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Aspects d'un office du chapitre de Notre-Dame de Paris : les chanceliers de l'université de paris du milieu du XIIe au XVe siècle.

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par Christophe LEON
Université de Reims Champagne Ardenne - Master II Espaces et Civilisation 2003
  

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Université de Reims Champagne Ardenne

Mémoire d'Histoire en vue de l'obtention du Diplôme d'Etude Approfondie Septembre 2003

Christophe LEON

Aspects d'un office du chapitre

de Notre-Dame de Paris :

les chanceliers de l'Université de Paris

du milieu du XIIe au XVe siècle.

Sous la direction de Monsieur Charles VULLIEZ.

(Université de Reims Champagne Ardenne)

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Introduction.

« Depuis quelques décennies, se dégageant d'une conception purement événementielle de l'histoire, les historiens, à la suite de Lucien Febvre et de Marc Bloch, accordent une attention particulière à l'observation du milieu social et des mentalités. On a pris conscience qu'au-delà même de la restitution du passé, l'histoire a pour véritable objet de mieux faire connaître le comportement social de l'homme. L'étude et la connaissance de l'origine familiale et sociale des individus, de leur formation intellectuelle, de leur carrière, ont permis, en effet, de rejeter bien des idées reçues et de mieux saisir, à un moment donné de l'histoire, la place et le rôle exacts occupés par ces hommes dans la société de leur temps. Tel est le cas, notamment, des études qui ont été consacrées pour le Moyen Âge, à l'examen de différents groupes sociaux : parlementaires, avocats, universitaires ». Un peu plus de quinze ans après l'ouvrage de Robert Gane1, il est possible de reprendre à notre compte son constat tout en reconnaissant que les groupes sociaux universitaires ont, pour leur part, été assez largement traités2. Cependant, les groupes ecclésiastiques sont toujours peu étudiés pour eux-mêmes, et, bien souvent, dans leur rapport à l'autre ou à une partie de la société médiévale. La tentative de Robert Gane, du fait de l'étendue du groupe social, est restreinte au seul XIVe siècle ; ce qui est déjà remarquable. Nous proposons une démarche qui consiste à étendre le champ chronologique tout en resserrant l'étude à un groupe canonial, celui des chanceliers. Celui-ci se limite à une quarantaine de chanceliers qui se sont succédés au sein du groupe canonial de Notre-Dame en charge de l'Université de Paris. Mais, ce groupe couvre trois siècles, du XIIe au XVe siècle.

C'est au tournant des XIe - XIIe siècles que les structures scolaires de l'Occident se modifient sous l'effet de l'essor urbain et du renouveau moral et spirituel de l'Eglise. A côté des écoles cathédrales qui prennent de l'ampleur et se multiplient, les écoles collégiales apparaissent qui acquièrent pour certaines une grande réputation, telle celle de Saint-Victor à Paris. Enfin, à côté de ces écoles ecclésiastiques apparaissent des écoles particulières, ouvertes par des maîtres, laïcs ou clercs, qui enseignent aux adolescents qu'on leur confie

1 GANE, Robert, Le chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe, Etude sociale d'un groupe canonial, Paris, 1985, [15], Introduction.

2 Notamment grâce aux travaux récents de Jacques Verger, dont l'Histoire des Universités en France, Bibliothèque Historique [41], et Le chancelier et l'université à Paris à la fin du XIIIe siècle, in Les universités françaises au Moyen Âge, [44].

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moyennant finances, et attirent parfois des étudiants nombreux en raison de leur réputation. Les écoles cathédrales et canoniales relevaient de l'Eglise. Maîtres et étudiants étaient généralement des clercs. L'évêque ou l'abbé qui dirigeait, mais pas toujours, les chanoines instituait, parmi eux un écolâtre - appelé scolasticus ou cancellarius, chancelier, à Chartres ou Paris, magister scolarum à Orléans, ou encore caput scolae dans le Midi. Celui-ci contrôlait l'activité scolaire, enseignait souvent, mais peut être pas toujours, et se faisait aider dans les plus importantes écoles par des maîtres libres. Les succès des écoles et l'importante circulation des maîtres posèrent très vite la question de leur recrutement et de son contrôle. A partir des années 1160, une licence d'enseigner, « licentia docendi » fut instituée. Un maître désirant enseigner devait se faire agréer par l'évêque du lieu ou son représentant, l'écolâtre ou le chancelier. Ce système fut généralisé par le Concile de Latran III, sans concerner, dans un premier temps, ni la médecine ni le droit, dont l'Eglise ne pouvait contrôler l'enseignement. Rappelant la nécessité pour chaque chapitre cathédral de tenir une école dispensant un enseignement gratuit, le même concile statua sur la question de la rétribution de l'écolâtre, auquel on devait attribuer une prébende. Pourtant, durant tout le XIIe siècle, une grande partie des revenus du chancelier provint de sommes versées pour la collation du diplôme par les étudiants et leurs familles, ce qui aboutit parfois à des excès auxquels le Concile de Latran III avait justement tenté de mettre un terme. L'octroi de la licentia docendi déboucha sur un conflit récurrent entre le chancelier de Notre-Dame et l'Université de Paris.

Durant une première période, le conflit s'est localisé dans la juridiction du chancelier de Notre-Dame et concernait les moyens et les circonstances réunis pour la délivrance de la licentia docendi. Durant une seconde période, la dispute s'est centrée sur les modalités de l'examen des candidats avant leur admission dans la société des maîtres ; cette dispute recouvre en fait le problème de la distribution des licences et de leur paiement. Cette seconde période, qui va jusqu'au XIVe siècle, est également marquée par la confrontation entre les deux dignitaires de l'Université, le chancelier et le recteur, à propos de la question pour savoir lequel des d'entre eux était supérieur à l'autre : « qui eorum major est. » Au XVe siècle, la confrontation se termina par une coexistence pacifique. Cependant, à la fin du Moyen Âge, la charge de recteur est fragilisée à cause de l'influence du chancelier, renforcée par un accroissement de leurs connaissances et de leur réputation. Les qualités de direction des chanceliers ont nettement renforcé l'aura de leur charge. Survivant à ces conflits, ils sont

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apparus comme la personnification de la dignité scolastique dans la vie du « Studium Parisiense. »

Ce groupe des chanceliers est généralement étudié pour le problème qu'il pose sur sa compétence à délivrer la licentia docendi, alors que ces lettrés sont, eux-mêmes, issus de l'Université, et, pour la plupart, sont docteurs en droit. Ce problème de compétence a été étudié à travers les conflits qui opposent le chancelier et l'université, dès sa constitution, mais aussi dans l'opposition entre le chancelier et le recteur. Il parait nécessaire de reprendre cette étude tout en envisageant un élargissement de la réflexion aux relations des chanceliers avec l'ensemble de la société médiévale pour tenter d'y mesurer leur place et leur influence.

Pour mener l'étude, un traitement statistique des informations peut être utile. C'est pourquoi notre travail ébauche une base prosopographique pour les chanceliers de l'Université de Paris. Si l'étude des carrières ecclésiastiques et des productions littéraires de quelques chanoines du chapitre de Notre-Dame a donné lieu à de nombreux travaux, notamment sur Pierre le Mangeur, Pierre d'Ailly, ou Jean Gerson3 ; l'établissement d'une base prosopographique sur les chanceliers de l'Eglise Notre-Dame, en raison de l'importance du corpus, ne peut être intégralement réalisé dans un travail de DEA. Il faut envisager l'élaboration complète de cette base dans un travail de thèse en ne négligeant aucun aspect de la vie des chanceliers retenus.

Dans le cadre du DEA, nous exposerons quelles sont les sources à notre disposition pour le corps des chanceliers dans son ensemble, quel cadre prosopographique4 il est possible d'envisager, pour réaliser une étude plus systématique dans le cadre d'une thèse et expliquer le fonctionnement de la charge de chancelier en tentant de répondre à des questions aussi simples que : qui ? comment ? quoi ? pourquoi ? où ? quand ?5 Nous proposerons un extrait de cette base à travers deux études de cas : les carrières de Philippe le Chancelier, chancelier

3 Cf. notamment, pour Pierre d'Ailly, l'étude de Bernard Guénée ; GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge (XIIIe - XVe siècles), [21], Paris, 1987.

4 Les fiches biographiques tirées de l'étude prosopographique tiennent compte des éléments suivants n° de réf., nom vedette (le plus usité) (le latin est accolé au nom vedette), dates fonction de chancelier, dates de naissance et de mort, lieu d'inhumation, rang dans les ordres sacrés (dont offices occupés au chapitre), origine sociale, origine géographique, informations sur la parenté, carrière bénéficiale (nom du diocèse, titre, dates d'attestation dans ce titre), formation, carrière non bénéficiale dont universitaire, références bibliographiques et sources ; cf. chapitre 1.2.

5 Cf. comme guide pour la méthode la collection des fasti ecclesiae gallicanae, t. 3, Diocèse de Reims, ssd. Pierre Desportes, CNRS, 1998, Brépols : Répertoire prosopographique des évêques, des dignitaires et des chanoines des diocèses de France de 1200 à 1500, [10].

5

de juin 1218 au 23 décembre 1236, et de Grimaud Boniface, chancelier du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370. Puis, nous présenterons les cadres institutionnels dans lesquels évoluait le chancelier du fait de sa double appartenance au milieu universitaire et canonial. Enfin, nous donnerons des essais de définitions et nous observerons les évolutions de la fonction de chancelier.

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1. Critique des sources et méthodologie.

1.1. La critique des sources pour l'établissement de la base prosopographique.

La constitution de notices prosopographiques est un exercice difficile non seulement à cause des éléments constitutifs de la base de donnée, mais également à cause de la variété des sources qui peuvent être utilisées pour l'étude. Il s'agit de se demander quels sont les renseignements qui, sur un personnage donné, vont nous permettre de comprendre quelle sorte de chancelier il a été. La base prosopographique doit amener à la constitution d'une sorte de typologie des différents types de chanceliers à travers leurs origines, leurs formations, leurs carrières, leurs relations à l'intérieur du chapitre6, mais aussi à l'extérieur de celui-ci7.

La constitution de la base de donnée repose également sur la pertinence et l'accessibilité des sources retenues, ce qui pose un problème pratique. En effet, l'accessibilité des sources se fait le plus souvent à travers des compilations de lettres éditées à la fin du XIXe siècle ; nous avons, pour le moment, retenu essentiellement la collection des Chartularium Universitatis Parisiensis8. Les sources sont, malheureusement, rarement disponibles directement. Il est matériellement mal aisé de s'y reporter car, pour certaines, leur conservation a été mal assurée au cours du XXe siècle.

La seconde approche des sources provient d'études réalisées sur les chanceliers au cours du XXe, qui se réfèrent elle-même bien souvent au Chartularium Universitatis Parisiensis. Il s'agit notamment d'études réalisées par Astrik L. Gabriel, Robert Gane et Jacques Verger. Leur intérêt pour les chanceliers est motivé dans les relations de ces prélats avec l'université et il n'y a que Robert Gane qui ait établi une base prosopographique, mais pour l'ensemble des offices du chapitre de Notre-Dame. Il serait cependant nécessaire de rendre compte de la vie des chanceliers non seulement à travers leurs relations avec l'Université de Paris, mais aussi avec le reste de l'Eglise et la société du temps, sans oublier

6 i. e. l'Eglise.

7 i. e. la société médiévale dans son ensemble. Le problème de l'Université est que celle-ci propose un cadre transversal à la fois dans l'Eglise et dans la société du temps. Cette position est d'ailleurs source de convoitises pour son contrôle de la part des pouvoirs religieux et temporels, et les chartes garantissant l'autonomie des universités, dont celle de 1205, ont dû être constamment réaffirmées.

8 Denifle, H. -Chatelain, Ae, Chartularium Universitatis Parisiensis, [IV], Paris, 1889 - 1896, t. I et II.

7

de s'intéresser à la formation et à l'origine de ces personnages et sur un temps long, c'est-à-dire au moins du XIIe au XVe siècle9.

« Il est possible d'admettre sans difficulté, j'estime », écrivait Langlois, « que les documents les plus précieux pour l'histoire du Moyen Âge sont les lettres, les lettres envoyées, à la fois les correspondances officielles et privées ». Cette considération peut apparaître quelque peu obsolète à la première lecture, cependant il est difficile dans les faits de penser à l'existence d'un autre type de source qui apporte autant d'éclairage dans une étude biographique et l'établissement d'une base prosopographique. Les remarquables adaptabilité et forme du genre lui permettent de toucher presque tous les aspects de la vie et de ce qui concerne le Moyen Âge. Mais il faut bien se garder d'étendre ce genre de considération en dehors de ce qu'il faut appeler les vraies lettres et non celles fabriquées, notamment au XIIIe siècle, pour servir de modèle au dictamen. L'utilité de ces vraies lettres en tant que source historique réside précisément dans le fait que celles-ci sont les reflets de faits réels et vécus10.

Les documents tirés du Chartularium Universitatis Parisiensis sont des lettres des chanceliers ou adressées aux chanceliers et non des histoires de leurs vies ; mais il ne s'agissait pas pour les auteurs de cette collection de réaliser des notices biographiques11. Ils

9 Dans la perspective d'un travail de thèse, il est possible d'envisager de travailler sur l'ensemble des chanceliers qui se sont succédés à ce poste de Odon jusqu'au moins le XVIe siècle inclus afin de bien saisir l'évolution de la fonction sur le long terme.

10 Si ces lettres fictionnelles constituent néanmoins un corpus intéressant pour l'étude de l'histoire médiévale, ce n'est pas le propos de cette étude.

11 « His collectis (documenta chartularia), facile intelligas Cancellarium Parisiensem tempore interposito multa amisisse : primum in actione in magistros et scholares exercita, ut supra demonstrauimus, deinde in aemulatione nata cum abbate, postea cum Cancellario S. Genouefae, denique emergente Rectoris auctoritate, ut breui exponemus. Nihilominus tamen saeculo XIII Cancellarius Parisiensis, ut nemo alius, in Uniuersitate Parisiensi summum imperium retinuit. Anno 1234 decanus ecclesiae Parisiensis in quadam causa contra Cancellarium Paris, duos iudices « habebat ea ratione suspectos, quod cum Parisienses scolares existerent, ratione iurisdictionis ordinarie, quam obtinet in eisdem, subiecti erant Cancellario memorato ». Magister Artium Iohannes de Garlandia circa medium saeculum de Cancellario Parisiensi sic loquitur : « Parisius studii directas ducit habenas ». Eandem fere locutionem hic notemus quam de scholastico Aurelianensi anno 1301 adhibebat pontifex Bonifatium VIII : « Ad quem studii gubernatio et dispositio (...) pertinet ». Etiam anno 1283 tametsi plurinum Rector Uniuersitatis potestatem suam auxerat, Cancellarius se caput Uniuersitatis esse contendebat, « in quem ipsa potestatem non haberet sicut nec inferior un superiorem. Quanquam procurator Artistarum Iohannes de Malignes contre nisus est et Rectorem caput esse declarauit, summus pontifex, apud quem ea causa pendebat, Cancellario Parisiensi satisfecit, ut patet ex epistolis an. 1284 et 1286. Cancellario Parisiensi hoc saeculo maximas partes in Uniuersitate tributas esse eo quod Cancellarius ecclesiae Parisiensis esset atque in Insula sub eius iuridictione Uniuersitas formata foret, agnoscendum ; nihil mirum quod nomina omnium, inter quos celeberrimi numerantur, ad nos peruenerunt, cum Cancellarii S. Genouefae, quorum institutio posterior fuit, ut occasione tantum data, uix rari in scriptis appareant Seriem Cancellariorum Parisiensium illius temporis, cum uulgo male nota sit, describendi occasionem arripiemus, initium capiendo ab illo qui primus in nostro Chartulario occurit usque ad ultimum. Manca neque errorum expers est nomenclatura apud HEMERAEUM, De Academia Parisiensi, pag. 105 sqq., sicut et une Registro (saec. XVIII) Arch. Nat., LL 189 ; fol. 23. -Terminos a quo et ad quem non semper pro certo definire possumus.

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sont des témoignages directs de l'action de ces hommes à un moment donné, et, par conséquent, ils restent fragmentaires dans une perspective d'ensemble d'une carrière.

Le Chartularium Universitatis Parisiensis est constitué de quatre volumes classant chronologiquement des documents épistolaires ayant pour objet l'Université de Paris et ses membres, parmi lesquels les chanceliers du chapitre de Notre-Dame, depuis l'année 1163 jusqu'au XVIe siècle.

Cette compilation repose elle-même sur le travail d'un érudit du XVIIe siècle, César Egaste sieur Du Boulay, qui a rédigé une Historia Universitatis Parisiensis, en six volumes, entre 1665 et 1673 ; il s'appuyait lui-même essentiellement sur les archives de l'Université de Paris. Le Chartularium Universitatis Parisiensis propose de reprendre ce travail et d'en corriger les erreurs. Les corrections ou les compléments d'informations s'appuient sur les archives de l'Université de Paris proprement dite, sur celles des collèges voisins de l'Université, comme Sainte-Geneviève, sur celles du Vatican, sur celles de différentes institutions religieuses de plusieurs régions françaises, soit qu'elles confirment ou qu'elles infirment les renseignements donnés. Ces archives régionales sont notamment conservées par les services départementaux de la Côte d'Or, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône, du Loiret. Ils s'appuient également sur les chartes de l'Eglise de Paris, notamment celles de Notre-Dame de Paris, telles qu'elles ont été éditées par Guérard, en quatre volumes, en 1850. Ainsi, l'observation de l'origine des différentes archives propose une idée assez précise de l'influence de l'Université de Paris et des enjeux qu'elle représentait, tant dans la capitale du royaume qu'au niveau du royaume lui-même et de la chrétienté occidentale, puisque l'Europe ne connaissait d'autre principe d'unité que la foi qui l'animait et que la pensée se manifestait tout entière sur le plan chrétien. Outre l'origine, la nature des différentes lettres proposées dans le Chartularium Universitatis Parisiensis doit permettre, en classant les différents types d'auteurs et de destinataires de celles-ci, d'appréhender spatialement l'importance de l'Université de Paris, en distinguant les privilèges, qu'ils soient royaux ou pontificaux, des

Odo fuit saltem anno 1164 usque ad annum fere 1168. Petrus Comestor, 1168 usque ad annum fere 1180. Hiduinus, 1180 ... 1193 (?). Petrus Pictauensis, circa 1193 usque 1205. Bernadus Chabert, 1205. Prepositinus, 1206 usque ad an. Fere 1209. Iohannes de Candelis, 1209 usque 1214 uel 1215. Stephanus Remensis, 1214 uel 1215-1218. Philippus de Grèue, 1218-1236. Guiardus, 1237-1238. Odo de Castri Radulphi, 1238-1244. Petrus Paruus, 1244 usque ad an. Fere 1263. Galterus, 1246-1249. Heimericus de Ueire, 1249 usque ad an. Fere 1263.

Stephanus Tempier. Nicolaus, 1268-1271. Iohannes Aurelianensis, 1271-1280. Philippus de Thoriaco, 12801284. Nicolaus de Nonancuria, 1284 ssq. Cancellariorum S. Genouefae duorum tantum nomina inuenire potuimus ».

Denifle, H. -Chatelain, Ae, Chartularium Universitatis Parisiensis, [IV], Paris 1889 - 1896, t. I, p. XIX - XX.

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simples suppliques, des bulles, des recommandations, tout en recentrant constamment l'étude autour du chancelier. Mais ce travail, long et laborieux, n'est pas envisageable dans le cadre d'un DEA, et il paraît plus raisonnable de l'intégrer à un travail de thèse. Il est en effet indispensable de prévoir, dans la base prosopographique des chanceliers, l'établissement d'une base de données détaillée dévolue aux seules sources, en commençant par le Chartularium Universitatis Parisiensis, ce que nous ne faisons pas ici. L'établissement d'une typologie des lettres par leurs auteurs, leurs destinataires et leur origine géographique doit permettre, en les croisant avec d'autres sources, de s'assurer de l'authenticité de chacun des documents. Il faudra ensuite se référer directement à la source originale, si elle est encore disponible, pour contrôler le contenu de chacun des documents. Outre les lettres et des collections comme celle du Chartularium Universitatis Parisiensis, nous disposons également des autres productions littéraires des chanceliers comme les sermons et qui, pour certains comme Jean Gerson, ont été édités. Pour ce type de document également, il paraît souhaitable d'avoir la même démarche euristique que pour les lettres. Mais nous ne saurions nous contenter que de ces types de documents et nous devrons rechercher tous ceux ayant un rapport avec la figure du chancelier.

Néanmoins, les différentes catégories retenues pour constituer la base prosopographique doivent, dans un premier temps, s'appuyer sur ce qu'il y a d'immédiatement disponibles, les études, ou, comme nous l'avons dit, plus difficiles à atteindre, les sources elles-mêmes. Ceci permet de constater une carence de renseignements que seuls un recensement et sa publication de l'ensemble des sources pourraient palier, par la suite, puisque, en effet, le Chartularium Universitatis Parisiensis n'est pas, non plus, comme les ouvrages du même type qui l'ont précédé, exempt d'erreur d'identification des documents sur lesquels il s'appuie. Nous ne pouvons ignorer aucune source même si elles n'ont pas nécessairement un rapport direct avec notre sujet, comme pour les sermons. Mais, si nous ne voulons pas nous fourvoyer dans leur exploitation, nous devons connaître et rappeler les caractères spécifiques de chaque genre et ainsi établir une typologie perfectible, sur un même modèle pour chaque source, afin de croiser les informations, comme nous l'avons indiqué ci avant. Celle-ci doit exposer la nature propre de chaque genre de sources et arrêter les règles spéciales de critiques valables pour chacune. Cette typologie est alors intégrée à la base prosopographique complète. En étudiant, notamment, la carrière et la filiation de personnages, elle peut permettre d'approcher la vie de ceux-ci, et ici des prélats, dans tous les domaines,

10

également social, afin de tenter de mieux cerner leur personnalité en tant que chancelier. Il ne s'agit donc pas, comme c'est le cas ici, d'en rester à une simple description d'une personne, au sens étymologique, mais il doit nous permettre de tenter de dresser pour chaque chancelier un profil psychologique.

Dans l'approche des chanceliers du chapitre de Notre-Dame, il est également nécessaire d'envisager l'étude de ces personnages à travers les cadres dans lesquels ils évoluent, c'est-à-dire le chapitre et l'Université. Ces deux institutions sont le sujet de nombreuses études mais sont aussi à l'origine de la constitution de collections de documents comme les lettres du Chartularium Universitatis Parisiensis, évoquée plus haut, ou les registres capitulaires de la collection Sarasin12. Celle-ci est constituée d'une centaine de volumes et est aujourd'hui conservée aux Archives nationales sous les cotes LL. 253 à 354 et LL. 80 à 82. Cependant, certains volumes sont en mauvais état et leur communication au public est très limitée13. La première série, qui a retenu notre attention, est constituée de quatre-vingt-huit volumes14. Outre des volumes portant le titre de Varia, se rapportant aux objets divers dont le chapitre a eu à s'occuper accidentellement, elle comporte des volumes qui s'intercalent alphabétiquement et qui sont tout entier consacrés aux matières qui touchent directement le chapitre. Ainsi les séries LL. 265 et LL. 266, intitulées dignitates et personatus ecclesiae parisiensis, comportent, respectivement pour chaque volume, des feuillets 239 à 303 et 232 à 294, des indications à propos des De Cancellario et Cancellaria15. Ces feuillets nous ont permis de trouver rapidement des renseignements biographiques sur quelques-uns des chanceliers qui nous intéressent16.

A l'issue de cette présentation sommaire des sources consultées, nous souhaitons exprimer une dernière mise en garde. Parmi les événements qui ponctuent la vie de nos chanceliers, il en est un qui revient d'une manière récurrente pour nombre d'entre eux. Il s'agit, nous l'avons dit plus haut, des conflits qui ont opposés ce dignitaire du chapitre à

12 Cf. Bibliographie.

13 Nous tenons ici à remercier monsieur Ghislain Brunel, conservateur en chef de la section latine des Archives nationales, qui nous a permis d'accéder aux volumes LL. 265 et LL. 266, [XII], qui ne sont plus en consultation à cause de leur mauvais état de conservation.

14 La seconde série, dite topographique, comporte une vingtaine de livres et fournit des renseignements sur les localités qui font partie du domaine du chapitre.

15 Il existe aussi une collection de feuillets ayant pour sujet la faculté de décret et celle de théologie, référencée LL. 283, [XII]. Varia. f). 137 et f). 138, que nous n'avons pas consulté.

16 Notamment des renseignements à propos du conflit qui oppose le recteur au chancelier ; cf. infra note 138.

11

l'Université. Cependant, la reconstitution de cette longue querelle n'est pas facile car nous ne disposons, nous avons tenté de le montrer, que de documents indirect. Pour la plupart, il s'agit, si l'on s'en tient essentiellement au Chartularium Universitatis Parisiensis, de privilèges octroyés par les papes et leurs légats. S'ils nous renseignent précisément sur les arbitrages imposés par le pouvoir pontifical, ils ne nous donnent que peu d'indications quant à la chronologie du conflit17, ni n'indiquent clairement les initiatives et les motivations propres des adversaires. Il serait nécessaire dans un travail plus approfondi d'éclaircir ce point.

La liste des chanceliers que nous retenons est celle établie par Denifle et Chatelain18, reprise et complétée par Astrik L. Gabriel19, et celle établie par l'anonyme du manuscrit d'Ajaccio20, complétée par celle de la collection Sarasin21, en ayant pris soin de replacer chacun à sa date (tableau 1). Elle est suivie de la réflexion que nous avons entrepris pour l'élaboration de la base prosopographique afin de réaliser une étude de la fonction de chancelier du chapitre Notre-Dame de Paris et pouvoir répondre à la question suivante pour chaque individu retenu : quel type de chancelier a-t-il été ?

17 Même si nous semblons en donner une assez précise dans la troisième partie sur le chancelier.

18 CUP, [IV], I, p. XIX - XX, op. cit..

19 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor and the University of masters and students at Paris during the middle ages, [14], 1976.

20 MS Ajaccio, [III], BM I38, fol. 71 - 135.

21 LL. 265, [XII], f°. 239-303 ; LL. 266, [XII], f°. 232-294.

12

Tableau 1 : Liste des chanceliers de l'Université de Paris du XIIe au XVe siècle.

NOM + Prénom

Années de chancellerie

Siècle

1

Eudes, Odon, Odo.

de 1164, ou plus tôt, à 1168.

XII

2

Pierre le Mangeur, Petrus Comestor (Manducator).

de 1168 à 1178.

3

Alduin, Hilduinus.

de 1180 (?) à 1193 (?), mentionné, pour la première fois, en 1185 et, pour la dernière fois, en 1191.

4

Pierre ou Petrus Pictavensis.

de 1193 à 1205 (?), mentionné pour la dernière fois en 1204.

XIII

5

Bernard ou Bernadus Chabert.

de 1205 à 1206 (?).

6

Prévôtin, Prepositinus.

de 1206 à 1209.

7

Jean de la Chandeleur, Johannes de Candelis.

de 1209 à 1214 ou 1215.

8

Etienne de Reims, Stephanus Remensis.

de 1214 ou 1215 à 1218.

9

Philippe le Chancelier, Philippus Cancellarius.

de juin 1218 au 23 décembre 1236.

10

Guiard ou Guiardus (Wiard, Willard, Guiardinus) de Laon.

de 1237 à 1238.

11

Eudes de Châteauroux, Odo de Castro Radulphi.

avant juin 1238 jusqu'à 1244.

12

Pierre le Petit, Petrus Parvus.

de 1244 à 1245 ou 1246.

13

Gautier de Château-Thierry, Galterus de Castello Theodorici.

d'août 1246 à juin 1249.

14

Hamery de Vaire, Haimericus (Heimericus) de Veire.

de 1249 jusqu'après le 23 juin 1262, mais avant mars 1263.

15

Etienne Tempier, Stephanus Tempier.

avant le 23 juin 1262, mais avant mars 1263 à octobre 1268.

16

Nicolas d'Orléans. Maître Nicolas, Magister Nicolaus.

de 1268 à octobre 1271.

17

Jean d'Alleux d'Orléans, Johannes de Allodio, Aurelianis.

de 1271 au 20 avril 1280.

18

Philippe de Thory, Philippus de Thoriaco.

après le 20 avril 1280 jusqu'avant le 24 octobre 1284.

19

Nicolas de Nonancourt, Nicolaus de Nonancuria.

de 1284 jusqu'à la fin de 1288.

20

Berthault de Saint Denis, Bertaudus de S. Dionysio.

de la fin de 1288 à la fin de 1295.

21

Pierre de Saint-Omer, Petrus de S. Audomaro.

du 17 juin 1296 jusqu'avant le 8 juillet 1303.

22

Simon de Guiberville, Simon de Guibervilla.

d'avant le 8 juillet 1303 aux environs de 1309.

XIV

23

Francesco Caraccioli, Franciscus Caraccioli.

D'environ 1309 au 31 mai 1316.

24

Thomas de Bailly, Thomas de Bailliaco ou de Baillaco.

D'avant le 27 septembre 1316 jusqu'au 9 juin 1328.

13

Tableau 1 : Liste des chanceliers de l'Université de Paris du XIIe au XVe siècle.

 

25

Jean de Blois, Johannes de Blesis.

D'avant le 13 décembre 1328 jusqu'avant le 15 septembre 1329.

26

Guillaume Bernard de Narbonne, Guillelmus Bernardi de Narbona.

du 15 septembre 1329 jusqu'avant le 7 mars 1336.

27

Robert de Bardis, Robertus de Bardis.

du 7 mars 1336 jusqu'avant le 26 octobre 1349.

28

Jean d'Assiaco, d'Acy, Johannes de Aciaco.

d'avant le 26 octobre de 1349 jusqu'aux environs d'octobre 1360.

29

Grimaud Boniface, Grimerius Bonifaci.

du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370.

30

Jean de Calore, Johannes Petri de Calore.

du 20 octobre 1370 jusqu'aux environs de 1380.

31

Nicolas de Saint Saturnin, Nicolaus de Sancto Saturnino.

de 1380 jusqu'avant le 15 juillet 1381.

32

Jean Blanchart, Johannes Blanchart (Blanchardi, Blancard, Blankaert, Blankart).

du 15 juillet 1381 jusqu'avant le 28 septembre 1386.

33

Jean de Guignecourt, Johannes de Guignecourte (ou Guignicourt).

du 28 septembre 1386 jusqu'au 7 octobre 1389.

34

Pierre d'Ailly, Petrus Alliacus (d'Ailly). Petrus de Alliaco.

du 7 octobre, 1389 jusqu'après le 13 avril 1395.

35

Jean Gerson, Jean Charlier dit, Johannes Gerson (Iohannes Iarsonne).

d'après le 13 avril 1395 jusqu'au 12 juillet 1429.

XV

36

Gérard Machet. Gerardus Macheti.

de janvier 1415 à mai 141822

37

Jean de Courtecuisse. Johannes Breviscoxae.

autour du 1er mai 1419 à 142122

38

Régnauld de Fontaines. Reginaldus de Fontanis.

de 1421 à 142222

39

Jean Chuffart. Johannes Chuffart

du 20 mai 1433 au 8 mai 1451.

40

Robert Ciboule

entre le 18 et 21 mai 1451 jusqu'au 12 août 1458

41

Jean de Oliva. Johannes de Oliva

vers 1459 au 24 février 1471

42

Denis Cytharedi, le Harpeur. Dionysius Herpeur.

du 3 mars 1471 à septembre 1482

43

Ambroise de Cambrai. Ambrosius de Cameraco

du 25 octobre 1482 au 11 avril 1496.

22 Ces trois prélats ont été nommés par le pape comme vice-chancelier, ils sont également cités dans le MS Ajaccio, [III], avec d'autres, fol. 131 : « Pendant l'absence de Jean Gerson. Gérard Machet, que Gerson avait nommé son vice-chancelier, exerça la chancellerie, il était chanoine de Paris. Gérard n'ayant pu exercer longtemps, le chapitre nomma. 1°. Regnault de Fontaines en 1423 qui était chanoine. 2°. Dominique Parui, aussi chanoine. 3°. En 1427, Pierre de Dirrhei, doyen de la faculté et chanoine de la Sainte Chapelle. 4°. Jean Beaupère pulchripater. 5°. Jean Barroy. 6°. Jean Sannier. ». Seuls ces trois vice-chanceliers sont retenus car les autres ne sont donnés que dans le MS Ajaccio et ne sont cités par Denifle et Chatelain que comme des personnages n'ayant jamais pris leur fonction, CUP, [IV], IV, p. XXXII.

14

1.2. La base prosopographique des chanceliers du chapitre de Notre-Dame et de l'Université de Paris du XIIe au XIVe siècle : méthode et exemples : Philippe le Chancelier et Grimaud Boniface.

« La prosopographie n'est pas une compilation de vies courtes ou simplement une collection de biographies, telles qu'elles peuvent être identifiées dans la littérature occidentale au moins depuis Plutarque. L'utilisation de la prosopographie, comme toutes les autres méthodes historiques, varie selon le contexte d'étude. Celle-ci dépend généralement de deux facteurs distincts mais qui sont reliés : la disponibilité de différents types de sources matérielles et la catégorie de questions que l'historien considère comme la plus significative, et ce qu'il y a de plus terrible à tenter de résoudre dans ce contexte particulier. Il est possible de clarifier la méthode prosopographique en retenant deux types extrêmes de sources la collection d'un nombre relativement restreint de documents concernant un grand nombre de personnes ou la collection d'un nombre important de documents sur un petit nombre de personnes. La prosopographie n'est pas une sorte méthode de l'histoire à part entière. Elle n'est ainsi pas comparable à l'histoire constitutionnelle, politique, ecclésiastique, sociale, culturelle, économique ou démographique, mais elle peut être utilisée en relation avec celles-ci, avec patience et application, et aussi beaucoup de précaution et de recul. » C'est cette mise en garde de Jean-Philippe Genet23 que nous avons eu en mémoire lors de la réflexion pour la constitution de notre base de donnée. Nous sommes dans le cas où le nombre de personnes est relativement restreint et le nombre de documents y faisant référence est très important24. La méthode prosopographique soulève de nombreuses interrogations dans un premier temps plus qu'elle ne donne des éléments pour étudier un groupe de personnage. Il ne s'agit pas d'une simple étude statistique mais de donner la définition d'une population et de rechercher des renseignements homogènes25. Ces renseignements permettent ensuite de

23 GENET, Jean-Philippe & LOTTES, Günther, L'Etat moderne et les elites, XIIIe - XVIII e siècles. Apports et limites de la méthode prosopographique, Actes du Colloque international CNRS-Paris I, 16-19 octobre 1991, Histoire moderne n° 36, Publications de la Sorbonne, Université de Paris I, [16], 1996, Introduction.

24 Dans cette première approche et dans le cadre du DEA, nous n'avons pas jugé utile de remonter au-delà des sources déjà imprimées, en dehors du manuscrit d'Ajaccio.

25 Définition donnée par Mme H. Millet au cours d'un entretien et à qui nous exprimons ici nos remerciements pour ses conseils, ainsi qu'à Mme E. Mornet ; cf. [33].

15

retracer une histoire sociale globale d'un groupe définis26. Dans le cas des chanceliers, il s'agit notamment de réaliser, à partir de l'ensemble des monographies, une description de l'évolution du cancellariat du XIIe au XIVe siècle. Cette évolution est visible à travers le comportement de chacun des chanceliers durant la période de sa charge. Si l'on part du principe que le chancelier est avant tout un membre du chapitre de Notre-Dame, la fiche d'identité d'un ecclésiastique peut se décomposer selon son profil culturel (études, grades universitaires, possession de livres, production intellectuelle27), sa carrière ecclésiastique et sa carrière professionnelle. En ce qui concerne notre groupe, chaque fiche contient les critères suivants :

- n° de réf. : ce numéro est celui de l'ordre chronologique ;

- nom vedette (le plus usité) (le latin est accolé au nom vedette) ;

- carrière universitaire dont dates fonction de chancelier28 : les dates exactes varient selon les auteurs et nous retenons, dans un premier temps, celles posées dans le Chartularium Universitatis Parisiensis, modifiées par celles données par Astrik L. Gabriel29, et celles du MS d'Ajaccio ;

- origine géographique (avec les dates de naissance et de mort ; lieu d'inhumation) ;

- origine sociale : ce sont les informations sur la parenté ;

- carrière ecclésiastique ou bénéficiale : rang dans les ordres sacrés ; offices occupés au chapitre nom du diocèse, titre, dates d'attestation dans ce titre. La carrière de chancelier pourrait également être placée dans cette catégorie.

- carrière administrative ou politique : offices occupés en dehors de l'Eglise.

- formation universitaire : en ce qui concerne la formation des chanoines, le Chartularium Universitatis Parisiensis apporte les renseignements sur ceux qui ont fréquenté l'Université de Paris - dont la chancellerie est sous la direction du chancelier de Notre-Dame - et ont obtenu leurs grades universitaires dans une des quatre grandes facultés : la faculté des Arts qui

26 Dans sa thèse sur La société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, [6], Cazelles est largement tributaire des méthodes prosopographiques ; il y étudie les origines locales, sociales et intellectuelles du personnel politique, ainsi que la qualification, la nomination et la carrière des membres.

27 Cet aspect peut être plus précisément étudié dans une base de données complémentaire distinguant les différents types de production, comme les sermons, les recueils de poèmes, les exemplae, les manuels d'ars dictaminis.

28 Nous n'avons pas voulu pour le moment dissocier la fonction chancelière du cadre universitaire où elle trouve l'essentiel de son expression et de sa raison.

29 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor and the University of masters and students at Paris during the middle ages, [14], 1976, p. 146-151.

16

dispense la culture générale et l'apprentissage du raisonnement (grammaire, rhétorique, dialectique...) et ouvre la porte aux trois autres facultés : celle de Théologie, dont les études sont très longues, celle de Médecine et celle de Droit canon ou de Décret. La carrière de chancelier pourrait également être placée dans cette catégorie.

- oeuvres littéraires : catégorie recensant toutes les productions du personnage.

- références sources éditées ou non : sources dans lesquelles soit il est fait mention du personnage ;

- références études éditées : études dans lesquelles il est fait mention du personnage.

Lorsque l'on construit une base prosopographique, la première difficulté est d'avoir suffisamment de matériau pour alimenter toutes les catégories retenues dans la base. Mis à part la difficulté d'accès direct aux sources et leur dispersion, il faut savoir, avant d'effectuer ces recherches, quels sont les renseignements que l'on souhaite sérier. Cela n'empêche nullement de redéfinir par la suite les catégories retenues dans la base de donnée et, le cas échéant, de consulter à nouveau les sources. Il y a donc tout un travail empirique au départ afin ensuite de répondre dans l'ordre aux trois grandes phases de tout travail prosopographique : recensement des individus, identification des individus, traitement des informations.

Dans la phase de recensement, la confection d'un répertoire des chanceliers à travers une base prosopographique doit concerner l'ensemble des membres de la population retenue30. Même si nous nous sommes ici essentiellement appuyés sur des sources littéraires et universitaires afin d'étudier les chanceliers, il ne faut cependant pas oublier que les membres du chapitre cathédral, quelque soit leur rang dans l'Eglise, appartiennent à un groupe possédant des archives où ils apparaissent à la fois de façon collective et individuelle.

Aussi les documents comportant les listes de chanoines, comme celles établies par Sarasin, qu'ils soient ou non juridiques, constituent dans le cadre d'une étude systématique un matériau à privilégier. Cependant, ils ne sont, bien souvent31, que parcellaires et ils ne répondent qu'imparfaitement à cet objectif de recensement. Après la phase de recensement des documents à portée collective, il est nécessaire d'envisager l'appel aux sources concernant les individus. Cependant, ces sources sont diverses et dans le cas des chanceliers aussi bien

30 C'est pourquoi il serait bon d'ouvrir dans un travail de thèse la période de recensement après le XVe siècle pour obtenir une vision d'ensemble de l'évolution de la fonction.

31 Ainsi la liste des chanceliers proposée dans le MS Ajaccio, [III], ne recoupe qu'incomplètement celle proposée par Sarasin ; de même pour la liste proposée dans le CUP, [IV], I, p. XIX-XX.

17

d'ordre administratif, lettres, suppliques et autres, que scolastique, notamment avec les traités de dictamen, théologique, universitaire et, même pour certains d'entre eux, littéraire. Lorsqu'il s'agit de documents officiels, comme ceux émanant des autorités ecclésiastiques, comme les lettres ou les suppliques, il n'y a généralement pas de problème pour les recenser32.

En ce qui concerne l'identification des individus, la principale difficulté provient du fait qu'un même individu peut avoir plusieurs dénominations et que pour chacune d'entre elles il peut y avoir des variantes anthroponymiques. Outre les orthographes fantaisistes33, il convient de reconnaître les surnoms, l'utilisation du nom latin et du nom en langue vernaculaire. Cependant, au moment de la constitution de la base prosopographique, il est impossible de retenir toutes les dénominations, c'est pourquoi nous n'avons, généralement, retenu que la traduction vernaculaire la plus courante, nom de vedette, et son équivalence latine. Ainsi si un individu possède à la fois un patronyme avec un toponyme, comme Jean d'Orléans ou Johannes de Allodio, ou un surnom, comme Pierre le Mangeur ou Petrus Comestor ou Petrus Manducator, toutes ces appellations ont été intégrées en fonction de la place disponible dans la base de données. Cette pluralité des dénominations a pour but de faciliter les identifications selon les sources étudiées et leur édition partielle dans cette étude. Cependant, il ne faut pas considérer que seul le critère homonymique a été retenu pour attester qu'une source traitait d'un individu en particulier. C'est par une datation scrupuleuse des faits rapportés que cette identification a été le plus généralement établie. L'identification de chaque chancelier est enfin réalisée dans la base par l'attribution d'un numéro de 1 à 4334. Cette numérotation est totalement empirique puisque le numéro 1 est attribué au plus ancien chancelier identifié, Eudes ou Odon, jusqu'au dernier apparaissant dans les sources retenues, Ambroise de Cambrai ou Ambrosius de Cameraco. Ce travail préliminaire d'identification était nécessaire afin de pouvoir établir une chronologie exacte afin d'écarter tous les événements concernant nos chanceliers en dehors de cette fonction universitaire et ecclésiastique précise35, et pouvoir proposer des définitions de cet office.

32 En ce qui concerne les chanceliers, on ne rencontre pas les mêmes problèmes qu'avec les chanoines qui ne sont pas toujours titulaires effectifs de leurs charges quand, notamment, certains courriers pontificaux leurs sont adressés. Le chancelier est normalement un chanoine à part entière, c'est-à-dire prébendé.

33 Mais le concept d'orthographe correcte est lui même une invention récente.

34 Et non 40, si l'on considère qu'il faut intégrer dans l'étude les trois vice-chanceliers qui officièrent sous le cancellariat de Gerson.

35 Parmi les chanceliers étudiés quatre chanceliers devinrent évêques et quatre cardinaux.

18

Ce travail prosopographique pose cependant le problème de la brièveté des informations qui sont livrées, car il ne s'agit pas d'un travail encyclopédique comme celui proposé pour Pierre d'Ailly par Bernard Guenée36, par exemple. Les personnages qui possèdent les notices biographiques les plus fournies sont généralement ceux qui sont le plus présent dans les sources. Cependant, l'exiguïté des catégories de la base de donnée peut être un motif d'insatisfaction dans la mesure où les informations concernant certains chanceliers débordent largement ce cadre. C'est pourquoi dans un travail plus approfondi, il faudra envisager d'établir des notices biographiques plus complètes, tenant compte du fait que pour certains chanceliers les informations restent, à l'inverse de ce qui vient d'être dit, très lacunaires. Les renseignements donnés dans les notices proviennent donc des sources retenues mais pas seulement. Il nous a semblé bon de produire également celles tirées de la bibliographie la plus récente, laquelle fait d'ailleurs bien souvent référence aux sources utilisées ici. Ces études récentes sont généralement indiquées dans leur globalité, les références plus précises étant réservées aux sources elles-mêmes. Enfin, pour les productions des chanceliers eux-mêmes, elles ont été recensées même si elles n'avaient pas un lien direct avec leur fonction de chancelier, puisque nous n'en sommes encore qu'à une phase dégrossissage des sources. Ainsi, les suppliques adressées par Jean Blanchart contre l'Université de Paris ont autant d'importance à nos yeux que les sermons de Jean Gerson pour les collations de la licence. Dans le cadre d'un travail de DEA, l'utilisation de ce type de source a été, le plus souvent, réalisée en fonction des études et des publications qui leur ont été dédiées37.

A partir de toutes les remarques qui viennent d'être faites, voici un extrait des résultats

issus de la base prosopographique des chanceliers de l'Université de Paris à travers les exemples de Philippe le Chancelier et de Grimaud Boniface (tableau 2).

36 GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge (XIIIe - XVe siècles), [21].

37 Il en va ainsi pour les suppliques de Jean Blanchart à travers le travail de BERSTEIN, A. E., Pierre d'Ailly and the Blanchard Affair. University and the Chancellor of Paris at the Beginning of the Great Schism, [3], Leyde, 1978, et, notamment, pour les sermons de Jean Gerson, à travers leur publication réunie dans GERSON, Jean, OEuvres complètes, par GLORIEUX, P., en 9 vol., Paris-Tournai, 1960-1973 : vol. V : l'oeuvre oratoire (207253), 1963, [IX].

19

Tableau 2 : extrait de la base prosopographique des chanceliers de l'Université de Paris : l'exemple de

Philippe le Chancelier.

NOM +
Prénom

Origine
géographique

Origine sociale

Carrière politique et administrative

Carrière universitaire dont années de chancellerie

9

Philippe le Chancelier, Philippus Cancellarius.

Né à Paris autour de 1160. Mort en décembre 1236.

Famille parisienne influente.

Neveu de Pierre de Nemours, évêque de Paris.

Fils de Philippe de Grève ( ?)38.

Administrateur.

Maître en théologie à l'Université de Paris en 1206.

Chancelier de juin

1218 au 23 décembre 1236.

Formation universitaire

Carrière
ecclésiastique

OEuvres littéraires

Références sources éditées

Références études éditées39

Maître en
théologie
en 1206.

Archidiacre de Noyon jusqu'en 1211.

Philippi Cancellarii Summa de bono. N. Wicki, ed. Berne: Francke, 1985 ;

Histoire de Saint Clou ; Histoire de Saint Denis Distinctiones super psalterium, édité par Josse Bade, Philippus

CUP, I, p. XIX-XX; ep. 27, p. 85, n. 3 ; ep. 33, p. 93 ; ep. 45, p. 102-104 ; ep. 55, p. 111 ; ep. 56, p. 112 ; ep. 75, p. 133-134, n. ; ep. 96, p. 148 ; ep. 97, p.148-149; ep. 98, p. 150. MS Aj., f° 98 - 99.

BERIOU, N., « La prédication de croisade de Philippe le Chancelier et d'Eudes de Châteauroux en 1226 », in La prédication en pays d'Oc (XIIe XIVe siècle), Cahier de

Fanjeaux, n° 32, avril 2000.

CALLUS, D. A., O. P. "Philip the Chancellor and the De anima ascribed to Robert Grosseteste." Medieval and Renaissance Studies 1: 105-27 ;

DALES, R. C. Medieval Discussions of the Eternity of the World. Leiden: E. J. Brill, 1990 ;

DRONKE, P., "The Lyrical Composition of Philip the Chancellor," Mediaeval Studies, third series, vol. 28 (1987):

563-592 ;

GRACIA, J. J. E. "The Transcendentals in the Middle Ages: An Introduction." Topoi 11: 113- 20 ;

KENT, B., Virtues of the Will: The Transformation of Ethics in the Late Thirteenth Century. Washington, D.C.: Catholic University of America Press, 1995 ;

KOROLEC, J. -B. "Free will and free choice." The Cambridge History of Later Medieval Philosophy. Kretzmann et al, eds. Cambridge: Cambridge University Press: 1982, pp. 629-641 ; LOTTIN, O., Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles.

 

de Greve

 

cancellarii

 

Parisiensis in

 

psalterium

 

Davidicum

 

CCCXXX

38 Philippe le Chancelier était le fils de Philippe de Grève et n'ont pas une seule et même personne, comme l'indique par erreur le Chartularium. L'auteur du MS Ajaccio, [III], f° 98-99, indique ses doutes quand à penser que Philippe le Chancelier et Philippe de Grève puissent être une seule et même personne : « Georges Coluenevius dans ses notes sur Cardepré, Hemere dans son traité sur l'université nomment ce chancelier Philippe de Grève, de greva. Du Boulay en son histoire de l'université le nomme en 1225 de Rheims de Remis et en 1238 de Grève, de greva. Je suis fâché de ne pouvoir être du sentiment de ces auteurs quant au nom de Greva qu'ils lui donnent et cela fondé sur l'ancien nécrologue qui distingue parfaitement Philippe le chancelier dont il fait mention le 23 décembre et Philippe de Greva chanoine dont il fait mention le 14 mai. Je doute qu'en 1208 il y avait un chanoine nommé Philippe de Greva. Si le Philippe chancelier était le même pourquoi ne lui en donne ton pas le même nom et pourquoi se trouvent-ils distinguer dans les nécrologes comme deux bienfaiteurs différents. »

39 Les références bibliographiques données dans ce tableau viennent en supplément de celles données dans la bibliographie générale.

20

 
 

sermones. Paris,

 

Gembloux, Belgium: J. Duculot, S.A. Editeur, 1957 ;

 
 

1523, BM

 

MacDONALD, Sc., Being and Goodness: The Concept of the

 
 

Troyes, 0953.

 

Good in Metaphysics and Philosophical Theology. Ithaca:

 
 
 
 

Cornell University Press, 1991 ;

 
 
 
 

MacDONALD, Sc., "Goodness as Transcendental: The Early

 
 
 
 

Thirteenth-Century Recovery of an Aristotelian Idea." Topoi

 
 
 
 

11: 173-86 ;

 
 
 
 

McCLUSKEY, C., "The Roots of Ethical Voluntarism."

 
 
 
 

Vivarium 39: 185-208 ;

 
 
 
 

PAYNE, Th. Blackburn II, Poetry, Politics, and Polyphony:

 
 
 
 

Philip the Chancellor's Contribution to the Music of the Notre

 
 
 
 

Dame School, vol.1, ch.1, "The Life of Philip the Chancellor."

 
 
 
 

Ph.D., University of Chicago, 1991 ;

 
 
 
 

POTTS, T., Conscience in Medieval Philosophy. Cambridge:

 
 
 
 

Cambridge University Press, 1980 ;

 
 
 
 

POUILLON, (Dom) H., O. S. B, "Le premier traité de propriétés transcendantales. La 'Summa de bono' du Chancelier

 
 
 
 

Philippe." Revue Néoscolastique de Philosophie 42:40-77 ;

 
 
 
 

REINHARDT, E., «El dualismo del siglo XIII y sus consecuencias antropológicas, especialmente en Felipe el

 
 
 
 

Canciller (1236), in Scripta Theologica (Facultad de Teología, Universidad de Navarra), 30, 3 (1998), pp. 873-879 ;

 
 
 
 

WICKI, N. Philippi Cancellarii Summa de bono, vol.1, ch.1

 
 
 
 

"Vie de Philippe le Chancelier." Berne: Francke, 1985

Tableau 2 : extrait

de la base prosopographique des chanceliers de l'Université de Paris : l'exemple de Grimaud Boniface.

 

NOM +
Prénom

Origine géographique

Origine
sociale

Carrière politique et administrative

Carrière universitaire dont années de chancellerie

29

Grimaud Boniface de Rouen, Grimerius Bonifacii de Rothomago.

Rouen en Normandie.

Mort le 1er octobre 1370 et inhumé en la chapelle de Saint Rigobert.

Frère de Bertrand et Matthieu Boniface. Oncle de Roland.

Député de la cité de Rouen aux Etats généraux d'Octobre 1356. Procureur de la nation normande.

Chancelier du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370.

Formation universitaire

Carrière
ecclésiastique

OEuvres littéraires

Références sources éditées

Références
études éditées

Docteur en théologie, Docteur en droit canon et en droit civil. maître ès arts.

Curé de Saint Jean de Grève 1358 ; chanoine de Paris; chanoine puis archidiacre de Bourges.

 

CUP, II, p. XV, ep. 1065, p. 533-534 ; ep. 1104, p. 560-562, n.

6 ; ep. 1126, p. 590-591 ; ep. 1131, p. 594-597, n. 16 ; ep. 1165, p. 632-637, n. 9 ; ep. 1177, p. 656-657, n.3 ; ep. 1189, p. 696 ; CUP, III, ep. 1259, p. 76-77, n. 2 ; ep. 1268, p. 94, n. ; ep. 1270, p. 95-97 ; ep. 1271, p. 98, n. ; ep. 1273, p. 101, n. ; ep. 1274, p. 102 ; ep. 1277, p. 103, n. ; ep. 1281, p. 106, n. ; ep. 1282, p. 106, n. ; ep. 1286, p. 107 ; ep. 1287, p. 108 ; ep. 1289, p. 109 ; ep. 1292, p. 111 ; ep. 1295, p. 112-113 ; ep. 1297, p. 114 ; ep. 1297a, p. 114 ; ep. 1298, p. 114-120 ; ep. 1299, p. 120-122 ; ep. 1300, p. 122-123 ; ep. 1301, p. 124 ; ep. 1303, p. 125-126, n. ; ep. 1314, p. 139 ; ep. 1319, p. 143-148, n. 28 ; ep. 1328, p. 157 ; ep. 1331, p. 158 ; ep. 1343, p. 176 ; ep. 1344, p. 176 ; ep. 1353, p. 186 ; ep. 1355, p. 187 ; ep. 1362, p. 193-194, n. 1, p. 194. AN, LL 106 A, p. 125; LL 107, p. 577; LL 385

GUERARD, B., (Epitaphier) p. 54 ;

MS Aj., f° 116 - 117.

 

21

En ce qui concerne les carrières des différents chanceliers, et notamment les deux retenus ici, nous remarquons que celles-ci posent des difficultés pour un traitement statistique. Mis à part la production littéraire de chacun d'eux, et si nous en restons strictement à leur carrière de chancelier dans le Chartularium40, celle-ci propose pour Grimaud Boniface un ensemble de trente lettres dont dix-sept de l'autorité pontificale pour lesquelles il est destinataire en tant que chancelier, de la part des papes Innocent V puis Urbain V. Aucun de ces courriers ne fait l'objet de réprimandes particulières contre le chancelier. En ce qui concerne Philippe le Chancelier, nous comptons qu'une petite dizaine de lettres, dont deux seulement lui sont adressées directement par les papes Honoré III et Grégoire IX. Les autres sont des demandes d'arbitrages, principalement de Grégoire IX, à des tiers dans le conflit qui oppose Philippe aux maîtres de l'Université de Paris. Contrairement à Grimaud Boniface qui semble s'être toujours tenu en réserve de tous conflits, Philippe fut confronté à des difficultés qui nécessitèrent un arbitrage extérieur. Les principales difficultés auquel un chancelier pouvait être confronté portent généralement autour de la lutte d'influence qui l'opposait au recteur d'une part, et d'autre part, autour des nombreux conflits qui l'opposèrent aux maîtres de l'Université dans leur désir d'autonomie à travers le problème de la collation de la licentia docendi. A ce titre, Philippe est le premier chancelier qui connaît une grave crise avec la corporation des maîtres, même si le problème est soulevé avec son prédécesseur, Etienne de Reims. Ainsi, si l'étude de la carrière de chancelier reste intéressante pour connaître la manière dont était organisé la collation de la licentia docendi, elle est aussi pour connaître à travers les pressions pontificales41 ou royales auxquelles le chancelier pouvait être confronté, dans sa mission d'examen de certaines candidatures, l'histoire sociale du chapitre Notre-Dame, de l'Université et, à travers ces deux institutions, d'une partie de l'élite de la société

40 La collection des lettres du Chartularium ne prétend pas, en outre, à l'exhaustivité de toute la correspondance concernant les chanceliers, et c'est pourquoi il est nécessaire de rechercher d'autres types de sources pour obtenir un ensemble représentatif et cohérent permettant un traitement statistique. Une telle recherche demande qu'on ne néglige aucun des travaux émanant ou portant sur chacun des chanceliers du corpus et une telle recension n'est envisageable que dans le cadre d'une thèse. Cette recension pose la question du nombre d'individus à retenir. En effet, si pour certains chanceliers, comme Grimaud Boniface, la recension est brève, il n'en est pas de même pour des personnages comme Pierre d'Ailly ou Jean Gerson qui, outre une carrière chancelière, connurent une grande notoriété intellectuelle et spirituelle.

41 CUP, [IV], III, ep. 1268, p. 94: « Urbano V supplicat frater Johannes Trisse, baccalareus in theologia et procurator generalis Ord. Fratrum Beatae Mariae de Carmelo, quod, cum ipse habeat ante se plures baccalareos dicti Ordinis in eadem facultate ad gradum magisterii juxta dicti Ordinis statuta et studii Parisiensis consuetudinem promovendos, cancellario Parisiensi [quid est Grimerius Bonifacii] mandare dignetur ut se ipsum infra unum mensem cancellarius licentiare debeat et ad magisterii gradum admittat. [1362, Decembris 7].

42 Notamment ceux contenus dans le MS Ajaccio, [III], et les informations données par N. GOROCHOV, dans son ouvrage sur le collège de Navarre, [20], notamment.

22

médiévale du XIIe au XVe siècle. Ces deux chanceliers proposent des figures sociales bien différentes et surtout des réponses bien différentes à la question qui sous-tend notre base prosopographique et, à travers elle notre étude : quel type de chancelier a-t-il été ?

A partir des informations collationnées dans la base prosopographique, de nos remarques et de quelques commentaires annexes42, il est possible de proposer les notices biographiques suivantes pour Philippe le Chancelier et Grimaud Boniface.

Philippe le Chancelier (1160-1236) était maître en théologie à l'université de Paris en 1206, c'est le fils de Philippe de Grève. En 1211, il devient archidiacre de Noyon, puis chancelier de Notre-Dame en juin 1217. Il cumule les deux bénéfices. Dans le conflit qui oppose les séculiers aux Mendiants pour la gestion de l'Université, il prend parti pour ces derniers. Opposé à l'indépendance universitaire, il se retrouve mêlé à tous les conflits doctrinaux et administratifs possibles, surtout en 1229-1231. Il est convoqué par le pape qui lui exprime son mécontentement. Philippe est certainement né à Paris autour de 1160, mais la date exacte est inconnue. Il est issu d'une famille parisienne influente puisque plusieurs de ses parents ont eu des postes importants auprès de rois français ou de l'Eglise. Il est le fils de Philippe de Grève. Plusieurs membres de sa famille ont été évêques, comme son oncle, Pierre de Nemours, qui était évêque de Paris de 1208 à 1218, et qui a peut être joué un rôle dans la carrière de son neveu. Philippe a étudié à, ce qui à l'époque, était la récente Université de Paris. Il est mort le 26 décembre 1236.

Lorsque Philippe devint chancelier en juin 1218, les maîtres de nombreuses écoles parisiennes avaient commencé à prendre leur autonomie vis-à-vis du chapitre cathédrale et avait obtenu un nombre important de concessions par des décrets pontificaux. En 1215, le légat du pape, Robert de Courçon, établit un certain nombres de statuts, codifiant des pratiques déjà en cours comme les examens concernant la licence d'enseignement, le comportement et la robe admise, le programme d'étude et la discipline des étudiants. Au final, la fonction de chancelier, au moment de l'accession à ce poste de Philippe, tendait à être considérablement réduite, même en ce qui concerne la délivrance de la licence d'enseignement. Ainsi, si le chancelier conservait le pouvoir d'attribution de ces licences et les statuts précisaient qu'il ne pouvait refuser quiconque que les maîtres avaient jugé digne

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d'enseigner. Un long conflit était né entre les maîtres et le chancelier, qui souhaitait préserver son pouvoir, qui continua bien après l'office de Philippe. Mais avec lui, la situation devint critique avec le départ des maîtres sur la rive gauche de la Seine. Philippe, sûr de ses prérogatives, n'admettait pas qu'il puisse être remis en cause dans sa fonction même de chancelier par la corporation des maîtres et des étudiants, aussi il l'attaqua violemment43. Finalement, à la fin des années 1220 et au début des années 1230, Philippe fit la paix avec les maîtres, qui avaient déclenché une grève et s'étaient installés sur la rive gauche de Paris avec plusieurs de leurs étudiants en réponse à l'intransigeance des autorités séculaires. Il ne fait aucun doute qu'un tel départ était dommageable pour le prestige de Paris comme centre d'éducation, et que les autorités pontificales réagirent promptement contre cela ; aussi Philippe travailla dur pour convaincre les dissidents de revenir dans la ville, ce qui fut fait en 1231.

Finalement, c'est tout autant, et peut-être même plus comme philosophe, avec son Summa de bono, que comme chancelier, que Philippe a marqué son époque et l'ensemble du XIIIe siècle. Philippe le Chancelier fut une des grandes figures intellectuelles de la première moitié du XIIIe siècle. S'il eut une longue carrière ecclésiastique, qui fut agitée, il fut renommé pour ses sermons et sa poésie lyrique. Dans le domaine de la philosophie et de la théologie, le Summa de bono, composé dans les années 1220-1230, était l'aboutissement de réflexions qui entraînèrent beaucoup de ruptures. Philippe a été le premier à réaliser une somme autour d'un principe fondamental et central, la notion de bon. La Summa de bono a été beaucoup commentée durant le XIIIe siècle, notamment par Albert le Grand.

Après Philippe, observons maintenant un chancelier qui n'a sans doute pas connu la même célébrité intellectuelle que son illustre prédécesseur.

Grimaud Boniface est originaire de Rouen, en Normandie, et c'est au sein de la nation normande qu'il effectua une grande partie de ses études à l'Université de Paris dont il sortit docteur en théologie, mais aussi ensuite docteur en droit civil et canon. Cela indique qu'il a fait une partie de ses études à Orléans puisque c'est là qu'était enseigner le droit civil et non à l'Université de Paris. Sa date de naissance est inconnue mais on peut supposer qu'il est né entre 1300 et, au plus tard, 1320, puisqu'il faut au vingt-cinq ans pour accéder au poste de chancelier et compte tenu de ses études, et il est mort en octobre 1370. On lui connaît deux

43 Cf. Chapitre III sur les définitions de la fonction de chancelier.

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frères, Bertrand, lui-même chanoine de Notre-Dame, et Matthieu, et un neveu Roland, qu'il a aidé à entrer au collège de Navarre. Il a été le procureur de la Nation normande. En octobre 1356, il a représenté la commune de Rouen aux Etats généraux. Il a été nommé archidiacre de Bourges et chanoine de Notre-Dame de Paris au poste de chancelier le 15 octobre 1360 jusqu'en octobre 1370. Il était curé de Saint-Jean-de-Grève. Il semble qu'il a cumulé les bénéfices ecclésiastiques. Au moment de la réforme des statuts de l'Université de Paris de 1366, il a eu un rôle direct dans la rédaction de ceux-ci puisqu'il en est le coauteur avec le cardinal légat du pape et quelques maîtres de l'Université. Ainsi pour tenter de régler le problème de la compétence dans la collation de la licentia docendi, qui a été la source de nombreux conflits entre l'Université et le chancelier, il propose la création d'une commission de quatre maîtres, choisis par lui, pour l'aider dans l'examen des candidatures44. Il fut ensuite pénitencier avec Gérard de Vervins, lui aussi chanoine à Notre-Dame, en cours pontificales de Rome et d'Avignon pour la réunification de l'Université.

L'exposition des sources et des outils utilisés réalisée, nous pouvons maintenant tenter de définir la fonction de chancelier en commençant par les cadres dans lesquels il exerçait son office, l'université de Paris et le chapitre de Notre-Dame.

44 CUP, [IV], III, ep. 1319, p. 143-148.

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2. Un personnage, des lieux : Université et chapitre de Notre-Dame du XIIe au XVe siècle.

2.1. L'Université de Paris45.

Au milieu du Moyen Âge, Paris s'illustre par la qualité des enseignements dispensés à l'Université. Le chapitre de Notre Dame a très tôt pris le contrôle de la transmission du savoir et lui seul était habilité à délivrer l'autorisation d'enseigner.

Le début du XIIe siècle est marqué par le développement des écoles parisiennes, même si elles restent encore dans l'ombre des théologiens de Laon et de Chartres. L'école du cloître Notre Dame, qui acquit une bonne réputation, est cependant concurrencée par les établissements de la rive gauche. Ainsi, l'abbaye Sainte-Geneviève qui, au sommet de sa colline, jouit d'une exemption pontificale qui la libère de l'autorité épiscopale et favorise les enseignements de certains maîtres comme Abélard. Un de ses disciples, Gautier de Mortagne fonda en 1113 l'abbaye de Saint-Victor, un établissement qui obtient une bonne réputation, mais il ne se contente pas d'enseigner la théologie et la philosophie, il s'intéresse aussi aux sciences et aux arts. Saint-Victor contribue à la réforme de Sainte-Geneviève en 1148, en lui conférant une grande renommée. Ainsi, les maîtres et les écoliers y affluent en nombre afin de bénéficier du bon niveau intellectuel qui construit la renommée de Paris. Mais les étudiants sont réputés pour leurs excès à tel point qu'un affrontement sanglant contraint Philippe Auguste à définir leur statut juridique en 1200 par lequel l'Université relevait de la justice de l'Eglise épiscopale et non de la justice royale.

Donc, à partir de 1150, les étudiants deviennent peu à peu une classe à part, privilégiée. En 1200, grâce à Philippe Auguste, l'Université naît officiellement et les étudiants relèvent désormais de la justice ecclésiastique et non plus de la prévôté. Ils sont considérés comme des clercs bénéficiant, selon les décisions du Pape Célestin III quant au statut particulier de Paris, des privilèges du for ecclésiastique. L'Université est une corporation dotée d'une guilde de maîtres, de statuts écrits, d'officiers permanents et d'un sceau commun.

L'université de Paris est donc une corporation des maîtres et des écoliers parisiens. Le terme latin « universitas » signifie un ensemble, une association, un corps, une compagnie,

45 Pour cette partie nous nous sommes essentiellement appuyé, outre les sources, sur les travaux de BERNSTEIN, A. E., « Magisterium and Licence : corporate autonomy against papal authority in the medieval University of Paris », Viator, 9 (1978), [4], p. 291-307 ; VERGER, J., « À propos de la naissance de l'université de Paris », [41], vol. 7, p. 1-36

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une communauté, une corporation. Il n'est pas spécifique aux gens des écoles et s'applique à toute communauté, à tout groupe d'individus déterminé à partir du moment où il exprime l'existence d'une vie collective réelle et la conscience de ses membres de former une unité. Les universités d'études ne sont qu'une manifestation parmi d'autres du mouvement associatif qui se développe dans les principales villes.

Le terme « universitas » apparaît dans une lettre du pape Innocent III de 1208-1209 où figure à deux reprises l'expression « universitas magistrorum ». Une décrétale de 1210-1216 emploie « universitas vestras ». La formule « universitas magistrorum et scolarium » est employée dans les statuts de Robert de Courçon de 121546. La corporation s'affirme elle-même sous cette appellation dans un acte de 1221 : « Nos, Universitas magistrorum et scolarium Parisiensium ».

À cette époque, le terme « universitas » n'a aucune connotation spéciale d'enseignement. Le vocable utilisé pour désigner un centre d'études ou un établissement d'enseignement supérieur est celui de « studium ». L'expression de « studium generale » est encore employée pour indiquer un « studium » universitaire et le différencier d'un « studium » non universitaire.

A l'origine, les premiers textes citent à plusieurs reprises « l'université des écoliers » (« universitas scolarium »). Le terme « scholaris » ne doit pas être pris au sens premier du terme d'école. Il désigne en fait les gens des écoles, à la fois les maîtres et les écoliers47.

L'université parisienne est d'abord une guilde des maîtres d'écoles. Les étudiants n'ont eu qu'un rôle secondaire, et les principales dispositions les concernant dans les statuts de 1215 et dans la bulle Parens scientiarum de Grégoire IX en 1231 visent à les soumettre à l'autorité personnelle des maîtres et à les encadrer. Ce sont les professeurs, au départ des maîtres artiens qui ont été les principaux initiateurs de l'université. Les théologiens, d'abord en retrait ou pour quelques-uns d'entre eux hostiles au mouvement, l'ont néanmoins récupéré à partir des années 1220. Il apparaît clairement que les disciplines sont subordonnées à la théologie dont l'utilité sociale est largement affirmée par les papes mais aussi, et peut-être principalement, parce que la plupart des maîtres et des étudiants ont le statut de clercs.

46 CUP, [IV], I, ep. 20, p. 78 et s. ; VERGER, J., Culture, enseignement et société en Occident aux XIIe et XIIIe siècles, [46], p. 120-122

47 Nous préférons employer le terme étudiant à celui d'écolier pour éviter toute confusion.

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Au cours des trois premières décennies du XIIIe siècle, l'université ne dispose donc pas encore d'une véritable structure institutionnelle. Son gouvernement, collégial, est encore largement informel, et ses quelques représentants sont mentionnés à l'occasion d'événements particuliers et ponctuels48.

Il faut attendre la seconde moitié du XIIIe siècle pour voir apparaître ses trois composantes essentielles : le recteur, les facultés et les nations, lesquelles sont placées sous l'autorité institutionnelle du responsable des écoles de l'évêché de Paris, le chancelier du chapitre Notre-Dame. Les quatre facultés, « facultates » citées en 1213 pour l'organisation de la licence traduisent davantage la notion de discipline, « facultas ». Néanmoins, l'université est une réalité, elle est considérée comme une personne morale dont les finalités sont clairement exprimées.

La corporation a tout d'abord une finalité confraternelle et charitable. Elle assure son assistance aux malades et aux défunts. Les obligations funéraires des universitaires vis-à-vis des maîtres et des étudiants décédés sont précisées dans les statuts de 1215 et de 1231, ainsi que dans une sentence pontificale de 1208-1209. C'est aussi une organisation de défense mutuelle. En tant que telle, elle offre à ses membres des garanties judiciaires leur donnant une protection efficace contre la malveillance de la population urbaine et les autorités locales, laïque et ecclésiastique. Depuis la charte de Philippe Auguste de 120049, les « scolares Parisienses » sont à la fois sous la protection spéciale de la justice royale et bénéficient du « privilegium fori ».

L'université a largement démantelé les droits de juridiction du chancelier et de l'évêque sur les universitaires. Le premier perd son droit de lever des amendes puis celui d'avoir sa propre prison ; le second ne peut emprisonner des étudiants qu'en cas de délit grave, doit les libérer sous caution, et ne peut prononcer contre eux d'excommunication, individuelle et collective, sans l'assentiment de la papauté, sous laquelle la corporation est placée sous la

48 En 1208-1209, une commission de huit maîtres révise les statuts ; en 1213, trois maîtres négocient un accord avec le chancelier Jean de la Chandeleur ; en 1219, il est fait référence à des procureurs ; en 1229, à vingt et un proviseurs.

49 CUP, [IV], I, ep. 1, p. 60 et s. ; VERGER, J., Culture, enseignement et société en Occident aux XIIe et XIIIe siècles, [46], p. 118-120.

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protection immédiate et auprès de laquelle elle peut directement faire appel à l'initiative du pape Honoré III en 121950.

Dans le même temps, l'université a développé sa juridiction interne : les maîtres sur leurs propres élèves, et l'université sur l'ensemble de ses membres. Cette juridiction, officiellement reconnue dans les statuts de 1215, se limite en pratique à la discipline intérieure des écoles et à l'observation des statuts ; ce droit fut provisoirement suspendu par le même Honoré III en 1222.

En tant que corporation spécialisée, l'université a recherché à être seul maître du recrutement de ses maîtres. Cette autonomie, l'université l'a acquise à la suite de conflits avec le chancelier de Notre-Dame. Seul maître de la collation de la licentia docendi sa totale liberté de choix menaçait la cohésion institutionnelle et intellectuelle de l'université. C'est pourquoi cette dernière a cherché à réduire l'autorité du chancelier. Par ailleurs, toujours pour préserver son autonomie, l'université a développé l'inceptio ». Il s'agit d'une procédure qui se trouve à l'origine du doctorat comme grade. Du ressort exclusif de l'université, l' « inceptio » double la « licentia docendi ». Pour enseigner, il faut non seulement obtenir la licence, mais être aussi autorisé par les maîtres à « incipere »51. L' « inceptio » désigne donc la cérémonie solennelle d'entrée en fonction du nouveau maître au cours de laquelle il donne son cours d'investiture, et sanctionne la reconnaissance et l'acceptation dudit maître dans le corps professoral. Le verbe « incipere » est utilisé dans son sens technique dans les statuts de 12154. La procédure est clairement mentionnée dans la bulle Parens scientiarum de 123152. L'université est enfin une association dont les membres jouissent de la « libertas scolarium ». Cette expression, exprimée dans la bulle de 1231, traduit la possibilité pour les scolares, à la fois les maîtres et les écoliers de jouir d'un certain nombre de « libertates », c'est-à-dire de franchises, de privilèges et de droits.

Si les premiers statuts réglementant l'organisation de l'enseignement sont attestés à partir de 1208, le plus ancien statut conservé est donc celui de Robert de Courçon de 121553,

50 Cf. infra partie III sur les définitions des fonctions du chancelier.

51 Littéralement, donner sa leçon d'inauguration pour un maître : « Nullus incipiat licentiatus a cancellario vel ab alio data ei pecunia vel fide prestita, vel alia conventione habita. », CUP, [IV], I, ep. 20, p. 79.

52 « Magistri vero theologie ac decretorum, quando incipient legere, prestabunt publice juramentum [...] », CUP, [IV], I, ep. ; VERGER, J., Culture, enseignement et société en Occident aux XIIe et XIIIe siècles, [46], p. 124 et s.

53 CUP, [IV], I, ep. 20, p. 78 et s.

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qui, pour l'essentiel, entérine des dispositions conçues par les maîtres eux-mêmes ; sans que ces dispositions aient été mises par écrit. D'autres statuts ont été élaborés les années suivantes, puisqu'une des disposition du statut du cardinal autorise explicitement les maîtres à se doter de statuts. Dans les années 1208-1209, il est fait allusion à la constitution de statuts par les maîtres eux-mêmes. Ce droit est explicitement octroyé en même temps qu'il est délimité dans les statuts de 1215 et de 1231. En 1219 et en 1221, divers textes font allusion à l'existence de règlements. Ces derniers n'ayant pas été conservés, leur contenu nous est partiellement connu par la bulle Parens scientiarum de 1231 qui en reprend l'essentiel. L'intervention pontificale est donc particulièrement nette pour l'Université de Paris, qui reçoit ses statuts du Pape parce qu'elle s'avère dès le départ représenter le phare de la théologie54.

Les statuts de 1215 et de 1231 sont les seuls à nous informer sur l'organisation de l'enseignement. Malgré le caractère incomplet de ces statuts, et bien qu'il soit difficile de distinguer clairement ce qui relève de l'innovation et d'une pratique déjà plus ou moins ancienne, quelques principes sont déjà fixés, dont la durée des études le calendrier universitaire et les méthodes d'enseignement.

Dès le statut de 1215, les durées obligatoires des études en arts et en théologie sont établies : elles durent au moins six ans en arts, et huit ans en théologie. Durant cette période, les écoliers sont principalement auditeurs, « audientes ». Seuls quelques-uns d'entre eux, les bacheliers participent à l'activité enseignante. Le mot baccalarius55 n'apparaît qu'en 1231. Leur présence est néanmoins attestée dès 1215, d'une part, à l'occasion des disputationes auxquelles les uns participent comme respondens et les autres en qualité d'opponens, d'autre part, lorsque les étudiants en théologie sont distingués en étudiants audientes et legentes. À cette époque, le baccalauréat n'est pas considéré comme un grade. Un Age minimum d'accès à la licence est aussi prescrit, 20 ans en arts et 35 ans en théologie.

Concernant le calendrier universitaire, la durée des vacances d'été est fixée à un mois maximum.

54 On comprend ainsi encore mieux l'intérêt des chanceliers du chapitre à vouloir conserver leurs prérogatives.

55 Dans le sens d'étudiant avancé qui donne des leçons sous la direction de son maître mais sans être personnellement licencié, « Ne aliquis bachellarius in theologica facultate promoveatur ad cathedram, nisi prius seipsum examinaverit, » i. e. « nominaverit », CUP, [IV], I, ep. 200, p. 226 ; « Ceterum quia ubi non est ordo, facile repit horror, constitutiones, seu ordinationes providas faciendi de modo et hora legendi et disputandi, de habitu ordinato, de mortuorum exequiis necnon de bachellariis, qui et qua hora et quid legere debeant, ac hospitiorum taxatione seu etiam interdicto » CUP, [IV], I, ep. 79, p. 137.

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Concernant l'enseignement, deux techniques sont évoquées dans les statuts : la lectio et la disputatio. Comme au XIIe siècle, la lectio est à la base de l'enseignement universitaire. Il y a deux types de lecture. La lecture ordinaire, « lectio ordinaria », et la lecture cursive, « lectio cursoria ». Elles sont toutes deux mentionnées et distinguées dans les statuts de 1215 et de 123156.

La disputatio semble issue de la question, « quaestio », lorsque celle-ci s'est détachée de la lectio. Distincte de la questio qui fait partie de la lecture, c'est une technique d'enseignement autonome faisant l'objet d'une séance à part. Elle consiste en une discussion organisée, selon la méthode dialectique, pour résoudre une ou plusieurs questiones. Le maître, qui préside la séance, propose un thème à débattre aux étudiants qui interviennent en qualité de respondens et d'opponens. Les uns, « respondentes », avancent les arguments pour une thèse ; les autres, « opponentes », les arguments contre. La solution du problème posé, « determinatio », est ensuite donnée par le maître en répondant aux objections. Les « disputationes57 » ont lieu en dehors des cours ordinaires, c'est-à-dire des « lectiones ».

C'est au sein de cette faculté des arts que les chanceliers ont généralement rencontré le plus de résistance à la manifestation de leur autorité58. Les artiens étaient en recherche constante d'autonomie afin de décider le plus librement possible des enseignements. Cependant, le contenu de l'enseignement à la faculté des arts est bien défini.

Ce sont les statuts de 1215 qui nous permettent de connaître les livres étudiés. Concernant les arts du trivium, l'étude de la grammaire se fait à partir des Institutionnes grammaticæ de Priscien, le Priscianus major et le Priscianus minor qui traitent respectivement de la morphologie et de la syntaxe, ainsi que le Barbarismus qui est le

56 La lecture ordinaire consiste à expliquer et à commenter un texte de la façon suivante : il s'agit tout d'abord d'exposer la « littera » ou lettre, exposition littérale des mots, des phrases et des constructions ; ensuite d'en déduire le « sensus » ou sens, sens immédiat du texte rendu souvent par des paraphrases ; enfin d'en tirer la « sententia » ou sentence, signification profonde du texte, l'intention de l'auteur. Ce type de lecture correspond à l'activité magistrale proprement dite. Elle représente l'enseignement du maître-régent à propos des textes officiels inscrits au programme, pendant les heures ordinaires, officiellement fixées, et selon la méthode ordinaire.

La lecture cursive consiste en une lecture rapide du texte, et se limite à en donner la « littera ». Cette lecture, faite par le maître, est généralement le fait des bacheliers, l'après-midi.

57 On distingue deux types de disputes. La dispute privée ou « disputatio in scolis », définie dans le texte de 1231, se déroule dans l'école du maître avec ses propres élèves, les jours disputables, c'est-à-dire les jours où les disputes sont autorisées. La dispute solennelle, encore appelée « disputatio sollemnis » ou « disputatio magistrorum » rassemble l'ensemble des maîtres et des étudiants de la faculté ; elle a lieu une fois par semaine et se déroule tout au long de l'année ; lors des disputes solennelles, les autres cours sont suspendus.

58 Voir infra dans le chapitre III sur les définitions de la fonction de chancelier.

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troisième livre de l'Ars major de Donat qui traite des figures d'élocution. La rhétorique est enseignée sur la base du traité de Cicéron, le De inventione et la Rhetorica ad Herennium qui expliquent les bases de la rhétorique classique. Vient ensuite le quatrième livre du De differentiis topicis de Boèce qui traite des rapports entre la rhétorique et la logique. La dialectique est étudiée à partir de l'Organon d'Aristote, c'est-à-dire l'oeuvre logique du Péripatéticien comprenant la logica vetus et la logica nova. Les arts du quadrivium sont, pour leur part, étudiés à partir des Quadravilia. Dans les statuts de 1215, ces ouvrages sont distingués en fonction de l'enseignement : il y a les livres « ordinaires », c'est-à-dire ceux devant être lus de façon ordinaire, l'Organon, le Priscianus major et minor ; les autres sont qualifiés de livres extraordinaires et sont lus les jours de fêtes, « in festivis »59.

Les statuts de 1215, reprenant des dispositions du concile de la province de Sens réuni à Paris en 1210, prohibent la lecture de plusieurs ouvrages : les livres d'Aristote sur la métaphysique et la philosophie naturelle, c'est-à-dire la Métaphysique et les « libri naturales », physique, traités de la génération, du ciel, des météores, ainsi que leurs commentaires parisiens, et les livres contenant les doctrines de David de Dinant, d'Amaury de Bène l'hérétique et de Mauricius Hispanus60. Cette interdiction est renouvelée dans la bulle de 1231, mais de façon provisoire61, « aussi longtemps que ces livres n'auront pas été examinés et purgés de toute erreur ». Enfin, il faut rappeler que l'enseignement du droit civil, le « corpus juris civilis », est interdit à Paris depuis la bulle « Super Speculam » d'Honoré III de 121962.

Mais l'Université de Paris, c'est aussi des hommes et des lieux dont les fonctions sont assez bien définies. A Paris, l'importance quantitative des maîtres artiens les conduit à imposer leur organisation à l'ensemble de l'Université. Ainsi, les quatre nations, entre lesquelles ils se répartissent, France, Normandie, Picardie, Angleterre, élisent chacune un procureur, et les quatre procureurs élisent un recteur qui dirige dans un premier temps la

59 « Non legant in festivis diebus nisi philosophos et rhetoricas, et quadravialia, et barbarismum, et ethicam, si placet, et quartum topichorum. », CUP, [IV], I, ep. 20, p. 78.

60 « Non legantur libri Aristotelis de methafisica et de naturali philosophia, nec summe de eisdem, aut de doctrina magistri David de Dinant, aut Amalrici heretici, aut Mauricii hyspani », Ibid, p. 78-79.

61 « et libris illis naturalibus, qui in Concilio provinviali ex certa causa prohibiti fuere, quousque exeminati fuerint et ab omni errorum suspitione purgati », CUP, [IV], I, ep. 79, p.

62 CUP, [IV], I, ep. 32, p. 91-93; VERGER, J., Culture, enseignement et société en Occident aux XIIe et XIIIe siècles, [46], p. 122-124.

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faculté des arts. Celui-ci finit par être investi de pouvoirs juridictionnels sur l'ensemble de l'Université de Paris et par être reconnu comme son représentant dans ses rapports avec le monde extérieur. Il est généralement élu pour une durée reconductible de quatre à six semaines et il a le droit de conférer les bénéfices vacants affectés à l'Université. Le modèle artiens s'est imposé à tous les maîtres des disciplines supérieures de l'Université qui s'organisent eux aussi en facultés, regroupant toutes les écoles concurrentes enseignant une même discipline. Chaque faculté est elle même dirigée par un doyen élu par les régents des écoles ; mais c'est le recteur élu par les artiens qui a toute autorité. Au XIIIe siècle, les universités ne possèdent pas de bâtiments en propre et les cours ont lieu dans des salles louées par les maîtres, tandis que les cérémonies se déroulent dans les églises et les couvents avoisinants. La tache du recteur se réduit donc à l'organisation de l'enseignement et à la défense des privilèges universitaires. Il s'agit de principalement de privilèges locaux, comme l'exemption de toute forme de service militaire et des avantages économiques63, mais surtout de privilèges de juridiction, qui mettent les universitaires à l'abri des juridictions laïques64 et, dans une certaine mesure, des juridictions ecclésiastiques.

Le développement de l'université traduit un désir d'autonomie des maîtres, une volonté de se soustraire de la tutelle des autorités ecclésiastiques, puis laïques. Il traduit aussi un effort de reprise en main du milieu scolaire. L'Université n'est pas née du néant : les maîtres, mais aussi les papes et les rois ont été à l'origine de l'université, car l'assentiment des deux dernières autorités a été indispensable. Malgré ses efforts pour s'en détacher, elle reste placée sous la tutelle du chancelier de Notre-Dame, dont il convient maintenant de présenter le corps d'origine, le chapitre.

63 Il ne faut pas oublier que les membres de l'Université de Paris sont des clercs et, à ce titre, bénéficient des mêmes droits d'exemption.

64 Cf. infra, dans chapitre sur le chancelier, les rappels sur les pouvoirs judiciaires du chancelier sur les universitaires face au prévôt de Paris.

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2.2. Le chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris.

C'est au milieu du Xe siècle que le terme chapitre, « capitulum »65, a été utilisé pour la première fois par Gauthier, archevêque de Sens, pour désigner le collège de clercs qui l'entoure, l'assiste dans l'accomplissement du service religieux de l'église cathédrale et collabore au gouvernement du diocèse.

Le chapitre cathédral est un donc corps ecclésiastique. La règle de l'évêque de Metz, Chodegrand, réformée au début du IXe siècle par le diacre Amalaire et imposée à tous les chanoines de l'Empire par le concile d'Aix-la-Chapelle de 817 exige, en théorie, la vie commune. Mais celle-ci est abandonnée par la suite et, dès le XIe, on distinguait les chanoines séculiers des chanoines réguliers qui seuls menaient une vie monastique soumise à une règle stricte. Les chanoines du chapitre de Notre-Dame sont généralement séculiers, ils ont renoncé à une suivre une règle rigoureuse et ne pratiquent plus la vie commune, mais ils sont néanmoins soumis à des astreintes, lesquelles, elles aussi, ne sont pas scrupuleusement respectées.

Le corps capitulaire de l'église cathédrale est constitué par l'ensemble des chanoines. Il faut distinguer les chanoines résidents, dont les dignitaires, qui jouissent de toutes les prérogatives attachées à leur qualité canoniale comme la voix au chapitre, une place déterminée dans le choeur de la cathédrale, une prébende et des distributions, et les chanoines non-résidents qui ne participent pas à toute la vie capitulaire.

A l'exception de deux chanoines qui sont attachés au service de la chapelle Saint-Aignan66, voisine de Notre-Dame et dont la nomination appartient en propre au chapitre67, tous les chanoines sont de droit et en principe nommés par l'évêque68. Mais cette règle s'efface souvent devant les interventions du pape ou du roi en faveur de candidats de leur choix. Si, dès la fin du XIIIe siècle, le choix de chanoines se portent souvent sur des nobles, celui de Notre-Dame semble peu touché par ce phénomène.

65 GANE, R., Le chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe, Etude sociale d'un groupe canonial, Paris, 1985, [15], Introduction.

66 Cf. Annexe 1 : Notre-Dame de Paris et cloître de Notre-Dame.

67 A.N., LL 78, p. 369-370.

68 GUERARD, B., Cartulaire, [X], t. I, p. 36 et 456.

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Le chanoine doit être prêtre. S'il ne l'est pas au moment de sa nomination, il doit se faire ordonner après son accès au canonicat, mais cette règle n'a pas toujours été suivie. Lors de sa réception, le nouveau chanoine prête un serment dans lequel il déclare être de naissance libre et légitime, garantit ne pas avoir acquis sa prébende par simonie69, s'engage à observer les statuts capitulaires, à respecter le secret des délibérations, à conserver sa prébende intacte, à défendre les droits et privilèges des chanoines70. En réalité, le chapitre de Notre-Dame compte toujours parmi ses membres des chanoines qui ne reçoivent jamais les ordres majeurs et restent clercs mineurs, ce sont les acolytes, les lecteurs, les portiers, les exorcistes, ou simples clercs qui sont seulement tonsurés.

Lorsqu'un chanoine est nommé évêque, il doit résigner son canonicat, comme Pierre d'Ailly nommé évêque du Puy. La résignation intervient parfois avec du retard lorsque le nouvel évêque cherche à conserver pendant un certains temps les revenus de sa prébende canoniale. Par contre, la résignation n'est pas requise quand le chanoine est élevé au cardinalat. Le nouveau cardinal a le droit de conserver sa vie durant son canonicat et il peut même en obtenir d'autres. On trouve ainsi, tout au long des chapitres du XIVe siècle, des cardinaux chanoines de Notre-Dame.

Si le chapitre de Notre-Dame est un chapitre de chanoines séculiers, quelques clercs appartenant à des ordres réguliers y détiennent un canonicat. Certains chanoines sont aussi curés de paroisses parisiennes. D'autres chanoines restent nominalement curés de paroisses hors de Paris, comme Grimaud Boniface, curé de Saint-Jean-de-Grève. Enfin, l'accession au canonicat est soumise à des conditions d'âge. Clément V fixe à dix-huit ans l'âge requis pour recevoir le sous-diaconat, vingt ans pour le diaconat et vingt-cinq pour la prêtrise et exige des postulants au canonicat d'être au moins sous-diacre. Nul ne peut donc devenir chanoine s'il n'a pas dix-huit ans, sauf s'il bénéficie d'une dispense particulière. Et fréquentes sont de telles dispenses, de sorte que le chapitre compte souvent de très jeunes membres71.

Dans l'église Saint-Etienne, avant la construction de Notre-Dame, sur le même site, à partir de 1163, le concile de Paris de 829 décide, qu'au lieu de recevoir leurs ressources de

69 Certains chanoine qui sont nommés par le pape éprouvent des difficultés à faire reconnaître par le chapitre leur droit sur la prébende qui leur est attribuée ; cependant, ce n'est pas le cas pour les huit dignitaires du chapitre qui doivent être reconnus par le chapitre.

70 GUERARD, B., Cartulaires, [X], t. III, p. 405.

71 Ce qui a comme conséquence, à terme, des inaptitudes notoires au poste de chanoine pour certains candidats.

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l'évêque, les chanoines dispose d'un ensemble de biens qu'ils doivent administrer par eux-mêmes et dont ils perçoivent directement les revenus, les prébendes.

Le partage des biens de l'église et l'application de la règle d'Aix-la-Chapelle, reconnaissant aux chanoines le droit d'habiter une maison particulière, entraînent la disparition progressive des liens communautaires72. La division des biens de l'Eglise de Paris, qui répondait à un simple soucis de meilleure gestion économique de ses ressources, engage le chapitre dans la voie de l'autonomie qui s'étend bientôt au du temporel au spirituel. Très rapidement, le chapitre de Notre-Dame a donc une existence propre et obéit à des règles spécifiques bien précises.

Dès le XIIe siècle, le chapitre de Notre-Dame comprend cinquante et un canonicats. Sur ce nombre, qui ne varie pas jusqu'à la Révolution, quarante-trois sont des canonicats simples, huit constituent des dignités. Certains chanoines ont un titre honorifique sans juridiction propre, un personnat. D'autres ont un office, c'est-à-dire une fonction sans juridiction73. D'autres, enfin, une dignité, c'est-à-dire une fonction entraînant juridiction.

Si, en droit, les chanoines sont, normalement, nommés par l'évêque, celui-ci ne dirige pas le chapitre. C'est, en effet, le premier des dignitaires, le doyen, qui préside à ses activités sous la haute autorité de la Papauté. Ce rattachement direct au Saint-Siège résulte de l'exemption épiscopale dont le chapitre bénéficie depuis longtemps. Il constitue une particularité remarquable qui explique pour une bonne part le renom du chapitre cathédral de Notre-Dame. Aussi bien, au XIVe siècle, quatre anciens chanoines de Notre-Dame occupent le siège pontifical : Boniface VIII, Innocent IV, Grégoire IX et Clément VII.

Les huit dignitaires du chapitre de Notre-Dame sont, par ordre d'importance : le doyen, le chantre, les trois archidiacres ; le sous-chantre, le chancelier et le pénitencier. Les dignitaires existent déjà dès la seconde moitié du XIIe siècle, à l'exception du pénitencier qui n'apparaît qu'au XIIIe siècle, après le quatrième concile de Latran de 1215, concile qui décide, d'une part, que les dignités capitulaires ne sont conférées qu'à des majeurs de vingt-cinq ans qui doivent, dans l'an suivant, recevoir les ordres requis s'ils ne les ont déjà, d'autre

72 En 909, Charles III le Simple a confirmé un diplôme de son aïeul, Charles le Chauve, accordant aux chanoines de Paris le privilège de vivre dans les maisons claustrales, sans être inquiétés, ni payer de cens ; LEMARIGNIER, J. -F., GAUDEMET, J., MOLLAT, G., Les institutions ecclésiastiques, t. III, de Histoire des institutions françaises au Moyen-Âge, ssd. LOT, F., FAWTIER, [29], Paris, 1962, PUF, p. 188.

73 C'est le cas de Claude Sarasin qui était archiviste.

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part, qu'il ne peut y avoir cumul de dignités au profit du même chanoine. Cependant, des exemples de cumul sont très nombreux.

Le doyen, « decanus », est choisi par le chapitre mais il est installé par l'évêque. Il est le chef du chapitre et exerce sur les chanoines sa juridiction. Il reçoit leur promesse d'obéissance. Il a la police du cloître, représente le chapitre, reçoit les hommages dus à celui-ci et garde le sceau capitulaire pendant la vacance du chancelier. Il prête hommage à l'évêque, mais sous réserve de fidélité au chapitre. Les visites des églises dépendant du chapitre sont un devoir pour le doyen, maintes fois rappelé par le Saint-Siège, notamment par une bulle de Clément III du 5 juillet 1188 qui traite aussi de l'obligation corrélative, pour le visité, de payer une procuration74, c'est-à-dire une participation aux frais entraînés par la visite.

Le doyen a la charge des âmes de tous les membres du chapitre ainsi que de tous les clercs du choeur. Il peut dispenser du maigre et c'est lui, lorsqu'il est présent, qui administre les derniers sacrements aux chanoines, aux chapelains, aux clercs et aux bénéficiers de l'église. Il préside également au choeur où un siège est réservé à l'évêque de Paris ainsi qu'à l'archevêque de Sens dont dépend le diocèse de Paris. il doit assister au synode diocésain annuel qui est convoqué par l'évêque. Lorsque que le chapitre prend des décisions, les notifications qui en découlent sont faites, au nom des « doyen et chapitre de l'Eglise de Paris ».

Le chantre, « cantor », est le second dignitaire du chapitre en charge de la direction des exercices du choeur, de la maîtrise et de l'enseignement de la musique sacrée. Il supplée le doyen lorsque celui-ci est absent. Nommé par l'évêque, il occupe la deuxième stalle à gauche du choeur75. Pendant longtemps le doyen et le chantre se sont disputés la première place au chapitre et leurs rapports ont été fréquemment tendus jusqu'à ce que la suprématie du doyen finisse par prévaloir76. Il est astreint à résidence par une bulle de Boniface VIII de 1296. Il reçoit au moment de sa nomination la clef de la chantrerie et la marque de sa dignité est le baculus cantoris77. Au début, les offices étaient chantés par les seuls chanoines et par les enfants de choeur mais, peu à peu, en raison des nombreuses absences des chanoines retenus à

74 Procuratio, aliments, provisions.

75 LEMARIGNIER, J. -F., GAUDEMET, J., MOLLAT, G., Les institutions ecclésiastiques, [29], Op. Cit., p. 188-189.

76 LL. 253, [XII], p. 35.

77 C'est-à-dire la « baguette de chant ».

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l'extérieur par leurs multiples occupations, l'installation d'une maîtrise s'est avérée nécessaire pour le maintien du cérémonial.

Après le doyen et le chantre, viennent dans l'ordre des dignitaires, les trois archidiacres, l'archidiacre de Paris, « archidiaconus Parisiensisi » ou « archidiaconus major Parisiensis », l'archidiacre de Josas, « archidiaconus Josae », et l'archidiacre de Brie, « archidiaconus Briae ». Tous les trois sont hiérarchiquement égaux. Ils portent parfois le même titre d'archidiacre de l'Eglise de Paris, « archidiaconus ecclesiae Parisiensis »78. Nommés en principe par l'évêque, ils ont des fonctions très importantes qui dépassent le cadre de la cathédrale puisqu'elles se rapportent à l'administration même du diocèse de Paris79.

Celui-ci, très étendu, fait partie de la Quatrième Lyonnaise de l'exarchat des Gaules et appartient à la province ecclésiastique de Sens. L'évêque de Paris est suffragant de l'archevêque de Sens. Le diocèse est limité au nord par les diocèses de Beauvais et de Senlis, à l'est par celui de Meaux, au sud-est et au sud par celui de Sens, à l'ouest par ceux de Chartres et de Rouen80. En outre, au-delà de ces limites et enclavé dans le diocèse de Sens, se trouve la doyenné de Champeaux qui comprend six paroisses. Le diocèse a une forme à peu près régulière, sauf à l'ouest où cinq paroisses, dépendant du diocèse de Chartes, forment une saillie à l'intérieur du territoire diocésain. Les trois archidiaconés sont séparés les uns des autres par la Seine et la Marne. L'archidiaconé de Paris s'étend entre les deux cours d'eau, au nord de ceux-ci. Il comprend la partie de la ville située sur la rive droite, ainsi que l'île de la Cité. L'archidiaconé de Josas est situé à l'ouest et au sud de la Seine et englobe la rive gauche de Paris. C'est le plus étendu. L'archidiaconé de Brie, le moins grand, se situe à l'est de la Seine et au sud de la Marne. Chaque archidiaconé est subdivisé en deux doyennés ruraux : pour l'archidiaconé de Paris, les doyennés de Montmorency et de Chelles, pour celui de Josas, les doyennés de Châteaufort et de Montlhéry, pour celui de Brie, les doyennés de Vieux-Corbeil et de Lagny.

L'archidiacre examine et entend les clercs qui se destine à la prêtrise et doivent être ordonnés par l'évêque81. Il concourt avec celui-ci à la nomination des curés de paroisses. Il

78 Ce qui peut prêter à confusion avec le titre d'archidiacre de Paris.

79 LL. 78, p. 368, 369 ; L. 517.

80 Cf. Annexe 2 : Le diocèse de Paris, ses archidiaconat, ses prébendes et ses menses capitulaires.

81 L'ordination est administrée par l'évêque quatre fois par an : un samedi de Carême, un samedi du temps de Pentecôte, le troisième samedi du mois de septembre et le troisième samedi de l'Avent.

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possède le droit de dépouille et peut donc prélever par priorité, au décès d'un curé, les objets entrant dans la succession, ainsi que les vêtements sacerdotaux du défunt. Comme l'évêque, il réunit un synode deux fois par an, le mercredi qui suit le deuxième dimanche après Pâques et le dix-huit octobre, jour de la fête de saint Luc ; y assistent les curés des doyennés qui lui versent, à cette occasion, des redevances en argent dénommées droits synodaux, « jura synodalia ». L'archidiacre préside le synode, entouré de l'official et du porte-sceau, « sigillifer ». En cas d'absence, il est remplacé par un vicaire désigné par le chapitre. Il s'agit alors du doyen, du chantre ou du sous-chantre. Le synode archidiaconal a pour objet de faire connaître au clergé rural les statuts synodaux du diocèse. Il est à la fois un moyen de diffusion, un organe de contrôle et un instrument d'instruction et d'éducation des clercs.

Enfin, l'archidiacre doit visiter les églises de son archidiaconé dans lesquelles il doit apprendre, s'enquérir, réformer et corriger, rendre compte au supérieur. L'archidiacre doit, en outre, visiter les établissements de charité ainsi que les paroissiens excommuniés, vérifier si les malades et les indigents sont bien secourus et si la paroisse possède une sage-femme régulièrement choisie et, dans ce cas, confirmer celle-ci de ses fonctions. Les archidiacres possèdent enfin un pouvoir juridictionnel étendu.

Le sixième dignitaire du chapitre est le sous-chantre, « succentor ». Collaborateur immédiat du chantre, il est astreint comme lui à résidence et le supplée en cas d'absence.

Le septième dignitaire du chapitre est le chancelier82.

Le dernier dignitaire du chapitre est le pénitencier, « poenitentiarus ». Antérieurement dénommé chapelain de l'évêque, il rend hommage à celui-ci et le remplace en cas d'absence pour la célébration de certaines fêtes. Le concile de Latran de 1215 lui confie la confession des pénitents et le ministère de la prédication.

Parmi les cinquante et un membres du chapitre, certains exercent hors de la cathédrale des activités qui les empêchent de participer aux offices. Il faut cependant assurer dans le choeur une représentation importante digne de la place éminente que la cathédrale occupe dans le royaume. Notre-Dame est aux yeux de tous, une des premières églises de France, bien qu'à la tête du diocèse de Paris il n'y ait qu'un simple évêque.

82 Cf. 3. Le chancelier du chapitre de Notre-Dame de Paris : propositions de définitions.

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Les chanoines sont astreints à une obligation essentielle l'assistance aux cérémonies et aux assemblées capitulaires. Ils doivent, d'autre part, tenir annuellement un synode capitulaire. Enfin, ainsi qu'à tous les membres de l'Eglise, il leur est fait un devoir de pratiquer l'exercice de la charité à l'égard des pauvres et des malades. Les cérémonies à Notre-Dame sont très nombreuses et une particulière attention est attachée à l'observation des rites. Aux diverses manifestations liturgiques s'ajoutent les cérémonies quotidiennes, beaucoup plus simples mais nombreuses elles aussi, auxquelles doivent participer tous les chanoines présents à Notre-Dame. Les assemblées capitulaires où sont traitées les affaires importantes de l'église portent le nom de chapitres ordinaires et chapitres généraux. Elles se tiennent dans la salle capitulaire. Les activités qu'exerce, hors du chapitre, un nombre non négligeable de chanoines expliquent l'importance des absences que l'on relève, tant aux cérémonies qu'aux réunions capitulaires.

Chapitres ordinaires et chapitres généraux ne sont pas les seules assemblées où la présence des chanoines est obligatoire. Tous les ans, en effet, ces derniers doivent se réunir en synode, sur convocation du doyen et sous sa présidence, le mardi de la deuxième semaine de carême. Le chapitre échappe à la juridiction épiscopale puisqu'il relève directement du Saint-Siège. Par contre, il a eu, dans le cadre de la réforme grégorienne, le pouvoir d'élire l'évêque conjointement avec les clercs et le peuple mais au XIVe siècle, il est dessaisit du droit d'élire l'évêque83. Celui-ci doit cependant jurer solennellement de maintenir et sauvegarder les libertés, coutumes et privilèges du chapitre. En outre, si son état de santé l'empêche d'exercer normalement son ministère, l'évêque ne peut prendre un coadjuteur qu'avec le consentement du chapitre. Pendant la vacance du siège épiscopal, le chapitre a le droit de disposer du temporel du diocèse, mais l'exercice d'un tel droit se heurte souvent à l'opposition des archiprêtres de Paris et des officiaux de l'évêque défunt84.

Seigneur féodal, le chapitre reçoit l'hommage de ses tenanciers et perçoit les redevances personnelles et réelles, les tailles et les cens. Exonéré, en outre, du service d'ost85,

83 Clément IV déclare qu'il réserve au siège apostolique la collation de tous bénéfices et de toutes dignités.

84 LL. 215, p. 287-289.

85 Ce qui n'empêche pas certains chanoines d'être attirés par les armes. Jean de Marigny, chanoine en 1308, puis évêque de Beauvais et archevêque de Rouen, n'abandonne pas une carrière militaire qui lui vaut d'être lieutenant du roi en Languedoc, sous Philippe VI. Renaud Chauveau, chanoine en 1349, puis successivement évêque de Chalon-sur-Saône et Châlons-sur-Marne, meurt, les armes à la main, en 1356, à la bataille de Poitiers où il commande la cavalerie du roi Jean et où Guillaume de Melun, chanoine en 1336, puis archevêque de Sens, est fait prisonnier avec sa bannière. Ancien chanoine de Notre-Dame, Gilles de Lorris se bat également à Poitiers et

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il reste le maître absolu de ses domaines et de leur administration et l'évêque ne peut s'y immiscer86. Il est exempt des droits d'amortissement, d'assurer la nourriture au roi lorsque celui-ci se déplace avec sa suite, sur les terres capitulaires87, de tous droits pour le transport et la vente de denrées provenant de ses domaines. Les domestiques des chanoines et les clercs de Notre-Dame bénéficient de la même exemption et ne paient aucun droit de tonlieu et de péage88. Le chapitre dispose de la collation de plusieurs bénéfices et, à ce titre, il confère les prébendes des églises de Saint-Jean-le-Rond et de Saint-Denis-du-Pas, ainsi que de la chapelle Saint-Aignan ; il nomme les curés des paroisses de Bagneux, Epone, Rozay-en-Brie, Vernou et Larchant89. Il partage avec l'évêque le luminaire, les offrandes, la décoration funéraire et les objets apportés à Notre-Dame, à l'occasion d'obsèques et ce partage ne s'opère pas toujours sans contestation90. Enfin, depuis un bref de Boniface VIII daté de 1295, le chapitre jouit de l'important privilège de ne pouvoir être soumis à aucune sentence épiscopale d'interdit ou d'excommunication91.

Conscient de constituer un groupe privilégié, le chapitre de Notre-Dame est attaché aux marques extérieures qui lui assurent sa place, son importance et son originalité et il entend défendre les prérogatives dont il bénéficie. Elles consistent d'abord, pour les chanoines, à affirmer dans leur correspondance (lettres et suppliques) et dans leur testament, ainsi qu'à faire inscrire dans les épitaphes ou dans les obituaires, leur appartenance au chapitre, en précisant éventuellement les dignités92 qui leur ont été conférées. Lorsqu'ils font leur testament, les chanoines n'omettent jamais, quelle qu'ait été l'importance de leur carrière dans l'Eglise ou dans les services du roi, d'indiquer qu'ils ont occupé une stalle canoniale à Notre-Dame et une telle indication est toujours donnée dans l'obituaire de l'Eglise de Paris.

C'est, à l'évidence, avec un sentiment de fierté que les chanoines affirment leur qualité de membres du chapitre de Notre-Dame et il s'y ajoute un motif complémentaire de

y est fait prisonnier En ce qui concerne nos chanceliers, aucun ne semble avoir été attiré par ces aventures guerrières.

86 LL. 77, p. 212.

87 LL. 76, p. 595, Louis VII a, en effet, en 1157, exempté de son droit de gîte les membres du chapitre.

88 LL. 77, p. 595.

89 LL. 78, p. 3 et s.

90 LL. 78, p. 8-17 ; LL. 79, p. 150 ; LL. 107, p. 155.

91 LL. 77, p. 3 et s.

92 Ibid.

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satisfaction : la possession d'un sceau canonial. Il est le symbole de la puissance, marque l'appartenance à un corps et sert à clore et à authentifier les actes qui en émanent. Si le chapitre possède son sceau, dont le chancelier a la garde, chaque chanoine a le sien propre. Chaque sceau porte, à côté du nom de son titulaire, la mention « can. par.93 ». Le chapitre jouit d'une si grande renommée que le roi n'hésite pas à lui recommander ses protégés et à solliciter en leur faveur l'attribution d'un canonicat et d'une prébende. Enfin, le chapitre surveille avec une particulière attention le respect par autrui des règles de préséance qui ont été forgées à son avantage par la coutume, pour les cérémonies importantes. Sans doute le chapitre voit-il également, lorsqu'il se rend en procession au Parlement pour en bénir les registres, l'affirmation et une manière de consécration de la prééminence capitulaire sur le pouvoir civil94.

Bénéficiaire d'importantes prérogatives, le chapitre entend donc en assurer le maintien et résister à toute ingérence du pouvoir épiscopal et du pouvoir royal. Le chapitre est donc maître en son cloître et n'y admet aucune contestation95. Le cloître jouit ainsi d'une immunité totale quant aux biens. En ce qui concerne les personnes elles-mêmes, le groupe canonial lutte avec énergie pour maintenir son indépendance vis-à-vis du pouvoir épiscopal et faire connaître qu'il relève uniquement de l'autorité pontificale. Il se dégage rapidement de la tutelle de l'archevêque de Sens, puis progressivement de celle de l'évêque de Paris. Le chapitre tient aussi à marquer son indépendance à l'égard du pouvoir royal, en saisissant toutes les occasions propices à la confirmation de ses privilèges.

Cette mise au point que nous venons de réaliser ne prétend pas à l'exhaustivité sur la question. Seule une étude plus précise sur chaque chancelier à travers l'ensemble des écrits le concernant, directement ou indirectement96, pourrait permettre de saisir toutes les nuances de la fonction chancelière97, et à travers elle une étude sociale plus fine de l'Université de Paris et du chapitre Notre-Dame.

93 Chanoine de Paris.

94 AN, X1a6, p. 377-378 ; X1a4784, p. 10.

95 Cf. infra, problème de dignitate et de dignitas, et n. 123.

96 Parce qu'il en a été ou non l'auteur ou le sujet.

97 Mais, ces nuances sont peut-être à considérer sur une période plus large, c'est-à-dire jusqu'à la disparition de la fonction chancelière à part entière, avec sa fusion avec la charge de recteur de l'Université à l'époque contemporaine.

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3. Le chancelier du chapitre de Notre-Dame de Paris : étude d'un personnage et propositions de définitions.

Dans cette partie, nous tenterons d'expliquer ce qu'était la fonction de chancelier de Notre-Dame de Paris en nous appuyant sur des définitions existantes que nous complèterons d'observations réalisées à partir de notre corpus.

« Donc nos rois sont fondateurs et patrons de l'Université, et comme tels nous les devons reconnaître premiers chefs. Quand à monsieur l'évêque de Paris, il est bien notre pasteur en ce qui concerne le spirituel, et le Pape qui est par dessus lui est notre Saint Père, souverain de ce pasteur et de nous en ce qui touche la spiritualité. Mais il n'est pas le chef des écoles et le gouvernement de celles-ci ne dépend pas de lui, même au temporel, ainsi elles sont en la protection du roi. Quand au chancelier de l'Université de Paris, il n'est aussi le chef de celles-ci. La dignité de chancelier est celle du scholastique, qui est chanoine de l'Eglise cathédrale, sa charge est telle qu'en plusieurs autres villes, celle d'un maître des écoles parmi les chanoines de l'Eglise cathédrale ; comme Bérenger en celle d'Angers. Et celui qui est le scholastique retient encore son premier nom et d'avantage à cet honneur d'être Chancelier de l'Université. Quant au Chancelier qui est en l'Eglise de Paris, il garde bien les sceaux de l'Université, mais pourtant il n'en est pas le chef, ainsi est le Recteur qui est le premier et le seul en qualité avec l'Université pour les causes qui touchent les écoles ou les études. Il est vrai que le Recteur qui est laïc, parce qu'il ne peut pas bénir. Après que les écoliers sont passés maîtres et admis au sein de l'Université, il les présente au Chancelier, qui est ecclésiastique, à ce qui leur donne la bénédiction. Mais pourtant le Chancelier n'a pas la direction et la conduite des Collèges ni des écoliers qui font des études publiques. Ainsi elle appartient à l'Office du Recteur, ad quem spectat provisio magistrorum qui debent dici scholares, comme je l'ai vu par un acte de l'an 1271, enregistré en leur Université. Similiter Belforestius in Cosmog. Mais qu'est ce que dire que la majesté du Recteur soit si grande en l'école, que les Actes publics de quelque faculté que ce soit, il précède évêques et cardinaux et fussent-ils pairs de France. Et ne souffriront que le Nonce du Pape ni [aucun] Ambassadeur de Prince au monde eut cet avantage de le précéder. Quem forte locum prae occulis habuit Hermannus Coringius sic scribens dissert. 5. de Antiq. Acad. »98

98 DU BOULAY, [V], t. 1, Dissertatio IV. De episcopo Parisiensi, p. 268.

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Partant de la définition assez précise, mais incomplète, qui nous en est donnée par Du Boulay, nous pouvons constater que la notion de chancelier est polysémique. Mais ne retenons, dans cette étude, que celles concernant l'Eglise et l'Université, en écartant toutes celles liées au droit ; il s'agit d'un « titre indiquant une dignité du chapitre dont l'un des chanoines est revêtu », à partir du XIIe siècle, et « chancelier d'université », à partir du XIIIe siècle99. « Nommé en principe par l'évêque, le chancelier (cancellarius) a la garde du sceau du chapitre100. Astreint à résidence, il est chargé de la rédaction des actes du chapitre et des églises qui en dépendent, assisté dans sa tâche par des clercs appelés notaires qui font office de scribes. Il perçoit des droits de rédaction et de sceau, variables suivant la nature des actes qu'il établit. Sont exempts de tous droits les contrats souscrits par ou avec le chapitre et ses proches membres, les actes intervenant avec les églises et les chanoines de Saint-Jean-le-Rond, Saint-Denis-du-Pas, Saint-Benoît-le-Bétourné, Saint-Merri et Saint-Christophe. Les contrats concernant l'hôpital de Notre-Dame sont également dressés en franchise de droit. Pour les actes qui concernent d'autres personnes, le chancelier reçoit quatre deniers, sauf si la rédaction est demandée par le chévecier101 de l'église, auquel cas les droits de sceau sont calculés sur la valeur d'une obole de cire par lettre et d'un denier de cire par charte102. A l'exception des livres de chant dont la garde incombe au chantre, le chancelier assure la conservation et l'entretien des livres de l'église. Installée d'abord dans une dépendance du

99 (Mediae latinitatis lexicon minus, composuit J. -F. Niermeyer, Leiden, E. -J. BRILL Ed., 1976, [G], p. 124125). Cependant, il conviendra, dans un approfondissement, d'envisager la fonction chancelière au croisement des institutions laïque, ecclésiastique et universitaire. Notre définition du « chancelier » s'appuie sur l'ouvrage de GANE, R, Le chapitre de Notre-Dame de Paris, [15], p. 39-40 ; les cancellarii » étaient à l'origine des serviteurs du tribunal, qui, dès la deuxième moitié du IVe siècle, devaient en tant qu'aides personnelles des magistrats du tribunal, surveiller les abords de ceux-ci. C'est dans cette fonction qu'ils eurent une influence croissante, qui s'exprima également par une revalorisation de leur rang. D'abord recrutés à l'extérieur, ils furent au fil du temps choisis parmi des fonctionnaires et parvinrent au rang de sénateur au VIe siècle. Ils furent utilisés par le royaume de Bourgogne et les Wisigoths (Lexikon des Mittelalters, Zweiterband / Siebente lieferung - Caecilia Romana - Castro, Artemisverlag, München und Zürich, février 1983, [F], p. 1428).

100 Symbole de la puissance, le sceau marque l'appartenance à un corps et sert à clore et à authentifier les actes qui en émanent. AN, LL 78, p. 369 ; « si le chapitre possède son sceau - c'est le chancelier qui en a la garde - chaque chanoine a le sien propre. (...) Chaque sceau porte, à côté du nom de son titulaire, la mention « can. par. » (chanoine de Paris). Signe de la puissance, le sceau peut être aussi une marque de dévotion. » - R. Gane, Op. Cit., p. 183.

101 « Collaborateur à la fois du chapitre et de l'évêque, le chévecier (capicerius) est plus particulièrement chargé du trésor de la cathédrale et de la garde des reliques et des offrandes des fidèles. Il veille également à la conservation des ornements, des vases et des linges sacrés et prépare, pour les cérémonies, les livres et les objets liturgiques destinés au culte. Il doit également pourvoir à l'entretien du sanctuaire en surveillant l'exécution des travaux décidés par le chapitre et justifier du bon emploi des sommes affectées aux dépenses (entretien de la toiture, des cloches, du mobilier, ...). C'est « l'économe de la communauté » » - R. Gane, Op. Cit., p. 42.

102 GUERARD, B., Cartulaire, [X], t. I, p. CIV et 355.

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cloître qui s'avère rapidement trop exiguë, la bibliothèque doit être déplacée. La chapitre projette de la transporter au-dessus de la chapelle Saint-Aignan, mais y renonce pour l'installer, à la fin du XIVe siècle, dans les combles de la cathédrale, au-dessous des voûtes (supra testudines), où l'accès se fait par l'escalier de la tour nord103. En sus du chancelier, le doyen, les archidiacres et le chantre en détiennent la clef. Les membres du chapitre, les chapelains, les clercs et les écoliers de Notre-Dame peuvent venir y consulter les ouvrages104.

Le chancelier assume, d'autre part, un rôle important dans le domaine de l'enseignement puisqu'il dirige les écoles capitulaires dont il nomme les maîtres et qu'il délivre en outre l'autorisation d'enseigner (licentia docendi)105. L'école capitulaire de Notre-Dame excelle surtout dans l'enseignement de la théologie mais ne néglige pas pour autant le droit106. Enfin, il exerce également les fonctions de chancelier de l'Université de Paris107. A ce titre, il confère la licence aux étudiants et ne peut la refuser à celui qui est jugé digne par la majorité des maîtres. Il partage ce droit avec le chancelier de Sainte-Geneviève, en vertu d'une décrétale de Grégoire IX, de 1227108. Il préside d'autre part les réunions de la Faculté de Théologie109. »

Cette nouvelle définition est cependant, elle aussi, incomplète et nous souhaitons en préciser certains points. Ce n'est qu'après le second quart du XIIe siècle, que le chancelier assume les devoirs de l'écolâtre110. Il est l'un des huit dignitaires du chapitre de l'église de

103 SAMARAN, CH., « Les archives et la bibliothèque du chapitre de Notre-Dame de Paris », dans Huitième Centenaire de Notre-Dame de Paris, Paris, 1964, [36], p. 173.

104 A. Franklin, Les anciennes bibliothèques de Paris, Paris, 1877, t. 1, p. 19, cité par R. Gane, [15].

105 F. Claeys, Dictionnaire de Droit Canonique, art. «Chancelier», t. III, col. 457-458, cité par R. Gane, [15].

106 GABRIEL, A. -L., « Les écoles de Notre-Dame et le commencement de l'Université de Paris », dans Huitième Centenaire de Notre-Dame de Paris, Paris, 1967, [13], p. 164, et cité par R. Gane, [15].

107 CUP, [IV], t. III, p. 324, ; J. -B. Jaillot, Recherches critiques, historiques et topographiques sur la ville de Paris, (15 vol. Paris, 1772-1775), t. I : « La cité », p. 143, cité par R.Gane, [15].

108 G. Bourbon, « La licence d'enseigner et le rôle de l'écolâtre au Moyen Âge », dans Revue de Questions Historiques, t. XIX, 1876, (p. 543 et s.), p. 537, cité par R. Gane, [15].

109 P. Féret, La Faculté de Théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, (4 vol.) Paris, 1894-1897, p. 99 ; cité par R. Gane, [15].

110 « La direction des écoles au XIe et au début du XIIe siècle fut confiée aux écolâtres (scholastici) qui, pour la plupart, excellaient par l'éclat de leur enseignement. A Paris, il furent choisis parmi les membres du chapitre et jouissaient de la prébende ordinaire d'un chanoine. Malheureusement, aucun document ne nous révèle un personnage à Paris qui auraient porté le titre d'écolâtre ou scolasticus » - GABRIEL, A. L., Ecoles de Notre-Dame et commencement de l'Université, [13], p. 156.

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Notre-Dame. Il est nommé par l'évêque111. Parmi les premiers devoirs du chancelier, on retrouve la charge de bibliothécaire et, peut-être, la direction d'un petit scriptorium. Il devait donc corriger, relier, garder et conserver tous les livres de l'Eglise de Paris112, exception faite de ceux du chant113.

Cependant son devoir principal consistait en la surveillance de l'enseignement et de la nomination du maître du cloître : « instituere magistrum in claustro qui sufficus sid ad scolarum reginem »114.

Le droit de conférer la licence d'enseigner, qui permettait au nouveau maître de commencer son inceptio, fut exercé assez tôt par le chancelier. Celui-ci devenait ainsi par ce droit le représentant du pape auprès de l'évêque et de l'Université de Paris. Alexandre III reconnut ce droit, mais en 1170-1171, dans sa bulle, Quanto Gallicana, il interdit de demander une rétribution monétaire pour la licence accordée : « pro prestanda licentia docendi alios ab aliquo quidquam amodo exigere audeant »115. Pierre le Mangeur fut la seule exception. Ce chancelier de l'Eglise de Paris, de 1168 à 1178, fut autorisé par Alexandre III, compte tenu de sa réputation, d'accepter certaines rémunérations pour la licence accordée116.

La somme exigée des impétrants pour l'obtention de la licence était assez élevée et beaucoup de maîtres parisiens réagirent contre la vente de la licentia docendi. Le Concile de Latran, en 1179, renforça de nouveau les décrets antérieurs interdisant son commerce.

Mais, par la suite, il fut difficile d'interdire aux chanceliers de ne pas exiger une compensation financière pour avoir accorder la licence. En 1209, le successeur du chancelier

111 Comme le chantre et les trois archidiacres (Paris, Josas, Brie), tandis que le doyen était élu par le chapitre. Ibid.

112 CUP, [IV], I, n. p. 81 : « [...] Cancellarium Parisiensem fuisse tunc solum scribam Universitatis chartarumque custodem : Quis nescit, alia fuisse cancellarii in ecclesia, alia in Universitate munia ? Itaque capituli commentaria confecerit, cartasque ejus et instrumenta publica conscripserit, sigilli capitularis custodiam habuerit, bibliothecam curaverit, magistrum idoneum scholae claustrali praefecerit, qui sufficiens esset ad scholarum regimen et ad officium, quod debebat facere in ecclesie, et ad litteras capituli si opus esset faciendas, nil ad rem nostram. »

113 Lesquels relevaient de la compétence du chantre.

114 CUP, [IV], I, ep. 21, p. 81 : « Compositio facta inter capitulum Parisiense et cancellarium super sigillo. 1215, mense Octobri, [Parisiis] ».

115 CUP, [IV], I, Intro., p. 5, n. 4 : « que la science qui doit être dispensée à tous gratuitement, ne semble pas à l'avenir taxée à prix d'argent ».

116 CUP, [IV], I, ep. 8, p. 8 : Alexander III Petro cardinali S. Chrysogoni, apostolicae sedis legato, mandat ut cum alii super scholarum regimine Parisiensium provideat, ita quod personam magistri Petri cancellarii Parisiensis non excedat, quod exinde fecerit.

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Prévôtin, Jean de la Chandeleur, vendait ouvertement la licence et exigeait de l'argent des maîtres ; il est alors réprimandé par Innocent III en 1212, par l'entremise de l'évêque de Paris, Hervé117. Devant, le refus du chancelier de se plier aux recommandations du pape, les maîtres ès art, n'eurent d'autres solutions que de transférer leurs activités sur la rive gauche de la Seine. Ils échappaient ainsi à la juridiction du chancelier de Notre-Dame pour placer leurs écoles sous celle de celui de Sainte-Geneviève. Ainsi, à la fin du XIIe siècle, l'abbaye de Sainte-Geneviève réputée pour la qualité des leçons publiques que donnent des maîtres aussi prestigieux qu'Abélard, Jocelin, Robert de Melun et Gautier de Mortagne118, réclame le droit d'accorder la licence d'enseignement pour toutes les disciplines, dans l'étendue de sa seigneurie. En 1222, le pape Honorius III prie le chancelier de Notre-Dame de ne pas troubler la liberté des maîtres qui enseignent à Sainte-Geneviève et le pape Grégoire IX va plus loin en faisant droit à la demande de l'abbaye qu'il autorise, par une bulle de 1227, à délivrer la licence d'enseignement119. Le chapitre de Notre-Dame ne peut qu'enregistrer cette restriction apportée aux prérogatives du chancelier. L'importance de la licence, et son attribution, vient de l'association qui est faite entre ce diplôme et la large de gamme de charges et d'offices auxquels elle permet d'accéder. Les avocats du Parlement ou au Châtelet, les conseillers du roi, les gens de sa chambre des comptes, tous ces gens de justice ou d'administration intervenant dans les actes fonciers, indiquent qu'ils sont licenciés, le plus souvent en droit120.

Mais le XIIe siècle fut aussi celui des chanceliers érudits et des évêques savants. Il est difficile d'établir une liste complète des chanceliers121, mais pour la seconde moitié du XIIe

117 CUP, [IV], I, ep. 14, p. 73 : « (...) Miramur non modicum et movemur quod, sicut ex dilectorum filiorum scolarium Parisiensium querala didicimus, a volentibus scolas regere, quos etiam magistrorum assertio idoneos asserit ad regendum, juramentum fidelitatis vel obedientie ac interdum pecunie precium dilectus filius ... cancellarius Parisiensis nititur extorquere, pro motu proprio incarcerans delinquentes, ubi etiam non presumitur, quod pro enormitate delicti examen judicis debeant fuge presidio declinare, ac exigens pecuniam ab eisdem (cum in personam, non in facultates, vindicari requirat excessus), in usus proprios convertit eandem, ut videatur vindictam cupiditatis ardore potius quam zelo justicie exercere ».

118 Comme le chapitre de Notre-Dame, l'abbaye de Sainte-Geneviève relève directement de l'autorité du pape et n'est pas soumise à l'autorité épiscopale, comme précisé dans le chapitre sur l'Université ; Cf. supra.

119 GABRIEL, A. L., Les écoles de la cathédrale de Notre-Dame et le commencement de l'Université de paris, [13], p. 157-160. La bulle de Grégoire IX est reproduite dans CUP, [IV], I, ep. 55 et s., p. 111.

120 Le service du roi, au sens large et notamment dans sa justice, offre davantage de possibilités que celui de l'Eglise. Le niveau de doctorat concerne moins de monde car pour obtenir ce grade il fallait achever un long parcours d'études ; cependant, il ouvrait la possibilité de belles carrières, soit dans l'Université, soit dans l'Eglise, comme l'office de chancelier et le tremplin qu'il a constitué vers d'autres offices ecclésiastiques plus prestigieux tend à le prouver, à travers des personnages comme Pierre d'Ailly notamment.

121 Denifle -Chatelain, CUP, [IV], I, p. XIX - XX, op. cit..

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siècle et les siècles suivants la liste est plus complète122. Les crises qui opposent alors et ensuite les chanceliers à l'Université sont autant d'étapes qui marquent une évolution dans la fonction de ce dignitaire du chapitre, laquelle se poursuit au sein même du chapitre et dans la société laïque. Cette évolution est constante ; ainsi dès 1360, puis en 1370 et 1408, il est rappelé que la fonction de chancelier est avant tout un office attaché au chapitre cathédral et ne confère pas à celui qui l'exerce une quelconque dignité123.

A l'origine de l'Université, durant sa période de formation et de consolidation de la corporation des maîtres, dans les années 1140 à 1178, les chanceliers recevaient un paiement pour chaque attribution de licence. Les maîtres répugnaient généralement à payer pour obtenir la licence, mais cela n'était cependant pas un obstacle dans leur formation ; ce qui était déjà le cas alors que Pierre le Mangeur (Petrus Comestor) était chancelier. Aucune protestation ne fut faite à son encontre dans cet office, au moins entre 1164 et 1168, quand il fut explicitement autorisé par le pape à obtenir des honoraires pour l'attribution des licences124.

Dans les premières écoles cathédrales, nous l'avons déjà remarqué, l'officiant en charge de la supervision des écoles et de l'attribution des licences pour enseigner était appelé scholasticum ou magister scholarum. A Paris, durant la seconde moitié du XIIe siècle, les charges de scholasticus furent prises par les chanceliers, choisi parmi les huit dignitaires du chapitre des chanoines de la cathédrale Notre-Dame.

122 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor and the University of masters and students at Paris during the middle ages, [14], 1976, p. 146-151; cf. supra dans l'introduction et notes 11 et 13 ; dans le Manuscrit d'Ajaccio (MS Ajaccio, [III], BM I38, fol. 71 - 135) des noms de chanceliers ne faisant pas partis de la liste retenue par Denifle et Chatelain et Gabriel sont cités ; cependant, il ne figure dans aucune autre source consultée, ce qui nous oblige, pour le moment, à ne pas les retenir dans notre étude.

123 LL 265, [XII], f. 260 : « Cancellaria est simplese officium dumtaxat et non dignitas : hodie Decretum ut Canellariam non esse dignitatem sed simplese officium et quod cum officiis ecclesiae parisienses obtinentes illa etiam cum illis obtinebant Beneficia curata », Reg. 2 p. 292 ; « Sevibantus litterae testimoniales qualites Cancellaria Parisiensis reputata fuit ab antique et adhuc reputatus officium in ecclesia et capitula parisienses. », 1370, Reg. 3 p. 579 ; « De supplicatione domini cancellarii (Gerson) quod habeat litteras testimoniales quod cancellaria non est dignitas sed officium simplex cum litteris recomendatonis »", 1408, Reg. 6 p. 125. » Il est peut être possible de voir dans cette distinction le résultat de la lutte d'influence qui oppose le recteur de l'Université au chancelier, notamment dans la préséance entre ces deux personnages lors des remises des licentiae docendis, et dont témoignent les nombreuses suppliques adressées au pape par les différentes facultés pour arbitrer ce différent récurrent. Cette distinction est aussi une marque des prérogatives extérieures que le chapitre souhaite affirmer en toute circonstances. Ainsi en est-il également des considérations chancelières de sa supériorité dignitaire sur le recteur de l'Université, même si, nous l'avons dit (cf. supra et introduction, p. 3), la fonction de chancelier n'est pas une dignité. Il ne faut donc pas confondre les termes « dignitaire » (dignitate, littéralement celui qui est revêtu d'une dignité, esse cum dignitate) et « dignité » (dignitas, tatis, auquel il serait mieux de préférer le terme honor), comme cela a pu être le cas de certains érudits.

124 CUP, [IV], I, ep. 8, p. 8 ; Cf. supra n. 116.

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Plus tard, dans d'autres universités, la dignité de chancelier fut confiée à l'évêque de la cité ou au prévôt des chanoines du chapitre de la cathédrale, mais toujours à un dignitaire ecclésiastique. La tradition de choisir le chancelier dans les rangs du clergé était si forte que même les empereurs ou les princes locaux choisissait uniquement des dignitaires ecclésiastiques pour servir dans leurs universités.

Les charges de chancelier de l'Université étaient donc similaires à celles de chancelier royal. Il était le custos du cachet du chapitre de la cathédrale ; il envoyait les lettres en plus de sa charge de la bibliothèque pour la constitution des collections de livres et leur présentation. Mais sa tâche principale était de superviser l'enseignement et d'appointer les Maîtres du « cloître »125.

Sa charge la plus importante était donc la délivrance des licences d'enseignement. Le pape Alexandre III dans la bulle Quanto Gallicana, éditée en 1170-1171, interdit de demander un paiement pour ce service, mis à part la dispense attribuée seulement au chancelier Pierre le Mangeur126. La Renaissance intellectuelle du XIIe siècle entraîne une multiplication du nombre des maîtres et de la présence d'étudiants étrangers aptes à enseigner ; l'enseignement devient alors une entreprise très lucrative. Il semble naturel que le chancelier, qui délivrait les licences, souhaite partager les profits réalisés par les maîtres. Ainsi, sans être réellement officiel, le « simonisme scolastique »127 était né. C'est ce droit au profit qui fut au centre d'un grand conflit qui opposa le chancelier aux maîtres de l'Université de Paris de 1384-1386.

A travers ce conflit c'est l'autorité même du chancelier qui était contestée par les maîtres et, indirectement, par le recteur de l'Université. Or l'autorité du chancelier trouvait son origine en partie dans le privilège royal donné par Philippe Auguste en 1200 et en partie dans la confiance papale autorisant le chancelier de délivrer la licence pour enseigner n'importe où dans le monde chrétien. Le chancelier est également, un représentant du pape, Commissarius Pape, comme Pierre d'Ailly qui se présente comme tel en 1385128.

L'autorité du chancelier fut donc renforcée tout d'abord par le privilège, donné par Philippe Auguste, mettant les étudiants en dehors de la juridiction du prévôt de Paris, et sous

125 « Et talem instituere magistrum in claustro, qui sufficiens sit ad scolarum regimen », CUP, [IV], I, ep. 21, p.81.

126 Comme nous l'avons indiqué précédemment; cf. supra notes 116 et 124.

127 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor and the University of masters and students at Paris during the middle ages, [14], 1976.

128 Voir MS Ajaccio, [III] ; GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge (XIIIe - XVe siècles), [21], Paris, 1987.

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celle de l'évêque de Paris : « reddet eum justicie ecclesiastice »129. L'office de chancelier recouvre ainsi une fonction de juge en lieu et place de la justice royale, puisqu'il a la charge de l'enseignement au sein du chapitre. Ainsi si un universitaire, maître ou étudiant, arrêté, par le prévôt, n'était pas relâché après l'intervention de deux maîtres et, en recours ultime, du recteur lui-même, alors ce dernier devait en appeler au chancelier puis à l'évêque ou son représentant pour que l'individu soit relâché130. Cette compétence juridictionnelle du chancelier sur les étudiants fut confirmée par plusieurs décrets au cours du XIIIe siècle, dont celui du 18 novembre 1234131. Le chancelier était donc considéré dans ce cas comme supérieur au recteur en autorité.

L'autorité du chancelier reposait principalement sur sa compétence pour la délivrance

de la « licentia docendi », non en son nom mais en celui du pape, non comme un représentant du Chapitre de la cathédrale Notre-Dame mais comme représentant du souverain pontife lui-même. Sa fonction a très bien été définie par le chancelier Gauthier de Château Thierry (1246-1249), qui fut ensuite évêque de Paris. Gauthier disait que si les clefs de l'apprentissage étaient l'apanage des maîtres, le trésor de la connaissance était, dès lors, entre les mains du pape ou, sur son ordre, du chancelier132.

L'autorité du chancelier a été, par la suite, renforcée, du milieu du XIIe siècle à la fin du XVe siècle, de Pierre le Mangeur à Pierre d'Ailly, et à Jean de Gerson, par le fait qu'il était reconnu comme universitaire de premier plan. Déjà, dès le XIIIe siècle, Jean de Garland reconnaît que le chancelier de Notre-Dame dirige les études133. La « Bataille des sept Ars »,

129 CUP, [IV], I, ep. 1, p. 60: « et tunc arrestabit eum justicia nostra in eodem loco sine omni percussione, nisi se defenderit,et reddet eum [l'étudiant] justicie ecclesiastice, que eum custodire debet pro satisfaciendo nobis et injuriam passo ».

130 « Et si prepositus eum [l'étudiant] reddere noluerit rectori, tunc reccurret rector ad cancellarium et postremo ad episcopum uel officialem ejusdem », CUP, [IV], I, ep. 197, p. 223.

131 « Ratione jurisdictionis ordinarie quam obtinetin eisdem subjecti erant cancellario memorato », CUP, [IV], I, ep. 105, p. 156.

132 CUP, [IV], I, p. XI : « Ante saec. XIII officium Cancellarii Parisiensis sic explicabatur, magistris commissas esse « claves scientiae a domino Papa, vel a Cancellario Parisiensi ex ordinatione domini Pape, ad aperiendum thesaurum sapientie » ; CUP, [IV], I, p. XI, n. 2.

133 CUP, [IV], I, p. XIX : « Ab abbate S. Genovefae ab anno 1222 licentiatos invenimus, sed, crescente Artium magistrorum numero qui jurisdictionem Montis un vico Garlandiae petierunt, Cancellarius ibi necessarius fuit ».

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un poème du XIIIe siècle, désigne le chancelier comme le premier clerc de France134. Robert de Sorbon, dans son De consciencia, le décrit comme un homme d'une telle connaissance que les étudiants étaient terrifiés à l'idée de lui adresser la parole135.

Mais la crainte évoquée par Robert de Sorbon relève tout autant de la fonction même du chancelier qui est celui qui attribue la licentia docendi. Les étudiants étaient alors d'autant plus impressionnés par ce personnage que c'était de lui que dépendait la suite de leur carrière universitaire. Ainsi il faut voir dans les plaintes des maîtres contre le chancelier à propos du paiement de la licence, non pas le soucis d'assurer à leurs étudiants le moins de frais possibles dans l'octroi de celle-ci, mais un moyen pour la formation et le développement de la corporation des maîtres et des étudiants à la fin du XIIe siècle : le conflit était alors institutionnel136. Les oppositions suivantes entre le chancelier comme commissarius du pape dans l'attribution des licences et l'Université permirent de mieux affirmer et clarifier les droits et privilèges de celle-ci et les prérogatives du chancelier.

Les conflits des XIIIe et XIVe siècles furent centrés autour d'une série de controverses dont le droit du chancelier d'accorder la licence d'enseignement, la méthode d'examen des candidats et le rôle des facultés dans cet examen, la rémunération financière du chancelier pour l'attribution de la licence, la question de la direction du conseil de l'Université entre le recteur ou le chancelier, le droit du chancelier d'évaluer la qualité de l'enseignement des maîtres et de leur préparation des candidats à la licence.

L'affrontement du premier quart du XIIIe siècle, en 1212-1213 et 1219, déboucha sur le renforcement de la solidarité des Universitas, c'est-à-dire des facultés parisiennes, et clarifia les conditions d'attribution de la licentia docendi, codifiée brièvement dans les statuts

134 La Bataille des VII Ars of Henri d'Andeli and the Morale Scolarium of John of Garland, in PAETOW, Louis John, Memoirs of the University of California, vol. 4 No. 1 et 2, Berkeley, 1927, P. 44: Vv. 84-86:

Par le conseil au chancelier

Ou ele avoit molt grant fiance

Quar c'ert li mieldres clers de France

(La Bataille des VII ars).

cité in GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor and the University of masters and students at Paris during the middle ages, [14] p. 109.

135 « Multi autem bene respondent coram aliquibus simplicibus [magistris], qui male responderent coram Cancellario, perterriti et stupefacti propter magnitudinem sue sapiencie », CHAMBON, F., Robert de Sorbon. De consciencia et De tribus dietis, Paris, 1903, P. 18 chapt. ; cité in GABRIEL, Astrik L., Ibid..

136 VERGER J., Le chancelier et l'université à Paris à la fin du XIIIe siècle, in Les universités françaises au Moyen Age, 1995, [43], Introduction.

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de 1215 de Robert de Courçon, et plus largement dans la bulle Parens Scientiarum de Grégoire IX en 1231.

Les maîtres de la faculté de théologie et de droit canon furent assurés du droit de participer à l'attribution de la licence s'il témoignait de la qualité du candidat. Pour la licence de théologie, l'opinion de la majorité des maîtres sur le candidat semble avoir été rendue obligatoire par le chancelier. Néanmoins toute personne n'ayant pas été licenciée par le chancelier pouvait l'être par l'autorité papale. Cependant, le langage ambigu de la bulle pontificale semble indiquer que le chancelier, d'aussi loin que les théologiens étaient concernés, avait le droit d'octroyer la licence à toute personne de son souhait. Le chancelier bénéficiait d'encore plus de liberté dans l'attribution de la licence aux physiciens. Le coût de l'examen pour les étudiants de la faculté des arts était à la charge de la faculté et sur les six maîtres retenus pour participer à l'examen, trois étaient choisis par le chancelier.

De son côté et malgré quelques tentatives de pression de la part d'un certain nombre de maîtres, le chancelier de Sainte Geneviève, le Cancellarius Superior, ne fut jamais un sérieux rival pour Notre-Dame, Cancellarius Inferior. Le chancelier de Sainte Geneviève accueillait les artistes qui émigraient de la Cité dans son territoire autour de 1219-1222. Le pape Honoré III prévient le chancelier de Notre-Dame de ne pas priver de leur liberté de mouvement ceux des théologiens et des chanoines qui désiraient être promu par le chancelier de Sainte-Geneviève au lieu de prendre la licence inter duos pontes. Cependant, il apparaît que seuls les étudiants de la faculté des arts semblent avoir sollicité la montagne Sainte-Geneviève.

Dans le même ordre d'idée, quelques-unes des attaques et des tirades des chanceliers contre l'Université, comme celle de Philippe le Chancelier, de 1218 à 1236, peuvent être expliquées à travers leur opposition avec la corporation des maîtres et des étudiants. Il affirme dans un de ses sermons que les principes mêmes de l'organisation corporatiste sont mauvais et incompatibles avec une bonne marche des études. Philippe fut sévèrement réprimandé par le pape pour avoir emprisonné et excommunié des étudiants qui ne reconnaissaient pas son autorité137. Cependant, habile politicien, le même Philippe le Chancelier se rangea au côté de

137 CUP, [IV], I, ep. 33, p. 93 : « Honorius III Philippum cancellarium Parisiensem propter gravia quaedam accusatum et ad suam praesentiam constitutum Parisios remittit, quia nullus accusator comparuit » ; CUP, [IV], I, ep. 45, p. 102-104 : « Honorius III archidiaconis Remensi ac Senonensi et mag. Petro de Collemedio ut exsecutoribus scribit, quae pendente lite inter Guillelmum episcopum, Philippum cancellarium et officialem Paris. ex una, et magistros et scholares ex alia parte, observari debeant prohibetque ne episcopus nec aliquis alius ejus nomine in Universitatem sententiam excommunicationis proferre possit. Interim etiam usus sigilli

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l'Université durant la crise de l'exode de 1229-1231, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour attirer les étudiants d'Orléans et d'Angers à Paris. De même dans le conflit qui opposa les Séculiers aux Mendiants, au milieu du XIIIe siècle, le chancelier, alors que nombre d'étudiants ou de maîtres étaient des clercs, prit une attitude prudente de non intervention et se soumit à la bulle Quasi Lignum Vitae d'Alexandre IV datant de 1255.

Sur l'ensemble des conflits entre le chancelier et l'Université, un débat important porta sur la question de la préséance entre le chancelier et le recteur. La question était d'importance puisqu'elle posait le problème d'une université bicéphale et de l'autonomie de celle-ci face à l'évêché parisien. Le conflit éclata entre la faculté des arts et le chancelier Philippe de Thory aux alentours de 1280-1284. La dispute autour de la même question de la supériorité fut posée plus violemment de 1282 et 1286 entre Jean Blanchart et l'Université138.

A la fin du XIIIe siècle, l'Université, non seulement comme collège, mais aussi au nom de quatre facultés distinctes accomplit la consolidation de son autonomie vis-à-vis du chancelier. En 1271-1272 la faculté de droit canon réclama le droit d'utiliser son propre sceau, et la faculté de médecine fit de même en 1274 pour valider les documents officiels et attester de la légitimité des licences qu'elles attribuaient.

Malgré une série de décrets et de mises en gardes du pape, comme différents statuts interdisant l'acceptation d'honoraires ou d'émoluments des impétrants à la licence par le chancelier, la coutume d'offrir des cadeaux au chancelier ne pu pas être éradiquée et fut même finalement tolérée, et non pas autorisée comme dans le cas de Pierre le Mangeur.

Durant le conflit de 1290 entre le recteur de l'Université et le chancelier Berthault de Saint Denis, celui-ci fut accusé de vendre toutes sortes de faveurs à des ignorants. Mais durant les cent ans qui suivirent le début de cette dispute, on remarque qu'il n'y eut que très peu d'accusation contre le chancelier à propos de cadeaux qu'il aurait accepté pour la délivrance de licences. En 1384 la pratique du don d'argent ou de cadeaux pour recevoir le signetum ou pour obtenir la licence fut universellement acceptée comme une coutume traditionnelle qui aurait toujours existé. Entre 1350 et 1380 peu de plaintes furent enregistrées contre le chancelier, car l'Université fut occupée par sa résistance au prévôt de Paris, et dans ce cadre,

scholarium suspendatur, nec scholares secundum nationes suas sibi quemquam ad ulciscendas injurias praeficiant. 1222, Maii 32, Alatri. »

138 Sur cette affaire la meilleure étude est celle proposée par BERNSTEIN, A. -E., Pierre d'Ailly and the Blanchard Affair. University and Chancellor of Paris at the Beginning of the Great Schism, Leyde, 1978, [3] que l'on peut completer par VERGER J., Le chancelier et l'université à Paris à la fin du XIIIe siècle, [43].

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le chancelier pouvait se révéler être un allié utile. Les prisons ne furent plus sous la responsabilité du chancelier dès le début du XIIIe siècle, ce qui marquait la fin d'une partie de son pouvoir séculaire face au prévôt de Paris. Celui-ci fit construire deux prisons spéciales pour les membres de l'Université.

Ainsi, durant le XIIIe siècle, les conflits entre les chanceliers et l'Université permirent le développement de l'autonomie de l'Université en clarifiant les droits et les privilèges concernant les deux parties. L'Université conservait un droit de regard sur les jugements du chancelier en matière d'enseignement et pour la préparation des candidats.

Le conflit de 1330-1332 entre la Faculté de médecine et le chancelier Guillaume Bernard de Narbonne fit éclater au grand jour les abus dans les attributions des licences sur recommandation de personnes influentes, comme les rois ou les princes, ne tenant pas compte des formalités d'usage comme la consultation en premier lieu de la faculté dont était issu l'impétrant. La dispute autour de ce « simonisme scolastique » rappela quelques droits oubliés comme celui d'avoir à consulter l'ensemble de la faculté et pas uniquement quelques maîtres.

Aux alentours de la fin du XIVe siècle, les conflits eurent plutôt tendance à refléter des ambitions personnelles de certains chanceliers puisque la réforme des statuts de l'Université de 1366 proposait, notamment, de régler, avec Grimaud Boniface, le problème de la compétence dans la collation de la licence d'enseignement139. Ainsi l'importance de l'opposition de 1384-1386 se focalisait plus particulièrement sur la question de la rémunération pour l'obtention de la licence. Mais même cette contestation entre Jean Blanchart et l'Université, alimentée par une intrigue et des problèmes plus personnels, ne suffit à résoudre ce problème de la gratuité de l'octroi de la licence, qui resta insoluble même après le XVIe siècle140. Pierre d'Ailly, avec ses riches bénéfices, combinées à son érudition scolastique, montra une autorité incontestable dans son office141. Il fut suivi par des chanceliers qui assurèrent une direction forte à l'intérieur de l'Université durant le XIVe siècle. L'office de chancelier fut remarquable du temps de personnages tels que Jean Gerson, de 1395 à 1429, Jean Chuffart, 1433 à 1451, Robert Ciboule, de 1451 à 1458, Jean de Oliva, de 1459 à 1471, et Denis Citharedi, de 1471 à 1482.

139 Cf. supra dans l'étude de Grimaud Boniface et CUP, [IV], III, ep. 1319, p. 143-148.

140 Ibid. Pour une étude plus approfondie de ce problème central de l'octroi de la licence par le chancelier, il est nécessaire d'ouvrir cette étude sur le temps long, c'est-à-dire jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

141 GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge (XIIIe - XVe siècles), [21], Op. cit..

142 La dénomination de l'Université de Paris comme fille aînée du roi date des statuts de Jean de Courçon en 1215.

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Si les chanceliers du chapitre de Notre-Dame de Paris ont laissé une empreinte profonde dans la vie intellectuelle de l'Université de Paris au Moyen Age, la liste d'une quarantaine de chanceliers du XIIe au XVe siècle comporte de nombreux noms célèbres, tout à la fois à cause des écrits et traités qu'ils laissèrent que par les fonctions ecclésiastiques qu'ils tinrent ensuite. Ainsi, quatre chanceliers devinrent évêques et quatre cardinaux. Par les textes qu'ils produisirent, ils eurent un rôle important dans la constitution de la pensée philosophique, théologique et juridique de l'Université de Paris. Si les chanceliers montrèrent généralement un manque d'érudition en ce qui concerne la théologie et le droit canon, ils furent cependant dans une excellente position pour défendre, vis-à-vis de la corporation des maîtres et des étudiants leurs propres droits, autorité, et pour provoquer la constitution d'une législation fructueuse concernant l'autonomie et les privilèges de l'Université. A la fin du XIVe siècle, la charge de chancelier était revêtue d'un grand respect et d'un grand prestige à leur charge. Ce n'est pas la fonction qui apportait le prestige au chancelier, mais le chancelier qui donnait autorité à sa charge. Il put réaliser cela en faisant disparaître, voir oublier, les nombreux conflits qui l'opposèrent à l'Université, et en changeant les difficultés en compromis bénéfiques.

Au début du XVe siècle, jusqu'à la prise de Paris par les Bourguignons en 1418, l'Université peut prétendre jouer un rôle de premier plan aussi bien dans la vie de l'Eglise que dans celle du royaume, et par conséquent il en va de même pour ceux qui en ont la charge, les maîtres et le recteur, et celui qui en a la responsabilité, le chancelier. Placée sous l'autorité directe des papes, reconnue et protégée par les rois, établie dans la capitale du royaume de France, l'Université de Paris a une vocation universelle, c'est-à-dire à l'échelle du monde chrétien. Elle approfondie et répand, par sa faculté de théologie, la connaissance de Dieu et elle forme les hommes qui dans l'Eglise ou dans la société médiévale soutiennent et aident tous les autres à faire leur salut. C'est pourquoi, il ne faut pas s'étonner que les maîtres parisiens estiment jouer un rôle de premier plan. Et le chancelier Gerson l'a bien compris lui qui, en 1405, dans le discours pour la réforme du royaume qu'il adresse à Charles VI déclare à propos de la place de l'Université : « Mais tournes s'il vous plaist ung peu les yeulx de vostre consideracion envers la fille du roy [l'Université de Paris]142 et les ostez de moi ; avisez bien son estat et sa composicion, et vous verres tres convenablement luy apartient de fait et de

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parole ce noble cry : vive le roy. Pour quoy ? Regardes la faculte de medecine : elle cure et gouverne la vie corporelle. Regardez philosophie morale, ethiquez, yconomiquez, politiquez, de quoy traictent les ars et le droict et loys, et vous trouverez que par cez deux facultez est gouvernee la vie civile et politique. Theologie, c'est de certain gouverne la vie espirituelle, divine et catholique. [...] L'office de la fille du roy est traictier et enseigner verite et justice [...]. Pensez doncques comme la fille du roy est dicte comme le bel oeil cler mis en ce royaume pour veoir tout ce qu'est a faire, et est comme la guette mise au plus hault de la tour pour regarder que mal ne viengne ; et le sonner [...]143. » Le chancelier Gerson n'oublie personne dans son discours et cite même les quatre facultés qui forment l'Université : médecine, droit, arts et théologie. Cependant, en plaçant en dernier la théologie, il marque l'importance de celle-ci sur toutes les autres, car elle est au sommet de la hiérarchie des sciences.

Gerson n'est plus comme Philippe le Chancelier ou Jean Blanchart un chancelier qui se débat contre l'Université pour en garder le contrôle. Il est un chancelier qui la défend, qui l'accompagne dans ses revendications universaliste et d'interventionniste dans tout ce qui concerne le monde. Et ainsi, il est juste que l'Université dise ce que doit être l'autorité du roi et la bonne manière de gouverner la cité. Ainsi il est normal qu'elle soit le guetteur qui prévient le royaume des dangers qui pourraient le toucher. Ainsi le roi est sage s'il ne néglige pas son conseil. Ainsi l'Université gagne sa légitimité non seulement par son autonomie vis-à-vis de l'Eglise, mais par son action de plus en plus grande dans la politique royale.

Et le chancelier dans tout cela ? N'est-il pas le garant de la qualité de ce qui est enseigné dans l'Université par sa faculté de distribuer la licentia docendi ? N'a-t-il pas un rôle plus éminent à jouer dans la société par ce biais ? Et, justement, ce rôle plus concret est celui que vont tenter de jouer les grands maîtres144 à travers leurs propositions et leurs actions pour le règlement du Grand Schisme et la seconde phase de la guerre de Cent Ans. Il ne leur suffit plus de conseiller, il leur faut prendre parti mais cela se fait au détriment des étudiants qui se trouvent ainsi abandonnés par des maîtres accaparés par des charges qu'ils jugent plus importantes. Le chancelier, se présente comme un repère pour l'Université dans cette période de tourments qui s'ouvre ; Gerson tente d'entraîner l'Université à prendre parti dans le conflit qui oppose Armagnacs et Bourguignons, en faveur des premiers contre le tyrannicide des

143 Vivat Rex, in GERSON, Jean, OEuvres complètes, [IX], éd. Glorieux, P., Vol. VII* : l'oeuvre française - Sermons et discours, n° 398, p. 1144-1145, p. 1145 Paris-Tournai, 1968 ; sur ce discours, voir DACREMONT, Henri, Gerson, [8], Paris, 1929, Ed. Jules Tallandier, p. 7 à 33.

144 A ce titre, Pierre d'Ailly et Jean Gerson sont à la fois des grands maîtres et des chanceliers.

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seconds ; mais le poids du chancelier est bien faible face à la situation même de l'Université. Etant implantée dans la capitale, l'Université devait ainsi en subir les mêmes conséquences et soutenir, malgré elle, les Bourguignons et le chancelier choisir pour un tant l'exil dans une province voisine ; mais tel n'est pas le sujet principal de notre propos. Dans cette affaire, Gerson, en tant que chancelier, s'occupait donc moins de la fonction sociale de l'Université que du rôle de guide du pouvoir qu'elle revendiquait et qu'il entendait jouer, lui le chancelier, de par sa fonction. Mais nous pouvons considérer que ce fut un échec dans la mesure où l'inertie de l'Université, liée à sa situation géographique fut plus forte que la volonté de son chancelier. Après la guerre de Cent Ans, ni l'Université de Paris, ni le chancelier n'ont semble-t-il plus le même prestige qu'ils avaient atteint en cette première moitié du XVe siècle.

Cette évolution de la charge de chancelier de Notre-Dame, que nous avons sommairement rapporté ici, principalement vis-à-vis de l'Université, mériterait d'être analysée dans le détail pour chaque chancelier qui s'est succédé à ce poste. Cette évolution doit également prendre en compte les changements de la fonction chancelière vis-à-vis de l'Eglise145 mais aussi de la société médiévale dans son ensemble. Cependant, compte tenu de l'importance du corpus, c'est un travail de thèse qui permettra de réaliser cette étude.

145 Une étude croisée peut, notamment, être envisagée dans une partie entre le chancelier de Notre-Dame de Paris et celui de la montagne Sainte-Geneviève.

57

Conclusion.

 la charnière de deux mondes, le chapitre et l'Université, le chancelier est sans doute l'un des personnages les plus importants de son époque. Jaloux de ses prérogatives, il n'eut de cesse de les préserver du XIIe au XVe siècle face à une Université, que les rois et les papes souhaitaient voir prendre de plus en plus d'importance dans une société occidentale en pleine reformation.

Si certains chanceliers, comme Pierre le Mangeur, Pierre d'Ailly ou Jean Gerson, sont restés célèbres, c'est parce qu'ils ont aussi été des auteurs célèbres, des maîtres renommés, continuant à enseigner durant leur cancellariat, et qu'ils ont souvent proposé des modèles à suivre. D'autres, comme Philippe le Chancelier ou Jean Blanchart et, dans une moindre mesure Pierre le Mangeur, ont marqué cet office ecclésiastique par leur volonté d'en tirer profit et par leur refus de céder sur les avantages qu'il leur procurait. Les exceptions sur le paiement du droit à la licence, alors qu'au départ elle devait être délivrée gratuitement, sont devenues ainsi une coutume dont il a été ensuite bien difficile de combattre les abus. D'autres encore, comme Grimaud Boniface, n'ont pas laissé de traces remarquables ou critiquables de leur passage dans la fonction chancelière mais ils ont participé tout autant que leurs prédécesseurs ou ceux qui les ont suivi à son évolution.

Nous avons pu également constater que le chancelier reste un universitaire puisque tous sont passés par la faculté où, pour la plupart ils ont obtenus un doctorat en théologie. Mais il est aussi un homme d'Eglise et cette fonction canoniale a représenté pour quelques-uns, comme Pierre d'Ailly, une sorte de tremplin vers d'autres fonctions ecclésiastiques supérieures, sinon, elle a apporté un appoint financier conséquent par le cumul des bénéfices. Ainsi de nombreux chanceliers, tels Philippe le Chancelier ou Grimaud Boniface que nous avons plus particulièrement étudiés, ont cumulés les offices canoniaux étant titulaires de plusieurs prébendes.

Cette fonction apporte donc, avec la prébende qui lui est attachée, un complément conséquent de revenus, mais aussi un accroissement d'honneurs et de prestige pour, éventuellement, aller plus loin, mais le chancelier a aussi conscience que sa fonction est importante et qu'il a un rôle à jouer dans une société en mutation.

Le chapitre de Notre-Dame, dont il est dignitaire, est consulté sur des questions dogmatiques dont il est le fervent défenseur de l'orthodoxie, rejetant violemment les hérésies,

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n'hésitant pas à s'opposer parfois au pape. L'Université de Paris est aussi un lieu de débats et de controverses que le pouvoir pontifical a parfois du mal à tempérer ou, à tout le moins à arbitrer.

Interlocuteur privilégié des autorités pontificales qu'il représentait avec l'Université, le chancelier, sûr de son bon droit, n'a pas toujours voulu voir la place de plus en plus importante que lui disputaient les maîtres, et le recteur, dans leur volonté d'autonomisation vis-à-vis de tout pouvoir politique ou spirituel ; peut-être avait-il peur de raviver des rancoeurs récurrentes, comme celles autour de la collation de la licentia docendi.

À la fois « fille aînée du roi » et fer de lance de la théologie, car formatrice des docteurs savants dont l'Eglise a besoin, l'Université représente donc une personne bien difficile à manoeuvrer pour un homme, le chancelier, dont l'autorité est très souvent contestée. Mais l'importance de cette fonction chancelière est également liée de façon étroite à cette place de l'Université de Paris dans l'Occident chrétien ; ainsi, avec la fin de la guerre de Cent Ans et avec la naissance d'autres universités, qui vont bientôt concurrencer l'université parisienne, il convient de se demander si le chancelier de Notre-Dame de Paris n'a pas alors, lui aussi, perdu non seulement en prestige, mais surtout en influence, à la fois au sein de l'Eglise, de l'Université mais aussi auprès des autorités qu'il représentait ou qu'il conseillait, et, d'une manière générale, dans la société dans son ensemble ? Mais tenter de répondre à cette question, c'est proposer de faire l'étude exhaustive de tous les chanceliers qui du XIIe au milieu du XVIe siècles vont se succéder à ce poste, pour savoir comment a évolué la fonction à travers le type de chancelier que chacun a été.

Nous avons, pour notre part, donner quelques éléments de réponses à cette problématique, à travers l'ébauche d'une base prosopographique qui permet la recension de l'ensemble des sources et des études concernant ces personnages. Cette étude prosopographique est donc incomplète et ne demande qu'à être étendue à l'ensemble des chanceliers ; nous avons tenté dans notre étude de définir un corpus, des cadres et des outils, il reste désormais à s'en servir.

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Bibliographie.

Abréviations.

BM : Bibliothèque Municipale.

B.N. ou BNF : Bibliothèque Nationale de France.

CUP : Chartularium Universitatis Parisiensis

L, LL : manuscrits conservés aux Archives nationales.

X. : manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale de France.

Sources (originales ou éditées)146.

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[II] BEHRMAN, D., "Volumina vilissima, a Sermon of Eudes of Châteauroux on the Jews and their Talmud, Paris, BNF Lat. 16558, d'après le mss Arras, BM 137(876), ff. 85v-88ra et Orléans, BM 203 (180), ff. 290vb-293rb.

[III] chanceliers de Notre-Dame, in MS Ajaccio BM I38, fol. 71 - 135.

[IV] DENIFLE, H. -CHATELAIN, Ae, Chartularium Universitatis Parisiensis, sub auspiciis consilii generalis facultatum parisiensium, Paris 1889 - 1896, ed. de la Sorbonne (Bib. de La Sorbonne, Réserve, USR 655), t. I, II, III et IV.

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[VII] EUBEL, C., Hierarchia catholica medii aevi, sive summorum pontificum, S. R. E. cardinalem ecclesarium autrititum series / e documentis tabularii praesertina vaticani collecta, digesta edita, vol. 1 & 2, [1198-1431 et 1431-1503], 2ème éd., Münster, 1913-

146 L'ensemble des archives du chapitre a été confisqué comme bien national en 1790. Ultérieurement, il a intégré les Archives nationales où il fut démembré entre les séries L et LL (Monuments ecclésiastiques) pour les registres capitulaires ; S (Biens des corporations supprimées) pour les titres de propriété ; H (Comptes et comptabilités diverses) pour les documents financiers ; Z (Papiers des juridictions spéciales) pour les documents judiciaires.

147 L'Obituaire de la Sorbonne a été conservé dans deux manuscrits du fonds latin de la BN, d'ailleurs en dépendance l'un de l'autre : le Nat. Lat. 15615 et le Nat. Lat. 16574. Le premier n'est autre que le Missel même qui fut en usage à la chapelle du Collège de Sorbonne. Réf. citée in GLORIEUX, Aux origines de la Sorbonne, [18].

148 Cet outil nous a été nécessaire pour vérifier toutes les inscriptions données dans le MS Ajaccio, [III].

60

1914.

[VIII] Gallia Christiana in provincias ecclesisasticas distribute, 16 vol., Paris, 1715-1785 et 1856-1865.

[IX] GERSON, Jean, OEuvres complètes, éd. Glorieux, P., 9 vol., Paris-Tournai, 1960-1973.

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[XI] HEMERE, Sorbonae origines, Paris, 1646 (cité dans le manuscrit d'Ajaccio).

[XII] LL. 80 à 82, LL. 233 à 354, collection de registres extraits des délibérations capitulaires, compilée thématiquement au XVIIIe siècle par le chanoine Claude SARASIN 149.

[XIII] L. 463 à 553. Chapitre de Notre-Dame. 868-an vii.

[XIV] LL. 77 et 78 ; LL. 215.

[XV] LEMAIRE, J. L., Répertoire des documents nécrologiques français, Paris, 1980.

[XVI] LEMAIRE, J. L., Supplément au répertoire des documents nécrologiques français, Paris, 1987.

[XVII] TERROINE, A, FOSSIER, L., Chartes et documents de l'abbaye de Saint-Magloire, 3 vol., Paris, 1960-1976, IRHT.

Outils

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[B] BRUNET, J. -C., Manuel du libraire et de l'amateur de livres, 6 vol., Paris, 1860-1865, Firmin-Didot Ed..

[C] FAVIER, J., Dictionnaire de la France médiévale, Paris, 1993, Fayard.

[D] GAFFIOT, F., Dictionnaire illustré Latin-Français, Paris, 1934, Hachette.

[E] GUYOTJEANNIN, O., PYCLE, J., et TOCK, B. -M., Diplomatique médiéval, L'atelier

149 Sur cette collection, voir Georges GRASSOREILLE, Inventaire sommaire de la collection Sarasin, 13261756, dans Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile de France, 8 (1881), pp. 168-173, ainsi que l'étude plus détaillée, avec index analytique, de Léon-Frédéric LEGRAND, Claude Sarasin, intendant des archives du chapitre de Notre-Dame de Paris et sa collection d'extraits des registres capitulaires de Notre-Dame, dans Bibliographie moderne, 4 (1900), pp. 333-371 ; un tiré à part de ce dernier article était en consultation usuelle en salle des inventaires aux Archives nationales, coté [L 20. Claude Sarasin est l'un des auteurs qui connaît le mieux les archives du chapitre. Originaire du diocèse d'Autun, il fut nommé chanoine de Notre-Dame le 26 juin 1715, à la place de son oncle. Il était l'archiviste du chapitre et bénéficiait d'une prébende. Il resta toute sa vie simple diacre et mourut peu après 1756 sans avoir été ordonné prêtre.

61

du médiéviste 2, Paris, 1993, Brépols.

[F] Lexikon des Mittelalters, Zweiterband / Siebente lieferung. Artemisverlag, München und Zürich, février 1983

[G] Mediae latinitatis lexicon minus, composuit J. -F. Niermeyer, 1976, Leiden, E. -J. BRILL Ed..

Etudes et articles.

La production historique en matière d'histoire médiévale des universités est considérable, de même que celle des institutions et des personnels de l'Eglise au Moyen Age. Même si le personnage du chancelier est à la rencontre de ces deux champs historiques, nous avons constaté que la grande majorité des ouvrages traitant de ce personnage appartient au premier ensemble.

[1] AUTRAND, F., Naissance d'un grand corps de l'Etat. Les gens du Parlement de Paris 1435-1454, Paris, 1981, Publications de la Sorbonne.

[2] BALLARD, M., Bibliographie de l'histoire médiévale en France (1965-1990), Société des Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur, Paris, 1992, Publications de la Sorbonne.

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[4] BERNSTEIN, A. E., « Magisterium and Licence : corporate autonomy against papal authority in the medieval University of Paris », Viator, 9 (1978), p. 291-307

[5] CAILLET, L., La papauté d'Avignon et l'Eglise de France, la politique bénéficiale du pape Jean XXII en France (1316-1334), Paris, 1975.

[6] CAZELLES, R., La société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, Paris, 1958.

[7] CORBETT, J. A., Praepositini Cremonensis Tractatus de Officiis, in Publications in

Mediaeval Studies, ssd. Gravin, J. N., et Gabriel, A. L., No 21, Notre Dame, London, 1969.

[8] DACREMONT, H., Gerson, Paris, 1929, Ed. Jules Tallandier.

[9] DELARUELLE, E., LABANDE, E. R., OURLIAC, P., L'Eglise au temps du Grand Schisme et de la crise conciliaire (1378-1449), 2 vol., Paris, 1962.

[10] fasti ecclesiae gallicanae, t. 3, Diocèse de Reims, ssd. Pierre Desportes, CNRS, 1998, Brépols.

[11] FAVIER, J., Les finances pontificales à l'époque du Grand Schisme d'Occident 1378-

62

1409, Paris, 1966, De Boccard.

[12] FERRUOLO, S. C., The Origins of the University, The Schools of Paris and their Critics, 1100-1215, Stanford University Press, California, 1985.

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[14] GABRIEL, A. L., The conflict between the chancellor and the University of masters and students at Paris during the middle ages, in Miscellanea medievalia, Band 10, Walter De Gruyter, Berlin-New York, 1976.

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[20] GOROCHOV, N., Le collège de Navarre de sa fondation (1305) au début du XVe siècle. Histoire de l'institution, de sa vie intellectuelle et de son recrutement, Paris, 1997, Champion.

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[24] HASKINS, C. H., Studies Mediaeval culture, Cambridge, 1929.

[25] JULLIEN DE POMMEROL, M. -H., Sources de l'histoire des universités françaises au Moyen Âge, Université d'Orléans, Paris, 1978, INRP-IRHT.

[26] LALOUETTE, J., De l'exemple à la série : histoire de la prosopographie, in Siècles, cahier du Centre d'Histoire des entreprises et des communautés, n° 10, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 1999.

[27] LANGLOIS, Ch. V., Histoire littéraire de la France, 7 vol..

[28] LE GOFF, J., Les intellectuels au Moyen - Age, Paris, Réed. 1985, coll. Point Seuil.

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[31] LUSIGNAN, S., « Vérité garde le Roy ». La construction d'une identité universitaire en France (XIIIe - XVe siècle), Paris, 1999, Publications de la Sorbonne.

[32] MILLET, H., Les chanoines du chapitre cathédral de Laon 1272-1412, Palais Farnèse, 1982, Ecole française de Rome.

[33] MILLET, H., « Notice biographique et enquête prosopographique », in La prosopographie : problème et méthodes (Rome, 6 - 7 décembre 1985), Mélanges de l'Ecole française de Rome, Moyen Age, Temps modernes, 100, (1988), vol. 1, p. 87 - 111.

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[35] SAMARAN, Ch., MOLLAT, G., La fiscalité pontificale en France au XIVe siècle (Période d'Avignon et Grand Schisme d'Occident), Paris, 1905.

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[38] TALAZAC-LANDABURU, A., La Nation de France au sein de l'université de Paris

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64

[39] TANAKA, M., La nation anglo-normande de l'Université de Paris à la fin du Moyen Âge, Paris, Aux amateurs de livres, 1990.

[40] VERGER, J., Les universités au Moyen Age, Paris, 1973, Quadrige, PUF.

[41] VERGER, J., Histoire des Universités en France, Paris, 1986, Bibliothèque Historique Privat.

[42] VERGER, J., « À propos de la naissance de l'université de Paris », in VERGER, J., Les universités françaises au Moyen Age, Leiden-New York-Köln, 1995, Education and society in the Middle Age and Renaissance, vol. 7, p. 1-36

[43] VERGER, J., Le chancelier et l'université à Paris à la fin du XIIIe siècle, in Les universités françaises au Moyen Âge, 1995.

[44] VERGER, J., Prosopographie des élites et montée des gradués : l'apport de la documentation universitaire médiévale, in L'État moderne et les élites xiiie-xviiie siècles. Apports et limites de la méthode prosopographique, Paris, 1996, p. 363-392.du Moyen-ge, Paris, 1997.

[45] VERGER, J., Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen-Âge, Paris, 1997.

[46] VERGER, J., Culture, enseignement et société en Occident aux XIIe et XIIIe siècles, Presses Universitaires de Rennes, 1999.

[47] VULLIEZ, Ch., Des écoles de l'Orléanais à l'université d'Orléans (Xe - début XIVe

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65

Annexe 1 : Notre-Dame de Paris et cloître de Notre-Dame.

Annexe 2 : Le diocèse de Paris, ses archidiaconés, ses prébendes et ses menses capitulaires.

(Source : Le chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe, Paris, 1985, p. 56 et 70)

66

Table des matières :

Introduction .. 2

1. Critique des sources et méthodologie. . 6

1.1. La critique des sources pour l'établissement de la base prosopographique... 6

1.2. La base prosopographique des chanceliers du chapitre de Notre-Dame et de l'Université de Paris du XIIe au XIVe siècle : méthode et exemples : Philippe le

Chancelier et Grimaud Boniface. 14

2. Un personnage, des lieux : Université et chapitre de Notre-Dame du XIIe au

25

 

XVe siècle.

2.1. L'Université de Paris. 25

2.2. Le chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris. . 33

3. Le chancelier du chapitre de Notre-Dame de Paris : étude d'un personnage et

propositions de définitions. .. 42

Conclusion. .. 57

Bibliographie. .. 59

Annexe 1 : Notre-Dame de Paris et cloître de Notre-Dame. 65

Annexe 2 : Le diocèse de Paris, ses archidiaconés, ses prébendes et ses menses

capitulaires. 65






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