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Exploitation socioéconomique des enfants de la rue comme nouvelle forme d'esclavage à  Bukavu en RDC

( Télécharger le fichier original )
par Dieu Merci Emmanuel AKSANTI CIRHIBUKA
Université officielle de Bukavu -  2013
  

Disponible en mode multipage

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L'EXPLOITATION SOCIO-ECONOMIQUE DES ENFANTS DE LA RUE COMME NOUVELLE FORME D'ESCLAVAGE A BUKAVU

Par : Aksanti Cirhibuka Dieu Merci et Tombola Rugina Jacques

Assistants aux facultés des Sciences Sociales, Politiques et Administratives et Sciences Economiques et de Gestion de l'Université Officielle de Bukavu

INTRODUCTION

. L'enfant constitue l'avenir de demain. De ce fait, il doit bénéficier d'une protection spéciale pour garantir son bien-être. La famille et la communauté restent des endroits privilégiés et favorables pour la protection de l'enfant en dépit de toutes les autres formes d'avantages que peuvent offrir d'autres institutions de protection avec des bons cadres d'hébergement et de substitution. Hélas, confrontés aux difficultés socioéconomiques de divers ordres liées à la dégradation du système dans son ensemble, les gouvernements, les familles et les organisations non gouvernementales parviennent difficilement à subvenir aux besoins des groupes vulnérables dont les femmes et les enfants. La vulnérabilité de l'enfant est due à son immaturité, à son inexpérience et à son inaptitude physique. La communauté se retrouve, de ce fait, face aux immenses défis de dégradation sociale, parmi lesquels il faut noter les difficultés d'assurer  la protection des enfants contre toute forme d'exploitation surtout à de multiples abus notamment leur exploitation pour des fins économiques. . Dans la plupart des Etats ayant pris part à la convention relative aux droits de l'enfant, le respect de certains droits qu'ont les enfants de la rue n'est pas effectif.

S'il nous faut remonter dans l'histoire, l'on notera qu'au 19è siècle interviendra une prise de conscience au sein de la communauté internationale en ce qui concerne la nécessité de protéger les enfants contre toutes les formes de graves violations (recrutement dans les forces combattantes, enlèvements et trafics, proxenètisme, etc) ; bref contre toutes les pires formes de maltraitances, de traitements dégradants, cruels et inhumains.

Cependant, la fin du 20è siècle marque l'aboutissement d'un long processus inhérent à l'impérieuse nécessité de la reconnaissance des droits de l'enfant quant à la protection de celui-ci et du statut spécial de l'enfance ; cela avec l'adoption à l'unanimité par l'Assemblée Génerale de Nations Unies le 20 Novembre 1989 de la Convention relative aux Droits de l'Enfant et de sa mise en vigueur le 02 septembre 1990.

Tout compte fait, divers travaux scientifiques sur la situation des groupes vulnérables et particulièrement les enfants de la rue ont été produits de par le monde. Ainsi :

-Ilunga Kayombo Bernard1(*)dresse un constat alarmant et une alerte en direction de la communauté nationale congolaise relatifs à la situation de plusieurs enfants qui envahissent chaque jour les marchés, les abords des salles de fête et les places publiques à la quête de leur survie. Pour lui, toute société qui accepte de déverser dans la rue ses propres enfants tels les déchets, se disqualifie et se condamne, par le fait meme, à la déchéance.Il en est de meme de toute personne adulte qui se decharge sur d'autres de ses responsabilités de parent car estime t-il que l'avenir appartient à ceux qui auront su donner aux générations présentes des raisons de vivre et d'esperer.

-Ann Veneman et Bellamy2(*) estiment qu'en adoptant la convention relative aux droits de l'enfant, le monde a compris que l'humanité ne pouvait progresser qu'a condition que tous les enfants bénéficient d'une enfance saine et protégée. Cela en effet car la qualité de la vie d'un enfant dépend des décisions qui sont prises tous les jours dans les familles, les communautés et dans les bureaux des gouvernements. Il s'avère donc impérieux de prendre judicieusement ces décisions tenant compte de l'interet supérieur de l'enfant du fait que si la communauté n'arrive pas à protèger les enfants, elle ne parviendra non plus à atteindre les objectifs mondiaux les plus généraux ayant trait aux droits humains et au développement. Ils font remarquer que combler le fossé entre une enfance idéale et la réalité que connaisse la moitié des enfants du monde est une question de choix et proposent ainsi à la communauté internationale une thérapie à la question du comment protéger les enfants articulée autour de trois pistes principales dont :

*L'adoption d'une approche de dévéloppement économique et social qui soit fondé sur les questions des droits humains, en s'efforçant tout particulièrement d'aider les enfants les enfants les plus vulnérables;

*La priorisation de tous les domaines de développement des politiques équitables qui tiennent compte des enfants ;

*L'obtention de l'engagement des particuliers, des organisations de protection de l'enfance, des familles, des entreprises et des communautés à prenre active et continuellement à l'amélioration des conditions des enfants et à mobiliser leurs ressources de façon à promouvoir et à défendre les droits des enfants.

- Faustin Muliri3(*)démontre que toutes les sociétés du monde espèrent que leurs enfants grandiront et deviendront des citoyens dignes, capables et responsables qui contribueront au bien-etre de leur communauté. Pourtant dans de nombreux pays en crises comme la RDC, les enfants se voient refuser le respect de leurs droits ; celui de protection surtout, qui leur permettront de survivre, de se développer au mieux et de participer activement à la vie communautaire. De son étude, il fait ressortir qu'à Bukavu lors des guerres dites de libération et de rectification respectivement en 1996 par la coalition armée AFDL et en 1998 par le RCD -Goma, la situation des enfants ne faisait que s'empirer de telle sorte que des cas de déplacement des populations, d'exode rural, de polygynie, de chomage des parents ou d'impaiement de salaires, de pauvrété et d'insécurité généralisée, des divorces, de déscolarisation affectent dangereusement et plus que jamais les enfants. A cause ce lot de faits ignobles laissant transparaitre un tableau sombre sur la situation des enfants, naquirent plusieurs organisations non gouvernementales avec comme mission de rectifier le tir: redonner de l'espoir à des milliers d'enfants abandonnés à la merci de la rue avec des corollaires comme les maladies, la malnutrition, la toxicomanie, la prostitution et le banditisme.

Tout compte fait, l'on remarque même que depuis la nuit des temps et jusqu'en ces jours, les enfants ont été et continuent à etre victimes de plusieurs maux sociaux qui handicapent leur croissance physique, morale et leur épanouissement social. Ainsi, la République Démocratique du Congo en général et la ville de Bukavu en particulier n'ont pas dérogé à cette règle cruelle. Parmi les problèmes sociaux les plus frappants dont les enfants sont victimes dans la ville de Bukavu, nous citons la non l'analphabétisme, les catastrophes naturelles, les coutumes et pratiques rétrogrades, l'enrôlement dans l'armée, les dislocations familiales, les décès de l'un des parents, etc.La conjonction de ces différents maux rend propensifs les enfants dan un élan de recherche des antidotes envue de leur maintien. Hélas, ces mécanismes de résilience dont adoptent ces enfants les laissent croire que seule la rue offrirait une alternative ; ainsi naitront les tristement célèbres phénomènes « enfants de la rue » et « enfants dans la rue »

Conscientes de la gravité de ces phénomènes et de leurs corollaires, de la passivité du gouvernement à travers ses structures spécialisées, des familles et des communautés dont sont originaires ces enfants, plusieurs organisations privées prolifèrent actuellement dans la ville de Bukavu et son hinterland mais leurs actions paraissent moins efficaces au vu de l'ampleur du problème (nombre d'enfants de la rue qui croit du jour le jour). Au regard de ce qui précède, certaines interrogations méritent d'etre soulevées :

· Quels sont les facteurs explicatifs du phénomène « enfants de la rue » dans la ville de Bukavu et ses périphéries ?

· Quels sont leurs moyens de subsistance ? En d'autres termes comment subviennent-ils à leurs besoins ?

· Peut-on envisager de nouvelles alternatives pour éradiquer ce fléau et humaniser ainsi notre milieu ?

Les considérations suivantes peuvent etre retenues en guise d'hypothèses :

1. Les difficultés familiales traduites par la faillite de l'entreprise économique familiale au cours de laquelle les parents n'arrivent plus à subvenir aux besoins vitaux de leurs enfants( habillement décent, alimentation suffisante, scolarisation, etc) ,la séparation des parents qui engendre la dislocation et l'ébranlement de l'unité familiale où chaque enfant est appelé à se debrouiller à sa guise, la déscolarisation, les naissances précoces et le manque d'occupation appropriée aux enfants pendant les vacances ;les fausses accusations de sorcellerie seraient des facteurs explicatifs du phénomène «enfants de la rue » .

2. Les moyens de subsistance de ces enfants seraient la vacation à certaines activités pouvant leur rapporter le revenu (transport des colis, travaux de manutention et dans les chantiers de construction,...), le vol, la mendicité, le lavage des véhicules, le recours aux organisations non gouvernementales dont la mission est l'encadrement des enfants de la rue.

3. Pour redresser la situation et humaniser notre milieu, des solutions nouvelles sont possibles notamment l'acceuil à bras ouverts de tous les enfants jadis coupés de la chaleur familiale et communautaire et longtemps plongés dans une vie désespérement indescriptible et ce, en les épargnant de la marginalisation, de la stigmatisation, des préjugés et stéréotypes ainsi que de la discrimination - signe de non intégration ;l'attente, le dialogue et l'écoute active entre les parents en vue d'éviter aux enfants des drames traumatisants( querelles des parents, divorces) qui les poussent à fuir le toit familial cherchant refuge et calme ailleurs.

I. Enfants de la rue : Perceptions et problèmes

Aujourd'hui, le terme « enfant » est beaucoup plus largement entendu puisqu'il est défini par la Convention relative aux Droits de l'Enfant en son article 1er comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt ». C'est dans ce sens que nous utilisons ce terme, tout en signalant que le seuil d'âge n'a rien d'absolu : à certains égards, on cesse d'être enfant plus tôt par exemple si l'on est émancipé. Mais, on peut le rester plus tard (par exemple certaines mesures d'assistance sociale et éducative peuvent durer jusqu'à 21ans). Le terme d'enfant sert aussi à désigner une relation familiale : dans ce second sens, il n'y a pas de limite d'age. L'enfant est dorénavent pensé comme un sujet de droit, une personne dotée de liberté, contrairement à la vision la plus traditionnelle qui voyait dans l'enfant l'objet de la puissance paternelle et l'avenir de la lignée4(*).

Tout compte fait, les perceptions de l'enfant diffèrent selon les pays et les communautés, quoique les étapes fondamentales de développement demeurent les memes. Parfois, l'élement pris en considération est soit l'age, le statut marital, le rite initiatique, le niveau d'éducation, le degré de responsabilité, etc. Ceci fait que face à la diversité des manières de définir l'enfance, les normes juridiques internationales tendent à définir des règles minimales universelles dans le but de protéger les enfants.

De cette même large compréhension, l'on note que « les enfants de la rue » sont ceux qui, pour des raisons diverses ont fuit le toit familial en préférant se réfugier dans les rues, les marchés, les aéroports, les beachs ; bref dans les places publiques où ils se débrouillent pour trouver de quoi manger et satisfaire d'autres besoins de la vie sociale. Selon Rolland5(*), « les enfants de la rue » sont ceux qui vivent, jouent, travaillent, mangent et dorment dans la rue ; ils ont donc pris la rue comme leur milieu de vie tandis que « les enfants dans la rue » sont ceux-là qui, à cause de la misère de leurs parents, cherchent de quoi manger pendant la journée dans la rue, et le soir, ils rentrent à la maison. Dans un cas comme dans un autre, il s'agit des enfants livrés à eux- memes, vivant en rupture des liens familiaux et considérant la rue comme leur milieu de vie temporel ou permanent en y construisant une structure de vie propre à eux. Ils viennent en majorité des familles démunies ou des familles déchirées par des multiples crises mais ils entretiennent des relations sporadiques avec l'un ou l'autre de leurs parents voire certains membres familiaux ou de l'entourage. Quant à Françoise Dekeuwer-Défossez6(*), les enfants de la rue sont dans la catégorie d'enfants en dangers permanents et imminents. Il s'agit donc des enfants dont la santé, la sécurité, ou la moralité paraissent ménacées ; enfants dont les conditions d'éducation sont gravement compromises.D'où, l'optique de l'intervention socio-judiciaire devrait être plus thérapeutique que repressive, c'est-à-dire qu'il faudrait prendre ce genre d'enfants de prime abord comme des personnes ménacées et non comme des personnes ménaçantes. C'est justement cette perspective poursuit l'auteur, qui renforce le prolongement de toutes les règles de protection et d'éducation des enfants ; règles qui, une fois mises en pratique, permettront à l'enfant de grandir, car de la bonne réussite de l'éducation de l'enfant dépendent, non seulement son avenir propre, mais encore celui de toute la société où il s'insérera, et les droits des enfants se modifient au cours de leur croissance.

Qui plus est, dans certains coins de la ville de Bukavu, on note une forte tendance à traiter tout « enfant de la rue et dans la rue » comme un délinquant actuel ou potentiel. En assimilant les autres catégories lorsque des infractions ou des voies de faits sont commises dans la rue, on les qualifie d'actes d'enfants de la rue, meme si ce n'est pas toujours le cas. Aussi, il est très courant d'entendre parler d'enfants de la rue ou de marchés pour se referer, sans distinction d'age, tant aux petits enfants qu'aux jeunes adultes sans abris qui vivent dans la rue. D'où, les « enfants de la rue »jouent hélas un role de « boucs émissaires » pour des désordres et actes de délinquance commis par ces « jeunes adultes de la rue » désoeuvrés ou par des jeunes de quartiers organisés très souvent en gangs criminels. L'exemple de l'intervention très musclée des forces de l'ordre dans la ville de Mbuji-Mayi en date du 20 au 25 septembre 2004 contre des jeunes et enfants de la rue confondus est éloquent et illustratif meme de cet amalgame dans l'esprit des gens entre des jeunes délinquants désoeuvrés et des enfants développant des stratégies de survie dans les rues et sur des places publiques.

II. Moyens de subsistance des enfants de la rue et leur exploitation à des fins économiques comme nouvelle forme d'esclavagisme.

Les enfants de la rue développent des stratégies de survie pour subvenir eux-mêmes à leurs besoins alimentaires et vestimentaires. Ainsi, certains d'entre eux s'adonnent à des activités génératrices des revenus telles que les travaux de manutention, l'entretien et la garde des véhicules. Ces derniers se placent dans les places publiques où ils attendent les éventuelles « offres » de la part soit de ceux qui viennent des marchés ou de ceux qui veulent charger ou décharger les biens de consommation. D'autres exercent dans le cirage des souliers, etc. Dans tous les cas, l'argent reçu juste après le service rendu à des tiers n'est pas hélas proportionnel à ce service car de temps en temps, l'activité exercée nécessite la mobilisation de l'énergie physique et du temps suffisant comme le prouve le tableau illustratif ci-après :

Nombre d'enquêtés

Activités exercées

Lieu d'exercice du travail

Durée de travail

Rémunération

Risques en courus

1

12

Manutention, chargement et déchargement des véhicules

Tous les arrêts-bus, les carrefours et grands marchés de la ville

Tous les jours de 7h30 jusque vers la tombée de la nuit

-200FC à 500FC pour les colis légers et à des distances moins longues,

-700FC à 1000FC pour les colis lourds et à des distances longues

-Altération et affectation des la santé de l'enfant et du rythme normal de développement physique.

2

3

Cirage des souliers

A Nyawera et à la place feu- rouge

De 08h jusque vers 16h30

200FC par paire de souliers

Malaises dorsales et musculaires

3

11

Entretien (lavage) des véhicules

A Nguba au rond point, à Funu, au beach Muhanzi et autres points d'eau aménagés

De 6h30 jusque vers 18h

1500FC à 3000FC par véhicule

Idem.

4

4

Coulage des dalles

Partout dans la ville de Bukavu dans les chantiers de construction

De 7h jusqu'à la fin de l'opération.

2,5 à 3 dollars

-Maladies vasculaires et hémorragiques

5

8

Evacuation des déchets et autres ordures ménagères vers les poubelles publiques

Dans les familles partout dans la ville de Bukavu, principalement au centre ville.

De 10h jusque vers 18h

1000FC

-Maladies de mains sales comme le paludisme, le choléra, etc.

Source : Nos enquêtes.

De ce tableau, il ressort donc que les enfants de la rue sont surexploités par ceux qui les emploient au regard des travaux exercés. Par exemple pour la première catégorie des enfants enquêtés, c'est-à-dire celle qui concerne les enfants exerçant dans la manutention, la nature des colis à transporter sur la tête ou sur le dos laisserait croire que la rémunération réellement reçue ne devrait pas être ainsi quand on s'en tient seulement à la grandeur de la tâche, aux conséquences et autres dangers encourus. Cette situation est la même pour les autres catégories où l'énergie déployée- physique surtout- n'est pas compensée au prorata.

C'est justement cette situation d'exploitation de l'homme par l'homme qui traduit en fait la dimension de l'esclavagisme contre les enfants de la rue. De plus, l'on note que beaucoup d'organisations se disant oeuvrer en faveur des enfants de la rue n'affectent pas le gros de ressources allouées pour la cause de ces enfants ; ressources devenues alors des moyens sûrs d'enrichissement des responsables de ces organisations. Ceci a fait que les problèmes des enfants de la rue sont devenus un fond de commerce de plusieurs personnes à Bukavu ; d'où, prolifération à Bukavu des organisations de protection des enfants vulnérables.

III. Enfants de la rue : récupération-encadrement, réinsertion-intégration

Comme ci-haut, la ville de Bukavu connait un foisonnement des organisations non gouvernementales ayant à leur sein des programmes dits de« Protection de l'Enfance ». Ces organisations procèdent par stratégies et approches différentes mais celles-ci ont en commun une même source d'inspiration à savoir les standards internationaux relatifs à la défense et la promotion des droits de l'enfant. Ainsi, dans le cadre de ce travail, nous considérons les approches développées par deux organisations dont le Programme Diocésain d'Encadrement des Enfants de la Rue (PEDER) et la Solidarity Action for Children in Destress (SACD).

Pour la première organisation(le centre PEDER), la procédure qui aboutit à la récupération, à l'encadrement et à la réinsertion des enfants de la rue suit les étapes suivantes :

a) Ciblage des coins où sont disséminés tous ces enfants ;

b) Inventaire du nombre d'enfants par coins retenus ;

c) Dialogue et entretien avec les enfants ;

d) Récupération des enfants ayant été convaincus par le message des encadreurs et animateurs sociaux au service du centre ;

e) Mise en train et écoute des enfants récupérés ;

f) Hébergement effectif de ces enfants ;

g) Processus de réinsertion socio-professionnelle : ce processus met en face trois acteurs dont le centre, l'enfant lui-meme et sa communauté d'origine car une fois que l'enfant rentre dans sa famille et partant dans sa communauté, le programme veut que la communauté, au-délà de l'acceuil qu'elle reserve à l'enfant réinseré puisse lui permettre de retrouver une vie normale dans la société et de participer aux activités de survie et de développement comme membre de cette meme communauté à part entière.

Cette disposition de la communauté à faire participer l'enfant lui permettrait d'etre restauré dans son corps social d'antan à travers une intégration à quatre niveaux selon Landerker7(*):

*L'intégration culturelle  qui est la concordance entre les valeurs au sein du système culturel d'une société. Ici, l'enfant réinseré intériorise de nouveau les valeurs culturelles longtemps bafouées et foulées aux pieds lorsque cet enfant était encore sous l'emprise de la rue ;

*L'intégration normative entendue comme une conformité aux normes sociales. A ce niveau, l'enfant agit et se comporte dorénavent en harmonie avec le corpus de préscriptions et proscriptions telles qu'édictées par la communauté ou la société ;

*L'intégration communautaire comprise et mesurée par la densité des relations interpersonnelles au sein d'un corps social ; ce sont donc des contacts entre les sous-groupes d'une population. Ici, l'enfant réinseré renoue encore les relations avec ses frères, ses parents et son environnement ; relations jadis rompues par la « vie de la rue ».

*L'intégration fonctionnelle prise comme l'interdépendance résultant des échanges des services entre les élements du système où il ya division sociale du travail. A ce titre, l'enfant sorti de la rue met à profit, pour la communauté, la formation reçue dans le centre d'encadrement socioprofessionnel avant son intégration et obtenir aussi d'autres compétences de la part des membres de sa communauté.

Cependant, l'approche de réinsertion économique consiste à définir pour chaque enfant un plan professionnel en vue de son accès à des revenus durables ; plan qui passe soit par l'orientation professionnelle soit par la formation professionnelle et par l'apprentissage à travers l'emploi, l'auto-emploi et les activités génératrices des revenus. Quant à l'approche de réinsertion sociale, elle se résume en deux axes dont la réinsertion scolaire et la réinsertion communautaire renforcée par la réunification familiale. Elle consiste pour l'enfant à retrouver socialement sa place dans un environnement et un système qui favorisent son développement et le respect de ses droits. Dans ces deux axes, la communauté jouera plusieurs rôles notamment la participation au travail de mise en place et de la canalisation du soutien social et économique aux familles et communautés d'origine de ces enfants pour qu'elles soient en mesure de les accompagner, s'assurer de leur participation à des structures de scolarisation en sollicitant la gratuité ou la subvention des frais scolaires (école formelle, centre de rattrapage, etc). Mais, il reste impérieux de mentionner que l'idéal de toute réinsertion est de ramener les enfants à l'école et à la vie normales, mieux les aider à retrouver leurs environnements naturels.

Pour la deuxième organisation (la SACD), l'approche de réinsertion-intégration suit la procédure suivante :

· La recherche et l'identification de l'enfant : cette étape consiste pour le centre en un répérage et une récupération des enfants concernés par ses activités et de là, on procède par leur orientation au centre.

· L'encadrement psychosocial et éducatif  consistant à des séances de détraumatisation et de remise en forme des enfants récupérés pour les permettre de retrouver tant soit peu un nouveau climat de paix interieure.

· Le tracing familial (recherche familiale)  qui consiste à localiser la famille de l'enfant étant donné que la famille reste toujours le meilleur cadre d'épanouissement de l'enfant

· La préparation de l'enfant à sa réinsertion  qui est une étape importante dans le processus d'intégration familiale et communautaire surtout quand la séparation de l'enfant avec sa famille était motivée par un climat familial permanemment tumultueux et émaillé des longues péripéties malheureuses. Ici, on doit préparer l'enfant avec trop de tacts pour le rassurer que depuis son départ de la famille, il ya eu des changements positifs.

· La sensibilisation familiale et communautaire pour l'acceuil de l'enfant : celle-ci consiste à obtenir des parents ou de tout autre membre de la communauté un accord de principe traduit par des garanties sécuritaires en faveur de l'enfant à réinsérer.

· La recherche et l'obtention du consentement tripartite entre le centre, l'enfant et sa famille comme préalable à la réinsertion : cette étape est également capitale car elle permet de recréer des nouveaux liens de confiance entre l'enfant, sa famille ou sa communauté et le centre.

· La remise de l'enfant à sa famille accompagnée de l'octroi d'un kit par rapport à la formation réçue par l'enfant. A ce niveau, le centre organise une cérémonie solennelle au cours de laquelle la famille atteste par écrit avoir réçu l'enfant et s'engage de prendre soin de lui et cela, devant une autorité du milieu qui, à son tour se résoud de faire des suivis pour se rendre compte de l'effectivité de la réinsertion-intégration de cet enfant.

Il sied hélàs de dégager un constant selon lequel certains enfants avant d'être réinsérés préfèrent déserter le centre et retourner dans les rues, les marchés et les places publiques avancant des raisons suivantes :

a) La restriction de leur liberté dans les centres ;

b) La recherche de l'indépendance ;

c) Le goût effréné de l'aventure ;

d) L'hébergement difficile ;

e) Une alimentation peu copieuse et routinière ;

f) Un traitement disproportionné au centre.

Etat comparatif des actions des agences de récupération-intégration-réinsertion des enfants de la rue.

Même si certains enfants récupérés et réinsérés parviennent à retrouver la vie normale jadis perdue dans les rues et dans les pratiques criminelles, il ressort de nos enquêtes que les actions de ces agences ne sont pas durables car la plupart d'entre elles répondent à des logiques de projets financés pour une durée bien déterminée. Ceci fait que certains de ces enfants retombent pirement dans leur situation d'antan.

Anthony Oberschall8(*) fait remarquer que l'absence des liens de décomposition des réseaux d'interaction sont un obstacle à la mobilisation. La capacité de mener une action concertée et donc synergique dépend étroitement du dégré et du type d'organisation inhérent à la collectivité. Quant à Herman9(*), l'action sociale est un construit symbolique qui fait intervenir les attentes, les anticipations et les évolutions des agents sociaux face à des situations contraignantes qui les forçent à élaborer des interprétations originales inspirées des codes culturels dominants. Ainsi dans l'ensemble, on note que la logique et le souhait même des interventions synergiques semblent écartés au point que les actions de ces agences paraissent disparates et laconiques par manque d'une unité de coordination efficiente et efficace sur le terrain.

CONCLUSION ET SUGGESTIONS

Au terme de cette étude, il ressort que les enfants de la rue sont en ces jours victimes de l'exploitation de la part même de ceux qui sont censés les protéger.L'on a noté à travers cette recherche que le déclenchement des guerres dites de libération et de rectification, la résurgence des groupes armés ainsi que l'insécurité grandissante causant ainsi le déplacement des populations et l'exode rural vers des zones urbaines qui semblent garantir la sécurité, le déchirement des familles par les cas de divorces, de polygynie et de décès de l'un ou de deux parents sont autant de facteurs explicatifs du phénomène des enfants de la rue. On a constaté aussi que les enfants de la rue s'adonnent à plusieurs activités pour leur survie mais les rémunérations obtenues à l'issue de ces travaux sont très dérisoires et certains responsables des organisations de protection des enfants vulnérables s'enrichissent sur le dos des enfants de la rue en demandant des fonds qui ne profitent pas à ces enfants. Enfin, les actions de ces organisations demeurent inefficaces et moins durables que possibles car elles suivent les logiques des projets conçus d'avance et ne tiennent pas compte des secteurs clés comme l'éducation et la santé. Ces organisations procèdent par stratégies différentes au point que leurs actions sont disparates et laconiques avec comme conséquence directe une dispersion des moyens et d'efforts.

Eu égard de tout ceci et en vue d'humaniser notre milieu, les solutions suivantes peuvent être proposées :

1. La restauration des familles déchirées même si cela reste un travail de longue haleine car le divorce et les séparations précoces des parents comme l'une des manifestations les plus illustratives de ces déchirements sont des phénomènes sociaux plus complexes ;

2. Le découragement des options pro natalistes moins réfléchies au sein des familles à travers un appel pathétique et pressant au contrôle des naissances qui, en revanche, évitera en premier lieu aux parents de faire face aux besoins des enfants dépassant la capacité financière de la famille et en second lieu aux enfants de ne pas se lancer précocement dans la débrouillardise ;

3. Aux organisations de protection de l'enfance et surtout celles qui s'occupent de la récupération, de l'encadrement et de la réinsertion des enfants de la rue de repenser leur logique de travail car certaines des approches et stratégies dont elles adoptent ne répondent plus efficacement au vues des multiples attentes et exigences voire de l'urgence.

BIBLIOGRAPHIE FINALE

1. ALBARELLO, L, Apprendre à chercher : l'acteur social et la recherche scientifique, Bruxelles, De Boeck, 2003.

2. AKSANTI CIRHIBUKA, DM., L'éducation des enfants en RDC : Droit ou Faveur ? in « La voix de la jeunesse du Congo », No1, 2005.

3. AKSANTI CIRHIBUKA, DM. , Mécanismes d'action des agences de protection de l'enfance à Bukavu, Mémoire de Licence, Sociologie, 2010-2011.

4. BOUDON, R et alii. Dictionnaire de Sociologie, éd. Larousse, 2006.

5. CHAZAL, J., Les droits de l'enfant, PUF, Paris, 1993, Collection « Que sais-je? »

6. Convention des Nations-Unies relative aux Droits de l'Enfant ., New-York, 1989.

7. COOMBS, P, La crise mondiale de l'éducation, Paris, PUF ,1968

8. DEKEUWER-DEFOSSEZ, D ., Les droits de l'enfant , Paris, PUF,5e éd .,1982, Collection « Que sais-je? ».

9. ILUNGA, K., Quand les enfants crient misère, Kinshasa, Médiaspaul, 1997.

10. LAROSA, Comment les enfants apprennent et désapprennent les préjugés, S.v, S.e., 2000.

* 1 Bernard Ilunga KAYOMBO, Quand les enfants crient misère, Médiaspaul, Kinshasa, 1997 .

* 2Ann Veneman et Bellamy., Les enfants d'abord, New- York, UNICEF,2006

* 3 Faustin Muliri, Directives sur les Droits de l'Enfant, Bukavu, Juillet 2002

* 4 Convention des Nations- Unies relative aux Droits de l'Enfant, New-York, 1989.

* 5 Rolland cité par Aksanti Cirhibuka, Mécanismes d'action des agences de protection de l'enfance à Bukavu, Mémoire inédit, Sociologie, UOB, 2010-2011.

* 6 F. Dekeuwer-Défossez, Les droits de l'enfant, PUF 5e éd, , Paris, 1982, collection «  Que sais-je ? »

* 7 Landerker cité par Raymond Boudon et al, Dictionnaire de sociologie, éd. Larousse-Bordas, 1999,p127.

* 8 A. Oberschall cité par R. Boudon, Op Cit.

* 9 Herman, Op cit, p18.






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984