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Les reporters photographes professionnels du Sénégal. Une corporation sous-valorisée.

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par Amadou BA
CESTI-Université Cheikh Anta Diop - Maîtrise Sciences et Techniques Information et Communication 2011
  

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Section 2 : « Absence d'une culture de l'image » dans la presse sénégalaise.

La sous-valorisation de la profession de reporter photographe a-t-elle un lien avec l'absence de culture de l'image dans la presse sénégalaise ? Un tour dans les rédactions, et on est tenté de répondre par l'affirmation. Tellement la photographie de presse occupe la portion congrue de l'information. Quant à un service photo digne de ce nom, il semble n'exister que de nom. A quelques exceptions, c'est l'indifférence des journaux pour l'information par l'image, la médiocrité de la reproduction iconographique ajoutée à la platitude des lignes éditoriales et l'absence générale de culture de l'image qui prévalent.196(*) C'est qu'en effet, dit Héric Libong, « l'image n'est pas encore perçue comme partie essentielle, à part entière de l'information. On ne connaît pas suffisamment sa portée dans la presse sénégalaise. Il n'existe pas cette culture de diffusion de l'information visuelle dans les journaux. »197(*)

Ce « mépris » pour la photographie dans la presse sénégalaise se manifeste à plusieurs niveaux et touche, par ricochet, les reporters photographes. Mis à l'écart pour le choix des images qui accompagnent les articles, les reporters photographes sont naturellement peu satisfaits de leur mise en page. 40% de nos enquêtés déclarent sans ambages ne pas du tout être satisfaits de la façon dont leurs photos sont recadrées dans leur journal et 30% estiment l'être moyennement. Encore qu'ils soient associés à la mise en page. Car, dans 60% des cas les reporters photographes sont exclus du choix iconographique qui incombe au rédacteur en chef, parfois au monteur du journal. Dans ces conditions, l'image photographique est-elle toujours utilisée à bon escient dans la presse écrite ? « Il serait hasardeux de l'affirmer, bien que des progrès aient été accomplis », répond Louis Guéry dans un texte fort justement intitulé Du bon usage de la photo de presse.198(*) Il poursuit : « On est cependant obligé de constater que trop souvent, notamment dans la presse quotidienne, la photographie est encore considérée comme un moyen d'illustration. »199(*) Car, trop souvent, l'on ne recherche la photographie qu'une fois l'article arrivé à la salle de montage, c'est-à-dire « en fin de processus. » Ce qui génère certains inconvénients : soit la photographie ne convient pas réellement (les personnages dont il est question dans l'article sont représentés sur des photos trop anciennes, ce qui crée un décalage malencontreux, ou ils sont tout souriants quand la situation est grave et vice-versa), soit il s'agit de la même photographie sempiternellement réutilisée pour le même personnage, à travers mois et années et donc usée du point de vue de son intérêt !200(*) A ce titre, l'exemple du thème de l'émigration clandestine est éloquent. Comme si les journaux s'étaient donné le mot, la photographie de jeunes Sénégalais ou Africains, entassés dans un esquif surchargé, en plein océan, illustre systématiquement tout article traitant de ce fléau. Qu'importe l'angle de traitement. Qu'importe aussi si l'image ne correspond pas au fait relaté dans l'article. L'essentiel est de trouver une image « générique » qui puisse faire l'affaire. Dès lors, s'est imposée, de façon dramatique, ce que Christian Caujolle appelle « la tendance régressive à l'image décorative. »201(*) Pis, selon le fondateur et directeur de l'agence et de la galerie VU, on note trop souvent dans la presse la redondance entre l'image et le texte.202(*) Alors que la photo de presse doit « compléter et authentifier ce qui est dit dans l'article ; ce qui est rarement le cas. »203(*)

Que dire aussi, plus particulièrement dans la presse magazine, de cette volonté d'esthétisme à tout prix, au détriment parfois de l'information, de ces choix de documents et de ces mises en page où l'on cherche avant tout à faire beau. On ne trouve pas toujours, dans la mise en page, cette utilisation d'une véritable grammaire de l'image qui permettrait l'organisation de récits photographiques fortement structurés.204(*) A tous ces problèmes, il faut également ajouter la « concurrence » d'Internet avec une « complicité » tacite des secrétaires de rédaction et des monteurs. En effet, comme les services photos ne sont pas développés dans les rédactions, ceux-ci ne se cassent pas la tête outre mesure. La photo de Wade ou d'Obama est à portée de clic...

Les choses évoluent certes, mais bien lentement au niveau de la presse sénégalaise, Des efforts sont en train d'être faits pour améliorer le visuel et lui donner son importance dans l'information, remarque Boubacar Touré « Mandémory ».  « Il faut juste que dans les organes de presse, l'on reconnaisse le rôle du photographe, l'importance d'un service photo, mais aussi d'un secrétariat de rédaction pour ce qui concerne le recadrage de l'image, la légende, la titraille, etc. »205(*) Comme du temps des journaux dakarois, L'Evènement du soir, Dakar Soir, le Journal, qui ne paraissent plus et qui accordaient une place enviable à l'image de presse. « C'était plaisant à lire », dit, un brin nostalgique, Touré « Mandémory » qui fut membre fondateur de ces titres. Il y a eu aussi l'expérience du journal Le Sportif qui n'hésitait pas à publier des images occupant jusqu'à quatre colonnes d'une page.

Mais de manière générale, les puristes tels que Caujolle ne cessent de se désoler de « la crise profonde d'identité graphique de la presse, en particulier dans son rapport à la photographie. »206(*)

Quoiqu'indispensables à la presse, les reporters photographes sénégalais ne sont pas pour autant considérés comme des journalistes à part entière. C'est la conclusion à laquelle nous avons abouti après avoir mené nos enquêtes auprès de reporters photographes, de journalistes et de lecteurs de la presse. Malgré des causes objectives comme le manque de formation des reporters photographes, il faut également remarquer que les journaux sénégalais n'accordent pas trop d'importance à la photographie.

* 196 H. Libong, « Etre photographe à Dakar », (www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609) consulté le 27 avril 2010.

* 197 Entretien avec lui à Dakar le 21 janvier 2010.

* 198 L. Guéry, « Du bon usage de la photo de presse », in : Le photojournalisme. Informer en écrivant des photos. 2ème édition. Presse et Formation, Editions du CFPJ ; 1993, p. 11.

* 199 ID., op. cit, p. 11.

* 200 M. Phoba, « Photographes de presse au Bénin », Africultures n° 39, juin 2001, pp. 11-12.

* 201 Ch. Caujolle, « Entre la crise du visuel et celle d'une profession. Presse et photographie : une histoire désaccordée », Le Monde diplomatique, septembre 2002, pp. 26-27.

* 202 ID., ibidem, pp. 26-27.

* 203 L. Guéry, « Du bon usage de la photo de presse », in : Le photojournalisme. Informer en écrivant des photos. 2ème édition. Presse et Formation, Editions du CFPJ ; 1993, p. 12.

* 204 ID., op. cit, p. 12.

* 205 Entretien avec lui à Dakar le 7 avril 2010.

* 206 Ch. Caujolle, « Entre la crise du visuel et celle d'une profession. Presse et photographie : une histoire désaccordée », Le Monde diplomatique, septembre 2002, pp. 26-27.

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