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Les reporters photographes professionnels du Sénégal. Une corporation sous-valorisée.

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par Amadou BA
CESTI-Université Cheikh Anta Diop - Maîtrise Sciences et Techniques Information et Communication 2011
  

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B/ Le rôle de l'armée et des missionnaires

Partie intégrante du dispositif de domination, « la photographie est donc le support privilégié d'une grande partie des acteurs de la conquête coloniale, à commencer par l'armée. »26(*) Parce qu'elle s'avère un outil précieux de la conquête coloniale, l'idée d'organiser des missions photographiques conjointement aux expéditions militaires s'impose rapidement. Le 20 janvier 1857, le ministre de la Marine et des Colonies envoie au gouverneur du Sénégal, Faidherbe, une lettre relative à la première mission photographique. Le capitaine d'Infanterie de marine, Dèrème, devra emmener du matériel photographique pour lever des plans de Saint-Louis sur le fleuve. L'appareil n'arrivera jamais à quai, puisque Le Podor, le bateau qui le transportait échoua. En 1862, l'expérience est reconduite une seconde fois, avec succès,27(*) sous l'impulsion de Disdéri, qui contribua à la vulgarisation de la photographie en inventant le format standard bon marché dit « carte de visite ». L'industriel suggère de mettre en place dans l'armée, des moyens rapides, exacts et puissants que la photographie met aujourd'hui entre nos mains.

C'est ainsi qu'à côté des civils occidentaux, l'armée coloniale a grandement contribué à la diffusion de la photographie au Sénégal. Ce qui paraît évident, puisque selon Erika Nimis, « l'armée coloniale aurait introduit de nombreuses innovations technologiques en Afrique de l'ouest notamment dans le domaine de la photographie. » 28(*)

 Le rôle de l'armée dans la propagation de la photographie prend toute sa dimension lors des deux conflits mondiaux, qui marquent la première moitié du XXe siècle. D'après Erika Nimis, qui se réfère aux écrits de l'historien Marc Michel consacrés à l'armée coloniale en Afrique Occidentale Française, « pendant la Grande Guerre, un peu plus de 40 000 Soudanais sont envoyés combattre pour la France. » 29(*) Et durant la Seconde Guerre mondiale, la participation de l'AOF est encore plus importante. A quelques rares exceptions, beaucoup parmi les premiers photographes sénégalais ont, soit fait leur apprentissage dans la grande muette, soit y ont approfondi leurs connaissances de la pratique photographique.

Après l'apprentissage et la pratique chez Lataque et Tennequin, Mama Casset a continué à pratiquer la photographie durant son service militaire. Idem pour Samba Diop, ancien formateur en photographie au CESTI, aujourd'hui âgé 79 ans, qui a continué à faire de la photographie durant son séjour dans l'armée en 1952. Comme le note Erika Nimis, tous, pour se hisser au rang de photographe ou progresser dans leur carrière, ont dû composer avec l'administration coloniale.30(*)

A Saint-Louis puis à Dakar, « au hasard des rencontres avec les membres de l'administration coloniale, des amitiés se sont nouées et l'appareil photographique fut un intermédiaire -comme a pu l'être la musique jazz. »31(*). Pour les populations locales, l'armée coloniale a été un tremplin pour l'apprentissage ou le perfectionnement à la pratique de la photographie. Ainsi, nombre de photographes sénégalais, parmi les pionniers, ont choppé le virus dans l'armée.

A côté des administrateurs et des militaires, les religieux catholiques ont également joué un rôle dans la diffusion de la photographie au Sénégal, même si c'est dans une proportion moindre par rapport aux militaires et aux civils. En effet, les missionnaires - conformément aux instructions laissées par le cardinal Lavigerie, fondateur des Pères Blancs - sont envoyés d'abord pour annoncer l'Evangile, d'où peut-être leur impact moindre par rapport à celui de l'armée dans la diffusion de la photographie. Malgré tout, pour ces missionnaires, la photographie apparaît également comme un support incontournable.32(*)

C'est ainsi que de la même manière qu'il envoie ses militaires avec des appareils faire des relevés topographiques, l' « empire colonial » français en fait de même les missionnaires évangéliques qui témoignent des bienfaits de la religion chrétienne sur les populations autochtones.33(*) Dès lors, écrit Erika Nimis, la photographie « devient un outil de communication incontournable en cette seconde moitié du XIXe siècle, dominée par les conquêtes coloniales européennes. »34(*)

Ville très tôt occupée par les troupes françaises, Saint-Louis, a donc accueilli les premiers missionnaires évangéliques du Sénégal. Issus de la Congrégation des Frères de Ploërmel, ils ouvrent des maisons d'éducation où des jeunes autochtones sont initiés à l'enseignement scolaire et à divers métiers dont la photographie. Adama Sylla, né dans les années 1930, a été initié à la photographie en 1957 à la Maison des Jeunes de Saint-Louis du Sénégal avant de bénéficier d'une bourse de l'UNESCO qui lui permit de compléter sa formation au Musée de l'Homme de Paris.35(*)

Jusqu'à aujourd'hui, les missions catholiques continuent de former des jeunes à la photographie à Saint-Louis. Le Centre Daniel Brottier, actuellement dirigé par le Père Lambrechts, organise pendant les grandes vacances scolaires des sessions de formation à l'intention des jeunes de la vielle cité, qui sont initiés aux métiers de l'audiovisuel (photographie, radio, vidéo) et à l'informatique.

Dans des proportions différentes, les acteurs de la conquête coloniale ont joué le rôle de diffuseurs de la photographie, après en avoir été les canaux par lesquels cette nouvelle invention est apparue au Sénégal, dont la population locale finit par se l'approprier.

* 26 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, op. cit., p. 7

* 27 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours. Paris : Collection Revue Noire, 1998, p. 51.

* 28 E. Nimis, Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba, Paris, Karthala ; Ibadan : IFRA-Ibadan, 2005, p. 62.

* 29 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, op. cit, p. 10.

* 30 ID., op. cit, p. 30.

* 31 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours. Op. cit., p. 56.

* 32 E. Nimis, Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, op. cit, pp. 11-12.

* 33 F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », op. cit., p. 51.

* 34 E. Nimis, Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba, Paris : Karthala ; Ibadan : IFRA-Ibadan, 2005, p. 5.

* 35 Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, Paris : Editions Revue Noire, 1994, p. 82.

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