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L'instant d'après

( Télécharger le fichier original )
par Isabelle Gaillard
Université Joseph Fourrier Grenoble - DIU soins palliatifs et accompagnement 2011
  

Disponible en mode multipage

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Faculté de Médecine de Grenoble

Université joseph Fourier

Mémoire

Pour le diplôme inter-universitaire

« Soins palliatifs et accompagnement »

L'instant d'après

Isabelle Gaillard, infirmière libérale.

2011-2013

L'instant d'après

Remerciements

Je tiens à remercier Anne- marie Labastrou, qui a eu la gentillesse d'accepter de me guider dans chaque étape.

Mille mercis pour ses précieux conseils, son regard plein de bienveillance et sa formidable passion pour notre métier d'infirmière.

Merci à ma soeur Nathalie, qui m'a aidé à mettre en page mon travail, malgré mes modifications incessantes.

Merci à mes deux filles, Elise et Marie, pour leurs sourires et leur patience durant ces deux années.

Merci à la vie, aux rencontres, aux expériences, et aux épreuves, qui m'ont menée jusqu'à cette recherche, et cette réflexion.

Ce mémoire est dédié à ma mère, qui s'est éteinte en 2008, avec qui j'ai eu la chance de partager un instant d'après qui restera dans mon coeur à jamais.

Sommaire

1/ Introduction

2/ Problématique

3/ Cadre conceptuel

4/ Méthodologie

5/ Questionnaire

6/ Présentation des réponses

7/ Un instant

8/ Discussion

9/ Conclusion

10/ Bibliographie

11/Annexes

Un foyer comme les autres, quelque part, non loin d'ici

Il fait nuit, nous sommes en automne.

Le vent souffle dans les arbres.

Un souffle.....

Le souffle éteint d'un être cher, dans un dernier adieu,

Le souffle court d'un proche, face à l'inacceptable.

En un instant, la vie, fragile, a basculé.

Derrière la vitre, le temps semble suspendu.

L'ambiance est lourde, pesante.

Un certain flottement, impalpable, est perceptible.

Le monde du soin, doucement, va se retirer, laissant place au monde du rituel.

Entre temps, cet instant, « entre deux  ».

Il est éphémère, intense, intime, difficile sans doute, mais si précieux.

Cet instant, je le connais, il m'interpelle, il me questionne, depuis toujours.

Je suis infirmière à domicile, depuis 14 ans maintenant.

Ni débutante, ni ancienne, j'en suis juste là, dans un cheminement qui est le mien.

J'approche du perron, marque une pause, hésitante.

Je connais bien cette maison, et chacun de ceux qui l'habitent.

Ce seuil, je l'ai franchi tellement souvent.

Ces derniers jours, mes visites étaient si fréquentes, et si longues.

Avec ce que je sais, ce que j'ignore,

Mes connaissances, mais aussi mes doutes,

Je vais entrer.

Faire ce qui me semble être juste, en m'imprégnant de cette situation si singulière.

Puis, je rentrerai chez moi, riche d'une expérience nouvelle, pouvant certainement m'enseigner quelque chose.

Apprendre de cet instant.

Oui, intuitivement, je le pense, il a quelque chose à me dire.

Savoir faire, savoir être.

Ai-je seulement su ?

Ce mémoire se propose d'être un parcours : entrer dans ce temps particulier, essayer d'en saisir l'essence, ressentir sa portée.

Traverser le vécu des proches, croiser le regard des soignants.

Un mémoire, une recherche.

Tel un voyage intérieur afin de savoir mieux franchir de prochains seuils, en d'autres foyers, en d'autres saisons.

Tel est le voeu qui habite ces pages

Problématique

L'infirmier libéral est amené à suivre de nombreux patients dans le cadre de soins palliatifs.

Pour certains d'entre eux, le projet est de demeurer au domicile, et ce jusqu'au dernier souffle.

Portés par ce désir, les proches vont s'investir, accompagnés au quotidien par l'équipe infirmière, jusqu'au terme de la prise en charge, le décès du patient.

Bien qu'attendu, il n'en demeure pas moins brutal, les proches étant parfois désemparés, perdus, sidérés.

En structure de soins, le moment qui suit le décès répond à une organisation précise, et les proches sont guidés par l'équipe soignante. Celle-ci sera présente auprès d'eux, jusqu'au départ du corps.

A domicile, les proches sont seuls, et l'infirmier est souvent le premier appelé suite au décès.

Des soins au corps du défunt, de l'aide apportée aux proches pour les démarches administratives, du soutien, de l'écoute, des gestes au choix des mots, les initiatives de l'infirmier lors de cet instant ont sans doute une portée non négligeable.

Comment peut-il être au plus près des besoins de ceux qui restent ?

Les attitudes, les mots, les gestes, peuvent ils avoir un impact sur les proches en cet instant bien particulier ?

Quel peut être le soutien apporté par l'infirmier libéral, juste après le décès du patient, à domicile ?

Je propose d'aborder ce questionnement par une recherche théorique, en portant mon regard sur trois angles distincts :

Le premier se propose d'explorer les particularités et l'intensité de cet instant qui suit le décès, ainsi que la spécificité du domicile, coeur de l'intimité du foyer. Saisir ce lieu, ce temps, si particuliers.

Le second sera celui des proches. Mettre en lumière leur parcours en tant qu'accompagnants, afin de comprendre l'épuisement physique et moral qui peut être le leur en cet instant.

Approcher leurs ressentis lors de cette confrontation à la mort, essayer de saisir cette relation si particulière qui se tisse avec le défunt, empreinte de rites et de croyances. Nombre de gestes en cet instant sont teintés de ritualité.

Reconnaître pleinement le choc qu'est le décès, ses répercussions psychologiques et physiques immédiates. Explorer cette étape permettrait sans doute d'accompagner les proches au plus près de leurs besoins.

Enfin, envisager l'empreinte que peut laisser la vision du défunt, au domicile. La mémoire pourrait-elle imprimer d'une manière plus ou moins durable l'ambiance, les images, les odeurs qui sont associés à cette scène de l'après décès ?

Le troisième angle propose de se pencher sur les infirmiers. Comprendre dans quelle mesure leur place auprès des familles est particulière. Envisager l'incidence que peuvent avoir les soins portés au défunt et à ses proches.

Se questionner concernant l'accompagnement qu'ils peuvent proposer aux familles, le discernement face aux mots, aux gestes pouvant être associés à cette situation si intense et délicate.

Mettre en évidence l'empreinte que peuvent laisser parfois de multiples détails semblants, à tort, insignifiants. Au coeur des émotions, des pleurs, de la peine, les infirmiers sont en immersion dans les profondeurs d'une intimité bien douloureuse.

Evoquer leur présence en cet instant suppose une recherche de la juste place, qui se veut étrangère à l'indifférence ou l'indiscrétion.

Je propose donc de parcourir ces différents thèmes, afin de mieux saisir l'enjeu de cet instant.

Quelle serait la juste attitude, face à celui qui n'est plus, et face à ceux qui restent ? La recherche de justesse sera sans doute empreinte de subtilité.

Loin de penser ou vouloir tout maitriser, je suppose et formule l'hypothèse que les gestes, les attitudes, si modestes soient ils, peuvent adoucir certains aspects dont la portée nous échappe parfois. Ce travail n'a pas pour objectif de dire comment s'y prendre, ou d'établir le détail des attitudes adaptées ou non à cet instant. Il est bien évident qu'aucune notion de protocole ou de gestion technique ne saurait approcher avec finesse et respect la singularité d'un instant si fragile, si précieux, sans en écarter toute la richesse et l'humanité.

Il se veut juste être un questionnement, une recherche, permettant de mettre en lumière la subtilité de l'approche infirmière.

Au delà de la recherche théorique, qui se veut être le point de départ de mon travail, je propose dans la partie exploratoire d'interroger les infirmiers libéraux, afin de découvrir le regard qu'ils portent sur cet instant. Enfin, une discussion sera envisagée en fin de travail, afin de mettre en lien l'apport théorique et l'expérience infirmière.

Cadre conceptuel

1 Un instant, un lieu

1-1 Un instant, hors du temps 

1-2 Un instant, entre deux 

1-3 Un instant soumis à des réalités matérielles.

1-4 Un lieu d'intimité

1-5 Un instant, un mystère

2 Les proches

2-1 Le parcours de ces familles

2-2 La confrontation à la mort

2-3 La relation au défunt

2-4 L'impact des rites et croyances

2-5 Les répercussions physiques et psychologiques

2-6 La mémoire d'un instant, d'un lieu

3 L'infirmier

3-1 Une place particulière

3-2 Les soins portés au corps

3-3 L'accompagnement des proches

1 Un instant, un lieu

1-1 Un instant, hors du temps :

Entre la survenue du décès et le transport du corps, le temps imparti est d'une durée plus ou moins longue, selon le souhait des proches de rester auprès du défunt.

Bien que limité, cet instant peut paraître durer une éternité. Certaines familles relatent très bien cette notion d'un moment qui semble se figer, se cristalliser, autour de cette scène si intense.

L'écoulement des minutes n'a plus de prise sur le proche, en total décalage avec ceux qui l'accompagnent.

Concernant le choc initial qu'est l'annonce du décès, Alain de Broca évoque un « instant d'éternité. »1(*) 

Le proche endeuillé semble être placé hors du temps, dans une autre dimension. Les repères temporels s'estompent, et le proche n'a plus la même perception du temps que les soignants.

1-2 Un instant, entre deux :

Le patient, vient de s'éteindre, quittant le monde des vivants. D'un monde à l'autre.

Le monde du soin va se retirer dans quelques heures à peine, laissant place au monde du rituel.

Entre l'avant et l'après, cet instant marque une totale transition : Tout se mélange, les pensées vaporeuses du proche se tournent vers les souvenirs, l'avenir, l'instant présent. Tout s'enchevêtre si vite, une brume mêlant ces images. Il revoit défiler les images antérieures, le passé lointain, puis la valse incessante des soins, et se projette subitement, percevant l'avenir sans celui qu'il aime tant :

« Adieu pour toujours, ou à jamais ! Comment l'écho poignant de ces paroles remplira-t-il le désert infini du temps ultérieur qui commence ce soir ? Pourrons-nous peupler l'immensité de notre solitude quand l'être aimé nous aura quittés ? L'homme au bord du néant voudrait rattraper in extremis cet instant ultime, cet instant béni qui coule dans le lac obscur. »2(*)

Son regard se pose sur celui qui n'est plus, essayant de retenir la vue de celui qui bientôt aura totalement disparu :

« Le corps du mort, qui n'est jamais seulement ce corps inanimé, est le lieu ou se confondent les temps d'un «  encore ici » et d'un « plus jamais là »3(*)

En cet instant transitoire, la présence du proche est précieuse. Les minutes auprès de l'être cher sont désormais comptées. Et bien que cet instant soit douloureux, son caractère éphémère lui donne une indéniable intensité.

1-3 Un instant soumis aux réalités matérielles :

Dans les heures qui suivent le décès, les proches sont dans l'obligation de prendre plusieurs décisions, et de réaliser un certain nombre de démarches.

Ils peuvent se sentir bousculés par ces différentes obligations à prendre en compte.

En premier lieu, il leur incombe de contacter le médecin, afin de constater le décès. Celui-ci doit attester qu'il n'y ait aucun obstacle au transport du corps, (problème médico-légal, maladie contagieuse, corps en mauvais état de conservation.) Cela peut être effectué par un autre médecin que celui ayant suivi le patient.

La famille doit dès lors envisager le transport du corps en chambre funéraire, et contacter l'entreprise de pompes funèbres de son choix. Elle a la possibilité de garder le défunt au domicile plus ou moins longtemps, selon son désir.

Se pose ensuite la question de la religion, et des rites qui y seront associés. Selon l'appartenance du défunt à une communauté religieuse, l'organisation sera différente.

Les proches sont donc soumis à ces contingences matérielles, et des démarches administratives, dans un instant qui ne s'y prête peu, car ils sont absorbés par la peine et l'émotion.

1-4 Un lieu d'intimité :

La famille vit le décès d'un proche au coeur même de son lieu de vie, témoin de son histoire, de son passé. Lieu familier, intime, il incarne l'identité à part entière, se voulant sécurisant, rassurant.

« Ce lieu d'intimité s'organise autour de fonctions symboliques, qui renvoient le sujet aux balbutiements de son histoire et aux multiples agencements de l'intimité.  »4(*)  

La mort d'un proche ayant souvent lieu en structure de soins, elle reste la plupart du temps tenue à distance, et n'est que rarement intégrée à la vie d'un foyer. 

Bien qu'une grande majorité de français émette la volonté de vivre ses derniers instants de vie à domicile5(*) , cela est rarement le cas, une hospitalisation précédant bien souvent le décès.

En effet, la proportion de personnes hospitalisées passe du simple au double le mois précédant la survenue du décès.6(*) En 2009, seuls 27% des décès eurent lieu à domicile, contre 59,5 % en structures hospitalières, et 12% en maison de retraite.7(*)

La mort est donc peu présente au sein des foyers :

« Lorsque le plus grand nombre vivait à trois générations sous le même toit, dans la même maisonnée, tous les membres de la famille et en particulier les enfants, vivaient avec leurs malades, assistaient au vieillissement progressif des aïeux puis à leur mort et tout ce qui l'entourait. Maintenant que l'immense majorité des familles ne comporte plus que deux générations on ne vit plus la mort chez soi. »8(*)

1-5 Un instant, un mystère :

« Il n'est pas certain que l'homme soit immortel, mais il n'est pas certain non plus qu'il ne le soit pas »Vladimir Jankélévitch9(*)

En se réunissant auprès du défunt, les proches et l'infirmier se trouvent ensemble face à la mort, mais également face au mystère que celle ci représente pour chacun.

Ce mystère commun, inhérent à leur condition d'être humain, efface toute différence entre soignant et soigné, infirmier et famille. L'universalité de la condition humaine se trouve pleinement présente en cet instant.

Ce partage si rare, si précieux, fait toute l'intensité de ce temps particulier, suspendu.

Face à l'inconnu, convictions et doutes se rejoignent, autour de cet après qui nous échappe, et au sujet duquel chacun élabore en secret suppositions, idéaux, croyances, désirs ou espérances :

« Cette espérance ne serait pas nécessaire si l'idée de l'immortalité était parfaitement rationnelle ; elle serait impossible si la certitude de l'anéantissement nous condamnait au désespoir...Heureusement pour nous l'anéantissement non plus n'est pas une évidence...Aussi n'est il pas exagéré de dire que l'inintelligibilité du néant est notre plus grande chance, notre mystérieuse chance. »10(*)

Ainsi, entre intolérable incertitude ou croyance aveugle, les regards se croisent, se rassurent, se réconfortent.

S'y hasardent parfois les mots, fragiles, incertains, prononcés de manière vive, emportée, ou au contraire choisis de façon réfléchie.

Jamais connaissance et méconnaissance ne se mêlent et s'entrecroisent avec autant d'ardeur que dans cet instant :

La connaissance de la mort, dans sa réalité, sa matérialité, son inéluctabilité. Elle s'impose, présente, connue, et reconnue.

Mais aussi la méconnaissance de son sens, de sa signification, de ce qui éventuellement lui succède.

Intolérable fin pour certains, passage, transition, changement de dimension pour d'autres : sciences, religions, ne peuvent répondre au questionnement éternel de l'être humain levant les yeux au ciel en attente de réponse sur la réalité de son existence.

Le prêtre Bernard Feillet évoque un aspect de la théologie, qui est celui du manque. En effet, d'après lui, aucune religion ne peut affirmer l'existence d'une vie éternelle, bien que certaines en cultivent l'espérance :

« Les religions ont pensé pouvoir compenser l'inconnaissance. Leur enseignement-éclairant la vie- est mis à défaut par l'inconnaissance de la confrontation à la mort11(*)

L'espérance, le questionnement. Face à la mort, les proches et l'infirmier sont face aux silences, aux questions restées sans réponse, aux doutes :

« Le temps de la vie est un long bavardage sur Dieu et sur Dieu le temps de la mort est silencieux. » 12(*)

Accueillir cet instant, suppose d'accepter ce qu'il comporte d'inconnu. Accepter cette méconnaissance partagée, mais reconnaître et respecter malgré cela les croyances, les espoirs de chacun.

Cet espoir garde une place forte, face aux postulats que sont la possibilité de l'immortalité, ou l'existence de Dieu.

« Il est impossible de ne pas être frappé par la force, et peut-être devrions nous dire, par l'universalité de la croyance en l'immortalité. » 13(*)

Jacques Rolland évoque cette notion d'immortalité en postface de l'ouvrage d'Emmanuel Levinas, Dieu, la mort et le temps, « elle peut seulement être espérée. L'espoir dont il s'agit alors, et qui est comme un tiers exclu entre affirmation et négation, inscrit un peut-être dans l'indéniable néant de la mort. »14(*)

Un peut-être comme seule réponse possible au questionnement que fait surgir la mort. Un peut-être ne faisant que renforcer le mystère, ou l'énigme (Levinas utilisa cette terminologie) que celle ci constitue pour nous tous.

La mort suscite la recherche de réponse, Emmanuel Levinas aborde ce questionnement suscité par la mort : «  La question que soulève le néant de la mort est un pur point d'interrogation. Point d'interrogation tout seul, mais marquant aussi une demande (toute question est demande, prière). »15(*)

Et à ce questionnement, le soignant ne détiendra pas davantage de réponses.

La proximité qu'il peut avoir avec la mort d'autrui, récurrente dans sa pratique, ne lui confère pas davantage de connaissance sur ce qu'est la mort.

Pour Emmanuel Levinas, « la relation avec la mort d'autrui n'est pas un savoir sur la mort ni l'expérience de cette mort dans sa façon d'anéantir l'être...Il n'y a pas de savoir de cette relation exceptionnelle. Le pur savoir ne retient de la mort d'autrui que les apparences extérieures d'un processus (d'immobilisation) ou finit quelqu'un qui jusqu'alors s'exprimait. »16(*) 

Proches et soignants sont à cet instant même plongés face à un mystère entier, partagé, dont aucun ne peut prétendre détenir davantage de savoir. Ainsi peuvent-ils, réunis autour du défunt, partager le questionnement, et l'espoir, à la mesure des croyances cultivées et entretenues par chacun.

« Ainsi tout le monde a le coeur serré et se recueille en silence devant ce mystère sans profondeur. Car on reconnaît la quoddité de l'avoir-vécu et de l'avoir-été sans en comprendre le pourquoi. »17(*) Face à ce mystère, infirmier et proches n'ont alors qu'une seule certitude, celle de ne pas savoir.

2 Les proches

2-1 le parcours de ces familles

Le décès vient marquer le terme d'une prise en charge qui la plupart du temps s'est avérée être longue et douloureuse. La famille, les amis, les voisins, se sont relayés, soutenus, afin de rendre celle ci possible.

Le décès, attendu dans la majeure partie des cas, n'en demeure pas moins difficile à vivre, bien qu'un sentiment de soulagement soit parfois perceptible. La peine, la tristesse, se mêlent à l'apaisement, au terme d'une souffrance physique, psychologique, tant pour le défunt, que pour ses proches, fragilisés par la mobilisation qui a été la leur.

Ceux ci manquent de sommeil, sont affaiblis, épuisés, ayant souvent mis leurs propres besoins et exigences entre parenthèses durant de longs mois, afin d'assumer davantage de contraintes, de responsabilités.

Lorsque survient le décès, la marge d'épuisement est souvent largement franchie.

Au delà des conséquences physiques, de nombreuses modifications dans la dynamique familiale ont eu l'occasion de se dessiner.

Ainsi, les proches se trouvent parfois unis, rapprochés comme jamais, par les instants d'entraide, de solidarité qu'ils ont eu à tisser à l'occasion d'une telle expérience.

Tandis que d'autres familles auront la désillusion de voir s'exacerber les tensions, les conflits, les difficultés, se fissurer les liens, les soutiens, l'unité qui était la leur.

Ce cheminement unique donnera une tonalité singulière au sein de chaque foyer, de chaque coeur, de chaque mémoire.

La durée de la prise en charge antérieure, les conditions de survenue du décès, la libre circulation de la parole, l'entente avec les soignants, sont des éléments ayant une portée non négligeable sur le psychisme de chacun.

L'ambiance régnant au sein de chaque foyer sera donc bien empreinte de ces facteurs, inhérents à chaque prise en charge.

2-2 La confrontation à la mort

La vision du mort

La vue du corps sans vie de l'être aimé est un choc pour la plupart des proches.

Bien que douloureuse, cette confrontation est essentielle, et revêt une importance dans l'élaboration du travail de deuil :

« Etre situé ainsi devant la réalité du corps permet aux uns et aux autres de « faire le deuil », c'est à dire ce travail d'intégration de l'événement. »18(*)

Ce regard porté vers celui qui n'est plus est sans doute un premier pas dans ce long cheminement. Les soignants, ayant connaissance de cet aspect, peuvent essayer de mettre en place les conditions les plus favorables à son déroulement.

D'après Elisabeth Kubler Ross, cet instant devrait bénéficier d'un temps conséquent :

« Je pense qu'il est important de laisser aux proches suffisamment de temps pour rester avec leur parent décédé »19(*)

Le regard se porte alors sur ce corps. Or dans la littérature concernant la mort, la vision du corps reste peu traitée :

« Il est curieux de constater que, parmi les nombreux ouvrages consacrés aux problèmes de la mort, le cadavre se trouve quasi-systématiquement escamoté. S'agit-il d'un oubli pur et simple ? Nous ne le pensons pas, car le cadavre par définition est là ; `rien' peut être pour beaucoup, mais surtout `pire que rien' puisque le fait d'être là souligne que celui qui l'animait n'est précisément plus là. » 20(*)

D'après louis Vincent thomas, cet oubli est une conduite de fuite, et l'homme, face au cadavre, se retrouve en quelque sorte face à son destin, d'ou des conduites diverses, telles que peur, répugnance, abandon.

Il est vrai que cette vision du défunt peut susciter des réactions très ambivalentes, qui parfois s'opposent diamétralement. Le ressenti pouvant ainsi aller de la terreur à la fascination :

« Le corps est une chose, une chose sacrée, à la fois qui provoque la répugnance et qui oriente vers le sublime. »21(*)

Georges Bataille évoque ce vacillement entre deux registres réactionnels différents :

« D'un côté l'horreur nous éloigne, liée à l'attachement qu'inspire la vie ; de l'autre, un élément solennel, en même temps terrifiant, nous fascine qui introduit un trouble souverain. »22(*)

Ce trouble face au corps est bien souvent partagé par les proches, ainsi que l'infirmier présent au domicile.

Le regard se porte vers le corps, qui revêt à présent un caractère sacré, faisant l'objet de prévenance et d'hommages.

« En bref, la dépouille mortelle n'est pas une chose, elle fait l'objet d'une piété de la part des autres, c'est vers elle que se dirigent les hommages qui lui ont parfois été contestés de son vivant. » 23(*)

L'aspect du corps semble avoir un impact réel aux yeux des survivants. Pour Louis Vincent Thomas, la vision d'un corps « idéal », calme, et non altéré par la souffrance, atteste d'un refoulement de ce qui touche à la perte. En effet, la vision d'un corps abimé rajouterait à la douleur de la perte de l'être cher celle de la vision du saccage subi par le corps en souffrance.

Ainsi, sans trahir la réalité de la mort, la présentation d'un corps serein, apaisé, peu endommagé permettrait d'adoucir cette confrontation.

Malgré cela, l'image du corps ne devrait pas être considérée avec plus d'importance qu'elle n'en représente vraiment pour le survivant. Celui ci voit au delà de l'apparence. Patrick Baudry met l'accent sur ce regard: « Devant le cadavre, les gens ne voient pas strictement un corps. Ils ne cherchent pas à fixer le mieux possible dans leur mémoire la dernière vue de l'être aimé. On le voit sans le voir. On le regarde au delà de ce que l'on voit. » 24(*)

L'aspect du corps revêt une importance, certes, mais celle ci demeure relative, le survivant voyant sans doute bien au delà.

La vision de la mort

Si l'infirmier, de par sa profession, est amené à côtoyer régulièrement la mort, cela n'est bien entendu pas le cas des familles

La mort, et plus particulièrement la vision de la mort, est étrangère à beaucoup d'entre elles.

« Le plus grand nombre de nos contemporains, à l'exception de certains professionnels, atteignent la cinquantaine sans avoir vu quelqu'un mourir.  » 25(*)

Nombreux sont ceux n'ayant jamais vu la mort de près. Pourtant, jamais celle-ci n'a autant été montrée, affichée, exposée.

En effet, les medias proposent quotidiennement des faits ayant traits à la mort : accidents, guerres, assassinats, attentats. L'être humain actuel, par le biais de nombreux vecteurs d'informations, est en contact étroit avec le décès de l'autre, de la personnalité, et bien souvent, de l'anonyme à ses propres yeux.

Cette vision familière et parfois banalisée de la mort d'autrui contraste avec la vision de celle d'un proche, souvent encore étrangère au cheminement personnel.

De ce fait, la mort d'un parent, et la vision de sa dépouille est souvent une première fois dans le parcours des familles.

2-3 La relation au défunt

Le proche ne va pouvoir s'approcher du corps du défunt qu'en un temps limité. Entre le décès et l'enterrement, ou la crémation, le temps imparti sera court. Cette dernière permission au toucher, ces derniers face à face, n'en demeurent que plus précieux. Ils ont d'ailleurs une fonction bien particulière pour l'endeuillé, comme l'explique Louis Vincent Thomas : « Il importe de comprendre le jeu d'émotions que le corps présentifié permet d'extérioriser. Cette ultime relation d'un genre particulier provoque en effet une abréaction qui dénoue l'angoisse et peut aider au travail de deuil. » 26(*)

Auprès du défunt, le proche peut exprimer pleinement son chagrin et ses émotions :

« Le survivant, dans les heures qui suivent le décès, parle au mort à défaut de parler avec lui. Il lui dit sa peine, lui adresse des reproches, car il y a dans l'expérience décisive de la mort du prochain quelque chose comme un sentiment d'une infidélité tragique de sa part. Il se remémore les joies et les peines vécues avec lui ou a cause de lui, il multiplie les aveux et les pardons, explique ses décisions, promet de se souvenir de lui. » 27(*)

Cette relation paraît être bénéfique au proche, lui permettant d'exprimer pleinement ses ressentis, en présence de celui qui n'est plus en capacité d'interagir avec lui.

Avant de faire face à l'absence, cette étape est essentielle. Prendre conscience de la réalité de la mort ne peut se faire qu'en présence du corps du défunt.

«Par le contact même, le chagrin de l'endeuillé s'exprime dans toute son authenticité à la faveur de cette ` pseudo `relation à la mort. Il faut pour cela que chaque parole qu'il n'entend pas, que chaque baiser qui ne suscite plus de désir, s'adresse à une réalité corporelle qui donne l'illusion d'être corps vivant sans cesser d'être reconnu comme mort véritable. »28(*)

La présence du corps permet cette confrontation avec la réalité, et les gestes et paroles adressés au défunt ont une fonction précieuse dans l'élaboration du travail de deuil.

C'est autour de ce corps sans vie que va s'articuler le rite.

2-4 l'impact des rites et croyances

« Tout le rituel funéraire s'articule autour de ce support symbolique de la présence-absence de celui qui est toujours là, tout en étant plus »29(*)

L'instant qui suit le décès marque une transition, une sorte de passage. En effet, le proche vient de mourir, mais son corps est encore présent. Le rite trouve sa place en cet instant particulier, permettant de signifier la séparation.

« L'épreuve de réalité est favorisée par les rites funéraires qui soulignent la séparation. » 30(*)

Le corps serait donc un support au rituel permettant cette transition dans le psychisme du survivant.

D'après Patrick Baudry, le décédé ne peut être qualifié de défunt, et n'obtiendra ce statut qu'une fois la séparation effectuée. Celle ci étant opérée par le rituel :

« Le décédé n'est pas encore un défunt, et tout l'enjeu de la ritualité funéraire consiste à faire place au défunt en ritualisant la séparation avec le mort. »31(*)

Sans développer les rituels plus tardifs, liés aux cérémonies, il semble intéressant de voir à quel point la ritualité s'installe dès l'instant qui suit le décès.

Au domicile, les proches sont dans une intimité toute particulière, et le rite s'insinue subtilement dans les gestes de chacun.

Bien que souvent en lien avec une croyance religieuse, cela n'est pas systématique : « le rituel n'est pas nécessairement religieux, il a sa place dans le deuil quelle que soit la croyance ou l'absence de croyance. »32(*)

L'effritement actuel des rituels funéraires, tels qu'ils étaient conduits il y a quelques années, a laissé place une plus grande personnalisation. Ainsi musique, bougies, photos, textes écrits de façon singulière, sont autant de supports venant s'inscrire dans un rite qui s'improvise délicatement. En s'éloignant des protocoles établis par certaines religions, les proches créent leur rituel, teinté de croyance, de création, s'imprégnant de divers courants de pensées.

D'autres, en revanche, se retrouvent perdus, désemparés, n'ayant pas de repères précis leur permettant d'établir ce rituel :

« Le développement de l'individualisme moderne invite à préférer l'authenticité des réactions supposées spontanées, c'est à dire non codifiées, au formalisme des convenances ; il implique le rejet, en tout cas dans le discours conscient, du conventionnel, du ritualisé qui, au demeurant, n'existe presque plus. Cette exigence de spontanéité _formulation paradoxale_ peut laisser démuni, inhibé, voire en grande souffrance pour accomplir ce travail de deuil dont Freud lui-même avait reconnu qu'il était « une tâche psychique d'une difficulté particulière »33(*)

Face à ces difficultés, certains soignants admettent aider les familles à inventer un rite, participant de manière active à quelque chose de très intime :

« Lorsque la mort survient, les soignants de notre équipe, présents ou arrivés en hâte tentent non pas de combler le vide laissé par le rituel domestique aujourd'hui disparu mais d'inventer dans ce moment unique un nouveau rite de séparation.34(*) 

La mise en place des rites, quels qu'ils soient, est une étape essentielle, permettant à chaque proche de signifier et d'amorcer cette nécessaire séparation.

2-5 Quelles répercussions physiques et psychologiques pour l'entourage?

L'annonce du décès, et la phase de sidération qui lui est caractéristique, marquent le début du processus de deuil.

En latin, le mot deuil se dit « dolere », souffrir. La souffrance va donc s'exprimer au cours de ce long processus .Marc louis bourgeois décrit le premier stade du deuil comme un choc, mêlé à de l'incrédulité.

Bowlby distingue deux phases au sein de ce premier stade, l'obnubilation et l'incrédulité

Tout s'écroule, et l'agression que représente la perte de l'être cher est d'ordre affective, émotionnelle.

Le bouleversement est tel qu'il peut provoquer des réactions très différentes d'un individu à l'autre. L'endeuillé est prostré, anéanti, pétrifié, ne peut prononcer une parole, ou, à l'inverse, se manifeste au travers de pleurs et de cris.

Comme l'explique Marie-Frédérique Bacqué, « de telles réactions se voient fréquemment en situation de catastrophe, mais aussi à l'hôpital ou au domicile d'un grand malade. » 35(*)

Mais cette agression diffuse au delà, et peut ainsi atteindre l'intégrité physique de l'individu.

Comme le précise Pierre Cornillot, il semble que notre société ait du mal à prendre en compte la souffrance physique présente au cours du deuil : « Curieusement le deuil, dans nos société modernes, a beaucoup de mal à faire sa place dans le discours médical et soignant et à se voir reconnu le caractère d'une souffrance globale qui pourra éventuellement s'exprimer plus ou moins violemment dans le corps comme au niveau des comportements. »36(*)

Pourtant, certains travaux ont été menés afin de faire le lien entre les chocs affectifs, les émotions ressenties, et certaines manifestations physiques.

W.B Cannon a fait ce lien émotion-stress-réponse de l'organisme, entre 1914 et 1928. De même, Hans Selye a mis en évidence le syndrome général d'adaptation.

Ces différents travaux permettent de démontrer l'impact physique que peut avoir une agression d'ordre affective, émotionnelle.

A l'annonce d'un décès, le proche ressent diverses réactions liées au « premier saisissement » : évanouissement, vertiges, chute de tension, dyspnée, ralentissement du rythme cardiaque, pouvant aller jusqu'à l'arrêt cardiaque.

Ces manifestations sont brèves, laissant place dans un deuxième temps aux différentes réactions de défense de l'organisme vis à vis du stress :

Accélération du rythme cardiaque, augmentation du tonus musculaire, sueurs froides, vasoconstriction périphérique, élévation de la tension artérielle.

Selye évoque une phase d'alarme, durant quelques minutes, puis une phase de résistance, de quelques heures à plusieurs jours. Si la situation d'agression ne cède pas au terme de cette phase, le sujet entre en phase d'épuisement, qui devient dangereuse, car il n'a plus la capacité de lutter.

Ces réactions physiques peuvent également perdurer. Les travaux de Selye ont mis en lumière l'apparition de maladies d'adaptation ; En effet, les différentes modifications engagées par l'organisme, peuvent, si elles perdurent, favoriser l'apparition de maladies à plus ou moins long terme. D'ou la question du suivi des endeuillés et le l'aide qui peut leur être proposée à long terme.

Pour Martine Lussier, ces manifestations motrices, « actions de décharge » sont toujours présentes dans les premières heures qui suivent le décès, et se traduisent par une agitation, un besoin de s'activer, quelle que soit l'action mise en oeuvre.

« L'endeuillé tente de se soustraire à la souffrance psychique comme il le fait de manière reflexe, par une action musculaire, pour se soustraire à la souffrance physique. Il déplace les investissements du psychique sur le physique, dans un mouvement de régression37(*)

Le proche est donc soumis à différentes réactions physiques et psychologiques, en réponse au stress qu'il vient de vivre.

La présence de l'infirmier peut avoir un intérêt de par le soutien et la surveillance de cet état, qui nous l'avons vu, peut être plus accentué, et aller jusqu'à l'évanouissement, l'arrêt cardiaque. La fragilité antérieure du proche, le contexte du décès, sont des éléments à prendre en considération.

La prise de conscience de la perte peut ne pas se faire immédiatement : «  les premiers mots à l'annonce du décès sont des paroles d'incrédulité et de refus. Les personnes restent prostrées, bouche ouverte, paralysées, hébétées. D'autres s'effondrent, d'autres enfin ne réalisent pas et poursuivent ce qu'elles sont en train de faire. Cette véritable incapacité à comprendre s'appelle, en termes psychologiques, une incongruence cognitive (N.Dantchev et al, 1989).Elle bloque toute activité psychique Des représentations mentales affluent en masse sans que l'intellect sache comment réagir. » 38(*)

Quel que soit le mode réactionnel engagé par le proche, l'émotion intègre inévitablement cet instant.

D'après MF Augagneur, l'unanimité n'est pas faite entre différents auteurs, concernant sa définition. Dérivé du nom latin « motio », signifiant mouvement, certains utilisent la traduction d « emotus », soit agitation, ou encore « ex movere », voulant dire se mouvoir vers l'extérieur.

« En intégrant ces nuances, l'on peut définir l'émotion comme étant le mouvement des sentiments qui s'extériorisent. C'est la manifestation à l'extérieur de ce que le sujet ressent à l'intérieur de lui-même. » 39(*)

Face à la mort, les proches peuvent lâcher prise, et ne plus être dans le contrôle de leurs attitudes. L'émotion peut alors s'exprimer plus ou moins intensément, son caractère incontrôlable étant à prendre en compte.

« La véritable émotion ... est subie. On ne peut en sortir à son gré, elle s'épuise d'elle même, mais nous ne pouvons l'arrêter. »40(*)

Or l'émotion peut être sommée de se faire discrète, dans une société qui appelle bien souvent au contrôle de soi.

« Comme tout mouvement, l'émotion déplace et dérange des éléments que les citoyens mettent tant de soin à garder dans l'ordre établi, ordre physique et mental, auquel ils attribuent tant d'importance. »41(*)

Marie-France Augagneur développe le fait que l'opinion publique tolère mal de nos jours l'expression de l'émotion, celle-ci pouvant être considérée comme une faiblesse de la personnalité, dans une société ou l'individu soit s'adapter de plus en plus rapidement aux événements, sans semer le moindre désordre. Or l'émotion dérange l'ordre et le rythme établi !

Ceci explique le fait que l'émotion soit contenue, retenue, au détriment parfois du respect de soi, de ses ressentis, de son corps. D'après Marie-France Augagneur, ce mépris de l'émotion serait à mettre en lien avec le mépris du corps qui fut longtemps prôné par un christianisme, mal interprété. L'homme devant rester à tout pris maitre de lui même, d'autant plus de son corps. Or le lien corps esprit est clairement mis en évidence lors de l'expression des émotions.

L'émotion devrait-elle rester dans le domaine du privé, de l'intime, et ne pas être mise à la portée de l'autre, du regard extérieur, au risque de ne pas être tolérée, comprise, entendue comme telle ?

Dans l'intimité familiale, elle peut sans doute s'exprimer plus librement, la peur du jugement ou du regard d'autrui étant moindre.

Le fait d'exprimer sa douleur serait pourtant bénéfique :

 « Quand on se refuse à vivre sa douleur, on ajoute à sa peine par le fait de retenir ses pleurs. On ne laisse pas couler, s'écouler, le trop plein de chagrin qui étouffe notre coeur. Et on met tant d'énergie à refouler ses larmes, à contenir ses mots, que l'on se vide de ses forces. 42(*)

2-6 La mémoire d'un instant, d'un lieu

« D'instant en instant un souvenir vous tombe sur le coeur et le meurtrit...et on retrouve mille petits riens qui prennent une signification douloureuse parce qu'ils rappellent mille petits faits » 43(*)

La vision du corps :

La vision du corps laissera sans doute une empreinte dans la mémoire des proches. Certaines photographies de cet instant pouvant être gardées en mémoire.

Louis Vincent Thomas évoque cette mémorisation par les proches, avec cette image du défunt, qui reste ancrée de manière forte, au détriment parfois du souvenir vivant de celui ci : 

« En effet, les proches, singulièrement les enfants, conservent souvent de la mort le souvenir du mort en présence duquel ils se trouvent. Cette prime vision du cadavre, ils peuvent l'immobiliser, la cristalliser au point qu'elle prédominera ensuite sur l'image même de l'être qu'ils ont aimé. Au point de l'occulter parfois. »44(*)

Ils se remémoreront un visage, un corps, une expression, qui peut être apaisante, angoissante ou effrayante.

Dans cet instant transitoire de l'après décès, le corps n'est pas encore confié aux services funéraires, qui ont en charge les soins de thanatopraxie : Soins qui permettront d'apaiser les survivants, en donnant au corps une image fidèle à ce qu'était le défunt.

La présentation du corps revêt donc une importance non négligeable pour les proches présents au domicile, sachant que d'autres membres de la famille s'y présenteront ensuite.

Le contexte :

Au delà de l'événement en lui-même, le contexte peut être intégré à la mémorisation de la scène.

Le contexte extérieur, imprégné de l'ambiance générale, du fait qu'il fasse jour, ou nuit, des personnes en présence, des événements concomitants, des bruits extérieurs.

Mais aussi le contexte intérieur de chacun, influencé par l'état d'esprit, la stabilité psychologique du moment.

D'après Jean-Yves et Marc Tradié, la mise en mémoire est étroitement liée à la charge affective associée à l'événement, et la volonté n'intervient que très peu dans ce phénomène.

« Certains faits ordinaires de l'existence peuvent rester en mémoire, mais le plus souvent c'est parce qu'ils ont fait parti du contexte, de l'environnement d'un fait plus important ou répété qui les a engrammés dans son aura »45(*)

Cela expliquerait pourquoi certains détails paraissant anodins sont mémorisés à plus ou moins long terme. Un parfum, une ambiance, un mot, un objet, associés à la scène qui suit le décès, peuvent prendre une toute autre dimension au sein de la mémoire du proche.

La mémoire affective :

D'après Anne Muxel, la mémoire intime, très personnelle, est basée sur les émotions, les ressentis et les perceptions sensorielles telles que les odeurs, les décors, les ambiances, les sons. Cette forme de mémoire est en lien direct avec la sphère affective.

D'après Jean-Yves et Marc Tradié, l'acquisition des souvenirs est nettement conditionnée par les affects. Ainsi, toute perception sensorielle va entrainer une décharge neuronale proportionnelle à la charge affective qui y est associée. Cette décharge neuronale va ensuite stimuler les neurones de l'hippocampe, afin que l'événement soit mis en mémoire.

La charge émotionnelle et affective liée à l'événement détermine donc la mémorisation de celui-ci, ce mécanisme demeurant involontaire.

« La décharge affective face à une situation présente donnée est indépendante de notre volonté et c'est elle qui conditionne en grande partie le fait que nous allons nous souvenir, parfois toute notre vie, de telle ou telle scène. »46(*)

Les supports de la mémoire :

Pour jean-Hugues Déchaux , la mémoire ne peut pas être considérée comme une entité purement spirituelle. En effet, pour exister au niveau mental, elle a besoin de supports matériels. 

Il distingue ainsi deux supports à la mémoire : le « support narratif », utilisant la parole, et le « support  choses », qui intègre les lieux, les objets, et les images.

Les lieux seraient donc supports de mémoire, chargés d'une aura particulière et symbolique ; Le lieu serait un appel au souvenir. Parmi ces lieux, la maison, coeur de la vie familiale, rappelle le vécu avec le défunt, mais aussi ses derniers instants. Le salon, la chambre ayant recueillis la souffrance, portent en eux le poids du souvenir :

« Mais cette évocation des lieux peut aussi faire surgir des fantômes hostiles, venant rappeler des souffrances, des rancoeurs difficiles à contenir. Les maisons sont parfois hantées de mauvais souvenirs et peuvent rester à tout jamais associées à des épisodes de douleurs. Là mort, la maladie, peuvent imprimer les murs et éloigner durablement les souvenirs heureux. »47(*)

Les objets du quotidien sont également un support de mémoire. Le lien de l'objet avec le défunt le rappelle dans ce qu'il était, vivant. Ainsi, les objets apparaissent être bien plus que des choses inertes, une mémoire s'inscrivant en eux, qui rappelle le défunt.

Il peut être difficile pour les proches de vivre à nouveau le quotidien dans un foyer rappelant chaque jour la fin de vie et le décès d'un être cher. Le lit conjugal en est une illustration :

« Les proches, également, se risquent dans cet accompagnement dont ils savent qu'il va les mener jusqu'à accepter le corps mort de celui ou celle qu'ils aiment dans le lieu même ou ils ont vécu ensemble, peut être dans le lit ou ils continueront à dormir après. »48(*)

La mémoire sensitive est la moins contrôlable, en témoigne le pouvoir d'évocation d'une odeur précise, d'une atmosphère, d'un air de musique.

Marcel Proust évoquait la mémoire dite involontaire, qui s'impose à l'être, sans qu'il n'ait l'intention de retrouver une séquence mémorielle particulière. Cette mémoire porte en elle l'émotion de l'instant, et le flot de sensations qui y étaient associées.

Ce souvenir ne se recontacte pas délibérément. Ainsi, il peut ressurgir au hasard d'une odeur, d'une musique, perçue de façon fortuite, aléatoire:

« Il dépend du hasard que nous le rencontrions avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions pas49(*)

Chaque odeur, chaque son, chaque décor, peut être rattaché à une expérience vécue, donnant lieu à sa réminiscence.

Dans l'instant qui suit le décès, nombre de facteurs relatifs au corps et à l'environnement sont susceptibles d'être enregistrés par les proches.

« L'activité des sens imprime la mémoire de repères plus ou moins identifiables, plus ou moins enfouis, mais toujours présents, pour se situer dans le temps, dans l'espace, et dans l'univers de ses relations affectives. »50(*)

D'après Marie Christine Haman, psychologue, spécialisée en neuropsychologie, une image possédant une charge émotionnelle forte sera davantage retenue qu'une image neutre. De ce fait, ce qui touche affectivement le sujet est d'autant mieux mémorisé.

Malgré cela, les éléments associés à une émotion négative seraient moins bien retenus que ceux liés à une émotion positive : « ce phénomène serait une forme de protection mentale, le négatif étant en quelque sorte écarté pour privilégier le positif. Un mécanisme similaire expliquerait qu'au fil du temps les informations négatives auraient tendance à être progressivement oubliées. »51(*)

Cependant, des informations à charge négative extrêmement intense et traumatisantes, telles que les deuils, les accidents, sont mémorisés durablement.

Les objets ayant traits aux soins.

« Parmi les objets, certains présentent un statut particulier : ceux qui ont touché de près le défunt. Tantôt on s'en débarrasse au plus vite, soit pour confirmer l'anéantissement du mort tout en libérant l'agressivité du survivant à son endroit, soit parce que leur présence souligne l'absence douloureuse de l'être aimé. »52(*)

Les objets de soins ont un statut particulier, car ayant touché le défunt au plus près de son intime, ils sont le reflet des derniers soins, douloureux, invasifs, ou plus doux, voués au confort.

Les familles sont souvent pressées de faire disparaitre ce matériel au plus vite, voulant neutraliser tout ce qui reste de cette période douloureuse.

Mémoire du corps, mémoire du contexte.

Tout de cet instant, même un détail, peut être important.

Un corps, serein ou apaisé.

Une odeur, celle d'un savon utilisé pour la dernière toilette, d'un parfum, d'une crème, d'un produit de soin.

Un bruit, celui d'un lit que l'on remonte, du mobilier, si souvent déplacé, rangé.

Un objet : le dernier livre lu par le défunt, la tablette sur laquelle reposaient ses effets personnels, le matériel de soins, les derniers vêtements portés.

Une ambiance : la luminosité d'un lever ou d'un coucher de soleil, une veilleuse, une bougie, une musique.

Un échange : un regard, un mot, un geste.

Tout de cet instant peut être fixé, immobilisé dans la mémoire du proche, plus réceptif que jamais à des détails pouvant paraître peu signifiants. Cette sensibilité exacerbée serait sans doute à prendre en compte.

3 L'infirmier

3-1 Une place particulière : une relation antérieure tissée au fil des mois.

Le suivi du patient en fin de vie s'est bien souvent déroulé sur plusieurs mois, voire années.

Les passages de l'infirmier ont été récurrents, suivant l'évolution de la maladie, mais aussi le cheminement des familles, sur la voie difficile de l'accompagnement.

Au fil du temps, cette connaissance réciproque, ces événements partagés, font naitre une certaine relation d'intimité. Intimité partagée avec le patient en fin de vie, mais aussi avec sa famille.

Le mot intime, qui vient du latin intimus, peut être défini ainsi : «  ce qui lie étroitement par ce qu'il y a de plus profond. »

La maladie, la fin de vie, la mort, peuvent être considérées comme des éléments profonds et signifiants de la vie des êtres.

Ce partage est propice au rapprochement entre l'infirmier et les proches. L'intimité tissée revêt plusieurs aspects. L'intimité émotionnelle est nourrie de confidences, d'échanges, d'aveux, qui se sont succédés au fil des mois, au détour des soins, d'un café pris ensemble, d'une rencontre bien souvent informelle.

L'intimité spirituelle se tisse elle aussi au gré de ces échanges. Les proches, au travers de leur cheminement, de leurs questionnements, sont en quête de sens. Cette recherche est souvent propice à l'évocation des croyances.

Epauler les familles ne peut se faire sans se rapprocher d'elle, et donc forcement créer une certaine intimité, comme l'évoque Bernadette Fabregas :

« Le soignant perçoit rapidement que ce qui arrive à cet étranger est précisément ce dont il pourrait, un jour, être la première victime. Ce sentiment, même inconscient, rapproche sérieusement les individus ! »53(*) 

L'infirmier à domicile tient une place particulière, la qualité de la relation établie au fil du temps avec les proches en fait un interlocuteur privilégié, qui sera contacté lorsque surviendra le décès du patient.

3-2 Les soins portés au corps

Une dernière toilette

Après le décès, l'infirmier est amené à effectuer différents soins, dont parfois la toilette du défunt.

Le retrait des différents appareillages, sondes, cathéters, patchs médicamenteux. La réfection de pansements, la fermeture des brèches cutanées éventuelles Le positionnement du défunt demande une attention particulière, étant réalisé en accord avec d'éventuelles pratiques religieuses. Le coiffage, le rasage ou le maquillage peuvent être envisagés avec la famille, dans le respect des habitudes antérieures.

La toilette mortuaire est effectuée par certains infirmiers, mais cela n'est pas systématique, et cet acte est absent du référenciel actuel des soins infirmiers. Il semble que les soignants n'aient pas tous la même façon de l'envisager.

Cela est sans doute influencé par le sens que ce soin particulier revêt pour chacun :

« La toilette mortuaire ne revêt pas le même sens pour tous les soignants. Pour les uns, il s'agit de rendre un visage humain, une dernière dignité, pour d'autres, d'une corvée sans beaucoup de sens vite exécutée par ceux qui ne peuvent s'y soustraire, et que d'autres encore réussissent à éviter. »54(*)

Au-delà de son utilité, qui serait de retirer du corps les diverses salissures qui l'encombrent, elle revêt sans doute une forte portée symbolique. De nombreuses cultures font de cette dernière toilette un moment déterminant, crucial, souvent même très protocolaire.

L'hygiène n'apparaît pas comme étant le but ultime de ce soin. Comme le décrit louis Vincent thomas, « laver le défunt ne répond pas seulement aux exigences de l'hygiène et de la convenance ; cela revient, au regard de l'imaginaire, à éliminer la saleté de la mort ; »55(*)

Ce lavage, serait donc assimilé à une forme de purification. Mais en quoi un corps serait-il souillé, impur, au point de nécessiter tant de mesures d'hygiène ? Louis Vincent thomas évoque « le fantasme universel de l'impureté du cadavre56(*) 

Expliquant que dans nombre de civilisations, le corps du défunt doit être lavé, au même titre que ceux qui s'en sont approchés, l'ont touché, ou même encore les objets lui ayant appartenus. Considéré comme impur, serait dangereux de par le risque de contagion que sa présence susciterait. D'ou le mécanisme de défense mis en jeu par les survivants, afin de se prémunir de cette possible contagion de la mort. Peur du mort, peur de sa propre mort.

La mort d'autrui rappellerait à chacun sa propre finitude, et cette réalité, de par l'effroi qu'elle suscite, imposerait de s'en protéger.

Les soins prodigués au corps ont donc très souvent un impact sur les proches, et peuvent être une demande précise de leur part.

Une dernière image

La toilette du défunt, perpétuée depuis toujours, ne l'est pas pour les mêmes raisons :

« Elle était jadis destinée à fixer le corps dans l'image idéale qu'on avait alors de la mort, dans l'attitude du gisant qui attend, les mains croisées, la vie du siècle à venir. C'est à l'époque romantique que l'on a découvert la beauté originale que la mort impose au visage humain, et les derniers soins eurent pour but de dégager cette beauté des salissures de l'agonie. Dans un cas comme dans l'autre, c'était une image de mort qu'on se proposait de fixer : un beau cadavre, mais un cadavre. »57(*)

Au-delà d'une recherche de la beauté du corps, il semble que l'atténuation des marques de souffrance soit une priorité dans notre societé actuelle.

De nos jours, comme l'explique Louis-Vincent Thomas, la toilette « a davantage pour objectif de dissimuler les effets dévastateurs de la mort sur le corps, déformant les visages.»58(*)

En effet, la toilette peut avoir un impact sur l'image du corps, qui s'imprimera au coeur des souvenirs.

« L'attention portée à ce soin particulier qu'est la toilette funéraire, révèle toute son importance vis à vis des proches, qui emporteront avec eux la dernière image, le dernier souvenir. »59(*)

Une image, qui, sans vouloir inspirer la beauté, devrait éviter de choquer, d'apeurer, ou encore de refléter la douleur de l'agonie.

Un dernier hommage 

Selon louis Vincent thomas, la toilette du défunt «  répond encore aujourd'hui au souci d'obéir à la décence et de témoigner au défunt de la déférence60(*)

Il met en lumière deux notions différentes.

La décence d'une part : Il s'agirait de faire disparaître toute trace pouvant faire injure au défunt, au regard de ce qu'est la décence dans notre culture actuelle. Respecter le corps dans son intégrité, son intimité, lui retirer les salissures, secrétions, comme lorsqu'il était empreint de vie.

Et la déférence d'autre part, plus abstraite, car celle ci sous entend une relation au défunt, bien qu'il ne soit plus vivant. Plus que le respect du corps, il s'agit davantage du respect du défunt, dans toutes ses dimensions.

Mais aussi respect d'un engagement, lorsque le mourant a confié ses désirs, ses demandes, pour sa dernière présentation. Respect d'un droit, prévu par la législation : « j ai le droit d'attendre qu'on respecte mon corps après ma mort. »61(*)

Ce soin serait une dernière marque de considération vis à vis de celui que l'on a bien connu :

« Faire la toilette mortuaire d'un malade, disent certaines infirmières, c'est offrir un dernier hommage à cette personne. Le vivre comme un hommage, comme un dernier acte que l'on peut encore faire pour ce malade, ne prend son sens que dans la relation62(*)

Certains soignants décrivent cette forme d'hommage rendu au patient qu'ils ont longtemps suivi. Une enquête menée concernant la toilette mortuaire au domicile 63(*) a clairement mis en évidence cette notion d'hommage, et d'adieu.

Le cadre du décès fait sans doute différer les pratiques. Louis Vincent thomas l'évoque ainsi :

« Il n'y a guère que dans les milieux ruraux, et en cas de mort à domicile, que la toilette du mort garde quelque chose du maternage traditionnel s'il se trouve des femmes, des religieuses généralement, pour l`assumer. »64(*)

Trois notions sont abordées, et leur portée est intéressante :

La notion de maternage, évoquant le fait de prendre soin de l'autre, comme on le ferait d'un enfant, face à la fragilité qu'il nous renvoie. Accompagner vers la mort, à l'inverse d'une sage femme, qui, dans son domaine de compétence, accompagne vers la vie.

Ces deux extrémités de la vie font sans doute écho aux soignants, faisant resurgir en eux cet instinct de prendre soin, voire de materner. Comme l'ajoute Louis-Vincent Thomas : « on n'en finirait pas d'énumérer les comportements traditionnels qui, sous tous les cieux, dénotent la prise en charge du mort comme s'il s'agissait d'un petit enfant qu'on équipe et rassure avant son départ65(*)

Autre notion que soulève louis Vincent thomas, la féminité des acteurs du soin : les femmes seraient-elles plus enclines à prodiguer ces derniers soins ? Y aurait-il une part instinctive qui les guiderait vers ce soin qu'est la toilette ? Soignantes ou proches du défunt, mais aussi mères, soeurs, épouses. Ces femmes seraient-elles intuitivement amenées à effectuer ce soin de façon plus naturelle que les hommes.

Enfin, louis Vincent thomas évoque les religieuses. En effet, ce soin était prodigué par celles ci dans le passé, la profession d'infirmière n'existant pas encore. Ce dernier soin, si particulier, était imprégné de religieux, intimement associé au don de soi, au bénévolat.

Une dernière exposition :

Dès le décès, le corps sera visible, entouré des proches, et la notion d'exposition entre en jeu :

« Cela nous renvoie à la question de l'exposition du cadavre : son but immédiat est d'être un dépassement de la mort qui facilite, nous y reviendrons, le travail de deuil. De nos jours, le fait que l'on meurt souvent hors de chez soi et l'exigüité des logements rendent difficiles les veillées funèbres. »66(*)

La veillée du corps, bien que plus rare de nos jours, n'en demeure pas moins un désir réel pour certaines familles.

Elles peuvent en effet faire le choix de garder auprès d'elles le corps du défunt, et de se réunir autour de celui ci. Quelle que soit la durée de la présence du corps, celui ci sera inévitablement exposé au regard des proches.

Les soins apportés auront probablement une incidence sur ce temps particulier d'exposition, les regards étant portés avec attention sur ce que dégagent ce visage et ce corps désormais sans vie.

3-3 L'Accompagnement des proches

« L'action d'être et de cheminer avec une personne, de l'entourer, de la soutenir

Physiquement et moralement. »67(*)

Lorsque les proches sont confrontés au décès de celui qui leur est cher, l'infirmier est bien souvent présent auprès d'eux, et sa démarche se propose bien entendu de les accompagner dans cette étape difficile :

« Ce sont les soignants qui sont la clé de voute de cette phase d'accompagnement, quand se présentifie l'angoisse de mort. »68(*)

Face à cette angoisse ressentie par les proches, l'infirmier peut assurer un soutien face à la douleur s'exprimant tant au niveau physique que psychologique.

Sensible à la personnalité de chacun, il est avant tout le fruit d'une rencontre singulière : « L'accompagnement est toujours une clinique du singulier, d'une personne à une autre personne, d'une équipe à une famille, d'une famille à son proche. »69(*)

En l'instant qui suit le décès, cet accompagnement, bien qu'influencé par la relation établie antérieurement, sera fonction du contexte, de l'individualité de chacun, et de l'imprévisibilité des réactions.

Un devoir  vis à vis des proches :

« Ma famille a le droit de recevoir de l'aide afin de mieux pouvoir accepter ma mort. »70(*)

L'accompagnement de l'entourage fait partie intégrante de la démarche palliative.

La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit et l'accès aux soins palliatifs évoque cet aspect : « les soins palliatifs et l'accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s'adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. »71(*)

Cet accompagnement se définit plus précisément comme une relation d'aide et de soutien psychologique. Cette notion est bien présente comme faisant partie du rôle propre infirmier dans le code de la santé publique du 29 juillet 200472(*) 

Face aux familles venant de perdre un proche, l'infirmier est donc amené à établir une relation que l'on pourrait qualifier d'aidante, ou de soutien.

«  La relation aidante, ou de soutien, s'instaure spontanément en réponse à un besoin d'écoute de la personne. Elle permet l'accueil des émotions de la personne soignée et de ses proches. »73(*)

Comme décrit dans la circulaire DG5/3D du 26 aout 1986, relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale, au chapitre 4 : « le rôle de l'équipe se poursuit après le décès du malade, dans le but d'assurer le suivi du deuil, et de prévenir ainsi, autant que possible, l'apparition de pathologies consécutives à la perte d'un proche. »

La présence de l'infirmier pour soutenir la famille en cet instant s'inscrit dans le soin, au même titre que l'aide apportée antérieurement au patient lui-même.

Une présence :

Le soignant dispose d'un temps, qui même s'il est restreint doit être pleinement investi. Se situer dans l'instant présent, sans autre projection de l'avant, de l'après. Etre disponible à la relation, tant physiquement que psychologiquement.

Cela nécessite d'occulter les perspectives d'un tournée qui doit se poursuivre, d'une prochaine visite, d'un appel téléphonique, et d'éviter ces parasitages qui entravent forcement la qualité de présence à l'autre.

La présence du soignant peut être rassurante, apaisante, et permettre au proche de vivre pleinement ce dernier instant.

« D'ou l'importance immense des donneurs de présence et de temps qui sont des passeurs de vie. Car c'est avec ce rien apparent qu'est la présence ou le temps que l'on reconstruit un monde qui s'est défait74(*)

Reconnaître la souffrance du proche, être juste là, près de lui.

« Les soutenir dans cette confrontation à l'autre qui n'est plus, dans un face à face redouté avec l'horreur de la mort, du cadavre, consiste parfois simplement à reconnaître leur souffrance et à être auprès d'eux comme « proches » pour leur permettre de rester. »75(*)

Une écoute :

« Écouter, c'est d'abord l'hospitalité d'une présence.» Laure Marmilloud

Offrir une écoute attentive est essentiel, mais semble difficile, lors d'une conversation ou chacun est parfois tenté de parler, trop vite, pour n'entendre parfois que son propre dialogue intérieur, au détriment de l'autre. Savoir écouter demande du recul, de la réserve :

« La parole qui rompt avec le bavardage a besoin de venir au jour, d'hospitalité, de temps, de confiance. Elle a besoin d'une écoute qui ne s'effarouche pas du silence premier ; d'une écoute consciente que son premier travail est de créer de la présence, plutôt que d'attendre la parole. » 76(*)

Suite au décès, les mots, les pleurs, côtoient les silences, ou les cris.

Pour florence Plon, l'écoute doit être teintée d'une « neutralité bienveillante », permettant d'accueillir la souffrance, mais sans complaisance. D'entendre un vécu sans y apposer de projection ou d'affects personnels.

Accueillir l'autre, lui permettre d'être entendu, de verbaliser le choc, la souffrance, la colère, le sentiment d'injustice, est intimement lié à la capacité d'écoute.

S'il est difficile de répondre à la souffrance par des mots, il est primordial de l'entendre, de l'accueillir totalement.

« Devant la souffrance de l'autre, que dire et comment le dire, quel droit et quel devoir d'en parler ?(...) il est vrai que la souffrance ne se partage pas et qu'il est abusif de proclamer que l'on comprend  l'autre souffrant. Ce sera toujours une approximation. Ne nous y trompons pas, nous parlerons toujours mal de la souffrance aux souffrants. »77(*)

Sans doute n'est-il pas question d'avoir une réponse ou une quelconque clé à donner.

« En terme d'implications éthiques, prendre soin du prochain-patient supposera de pouvoir le reconnaître depuis une commune humanité mais sans pour autant prétendre pouvoir lui dire « je sais ce qu'il te faut ». » 78(*)

Accepter humblement de ne pas savoir est légitime, entendre et reconnaître la douleur ressentie n'impose pas l'élaboration d'une réponse quelconque.

Il peut sembler préférable d'éloigner en cet instant les conseils et phrases toutes faites, formules préétablies, pour pleinement écouter.

Des silences :

«  La parole et l'absence de parole demeurent cependant les signes qui permettent de saisir la densité incomparable du temps de la mort. »79(*)

Le temps qui suit le décès est ponctué par le silence. Silence qui parfois fait peur, et auquel nous sommes souvent tentés de vouloir mettre un terme au plus vite, tellement il peut sembler déstabilisant. Or il se dit tant de choses dans un silence, en l'absence de mots.

Le silence se fait l'écrin d'une expression subtile : regards, gestes, pensées, s'échangent et se ressentent d'autant plus intensément.

Il peut être un appel, l'attente d'un mot tendu, comme une perche permettant l'expression de sa peine. L'attente d'une invitation à dire, parler :

« Mais au milieu de ce silence de pierre, de ce silence plein, il faut bien qu'une parole se lève, et qu'elle exorcise cela même que cache le silence. » 80(*)

Oui, laisser vivre ce silence, puis doucement le briser, pour laisser place aux mots.

Des mots

« La parole n'est pas seulement un son ou un symbole écrit. C'est une force. »81(*)

Que dire à celui qui vient de perdre un être cher ? L'embarras de l'infirmier dans ce dialogue avec le proche est parfois palpable. Pourquoi s'introduit-il dans la relation ? Peut-être est il lié au fait de n'avoir aucune réponse à donner, aucun savoir sur la mort que n'aurait le proche lui même. Patrick Baudry évoque cet embarras : « c'est ce caractère précieux de l'existence rare, si brève, si étrange à nos propres corps, qui provoque notre embarras. Moins un embarras en fait qu'une réserve. Pourquoi faudrait-il savoir quoi dire à celui qui devient veuf ou orphelin, quand toute l'intelligence de la mort nous vient de partager notre incapacité à savoir ce dont il s'agit ? »82(*)

Une réserve, sans doute, face au discours qui devrait être tenu. Choisir les mots justes induit un réel questionnement, tant sur le fond, que sur la forme.

Certains mots sont intuitivement évités et écartés du langage relatant le décès :

« Le langage traduit fort bien le déni thanatique dont il a été souvent question. Pour fuir le trauma de la mort, l'occidental évite souvent d'en prononcer le nom : `disparu', `manquant', `victime' deviennent des substituts fréquents, à moins qu'on ne préfère les formules apaisantes (`il est parti','il repose'), réconfortantes (`pieusement décédé', `rappelé à dieu', `a remis son âme dans les mains du seigneur',`a rejoint les anges'), ou simplement énonciatrices (`il n'est plus','il nous a quittés'). On notera de même, l'emploi de périphrases pour éviter de parler du cadavre, pourtant seule manifestation de la présence /absence du défunt. »83(*)

Soignants et proches, imprégnés de la même culture, partagent sans doute cette difficulté à prononcer certains mots. L'infirmier est amené, intérieurement, à peser chaque terme avant de l'employer. Le peser, au regard de la norme culturelle actuelle, mais aussi de ses propres conditionnements.

Ainsi, des termes peuvent paraitre imprononçables au regard de notre culture commune :

Cadavre, dépouille, mort : ces mots sont instinctivement remplacés par d'autres, considérés comme plus doux, moins violents, moins choquants.

« Si l'on dit « le corps » et non pas « le cadavre », ce n'est pas par pudeur, convenance, refus d'affronter « la mort ». Mais parce qu'il s'agit de refuser l'inhumain. »84(*)

Difficile tâche que de choisir et prononcer ce mot qui qualifiera le défunt. Comme le dit Bossuet : « Ce qui reste du vivant quand il meurt n'a plus de nom dans aucune langue.»

Quand vient l'heure de nommer le défunt, le mot retenu, puis prononcé, aura pour le proche une résonnance très particulière. La sensibilité de chacun au pouvoir d'évocation d'un mot reste si singulière. Et le sens donné à ce mot pourtant commun peut être si différent, soumis à tant d'influences qui nous échappent. L'âge, le vécu, l'éducation, la culture, sont autant de facteurs pouvant donner aux mots de multiples nuances :

« Les gens ont des langages différents : ils emploient les mêmes mots, mais pas dans le même sens. Ecoutez le sens, plutôt que les mots. Si vous écoutez les mots, vous ne comprendrez jamais les gens. Ecoutez le sens, c'est quelque chose de totalement différent. »85(*)

Le souci du mot juste est sans doute lié au fait de ne pouvoir rattraper un terme qui, trop vite prononcé, serait mal choisi.

Ce caractère presque irrémédiable de ce qui est dit, du mot prononcé, que l'on ne saurait rattraper, pèse forcement sur nos choix sémantiques.

« Ce qui est dit est dit, un attelage de quatre chevaux ne saurait le rattraper »86(*)

Au delà de l'incidence que pourraient avoir les mots sur les proches, cet intérêt porté au discours est révélateur du rapport entretenu avec la mort. Le choix du terme peut en être une projection plus ou moins consciente :

« Par la toute puissance du verbe, de régler des attitudes et des comportements, soit qu'on apprivoise la mort, soit qu'on s'en prémunisse. Ce langage n'est pas simplement fait de mots et de phrases, mais aussi de silences, d'incantations, d'interjections, de gestes et de mimiques. Fruits de l'intelligence spéculative, il demeure le plus souvent pénétré de fantasmes individuels et collectifs, en relation avec le système socioculturel ; peu importe qu'il soit d'ordre oral ou scriptural, gestuel ou attitudinal. »87(*)

Ainsi, par le biais des choix sémantiques ou des attitudes, chacun porte et révèle la réalité de ce qu'est son rapport à la mort:

«  enfin, évoquons la parole de la mort, c'est à dire la dénomination personnelle de la mort, puis la forme individuelle du discours devant le décès de l'autre ou le sien propre, ou chacun parle de son statut ou son rôle ou sa classe sociale sans doute, mais aussi selon ses dimensions caractérologiques : indifférence totale, voire soulagement, travail du deuil conforme aux règles du groupe, relation nostalgique à l'objet(...) sans oublier « le mot de la fin », les silences, les cris, les chuchotements. »88(*)

Face au mort, face à la mort, les mots prononcés sont le reflet de l'être qui les prononce. Ainsi le discours soignant ne peut il prétendre vraiment à la neutralité.

Un regard, un geste

Les mots se font rares, le silence s'insinue doucement. Tellement de choses peuvent être dites, au travers d'un seul regard, d'un simple geste.

Il peut être intéressant de prêter attention aux attitudes. Un regard peut être distrait, fuyant, pressé, inquiet, accueillant, bienveillant, chaleureux ou rassurant. Les yeux se font le reflet de l'âme, des sentiments, des pensées, les trahissant parfois :

« L'infirmière doit veiller à être attentive à la contradiction qui peut exister entre la parole et les sentiments exprimés par le regard. En effet, le regard porté par le soignant sur la personne peut aussi bien être une aide ou un frein dans la relation. »89(*)

Mettre en accord la pensée, et le corps. Etre attentif aux gestes, aux regards, cela pourrait s'apparenter à une mise en scène de soi dans le cadre des soins. Cet aspect peut susciter le questionnement.

Pour Jacques Simon, cette mise en scène est une réalité qui ne s'avère pas être choquante :

« Des témoignages qui suggèrent qu'après la parole, la communication est possible sans la parole mais elle exige une remise en question considérable et l'acceptation d'une forme de projet, l'élaboration d'une sorte de mise en scène. Un terme qui n'a rien ici de déplacé. »90(*) En effet, sachant l'impact que peuvent avoir certaines attitudes, il peut être louable de s'y attarder. L'expression du corps dans son ensemble adresse à autrui de nombreux messages. Une attitude d'ouverture à l'autre peut s'inscrire dans le corps, et favoriser la confiance, la confidence. Lui permettant de lâcher-prise, de ne plus censurer l'expression des émotions, de laisser enfin couler les larmes, tout simplement. 

«  Et permettre, au milieu de cet orage, qu'une vrai parole monte aux lèvres, qu'elle se dise, qu'elle s'entende et que, par elle, se libèrent de vrais regards, même mouillés de larmes, de vrai gestes de tendresse. »91(*)

Ces gestes de tendresse peuvent trouver place dans l'accompagnement. S'approcher de celui qui souffre, s'asseoir près de lui, crée inévitablement un rapprochement physique.

« La rencontre avec une personne en grande souffrance morale et physique impose une proximité qui situe la relation dans un espace personnel ou intime. Les ressentis de cette rencontre sont avant tout influencés par la présence corporelle de l'autre. »92(*)

Le proche peut ainsi pleurer sur l'épaule de l'infirmier, en ressentir le besoin pour laisser couler ses larmes. De même, l'infirmier peut ouvrir spontanément les bras, pour accueillir cette peine.

« La présence et l'écoute ne suffisent pas toujours, notamment chez les personnes ayant besoin de proximité, d'un enveloppement affectif tactile et contenant. » 93(*)

La charge émotive de l'instant n'est pas étrangère à ce rapprochement qui demeure exceptionnel. Cette approche doit bien sur être initiée par le proche, et ne s'impose pas.

« Il peut être très important, voire nécessaire dans certaines situations, d'établir un contact par le toucher, mais si ce geste est imposé, sans écoute, il manquera de ...tact, précisément ! »94(*)

Une juste place

L'aide apportée en cet instant est avant tout une proposition. Les proches doivent demeurer libres de juger si celle ci leur est nécessaire. L'accepter, ou la refuser, le plus librement possible. La vulnérabilité qui est la leur en cet instant ne doit pas leur valoir d'être dépossédés de leurs choix. L'infirmier, témoin de cette souffrance, fait ce pas légitime vers celui qu'il sent en difficulté. C'est cette part du chemin qui lui incombe totalement. Cette proposition est avant tout une invitation à être aidé. L'autre part revient à l'endeuillé, qui peut accepter ou refuser cette aide, en accord avec son ressenti.

« L'accompagnement ne s'impose donc pas. Il résulte d'une disponibilité et d'une prise en considération des besoins. Il trouvera sa raison d'être seulement si la famille a des besoins et accepte d'être aidée. »95(*)

L'infirmier doit ainsi respecter le besoin exprimé par chacun, et sans doute garder une certaine humilité. Il est impossible, inutile, et dangereux de vouloir tout maitriser.

« De l'acharnement thérapeutique, il est possible de glisser à l'acharnement relationnel à vouloir médicaliser, psychologiser, instrumenter ce qui reste une aventure humaine unique. »96(*)

Le rôle de l'infirmier n'est pas d'imposer ce qu'il pense être juste, au regard de ses connaissances ou de ses acquis :

« Il ne saurait être question gérer techniquement le deuil. Le deuil n'est pas gérable ; il reste à vivre et à vivre ensemble.»97(*)

De même, être présent dans un instant clé de la personne ne devrait pas laisser s'insinuer une quelconque dépendance.

Florence Plon évoque bien l'aspect transitoire de l'intervention soignante : « C'est donc être sois même en mesure d'être quitté et accepter de n'être associé qu'à un moment limité dans le temps, et de n'être là que pour faciliter un passage, bref se faire le passeur. »98(*)

Bien que transitoire, cette rencontre entre l'infirmier et le proche sera d'une grande intensité, imprévisible, teintée de partage et d'humanité.

L'approche infirmière est un compromis entre une présence trop envahissante, et une distance exagérée, pouvant s'apparenter à de l'indifférence. Recherche d'une juste place, permettant d'aider le prochain, mais lui laissant la capacité de repartir, seul, pour affronter le chemin qu'il lui reste à parcourir.

Soutenir la famille, avoir un regard sur chacun, mais préserver aussi son intimité, et s'effacer lorsque le temps sera venu.

La relation instaurée en cet instant est subtile, délicate et singulière.

Paul Ricoeur évoque la « spontanéité bienveillante » inhérente à cette relation, qui selon lui, doit allier «  la distance du respect et l'union de l'amour. »

Favoriser le partage :

La famille se retrouve autour du défunt. Ainsi réunie, elle se fait l'écho de toute sa diversité. L'intensité des émotions partagées exacerbe bien souvent les différences. Les réactions, les attitudes, peuvent être divergentes, voire diamétralement opposées : Repli sur soi, agressivité, expression vive de la peur, de la colère, du chagrin. Le soignant peut s'attarder auprès de celui qui s'effondre, en retrait, ou de celui qui, plus expansif, hurle sa peine. Il peut se faire le lien entre ces proches qui vivent chacun à leur manière cet événement.

« Les intervenants sont efficaces s'ils savent amener les proches, au moment du décès, à en parler entre eux, et après, dans la durée, afin que les souvenirs soient racontés aux plus jeunes ou aux plus éloignés. »99(*)

Apaiser la culpabilité :

Il arrive que les proches se sentent coupables de n'avoir pu être davantage présents, actifs, ou investis dans la prise en charge antérieure. Ils expriment alors cette culpabilité, bien lourde à porter. Certains supposant même que leur absence ait eu une incidence sur l'échéance du décès. Il peut être important de rassurer les familles concernant cet aspect :

«  La notion d'accompagnement...inclut la possibilité de transmettre aux familles cette notion du choix du sujet à décider de sa mort et de son moment...Cela désengage et désamorce la culpabilité des proches, d'accepter le choix de l'autre comme lui appartenant. »100(*)

La quête de sens :

« La question brûlante du sens se pose devant toute situation de souffrance qui vient comme arrêter le déroulement de nos existences, qui sont bien loin d'être de longs fleuves tranquilles. »101(*)

Quel sens donner à la souffrance ? Souffrance physique, endurée par celui qui vient de nous quitter, et souffrance morale, ressentie si fortement par celui qui reste.

Les proches interpellent souvent l'infirmier à ce sujet, comme un témoin de ce questionnement, de cette incompréhensible réalité.

Pour certains, la souffrance est perçue comme scandaleuse, absurde, et aucune croyance ne saurait en adoucir la violence. Pour d'autres, la croyance en la réincarnation induit un karma, punissant dans cette vie ci les erreurs faites dans une vie antérieure.

D'autres, s'appuyant sur des fondements religieux, chercheront à expliquer l'épreuve endurée, évoquant l'idée d'une souffrance rédemptrice.

L'intervention de la religion est toute proche en cet instant, comme l'évoque l'immam Tareq Oubrou : « L'homme convoque la religion pour comprendre ce qui lui arrive. »102(*)

Afin de comprendre ce qui semble inexplicable, inacceptable, l'homme lève les yeux au ciel, cherchant une réponse à ce qu'il ne peut expliquer :

« Quand l'horizontal se ferme, le vertical s'ouvre, la transcendance. » propos de l'imam Tareq Oubrou

La plupart des religions sont essentiellement fondées sur le sens qu'elles donnent à la perte, à la douleur et à la mort. Mais cette quête de sens peut s'affranchir de l'aspect religieux :

« Dans cette quête de sens, la tradition religieuse peut certes offrir un secours valable, mais ceux qui ne souscrivent à aucune vision religieuse du monde peuvent aussi, sur la foi d'une réflexion attentive, trouver signification et valeur à leur souffrance. »103(*)

Cette recherche de sens est inhérente aux grandes épreuves jalonnant nos vies.

« Toute interrogation sur le sens va de pair avec une interrogation critique sur nos représentations de la maladie, la souffrance et la mort. »104(*)

Mais si légitime soit cette interrogation, faut-il pour autant lui donner réponse ?

« S'il est dangereux de dire que la souffrance a un sens, il est encore plus dangereux encore de n'en faire qu'un non-sens »105(*)

Infirmiers et proches sont face au même questionnement, dont aucun ne détient la réponse. L'ignorance du sens de la mort, de la souffrance, pourrait il permettre de restituer tout son sens à la vie ? 

« Ce n'est pas parce qu'il y a de la souffrance que la vie n'a pas de sens, c'est parce que la souffrance existe que la vie doit avoir d'autant plus de sens »106(*)

Une remise en question :

Il peut sembler intéressant de se questionner concernant la motivation à partager ces instants avec les proches.

Au delà du cheminement commun, cette situation reste propre à l'histoire de la famille, et le regard extérieur doit être juste, et ne pas tendre vers une forme de voyeurisme.

Ainsi le soignant peut il s'interpeller sur sa motivation à observer une telle scène, et sur l'éventualité d'un bénéfice secondaire qui manquerait de justesse. Peut-il au travers d'une certaine attraction pour cette scène, se rassurer, trouver un moyen de soigner ses propres blessures?

L'attitude inverse, qui serait de fuir ces instants partagés, de refuser cette présence à l'autre, peut également interpeller. L'attitude de l'infirmier se fait parfois l'écho de ses propres mécanismes de défense. Ainsi, l'agressivité, la banalisation, la fuite, sont des modes réactionnels parfois mis en oeuvre involontairement. Le besoin de tout maitriser n'en demeure pas moins anodin :

« Ils fonctionnent alors par des réassurances factices auprès des malades et des familles, et cherchent à avoir réponse à tout ; ou encore un hyperactivisme dans le domaine des gestes pratiques et matériels visant à tout contrôler, tout maitriser, pour ne pas être confrontés à ce vide béant de l'angoisse. »107(*)

Il peut être bénéfique pour l'infirmier de se pencher sur lui-même, sur son fonctionnement, et ses attitudes, afin de trouver justesse et cohérence dans le cadre de l'accompagnement qu'il effectue au quotidien. Sa pratique, évoluant au fil des remises en question, n'en serait que plus pertinente.

Sans être le juge trop sévère de sa pratique, il peut ainsi soulever certain aspect de son fonctionnement, mieux se connaître, et améliorer sa relation à l'autre, au coeur du soin.

« L'accompagnement apparaît donc comme le fil d'Ariane de l'aventure humaine  Il ne cesse d'évoluer et de s'approfondir tout au long de l'existence. Notre mot clé sera là encore comprendre : se comprendre et comprendre l'autre. »108(*)

L'accompagnement des familles face à la mort peut susciter chez le soignant le besoin d'effectuer un travail sur lui même. Travail ayant une incidence indéniable sur sa pratique, bien délicate en cet instant.

D'après les différents concepts étudiés, nous pouvons affirmer qu'en effet, l'instant qui suit le décès a une importance non négligeable sur les proches.

Selon Alain de Broca, tout événement survenant à cet instant sera inscrit profondément dans la mémoire de l'endeuillé :

« Toutes nouvelles informations et toutes paroles vont donc s'inscrire dans une autre dimension temporelle. Toutes les phrases dites par le personnel soignant, tous les gestes vont ainsi se fixer pour toujours dans leur mémoire et pourront, s'ils sont mal entendus ou mal perçus, être la source de questionnements ou de pointes irritatives pour l'endeuillé pendant de longs mois109(*)

L'infirmier, par son attitude, ses mots, ses gestes, pourrait avoir un certain impact sur cet instant.

Je souhaite mettre cette hypothèse à l'épreuve du terrain, en approchant les infirmiers libéraux. Découvrir leur vision de cet instant, ainsi que leurs pratiques.

Méthodologie de l'enquête exploratoire

Apres avoir exploré différents concepts, et mis en lumière les connaissances nécessaires à une approche la plus adaptée possible, il semble intéressant de se tourner vers les professionnels infirmiers.

Les objectifs de l'enquête:

Evaluer la place faite à cet instant dans la pratique infirmière : fréquence, disponibilité, participation.

Découvrir quel regard portent les infirmiers sur cet instant particulier: impact, conséquences, valeur.

Recueillir des informations concernant leurs pratiques, leurs actions, leurs habitudes.

Le choix de l'outil :

Pour approcher les infirmiers libéraux, le questionnaire m'a semblé être un bon outil, adapté à la charge de travail qui est la leur, à leur disponibilité.

J'ai donc établi une succession de questions afin de connaître leur approche de cet instant, leurs pratiques, leurs habitudes.

Population cible, et méthode d'échantillonnage

L'échantillon était constitué d'infirmiers libéraux du département de l'Isère, choisis de façon aléatoire, par tirage au sort des localités, puis deux infirmiers par localité.

Le nombre d'individu fût limité à 110, en raison du budget restreint alloué à mon travail: papier, impression, affranchissement.

Elaboration du questionnaire :

La pré-enquête a consisté d'une part, en une importante recherche bibliographique.

Celle ci m'a permis de m'imprégner pleinement du sujet, de le percevoir sous de multiples aspects.

D'autre part, les échanges informels au sujet de mon travail, avec plusieurs collègues infirmiers, ont fait émerger certains aspects pratiques non négligeables.

J'ai fait le choix de mêler questions fermées à choix multiple, et questions ouvertes, à réponse textuelle.

Laisser une large part aux commentaires libres était essentiel à mes yeux dans un domaine aussi complexe que la fin de vie à domicile.

En effet, envisager cet instant, au fil de mon travail, n'écarte pas la possibilité de tenir certains aspects non moins intéressants à distance, et ce par oubli, ou négligence.

Le fait que les infirmiers puissent exprimer ce qui leur semblait être important sans être entièrement cadrés par le fil rigoureux des questions fermées me paraissait impératif.

Test du questionnaire :

Un premier fût établi, et testé auprès de plusieurs collègues.

Certaines questions furent remaniées au détour de cet essai. En effet, certaines se sont avérées peu explicites, ou devant faire preuve de clarification.

Certaines questions furent supprimées afin de raccourcir le temps de réponse .Rajout de quelques aspects non envisagés.

La durée de remplissage estimée à environ 10 minutes me semblait un temps imparti raisonnable.

La distribution du questionnaire :

Celui ci fût envoyé en septembre 2012, par voie postale, accompagné d'un courrier expliquant l'objet de mon travail, et d'une enveloppe timbrée permettant de me l'adresser par retour.

Il fût spécifié sur le courrier le caractère anonyme de l'enquête.

Le délai octroyé pour la réponse fût d'un mois et demi, cela donnant le temps à chacun d'y répondre au moment le plus opportun.

Taux de retour :

56% des infirmiers questionnés ont répondu à l'enquête, soit 62 individus.

Ce taux ne veut et ne peut être statistiquement représentatif, mais permet une première approche, si modeste soit elle.

En effet, la population des infirmiers libéraux en Isère est de 1516 individus110(*)

Le panel de réponse ne correspond qu'à 4% de la population mère considérée.

Saisie des données :

Les réponses aux questions fermées à choix multiples seront exprimées par représentations graphiques, afin de visualiser plus clairement leur répartition.

Les commentaires libres seront synthétisés, restant en lien avec chaque question dont ils découlent.

Les réponses écrites ayant été parfois longues, je propose d'en extraire les mots clés récurrents, et de chiffrer leur apparition en nombre de récurrences.

Interprétation :

Les réponses seront mises en lien avec le cadre conceptuel, afin de permettre une discussion constructive et critique.

Présentation des résultats

Infirmiers interrogés :

Les infirmiers ont pour 78% entre 30 et 49 ans. 6% ont moins de 30 ans, et 16% plus de 50 ans.

L'ancienneté de l'exercice en secteur libéral est très variée, allant de 4 à 34 ans.

Infirmiers et soins palliatifs :

La place des soins palliatifs dans la pratique des infirmiers libéraux :

64 % des infirmiers admettent suivre parfois des patients dans le cadre de soins palliatifs. Souvent et très souvent : total de 36% .Aucun d'entre eux n'est jamais amené à effectuer des soins dits palliatifs.

Il semble donc que les soins palliatifs soient intégrés pleinement à la pratique des infirmiers libéraux. Cette catégorie de prise en charge se révèle être périodique et récurrente.

La fréquence des décès survenus à domicile, par année :

Les décès surviennent rarement au domicile du patient.

Aucun décès : 9

Un décès par an: 28

Deux décès par an: 24

Trois décès par an: 1

Les infirmiers relatent pour la plupart entre 1 et 2 décès par an à domicile.

Infirmiers et présence après le décès:

La disponibilité des infirmiers vis à vis de cet instant:

La majorité des infirmiers interrogés (61%) affirme proposer spontanément aux proches de les appeler lorsque surviendra le décès.

Il y a donc une proposition faite aux familles, l'infirmier évoquant la possibilité d'être appelé lors de cet instant.

Certains prennent l'initiative de donner leurs coordonnées téléphoniques personnelles afin d'être joignables plus facilement :

Si le décès survient la nuit, la majorité accepte de se déplacer au domicile (88%) :

Nous pouvons souligner l'acceptation des infirmiers à être sollicités sur un temps consacré à la vie personnelle, à savoir la nuit.

Le recours à l'infirmier lors du décès :

La famille a donc fréquemment recours à l'infirmier lorsque le décès survient.

Le temps consacré à cet instant :

Les infirmiers estiment rester au domicile pour la majorité entre 1H et 2H.

35% d'entre eux évaluent leur présence entre 30min et 1h.

Infirmiers et soins au défunt :

La réalisation de la toilette par l'infirmier :

Les infirmiers sont partagés concernant le fait d'effectuer une dernière toilette.

Les commentaires leur ont permis d'expliciter leurs divergences à ce sujet.

Commentaires libres :

Sachant que ce soin est effectué par les entreprises funéraires dès la prise en charge du corps, certains estiment qu'il n'est plus nécessaire de le réaliser : 12 récurrences.

Beaucoup expliquent avoir fait évoluer leurs pratiques ces dernières années, affirmant effectuer ce soin bien plus souvent par le passé : 16 récurrences.

A l'inverse, ceux qui continuent à la réaliser expliquent y voir une dernière marque de respect, un dernier hommage : 16 récurrences

La réalisation de la toilette du défunt est donc peu uniforme, selon le profil de chaque soignant.

Par contre, la présentation du défunt a une importance certaine à leurs yeux :

Importance de la présentation du corps du défunt :

Les soignants sont donc presque unanimes, approuvant l'impact que peut avoir l'image du corps sur l'entourage et la famille.

Commentaires libres :

Visage apaisé : 23 récurrences.

Visage serein : 8 récurrences.

Un beau visage : 5 récurrences.

Faire disparaître l'équipement médical du corps : 16 récurrences.

Le positionnement du corps, et des mains : 6 récurrences.

Influence des croyances sur les soins pratiqués :

81% des soignants prennent en compte les croyances lors des soins au défunt

Seul 19% affirment ne pas en tenir compte.

La majorité des infirmiers admet donc que les croyances ont un impact sur la réalisation des soins au corps.

Commentaires libres :

Ils évoquent la toilette (7), l'habillage du défunt(4), la position de ses mains(5), la présence d'objets symboliques(7) et de bijoux. La notion de religion(19) est évoquée.

Infirmiers et accompagnement des proches

Ancienneté de la relation :

97% des infirmiers ont suivi les patients dans le cadre de soins, avant la phase dite palliative.

Pour la plupart, la durée du suivi peut être estimée à plus de deux ans.

Les prises en charge tardives semblent plus rares.

Il apparaît que les infirmiers libéraux aient donc une relation ancienne avec les patients suivis en soins palliatifs, les ayant bien souvent accompagnés en amont lors de la phase dite curative.

Leur connaissance du patient se comptant parfois en années.

Ils ont donc un lien ancien avec la famille proche, présente au domicile.

Isolement des proches :

52% des infirmiers admettent se retrouver parfois avec un proche isolé, seul auprès du défunt.

29% admettent que cette situation se présente souvent.

Il n'est donc pas rare qu'un proche soit seul après le décès, sans avoir de famille venant l'accompagner dans cette étape.

Une aide pour les formalités administratives 

La majorité des infirmiers interrogés est amenée à expliquer les formalités administratives aux proches.

D'après les infirmiers, la constatation du décès par le médecin est une procédure bien connue des familles (71%).

En revanche, les conditions de transport du corps par les entreprises de pompes funèbres le sont beaucoup moins. 90 % des infirmiers affirment que celles si sont mal connues des proches.

Commentaires libres

Sont mal connus : le délai de conservation du corps à domicile (12), le choix libre d'une entreprise de pompes funèbres (10), le lieu ou sera déposé le corps en attente de l'inhumation, ou la crémation (6).

Certains infirmiers relatent effectuer les démarches à la place de la famille : 23 récurrences

Ils en donnent plusieurs raisons :

Les familles sont perdues, incapables d'agir, paralysés, perturbés, en plein désarroi.

Le grand âge du conjoint survivant intervient.

Certains pensent important de décharger la famille, d'autres soulignent au contraire qu'il faut leur laisser effectuer ces démarches. Dans ce cas, les infirmiers affirment conseiller, orienter, être un appui, un soutien.

La mise en place d'un dialogue infirmier/ famille

42% des infirmiers ont sont souvent l'occasion d'établir une discussion approfondie avec les proches, après le décès.

Commentaires libres :

Ils évoquent des thèmes divers abordés lors de cet échange :

Le défunt : sa vie, son parcours, sa personnalité, les regrets concernant bons moments partagés, mais aussi les remords inhérents aux différents conflits familiaux

Le vécu de la maladie : le soulagement de la douleur, la souffrance morale, le délai écoulé avant le décès.

Les circonstances du décès : Durée de l'agonie, souffrance, « pensez vous qu'il se soit senti partir ? »

Le proche : Sa façon d'envisager l'avenir, la tristesse, le soulagement de voir se terminer une situation insupportable.

Les croyances : l'au delà, la vie après la mort, ou au contraire, la remise en cause de ces croyances.

Le sens : « pourquoi lui », « il n'a jamais fait de mal à personne », « pourquoi autant de souffrance. ». Recherche dans la vie menée d'une raison expliquant la souffrance subie.

L'importance des mots :

Presque la totalité des infirmiers (97%), estiment que les mots ont une portée, au delà de l'échange qu'ils ont eu avec la famille.

Mots difficiles à choisir pour 61% d'entre eux :

Commentaires libres :

Plus que les mots, le contenu du discours semble poser problème aux infirmiers : Certains ont peur de choquer (5 récurrences), d'avoir des propos maladroits (9 récurrences ). D'autres ne savent pas quoi dire face à la souffrance (15 récurrences ), ne trouvent pas les mots(3 récurrences ). Certains expliquent écouter le proche avant de parler à leur tour (22 récurrences), ne pas briser le silence (14 récurrences).

Suivi après le décès :

La majorité des infirmiers affirme revoir les proches à distance du décès.

Commentaires libres :

Cela survient de façon fortuite (dans la rue, les commerces), 34 récurrences.

De nombreux infirmiers précisent planifier une visite auprès du proche à distance du décès : 19 récurrences. L'objectif étant de dépister la détresse, l'isolement. De boucler, finaliser la prise en charge. Les proches ayant besoin d'évoquer la période palliative, le soulagement de la douleur.

Parfois, la famille convie l'équipe infirmière autour d'un repas ou d'un café pour remercier : 5 récurrences.

De nombreux infirmiers évoquent l'absence de suivi des proches après le décès du patient, et ressentent le devoir de visiter le proche à posteriori.

Plusieurs évoquent une faille au sein de la société dans ce domaine, voyant des proches livrés à eux mêmes, ne sachant vers qui se tourner pour obtenir de l'aide : 6 récurrences.

Infirmiers et approche de cet instant :

L'impact de l'infirmier sur l'ambiance qui règne au domicile

71% des infirmiers pensent qu'ils ont un rôle à jouer concernant l'ambiance régnant au domicile après le décès.

29% affirment n'avoir aucun impact dans ce domaine.

Commentaires libres :

L'ambiance globale idéale : La sérénité (8 récurrences), l'apaisement (10 récurrences), le calme (14 récurrences ) , sont des notions récurrentes dans leurs écrits.

La vision de la scène : L'aspect et l'installation du défunt (23 récurrences), le rangement de la pièce centrale (6 récurrences ), sa démédicalisation (21 récurrences), avec la disparition du matériel ayant trait aux soins.

La luminosité est évoquée : l'éclairage, la pénombre, les bougies, les volets mis clos : 3 récurrences

L'odeur est citée : 4 récurrences.

La relation entre le défunt et ses proches : le pourtour du lit doit être dégagé, afin de permettre la libre circulation des proches (9 récurrences). Le fait de disposer des chaises autour du lit.

La juste place de l'infirmier : la notion de disponibilité (11 récurrences ), de discrétion (9 récurrences ).

L'accompagnement : avec la notion d'écoute (26 récurrences ), d'accueil des proches arrivés sur le lieu du décès (8 récurrences ).

Le bruit, avec la nécessité d'en faire le moins possible (3 récurrences). L'usage de la musique à la demande de la famille (1 récurrences).

Leurs gestes dans ce domaine :

Attitude : Gestes calmes (28 récurrences), écoute attentive (16 récurrences), Respecter souhaits défunt(6 récurrences )

Discours : Rassurer sur la souffrance (11 récurrences), l'acceptation de la mort par le défunt(5 récurrences), discussion sur le fait de garder le corps au domicile plus ou moins longtemps (4 récurrences ).

Actions concrètes : Ménage chambre (8 récurrences ), élimination matériel(15 récurrences), toilette de défunt, installation avec ou sans l'aide de la famille.

Ambiance : réglage de la lumière (6 récurrences ), Musique de fond (1 récurrences), utilisation de parfum ou désodorisant si odeur désagréable (3 récurrences ).

L'attitude de l'infirmier :

Presque la totalité des infirmiers (97%) admet le fait que son attitude globale lors de cet instant est importante. Seul 3 n'abondent pas en ce sens.

Commentaires libres :

Etre calme, serein, posé, faire preuve de douceur : 26 récurrences

Faire preuve de disponibilité, sans toutefois se montrer envahissant : 20 récurrences

Ecouter activement, en faisant appel à la reformulation.19 récurrences

Rester professionnel et respectueux.13 récurrences

Savoir aider, soutenir les proches.12 récurrences

Rassurer les proches concernant l'absence de douleur, les réconforter : 9 récurrences

Atténuer les regrets : 3 récurrences

Respecter les désirs du défunt :3 récurrences

Vécu de cet instant par les infirmiers :

La majorité des infirmiers (74%), affirme apprécier cette présence auprès des proches, dans l'instant qui suit le décès.

Commentaires libres :

Les infirmiers soulignent le fait de devoir accompagner jusqu'au bout le patient et sa famille, même pour cette dernière étape.

Ils évoquent une relation humaine faite d'amitié (2 récurrences), le lien construit (12 récurrences), l'intimité avec la famille (8 récurrences), la compréhension (5 récurrences), le partage réciproque (7 récurrences), la notion d'accompagnement (16) récurrences.

Certains soulignent le fait d'apprendre beaucoup de ces moments de vie(6) récurrences.

D'autres évoquent le sentiment d'un travail achevé(8), une manière de clôturer la relation (5 récurrences).

Certains ont souligné le terme utilisé dans ma question, à savoir « aimez-vous » :

Ce mot n'était pas celui qu'ils auraient choisi (4 récurrences). Certains l'aurait remplacé par : plaisir d'un travail bien fait (1 récurrences), devoir vis à vis des proches (3 récurrences).

78% d'entre eux estiment que cela fait partie intégrante du métier que d'accompagner les proches après le décès du patient.

Gratuité des soins

La majorité des infirmiers déclare ne recevoir aucune rémunération pour le temps passé auprès des proches, les conseils, et l'aide apportée dans cet instant.

68% d'entre eux effectuent toujours cette aide gracieusement.26% souvent  6% parfois.

Il est donc question dans la majorité des cas d'un acte gratuit, d'un don de présence auprès des proches.

Commentaires libres :

Pour 12 infirmiers, la gratuité de cet acte est considérée comme évidente et normale. Les critères motivant cette démarche étant multiples :

Acte de soin ne relevant d'aucune prescription médicale, donc ne pouvant être l'objet d'honoraires. (15 récurrences).

Démarche entièrement volontaire et personnelle : 6 récurrences.

En accord avec des valeurs personnelles : 4 récurrences.

Infirmiers et questionnements :

La demande de formation

La question de la formation est nettement plébiscitée.

Ainsi, la grande majorité des infirmiers (71%) pense qu'une formation concernant l'après décès pourrait être bénéfique à leur pratique.

Commentaires libres :

Huit infirmiers ont malgré tout souligné le fait qu'établir une conduite à tenir rigoureuse serait absurde, retirant toute spontanéité, toute liberté dans cette prise en charge. La notion de protocole (5 récurrences)) a été utilisée, expliquant le peu d'autonomie que ceux ci laissent aux infirmiers.

D'autres ont évoqué une demande de connaissance concernant le choc initial (2 récurrences), et le travail de deuil du proche survivant. (9 récurrences)

Commentaires libres :

La notion de questionnement est apparue de façon significative dans le champ commentaires et témoignages libres.

Les infirmiers évoquent à maintes reprises le manque d'espace de parole (17 récurrences) pour évoquer et partager leurs expériences. Certains se remettent en question, et regrettent l'absence de supervision (6 récurrences) dans le secteur libéral. Selon eux, un débriefing (8 récurrences) au terme de certaines prises en charge serait salutaire, afin d'ajuster leurs attitudes. Beaucoup expliquent se réunir entre collègues au sein du même cabinet pour se questionner autour de leurs difficultés (12 récurrences).

D'autres cherchent un regard extérieur, en se mettant en relation avec des médecins et professionnels de santé connu de leur réseau (5 récurrences).

Plusieurs d'entre eux mettent l'accent sur la solitude inhérente à l'exercice libéral (8 récurrences).

Un instant....

Nous sommes en hiver,

Il fait nuit, il est 2h50 à ma montre,

Mr B vient de s'éteindre, sa fille vient de m'appeler.

Je me gare devant la maison, ma collègue me rejoint.

Nous entrons, ensemble, la famille nous attend.

Les deux filles sont présentes.

L'ainée, calme, d'apparence forte et sure d'elle, réconforte sa mère.

La plus jeune est assise et pleure dans le salon.

Le médecin arrive, nous le retrouvons avec ma collègue, dans la chambre du défunt.

Tous les trois, nous faisons la toilette, puis l'habillons avec les effets choisis par sa femme. Elle tient à le voir ainsi, elle a choisi avec soin cette dernière tenue

Nous quittons la chambre, le médecin dresse le certificat de décès.

L'ainée vient voir son père, lui parle, sa sérénité est évidente.

Des pleurs surgissent dans le salon, timides, contenus.

La plus jeune pleure.

Ma collègue s'approche d'elle, la prends doucement dans ses bras.

Elle fond en larmes, explique sa tristesse.

Elle n'arrive pas à se diriger vers la chambre, ne peut pas voir son père.

C'est au dessus de ses forces.

Elle voit sa soeur le faire, l'admire, voudrait rendre elle aussi cet hommage, embrasser son père, le voir, le toucher, mais ne peux pas.

Je suis en retrait, plus loin, j'écoute l'ainée, qui retrace le déroulement des derniers mois ;

Je devine les mots de ma collègue, je l'entends chuchoter.

Puis je vois cette jeune femme allumer une petite bougie, prendre un petit morceau de papier, écrire quelques mots pour son père, en regardant la lueur de la flamme.

Je la vois apaisée.

Elle a entendu qu'elle pouvait être présente à sa façon, rendre un hommage différent, avec son coeur, ce qu'elle est, sans exiger d'elle même ce qu'elle ne peut supporter.

Juste quelques mots...glissés en cet instant

Quelques mots, tous simples, glissés dans le creux de son oreille, et de son coeur, au bon moment.

Discussion

Cet instant, si rare

Les infirmiers libéraux suivent régulièrement des patients dans le cadre des soins palliatifs.

26% d'entre eux déclarent prendre en charge des patients dans le cadre de soins dits palliatifs assez souvent. 64% parfois, 10% très souvent.

Les résultats de l'enquête exploratoire indiquent une prise en charge périodique, et récurrente dans la pratique des libéraux. Malgré tout, il est rare qu'ils puissent mener le suivi jusqu'au décès du patient.

En 2009, seuls 27% des décès eurent lieu à domicile, les réponses infirmières sont donc le reflet de cette réalité, avec en moyenne entre 1 et 2 décès par an à domicile.

De ce fait, les infirmiers ne sont que très rarement confrontés à cette situation, et à l'instant particulier qui succède au décès.

Cet infirmier, présent à l'instant

58% des infirmiers admettent être toujours appelés par la famille lorsque survient le décès. 26% le sont assez souvent, 16% parfois.

Cette présence de l'infirmier est à mettre en lien avec la disponibilité qu'il accorde à cet instant. En effet, 61% d'entre eux proposent spontanément d'être appelés par les proches lors du décès.

81% des infirmiers acceptent d'être contactés la nuit si le décès intervient sur ce temps là. 42% d'entre eux sont amenés à donner leurs coordonnées personnelles de façon systématique, et 26% assez souvent. Ils acceptent ainsi clairement d'être sollicités hors des horaires de travail établis, sur un temps consacré à la vie personnelle.

Après le décès 42% des infirmiers affirment passer entre 1H et 2h au domicile. 35% restent sur place entre 30 minutes et une heure. Plus rares sont ceux qui restent sur une période très courte (moins de 30 minutes) ou très longue (plus de deux heures).

Ce temps imparti peut être considéré comme conséquent dans le cadre d'une tournée de soins à domicile. La charge de travail des infirmiers libéraux, bien que variable, reste relativement lourde.

Ce défunt, objet de tant d'égards

Le corps objet de tous les soins :

La réalisation de la toilette du défunt semble très inégale, d'un infirmier à l'autre. Les professionnels semblent partagés concernant ce soin.

Bien qu'absent du référenciel des soins infirmiers, il était largement effectué il y a quelques années. Ainsi, plusieurs infirmiers précisent avoir fait évoluer leurs pratiques, la toilette étant bien plus pratiquée par le passé.

26% des infirmiers interrogés n'effectuent jamais ce soin. Plusieurs d'entre eux ont argumenté ce choix, expliquant qu'à présent, la toilette est prise en charge par les entreprises de pompe funèbres, et que celle ci disposent de techniques bien plus adaptées. En revanche, 23% admettent la réaliser de façon systématique. Les raisons évoquées sont multiples.

Certains y voient un hommage rendu au patient, au travers de ce dernier soin. Cela rejoint les écrits de Louis Vincent Thomas, explicitant le fait que la toilette ne réponde plus uniquement aux exigences de l'hygiène, mais davantage à la notion d'hommage. Cette déférence vis à vis du défunt est clairement mise en évidence. Certains infirmiers expliquant respecter un engagement pris antérieurement avec le patient, ou évoquant un ultime devoir.

D'autres y voient une manière de mettre fin à la prise en charge, de boucler la relation avec le patient, en approchant une dernière fois ce corps devenu familier :

« Faire la toilette peut donc être une manière de terminer un processus d'accompagnement et de laisser partir l'autre. »111(*)

Il est à noter que 43% des infirmiers ont répondu parfois. Cette nuance pourrait mettre en lumière une disparité de leur conduite, en fonction du contexte. La réalisation du soin pourrait être fonction de différents facteurs plus ou moins objectifs, parmi lesquels la relation établie avec le patient, sa famille, ou les engagements tenus préalablement.

Le souci de l'image

L'image renvoyée par le corps semble avoir une importance capitale aux yeux des infirmiers.

97% d'entre eux estiment que la présentation du défunt a un impact sur les proches.

Les commentaires libres qualifiant cette image ont été nombreux, se rejoignant pour la plupart. L'expression du visage est largement évoquée, et les qualificatifs « apaisé » et « serein » sont parmi les plus cités. Cette volonté peut être mise en lien avec plusieurs concepts détaillés précédemment.

Apparaît clairement le désir de dissimuler les effets dévastateurs de la mort sur le corps, notion soulevée par Louis Vincent Thomas. Eviter que le visage ne reflète la douleur, l'inconfort, la crispation. Sans doute ce souci de l'image est il une volonté de rendre la confrontation à la mort moins violente pour les survivants. Bien que le proche voit au delà de l'image en elle même, comme le précisait Patrick Baudry, cette vision demeure une préoccupation réelle. Ce souci du dernier souvenir visuel fait référence à la mémoire, la mémorisation de la scène étant sous jacente.

Quelques infirmiers évoquent la beauté se dégageant du visage, ce qui, nous l'avons vu précédemment, rejoint une conception plus ancienne, apparaissant dans les écrits de la période romantique.

Cette préoccupation portée sur le visage est bien souvent partagée par les proches :

« Les proches sont très sensibles à l'aspect du visage qui, souvent, a retrouvé une certaine sérénité et même une beauté effaçant toute marque de souffrance. Parfois un sourire se dessine. Dans d'autres cas, le visage abimé par la maladie reste difficile à regarder malgré les soins apportés. »112(*)

Le positionnement du corps est cité, précisément des mains et des bras, Il est choisi avec soin, en accord avec la famille.

Plusieurs infirmiers soulignent l'importance de faire disparaître rapidement le matériel médical. Cette attitude peut avoir une portée symbolique, faisant disparaître le monde du soin, désormais devenu illégitime, laissant ainsi place aux rituels.

L'intérêt porté à l'apparence du défunt est en lien direct avec l'exposition de celui ci au regard. Cette présence des proches auprès de lui est un temps d'observation avant tout. L'image a donc une importance, qui, bien que relative, est prise en compte par la grande majorité des infirmiers.

Le respect des croyances

81% des infirmiers admettent que les croyances du défunt ont un impact sur les soins qu'ils réalisent. Le rituel inhérent à chaque religion intègre le soin, particulièrement la toilette, le positionnement du corps et des mains.

Plusieurs objets symboliques ou religieux peuvent être disposés auprès de défunt.

Les infirmiers expliquent suivre dans ce cas les recommandations de la famille.

Ce proche, au coeur de l'attention

Ce proche, bien connu de l'infirmier :

L'ancienneté de la relation avec le patient est intimement liée à la connaissance des proches. En effet, en intervenant au domicile du patient, l'infirmier est intégré au domicile, à l'intimité, et rencontre forcement les proches, les amis, la famille.

97% des infirmières affirment avoir suivi les patients avant qu'ils ne soient en soins dits palliatifs. 43% d'entre eux ont pris soin de ces patients depuis plus de deux ans.  37% entre un et deux ans. 15% entre 6 mois et un an. Les prises en charge pour des durées inferieures à 6 mois apparaissent extrêmement rares.

Les interventions à domicile sont donc conduites sur de longues périodes, permettant un contact étroit et récurrent avec la famille et les proches du patient.

Les infirmiers ont sans doute une connaissance assez importante des proches, du contexte de vie, et des relations familiales entretenues par chacun.

Une aide concrète :

Lorsque survient le décès, la famille doit effectuer différentes formalités.

Les infirmiers sont amenés à expliquer certaines d'entre elles aux proches. Ainsi, 45% le font assez souvent, et 49% parfois. Le constat du décès par un médecin semble être bien connu des familles. D'après les réponses infirmières, ce constat ne serait mal connu que dans 29% des cas. En revanche, les conditions de transport du corps leur apparaissent comme mal connues dans 90% des cas. Les commentaires libres ont permis de mettre en évidence plusieurs aspects distincts : le délai de conservation du corps à domicile, le libre choix d'une entreprise de pompes funèbres, le lieu ou sera déposé le corps en attente de l'inhumation, ou de la crémation.

Rétrospectivement, une nuance aurait sans doute pu être portée à la question. Sachant qu'il peut s'agir en effet d'une méconnaissance réelle des démarches, mais aussi d'un trouble lié à la situation, le proche perdant sa capacité à réfléchir, à rassembler ses idées, perdant en quelque sorte ses moyens.

Cet aspect a été évoqué à juste titre par différents commentaires, évoquant bien le trouble, le fait d'être submergé et paralysé par l'émotion suscitée.

Un échange, plus subtil :

Au delà des soins au corps et de l'aide apportée concernant certaines démarches, les infirmiers sont amenés à échanger avec les proches. Echange qui se traduit par une discussion plus ou moins approfondie.

Ainsi, 42% établissent cette discussion assez souvent, 29% parfois, 26% toujours.

Cette conversation permet d'aborder plusieurs thèmes récurrents, mis en évidence par les commentaires.

Ainsi les remords, les regrets sont très présents dans le discours des proches. La vie du défunt est évoquée, les un regrettant les jours heureux, les évoquant avec nostalgie. D'autres relatant les erreurs, les conflits, les mots prononcés trop vite, les actes malheureux.

« Si le souvenir-regret est voisin du remords, c'est que le regret de l'irréversible et le remord de l'irrévocable ne peuvent être entièrement dissociés...L'homme regrette son bonheur enfui, sa jeunesse « en allée », mais il ne regrette pas moins, à l'inverse, la faute qu'il a commise ;il regrette celle-ci et ceux là, celle ci parce qu'il voudrait ne l'avoir jamais commise, ceux là parce qu'il voudrait les revivre. » 113(*)

Les proches reviennent aussi sur le vécu de la maladie, et les circonstances du décès. Certains ayant besoin d'être rassurés sur l'absence de souffrance, le soulagement de la douleur.

La quête de sens apparaît dans cette discussion, elle est évoquée par de nombreux infirmiers. Le proche recherchant la faute, l'erreur commise, justifiant une fin de vie considérée comme injuste. Les croyances éventuelles sont intimement mêlées à cette quête.

Enfin, en dernier lieu, le proche évoque parfois l'avenir, ses perspectives, sa capacité ou non de survivre à cette disparition de l'être aimé.

La teneur de cette discussion entre l'infirmier et le proche se révèle être très riche, de par la diversité des sujets abordés, mais aussi leur profondeur.

Des mots, difficiles à trouver :

La grande majorité des infirmiers (97%) estime que les mots employés ont une portée non négligeable sur les proches, et 61% d'entre eux peinent à trouver le mot juste.

Beaucoup évoquent la difficulté à trouver les mots face à celui qui vient de perdre un être cher.

« Pourquoi faudrait-il savoir quoi dire à celui qui devient veuf ou orphelin, quand toute l'intelligence de la mort nous vient de partager notre incapacité à savoir ce dont il s'agit ?»114(*)

La quête de sens est largement relatée par les infirmiers. Quel discours avoir face à celui qui cherche un sens à la douloureuse perte qu'il vient de vivre ? Doit-on donner sens à cette perte, quelle attitude adopter ?

D'après Elisabeth Kubler-Ross, il n'est pas nécessaire de trouver un sens, et d'élaborer une réponse à ce questionnement :

« Selon moi, ce phénomène procède de notre besoin de rationnaliser et de donner un sens à la mort d'un être cher pour masquer notre manque de préparation et notre difficulté à parler à une famille endeuillée. C'est pour la consoler que nous tentons de trouver une explication précise à la mort. Il me semble que pour vous, la meilleure forme de consolation consisterait à tenir la main d'un membre de la famille dans la votre et à lui faire sincèrement partager vos sentiments. » 115(*)

Face à ces difficultés, plusieurs infirmiers expliquent laisser place au silence, et permettre aux proches de verbaliser leurs ressentis en premier lieu. Les mots de l'infirmier se posent ensuite, se faisant l'écho de ce qui a été exprimé dans cet échange. L'usage de la reformulation ayant été beaucoup cité.

Qualifiant cette écoute, les infirmiers estiment devoir faire preuve de douceur, de calme, être posés, sereins, se montrer disponible, sans paraitre envahissant. Rester professionnel et respectueux.

Certains rassurent les proches, réconfortent, atténuent les regrets. Cet aspect peut être source de questionnement. Est-il juste d'atténuer la douleur, par le biais du discours tenu aux proches. Devant la souffrance, il peut être tentant de vouloir livrer au proche les mots rassurants qu'il souhaite entendre. Or bien que compréhensible, cela peut parfois manquer de justesse. D'après Marie Sylvie Richard, «  L'aide proposée aux endeuillés n'a pas pour visée de minimiser ou d'atténuer leur souffrance mais de les aider à l'accueillir, à la ressentir. »116(*)

Et cette écoute, qui limite les mots, qui évite les pièges, est très difficile à établir. Délicat exercice que d'écouter une souffrance sans pouvoir y apposer de mots qui adoucissent, apaisent, rassurent. Ecouter dans un instant d'une telle intensité ne peut être si évident, l'infirmier pouvant être partagé entre ses connaissances théoriques et la réalité de ce qu'il vit en cet instant. Cet écart entre le mental et l'émotionnel est une réalité inhérente à cet instant. D'où sans doute la nécessité de travailler sur cette écoute, afin de trouver une certaine justesse dans les prises en charges ultérieures. L'écoute serait sans doute comparable à un art qui se travaille, se construit, se dessine, évoluant au gré du travail personnel effectué par le soignant.

Une juste place :

Evoquer ce que peut apporter la présence de l'infirmier après le décès ne doit pas nous faire oublier l'humilité inhérente à cette démarche. Cet aspect a été souligné à très juste titre par plusieurs infirmiers. En effet, cette aide est avant tout une proposition, une invitation. Elle ne peut en aucun cas s'imposer :

« Malheureusement, la vulnérabilité de la fin de vie alimente la sensation de pouvoir que certains soignants pensent avoir, et qu'ils justifient par un discours instrumenté de soins de qualité, ramenant les patients et leurs familles à des objets de soins. Ainsi les soignants doivent savoir garder leur place, toute leur place, mais rien que leur place. » 117(*)

Elle est avant tout définie par le besoin des proches, et saura se conformer, s'adapter, se plier à la tonalité et la couleur de l'instant.

L'intervention de l'infirmier n'a pas vocation à façonner, formater l'instant, selon l'image idéale qu'il peut en avoir, au regard de ses connaissances, de ses expériences.

Ainsi, sa vision des choses reste personnelle, et ne demeure être que sa vérité. Chaque membre de la famille doit être présent à cet instant, en accord avec ses ressentis, ses capacités, ce qu'il se sent capable d'accueillir, de voir, d'entendre. Libre de rester, ou de fuir. De voir, ou de fermer les yeux. Aucune contrainte ne saurait être acceptable et juste vis à vis d'un proche confronté à la mort d'un être cher.

A chacun d'accepter et de respecter ses limites. L'infirmier peut sans doute veiller à maintenir cette autonomie si précieuse : 

« Être autonome, c'est être libre de décider à chaque instant ce qui est bon pour soi, le cadre et les règles auxquelles ont se soumet »118(*)

Intuitivement, chacun sait mieux que personne ce qu'il peut ou non vivre de cet instant.

Cette ambiance, si particulière

L'ambiance de l'instant est au centre de l'attention. 71% des infirmiers pensent avoir un rôle à jouer concernant l'ambiance qui régnera dans la pièce ou se trouve le défunt, ou plus largement, au domicile.

97% des infirmiers estiment que leur attitude globale est importante.

Plusieurs mots clés qualifiant l'ambiance idéale ont été largement cités : Le calme, l'apaisement, la sérénité.

Les infirmiers s'en référent aux différents sens permettant de percevoir cet instant clé :

La vision sur la scène est envisagée : l'apparence du défunt, son installation, l'aspect de la pièce, la disparition des objets médicaux, la luminosité, semblent autant d'éléments qui prennent de importance lorsqu'ils sont soumis aux regards des proches. L'odeur régnant dans la pièce est citée à quatre reprises. Le bruit est également pris en compte, avec le souci de le limiter au maximum, et la volonté de certaines familles d'associer une musique particulière à cet instant.

La relation au défunt est entrevue : Beaucoup d'infirmiers relatent le fait de dégager le pourtour du lit, et d'y placer plusieurs assises. Un détail ayant son importance, permettant aux proches de s'approcher du défunt, à différents niveaux, et de s'asseoir à ses cotés.

Enfin apparaît l'accompagnement des proches, avec la notion d'écoute : De la famille, des amis, présents ou juste arrivés. Les infirmiers ayant le souci d'accueillir les proches au fur et à mesure de leur arrivée au domicile. La juste place de l'infirmier est évoquée, avec un souci de disponibilité, tout en sachant faire preuve de discrétion.

Un instant empreint d'engagement

Les commentaires infirmiers concernant cet instant laissent percevoir un réel engagement. Leur disponibilité, leur présence, le souci porté aux proches sont des éléments qui révèlent une volonté d'être pleinement engagés dans cet instant clé de la vie des familles.

Cet aspect, largement mis en lumière par l'enquête exploratoire peut susciter un questionnement.

Cet engagement important de l'infirmier libéral pourrait être mis en lien avec la rareté d'une telle situation dans sa pratique. En effet, les décès à domicile étant occasionnels, nous pourrions émettre l'hypothèse que l'investissement au sein d'une situation ponctuelle, isolée, soit plus important que si celle ci se présentait fréquemment. Autre facteur pouvant influencer cet engagement, la connaissance ancienne du patient, et le fait d'avoir établie une relation de longue date. Les liens tissés avec la famille peuvent être un élément déterminant cette volonté de l'infirmier à répondre présent.

Au delà de ces simples suppositions, quel peut être le mouvement psychique qui presse l'infirmier à se déplacer, à donner de son temps ?

Au delà de sa conception du métier, du strict cadre de ses compétences, pourquoi cette présence ?

Le philosophe Damien Le Guay évoque à ce propos le concept de vocation humaine :

« Ce qui se révèle dans cette vocation humaine, c'est bien ce moment particulier ou quelque chose en nous nous dit que la souffrance de l'autre est au dessus de nos propres intérêts. » 119(*)

Quelque chose bascule, et les priorités ne sont plus identifiées de la même manière.

Cette vocation humaine est convoquée lorsque le soignant se retrouve face au mourant, mais nous pouvons penser qu'une telle conception soit engagée dans l'instant qui suit le décès.

La souffrance vécue par les proches peut être un appel profond et cette présence s'impose, se pose, indiscutable, incontournable. Levinas quand à lui, parle d'une épreuve d'humanité.

Face à la souffrance des proches, l'infirmier pourrait passer en quelque sorte cette épreuve d'humanité.

D'après André Comte-sponville, « il y a place ici pour un nouvel humanisme, qui ne serait pas jouissance exclusive d'une essence ou des droits qui y sont attachés, mais perception exclusive_ jusqu'à preuve du contraire d'exigences ou de devoirs que la souffrance de l'autre, quel qu'il soit, nous impose. » 120(*)

Damien Le Gay explique cette vocation proprement humaine, qui est celle du désintéressement et du souci de l'autre. L'homme, interpellé dans son humanité, a la faculté de se décoller de lui-même, vivre pour l'autre, prendre en charge celui qui est davantage dans l'épreuve qu'il ne l'est lui même. Cela passe par le visage, ce visage qui appelle, qui regarde.

Cette vocation réquisitionne le soignant, et semble dépasser le raisonnement.

Ce mécanisme à lieu, même « en position d'inconfort, et même si la reconnaissance sociale n'est pas là » Damien le Gay.

Cet aspect qu'est la reconnaissance sociale est à souligner. L'infirmier libéral n'étant pas forcement reconnu dans ses actions discrètes, singulières, et souvent peu ébruitées. Cet aspect a d'ailleurs été relaté par plusieurs infirmiers.

Les infirmiers interrogés évoquaient différentes valeurs semblant teinter leurs actions : le souci du prochain, la gentillesse, la compassion.

Ces valeurs sont individuelles, et sont plus ou moins développées, en fonction du parcours de chacun. Le Dalaï-lama définit ce qu'il appelle « la spiritualité élémentaire » :

« Il s'agit des qualités humaines de base, la bonté, la gentillesse, la compassion, le souci des autres...En tant qu'êtres humains, en tant que membres de la famille humaine, nous avons tous besoin de ces valeurs spirituelles élémentaires. »121(*)

Cette compassion a été largement citée par les infirmiers. En effet, comment approcher celui qui souffre sans être sensible à ce qui l'atteint, le touche ? Ce sentiment est sous doute un moteur fort de l'engagement en cet instant :

« Une fois admis que la compassion n'a rien d'infantile ou de sentimental, qu'elle est réellement digne d'intérêt, une fois perçue sa valeur profonde, alors cela vous donne immédiatement la volonté de la cultiver. »122(*)

Sans doute l'approche infirmière est elle empreinte de cette compassion.

Gratuité : Pour une majorité de soignant, l'aide apportée aux familles ne donne lieu à aucune rémunération. C'est le cas pour 68% des infirmiers interrogés, qui agissent toujours gratuitement. 26% répondent assez souvent à cette même question. Certains d'entre eux considèrent cela comme tout à fait normal, cette démarche étant volontaire et ne répondant à aucune prescription. En effet, le soutien effectué auprès des familles ne donne lieu à aucune prescription médicale. Effectuer cette aide demeure un choix personnel, qui se veut être en lien et en accord avec certaines valeurs. Cette logique de don présente dans la démarche infirmière peut susciter la curiosité, faisant indéniablement écho aux fondements historiques de la profession, initiée par les religieuses.

Mais cette démarche peut être en partie expliquée par la grande réciprocité de l'échange ayant lieu en cet instant.

« L'idée de générosité n'est jamais très loin lorsqu'on évoque le don. Et elle peut être objet de gratitude, perçue comme étant un supplément d'âme ajouté au professionnalisme, elle est aussi objet de méfiance : quand elle s'accompagne par exemple d'un débordement affectif suscitant un positionnement professionnel déviant. »123(*)

Bien que le don puisse sembler suspect dans une société qui valorise bien plus le profit ou l'échange de bons procédés, il peut aussi sembler louable, dans une situation si délicate et douloureuse.

L'empathie vis à vis des familles, l'hommage rendu au défunt semblent être des moteurs forts à cette forme d'entraide et de soutien. Cet acte gratuit évoque une forme de don de soi, dans un instant d'une intensité que l'on peut qualifier d'exceptionnelle.

Le plaisir

La question « aimez vous être présent auprès des proches à cet instant » a fait réagir certains soignants. Quelques uns m'ont interpellée au sein du questionnaire, précisant que ce mot n'était pas celui qu'ils auraient choisi. En effet, le choix de cette formulation n'est sans doute pas neutre, et la question soulevée par leurs commentaires est tout à fait légitime. Certains d'entre eux ont spécifié préférer l'usage d'autres termes: plaisir d'un travail bien fait, devoir vis à vis des proches, être en accord avec ses valeurs.

Un devoir, sans doute, au regard de la majorité des interrogés : 78% d'entre eux estiment que l'aide apportée aux proches en cet instant fait partie intégrante de la profession d'infirmier.

Bien que divisés concernant la sémantique de la question, «  aimer vous être présent » auprès des proches en cet instant », 70% d'entre eux ont répondu oui, et 24% non. 6% se sont abstenu de répondre. Une abstention à considérer avec grand intérêt, en lien direct avec l'aspect déstabilisant de la question, et sans doute de sa formulation.

Pour autant, la notion de plaisir, bien que nuancée, est semble t il à prendre en compte dans l'exercice de la profession.

L'infirmier peut il aimer, ressentir du plaisir au travers de son exercice, et plus particulièrement dans un moment si difficile pour son prochain ?

Dans l'affirmative, peut il l'admettre sans être suspecté de se réjouir du malheur d'autrui ?

Face à la souffrance, apporter une aide, un réconfort, donne du sens à la présence soignante. Cette quête de sens est intimement liée au cheminement intérieur des infirmiers, qui sont au plus près du patient, de ses proches.

Ce rapport perpétuel et récurent à la mort, la maladie, ne peut être que le terrain fertile d'un questionnement permanent sur le sens, et la qualité de la relation entretenue avec les patients.

Avoir plaisir à soutenir le prochain, l'aider, porte parfois une large connotation négative, le regard critique pouvant n'y voir qu'une forme de perversion, ou de don suspect.

« Le plaisir des soignants à donner de soi fût largement perverti par l'histoire religieuse dont la profession a encore bien du mal à s'émanciper. »124(*)

En effet, l'implication soignante est sans doute corrélée au plaisir de donner, d'aider, d'accompagner. Donner de la valeur, du sens à son métier, ses mots, ses gestes.

Face aux patients en fin de vie, puis aux proches endeuillés, l'infirmière, au coeur d'une intensité affective, émotionnelle, plus forte que jamais, donne du sens à sa profession.

« Même s'il est rarement évoqué, il faut bien parler de ce plaisir sans lequel la profession infirmière ne serait qu'un métier épouvantablement ingrat et probablement impraticable. » 125(*) Mais il peut y avoir une forme malsaine à cette approche, décrite par J.D Causse :

« Le geste moral peut avoir quelque chose du rapace qui se nourrit de la détresse et de l'angoisse de l'autre en y trouvant une consistance ou une légitimité. »126(*)

Il est possible que cet aspect soit un élément ayant suscité les remarques des infirmiers. Le terme de plaisir, d'amour du métier, au coeur de cet instant, évoque sans doute autant ce qu'il peut révéler de noble que de pervers. Ces notions, n'étant pas neutre, peuvent prêter à toutes sortes d'interprétations diamétralement opposées.

Cet aspect met d'autant plus en lumière la nécessité de clarifier ses intentions, sa démarche, en faisant preuve d'une réelle introspection.

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Un instant source de questionnements

Une formation plébiscitée:

71% des infirmiers interrogés pensent qu'une formation concernant « l'après décès » pourrait les aider. Ils sont donc une majorité à vouloir parfaire leurs connaissances dans ce domaine bien précis.

L'intérêt de la formation serait de donner des repères intellectuels, éthiques, psycho affectifs aux infirmiers.

« La formation est un des moyens essentiels, socialement organisé, pour nous permettre ou nous imposer l'élaboration ou le réaménagement des repères dont nous avons besoin pour nous situer dans chacune des positions sociales que nous occupons ou pour effectuer des taches dont nous avons la responsabilité. »127(*)

Face à la mort, les soignants sont amenés à se questionner sur leurs croyances, leurs connaissances, leur système de valeur, leur savoir être.

« La fréquentation de la maladie, de la souffrance et de la mort suppose des systèmes de défense efficaces et souples que la formation peut contribuer à enrichir et à nuancer, aussi bien sur le plan intellectuel que sur le plan psychologique ou organisationnel128(*)

Toute activité permettant la réflexion, l'apport de connaissances peut être d'un intérêt inégalable pour le soignant. Les groupes de paroles, d'échange et d'analyse de la pratique, les formations, sont autant de moyens d'y parvenir.

«  La pratique des soins palliatifs est donc, à l'évidence, doublement concernée par la formation, l'éducation et le conseil. D'une part dans la mise en oeuvre des soins, vis à vis du patient et de leur entourage ; d'autre part à l'égard des soignants et des institutions de soin qui ont besoin de soutien et de conseil pour agir, évoluer et supporter les souffrances qui leur sont adressées. »129(*)

La formation, au delà des connaissances qu'elle véhicule, aurait sans doute la possibilité de donner quelques clés pour mieux vivre ces situations si singulières, intégrant le fait que l'infirmier à domicile soit relativement isolé. Cet isolement a par ailleurs été cité par plusieurs d'entre eux, évoquant la solitude inhérente à l'exercice libéral. Partager ses expériences serait donc un apport intéressant.

Supervision :

De nombreux infirmiers regrettent de ne pas avoir accès à un groupe de parole pour analyser leurs pratiques. Les termes supervision, débriefing ont été cités. Cette volonté de réfléchir au sujet de ses pratiques est clairement apparu au sein des réponses. Plusieurs d'entre eux expliquent se réunir entre collègues pour évoquer leurs difficultés, et échanger à ce sujet.

« La supervision semble être un bon moyen de décoder les situations permettant de modifier certains comportements envers les patients. »130(*)

Elle pourrait être un moment de partage riche, permettant de distinguer les différents comportements face à une situation similaire.

La solitude des soignants s'y effacerait, permettant la circulation de l'information, l'analyse des pratiques, des attitudes.

Le partage des expériences au sein d'un groupe peut être intéressant et permettre une remise en question constructive. Partager ses questionnements, ses difficultés, mais aussi ses solutions, ses astuces, peut être grandement valorisant et riche pour chacun. En effet, de nombreux infirmiers ont une expérience de l'instant qui suit le décès fort instructive et enrichissante.

Le questionnaire, et les réactions qu'il a suscitées l'ont bien démontré. De grands développements écrits ont été relatés, avec un réel désir de partager à ce sujet.

Cette supervision peut manquer à certains infirmiers à domicile, du fait de l'exercice au sein d'une équipe restreinte, ou en solitaire.

Un instant difficile à évaluer

Comment évaluer la qualité de l'aide apportée par l'infirmier en cet instant ? Quelles attitudes peuvent être considérées comme positives, ou négatives ? Et serait-il possible d'évaluer cela de manière fiable ?

Comme le dit Albert Einstein : « Ce qui peut être compté ne compte pas toujours, et ce qui compte ne peut pas toujours être compté. »

La qualité du soin, de la prise en charge, aux yeux de l'infirmier, peut être considérée au delà des chiffres et des statistiques :

« La qualité dont parle ces infirmières, c'est celle de leur quotidien, c'est le plaisir de faire un bon travail, reconnu par sa hiérarchie, ses pairs, et ses patients. C'est le plaisir de faire un travail qui a du sens, d'en maitriser les méthodes et de les changer si nécessaire...C'est une qualité non mesurable par des échelles, des scores. C'est une qualité qui s'insère mal dans les présentations PowerPoint ou les tableaux Excel. C'est une qualité intimement liée à des échanges humains nombreux, permanents, informels. C'est une qualité qui privilégie l'action, l'innovation, l'autonomie réelle associée à un bon relationnel avec les autres groupes comme celui des médecins ou des administratifs. »131(*)

En effet, la complexité de ce qui se joue en cet instant peut être approchée, évoquée, discutée, mais son évaluation, si celle ci doit être envisagée, ne peut être si évidente.

En revanche, obtenir le regard des familles pourrait être un moyen de percevoir l'utilité de l'intervention infirmière. La justesse d'une action devant sans doute être l'objet d'un feed-back.

Un instant bien éloigné des protocoles

Evoquer les différentes perceptions, pratiques, habitudes concernant l'instant qui suit le décès, ne peut empêcher de se poser une question, si contestable soit elle :

Voulant faire au mieux, serait il envisageable et salutaire de définir une sorte de conduite à tenir idéale ? Plusieurs infirmiers ont soulevé ce thème, et tous ont fait part de leur exaspération face à ces protocoles qui inhibent toute autonomie et responsabilité.

D'après le Dr Dominique Dupagne, le fait d'établir des procédures figées retire toute latitude et paralyse l'action soignante :

« Avec une définition de ce qui est autorisé, ou tout au moins vivement recommandé, la liberté d'action est brutalement restreinte à un dénominateur commun sclérosant. L'homme est transformé en machine dépendante de celui qui la programme. La perversion de la qualité apparaît dès son nom. »132(*)

Rechercher la qualité des soins est tout à fait louable, et comme le dit bien Franck Lepage : « qui oserait être contre la qualité ? »133(*).

Cette recherche de la justesse est indispensable. Or celle ci ne passe pas forcement par l'apprentissage d'un descriptif détaillé, cadré, et rigide de ce qui doit être mis en oeuvre.

Ce cadre de référence externe n'est pas toujours celui qui s'avère être le plus efficace, ou même le plus juste. Il peut être parfois bien loin de la réalité.

Le bon sens ne risque t il pas de s'effacer, au détriment d'un protocole trop rigide ?

« Nous n'avons besoin que d'une chose : du bon sens. Bien souvent, hélas, l'abus de connaissances philosophiques ou scientifiques appauvrit le bon sens. Les excès de connaissances rendent parfois aveugles aux vérités les plus simples. »134(*)

L'introspection, la remise en question, le partage d'expériences, sont des outils qui non seulement valorisent le soignant, mais donnent des résultats dont la portée et la profondeur seront bien plus intéressantes.

De même, il est impossible de prévoir chaque situation, devant la richesse et l'unicité des individus : singularité de l'entourage, des conditions du décès, de l'histoire de la famille, de la relation soignant soigné.

« Dans l'action humaine et les services, comme dans le monde vivant en général, l'imprévu est la règle. »135(*)

La recherche de la qualité peut être étroitement liée à l'épanouissement professionnel, au libre arbitre, à l'autonomie, à la juste et créative expression de ce qu'est chaque infirmier, au sein de sa pratique.

Une procédure adaptée à l'instant si singulier qui suit le décès ôterait sans doute la subtilité et la richesse qui font l'essence même de cet instant.

Comme l'évoque Eric Fourneret, « Attention, les cheik up tuent l'humanité

Un instant, et après ?

Le suivi des proches :

Durant les soins palliatifs, les proches sont écoutés, soutenus, entourés avec la plus grande attention. La démarche soignante les intègre à juste titre jusqu'au décès de celui qu'ils ont accompagnés.

Or la survenue du décès marque la fin des passages infirmiers, qui souvent étaient pluri quotidiens.

Ces temps d'échanges informels autour d'un café, dans un coin de salon, sur le pas de la porte, malgré leur simplicité apparente, avaient une importance non négligeable.

La relation tissée, les mots, l'écoute faisait pleinement partie de la prise en charge des proches.

Les familles sont coupées aussi subitement de cette relation qu'elles le sont du défunt.

Coupure brutale des visites, confrontation à une maison devenue vide, la solitude des survivants est à prendre en compte.

Or aucune place n'est faite à l'infirmière après le décès. Le suivi des proches endeuillés n'existe pas au niveau de la nomenclature des actes infirmiers, dressée par la sécurité sociale. Seul le patient est considéré, et lorsqu'il n'est plus, ses proches ne sont en aucun cas objet de soin.

Il est donc impossible de réaliser ce suivi après le décès, n'ayant plus d'actes infirmiers à prodiguer au sein du foyer. Aucun dispositif ne permet à l'infirmier d'exercer un quelconque rôle auprès des familles à domicile.

Cela pourrait sembler regrettable, sachant la connaissance que celui ci a de la famille, des éléments passés, des différentes problématiques et interactions familiales.

Ce partage commun des événements au sein du foyer aurait été sans doute un atout dans la relation.

Malgré cela, les infirmiers sont souvent amenés à revoir les proches. 48% d'entre eux les revoient assez souvent, 42% parfois, 10% toujours. Les rencontres fortuites sont largement évoquées au sein des commentaires libres. Les infirmiers étant intégrés au paysage urbain, ils exercent dans un secteur géographique bien restreint et défini. Les occasions sont donc fréquentes de croiser les proches endeuillés. Mais au delà des rencontres aléatoires, un grand nombre d'infirmiers affirment se rendre volontairement auprès de la famille à distance du décès.

Certains précisent programmer cette visite deux semaines, ou un mois plus tard.

Celle ci a sans doute un intérêt partagé, et les infirmiers évoquent deux raisons principales la justifiant :

La première est motivée par la nécessité de boucler la relation, dans la sérénité. Elle permet en quelque sorte de finaliser la prise en charge, à distance de l'intensité émotionnelle suscitée par le décès.

La deuxième est centrée sur l'intérêt du survivant : Dépister sa détresse, son isolement ou ses difficultés éventuelles. Le proche ayant souvent besoin de partager ses ressentis, d'être entendu et reconnu dans sa souffrance, sa légitimité, prenant à témoin celui qui sait, qui a vu, qui ne peut que reconnaître cette réalité. Cela permet de reparler de la période palliative, du décès, du manque.

Nombreux sont les proches ayant besoin de clarifier des éléments précis de la prise en charge antérieure. Ayant parfois des questions restées sans réponses, il est important pour eux de trouver des éléments leur permettant d'apaiser certaines inquiétudes.

Les infirmiers évoquent à maintes reprises le soulagement de la douleur, ou encore l'acceptation de la mort par le patient.

La culpabilité des survivants est souvent présente lors de ces échanges. Certains ayant besoin d'être confortés, rassurés sur le fait d'avoir agit au mieux.

Le tissu familial et amical parfois très pauvre ne leur permet pas toujours d'exprimer suffisamment leurs difficultés.

« La solitude de l'endeuillé privé de l'aide des autres est préjudiciable pour son équilibre psychologique136(*)

Le proche a besoin de parler du passé, de faire revivre devant témoin ce qu'était la personne qui s'est éteinte :

« Comme l'irréversible ne sera jamais revécu, la conscience, souffrant de ce vide qui se creuse derrière elle, cherche à redonner un corps et une consistance au passé vaporeux. »137(*)

Face à la solitude des endeuillés, il est possible que certains soignants veuillent remplir un rôle qu'il leur est impossible de tenir :

« La loi du 9 juin 199 ...peut parfois renforcer l'illusion chez certains « palliatologues » d'être investis d'une mission de prise en charge du patient et de son entourage avant et après la mort. »138(*)

Cela peut être le cas lorsque l'infirmier est face à un proche isolé. Il est compréhensible qu'il s'investisse au delà de son champ d'action, percevant la grande difficulté de certains proches. Où se situe la frontière entre le rôle infirmier et le rôle social. Puisque de toute évidence, l'infirmier rempli une tâche pour laquelle personne n'est officiellement assigné ?

Palier à un manque, hors du contexte de son domaine de compétence, devient un problème de société. Cela met l'accent sur certaines insuffisances, la société peinant peut être à prendre en compte les proches endeuillés.

« L'accompagnement des familles, c'est aussi de la responsabilité de la société. Entraide, compréhension, solidarité envers celui qui souffre et se sent différent, sont à développer et à faire entrer dans la culture, voir l'éducation. » 139(*)

A distance du décès, les infirmiers relatent l'isolement des proches, certains ayant le sentiment que la société ne prête guère attention au suivi du deuil et aux difficultés qui en découlent.

Les associations existantes peuvent être d'une aide précieuse, permettant à l'endeuillé d'être soutenu et accompagné dans son cheminement. Restent plusieurs questions qui peuvent être la base d'une réflexion à plus long terme :

Ces associations sont elles suffisamment connues du grand public ?

Notre société devrait elle prendre davantage en compte le suivi des personnes endeuillées ?

Devrait-elle aller au devant de leurs besoins, les solliciter, leur tendre la main, ou au contraire attendre que cela soit une démarche purement volontaire de leur part ?

Est-ce le rôle de la société dans son ensemble, devant définir une prise en charge précise, rigoureuse, administrative ? Ou cela doit il rester une démarche solidaire, individuelle, basée sur l'entraide mutuelle, et assurée par le réseau relationnel du survivant ?

Quelle place pourrait être faite à l'infirmier, qui, une fois les soins terminés, ne peut plus exercer aucune aide auprès de ceux qu'il a soutenus et qu'il connaît parfaitement ?

Conclusion

Par ce travail, je souhaitais approcher et comprendre ce qui se jouait pour les proches en cet instant particulier qui suit le décès. Je voulais percevoir l'incidence que pouvait avoir la présence et l'attitude de l'infirmier.

Tout d'abord, la recherche théorique, basée essentiellement sur la bibliographie, m'a permis de mettre en lumière les différents aspects de ce temps si particulier.

Cet instant m'a semblé cristalliser à lui seul un large panel d'émotions, d'interrogations, et de sentiments.

Bien qu'il soit éphémère, il semble suspendre le temps, laissant aux proches la sensation étrange d'être dans une dimension particulière, parfois inexplicable.

L'intensité des émotions face à la perte, à la vue du corps, se mêle aux questionnements sur le sens, le mystère de la vie. Cette scène suscitant des sentiments aux nuances infinies, à l'image de la personnalité de chacun, de son histoire, de ses croyances, de sa force, de ses fragilités.

Les pensées se succèdent, se contredisent, se précipitent. La colère, la tristesse, la révolte côtoient le soulagement, la culpabilité, les remords, ou les regrets. Les larmes se retiennent, pudiques, ou s'expriment, inconsolables.

De cette scène, le proche percevra parfois un détail : une image, une odeur, un mot, un geste, qui s'imprimera malgré lui parmi ses souvenirs.

Au coeur de ce temps suspendu, le rituel s'insinue, subtilement, dans une relation nouvelle face à celui qui n'est plus. Les gestes, les mots, les regards adressés à ce corps sans vie sont un premier pas, hésitant, difficile, sur ce long chemin qu'est le travail de deuil.

Face au choc, et à la vulnérabilité de certains proches, l'intervention infirmière pourrait être bénéfique, sous plusieurs aspects.

La présentation et l'apparence du défunt font l'objet de tous les soins, sachant que ce visage, ce corps, vont être exposés aux regards, et sans doute gardés en mémoire.

L'attention portée à chacun est d'autant plus fine que l'infirmier connaît les proches de longue date.

Une confiance permettant l'échange de mots, de gestes, de regards, qui apaisent, soulagent. Une écoute pouvant accueillir le silence, l'infirmier ayant été témoin de ce passé, de la maladie, de ce long parcours, il sait.

Les réponses et commentaires des infirmiers ont apporté un éclairage concernant leurs pratiques et leur approche de cet instant.

Si modeste soit cette première approche, les éléments recueillis permettent l'ébauche d'une réflexion.

Cet instant se présente peu, la mort étant de moins en moins fréquente à domicile. Or lorsque cela survient, les infirmiers s'engagent à accompagner la famille, et font preuve d'une disponibilité importante.

Ils sont un soutien pour les proches en cet instant, et portent attention à leurs attitudes. Pour beaucoup, cela est source de questionnement, de réflexion.

La présence infirmière peut être une aide, pour que chacun puisse s'inscrire en ce lieu, en ce temps limité. Que chaque proche, selon son désir, son ressenti, son cheminement, trouve la place qui sera la sienne, en accord avec sa plus profonde vérité.

Une juste place, qui ne sera empreinte d'aucune idéalisation, et ne sera en aucun cas soumise à l'idée que d'autres se font de cet instant. Rester ou partir. Regarder ou éviter. Approcher ou s'éloigner.

Tenir à distance ses propres croyances, ou certitudes. Approcher chaque membre de la famille, et lui permettre d'être en accord avec ce qu'il est.

Donner à chacun, s'il le désire, la possibilité de vivre pleinement cet instant, ou le regard porté vers le défunt, l'échange, la relation instaurée avec lui, au travers du rite, permettra de mieux se séparer ensuite.

Vivre pleinement sa peine, aller au fond de sa douleur, de ses émotions, pour avoir la possibilité de mieux les dépasser ensuite.

Eviter le regret parfois tardif, d'avoir écarté ou écourté cet instant difficile, mais si précieux.

De ce travail, il découle certainement la nécessité d'approfondir un certain nombre de questions.

Tout d'abord, obtenir le regard des familles serait important. Connaître leur vécu de l'instant, à domicile, et les détails ayant eu de l'importance à leurs yeux.

Recueillir ensuite leurs sentiments concernant l'intervention de l'infirmier, percevoir si celle ci a pu leur être bénéfique sous certains angles.

Enfin, envisager le suivi des endeuillés au sein de notre société. Bien qu'ils puissent obtenir de l'aide, celle ci est elle suffisante au regard de la grande vulnérabilité qui est la leur durant de longs mois ?

Car cet « instant d'après » est avant tout une première page. Celle d'une vie à venir, à reconstruire.

Une première ligne maladroite, que la plume peine à écrire.

Mais un ouvrage sur lequel chacun de nous devra un jour se pencher.

Nous sommes en juillet

Le ciel clair se fait l'écrin d'un soleil chaud et radieux

La dernière page de mon travail se tourne

Voyage au coeur d'un instant

Opportunité de mûrir, de grandir

Parcourir de nombreux ouvrages,

Découvrir la richesse de leurs auteurs, de leurs écrits.

Effleurer la mort,

Caresser son mystère, qui rend si précieuses nos vies.

Ressentir la portée des attitudes

Tenir éloignés d'insolentes certitudes

L'infirmière passe,

Croise les extrémités de la vie.

Délestée du poids de l'ego

Subtilité d'une approche

Proposition d'une présence

Invitation à l'écoute

Esquisse d'un mot, d'un geste,

Simplicité d'un partage

Humilité de ne pas savoir

Conscience d'être si peu dans cette immensité qui nous dépasse

Mais tant dans ce partage, ce passage, cette difficile séparation

Juste une « petite main »,

Une main tendue à cet autre soi qu'est le prochain

Une aide à traverser notre commune humanité

Juste un, dans ce grand tout,

Comme chacun de nous.

Bibliographie Ouvrages

1- Augagneur Marie-France. Vivre le deuil, Chronique sociale. Avril 1995.

2- Ariès Philippe, L'homme devant la mort, la mort ensauvagée, Seuil, Paris, 1985, 343p

3- Bacqué Marie- Frédérique, Deuil et santé, Odile Jacob, 1997, 206p.

4- Bataille Georges, L'érotisme, Minuit, 2011, 286p.

5- Baudry Patrick, La place des morts, L'Harmattan, Paris, 2006, 205p.

6- Bensaid Catherine, La musique des anges, s'ouvrir au meilleur de soi, Robert Laffont, Paris, 2003, 160p.

7- Burdin Léon, Parler la mort, des mots pour la vivre, Desclée De Brouwer, Paris, 1997, 282p.

8- Causse.Jean-Daniel, L'instant d'un geste. Le sujet, l'éthique et le don, Labor et Fides, 2004.

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10- Comte-Sponville André, Petit traité des grandes vertues, presses universitaires de France, Paris, 1995, p149

11- Cornillot Philippe et Hanus Michel, Parlons de la mort et du deuil, Frison-Roche 1997, 296p.

12- De Broca Alain, Deuils et endeuillés, Elsevier Masson,4° édition, 2006, 240p.

13- Dupagne Dominique, La revanche du rameur, Michel Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2012, 349p.

14- Déchaux Jean-Hughes, Le souvenir des morts, presses universitaires de France, 1997, 352p.

15- Egli René, Le principe LOLA, Le dauphin blanc, 2003.

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22- Kubler-Ross Elisabeth, Accueillir la mort, Editions du Rocher, Paris, 2002, 189p.

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26- Lussier Martine, Le travail de deuil, presses universitaires de France, 2007, 254p.

27- Marmilloud Laure, Soigner, un choix d'humanité, éditions Vuibert, 2007, 124p.

28- Mattheeuws Alain, Accompagner la vie dans son dernier moment, Edition parole et silence, Paris, 2005, 157p.

29- Maupassant, une vie, Le livre de poche, 1979, 247p.

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31- Mercadier Catherine, le travail émotionnel des soignants à l'hôpital, éditions Seli Arslan, 2002, 287p.

32- Morin Edgar, L'homme et la mort, Editions du Seuil, Revue et augmentée, 417p.

33- Muxel Anne, Individu et mémoire familiale, éditions Nathan, Paris, 2002, 226p.

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35- Perraut-Soliveres Anne, Infirmières, le savoir de la nuit, Presses universitaires de France, 2002, 291p

36- Péruchon Marion (dir), Rites de vie, rites de mort. Avec Jean-Pierre Berthon, Michel Boccara, Yolande Govindama, et all, ESF, Paris, 1997, 231p.

37- Plon Florence, Questions de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles, Champ Social, Nîmes, 2004, 150p.

38- Proust Marcel, du coté de chez Swann, Gallimard, 1988, 527p.

39- Queneau Patrice, Soulager la douleur, patrice Queneau, Gérard Ostermann, Odile Jacob, 1998, 540p.

40- Richard Marie-Sylvie, Soigner la relation en fin de vie, Dunod, 2004, 172p.

41- Ricoeur Paul, Soi-même comme un autre, Seuil, Paris, 1990,

42- Ruiz Don Miguel, les quatre accords toltèques, éditions Jouvence, 2005, 119p.

43- Ryckmans Pierre, les entretiens de Confucius, Gallimard, collection connaissance de l'orient, 1987.

44- Salomé Jacques, Le courage d'être soi, Pocket, Paris, 2001, 217p.

45- Thomas Louis-Vincent, Anthropologie de la mort, Payot 1975.

46- Thomas Louis-Vincent, Que sais-je, la mort, presses universitaires de France, 1998, 128p.

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Bibliographie revues

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3-Centre Francois-Xavier Bagnoud - Mourir à la maison - Laennec, Janvier 2002, n° 1

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5- Daydé Marie-Claude, La relation d'aide en soins infirmiers, aspects réglementaires et conceptuels, SOINS n°731- Décembre 2008 p35

6-Fabrégas Bernadette, « l'intimité et la relation soignant-soigné », Soins n°652- février 2001 p31

7-Haman Marie-Christine, psychologue spécialisée en neuropsychologie, Article rédigé d'après la conférence à l'IRIPS le 19 février 2009

8-Hirsch Godefroy, Jousset jacky, « toilette mortuaire à domicile. » Actes du congrès, 2000, pages 241-245)

9-Hollin Yannick, « le transport du corps sans mise en bière », Soins n°721, décembre 2007, p 38-39

10-K .Maus-Bielders, « le chant du corps », european Journal of palliative car, Vol 2 n°1,

11-Michon florence, , la relation d'aide, une approche humaniste des soins, Soins n°731-décembre 2008

12-Prayez Pascal, Le toucher, le tact et la juste distance, Jalmav n°85, Juin 2006

13-Richard Christian, Accompagnement de l'entourage, valeurs et limites ?, Objectif Soins, Janvier 2004, n° 122, p19.20.

14-Vérani Laurence, « accepter l'intimité dans les soins » Soins n°652- février 2001 p33

15-Viallard Marcel-Louis, éditorial, Médecine Palliative, février 2008, volume 7, Elsevier Masson

16-Vilbrod Alain, Douguet florence, le travail de soins des infirmières libérales, Perspectives soignantes, Décembre 2006, N°27, p124.132

Bibliographie medias

Télévision

1-Émission c'est dans l'air présentée par Yves Calvi du 19/10/2012 intitulée «  La guerre des religions aura t elle lieu ? »Avec l'immam tareq Oubrou

Internet

2- Franck Lepage : conférences gesticulées

Annexes 

Questionnaire

? Quel âge avez-vous ?

? < 29 ans ? De 30 à 49 ans ? 50 ans et plus

?Depuis combien de temps exercez vous en secteur libéral ?

--------

? Etes vous amené(e) à prendre en charge des patients dans le cadre de soins palliatifs ?

?Jamais ?parfois ? souvent ? très souvent

? Avez vous suivi ces patients avant qu'ils ne soient en soins palliatifs ?

? Oui ? non

? Si oui, vous diriez les prendre en charge depuis :

? + de 2 ans ? + d'1 an ? 6 mois à 1 an ? 3 et 6 mois ?moins de 3 mois

?En moyenne, à combien estimez vous le nombre de décès à domicile, parmi ces patients, chaque année ?

........

? La famille du patient vous appelle t'elle lorsque survient le décès ?

?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais

? Proposez-vous spontanément aux proches de vous appeler lorsque surviendra le décès ?

?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais

? Etes vous amené à donner vos coordonnées téléphoniques personnelles, afin d'être

Joignable plus facilement ?

?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais

? Vous êtes vous déjà déplacé la nuit, si le décès survient à ce moment ?

? Oui ? non

? Etes-vous amené à expliquer les formalités administratives aux proches :

?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais

? Si oui, quelles formalités sont mal connues :

Constatation du décès par un médecin: ? Oui ? non

Conditions de transport du corps: ? Oui ? non

?Vous arrive t il d'effectuer ces démarches à leur place ?

? Oui ? non

? Si oui, pour quelle raison ?

..........................................

Si vous deviez estimer le temps passé au domicile après le décès, vous diriez y rester :

?+ de 2h ?+ d'1h ?de 30 minutes à 1h ?moins de 30 minutes

? Faites vous la toilette du défunt ?

?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais

? Pensez-vous que la présentation du corps, juste après le décès, ait un impact sur les proches ?

? Oui ? non

? Les croyances du défunt et de ses proches ont elle un impact sur les soins pratiqués ?

? Oui ? non

? Si oui, lequel ?

..............................

? Pensez-vous que l'infirmier ait un rôle à jouer concernant l'ambiance qui régnera dans la pièce ou se trouve le défunt, ou de manière plus vaste, au domicile ?

? Oui ? non

Si oui, quels éléments vous semblent importants, concernant l'ambiance dans son ensemble ?

..........................................

? Quels sont vos gestes, vos habitudes dans ce domaine ?

...................................................

? Au-delà des soins, et des conseils, vous arrive t'il d'avoir une discussion plus approfondie avec les proches ?

?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais

? Quels sont les thèmes abordés lors de cet échange ?

..............................

Pensez-vous que les mots utilisés aient une portée au-delà de cet échange ?

? Oui ? non

Est-il difficile pour vous de choisir les mots que vous employez ?

 ? Oui ? non

D'après vous, votre attitude globale est-elle importante ?

? Oui ? non

Si oui, quelle attitude essayez--vous d'adopter ?

......

? Aimez vous être présent auprès des proches à cet instant ?

? Oui ? non

Si oui, pourquoi ?

...............

Pensez-vous que cela fait partie intégrante de votre métier d'infirmier ?

? Oui ? non

Pour le temps passé auprès des familles, il n'existe aucune cotation dans la nomenclature de la sécurité sociale, êtes-vous amené à effectuer ce soin sans rémunération ?

?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais

Etes-vous amené à revoir les proches ultérieurement ?

?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais

Si oui, à quelle occasion ?

.........

Pensez-vous qu'une formation concernant l' « après décès » pourrait vous aider dans votre pratique ?

? Oui ? non

Commentaires et témoignages libres

L'instant d'après

Le patient vient de s'éteindre, au sein de son foyer, entouré de ses proches.

L'infirmier libéral se rend auprès d'eux.

Cet instant, bien qu'éphémère, est d'une grande intensité.

La confrontation à la mort, dans sa réalité, est un choc pour les proches.

Que se joue t il pour eux lors de ce temps particulier ?

Comment l'infirmier pourrait il les accompagner lors de ce passage ?

Quelle serait alors la justesse de son intervention ?

Son approche ne peut être qu'empreinte de subtilité, de finesse, et de délicatesse.

Ce mémoire se propose d'approcher cet instant, et d'essayer de percevoir son incidence sur les proches.

Puis il tente d'explorer le regard porté par les infirmiers, découvrir leurs expériences, leurs ressentis, leurs pratiques.

Voyage au coeur d'un instant fragile, qui dévoile et révèle en chacun de nous, à la fois notre grande singularité, mais aussi notre commune humanité.

3 mots clés : confrontation à la mort, accompagnement, justesse

* 1 De Broca Alain, Deuils et endeuillés, Elsevier Masson, 4° édition, 2006, p.13.

* 2 Jankélévitch Vladimir, L'irréversible et la nostalgie, Flammarion, Paris, 2011, p.48.

* 3 Baudry Patrick, La place des morts, L'Harmattan, Paris, 2006, p.125.

* 4 Brossier-Mével Françoise, Si l'intime m'était conté, Dialogue, recherches cliniques et sociologiques sur le couple et la famille, 2008, N°182, 4° trimestre, p75.87.

* 5 IFOP 2010

* 6 Rapport annuel de l'observatoire national de la fin de vie ONFV mars 2013

* 7 INSEE statistiques de l'état civil

* 8 Cornillot Philippe et Hanus Michel, parlons de la mort et du deuil, Frison-Roche 1997, p.12.

* 9 Jankélévitch Vladimir, La mort, Flammarion, 2008, p.438.

* 10 Ibid., p.440.

* 11 Hirsch Emmanuel (dir). Rédaction Patrice Dubosc, Face aux fins de vie et à la mort. Espace éthique / AP-HP, Vuibert, 3°édition, 2009, p.275.

* 12 Ibid., p.277.

* 13 Morin Edgar, L'homme et la mort, Editions du Seuil, Revue et augmentée, p.36.

* 14 Levinas Emmanuel, Dieu, la mort et le temps, Le livre de poche, Grasset, 1993, p.273.

* 15 Ibid., p.129.

* 16 Ibid.,p.25.

* 17 Jankélévitch V, La mort, Op.cit., p.465.

* 18 Mattheeuws Alain, Accompagner la vie dans son dernier moment, Edition parole et silence, Paris, 2005, p.66 .

* 19 Kubler-Ross Elisabeth, Accueillir la mort, Editions du Rocher, Paris, 2002, p.107.

* 20 Thomas Louis-Vincent, Anthropologie de la mort, Payot 1975, p.250.

* 21 Baudry ,P, La place des morts, op.cit., p.153.

* 22 Bataille Georges, L'érotisme, Minuit, 2011, p.51

* 23 R.Mehl, le vieillissement et la mort 1956, p.119

* 24 Baudry, P, La place des morts, op.cit., p.132.

* 25 Cornillot, P et Hanus, M, op.cit., p.12.

* 26 Ibid., p.49.

* 27 Ibid., p.50.

* 28 Thomas, Parlons de la mort et du deuil, Frison-Roche 1997, p.50.

* 29 Thomas Louis-Vincent, Rites de mort, pour la paix des vivants, Fayard, 1985, p.141.

* 30 Lussier Martine, Le travail de deuil, presses universitaires de France, p.219.

* 31 Baudry, P, La place des morts, op.cit., p. 46.

* 32 Richard Marie-Sylvie, Soigner la relation en fin de vie, Dunod, 2004,p.112.

* 33 Lussier M, Le travail de deuil, op.cit. , p.233.

* 34 Centre Francois-Xavier Bagnoud - Mourir à la maison - Laennec, Janvier 2002, n° 1

* 35 Cornillot, P et Hanus, M, op.cit. , p.142.

* 36 Ibid. p.243.

* 37 Lussier M, Le travail de deuil, op.cit. , p.99.

* 38 Bacqué Marie- Frédérique, Deuil et santé, Odile Jacob, 1997, p.24.

* 39 Augagneur Marie-France. Vivre le deuil, Chronique sociale. Avril 1995, p.124.

* 40 Sartre Jean-Paul, l'être et le néant, Gallimard, Paris, 1943.Reed 1992. p.40.

* 41Augagneur M-F. Vivre le deuil, op.cit., p.124.

* 42 Bensaid Catherine, La musique des anges, s'ouvrir au meilleur de soi, Robert Laffont, Paris, 2003, p.30.

* 43 Maupassant Guy, une vie, p.195.

* 44 Cornillot, P et Hanus, M, op.cit. , p.49.

* 45 Tradié Jean-Yves et Marc, Le sens de la mémoire, Gallimard 1999,p.120.

* 46 Ibid., p.125.

* 47 Muxel Anne, Individu et mémoire familiale, éditions Nathan, Paris, 2002, p.47.

* 48 Centre Francois-Xavier Bagnoud - Mourir à la maison - Laennec, Janvier 2002, n° 1

* 49 Proust Marcel, du coté de chez Swann, p.44.

* 50 Muxel A, Individu et mémoire familiale, op.cit., p.99.

* 51 Art rédigé d'après la conférence présentée à l'IRIPS le 19 février 2009 par marie Christine haman

* 52 Thomas .L-V, Anthropologie de la mort, op.cit., p.164.

* 53 Fabrégas Bernadette, « l'intimité et la relation soignant-soigné », Soins n°652- février 2001 p.31.

* 54 Mercadier Catherine, Le travail émotionnel des soignants  édition seli arslan, p.130.

* 55 Thomas Louis-Vincent, Que sais-je, la mort, presses universitaires de France, 1998, p.93.

* 56 Ibid. p.94.

* 57 Philippe Ariès la mort inversée éditions la maison dieu, p.73.74.

* 58 Thomas .L-V, Anthropologie de la mort, op.cit., p.267.

* 59 Soins infirmiers autour du décès, revue de l'infirmière N° 43 novembre 1998.

* 60 Thomas .L-V, Rites de mort, pour la paix des vivants, op.cit., p.153.

* 61 Les droits du mourant et du défunt, Conseil de l'Europe, 1976.

* 62 K .Maus-Bielders, « le chant du corps », european Journal of palliative car, Vol 2 n°1, 1995, p.26.

* 63 Hirsch Godefroy, Jousset jacky, toilette mortuaire à domicile. Actes du congrès, 2000, p.241-245.

* 64 Thomas.Louis-Vincent

* 65 Thomas .L-V, Rites de mort, pour la paix des vivants, op.cit., p.152.

* 66 Id., Anthropologie de la mort, op.cit., p.270.

* 67 Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers, Reuil Malmaison, Lamarre, novembre 2002, p.4

* 68 Plon Florence, Questions de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles, Champ Social, Nîmes, 2004,p 78.

* 69 Ibid. p.84.

* 70 Les droits du mourant et du défunt, conseil de l'Europe, 1976

* 71 Programme national du développement des soins palliatifs2002-2005.ministère de l'emploi et de la solidarité. Ministère délégué à la santé p6

* 72 Décret n°2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties 4 et 5 (dispositions réglementaires) du code de la sante publique et modifiant certaines dispositions

* 73 Florence Michon, la relation d'aide, une approche humaniste des soins, Soins n°731-décembre 2008, p.36.

* 74 Vergely Bertrand, La souffrance. Recherche du sens perdu, Gallimard, Paris, 1997, p.304.

* 75 Centre Francois-Xavier Bagnoud - Mourir à la maison - Laennec, Janvier 2002, n° 1

* 76 Marmilloud Laure, Soigner, un choix d'humanité, éditions Vuibert, 2007, p.24.

* 77 Queneau Patrice, Soulager la douleur, patrice Queneau, Gérard Ostermann, Odile Jacob, 1998, p.275.

* 78 Marmilloud,L, Soigner, un choix d'humanité, op.cit., p.19.

* 79 Bernard Feillet prêtre, Hirsch Emmanuel (dir). Rédaction Patrice Dubosc, Face aux fins de vie et à la mort. Espace éthique / AP-HP, Vuibert, 3°édition, 2009, p.277.

* 80 Burdin Léon, Parler la mort, des mots pour la vivre, Desclée De Brouwer, Paris, 1997, p.249.

* 81 Ruiz. Don Miguel, les quatre accords toltèques, Editions Jouvence, Danemark, 2005, p.37.

* 82 Baudry, P, La place des morts, op.cit., p. 163.

* 83 Thomas .L-V, Anthropologie de la mort, op.cit., p. 427.

* 84 Ibid., p.427.

* 85 Osho, Un art de vivre et de mourir, le relié poche, 2006, p.122.

* 86 Ryckmans pierre, Les entretiens de Confucius, Gallimard, collection connaissance de l'orient, 1987

* 87 Thomas .L-V, Anthropologie de la mort, op.cit., p.432.

* 88 Ibid.p.400.

* 89 Florence Michon, la relation d'aide, une approche humaniste des soins, Soins n°731-décembre 2008, p37.

* 90 Prayez Pascal, Le toucher, le tact et la juste distance, Jalmav n°85, Juin 2006, p11.

* 91 p269 parler la mort

* 92 Prayez P, Le toucher, le tact et la juste distance, art.cit.p.14.

* 93 Michon.F, la relation d'aide, une approche humaniste des soins, art.cit., p.37.

* 94 Prayez P, Le toucher, le tact et la juste distance, art.cit., p 14.

* 95Richard Christian, Accompagnement de l'entourage, valeurs et limites, Christian Richard, Objectif Soins-janvier 2004- n°122, p19.

* 96 Ibid., p.19.

* 97 Cornillot, P et Hanus, M, op.cit., p.14.

* 98 Plon F, Questions de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles, op.cit., p.51.

* 99 Ibid. p143

* 100 Ibid. p 136

* 101 Queneau P, Ostermann.G, Soulager la douleur, op.cit., p.275.

* 102 Emission c'est dans l'air présentée par Yves Calvi, Le 19/10/2012, intitulée «  La guerre des religions aura t elle lieu ? »

* 103 Le Dalai-Lama, et Howard Cutler, L'art du bonheur, édition j'ai lu, Paris, 2000, p179.

* 104 Queneau P, Ostermann.G, Soulager la douleur, op.cit.,p.285.

* 105 Vergely Bertrand, Sens ou non sens de la souffrance, études Assas, Paris, 1993.

* 106 Id, La souffrance, recherche du sens perdu, op.cit.,

* 107 Plon F, Questions de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles, op.cit., p.79.

* 108 Hacpille Lucie, avec l'équipe mobile de soins palliatifs du chu de Rouen, Soins palliatifs. Les soignants et le soutien aux familles, Lamarre 2006, p82.

* 109 De Broca.A, Deuils et endeuillés, op.cit., p.13.

* 110 Au 31 mai 2013 données cpam Isère

* 111 Mattheeuws.A, Accompagner la vie dans son dernier moment, op.cit., p.65.

* 112 Richard Marie-Sylvie, Soigner la relation en fin de vie, Dunod, 2004, p.111.

* 113 Jankélévitch, L'irréversible et la nostalgie, op.cit., p.326.

* 114 Baudry, P, La place des morts, op.cit., p.163.

* 115 Kubler-Ross Elisabeth, Accueillir la mort, Editions du Rocher, Paris, 2002, p.110.

* 116 Richard M-S, Soigner la relation en fin de vie, op.cit., p.115. 

* 117 Richard Christian, Accompagnement de l'entourage, valeurs et limites, Objectif Soins, Janvier 2004, n° 122, p.20.

* 118 Bensaid.C, La musique des anges, s'ouvrir au meilleur de soi, op.cit., p.75.

* 119 Le Gay Damien,

* 120 Comte-Sponville André, Petit traité des grandes vertues, presses universitaires de France, Paris, 1995,p.149.

* 121 Le Dalaï-lama, et Cutler .H, L'art du bonheur, op.cit., p.273.

* 122 Ibid. p.68.

* 123 Marmilloud.L, Soigner, un choix d'humanité, op.cit., p.77.

* 124 Perraut-Soliveres Anne, Infirmières, le savoir de la nuit, Presses universitaires de France, 2002, p.243.

* 125 Ibid., p243.

* 126 Causse.Jean-Daniel, L'instant d'un geste. Le sujet, l'éthique et le don, Labor et Fides, 2004, p.27.

* 127 Hirsch Emmanuel (dir). Rédaction Patrice Dubosc, Face aux fins de vie et à la mort. Espace éthique / AP-HP, Vuibert, 3°édition, 2009, p

* 128 Ibid, p

* 129 Ibid, p100, Alain Bercovitz.

* 130 Daydé Marie-Claude, La relation d'aide en soins infirmiers, aspects réglementaires et conceptuels, SOINS n°731- Décembre 2008, p.31.

* 131 Dupagne Dominique, La revanche du rameur, Michel Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2012, p.247.

* 132 Ibid., p.122.

* 133 Lepage Franck, Incultures, tome1, Editions du cerisier, 2007.

* 134 Egli René, Le principe LOLA, Le dauphin blanc, 2003, p.13.

* 135 Dupagne D, La revanche du rameur, op.cit., p .127.

* 136 Thomas-V, Que sais-je, la mort, op.cit., p.108.

* 137 Jankélévitch, l'irréversible et la nostalgie, op.cit., p.271.

* 138 Richard Christian, Accompagnement de l'entourage, valeurs et limites, Objectif Soins, art.cit., p.20.

* 139 Plon F, Questions de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles, op.cit., p.106.






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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon