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Les reporters photographes professionnels du Sénégal. Une corporation sous-valorisée.

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par Amadou BA
CESTI-Université Cheikh Anta Diop - Maîtrise Sciences et Techniques Information et Communication 2011
  

Disponible en mode multipage

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    SOMMAIRE

    Introduction générale

    PREMIERE PARTIE :

    Petite histoire de la photographie au Sénégal

    Chapitre 1 : Naissance et facteurs de diffusion de la photographie au Sénégal

    Section 1 : Le rôle des administrateurs, des militaires et des missionnaires

    Section 2 : L'appropriation de la photographie par les populations locales

    Chapitre 2 : Apparition des premiers photographes sénégalais et des studios

    Section 1 : Les précurseurs et l'âge d'or des studios

    Section 2 : De quelques héritiers...

    Chapitre 3 : Emergence des « ambulants » et déclin des studios photo

    Section 1 : L'apparition des laboratoires et de la photographie couleur

    Section 2 : L'arrivée des « ambulants » ou la démocratisation de la photographie

    Section 3 : La décadence des studios

    DEUXIEME PARTIE :

    Le photojournalisme au Sénégal : Zoom sur une corporation sous-valorisée

    Chapitre 1 : Présentation du cadre méthodologique

    Section 1 : L'enquête sociologique

    Section 2 : Présentation des résultats

    Chapitre 2 : Etat des lieux du photojournalisme au Sénégal

    Section 1 : Précarité et sous-valorisation

    Section 2 : « Les petits soldats du journalisme »

    Chapitre 3 : Les raisons d'une sous-valorisation

    Section 1 : Manque de formation et faible niveau d'études

    Section 2 : Absence d'une culture de l'image dans la presse sénégalaise

    Conclusion générale

    Références bibliographiques

    Annexes

    Table des matières

    INTRODUCTION GENERALE

    Le Sénégal peut se targuer d'une longue tradition photographique. L'outil photographique y fit son apparition peu de temps après son invention en 1839.1(*) Après une rapide appropriation par les élites locales, la pratique a connu des mutations profondes au fil des époques. De l'âge d'or au déclin des studios tenus par des Sénégalais en passant par l'avènement des photographes ambulants, on assiste aujourd'hui à un engouement pour la photographie de presse ou photojournalisme.

    Notre étude a pour objet de permettre une bonne connaissance de cette corporation aux contours difficiles à cerner, à travers une analyse approfondie du statut professionnel et social des reporters photographes sénégalais. Relatant les faits avec des images, ceux-ci traitent l'information comme le font les journalistes de la presse écrite. Mais dans la réalité, ils sont loin d'être considérés comme tels.

    Le choix de ce sujet obéit à plusieurs raisons. L'état actuel de la recherche montre que « la ` découverte ` de la photographie africaine, c'est-à-dire sa construction en tant qu'objet d'étude (...) est un phénomène récent. » L'étude de la photographie africaine est surtout à mettre à l'actif de chercheurs en majorité d'origine européenne ou nord-américaine qui, au début des années 1990, ont entrepris, en ordre dispersé et dans un climat d'intense compétition, de déchiffrer cette terra incognita de la culture africaine.2(*)

    Ce travail trouve son intérêt dans sa contribution à la connaissance de la photographie au Sénégal, notamment celle des reporters photographes, une sous-corporation de la famille des journalistes. D'autant que les travaux de recherche sur la photographie au Sénégal sont rares. Ce mémoire sur les reporters photographes et la photographie de presse, espérons-le, contribuera ainsi à combler la connaissance parcellaire sur les photojournalistes.

    Cette absence d'étude scientifique consacrée à cette corporation n'est-elle pas révélatrice d'une certaine indifférence vis-à-vis de ces praticiens ? A l'image de leurs confrères rédacteurs, les reporters photographes sont des membres à part entière des rédactions. Aujourd'hui, on imagine mal un journal (quotidien, magazine ou presse en ligne) sans image. Néanmoins, leur situation socioprofessionnelle, comparée à celle des journalistes, est peu enviable. Ce qui nous a amené à voir les raisons de leur sous-valorisation.

    Au plan théorique, notre recherche s'inscrit dans le cadre des travaux axés sur les professionnels des médias. Ces travaux ont débuté en France au début des années 1980. Conciliant des approches à la fois sociologique et ethnographique, ils ont débouché sur ce que d'aucuns ont qualifié de « sociologie du journalisme ». Les études les plus représentatives ont été menées par Rémy Rieffel, Jean-Marie Charon et Erik Neveu3(*). Ces auteurs ont montré que le champ journalistique a ses pratiques, ses rites, ses normes organisationnelles, ses imaginaires, mais surtout que c'est un lieu de compétitions où se nouent des rapports et des enjeux de pouvoir entre les différents acteurs. Certains ont du pouvoir et d'autres n'en ont pas. En outre, ils ont insisté sur le rôle des professionnels au sein des différentes entreprises de presse. Ce sont les aspects liés à la question du pouvoir -avec l'attribution des places- et au rôle des professionnels dans les entreprises de presse qui ont inspiré notre démarche dans le cadre de cette recherche sur les conditions des reporters photographes au Sénégal.

    Au plan méthodologique, nous avons adopté une démarche sociologique, qui nous a semblé pertinente avec des enquêtes de terrain. S'inspirant de la démarche proposée par Remy le Saout4(*), notre méthodologie nous a permis de mettre en relation des discours, des pratiques, des manières de faire avec les positions sociales des individus en cherchant à dégager des rapports de causalité entre les deux. 5(*)

    Pour ce faire,  nous nous sommes adossé à quatre outils de recueil de données : l'enquête quantitative par questionnaire, l'enquête qualitative par entretien, l'observation et la recherche documentaire.

    L'intérêt du questionnaire consiste à démontrer de manière statistique la validité d'une hypothèse, mais il permet aussi de présenter une lecture des résultats obtenus sous forme de données chiffrées. Ce qui offre une plus grande lisibilité du phénomène étudié. Mais auparavant, il nous a fallu déterminer la population à interroger en utilisant la méthode de l'échantillon par quotas à l'image du sociologue qui, très souvent, a recours au principe de l'échantillonnage qui permet de ne questionner qu'une partie significative de la population globale.

    Nous avons utilisé également la méthode de l'entretien qualitatif pour obtenir des informations précises qui tiennent compte des systèmes argumentaires, des explications, des interprétations.6(*) Et comme nous avons exploré un terrain peu ou prou défriché, cette technique nous a permis de recueillir des témoignages et des informations de personnes évoluant dans le milieu de la photographie de presse afin de mieux nous imprégner de cette corporation.

    Pour ce qui est de l'observation, le paradigme interprétatif a constitué une grille d'analyse des relations symboliques entre les reporters photographes et les différents membres de leur environnement professionnel et social. De plus, le paradigme interprétatif qui investit la communication dans l'étude de son contenu et de sa substance, nous servira d'outil permettant de démontrer comment le partage des normes et des rituels procure aux membres d'une organisation donnée un terrain symbolique commun, l'organe de presse, en l'occurrence. A cet effet, il a contribué à expliquer, par exemple, les « conflits » entre les acteurs de cette corporation et ainsi d'offrir la possibilité de les anticiper.7(*)

     Ces différentes techniques de recueil de données nous ont fourni des matériaux d'analyse et permis de vérifier, compléter, illustrer et valider notre hypothèse de recherche qui a trait à la sous-valorisation de la photographie de presse au Sénégal. 

    Nous avons subdivisé notre travail en deux grandes parties. Nous procédons, dans la première partie de ce mémoire, à l'étude sur la longue durée de la trajectoire de la photographie au Sénégal, depuis son apparition jusqu'à l'époque récente. Dans la seconde partie, nous présentons le cadre méthodologique, les résultats obtenus et insistons sur les principales raisons du manque de considération dont les reporters photographes sont victimes.

    PREMIERE PARTIE :

    PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE AU SENEGAL

    Peu de temps après son invention en Europe, la photographie fait son apparition en Afrique de l'Ouest au XIXe siècle.8(*)  Les zones côtières plus riches et plus densément peuplées étaient ouvertes plus tôt à l'influence occidentale par rapport aux régions de l'intérieur. Au Sénégal, Saint-Louis et Dakar ont naturellement été les portes d'entrée de cette invention apportée par la colonisation. C'est ainsi que, « dès les années 1840, on trouve des daguerréotypistes qui expérimentent ce nouveau médium, tout le long des côtes africaines : de la côte des Somalis (...) à Saint-Louis du Sénégal, en passant par le Cap »9(*).

    A ses débuts au Sénégal, la photographie est principalement l'apanage des colons. Suivant leurs activités professionnelles, militaires, évangélistes et civils (explorateurs scientifiques, commerçants, industriels, fonctionnaires de l'administration coloniale, aventuriers) s'emploient à enregistrer leurs « premiers contacts » avec l'Afrique par le biais de la photographie.10(*) A leurs yeux, la photographie apparaît comme un support incontournable de leur conquête. Les images prises des populations locales dénotent d'une certaine volonté des colonisateurs de témoigner de leurs récits de voyage et de la domination qu'ils exercent sur cette terre africaine et ses habitants.

    En dépit des appréhensions liées à la nouveauté de l'invention et du fait que « la photographie (est) restée un outil très surveillée qui doit d'abord servir les intérêts coloniaux », elle est néanmoins adoptée, peu de temps après, par des praticiens sénégalais, en contact permanent avec la communauté française. Tous, à quelques exceptions près, ont fait leurs armes « chez les Blancs ».11(*)  Interprètes, tirailleurs et porteurs sont les premiers intermédiaires entre la mission coloniale française et les populations.12(*) De fil en aiguille, ces autochtones prennent goût à la pratique de la photographie. Leur collaboration avec l'administration coloniale aidant, ces Sénégalais, qui deviendront les premiers photographes issus du terroir, en ont profité pour faire ou parfaire leur apprentissage.

    Chapitre 1 :

    NAISSANCE ET DIFFUSION DE LA PHOTOGRAPHIE AU SENEGAL

    Au Sénégal, la photographie apparaît à Saint-Louis puis à Dakar. Durant toute la période coloniale, elle est restée un outil très surveillé qui devait d'abord servir les intérêts coloniaux en vertu du décret Laval (alors ministre des Colonies) voté en 1934 : le contrôle de la production et la diffusion des films et des disques est strictement réglementé dans toute l'AOF.13(*) Mais au fil des ans, la photographie finit malgré tout par se diffuser à l'ensemble de la population.

    Section 1 : Le rôle des civils, des administrateurs, des militaires et des missionnaires.

    Si  la photographie comblait pleinement les attentes de certains civils occidentaux avides d'exotisme, pour beaucoup d'autres (administrateurs, militaires et missionnaires), elle est partie intégrante de leur mission colonisatrice.

    A/ Le rôle des civils et des administrateurs

    En cette première moitié du XIXème siècle, Saint-Louis est une ville européano-africaine où le commerce est florissant.14(*) Témoins de ce passé, les vestiges des « comptoirs des Bordelais », décrits par Frédérique Chapuis dans les Précurseurs de Saint-Louis du Sénégal, croulent sous le poids des âges. Aujourd'hui, ces vastes bâtisses, occupées pour certaines par les populations locales, sont encore visibles sur les quais. Dans la capitale de l'Afrique occidentale française (AOF), véritable comptoir commercial, se concentrent d'innombrables commerçants, administrateurs, militaires, aventuriers en mal de sensation et...photographes.15(*) On y recense quelques 700 commerces, parmi lesquels on trouve le premier studio de daguerréotypie ouvert en 1860 par Washington de Monrovée.16(*) D'autres commerçants ou aventuriers suivront le mouvement. En 1861, Decampe ouvre son commerce. Bonnevide aussi s'installe à Saint-Louis avant d'aller à Dakar où il ouvre en 1885 l'un des premiers studios. Il laisse ainsi la place à d'autres : Hostalier, son ex-assistant et éditeur de cartes postales, Tacher, Hautefeuille etc. En 1908, Etienne Lagrange, qui formera nombre de photographes africains, installe, à son tour, son studio à Saint-Louis.17(*)

    En outre, les explorateurs scientifiques, mais aussi les commerçants et les industriels apportent dans leurs bagages cette nouvelle invention. Ils utilisent la photographie comme témoignage de leur rencontre avec cette lointaine terre africaine. Ce foisonnement de la pratique de la photographie est en partie facilité par les avancées techniques en la matière. Dès les années 1880, conjointement au début de cette conquête, la photographie instantanée se développe grâce à une nouvelle émulsion à base de gélatino-bromure d'argent et à la commercialisation d'une chambre 9X12 « tout terrain ».18(*) Comme on peut l'imaginer à cette époque, toute cette photographie reste d'abord le témoignage de la civilisation européenne, fortement ethnocentriste.19(*) Tout est photographiable et donc avidement photographié, remarque Frédérique Chapuis.20(*)

    Pour asseoir ses rêves de grandeur politique et économique, la France entreprend rapidement une vaste campagne de travaux publics (routes, voies ferrées, ports, ponts, etc.). A la fin des années 1880, Ernest Portier, directeur du Service du Chemin de fer du Soudan français, réalise des photographies illustrant la construction du chemin de fer du Haut-Sénégal. Ces grands travaux, qui monopolisent la force de centaines de milliers d'Africains déplacés et contraints au travail, sont également l'occasion d'établir de nouveaux contacts culturels et techniques entre les populations et les coloniaux.21(*)

    A Saint-Louis, mais aussi à Dakar, les commerces photographiques, répliques des studios parisiens avec les intérieurs bourgeois, sont tenus par les coloniaux. Bien que son nom soit lié à la région de Bamako, la capitale du Soudan (ancien nom du Mali), pour y avoir ouvert le premier magasin de photographie,22(*) Pierre Garnier est venu vivre à Dakar entre 1955 et 1956. Dans cette ville, il a poursuivi son commerce photographique pour subvenir aux besoins de sa famille. Quelques décennies plus tôt, Oscar Lataque, un autre photographe français, avait établi ses quartiers à Dakar. Tennequin dirigeait le Comptoir Photographique de l'Afrique occidentale française (AOF), sis à l'avenue Roume, actuelle avenue Léopold Sédar Senghor. Leurs studios comptaient dans les années 1920 parmi les plus célèbres de la place.23(*) Deux pionniers de la photographie sénégalaise, Mama Casset (1908-1992) et Amadou Guèye « Mix » (1906-1994), eux aussi originaires de Saint-Louis, seront initiés par Lataque, qui réalisait essentiellement des cartes postales.

    Edmond Fortier, photographe-reporter le plus prolixe du Sénégal des années 192O, est rendu célèbre par les cartes postales qu'il réalise sur cette contrée longtemps présentée comme hostile. Les photographies de monuments, de paysages, ou bien de scènes de vie en brousse servent de trait d'union entre la colonie et la Métropole. Très vite, l'édition se développe à Saint-Louis, et l'engouement que suscitent les images est tel que le pays compte plus d'une cinquantaine d'éditeurs avec une production de 5000 images différentes. Des journaux comme Le Monde illustré ou Le Tour du monde participent à leur diffusion.24(*) Mais comme on peut le penser, toute cette production photographique reste le reflet du « regard partial et ethnocentriste du colonisateur ». L'image, c'est connu, produisant un impact psychologique plus intense quant à la durée, ces photographies ont-t-elles contribué, peu ou prou, à asseoir les représentations racistes toujours actuelles du Blanc sur le Noir ? Frédérique Chapuis répond : « (...) Les seules images que nous reconnaissons aujourd'hui, ne l'oublions pas, sont celles qui furent au service de l'idéologie coloniale ».25(*)

    B/ Le rôle de l'armée et des missionnaires

    Partie intégrante du dispositif de domination, « la photographie est donc le support privilégié d'une grande partie des acteurs de la conquête coloniale, à commencer par l'armée. »26(*) Parce qu'elle s'avère un outil précieux de la conquête coloniale, l'idée d'organiser des missions photographiques conjointement aux expéditions militaires s'impose rapidement. Le 20 janvier 1857, le ministre de la Marine et des Colonies envoie au gouverneur du Sénégal, Faidherbe, une lettre relative à la première mission photographique. Le capitaine d'Infanterie de marine, Dèrème, devra emmener du matériel photographique pour lever des plans de Saint-Louis sur le fleuve. L'appareil n'arrivera jamais à quai, puisque Le Podor, le bateau qui le transportait échoua. En 1862, l'expérience est reconduite une seconde fois, avec succès,27(*) sous l'impulsion de Disdéri, qui contribua à la vulgarisation de la photographie en inventant le format standard bon marché dit « carte de visite ». L'industriel suggère de mettre en place dans l'armée, des moyens rapides, exacts et puissants que la photographie met aujourd'hui entre nos mains.

    C'est ainsi qu'à côté des civils occidentaux, l'armée coloniale a grandement contribué à la diffusion de la photographie au Sénégal. Ce qui paraît évident, puisque selon Erika Nimis, « l'armée coloniale aurait introduit de nombreuses innovations technologiques en Afrique de l'ouest notamment dans le domaine de la photographie. » 28(*)

     Le rôle de l'armée dans la propagation de la photographie prend toute sa dimension lors des deux conflits mondiaux, qui marquent la première moitié du XXe siècle. D'après Erika Nimis, qui se réfère aux écrits de l'historien Marc Michel consacrés à l'armée coloniale en Afrique Occidentale Française, « pendant la Grande Guerre, un peu plus de 40 000 Soudanais sont envoyés combattre pour la France. » 29(*) Et durant la Seconde Guerre mondiale, la participation de l'AOF est encore plus importante. A quelques rares exceptions, beaucoup parmi les premiers photographes sénégalais ont, soit fait leur apprentissage dans la grande muette, soit y ont approfondi leurs connaissances de la pratique photographique.

    Après l'apprentissage et la pratique chez Lataque et Tennequin, Mama Casset a continué à pratiquer la photographie durant son service militaire. Idem pour Samba Diop, ancien formateur en photographie au CESTI, aujourd'hui âgé 79 ans, qui a continué à faire de la photographie durant son séjour dans l'armée en 1952. Comme le note Erika Nimis, tous, pour se hisser au rang de photographe ou progresser dans leur carrière, ont dû composer avec l'administration coloniale.30(*)

    A Saint-Louis puis à Dakar, « au hasard des rencontres avec les membres de l'administration coloniale, des amitiés se sont nouées et l'appareil photographique fut un intermédiaire -comme a pu l'être la musique jazz. »31(*). Pour les populations locales, l'armée coloniale a été un tremplin pour l'apprentissage ou le perfectionnement à la pratique de la photographie. Ainsi, nombre de photographes sénégalais, parmi les pionniers, ont choppé le virus dans l'armée.

    A côté des administrateurs et des militaires, les religieux catholiques ont également joué un rôle dans la diffusion de la photographie au Sénégal, même si c'est dans une proportion moindre par rapport aux militaires et aux civils. En effet, les missionnaires - conformément aux instructions laissées par le cardinal Lavigerie, fondateur des Pères Blancs - sont envoyés d'abord pour annoncer l'Evangile, d'où peut-être leur impact moindre par rapport à celui de l'armée dans la diffusion de la photographie. Malgré tout, pour ces missionnaires, la photographie apparaît également comme un support incontournable.32(*)

    C'est ainsi que de la même manière qu'il envoie ses militaires avec des appareils faire des relevés topographiques, l' « empire colonial » français en fait de même les missionnaires évangéliques qui témoignent des bienfaits de la religion chrétienne sur les populations autochtones.33(*) Dès lors, écrit Erika Nimis, la photographie « devient un outil de communication incontournable en cette seconde moitié du XIXe siècle, dominée par les conquêtes coloniales européennes. »34(*)

    Ville très tôt occupée par les troupes françaises, Saint-Louis, a donc accueilli les premiers missionnaires évangéliques du Sénégal. Issus de la Congrégation des Frères de Ploërmel, ils ouvrent des maisons d'éducation où des jeunes autochtones sont initiés à l'enseignement scolaire et à divers métiers dont la photographie. Adama Sylla, né dans les années 1930, a été initié à la photographie en 1957 à la Maison des Jeunes de Saint-Louis du Sénégal avant de bénéficier d'une bourse de l'UNESCO qui lui permit de compléter sa formation au Musée de l'Homme de Paris.35(*)

    Jusqu'à aujourd'hui, les missions catholiques continuent de former des jeunes à la photographie à Saint-Louis. Le Centre Daniel Brottier, actuellement dirigé par le Père Lambrechts, organise pendant les grandes vacances scolaires des sessions de formation à l'intention des jeunes de la vielle cité, qui sont initiés aux métiers de l'audiovisuel (photographie, radio, vidéo) et à l'informatique.

    Dans des proportions différentes, les acteurs de la conquête coloniale ont joué le rôle de diffuseurs de la photographie, après en avoir été les canaux par lesquels cette nouvelle invention est apparue au Sénégal, dont la population locale finit par se l'approprier.

    Section 2 : L'appropriation de la photographie par les populations locales

    La photographie a fait l'objet d'une appropriation rapide par les élites locales avant de se diffuser à l'ensemble de la population (Werner & Nimis, 1998).36(*) A Saint-Louis mais aussi à Dakar, la bourgeoisie locale a très tôt fait usage de ce médium venu d'ailleurs, soit en tant que photographe, soit comme photographié.

    Contrairement à Saint-Louis, la photographie reste à Dakar la chasse gardée des colons. Dans le très connu studio de Tennequin, se trouve, parmi les nombreux apprentis, un jeune garçon d'une douzaine d'années, Mama Casset, qui deviendra un célèbre photographe dakarois.37(*) Cependant, la photographie n'est pas encore populaire et reste le fait d'une certaine élite, d'une population citadine qui se prête plus volontiers au jeu du photographe que la population paysanne encore peu concernée.38(*) Parmi les premiers clients, à côté des fonctionnaires de l'administration coloniale, il y avait les fils et filles de chefs de cantons, les mulâtres et les mulâtresses, les « Signares » (femmes ou maîtresses locales des colons), les « Linguères » (femmes de caste supérieure), les « gourmettes » (jeunes captives catholicisées et affranchies) etc. Qu'il s'agisse de photos prises dans les maisons, dans la rue ou dans un jardin, pour ces femmes de Saint-Louis, « l'élégance et le goût de la représentation ne sont pas de vains mots. »39(*) La description par Frédérique Chapuis d'une photo de Meïssa Gaye datée de 1910, renseigne sur la situation sociale des clients autochtones. Elle écrit : « au papier épais, (...) pose un jeune richement vêtu d'un tchawali*. (...) L'homme tient la main d'une jeune femme altière, elle aussi parée de nombreux bijoux. (...) Elle est l'une des petites filles de la reine du Walo ».40(*)

    Il faut attendre le lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour voir la photographie connaître une plus grande appropriation par les populations locales. Formés au contact des colons, les photographes sénégalais, démobilisés de l'armée, collaborateurs dans l'administration coloniale, entreprennent à leur tour de diffuser la photographie. Après avoir maîtrisé l'usage de l'appareil, ils pratiquent la photographie dans un premier temps comme simple passe-temps. Mais lorsque la passion devient plus pesante sous la poussée de la demande, le deuxième boulot s'est imposé en activité professionnelle principale. Petits évènements et temps forts de la vie sociale, évènements officiels, tout passe sous l'objectif de leurs appareils. Par leur travail, les photographes deviennent des témoins incontournables des évènements qui rythment la vie de la société. Les cérémonies familiales comme celles qui touchent la communauté tout entière sont gravées sur leurs négatifs. Mémoires vivantes de leur temps, la communauté leur reconnaît un rôle d'utilité sociale indéniable. Car, comme le dit Pierre Bourdieu, « les photographes renforcent le sentiment de cohésion familiale. Par conséquent, la photo a une utilité sociale. »41(*) Ainsi, tous les évènements, joyeux ou malheureux qui rythment la société, sont immortalisés au moyen de la photographie. L'image photographique fait dès lors partie du quotidien : de la simple photo d'identité (nécessaire pour toute démarche administrative) à l'incontournable photo de mariage, en passant par la célébration des anniversaires, des diplômes, de tous les évènements qui jalonnent la vie d'une personne jusqu'à son dernier souffle.42(*)

    L'Etat colonial avait placé d'emblée le rapport des Africains à la photographie sous la domination de la « mimesis » (terme grec qui signifie ressemblance au réel, à la réalité). Mais, au fil des années, ces derniers vont apprivoiser cette technique venue d'ailleurs et le pouvoir mimétique de la photographie va être progressivement mis à distance par les photographiés au profit de représentations qui tendent à brouiller les limites entre réel et fiction.43(*) Cet engouement pour la photographie, qui s'est d'abord manifesté à travers le portrait tout d'abord chez le particulier, puis en studio, répondant dans un premier temps aux besoins de la bourgeoisie africaine naissante, puis d'une administration centralisatrice transformant la pratique photographique en phénomène populaire à partir des années 1950 et 1960.44(*) 

    La mode du portrait photographique en noir et blanc, réalisée selon des normes esthétiques précisément codifiées, s'est diffusée dans l'ensemble de la société au point que les groupes sociaux les plus démunis (sous-prolétaire urbain, paysan) sont désormais concernés.45(*)  «  La photographie n'était pas si élitiste qu'on veuille le faire croire», soutient Samba Diop, l'ancien assistant de Mama Casset, parlant des années 1946.46(*)

    Qu'il s'agisse d'une photo individuelle ou d'une photo de groupe, l'image revêt une grande importance pour les populations, « Tout le monde venait se faire photographier. Les bonnes dames, les personnalités civiles et religieuses, des chérifs - religieux musulmans de la Mauritanie - tout le monde venait  se faire photographier. On se faisait de l'argent avec les photos de chefs religieux, les lutteurs, les footballeurs etc., que les gens s'arrachaient comme de petits pains. » Des décennies plus tard, Samba Diop n'en revient toujours pas.  « Mon Dieu ! Il y avait des files interminables qui se formaient devant le studio.»47(*) En réalité, l'image photographique suscitait une grande curiosité à l'époque pour les populations sénégalaises. La nouveauté de l'invention les attirait. Aussi, étaient-elles très amusées de voir leur sosie en miniature sur du papier. « Les gens faisaient eux-mêmes notre publicité », nous confie Samba Diop.48(*)

    En plus de la photographie de portrait, la pratique très répandue de la photo d'identité a joué un rôle déterminant dans la diffusion au sein des sociétés africaines d'une conception de la photographie comme d'une image dotée de vérité.49(*)

    Car, si au début de la vulgarisation de la pratique de la photo au Sénégal l'image photographique était pour le photographié une manière de montrer son appartenance à une communauté donnée, au fil des années, elle représentait la volonté du photographié de s'affranchir un peu de son milieu, de s'incarner dans un personnage imaginaire.

    A ce jeu, le studio photographique s'y prêtait à merveille. Se faire photographier devenait alors un rituel avec une mise en scène où les accessoires de mode, les signes distinctifs de la bourgeoisie etc. faisaient partie intégrante de la pose. Dans cette optique, l'espace de prise de vue obéissait à un décor et un dispositif scénique qui offrait au photographié un large choix de l'image qu'il aimerait faire passer. Jean-François Werner décrit parfaitement cet état de fait : « Les clients (...) avaient à leur disposition des accessoires (chaise, fleurs artificielles, téléphone postiche, vêtements) avec lesquels ils pouvaient jouer à leur guise, de même que les hommes désireux de se présenter autrement que dans leurs habits africains, pouvaient emprunter au photographe des vêtements (veste, costume sombre, chemise blanche, cravate, chapeau). Dans le même ordre d'idée, divers instruments (miroir, peigne, brosse, talc pour absorber la transpiration) étaient mis à la disposition des hommes et des femmes désirant ajuster une dernière fois vêtements et parures, se peigner ou rafraîchir un maquillage. A tous ces éléments scénographiques trouvés sur place, il faut ajouter les accessoires apportés par les photographiés eux-mêmes : mobylette, radiocassette, mouton, instruments de travail etc. » (...)  Le studio a été l'instrument privilégié d'une appropriation de l'image photographique par les photographiés. »50(*)

    Toutes choses qui font que la photo était le résultat d'un compromis entre photographiant et photographié. Car si les photographes étaient en mesure d'imposer leur vision des choses à travers les contraintes techniques, l'aménagement du studio et les normes réglant la prise de vue, les photographiés avaient aussi leur mot à dire non seulement parce qu'ils avaient le choix du moment de la prise de vue et du costume (au sens théâtral du terme) mais surtout parce que le photographe, en bon commerçant, cherchait avant tout à satisfaire sa clientèle. 51(*)

    Cependant, il faut remarquer qu'au début de l'apparition de la photographie, des préjugés étaient liés à sa pratique (imitation du Blanc), de même qu'une certaine hostilité des photographiés vis à vis d'un instrument venu avec la conquête coloniale. Les premières expériences photographiques des populations locales ont été « laborieuses » pour ne pas dire conflictuelles. «Il en résulte de grandes difficultés pour photographier les personnages car cette opération ne peut pas se faire à la dérobée ou à l'insu des personnes, comme un dessin (...) » écrivait, en 1855, l'« explorateur photographe », Pierre Trémaux dans son commentaire qui accompagne quelques-unes des planches de son atlas Voyage au Soudan oriental.52(*) Confrontées à leur première expérience photographique, certains faisaient montre d'une réelle réticence. On imagine donc que ces derniers se sont pliés à la pose contraints et forcés.

    Dans un pays fortement islamisé comme le Sénégal, la religion fut d'abord un écueil à la diffusion de la photographie. En effet, l'Islam interdit la reproduction des êtres animés.53(*) Mais au fil des ans, l'engouement des populations pour la photographie a montré que ces contraintes n'étaient pas pour autant aussi rigides. Par conséquent, la photographie était loin d'être menacée par la religion. L'exemple le plus achevé est que les gens se font même photographier dans l'enceinte des mosquées, en train de prier.54(*) Les fêtes religieuses, comme l'Aïd-el-Kebir ou Aïd-el-Fitr, sont parmi les évènements pendant lesquels les photographes font le plus de recettes.

    Chapitre 2 :

    APPARITION DES PREMIERS PHOTOGRAPHES SENEGALAIS ET DES STUDIOS.

    Ouvert à Saint-Louis par un Européen, c'est en 1860 qu'apparaît le premier studio - de daguerréotypie - du Sénégal. Mais, comme le note Antoine Freitas, « ce ne sera réellement qu'au début du XXe siècle que les premiers photographes africains auront une pratique privée puis installeront quasiment dans toutes les capitales et grandes villes d'Afrique, leurs propres studios, après avoir côtoyé, souvent comme employés, les studios européens installés sur place ou après un service militaire dans les armées coloniales. »55(*)

    Le Sénégal n'échappe pas à ce phénomène. Il a donc fallu attendre près d'un siècle plus tard pour voir le premier studio tenu par un Sénégalais. Dans les années 1940 Mama Casset, le photographe lé plus populaire du pays, installe à la Médina, à Dakar, African Photo.56(*) Si Mama Casset est le premier praticien du pays à ouvrir un studio,57(*) Meïssa Gaye est par contre le premier photographe du Sénégal, sinon de l'Afrique.58(*) Originaire de Saint-Louis comme Mama Casset, Meïssa Gaye ouvre son studio, Tropical Photo, dans la partie nord de l'île en 1945.59(*) D'autres pionniers suivront.

    Portraitistes de renom, ce sont ces précurseurs de la photographie au Sénégal et leurs congénères dont nous présentons les profils dans la première section de ce chapitre. A leur suite, apparaitront d'autres photographes talentueux, nés dans les années 1950 et 1960, qui suivront les traces de leurs illustres prédécesseurs.

    Section 1 : Les précurseurs et l'âge d'or des studios

    La photographie sénégalaise a vécu ses moments les plus fastes avec ses précurseurs. Dans leurs studios, la maîtrise technique dont ces photographes ont fait montre et leur passion ont permis une plus large diffusion de la photographie au sein de la société.

    A/ Les précurseurs

    Fils unique d'une famille de commerçants, Meïssa Gaye (1892-1993), né à Coyah en Guinée, fréquente l'école coranique comme les jeunes Saint-Louisiens de son âge, puis l'école des missionnaires catholiques de Ploërmel, quand ses parents reviennent s'installer à Saint-Louis. Il y décroche son certificat d'études.60(*)

    En 1910, Meïssa Gaye a 18 ans lorsqu'il part au Congo comme apprenti menuisier sur des chantiers de construction de bateaux et de ponts. Là, il fait une rencontre qui bouleversera sa vie. Sur le chantier, il se lie d'amitié avec un Européen équipé d'un appareil à plaques, qui lui en apprend le maniement, la technique de développement, et finit par le lui vendre avant son retour en France en 1913.61(*)

    C'est en 1923, à son retour à Dakar, après un passage dans la douane, en Guinée, que la photographie devient véritablement un second métier pour Meïssa Gaye. Il prend un poste dans l'administration, à la Délégation de Dakar, et pendant son temps libre, il fabrique lui-même son appareil photo Diony-Diony (« Ici-et-Maintenant ») et va faire des photos de maison en maison.62(*) Par ce procédé, Meïssa Gaye inaugure la pratique de la photographie ambulatoire. Quoi de plus normal pour ce photographe enthousiaste, doublé d'un globe-trotter. Toujours est-il qu'entre 1929 et 1932, il demande une disponibilité de trois ans et s'installe à Kaolack d'où il part sillonner tout le Sénégal, appareil au dos.63(*)

    Du coup, Meïssa Gaye apparaît comme le premier photographe sénégalais à avoir diffusé la photographie à l'intérieur du pays. Que Meïssa Gaye se soit inspiré des trucs et astuces d'A. Le Mée, détaillés dans son ouvrage La photographie dans la navigation et aux colonies64(*) semble évident. Car, d'après Erika Nimis, « les témoignages des premiers photographes de studio ouest-africains attestent de l'utilisation de toutes ces techniques, comme celle dite de la lampe électrique, citée en maintes reprises. »65(*) En effet, dans La photographie dans la navigation et aux colonies, l'auteur, un enseigne de vaisseau, donne des tuyaux pour faire de la photo dans un environnement peu propice comme les colonies.

    « Le chapitre 3, consacré à « l'installation d'un laboratoire à bord et à terre », fournit de nombreuses astuces pour organiser un laboratoire de brousse. Par exemple, il rappelle que « toute lampe électrique à incandescence peut être transformée en lanterne de laboratoire en l'enveloppant de papier et de toile rouge rubis. » (p .53) Plus loin, l'auteur décrit « le laboratoire portatif permettant d'opérer à toute heure du jour et de la nuit, en en tout lieu » (pp-56 et 57), ancêtre de la chambre photographique « à la minute ». Ces techniques importées vont améliorer les conditions de travail des photographes pionniers qui les adaptent selon leurs besoins. »66(*) Ce que fit admirablement Meïssa Gaye. Durant ses trois ans de disponibilité, il conçoit et réalise un agrandisseur pour des formats allant jusqu'au 30x40 cm.67(*) Des formats qu'il obtenait après avoir passé ses plaques dans la gigantesque chambre qu'il s'était lui-même confectionnée (125X70 cm de profondeur) et qui lui permettait d'obtenir des images de format plus important.68(*)

    Homme cultivé, passionné par l'art, Meïssa Gaye était un personnage habile des mains. «  Nombre de ses photos sont colorées à la main. Il n'hésitait pas à sensibiliser des parties de tissu (chemises, foulards, cravates) pour y faire apparaître les photos désirées. »69(*) Aussi, relate Frédérique Chapuis, « après la prise de vue et le développement, il s'affirme comme un extraordinaire retoucheur. » « Mon père était un sorcier », dira à la journaliste un des fils du maître, par ailleurs son assistant, émerveillé par la maîtrise technique du père.70(*)

    En 1933, Meïssa Gaye retourne dans l'administration. Après un bref séjour à Dakar, il est affecté à Ziguinchor. En 1939, il retourne à Saint-Louis où il est nommé photographe au service de l'identité judiciaire.71(*) Equipé de son Roleiflex, il photographie les défilés militaires du 14 juillet, la visite d'une personnalité venue de la Métropole, ou encore les réunions politiques locales, avant d'aller en fin d'après-midi, tirer le portrait dans les quartiers.72(*)

    Lorsqu'il prend sa retraite en 1945, Meïssa Gaye s'installe à Saint-Louis où il ouvre son studio, Tropical Photo dans le quartier nord de l'île. C'est, l'un des studios les plus réputés de la ville avec celui du Martiniquais Caristan.73(*) L'écrivain sénégalais, Aminata Sow Fall, alors gamine, se rappelle de cette période faste de la photographie au Sénégal. « On se photographiait en grande tenue comme partout ailleurs, sans doute, à l'époque. On en rêvait quand on était un enfant(e) fortement impressionné(e) par les toilettes (et le parfum !) qui préparaient - avec - une effervescence inouïe - une séance chez l'un des deux photographes professionnels les plus cotés : Meïssa Gaye au quartier Nord et Karistan au quartier Sud, à quelques mètres de chez moi, sur le quai du fleuve, » relate-t-elle, nostalgique, dans un texte intitulé, Souvenir d'une photographie confisquée.74(*)

    « Dans l'état actuel de nos connaissances, écrivent sa fille, Absa Gaye, et Gilles Eric Foadey, Meïssa Gaye est le premier photographe africain. » Celui que l'on ne manque pas de citer de Saint-Louis à Dakar, lorsque l'on parle de photographie, comme étant l'ancêtre, le plus ancien.  L'un de ceux qui, avec Mama Casset, dépasse la simple appropriation technique, pour faire de la photographie un projet esthétique.75(*)

    Dans l'histoire de la photographie sénégalaise, Mama Casset est sans doute le praticien le plus célèbre. Né en 1908, il s'éteint en 1992 après une vie passée d'abord à Saint-Louis du Sénégal puis à Dakar. Initié à la photographie du temps de la colonisation par le Français Oscar Lataque, il sera enrôlé dans l'armée française pour réaliser des photographies aériennes.

    En 1940, il installe son studio, African Photo, à la Médina, pour devenir le photographe à la mode de Dakar. Chacun voulait avoir une image -en noir et blanc- de Mama Casset. Celui-là même qui a réalisé un célèbre timbre-à-sec76(*) ; lui, le maître incontesté du portrait, créant les stéréotypes de la pose en studio, souvent repris dans la peinture et la photographie de studio sur tout le continent. Ses portraits de la bourgeoisie comme du peuple dakarois deviennent des références et inspirent toute une génération de photographes et de peintres de souwère (fixés-sous-verre), comme Bouna Médoune Sèye ou Gora M'Bengue.77(*)

    De passion de jeunesse, la photographie était devenue un art pour Mama, « comme le plus grand des arts ». Mama Casset savait qu'il était artiste. Il se présentait d'ailleurs avec un nom d'artiste (son vrai nom était Kassé).  Quand il parlait de son art, il le considérait comme une technique exigeante avec ses recettes, ses trucs et sa science.78(*) « C'était un travail spécifique : retoucher des photos. Après la prise, on pouvait dévêtir quelqu'un de son boubou pour lui faire porter un costume par le travail de retouche. Salla avait embauché un Russe-on l'appelait Père Basile du fait de son grand âge. Il était très fort en retouche », se souvient Samba Diop, assistant des frères Casset (Mama et Salla).79(*)

    Ayant vu le jour dans une famille aisée de Saint-Louis, Mama Casset a 12 ans lorsqu'il est confié par son père à Oscar Lataque, son ami. Mama Casset occupe le poste d'assistant de studio. En même temps qu'il fréquente Lataque, il poursuit ses études à l'école de Thionck, en même temps que de futures personnalités de la vie politique et culturelle sénégalaise comme Birago Diop.80(*)

    A la fin de ses études primaires, Mama quitte Lataque et se fait embaucher par Tennequin, un autre Français qui dirige le Comptoir Photographique de l'A.O.F, à l'avenue Roume. 81(*) Dans ce studio à la mode, à Dakar, dans ces années 1930, il y croise un autre pionnier, Amadou Guèye dit « Mix » (1906 - 1994), originaire comme lui de Saint-Louis. Homme cultivé- à l'instar de nombre de précurseurs- et anticonformiste, la mise toujours impeccable, « Mix » investissait les salons et les cercles militaires et politiques de la capitale (du Sénégal depuis 1958).

    Parallèlement, « Mix » avait installé son propre studio et, véritable homme du sérail, savait nouer des relations et se faire admettre dans tous les milieux. Aussi, devient-il le photographe officiel de la plupart des manifestations. Fort de cette expérience, Il est nommé en 1959 chef de la Section photo de la Fédération du Mali, puis du ministère de l'Information et des Actualités Sénégalaises. Dans les premières années de l'indépendance, il suit Senghor pas à pas. Ce qui fait d'Amadou « Mix » Guèye le premier photo-reporter africain, à en croire Frédérique Chapuis.82(*)

    Même s'il s'est illustré comme photographe de studio, Mama Casset était aussi un reporter au vrai sens du terme, avec des qualités professionnelles indéniables comme en témoignent ses photos. « Pas de pathétisme, ni de tristesse mais la distance de la dignité et la proximité de l'âme », écrit Jean Loup Pivin à propos de la démarche ou du style de Casset.83(*) Cela renseigne sur le regard journalistique de Mama Casset, qui partage avec son aîné Meissa Gaye, le titre de précurseurs de la photographie sénégalaise. Frère cadet de Mama, Salla Casset (1910 - 1974) fait partie des précurseurs de la photographie au Sénégal. Grand portraitiste comme son frère, il avait installé son propre studio, Sénégal Photo dans la Médina de Dakar, après avoir fait ses armes, dans les années 1930, chez Lataque, où il avait remplacé Mama.

    Parmi les précurseurs da la photographie au Sénégal figure Alioune Diouf. Né en 1910, il est d'abord secrétaire dans l'administration à Cotonou avant de devenir, de 1937 à 1942, greffier auprès d'Octave de Saint-André, le président du tribunal de Conakry, qui l'initie à la photographie et lui offre un appareil. Après 36 ans de vie professionnelle, rythmée par les affectations, les humiliations racistes, les conflits, les bagarres pour un peu de dignité et de reconnaissance, Alioune Diouf, la « forte tête », se consacre entièrement à la photographie. Avec son appareil, il sillonne les villages périphériques de Saint-Louis. Ce qui n'était pour lui qu'un second métier lui permit d'arrondir sa retraite.84(*)

    Doudou Diop, né en 1920, une autre figure de la photographie à Saint-Louis  était comptable dans l'armée coloniale, où il fit son apprentissage photographique. A la fin de l'année 1952, il reçoit en cadeau un appareil photographique et un agrandisseur. Comme Meïssa Gaye, il lui arrivait de retoucher délicatement ses images, les coloriant à la main pour pallier les limites des capacités techniques de l'appareil. Jusque dans les années 1980, Doudou Diop a réalisé les portraits de ses clients Saint-Louisiens. Equipé d'un Rolleiflex puis d'un Yashica, il avait installé son studio, Studio Diop, dans le quartier de Sor.85(*)

    Dans ce faubourg de la capitale de l'Afrique occidentale française, un autre studio, Doro Sor Photo est ouvert en 1953 par Doro Sy. Né dans les années 1920, il est initié à la photographie en 1950 lors d'un stage à Paris où il poursuivait ses études.  A son retour à Saint-Louis, il installa son studio. Doro Sy réalisait non seulement des portraits devant le légendaire cocotier qu'un ami Nigérien lui avait peint, mais aussi de nombreux reportages : il était le photographe attitré de la ligue de football du Fleuve et exécutait par ailleurs, pour le compte du tribunal, des photographies de reconstitution de délits et de meurtres. « Mais c'est grâce au très joli décor avec le cocotier, que Doro Sy, se fit connaître », note Frédérique Chapuis.86(*)

    Adama Sylla quant à lui, aimait les images de paysages, mais bien plus qu'un simple décor peint sur le mur d'un studio. A telle enseigne que, « pour lui, et pour lui seul, il photographiait des paysages (fait rare chez les photographes africains), ou son quartier en continuelle transformation. »87(*) Né en 1934, il a été initié à la photographie en 1957 à la Maison des Jeunes de Saint-Louis. En 1963, il est embauché comme photographe pour s'occuper du laboratoire du Musée de l'IFAN de Saint-Louis. Deux ans plus tard, il ouvre son studio à Guet-Ndar. Les affaires marchent bien dans ce riche quartier de pêcheurs, coincé entre le fleuve et l'océan. Les jours de fête ou après le retour d'une saison en mer, on vient se faire photographier dans le studio d'Adama Sylla.88(*)

    B/ L'âge d'or des studios

    Ayant été à bonne école, celle des colons qui ont amené dans leurs bagages l'outil photographique, les précurseurs sénégalais ont connu leurs heures de gloire de la période qui a précédé de peu l'indépendance jusque vers la fin des années 1980. Cette époque faste est caractérisée par la maîtrise des opérations techniques en laboratoire et leur sens artistique reconnu par les populations qui posaient devant leur objectif.

    Dans leurs studios qui accueillaient de nombreux clients sans distinction sociale, le dispositif scénique constituait un élément important. « Le studio de Meïssa Gaye était en fait un salon très sobre dans sa maison. Quelques fauteuils, une chaise, un appareil sur pied. Je vois encore le photographe qui me fait asseoir et me donne un bouquet de fleurs à tenir. J'entends Dioundiou : « Souris, souris ! » et le photographe qui me demande de regarder dans le trou noir de l'appareil. Je perçois un déclic : « Tac ! » C'est fini, » écrit avec une certaine nostalgie l'écrivaine sénégalaise, Aminata Sow Fall.89(*)

    Les praticiens se frottaient les mains. Adama Sylla se souvient qu'il lui fallait des sacs pour emporter le fruit de ses longues journées de studio.90(*) Salla Casset a « pellé » de l'argent, renchérit son ancien assistant, Samba Diop, en mimant le geste.  « Je ne dis pas gagner, mais peller », insiste-t-il. Nous sommes dans les années 1950 et « des files interminables se formaient devant le studio deux heures durant, de 21 heures à 23 heures. Il y en avait même qui ne parvenaient pas à se faire photographier. »

    A  cette époque, écrit Erika Nimis, « à Dakar, le commerce de la photographie (s'était) développé beaucoup plus tôt et de façon plus significative. »91(*) La photographie était réservée à la classe aisée qui en avait les moyens. C'était également valable pour la pratique photographique, puisque les praticiens faisaient partie de la classe aisée. « Toute la partie de la production photographique de Mama Casset était consacrée à la fabrication et à la vente d'images qui, encadrées, devenaient l'ornement des maisons, comme aujourd'hui les posters. » C'est qu'en effet, « la mémoire des familles passait par ces photographies. (Et) chacun y reconnaissait ses parents, sa famille.»92(*) Ce qui faisait que, « enracinés dans leurs quartiers, jouant un rôle important et reconnu par la communauté en tant que chroniqueurs visuels des petits évènements de la vie familiale et des temps forts de la collectivité, les photographes des années 1980, l'âge d'or des photographes de studios », étaient respectés et admirés.93(*) « Ce n'est pas comme maintenant, constate Samba Diop. En ce temps, la photo n'était pas dévalorisée. ». Cette admiration et ce respect étaient dus à la maîtrise des opérations techniques, de la prise de vue au développement des films. A en croire l'ethnologue, Jean François Werner, « la maîtrise des opérations techniques mises en oeuvre dans la chambre noire s'acquérait au cours d'apprentissages relativement longs (deux à trois ans, souvent plus) et qu'elle était la pierre angulaire de l'identité professionnelle des photographes et le fondement de leur légitimité sociale. »94(*) Doudou Diop ne dit pas autre chose lorsqu'il évoque son statut de photographe comme un privilège, une position artistique qui lui a été donnée dans le quartier de Sor. « Le soir de 19 heures (et parfois jusqu'à une heure du matin les soirs de fête) on se pressait au « Studio Diop ». Il pouvait y avoir jusqu'à 50 personnes faisant la queue. »95(*)

    Pour Samba Diop, le constat est sans équivoque : « Les premiers photographes sont meilleurs que ceux de la nouvelle génération.» Car, ils devaient régler la distance, le sujet, l'éclairage, la pose. Les accessoires, le décor, l'habilement du photographié, rien n'était laissé au hasard. En studio, la pose se prépare. On l'habillait selon sa volonté, à l'occidentale ou en boubou traditionnel Après la prise de vue, il y avait la retouche, ce qui n'existe pas actuellement. »96(*)

    Le portrait était le genre par excellence et les photographes de studio faisaient preuve d'une maîtrise technique incontestable pour rendre une image en noir et blanc qui satisfaisait le client. Aujourd'hui, les anciens photographes de studio se désolent de la disparition progressive de la photographie noir et blanc avec tout le savoir-faire inhérent au métier (comme le travail en chambre noire).97(*) « Demandez aujourd'hui à un photographe de suivre la fabrication d'une photographie, de la prise de vue au tirage, beaucoup n'y parviendront pas », disait encore Mama Casset à Bouna Médoune Sèye quelque temps avant sa mort.98(*)

    Section 2- De quelques héritiers...

    Si « au début du XXème siècle, le destin de photographe d'un jeune home africain est toujours lié à la rencontre d'un photographe blanc venu dans les bagages de la colonisation »,99(*) les générations suivantes de photographes sénégalais tentent, quant à elles, de perpétuer l'héritage des pionniers. En dépit des réalités qu'ils vivent, installés dans la routine de leur commerce, qui sont incompatibles bien souvent avec un travail de recherche,100(*) ils essaient, à leur tour, d'apporter une part à la construction d'une photographie africaine parfumée par les effluves charmeurs de la beauté des femmes et du peuple sénégalais sans exclusive. Nous ne pouvons pas citer tous les héritiers. Nous nous contenterons donc de présenter certains qui se sont illustrés par leur professionnalisme et leur esprit d'innovation.

    A/ La première vague

    Samba Diop est ancien tirailleur de l'armée coloniale, âgé aujourd'hui de 79 ans. Il fait ses armes chez les frères Casset, d'abord chez Mama qui l'initie, puis chez Salla pour qui il officie comme assistant. Par la suite, il s'enrôle dans l'armée coloniale où il continue d'exercer sa passion. A la fin de son service militaire, il travaille à Montrouge, avant d'intégrer la photothèque de Paris pour sa formation. Il intègre par la suite le service photo de l'Agence France Presse (AFP). A son retour au bercail en 1976, Samba Diop s'attèle à transmettre ses connaissances. Il intègre le Centre d'Etudes des Sciences et Techniques de l'Information (CESTI), où il initie les futurs journalistes à la pratique de la photographie et au travail en laboratoire. Reclus dans sa demeure, à la Sicap Darabis, à Dakar, le vieux Diop ne sort plus de chez lui. Depuis quelques années, une méchante arthrose l'oblige à se déplacer en fauteuil roulant.

    Ses étudiants du CESTI l'appellent Monsieur Bathily ou Pa' Bathily. Natif de Saint-Louis, en 1942, Abdoul Aziz de son prénom, suit ses premiers cours de photographie par correspondance, à Eurelec, en 1965 tout en se faisant la main dans le Labo photo Joseph Reich, à Saint-Louis. Après un bref passage au ministère de l'Information, Bathily intègre l'Agence Delta Presse, qui avait ses quartiers à la rue Carnot, à Dakar. Le 15 juin 1974, précise-t-il, « j'entre au CESTI qui prend entièrement en charge le cours de photographie que je préparais à Eurelec. » Ensuite, cap sur Montréal, en 1977, pour des stages dans différents organes de presse canadiens. Il y retourne l'année suivante pour compléter sa formation pour une durée de cinq mois. Depuis cette date, M. Bathily est formateur en photographie au CESTI. A près de 70 ans aujourd'hui, l'ancien reporter photographe a eu à collaborer avec beaucoup de magazines étrangers comme Amina, Afrique Football, Jeune Afrique etc. Au niveau national, il fut photographe au journal Le Sportif - qui ne paraît plus - qui était dirigé à l'époque par Mamadou Koumé.101(*)

    Il est impossible de parler de photographie de presse au Sénégal sans citer feu Ibrahima Mbodj, « le plus grand reporter photographe du pays », selon les termes d'Abdoul Aziz Bathily. Au quotidien Le Soleil, en tout cas, l'évocation de son nom fait resurgir le souvenir des bons moments passés avec « Grand Mbodj ». Disparu en 2006, à l'âge de 71 ans, Ibrahima Mbodj a marqué de son empreinte Le Soleil qu'il a intégré à ses débuts, dans les années 1970.102(*) Dans une nécrologie, le journaliste Serigne Aly Cissé - aujourd'hui disparu - retraçait le remarquable parcours professionnel de son « ami inséparable », Un cursus qui a conduit Mbodj de l'Unité africaine, l'ancien journal de l'Union progressiste sénégalaise (UPS) à l'hebdomadaire dakarois Nouvel Horizon, en passant par Paris-Dakar, Dakar-Matin et Le Soleil.103(*) « Formé par son oncle Abdoulaye Bâ, ancien chef du service Photo de la Présidence de la République, Ibrahima Mbodj a marché fidèlement sur les traces du maître et a rapidement fait son chemin. Le bon professionnel qu'il était forgea progressivement son style et imposa son « label » (...) Chaque document qu'il présentait était une belle oeuvre et, à la limite, un chef-d'oeuvre. L'angle de vue du sujet, sa valeur expressive, sa densité émotionnelle, sa valeur technique, et la réalité qu'il exprimait, avec une intensité rare, faisaient du document une petite merveille de l'expression photographique. A l'évidence, avec Mbodj, la photo parle. Elle restitue la beauté et la réalité de l'image. La photo est aussi vraie que le sujet qu'elle présente. En professionnel de la communication et, surtout, de la photo, Ibrahima Mbodj a joué sa partition avec une remarquable dextérité, c'est-à-dire avec le trait de génie des grands artistes qui ne meurent jamais.»104(*)

    Dans le service photo que dirigeait Ibrahima Mbodj, se trouvait une jeune femme qui s'adonnait au même travail que les hommes. Son nom : Awa Tounkara, première femme reporter photographe du Sénégal. Née en 1949 à Dakar, la pionnière atterrit au Soleil, en 1972. De cette date jusqu'à sa retraite en 2009, Awa Tounkara a écrit « l'information  avec l'image, un appareil photo en bandoulière, parcourant le Sénégal en long et en large, à travers pistes et bois, mais aussi, dans les salons huppés de Dakar et les grands rassemblements populaires de la capitale. »105(*)

    B/ La génération en activité

    L'un des plus illustres est Boubacar Touré dit « Mandémory », 54 ans. Il réalise sa première exposition, en 1986, sur le thème des « fous de Dakar ». Se définissant comme « photodidacte », il rappelle avec un brin de fierté qu'il s'intéresse à la photographie depuis 1969, « à l'école primaire » déjà. Essentiellement reporter de rue, Mandémory tient à son statut de photographe free-lance. Car, « aucun organe de presse de la place ne peut me payer 500 000 francs CFA », justifie-t-il. Aussi, collabore-t-il, en sus de ses expositions au Sénégal, en Afrique et dans divers lieux parisiens, avec de grands journaux français comme Libération et Télérama.

    Reporter photographe, il a travaillé pour Le Journal, Dakar Soir, des quotidiens dakarois aujourd'hui disparus. C'est lui qui a démarré le service photo de l'agence Panapress basée à Dakar. « J'ai été recruté à la Pana avec un salaire d'un million de francs CFA», révèle-t-il. Mais « je suis parti au bout de quelques mois, parce que je ne peux travailler sous l'autorité de personne.  Je ne suis pas du genre à recevoir des ordres, à être trimballé comme on le fait avec les photographes dans les rédactions. » 106(*) Par la suite, cette forte personnalité a collaboré avec l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) où il a travaillé sur de grands projets photographiques.

    Reporter dans l'âme, Boubacar Touré dit « Mandémory » se consacre actuellement au grand reportage, effectuant des voyages auprès des groupes ethniques du Sénégal (Bassaris, Bedik, Diolas) et de la Sierra Léone (Timinis), etc. La photo de presse est sans aucun doute son domaine de référence. Son style est fait d'angles de prises de vues inhabituels dégageant des plans aux perspectives contradictoires. Il en résulte une image dynamique qui donne le meilleur de l'information dans son aspect anecdotique ou essentiel.107(*)

    A l'image de Boubacar Touré dit « Mandémory », un autre photographe sénégalais a travaillé pendant cinq ans sur les fous et les laissés-pour-compte qui squattent les trottoirs de Dakar. Il s'agit de Bouna Médoune Sèye. Sous la forme d'une compilation de 51 photographies, cette oeuvre a fait l'objet d'une publication.108(*) Dans l'introduction, Jean Loup Pivin écrit : « Ces milliers de formes émergentes des trottoirs de poussière, ces groupes aux carcasses d'acier hurlantes sur le bitume, ces flingues et ces matraques, ces bras gourmettés d'or qui défilent à la hauteur des trottoirs de Dakar, Bouna M. Sèye les a photographiés pour ne plus avoir raison contre la folie, parce que la folie de sa ville est un trottoir sans autre dedans, sans autre pouvoir. » 109(*)

    Grâce à la photographie, Bouna Médoune Sèye fait le tour du monde (Canada, Brésil, Portugal, France, Afrique du Sud, Allemagne, Mali, Suisse, etc.) Pouvant être défini comme un touche-à tout artistique, il tourne en 1994 son premier court-métrage, Bandits Cinéma, et s'oriente vers la réalisation cinématographique. Auparavant, il a collaboré comme directeur artistique à la réalisation de différents films et documentaires, dont Set setal Dakar de Moussa Sène Absa. Le chanteur sénégalais, Youssou N'dour ne s'y est pas trompé en lui confiant, en 1992, la direction artistique de ses clips Gorgui et Chimes of Freedom.110(*)

    En digne héritier des précurseurs, Bouna Médoune Sèye s'est inspiré de l'oeuvre de Mama Casset qu'il a rencontré à maintes reprises en 1991, un an avant la mort du vieil homme, pour rendre hommage à son travail. Malheureusement, Mama Casset n'assistera jamais à cet hommage à lui rendu dans le cadre du « Mois de la Photographie de Dakar » de 1992. Médoune Sèye exposera quand même une trentaine des photos de Mama Casset, la même année à Paris, dans le cadre de l'exposition « Revue Noire et les photographes africains ».

    Parmi les héritiers, on peut également citer Djibril Sy. Né en 1950, ce photographe free lance a suivi une formation à l'école des Beaux-arts de Dakar en 1978 ainsi qu'à l'Université de Columbia, à Washington D.C, en 1989. Par la suite, il a participé à une dizaine d'expositions internationales et a pris part à plusieurs résidences artistiques au Sénégal, en France, en Suisse, en Angleterre et aux États-Unis. Il a travaillé de 1984 à 1994 à titre de photographe attaché au maire de Dakar et comme professeur de photographie dans son ancienne école (École de Beaux-Arts de Dakar, de 1993 à 1996). A son actif, Djibril Sy, comme on l'appelle dans la corporation, compte plusieurs expositions au Sénégal, au Mali, en Grande Bretagne, en France, etc., sur le recyclage des ordures (1998), la photo peinture, etc. Actuellement il travaille sur le thème des talibés ou enfants de la rue de Dakar, et sur celui de l'émigration des Sénégalais vers les grandes métropoles occidentales.111(*)

    Né en 1956 à Diourbel, Matar Ndour commence la photographie en 1987 après des études de comptabilité. N'ayant pu trouver du travail, il se tourne vers la sculpture. « J'avais la chance de pouvoir faire des choses avec mes mains », confiait-il dans une interview.112(*) Deux ans plus tard, il trouve enfin un boulot de comptable et, faute de temps pour allier profession et passion, il laisse tomber la sculpture qui lui rapportait pourtant de l'argent. A cette époque, son neveu qui pratiquait la photographie, est arraché à son affection. Il hérite du matériel et s'exerce lui-même en photographiant sa femme et ses enfants. Parallèlement, il dévore revues spécialisées et encyclopédies qui traitent de la photographie. Autodidacte ayant une soif inextinguible de connaissances photographiques, Matar Ndour sillonne les expositions et suivait à la télévision comment se faisaient les cadrages, le travail sur la lumière, etc. «  J'étais très curieux et je prenais mon appareil pour faire des essais », dit-il. C'est ainsi qu'il réalise sa première exposition en 1995, au Centre culturel français de Dakar dans le cadre du « Mois de la Photo ». Il s'agissait d'une série de portraits d'un marchand ambulant, dont il aimait bien la "gueule" et qui chantait des airs d'opéras dans la rue pour attirer les passants et vendre ses mouchoirs ! Depuis lors, Matar Ndour s'est entièrement consacré à la photographie car, entre-temps, il avait perdu son travail. S'étant fait un nom dans la profession, il réalise des commandes pour le Port autonome de Dakar (PAD) et quelques sociétés de la place sur le thème de la photographie industrielle. Parallèlement, il réalisait des reportages dans le cadre de cérémonies familiales (mariages, baptêmes...). Ce qui lui rapportait une plus-value non négligeable qu'il réinvestissait dans d'autres projets photographiques, mais également dans la prise en charge de sa famille. Après avoir versé dans la photographie appliquée à ses débuts, il développe, à partir de 1995, une approche plus personnelle en s'intéressant notamment au patrimoine culturel sénégalais.113(*) « Je porte mon regard sur l'esthétique, le beau et ses attributs. Ensuite je traduis toute mon émotion et ma personnalité à travers mes images, parce que chaque photographie a une histoire qui appartient à la postérité. J'aime bien faire ressortir l'effet de dynamisme dans mes photos car j'estime que la vie n'est pas figée (....) A cet effet, j'ai travaillé sur un triptyque avec un auteur compositeur et des poèmes de Senghor comme « Femme noire ». Je suis parti de son concept enracinement et ouverture pour faire un synopsis », confiait-il au magazine dakarois, 221. 114(*) L'enfance, au-delà des clichés sur la pauvreté, les petits métiers ou comment les jeunes arrivent à économiser sous après sous pour se payer un visa, les mystères de la ville, « ce grand théâtre où chacun vient avec son histoire », sont autant de thèmes de prédilection de ce photographe artiste.115(*)

    Reporter photographe au quotidien Le Soleil, Pape Seydi met son talent au service de son environnement. « Journée à Khar Yalla », « Levée du jour à Khar Yalla », « Journée d'une mère nourricière 1 et 2 », « Ma ville », « Grand Médine A et B », « Linge et bain de midi », « Levée du jour à Matam » sont autant de ses oeuvres qui « mettent l'être humain et son milieu au centre de ses pérégrinations. »116(*) Né il y a 45 ans à Kaolack, ses expositions sont aussi bien appréciées au Sénégal qu'à l'étranger. En 2008, lors de l'exposition « Off » de Biennale de Dakar, ses photos des lutteurs ont attiré l'attention des visiteurs. L'année suivante, c'est en Algérie, à l'occasion de la deuxième édition du Festival panafricain d'Alger (Panaf 2009) que « l'émotion, la vie et la lumière des lieux et des personnages »117(*) de son pays ont été portées sur les cimaises. Récemment, du 1er mai au 29 juin 2010, Pape Seydi a pris part à un projet d'échanges culturels entre Sénégalais et Américains au Bronx Museum of Arts de New York au cours duquel, outre des formations en écriture de projets artistiques et sur les droits d'auteur, il a présenté des oeuvres sur le monde de la presse, le tout-consumérisme des Sénégalais et sur l'encombrement du marché le plus populaire de son pays, Sandaga.118(*)

    Nous pouvons aussi citer dans ce lot de reporters photographes sénégalais Mamadou Seylou Diallo et Mamadou Gomis. Agé de 42 ans, Seylou, comme on l'appelle communément dans le milieu de la presse, s'intéresse à la photographie depuis l'âge de 19 ans, en 1987. Son amour pour l'image le pousse d'abord à l'apprentissage de la caméra, mais il finit par trouver sa vocation pour la photographie. Reporter photographe pour la presse locale, notamment à Sud Quotidien, il sert aujourd'hui à l'Agence France Presse où il est l'adjoint au chef de la région ouest-africaine en plus du Tchad. Au total, Cellou supervise quatorze pays.119(*)

    Agé de 34 ans, Mamadou Gomis est un jeune reporter photographe, qui officie au quotidien dakarois Walf Grand'Place. Il a auparavant travaillé avec des journaux sénégalais comme l'Evénement du Soir, puis effectue des reportages pour Le Quotidien, Stades (quotidien de sport), Le Journal, Thiof et Nouvel horizon mai aussi des Ong comme Plan International, Pam, Fao. Il a aussi collaboré avec des agences de presse internationales, dont l'Agence France-Presse (AFP), Panapress, et Reuters. Aussi fut-il, après le départ de Mandémory, le responsable du département photographique du quotidien Le Journal à Dakar en août 2004 où il publiait quotidiennement une photo sous la rubrique «Arrêt sur image... ».Ces clichés choisis à cause de leurs éloquences reflètent le quotidien de la capitale sénégalaise. Depuis 2005, il collabore avec le groupe de presse Wal fadjri où il réédite la même rubrique sous une autre appellation : «Clin D'oeil ». Ses photographies ont été exposées en 2006 lors de Snap Judgments à New York. Le reporter photographe a aussi participé au projet « Africalls » en 2007 en Espagne. De même qu'il a pris part à l'exposition African Now à Washington DC avec la Banque mondiale. En 2008, Gomis est primé meilleur photographe lors du concours organisé par Goethe institute de Dakar. Ses images ont illustré le livre écrit par un journaliste sénégalais intitulé, El hadji Diouf le footballeur et rebelle.120(*)

    Chapitre 3 :

    EMERGENCES DES AMBULANTS ET DECLIN DES STUDIOS PHOTO

    L'émergence des photographes ambulants et la démocratisation de la photographie au Sénégal n'ont pu être possibles que grâce aux progrès techniques enregistrés dans le domaine de la photographie. Ces progrès techniques ont pour nom l'apparition des laboratoires et de la photographie couleur.

    Avec l'avènement de la couleur dans les années 1980, concomitamment à la multiplication des labos, la photographie au Sénégal a connu de profondes mutations. En plus de la décadence des studios et, par ricochet des photographes sédentaires, on a assisté à l'apparition de nouveaux praticiens appelés « photographes ambulants » ou « ambulatoires ». Si pour les photographes de studio, ces innovations techniques ont généré des effets pervers, pour les nouveaux arrivants, il s'agit plutôt d'une démocratisation de la pratique photographique. Une situation qui contraste avec celle des années 1960 correspondant à la période fastes des studios.

    Section 1 : L'apparition des laboratoires et de la photographie couleur

    Alors que dans d'autres pays d'Afrique comme la Côte-d'Ivoire les films en couleurs étaient encore traités en France, le Sénégal avait déjà étrenné son premier laboratoire couleur au début des années 1960. Dans la période comprise entre 1960 et 1966, Difco Foto est ouvert à Dakar par un coopérant français. En ce temps, la photographie couleur était à ses balbutiements. Elle était chère et seuls les occidentaux et une infime partie de la bourgeoisie sénégalaise avaient accès à cette nouvelle invention. Il faudra attendre les années 1970, avec notamment l'apparition des machines à développer pour que les labos se multiplient petit à petit.121(*)

    Rapidement, le Sénégal devint un centre de traitement des films couleurs pour les pays voisins. Hormis les photographes Maliens, « Gambiens et Mauritaniens envoyaient leurs films à Difco Foto pour le tirage en couleurs. »122(*)

    Dans les années 1980, un autre laboratoire ouvre ses portes, toujours à Dakar. A l'instar de Difco Foto, Tiger Photo traitait également les films en couleur pour des photographes de la sous-région. Propriété d'un Coréen installé à Dakar, ce laboratoire faisait partie des trois succursales installées successivement à Lagos (Nigéria) puis à Abidjan (Côte d'Ivoire)123(*), deux géants de la photographie en Afrique de l'ouest. Comme a pu le constater Jean-François Werner, les Asiatiques (en majorité des Sud-Coréens) se sont taillés la part du lion sur ce marché en pleine expansion, suivis par des hommes d'affaires africains et des commerçants libanais.124(*) Les noms Diongue à Saint-Louis et Dakar et Saffiédine dans plusieurs villes du pays sont ainsi devenus célèbres dans le monde de la photographie sénégalaise grâce à leurs machines de développement et de tirage de films en couleur.

    Avec l'apparition des labos, « les opérations les plus techniques (développement des films et tirage sur papier) sont à présents réalisées par des machines sophistiquées (minilabs) capables de produire plusieurs milliers de photos à l'heure tandis que seules restent à la charge du photographe les opérations liées à la prise de vues qui ne nécessitent pas de grandes compétences techniques. »125(*) Ainsi, l'apparition de la photographie en couleurs est « favorablement accueillie par les praticiens qui dans un premier temps voient leur activité augmenter du fait d'une demande très forte pour un produit nouveau dont l'efficacité mimétique est supérieure à celle du noir et blanc. En même temps, leurs revenus augmentaient (le prix était relativement plus élevé) et une partie des gains était investie dans l'acquisition de véhicules pour les reportages à l'extérieur, l'aménagement de studios (décoration, téléphone, climatisations, accessoires de mode) et l'achat de matériel de prise de vue plus adapté aux nouvelles normes techniques imposées par les laboratoires dont les machines ne traitent que les films de format 24x36 mm. En conséquence, note Werner, les appareils moyen-format sont mis au rencart. »126(*)

    Mais dans un second temps, la diffusion de la couleur allait avoir des conséquences d'une extrême gravité pour la profession puisque c'est l'existence des studios qui s'est trouvée menacée.127(*) Et petit à petit, les praticiens de studio ont été privés de la maîtrise du processus technique par les laboratoires. Même leur monopole sur la photo d'identité s'est érodé, car les innovations techniques permettent de réaliser des photos d'identité en noir et blanc avec des films couleur. Mais aussi, ils ont vu leur domination sur ce secteur particulier remise en question par les interventions de l'Etat dans ce domaine, qui cherche à éviter les falsifications de photographies d'identité.128(*) Ainsi, une nouvelle catégorie de photographes dits ambulants s`emparait d`une part importante du marché de la prise de vue.

    Section 2 : L'arrivée des ambulants ou la démocratisation de la photographie.

    Dans les années 1990, caractérisées par la situation économique difficile du pays et la crise du système scolaire, beaucoup de jeunes se tournèrent vers la pratique de la photographie comme source de revenus. Ces nouveaux praticiens qui sillonnent les artères des villes, leur appareil en bandoulière, sont connus sous l'appellation de photographes ambulants par opposition aux photographes sédentaires des studios. Ce rush, qui a bouleversé l'ordre établi, n'a pu être possible qu'avec l'apparition dans les années 1980 de la photographie couleur et des laboratoires. Les photographes ambulants - qui ne sont pas toujours des professionnels - ont ainsi envahi le marché et déstabilisé l'ordre érigé au début du XXe siècle.129(*)

    Ironie du sort, ce sont pourtant les photographes sédentaires qui ont commencé « à sortir de leurs studios pour réaliser des reportages lors de cérémonies privées (mariages, baptêmes, funérailles) ou de manifestations publiques (visites d'officiels, d'autorités, compétitions sportives) ou encore répondre aux sollicitations des services de police (accidents, homicides), etc. » Les photographes de studios ont ainsi dans un premier temps commencé à sortir de leurs ateliers avec « l'arrivée des appareils 24x36, beaucoup plus maniables (souples) et équipés de flash qui permettent de travailler de jour comme de nuit en s'affranchissant des encombrants projecteurs du studio. »130(*)

    Mais quelques années plus tard, ils ont eu à faire face à de sérieux concurrents : des photographes de rue, qui appliquent des prix modestes et proposent des « photos-minute ». Ces nouveaux praticiens, pour la grande majorité d'entre eux, cherchent avant tout un emploi facile d'accès, où l'investissement est relativement peu coûteux.131(*) Des fois, ils n'ont même pas besoin d'investir aucun centime. Un parent ou un voisin, photographe ambulant ou ancien praticien de studio, ayant mis la clé sous le paillasson, leur sert de rampe de lancement.

    Ces ambulants courent les cérémonies familiales et les fêtes de toute sorte sans pour autant être invités, s'ils ne trouvent pas directement leurs clients chez eux. Ce qui fait que ces derniers n'ont plus besoin d'aller dans un studio. Ce que résume Werner en ces termes : « (...) Si autrefois la photo de famille était le résultat d'un acte volontaire et programmé, elle est de plus en plus tributaire du hasard, des rencontres imprévues et, en règle générale de tout ce qu'une grande ville peut produire comme occasions de se faire photographier depuis l'apparition de ces photographes ambulants qui la sillonnent de jour comme de nuit. »132(*)

    Le mode opératoire des ambulants, efficace, est basé sur la rapidité avec laquelle ils s'exécutent. Une fois la photo prise, ils se précipitent vers le laboratoire le plus proche afin de rendre la photo avant la fin de la cérémonie pour pouvoir rentrer dans leurs fonds. Dans leur jargon, ils portent le nom de « Dreadmen » ou « Dread ». Ce sont des photographes qui s'invitent dans des manifestations et prennent en photos les invités parfois sans leur aval. Et ces clichés doivent impérativement être rendus avant la fin de la cérémonie et la dispersion des clients pour rentrer dans leur frais.133(*) L'essentiel pour ces jeunes photographes ambulants sans expérience c'est juste de gagner leur vie.

    N'ayant besoin d'aucun ou de peu d'investissement, contrairement aux photographes de studios, leur sens des relations de sociabilité avec leurs clients suffit à les ferrer davantage et gagner leur fidélité. Avec leur matériel léger (un appareil, bien sûr, et une sacoche pour les négatifs, les livraisons des clients et les films), ils arpentent les places animées de la ville, du quartier ou du village (marchés, boîtes de nuit, lieux de culte, écoles et universités etc.)

    Dynamiques et agressifs commercialement parlant, ils proposent des tarifs qui défient toute concurrence. Ils n'ont pas non plus de charge liée au paiement d'une facture d'électricité, de location, etc. Ces photographes de rue font même du porte-à-porte et, contrairement aux photographes sédentaires, peuvent travailler de jour comme de nuit, jusqu'à des heures tardives.

    Pour eux, la photographie domestique constitue une activité particulièrement rémunératrice. Pour toute cérémonie ou manifestation familiale, on fait appel à eux. De fil en aiguille, des amis de la famille entrent aussi dans la clientèle, grâce au bouche-à-oreille. « Si les premiers (photographes de studios) peuvent être de plein droit qualifiés de professionnels, de par leurs connaissances très grandes, les seconds (ambulants) n'ont pas suivi les traces de leurs prédécesseurs. A qui la faute ? A ces appareils de plus en plus sophistiqués où il n'est besoin que de presser sur un bouton pour réaliser un cliché. A ces laboratoires couleur qui assurent le développement et le tirage, d'où cette ignorance de plus en plus fréquente sur les techniques proprement photographiques. »134(*)

    Beaucoup d'ambulants n'ont pas acquis de connaissances techniques comme le travail de laboratoire. Leur savoir-faire se limite à la prise de vue. Le reste du travail est laissé aux laboratoires.135(*) Ce qui fait dire à Jean-François Werner qu'en définitive, les propriétaires de laboratoires apparaissent comme les véritables maîtres du jeu. Ce faisant, ils agissent selon une logique marchande commerciale axée sur la recherche du profit le plus élevé dans un minimum de temps. Avec comme conséquence, une tendance à privilégier la rapidité au détriment de la qualité.136(*) Conséquence : les photos se conservent moins longtemps, surtout dans nos pays où les conditions climatiques (chaleur et humidité) ne s'y prêtent pas souvent. Ce sont ces ambulants qui se sont convertis en reporters photographes pour le compte des média dans le contexte de l'explosion de la presse au milieu des années 1990. Ils ont ainsi contribué à fragiliser le statut de cette corporation.

    Section 3 : Le déclin des studios

    Privilégiés dans les années 1960 avec l'âge d'or de la photographie sédentaire, les photographes de studios, ces grands portraitistes, ont vu leur carrière freinée par les avancées techniques de la photographie deux décennies plus tard. La pratique sédentaire de la photographie a décliné au profit de la photographie ambulatoire. Dans son article, Côte d'Ivoire. Le crépuscule des studios, paru dans l'Anthologie de la photographie africaine et de l'océan indien137(*), Jean-François Werner se demande si les photographes de studios se relèveront de la crise que connaît leur corporation. Toujours selon Werner, « la profession photographique a subi depuis le début des années 1980 un bouleversement en profondeur qui met en question jusqu'à l'existence même de ces photographes de studio qui, à l'instar de Mama Casset, (...) ont réalisé des images qui relèvent d'un savoir-faire comme d'un sens artistique certain. »138(*)

    Cette situation nouvelle ressemble à celle des sociétés industrielles, au lendemain de la seconde guerre mondiale quand la démocratisation de la photographie amateur a entraîné la disparition des ateliers photographiques de rue. Pour le regretté Mama Casset, ce n'est ni plus ni moins que la mort de la photographie. « Je ne peux que regretter, disait-il, la mort de la photographie dont l'acte de décès a été signé par l'avènement de la couleur et des laboratoires automatiques. »139(*) Selon Samba Diop, « ces avancées techniques ont dénaturé la photographie. Il n y a aucun réglage à faire. Tout est automatique et il suffit juste d'appuyer sur le bouton et le tour est joué. »140(*) Alors que, « la vraie photographie, le noir et blanc, c'est une autre paire de manches. Il faut s'y connaître », poursuit-il. D'ailleurs, Samba Diop rechigne à donner aux ambulants le titre de photographes. Pour lui, ils ne sont que des « presse-boutons ».141(*) Cette situation actuelle « est caractérisée par la marginalisation professionnelle des praticiens de studio et la désaffection du public pour le rituel photographique, un phénomène qui reflète l'émergence de constructions identitaires plus individuelles que collectives », écrit Werner.142(*) La preuve en est aujourd'hui la floraison des appareils qui permettent aux non initiés d'immortaliser un évènement ou un lieu.

    Mis en péril par les avancées techniques en matière de photographie et par les ambulants, « les photographes de studio sont en définitive les grands perdants de cette guerre à la fois économique, technique et symbolique, dans la mesure où l'un des enjeux principaux reste le pouvoir de définir qui est photographe et qui ne l'est pas », constate Werner.143(*) Pour lui, « les photographes de studios ont été doublement marginalisés. D'une part, les compétences techniques autour desquelles s'était construite leur identité professionnelle, sont devenues subitement obsolètes, d'autre part, ils ont vu leurs studios désertés par des clients dont les goûts ont changé. »144(*)

    L'histoire de la photographie au Sénégal peut être scindée en deux grandes phases : son apparition à la faveur de la colonisation et son appropriation par les populations locales. Formés au contact des Blancs, les premiers photographes sénégalais connaitront leurs heures de gloire avec l'ouverture de studios à Saint-Louis et à Dakar. Mais l'avènement des laboratoires et de la photographie couleur sonneront le glas d'une génération talentueuse de praticiens et contribueront au déclin des studios. Cette période va coïncider avec l'émergence d'une catégorie de photographes appelés « ambulants ». Non contents d'avoir porté l'estocade aux photographes sédentaires, les photographes ambulants ont investi en masse une presse sénégalaise en pleine effervescence. Ils y ont transposé leur manière de travail informel à tel point que le photojournalisme au Sénégal est devenu une corporation en quête de reconnaissance.

    DEUXIEME PARTIE :

    LE PHOTOJOURNALISME AU SENEGAL :

    ZOOM SUR UNE CORPORATION SOUS-VALORISEE

    Pour permettre une bonne connaissance de la profession de reporter photographe et ainsi étayer notre hypothèse de départ, nous allons présenter plus en détail la méthodologie utilisée. Les données recueillies, présentées sous forme de graphiques circulaires, ont trait à l'expérience et au statut professionnel, au niveau d'études et de formation, au type de média pour lequel le reporter photographe travaille etc. La conversion des réponses en chiffres offre non seulement une meilleure lisibilité, mais aussi elle permet de construire une grille de lecture la plus objective possible de l'état des lieux de cette profession.

    Chapitre 1 :

    PRESENTATION DU CADRE METHODOLOGIQUE 

    Avant de présenter les résultats de nos enquêtes, nous allons exposer plus en détail la méthodologie utilisée

    Section 1 : L'enquête sociologique

    Nous avons procédé par une méthodologie basée sur l'enquête sociologique. Dans un premier temps, nous nous sommes entretenu avec les reporters photographes pour nous imprégner de leur corporation. Les méthodes utilisées sont : les enquêtes qualitative (entretien semi-directif) et quantitative (questionnaire). Avec un échantillonnage représentatif de la population des reporters photographes, nous avons procédé à leur classification par quotas (âge, sexe, niveau d'études, expérience professionnelle...)

    A/ L'échantillonnage

    Dans le cadre de notre étude, nous avons choisi la méthode de l'échantillon par quotas. Nous avons sélectionné un échantillon de vingt reporters photographes à partir de critères significatifs exprimés en pourcentage par rapport à une population globale (répartition par âge, sexe, type de média etc.) Cette méthode d'échantillonnage par quotas se justifie par le fait qu'il est très rare que l'on puisse interroger toutes les personnes concernées par l'étude.  Mais avant de nous lancer dans une telle entreprise, nous sommes passé par une phase exploratoire durant laquelle nous avons rencontré des reporters photographes et des personnes qui ont autorité à parler de cette profession. La recherche documentaire, très difficile du fait de la rareté de travaux scientifiques sur cette corporation au Sénégal, nous a également permis de confronter certaines idées. Une fois l'échantillon construit, nous avons élaboré notre questionnaire. 

    B/ L'enquête quantitative par questionnaire

    Dans son principe de réalisation, l'enquête quantitative ou l'enquête statistique ou bien encore l'enquête par questionnaire est simple. Il s'agit de mettre en relation des causes et des effets.145(*) A travers les questions posées, nous avons tenté de construire des relations causales entre divers facteurs qui ressortent dans le profil des reporters photographes sénégalais. Par exemple, entre le nombre d'années de pratique professionnelle d'un reporter photographe et le poste occupé dans sa rédaction. Selon Rémy Le Saout, un questionnaire sociologique est toujours élaboré en deux parties : des questions qui traitent du sujet d'enquête et celles qui permettent de repérer les principaux déterminants sociaux susceptibles d'expliquer les pratiques, les représentations, les propos développés par les enquêtés.146(*) Dans le cas de notre étude, en suivant cette démarche sociologique, nous avons interrogé notre population-cible sur des facteurs qui font ressortir la sous-valorisation de la profession de reporter photographe (poste occupé par le praticien, regard des journalistes au sein de la rédaction, rémunération etc.). Dans la seconde catégorie de questions, nous nous sommes intéressé à la formation professionnelle, au niveau d'études, aux années passées dans la profession etc. Dans ces différentes questions, nous avons tenu compte de la possibilité de la conversion en chiffres des données recueillies.

    C/ Les entretiens qualitatifs ou semi-directifs

     L'expression « enquête qualitative » renvoie à deux techniques : l'enquête par entretien et l'enquête par observation. L'enquête par entretien est essentiellement fondée sur l'échange, l'enquête par observation sur la capacité à regarder des gens à agir.147(*)  Avec l'enquête qualitative, nous avons cherché « à recueillir de la finesse, du détail ; ce que l'enquête par questionnaire permet beaucoup moins. »148(*) Même si le nombre de personnes à rencontrer est beaucoup plus réduit. Aussi, avons- nous parlé à une dizaine de personnes dans le cadre de notre étude. Dans ce lot figurent des photographes de renom ou reconnus par leurs pairs, un directeur de rédaction, un rédacteur en chef, des chefs de service photo, des journalistes et des lecteurs. Avec eux, nous avons utilisé un guide d'entretien, c'est-à-dire « des questions souvent très larges qui vont déterminer les principaux thèmes à aborder et guider l'entretien. »149(*)

    Quant à l'observation, selon Remy Le Saout, elle « permet de saisir à l'instant présent des situations, des comportements qui ont lieu directement »150(*) sous notre regard. L'observation nous a également été d'un grand apport dans notre travail de recueil de données. Exerçant dans un groupe de presse privée, cette méthode nous a permis de vérifier in visu certaines de nos hypothèses.

    Section 2 : Présentation des résultats

    Sur une population estimée à un peu plus d'une trentaine de reporters photographes, nous en avons interrogé vingt qui forment notre échantillon. Les réponses qu'ils nous ont données- converties en statistiques- constituent dès lors notre base de données. Celle-ci est composée de 90% d'hommes et de 10% de femmes, âgés entre 30 et 54 ans, répartis comme suit : 50% ont entre 30 et 39 ans, 25% entre 40 et 49 ans. C'est le même taux pour la tranche d'âge 50-59 ans.

    Le premier constat qui se dégage de cette population est qu'elle est majoritairement jeune et masculine. Ainsi, la place réservée aux femmes reste à prendre. Awa Tounkara, s'en désole mais ne trouve pas d'explication à cette situation.151(*)

    Dans notre échantillon, 75% sont mariés dont les 70% ont au moins un enfant, contre 10% de célibataires sans enfants et 15% de divorcés avec enfant pour la plupart. Ainsi, nous constatons que 90% des enquêtés sont des responsables de famille.

    Exceptés les 10% qui travaillent en free-lance, 70% des reporters photographes que nous avons interrogé exercent pour la presse privée, répartis entre les quotidiens (60%), magazines (20%). 10% sont dans une agence internationale (Panapress, AFP) et les 20% qui restent travaillent pour le public, essentiellement pour Le Soleil.

    Le constat qui saute à l'oeil nu est que la presse privée accueille le gros de la troupe. Cela peut s'expliquer par le fait que les agences et le service public, offrant la garantie d'un contrat dûment signé, avec les avantages y afférents, sont plus regardants sur le profil à recruter. Les organes privés, quant à eux, préfèrent souvent traiter avec le premier venu à qui ils proposent des cachets à la limite de leurs moyens, sans tenir compte du barème légal.

    La majorité de nos enquêtés (60%) disent être sous contrat avec leur organe de presse. Mais en réalité, il s'agit d'une entente verbale entre l'employeur et l'employé sur des termes comme la rémunération. Sur ces 60%, les 35% sont effectivement embauchés, les 25% étant constitués de pigistes.

    Concernant leur expérience professionnelle, les reporters photographes que nous avons rencontrés présentent un profil différent. 40% d'entre eux sont dans la presse depuis 11 ans au moins ou 15 ans au plus. Cette période qu'on peut dater de la fin des années 1990 à aujourd'hui, correspond à celle de l'explosion des journaux au Sénégal. 20% de notre échantillon ont une expérience professionnelle n'excédant pas cinq ans. Nous avons ce même taux pour ceux qui ont une pratique professionnelle comprise entre 6 et 10 ans et 10% ont entre 21 et 25 ans de pratique. Seulement 10% peuvent se prévaloir d'une expérience professionnelle de 26 à 30 ans, pratique hors-presse comprise. Au total, nous avons une moyenne de 15 ans, avec notamment un reporter photographe qui compte 28 ans de métier.

    Pour ce qui est du poste occupé dans leur rédaction, seuls 20% sont chefs de desk ou chefs de service photo. Néanmoins, ce titre n'obéit à aucune considération d'ancienneté ou de professionnalisme. Le choix de celui qui le porte ressort du pouvoir discrétionnaire de l'employeur, et souvent au gré de ses affinités ou de considérations subjectives.

    Dans le profil des interviewés, nos questions ont aussi porté sur leur formation en photojournalisme et sur leur niveau d'études générales. Sur le premier point nous remarquons que les reporters photographes, dans l'ensemble, sont tous formés sur le tas (70%). La raison principale est qu'il n'existe pas au Sénégal d'école de formation en photojournalisme ou de photographie tout court

    Comment sont-ils venus à la presse ? Ces reporters photographes ont été initiés, soit par un parent ou un ami photographe (40%), soit en fréquentant les labos photos (15%), soit en autodidacte, se faisant la main lors de cérémonies familiales et les fêtes religieuses (15%).

    Cependant, il faut noter qu'il est toujours possible d'acquérir les rudiments de la pratique photographique dans un cadre formel. Le Centre d'Etudes à la Vie Active (CEVA), communément appelé Centre de Bopp, de manière épisodique et le Média Centre de Dakar -un institut qui initie aux métiers de l'audiovisuel- offrent des modules payants en photographie. Les 30% restants de notre échantillon ont d'ailleurs acquis les rudiments de la photographie dans l'un ou l'autre de ces deux structures. En gros, nous remarquons qu'aucun reporter photographe n'a suivi une véritable formation qualifiante. Ils ne sont pas mieux lotis s'agissant de leur niveau d'études générales : 10% ont le niveau du primaire ; 20%, celui du Cours moyen ; 45% ont atteint le secondaire contre 20% pour le niveau supérieur. 5% de nos enquêtés n'ont pas fréquenté les bancs.

    Nous constatons dès lors que la majorité des reporters photographes a un faible niveau d'études. Ce qui peut expliquer le fait qu'ils ne soient pas considérés comme des journalistes à part entière. Car, pour être journaliste, il faut au moins être titulaire du Bac, comme l'exigent les conditions d'entrée dans les écoles de journalisme.

    Chapitre 2 :

    ETAT DES LIEUX DU PHOTOJOURNALISME AU SENEGAL

    Au Sénégal, comme ailleurs  sur le continent, la photographie fait partie du quotidien des populations. Malgré leurs réelles galères, l'absence de statut, les photographes qui évoluent dans les capitales africaines restent des témoins de l'évolution de leur société. A Dakar, par exemple, ils constituent une petite corporation informelle qui s'agrandit d'année en année.152(*) Avec son lot de précarité et de préjugés.

    Section 1 : Précarité et sous-valorisation

    Selon la Convention Collective des Journalistes et de la Communication Sociale du Sénégal, le reporter photographe, qu'il soit formé ou pas, est avant tout un journaliste. Ce que semble ignorer le reporter photographe dont la corporation est sous-valorisée dans le monde de la presse sénégalaise. Toutefois, pour se donner un statut et ainsi se considérer comme journaliste, 60% de nos enquêtés définissent le reporter photographe comme « celui qui prend des photos appliquées au journalisme. » En d'autres termes, comme un journaliste qui relate un fait ou un événement par le biais de l'image. On parle dans ce cas d'information visuelle.

    Cependant l'absence de statut professionnel les laisse à la merci des employeurs qui, au meilleur des cas, les recrutent sur la base d'un contrat verbal. Ils sont 60% à avoir « signé » un contrat par entente directe, contre 35% qui sont embauchés. Les 10% préfèrent travailler en pigistes en l'absence d'un statut clairement défini. Malgré ce choix d'indépendance vis-à-vis des rédactions, les écueils ne manquent pas. A en croire Héric Libong, chef du service photo de l'Agence de presse panafricaine (Panapress), « les quelques photographes cherchant à développer des travaux d'auteur ou de journaliste en souffrent énormément. Pas uniquement pour des raisons lucratives, car ils parviennent à exporter leurs productions vers les média occidentaux ou à les proposer à des ONG sur place, mais surtout parce que cette absence de statut les empêche d'exister en tant que tel. De proposer leur regard sur leur société à leurs concitoyens.»153(*)

    Toutes choses qui font que les reporters photographes travaillent également dans une situation d'insécurité. 60% d'entre eux ne disposent d'aucune assurance alors qu'ils exercent un travail risqué ou dangereux. Sans filet de protection ni moyens, les reporters photographes vivent dans la précarité. Ils sont obligés de se rappeler au bon souvenir de la pratique ambulatoire en répondant à des commandes de reportage lors de baptêmes, mariages, anniversaires, etc.

    « Dans nos rédactions, il n'y a pas cette notion organisationnelle qui fait qu'il existe une rédaction photo, avec un rédacteur en chef photo au même titre que le rédacteur en chef classique »154(*), remarque M. G. Fort de ses 18 ans de pratique professionnelle, il se considère de facto comme le rédacteur en chef photo de son journal, car « pour le même nombre d'années d'expérience, le rédacteur passe du simple statut de reporter à celui de chef de desk, de rédacteur en chef et même plus. » Ce jeune reporter photographe éprouve le sentiment d'être sous-valorisé lorsqu'il voit « tous ces nouveaux devenus aujourd'hui chefs de desk, rédacteurs en chef, alors qu'ils ont tous fait leur stage sous mes yeux. Pourquoi, nous n'avons pas de promotion comme eux ? », se lamente M. G.

    En attendant, seuls 20% des reporters photographes occupent le poste de chef de desk ou de service photo. C'est un titre plus ou moins honorifique, puisque l'avancement au niveau du salaire, la prise en charge des primes de responsabilité et les avantages y afférents ne suivent pas. Rares sont ceux qui assistent aux réunions de rédaction. Et même dans ce cas, leurs avis ne sont pas pris en compte.

    Au plan du traitement salarial, 30% des sondés perçoivent entre 50 000 et 100 000 francs CFA, 35% entre 100 000 et 200 000 francs CFA. 20% touchent entre 200 000 et 300 000 francs CFA et 15% ont entre 300 000 et plus. Ce qui donne une marge salariale de 160 000 francs CFA.

    Dans les deux derniers lots des reporters photographes les mieux payés, on trouve les agenciers, les free-lance, ensuite viennent ceux qui travaillent dans le public. Autre remarque : ces reporters photographes totalisent plus d'années d'expérience. Dans ces différents organes de presse, la législation en matière de rémunération est mieux respectée que dans le privé où nombre de reporters photographes sont rémunérés selon une convention-maison, en-deçà de qui est prévu par la Convention Collective des Journalistes et Techniciens de la Communication sociale du Sénégal. Ce protocole, adopté en 1991 par les entreprises de presse et l'Etat du Sénégal d'une part et avec le Syndicat des professionnels de l'Information et de la Communication du Sénégal (SYNPICS) d'autre part, range les reporters photographes dans la Classe III, au même titre que le journaliste reporter ou le secrétaire de rédaction titulaire d'un Bac + 2 ou 3 avec un salaire de base de près de 170 000 francs CFA.155(*) Pour combler le gap financier, 80% d'entre eux travaillent pour leur propre compte en dehors de leur rédaction. Parce que, disent-ils en choeur, « les organes de presse proposent des cachets très bas. »  Pour ces hommes en charge d'une famille -75% sont mariés et ont au moins un enfant- il faut bien arrondir les fins de mois pour essayer tant bien que mal de faire face aux difficultés du quotidien. Ainsi, il arrive même que des reporters photographes collaborent avec des journaux concurrents !

    B. D est reporter photographe pour le magazine people dakarois, une publication qui traite de sujets sur les femmes (mode, coiffure, couture etc.). Ce qui ne l'empêche pas de vendre des

    photographies à d'autres publications (magazines et quotidiens) de la place. Une image publiée à la une d'un quotidien lui a rapporté 20 000 francs CFA à son auteur. En France, elle peut valoir 250 euros (environ 165 000 francs CFA). Pourtant, soutient ce jeune reporter photographe, le titre dont il fait allusion - l'un des plus lus du pays - compte parmi ses clients qui offrent les meilleurs prix. Il arrive même à B. D de céder une photographie à 5 000 francs CFA. « La photographie n'est pas rémunérée à sa juste valeur dans la presse sénégalaise », estime-t-il. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles, l'agence Panapress préfère faire affaire avec des journaux étrangers. Selon Héric Libong, « les prix diffèrent suivant, l'intérêt du sujet, la périodicité, le client, la taille de l'image etc. Cela dépend aussi du pays.  Ici (Au Sénégal), on ne vend presque rien, comparé à l'Afrique du Sud. Les journaux sud-africains sont de gros consommateurs d'images de presse, contrairement à la presse sénégalaise. »156(*)

    Dans cette agence panafricaine, la stratégie utilisée consiste à vendre un package qui comprend à la fois le texte et l'image. Leurs meilleurs clients se trouvent en France et en Europe. En effet, depuis quelques années les journaux occidentaux choisissent un oeil endogène pour raconter l'histoire de l'Afrique. En 2003, le reportage sur les rats démineurs, des rats de Gambie (Cricetomys gambianus), avait fait sensation auprès de journaux européens. Dans ce sujet en deux parties, le reporter photographe effectue une plongée dans l'univers de ces rongeurs élevés et dressés dans le Centre Apopo de l'Université d'Agriculture Sokoine de Morogoro (Tanzanie), pour la détection de mines anti-personnel Bien entraînés pour flairer l'odeur des mines, ces rats dont le poids ne peut faire sauter une mine, accomplissent leurs missions dans des zones du Mozambique, pays où quelques 500 000 mines sont toujours actives, sous l'objectif du photographe de la Panapress. « Ce reportage a été repris par beaucoup de journaux européens comme Science et Vie, l'hebdomadaire allemand, Stern, qui a publié une de ces photos en double page, montrant un de ces rongeurs géants en action etc. », confie Héric Libong,157(*) le chef du service photo de Panapress. Ce reportage a également reçu le Prix Fuji au Festival international de photojournalisme de Perpignan, Visa pour l'Image en 2005. « On a également bien bossé sur la Côte d'Ivoire aux heures les plus chaudes, en essayant de montrer l'envers du décor. Il ne s'agit pas de se voiler la face devant ce qui est moche, mais de montrer qu'une réalité en cache beaucoup d'autres. »158(*) Toutefois, la réalité de Panapress contraste avec la situation d'ensemble des reporters photographes sénégalais, qui ne sont pas considérés comme des journalistes à part entière. 75% des enquêtés le reconnaissent sans équivoque. Cette sous-valorisation, conséquence de l'inexistence d'un statut clair pour les reporters photographes les expose à moult contraintes. Sur le terrain, les principales difficultés auxquelles ils se heurtent ont pour noms : les interdictions administratives, les actions répressives des services d'ordre et une certaine « animosité » qui se manifeste vis-à-vis de leur profession.

    Boubacar Touré dit « Mandémory », 54 ans, est photographe professionnel depuis près d'une trentaine d'années. En 1990, il a initié le premier « Mois de la photographie », avec des collègues et amis comme Bouna Médoune Sèye, Mamadou Touré Béyan, Moussa Mbaye, Pape Bâ, Djibril Sy, Vieux Sané etc. Mandémory travaille inlassablement sur son entourage. Après avoir sévi dans quelques rédactions dakaroises, il a choisi depuis quelques années d'évoluer en free-lance. Régulièrement, il répond aux commandes de journaux et d'organismes occidentaux ou de grosses pointures du secteur culturel sénégalais et d'ailleurs.159(*) Pour résumer le rapport que la société entretient avec le photographe, il se souvient de ses déboires avec un policier alors qu'il effectuait le plus légalement du monde un reportage à la gare ferroviaire de Dakar, sur ce qu'il appelle « l'effervescence dans la capitale », c'est-à-dire les gens qui s'agrippent aux portières des véhicules de transport, le train de banlieue etc. Au moment de son reportage, il obtient un scoop : un accident terrible survient sous ses yeux. « Je ne voulais pas prendre d'image, parce que ce n'est pas ma démarche photographique. Mais d'un geste brusque, un jeune agent de police m'empoigne par derrière, au niveau du collet. Sans explication, il me brutalise et arrache mon appareil, comme ça, sans raison. »160(*) Pour Mandémory, l'attitude de ce policier résume à elle seule le manque de considération dont sont victimes reporters photographes et photographes dans la société sénégalaise. « Dans la rue, tu vois un enfant te héler : `Toi-là, viens me prendre en photo. De 500 francs le prix d'une photo, le client propose 300 francs. Parce qu'à la base, c'est la conscience que les gens ont du photographe. En fait, ils n'ont aucun respect pour le photographe. Pour eux, la photographie est une profession banale, méprisable. »161(*)

    Nous avons voulu vérifier ces propos en soumettant un guide d'entretien à cinq (05) lecteurs qui achètent un quotidien, au moins deux fois par semaine. Une des questions que nous leur avons posées quel était de nous préciser le nom de celui qui réalise des photographies pour un journal. Les quatre ont répondu : « photographe ». Autrement dit, ils ne font aucune différence entre le reporter photographe et le photographe ambulant qui arpente les rues de Dakar et sa banlieue ou court les cérémonies familiales et autres fêtes religieuses. Cette perception sociale du reporter photographe est révélatrice d'une méprise dont il est souvent victime dans l'imaginaire populaire. « C'est-à-dire que la photographie est tellement méprisée en Afrique, qu'il n'y a pas de démembrement officiel de l'Etat qui a pu prendre en charge cette corporation. Il y eut un temps, le ministère de la Culture ne savait même pas que la photographie faisait partie des arts visuels », ironise Boubacar Touré Mandémory.162(*)

    Entre absence de statut et regard dévalorisant de la société sur le photographe, Boubacar Touré Mandémory se résigne presque dans son interrogation. « Où est-ce que tu vas trouver, à Dakar, quelqu'un qui va te parler de photographie au Sénégal ? Il n'y a personne. Que ce soient les journalistes ou les universitaires. Les occidentaux connaissent l'histoire de notre photographie mieux que nous mêmes. Il y a toute une éducation à faire. »163(*) Poussant un peu loin sa critique, Mandémory semble ignorer l'état de la recherche dans ce domaine. Depuis quelques années, des travaux scientifiques sur la photographie de presse et la corporation des photographes dans une perspective sociologique et sémiotique sont réalisés par des chercheurs sénégalais.164(*)

    L'observation des relations entre les rédacteurs et les reporters photographes au sein d'une rédaction permet de se faire une idée sur la réalité de tels propos. Les rédacteurs ne considèrent pas les reporters photographes comme des journalistes à part entière. Les reporters photographes sont 75% à répondre non à cette question (fermée) : « Vos confrères rédacteurs vous considèrent-ils comme un journaliste à part entière ? »

    Ce qui ne semble pas freiner les ardeurs de jeunes qui investissent de plus en plus le photojournalisme. En règle générale, le photographe, qu'il soit de presse ou non est avant tout un passionné de son art. Pour nombre d'entre eux, travailler pour la presse offre un certain prestige. Anciens ambulants pour la plupart, ils croient accéder ainsi à une marche supérieure sur l'échelle sociale. Ils veulent être des « photojournalistes », c'est-à-dire des journalistes qui relatent l'information avec des images comme d'autres le font avec des mots, qui écrivent avec un appareil photo comme d'autres avec une machine à écrire ou un clavier d'ordinateur.165(*) « Il faut que cesse cette attitude des journalistes qui « trimballent » le reporter photographe comme s'il s'agissait d'un vulgaire appareil photo »166(*), s'agace Boubacar Touré Mandémory pour qui, le passage dans les rédactions n'a pas laissé que de bons souvenirs. En effet, dans les rédactions, c'est au moment de partir en reportage que le journaliste informe « son » reporter photographe. Informer ? Il met plutôt le photographe devant le fait accompli. Sans connaître le sujet du reportage, sans préparation ni discussion avec le journaliste, le reporter photographe le suit sur les lieux de l'événement. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner de voir dans les journaux le règne de ce qu'on appelle dans le jargon des reporters photographes les « rangs d'oignons » : la sempiternelle image du présidium d'une conférence de presse ou d'un séminaire, la photographie officielle d'une personnalité connue ou celle d'un groupe, les joueurs de l'équipe de football, tous bien alignés et figés, sans expression.167(*)

    « Allez demander à Djibril Sy [reporter photographe à la Panapress] ou Mandémory [Babacar Touré] pourquoi ils ne publient pas dans la presse locale », s'interroge malicieusement Héric Libong. Ce sont des photographes talentueux. Tous organes de la place leur ouvriraient grandement leur porte. »168(*) C'est qu'en réalité, les reporters photographes sont confrontés à des problèmes qui résultent souvent d'incompréhensions découlant de leurs relations avec les cadres ou les rédacteurs de la presse écrite, lesquels n'ont donc a priori aucun intérêt à en faire cas dans les journaux.169(*) C'est pourquoi, ceux qui ont plus d'expérience ou sont un peu plus âgés préfèrent travailler pour leur propre compte ou dans le public (Le Soleil, APS, par exemple).

    Mamadou Seylou Diallo (42 ans) de l'Agence France Presse a eu des relations difficiles avec un rédacteur en chef du temps où il travaillait dans la presse quotidienne sénégalaise. Cette situation l'a poussé à tourner définitivement le dos aux rédactions. Actuellement sous contrat avec l'agence filaire française, ce « photojournaliste » expérimenté est également le photographe attitré d'un ministre de la République.

    Dépréciés dans l'imaginaire social, les reporters photographes sénégalais le sont tout autant par leurs confrères rédacteurs, qui ne les considèrent pas comme des journalistes à part entière. Dans les pages des journaux, l'image occupe la portion congrue de l'information. C'est pourquoi, les reporters photographes estiment leur travail fort peu pris en compte dans les rédactions et ravalé au rang de bouche-trous, alors que les articles sont privilégiés et valorisés.170(*) Conséquence ? « Il y a une certaine insatisfaction, pour ne pas parler de rancoeur, des reporters photographes longtemps et encore trop souvent considérés comme des « presse-bouton » par leurs confrères de plume. Leur écoeurement vient du peu de considération que leur accordent les rédacteurs en chef, les chefs de services, les secrétaires de rédaction, les maquettistes, les directeurs artistiques dont certains se conduisent en petits dictateurs à leur égard. Trop rarement on leur accorde la parole et on écoute leurs suggestions pour une bonne utilisation de leurs photos. Heureux encore que le rédacteur en chef ou le directeur artistique n'exige pas que le reportage photographique vienne conforter l'idée qu'il a, lui, a priori, d'une situation, d'un pays, d'une personnalité, au mépris de ce que le photographe a vu et découvert sur le terrain. »171(*)

    Dans notre enquête, 40% des reporters photographes reconnaissent être peu ou prou associés au choix des images à publier. 10% en sont exclus. Dans la plupart des rédactions, le choix final incombe au rédacteur en chef ou parfois au monteur du journal.

    Section 2 : Les « petits soldats du journalisme»172(*)

    Difficiles conditions de travail et faiblesse de moyens matériels et financiers : « les photographes de presse africains sont rarement considérés comme des journalistes à part entière. Encore aujourd'hui, ils doivent se cantonner au rôle d'illustrateur, sans même pouvoir signer leurs clichés. »173(*) Ce constat d'Erika Nimis est caractéristique de la situation qui prévaut dans la presse sénégalaise. Parents pauvres d'une presse pauvre, les reporters photographes sénégalais, qui relatent l'information par les images, manquent presque de tout. Dans notre étude, 70% des reporters déplorent leur insatisfaction par rapport à leurs conditions et outils de travail. Le matériel coûte cher et les innovations, à cette époque du numérique, sont fulgurantes. A titre d'exemple, le matériel de travail de Cellou Diallo, reporter photographe de l'Agence France Presse se chiffre à 18 millions de francs CFA. Un investissement inimaginable pour une agence de presse sénégalaise, même si la comparaison n'est pas tenable avec le géant français de l'information filaire. Le problème est que les rédactions dakaroises ne veulent pas débourser beaucoup d'argent pour acquérir un bon matériel photographique. « Les patrons de presse préfèrent se payer une belle voiture à 20 millions de francs CFA plutôt que doter leur organe d'un bon matériel photographique »,174(*) pense savoir Boubacar Touré « Mandémory », membre fondateur du service photo de la Panapress, de Dakar Soir qui ne paraît plus. Ce professionnel talentueux et aguerri sait de quoi il parle. Souvent d'ailleurs, les reporters photographes travaillent avec leur matériel. 50% de notre échantillon sont propriétaires de leur appareil photographique

    En dépit de toutes ces difficultés qui étreignent cette corporation, nous remarquons qu'aujourd'hui la pratique de la photographie de presse n'a jamais été aussi forte chez les jeunes.  La relative facilité à posséder un appareil, la simplicité de l'acte photographique sans oublier le chômage qui empoisonne le climat social, sont autant de facteurs qui rendent le métier de photographe accessible à tous.175(*) Cette situation a rencontré un contexte favorable caractérisé par la multiplication des titres à partir des années 1990.

    Depuis quelques années, le numérique s'est imposé comme principal outil de travail des reporters photographes sénégalais. Ceux que nous avons interrogés travaillent avec un appareil numérique, devenu beaucoup plus accessible que l'argentique. « Maintenant, le numérique est devenu une banalité à tel point qu'il y a pas mal de photoreporters qui, à l'inverse, n'ont jamais travaillé en argentique »176(*), explique Héric Libong dans un entretien accordé à l'historienne Erika Nimis. Même si les reporters photographes déplorent l'obsolescence de leur matériel, la rapidité que nécessite le traitement de l'information quotidienne ne leur offre pas beaucoup de choix.

    Si pour les reporters photographes sénégalais, avoir un matériel de travail adéquat est une chose improbable, c'est qu'en réalité les organes de presse ne comprennent pas les exigences de la profession. Très souvent, la logistique (véhicule pour le reportage, piles pour les appareils, cartes mémoire, ordinateurs pour stocker les images etc.) pose problème. Outre des problèmes d'équipement (le matériel coûte cher et son entretien difficile), le potentiel des reporters photographes est sous-exploité ou tout simplement ignoré.177(*)

    Les reporters photographes rencontrent également des difficultés pour accéder à l'information. Un peu plus de 50% des personnes interrogées déplorent l'obstacle que constituent les forces de police, gardes du corps et autres agents de sécurité qui leur rendent le travail difficile. Les déplacements du Chef de l'Etat sont les manifestations qu'ils appréhendent le plus. « Tous les reporters photographes te diront qu'ils n'aiment pas couvrir les activités et déplacements à l'intérieur du pays du président de la République », explique Aliou Mbaye, secrétaire général de l'Union Nationale des photojournalistes du Sénégal (UNPJ) et reporter photographe à la Panapress.

    Face à ces difficultés, leurs organes ne font presque rien pour les y aider. Pis, il arrive parfois que l'employeur ne daigne même pas intervenir pour tirer d'affaire son reporter photographe ayant maille à partir avec la police dans l'exercice de sa profession. « Une fois, la police avait confisqué mon appareil. Une autre fois, un videur d'une boîte de nuit dakaroise a cassé mon appareil. Je me suis fait voler mon ordinateur et mon appareil. Dans tous ces cas, mon patron s'en est lavé les mains. J'ai fini par partir, puisqu'aucun contrat écrit ne nous liait », témoigne sous couvert de l'anonymat un de nos enquêtés aujourd'hui reporter photographe d'un magazine people dakarois. Inutile de dire que dans de telles conditions, le reporter photographe ne dispose d'aucune assurance liée aux risques de l'exercice de sa profession. Ils représentent 60% de notre échantillon à être dans ce cas. Comme le note Erika Nimis, peu de photographes bénéficient d'un contexte favorable  à l'exercice de leur profession. Beaucoup manquent de moyens et de soutien.178(*)

    Et sur le plan informatif, nombre d'entre eux déclarent se sentir éloignés de la démarche informative et souffrir de voir parfois leurs photos insuffisamment prises en compte ou mal cadrées. Ils en ont assez d'être les parents pauvres de l'information, et souhaitent une meilleure intégration aux services rédactionnels. Voeu pieux car la photographie est trop tenue pour partie négligeable dans l'information. « Très souvent, lorsqu'un article est décidé, la question de son illustration n'intervient qu'une fois le reportage effectué. Divers cas de figure se présentent alors : soit l'on arrive à obtenir pendant ou après le reportage une illustration gracieusement offerte, soit on demande à un photographe s'il n'aurait pas dans ses archives une photo pouvant faire l'affaire. Des recherches dans la photothèque du journal, si elle est suffisamment fournie, sont un autre recours. »179(*) La situation n'est guère différente au Sénégal où les reporters photographes voient leurs images reprises et reproduites à longueur de colonnes sans qu'ils touchent le moindre droit d'auteur. Et les photographies ne sont presque jamais signées dans les journaux, contrairement aux articles des rédacteurs.

    Chapitre 3 :

    LES RAISONS D'UNE SOUS-VALORISATION

    En analysant les discours de nos interviewés et les données statistiques, nous pouvons dégager deux grandes pistes d'explications de cet état des lieux peu reluisant du photojournalisme au Sénégal : le défaut de formation formelle des reporters photographes et leur faible niveau d'études générales, mais aussi l'absence d'une culture de l'image dans la presse sénégalaise.

    Section 1 : Le manque de formation et le faible niveau d'études

    Si tous les reporters photographes que nous avons rencontrés ont acquis des rudiments de la pratique photographique, aucun n'a suivi une formation en photojournalisme. Pour la raison toute simple qu'il n'existe pas d'école ou d'institut, au Sénégal, qui forme des reporters photographes. Cependant, tous ont eu à être initiés à la maîtrise de l'outil photographique. Mais l'absence de formation spécifique pour les reporters photographes, à l'image du rédacteur qui peut être formé dans une école, fait d'eux des « journalistes de second rang. » Ils le savent et ne demandent que la création d'un institut où des pensionnaires sortiront avec la spécialisation « reporter photographe ».

    Ainsi, ils représentent 70% de notre échantillon à déplorer l'inexistence d'une école de formation, mais surtout à éprouver le besoin d'obtenir un diplôme et ainsi d'être reconnu comme journaliste. Les 30% -les reporters photographes les plus âgés- ne sentent pas la nécessité de se former dans une école au cas où elle existerait. Par contre, ils souhaitent ardemment la création d'un cadre formel où seront formés les reporters photographes ou, au moins, des filières de formation en photojournalisme dans les écoles de journalisme du pays. A l'image du Nigéria où, aujourd'hui, la plupart des photojournalistes nigérians se forment soit au Yaba College of Technology, à Lagos, soit au Nigerian Institue of Journalism, à Ibadan).180(*) 

    « Ici (au Sénégal), malheureusement, les formations de journalistes n'ont pas tenu compte de la photographie. L'activité est livrée à l'informel. Aucun organe gouvernemental ne se préoccupe de son avenir et du statut des photographes », se désole Boubacar Touré Mandémory dans un entretien publié sur le site du journal français, L'Humanité.181(*)

    Face à cette situation, l'Union nationale des photojournalistes (UNPJ) à entrepris des démarches auprès des autorités étatiques pour la création de structures de formation. « Il y a deux mois, le directeur de la Communication, représentant le ministre, nous avait reçus à notre demande pour discuter des problèmes qui touchent notre corporation comme la formation et le statut»182(*), confie Aliou Mbaye. Dans le volet formation, qui a occupé une grande partie des discussions, différentes propositions ont été faites par l'association des reporters photographes : « l'organisation de séminaires de mise à niveau, de stages, l'octroi de bourses de formation, mais également dans le projet de construction de la « Maison de la presse » promise par l'Etat, qu'une cellule soit dédiée aux reporters photographes. »

    Pendant ce temps, au CESTI de Dakar, on en est encore à un module de deux heures par semaine sur la pratique de la photographie, en deuxième année de formation. Quant aux autres instituts privés qui investissent dans la formation des journalistes, rien n'est prévu pour la formation de reporters photographes. C'est ce qui explique selon Samba Diop le faible niveau de beaucoup de photographes de la nouvelle génération. « Avant, la photographie c'était du sérieux. Ce n'est pas comme aujourd'hui avec ces photographes-entre guillemets- que nous voyons et que j'appelle « des presse-boutons ». Ce ne sont pas des photographes. Un vrai photographe sait ce que c'est que la photographie. Il travaille sa formule. Il sait ce qu'est un révélateur, comment on le prépare ; comment mélanger les produits chimiques avec de l'eau pour fixer les photos. On travaillait en chambre noire, il ne fallait pas exposer l'image à la lumière. Ensuite il fallait développer la photo dans un bain d'acide acétique et on le fixe dans le fixateur. Une fois que c'est fixé, c'est à ce moment qu'on allume la lumière pour regarder la photo. Il y a aussi les cadrages à faire. Ce qui supposait un long apprentissage et la maîtrise des techniques de la chambre noire. Maintenant, c'est la facilité »183(*), dit-il avec la rigueur du formateur qu'il était.

    En effet, note Jean-François Werner, « la maîtrise des opérations techniques mises en oeuvre dans la chambre noire s'acquérait au cours d'apprentissages relativement longs (deux à trois ans, souvent plus) (...)»184(*) Pour Héric Libong, il ne fait aucun doute que l'une des principales causes de la sous-valorisation des reporters photographes tient à leur manque de formation dans un cadre formel. « Effectivement, au Sénégal, c'est une question de formation. Le reporter photographe n'est pas suffisamment imprégné de sa profession. Beaucoup sont des anciens du « Dread » qui, sans doute, investissent la presse pour un prestige réel ou supposé de cette profession. »185(*)

    Momar Diongue, rédacteur en chef de l'hebdomadaire dakarois, Nouvel Horizon considère le reporter photographe comme un journaliste à part entière « parce que l'iconographie est partie intégrante de l'information. »186(*) Mais, reconnaît-il, de manière générale, « le reporter photographe sénégalais n'a pas encore le bagout que l'on peut voir chez ses alter ego étrangers, européens en particulier. »187(*) Selon Diongue, cela est dû à trois facteurs : «  le contexte culturel de nos pays fait que certaines images ne peuvent pas être publiées dans les journaux »188(*), souligne Diongue, qui fait allusion à certaines photos intimes ou suggestives que l'on voit dans les tabloïds européens. Pourtant, certaines images chocs sont souvent publiées à la une des journaux comme celle d'un individu lynché à mort.

    Le second facteur explicatif et pas des moindres, à en croire ce rédacteur en chef, a trait aux limites objectives des reporters photographes. « Le déficit de formation fait qu'ils ne prennent pas de photographies qui `parlent'. »189(*) Il en veut pour preuve la rubrique « Image de la semaine » de Nouvel Horizon. Il s'agit d'une (ou de deux) photographie(s), légendée(s), qui doit attirer le lecteur par son caractère informatif, original, insolite, impertinent comme pour un article de presse. «C'est parce qu'elles ont des insuffisances qu'on commente ces photographies qui devraient se suffire à elles-mêmes. »190(*) Enfin, Momar Diongue estime que pour être un bon reporter photographe, il faut avoir le reflexe professionnel en permanence. C'est, en d'autres termes, être toujours à l'affût de la moindre image, de la bonne photographie.

    Mais comment exiger du reporter photographe qu'il produise une image qui se lirait comme un article, alors qu'il n'a pas bénéficié de formation comme le rédacteur ? Autant rédiger un article obéit à des techniques, autant la photographie obéit à des codes et conventions. « Pour bien informer avec une photographie, encore faut-il que celle-ci soit fonctionnelle. C'est-à-dire réalisée à partir du réel et non de la fiction, et sans que son but soit forcément d'être esthétique, comme c'est le cas pour la photo picturale. Il faut aussi tenir compte de la hiérarchie des composants, savoir lire, et donc écrire une photo ; il faut enfin ne pas confondre le décrit et le suggéré. »191(*) Mais rares sont les reporters photographes qui maîtrisent ces données techniques. L'aveu est d'Abdou Cissé, reporter photographe au journal Le Quotidien. Initié à la photographie au Centre de Bopp, il a une longueur d'avance sur ses confrères. « Il n'y a pas beaucoup qui peuvent se définir comme photojournaliste, c'est-à-dire quelqu'un qui prend des photos et écrit des articles. Nous manquons de formation. Nous ne savons même pas ce qu'est la photographie. Il suffit de demander à certains photographes de presse la définition d'une photographie pour t'en rendre compte »192(*), regrette Abdou Cissé dont le travail est reconnu dans le milieu. A 50 ans, il s'attèle d'ores et déjà à sa reconversion dans la photographie d'art.

    Au moment où les plus âgés se retirent des rédactions, beaucoup de jeunes, armés de leur seule passion et d'un appareil numérique, cherchent à assurer la relève. Cela dit, il y a une contrepartie, constate Héric Libong. « Le fait qu'il y ait plus de photographes ne signifie pas que les meilleurs sont les plus nombreux. (...) On rencontre de moins en moins de photographes qui ont une vision personnelle, un vrai regard. (...)Très peu prennent le temps d'apprendre leur métier. »193(*)

    Souffrant donc d'un manque de formation dans un cadre formel, les reporters photographes essaient malgré tout de se former sur le tas. Mamadou Gomis, reporter photographe à Walf Grand'Place est de ceux-là. « Je me suis formé sur le tas, dans un studio photo où je faisais des portraits comme pour les entretiens en journalisme. Je faisais aussi des reportages lors de cérémonies familiales et religieuses (baptême, mariage etc.) Contrairement aux images de presse prises dans un but d'information pour un large public, celles que je prenais étaient à usage privé.»194(*) Par ce procédé d'auto-apprentissage, ce jeune reporter photographe est aujourd'hui devenu un des meilleurs espoirs de la photographie de presse au Sénégal. Dans sa rédaction, il est devenu incontournable, tant son « clin d'oeil » est devenu une sorte de rubrique à part entière qu'il anime quotidiennement, même s'il n'occupe qu'un petit espace dans la pagination.

    L'exemple des reporters photographes autodidactes tels que Gomis ainsi que son expérience personnelle font dire à Boubacar Touré « Mandémory » qu'à défaut de formation formelle, le reporter photographe peut néanmoins avoir un bon niveau si, en plus de la pratique, il a certaines aptitudes comme «  l'audace, la pertinence dans ses images. » Toutefois, s'empresse-t-il de tempérer, «il faut aussi avoir un minimum de niveau d'études, se documenter par des revues spécialisées, mais aussi aller vers les confrères les plus expérimentés pour se perfectionner à leur contact. »195(*)

    Malheureusement, peu de reporters photographes atteignent le niveau supérieur (20%) tandis que 30% ont un niveau secondaire et 50% ont un niveau compris entre le primaire et le cours moyen. Ce qui donne, dans l'ensemble, un niveau d'études générales moyen, voire faible. On comprend, dès lors pourquoi dans l'imaginaire populaire et pour les reporters photographes eux-mêmes la photographie, comme pratiquement tous les métiers manuels, est rangée dans la catégorie des emplois pour les recalés de l'école. Une profession de la seconde chance.

    Section 2 : « Absence d'une culture de l'image » dans la presse sénégalaise.

    La sous-valorisation de la profession de reporter photographe a-t-elle un lien avec l'absence de culture de l'image dans la presse sénégalaise ? Un tour dans les rédactions, et on est tenté de répondre par l'affirmation. Tellement la photographie de presse occupe la portion congrue de l'information. Quant à un service photo digne de ce nom, il semble n'exister que de nom. A quelques exceptions, c'est l'indifférence des journaux pour l'information par l'image, la médiocrité de la reproduction iconographique ajoutée à la platitude des lignes éditoriales et l'absence générale de culture de l'image qui prévalent.196(*) C'est qu'en effet, dit Héric Libong, « l'image n'est pas encore perçue comme partie essentielle, à part entière de l'information. On ne connaît pas suffisamment sa portée dans la presse sénégalaise. Il n'existe pas cette culture de diffusion de l'information visuelle dans les journaux. »197(*)

    Ce « mépris » pour la photographie dans la presse sénégalaise se manifeste à plusieurs niveaux et touche, par ricochet, les reporters photographes. Mis à l'écart pour le choix des images qui accompagnent les articles, les reporters photographes sont naturellement peu satisfaits de leur mise en page. 40% de nos enquêtés déclarent sans ambages ne pas du tout être satisfaits de la façon dont leurs photos sont recadrées dans leur journal et 30% estiment l'être moyennement. Encore qu'ils soient associés à la mise en page. Car, dans 60% des cas les reporters photographes sont exclus du choix iconographique qui incombe au rédacteur en chef, parfois au monteur du journal. Dans ces conditions, l'image photographique est-elle toujours utilisée à bon escient dans la presse écrite ? « Il serait hasardeux de l'affirmer, bien que des progrès aient été accomplis », répond Louis Guéry dans un texte fort justement intitulé Du bon usage de la photo de presse.198(*) Il poursuit : « On est cependant obligé de constater que trop souvent, notamment dans la presse quotidienne, la photographie est encore considérée comme un moyen d'illustration. »199(*) Car, trop souvent, l'on ne recherche la photographie qu'une fois l'article arrivé à la salle de montage, c'est-à-dire « en fin de processus. » Ce qui génère certains inconvénients : soit la photographie ne convient pas réellement (les personnages dont il est question dans l'article sont représentés sur des photos trop anciennes, ce qui crée un décalage malencontreux, ou ils sont tout souriants quand la situation est grave et vice-versa), soit il s'agit de la même photographie sempiternellement réutilisée pour le même personnage, à travers mois et années et donc usée du point de vue de son intérêt !200(*) A ce titre, l'exemple du thème de l'émigration clandestine est éloquent. Comme si les journaux s'étaient donné le mot, la photographie de jeunes Sénégalais ou Africains, entassés dans un esquif surchargé, en plein océan, illustre systématiquement tout article traitant de ce fléau. Qu'importe l'angle de traitement. Qu'importe aussi si l'image ne correspond pas au fait relaté dans l'article. L'essentiel est de trouver une image « générique » qui puisse faire l'affaire. Dès lors, s'est imposée, de façon dramatique, ce que Christian Caujolle appelle « la tendance régressive à l'image décorative. »201(*) Pis, selon le fondateur et directeur de l'agence et de la galerie VU, on note trop souvent dans la presse la redondance entre l'image et le texte.202(*) Alors que la photo de presse doit « compléter et authentifier ce qui est dit dans l'article ; ce qui est rarement le cas. »203(*)

    Que dire aussi, plus particulièrement dans la presse magazine, de cette volonté d'esthétisme à tout prix, au détriment parfois de l'information, de ces choix de documents et de ces mises en page où l'on cherche avant tout à faire beau. On ne trouve pas toujours, dans la mise en page, cette utilisation d'une véritable grammaire de l'image qui permettrait l'organisation de récits photographiques fortement structurés.204(*) A tous ces problèmes, il faut également ajouter la « concurrence » d'Internet avec une « complicité » tacite des secrétaires de rédaction et des monteurs. En effet, comme les services photos ne sont pas développés dans les rédactions, ceux-ci ne se cassent pas la tête outre mesure. La photo de Wade ou d'Obama est à portée de clic...

    Les choses évoluent certes, mais bien lentement au niveau de la presse sénégalaise, Des efforts sont en train d'être faits pour améliorer le visuel et lui donner son importance dans l'information, remarque Boubacar Touré « Mandémory ».  « Il faut juste que dans les organes de presse, l'on reconnaisse le rôle du photographe, l'importance d'un service photo, mais aussi d'un secrétariat de rédaction pour ce qui concerne le recadrage de l'image, la légende, la titraille, etc. »205(*) Comme du temps des journaux dakarois, L'Evènement du soir, Dakar Soir, le Journal, qui ne paraissent plus et qui accordaient une place enviable à l'image de presse. « C'était plaisant à lire », dit, un brin nostalgique, Touré « Mandémory » qui fut membre fondateur de ces titres. Il y a eu aussi l'expérience du journal Le Sportif qui n'hésitait pas à publier des images occupant jusqu'à quatre colonnes d'une page.

    Mais de manière générale, les puristes tels que Caujolle ne cessent de se désoler de « la crise profonde d'identité graphique de la presse, en particulier dans son rapport à la photographie. »206(*)

    Quoiqu'indispensables à la presse, les reporters photographes sénégalais ne sont pas pour autant considérés comme des journalistes à part entière. C'est la conclusion à laquelle nous avons abouti après avoir mené nos enquêtes auprès de reporters photographes, de journalistes et de lecteurs de la presse. Malgré des causes objectives comme le manque de formation des reporters photographes, il faut également remarquer que les journaux sénégalais n'accordent pas trop d'importance à la photographie.

    CONCLUSION GENERALE

    L'un des constats majeurs de ce travail est la sous-valorisation de la photographie et des photographes dans la presse sénégalaise. Un scénario que ceux-ci n'envisageaient pas en se jetant en masse, dans les années 1980, dans la photographie, donnant du coup le coup de grâce aux studios photographiques. Des studios qui furent les témoins des époques fastes de la photographie sénégalaise, de l'introduction de l'appareil photographique à la faveur de la colonisation française.

    Ce sont les ambulants, qui constituent le gros des photographes de presse. Un secteur qu'ils ont investi en espérant trouver un emploi stable avec tous les avantages y afférents. Dans la réalité, le constat est tout autre et se résume à la non reconnaissance de leur statut et de leur travail. La presse sénégalaise, qui n'est pas une grande consommatrice de photographies, n'a pas encore valorisé l'iconographie comme partie intégrante de l'information. C'est pourquoi les des reporters photographes ont le sentiment d'être ravalés au rang de bouche-trous. Dans les rédactions, les journalistes, pour la plupart, ne les considèrent pas comme des confrères à part entière. Parce que tout simplement « les reporters photographes ne sont pas formés dans une école de journalisme comme eux. »

    Les reporters photographes courent derrière un statut qui leur est reconnu de droit par la Convention Collective des Journalistes et Techniciens de la Communication Sociale, mais qui leur est dénié dans la plupart des organes de presse. C'est qu'en fait, le secteur de la photographie de presse au Sénégal est livré à lui-même, et les reporters photographes vivent dans la précarité. Il est impossible à certains d'adhérer au SYNPICS, le syndicat des journalistes professionnels, puis qu'aucun contrat en bonne et due forme ne les aux employeurs. L'Union nationale des photojournalistes du Sénégal (UNPJ), qui a obtenu son récépissé en 2007 n'est pas suffisamment outillé pour défendre les intérêts de ses membres. Leur corporation est déréglementée. Tout le monde s'improvise reporter photographe.

    L'absence de formation, la divergence des intérêts et l'indifférence des ministères de tutelle livrent l'activité-comme beaucoup d'activités importées- aux lois du secteur informel.207(*)  Dans ces conditions, quand pourra-t-on parler des questions telles que la législation, les droits d'auteurs, entre autres, dans le domaine de la photographie de presse au Sénégal ? Des objets d'étude qui, sans doute, seront d'un grand intérêt pour la recherche sur le travail des professionnels des médias.

    BIBLIOGRAPHIE

    OUVRAGES ET ARTICLES

    - AFRICULTURES. - Photograph(i)es d'Afrique (dossier). Paris : Africultures, n° 39, juin 2001, 128 p.

    - CFPJ. - Le Photojournalisme. Informer en écrivant des photos. Paris : CFPJ, 1995, 255 p.

    - COLO, O., ESTEVE, W. et MAT, J. Photojournalisme, à la croisée des chemins. - Paris : Editions Marval, 2005. 213 p.

    - LE SAOUT, R. - Guide pour connaître la sociologie. Paris : Vuibert, 2002, 95 p.

    - NIMIS, E. - Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba. - Paris : Karthala ; Ibadan : IFRA-Ibadan, 2005. 294 p.

    - NIMIS, E. - Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours. - Paris : Editions Revue Noire, 1998. 112 p.

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    - REVUE NOIRE. - Mama Casset et les précurseurs de la photographie au Sénégal. 1950. - Paris : Ed. Revue noire, 1994, 96 p.

    - WERNER, J. - F. « Produire des images en Afrique : le cas des photographes de studio ». Cahiers d'études africaines, Vol. 36, n° 141, 1996, pp. 81-112.

    - WERNER, J. - F. « Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation sociale ». Africultures, n° 39, juin 2001, pp. 37-46.

    - WERNER, J. - F. « La photographie de famille en Afrique de l'Ouest. Une méthode d'approche ethnographique ». Xoana. I, 1, 1993, pp. 42-57.

    - WERNER J-F. « De la photo de famille comme outil ethnographique. Une étude
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    - WERNER J-F. « Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ou Comment faire de
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    TRAVAUX ACADEMIQUES UNIVERSITAIRES

    - DIEME, B. - La sociologie de la photographie : Etude du rôle et des professionnels de la photographie à Dakar. Mem. de maîtrise sociologie : Fac. Lettres et Sc. H : Univ. Cheikh Anta Diop de Dakar, 2005, 136 p.

    - FAYE, D. - Essai descriptif du processus de production de l'image photographique : Les photographes ambulants de Dakar : Le cas de l'université. Rapport de fin de stage Version 1. Département de philosophie : Fac. Lettres et Sc. H : Univ. Cheikh Anta Diop de Dakar, 1995. 30 p.

    - GOMIS, D. Le processus de production de l'image photographique : Le cas des photographes de studio. Rapport de stage. Département de philosophie : Fac. Lettres et Sc. H : Univ. Cheikh Anta Diop de Dakar UCAD Dakar, 1995, 15 p.

    RESSOURCES DU WEB

    - Biographie Babacar TOURE dit Mandémory. www.africinfo.org/index.asp ?navig=personnalité&no=4736&table=personnes&code=SN

    - Biographie Bouna Médoune SEYE. www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=4462

    - Biographie Djibril SY. www.agencetopo.qc.ca/dakarweb/dakar/bio/Djibril_fr.html, consulté le 19 février 2010.

    - Biographie Mamadou GOMIS. www.actuphoto.com/photographes/biographies/mamadou-gomis-10449.html.

    - CAUJOLLE, Ch. « Entre la crise du visuel et celle d'une profession. Presse et photographie, une histoire désaccordée ». Le Monde Diplomatique, septembre 2002, pp. 26-27. www.monde-diplomatique.fr.2002/09/CAUJOLLE/16897

    - L'HUMANITE. « Entretien avec le photographe Boubacar Touré Mandemory ». http://www.humanite.fr/2000-11-04_Cultures_-Culture-Entretien-avec-le-photographe-Boubacar-Toure-Mandemory

    - LIBONG, H. « Etre photographe à Dakar ». www.africultures.com/php/index: php ? nav=article & no=1609

    - NIMIS, E. « La photographie de presse sur le continent : Un potentiel sous-exploité. » www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=7115

    - NIMIS, E. Entretien avec Héric Libong. « Quels marchés pour la photographie de presse en Afrique ? ». www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820

    - NIMIS, E. « Photographie : un combat pour plus d'équité ». www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=5804

    - SAGNA, A. T. - « Awa Tounkara, une vie en photo, une carrière au quotidien le Soleil ». http://www.apanews.net/apa.php?page=cult_sqt_article&id_article=40847, consulté le 23 mai 2008).

    - SARR, I. « Du pouvoir de « vérité » au pouvoir symbolique de l'image. Quand la photo d'actualité fait lien social au Sénégal ! ». http://www.africultures.com/popup_article.asp?no=3328&print=1.

    TABLE DES MATIERES

    Introduction générale

    PREMIERE PARTIE :

    Petite histoire de la photographie au Sénégal

    Chapitre 1 : Naissance et facteurs de diffusion de la photographie au Sénégal

    Section 1 : Le rôle des administrateurs, des militaires et des missionnaires

    A/Le rôle des administrateurs

    B/Le rôle de l'armée et des missionnaires

    Section 2 : L'appropriation de la photographie par les populations locales

    Chapitre 2 : Apparition des premiers photographes sénégalais et des studios

    Section 1 : Les précurseurs et l'âge d'or des studios

    A/Les précurseurs

    B/L'âge d'or des studios

    Section 2 : De quelques héritiers...

    A/La première vague

    B/La génération en activité

    Chapitre 3 : Emergence des « ambulants » et déclin des studios photo

    Section 1 : L'apparition des laboratoires et de la photographie couleur

    Section 2 : L'arrivée des « ambulants » ou la démocratisation de la photographie

    Section 3 : La décadence des studios

    DEUXIEME PARTIE :

    Le photojournalisme au Sénégal : Zoom sur une corporation sous-valorisée

    Chapitre 1 : Présentation du cadre méthodologique

    Section 1 : L'enquête

    A/L'échantillonnage

    B/L'enquête quantitative par questionnaire

    C/Les entretiens qualitatifs

    Section 2 : Présentation des résultats

    Chapitre 2 : Etat des lieux du photojournalisme au Sénégal

    Section 1 : Précarité et sous-valorisation

    Section 2 : « Les petits soldats du journalisme »

    Chapitre 3 : Les raisons d'une sous-valorisation

    Section 1 : Manque de formation et faible niveau d'études

    Section 2 : Absence d'une culture de l'image dans la presse sénégalaise

    Conclusion générale

    Références bibliographiques

    Annexes

    * 1 J-F. Werner, « Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation sociale », Africultures n° 39, juin 2001, p. 37

    * 2 ID. Ibidem, p. 37

    * 3 Je revoie le lecteur aux travaux suivants :

    -R. RIEFFEL. L'élite des journalistes. Paris : PUF, 1984.

    -J. M. CHARON. Cartes de presse. Enquête sur les journalistes. Paris : Stock, 1993.

    -E. NEVEU. Sociologie du journalisme. Paris : La Découverte, 2001.

    * 4 R. LE SAOUT, Guide pour connaître la sociologie. Paris : Editions Vuibert, 2002, 95 p.

    * 5 ID., op. cit, p. 39

    * 6 ID., op. cit, p.45.

    * 7 S. Dia, Eléments de méthodologie de recherche en communication, CESTI/UCAD, 2007, 93p.

    * 8 ID., ibidem, p. 37

    * 9 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, Paris : Editions Revue Noire, 1998, p. 5

    * 10 ID., op. cit, p. 7

    * 11 ID., op. cit, p. 29

    * 12 ID., op. cit, p. 8

    * 13 ID., op. cit, p. 31

    * 14 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours. Paris : Revue Noire, 1998. pp. 49-50.

    * 15 ID., op. cit, p. 49.

    * 16 ID., op. cit, p. 50

    * 17 ID., op. cit, p. 50

    * 18 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours. Paris : Editions Revue Noire, 1998, p. 6.

    * 19 ID., op. cit, p. 7

    * 20 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours. Paris : Collection Revue Noire, 1998, p. 51.

    * 21 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours. Paris : Editions Revue Noire, 1998, p. 12.

    * 22 ID., op. cit, p. 15.

    * 23 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours, op. cit., pp. 52-54.

    * 24 ID., op. cit, p. 52.

    * 25 ID., op. cit, p. 56.

    * 26 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, op. cit., p. 7

    * 27 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours. Paris : Collection Revue Noire, 1998, p. 51.

    * 28 E. Nimis, Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba, Paris, Karthala ; Ibadan : IFRA-Ibadan, 2005, p. 62.

    * 29 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, op. cit, p. 10.

    * 30 ID., op. cit, p. 30.

    * 31 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours. Op. cit., p. 56.

    * 32 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, op. cit, pp. 11-12.

    * 33 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », op. cit., p. 51.

    * 34 E. Nimis, Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba, Paris : Karthala ; Ibadan : IFRA-Ibadan, 2005, p. 5.

    * 35 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, Paris : Editions Revue Noire, 1994, p. 82.

    * 36 J-F. Werner, « Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation sociale », Africultures n° 39, juin 2001, p. 37.

    * 37 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », op. cit., p. 52.

    * 38 Nimis, Erika, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours. Paris : Editions Revue Noire ; Paris, 1998, p. 50.

    * 39 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », op. cit., p. 56.

    * 40 ID., op. cit, pp. 49-51.

    * 41 Cité par B. Diémé, La sociologie de la photographie : Etude du rôle et des professionnels de la photographie à Dakar. Mém. de maîtrise Sociologie : Fac Lettres et Sc H. : Univ. Cheikh Anta Diop de Dakar, 2005, p. 127.

    * 42 E. Nimis, « Nigéria : le géant de la photographie », Africultures n° 39, juin 2001, p. 16.

    * 43 ID, ibidem, p. 40.

    * 44 A. Freitas, « Afrique des dieux, Afrique des hommes » (RDC), in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours, 1998, p. 27.

    * 45 J.-F. WERNER, « Le crépuscule des studios », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora, p. 94.

    * 46 Entretien avec lui à Dakar le 26 mars 2010.

    * 47 Cf. même entretien.

    * 48 Cf. même entretien.

    * 49 J-F. Werner, « Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation sociale », Africultures n° 39, op. cit., p. 40.

    * 50 ID., ibidem, p. 37.

    * 51 ID., ibidem, p. 37.

    * 52 Cité par E. Nimis, Photographes de Bamako, op. cit., p. 6.

    * 53 ID., op. cit, p. 84.

    * 54 ID., op. cit, p. 85.

    * 55 A. Freitas, « Afrique des dieux, Afrique des hommes » (RDC), in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours. Op. cit., p. 27.

    * 56 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, op. cit., pp. 7-8.

    * 57 ID., op. cit, p. 11.

    * 58 ID., op. cit, p. 68.

    * 59 ID., op. cit, p. 69.

    * 60 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », op. cit., p. 49.

    * 61 ID., op. cit, p. 51 ; Voir aussi Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique. Op.cit., p. 67.

    * 62 Voir F. Chapuis, p. 51 ; Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68.

    * 63 ID, op. cit, p. 68.

    * 64 Cité par E. Nimis

    * 65 E. Nimis, Photographes de Bamako, op. cit., pp. 31-32.

    * 66 E. Nimis, Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba, op. cit., pp. 62-63.

    * 67 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68.

    * 68 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 54.

    * 69 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68.

    * 70 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 52.

    * 71 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, p. 68.

    * 72 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68 ; F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 56.

    * 73 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 60.

    * 74 A. S. Fall, « Souvenir d'une photographie confisquée », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours. Op. cit., p. 65.

    * 75 Voir Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68 ; F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », pp. 49-60.

    * 76 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 11.

    * 77 ID., op. cit, p. 9.

    * 78 ID., op. cit, pp. 8-9.

    * 79 Entretien réalisé avec lui à Dakar le 26 mars 2010.

    * 80 ID., op. cit, p. 10.

    * 81 ID., op. cit, p. 10

    * 82 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 54 ; Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 78.

    * 83 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 7.

    * 84 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 58.

    * 85 ID, op. cit, p. 58 ; Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 90.

    * 86 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 88 ; Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 58.

    * 87 ID. Ibid, p. 60.

    * 88 ID, op. cit, p. 60.

    * 89 A. S. Fall, « Souvenir d'une photographie confisquée », article déjà cité, p. 65.

    * 90 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 60.

    * 91 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, p. 15.

    * 92 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 8.

    * 93 J.-F. Werner, « Le crépuscule des studios », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours, op. cit., p. 94.

    * 94 J-F. Werner, « Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation sociale », ibidem, p. 39.

    * 95 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p. 58.

    * 96 Entretien avec lui à Dakar le 26 mars 2010.

    * 97 E. Nimis, « Photograph(ies) d'Afrique (Introduction) », Africultures n° 39, juin 2001, p. 5.

    * 98 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 9.

    * 99 ID., op. cit, p. 10.

    * 100 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, p. 117.

    * 101 Entretien avec Bathily à Dakar le 29 novembre 2010.

    * 102 Entretien avec son jeune frère, Abdoulaye, photographe au Soleil, le 3 décembre 2010.

    * 103 S. A. Cissé, « Ibrahima Mbodj nous a quittes : Salut l'« artiste » de la photo ! Adieu ... l'ami fidèle ! », (www. Lesoeleil.sn/article. Php3 ?id_article=6528) consulté le 2 décembre 2010

    * 104 ID., ibidem.

    * 105 Aminata Touré Sagna, « Awa Tounkara, une vie en photo, une carrière au quotidien « le Soleil » », http://www.apanews.net/apa.php?page=cult_sqt_article&id_article=40847, consulté le 23 mai 2008)

    * 106 Entretien réalisé avec lui le 7 avril 2010.

    * 107 Biographie Babacar Touré Mandémory (www.africinfo.org/index.asp ?navig=personnalité&no=4736&table=personnes&code=SN) consulté le 26 mai 2008.

    * 108 Cf. Les Trottoirs de Dakar. Paris : Editions Revue Noire (Collection Soleil), 1992, 96p..

    * 109 ID., op. cit.

    * 110 Biographie Bouna Médoune Sèye ( www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=4462) consulté le 19 février 2010

    * 111 Biographie Djibril Sy, ( www.agencetopo.qc.ca/dakarweb/dakar/bio/Djibril_fr.html) consulté le 19 février 2010.

    * 112 Entretien accordé à Maram Nour Goni, « Ndour Matar, des photographies pour interpeller la société » ( www.tendancefloue.net) consulté 13 août 2010.

    * 113 ID., ibidem.

    * 114 I. Thiombane, « Matar Ndour : Objectif humain » ( www.au-senegal.com/Matar-Ndour-objectif-humain.html) consulté le 13 août 2010.

    * 115 ID., ibidem.

    * 116 M. M. Faye, « Photographie et bandes dessinées- Pape Seydi et TT Fons se sont illustrés à Alger », Le Soleil, du 23 juillet 2009, p. 7.

    * 117 ID., ibidem.

    * 118 El. H. M. Diouf, « Résidence photographique- Pape Seydi bénéficie d'une bourse de deux mois », Le Soleil du 30 avril au 2 mai 2010, p. 19.

    * 119 Entretien avec lui à Dakar le 13 avril 2010.

    * 120 Biographie Mamadou Gomis ( www.actuphoto.com/photographes/biographies/mamadou-gomis-10449.html) consulté le 27 novembre 2010.

    * 121 B. Diémé, La sociologie de la photographie : Etude du rôle et des professionnels de la photographie à Dakar, op. cit., p. 77

    * 122 ID., ibidem.

    * 123 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, p. 91.

    * 124 J-F. Werner, « Le crépuscule des studios », op. cit., p. 94.

    * 125 ID. Loc. cit.

    * 126 ID. Loc. cit.

    * 127 ID. Loc. cit.

    * 128 ID., op. cit, p. 95.

    * 129 E. Nimis, « Photograph(i)es d'Afrique (Introduction) », Africultures n° 39, juin 2001, p. 5.

    * 130 J-F. Werner, « Le crépuscule des studios », p. 94.

    * 131 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, p. 95.

    * 132 J-F WERNER, « De la photo de famille comme outil ethnographique. Une étude
    exploratoire au Sénégal », L'Ethnographie, XCII, 2, 1996, pp. 167-168.

    * 133 J-F. Werner, « Le crépuscule des studios », p. 96.

    * 134 E. Nimis, Photographes de Bamako. Paris : Editions Revue Noire, 1998, p. 116

    * 135 ID., op. cit, p. 92.

    * 136 J-F. Werner, « Le crépuscule des studios », p. 96.

    * 137 Voir J-F. Werner, « Le crépuscule des studios », op. cit.

    * 138 ID., op. cit, p. 93

    * 139 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 11

    * 140 Entretien avec lui à Dakar le 26 mars 2010.

    * 141 Cf. même entretien.

    * 142 J-F Werner, « Produire des images en Afrique. Le cas des photographes de studio », Cahier d'études africaines, vol. 36, n° 141, 1996, p. 142.

    * 143 J-F. Werner, « Le crépuscule des studios », p. 97.

    * 144 ID., op. cit, p. 97.

    * 145 R. Le Saout, Guide pour connaître la sociologie. Op. cit., p. 41.

    * 146 ID. Loc. cit.

    * 147 R. Le Saout, p. 45.

    * 148 ID. Loc. cit.

    * 149ID. Loc. cit.

    * 150 ID., op. cit, p. 47

    * 151 Entretien avec elle à Dakar le 28 novembre 2010.

    * 152 H. Libong, « Etre photographe à Dakar », (www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609) consulté le 27 avril 2010)

    * 153 H. Libong, « Etre photographe à Dakar », (www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609) consulté le 27 avril 2010)

    * 154 Entretien avec lui à Dakar le 13 mars 2010.

    * 155 Convention Collective des Journalistes et Techniciens de la Communication sociale du Sénégal, Journal officiel de la République du Sénégal, 10 avril 1991, p. 162.

    * 156 Entretien avec lui à Dakar le 21 janvier 2010.

    * 157 Entretien avec lui à Dakar le 3 décembre 2010.

    * 158 E. Nimis (entretien avec Héric Libong), « Quels marchés pour la photographie de presse en Afrique » ( www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820) consulté le 27 avril 2010. 

    * 159 H. Libong, « Etre photographe à Dakar », (www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609) consulté le 27 avril 2010

    * 160 Entretien avec lui à Dakar le 7 avril 2010.

    * 161 Entretien avec lui à Dakar le 7 avril 2010.

    * 162 Cf. même entretien.

    * 163 Cf. même entretien

    * 164Voir : B. Diémé, La sociologie de la photographie : étude du rôle et des professionnels de la photographie à Dakar. Mém. de maîtrise Sociologie : Fac Lettres et Sc.. H. Univ. Cheikh Anta Diop de Dakar, 2005, 136 p ; I. Sarr, « Du pouvoir de « vérité » au pouvoir symbolique de l'image. Quand la photo d'actualité fait lien social au Sénégal ! », http://www.africultures.com/popup_article.asp?no=3328&print=1, consulté le 21 novembre 2008 

    * 165 L. Guéry, « Du bon usage de la photo de presse » in : Le Photojournalisme. Informer en écrivant des photos. 2ème édition. Presse et Formation, Editions du CFPJ ; 1993, p. 13.

    * 166 Entretien avec lui à Dakar le 7 avril 2010.

    * 167 ID., op. cit, p. 12.

    * 168 Entretien avec lui à Dakar le 21 janvier 2010.

    * 169 M. Phoba, « Photographes de presse au Bénin », Africultures n° 39, juin 2001, p. 11.

    * 170 ID., ibidem.

    * 171, L. Guéry, « Du bon usage de la photo de presse » in : Le Photojournalisme. Informer en écrivant des photos. 2ème édition. Presse et Formation, Editions du CFPJ ; 1993, p. 13.

    * 172 En référence au titre de l'ouvrage de F. Ruffin, Les petits soldats du journalisme. Paris : Edition : Les Arènes, 2003, 278 p.

    * 173 E. Nimis, « La photographie de presse sur le continent : Un potentiel sous-exploité. » www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=7115) consulté en avril 2010.

    * 174 Entretien avec lui à Dakar le 7 avril 2010.

    * 175 H. Libong, « Etre photographe à Dakar », (www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609) consulté le 27 avril 2010)

    * 176 E. Nimis (entretien avec Héric Libong), « Quels marchés pour la photographie de presse en Afrique » ( www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820) consulté le 27 avril 2010.

    * 177E. Nimis, « La photographie de presse sur le continent : Un potentiel sous-exploité. » www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=7115) consulté en avril 2010.

    * 178E. Nimis, « Photographie : un combat pour plus d'équité »  www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=5804) consulté le 30 avril 2010

    * 179 M. Phoba, « Photographes de presse au Bénin », Africultures n° 39, juin 2001, p. 12.

    * 180 E. Nimis, « Nigéria : le géant de la photographie », Africultures n° 39, juin 2001, p. 17.

    * 181 Entretien avec Boubacar Touré Mandémory    (www.humanite.fr/2000-11-04_Cultures_-Culture-Entretien-avec-le-photographe-Boubacar-Toure-Mandemory) consulté le 12 août 2010.

    * 182 Entretien avec lui à Dakar le 26 novembre 2010.

    * 183 Entretien avec lui à Dakar le 26 mars 2010.

    * 184 J. - F. Werner, « Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation sociale ». Africultures n° 39 ; juin 2001, p. 39.

    * 185 Entretien avec lui à Dakar le 21 janvier 2010.

    * 186 Entretien avec lui à Dakar le 12 août 2010.

    * 187 Cf. même entretien.

    * 188 Cf. même entretien.

    * 189 Cf. même entretien.

    * 190 Cf. même entretien.

    * 191 L. Guéry, « Le rôle et l'histoire de la photo de presse (Introduction première partie), in : Le Photojournalisme. Informer en écrivant des photos. 2ème édition. Presse et Formation, Editions du CFPJ ; 1993, p. 15.

    * 192 Entretien avec lui à Dakar le 4 juin 2010.

    * 193 E. Nimis (entretien avec Héric Libong), « Quels marchés pour la photographie de presse en Afrique » ( www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820) consulté le 27 avril 2010. 

    * 194 Entretien avec lui à Dakar le 13 mars 2010.

    * 195 Entretien avec lui à Dakar le 7 avril 2010.

    * 196 H. Libong, « Etre photographe à Dakar », (www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609) consulté le 27 avril 2010.

    * 197 Entretien avec lui à Dakar le 21 janvier 2010.

    * 198 L. Guéry, « Du bon usage de la photo de presse », in : Le photojournalisme. Informer en écrivant des photos. 2ème édition. Presse et Formation, Editions du CFPJ ; 1993, p. 11.

    * 199 ID., op. cit, p. 11.

    * 200 M. Phoba, « Photographes de presse au Bénin », Africultures n° 39, juin 2001, pp. 11-12.

    * 201 Ch. Caujolle, « Entre la crise du visuel et celle d'une profession. Presse et photographie : une histoire désaccordée », Le Monde diplomatique, septembre 2002, pp. 26-27.

    * 202 ID., ibidem, pp. 26-27.

    * 203 L. Guéry, « Du bon usage de la photo de presse », in : Le photojournalisme. Informer en écrivant des photos. 2ème édition. Presse et Formation, Editions du CFPJ ; 1993, p. 12.

    * 204 ID., op. cit, p. 12.

    * 205 Entretien avec lui à Dakar le 7 avril 2010.

    * 206 Ch. Caujolle, « Entre la crise du visuel et celle d'une profession. Presse et photographie : une histoire désaccordée », Le Monde diplomatique, septembre 2002, pp. 26-27.

    * 207 H. Libong, « Etre photographe à Dakar », (www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609) consulté le 27 avril 2010.






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