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Mourir au Burundi: gestion de la mort et pratiques d'enterrement (de la période pré- coloniale à  nos jours )

( Télécharger le fichier original )
par Emmanuel NIBIZI
Université du Burundi - Licence en histoire 2005
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE DU BURUNDI

    FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
    DEPARTEMENT D'HISTOIRE

    MOURIR AU BURUNDI: GESTION DE
    LA MORT ET PRATIQUES D'ENTERREMENT (de la période précoloniale à nos jours)

    par

    Emmanuel NIBIZI.

    .

    Sous la direction de:

    Dr Alexandre HATUNGIMANA.

    Mémoire présenté et défendu publiquement en vue de l'obtention du grade de licencié en Histoire.

    Option:

    Enseignement et Recherche

    Bujumbura, Octobre 2006

    i

    DEDICACE

    A ma chère épouse, A mes enfants,

    A toute ma famille.

    ii

    REMERCIEMENTS

    Au seuil de ce travail, nous éprouvons un grand plaisir à exprimer notre profonde reconnaissance à tous les éducateurs, de l'école primaire à l'Université du Burundi pour la formation qu'ils nous ont dispensée.

    Nos sentiments de gratitude s'adressent plus particulièrement à Monsieur Alexandre Hatungimana, Docteur en Histoire et Recteur de l'Université du Burundi, pour la spontanéité et la compétence avec lesquelles il nous a suivi du début à la fin.

    Nos remerciements vont également à notre famille et plus spécialement à tous les membres de la famille Ndabahagamye Gabriel, Madame Ndayihimbaze Olive, pour leur attachement indéfectible et leurs bonnes pensées envers nous.

    Que l'APRODH trouve ici nos sentiments de reconnaissance.

    Emmanuel NIBIZI

    iii

    SIGLES ET ABREVIATIONS

    AL.: Alinéa

    Art.: Article

    APRODH: Association pour la Protection des Droits humains et des Personnes

    Détenues

    BORU: Bulletin Officiel du Ruanda-Urundi

    Dr.: Docteur

    Ed.: Editions

    EMI: Editrice Missionaria Italiana

    ENS: Ecole normale supérieure

    FLSH: Faculté des Lettres et Sciences Humaines

    FPSE: Faculté de Psychologie et Sciences de l'Education

    G.G: Gouverneur Général

    Ibid: Ibidem (même auteur, même article / livre, même page)

    LLA: Langue et littérature africaine

    LLF: Langue et littérature française

    Me: Maître

    OHCDHB: Office du Haut Commissaire des Droits de l'homme au Burundi

    ONU: Organisation des Nations Unies

    Op. cit.: Opere citato (dans l'oeuvre citée)

    ORU : Ordonnance du Ruanda-Urundi

    p. : page

    pp. : de telle page à telle page

    iv

    PUF: Presses Universitaires de France PUL: Presses Universitaires de Lyon TGI: Tribunal de Grande Instance UB: Université du Burundi www: world wide web

    v

    LISTE DES TABLEAUX ET PHOTOGRAPHIES

    Tableau n°1 : Répartition des condamnés à mort par les Chambres criminelles

    Tableau n°2: Les cimetières de la chefferie Buyenzi-Bweru.

    Photographie n°1: Cimetière paroissial de la Cathédrale de Bujumbura. Photographie n°2: Cimetière de Rusabagi

    Photographie n°3: Cimetière des militaires allemands de Rugombo

    Tableau n°3: Comparaison des prix des cercueils selon les pompes funèbres

    vi

    TABLE DES MATIERES

    Dédicace i

    Remerciements .ii

    Sigles et abréviations iii

    Liste des tableaux et photographies iv

    Table des matières vi

    INTRODUCTION GENERALE .1

    1.Présentation du sujet 1

    2.L'intérêt et motivation du sujet .1

    2.1.L'intérêt du sujet ....1

    2.2. La motivation du sujet 2

    3. Délimitation du sujet 3

    3.1.Le cadre spatial 3

    3.2.Le cadre temporel .3

    4.Articulation du sujet 3

    CHAPITRE I . LA SOCIETE BURUNDAISE FACE A LA MORT 4

    Introduction 4

    I. Définitions et conception de la mort ..5

    I.1.Définitions ...5

    vii

    I.1.1. Documents de la mort

    8

    I.2.La société burundaise et la conception de la mort

    10

    I.3.Attitudes devant la mort

    .14

    I.4. La mort et la législation burundaise

    16

    I.4.1. Problématique de la peine de mort

    ..16

    I.4.1.1. Vue générale sur sa conception et son application

    16

    I.4.1.2.Le Burundi face à la peine de mort

    .17

    I.4.2. « Mourir autrement au Burundi »

    22

    I.5. Les rites de funérailles

    26

     

    I.5.1. Les rites musulmans

    27

    I.5.2 Les rites funéraires chez les protestants

    .....29

    I.5.3.Les rites catholiques

    .29

    I.5.4.Les rites traditionnels

    31

    I.5.4.1. Les funérailles d'un chef de famille

    31

    I.5.4.2. Autres formes de funérailles

    33

    I.5.4.3. Les pratiques de deuil

    .35

    I.5.4.4. Le rôle particulier du lait dans la pratique de deuil

    .38

    I.5.4.5. Les dernières étapes du deuil: gestion des affaires familiales et la pratique

    du "feu des ancêtres"

    40

    I.5.4.6. Les "adieux"

    42

    Conclusion

    ..42

    viii

    CHAPITRE II LES SITES FUNERAIRES AU BURUNDI

    43

    Introduction

    ....43

    II.1. Les cimetières ont une histoire

    44

    II.2.Leur réglementation

    45

    II.3. Les Types de cimetières

    .48

    II.3.1. Les Sépultures familiales

    .48

    II.3.2. Les cimetières paroissiaux

    .49

    II.4. Un secteur abandonné

    51

    II.4.1. La situation au niveau de la Mairie de Bujumbura

    ...51

    II.4.2. Le cimetière de Mpanda

    ..52

    II.4.3. Un seul cimetière officiel mais abandonné : Rusabagi

    .53

    II.4.4. Des cimetières ségrégationnistes

    ..54

    II.4.5. Cimetière des militaires allemands de 1914-1918

    .56

    II.4.6. Les nécropoles royales

    58

    Conclusion

    ..59

    CHAPITRE III. LES SERVICES FUNERAIRES : VERS UN NOUVEAU

     

    MODE DE GESTION DES MORTS

    ..60

    Introduction 60

    1. La pompe funèbre " La Différence" 60

    2. La pompe funèbre de la 10ème avenue à Bwiza 60

    3. La Funèbre Sociale "FUS" ..61

    4. La pompe funèbre " uwugukunda aguhisha uwawe" ...61

    5. La pompe funèbre locale de Buyenzi 61

    ix

    III.1. Le personnel des pompes funèbres 64

    Conclusion du chapitre 65

    Conclusion générale 66

    Sources et bibliographie 69

    I. Sources écrites 69

    I.1.Les ouvrages 69

    I.2. Les mémoires .71

    I.3. Articles de revues ..72

    I.4.Les sources inédites .72

    I.5. Les sites web ou moteurs de recherche 73

    II. Sources orales . ..74

    III. LES ANNEXES .75

    1. Annexe 1: Liste des cimetières et leur localisation au Burundi 76

    2. Annexe 2 : Photographies de quelques sites funéraires au Burundi 85

    1

    INTRODUCTION GENERALE

    1. Présentation du sujet

    D'une manière générale, le sujet du présent travail n'est pas inédit. La situation des cimetières a déjà fait l'objet de beaucoup d'écrits. Cependant, au Burundi, les ouvrages sur le problème des cimetières et de la mort restent encore moins nombreux, voire quasi-inexistants. Certes, dans le monde entier, le sujet des cimetières et, partant le sujet de la mort est « de tous les spectres de ce monde, le plus effrayant»1 mais l'historien que nous sommes pourrait y trouver son intérêt.

    2. L'intérêt et motivation du sujet

    2.1. L'intérêt du sujet

    Le sujet des cimetières touche, en fin de compte à des sensibilités extrêmes et au « tabou de la mort». Mais, nous ne devons pas oublier que les cimetières posent des problèmes réels à la société. A cet égard, il suffit de se rappeler que la Paix confessionnelle d'Augsbourg (Bavière en Allemagne) de 1555, l'Edit de Nantes de 1598 et les Traités de Westphalie de 1648 qui, tous trois avaient pour but de pacifier les catholiques et les protestants en Europe, comportaient des clauses relatives aux cimetières. Ainsi, le droit de disposer des lieux de sépulture appartenait à l'autorité civile. Elle devait pourvoir à ce que toute personne décédée puisse être enterrée décemment2. On comprend que cette clause relative aux cimetières avait pour but de consolider la cohésion nationale et d'assurer la paix confessionnelle entre catholiques et protestants, paix durement mise à l'épreuve par la kulturkampf3 après la proclamation du dogme de l'infaillibilité du pape en 1870.

    Et dans certains pays du monde, plusieurs sources font état des pratiques innommables d'irrespect des cimetières, notamment leur profanation dans les Balkans et ailleurs.

    1. A. BARRAU, Socio- économie de la mort: De la prévoyance aux fleurs de cimetière, Logiques sociales, l'Harmattan,

    2. L'article 53 al.2 de la Constitution Suisse de 1874.

    3. Le mot "kulturkampf" désigne l'ensemble des mesures (1871-1878) prises par Bismarck contre la montée du parti du centre, parti des catholiques. L'enseignement devrait par exemple être contrôlé par des laïques, des congrégations, comme celle des Jésuites furent chassées,... Le kulturkampf (" combat pour la civilisation") devait avoir des conséquences sur la politique religieuse de la Suisse et de l'Autriche.

    2

    Ainsi donc, étant donné que les cimetières constituent une "excellente" et incontournable demeure pour les retraités de l'existence auquel tout le monde est appelé à vivre par le sort, leur violation est un sacrilège. Ce n'est pas là notre problème, l'objet de l'étude étant d'insister sur l'évolution historique des cimetières au Burundi dans la longue durée. Aussi, d'autres aspects de la mort méritent d'être relevés même dans le cas de notre pays.

    2.2. La motivation du sujet

    Le choix du sujet a été motivé par deux raisons:

    - L'une est d'ordre sentimental : l'homme éprouve une phobie grandissante après avoir eu connaissance de la mort d'un voisin ou d'une parenté. Il nous a paru important d'analyser les attitudes devant la mort et la conception de celle-ci en prenant l'exemple de la société burundaise, de la période précoloniale à nos jours.

    - L'autre est d'ordre pratique : nous savons qu'au cours du temps, les techniques, les croyances et les rites liés à la mort ont changé. Chez nous l'enterrement est passé du « rugo » à l'extérieur de l'habitat, du cadre familial au cadre communal et les pratiques traditionnelles funéraires se sont modernisées rendant ainsi le site funéraire un "village touristique" et de recueillement (le cas de Mpanda actuellement avec des constructions de plus en plus sophistiquées). Nous allons tenter de comprendre ce revirement de comportement d'une société majoritairement rurale.

    3

    3. Délimitation du sujet

    3.1. Le cadre spatial

    L'étude en soi est menée sur le territoire burundais d'une façon générale et aux cimetières péri- urbains de Bujumbura, en particulier.

    3.2. Le cadre temporel

    Notre travail s'étend de la période précoloniale à nos jours. Le choix de la première période est motivée par l'existence d'une abondance d'attitudes fortement différentes de celles de la période qui a suivi, c'est-à-dire la période coloniale. C'est à partir de cette dernière que le Burundi, comme d'autres pays colonisés, a été contraint de s'aliéner dans tous les points de vue, suite à l'invasion de la civilisation occidentale. Ses empreintes sont aujourd'hui indélébiles au regard du caractère de plus en plus moderne de nos cimetières et des pratiques funéraires.

    4. Articulation du sujet

    A partir de la deuxième moitié du XIXème siècle, date de l'invasion de la civilisation occidentale au Burundi, avec surtout l'arrivée des missionnaires et de leurs agents propagateurs, les Burundais commencent à rompre avec leur culture. Les rites funéraires profanes cèdent petit à petit leur place à un rite religieux accompli par le missionnaire. Le premier chapitre porte sur La société burundaise face à la mort où nous tentons une approche de définitions de la mort. Sa conception, les attitudes des Burundais face à cet événement et leurs rites intéressent également notre réflexion. Le second chapitre revient sur Les sites funéraires au Burundi. Dans cette partie, nous nous intéressons à l'histoire des cimetières, leur réglementation et leur catégorisation tandis que le troisième et dernier chapitre se penche sur Les services funéraires pour en dégager la complexité. Un accent particulier va être mis sur le rôle joué par les pompes funèbres, les appréciations et critiques des Burundais à l'égard de ces services très contemporains dans notre société.

    4

    CHAPITRE I. LA SOCIETE BURUNDAISE FACE A LA MORT

    INTRODUCTION

    Depuis toujours, les Burundais, comme d'autres peuples du monde sont menacés à chaque instant par l'idée de la mort. Bien qu'ils soient spectateurs de cette scène macabre qui est la mort, les hommes ne s'y habituent pas. L'être humain est perplexe et inquiet de devoir mourir un jour. Pendant fort longtemps, l'arrêt cardiaque quoique souvent ignoré par les Burundais, a été conçu par ces derniers comme le seul signe de la mort. En effet, la cessation des battements du coeur et de la circulation sanguine impliquait automatiquement la mort de celui qui en présentait les signes. Auparavant, le doute n'existait pas. La personne dont le pouls n'était pas prévisible, pendant une période même relativement brève, était destinée à une mort inévitable. Les pleureuses commençaient leur travail tandis que les hommes se dépêchaient à l'évacuation du mourant. Avec l'apparition de nouvelles techniques et technologies de réanimation ainsi que le développement de la médecine de transplantation ou de la science en général, l'arrêt des fonctions cardiaques, au moins pour une période limitée, n'entraîne plus nécessairement la mort. Cette réalité évidente dans les pays développés ne concerne pas largement nos pays pauvres où une grande partie de la population recourent toujours à la médecine traditionnelle pour se soigner.

    Vouloir comprendre l'attitude de la société burundaise face à la mort revient à notre avis à se rendre compte de la complexité de la notion même de la mort car d'une part, comme le dit un logicien autrichien, Wittgenstein (1889-1951), "la mort n'est pas un événement de la vie, [elle] ne peut pas être vécue "13 pour en parler avec assurance et les définitions varient selon les cultures et les époques, d'autre part.

    13. W. Ludwig, Tractatus logico-philosophicus, p.84 in www.dicocitations.com/resultat.php?id=4651

    5

    I. Définitions et conception de la mort

    I.1. Définitions

    Selon le Dictionnaire Larousse, la mort est une cessation définitive de la vie14. La mort se définirait comme la cessation irréversible de la vie et constituerait donc un changement complet de l'état d'un être vivant et la perte de ses caractéristiques essentielles.

    Selon les spécialistes, pour un être vivant, la mort intervient à plusieurs niveaux ou phases: c'est d'abord la mort somatique considérée comme celle de l'organisme en tant qu'ensemble intégré. Elle précède habituellement la mort des organes, des cellules et de leurs composants. La mort somatique serait marquée par l'arrêt du battement cardiaque, de la respiration, des mouvements, des réflexes et de l'activité cérébrale. Les mêmes spécialistes reconnaissent que le moment précis de cette mort est parfois difficile à déterminer parce que des états transitoires comme le coma, l'évanouissement et la transe lui ressemblent beaucoup.

    Aujourd'hui, la science médicale permet de distinguer ces moments de la fin de la vie. Plusieurs études ont montré qu'après la mort somatique, se produisent plusieurs modifications qui peuvent être utilisées pour déterminer l'heure et les circonstances du décès. Par exemple, le refroidissement du corps (algor mortis), dépend surtout de la température de l'environnement immédiat. On sait aussi que la raideur cadavérique (rigor mortis), due au raidissement des muscles du squelette, s'installe de cinq à dix heures après le décès, mais disparaît trois ou quatre jours plus tard. Concernant la lividité cadavérique (livor mortis), une coloration bleue rougeâtre qui apparaît dans la partie inférieure du corps, elle résulte de la stase sanguine. La coagulation du sang commence peu de temps après la mort, de même que l'autolyse ou la mort des cellules. La décomposition qui s'ensuit, serait causée par l'action d'enzymes et de bactéries.

    En somme, les organes meurent à des vitesses différentes. Alors que les neurones du cerveau ne survivraient que cinq minutes à la mort somatique, la durée de survie des cellules cardiaques est estimée à environ quinze minutes et celles du foie en moyenne trente minutes. C'est la raison pour laquelle des organes peuvent être prélevés sur un corps récemment décédé et greffés chez une personne vivante.15

    '4. Dictionnaire français, Editions françaises Inc, Paris, 1995, p.413

    '5. M.A. DESCAMPS, Les Définitions de la mort, in http://www.europsy.org/ceemi/defmort.html.

    6

    On constate après tout qu'il n'y a pas de définitions incontestables de la mort. Ainsi, celles que des chercheurs utilisent actuellement changent du jour au lendemain. Selon Marc Alain Descamps (professeur de psychologie, président du Centre d'Etude des Expériences de Mort Imminente), on peut distinguer des définitions scientifiques, qui portent sur le moment de la mort et des définitions philosophiques, qui portent sur sa nature16.

    Parmi les définitions philosophiques, les unes sont matérialistes et les autres sont spiritualistes. Les médecins ne peuvent que déterminer l'instant de la mort. Dire ce qu'elle est, est une option philosophique, qui ne relève pas de la science. Ainsi donc, les matérialistes définissent la mort comme: "l'état dont on ne revient pas"; il s'agit de la définition philosophique la plus répandue. Lorsque quelqu'un revient à la vie après avoir été déclaré mort, le médecin se désavoue et reconnaît s'être trompé dans son certificat de décès, puisqu'il sait, par sa conviction philosophique, que ce n'est pas possible.

    Terrorisés par la mort religieuse, avec son alternative entre l'éternité de jouissance du Ciel ou les souffrances sans fin de l'Enfer, les philosophes matérialistes du dix-huitième siècle, scientistes du dix-neuvième siècle, marxistes du vingtième siècle ont inventé, créé, puis diffusé obligatoirement une nouvelle définition de la mort. C'est "la fin de tout, du corps et du principe de conscience"17. Ils ont préféré inventer une mort qui serait la fin de tout. La mort, pour eux serait la disparition du principe pensant (âme, mémoire ou conscience,...), l'anéantissement total, après il n'y aurait plus rien. C'est la mort matérialiste ou la mort- anéantissement. On passe donc à la théorie de la fin d'une vie dénuée de sens.

    Selon Descamps, une telle croyance, indûment diffusée au nom de la science (aucune preuve scientifique n'existe à ce sujet), va avec le monde matérialiste que nous subissons: l'acharnement thérapeutique (emploi de tous les moyens pour maintenir en vie un malade), la vieillesse/catastrophe, les mouroirs/dépotoirs, la désespérance et la nausée sartrienne.18

    16. M.A. DESCAMPS, op.cit.

    17. Ibid.

    18. Ibid

    7

    Les Spiritualistes quant à eux, définissent la mort comme « l'absence de corps physique et l'impossibilité de communiquer avec ceux qui ont un corps physique ou de chair.»19

    En effet, dans son témoignage, Diane Chauvelot, médecin psychanalyste, a montré en 1995 que pendant ses 47 jours de coma, son esprit fonctionnait et enregistrait inconsciemment ses perceptions. Les morts seraient « au milieu des vivants».20 Et ceci est expérimenté dans de nombreuses circonstances (opérations, accidents, chutes, noyades, extases, transes, sorties du corps ...).

    La mort peut-être aussi, d'après le même courant, « le changement et l'oubli ». Cette conception de la mort semble jouer sur un sophisme simple: si la vraie mort est dans le changement et l'oubli, alors elle est de tous les instants et n'est pas séparable de la vie. On peut en déduire que la condition humaine, qui est incluse dans le temps, fait que nous mourons et renaissons à chaque instant. On commence par être un nouveau-né, qui disparaît pour laisser la place à un nourrisson, puis à un bébé, enfant, adolescent, jeune, adulte, personne âgée , ...21

    Au point de vue religieux, la mort se définit comme la séparation de l'âme et du corps: " Que la poussière rentre (...) et que l'esprit retourne à Dieu qui l'avait donné". 22

    Comme la définition de la mort reste d'une grande complexité, cela ne fait qu'accroître le doute en ce qui concerne l'identification d'un mort. De crainte d'enterrer un mort-vivant, on avait adopté quelques précautions. En Occident, par exemple, on peut retenir : un rappel par trois fois, à haute voix, du nom du défunt présumé, les coutumes de la toilette, de l'exposition du corps, du deuil dont le bruit pouvait réveiller le mort-vivant, l'habitude de laisser le visage découvert, etc. C'étaient des méthodes pragmatiques qui étaient utilisées pour vérifier si le présumé mort l'était réellement ou s'il s'agissait d'un coma profond. C'est la stimulation nociceptive, c'est-à-dire faire très mal, dans les comas profonds qui induit normalement une réaction, mais si le sujet est bien mort, il n'y a aucune réaction (classiquement, on croquait le gros orteil, d'où l'expression de croque-mort). Les veilles funéraires jouaient aussi un rôle dans la

    19. Ibid.

    20. M.A. DESCAMPS, op.cit.

    21. Ibid.

    22. Alliance Biblique Universelle, La Bible, Ecclésiaste XII, 7

    8

    certitude de la mort: la famille rassemblée pour prier restait auprès du mort plusieurs heures et pouvait donc éventuellement détecter des signes de vie. 23

    Le code de droit canon de 1917 est explicite à ce sujet:

    "On n'enterrera aucun corps surtout si la mort a été soudaine, sans avoir attendu un certain intervalle de temps, suffisant pour dissiper tout doute autour de la réalité de la mort".24

    Au Burundi, selon une enquête menée en Mairie de Bujumbura, pour éviter d'enterrer des personnes encore vivantes, certaines précautions étaient prises par les Barundi. Ces derniers vérifiaient la température du corps, l'orientation des yeux et la position du corps (articulation des bras et des jambes,...) car chez une personne morte, il n'y a plus d'articulation et du mouvement du corps. Les membres de la famille qui alitent un malade, vérifiaient aussi l'existence de battement du coeur. Un autre grand signe que les anciens observaient est la présence des matières fécales qu'un moribond présente dès qu'il coupe son dernier souffle. Cette matière peut passer soit par la bouche soit par l'anus. C'est pourquoi, au lit d'un malade devait rester une ou deux personnes âgées et sages pour veiller à tous ces signes et lui apporter ainsi des soins dont avait besoin une personne morte dignement: l'aider à garder une position normale.25

    Quant aux autorités administrative et médicale, elles posent des conditions pour l'approbation de la mort. Il faut disposer des documents attestant réellement le décès.

    23. C.RAMBAUD, La personne décédée et la définition légale de la mort in http://72.14.209.104/search? (...) infodoc.inserm.fr/ethique/cours.nsf/ (...) l+y+a+la+mort&hl=fr&gl=bi&ct=clnk&cd= 9infodoc.inserm.fr/ethique/cours.nsf/ (...) il+y+a+la+mort&hl=fr&gl=bi&ct=clnk&cd=9

    24. A.A.SAMI, Les Cimetières, normes et pratiques chez les Musulmans et leur implication en Suisse, L'Harmattan, Paris, 2001, pp.67-68.

    25. Témoignage de Me Nzobandora A., en Mairie de Bujumbura, août 2005.

    9

    I.1.1. DOCUMENTS DE LA MORT

    Un tel sujet paraît banal. Pourtant, dans les sociétés à écriture, après la mort, les membres du disparu sont officiellement appelés à fournir des documents. Ces derniers ont pour but de lever les équivoques sur une mort effective et permettre d'identifier sa nature s'il s'agit ou pas d'une mort violente. Ces papiers sont le procès verbal du constat de la mort, l'acte de décès et le permis d'inhumer.

    Seul le médecin est habilité à remplir le certificat de décès. Il s'agit souvent du médecin d'état civil dans certaines villes, ou tout simplement le médecin appelé au chevet du malade ou sur les lieux de découverte d'un corps.

    Sur le certificat, il précise le caractère réel, le constat de la mort ainsi que les causes du décès.26

    Au Burundi, l'acte de décès officialise le jour d'ouverture des procédures de succession.27 Il est dressé dans les quinze jours, sur déclaration de deux témoins faite à l'officier de l'état civil du lieu du dernier domicile du défunt. L'acte de décès mentionne en outre la date et le lieu du décès, les noms, prénoms, profession et domicile du défunt ainsi que ses père, mère et conjoint. Il précède en principe, le permis d'inhumation qui doit être délivré 24h après l'acte de décès.

    Encore au Burundi, bien que la loi recommande que l'enterrement soit sur exhibition d'un permis d'inhumation délivré par un officier d'état civil, rares sont les familles qui respectent la règle. On remarque que les personnes qui déclarent les décès visent des avantages comme l'obtention des frais d'inhumation auprès des employeurs de disparus, les frais de l'I.N.S.S (Institut National de la Sécurité Sociale), les retraits de l'argent se trouvant sur des comptes,...Les causes à ces manquements seraient que notre pays n'a plus de cimetières officiellement reconnus car sinon là où ils existent, il y a un gardien qui veille sur les enterrements anarchiques.28

    En somme, même si on est tenu de déclarer le décès, les officiers de l'état-civil fustigent le manque de volonté de la population qui ne fait pas enregistrer les décès.

    26. Généralement, l'original du procès verbal est conservé dans le dossier médical du patient, un double est remis au Directeur d'établissement et un double est conservé par le ou les médecins ayant fait le constat. Enfin, l'établissement de procès-verbal et la délivrance du certificat de décès doivent se faire de façon concomitante.

    27. Décret-loi n°1/024 du 28 avril 1993 portant Réforme du Code des Personnes et de la famille, art.41 et 42.

    10

    Des retards de déclaration seraient actuellement nombreux surtout en Mairie de Bujumbura. A titre illustratif, on citera des décès de 1972 dont les déclarations viennent d'être faites en 2005. Les intéressés ne sont que des veufs et des orphelins qui veulent entre autres l'exonération des impôts, bénéficier des frais d'assurance car leurs parents s'étaient fait assurer dans des compagnies d'assurance. Selon une enquête effectuée au service de l'état-civil en Mairie de Bujumbura, et on l'a déjà dit, ceux qui font des déclarations de décès veulent des documents administratifs leur permettant de bénéficier de certains droits naguère détenus par le disparu. C'est notamment le droit d'hériter et les droits fiscaux.

    Après ce tour d'horizon sur les définitions aussi scientifiques que philosophiques, nous pouvons maintenant nous poser la vraie question de l'attitude des Burundais face à la mort.

    I. 2. LA SOCIETE BURUNDAISE ET LA CONCEPTION DE LA MORT

    Indépendamment des sociétés, la conception de cette terrible fin humaine pose beaucoup de problèmes. La mort est conçue comme un événement difficile à comprendre et suscite la crainte et des doutes quant à sa nature. Cette crainte et sa problématique amènent par exemple les Burundais à considérer la mort comme omniprésente, inévitable, voisine, juste, omnivore et gourmande, ravisseuse, méchamment déconcertante, impitoyable et enfin jalouse.29

    En effet, pour les Burundais, la mort est localisée partout. C'est ainsi qu'ils donnaient à leurs enfants des noms tels que : Ntirubahamwe (c'est-à-dire que la mort n'est pas dans un seul endroit), Rurihose (la mort est partout). 30 C'est un compagnon de route avec bien entendu une idée de persécution.

    La mort est aussi considérée comme inévitable. Tout le monde est unanime qu'on ne peut pas y échapper. Personne ne peut la fuir. C'est pourquoi on a des noms rundi comme Ntiruhungwa (personne ne s'y échappe), Ntibarukinga, Ntirubuzwa (on ne peut pas lui interdire de prendre qui elle veut), etc.

    28. Enquête auprès d'un responsable des services de l'état civil en Mairie de Bujumbura, août 2005.

    29. P. Ntahombaye, Des noms et des hommes. Aspects psychologiques et sociologiques du nom au Burundi, Karthala, Paris, 1983, pp 166-177 passim.

    30. P.Ntahombaye, op.cit, p.166

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    Quant à la proximité de la mort, les Burundais voient que la mort est toujours tout près, au sein de l'enclos, à la cour. D'où on a des noms comme : Ntirubakure (elle n'habite pas loin); Rwamahafi (elle est toujours tout près) ; Rurikumbuga (elle est à la cour).

    Au point de vue de la justesse de la mort, il y a un consensus du fait qu'elle arrive à tout le monde sans distinction. D' où certains parents appellent leurs enfants : Basabose (ils ressemblent à tous), Surwumwe (elle n'est pas d'un seul). 31 Cependant, malgré ce constat d'une mort juste, les Burundais ne manquent pas d'évoquer une autre face de la réalité.

    Ainsi, quand on vient de perdre un proche, on a l'impression d'être la seule victime de la mort et de la souffrance. La mort devient finalement sélective. Mais elle est surtout omnivore et gourmande. C'est ainsi que des parents appellent leurs enfants Rusizubusa (elle ne laisse rien), Ntirunena (elle emporte tout sans pitié, tout le monde, les jeunes et les vieux, le laid et le beau, le pauvre et le riche).

    La mort est toujours décidée et prompte à ravir. Ce caractère décisif est exprimé à travers des noms comme : Ruzanyingata (elle vient avec coussinet pour tout emporter ), Rubanzingata (elle tresse un coussinet dans le même objectif ). En effet, prendre le coussinet (ingata) lorsqu'on doit aller chercher quelque chose est la preuve d'une décision irréversible à remplir cette besogne.

    Pour insister sur la méchanceté déconcertante de la mort, on dit qu'elle sape les bases, qu'elle coupe les nerfs. C'est pourquoi, on a des noms rundi comme Rucintango (intango signifie une base, un commencement), Rucamirya (imirya = nerfs de boeuf dont on fait des cordes pour l'instrument de musique, représentation de force).

    Après la mort du père, la mère pourra donner à son enfant un nom évoquant la méchanceté.

    Par exemple, on a : Rukorikibi (elle fait mal), Ruronona (elle abîme) 32, ...

    Pour ce qui est de l'impitoyabilité, la mort n'a pas de pitié du fait qu'elle tue des bébés, des innocents et cela, après une longue période de souffrances. C'est ainsi que l'on trouve des noms comme: Ruterimbabazi (elle cause pitié), Ruteyintimba (elle rend triste, elle chagrine), Ruranika (elle laisse les gens souffrir, elle malmène). A ce

    31 . P.Ntahombaye, op.cit, p.169

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    niveau, il est important de rappeler que les Burundais distinguent une mauvaise mort (celle qui tue quelqu'un après s'être alité un long moment) d'une bonne mort (celle qui prend quelqu'un après un bref temps de maladie), on dit: «rwamunyarukije» pour dire qu'elle ne l'a pas fait traîner dans la souffrance.

    Enfin, citons cette dernière conception, celle de la jalousie. Pour les Burundais, la mort ne veut pas que les gens soient à l'aise, qu'ils aient des succès car elle surprend des personnes réalisant des activités grandioses. Elle frappe un des fiancés sur le point de se marier. C'est pourquoi, on donne aux enfants des noms comme : Rwankineza (elle hait le bien), Rurankiriza (elle fait échouer).

    En somme, chez les Barundi, la mort naturelle n'existe pas. Aucune personne ne meurt par accident ou suite à une maladie. Si l'on meurt, c'est que tel ou tel autre a fabriqué ou proféré des incantations.33 Tout honnête homme qui meurt, même par suicide ou par accident est en principe tué par quelqu'un d'autre. Des méchants et des bandits sont tués par les dieux même s'ils sont assassinés. Aussitôt que l'on pousse le dernier soupir, les membres du défunt procèdent à la recherche du responsable du mauvais sort. C'est ainsi qu'ici et là, des personnes sont lynchées en les assimilant aux sorciers. Si l'on demande à ceux qui viennent de commettre le meurtre pourquoi ils ont fait cela, ils disent qu'ils se vengent. On entendra par exemple cette phrase: « Même le devin nous l'a dit, il tue même des mouches », pour dire tout simplement qu'il excelle dans la sorcellerie. Ici, il y a lieu de signaler l'importance que l'on attache aux devins (abapfumu). Ceux-ci sont là pour prévenir dit-on, la société contre des jeteurs de mauvais sort.

    En outre, à part que les gens responsabilisent les féticheurs dans la mort du voisin, le Murundi redoute la jalousie des ancêtres.34 Il ne les néglige ni ne peut les ignorer car ils pourraient troubler sa vie. Alors, cela fait que l'on n'est jamais sûr de l'avenir. Quoique les mentalités ont dû évoluer, le Murundi croit que des ennemis inconnus ou connus rôdent autour de lui pour nuire à sa santé et ravir la tranquillité de sa famille. Cette menace incessante de la mort est manifestée par le recours à l'usage des fétiches, soit contre le hasard (ibiheko vy'inzeduka) ou par la recherche des fétiches de survie (ibiheko vy'agahanga). Appelés aussi « ibiheko vy'amagara» ou «

    32. P.Ntahombaye, op.cit, p.169

    33. R. Manran, Batouala, Paris, Albin Michel, 1921, p.125.

    34 .M. Ntakirutimana, et A. Ntahondereye, « Les pratiques concrètes du fétichisme », « Que vous en semble? » n° 37, Bujumbura, 1979, p.40.

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    ibiheko vyo gukiza agatwe », ils seraient susceptibles de jouer un rôle offensif vis-à-vis du malfaiteur humain, en ce sens que tout en protégeant le possesseur, ils le vengent en portant malheur au malfaiteur.

    De surcroît, le Murundi, menacé par la mort dont le responsable est celui avec qui il n'est pas en bon terme, éduquait son enfant à avoir peur, non pas d'une attaque d'un animal, mais celle causée par la nourriture offerte par un méchant voisin. C'est pourquoi, on lui interdisait de manger n'importe où. S'il arrivait de le faire on le conseillait d'éviter de prendre le premier la première bouchée si celui qui a offert à manger ne montrait pas l'exemple. On avait l'habitude de boire ou de goûter le premier

    ce que l'on présentait à son hôte. C'est ce qu'on appelait " kurogora"
    ("désempoisonner").

    Les Burundais avaient peur de ceux qui pouvaient arracher la vie. C'est pour cette raison qu'on ne devait pas répondre spontanément à aucun appel nocturne. On avait grand soin de conserver ses choses (morceau de natte, de chalumeau, de motte de terre sur les murs de sa hutte ou tous ces vieux vêtements) aussi bien cachées que possibles ou de les avoir constamment sous ses yeux.

    Etant donné que la mort est un sujet sur lequel les gens n'osent pas échanger, les habitués de la mort y voient une occasion de se tirer d'affaire. Sur le lieu de travail, un employé qui n'est pas sûr de décrocher une permission de son employeur avance des raisons de décès. Il accepte de sacrifier son père ou un proche pour bénéficier d'un congé dit de circonstance. D'autres personnes n'hésitent pas à user du mensonge (un cousin, un proche parent décédé) pour arracher un geste de solidarité (des bières au bistrot ou une petite somme d'argent destinée à consoler l'infortuné !).

    Lors d'une enquête effectuée en zone Buyenzi, on nous a rapporté l'histoire certes anecdotique, d'une personne qui est venue participer à une petite levée de deuil d'un enfant d'une famille voisine mort à huit mois. Alors, ladite personne après être accueillie et voyant qu'elle ne recevait pas de quoi manger ni boire, s'est mise à pleurer en disant : «c'était mon véritable ami, il était le plus buteur de notre équipe de football. Notre équipe vient de perdre un grand joueur ! » . Tous ceux qui se trouvaient là ont commencé à penser qu'il s'agissait d'une personne anormale, peut-être un fou. Cependant, le phénomène est devenu courant: ce ne sont pas nécessairement les

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    proches du défunt qui pleurent beaucoup mais les gens qui veulent tirer profit de la circonstance.

    Peut-on en conclure que le propre de l'homme sur cette terre est justement de faire l'expérience de la mort ? Ainsi, donc, la mort devient un fond de commerce, un moyen de profit. C'est le cas de ceux qui offrent des services funéraires. Quand il y a une personne qui vient pour acheter un cercueil et qu'elle se presse, des vendeurs n'hésitent pas de rehausser des prix en se disant que l'on ne va pas transporter son cadavre dans la main. En tenant compte de ce comportement, on peut conclure que les Burundais ont adopté de nouvelles habitudes face à la mort. Actuellement, la mort constitue une occasion de manger, de boire ou de se procurer de l'argent pour certains, en fournissant des services funéraires (voir le chap.III) pendant que d'autres pleurent véritablement leurs morts. L'homme essaie petit à petit de transcender cette dimension tragique par le rire ou la banalisation. Bien qu'on s'habitue à la mort, celle-ci nous touche au plus profond car elle crée un vide dû à une perte d'une vie d'un proche. Cependant, tout cela est humain parce que le sort de l'homme est de mourir et son attitude n'est souvent que de se résigner, se soumettre sans protestation.

    I. 3. ATTITUDES DEVANT LA MORT

    Devant la mort, les Burundais adoptent de nouveaux comportements dus à la croyance qu'ils attachent aux ancêtres, protecteurs des vivants. Mais cette croyance n'est pas restée sans connaître d'évolution. Depuis que le Burundi est pénétré par des Européens et d'autres personnes d'autres horizons, les Burundais qui avaient une seule attitude, celle léguée par nos grands-pères ont adopté plusieurs attitudes selon la religion que l'on pratique.

    D'abord, disons qu'au point de vue émotionnel, l'homme est profondément angoissé et désorienté. Cette angoisse vient du fait que l'on a l'impression de s'acheminer vers l'inconnu35, il ne connaît pas le mode d'existence outre-tombe. C'est pour cela qu'on s'attache plus farouchement à la vie terrestre; le Murundi comme d'autres peuples lutte pour la protection de sa vie et le renforcement de tous les éléments périssables dont il résulte. Les manifestations de cet esprit de pérennité sont entre autres: les pleurs, le soutien apporté à la famille du défunt (kugarukirako), les

    35. M. Mulago gwa Cikala, « La religion traditionnelle des Bantu et leur vision du monde », BCRA, Faculté de théologie

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    qualificatifs donnés à la situation dure (Rwashenye irembo quand c'est le père de famille qui meurt), on est dans les moments difficiles ..., on se prive des activités rémunératrices (kugandara), ...

    Ensuite, au niveau pratique, avec la mort il y a des comportements nouveaux. C'est la phase de deuil qui montre l'accent combien particulier entourant ce départ imprévu d'un être cher. Notons que la place que ce dernier avait au niveau social est tenue en considération. Prenons le cas du décès du roi, tout le pays était mis en deuil et toutes les activités créatrices étaient complètement arrêtées pendant un mois. Ainsi, il était interdit de s'adonner aux cultures et de forger le fer avant l'investiture du nouveau. Les hommes suspendaient leurs relations sexuelles et les taureaux étaient séparés des vaches, les bracelets étaient recouverts d'écorce, les activités habituelles devaient être modifiées. Ainsi, au lieu de baratter dans les instruments en courges (ibisabo), on utilisait des pots en argile. A la cour du roi, on ne ramassait plus la bouse des vaches. Bref, le monde était à l'envers, livré au chaos. On disait que le ciel s'était effondré (ijuru ryakorotse).36

    En outre, le défunt est habillé pour qu'il ne soit pas nu dans l'au-delà. On dépose sur sa tombe des ustensiles, des objets familiers, ou bien on y apporte de la nourriture pour que le défunt puisse se nourrir!37

    De manière générale, signalons que les attitudes changent au fur et à mesure qu'évolue l'homme.38 Avant, on observait un rituel coutumier qui est de plus en plus supplanté par un autre plus religieux dénoué de toute crainte. Ici, les enseignements religieux y jouent un grand rôle. Les chrétiens comme les musulmans recommandent des invocations, des chants devant un cadavre arguant que c'est pour lui préparer une place heureuse dans l'au-delà.

    Donc, les destinations des morts, jadis terrifiantes (enfer, lieu destiné au supplice des damnés39) entraînant par conséquent des pleurs, ne sont plus douteuses mais consolantes. La mort chrétienne est associée au baptême et à l'eucharistie. Le jour de la mort est aussi appelé "dies natalis", c'est-à-dire jour de la naissance [à la vie

    catholique, Kinshasa, 1980, p.48.

    36. E. Mworoha, Peuples et rois de l'Afrique des Lacs, Les Nouvelles Editions Africaines, Dakar, 1977, p.282 37 . M. Mulago gwa Cikala, op. cit., p.48

    38. P. Ariès, L'homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977, p.13

    39. Dictionnaire français, Ed. Françaises, Paris, 1995, p512.

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    éternelle] : c'est l'accomplissement du baptême ou le passage de la mort à la vie avec le Christ.

    En fin de compte, qu'on éprouve tel sentiment ou tel autre, face à la mort il y a une manifestation ultime du respect de la mort. Pour reprendre l'Ecclésiaste (VII, 2), mieux vaut aller à la maison de deuil que d'aller à la maison de banquet, parce que c'est la fin de tous les humains. Gardons l'aspect dogmatique de ces propos pour ne pas en commenter.

    I.4. LA MORT ET LA LEGISLATION BURUNDAISE

    Au Burundi, comme partout ailleurs, le droit se préoccupe de la mort, sous de nombreux aspects afin de préserver la dignité humaine et le droit à la vie. Ainsi, beaucoup de crimes entraînant la mort sont découragés et leurs auteurs sanctionnés par la servitude pénale à perpétuité ou la peine de mort, quoique cette dernière semble de plus en plus contestée dans le monde.

    I. 4. 1. PROBLEMATIQUE DE LA PEINE DE MORT I.4.1.1. Vue générale sur sa conception et son application

    L'article 6 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) définit strictement la peine de mort comme une condamnation résultant d'une décision de Justice rendue par un tribunal régulièrement constitué et conformément aux règles du procès équitable. Elle est prévue par le code pénal de l'Etat qui l'applique.40 Notons ici que la peine de mort ne se confond pas avec "l'exécution extrajudiciaire"41 ou l'euthanasie comme celle de l'élimination d'individus jugés indésirables, des vies sans valeur ou des faibles (handicapés physiques ou mentaux,...) ayant parfois été pratiquée sous le nom d'euthanasie ou d'une action caritative, d'une libération par la mort. Signalons que ces pratiques étaient fréquentes sous le IIIème Reich en Allemagne nazie.

    40. http://www.amnestyinternational.be/doc/article2806.html

    41. "Il ne faut pas confondre peine de mort et exécution sommaire ou extrajudiciaire. L'exécution extrajudiciaire consiste à priver arbitrairement une personne de sa vie, en l'absence de tout jugement d'un tribunal compétent, indépendant ou de tout recours. Elle est strictement interdite par le Droit International, en période de paix comme en situation de conflit. Un rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies est chargé de suivre la question des exécutions sommaires. " Réf : dictionnaire pratique du droit humanitaire de Mme F. Bouchet-Saulnier) in http://www.amnestyinternational.be/doc/article2806.html

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    En effet, la peine de mort se conçoit comme un châtiment, tandis que l'euthanasie n'implique pas une telle notion; elle était administrée pour des motifs de plus en plus légers comme des malformations diverses, incontinence, difficultés d'éducation, bouche inutile,...En guise de rappel, on estime aujourd'hui que des victimes arrivent à 275.000 dans ce "contexte hospitalier". L'ouvrage de Karl Binding intitulé«La liberté de destruction des vies indignes d'être vécues, Leipizig, 1920» a beaucoup inspiré cette pratique. Ce livre défendait la thèse selon laquelle l'élimination "des gens sans valeur "devait être légalisée. Les concepts de "vie sans valeur " ou "vie indigne d'être vécue ", utilisés par les nazis viennent de ce livre où Binding et Hoche42 y parlent "d'êtres humains sans valeur". Ils y plaident pour "l'élimination de ceux qu'on ne peut pas sauver et dont la mort est une nécessité urgente". Ils parlaient de ceux qui sont au-dessous du niveau de la bête et qui n'ont ni "la volonté de vivre ni celle de mourir". Ils évoquaient ainsi ceux qui sont "mentalement morts " et qui forment "un corps étranger à la société des hommes". Il serait inutile de revenir sur les réactions indignées de la communauté humaine face à ce dérapage naziste.

    Par ailleurs, le fait pour un policier ou toute autre personne de tuer, en état de légitime défense, un suspect ou un criminel, ne constitue pas une application de la peine de mort. Il en est de même pour les morts causées par les opérations militaires, sauf dans des cas particuliers (procès militaires).

    Ce qui est certain c'est que la peine de mort a été appliquée dans presque toutes les civilisations à travers l'histoire. De nos jours, presque toutes les démocraties, comme la France ou l'Allemagne l'ont abolie respectivement en 1981 et en 1987. Une majorité des Etats fédérés des Etats-Unis, surtout dans le Sud, ont repris cette pratique après une brève interruption dans les années 1970. Les Etats-Unis sont l'une des rares démocraties, avec le Japon et l'Inde, à continuer à l'appliquer. La peine capitale est toujours prononcée dans tous les pays non démocratiques malgré sa prohibition par des textes internationaux. Ainsi, par exemple, le protocole numéro 13 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, signé dans le cadre du Conseil de l'Europe, interdit la peine de mort en toute circonstance. Ce protocole n'a pas été signé par trois pays à savoir l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Russie.

    42. Hoche Alfred était le professeur de Psychiatrie et directeur de la Clinique psychiatrique de Freiburg de 1902 à 1934. Il a apporté une contribution valable à la Neuropsychiatrie.

    18

    I. 4. 1. 2. Le Burundi face à la peine de mort

    D'une manière générale, l'Etat burundais préconise la peine de mort pour décourager et sanctionner des crimes de sang, qui emportent des vies humaines. « Ainsi, la peine de mort serait l'autodéfense sociale à la sanction proposée pour satisfaire les ayants droits de la victime du condamné. »43

    Signalons qu'actuellement, le Burundi fait partie de 83 pays et territoires dont la législation prévoit la peine de mort pour des crimes de droit commun et qui procèdent à des exécutions. Le décret-loi n°1/55 du 19 août 1980 a institué une

    juridiction spécialisée appelée Chambre criminelle (Sentare rubamba) au nombre de trois, aujourd'hui (Bujumbura, Gitega et Ngozi). Sa spécialité s'analysait aux faits graves qu'elle était portée à juger.

    Quels sont ces crimes qui méritent la peine de mort au Burundi? Les crimes sanctionnés par la peine de mort comme le prévoit le Code pénal burundais dans ses dispositions sont:

    1°) L'homicide (art.141). Par l'homicide, il faut englober le meurtre, qui est puni de servitude pénale à perpétuité ou à la peine de mort(art.142), le parricide (meurtre des père, mère ou autres ascendants légitimes ainsi que le meurtre des père et mère naturels) et l'assassinat (meurtre commis avec préméditation) (art.143-142) ;

    2°) L'empoisonnement (art.151) défini comme un crime constitué par tout attentat à la vie d'une personne par administration de substances toxiques qui peuvent donner la mort.

    3°) L'anthropophagie : Même si elle d'un être mort, la chaire humaine est si scrupuleusement sacrée que "quiconque aura provoqué ou préparé des actes d'anthropophagie, y aura participé, ou aura été trouvé en possession de chaire humaine destinée à des actes d'anthropophagie" est puni de mort (art.165).

    4°) Des épreuves superstitieuses causant la mort (art.159) ;

    5°) Des tortures qui ont causé la mort (article 171) ;

    6°) L'infraction de vol qualifié commis avec violences causant une infirmité permanente occasionnée par l'usage d'une arme (article 187) ;

    7°) De l'infraction de meurtre commis pour faciliter le vol ou l'extorsion ou pour en assurer l'impunité (article 190) ;

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    8°) L'enlèvement suivi de la mort du mineur (art.359, alinéa 4) ;

    9°) Le viol ou l'attentat à la pudeur ayant causé la mort de la personne sur laquelle il a été commis (art. 386).

    10°) De l'infraction d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat, la trahison et l'espionnage, certaines atteintes à la sûreté de l'Etat comme des attentats et complots contre le Chef de l'Etat, des attentats tendant à porter le massacre, dévastation, pillage et participation aux bandes armées.44

    Ainsi, les personnes dont la culpabilité est établie suivant les infractions précitées sont théoriquement punies de mort et l'exécution devrait être par pendaison pour des civils et par des armes pour des militaires. Même si la Chambre criminelle instituée en 1980 a régulièrement prononcé ce jugement, les condamnés à mort n'étaient pas exécutés directement. Le coupable disposait de huit jours de pourvoi en cassation.

    Statistiquement, selon l'Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues, APRODH en sigle, depuis 1962 à octobre 2004, il y a, jusque là, huit cas d'exécutions.45 Signalons que les huit cas concernent des dossiers dans lesquels des prévenus sont coaccusés.

    On peut retenir ici l'exemple de l'assassinat du prince Louis Rwagasore. Ainsi, Kajorgis est pendu à Gitega, le 30 juin 1962, suivi de ses complices, à savoir Birori Joseph, Ntidendereza Jean-Baptiste, Nahimana Antoine et Iatrou Michel, pendus le 15 janvier 1963.

    En décembre 1965, trois militaires accusés de rébellion ont été exécutés par passation aux armes au stade prince Louis Rwagasore. En 1966, trois personnes civiles (Bamina Joseph, Nzobaza Mathias et Benyaguje Emile) accusées d'être de mèche avec ces militaires ont été exécutées par les armes, dans la prison de Muramvya. En 1969, l'on signale un cas de certains militaires des camps Ngozi et Gitega, auteurs du coup d'état avorté à la rivière Nkaka qui ont été exécutés publiquement, à Bujumbura, par passation aux armes. En 1972, d'autres condamnés à mort dans toutes les prisons du pays ont été exécutés à coups de marteau ou de

    43. APRODH, op. cit., p.2

    44. Code pénal, articles de 393 à 397 ; 417, 419 et 421.

    45. APRODH, op.cit., p.5

    20

    baïonnettes. Le Conseil de guerre s'est mis à rassembler leurs mandats d'arrêt et procès verbaux d'arrestations auprès des procureurs et officiers de police judiciaire et enfin à exécuter les personnes cibles.46

    En 1982 et 1983, des auteurs (civils) d'anthropophagie ( Nangayivuza qui signifie une harpe qui se joue) et des voleurs qualifiés (Gatarina, un nom tiré de la méthode utilisée pour défoncer les portes à l'aide d'un gros caillou balancé contre celles-ci) ont été exécutés à Musaga (Bujumbura) et à Karuzi. En 1997, six auteurs de massacres et pillages de 1993 à Kibimba et Gitega, dont un condamné du chef d'assassinat d'une femme douanière à Bwiza ont été exécutés. En 2001, trois militaires ont été passés aux armes, un à Nyanza-Lac et deux autres à Gitega, après un verdict tombé au Conseil de guerre. Notons que d'autres condamnations à mort ne cessent d'être prononcées et seules les exécutions restent tardives.

    En guise d'illustration, des Chambres criminelles ont prononcé 648 peines de mort, de 1996 à 2004 47 réparties dans le tableau comme suit :

    Tableau n°1: Répartition des condamnés à mort par les chambres criminelles

    Année

    1996

    1997

    1998

    1999

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    Peine de mort

    179

    71

    47

    97

    99

    61

    53

    28

    13

    Toutes ces personnes attendent dans le couloir de la mort avec l'espoir qu'ils vont bénéficier de la grâce présidentielle. Signalons à toute fin utile que l'actuel président de la République, Pierre Nkurunziza alors au maquis figure parmi ces condamnés. Il avait été accusé avec six autres personnes (Léonidas Hatungimana alias Muporo, Ismail Hussein, Jamal Nsabimana, Bosco Nyandwi, Hamadi Haruna et Nsanzurwimo Swedi) d'« attentats et complots tendant à porter le massacre, la dévastation ou le pillage » lors des faits qui se sont déroulés à Nyambuye, en commune Isare, à Bujumbura rural. Son dossier portait le numéro RPCC 803.48

    "Sa victoire d'être encore en vie alors qu'il avait été condamné à mort", pour reprendre sa phrase prononcée lors de son interview avec la rédaction de kirimba,49 le poussa à

    46. Ibid.

    47. OHCDHB, Note de présentation du séminaire national de réflexion sur le thème: « L'assistance judiciaire comme moyen de réalisation des Droits de l'homme, bilan des réalisations et perspectives d'avenir », Bujumbura, mars 2005.

    48. http://www.netpress.bi/ts/301002.htm

    49. C'est un privilège et une victoire d'être encore en vie voir le site http://www.burundi-info.com/article.php3?id_article=72

    21

    décréter une immunité provisoire des prisonniers politiques, en date du 3 janvier 2006 sous le numéro100/02.

    Cette mesure est suivie d'une autre d'application, l'ordonnance ministérielle n°550/18 du 9 janvier 2006 libérant 673 prisonniers dits « prisonniers politiques » après avoir été identifiés par une Commission créée par le décret n°100/92 du 7 novembre 2005.

    Notons qu'il s'agit d'une mesure qui suscita beaucoup de réactions au niveau de la classe politique et de la société civile d'autant plus que des divergences d'interprétation subsistaient au niveau de la notion de prisonnier politique. Pour la comprendre, revenons sur la définition donnée par Nelson Mandela, en visite au Burundi, du 21 au 14 juin 2000 :

    « Toute personne qui aurait commis un crime de sang au nom d'une idéologie ou d'un parti politique est un prisonnier politique (...).».

    La société civile représentée par la ligue Iteka a même écrit une lettre au président de la République au mois de janvier 2006 pour exprimer ses inquiétudes et préoccupations sur l'élargissement provisoire des « prisonniers politiques » détenus dans les prisons du Burundi. Mais cela n'a pas empêché au président de relâcher des détenus condamnés à mort ou à perpétuité pour crimes de sang et autres violations graves des droits humains.

    Avant de clôturer le sujet en rapport avec la peine de mort, voyons en peu de mots ses méthodes d'exécution.

    Dans notre pays, les méthodes d'exécution étaient aussi bien multiples que cruelles. Les exemples suivants sont donnés à titre illustratif : 50

    1°) Le massacre : considéré comme le plus humain aux yeux de tous, il consistait en la suppression rapide de la victime à coup de bâton, de glaive ou de serpe. On brisait la tête, on coupait la gorge, ou l'on transperçait le coeur du supplicié.

    2°) La section des mains et des pieds: C'était le mode d'exécution le plus courant. On touchait mains et pieds et on abandonnait la victime palpitante à son triste sort. Le

    50 . L. Nsabimana, La peine de mort en droit pénal, Faculté de droit, U.B, Bujumbura, 1983, p.88

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    supplicié mourait d'hémorragie et il était dévoré par les carnassiers. Ce mode était réservé au criminel, brigands et gens de condition moyenne.

    3°) Le dépeçage : La victime était étroitement ligotée, dépecée, puis donnée à manger aux chiens. Ce mode de suppression était surtout usité lorsqu'il s'agissait pour le roi ou pour le chef puissant d'exercer la vengeance.

    4°) Le pal : Un bout de bois était enfoncé dans l'anus du coupable jusqu'à ressortir par la poitrine, ce qui débouchait à sa mort. Les Burundais le qualifiaient de « châtiment exemplaire car la victime restait exposée jusqu'à l'effritement du squelette que les rapaces et les carnassiers s'étaient chargés de mettre à mal ».51

    5°) La crucifixion : On clouait le coupable à même le sol comme une vulgaire peau de vache, en lui transperçant mains et pieds au moyen de piquets aérés; on lui clouait un dernier pieu au milieu du ventre (...)

    Les corps des suppliciés n'avaient pas droit à la sépulture et chacun se gardait soigneusement de s'en approcher.52 Ces méthodes étaient anciennement pratiquées et aujourd'hui, celles qui sont utilisées sont la fusillade par un peloton d'exécution (rare, excepté pour des crimes militaires ou contre la sûreté de l'Etat, tels que la trahison ou en temps de guerre) et la pendaison.

    Enfin, disons que les modes d'exécution de la peine de mort sont nombreux et ils ont évolué au rythme des changements qu'a connus la société.

    I.4.2. « Mourir autrement au Burundi »

    Dans la société traditionnelle burundaise la sorcellerie, les empoisonnements, la maladie, les crimes familiaux ou les guerres claniques ont été à l'origine de nombreux décès. Cependant, avant de traiter chacun des points cités, il est nécessaire de préciser que les Burundais distinguaient mal la mort par la maladie ou par la sorcellerie. Cette dernière semblait primer sur d'autres formes de cause de décès.

    1°) La sorcellerie: Pour Cosmas Haule, c'est un pouvoir mystérieux inné qui, mal employé, portera préjudice aux autres, ou même leur causera la mort. D'autre part, il existe une catégorie renfermant les malfaiteurs délibérés et conscients qui essaient de

    51. L. Nsabimana, op. cit, p.32 52 . Ibid.

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    faire du tort à leurs ennemis ou à ceux de leurs clients. Ils ne reculeront devant aucun moyen pour réaliser leurs cruels desseins. La sorcellerie dans ce cas, est une technique apprise, un art, voire un métier qui peut assurer aux magiciens - Barozi une heureuse existence. Dans l'exercice de leur mort, les Barozi savent exploiter avec habileté l'ignorance et la naïveté du peuple qui leur reconnaît les forces invisibles. Tel est donc le Murozi, le magicien dont on soupçonnait l'action à chaque événement malheureux. 53 La puissance du Murozi ne peut se comprendre que si l'on connaît son statut social. Le climat de tension dans lequel vivait le murundi à cause des événements malheureux auxquels il était affronté à tout instant n'est pas sans effet. Pour le murundi, la force du murozi lui était donnée d'en haut ou acquise; elle était en grande partie renforcée par des croyances que le murundi se faisait, dans son innocence scientifique, sur la complexité des phénomènes de la nature.54 Pour le Murundi ancien, une grande partie des malheurs, notamment la mort, étaient dûs aux barozi - envoûteurs qui étaient même responsables des victimes tuées par la maladie (étant donné que pour le murundi, une simple maladie ne pouvait pas emporter une vie humaine).

    A l'action des envoûteurs s'ajoutent les mauvais présages signes qui, lorsqu'ils se produisent, annoncent l'imminence d'un événement malheureux. Parmi les signes précurseurs, on retient: un hibou qui vient chanter au-dessus de l'enclos pendant la nuit, un chien qui grimpe sur une hutte, une poule qui chante...Il est communément admis que le malheur auguré ainsi doit se produire, à moins qu'il ne soit déjoué, ce que seuls les bapfumu peuvent faire. Cette situation d'inquiétude dans laquelle le murundi était continuellement plongé créait en lui les sentiments de méfiance. Tout homme était susceptible d'empoisonner, de causer donc la mort ou quelque autre malheur. Dès lors, on comprend pourquoi il y avait une propension à la méfiance ou au soupçon envers n'importe qui sur base d'indices insignifiants.55 Partant, précisons que les substances utilisées étaient connues sous le nom de burozi est, selon Hilaire Ntahomvukiye dans son article: « Le phénomène du burozi », paru dans la revue Que vous ensemble? n° 22-23, 1975, d'un double aspect, à savoir le burozi-poison et le burozi-ensorcellement, autrement dit empoisonnement et envoûtement. En d'autres termes, on pourrait parler d'uburozi par contact et d'uburozi à distance.

    53. A.Vyumvuhore, « Efficacité de la magie noire au Burundi », Q.V.E.S? n° 22-23, 1975, p29.

    54. Ibid.

    55. A.Vyumvuhore, « La conception du monde au Burundi », Q.V.E.S? n°22-23, 1975, pp.24-25.

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    Le burozi par contact, l'empoisonnement donc, ne nécessite pas d'amples explications. Tout le monde sait que le poison existe dans les éléments de la nature, et que l'homme a su s'en accaparer, tant pour le bien (les découvertes pharmaceutiques au service de la médecine) que pour la destruction de l'humanité (...) Le burozi ne peut s'entendre que comme magie noire au Burundi, l'utilisation d'une force occulte impersonnelle, mystérieusement dangereuse et comportant des rites magiques divinatoires aversifs.56

    Avec du burozi, on pouvait provoquer chez une personne « la stérilité, la maladie, la folie, l'appauvrissement, inspirer la haine, empêcher l'amour, déchaîner une passion criminelle, tuer sans laisser de traces, etc. »57

    Notons en passant que le murundi ne craignait pas seulement le murozi, il avait aussi peur à la maladie causée entre autres par des activités malveillantes des esprits des ancêtres défunts.

    2°) Les trépassés malfaisants: Le murundi croyait aussi en l'activité malveillante d'un grand nombre de mizimu (esprits des ancêtres défunts). Ces derniers sont généralement bienveillants et protecteurs. Quelquefois, ils font sentir leur présence en causant toutes sortes d'ennuis (des maladies par exemple) aux vivants de leurs familles. S'ils font mal, ce n'est pas qu'ils soient mûs par la méchanceté, mais c'est pour signaler leur présence aux survivants afin que ceux-ci ne les oublient pas et satisfassent aux divers besoins de leur existence d'outre-mort.58 A en croire Vyumvuhore Avit, la croyance en ces esprits est tellement forte qu'à chaque événement malheureux, on se précipitait chez le mupfumu, « le sorcier-devin »59 afin qu'il indiquât le moyen de l'apaiser.

    Ainsi, disons que la croyance à l'existence des morts causés par les empoisonnements, la maladie et les trépassés malfaisants n'allait pas sans susciter des inimitiés entre des familles ou des clans si bien que des familles entières étaient décimées lors des crimes familiaux ou guerres claniques au nom de la vengeance dans l'ultime objet de retrouver l'honneur.

    3°) Les crimes familiaux ou guerres claniques: durant la période précoloniale, l'esprit belliqueux caractérisait les Burundais qui n'hésitaient pas à se massacrer s'il advint un

    56. H. Ntahomvukiye, « Le phénomène du burozi », Q.V.E.S?n°22-23, 1975, p2

    57. Ibid.

    58. Ibid.

    59. Selon Hilaire Ntahomvukiye, il ne faut pas confondre le mupfumu ou le sorcier devin avec le jeteur de mauvais sort, l'ensorceleur, le maléficier, l'ennemi, le haïssable personnage dont il faut éviter des relations (umwansi). Le premier renseigne, explique, donne des remèdes, bénit, console, le bienfaiteur, le muvyeyi.

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    conflit entre eux. « La vengeance était surtout attestée pour le cas de guerres inter claniques qui étaient dues à des rivalités autour des possessions ».60Quand il y a un meurtre, « la victime, de même son entourage, considèrent comme un déshonneur familial une mort physique, sociale ou morale, qui n'est pas vengée ».61 C'est la victime qui, la première, est invitée à se venger de l'offense qui est faite à lui et à toute la famille; en second lieu, c'est n'importe quel membre de la famille parentale, mais les plus concernés sont ses enfants, ses frères et ses parents. Les femmes peuvent aussi venger les membres de leur famille parentale, mais c'est dans des cas extrêmes où il n'y a pas de garçons dans la famille ou sont encore très jeunes pour accomplir leur devoir, car en fait la vengeance apparaît (...) comme une obligation que la famille doit remplir. Elle consiste dans le fait de rendre le mal pour le mal (...). L'objet de coups ou de blessures, peut à son tour, et le cas échéant, avec l'aide des siens, rendre à l'agresseur les coups ou les blessures qu'il a reçus. Précisons que dans tous les cas, la discrétion est nécessaire pour la réussite de la vengeance. Ainsi donc, si on en croit Zénon Manirakira (dans l'ouvrage ci-haut cité), les femmes et les enfants n'avaient pas le droit de participer aux réunions préparant la vengeance. En fait, les femmes ne gardent pas les secrets, c'est du moins ce que la tradition atteste. La peur de l'esprit du défunt poussait une personne à se venger et si elle y manquait, son esprit les attaquait, leur transmettait les "maladies des ancêtres", et ils pouvaient en mourir.62

    Cette vengeance s'exerce soit sur le criminel lui-même, soit sur un membre de sa famille qui a un rôle important. Parfois, toute la famille du membre du criminel est l'objet d'une extermination de la part de la famille vengeresse, ceci pour éviter une vengeance à rebours. Mais aussi, le degré de vengeance est en corrélation avec le degré de haine.

    A côté d'une vengeance par la victime ou par les proches, il y avait le châtiment céleste. La sagesse traditionnelle veut que même en cas d'extinction d'une famille, le mal ne reste pas impuni. Dieu intervient pour punir le coupable, soit en le faisant mourir, soit en le rendant infirme, soit en lui infligeant une autre punition, proportionnelle à la faute qu'il a commise. Ainsi, l'irrespect de la tradition, telle la profanation des tombeaux des défunts, la négligence du culte dédié à Kiranga, et aux « mizimu », la désobéissance à ses parents, l'abandon de ces derniers dans des moments durs tels que la maladie ou la vieillesse, tout cela était sanctionné par un

    60. Z. Manirakiza, Guerre et paix dans le Bureundi traditionnel. Une étude anthropologique et sémiotique de la poésie guerrière. D'après une enquête menée en commune Mpinga-Kayove, Bujumbura, U.B, 1991, p.42

    61. E. Ntamahungiro, Le thème de la vengeance à travers les contes rundi, L.L.A, U.B, Bujumbura, 1980, p.117

    62. E., Ntamahungiro, op.cit , p.158.

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    châtiment divin.63 Vraisemblablement, Dieu favorise la vengeance dans le but de faire régner la justice et de combattre les mauvais penchants, ou si l'on veut, le mal qui règne sur terre.

    Par contre, toute vengeance n'aboutit pas à la mort. Quand un malfaiteur était puissant par exemple et qu'on est incapable de le tuer, en le médisant on lui enlevait ainsi sa dignité, ce qui était déjà une façon de se venger.64 En outre, cette vengeance consistait à mettre quelqu'un au ban de la société, soit à cause d'un comportement antisocial, soit à cause d'un déshonneur quelconque. Aussi, un individu accusé d'être un envoûteur public « umurozi », un empoisonneur, « uwutanga ishano », un voleur, même si l'accusation était fausse, quand tous les témoignages étaient concordants, il était mis en quarantaine, mais d'une façon non officielle. On ne l'invitait plus lors des festivités, on ne faisait même plus appel à ses services, on laissait les vaches brouter dans ses champs, bref, on inhibait tous les rapports sociaux qu'on devait entretenir avec lui.65 Le chef de cette famille se considérait comme socialement mort. Il cherchait par tous les moyens à discréditer les auteurs de son malheur, et à l'extrême, cela pouvait conduire à une rixe ou à un meurtre entre les membres des deux familles ennemies. Mais la mort sociale n'avait pas toujours pour point de départ le mensonge et la médisance. D'après la même source, une femme stérile par exemple, ou même toute vieille femme sans enfants était automatiquement considérée comme une empoisonneuse, désireuse de se venger du sort en tuant tous les enfants qui lui tomberaient sous la main. Ces malheureuses femmes étaient fuies par les mères et les enfants, comme si elles incarnaient véritablement la mort physique.66

    Quelle était alors l'attitude des autorités administratives face à cet acte macabre? A partir de 1921, les Belges ont pris des mesures pour freiner les guerres intestines. La loi du 2 mars 1921 interdisait déjà aux indigènes de « porter des lances, des javelots, des javelines ou des piquets empoisonnés »67. Les années suivantes, beaucoup d'autres mesures ont été prises. C'est le cas de la loi qui interdisait la mutilation des cadavres.68 Tout mort devrait être inhumé suivant les rites en vigueur.

    63 .E. Ntamahungiro, op.cit, p.118

    64 E. Ntamahungiro, op.cit., p.122 65. E. Ntamahungiro op.cit., p.188 66.Ibid.

    67. R. Bellon et P. Delafosse, Codes et lois du Burundi, Ferd. Larcier, Bruxelles, 1970, p.572

    68. R. Bellon et P. Delafosse, op.cit., p.175

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    I. 5. Les rites de funérailles

    Un rite funéraire par définition, est un ensemble de cérémonies et gestes particuliers prescrits par une religion69 ou par une croyance. Toute civilisation pratique des rites, c'est la nécessité absolue de tout être humain pour vaincre ses peurs et justifier son existence. L'homme a toujours été mis en terre et protégé de toute dégradation charnelle. Les premières inhumations datent de 100 000 avant J.C et les premiers cimetières retrouvés se situent à 10 000 avant J.C. Le rite funéraire a pour but d'honorer le mort; le cérémonial marque le franchissement d'un nouveau seuil, dit-on. Chaque religion, chaque culture a ses rites. Aujourd'hui, les rites semblent évoluer et être appropriés par la famille.70

    Au Burundi, comme partout en Afrique, la fin de l'homme est un événement difficile à comprendre. La mort qui est un fait très naturel pour l'homme moderne devient un phénomène complexe pour l'Africain de la société traditionnelle. Les attitudes qu'il adopte lors d'un décès sont très variées et complexes en fonction des rites dans lesquels ils baignent.71 Ainsi, certaines familles pratiquent des rites traditionnels, d'autres des rites religieux (musulman, catholique ou protestant). Rappelons que le 2 novembre est une journée du souvenir de tous les défunts. Cette journée en mémoire des morts remonte en 998, quand saint Odilon, abbé de Cluny, demande à tous les monastères dépendant de son abbaye de célébrer un office le lendemain de la Toussaint (le premier novembre) pour « la mémoire de tous ceux qui reposent dans le Christ ».72 Cet usage s'est répandu à toute l'Eglise catholique et y demeure aujourd'hui.

    I. 5. 1. Les rites musulmans

    Dans l'islam comme dans les autres religions monothéistes, le croyant est placé dans la dimension de l'éternité, la vie sur terre n'étant qu'un passage vers l'au-delà. La mort n'effrayant pas, elle est justement considérée comme une étape obligée avant la vie éternelle.

    69. http://www.advitam.fr/advitam_vref-193.MD-ivdoc.html

    70. Ibid.

    71. M. Mujawaha, Le rituel à travers quelques romans négro-africains et d'expression française, FLSH, LLF, U.B, Bujumbura, 1971, p.70

    72 . http://www.croire.com/article/index.jsp?docId=21317&rubId=214

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    Selon Sheh Yusufu que nous avons approché lors de notre enquête en commune urbaine de Buyenzi, au décès, le corps du défunt est orienté vers la Mecque. Ses proches récitent la profession de foi, la "chahada" ainsi que la sourate "Yassin". La famille et les proches annoncent le décès à la communauté et elle va pouvoir recevoir des condoléances durant ces moments durs.73

    Avant la cérémonie religieuse à la mosquée et la mise en terre, la toilette mortuaire est l'un des éléments les plus importants du rite.

    Après le décès d'une femme, c'est une autre femme qui exécutera la toilette. De même quand un homme meurt, il sera lavé par une personne du même sexe. Seules exceptions, le mari peut laver sa femme et une mère peut laver son fils jusqu' à l'âge de 6 ans.

    Un récipient d'eau chaude mélangée avec de l'henné sera utilisé. Ce premier acte est préalable à une seconde toilette plus complète, et présentera un "corps définitivement pur ". On utilise parfois de l'eau à laquelle on ajoute des huiles essentielles. Les organes génitaux sont couverts. L'imam (ministre ou dignitaire religieux musulman) vient alors pour la deuxième toilette, occasion pour réciter la "chahada"( « attestation » ou « témoignage de foi », en arabe). 74

    A l'oreille droite, il prononce ces mots : "il n'y a de Dieu que Dieu" tandis qu'à l'oreille gauche, il prononce: «Mohamed prophète de Dieu".

    Les jeunes filles sont maquillées et les cheveux des femmes sont tressés. Le corps est alors recouvert par un linceul de coton blanc parfois encensé trois fois. Le coton ou le lin sont utilisés pour l'homme et la soie l'est parfois pour la femme. Le linceul parfumé de girofle est enroulé de haut en bas en commençant par le côté droit du corps. Quatre bandelettes sont découpées et sont placées aux chevilles, aux genoux, à la poitrine et enfin au-dessus de la tête. Le corps est à nouveau encensé avant d'être enveloppé dans un drap blanc et posé dans le cercueil du côté droit. A cet effet, des coussins sont installés dans le cercueil et le corps "regarde" vers la Mecque.

    Dès lors, la prière d' "eljanaza" (elle vient après celle de la confession de foi ou la chahada et qui se termine par la formule: "la paix et la clémence de Dieu soient sur vous") peut débuter. Elle est dite dans tout lieu où l'on peut prier, par exemple à la mosquée,... Le cercueil est posé sur un axe nord-sud et non est-ouest comme pour la

    73. Enquête orale effectuée à Buyenzi auprès de Sheh YUSUFU, octobre 2005.

    74. http://fr.wikipedia.org/wiki/Chahada

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    toilette. L'imam se place devant le cercueil et l'assistance pour entourer la prière normalement faite debout et sans prosternation.

    L'imam peut dès lors commencer par le "takbir" ("Dieu est le plus grand") suivi de la récitation de la "fatiha" avant un deuxième "takbir", clôturé par une sourate du Coran. A nouveau reprennent le " takbir " et des invocations pour le défunt.

    Le corps est facilement acheminé vers sa dernière demeure et l'inhumation se fait en présence de la famille et de l'entourage masculin du défunt (ou de la défunte). En général, le corps est inhumé le même jour du décès.

    Après l'inhumation, un repas est servi en début de soirée, où des passages du Coran sont psalmodiés et des invocations dites. En cas de décès d'un père de famille, la veuve observe un deuil de quatre mois et dix jours. Pendant cette période, elle reste enfermée dans sa maison balayée de tous les biens ménagers dès l'annonce du décès de son mari. Elle portera une longue robe noire de la tête aux pieds.75 Encore une fois, les rites funéraires diffèrent d'une société à une autre ou tout simplement elles sont tributaires des pratiques religieuses de chaque communauté.

    I.5. 2. Les rites funéraires chez les protestants

    Chez les protestants, deux cérémonies très courtes sont observées : une pour la levée du corps du défunt et une autre pour le cimetière. La cérémonie la plus longue a lieu au temple. Le cérémonial lié à l'enterrement, peut être présidé par un fidèle à l'Eglise. La levée de corps se fait dans l'intimité, suivie d'une inhumation. Lorsque l'on transporte le cadavre dans sa dernière demeure, des chants des cantiques l'accompagnent jusqu'au site funéraire. Il n'y a pas de sacrement des malades ou des mourants (extrême onction) mais un accompagnement de la communauté (visiteurs, pasteurs), une préparation au départ.

    Les protestants ne prient pas pour les morts qui, se trouvant entre les mains de Dieu, n'auraient pas besoin de prière. Le rituel de l'inhumation est sobre, dépourvu de fleurs, et le dernier geste d'adieu consiste à jeter une poignée de terre ou de sable sur le cercueil. Une simple croix de bois indiquera l'emplacement de la sépulture.76 Qu'en est-il de l'Eglise catholique?

    75. Enquête orale effectuée à Buyenzi auprès du Sheh YUSUFU, octobre 2005.

    76. Enquête orale effectuée à l'Eglise vivante de JABE auprès du pasteur Edmond Kivuye, juillet 2005.

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    I.5.3. Les rites catholiques

    Selon Butoyi Paul, un diacre que nous avons interrogé, lors d'une enquête effectuée à la paroisse Mubimbi, la célébration religieuse vise avant tout à honorer le défunt. L'Eglise donne un sens à cet événement : la mort est un élément de plus en plus présent dans notre société. Ainsi, la cérémonie des funérailles va exprimer la dignité de l'homme au moment de sa mort. Après constatation du décès, la famille va rencontrer un représentant paroissial, en l'occurrence un prêtre, pour préparer la cérémonie. La pratique est surtout observée en Occident. On profite de l'occasion pour parler de la personnalité du défunt, définir ensemble le sens que l'on souhaite donner à la cérémonie, choisir les lectures appropriées à l'événement et enfin formuler les intentions de prière pour la prière universelle. Les deux parties s'entendent également sur la musique et les chants adaptés à la circonstance. La question de la participation des proches et éventuellement un témoignage sur le défunt n'échappe pas généralement à l'échange.

    A l'église, le cercueil précède la famille qui se place au premier rang devant l'autel, suivie des amis et connaissances du disparu. Selon les cas, le cercueil peut être déjà présent ou alors, les maîtres de cérémonie le feront entrer dans le choeur de l'église. C'est après son installation que la famille et l'assistance pourront s'asseoir. La décision de disposer les fleurs sur et autour du défunt, ou de les laisser à l'extérieur appartient au prêtre. On peut retenir que la cérémonie religieuse suit quatre étapes :

    - L'accueil et le rite de la lumière : c'est le fait de prendre la flamme du cierge pascal pour allumer les cierges qui entourent le cercueil pour signifier que la lumière du Christ ressuscité est source d'espérance;

    - Le temps de parole : le prêtre lit alors un texte de l'ancien testament ou des apôtres, chante un psaume et termine cette étape par la lecture de l'évangile et de l'homélie;

    - Le moment de la prière au cours duquel la prière universelle et le " Notre père " sont dits. Eventuellement, la prière eucharistique peut avoir lieu si la famille le demande et si un membre de l'assistance souhaite communier;

    - Le temps de l'adieu consacré aux chants pour le dernier adieu, à l'encensement (signe de respect pour le défunt symbolisant une prière qui monte devant Dieu) et à l'aspersion de l'eau bénite. A l'issue de la cérémonie, la famille bénira à son tour le défunt avec un goupillon placé au pied du cercueil.

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    L'assistance (généralement la famille proche) sera invitée par l'ordonnateur à bénir le cercueil et à s'incliner devant le passage du défunt. La famille et l'assistance quittent l'église, le corps est levé et le cortège se dirige vers le cimetière. Le cercueil est ensuite mis dans la sépulture, un dernier adieu est adressé par le jet des fleurs (en milieu urbain) ou par des miettes de terre (en milieu rural), avant la fermeture de la sépulture par un dépôt de terres. Pendant l'inhumation, des chants soulageant les proches du disparu et mettant en défaite la mort accompagnent cette célébration. Ainsi, donc, les chrétiens voient la mort comme le début d'une vie éternelle; c'est le "dies natalis" ou jour de la naissance pour la vie éternelle.

    Ces rites qui, comme on se rend compte, concernent particulièrement le monde urbain diffèrent en quelque sorte des pratiques funéraires rurales qui s'inspirent plutôt de la tradition et se montrent tout simplement neutres.

    I.5.4. Les rites traditionnels

    Les rites funéraires traditionnels s'observent à travers les funérailles et les pratiques de deuil.

    Au Burundi, des funérailles variaient selon qu'il s'agissait d'un décès d'un père ou d'une mère, des adultes morts sans avoir eu d'enfants, des enfants et enfin selon des circonstances de la mort.

    Pour un père ou une mère de famille, les funérailles étaient organisées avec attention de peur qu'ils ne se vengent contre les survivants. Amate y'umuvyeyi ntakirwa: on ne se remet jamais de la malédiction des parents.77 Cependant, la vengeance des parents au manque d'égards de leurs enfants ne s'exercerait en fait que sur leurs petits enfants. D'où cet adage rundi:

    "Umuntu ntahahazwa na se ahahazwa na sekuru".

    Pour dire qu'un homme n'est asservi que par son grand-père. C'est ce qui motive le rite spécial des funérailles, l'union et le respect indéfectible même après le mort.

    77 . E. Ndigiriye, « Les funérailles chez les Barundi », Au coeur de l'Afrique, Bujumbura, 1969, p.260

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    I.5.4.1. Les funérailles d'un chef de famille

    Si on en croit Emile Ndigiriye, aussitôt que le moribond expire, toute la famille père ou mère et les enfants s'assemblent autour du mort pour les funérailles qui se déroulent traditionnellement selon les étapes suivantes:

    1°) Kuraba amavuta umupfu: faire des onctions au mort.

    La première onction est faite sur le front, la deuxième sur les yeux fermés, la troisième à la poitrine, la quatrième sur les paumes des mains et la cinquième sur le dessus des pieds. Le beurre des onctions doit être blanc sans mélange de parfum ou autre. La formule qui accompagne chaque onction est, pour la mère de famille: « Urerera urugo n'abana, uranyerera » (sois pour la famille, les enfants et moi-même la cause de bénédiction et de prospérité. Chaque enfant accompagnera son onction de ce simple mot uranyerera (sois pour moi un sujet de bénédiction).

    2°) Kuraba ivyeru umupfu : cette cérémonie consiste à appliquer sur le front et les mains du mort la farine du sorgho, une plante culturellement chargée, au moyen de la pierre à moudre (ingasyiro) chargée d'un peu de farine de sorgho.

    Les deux précédents actes (aux numéros 1° et 2°) ont la même signification. La première est l'expression de la piété filiale (l'hommage aux parents défunts). La deuxième signification est de concilier les bénédictions du défunt. Cela ressort de la formule employée « uranyerera » (que tu me portes bonheur).

    3°) Kumwa : après cela on rasait le mort pour ne pas l'enterrer avec les cheveux, et pour le rendre convenable dans l'assemblée des Bazimu (les esprits).

    4°)Gukûra ku gahanga: si c'est une femme enceinte, on procède à une opération: la mère et l'enfant seront enterrés séparément.

    5°) Gutanga ibimazi : on donne ou plutôt on revêt le défunt de ses objets religieux, amulettes ( amasimbi), etc.

    6°)Gutekera: on attache solidement les membres inférieurs au cou et on lie les jambes ensemble. Cette façon est importée des autres cultures des pays voisins comme le Congo et a remplacé le gukonya (plier) où le mort était plié sur lui-même pour être enterré dans un tombeau cylindrique. C'était disait-on, empêcher son esprit (muzimu) d'avoir des idées de divagation. Ne pas avoir quelqu'un pour vous rendre ce dernier service, c'est être délaissé de tous. On comprend dès lors le sens de l'insulte: « uragatabwa indamvu ».

    Selon cette pratique, on enveloppe le cadavre entièrement ou au moins on enveloppe la tête et les pieds dans une étoffe de ficus non encore apprêtée pour être portée

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    (amacana). Le mort est ensuite mis dans une natte faite à base d'une herbe de marais dont la première fabrication est attribuée à Biti, premier roi et sauveur du Burundi.78 Envelopper le cadavre dans une étoffe de ficus, c'est le recommander une dernière fois à Dieu (Imana). C'est un autre berceau mais cette fois-ci à sa disparition.

    7°) Guhamba (enterrement) comprenait les étapes suivantes:

    a)Gusohora umupfu: sortir le mort de la chambre. On le sort les pieds en avant, pour lui laisser l'impression qu'il reste toujours dans la maison.

    b) La tombe a la forme rectangulaire et verticale: On y étend un peu d'herbe fine « umuryange ». Le travail de la mise en terre est fait par la famille, à l'exception d'un membre d'un ménage dont la femme est enceinte. Le défunt est couché dans sa tombe sur le côté droit si c'est un homme en signe de négation de faire l'acte conjugal (kuryamira ukuboko kw'abagabo); sur le côté gauche si c'est une femme (en signe de négation de faire l'acte conjugal).

    c) Après avoir mis le mort en terre, on se lave les mains sur la tombe avec de l'eau en utilisant certaines herbes ou plantes spéciales pour ne pas emporter avec soi la mort dont on se croit contaminé au contact du défunt.

    d) On verse sur la tombe le lait qu'on avait donné au défunt avant sa mort et qu'il n'avait pas bu entièrement. Le reste de ce lait doit être bu en ce moment par ses enfants. C'est pour que le mort garde le souvenir affectueux de sa famille et reste en communion avec elle.

    e) On plante quatre piquets minuscules aux quatre coins de la tombe que la personne disparue ait l'impression de n'être jamais sortie de chez elle.

    f) Le fait de mettre quelques pierres sur la tombe ( si on le peut facilement on en met plusieurs) était appelé "agahabwa".

    g) Après l'enterrement, on prend un repas copieux mais sans sel ni viande, ni bière de sorgho. On parlait de "Kwikura urutamva", signifiant littéralement se débarrasser de la malchance due à la mort.

    h) Pour un initié: on procédait au rite d'initiation (kubandwa) avant d'entrer dans le deuil.

    Après avoir expliqué les funérailles d'un chef de famille, voyons brièvement celles des adultes morts sans enfants.

    78 E. Ndigiriye, op. cit, p.261

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    I.5.4.2. Autres formes de funérailles

    Les funérailles des adultes morts sans avoir eu d'enfants sont des rites qui montrent l'importance attachée à la fécondité en Afrique en général et au Burundi en particulier. Pour le Murundi, un être vivant n'a de valeur que s'il est fécond. Son respect et son honneur sont tributaires du nombre d'enfants. Aussi les funérailles des gens morts sans avoir donné la vie sera sans honneur et imprégnées d'une pitié plus blessante qu'une méchanceté ouverte.79

    Dans les funérailles des morts sans communiquer la vie, certaines pratiques sont délaissées. Dès qu'un homme ou une femme de cette catégorie rend son dernier soupir, le premier geste consiste à prendre une racine de ficus (umuvumu) et d'erythrine (umurinzi ) liés ensemble et enveloppés dans un peu d'herbes ou dans

    un morceau de natte pris à l'endroit où le mort avait l'habitude de s'asseoir pendant la réunion familiale (ubwicaro) . On fait passer le paquet sur le corps du défunt, puis à travers le feu du foyer ( iziko) sans le laisser brûler, puis à travers la hutte ou la fenêtre, si c'est une maison moderne.

    Le paquet sera exposé sur la tombe, après l'inhumation. Selon la signification donnée par Ndigiriye Emile, la racine d'erythrine signifie la providence du défunt sur la terre, celle du ficus l'espoir de ce monde, le morceau de natte, le bonheur en famille. Le contact du paquet sur le corps du défunt aurait pour but d'inviter l'esprit (muzimu ) de sortir du défunt et de se joindre au paquet. Le passage du paquet à travers l'âtre ardent viserait à brûler tous les espoirs de la terre et les souvenirs de la famille, afin que le défunt soit libéré de tout souci et entre chez les esprits (bazimu) sans arrière-pensée de la vie qu'il a vécue sur la terre et dans sa famille.80

    Vient le tour de mettre un charbon éteint dans ou sur les organes génitaux du défunt pour qu'il emporte le triste souvenir qu'il est éteint dans la famille: "yazimye". Cette cérémonie est très humiliante. Il n'y a pas de pires malédictions que de maudire un jeune homme ou une jeune fille en disant " Uragatanwa ikara " ( que tu sois enterré avec du charbon éteint). Le reste des funérailles se fait comme plus haut.

    Les funérailles des enfants revêtent un caractère particulier. Pour un enfant qui a l'usage de la raison, mais n'est pas encore arrivé à la puberté voici comment on

    79.E. Ndigiriye, op.cit., p.263

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    procède, dès qu'il expire, on lui ferme les yeux comme on le fait à tous les mourants. Comme dans le cas précédent, on prend deux racines, l'une de l'erythrine, l'autre du ficus liées ensemble, dans un peu d'herbes prélevées à celles de l'endroit où il avait l'habitude de s'asseoir en famille. On promène le paquet sur le corps du défunt, puis on fait passer le paquet à traverser le foyer en feu; on le reçoit du côté opposé et on lui fait traverser les parois de la hutte ou à travers la fenêtre jusqu'au dehors. Par après, il sera exposé sur la tombe. La signification est la même que plus haut: ne pas laisser partir le défunt avec les idées, les espoirs et les souvenirs de la vie sur la terre et dans sa famille, ce qui ferait le sujet d'une perpétuelle préoccupation d'esprit. Alors, on lui remet ses objets religieux (amulettes,..). Ensuite, on l'enroule dans une étoffe que sa mère portait. Nous ignorons la signification de ce rite.

    Pour les enfants à la mamelle, les funérailles sont encore plus simples. Aussitôt que l'enfant expire, on lui ferme les yeux. On l'enveloppe dans un des habits que portait sa mère, ou son père s'il est orphelin de mère, ou sa tante, s'il est orphelin de père et de mère.

    On détache du berceau (ingovyi), les attaches (imicisho) qui tenaient l'enfant à sa mère lorsque celle-ci le portait sur le dos. Cette cérémonie, appelée "guca umucisho", est poignante pour la mère qui comprend qu'elle est séparée pour toujours de son enfant. Elle garde encore le berceau pendant un certain temps à son oreille, pour garder l'espoir qu'un jour elle aura un autre enfant. Puis elle le jettera, parce qu'il est interdit de l'employer pour l'enfant suivant. L'inhumation se fait comme pour les grandes personnes. Les garçons sont couchés sur le côté droit et les filles sur le côté gauche. Après les rites de funérailles, les choses ne devaient pas s'arrêter là, il restait à faire le deuil.

    I.5.4.3. Les pratiques de deuil

    Concernant les pratiques de deuil au Burundi, on célébrait des cérémonies de deux types : la purification des traces de la mort et le réveil à la vie.81

    La veille, au coucher du soleil, les notables du clan familial se réunissent pour préparer les cérémonies. Ils déterminent l'essence du bois qui servira à alimenter un

    80. E. Ndigiriye, op.cit., p.261

    81. E. Ndigiriye, «Le lever de deuil chez les Barundi», Au coeur de l'Afrique, Bujumbura, 1972, p.25

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    feu qu'on allumera à l'entrée du kraal (le braisier des ancêtres: gicaniro c'abasokuru). Cette essence doit être rare et peu utilisée comme bois de chauffage ou de construction. En effet, un tison de ce bois sera déposé sur la tombe ou jeté à une croisée de chemins. A partir de ce moment, ce bois sera tabou (igiti kizira) et les sentiers ne seront plus empruntés par les membres de la famille du défunt. Les notables détermineront encore chez quelle famille on ira chercher les bananes douces et le sel qui composeront, avec de la viande ou du sang de boeuf, le repas spécial qu'on appelle "umurinzi"(repas protecteur). Ce sel et ces bananes doivent être fournis par une famille chez qui le clan n'ira plus jamais chercher ces denrées. Le bois pour le feu et les victuailles doivent être sur place dès la veille du lever de deuil.

    Le conseil des anciens désignera aussi la personne qui devra procéder aux purifications, le cérémoniaire, et il choisira enfin le ruisseau des purifications et le chemin d'aller et de retour qu'on empruntera.

    La pratique de purification mérite d'être explicitée. Elle concernait les personnes, les objets et les lieux de tous les vestiges de la mort dont le défunt était le porteur inconscient.

    La purification suivait en outre cinq étapes. Vient en premier lieu le rasage des cheveux : "kwiharangura" (se raser complètement la tête) ou "kwikura uruhara rw'uwapfuye" (prendre part au dépouillement du défunt). La personne qui a été désignée la veille pour être le servant des esprits des ancêtres (ikimazi c'abasokuru), aligne devant elle tous ceux qui doivent être rasés. Elle prend un rasoir et coupe à chacun une petite touffe de cheveux, jusqu'au dernier auquel, il rase la tête complètement. Tous se font ensuite raser complètement par un autre ; mais l'acte est attribué à celui qui a commencé l'opération.

    En deuxième lieu, le servant-kimazi monte sur le toit de la case du défunt et y arrache la huppe (touffe d'herbes), "isunzu ry'inzu", emblème de la virilité de l'homme qui l'habitait, et le jette. Il fait sortir ensuite de la case le beurre, le sel et la viande séchée qui s'y trouvaient au moment du décès; on doit les jeter ou mieux, les donner en échange de main - d'oeuvre.

    En troisième lieu, viennent les ablutions: "kwisukako ibirohe" (verser sur soi une eau trouble) ou s'éclabousser, ou passer par l'eau (guca ku mazi). Ces expressions ne signifient rien d'autre que faire sa toilette. Mais comme la mort a terni la beauté de la nature aux yeux des personnes en deuil, et comme l'acte de se laver rend de nouveau beau pour plaire, alors que la personne à plaire n'est plus, on emploi ces paraphrases.

    Ainsi, à l'aube, les enfants mâles du défunt se rassemblent. L'héritier principal reçoit la lance du père, signe d'autorité courageuse, son frère l'arc, les autres fils les

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    Ce rite se passe très tôt le matin avant le lever du soleil. La même personne qui a rasé les membres de la famille endeuillée, précède tous les hommes et garçons et elle les amène à un ruisseau éloigné, à l'écart, en avant du gué, à un endroit non fréquenté. Là, on se lave tout le corps. Les femmes et les filles se lavent à la maison avec de l'eau puisée la veille. Quelques personnes restées à la maison font des travaux de nettoyage; elles font un grand feu avec les herbes qui ont servi de couchettes durant le deuil; ce feu réchauffera ceux qui viennent de se laver.

    La quatrième étape consiste à sortir de la case les pierres du foyer : "ishiga ry'umugabo". En cas de décès d'une femme mariée, on éloigne aussi le bois du lit qu'elle occupait habituellement. On jette tout, loin des lieux fréquentés par la famille, dans une croisée de chemins. Si le conjoint reste en vie et envisage se remarier, le lit sera complètement démoli. Un homme veuf qui reçoit dans sa maison une nouvelle épouse, ou une veuve qui accueille un nouvel époux dans la maison du défunt, ne pourraient coucher dans le lit familial du défunt sans crainte de représailles du mort : "uburiri burahinda" (le lit du mort répudie).

    Enfin vient le moment de « se blanchir », (Kweza) : cette cérémonie se passe dans le secret le plus absolu et elle n'est réservée qu'aux veufs et veuves encore jeunes qui peuvent envisager de secondes noces. Si le conjoint mort était un homme, le cousin du défunt (umuvyara) ou son frère ou son familier fait l'acte conjugal avec la veuve. Si au contraire, c'était la femme qui est morte, la cousine ou la soeur de la défunte se donne au mari. Le but de ce coït rituel est d'effacer toutes les traces de la mort dans le conjoint survivant. C'est la fin de la première partie des cérémonies. Elle est séparable, en temps illimité, des parties suivantes, dont le rite de "gutanga amasuka" (« procurer des houes ») qui symbolise la reprise des activités agricoles. On retardera en effet les cérémonies suivantes comme le réveil à la vie pour permettre d'aller cultiver les champs.

    Cette renaissance est réalisée symboliquement dans l'action de traverser un cours d'eau jusqu'à l'autre rive avec les biens qu'on a arrachés à la mort. Cette cérémonie est suivie d'une série d'actes juridiques et d'autres rites signifiant le retour à la vie et à la prospérité. On retient entre autres la marche vers l'abreuvoir et « le passage par l'eau » des hommes et du bétail.

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    flèches. Notons que les filles sont exclues de cette cérémonie. L'oncle paternel, ou à défaut le familier du défunt, va au devant d'eux vers un abreuvoir d'un ruisseau. Chacun des fils conduit sa part du troupeau, ou tous conduisent l'unique vache représentant le cheptel. S'ils n'ont pas de bétail, ils font rouler devant eux le fruit de l'olivier sauvage (intobo). Ils portent avec eux des pagnes en écorce de ficus, tous neufs et non teints.

    Souvent, tout le bétail que le défunt possédait en propriété doit être mené au ruisseau. On en exclut donc les vaches reçues en gage (imbitso) et les vaches provenant de la dot, du moins si on n'a pas encore rendu au gendre la première génisse née de ces vaches (indongoranwa). Le cortège traverse le ruisseau et arrivé sur l'autre rive et les descendant mâles du défunt revêtent de nouveaux pagnes, ramassent des branchages et des herbes sèches pour le feu des vaches. Ils coupent ainsi une brassée de joncs (mivimu ou mihororo) et en tressent une corde qui servira à lier les pattes arrière de la vache (injishi) pour qu'elle se laisse traire plus facilement. On revient à la maison sans refranchir le ruisseau par un chemin qui le contourne. Cela débouche sur un deuxième acte qui est celui de la réunion et mise des nouveaux pagnes (kuganira n'ukwambara imarirano). Le cortège des gens venant du ruisseau trouve, à sa rentrée à la maison, les deux tiers du « rugo » (cour intérieure depuis la porte de la case) jonchés d'herbes de marais (uruhororo).

    On fait d'abord entrer les vaches, suivent les hommes. Le « feu des vaches » est allumé et on l'entoure pour causer et manifester la joie de se rencontrer. On déplie les étoffes nouvelles (ibimazi) appelées à protéger les survivants des malveillances des esprits des défunts. L'étoffe des enfants est procurée par l'oncle paternel ou maternel, ou le familier (mugabire) du père défunt. Si c'était la mère qui était décédée, c'est le père qui les procure. L'étoffe de la veuve et des autres femmes est en revanche procurée par la parenté qui a perçu la dot au moment de son mariage. Les enfants et les femmes qui en ont le droit, revêtent alors ces pagnes. Actuellement, l'étoffe d'écorce de ficus battue est dans la plupart des cas remplacée par une cotonnade blanche (« americani »).

    On pourrait prolonger le descriptif des pratiques de deuil qui nous replongent dans un univers de croyances populaires de notre société. Evoquons par exemple, le barattage du beurre dont la contribution au retour à la vie paraît fondamentale. Tout le monde étant assis, le dos tourné vers la porte de la maison et face à l'entrée du kraal,

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    les femmes mettent du lait dans une baratte; elles se la passent après avoir fait semblant de baratter. C'est l'annonce de la prospérité, une étape suivie par la cérémonie du lait.

    I.5.4.4. Le rôle particulier du lait dans la pratique de deuil

    Généralement, on distingue deux sortes de lait. Le lait « de pioche » qui n'es rien d'autre que de la bière épaisse de sorgho (impeke), et le lait de vache. Les deux sortes de boisson peuvent être utilisées trois façons indifférentes pour cette cérémonie: traire pour les orphelins, dégustation du »lait » et laver le pot ou calebasse.

    D'abord, l'action de traire la vache est faite comme d'habitude. Quand il n'y a pas de vache à traire, on « trait » la cruche. On se sert de la même corde qu'on l'attache au goulot de la cruche de bière et avec le gros orteil on tient le bout pendant de la corde. Pour « traire » la cruche on la penche un peu et on verse la bière dans une calebasse. Cette bière s'appelle donc le « lait de la houe ». A d'autres endroits, on attache la houe elle-même.

    Après cette pratique, il y a ensuite la dégustation du lait: tout le monde n'a pas le droit d'en boire. Seuls les proches (basigwa), c'est - à - dire les enfants du défunt, les femmes de ses enfants, les filles et leurs maris, puis par privilège, l'un ou l'autre familier désigné par le défunt de son vivant. Dans l'une ou l'autre contrée du Burundi, on permettait parfois à quelques amis notables du défunt de boire également le lait à cette occasion. On déguste le lait - bière assis par terre, le dos tourné vers la porte de la case, l'entrée du kraal étant en face, les jambes allongées devant soi. Le tout évoque une disponibilité pour le voyage vers la prospérité. C'est une seule personne qui trait. Elle remplit toujours la même calebasse et la passe à chacun des ayant droit. Chacun reçoit à son tour le récipient et le vide en ne laissant rien au suivant. L'ordre suivi est le suivant: boivent d'abord les fils, puis la mère, les brus, ensuite les filles et leurs maris et enfin les familiers.

    Laver le pot ou calebasse (kwongerezwa) vient en troisième position. La même personne qui a servi le lait aux autres, et qui est toujours le représentant du père défunt, lave le pot à lait, ou la calebasse et aussi la cruche et les pis de vache. Ce « lait » étant sacré et doté d'énormes pouvoirs, la première eau des purifications sera bue; la deuxième est jetée à un endroit secret. Le pot lui-même sera sacré et seuls les usagers lors de la cérémonie décrite pourront l'employer ou le faire disparaître. En

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    effet, il y a des conséquences coutumières liées à la dégustation de ce lait. La communion au lait, par erreur ou par astuce, d'un non ayant-droit, engendre ipso facto une parenté dans la mort, causant une égalité de droits et de devoirs, une vraie fraternité avec les membres de la famille du défunt, ainsi que les poursuites possibles de son « muzimu »(esprit mâne).82 C'est pour cette raison que le familier qui, par autorisation de son maître encore en vie, a pu boire le lait avec les autres, devient fils au même titre que les fils de sang. Il change alors de clan. 83 Après cet acte de laver le pot, il vient un conseil de famille dont le but est de gérer la situation d'après la mort.

    I.5.4.5. Les dernières étapes du deuil: gestion des affaires familiales et la pratique du "feu des ancêtres".

    Les affaires traitées par le conseil de famille sont: la recommandation des orphelins et de la veuve aux voisins et proches; le remboursement des dettes; la relève des réalisations en cours du défunt; la suite à donner, par l'héritier à ses engagements; la condonnation si le défunt est mort sans avoirs. Entre autres recommandations prendre soin de la veuve, des orphelins et du bétail. Tout se résume dans cette phrase en kirundi:

    « Inarupfu yaraye murazigame impfuvyi, umwana akiba muratunge impfuvyi, inka ikona, muramenye ko yahora ari iy'umubanyi..."

    On désigne ensuite le légataire, puis tous ceux qui ont hérité, les garçons, les filles, surtout ceux qui ont hérité des vaches ou qui reprennent à leur service des familiers et domestiques dont on donne le nombre et les noms. On déclare les dettes contractées par le défunt; par exemple contre-valeur de services et prestations non encore fournies; dot dont on n'a pas encore remis le produit (veau) au gendre, etc. Les affaires en cours, même très importantes, qui par oubli ou autre négligence, ne sont pas soumises au conseil à ce moment, sont par après classées sans suite. L'héritier est chargé de toutes ces responsabilités. Toutefois si le défunt n'a pas laissé de quoi régler les dettes, on condonne (on annule).

    Les "majambo" (paroles) sont suivies par la dégustation de la bière de sorgho (umubira), bière de sorgho qui n'a pas fini de fermenter. Le murundi y verra un

    82. E.Ndigiriye, op. cit., p.29 83 Ibid.

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    symbole du devenir, de l'avenir, de la prospérité escomptée: cette bière en effet peut encore s'améliorer en vieillissant. Un souhait exprime la même idée: « uranyerera » (que tu portes bonheur pour moi); un souhait de bonheur; qu'on puisse « devenir vieux » et prospère comme la bière qui est encore épaisse. On déguste la bière dans le même ordre que lors de la dégustation du « lait ». Mais les serviteurs, familiers et amis reçoivent une part toute spéciale ainsi que les petits-fils après avoir lancé le fruit de l'olivier sauvage en direction de la tombe du défunt: « ukwuzukuza » (se dit des petits enfants qui taquinent leur grand-père).

    Après cette cérémonie, les personnes étrangères à la famille se retirent. Celle-ci se rassemble autour d'un grand feu allumé par le « kimazi » (serviteur) des ancêtres. Ce brasier des ancêtres est fait au milieu de l'entrée du kraal au moyen du bois spécial choisi par le conseil des anciens. On y ajoute du bois de plantes ou arbres qui fournissent habituellement les médicaments traditionnels de base, par exemple igicuncu, umuravumba, ntibuhunwa, nkurimwonga, umugombe, ikizibakanwa,...

    Le feu pour allumer le brasier doit venir d'une famille dont on n'empruntera plus par après du feu, et ce même feu ne peut plus être donné à d'autres foyers. On sortira un tison brûlant lorsqu'on éteint le "brasier des ancêtres", pour l'utiliser dans le foyer de la case. Le repas rituel qui suit est cuit sur les braises du feu. On a déjà vu qu'il est composé de bananes douces, de bétail saigné et de sel. La tradition veut, on l'a vu aussi qu'on n'ira plus jamais chercher des bananes ou du sel chez les mêmes fournisseurs. Les bananes sont grillées dans les braises et on les trempe par le bout dans du sel en les mangeant: « kubidumba umunyu » (tremper dans du sel). Si on est assez riche pour se le permettre, on tuera un taurillon qui devra être mangé en un seul repas. On l'égorge alors en laissant le sang pénétrer le sol tout en disant: « que les ancêtres reçoivent par là leur part! ». La viande est également grillée sur les braises et mangée avec du sel comme les bananes.

    A défaut de viande on saigne une vache; on lui tire quelques litres de sang que l'on fera cuire dans les braises et que l'on déguste avec les bananes et le sel. Si on n'a pas de viande et ne peut saigner une vache (si le défunt n'avait qu'une vache et que celle-ci vient d'être saignée peu auparavant) on coupe un bout de l'oreille de la vache et on mélange ceci avec le repas (« murinzi » ou repas protecteur). La vache qui a donné soit de son sang, soit un bout d'oreille est après très respectée et particulièrement bien soignée; c'est la vache des ancêtres: « inka y'abasokuru ). Elle ne pourrait être donnée

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    ni vendue; son lait et son sang seront uniquement mangés par les participants au repas protecteur (« murinzi »).

    On est à la veille de la reprise de la vie normale le feu des ancêtres est éteint. Pendant ce travail, le serviteur des mânes retire du feu un tison du bois spécial et avec les braises et cendres il va le jeter en un endroit retiré, au milieu d'un croisement de chemins abandonnés (imisibu).

    Désormais, il sera défendu aux membres du clan d'utiliser cette sorte de bois, ni comme bois de chauffage ni comme bois de construction ou comme bâton. Il devient l'arbre des ancêtres (« igiti c'abasokuru ») et on lui doit respect.

    Ainsi donc, la pratique de l'extinction du feu des ancêtres est un passage entre la situation malheureuse et la période de la reprise de la vie normale.

    I.5.4.6. Les "adieux"

    Une sorte d'un au revoir au défunt déjà mis en terre clôture la période de deuil. Il s'agit d'une pratique anciennement intégrée dans la culture burundaise. A la fin des cérémonies de levée de deuil, on prend du kaolin (une sorte de craie qu'on emploie pour embellir les cruchettes de bois pour le lait et dont les gardiens se maquillent pour « amuser » les vaches), délayé dans une calebasse douce (umuhiti w'umuhoro) remplie d'eau dont on se colore réciproquement les tempes en disant: « uranyerera »!, « que tu me portes bonheur»!

    Puis, avant de rentrer chez soi, on désigne quelques membres du clan qui, à tour de rôle, viendront tenir compagnie à la famille éprouvée par la mort, durant un ou deux mois, pour l'aider à s'habituer à la solitude créée par l'absence du défunt. Après quoi la vie reprend son cours normal.84

    84. E. Ndigiriye, op.cit., p.31

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    Conclusion

    En fin de compte, la conception de la mort, les attitudes et les rites de funérailles varient selon les pays et les croyances. Ils évoluent aussi dans le temps. Au Burundi, par exemple, c'est peu de familles qui pratiquent le rite traditionnel parce que l'évangélisation ou l'influence étrangère est venue mettre fin à ce rite riche d'événements. Cette importation d'autres cultures a joué un grand rôle dans la conception de la valeur que les Burundais donnaient à l'être humain depuis sa naissance jusqu'à sa dernière demeure, c'est-à-dire le cimetière. Il est donc certain que des influences extérieures ont divisé notre patrimoine culturel et chambardé l'héritage de nos ancêtres. On le constate davantage quand on réfléchit sur les nouvelles pratiques d'enterrement et de gestion des cimetières, l'objet du deuxième chapitre de notre travail.

    85. E. Ngayimpenda, Histoire du conflit politico- ethnique burundais. Les Premières marches du calvaire (1960-1973), Ed. de la Renaissance, Bujumbura,2004, p2.

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    CHAPITRE II. LES SITES FUNERAIRES AU BURUNDI

    INTRODUCTION

    Dans notre pays, le domaine des sites funéraires bien qu'il soit un patrimoine commun pour tous les retraités de la terre, une autre façon d'appeler les morts, est pratiquement oublié par la législation burundaise. Rappelons pour commencer que les sites funéraires englobent les cimetières, les charniers, les tombes et les mausolées. Tous ces éléments ne diffèrent pas quant au but visé qui est celui d'accueillir les morts. Cependant, la notion de cimetière a un champ plus étendu et peut englober les tombes et les mausolées.

    Il est vite apparu que la mise en valeur de ces sites funéraires est l'une des façons de rendre l'être humain sa dignité, même après sa vie. Ce serait en outre renforcer l'unité entre les vivants et leurs proches disparus. Ainsi, dans les sociétés où domine encore la civilisation de l'oralité, les cimetières sont de véritables sources d'information pour l'histoire d'un peuple. C'est ainsi que lors de l'élaboration de la thèse de la fondation de la monarchie dite du « Cycle court», on s'est appuyé sur le décompte des sépultures des rois et des reines mères85 pour connaître le nombre des rois ayant régné dans les temps reculés sur le Burundi.

    Dans cette partie, nous allons essayer de décrire l'histoire du cimetière, de voir sa réglementation au Burundi et enfin sa situation actuelle. Ainsi, avant de traiter les éléments ci-haut, posons-nous cette question: est- ce que les Burundais attachent une même importance aux cimetières que celle qu'on a pour l'habitat des vivants ?

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    II.1. Les cimetières ont une histoire

    Le mot « Cimetière » voudrait signifier en grec «lieu où l'on dort ».86 Il est défini comme un bien-fonds réservé à l'inhumation de restes humains. Selon le Nouveau Larousse encyclopédique, le cimetière vient du mot latin coemeterium, qui signifie lieu de repos, un lieu où l'on enterre les morts.87 Les définitions varient selon les sources écrites disponibles.

    Ainsi, le Dictionnaire Larousse voit dans une tombe une fosse, recouverte ou non d'une dalle, où l'on enterre un mort. Le cimetière ne doit pas donc être confondu avec un monument, cette sorte d'ouvrage d'architecture ou de sculpture destiné à perpétuer le souvenir d'un personnage ou d'un événement. Il diffère également d'un charnier qui est une fosse où l'on tasse les cadavres en grand nombre. Pour M.Bacre Waly Ndiaye, Rapporteur Spécial de l'ONU pour les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, il n'existe pas de définition juridique du charnier.

    Ainsi, il définit les "charniers" comme étant des endroits où trois ou plusieurs victimes d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ont été enterrées sans être décédées au combat ou lors d'affrontements armés. Il n'y a pas non plus de confusion possible avec une nécropole (du grec necro, mort et polis, cité), comprise comme étant la « cité des morts ». C'est avant tout un ensemble de sépultures monumentales agglomérées. L'archéologie la considère comme un groupement de nombreuses tombes. La nécropole a plutôt un sens noble dans la mesure où elle est attachée souvent aux dynasties princières. Elle pouvait être, du moins en Occident, un monastère ou une abbaye, où les princes d'une dynastie ou d'un Etat ont coutume de se faire inhumer.88

    Curieusement, en dépit de l'ancienneté des pratiques funéraires, le terme de cimetière n'a été introduit en français qu'au 17ème siècle, et en anglais au 19ème siècle. On a aussi utilisé le terme charnier, lieu où on mettait la chair humaine. Ce terme a par la suite désigné l'ossuaire où on déposait les os, où on les exposait et faisait partie du cimetière. L'homme a toujours été mis en terre et protégé de toute dégradation charnelle. En Europe, les premières inhumations dateraient de 100.000 av. J.C,

    86. A. Malaka, « Les Cimetières comme lieux de commémoration », Réflexion sur les paysages culturels : la question des Cimetières, Québec, 2003, p.8.

    87. Nouveau Larousse Encyclopédique, Paris, 1994, p.331 88 . http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9cropole.

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    c'est-à-dire au paléolithique moyen89 et les premiers cimetières retrouvés se situent à 10.000 av. J.C.90 Vers le 14ème siècle de notre ère, l'homme prit en effet l'habitude de retirer de la terre les os plus ou moins desséchés des vieilles sépultures, afin de faire de la place pour les nouvelles et de les entasser dans les greniers des galeries ou sur les reins des voûtes. Dans l'espace entre les charniers, on enterrait les pauvres, ceux qui ne payaient pas les droits élevés de l'inhumation dans l'église ou sous les charniers.

    Avec la foi dans la résurrection et le culte des martyrs et de leurs tombeaux, les chrétiens se sont familiarisés avec les morts et ils les ont enterrés dans leurs églises ou autour de celles-ci, près du corps des martyrs, garant de leur salut dans l'autre vie.91 On les entassait dans de grandes fosses communes, ...contenant jusqu'à 1500 cadavres. Toujours, en Occident, ces fosses ont été créées au 14ème siècle en raison de l'essor démographique, des épidémies et de la famine. On ne pouvait alors enterrer séparément chaque cadavre à cause du grand nombre de morts.

    II.2. Leur réglementation

    Pour revenir au Burundi, les premiers textes réglementant les cimetières datent de l'époque coloniale, vers la fin de la colonisation allemande, en 1909. Il s'agit essentiellement de deux Ordonnances: celle du Gouverneur général du 4 septembre 1909 en rapport avec le "Service des inhumations et police des cimetières en milieu coutumier" et l'ordonnance du 14 février 1914 réglementant le "Service des inhumations et police des cimetières dans les agglomérations".

    Ces deux Ordonnances ont été rendues exécutoires au Burundi par l'O.R.U (Ordonnance du Ruanda-Urundi) n°36 du 2 juin 1925. Ainsi, lesdits textes constituent un repère de création des cimetières bien qu'elles aient connu toute une série de modifications. A ces deux ordonnances est ajouté le décret-loi de 1982, portant code de la santé publique et d'autres mesures de protection des cimetières. Déjà, récemment, en décembre 2004, le Ministère de l'intérieur a rendu public un document intitulé: «Instructions permanentes aux administratifs en matière des cimetières".

    La réglementation des cimetières en cette période coloniale, comprend aussi des concessions créées par l'arrêté du Gouverneur général du 16 mai 1907. La législation burundaise sur les cimetières avait préconisé à cette même période, la pratique de

    89. http://www.chez.com/nassimit/prehistoire.htm

    90 . http://www.advitam.fr/advitam_vref-193.MD-1vdoc.html

    91. A.A.SAMI, Les cimetières, normes et pratiques chez les Musulmans et leur implication en Suisse, L'Harmattan, Paris, 2001, p.37

    47

    l'incinération, l'exhumation et translation de restes mortels à l'intérieur du pays comme vers l'étranger. En vertu de l'ordonnance du 4 septembre 1909 de l'initiative du Gouverneur général, elle a été rendue exécutoire au Burundi par l'O.R.U n°36 du 2 juin 1925 et elle a été par après modifiée par l'Ordonnance n°336/J. du 29 octobre 1947 rendue exécutoire par l'O.R.U n°91/29 du 16 mars 1948.92 Remarquons que certaines prescriptions légales relatives au service des inhumations étaient loin d'être respectées; elles étaient des mesures "très impopulaires" comme l'a fait remarquer R.P. Dubois, le Père Supérieur de la Mission de Kiganda qui parlait de l'exemple des cimetières de sous chefferies rendus obligatoires. Dans sa lettre du 22 avril1955, adressée à l'Administrateur de Muramvya, il disait:

    "(...) Je me permets de vous faire remarquer que cette mesure les obligeant à faire enterrer leurs morts dans ces cimetières de sous chefferie, est très impopulaire : certains sous-chefs m'ont déjà fait savoir que leurs gens ne s'y résignaient pas (...)".93

    Les réticences n'ont pas été faciles à vaincre: le 30 avril 1957, le Vice-Gouverneur Général du Ruanda-Urundi, par le biais du Secrétaire à l'intérim I. REISDORF, a adressé une correspondance aux Administrateurs de territoires pour qu'ils procèdent à la vérification du respect de cette mesure. Rien ne vaut cet extrait de sa lettre:

    " Monsieur le Résident, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir vérifier si les prescriptions légales de l'Ordonnance du 14 février 1914 du Gouverneur Général applicable au Ruanda-Urundi et relative au service des inhumations et à la police des cimetières dans les centres d'occupation de l'Administration et dans les endroits désignés (...) sont respectées dans votre Résidence".94

    Cette démarche, certes policière, porta des fruits. Ainsi, par exemple, la chefferie Buyenzi-Bweru du territoire de Ngozi, comprenant 19 sous-chefferies, comptait déjà en 1960, 37cimetières correspondant aux 37 collines.95 Le tableau suivant donne leur répartition.

    Tableau n°2: Les cimetières de la chefferie Buyenzi-Bweru

    92. B.O.R.U, 1948, p165.

    93. Archives nationales, Kiganda, lettre du Père Supérieur de la Mission de Kiganda à l'Administrateur du Territoire Muramvya, le 22 avril 1954.

    94. Archives nationales, Usumbura, lettre du 30 avril 1957 au Résident de l'Urundi.

    95. Archives nationales, Ngozi B4 1960-1963, liasse1 Cimetières de chefferie avec plans.

    96 .Archives nationales, lettre n°211/4632/1.705, au Résident de l'Urundi à Kitega, Usumbura, 1954.

    97. R. Bellon et P. Delfosse, Codes et lois du Burundi, Ferd. Larcier, Bruxelles, 1970, p.620.

    48

    S/chefferies

    Nombre de
    cimetières

    Collines

    1.Nzikobanyanka

    2

    Gakeceri, Kinyana

    2.Birikundavyi

    1

    Kibonangoma

    3.Rwemera

    1

    Kibonangoma

    4. Muheto

    1

    Rweza

    5.Kinunda

    3

    Mugogo, Kisuka et Ruvumu

    6.Midaduko

    2

    Kidasha, Bitaganzwa

    7.Sebigo

    1

    Ruhata

    8.Mwamarakiza

    2

    Mufigi, Canamo

    9.Hindaniro

    2

    Cimba, Bugogo

    10.Ntibibuka

    2

    Nyakatovu, Rukongwe

    11.Maderere

    2

    Runini, Muramba

    12.Bicuncu

    2

    Butezi, Nyankurazo

    13.Ntahomvukiye

    2

    Gitwe, Gishoka

    14.Rugoyagi

    3

    Gisha, Tangaro, Mubwato

    15.Seshahu

    3

    Cayi, Ruvumu, Munagano

    16.Gapiya

    2

    Nyanza, Gihoma

    17.Binagana

    4

    Mivo,Shango, Nyabikenke,
    Makaba

    18.Nzirumbanje

    1

    Gatonde

    19.Ntawe

    1

    Mukarambo

    Les dimensions de ces cimetières variaient entre 100m sur 100m et 25m sur 50 mètres suivant la densité de la population environnante.

    Selon l'ordonnance du 4 septembre 1909, dans son article 2, il est stipulé qu'aucune inhumation ne pouvait être effectuée hors de l'endroit déterminé, si ce n'était pour des motifs exceptionnels.96 Chaque inhumation devait avoir lieu dans une fosse séparée dont la profondeur était de 1,50 mètres et deux mètres de longueur. La distante exigée entre deux fosses devait être au moins d'un mètre sur tous les côtés.97 Toute inhumation était portée, sans retard, par l'intermédiaire du chef « indigène », à la connaissance du chef de poste qui mentionnait sur un registre spécial l'identité du

    49

    décédé, la date et la cause du décès ainsi que le lieu de la sépulture. A cette fin, l'emplacement des tombes pouvait être, autant que possible, repéré sur le plan des cimetières.98

    L'on comprend que ce texte a été mis sur pied pour bouleverser les pratiques d'inhumation ancestrales existantes. Comme les Burundais pratiquaient le culte des ancêtres, ils avaient un grand intérêt à inhumer leurs disparus dans un lieu non public.

    Remarquons que le souci d'hygiène a été à l'origine de la création et de la consolidation des cimetières. Le décret-loi n°1/16 du 17 mai 1982 portant code de la santé publique stipule qu'aucune inhumation ne peut avoir lieu en dehors des terrains affectés à cet usage sauf dérogation motivée de l'administrateur communal (article 26). Le Ministère de la Santé publique a un grand rôle à jouer dans l'exécution du projet de création d'un cimetière. Il doit mener des enquêtes pour vérifier si les conditions sont réunies. Parmi ces conditions, on peut citer entre autres la distance entre le cimetière et les habitations les plus proches d'une part et la distance entre le cimetière et les sources d'approvisionnement en eau, d'autre part.

    Ainsi, si ces critères ne sont pas respectés, ledit Ministère peut refuser l'autorisation d'exécuter le projet de cette création. Mais joue-t-il réellement son rôle dans ce domaine précis? Ce n'est pas notre sujet.

    II. 3. LES TYPES DE CIMETIERE

    On a eu l'occasion de le voir, l'art d'enterrer les morts a évolué à travers le temps. Aussi les lieux d'enterrement ont bougé dans l'espace.

    II. 3. 1. Les sépultures familiales

    On peut le rappeler ici, avant l'intrusion coloniale, les Burundais enterraient les leurs soit à l'intérieur de l'enclos soit dans les champs. Tout dépendait encore une fois du rang social de la personne morte, mais aussi des époques.

    En effet, le père de famille était enterré dans le rugo, à l'endroit habituellement réservé au feu pour le bétail (igicaniro). La femme ou l'enfant étaient inhumés derrière

    98 .Art. 6 de l'Ordonnance du G.G. du 4 septembre1909 telle que modifiée par Ord. n°336/J. du 29 octobre 1947.

    50

    l'enclos. Les Burundais croyaient que le mari défunt, s'il est mis devant la maison, pouvait continuer à veiller sur le bétail et sur toute la famille.99 C'est aussi cet endroit caché qui rendait facile aux Barundi de "pratiquer le culte des ancêtres".100 Cela constitue le premier choix du site funéraire.

    Le deuxième choix du lieu de conservation des morts portait sur les champs familiaux. Au décès d'un membre de la famille, le cadavre qui était enveloppé dans des nattes, était conservé dans la propriété familiale. Au-dessus de sa tombe, on y entassait un amas de pierres (igihongo c'amabuye). Il y a lieu de penser déjà que les mentalités sur les morts connaissaient une mutation due aux contacts avec les étrangers, surtout les colonisateurs. Une fois enterrés, les restes humains étaient considérés comme impurs et tout contact avec eux risquait de souiller les vivants.

    Après, les cimetières familiaux localisés dans la propriété familiale, une nouvelle innovation s'observe. Des missionnaires nouvellement arrivés sur le sol burundais inventent une stratégie pour convertir les gens au catholicisme, ce qui supposait d'abord la chasse aux pratiques traditionnelles, rapidement jugées rétrogrades. Les cimetières sont désormais "soumis à une sorte de consécration (...), regardés comme des dépendances ecclésiastiques".101 Il s'agit alors d'"une cléricalisation des funérailles"102 mettant en vogue la sensibilité religieuse qui a entraîné la disparition du culte des ancêtres où les devins sont remplacés par des prêtres, si l'on prend le cas de chez nous. En outre, les espaces funéraires qui étaient localisés dans l'enclos familial furent aménagés dans les champs, avant d'être publics, réglementés et localisés loin des lieux d'habitation. Autrement dit, on passe des sépultures « anarchiques » des familles aux cimetières communaux organisés.

    II. 3. 2. Les cimetières paroissiaux

    Avec la colonisation, les missionnaires venus au Burundi dans le cadre de l'évangélisation ont bouleversé les pratiques ancestrales trouvées sur place, sans oublier celles liées à l'inhumation. Ils créent des cimetières tout autour des postes de mission et des succursales avec la complicité de l'autorité coloniale. Cela est à l'origine d'un déplacement des sites funéraires passant de l'enclos ou des alentours vers des

    99. Enquête, Ntahondi, Rutana, juillet 2005

    100. A.Vereycken, l'Administrateur de territoire Bururi, Lettre n°840 / Cont. en réponse à la lettre n°1445 /Just. du 17.4.1954.

    101. P..Ariès, L'homme devant la mort, Ed. du Seuil, Paris, 1985, p.485

    102. P. Ariès, op.cit., p.493

    51

    cimetières communaux. L'ancienne pratique a toutefois résisté farouchement, comme le constate en 1954, l'Administrateur du territoire de Bubanza, J. FREZIN :

    « En ce qui concerne les païens, les indigènes continuent à enterrer leurs morts dans leurs ingo... ».103

    L'implication du clergé dans la résolution de ce problème semble effective comme l'illustre la lettre de l'Administrateur de Territoire de Ngozi au Résident de l'Urundi, en date du 20 avril 1954:

    "... la question soulevée par son Excellence Monseigneur Martin devient d'actualité en ce qui concerne les Missions de KATARA et de BUSIGA. J'ai déjà recherché la possibilité de disposer d'un terrain libre dans le voisinage de ces deux missions mais l'occupation très dense ne permet pas de trouver une solution sauf par des expropriations." 104

    C'est le début de l'enterrement en dehors des propriétés familiales. Notons que les cimetières paroissiaux ont l'avantage d'être entretenus contrairement aux cimetières communaux généralement, laissés pour compte. Ce sont des "villes" entières chez les habitants de l'autre monde! En s'y promenant, on a l'impression que ceux qui sont morts gardent leur statut d'hommes puissants. C'est à cause de cette importance à laquelle on leur attache, que des richesses entières sont consacrées dans l'aménagement des espaces d'inhumation. Mais le constat général reste que les cimetières au Burundi n'ont jamais été l'objet d'attention des pouvoirs publics en dehors de la zone urbaine.

    103. J. Frezin, Lettre au Résident de l'Urundi n°636/Just., du 28 avril 1954.

    104. Lettre de l'Administrateur de Territoire de Ngozi au Résident de l'Urundi, du 20/4/1954, Archives nationales, Ngozi B1/1950-1953, liasse1

    52

    Photo n°1: cimetière paroissial (cathédrale de Bujumbura)

    II. 4. Un secteur abandonné

    II. 4. 1. La situation en Mairie de Bujumbura

    Selon une enquête effectuée auprès de la population municipale, les familles rencontrent beaucoup de problèmes quand elles vont enterrer les leurs. Ces difficultés sont en grande partie liées à la distance entre les sites funéraires et les habitations. On est souvent plus d'une dizaine de kilomètres.

    Les morts de la Mairie sont principalement inhumés soit à Mpanda soit à Kanyosha. Avec l'avènement de la crise de 1993, il est né d'autres types de cimetières.

    - Cimetières créés anarchiquement par la population indigente, incapable d'arriver au lieu habituel d'enterrement : à ce titre, on peut noter le cimetière de Kamenge. Celui-ci a été mis en place par un père blanc connu sous le nom de « Buyengero »,

    53

    qui voulait que les indigents qui se faisaient soigner dans son hôpital puissent, en cas de décès, y être enterrés sans problèmes.

    - Cimetières « inconnus » créés à la suite de la crise de 1993 et localisés dans des zones d'affrontement rebelles. Ainsi, par exemple, à Bujumbura rural, au mois de février 2006, une visite de la Radio publique africaine a découvert des cimetières105 créés par des rebelles ou des groupes armés opérant dans la province. Précisons que des familles dont un membre est enlevé, recourent à ces lieux pour voir s'il n'y a pas une tombe récente qui pourrait contenir le disparu.

    Ainsi, parmi ces cimetières, on peut en citer trois:

    - le cimetière de Bisekuro sur la colline Sororezo où 19 tombes ont été identifiées,

    - le cimetière de Muha sur la colline Rweza où 20 tombes ont été repérées,

    - le cimetière de Bugazi, à un lieu communément appelé "projet", sur la colline

    Muhanamboga, au-dessus du campus Kiriri.

    Signalons que ces cimetières ne sont pas les seuls qui existent, il y a d'autres endroits sur le territoire national qui abritent les corps humains et dont l'identification s'avère nécessaire pour que les proches des disparus puissent les enterrer avec dignité.

    II. 4. 2. Cimetière de Mpanda

    Ce cimetière se situe à environ vingt kilomètres de la capitale Bujumbura, en commune Gihanga ( Bubanza), de part et d'autre de la route nationale Bujumbura-Cibitoke. La partie qui se trouve à droite de la route est pleine, ce qui fait que l'enterrement ait lieu dans la partie gauche, à l'ouest de la route macadamisée, vers la rivière Rusizi. A l'Est, on a la rivière Kajeke . Notons qu'au sud du cimetière, on a la rivière du même nom, Mpanda. Ce site funéraire a d'abord servi d'enterrement pour les habitants de la zone Buringa ou des environs. Ce n'est qu'à la suite de la crise d'octobre 1993 que, d'autres personnes en provenance de la ville de Bujumbura sont venues inhumer là. Il s'agit d'une des conséquences de la "balkanisation" de la ville, en zones hutu et en zones tutsi. Ce phénomène a également affecté les cimetières qui ont été tribalisés à l'occasion de la guerre civile. Le cimetière est ouvert généralement à neuf heures et il ferme vers quatorze heures, à cause de l'insécurité.

    105. Enquête réalisée auprès de Sindayigaya Merveille, journaliste de la RPA, Bujumbura, août 2005.

    54

    En effet, comme toute ville est habitée par des riches (haut standing) et par des pauvres, Mpanda n'échappe pas à cette triste réalité. Il y a deux parties observables:

    L'une construite à l'image d'un bidonville est rarement entretenue. On a peur d'y entrer car des herbes y sont abondantes comme à la forêt. Il n y a pas de constructions et mêmes les rares qu'on peut y localiser sont envahies par la végétation. Les tombes sont construites en terre, comme les maisons que les défunts occupaient de leur vivant. Il n' y a ni pierres sépulcrales ni croix ou autres signes funéraires sur les tombes, excepté celles qui sont fraîches où une croix modeste en bois résiste encore au temps et aux termites. C'est un domaine des pauvres. Ceux -ci ne se préoccupent pas de son entretien faute de moyens. Cette catégorie de population ne recourt pas aux services des pompes funèbres. Ils préparent les places et construisent eux-mêmes des tombes en terre, sans ciment. C'est un lieu où des inhumations ne respectent pratiquement aucune réglementation. Selon une enquête effectuée auprès de la population résidant aux environs dudit site, certaines personnes démunies y enterrent les leurs sans permis d'inhumation, sur d'autres tombes et en dehors du temps réglementaire. La raison principale est que l'on n'a pas des frais pour s'acheter une place, des habits et de cercueil. D'où, ils préfèrent enterrer clandestinement.

    La deuxième constitue un domaine réservé aux riches. Les places sont bien aménagées et les fossés creusés à l'avance. Les tombes sont en matériaux durables et elles sont clôturées à l'image des parcelles des quartiers Rohero ou Mutanga. On rivalise dans l'invention des modèles architecturaux comme si la mort offrait l'occasion d'étaler la richesse du défunt ou celle de sa famille. Des maçons sont engagés sur une période d'une semaine pour peaufiner la nouvelle demeure du défunt.

    II. 4. 3. Un seul cimetière officiel mais abandonné : Rusabagi

    Au Burundi, il n'existe pratiquement pas de cimetière fonctionnel et légal. On constate qu'avant la crise de 1993, le seul cimetière qui remplissait les conditions légales était celui de Rusabagi, en commune Mutimbuzi, entre les zones Maramvya et Mubone, dans la province de Bujumbura rural.106 Actuellement, il n'est plus utilisé à cause de la crise déclenchée il y a 12 ans. Il faut dire que la guerre a rendu l'endroit inaccessible. Les Tutsi ont abandonné ce site de peur d'être tués par des rebelles

    106 . Enquête réalisée auprès d'un responsable de l'état civil en Mairie de Bujumbura.

    55

    majoritairement hutu. Les Hutu ont eux-mêmes fui redoutant des attaques des milices tutsi connues sous le nom de « sans échecs » d'où l'abandon du cimetière.

    Cependant, jusqu'ici, il n'y a pas d'ordonnance de la fermeture de ce cimetière et la population enterre partout où elle sent la sécurité. C'est le début des cimetières ségrégationnistes.

    Photo n° 2: Cimetière de Rusabagi II. 4.4. Des Cimetières ségrégationnistes

    Une grande ségrégation caractérise les cimetières surtout de Bujumbura et de ses environs. Il est nécessaire de souligner quelques éléments d'exclusion courants. Il s'agit de l'exclusion liée à la religion, au rang social ou à l'ethnie.

    En effet, concernant l'exclusion religieuse, on peut dire qu'au Burundi, il y a une séparation entre les terrains funéraires pour les musulmans et le reste de la communauté (chrétienne et païenne). Pendant la colonisation, les catholiques ont été séparés des païens d'une part et des protestants, d'autre part, et ensuite des musulmans. Ainsi, la lettre n° 508/Just, écrite au Résident de l'Urundi à Kitega par l'Administrateur du territoire de Rutana, le 20 avril 1954 est significative à ce sujet. Selon cette correspondance là où l'on dispose des terres suffisantes, les cimetières

    56

    communaux devraient avoir une superficie de quatre hectares réparties comme suit: 2 hectares réservées aux catholiques, 1,5 hectares pour les païens et 0,5 hectares pour les protestants. 107

    Comme on le constate dans cette lettre, on ne prévoit même pas de place pour des musulmans dont "les tombes doivent occuper un emplacement spécifique dans le cimetière, à l'écart des tombes des morts d'autres religions. Il serait souhaitable que cet emplacement représente l'équivalent de la population musulmane résidant sur la commune (...)".108

    Notons que cette répartition suivant les confessions posait aussi des problèmes

    pour les protestants pour lesquels rien n'était plus prévu par la législation
    coutumière. Ainsi, en date du 18 novembre1954, le Représentant Légal de World Gospel Mission à Kayero (Rutana), Monsieur Harold SHINGLEDECKER a adressé une correspondance à l'Administrateur de Territoire de Ruyigi pour l'amener à prévoir un lieu d'inhumation pour cette catégorie de la population. Voici ses propos:

    « (...) quelle disposition vous pourvoyez pour l'enterrement des morts protestantes. Est-il possible pour le sous-chef de nous mesurer une partie du cimetière? Nos catéchistes près de Buranga disent qu'il y a des cimetières de l'Etat près de chacune de nos chapelles-écoles. Si nous en pouvons avoir une partie pour nos indigènes (...) ».

    La réponse de l'Administrateur territorial semble catégorique à en croire sa lettre du 23 novembre 1954:

    "(...) il ne peut être question de créer des cimetières protestants avant que l'arrêté du Mwami relatif à la création de cimetières indigènes n'ait paru."

    A Mpanda, par exemple, étant donné que les musulmans constituent une minorité démographique, la place leur réservée est très réduite comparativement à celle occupée par d'autres composantes religieuses.

    107. F. Vermuyten, l'Administrateur de Territoire Rutana, lettre au Résident de l'Urundi à Kitega, Archives Nationales, Bujumbura, Kitega AA 152, 1933-1960, liasse 1 (1954-1956).

    108. A.A.SAMI, Les Cimetières, normes et pratiques chez les Musulmans et leur implication en Suisse, l'Harmattan, Paris, 2001, p.34

    57

    Selon une circulaire de la Fondation des Cimetières Islamiques Suisses (FCIS) de mars 1993, "les tombes des musulmans doivent occuper un emplacement spécifique dans le cimetière, à l'écart des tombes des morts d'autres religions". 109

    Quant au rang social, on remarque toujours que ceux qui ont été bien considérés sur terre, occupent des places d'honneur au cimetière. En guise d'illustration, retenons la place nouvellement réservée aux hauts cadres burundais à Mpanda. Cette partie a été créée avec la mort de feu Ministre de l'intérieur Simon Nyandwi. En multipliant les exemples de ségrégation, on peut évoquer le cas des responsables de l'Eglise catholique, c'est-à-dire les évêques qui sont enterrés à l'intérieur des cathédrales.

    Ainsi, les évêques André Makarakiza et Joachim Ruhuna reposent à l'intérieur de la cathédrale de Gitega pendant que les autres membres du clergé (prêtres et soeurs) rejoignent le cimetière commun de Mushasha. Dans ce même ordre d'idée, actuellement les tombes des gens aisés sont en matériaux durables avec une architecture sophistiquée à côté des tombeaux sans identité. Le phénomène, quoique récent pose de sérieux problèmes de reconversion des anciens sites d'inhumation. On assiste de plus en plus à une demande accrue d'espaces supplémentaires destinés à la clôture des tombes. Comme déjà dit, à côté de ces espaces construits et réservés, il existe d'autres sites funéraires dont les tombes ne sont qu'une simple motte de terres surélevée et dont la durée reste éphémère comme si les demeures de ces retraités de la terre sont l'image de l'habitat des vivants qu'ils furent.

    Pour ce qui est de la division ethniste des morts, cela a fortement été observé pendant la crise de 1993 surtout dans les cimetières de Mpanda et Kamenge, devenus respectivement pour Tutsi et pour Hutu. Ces pratiques séparatistes et ethnistes aux cimetières étaient le prolongement de la "balkanisation" des quartiers de la capitale en hutuland et en tutsiland.

    II. 4. 5. Cimetière des militaires allemands de1914-1918

    Contrairement aux cimetières de l'intérieur du pays, pour la plupart laissés pour compte, le cimetière allemand de Rugombo (à 70 km de Bujumbura sur la route nationale n° 5) se remarque par son bon entretien. Il est bien clôturé par un mur en

    109. A.A.Sami, op. cit, p.34

    58

    moellon d'une hauteur d'un mètre et demie. Signalons que ce mur a été construit en 1997 sur l'initiative de l'Ambassade d'Allemagne. Le cimetière s'étend sur une longueur de 28 mètres sur 18 mètres de large. Tout autour, se trouve un espace libre de 6 mètres, balayé chaque matin. A l'intérieur de la clôture, les tombes sont formées de 7 rangées. Une rangée en comprend deux, tandis que les six autres en abritent six chacune. Sur chaque tombe sont plantés un rosier et d'autres fleurs, entretenus régulièrement par un travailleur engagé par la Représentation diplomatique allemande. Par souci de propreté, du gravier est mis entre les rangées.

    Des épitaphes portées par une croix en béton comme EIN UN BEKANNTER DEUTSCHER SOLDAT GRAB-NR-31 ou EIN UN BEKANNTER DEUTSCHER ASKARI GRAB-NR-5 sont visibles. D'après la lettre du Service d'Identification et de Sépulture des Victimes de la Guerre dépendant du Ministère de l'Intérieur Belge, dont l'objet est le suivant: "Cimetière allemand 1914/18 à Nyakagunda (Route Usumbura-Costermansville), Congo Belge"110, il s'agirait des corps de 28 soldats Askari et de deux officiers allemands. On suppose qu'il s'agit d'un cimetière qui a été établi plus tard par les autorités Belges, par suite du regroupement de corps se trouvant dans la région. Ainsi, les soldats allemands suivants pourraient y avoir été inhumés:111

    1. Hauptmann Schimmer, tombé le 12.1.1915 près de Luvungi (Urundi)

    2. Oberleutnant Leitner, tombé le 12.1.1915 près de Luvungi (Urundi)

    3. Ldwn Hurstel, tombé le 27.9.1915 près de Luvungi (Kamanyola)

    4. Freiwilliger Brillwitz, tombé le 27.9.1915 près de Luvungi (Kamanyola)

    5. Ldtstm MECHAU, tombé le 24/4/1916 près de Shangugu

    6. Vizewn TRIEBEL, tombé le 6.6.1915 près du fleuve Mpanja

    A côté de ce cimetière, il y a un autre dit européen à Kitega qui abrite toujours deux tombes de militaires allemands:112 celle de STEIDL Hans, décédé le 9/6/1916 et celle de WERSTEMEIER Richard, sur laquelle est apposée une plaque avec l'inscription exotérique suivante :

    Richard Westermeier, K. U. K. L. Imf. K . R . 8. et Adjudant des Majors M. Wintgens + 12-6-1916 am.

    110. Archives nationales, Lettre du Ministère de l'Intérieur Bruxelles, du 21 juin 1955.

    111. Ibid.

    112. Archives nationales, Lettre n°10723 G31 du 1.12.1955 au Vice -Gouverneur Général , Gouverneur du Ruanda -Urundi, Procès -verbal concernant l'identification de tombes de militaires allemands au Ruanda-Urundi.

    59

    Photo n°3: Cimetière des militaires allemands de Rugombo II. 4. 6. Les nécropoles royales

    Les nécropoles royales sont difficilement identifiables à cause de l'absence de leur entretien d'une et de leur localisation géographique dans des zones non accessibles.

    Elles se composaient de deux ensembles. Les résidences funéraires des rois eux-mêmes, échelonnées sur la frange orientale de la Kibira, de la frontière rwandaise au sud de la source de la Ruvubu (le bois sacré de Budandari étant censé abriter quatre rois anciens et les derniers rois reposent respectivement, Ntare Rugamba à Buruhukiro, Mwezi Gisabo à Remera et Mutaga Mbikije à Ramvya) et d'autre part les bois sacrés de Mpotsa ou Bunyange qui accueillaient les reines -mères.113

    113. J.P.Chretien, "Les arbres et les rois, sites historiques au Burundi", Culture et société. Revue de civilisation burundaise, 1978, p.40

    60

    Conclusion

    Tout au long de ce chapitre, nous avons vu l'histoire et les types des cimetières, leur réglementation et leur situation. Au Burundi, les cimetières datent de l'époque coloniale tandis qu'en Europe, les premiers cimetières retrouvés se situent à 10.000 av. J.C. En parlant du Burundi, c'est à cette période coloniale que les textes réglementaires ont été mis sur pied. Avant, les Burundais enterraient leurs morts dans des lieux non publics, autour de la maison, puis dans les champs et enfin dans les cimetières communaux. Au fur et à mesure que les sites funéraires ont connu des changements, a évolué aussi la façon de les présenter au point de vue des constructions. Cependant, il existe un grand écart entre l'état des cimetières urbains et celui des campagnes. On a respectivement, des constructions sophistiquées et une absence d'entretien faisant des cimetières ruraux une sorte de forêt à l'intérieur de laquelle s'observent de petites croix qui attendent d'être abîmées par des termites.

    En considérant les points de vue des personnes enquêtées, il y a un manque d'importance attachée aux cimetières. Ils sont laissés à eux-mêmes. Sur trois cent soixante cimetières recensés dans les cinq provinces (Bururi, Cibitoke, Muyinga, Mwaro et Rutana), vingt cimetières seulement sont entretenus. Pire, les lieux de conservation des morts, ont été ces dernières années l'objet de ségrégation ethnique, religieuse et sociale. Les cimetières, spécialement ceux des villes, deviennent de plus en plus de véritables chantiers où maçons et vendeurs des services funéraires trouvent chacun son pain quotidien.

    61

    CHAPITRE III. LES SERVICES FUNERAIRES: VERS UN NOUVEAU MODE DE GESTION DES MORTS

    Introduction

    Au Burundi, le domaine des services funéraires n'est pas encore développé. Il s'agit d'un service très récent né surtout en milieu urbain vers les années 1990. A l'intérieur du pays, il n'y a que des groupes de menuisiers qui s'occupent de la fourniture des cercueils. A la capitale de Bujumbura, cinq pompes funèbres offrent généralement des cercueils, des emballages et des gerbes de fleurs.

    Les pompes funèbres identifiées présentent des techniques rudimentaires étant donné qu'elles ne datent que de quelques années comme on vient de le mentionner. Elles ont un personnel réduit et sans qualification. Signalons que leur localisation se limite dans le plein centre ville où la demande est croissante. Il y a au total six sociétés dont cinq sont privées et une attachée à la municipalité de Bujumbura. Parmi les sociétés privées, trois se situent sur la Chaussée du peuple Murundi tandis que les deux autres se trouvent, l'une à Rohero I et l'autre à Buyenzi. Ces pompes funèbres sont en perpétuel déménagement à la recherche d'une clientèle plus offrant ou un loyer modelé. Prenons en quelques exemples pour comprendre leur fonctionnement.

    1. La pompe funèbre " La Différence"

    Elle se situe à la Chaussée du peuple Murundi, en face du bureau de la zone Buyenzi. Parmi les services qu'elle offre, on peut citer: des cercueils de différentes qualités, des couronnes de fleur, des véhicules funèbres, des décorations des voitures et des maçons pour la construction des tombes.

    2. Pompe funèbre de la 10ème avenue à Bwiza

    Située à la Chaussée du Peuple Murundi, cette pompe funèbre comme les autres maisons de sa nature disponibilise des cercueils des prix divers, des couronnes de fleur, des voitures pour le transport des dépouilles mortelles, des décorations de voitures et des maçons pour la construction des tombes et des monuments. Elle se différencie de la première par son emplacement dans un quartier populaire donc, aux faibles ressources.

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    3. Funèbre Sociale "FUS"

    La funèbre "FUS" ou Funèbre Sociale se trouve à la croisée de la Chaussée du Peuple Murundi et l'avenue Mutoyi. Elle aménage des tombes, assure la vente des cercueils et des couronnes de fleurs.

    4 . Pompe funèbre"Uwugukunda aguhisha uwawe"

    Cette pompe funèbre dont l'appellation nous semble pour le moins curieuse

    ( son nom part d'un faux adage ! ) se trouve en zone Rohero, à l'avenue de l'Eucalyptus dans le quartier Rohero I. Elle fabrique et vend des cercueils et des couronnes de fleurs, elle offre des véhicules pour le transport des morts, fournit des pierres tombales et elle organise même des cérémonies funéraires comme le lavage après l'enterrement (gukaraba), la petite levée de deuil (gucakumazi) et la grande levée de deuil (kuganduka).

    A côté de ces maisons funéraires qui sont plus ou moins modernes, il existe une autre que l'on peut qualifier de traditionnel, c'est la Funèbre locale de Buyenzi.

    5 . Pompe funèbre locale de Buyenzi

    Elle est sise à la seizième avenue, sur la route qui mène au marché de Buyenzi communément appelé le marché de Ruvumera. Elle fabrique des cercueils en bois nécessitant un tissu pour les emballer si l'acheteur le demande. Par rapport à d'autres sociétés funèbres, les prix sont bas. Ainsi, on a :

    - Un cercueil, dont la longueur est d'un mètre et non emballé pour un enfant vaut 8.000 Fbu,

    - Un cercueil non emballé pour un adulte (2 mètres) vaut 15.000 Fbu.

    Concernant des cercueils emballés soit à l'extérieur seulement, soit à la fois à l'extérieur et à l'intérieur, on a, pour un adulte, des prix respectivement estimés à 22.000 Fbu et à 25.000 Fbu.

    - Pour un enfant, un cercueil emballé à l'extérieur seulement coûte 10.000 Fbu et celui emballé, à la fois à l'extérieur et à l'intérieur, revient à 12.000 Fbu. Ailleurs, les prix se répartissaient comme suit dans le tableau.

    63

    Tableau n°3: Comparaison des prix des cercueils selon les pompes funèbres

    Pompe funèbre/

    prix selon les
    cercueils

    Cercueil non
    emballé pour
    un enfant

    Cercueil non
    emballé pour
    un adulte

    Cercueil
    emballé
    seulement à
    l'extérieur

    Cercueil
    emballé à
    l'extérieur et à
    l'intérieur

    Pompe funèbre

    locale de
    Buyenzi

    8.000 Fbu

    15.000 Fbu

    20.000 Fbu

    25.000 Fbu

    "Uwugukunda aguhisha uwawe"

    15.000 Fbu

    25.000 Fbu

    35.000 Fbu

    45.000 Fbu

    "FUS"

    12.000 Fbu

    20.000 Fbu

    25.000 Fbu

    35.000 Fbu

    Pompe funèbre de la 10ème av.

    Bwiza

    10.000 Fbu

    18.000 Fbu

    22.000 Fbu

    30.000 Fbu

    "La

    Différence"

    10.000 Fbu

    18.000 Fbu

    22.000 Fbu

    30.000 Fbu

    Le coût des services de ces maisons funéraires variait selon la valeur du dollar, nous a fait entendre leur personnel.

    Selon les personnes rencontrées aux pompes funèbres modernes, le coût d'une couronne de fleurs peut varier de 15.000 Fbu à 150.000 Fbu. Ces maisons s'inquiètent de l'absence de clientèle à cause du faible pouvoir d'achat des familles des défunts. Remarquons que les sociétés funèbres sont encore au stade embryonnaire pour dire qu'en dehors de la capitale de Bujumbura, peu de villes de l'intérieur du pays en sont déjà dotées. En province de Bururi par exemple, les fournisseurs des services funéraires sont le CFPP (Centre de Formation et de Perfectionnement Professionnel), l'Economat et la prison. Les services qu'ils offrent sont limités aux cercueils sinon les familles des défunts se procurent du reste à partir de Bujumbura.114

    Disons que les pompes funèbres ont un grand rôle à jouer dans des centres urbains. D'abord parce qu'elles mettent en place un matériel dont les membres qui ont perdu les leurs se servent sur place et sans perdre beaucoup de temps.

    114. Témoignage de Nininahazwe Acquilline, greffière au TGI de Bururi, août 2005

    64

    Il s'agit du matériel prêt à porter. Ensuite, ces entreprises de la mort ont mis sur pied un personnel plus ou moins qualifié dans l'art funéraire. Enfin, l'emploi qu'elles offrent sert non seulement à venir en aide aux dépourvus mais aussi il permet à ceux qui pratiquent ce métier de rehausser l'économie du pays de par le payement des frais au trésor public.

    Cependant, il y a là un paradoxe, celui lié à la culture burundaise même. Normalement, une famille qui perd un membre devrait trouver des services gratuits sur place. Pour le cas des ces entreprises de la mort, ce n'est plus le cas, l'entraide suppose l'échange des services. Certains voient dans ces entreprises un statut ambigu.

    D'une part, on croit qu'elles sont des sociétés sans but lucratif et d'autre part des entreprises commerciales qui s'enrichissent aux malheurs des autres. En regardant leur prix majoritairement contesté, il y a lieu de confirmer cette dernière hypothèse. Le danger à tout cela, c'est que si l'enterrement prend des allures d'une opération lucrative, il y a risque de détérioration des pratiques et rites funéraires bafouant ainsi le droit à une mort digne que chaque homme doive avoir. Ce risque, lié au coût de la mort de plus en plus élevé, apparaît au grand jour quand une famille qui perd un membre se trouve dans l'impossibilité de l'inhumer dignement.

    C'est ainsi qu'on entend dire surtout en milieu urbain que vaut mieux prendre en charge cinq personnes que de s'occuper d'un mort. Cela se remarque par le fait qu'après l'enterrement, la famille du défunt, dans le but de limiter les dépenses liées au deuil en ville, préfère l'organiser à la campagne où la vie coûte moins cher. La formule en kirundi est connue: « Ikigandaro kizobera ruguru » (le deuil se déroulera à la colline natale). Même l'argent qu'on récolte lors des visites de réconfort sert généralement à payer des dettes contactées à l'occasion du décès.

    Après s'être amusé à calculer le montant que les services funéraires peuvent prendre, nous avons constaté qu'il peut remonter à 200.000 Fbu en moyenne. Cette somme se répartirait comme suit :

    - Tombe: 10.000 fbu

    - Cercueil: 15.000 fbu

    - Tôle tombale: 25.000 fbu

    - Draps + couverture +parfum: 50.000 fbu

    - Rafraîchissement (gukaraba) dépendant du nombre de participants: 50.000 fbu (en

    moyenne)

    - Frais de transport (défunt et les accompagnants du défunt): 50.000 fbu

    65

    Ce total des dépenses ne prend pas en compte les imprévus.

    En conséquence, il est à remarquer que la mort en plus qu'elle nous prend un être cher, elle nous pille de nos biens qui pourraient permettre aux survivants de subvenir à leurs besoins fondamentaux. Dans les pays développés, où le système d'assurance-vie fonctionne, il existe des entreprises contractantes, notamment des compagnies d'assurance, qui supportent dans la mesure du possible certaines dépenses de leurs clients. Elles remboursent par exemple les frais des obsèques d'un affilié ou de son ayant droit.

    Pour rester chez nous, la législation burundaise oblige, à travers le Code du travail, chaque employeur à payer les frais occasionnés par le décès de son employé. Il s'agit généralement d'une participation qui ne couvre pas l'ensemble des dépenses.

    On comprend que dans la plupart des cas la solidarité reste l'unique voix de recours dans de telles circonstances. En effet, quelles sont ces familles burundaises qui peuvent payer des sommes aussi colossales pour cet événement si inattendu ? A part certaines familles disposant d'un certain revenu, nombreux sont des Burundais incapables de supporter cette dépense par ailleurs rarement prévue dans le budget familial. La mort profite bien entendu à ces maisons spécialisées dans la gestion des cadavres et évitent par tous les moyens toute concurrence. Un membre de la pompe funèbre oeuvrant tout près de la commune Buyenzi que nous avons approché nous a vite sorti à notre première question:

    « Mwebwe Abarundi ndabazi mubonye ico umuntu yikoreye muca muza kukimuterako ».

    C'est-à-dire, vous les Barundi, je vous connais assez, si vous voyez une activité que quelqu'un entreprend, vous venez l'assaillir, vous faites la même chose que lui pour l'empêcher de prospérer. 115

    III.1. Le personnel des pompes funèbres

    Le comportement des gestionnaires des services funèbres est tout à fait différent de celui des membres de la famille du défunt. En effet, sur le visage de ce personnel, en présence du client rempli de douleur, apparaît une douleur artificielle doublée d'une gaieté d'amasser des fonds pendant que le client est totalement chagriné et désorienté.

    115. Enquête réalisée auprès d'une pompe funèbre en Mairie de Bujumbura, août 2005.

    66

    Leur façon de présenter leurs produits choque : un joli cercueil qui ne s'abîme pas facilement ; nous sommes des ingénieurs dans la construction des tombes!, etc. En outre, c'est un personnel qui se presse car leur souci est de terminer vite puis partir, oubliant ainsi l'état d'émotion des gens avec qui ils sont au cimetière. Lors des échanges sur la personne décédée, on observe que leur discours est détourné bien qu'il ne porte pas atteinte à la dignité de la personne défunte.

    Par contre, quelque soit la religion ou le rang social du disparu, le moment des obsèques est totalement incompatible avec l'esprit de rapidité. Des proches et des gens de l'église sont là pour chanter des cantiques rappelant notre vie éphémère sur terre et notre espoir de se rencontrer dans l'au-delà entre les amis, les parents du disparu et le défunt.

    Conclusion du chapitre

    Les services funéraires ne datent pas d'aujourd'hui mais récente est leur "marchandisation".116

    Ainsi, depuis longtemps, alors qu'on annonçait une mort aux voisins, aux amis et aux membres proches et éloignés de la famille du défunt, tout le monde accourait pour offrir à ceux qui venaient de perdre ce qu'il pouvait: des larmes, de la nourriture pour le deuil (ibiryazagu) et adresser ses adieux à celui qui venait de partir en voyage sans retour.

    Aujourd'hui, une modernité est venue pour bouleverser cette situation. Ce sont les services des pompes funèbres avec leur caractère lucratif et mercantile. Le personnel des pompes funèbres a inventé une autre philosophie pour attirer sa clientèle: "celui qui vous aime vous cache le tien (mort)". Il s'agit d'une phrase littéralement traduite du kirundi:"Uwugukunda aguhisha uwawe". C'est un faux adage, une invention au but commercial.

    Par contre, ces entreprises ont un apport positif dans la conservation des morts sans la participation directe de la famille frappée par la douleur de la perte. Il suffit que cette dernière accepte, si elle en a les moyens bien sûr, de dépenser ce qui lui reste comme épargne. Néanmoins, il n'est pas facile de répondre aux demandes de ces entreprises funéraires, exploitant de la mort, comme certains les appellent étant donné

    116. http://www.France-obseques.fr/étude-credoc/pompes-funebres-service-funeraire.html

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    que l'événement malheureux arrive d'une façon inattendue. Le retour à l'esprit de solidarité pourrait dans beaucoup de cas être une alternative à l'ambiance mercantile qu'on rencontre chez les pompes funèbres.

    Conclusion générale

    Réfléchir sur le sujet « Mourir au Burundi : gestion de la mort et pratiques d'enterrement... » suppose qu'on jette un regard sur la thématique de la mort et de sa gestion dans une société traditionnelle où les rites et les cultes occupent une place de choix.

    Il ressort de notre étude que l'évolution des rites et sites funéraires s'est opérée dans un contexte de contact de notre pays avec le monde extérieur, plus précisément dans le contexte de la colonisation allemande, puis belge. Mais, une question se pose à ce niveau: les changements observés dans les pratiques funéraires ancestrales, incluant l'usage des cercueils et d'autres objets modernes (draps, parfum,...) ainsi que l'aménagement minutieux des espaces funéraires (cimetières et tombes) ont-ils eu des conséquences sur le vécu sociétal des Burundais ?

    Nous pouvons proposer des réponses axées sur les trois thèmes qui ont fait l'objet de notre étude. Avec l'introduction d'autres cultures étrangères, on s'achemine « vers une perte de l'identité burundaise »117, à la fin du XIXème siècle. Le Burundais a connu des bouleversements de tout ordre dont celui des funéraires. Le Murundi traditionnel qui consultait le devin au moindre problème touchant sa vie et ses biens, est condamné à une nouvelle croyance, celle apportée par les Européens. Ces derniers le soumettent à une sorte de croyance fatale et à une imposition qui pousse à la rupture de l'héritage du passé, « caractérisé par le départ de tous ceux qui représentaient l'aspect religieux du pouvoir traditionnel ».118 La mort devient le salaire du péché, une explication donnée par le prêtre pendant que de l'autre, elle résultait par exemple de l'ensorcellement, du non respect des ancêtres,... Cela est exploité à bon escient par les missionnaires qui, pour faciliter la colonisation jouent un grand rôle dans la façon de voir le monde.

    117. J.Gahama, Le Burundi sous l'administration belge, Editions Karthala, Paris, 2001, p407. 118 . J.Gahama, op.cit. p407

    119. Ibid.

    68

    Les rites funéraires prennent une autre forme, celle copiée par « une nouvelle génération de chefs gagnés à la religion catholique et aux modes de vie à l'occidentale ».119 Les cérémonies funéraires traditionnelles dont le rôle est sans mesure (rassembler les familles, renforcer les relations inter claniques et le pouvoir de l'autorité,...) sont limitées à une simple présence de l'homme de l'église avec son eau bénite.

    Cependant, il est important de préciser que tous les éléments apportés par le blanc n'étaient pas mauvais. Il y a certaines choses qui méritaient le changement. C'est notamment le temps long passé sans travailler que les funérailles prenaient et qui étaient à l'origine des famines. Il était contradictoire de perdre une main d'oeuvre et de rester dans le deuil sans penser au travail. Mais, il n'était pas nécessaire à notre entendement de jeter en bloc tout ce qui constituait notre culture étant donné que chaque société a ses caractéristiques. Non plus, il ne fallait pas adopter les pratiques occidentales sur les morts en faisant fi aux nôtres qui nous distinguent des autres. Malheureusement, avec la force et l'habileté que les Européens sont venus, il était difficile de résister à l'invasion culturelle. Les cimetières et leur gestion ont dû eux-mêmes s'adapter aux changements introductifs par le temps et par les civilisations d'ailleurs (européenne surtout). Les morts, vont de plus en plus être éloignés des vivants.

    La sépulture dans l'enclos ou dans les environs cède la place aux obsèques dans des lieux publics connus de l'administration. Le prêtre s'invite au domicile du défunt pour le mettre en contact avec Dieu, gestionnaire de la vie de l'au-delà. Ces évolutions forcées de mentalités ont sans doute entraîné des changements de comportement des Burundais dans la gestion des morts.

    L'argent dégomme la solidarité d'antan; les services funéraires exonèrent la famille du défunt du travail de préparer le mort autrefois conçu comme l'expression d'un dernier attachement au sien que la mort venait de hacher. Les cimetières, comme les tombes vont progressivement prendre l'allure de cités qui, au milieu urbain, reflète le niveau de vie matériel de la famille du défunt. A cette ségrégation économique s'est ajoutée durant ces dix dernières années la différenciation ethnique des cimetières. Il s'agit d'une dérive déplorable dont les ressorts méritent d'être identifiés à travers une recherche de type sociologique ou anthropologique.

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    Les cimetières, comme patrimoine social, pourraient faire l'objet de beaucoup d'attention, en proposant des stratégies de leur protection et de leur réhabilitation.

    Face à la pression démographique sur les terres cultivables, une réflexion sur de nouveaux modes de conservation des morts (exemple de l'incinération) se révèle à notre avis nécessaire.

    70

    SOURCES ET BIBLIOGRAPHIES

    I. LES SOURCES ECRITES

    I.1. Les ouvrages

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    48. NSABIMANA, L., La peine de mort en droit pénal, Bujumbura, U.B, F.D, 1983, 93p.

    49. NTAMAHUNGIRO, E., Le thème de la vengeance à travers les contes rundi, Bujumbura, U.B, FLSH, 1980, 225p.

    50. TUZAGI, H., La Conception traditionnelle de la mort à travers des proverbes rundi, Bujumbura, U.B, FLSH, 1985, 128p.

    73

    I. 3. Articles de revues

    51. CHRETIEN, J.P., " Les arbres et les rois, sites historiques au Burundi", Culture et société, revue de civilisation burundaise, Ministère de la Jeunesse, des sports et de la culture, Bujumbura, 1978, 124p.

    52. GIRUKWISHAKA, E., « Nangayivuza au Burundi», QVES? n°7, 1969.

    53. HAKIZIMANA, S., « La superstition au Burundi », QVES? n°37, 1979

    54. NTABONA, A., « Le Monde des Esprits dans l'âme du Murundi », QVES? n°7, 1969.

    55. NDIGIRIYE, E., « Le lever de deuil chez les Barundi », ACA, Bujumbura, 1972.

    56. NDIGIRIYE, E., « Les funérailles chez les Barundi », ACA, Bujumbura, 1969.

    57. NTABONA, A., « Recherche d'harmonie, gage de la paix dans l'axiologie burundaise traditionnelle», Au Coeur de l'Afrique, n°2-3, Les Presses Lavigerie, Bujumbura, 1999, 208p.

    58. NTABONA, A., « Le phénomène du burozi », QVES? n° 22- 23, 1975.

    59. NYANDURUKO, M.-J., « Burundi: de la lumière à l'obscurité. La question lancinante du retour à la Religion Traditionnelle », Au coeur de l'Afrique, Les Presses Lavigerie, Bujumbura, 1999, 164p.

    60. VYUMVUHORE, A., « Efficacité de la magie noire au Burundi », QVES? n°2223, 1975

    I. 4. Les sources inédites

    61. Archives nationales, Kitega AA 152, 1933-1960, liasse 1 (1954-1956), Cimetières pour indigènes, lettre n°1446/just du 17/4/54 de Résident n°211/1928/997 du 6/4/54 de V.G.G.

    I.5. Sites web : Moteurs de recherche

    http://www.google.com http://fr.wikipedia.org/wiki http://yahoo.fr

    74

    II. LES SOURCES ORALES Liste des informateurs

    Nom et prénom

    Age

    Localité

    profession

    date
    d'enquête

    1. Ndimubandi Dismas alias Makumba

    50

    Muyange(Gitanga)

    Notable

    Août 2005

    2. Congera Abdatien

    45

    Kanyererwe(Giharo)

    Représentant des
    notables et secrétaire
    paroissial

    12/08/05

    3. Gahungu André

    74

    Bukemba

    Cultivateur

    18/07/05

    4. Nahimana Pierre

    64

    Gifunzo

    Notable

    11/08/05

    5. Mpfaguhora Sébastien

    62

    Mpinga-Kayove

    Enseignant

    Août 2005

    6. Ngendabanyi-kwa Joseph

    55

    Musongati

    Chef de secteur

    Août2005

    7. Mukerangabiro Salomé

    34

    Muyinga(Quartier
    Gasenyi)

    Percepteur des taxes
    communaux

    Août 2005

    8. Nzeyimana Vincent

    50

    Gasorwe(Gishuha)

    Chef de secteur

    20/09/05

    9. Macumi Boniface

    52

    Gasorwe(Nyungu)

    Chef de secteur

    Août 2005

    10. Gahungu Claver

    51

    Gasorwe(Kagurwe)

    Chef de secteur

    Août 2005

    11. Gahungu Jean

    54

    Gasorwe(Masasu)

    Chef de zone

    Août 2005

    12. Mukankima Delphine

    27

    Gasorwe

    Comptable communal

    Juillet 2005

    13. Bayubahe Chantal

    24

    Bururi

    Observateur des droits de l'homme

    Août 2005

    14. Habarugira Immaculée

    30

    Muramvya

    Secrétaire à la province de Muramvya.

    Août 2005

    15. Bizindavyi Emmanuel

    30

    Bujumbura

    Etudiant U.B

    Août 2005

    16. Sheh YUSUFU

    45

    Buyenzi

    Religieux (imam)

    Août 2005

    17. Wakora

    50

    Gitanga

    cultivateur

    Juillet 2005

    18. Ntahondi

    70

    Gitanga

    cultivateur

    Juillet 2005

    19. Ntahompagaze Jean de Dieu

    37

    Gitanga

    enseignant

    Juillet 2005

    20. Nkeshimana Gabriel

    20

    Bujumbura

    élève

    01/08/05

    21. Bimenyimana Ernest

    35

    Bubanza

    enseignant

    Août 2005

    22. Mathias Habimana

    37

    Rugombo

    Observateur des droits de l'homme

    01/09/05

    23. Niyonkomezi Salomon

    35

    Buyengero

    Observateur des droits de l'homme

    Août 2005

    75

    LES ANNEXES :

    LISTE DE QUELQUES CIMETIERES IDENTIFIES AU BURUNDI ET QUELQUES PHOTOGRAHIES DES SITES FUNERAIRES

    76

    ANNEXE 1 : LISTE DES CIMETIÈRES ET LEUR LOCALISATION AU BURUNDI

    PROVINCE

    COMMUNE

    COLLINE

    NOM DU CIMETIERE

    Entretenu(oui/non)

    BURURI

    BURAMBI

    Murara

    Musumba

    non

     
     

    Murago

    Nkuvya

    non

    Gasasa

    Gasasa

    non

    Murege

    Murege

    non

    Duri

    Duri

    non

    Musave

    Musave

    non

    Gitaba

    Gitaba

    non

    Gatobo

    Busesa

    non

     

    Musenyi

    non

    Rusabagi

    Rusabagi

    non

    Ruhora

    Ruhora

    non

    Gisenyi

    Gisenyi

    non

    Maramvya

    Maramvya

    non

    Magana

    Magana

    non

    Gishiha

    Gishiha

    non

    Busaga

    Gasasa

    non

    Bisaka

    Bisaka

    non

    BURURI

    Bamba

    Bamba

    non

     

    Buta

    Kagomogomo

    non

    Munini

    Kamirindi

    non

     

    Rutozere

    non

    Kiremba

    Kiremba

    non

    Kivoma

    Kivoma

    non

    Kivuruga

    Nyabigega

    non

    Kajabure

    Kajabure

    non

    Nyundo

    Nyundo

    non

    BUYENGERO

    Gasenyi

    Mborwe

    non

     
     

    Rugara

    non

    Mudende

    Mudende

    non

    Rukoma

    Cendjuru

    non

    Buzamano

    Kinama

    non

    Kigogo

    Kirama

    non

    Muyama

    Muyama

    non

     

    Muanza

    non

    Runyinya

    Runyinya

    non

     

    Gasoro

    non

    Nkizi

    Muzenga

    non

    Gitsinda

    Gitsinda

    non

    Mujigo

    Mujigo

    non

    Kizuga

    Kizuga

    non

    Cehwe

    Cehwe

    non

    77

     

    MATANA

    Bihanga

    Kibungo

    non

     
     

    Buraniro

    non

    Matana

    Matana

    non

     

    Rukampanganya

    non

    Gisisye

    Kavuza

    non

    MUGAMBA

    Nyagasasa

    Nyagasasa

    non

     
     

    Ruhunga

    non

     

    Gatwe

    non

    Mwumba(zone)

    Gatanga

    non

     

    Kanyamiyoka

    non

     

    Nyamayezi

    non

     

    Gitaramuka

    non

     

    Gitaramuka

    non

    Kibezi (zone)

    Kibezi

    non

     

    Ruhehe

    non

     

    Mukakaro

    non

     

    Kizuga

    non

    Muramba (zone)

    Muyange

    non

     

    Taba

    non

    Kivumu

    Kivumu

    non

    Vyuya

    Vyuya

    non

    RUMONGE

    Mugomere

    Mugomere

    non

     

    Mbuga

    Mbuga

    non

    Mitonto

    Mitonto

    non

    Macombe

    Mutambara

    non

    Mugara

    Mugara

    non

    Karonda

    Karonda

    non

    Gatete

    Gatete

    non

    Busebwa

    Busebwa

    non

    Cabara

    Cabara

    non

    Mayengwe

    Mayengwe

    non

    Kirwena

    Gikumu

    non

    Buruhukiro

    Buruhukiro

    non

    Cimbare

    Cimbare

    non

    Munyagasaka

    Munyagasaka

    non

    Muhanda

    Muhanda

    non

    Kavimvira

    Kavimvira

    non

    Kizuka

    Gasarure

    non

     

    Vumbaganya

    non

    Minago

    Kinani

    non

     

    Mwiresha

    non

     

    Minago

    non

    Muhuta

    Mitonto

    non

    78

     

    RUTOVU

    Mwarusi

    Mwarusi

    oui

     

    Gitobo

    MuhwezaI

    non

    Rwamabuye

    Batye

    oui

     

    Bwihete

    non

    Muhweza II

    Rukinya

    non

    Bigomogomo

    Bigomogomo

    non

    Karwa

    Karwa

    non

    SONGA

    Jenda

    Gasara

    non

     
     

    Munoboke

    non

    Kivumu

    Kivumu

    non

     

    Karambi

    non

     

    Gikokoma

    non

    Rumeza

    Rumeza

    non

    Mutsinda

    Mutsinda

    non

    Kiruri

    Kiruri

    non

    VYANDA

    Twaro

    Kabuhori

    non

     

    Mwura

    Rorero

    non

    Bugeni

    Bugeni

    non

    Kaganza

    Kaganza

    non

    Bwatemba

    Bwatemba

    non

    Nyarusange

    Kagoma

    non

    Rweza

    Rweza

    non

    Kaberenge

    Kaberenge

    non

    Muyuga

    Muyuga

    non

    Nkunda

    Nkunda

    non

    Migera

    Kabwayi

    non

    CIBITOKE

    BUGANDA

    Cunyu

    Gihara

    non

     
     

    Gasenyi

    Rukatura

    non

    Ndava

    Mirango II

    non

    Ruhagarika

    Mangayame

    non

    Kagunuzi

    Trans. II Nyamitanga

    non

    Nimba

    Nimba

    non

    Mwunguzi

    Mwunguzi

    non

    79

    BUKINANYANA

    Bihembe

    Bitare

    non

     

    Biruhura

    Gisegenyo

    non

    Nyamyeha

    Ryahodari

    non

    Myave

    Gashinge

    non

    Burimbi

    Rusorore

    non

    Masango

    Mataba

    non

    Nyagwumba

    Gakomero

    non

    Gahabura

    Gahabura

    non

    Mikoni

    Gatwa

    non

    Tyazo

    Murama

    non

    Sehe

    Narubebe

    non

    Bumba

    Rurambi

    non

    Butosho

    Nyarurama

    non

    Rusenda

    Kibuba

    non

    Nyangwe

    Muzenga

    non

    MABAYI

    Nyarure

    Burambo

    non

     

    Buhoro

    Rusengo

    non

    Rumvya

    Busesa

    non

    Nyamusumo

    Mayuki

    non

    Butahana

    Rushiha

    non

    Gitukura

    Gasebeyi

    non

    Mabayi

    Kabere

    non

    Ruhororo

    Ruhororo

    non

    Gasarabuye

    Gasarabuye

    non

    Rungogo

    Gafumbegeti

    non

    Rutabo

    Rutabo

    non

    Ngara

    Rutorero

    non

    Muhungu

    Rusongati

    non

    MUGINA

    Rubona

    Mumaha

    non

     

    Muyange

    Muyange

    non

    Rusagara

    Rusagara

    non

    Rugendo

    Rugendo

    non

    Nyamaramba

    Kirinzi

    non

    Ntarure

    Rugato

    non

    Nyabugimbu

    Nyabugimbu

    non

    Mwarangabo

    Cari

    non

    Buseruko

    Mugina

    non

    Rushima

    Rwatema

    non

    Kanombe

    Ruziba

    non

    Nyamakarabo

    Ntebe

    non

    Rwamagashwe

    Nyempundu

    non

    Gikomero

    Gikomero

    non

    Remera

    Gitumba

    non

    80

     

    MUGINA

    Kagurutsi

    Kagurutsi

    non

     

    Marumpu

    Marumpu

    non

    Nyamihama

    Ngoma

    non

    Rubirizi

    Rudege

    non

    MURWI

    Buhindo

    Ruyaga

    non

     

    Kahirwa

    Kahirwa

    non

    Mirombero

    Mirombero

    non

    Kanombe

    Kanombe

    non

    Mahande

    Gatunguru

    non

    Murwi

    Kavugo

    non

    Nyabwijima

    Rwako

    non

    Ngoma

    Rubagabaga

    non

    Kigazi

    Remera

    non

    Muzenga

    Muzenga

    non

    Buhayira

    Buhayira

    non

    Buzirasazi

    Buzirasazi

    non

    RUGOMBO

    Kiramira

    Nyagitenga

    non

     

    Cibitoke

    Muvyiru

    non

    Rugeregere

    Rugeregere

    non

    Gabiro

    Ruvyagira

    non

    Mparambo II

    Mparambo II

    non

    Mparambo I

    Cimetière des
    militaires allemands

    oui

    Rukana I

    Rukana

    non

    Ruvumera

    Rusororo

    non

    Musenyi

    Musenyi

    non

    GITEGA

    GITEGA

    Gitega-centre

    Mushasha

    Oui

     
     
     

    ShatanyaII

    non

    Zege

    Zege

    non

    Bwoga

    Bwoga

    non

    MURAMVYA

    MURAMVYA

    Muramvya

    Ndago

    non

     
     
     

    Musagara

    non

     

    Muyange

    non

    Masango

    Gikanga

    non

     

    Biganda

    non

    Busimba

    Kadasho

    non

     

    Kazuga

    non

    Murambi

    Murambi

    non

     

    Buramba

    non

    Kigarama

    Nziguri

    non

    Rugogwe

    Kibaji

    non

    Mubaraji

    Nyabayo

    non

    Bigera

    Gatanda

    non

    81

     

    MURAMVYA

    Ruhinga

    Nyamushi

    Oui

     

    Remera

    Remera

    Oui

    Kinyami

    Mirinzi

    non

    Mubira

    Mubira

    non

    Gakenke

    Gakenke

    non

    Kanyuro

    Gishubi

    non

    Shombo

    Kabuha

    non

    Gatwaro

    Nyamushi

    non

    Mubira

    Kinyovu

    non

     

    Gasenyi

    non

    Mirinzi

    Musumba

    non

    MUYINGA

    MUYINGA

    Musenyi

    Musenyi

    non

     
     
     

    Sanzwe

    non

    Buhura

    Buhura

    non

    Nyamarumba

    Nyamaruma

    non

    Mukoni

    Mukoni

    non

    Ruyivyi

    Ruyivyi

    non

    Ryabihira

    Ryabihira

    non

    Kinyota

    Kinyota

    non

    Banirwa

    Muyinga

    non

    Nkoyoyo

    Nkoyoyo

    Oui

    Ntamba

    Ntamba

    non

    Munagano

    Munagano

    non

    Murama

    Murama

    non

    Kavumu

    Kavumu

    non

    Kinazi

    Kinazi

    non

    GASORWE

    Gishuha

    Migereka

    non

     

    Nyungu

    Nyungu

    non

    Rukinzo

    Rukinzo

    non

    Kagurwe

    Kagurwe

    non

    Karira

    Gahogo

    non

    Kiryama

    Kabeja

    non

    Migunga

    Mugunga

    non

    Kinama

    Rabiro

    non

    Gasuru

    Gasuru

    non

    Kigoganya

    Kigogano

    non

    Mikimba

    Mikimba

    non

    Ngogoma

    Ngogoma

    non

    Kigarama

    Kigarama

    non

    Kizi

    Kididiri

    non

    Kivubo

    Kivubo

    non

    Mpazi

    Kizi

    non

    82

    MWARO

    NYABIHANGA

    Murama

    Murama

    non

     
     

    Nyabihanga

    Nyabihanga

    non

    Mbogora

    Mbogora

    non

    Gasongati

    Gasongati

    non

    Nyabisindu

    Nyabisindu

    non

    RUSAKA

    Rwintare

    Rwintare

    non

     

    Nyamiyaga

    Nyamiyaga

    non

    Makamba

    Makamba

    non

    Kibimba-
    Ngoma

    Kibimba

    oui

    Yanza

    Mirima

    oui

    BISORO

    Munanira

    Rugano

    non

     
     

    Ruko

    non

    Mashunzi

    Nyakaki

    non

    Kivoga

    Kivoga

    non

    Kiriba

    Nyakero

    non

    GISOZI

    Nyamiyaga

    Nyarura

    non

     

    Kibimba

    Kibimba

    non

    Nyagahwabare

    Nyabigo

    non

    Nyakirwa

    Kigogo

    non

    Kiyange

    Nyaruma

    non

     

    Ruhinga

    non

    NDAVA

    Gatsinga

    Rubanga

    non

     

    Bugera

    Bugera

    non

     

    Kuwimpfizi

    non

    KAYOKWE

    Kibumbu

    Kibumbu

    non

     

    Gihinga

    Gihinga

    non

    Kinyovu

    Kinyovu

    non

    Ngara

    Ngara

    non

    RUTANA

    BUKEMBA

    Bukemba

    Nyabihere

    non

     
     

    Bugiga

    Nyarugusye

    non

    Murama

    Rugwe

    non

    Gihofi

    Gihofi

    non

    Muyombwe

    Timbura

    non

    Ruranga

    Ruranga

    non

    Kabuye

    Kabuye

    non

    Butare

    Ndoba

    non

    GIHARO

    Kanyererwe

    Gasaka

    non

     

    Rubanga

    Rubanga

    non

    Giharo

    Giharo

    non

    Gakungu

    Gakungu

    non

    Kigunda

    Kubaberenge

    non

    83

     

    GIHARO

    Murara

    Murara

    non

     

    Musenyi

    Musenyi

    non

    Muzye

    Muzye

    non

    Ngomante

    Ngomante

    non

    Bayaga

    Bayaga

    non

    GITANGA

    Muyange

    Kunyavyobo

    non

     

    Nyakuguma

    Nyakuguma

    non

    Ngoma

    Ngoma

    non

    Musongati

    Musongati

    non

    Nyagisambwe

    Nyagisambwe

    non

    Gatwaro

    Gatwaro

    non

    Nyamabuye

    Nyamabuye

    non

    Kinzanza

    Kinzanza

    non

    Kabago

    Kabago

    non

    Gisenyi

    Gisenyi

    non

    Cunda

    Cunda

    non

    Bigina

    Muhatire

    non

    Kiremba

    Kiremba

    non

    Ntuku

    Ntuku

    non

    Nyabikenke

    Nyabikenke

    non

    Rukobe

    Rokobe

    non

    Kivoma

    Kivoma

    non

    Samahuge

    Samahuge

    non

    Mutsindozi

    Mutsindozi

    non

    Kabanga

    Kabanga

    non

    Cikinga

    Cikinga

    non

    MPINGA-
    KAYOVE

    Rorero

    Rorero

    non

     

    Ngarama

    Ngarama

    non

    Munyika

    Nyamiyaga

    Oui

    Kayove

    Kayove

    Oui

    Juragati

    Rukere

    non

    Butamya

    Muzuga

    non

    Mpinga

    Mpinga

    non

    Gihinga

    Gihinga

    non

    Rasa

    Rasa

    non

    Bayumbu

    Bayumbu

    non

    Buranga

    Gahe

    non

    Buranga

    Mihama

    non

    Kiguhu

    Kiguhu

    Oui

    Nyakazu

    Ngoro

    non

    Mugongo

    Nunga

    non

    84

     

    MUSONGATI

    Buhinga

    Musongati

    non

     

    Nyabisindu

    Muyange

    non

    Nyabisindu

    Gisuriro

    non

    Buhinga

    Bweru

    non

    Buhinga

    Rubara

    non

    Buhinga

    Kimburi

    non

    Yovu

    Yove

    non

    Gatakazi

    Gatakazi

    non

    Nyabigozi

    Bihembe

    non

    Rusunu

    Rusunu

    non

    Maganahe

    Nyabitaka

    non

    Giheta

    Nyamugongo

    non

    Runyoni

    Muhingo

    non

    Nyabibuye

    Gakome

    non

    Munywero

    Nyakiruri

    non

    Mbuza

    Mbuza

    non

    Gisasa

    Gitongwe

    non

    Shanga

    Shanga

    non

    Karera

    Shanga

    non

    Nyangazi

    Rugunga

    non

    RUTANA

    Rutana

    Rusange

    non

     

    Kayove

    Rukoma

    non

    Maramvya

    Runyange

    non

    Rongero

    Rongero

    non

     

    Gisikara

    non

    Karinzi

    Karinzi

    non

    Kibinzi

    Kabinzi

    non

    Nyarubere

    Nyarubere

    non

    Mwayi

    Mwayi

    non

    Gakobe

    Gakobe

    non

    Rushungura

    Rushungu

    non

    Karibu

    Karibu

    non

    Jomati

    Jomati

    non

    Rushemeza

    Nemba

    non

    Gitaramuka

    Gitaramuka

    non

    Gitaba

    Gitaba

    non

    85

    Cimetière de KANYOSHA

    Cimetière de RUSABAGI

    ANNEXE 2 : PHOTOGRAPHIES DE QUELQUES SITES FUNERAIRES AU BURUNDI

    Cimetière détruit de KANYOSHA

    Cimetière profané de KANYOSHA

    86

    Cimetière de la Cathédrale de BUJUMBURA

    Cimetière de la Cathédrale de BUJUMBURA (suite)

    87

    Monument du soldat inconnu

    Cimetière de MPANDA (côté résidentiel)

    88

    89

    Cimetière de MPANDA (côté moyen), victime d'une catastrophe naturelle

    Cimetière de MPANDA (côté intermédiaire)






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle