunteurs par agent de crédit au niveau de la perspective des processus internes, avec l'augmentation du champ d'action au niveau de la perspective client, la conclusion en faveur d'un lien de cause-à-effet n'est pas évidente. Pour la Bandhan, nous avons constaté une augmentation du nombre d'agents de crédit pour un ratio constant d'emprunteurs par agent de crédit. Dans les deux études de cas, l'étendue du champ d'action augmente significativement, mais dans le cas de la Fondep, le nombre d'agents de crédit diminue et le personnel encore en place doit donc gérer une charge de travail plus grande avec moins de ressources. Le point que nous voulons souligner ici est qu'il est parfois difficile de rester dans un cadre de pensée centré autour des liens de cause-à-effet entre les différentes perspectives du tableau de bord. En effet, pour mieux comprendre l'augmentation de la charge de travail par agent de crédit, il faut d'abord constater la très faible performance financière en 2009 au niveau du retour par actif (perspective finances), ainsi que le taux PAR30 très élevé sur la période (perspective processus internes), pour en déduire la nécessité pour la direction d'alléger sa structure de coûts. Qui plus est, l'augmentation du champ d'action est aussi un élément essentiel à prendre en compte.

    Il existerait donc bien des liens de cause-à-effet entre les perspectives, mais ils ne semblent pas forcément toujours aller dans le même sens, à savoir du bas vers le haut. De plus, comme le suggèrent Haas et Kleingeld (1999), l'explication de ces interrelations ne peut être fournie «qu'après coup » :

    Chapitre 5 : Études de cas 97

    Kaplan and Norton talk about causal links between so called lagging and leading performance indicators. However, the notion of causality is merely assumed by organisational actors who participate in the strategic dialogue. Its validity can at best be demonstrated « after the fact », when (non-) achievement of related result indicator targets has been established.

    Haas et Kleingeld (1999, pg. 244)

    Le modèle de Kaplan et Norton offrirait donc un cadre trop rigide pour apprécier les interrelations entre les indicateurs de performance. Norreklit (2000) suggère plutôt de chercher à établir une cohérence entre les indicateurs plutôt que des relations de cause-à-effet58. Ainsi, dans le but d'atteindre un certain objectif, la cohérence implique de se poser la question de la pertinence de certains phénomènes, et s'ils sont compatibles et se complémentent :

    For example, an action is coherent if the actions used and the means are appropriate with respect to the intended end. Thus one condition for obtaining an end is that of having access to input factors with a potential to realize the end and, in the case of managers or employees, it's a condition that they have access to methods which allow them to control the input factors and, in turn, to obtain the end intended.

    (Norreklit, 2000, pg. 83)

    Ces deux dernières observations soulèvent un point intéressant pour notre étude. Elles suggèrent que le modèle de Kaplan et Norton, avec les relations de cause-à-effet qu'il implique, aurait un potentiel de prévision de la performance future relativement faible, puisqu'il ne prend pas en compte le contexte organisationnel de l'institution. Il permettrait plutôt d'expliquer les causes de la performance « après coup », et c'est ce que nous avons fait lors de nos études de cas. En effet, nous n'avons pas cherché à évaluer la capacité du tableau de bord à prédire les résultats futurs. Nous sommes plutôt partis d'une liste d'indicateurs de performance présents dans la littérature pour essayer d'obtenir un

    58 Pour soutenir cette idée, Norreklit (2000) cite les auteurs suivants : Edwards (1972), Norreklit et Schoenfeld (1996), Collis et Montgomery (1997), Haas et Kleingeld (1999).

    Chapitre 5 : Études de cas 98

    ensemble équilibré de déterminants qui expliquent la performance passée des IMF choisies.

    Synthèse

    À travers les deux études de cas, nous avons pu dresser certaines conclusions ainsi que des liens de cause-à-effet probables entre les indicateurs de performance. Parmi ces éléments d'analyse, certains sont conformes aux résultats d'autres études, donnant plus de crédibilité au potentiel du tableau de bord en tant qu'outil diagnostic.

    Parmi les principales observations, conformément aux études de Ledgerwood (1999) et de Di Bella (2011), nous pensons que le PAR3059 est un bon indicateur de la qualité du portefeuille, et cette observation a été confirmée dans les deux analyses. En effet, le taux très bas pour la Bandhan, inférieur à 1%, était cohérent avec les bonnes performances opérationnelles de l'institution et le retour sur actif élevé constaté sur les 3 années. Pour la Fondep, ce taux a connu une diminution inversement proportionnelle à la croissance du retour sur actif. En effet, le PAR30 est passé de 8% à moins de 2%, de 2009 à 2011, et le retour sur actif est passé de 5% dans le négatif à 5% dans le positif sur la même période. En fait, comme l'expliquent Ayayi et Sene (2010), un PAR30 élevé impliquerait moins de fonds disponibles pour l'IMF, et aurait donc un impact négatif sur sa performance financière.

    Autre postulat, il semblerait aussi que les dépôts aient un effet positif sur la rentabilité d'une IMF; Mersland et Strøm (2009) expliquent cela par le fait que les dépôts de la clientèle constituent des sources de financement à bas prix. Ils ajoutent qu'une meilleure régulation de la microfinance permettrait aux IMF d'avoir un accès plus facile à de tels fonds, et les cas de la Bandhan et de la Fondep illustrent bien cette situation. Étant mieux régulée, la Bandhan profite de la régulation indienne qui lui permet de collecter les dépôts de la clientèle contrairement à la Fondep qui connait une performance financière plus faible.

    Le tableau de la page suivante récapitule certaines observations et postulats tirés des deux études de cas, et leur fiabilité est présumée puisqu'ils ne découlent que de notre propre

    59 Montant du portefeuille de prêts dont le remboursement est en retard de plus de 30 jours, voir annexe 1.

    Chapitre 5 : Études de cas 99

    interprétation du tableau de bord de chaque institution. Les croix du tableau suivant précisent de quelle étude de cas l'observation est issue.

    Chapitre 5 : Études de cas 100

     

    Bandhan

    Fondep

    Le PAR30 est un bon indicateur de la qualité du portefeuille

    X

    X

    Le taux de radiation (write-off ratio) permet de mieux apprécier la qualité du portefeuille

     

    X

    Le coût par emprunt se reflète assez vite sur la moyenne des emprunts

     

    X

    La perspective sociale est plus pertinente que la perspective innovation et apprentissage

    X

     

    Les variations du ratio de la structure de

    financement concordent avec un bouleversement dans les activités opérationnelles de l'institution

    X

    X

    Les dépôts permettent d'alléger la structure de coût en fournissant une source de financement à bas coût (comparaison entre Bandhan et la Fondep)

    X

    X

    Toute chose étant égale par ailleurs, la moyenne des emprunts est proportionnelle à la rentabilité de l'institution

    X

    X

    Les emprunts moyens des plus grosses IMF d'un même pays semble converger vers un montant « optimal »

    X

     

    Une économie d'échelle est constatée par une augmentation de l'étendu du champ d'action

    X

    X

    La performance financière supporte la

    performance sociale de l'institution

    X

     

    Le suivi de la clientèle doit être collaboré entre les grandes IMF pour permettre une stabilité de la microfinance à un niveau régional et éviter les endettements croisés

     

    X

    Chapitre 6

    Conclusion

    La présente étude avait pour objectif de développer un tableau de bord de gestion adapté aux institutions de microfinance dont la stratégie s'axe autour des femmes. L'outil a été principalement inspiré du modèle de Kaplan et Norton (1992) auquel nous avons ajouté une cinquième perspective sociale au-dessus de la perspective financière, selon les recommandations de Meyssonnier et Rosolofo-Distler (2011), afin de mieux adapter l'outil au contexte social des institutions de microfinance (IMF). La littérature présente de nombreuses études autour des indicateurs de performance des IMF, et à partir desquelles nous avons pu monter un tableau de bord équilibré. Nous nous sommes particulièrement inspirés de l'étude de Ledgerwood (1999) qui présente plusieurs dimensions à prendre en compte pour évaluer correctement les aspects importants de la performance financière et opérationnelle des IMF. Par contre, nous n'avons pas trouvé d'outils qui croisent les performances sociales et financières de ces institutions. Nous sommes donc partis d'une longue liste d'indicateurs de performance proposés dans la littérature, pour aboutir à un peu plus d'une quinzaine de mesures. Ce sont ces mesures qui ont constitué notre tableau de bord, et dont nous voulions vérifier le potentiel diagnostic sur des situations réelles. Ces études de cas n'ont pas été menées sur le terrain, mais nous avons pu recueillir les informations financières nécessaires du site du Microfinance Information eXchange (MIX). Nous avons retenu deux IMF, la Fondep et la Bandhan Financial Services, et nous avons monté un tableau de bord par an et par institution, sur 3 ans. D'autres informations, davantage d'ordre qualitatif, ont aussi recueillies des sites web des deux institutions afin de mieux comprendre le contexte dans lequel celles-ci évoluent. Au moment d'évaluer l'utilité de ces outils à travers les deux études de cas, plusieurs questions se posaient : L'outil peut-il apporter de l'information de gestion utile à ces institutions? Est-il vraiment pertinent de cibler les IMF dont la stratégie est axée autour des femmes? Comment peut-on appliquer ce

    Chapitre 6 : Conclusion 102

    tableau de bord pour analyser la performance de ces institutions? La perspective sociale, elle aussi, est-elle vraiment pertinente?

    Parmi les grandes conclusions de l'étude, nous pensons avoir pu croiser de manière satisfaisante les performances financières et sociales d'une institution de microfinance au sein d'une même réflexion, grâce à un seul outil. La gestion financière de l'institution apparait alors comme un socle indispensable à l'atteinte de la mission sociale de l'IMF. Dans l'une des études de cas, nous avons d'ailleurs constaté une augmentation de l'impact social de l'institution parallèlement à la croissance des activités opérationnelles et de l'étendu de son champ d'action. Plus généralement, pour un outil destiné principalement à une utilisation à l'interne, nous avons constaté une cohérence relativement forte entre les indicateurs de performance. Par exemple, lors de l'étude de performance de la Fondep, nous avons pu expliquer la mauvaise performance financière de l'institution (en partie) par la mauvaise qualité de son portefeuille de prêts, conséquence d'une mauvaise régulation de la microfinance à un niveau régional. Ainsi, pour le gestionnaire de l'IMF, une telle information peut s'avérer très précieuse pour la gestion de l'institution qui comprend mieux les maillons faibles de sa chaine opérationnelle.

    Nous pensons que les deux principaux défis de la mise en application de l'outil résident dans la mise en place d'un système d'information qui permette d'obtenir facilement les mesures de performance, mais aussi dans le choix des bons indicateurs de performance. Dans le cas de notre étude, nous avons pu approfondir la réflexion quant à la performance des deux institutions, et certains liens entre différents indicateurs de performance étaient relativement évidents. Par conséquent, outre les défis cités ci-haut, l'outil nous parait accessible et relativement simple d'utilisation. Nous avons accordé une attention particulière aux liens de cause-à-effet de Kaplan et Norton (1992). Toutefois, nous avons trouvé qu'en essayant de faire de tels liens, nous nous restreignions à un cadre de pensée qui n'était pas assez flexible pour une étude de performance, puisqu'il n'existait pas toujours de liens de cause-à-effet entre les indicateurs. À travers les deux études de cas, nous avons plutôt ressenti une cohésion globale entre les indicateurs de performance qui se complétaient entre eux pour décrire les rouages de la performance des institutions. Haas et Kleingeld (1999) et Norreklit (2000) parlent plutôt de cohérence entre les indicateurs

    Chapitre 6 : Conclusion 103

    Au niveau des limites de l'étude, les données financières et comptables n'ont pas fait l'objet d'une vérification approfondie, et elles proviennent essentiellement du site du Microfinance

    dont les résultats doivent être liés avec les ressources disponibles et la stratégie globale de l'institution.

    Enfin, pour en revenir à la question de la pertinence de cibler les IMF dont la stratégie est axée autour des femmes, nous pensons que ce choix a eu un impact positif sur notre étude. En effet, il a permis de donner plus de profondeur au tableau de bord et à la perspective sociale qui intégrait des indicateurs centrés sur l'atteinte de la mission de l'institution. Aussi, à défaut de pouvoir développer un tableau de bord pour un cas précis d'IMF avec une étude sur le terrain en bonne et due forme, nous avons pu mieux délimiter notre champ d'action à un certain type d'IMF partageant le même marché cible. Nous avons ainsi pu mieux justifier le choix de certains indicateurs, particulièrement en ce qui concerne la perspective innovation et apprentissage et la perspective sociale. D'ailleurs, la perspective sociale s'est mieux intégrée aux analyses de performance puisqu'elle renseigne sur la mission sociale des institutions, et joue ainsi un rôle important pour mener une réflexion croisée des performances financières et sociales.

    Au niveau de la contribution pour la recherche, l'étude fait état des principales études des mesures de performance des institutions de microfinance et de l'application du tableau de bord de gestion pour les organisations poursuivant une mission sociale. Elle définit un cadre de réflexion pour l'analyse croisée de la performance financière et sociale des IMF, et le tableau de bord de gestion apparait comme un bon support pour ce type d'analyse. Ainsi, l'outil développé peut constituer une contribution pour la gestion de la performance des IMF. Bien qu'il ait été développé pour les IMF dont la stratégie est axée autour des femmes, le chercheur peut y trouver une base de comparaison pour l'adapter à un autre type d'institutions. L'étude présente d'ailleurs une variété d'auteurs dont il est possible de s'inspirer pour trouver des indicateurs de performance mieux adaptés à un contexte différent.

    Chapitre 6 : Conclusion 104

    Information eXchange (MIX). Le site de MIX offre un grand nombre d'informations financières et de ratios de gestion pour mener une étude de performance, néanmoins cette base de données reste limitée pour la construction d'un tableau de bord équilibré. Cette limite a assurément joué un rôle quant à notre incapacité à sélectionner des indicateurs pour la perspective innovation et apprentissage qui s'intègrent mieux avec le reste des perspectives. Qui plus est, nous n'avons pas pu trouver d'indicateurs de performance pertinents pour la perspective sociale de l'étude de cas de la Fondep.

    Pour l'étude de cas de la Bandhan Financial Services, les indicateurs de performance sociale ont été obtenus à travers le site internet de l'institution. Malheureusement, nous n'avons pas pu avoir accès à autant d'informations sur les activités sociales de la Fondep dont le site était en maintenance tout le long de notre étude. Par ailleurs, cette étude a été élaborée avec l'information publique disponible sur le web, ainsi que dans la littérature scientifique et académique. L'analyse et la compréhension du fonctionnement des deux institutions ont donc été limitées aux études théoriques et aux données financières publiques disponibles. Cette limite est relativement importante dans le cadre d'un outil dont le but ultime réside dans une utilisation à l'interne. Aussi, nous pensons qu'une application sur le terrain aurait permis de mieux cibler l'information utile. Pour conclure sur les limites de l'étude, le principal aspect du tableau de bord ayant été évalué à travers cette étude est sa capacité à fournir des éléments d'analyse-diagnostic pour l'évaluation de la performance d'institutions de microfinance. Comme nous l'avons vu dans la revue de littérature, le tableau de bord servirait d'autres intérêts au sein d'une organisation, tels une meilleure communication de la stratégie, ou encore la prédiction de la performance future de l'organisation. De tels aspects n'ont pas été traités à travers cette étude.

    Au niveau des voies de recherches futures, une application sur le terrain de cet outil constitue une voie intéressante dans le cadre du contrôle de gestion et de la microfinance. À travers des entrevues de personnes qualifiées et grâce à une base de données plus intéressantes, il serait possible d'aboutir à une meilleure sélection d'indicateurs de performance. Entre autres, il serait possible d'étudier le système d'information d'IMF pour comprendre sur quelles informations de gestion se basent les gestionnaires pour évaluer la

    Chapitre 6 : Conclusion 105

    performance de l'institution à l'interne. Le chercheur pourrait aussi sonder l'avis de gestionnaires d'IMF sur la pertinence des indicateurs de performance de cette étude, et lesquels pourraient être de meilleurs choix.

    Par ailleurs, il est possible que la culture organisationnelle et les besoins d'information soient différents d'un pays à un autre étant donné le contexte politique, économique et social de chaque institution. Nous avons d'ailleurs appris, à travers cette étude, que le gouvernement du Maroc ne permettait pas aux IMF de collecter les dépôts du public, alors que certaines IMF indiennes sont sur le point d'obtenir une licence bancaire formelle. Par conséquent, le chercheur pourrait étudier l'importance qu'accordent les gestionnaires aux différents types d'indicateurs de performance en fonction des régions, de la règlementation locale, de l'âge ou de la maturité de l'institution.

    Les technologies de l'information offrent aussi plusieurs avenues de recherche très intéressantes. Les IMF sont en effet limitées au niveau de leurs ressources humaines et technologiques, et le système d'information supportant le tableau de bord doit être pensé en fonction d'outils informatiques peu onéreux et simples d'utilisation. Au cours de notre étude, nous avons appris que plusieurs organismes travaillaient au développement de nouvelles technologies de l'information adaptées aux contextes, aux besoins et aux ressources limitées des IMF. Par exemple, Mifo60 est un système d'information basé sur le web. Il a été développé par la COSM, Community for Open Source Microfinance, une communauté d'institutions de microfinance, de professionnels des technologies de l'information, de volontaires et de contributeurs. Leur objectif est de soutenir et propulser la microfinance grâce aux nouvelles technologies de l'information. Avec Mifo, une IMF peut gérer les comptes de sa clientèle, ses projets, faire le suivi de la performance globale mais aussi faire un suivi par client. Grâce à une bonne connaissance des indicateurs de performance pertinents pour la gestion des IMF, nous pensons que la contribution d'un chercheur serait non négligeable pour permettre à ce type de système d'information de mieux cibler l'information utile de gestion. Le chercheur pourrait même y trouver

    60 Site web de l'organisation : http://mifos.org/ visité le 6 octobre 2012.

    Chapitre 6 : Conclusion 106

    l'opportunité de développer des tableaux de bord en cascades, qui présentent des indicateurs de performance pertinents par niveau hiérarchique de chaque employé. Ainsi, une IMF pourrait mieux aligner les efforts des employés avec la vision institutionnelle. En fait, l'outil développé à travers cette étude a été conçu dans l'optique d'un haut gestionnaire qui aimerait avoir un aperçu global des activités de l'institution. Par conséquent, les informations contenues dans ce tableau de bord ne seraient pas autant utiles pour un chef de succursale, davantage soucieux de l'efficience opérationnelle de ses agents de crédit par exemple.

    107

    Annexes

    61 Mix Market ne propose pas de définition pour les indicateurs de performance. Par conséquent, nous proposons notre propre interprétation des formules mathématiques utilisées par Mix Market.

    108

    Annexe 1 : Indicateurs de performance

    Indicateur Définition Formule

    Autosuffisance
    opérationnelle61

    Capacité de l'institution à subvenir à
    ses dépenses opérationnelles à partir
    des revenus tirés de sa propre
    exploitation

    Revenus financiers

    Frais financiers

    + Frais opérationnels

    + Perte de valeur du portefeuille

    Emprunt moyen

    Moyenne des emprunts de la
    clientèle active

    Portefeuille de prêts brut

    Nombre d'emprunts

    Coût par emprunt

    Estimation des frais marginaux
    supportés par l'institution pour un
    emprunt additionnel

    Frais opérationnels

    Nombr e d ' e m p r u n t s a c t i f s

    Salaire moyen / PIB par
    habitant

    Estimation du niveau salarial des
    employés de l'IMF en fonction du
    niveau de vie du pays

    Charges salariales

    Nombre d'emprunts

    --

    PIB par habitant

    Ratio d'endettement

    Structure de financement de
    l'institution, entre dettes bancaires
    et fonds propres des actionnaires

    Dette

    Capitaux p r o p r e s

    Dépôts/ Portefeuille de
    prêts

    Pourcentage du montant des dépôts
    de la clientèle par rapport au
    portefeuille de prêts

    Total des dépôts

    Portefeuille de prêts brut

    Pourcentage de femmes
    employées

    Pourcentage de femmes parmi les
    employés de l'institution

    Nbr de femmes parmi les employés

    Nombre total d'employés

    PAR30

    Montant du portefeuille de prêts
    dont le remboursement est en retard
    de plus de 30 jours

    Emprunts en retard de 30 jours

    Porte f e u i l l e d e p r ê t s b r u t

    Retour sur actif

    Mesure de la rentabilité de
    l'institution en fonction de ses actifs

    Bénéfice net

    Total de l'actif

    Taux de radiation des
    comptes client (write-off

    ratio)

    Pourcentage des emprunts jugés
    irrécouvrables

    Emprunts radiés dans la période

    Portefeuille brut moyen

    # Emprunteurs par
    succursale

    Nombre d'emprunteurs par
    succursale

    '

    Nombre d emprunteurs actifs

    Nombre de succursales

    109

    # Emprunteurs par agent de crédit

    Nombre d'emprunteurs par agent de

    crédit

     
     

    # Agents de crédit par
    succursale

    Nombre d'agents de crédit par succursale

     
     

    110

    Annexe 2 : Proposition de tableau de bord

    Perspective sociale

     

    Marché cible

     
     
     

    Pourcentage de femmes parmi la clientèle

     

    Perspective financière

    Gestion des coûts

    Structure de financement

    Autosuffisance financière

    Rendement sur l'actif

     
     
     
     

    Coûts opérationnels / Portefeuille de prêts

    Dette / Fonds propres

    Ratio d'autosuffisance financière

    Bénéfice net / Actif total

    Perspective client

    Dépôts de la clientèle

    Étendue du champ d'action

    Profondeur du champ d'action

     
     
     

    Dépôts / Portefeuille de prêts

    Nombre d'emprunteurs actifs

    Emprunt moyen

    Perspective processus internes

    Distribution de la

    Clients à risque

    Distribution des activités

    Coût des emprunts

    Distribution des agents

    clientèle

    de crédits

     
     
     
     
     

    Nombre d'emprunteurs
    actifs par succursale

    % du Portefeuille en
    retard de plus de 30 jours

    Nombre d'emprunteurs
    par agent de crédit

    Moyenne du coût par
    emprunt

    Nombre d'agents de crédit par succursale

    Apprentissage et innovation

    Conditions salariales

    Femmes

    Femmes

     
     
     

    Salaire moyen / PIB par habitant

    % de femmes employées

    % de femmes gestionnaires

    111

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo