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La dilution des marques renommées

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par Marion Pinson
CEIPI - M2 droit européen et international de la propriété intellectuelle 2012
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE STRASBOURG

Centre d'Études Internationales de la Propriété Intellectuelle

LA DILUTION

DES MARQUES RENOMMÉES

Marion PINSON

Directeur de mémoire

M. Adrien BOUVEL

Master 2 recherche droit européen et international de la propriété intellectuelle

Année universitaire 2011-2012

REMERCIEMENTS

Je remercie tout particulièrement mon directeur de mémoire, Monsieur Adrien BOUVEL, pour m'avoir guidée et encouragée dans l'élaboration de ce travail.

Je tiens également à remercier Monsieur Yann BASIRE pour ses précieux éclairages.

Je remercie enfin Madame le professeurJoanna SCHMIDT-SZALEWSKI de me faire l'honneur de sa présence à ma soutenance.

SOMMAIRE

Première partie : La protection compréhensive contre le préjudice de dilution

Chapitre 1. L'opportunité d'une protection contre le préjudice de dilution

Section 1. L'opposition à une protection contre le préjudice de dilution

Section 2. La promotion d'une protection contre le préjudice de dilution

Chapitre 2. La distension de la protection contre le préjudice de dilution

Section 1. La désarticulation de la protection au-delà de la spécialité

Section 2. La distorsion du champ d'application de la protection

Seconde partie : La conception affinée du préjudice de dilution

Chapitre 1. L'affinement des contours de la dilution : la minimisation du préjudice

Section 1. La démonstration préalable d'une proximité entre les signes

Section 2. La démonstration indispensable d'une atteinte au caractère distinctif

Chapitre 2. L'affinement du contenu de la dilution : la réhabilitation du préjudice

Section 1. L'exclusion d'une atteinte aux fonctions traditionnelles de la marque

Section 2. L'atteinte à une nouvelle fonction de la marque

ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES

act. jurispr. Actualité jurisprudentielle

Ann. propr. ind. Annales de la propriété intellectuelle

CA Cour d'appel

CJCE Cour de justice des Communautés européennes

CJUE Cour de justice de l'Union européenne

Com. Chambre commerciale

Comm. com. électron. Communication commerce électronique

CPI Code de la propriété intellectuelle

D. Recueil Dalloz

Gaz. Pal. Gazette du Palais

J.-Cl. Juris-Classeur

JCP Juris-Classeur Périodique

JCP E. Semaine juridique édition Entreprise

JCP G. Semaine juridique édition Générale

LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

OHMI Office de l'Harmonisation dans le Marché Intérieur

op. cit. opere citato (cité précédemment)

Mél. Mélanges

PIBD Bulletin de la propriété industrielle

Propr. ind. Propriété industrielle

Propr. intell. Propriétés intellectuelles

RD propr. intell. Revue du Droit de la Propriété Intellectuelle

RMC Règlement sur la marque communautaire

RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial

TPICE Tribunal de première instance des Communautés européennes

TPIUE Tribunal de première instance de l'Union européenne

INTRODUCTION

« La marque a été la signature d'un artisan, puis la garantie d'une qualité, ensuite la désignation d'un produit, elle est maintenant une puissance en elle-même »1(*).La marque continue son irrésistible ascension.Grâce aux développements de la publicité moderne, jouant notamment sur l'inlassable répétition d'un message ou sur le développement d'une image, la marque a aujourd'hui un nouveau visage et une nouvelle force : elle agagné en visibilité, ou plutôt en distinctivité.

La distinctivité est une notion cardinale en droit des marques. La marqueest d'abord distinctive par essence. Le dictionnaire juridique Cornu la définit en effet comme un « signe sensible apposé sur des produits ou accompagnant certains services afin de les distinguer de produits ou de services émanant d'entreprises concurrentes »2(*). L'article 711-1 du Code de propriété intellectuelle, premier article du Livre consacré aux marques, énoncequant à lui que « la marque (...) est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale ». Ainsi, une marque est distinctive, ou elle n'est pas. Cela explique d'ailleurs que l'article 711-2 en fasseuneexigence:la marque n'est valableque si le signe choisi par le titulaire est composé d'éléments arbitraires au regard des produits ou services qu'il désigne.

Mais bien plus qu'une condition de validité de la marque, la distinctivité estpar ailleurs une véritable source de valeur. En effet, « plus une marque est distinctive, plus son pouvoir de vendre est important »3(*).Cette distinctivité, force active, touche le consommateur, marque son esprit et permet ainsi au titulaire de développer une clientèle. C'est cette distinctivité là que la publicité tente de développer.

Cette distinctivité-valeur, si considérable soit-elle, restepourtant fragile. M. De Haas cerne parfaitement sa précarité lorsqu'il affirme que la force que gagne une marque « n'a aucune matérialité ; ce n'est qu'une impression psychologique (...) qui peut disparaître de l'esprit du public dès qu'elle ne parvient plus à s'imposer à lui »4(*).

Cet affaiblissement de la force attractive de la marque intervient notamment lorsqu'elle subit un préjudice de dilution5(*). La formule de « dilution » est tout à fait heureuse puisquece terme, communément défini comme l'action de « délayer dans un liquide », peut également être entendu au sens figuré comme un affaiblissement ou une atténuation6(*).

Le terme de « dilution »,pourtant retenu par la doctrine et plus récemment par la jurisprudence, ne figure pas dans les textes normatifs. En effet, les articles 8.5° et 9.1° c) du règlement sur la marque communautaire et 4.4° a) et 5.2° de la directive du 21 décembre 1988 parlentd'un « préjudiceau caractère distinctif » de la marque. Plus laconique encore, l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuellen'évoque qu'un « préjudice au propriétaire de la marque ». Dans tous les cas, ce dernier article, issu de la loi de transposition du 4 janvier 1991, s'interprète à la lumière de la directive. Ces textes sanctionnent ainsi l'emploi d'une marque renommée communautaire ou nationale pour des produits ou services différents qui porte atteinteà son caractère distinctif.

Avant d'examiner plus en détails en quoi consiste cetteatteinte au caractère distinctif, il convient de situer cette protection dans notre paysage juridique.La protection contre la dilution est en effet l'une des manifestations de la protection renforcée des marques renommées. Elle entre ainsi dans le débat plus large, auquel nous ne pourrons échapper, de ces marques particulières qui jouissent d'une protection dérogeant auprincipe de spécialité.

Véritable clef de voûte du droit des marques7(*), ce principeimplique que« la réservation d'un élément à titre de signe distinctif est limitée à la désignation d'un ou de plusieurs produits, services ou activités déterminés »8(*). L'existence d'un droit de marque absolu, emportant la réservation de toutes les utilités du signe dans tous les secteurs d'activité, est en effet inconcevable car il porterait une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie, et plus précisément au principe de libre concurrence. Le principe de spécialité permet ainsi la conciliation du droit de marque et de la liberté de concurrence9(*).

Pour cette raison, la question d'une protection des marques dérogeant à ce principe est extrêmement délicate. Pourtant, lesmarques renomméesne peuvent pas se contenter d'une protection confinée au cadre de la spécialité. La très grande majorité de la doctrine s'accorde en effet pour reconnaître que celles-ci ont besoin d'une protection à la mesure de leur degré de distinctivité. La marque devenue puissance, devenue « force attractive prodigieuse »10(*), devenue force économique immense,requiertainsi un régime de protection adapté qui puisse déroger au principe de spécialité.

Nombreux sont pourtant ceux qui s'inquiètent, à juste titre, de voir ce régime de faveur glisser vers une « surprotection » de la marque renommée11(*), mettant ainsi en péril le principe de libre concurrence. La gravité de la menace nous oblige ainsi à redoubler de vigilance face à la théorie de la dilution. Toutefois, il ne faudrait pas laisser ces craintes nous dissuader de la nécessité d'accorder à certaines marques et dans certaines hypothèses une protection contre l'atteinte à leur caractère distinctif.

Pour bien s'en convaincre, il convient de déterminer le mal qui se cache derrière cette nébuleuse notion qu'est la dilution. La reconnaissance juridique de ce phénomène a vu le jour en 1924 sous les auspices des juridictions allemandes. Les juges ont ainsi considéré que la marque notoire Odol désignant du dentifrice subissait un préjudice de dilution suite à l'emploi de la même marque pour des produits sidérurgiques12(*). Quelques années plus tard, Schechter a théorisé et fortement préconisé une protection contre la dilution. Ce juriste américain, n'ayant jamais utilisé le terme de « dilution », parle alors de « grignotage progressif » ou de « dispersion » de l'identitéd'une marque13(*). Lors d'une intervention devant un Comité du Congrès américain, il tentera de sensibiliser son audience sur les effets redoutables d'un tel phénomène : « si l'on tolère des restaurants Rolls Royce, des cafétérias Rolls Royce, des pantalons Rolls Royce et des bonbons Rolls Royce, dans dix ans, il n'y aura plus de marque Rolls Royce »14(*).

Le processus de dilution peut ainsi oeuvreren dehors de tout risque de confusion puisque le signe en cause est utilisé dans des secteurs d'activité différents. Le préjudice causé est alors d'une infinie subtilité. Lorsqu'un signe évoque immédiatement au consommateur une marchandise précise, l'emploi simultané de ce même signe pour des produits ou services différents va entraîner un flottement dans l'esprit du public. Le pouvoir d'évocation de la marque perd ainsi nécessairement de sa puissance puisque le consommateur associe la marque non plus à un mais à plusieurs produits15(*).Cette diminution du pouvoir d'évocation provoque, par la même occasion, le déclin de la force attractive et doncde la frappe économique de la marque.

Aussi nécessaire que puisse paraître la protection contre ce préjudice pernicieux, on peut sentir le danger que serait toutefois de reconnaître que le seul emploi d'une marque renommée antérieure pour des produits ou services différents constitue un préjudice de dilution. La seule prise en compte de la perte d'unicité de la marque reviendrait en effet à accorder une protection aveugle et automatique aux titulaires de marque renommée16(*). Or la dilution est une atteinte à la distinctivité, et non pas à l'exclusivité de la marque.Il faut ainsi rester extrêmement vigilant quant à la conception que l'on retient de la dilution, car d'elle dépend la légitimité de la protection.

La sortie du principe de spécialité ajoutée à la subtilité même de la dilution rend la question d'une protection contre ce préjudice extrêmement délicate. Partagés entre l'inquiétude et la certitude de la nécessité d'une protection, nous nous demanderons ainsi dans quelle mesure la protection contre la dilution de la marque renommée peut constituer une atteinte proportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie. Autrement dit, peut-elle exister au sein de notre droit des marques sans en bouleverser la cohérence et la légitimité ?

Nous constaterons qu'en dépit des réserves formulées par la doctrine, la théorie de la dilution s'est imposée sans retenue dans notre droit des marques (Partie 1). Les dérives et les incohérences de cette protection excessivement compréhensive ont ainsi nécessité un affinement de la conception du préjudice de dilution, en vue de sa minimisation et de sa réhabilitation (Partie 2).

Première partie :

La protection compréhensive contre le préjudice de dilution

Depuis son apparition, la théorie de la dilution n'a jamais laissé indifférent. Par son ambition et son audace,elle fascine et inquiète à la fois. D'une part, elle permet à un titulaire de voir sanctionné l'usage de sa marque pour des produits ou services différents de la sienne. En défiant ainsi le principe de spécialité, clef de voûte du droit des marques quipermet d'assurer un équilibre entre le droit des signes distinctifs et la liberté de concurrence, la théorie de la dilution joue assurément avec le feu. D'autre part, la nature complexe et insaisissable du préjudice en cause a de quoi laisser songeur.On se demande en effet en quoi peut bien consister cette atteinte au caractère distinctif d'une marque en dehors du cadre de la spécialité.

La doctrine est ainsi d'avis que la réparation de ce préjudice « paraît devoir être admise avec les plus vives réserves »17(*).Pourtant, la protection contre la dilution s'est imposée sans retenue dans notre système juridique.Nous constaterons ainsi les obstacles et la défiance qu'elle est parvenue à surmonter (Chapitre 1) ainsi que l'étendue démesurée du terrain qu'elle a conquis (Chapitre 2).

Chapitre 1. L'opportunité d'une protection contre le préjudice de dilution

Avant d'être reconnue par le droit positif, la protection contre le préjudice de dilution a longtemps existé à l'état de simple théorie. Avant d'explorer son régime juridique, il convient ainsi de rendre compte des enjeux et des points de discorde qu'elle a pu soulever -et soulève d'ailleurs toujours. Car prêchée et défendue avec ferveur par certains (Section 2), la protection contre la dilution est sévèrement battue en brèche par d'autres (Section 1).

Section 1. L'opposition à une protection contre le préjudice de dilution

Beaucoup d'auteurs se sont fermement opposés à l'idée d'une protection du caractère distinctif de la marque en dehors du cadre de sa spécialité. En effet, pas seulement inutile (§1), une telle protection serait également dangereuse (§2).

§1. Une protection superflue

En se rappelant les propos de Portalis qui affirmait que les lois inutiles nuisent aux lois nécessaires18(*), on comprend qu'en droit, tout ce qui est superflu est néfaste. Si la protection contre la dilution était inutile, ellenuiraitainsi inévitablement à la cohérence d'ensemble du droit des marques. Elle pourrait l'être à deux égards. D'une part, il se pourrait que le préjudice de dilution n'existe tout simplement pas (A). D'autre part, si préjudice il y a, le recours au risque de confusion devrait être suffisant pour y faire face (B).

A/. L'existence illusoire d'un préjudice de dilution

De nombreux arguments ontété avancés afin de s'opposer à une protection contre la dilution. Parmi les plus radicaux figure celui qui nie l'existence même de ce préjudice. Certains auteurs considèrent en effet que la dilution n'est qu'un mirage juridique ne correspondant à aucune réalité économique.

Pour eux, l'hypothèse d'une atteinte au caractère distinctif d'une marque par l'usage d'un signe postérieur dans un secteur d'activité différent n'aurait pas de sens.Ils ont fait remarquer qu'aucune analyse empirique relative aux effets psychologiques de la publicité sur les consommateurs ne rapportait l'existence d'un tel préjudice19(*).Ils défendent ainsi l'idée que l'usage d'un signe identique ou similaire à une marque antérieure pour désigner des produits ou services différents ne peut avoir aucune influence sur le pouvoir attractif de celle-ci.

Une étude récemment menée s'est pourtant penchée sur la réaction des consommateurs face à un nombre élevé de produits différents désignés par une même marque20(*). Elle prouve que le consommateur qui a été exposé à plusieurs produits d'une même marque mettra plus de temps et commettra davantage d'erreurs dans la reconnaissance de la marque que celui qui n'y a pas été exposé.

Il semblerait toutefois, selon cette même étude, que les marques très renommées soient en quelque sorte immunisées contre la dilution21(*).Leurpouvoir distinctif serait justement tellement fort qu'il ne pourrait subir aucune atteinte. C'est là une conclusion que nous ne pouvons approuver. Sans remettre en cause les résultats concrets de cette étude, on remarque qu'elle n'est aucunement adaptéeau phénomène qui nous intéresse. La dilution est un préjudice qui s'étire dans le temps. L'étude qui consiste à brouiller l'esprit du consommateur en lui montrant, dans un espace temps très limité, une multitude de marques différentes apposées sur des produits qu'elles ne désignent normalement pas,ignore ainsi toute la subtilité du préjudice de dilution.

Il est vrai que la complexité du phénomène de dilution rend sa preuve très délicate. On ne saurait toutefois, pour cette seule raison, nier l'existence même de ce préjudice.

B/. Le recours suffisant au risque de confusion

Plutôt que d'accepter le principe d'une protection spéciale contre la dilution, certains ontconsidéréque le droit des marques disposait déjà d'instruments suffisamment flexibles et efficaces pour sanctionner l'affaiblissement de la distinctivité. L'un de ces instruments est le risque de confusion22(*). L'idée de cette substitution de fondements, de la dilution à la confusion,est de pouvoir rester dans l'observation stricte du sacro-saint principe de spécialité.

La théorie de la dilution veut en effet qu'une marque soit protégée contre des atteintes à son pouvoir distinctif en dehors de tout risque de confusion. Une façond'éviter l'application de cette théorie scabreuse serait alors d'étendre l'application du risque de confusion. L'idée est qu'il vaut mieux sanctionner dans le cadre de la spécialité,même s'il faut pour cela élargir son champ d'application, plutôt que d'accepter une protection dérogatoire.

L'extension de l'application du risque de confusion s'est opérée par la reconnaissance d'une similitude extrinsèque des produits ou services (1) mais aussi par le recours à une méthode d'appréciation, dite globale, du risque de confusion (2).

1) La reconnaissance d'une similitude extrinsèque

La similitude est une notion par essence subjective, puisqu'elle repose sur la perception de ressemblances visuelles, phonétiques et même conceptuelles. Elle offre donc l'avantage d'être malléable et a pu permettre à l'appréciation du risque de confusion de gagner en souplesse.

L'acception classique de la similitude est dite intrinsèque. Elle se borne à observer les ressemblances entre les produits ou les services désignés par les signes. Cette conception stricte ne suffit pourtant pas à conférer une protection adaptée aux marques renommées car la seule différence de spécialité des marques écartait l'existence d'un risque de confusion. Les juges ont ainsi pu reconnaître une similitude dite extrinsèque, attachée non plus seulement à la nature des produits ou services en eux-mêmes mais à leur origine. Un risque de confusion peut ainsi être retenu lorsque le public risque de penser à tort que les produits, bien que différents, proviennent d'une seule et même entreprise ou encore lorsque, bien que conscient de deux entreprises distinctes, il pense qu'elles sont économiquement liées.

La célèbre décision Lu est la première à témoigner de cette démarche extensive. Dans cette affaire,il était question de l'usurpation de la marque renommée Lu désignant des biscuits par le signe Luc désignant des biscottes et du pain d'épices. Lors de cette affaire, la cour d'appel de Paris a pu retenir une similitude en raison de ce que « les acheteurs [avaient] pu croire que les produits présentés, bien que différents de ceux qui leur [étaient] vendus d'ordinaire sous cette marque, émanaient de la même entreprise »23(*). Adoptant le même raisonnement, des gaufrettes pralinées Côté d'Or ont été considérées similaires au fameux chocolat Côté d'Or car ces produits étaient « suffisamment voisins par leur nature ou leur destination pour que les acheteurs puissent croire qu'ils [étaient] fabriqués ou mis en vente par l'entreprise propriétaire de la marque déposée »24(*).

Cette solution fut confirmée par la Cour de justice des Communautés européennesdans un arrêt Canonlorsqu'elle affirma que « constitue un risque de confusion au sens de l'article 4.1° b) de la directive le risque que le public puisse croire que les produits ou services encause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement »25(*).

Cette acception extensive de la similitude se trouve tout à fait justifiée au regard de l'évolution des pratiques économiques. Il aurait été en effet possible de se passer de cette solution à l'époque où une marque ne correspondait qu'à un seul produit. Aujourd'hui toutefois, les entreprises diversifient leurs domaines d'activité ; le consommateur sait que la marque d'une même entreprise peut donc désigner toute une ligne de produits différents. Au vu de ce phénomène, l'apparition delanotion de confusion sur l'origine du produit est ainsi tout à fait opportune.

2) La méthode d'appréciation globale du risque de confusion

La sanction du risque de confusion a également pu gagner du terrain grâce à la mise en place d'une méthode globale d'appréciation. Dans ses fameux arrêts Sabel, Canon et Lloyd, la Cour de justice a ainsi apprécié ledit préjudice en se fondant sur « l'impression d'ensemble » produite par les marques en cause sur le consommateur26(*). Cette nouvelle méthodepourrait fort bien rendrel'appréciation du risque de confusion suffisamment souple pour pouvoir se passer de la théorie de la dilution. Deux aspects de la méthode globale intéressent notre démonstration.

D'une part, l'appréciation globale « implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement »27(*). On peut déduire de ce raisonnement que la reproduction servile d'une marque pour désigner des produits non identiques peut entraîner un risque de confusion. Il faut toutefois noter que cela ne permettra pas de sanctionner un tel emploi pour des produits différents puisqu'il faudra toujours rapporter la preuve d'une similitude, même ténue, entre les produits ou services désignés.

D'autre part, cette méthode implique de tenir compte « de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ». L'appréciation du risque de confusion devra ainsi non seulement prendre en compte les similitudes entre les signes et entre les spécialités, mais également l'intensité de la renommée et le degré de distinctivité de la marque usurpée. Les marques renommées et très distinctives, particulièrement sujettes au préjudice de dilution, jouissent donc d'une protection renforcée face au risque de confusion.

La reconnaissance d'une similitude extrinsèque ainsi que l'apparition de cette méthode d'appréciationoffrent au risque de confusion une souplesse remarquable qui permet d'étendre son champ d'application. Nous verrons pourtant que le recours au risque de confusion montre des insuffisances qui rendent indispensableune protection spéciale contre le préjudice de dilution.

Les plus virulents détracteurs de la théorie de la dilution ne se bornent pas, toutefois, à lui reprocher son inutilité ; ils la dénoncent également comme une théorie dangereusebouleversant l'équilibre et la cohérence du droit des marques.

§2. Une protection dangereuse

La théorie de la dilution représenterait un danger en ce qu'elle ferait prévaloir de façon disproportionnée les intérêts privés sur l'intérêt général. En ignorant ainsi les intérêts des consommateurs ainsi que ceux des autres commerçants, elle opèrerait un détournement de la fonction du droit de marque (A) et porterait une atteinte excessive au principe de libre concurrence (B).

A/. Un détournement de la fonction du droit de marque

La marque a pour fonction essentielle d'indiquer l'origine des produits ou services qu'elle désigne28(*). Le bien fondé d'une protection de la marquecontre un risque de confusionest donc incontestable. Cette protection repose précisément sur un double fondement :elle est en effet tournée vers les intérêts du titulaire de la marque mais veille égalementà ceux du consommateur. Elle permet au premier de distinguer ses produits ou services de ses concurrents afin de « conquérir sa place dans la compétition et de se prémunir contre les abus de la libre concurrence » tandis qu'elle permet au secondde « faire un choix parmi l'offre abondante des concurrents et de retrouver les produits ou services qui lui ont donné satisfaction »29(*).La protection contre le risque de confusion joue ainsi le beau rôle en servant autant les intérêts des consommateurs que ceux du titulaire. Elle jouit de la plus haute légitimité et constitue ainsi la clef de voûte du système de protection des marques.

La protection contre la dilution est loin de bénéficier d'une telle aura. Véritable anomalie du droit des marques pour certains, cette protection contre l'atteinte au pouvoir distinctif de la marque est accordée alors même qu'aucun risque de confusion n'est observé. La protection contre la dilution ne repose ainsi sur aucune considération « sociale » puisque seulsles intérêts du titulaire sont en jeu. Pour cette raison, ce préjudice seraitindigne de protection30(*). En effet, les justifications d'une telle protection sont d'ordre purement économique : il s'agit de protéger la valeur de la marque, et non pas la marque elle-même. Le droit ne s'empare-t-il pas là d'une question qui devrait lui échapper ? La réponse est assurément positive pour certains auteurs qui considèrent que le droit de marque n'a pas pour objet de protéger les investissements consentis par le titulaire31(*).

On aurait pourtant tort de se laisser séduire par cette vision consumériste du droit des marques. La Cour de justice, en reconnaissant la fonction de garantie d'identité d'origine32(*), laisse certes l'impression que le droit de marque se préoccupe de la satisfaction des besoins des consommateurs. Pourtant, si le consommateur est pris en considération par le droit des marques, il n'est aucunement un sujet du droit de marque33(*). Loin d'être extravagante, la protection des seulsintérêts économiques du titulaire est naturelle.Il convient ainsi de relativiser la tyrannie d'une supposée fonction « sociale » de la marque et admettre l'existence de fonctions économiques garantissant les intérêts du titulaire.

B/. Une atteinte excessive au principe de libre concurrence

Les marques, en tant que signes distinctifs, entretiennent avec le principe de libre concurrence une relation ambiguë. On peut considérer dans une certaine mesure qu'« en indiquant l'origine d'un produit ou d'un service, elles permettent au jeu de la concurrence de s'exercer dans des conditions saines et loyales »34(*). Pour autant, on ne peut nier qu'elles sont également de nature à porter atteinte à la liberté de la concurrence puisque « lorsqu'un sujet de droit réserve un signe afin d'en faire sa marque (...), il empêche, par la même occasion, ses concurrents d'utiliser cet élément dans l'exercice de leur activité »35(*).

La réservation de ce signe distinctif doit être ainsistrictement encadréesi l'on veut qu'elle ne soit pas trop attentatoire à la liberté de concurrence. C'est bien pour cette raison que de nombreux auteurs émettent des doutes quant à la protection des marques renommées contre la dilution de leur caractère distinctif. Ils dénoncent en effet cette protection comme l'une des inquiétantes manifestations de la surprotection des marques renommées et craignent qu'elle ne soit un moyen détourné de constituer un monopole hors du cadre de la spécialité36(*).

Ces inquiétudes sont justifiées dans la mesure où une mauvaise application de la théorie de la dilution peut constituer une grande menace pour la liberté de concurrence. Toutefois, ce n'est là qu'un effet pervers de la théorie, et non pas son essence. Cela veut dire qu'une protection contre la dilution peut être légitime si elle est strictement encadrée et ne trouve à s'appliquer que dans des hypothèses exceptionnelles.

Il est ainsi certain que la protection contre le préjudice de dilution comporte des inconvénients.Pourtant, ces craintes ne peuvent justifier que l'on ignore les intérêts importants et légitimes du titulaire.

Section 2. La promotion d'une protection contre le préjudice de dilution

Le droit des marques traditionnel accorde une place essentielle à la fonction d'identification qui consiste à garantir aux consommateurs l'origine des produits ou services. Il est vrai que la protection contre la dilution s'éloigne de ces considérations puisqu'elle s'applique en dehors de tout risque de confusion. Cela ne la rend toutefois pas moinslégitime et nécessaire. Légitime en ce qu'elle s'accorde avec la logique économique du marché (§1), elle est également nécessaire pour pallier les insuffisances du droit des marques (§2).

§1. Une protection légitime : la prise en compte de la réalité économique

C'est sous l'impulsiondu principe de réalité qu'est née l'idée d'une protection contre la dilution de la marque. Schechter, son premier théoricien, considérait en effet que les règles du début du XIXème siècle étaient inadaptées aux nouvelles pratiques commerciales qu'étaient la production de masse, la diversification des produits et le développement de la publicité.Il fallait ainsi que la loi se mette au diapason de la réalité, et non qu'elle tende vers un idéal rétrograde. Dans son fameux article The Rational Basis For Trademark Protection, il prône la protection des marques contre la dilution comme étant le moyen de protection le plus rationnel et le plus adapté à la réalité du marché37(*). Il s'agit par là de protéger la valeur commerciale et l'aura de la marque, souvent acquises au prix d'investissements considérables consentis par le titulaire. Cette force attractive immense que peut exercer la marque est également très fragile. Nous considérons ainsi que la protection contre la dilution est tout à fait légitime en ce qu'elle est à la mesure de la force attractive de la marque (A) et à la mesure de la gravité du risque qu'elle encourt (B).

A/. Une protection à la mesure de la force attractive de la marque

La marque n'est plus seulement un signe permettant de distinguer ses produits ou services de ceux de ses concurrents. Grâce à la publicité moderne, la marque est devenue une véritableforce « motrice »38(*). Elle va développer une force attractive considérable et laisser une empreinteforte dans l'esprit du consommateur. La marque va ainsi gagner en notoriété, en distinctivité et, ce faisant,en valeur marchande.Une protection sur mesure doit donc être envisagée, car il n'est plus seulement question de protéger la fonction d'identification d'origine de la marque. La doctrine s'accorde ainsi désormais sur le fait qu'il est « équitable et logique d'organiser la protection de la marque en fonction même de sa force attractive »39(*).

De ce point de vue, la magie opérée par la marque renommée est prodigieuse. Elle possède en effet une force d'attraction telle qu'elle dépasse le secteur d'activité dans lequel elle est utilisée40(*). Cela signifie que l'empreinte laissée dans l'esprit du consommateur ne se limite pas aux produits et services que la marque désigne. M. Jatonremarquait la puissance du phénomèneen affirmant par ailleurs que « cette omniprésence dans l'esprit de chacun permet à la marque d'exercer son pouvoir avant même toute résolution d'achat, au stade de la réflexion déjà, de s'imposer de prime abord à l'attention du client »41(*).

On comprend bien que ces marques renommées méritent d'autant plus une protection particulière que cette force attractive, appelée par certains « magnétisme commercial »42(*), constitue la valeur même de la marque. La force économique de la marque est en effet fonction de sa force attractive. Or l'emploi d'une marque renommée par un tiers, même lorsqu'il ne provoque pas de risque de confusion, érode sa distinctivité et, par la même occasion, sa force attractive. C'est alors le « pouvoir de vendre »43(*) de la marque qui est menacé. Considérant que celui-ci ne s'acquiert la plupart du temps qu'au prixd'efforts publicitaires considérables, la protection de cette distinctivité particulière n'est rien d'autre qu'un juste retour juridique sur investissement.

Le seul fait que la marque renommée présente une valeur économique considérable ne suffit pas, nous en sommes conscients, à justifier une protection contre la dilution. L'estimation de la gravité du dommage causé par la dilution devrait achever de nous convaincre de sa nécessité.

B/. Une protection à la mesure de la gravité du risque

L'empreinte laissée par la marque dans l'esprit du consommateur n'est jamais indélébile. Si prodigieuse soit-elle, la force attractive de la marque renommée reste en effet fragile.

Notons d'abord que plus le pouvoir d'attraction d'une marque est fort, plus le risque d'usurpation est élevé. Les marques renommées sont donc particulièrement sujettes aux cas d'usurpation, et notamment au préjudice de dilution. Mais plus que sa probabilité, c'est la gravité du préjudice de dilution qui est extrêmement préoccupant.

Bien distincte du risque de confusion, ladilution est un préjudice beaucoup plus redoutable. Le titulaire d'une marque renommée a en effet beaucoup moins à craindre du risque de confusion que de la dilution car, « pernicieuse comme un poison lent »44(*), elle épuise la marque de l'intérieur en détruisant inexorablement son caractère distinctif. Or l'érosion de la distinctivité atteint la marque dans ce qu'elle a de plus précieux : sa force attractive, durement gagnée à force de temps et d'efforts publicitaires. Ce magnétisme commercial exercé sur les consommateurs est d'une telle importance qu'un fabricant dirait sûrement : « si je me trouvais dans l'alternative de perdre les fabriques ou de perdre la réputation que la société s'est créée par sa publicité constante pendant les vingt dernières années, je dirais certainement : brûlez les usines ! De nouvelles peuvent être construites en 90 jours mais notre publicité a pris des années et aucun capital ne peut suppléer à l'impression déterminée par elle »45(*).

En effet, la diminution de la distinctivité d'une marque lui est fatale car « l'impression indélébile, laissée par un signe singulier, perd de sa netteté dans la mémoire du consommateur (...) la marque employée par des tiers devient commune. Or la banalité entraîne l'indifférence »46(*). Et l'indifférence, on le sait bien, est funeste aux marques.

§2. Une protection nécessaire : la prise en compte des contraintes juridiques

Loin d'être seulement légitime, la protection contre la dilution est aussi nécessaire. D'une part, le droit des marques ne dispose pas d'instruments adaptés pour faire face au préjudice qui nous occupe. Le recours au risque de confusion, en effet, est loin d'être satisfaisant (A). D'autre part, le système de protection est bâti de telle manière qu'une marque non protégée contre l'atteinte à son caractère distinctif se verrait fortement amoindrie dans le cadre même de sa spécialité. La protection contre la dilution permet ainsi de garantir à la marque une protection optimale à l'encontre des concurrents (B).

A/. Le recours insatisfaisant au risque de confusion

Certains auteurs considéraient superflue la protection contre le préjudice de dilution dans la mesure où le test du risque de confusion, très souple, permet déjà d'offrir une protection étendue aux titulaires de marques renommées. Nous considérons pourtant que le recours à cet instrument clef du droit des marques est inadapté (1) et inopérant (2).

1) Un recours inadapté : la nature différente du préjudice

Il faut d'abord comprendre que la dilution n'équivaut pas à une sorte de confusion hors spécialité. Si ces deux préjudices constituenttous les deux des atteintes à la distinctivité de la marque, leur nature est intrinsèquement différente. Rudolf Callmann fut le premier à rigoureusement distinguer la dilution de la confusion : « La confusion conduit à un préjudice immédiat tandis que la dilution est une infection qui, si on lui permet de se développer, détruira inévitablement la valeur publicitaire de la marque »47(*). La dilution est un mal sournois qui oeuvre doucement et en silence tandis que la confusion est un préjudice de l'immédiatement. Outre cette différence de temporalité, la dilution n'engendre pas de confusion mais l'indifférence. Les dommages causés sont ainsi également différents. Comment peut-on ainsi prétendre que la protection contre le risque de confusion peut remédier au mal de la dilution ? Le cancer se guérit-il avec de l'aspirine ? Il parait ainsi évident que la subtilité de ce préjudice échappe naturellement au test du risque de confusion.

2) Un recours inopérant : le cas de spécialités radicalement différentes

Le préjudice de dilution peut frapper une marque en dehors de tout rapport de concurrence. Ainsi, sauf à complètement dénaturer la notion de similitude et considérer comme similaire des produits ou services radicalement différents, le recours au risque de confusion n'est d'aucun secours.

Il est vrai que le recours au risque de confusion offre une souplesse remarquable. Sont ainsi considérés comme similaires « des objets qui, lorsqu'ils portent la même marque, peuvent être rattachés par la clientèle à la même origine »48(*) ou des produits qui ont la même destination49(*) ou encore qui relèvent des mêmes habitudes de distribution50(*). Lorsque les produits sont très proches, comme dans les affaires Lu et Côte d'Or, le recours au risque de confusion n'est pas incongru51(*). Parfois pourtant, l'élargissement de la notion de similitude est purement artificiel, au point que celle-ci perd tout son sens. Nous pouvons citer à cet égard des chocolats et des fromages qui avaient été considérés comme similaires52(*).

Aussi souple soit elle, la méthode globale du risque de confusion ne peut ainsi aller jusqu'à permettre la sanction de la reproduction ou de l'imitation d'une marque pour des produits radicalement différents.L'arrêt Canon est fort heureusement inflexible sur cette question : il « reste nécessaire, même dans l'hypothèse où existe une identité avec une marque dont le caractère distinctif est particulièrement fort, d'apporter la preuve de la présence d'une similitude entre les produits ou les services désignés »53(*). Ainsi, l'appréciation extensive du risque de confusion ne suffit pas à prémunir le titulaire contre le préjudice de dilution car on ne peut l'utiliser pour des spécialités radicalement différentes.Le risque de confusion ne constituant pas une arme adaptée pour combattre la dilution, une protection spéciale est nécessaire.

B/. La garantie d'une protection optimale dans le cadre de la spécialité

La dilution entraîne l'érosion du caractère distinctif d'une marque. Si l'on prive le titulaire d'un recours adapté pour sanctionner ce préjudice, il pourrait perdre bien plus que sa force attractive. Aujourd'hui en effet, la logique de la protection des marques veut que son intensité soit fonction de son pouvoir attractif. Rappelons que c'est pour cette raison que les marques renommées jouissent d'une protection renforcée. Pour cette même raison, l'affaiblissement de ce pouvoir attractif entraîne l'affaiblissement de la protection.

On sait ainsi que le risque de confusion s'apprécie de manière globale en tenant compted'un certain nombre de facteurs pertinents, dont le degré de distinctivité de la marque. Or si l'on constate que la marque désigne une quantité de produits ou services différents, cette distinctivité s'en trouve nécessairement amoindrie. Il sera donc moins facile pour le titulaire de la marque de prouver un risque de confusion lorsque celle-ci sera imitée pour des produits ou services identiques ou similaires.

Ainsi, une absence de protection contre la dilution pourra avoir une incidence sur la protection ordinaire de la marque dans le cadre de la spécialité. On reconnaît bien là les caractéristiques de la dilution envisagée comme un poison qui détruit tout le système immunitaire de la marque. Il commenceen dehorsdes frontières de la spécialité, rendant le consommateur progressivement indifférent à la marque, et poursuit son infection jusque dans le cadre de la spécialité en rendant plus ardue la preuve d'un risque de confusion.

L'idée d'une protection contre le préjudice de dilution est ainsi loin d'être incontestée. La sortie du principe de spécialité, ajoutée à la nébulosité du phénomène, éveille l'hostilité, sinon la perplexité.Nous restons pourtant convaincus de la nécessité d'accorder à certaines marques une protection spéciale contre l'atteinte à leur caractère distinctif. La légitimité d'une telle protection réside toutefois dans son régime. Celui-ci devra être ainsi rigoureusement encadré si l'on ne veut pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté de la concurrence.

Chapitre 2. La distension de la protection contre le préjudice de dilution

La protection contre la dilution est l'une des manifestations, sans doute la plus subtile, de la protection renforcée dont bénéficient les marques renommées. Or cette protection spéciale, qui n'aurait dû jouer que dans des situations exceptionnelles, a connu un mouvement d'expansion phénoménal. La théorie de la dilution, dont l'application devait être maîtrisée et fortement encadrée, menace ainsi de devenir tentaculaire.

Dans son étude consacrée à la protection spéciale des marques renommées, Mme Pérot-Morelparlait d'une « extension » de protection54(*). Plus que d'extension, nous préférons parleraujourd'hui de distension.L'extension s'est en effet poursuivie de manière tellement excessive qu'il nous semble que le régime actuel a perdu en intégrité, mais aussi et surtout en légitimité et en cohérence.

Ce mouvement de distension est double. Désarticulée d'une part, la protection contre le préjudice de dilution se décompose en deux types de protection selon que l'on est en présence d'une marque communautaire ou d'une marque française (Section 1). On constate, d'autre part, une distorsion du champ d'application de la protection dans la mesure où l'élargissement de ses frontières est à la fois excessif et incohérent(Section 2).

Section 1. La désarticulation de la protection au-delà de la spécialité

Dans notre système juridique, deux solutions cohabitent pour mettre en oeuvre la protection renforcée des marques renommées. La première, qui s'applique aux marques renommées communautaires, consiste à intervenir sur le terrain du droit des marques. La seconde, qui s'applique aux marques renommées françaises, sort du droit des marques et recourt à la responsabilité civile délictuelle. Nous parlons ainsi de protection « désarticulée » dans la mesure où elle ne sera pas de même nature selon que l'on est en présence d'une marque usurpée française ou communautaire.

On aboutit alors à une protection à géométrie variable. En effet, la nature de la protection aura inévitablement des incidences sur les sanctions et procédures qui pourront en découler. L'analyse respective de ces deux protections, celle des marques renommées communautaires dans le cadre du droit des marques, d'une part (§1), et celle des marques renommées françaises en dehors du droit des marques, d'autre part (§2),nous amènera à constater l'existence d'une protection à deux vitesses (§3).

§1. Une protection dans le cadre du droit des marques

pour les marques communautaires

L'article 9.1° du RMCindique que la marque « confère à son titulaire un droit exclusif ». Cette solution n'est en soi pas vraiment étonnante puisque le droit de marque, dans les limites de la spécialité, constitue bien un droit de propriété. Pourtant, c'est dans ce même article, plus précisément en son point c), qu'est prévue la protection spéciale des marques renommées qui consiste, on le rappelle, à s'appliquer au-delà des frontières de la spécialité. Cela signifie que le droit communautaire considère que l'usage d'une marque renommée pour des produits ou services différents constitue toujours une atteinte au droit exclusif conféré par la marque communautaire.

En présence d'une marque communautaire, la sortie du principe de spécialité n'implique donc pas la sortie du droit des marques. L'usurpation d'une marque renommée communautaire par un non concurrent, consistant en une atteinte au droit de propriété de la marque, sera ainsi sanctionnée dans le cadre d'une action en contrefaçon. Cette solution est confirmée par l'article L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle qui considère que cette usurpation « constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ».

Cette solution communautaire présente l'inconvénient d'élargir le périmètre du droit de propriété au-delà des limites de la spécialité. Or on sait que l'équilibre entre le droit de marque et lalibre concurrence se maintient justement grâce à la garantie que le droit exclusif ne s'exerce que dans le secteur d'activité où le signe est utilisé. En contournant ce principe de spécialité, la solution communautaire bouleverse cet équilibre et fait du droit de marque un droit hypertrophié. La liberté de concurrence s'en trouve ainsi nécessairement diminuée.

Il semble toutefois que cette approche communautaire consistant à se placer sur le terrain de la contrefaçon était inévitable. En effet, le législateur français a pu se permettre d'ouvrir une action en responsabilité civile spéciale parce que notre droit disposait déjà d'une solide construction prétorienne. Comme le note le professeur Marino, « le législateur européen ne pouvait procéder ainsi par référence, faute d'un droit communautaire de la concurrence déloyale. Et d'autant qu'en Europe, alors que certains pays disposent d'une théorie de la concurrence déloyale très efficace (Allemagne), d'autres en sont dépourvus ou presque (Royaume-Uni) »55(*). Le législateur communautaire a ainsi fait de son mieuxavec les instruments dont il disposait.

§2. Une protection en dehors du droit des marques

pour les marques françaises

Le silence,sur la nature de la protection,de l'article 5.2° de la directivedu 21 décembre 1988a permis au législateur français de faire le choix de sanctionner l'usurpation d'une marque renomméecomme un délit civil.L'article L. 716-1 du Code de propriété intellectuelle prévoit que « l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 ». L'article L. 713-5 n'étant pas mentionné, l'usurpation des marques renomméesne constituepas uneatteinte au droit de marque. L'action en contrefaçon est alors logiquement inapplicable.

Ce hiatus entre les marques renommées communautaire et française constitue une anomalie dans l'harmonisation du droit des marques. Ce choix, qui n'est pas sans conséquences,nous semble pourtant justifié. En effet, il nous semble que le décalage existant entre le droit communautaire et le droit français est le prix à payer si nous voulons préserver l'intégrité du droit des marques (A). Par ailleurs, on ne peut nier que la responsabilité civile délictuelle offre une souplesse remarquable (B).

A/. La préservation de l'intégrité du droit des marques

Pour Mme Pérot-Morel, « l'idée de faire appel à d'autres règles juridiques pour admettre une protection plus large des marques notoires est a priori la plus satisfaisante. Elle permet d'entendre des revendications reposant sur l'équité tout en sauvegardant les principes fondamentaux du droit des marques »56(*). Protéger la marque renommée hors spécialité sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle permettrait ainsid'éviter la dénaturation du droit des marques. Cette solution maintenant ancienne a eu en effet le mérite de préserver, d'une part, la notion de similitude (1) et d'autre part, dans une certaine mesure, le principe de spécialité (2).

1) La préservation de la notion de similitude

La doctrine a très bien su montrer, dans le temps et dans l'espace, les différents visages que prit la protection renforcée des marques renommées57(*). En France, les juges ont été longtemps réticents à l'idée de conférer à la marque une protectionau-delàde sa spécialité. Il fallut pourtant bien trouver un moyen de conférer aux marques renommées la protection dont elles avaient besoin.

Ils ont ainsi, dans un premier temps,interprété la notion de similitude avec plus de souplesse afin d'étendre le périmètre de la spécialité. Ce raisonnement trouvait cependant ses limites en présence de produits ou services différents. Afin de ne pas dénaturer la notion de similitude en considérant des produits ou services similaires alors qu'ils étaient en réalité différents58(*), les juges ont cherché des fondements de droit commun pour donner à la marque renommée une protection renforcée. Le célèbre arrêt Pontiac témoigne de cette démarche. Les juges ont en effet sanctionné l'usage d'une marque renommée dans un secteur d'activité différent sur le fondement de l'article 1382 du Code civil59(*). Quelques années plus tard, cette solution fut reprise dans l'affaire Mazda60(*).

Le recours à la responsabilité civile délictuelle permit ainsi de sanctionner l'usurpation d'une marque renommée sans élargir de manière artificielle le périmètre de la spécialité et donc sans dénaturer la notion de similitude.

2) La relative préservation du principe de spécialité

Le principe de spécialitéest nécessairement malmené dès lors que la protection de la marque s'étend au-delà du secteur dans lequel elle est utilisée. Mais alors qu'offrir une telle protection sur le terrain du droit des marques constitue une atteinte directe à ce principe, le recours au droit commun apparaît comme une solution plus intègre. Celle-ci futdéfendue par la doctrine classique : « lorsqu'on dépasse le stade de la similitude des produits ou services et que l'on veut protéger la marque en elle-même, indépendamment de tout risque de confusion, on sort nécessairement du cadre du droit des marques »61(*). Le professeur Pollaud-Dulian fait écho à ce raisonnement ensoulignant que « hors de la spécialité (...), il n'y a pas de contrefaçon, car le droit exclusif s'arrête aux frontières de la spécialité »62(*). Ce choix de l'action en responsabilité délictuelle plutôt que de l'action en contrefaçon illustrebien l'attachement français particulier à ce principe selon lequel le droit de marque n'existe pas au-delà du cadre concurrentiel.

Certains auteurs sont allés jusqu'à dire que la protection des marques renommées prévue par l'article L. 713-5 ne constituait pas, en raison de ce fondement, une véritable dérogation au principe de spécialité. Le professeur Passa considère en effet que « si le législateur avait effectivement apporté une exception à ce principe cardinal du droit des marques, il aurait en réalité étendu l'objet habituel du droit des marques et donc le domaine de l'action en contrefaçon, ce qui n'est pas le cas »63(*). Pourtant, la nature de l'action n'enlève rien au fait que le principe de spécialité est bien écarté. On se rallie donc à l'opinion d'autres auteurs qui considèrent que l'article L. 713-5 offre aux marques renommées une protection devant laquelle le principe de spécialité,de facto, ne résiste pas64(*).

La préservation du principe de spécialité n'est ainsi que relative. Il faut toutefois retenir l'esprit de cette solution qui évite d'élargir le périmètre du droit de propriété que constitue le droit de marque.

B/. La souplesse de l'action en responsabilité civile délictuelle

Le droit commun recèle d'instruments pouvant sanctionner l'usurpation des marques renommées. Plusieurs techniques ont ainsiété mobilisées puis exclues au profit de la responsabilité délictuelle issue de l'article 1382 du Code civil.

Dans l'affaire Pontiac, l'usurpation d'une marque notoire en dehors de sa spécialité a été sanctionnée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil65(*). Cela n'a pourtant pas empêché les juges de faire preuve d'imagination par la suite en recourant à la théorie de l'abus de droit66(*) ou aux agissement parasitaires67(*). Ce n'est que lors de la réforme du 4 janvier 1991 que l'article L. 713-5 retient définitivement et exclusivement la responsabilité civile délictuelle. Ce choix, plus respectueux du principe de spécialité, offre également l'avantage de la souplesse. M. Mermillod l'avait bien compris : « Un système juridique au noyau bien défini entouré d'une certaine « aura » aux contours moins nets offre des qualités de souplesse et d'adaptation à une réalité changeante qui peuvent le rendre préférable à l'édification d'un système plus rigide, exhaustif un jour et partiellement dépassé le lendemain. En notre domaine, la variété des agissements répréhensibles est trop grande et leur nombre trop susceptible de s'accroître en fonction de l'ingéniosité humaine pour qu'on puisse les faire figurer tous dans une classification législative détaillée ou leur opposer, à chacun, des droits spécifiques. L'important est de disposer, à défaut d'une création législative ou jurisprudentielle particulière, de cette base solide qu'est l'article 1382 du Code civil et de ne pas hésiter à s'y référer »68(*).Pour ces raisons, il nous semble très judicieux d'accueillir la responsabilité civile délictuelle comme sanction aux usurpations de marques renommées en dehors de leur spécialité.

§3. Une protection à géométrie variable

L'usurpation d'une marque renommée communautaire en dehors de son secteur d'activité constitue une atteinte au droit de marque. Le titulaire pourra ainsi exercer une action en contrefaçon à l'encontre de l'usurpateur. Le titulaire d'une marque renommée française, quant à lui,ne pourra exercerqu'une action en responsabilité civile délictuelle. La nature de l'action engagée emporte bien entendu des conséquences, faisant ainsi varier l'intensité de la protection selon l'origine de la marque. Nous étudierons les avantages attachés à l'action en contrefaçon (A) ainsi que les différents sorts du signe litigieux (B).

A/. Les avantages propres à l'action en contrefaçon

Dans le cadre d'une action en contrefaçon, le titulaire pourra logiquement bénéficier des avantages propres à ce type d'action. On pense d'abord aux sanctions pénales et douanières, exclues dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle. On pense également aux procédures accessoires à la contrefaçon telles que la saisie-contrefaçon, exclusivement ouverte aux personnes « ayant qualité pour agir en contrefaçon »69(*). Notons toutefois que la Cour de cassation a pu ouvrir ce type de procédure au titulaire d'une marque agissant sur le fondement de l'article L. 713-5. Si cette solution est incohérente et clairement contraire à la lettre de l'article L. 716-7, elle a le mérite d'être justifiée par un souci d'égalité entre les titulaires des marques communautaire et française.

Mais c'est surtout depuis la loi de lutte contre la contrefaçon que le titulaire d'une marque renommée communautaire se trouve considérablement avantagé. Comme le remarque M. Maetz, « la portée de la distinction entre le délit civil et l'atteinte au droit de marque est renforcée depuis l'adoption de la loi du 29 octobre 2007 dite « de lutte contre la contrefaçon »70(*) qui transpose la directive communautaire du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle71(*). Le propriétaire d'un véritable droit de marque, plus que jamais, se voit offrir des gages de protection dont est, par définition, exclu le titulaire d'une marque célèbre dans le cadre de l'application de l'article L. 713-5 »72(*).

Depuis cette loi en effet, les sanctions civiles de la contrefaçon se départissent du principe de réparation intégrale selon lequel tout le préjudice est réparé mais rien que le préjudice. La nouvelle logique prend ainsi en compte, dans l'évaluation des dommages-intérêts, les bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur ou propose une évaluation forfaitaire. Cette solution donne ainsi au juge davantage de latitude dans l'indemnisation du titulaire et permet de lui allouer des dommages-intérêts plus conséquents que ce qui aurait été alloué sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.

Le titulaire d'une marque renommée française se voit toutefois reconnaître un avantage. C'est celui de l'inopposabilité de la forclusion par tolérance qui ne s'applique justement qu'à l'action en contrefaçon.

B/. Le sort du signe litigieux

Que l'on soit en présence d'une marque renommée communautaire ou française, il sera toujours possible pour le juge d'interdire l'exploitation du signe postérieur litigieux. Il semble que l'article L. 713-5 applicable aux marques françaises n'offre d'ailleurs que cette possibilité. Le titulaire d'une marque renommée communautaire, lui, pourra s'opposer à l'enregistrement ou faire une demande en nullité du signe litigieux.

L'opposition à l'enregistrement, qui n'est pas prévue par le Code de la propriété intellectuelle, est en effet envisagée par l'article 8.5° du RMC. L'annulation du signe litigieux est, quant à elle, prévue à l'article 53.1° a) du même texte. Là encore, malgré les doutes de certains membres de la doctrine73(*), il ne semble pas que l'article L. 713-5 puisse le permettre. D'une part parce que, selon le fameux adage, il n'y a pas de nullité sans texte. D'autre part, on note que cet article du Code de la propriété intellectuelle est la transposition de l'article 5.2° de la directive et non pas celle de l'article 4.4° a) qui prévoit spécifiquement l'annulation du signe postérieur litigieux74(*). La non transposition de ce dernier article par le législateur marque bien une volonté de ne pas aller jusqu'à l'annulation.

Certains souhaitent que l'annulation du signe postérieur litigieux soit possible dans le cadre de l'article L. 713-5 parce qu'il est bien inutile de laisser valable une marque qui ne peut être exploitée75(*). Cela consiste en effet à maintenir une marque en vie de manière artificielle. Par ailleurs, cette solution n'est pas très opportune dans la mesure où elle crée un hiatus avec le droit communautaire76(*). On sait en effet que l'article 8.5° du RMC permet l'annulation de la marque. Cette différence de solutions ne fait qu'ajouter à la complexité du système de protection des marques renommées et creuser le déséquilibre entre les droits conférés par la marque renommée communautaire et la marque renommée française.

Plus préoccupante que ce dispersion de la protection est toutefois la distorsion à laquelle elle est soumise. Son champ d'application s'est en effet tellement étendu que la protection contre la dilution risque de perdre sa légitimité mais aussi sa cohérence.

Section 2. La distorsion du champ d'application de la protection

Après avoir étudié la nature de la protection contre le préjudice de dilution, il reste à déterminer quelle est son étendue. En d'autres termes, quelles marques peuvent en bénéficier et dans quelles hypothèses. Cette étape du raisonnement est déterminante puisque de l'étendue du champ d'application dépend la légitimité même de la protection. En effet, nous avons vu que si le principe d'une protection contre le préjudice de dilution est nécessaire, il ne faut pas que son étendue soit excessive afin-on n'aura de cesse de le répéter - de ne pas porter atteinte à la liberté de la concurrence.

L'étude de notre droit positif ne peutqu'inquiéter, et ceci à deux égards. Les marques qui bénéficient de la protection sont les marques connues d'un public spécialisé (§1). En effet, la Cour de justice retient une interprétation particulièrement extensive de la notion de renommée, si bien qu'un nombre très élevé de marques entre dans le champ d'application de la protection. Par ailleurs, il est indifférent que l'usurpateur soit ou non un concurrent ; la protection contre la dilution, normalement cantonnée aux rapports non concurrentiels, s'est ainsi étendueaux rapports concurrentiels (§2).

§1. Une protection de la marque connue d'un public spécialisé

Les textes offrent une protection contre l'atteinte au caractère distinctif à la marque « qui jouit d'une renommée » ou« jouissant d'une renommée ». On se penchera d'abord sur l'opportunité du choixdu critère de la renommée (A) avant d'étudier l'interprétation que notre droit positif en retient (B).

A/. Le choix du critère : entre renommée et distinctivité

Certains auteurs ont pu préconiser la protection de toutes les marques contre le préjudice de dilution77(*). Contestable dans son principe en ce qu'elle étend démesurément le champ d'application de la protection, cette solution l'est également dans sa logique : car l'existence d'une atteinte au pouvoir distinctif d'une marque nécessite ab initioque celle-ci ait un fort pouvoir distinctif78(*).Ainsi, par définition, le préjudice de dilution ne peut toucher toutes les marques.

Plus pertinente est la proposition du critère de la distinctivité.Schechter, père de la théorie de la dilution, n'avait en effet pas dans l'idée de protéger les marques renommées. Il prenait comme critère déterminant la distinctivité de la marque, et non pas sa renommée. Précisons que si ces deux critères vont souvent de pair, ils ne se confondent pas systématiquement. Il préconisait ainsi une protection contre la dilution des marques « inventées, arbitraires, fantaisistes »79(*), soit des marques au degré de distinctivité particulièrement élevé. Callmann, fervent défenseur de la dilution aux côtés de Schechter, prône également la protection des marques hautement distinctives : « La doctrine de la dilution ne doit pas être limitée aux marques « célèbres » ou « renommées ». Le véritable objet de la protection est la distinctivité de la marque résultant de son extraordinaire singularité ou de considérables efforts publicitaires, et ce avant même qu'elle ne soit connue »80(*).

On comprend la logique ici défendue. La dilution consistant en une atteinte au caractère distinctif d'une marque, le recours au critère de la distinctivité semble parfaitement adéquat dans la mesure où cet élément est l'objet même de la protection. Par ailleurs, on sait que la protection contre la dilution est justifiée par le fort pouvoir d'irradiation qui émane d'une marque. Or la distinctivité est justement ce qui permet à la marque de briller, d'attirer et éventuellement de fidéliser. Faire le choix de la distinctivité comme critère du champ d'application de la protection ne semble donc pas totalement incongru.

Ces auteurs, on le voit bien, ont la volonté de donner à la protection contre la dilution un champ d'application très large. Ils partent en effet du principe que le critère de la renommée est trop restrictif et que c'est bien toutes les marques distinctives, même celles qui ne sont pas renommées, qui doivent être protégées. Ce raisonnement part ainsi du postulat que la distinctivité est une notion plus large que la renommée.Le choix ducritère de la distinctivité nous semble toutefois dangereux car cela aboutirait à conférer une protection contre la dilution à un nombre trop élevé de marques.

Aujourd'hui pourtant, le choix d'un autre critère, celui de la renommée, constitue la même menace.En effet, la Cour de justice donne à la renommée une interprétation tellement souple qu'elle est devenue une notion beaucoup plus large que la distinctivité. Ce qu'on pouvait ainsi reprocher au critère de la distinctivité peut aujourd'hui l'être à celui de la renommée.

La seule renommée ne saurait pourtant suffire à déclencher la protection. En effet, le critère de distinctivité est, de manière assez logique, pris en compte par la jurisprudence. Celle-ci a ainsi refusé d'appliquer la théorie de la dilution à une marque renommée constituée d'un signe banal81(*). Ainsi, la renommée et la distinctivité sont deux critères cumulatifs pour qu'une marque puisse prétendre à la protection contre le préjudice de dilution. C'est toutefois la renommée qui ouvre la possibilité d'une protection contre la dilution.

B/. L'appréciation démesurément extensive de la renommée

A titre liminaire, il convient de faire mention de la place de la marque notoire dans ce système de protection renforcée.En effet, celle-ci s'apparente à la marque renommée puisqu'il s'agit grossièrement d'une marque qui jouit d'une certaine célébrité. Elle s'en distingue toutefois par son absence d'enregistrement. Nous n'évoquerons pas la question de la distinction des deux notions sur laquelle la littérature juridique s'est déjà abondamment penchée82(*). Il nous importe toutefois de déterminer si la marque notoire peut bénéficier de la protection reconnue à la marque renommée.

Alors que l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle étend expressément la protection spéciale des marques renommées aux marques notoires83(*), les articles 8.5° et 9.1° c) du RMC ainsi que les articles 4.4° a) et 5.2° de la directive du 21 décembre 1988 ne font référence qu'à la marque qui « jouit d'une renommée ». Ce silence ne serait toutefois pas un obstacle pour faire profiter d'une protection spéciale aux marques notoires.Dans un arrêt du 22 novembre 2007, la Cour de justice a en effet considéré que la marque notoire et la marque renommée constituaient des notions voisines84(*). Par ailleurs, il semble qu'une lecture combinée des articles de la directive du 21 décembre 1988 et du règlement sur la marque communautaire permet d'accorder aux marques notoirement connues la même protection qu'aux marques renommées85(*). La marque notoire, au même titre que la marque renommée, pourra ainsi bénéficier d'une protection contre la dilution de son caractère distinctif.

La renommée est une notion déterminante puisque d'elle dépend le bénéfice de la protection contre le préjudice de dilution. De la conception plus ou moins large que l'on en retient dépend ainsi le nombre de marques pouvant prétendre à une protection en dehors de leur spécialité. On comprend alors que cette conception plus ou moins large met en jeu l'intégrité du principe de libre concurrence.

Sans craindre de dénaturer le concept86(*), la Cour de justice des communautés européennes retientde la renommée une définition très laxiste puisque le degré de réputation requis est très faible,au regardà la fois du public (1) et de la zone géographique (2).

1) Le public de référence

Deux conceptions de la renommée et de la notoriété peuvent être retenues en fonction du degré de réputation exigé. Une interprétation souple voudra qu'on retienne une marque renomméelorsque celle-ci est connue d'une large fraction du public concerné par les produits ou services qu'elle désigne. Une conception plus stricte de la renommée consiste à prendre en compte la connaissance de la marque par une large fraction du grand public.

Notre droit positif retient la première solution. Dans un arrêt General Motors, la Cour de justice des communautés européennes estime en effet qu'une marque est renommée lorsqu'elle est « connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque »87(*). Cette appréciation extensive de la renommée est contestable à plusieurs égards.

D'une part, en qualifiant de renommée une marque connue seulement d'un public spécialisé, le nombre de marques bénéficiant du régime dérogatoire s'accroît démesurément. Or cette protection ne devrait rester qu'exceptionnelle, sous peine de malmenerle principe de spécialité et, partant, la liberté de la concurrence. Par ailleurs, accorder une protection renforcée à une marque connue des seuls professionnels d'un secteur entraîne l'indisponibilité de signes qui sont pourtant inconnus du grand public88(*). Le titulaire d'une marque renommée dans le secteur de matériels de plongée pourrait ainsi empêcher l'emploi de son signe pour désigner des cosmétiques. On ne voit là aucune utilité à cette protection.

D'autre part, M. Bouvel note avec raison que retenir une définition extensive de la renommée est dénué d'intérêt. En effet, le titulaire d'une marque qui n'est connue que d'un public spécialisé peinera à effectivement bénéficier de la protection élargie89(*). En effet, fort heureusement, la seule preuve de la renommée ne suffit pas puisque la démonstration d'un lien entre les signes devra être également rapportée.Ainsi, les marques utilisées dans un secteur spécialisé qui auraient passé le test de la renommée se verront de toute manière refuser la protection lorsqu'elles échoueront à démontrer l'association mentale faite par les consommateurs entre les signes en conflit.

Notons que le droit américain a, dans le cadre de son système anti-dilution, tiré les conséquences de l'incohérence d'une telle solution en revenantà une interprétation stricte de la renommée. Une marque n'est désormais caractérisée comme telle que lorsqu'elle est largement connue du grand public90(*).

2) Le territoire de référence

Dans le même arrêt General Motors, la Cour de justice persiste dans le laxisme sur la question de l'étendue territoriale de la renommée. Les textes communautaires exigenten effet que la marque jouisse d'une renommée « dans l'Etat membre ». Les juges communautaires ont adopté une lecture très compréhensive de cette exigence lorsqu'ils affirmentqu'« il ne peut être exigé que la renommée existe dans « tout » le territoire de l'Etat membre. Il suffit qu'elle existe dans une partie substantielle de celui-ci »91(*). La solution n'est en soi pas choquante ; on ne saurait exiger d'une renommée qu'elle s'étende sur la totalité du territoire. Plus inquiétante est par contre la conception qu'a la Cour de justice de ce que constitue la « partie substantielle » d'un territoire puisque c'est comme telle qu'elle considère un seul des trois pays du Benelux92(*). La marque pourra donc être renommée même si elle n'est connue que sur une partie restreinte du territoire.

Ainsi, la reconnaissance locale d'une marque par un public spécialisé suffit à caractériser la renommée. Il est aisé de comprendre qu'un nombre considérable de marques peut donc prétendre à la protection contre le préjudice de dilution alors que celle-ci ne devrait être limitée qu'à des cas exceptionnels.

Cette distorsion du champ d'application de la protection se poursuit avec son extension au cadre concurrentiel.

§2. Une extension de la protection au cadre concurrentiel

Les articles 8.5° et 9.1° c) du règlement sur la marque communautaire ainsi que les articles 4.4° a) et 5.2° de la directive du 21 décembre 1988 permettent au titulaire d'une marque renommée de sanctionner l'utilisation de son signe par un tiers pour désigner des produits ou services différents. Cette protection spécifique de la marque renommées'applique ainsi en dehors du cadre de la spécialité et son bénéfice est, en toute logique, dispensé de la preuve d'un risque de confusion.

En dehors de cette hypothèse, c'est-à-dire en présence de deux signes désignant des produits ou services identiques ou similaires, deux cas de figure peuvent être distingués. Conformément à l'article 5.1° a) de la directive, le titulaire d'une marque peut empêcher l'utilisation d'un signe postérieur identique désignant des produits ou services identiques. Il pourra faire de même, conformément à l'article 5.1° b), face à un signe postérieur identique ou similaire désignant des produits ou services identiques ou similaires, à condition, cette fois, de rapporter la preuve d'un risque de confusion.

A première vue, le terrain de protection des marques semble bien balisé. Pourtant, une zone d'ombre subsiste. Qu'advient-il lorsque l'emploi d'une marque renommée antérieure pour des produits ou services similaires n'entraîne aucun risque de confusion ?Si l'on suit la lettre des textes, il semble que le titulaire de la marque renommée ne puisse agir que sur le terrain de l'article 5.1° b) puisqu'on est en présence de produits ou services similaires. La Cour de justice en a pourtant décidé autrement en dégageant une solution contra legem (A) dont on peine à saisir l'opportunité (B).

A/. Une solution contra legem

Au vu des textes, il semble que le titulaire se trouve dépourvu de protection face à l'usurpation de sa marque renommée pour des produits ou services similaires qui n'entraîne aucun risque de confusion. Il est vrai que la cohérence de cette solution laisse à désirer puisque si le tiers usurpateur n'avait pas été un concurrent, le titulaire de la marque renommée aurait pu bénéficier d'une protection sans avoir à prouver un risque de confusion. Il est dès lors surprenant que la protection d'une marque renommée soit moins efficace dans le cadre concurrentiel que dans le cadre non concurrentiel.

Partant de ce constat, la Cour de justice a, dans un arrêt Davidoff de 2003, permis aux Etats membres octroyant aux marques renommées une protection renforcée d'étendre celle-ci au cadre concurrentiel. Elle justifie sa décision en affirmant que l'article 5.2° de la directive doit être interprété « en considération de l'économie générale et des objectifs du système dans lequel il s'insère » et qu' « il ne saurait être donné dudit article une interprétation qui aurait pour conséquence une protection des marques renommées moindre en cas d'usage d'un signe pour des produits ou des services identiques ou similaires qu'en cas d'usage d'un signe pour des produits ou des services non similaires »93(*).

Cette solution, rendue contre l'avis de l'avocatgénéral Jacobs94(*), contredit ouvertement la lettre des textes communautaires. Les articles 4.4° a) et 5.2° de la directive sont en effet explicites : le régime de faveur des marques renommées ne s'applique qu'en présence de produits ou services différents, doncdans un cadre non concurrentiel. Dès lors que l'on est en présence de signes en conflit désignant des produits ou services similaires, les articles 5.1° a) et 5.1° b) trouvent exclusivement à s'appliquer95(*).

Les juges ont pourtant redoublé d'audace dans un arrêt Adidas de la même année en transformant cette faculté en une obligation : « l'option de l'Etat membre porte sur le principe même de l'octroi d'une protection renforcée au profit des marques renommées, mais non sur les situations couvertes par cette protection lorsqu'il l'accorde »96(*).

B/. Une solution inopportune

Cette solution est pour le moins critiquable. Les régimes de protection ne sont pas censés être à la carte, laissant au titulaire le choix de l'action la plus favorable. Les différentes dispositions correspondent en effet à des hypothèses bien distinctes qu'il convient de respecter, car le mélange des genres ne fait que nuire à la cohérence du droit des marques.

Par ailleurs, la doctrine a pu signaler que cette extension de la protection renforcée au cadre concurrentiel ne présente pas de grand intérêt pratique, notamment parce que l'appréciation globale du risque de confusion, en prenant en compte la renommée de la marque, rend déjà très aisée la preuve d'un tel risque97(*). Elle a également pu dénoncer les effets pervers d'un possible cumul d'actions98(*).

Ainsi, le champ d'application de la protection renforcée des marques renommées, censé être initialement très restreint, est aujourd'hui démesurément étendu. D'une part, la conception particulièrement laxiste de la renommée permet à un nombre de marques considérablement élevé de bénéficier de la protection. D'autre part, la marque renommée bénéficie de cette protection renforcée dans un nombre d'hypothèses démultiplié. La protection exceptionnelle dont devait jouir le titulaire d'une marque renommée se trouve dès lors généralisée. Le droit des marques s'égare et le principe de libre concurrence en pâtit sévèrement.

Le champ d'application de la protection contre le préjudice de dilution est ainsi particulièrement extensif. Cette solution, loin de tourner à son avantage, conforte l'opposition de ses détracteurs et nuit à sa cohérence.En effet, la protection contre la dilution ne devrait être un fondement général d'action ; elle était censée, et devrait rester une défense spécifique et particulière des marques renommées. La généralisation de la protection contre la dilution bouleverse l'équilibre et la cohérence du droit des marques et remet ainsi en cause toute sa légitimité. Il est dès lors nécessaire que les juges remédient à cette dérive en affinant la conception de la dilution. Les excès que les juges se sont permis sur le terrain du champ d'application de la protection devront être modérés sur celui de la notion de dilution.

Seconde partie :

La conception affinée du préjudice de dilution

Les juges ont procédé à une interprétation extensive très critiquable des dispositions communautaires relatives à la protection des marques renommées. La Cour de justice retient d'une part une conception très souple de la renommée, permettant ainsi à un nombre de marques très élevé de bénéficier d'une protection contre le préjudice de dilution. D'autre part, elle multiplie les hypothèses de cette protection spéciale en étendant son application au cadre concurrentiel. Cet égarement du droit des marques, laissant présager une protection quasi généralisée contre le préjudice de dilution,permet un véritable contournement du principe de spécialité.L'équilibre bien fragile entre le droit des marques et le principe de libre concurrence est ainsi sévèrement menacé.

La protection contre le préjudice de dilution, beaucoup trop compréhensive et distendue, traverse ainsi une crise de légitimité. Face à cette dérive, les juges n'eurent d'autre choix que d'adopter une conception restrictive du préjudice. Le concept de dilution en sortira inévitablement malmené. La compréhension et la redéfinition théoriques du préjudice de dilution pourront toutefois favoriser sa réhabilitation au sein de notre droit des marques. La résolution des crises de légitimité et de cohérence que traverse la théorie de la dilution nécessite ainsi un affinement des contours de la notion, d'une part (Chapitre 1), et de son contenu, d'autre part (Chapitre 2).

Chapitre 1. L'affinement des contours de la dilution :

la minimisation du préjudice

Les juges ont tenté de neutraliser l'extension excessive du champ d'application sur un autre terrain. Ils ont ainsi précisé et minimisé le préjudice de dilution en rendant plus ardue sa démonstration. Alors que la preuve du seul emploi de la marque renommée antérieure a parfois pu suffire à caractériser le préjudice, les juges exigent désormais que soit démontré une association intellectuelle faite par le consommateur entre les signesmais également un changement de son comportement économique. Le préjudice de dilution ne correspond donc aucunement, et fort heureusement, à une seule perte d'exclusivité du signe. S'ajoute ainsi à la démonstration préalable d'une proximité entre les signes (Section 1) l'exigence de démontrer une véritable atteinte au pouvoir distinctif (Section 2).

Section 1. La démonstration préalable d'une proximité entre les signes

Avant de démontrer une atteinte au caractère distinctif, le titulaire de la marque devra logiquement apporter la preuve d'une proximité entre les signes. Pour ce faire, il devra démontrer l'existence d'un fait générateur, consistant en la reproduction ou l'imitation de sa marque par le signe litigieux postérieur (§1) et le fait que cet emploi pousse le consommateur à faire un lien entre les deux signes (§2).

§1. La démonstration d'un emploi de la marque renommée

Avant une ordonnance de 2008, la nature de l'emploi requis était très discutée (A). Le débat étant aujourd'hui tranché, nous ne feronsqu'un bref rappel de la controverse.Nous étudierons également la question, souvent ignorée, de l'origine de l'emploi, c'est-à-dire du type de signe qui peut constituer cet emploi (B).

A/. La nature de l'emploi

Avant l'ordonnance du 11 décembre 200899(*), l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle ne faisait référence qu'à l'« emploi » de la marque renommée. Un doute existait alors sur le type d'utilisation sanctionné : était-ce limité à la reproduction servile du signe ou s'étendait-il à son imitation ? Il est vrai que la protection renforcée des marques renommées constituant une exception au principe de spécialité, celle-ci devrait être interprétée stricto sensu et ne renvoyer qu'à la reproduction100(*).Dans le cadre de l'affaire Olymprix, la Chambre commerciale avait pu décider que l'emploi de l'article L. 713-5 renvoyait à la seule reproduction tandis que l'imitation pouvait être sanctionnée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil101(*).Elle est toutefois revenue sur sa décision dans un arrêt Cartier en considérant qu'un titulaire de marque renommée pouvait bénéficier de la protection renforcéesuite à l'usage d'un signe similaire102(*). Autrement dit, l'imitation d'un signe, au même titre que sa reproduction, pouvait être sanctionnée sur le terrain de la protection spéciale.

Une ordonnance du 11 décembre 2008 vint confirmer ce raisonnement et mettre fin à la controverse en modifiant l'article L. 713-5. Celui-ci vise désormais explicitementà la fois la reproduction et l'imitation. Inquiétante en ce qu'elle aggrave l'élargissement du champ d'application de la protection contre le préjudice de dilution, cette solution était pourtant inévitable.Le professeur Passa fait remarquer que l'article L. 713-5 est de toute façon interprété à la lumière de l'article 5.2° de la directive qui, lui, prévoit que « le titulaire est habilité à interdire à tout tiers de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique ou comparable à la marque »103(*). Par ailleurs, il est évident que les marques renommées peuvent autant souffrir de la reproduction que de l'imitation de leur signe. La dilution consiste en l'érosion de la distinctivité, en une banalisation du signe. L'imitation, si elle n'est pas trop éloignée, parvient tout autant à ce résultat si le consommateur associe intellectuellement les deux signes104(*).

B/. L'origine de l'emploi

L'emploi de la marque renommée peut être sanctionné au titre de la protection renforcée alors même que celui-ci n'est pas le fait d'une marque. Dans un arrêt Adidas, la Cour de justice a en effet considéré que l'emploi d'une marque renommée par un simple signe, même s'il n'était pas perçu comme une marque, pouvait porter atteinte au caractère distinctif de la marque antérieure105(*).Il est intéressant de noter que cette décision fut rendue, une fois de plus, contre l'avis de l'avocat général Jacobs qui considère que c'est seulement si le signe est utilisé en tant que marque que la protection peut être déclenchée106(*). On ne voit pas en quoi, en effet, l'utilisation d'un signe à titre simplement décoratif pourrait porter atteinte au caractère distinctif de la marque. Par nature, le préjudice de dilution ne peut être provoqué que par la multiplication d'autres signes distinctifs pouvant brouiller les repères des consommateurs. Là encore, la généralisation de la protection ne laisse rien présager de bon.

Fort heureusement, cette protection excessivement compréhensive contre le préjudice de dilution va être neutralisée par l'ajout de conditions strictes pour la mettre effectivement en oeuvre. Plus qu'une nécessité pratique pour réguler la protection, il s'agit d'un retour à une certaine cohérence : par définition, la dilution n'est pas une atteinte à l'unicité de la marque, mais à sa distinctivité. La jurisprudence s'est ainsi tournée vers la perception du consommateur.

§2. La démonstration d'un lien entre les marques dans l'esprit du public

La dilution est un préjudice qui va brouiller les repères dans l'esprit du consommateur. Il n'est donc pas surprenant de prendre ce dernier comme référence afind'apprécier l'existence réelle du préjudice. C'est dans un arrêt Adidas que la Cour de justice a ainsi exigé la démonstration supplémentaire d'un lien entre les signes dans l'esprit du public concerné.Reste à savoir quelle est la nature (A) et la méthode d'appréciation (B) de ce lien.

A/. La nature du lien

Si la Cour reste assez évasive sur ce que constitue ce lien, on saitqu'il ne se confond pas avec le risque de confusion107(*). Les conclusions de l'avocat général sont plus généreuses. On peut y lire qu' « il y aurait risque d'association lorsque le public effectue un rapprochement entre le signe et la marque, la perception du signe éveillant le souvenir de la marque, sans toutefois les confondre»108(*).

Dans son arrêt Intel, la Cour gagne en précision en affirmant que le lien est constitué dès lorsque « la marque postérieure évoque la marque antérieure dans l'esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé »109(*). Le lien requis correspond donc à une association mentale d'une faible intensité puisqu'il suffit d'une « pensée pour le signe antérieur, même très fugitive »110(*). Il sera donc aisé de remplir cette condition si les signes sont suffisamment similaires.

B/. L'appréciation du lien

Bien que distinct du risque de confusion, le lien s'apprécie de la même manière : conformément à la méthode globale d'appréciation, tous les facteurs pertinents sont pris en compte111(*). Si le lien renvoiede manière évidente à l'identité ou similarité des signes, il renvoieainsi également à l'intensité de la renommée et de la distinctivité de la marque antérieure, mais encore à la proximité des produits et services désignés. En effet, si les secteurs d'activité sont spécialisés et radicalement différents, il est fort probableque les publics visés ne se chevauchent pas et qu'aucune association mentale ne puisse ainsi être établie112(*).

Cette appréciation globale a le mérite de faire office de correctif naturel à la conception très compréhensive retenue de la renommée. En effet, une marque peut être qualifiée comme telle alors même qu'elle est utilisée dans un secteur d'activité très pointu et donc inconnue du grand public.Dans ce cas, de manière tout à fait logique, l'association intellectuelle ne sera probablement pas constituée, même si les signes en conflit sont identiques ou similaires. Un auteur de la doctrine affirmait d'ailleurs à cet égard que l' « on ne dilue pas dans un mouchoir de poche »113(*). Autrement dit, il est peu probable qu'une marque renommée dans un secteur très spécialisé subisse un préjudice de dilution. La protection des marques renommées contre la dilution retrouve donc une certaine cohérence par l'ajout de ce critère qu'est le lien.

Une incohérence persiste pourtant selon nous dans le raisonnement de la Cour. Elle affirme en effet qu' « un lien entre les marques en conflit est nécessairement établi en cas de risque de confusion »114(*). Le bon sens veut que l'on approuve cette solution qui suit la logique du « qui peut le plus peut le moins ». En effet, comme le relève M. Bouvel, la Cour considère le risque de confusion et le lien comme deux réactions de même nature, mais de degrés de suggestion différents. Dans le premier cas, le consommateur ne fait que songer à la marque renommée, dans le second, il confond ou associe les signes115(*). Partant de ce raisonnement, il semblerait que le titulaire qui parvient à établir un risque de confusion parvient nécessairement à établir le lien que fait le consommateur.

On peut toutefois émettre des doutes sur cette logique en apparence implacable. En effet, si la réaction du consommateur va jusqu'au risque de confusion, cela exclut par définition l'existence du lien, et par extension celle d'un préjudice de dilution116(*). Si le consommateur a confondu les signes, c'est justement qu'il n'a pas fait le lienentre eux. La marque ne peut donc être atteinte dans sa distinctivité puisqu'à ce stade, elle l'a déjà perdue. Il faut rappeler que le risque de confusion et la dilution sont deux préjudices différents ; le premierannihile la distinctivité, le second ne fait que l'éroder. Par définition, le premier exclut le second.

Pour cette raison, la preuve du risque de confusion pour caractériser le lien ne semble pas très pertinente. En persistant dans le mélange des genres amorcé par les jurisprudences Davidoff et Adidas, la Cour ne fait que complexifier une protection qui aurait besoin de plus de clarté.

Section 2. La démonstration indispensable d'une atteinte au caractère distinctif

La démonstration de ce lien, si elle est nécessaire, n'est toutefois pas suffisante. Il faut s'en réjouir si l'on retient la définition très souple de la renommée et l'intensité très faible requise de cette association mentale. La Cour a ainsi considéré à juste titre que le lien ne pouvait constituer la preuve du préjudice. Celui-ci n'étant en réalité qu'un prérequis, il faut démontrer une véritable atteinte au pouvoir distinctif. Elle réduit ainsi cette atteinte à la démonstration d'une modification du comportement économique du consommateur (A) et exclut, par là même, d'autres critères (B).

§1. L'exigence d'une modification du comportement économique

du consommateur

La démonstration d'un lien entre les signes dans l'esprit du public concerné est nécessaire mais elle n'est pas suffisante. Cette condition n'a en effet pour objet que de déterminer la similitude des signes, et non de véritablement établir un préjudice. Il faudra que le titulaire apporte ainsi la preuve que le lien entre les signes fait par le public visé par sa marque emporte des conséquences préjudiciables. Ce raisonnement n'est pas surprenant. On ne pourrait en effet considérer que le seul fait que le signe postérieur évoque la marque renommée antérieure dans l'esprit du consommateur entraîne en soi la dilution de la marque. C'est d'ailleurs également la solution retenue par le droit américain qui exige que l'association mentale affaiblisse effectivement sa distinctivité117(*). Beaucoup plus spécifique, la Cour de justice exige quant à elle « une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée »118(*). Cela n'est pas sans rappeler le critère caractéristique de la pratique commerciale déloyale en droit de la consommation119(*). La protection contre le préjudice de dilution, si elle ne relève pas à strictement parler de la concurrence déloyale, s'en rapproche fortement. On peut toutefois se demander si ce critère est adapté pour caractériser une atteinte au pouvoir distinctif de la marque.

Si l'ajout d'un critère doit être salué en ce qu'elle vient corriger une jurisprudence trop laxiste (A), on peut se demander si la Cour ne fait pas un excès de zèle en exigeant la démonstration d'un critère aussi obscure que restrictif (B). Malgré les inquiétudes, il semble que l'ajout de cette condition n'affecte pas outre mesure la protection des marques renommées contre le préjudice de dilution (C).

A/. La correction d'une jurisprudence laxiste

Avant que l'arrêt Intel ne soit rendu, les juridictions françaises faisaient preuve d'un laxisme exemplaire. Certains juges ont ainsi considéré que le préjudice était constitué par le seul constat de l'emploi d'une marque renommée, solution aberrante qui entraîne une application automatique et aveugle de la protection contre le préjudice de dilution120(*). Moins fantaisistes mais toujours aussi peu rigoureuses sont les décisions qui faisaient présumer l'existence d'une atteinte au caractère distinctif de la marque à partir de la seule démonstration de l'association mentale faite par le consommateur. En effet, dans deux arrêts rendus respectivement en mars et septembre 2008, la Chambre commerciale de la Cour de cassation censure la cour d'appel pour avoir exigé, en plus de la démonstration d'un lien entre les signes, la preuve d'un préjudice réel121(*). La lecture très souple que fait la Cour de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle est pour le moins douteuse, d'autant que les juges communautaires montraient déjà la voie pour une application plus stricte de la protection des marques renommées. Plus exigeants, ces derniers ont en effet considéré que le lien entre les signesne suffisait pas à établir l'existence d'un préjudice122(*). Des années plus tôt, l'OHMIavait également soutenu ce qui relève aujourd'hui de l'évidence, c'est-à-dire que le seul emploi d'une marque renommée antérieure ne peut présumer une atteinte à son pouvoir distinctif123(*).

B/. Un critère insatisfaisant

C'est dans ce contexte que la Cour de justice, dans son arrêt Intel, vint avaliser mais aussi préciser les solutions communautaires. Elle affirme ainsi que le préjudice de dilution ne peut se trouver constitué que si l'usage de la marque « entraîne une dispersion de l'identité de la marque antérieure et de son emprise sur le public »124(*). La Cour va plus loin en exigeant que ces conséquences préjudiciablessoienten quelque sorte quantifiées et revêtent une réalité commerciale puisque le titulaire devra démontrer « une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l'usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu'une telle atteinte se produise »125(*). Cette nouvelle exigence laisse la doctrine perplexe et inquiète les titulaires des marques renommées car elle constitue une minimisation excessive du préjudice de dilution (1) et semble constituer une preuve diabolique (2).

1) Une minimisation excessive du préjudice de dilution

L'exigence de démontrer un telcritère implique que le préjudice de dilution ne se réduit finalement qu'à la modification du comportement économique du consommateur visé par la marque renommée. C'est là une vision trop restrictive de la dilution qui est plus largement conçue, par les textes comme par la doctrine, comme une atteinte au pouvoir distinctif de la marque. Comme l'affirme le professeur Caron, il peut y avoir dilution sans nécessairement qu'il y ait une modification du comportement économique du consommateur126(*). Il est également intéressant de noter que la décision de la Cour, sur ce point, est en contradiction avec les conclusions de l'avocat général Sharpston. Celui-ci considérait en effet que l'atteinte au caractère distinctif de la marque « n'implique pas nécessairement un préjudice économique ». De ce fait, la preuve d'une incidence sur le comportement économique du public concerné ne devrait pas constituer une condition mais seulement un indice de la dilution127(*).

2) Une preuve diabolique du préjudice de dilution

La doctrine s'est surtout interrogée sur la teneur de la preuve qui doit désormais être apportée128(*). Comment prouver que l'emploi d'une marque renommée, qui plus est pour des produits ou services différents, entraîne la modification du comportement économique du consommateur visé par la marque antérieure ? C'est là une preuve presque diabolique dans la mesure où les produits et services appartiennent à des secteurs d'activité différents. Il est vrai que plus les spécialités sont éloignées, plus il sera difficile de prouver que l'emploi de la marque renommée lui porte préjudice, surtout si les spécialités sont pointues comme nous l'avons vu.

Mais le fardeau de cette preuve est d'autant plus écrasant qu'il est bien incertain qu'une telle modification puisse être constatée au moment de l'usurpation. Au risque de paraître redondant, la dilution est un phénomène latent qui ne devient véritablement préjudiciable qu'après une succession d'usages de la marque. Ce n'est donc qu'au bout d'un certain temps qu'une éventuelle modification du comportement économique du consommateur pourra être constatée. Encore faut-il que celle-ci parvienne à être évaluée et attribuée à l'usurpation en cause. Il est donc illusoire de pouvoir rapporter une telle preuve lors du litige.

C/. Une protection toujours compréhensive envers le titulaire

La situation n'est pas aussi inextricable qu'il n'y paraît pour les titulaires de marques renommées129(*). Loin d'être dans l'impasse, le titulaire a toujours la possibilité de ne prouver qu'un risque de modification du comportement économique du consommateur (1). On remarque par ailleurs la persistance d'une jurisprudence compréhensive vis-à-vis du préjudice de dilution (2).

1) La possibilité de ne prouver qu'un risque de dilution

La Cour exige la preuve d'une modification du comportement économique du consommateur ou un risque sérieux qu'elle se produise. Elle affirme ainsi clairement que le titulaire de la marque antérieure n'est pas tenu de démontrer une atteinte effective et actuelle à sa marque et peut se contenter « d'établir l'existence d'éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu'une telle atteinte se produise dans le futur ».130(*) Il est intéressant de noter que le droit américain introduit la même solution, d'ailleurs très controversée, lors de sa réforme anti-dilution de 2006131(*).La possibilité de ne prouver qu'un risque de préjudice, même si elle n'est pas envisagée par la directive, nous sembleparfaitement cohérente.

Cette solution est, d'une part, en accord avec le régime de protection contre le préjudice de dilution. On sait en effet que cette protection permet notamment au titulaire d'une marque renommée communautaire de s'opposer à l'enregistrement du signe litigieux132(*). On voit alors mal comment ce dernier pourrait prouver une modification actuelle du comportement économique du consommateur alors que le signe litigieux n'a pas encore été utilisé sur le marché et est donc resté inconnu des consommateurs. Cette solution logique est d'ailleurs prévue par l'article 8.5° du RMC133(*).

Cette solution est, d'autre part et surtout, en accord avec la nature même du préjudice. La dilution est en effetun préjudice qui, la plupart du temps, n'est pas actuel. Comme l'expliquait M. Jaton, elle « se présente le plus souvent à l'état de simple menace quand l'affaire vient en justice, car le phénomène n'évolue que très lentement jusqu'à son stade final. Il s'agit donc d'évaluer un risque, de faire un pronostic »134(*). La particularité du phénomène de dilution nécessitait donc que soit acceptée la démonstration d'un seul risque de préjudice.

Pourtant, l'assouplissement de cette condition ne résout le problèmequ'en surface. La Cour de justice exige en effet la preuve d'un risque sérieux, laissant entendre que les juges s'attendent à obtenir des éléments empiriques prouvant la probabilité, et non pas la seule possibilité, d'une modification du comportement économique du consommateur. Sur le principe, on ne peut qu'approuver ce refus d'indemniser un dommage purement hypothétique. On pressent pourtant que cette solution, en pratique, conduit à une impasse.

En effet,rapporter la preuve d'un risque sérieux reste une tâche toujours aussi difficile. Car ce qui entraînela dilution n'est pas le seul emploi en cause lors du litige mais bien la réitération de ce genre d'emploi. Evaluer un risque de dilution relève ainsi d'un exercice purement spéculatif. « Sans doute, dans certains cas, la marque ne s'affaiblira pas, notamment si l'acte reste isolé. Mais nul ne saurait le prévoir. Au contraire, il y a tout lieu de considérer que, si une seule reproduction est tolérée, les hésitants se libèreront bien vite de leurs scrupules, après quoi la désignation apparaîtra, identique ou analogue, sur toutes sortes de produits, du rouge à lèvres à la pelle mécanique »135(*). À en lire cette analyse de M. Jaton, il semblerait que le risque de préjudice soit par définition purement théorique.Cette causalité hypothétiquequ'il existe entre l'usurpation de la marque renommée et la constatation d'un préjudice est bien ce qui rend la preuve de la dilution si embarrassante.

Certes, les juges communautaires avaient déjà pu préciserqu'un risque futur de préjudice pouvait être établi « notamment sur la base de déductions logiques résultant d'une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l'espèce »136(*). Celane facilite pas pour autant l'apport de la preuve en ce sens qu'une analyse des probabilités reste un exercice spéculatif. En effet, comment évaluer la probabilité de la multiplication d'un signe ?

La possibilité de ne prouver qu'un risque de préjudice, si elle a le mérite de la cohérence, reste ainsiillusoire. C'est sûrement pour cette raison que les juges font preuve d'une grande indulgence confinant, une fois encore, au laxisme.

2) Une jurisprudence toujours favorable aux titulaires de marque renommée

Suite à la jurisprudence Intel, le premier arrêt qui retient un risque de dilution témoigne de cette approche très compréhensive de la protection. Le conflit opposait le titulaire de la marque renommée Botox au signe Botumax, tous deux utilisés dans le secteur pharmaceutique. Le Tribunal de première instance de l'Union européenne retient alors que «  (...) l'élément verbal « botox » n'a aucune signification propre, mais constitue un terme fantaisiste auquel le public ne sera confronté qu'en relation avec les produits visés par la marque antérieure renommée. Par conséquent, l'utilisation de cet élément verbal ou d'un élément verbal similaire par une autre marque enregistrée pour des produits susceptibles de concerner le grand public conduira incontestablement à la dilution du caractère distinctif de la marque antérieure renommée »137(*). Cette argumentation des juges communautaires est trop lapidaire pour emporter l'adhésion. Pour retenir un préjudice de dilution, seules la distinctivité de la marque renommée et la similarité des signes sont examinées. Ainsi, non seulement le tribunal élude totalement le critère de la modification du comportement économique du consommateur, mais il n'explique à aucun moment en quoi l'emploi du signe Botumax porte atteinte au pouvoir distinctif de Botox.

Plus récemment, le Tribunal de première instance de l'Union européenne a confirmé cette approche laxiste. Il considère ainsi que la non démonstration des effets économiques du rapprochement entre les marques en conflit n'empêche pas la caractérisation d'un préjudice de dilution138(*). Faisant ainsi clairement résistance aux exigences posées par la Cour de justice dans l'arrêt Intel, le Tribunal préfère se référer à son arrêt Citibankdans lequel il requiert la démonstration d'un risque futur de préjudice« sur la base de déductions logiques résultant d'une analyse des probabilités (...) ». Ce critère bien trouble, très pratique pour contourner les difficultés de preuve en matière de dilution, témoigne clairement d'une exigence à la baisse des juges communautaires de première instance.

En revanche, les juges français semblent avoir compris la leçon et appliquent rigoureusement les critères dégagés par la Cour de justice, notamment celui de la modification dans le comportement économique du consommateur. La Chambre commerciale a ainsi pu statuer surl'usage litigieux de la marque renommée Agatha, représentant un petit chien désignant des bijoux et accessoires de mode,pour désigner des colliers et laisses pour chien. Elle affirme ainsi que « la preuve que l'usage d'un signe similaire à une marque antérieure de renommée porte ou risque de porter préjudice au caractère distinctif de cette marque suppose qu'il soit démontré que le comportement économique du consommateur moyen des produits pour lesquels la marque est enregistrée a été modifié consécutivement à l'usage de ce signe ». Elle décide alors que la ressemblance entre les signes et le lien établi entre eux par le consommateur moyen des articles vendus par le titulaire de la marque antérieurene constituent pas une preuve suffisante de dilution ou d'un risque de dilution du caractère distinctif de sa marque139(*).

§2. L'indifférence d'autres critères

Alors que la Cour requiert la démonstration d'une modification du comportement économique du consommateur ou un risque sérieux qu'elle se produise, elle écarte explicitement d'autres critères. Seront ainsi écartés pour caractériser l'atteinte au pouvoir distinctif l'avantage économique tiré par l'usurpateur (A) ainsi que l'unicité de la marque antérieure (B).

A/. L'indifférence de l'avantage économique tiré par l'usurpateur

La Cour de justice est claire sur ce point : si la preuve d'une atteinte au pouvoir distinctif de la marque renommée antérieure suppose la démonstration d'une modification du comportement économique du consommateur, « il est en revanche indifférent (...) que le titulaire de la marque postérieure tire ou non un réel avantage commercial du caractère distinctif de la marque antérieure »140(*).Cette solution est en accord avec les textes communautaires selon lesquels la preuve d'une faute et d'un préjudice est alternative et non cumulative.Par ailleurs, il est vrai qu'on ne voit pas en quoi il serait pertinent de prendre en compte la situation de l'usurpateur pour constater un préjudice de dilution.

La doctrine a toutefois pu avoir une interprétation quelque peu alarmiste de l'arrêt Intel en pensant le contraire. Le professeur Caron comprend en effet le critère de la modification du comportement économique du consommateur comme un détournement des produits ou services désignés par la marque antérieure au profit de ceux désignés par le signe postérieur. Une telle preuve serait en effet très difficile, voire impossible à rapporter. Comment démontrer le déplacement d'une même clientèle pour des produits ou services différents ?141(*) Pourtant, le professeur fait dire à la Cour de justicejustement ce qu'elle réfute. Certes, ce critère implique que le consommateur se soit détourné des produits ou services de la marque renommée ; il faudra ainsi démontrer une baisse des ventes, mais sans pour autant indiquer vers qui le consommateur se sera reporté. D'ailleurs, si baisse de ventes il y a, elle se fera nécessairement au profit de marques concurrentes et non pas au profit du signe usurpé qui est utilisé dans un secteur d'activité différent de la marque renommée. Autrement dit, la Cour de justice exige la preuve du préjudice du titulaire mais pas celle d'un quelconquebénéfice tiré par l'usurpateur.

Bien entendu, si la preuve cumulative d'une faute est exclue, sa preuve alternative est toujours possible. Car la dilution et le parasitisme constituent en quelque sorte les deux faces d'une même pièce. Si le titulaire échoue à démontrer un préjudice de dilution, il pourra toujours se tourner vers la faute en démontrant un profit indûment tiré du caractère distinctif de sa marque par le tiers usurpateur.

B/. L'indifférence de l'unicité de la marque

Le préjudice de dilution ne devrait-il pas être écarté dès lors que la marque renommée coexiste déjà avec d'autres signes identiques ? L'image de M. Beier qui affirme que seul un champagne pur peut être dilué est tout à fait parlante. Cet auteur allemand se demandera toutefois si ce champagne n'est pas susceptible d'être dilué plus encore, alors même que de nombreuses gouttes y sont déjà tombées142(*). C'est de toute évidence la solution retenue par la Cour qui considère que le fait que la marque soit unique au moment de l'emploi litigieux est tout à fait indifférent pour apprécier l'existence d'une atteinte à son pouvoir distinctif.

On ne peut qu'approuver le raisonnement des juges communautaires. Retenir la solution contraire s'avèrerait en effet problématique à plusieurs égards. D'abord, d'un point de vue pratique, cela impliquerait que le titulaire ne puisse agir que contre le premier usage de sa marque par un tiers. S'il ne réagit pas dès cette première usurpation, la voie d'une protection contre le préjudice de dilution lui sera fermée. Or M. Brandt relève qu'il est impossible pour un titulaire de connaître l'existence de toutes les usurpations de sa marque143(*).

La deuxième raison tient à la nature même de la dilution. Celle-ci, comme nous le savons bien à présent, est un mal pernicieux qui oeuvre dans le temps. C'est donc une succession d'usages de la marque qui conduira au préjudice de dilution. La marque renommée peut donc avoir perdu son unicité mais toujours être exposée à la dilution de son caractère distinctif.

Enfin, poussant le raisonnement jusqu'au bout, la prise en compte de l'unicité aurait pu empêcher le titulaire de diversifier sa ligne de produits sous sa marque renommée. En effet, la dilution consiste en la distension du lien entre la marque et les produits ou services qu'elle désigne. Que cela provienne du titulaire ou d'un tiers ne change rien à cette réalité : la marque n'est plus associée à un seul type de produits ou services. On voit donc bien là les limites de ce critère d'unicité en matière de dilution.

En définitive, on ne peut que saluer les efforts des juges pour affiner les contours de la dilution et tenter d'en avoir une interprétation restrictive. Cette approche était pour le moins nécessaire quand on pense à la conception particulièrement large de la renommée et à l'extension de la protection spéciale des marques renommées au cadre concurrentiel.

Notons qu'il eut toutefois été beaucoup plus cohérent de restreindre le champ d'application plutôt que la notion du préjudice lui-même, d'autant que l'on voit que les nouvelles exigences posées par la Cour sont déconnectées de la réalité. Plus précisément, il eut fallu retenir une conception restrictive de la renommée afin de donner plus de souplesse à l'appréciation du préjudice de dilution. Si les conditions de l'emploi de la marque renommée et du lien entre les signes établi par le public sont justifiées, celle de la modification du comportement économique du consommateur nous semble en effet inadaptée pour caractériser un préjudice de dilution.

Nous observons ainsi qu'à la crise de légitimité que traverse la protection contre la dilution s'ajoute une crise de sa cohérence. L'inadaptation du régime actuel de la protection contre la dilution résulte en partie de l'incompréhension de ce préjudice. Peut-être faut-il alors affiner voire redéfinir le contenu de la dilution afin de la réhabiliter au sein du droit des marques.

Chapitre 2. L'affinement du contenu de la dilution :

la réhabilitation du préjudice

Notion nébuleuse, préjudice pernicieux, la dilution est un phénomène bien insaisissable. Un membre de la doctrine américaine a pu faire remarquer que les failles du système de protection anti-dilution proviennent sûrement, en grande partie, d'un problème de compréhension du préjudice144(*). Peut-être convient-il ainsi d'achever cette étude en tâchant de déterminer lateneurjuridique de la dilution et, partant, sa place au sein du droit des marques. Car en réalité, la dilutionne semble pas êtreencore bien établie etdonne l'impression de nager entre deux eaux ; entre cadre concurrentiel et cadre non concurrentiel, entre distinctivité au sens d'identification et distinctivité au sens d'attraction. C'est pourquoi nous aimons envisager une possible réhabilitation du préjudice de dilution. En droit des marques, des repères utiles, indispensables même, vont pouvoir nous aider à résoudre cette question. Il s'agit des fonctions de la marque.

Le droit de marque constituant un droit exclusif, et donc une limite à la liberté d'autrui, il n'est justifié que lorsque lui est reconnue une fonction sociale ou économique. En effet, la propriété individuelle « ne se justifie et ne vaut que dans la mesure où elle cadre avec les intérêts de la communauté nationale et spécialement avec ses intérêts économiques (...) tout droit a une fonction dont son titulaire ne peut s'évader qu'en commettant un délit qui a un nom : l'abus de droit »145(*).Embrassant ce raisonnement, le juge communautaire estime ainsi que le bien-fondé d'une action en contrefaçon est subordonné à l'existence d'une atteinte à l'une des fonctions de la marque146(*).Ces fonctions permettent ainsi de fixer les limites du droit de marque et, par la même occasion, d'en déterminer la substance.

L'observation de la dilution à travers le prisme de ces fonctionsnous semble être d'une grande utilité.En déterminant à quelle fonction de la marque la dilution porte atteinte, on pourra situerce préjudice dans notre paysage juridique et lui permettre ainsi de regagner en cohérence.Nous découvrirons ainsi que la dilution ne constitue pas une atteinteà l'une des fonctions traditionnelles de la marque (Section 1) mais à une nouvelle fonction de la marque (Section 2).

Section 1. L'exclusion d'une atteinte aux fonctions traditionnelles de la marque

La marque permet à son titulaire d'identifier des produits ou services pour se distinguer de ses concurrents, s'attacher et fidéliser une clientèle. Il s'agit là de la fonction d'identification de la marque. Mais elle lui permet également, en tant que droit de propriété, de bénéficier d'un monopole d'exploitation et d'exclure les tiers. C'est la fonction d'exclusivité de la marque.

Nous pourrions être tentés de considérer le préjudice de dilution comme une atteinte à ces deux fonctions traditionnelles de la marque. Pourtant, ce rattachement ne résiste pas à l'analyse. Celles-ci sont en effet imprégnées de spécialité et ne peuvent jouer que dans ce cadre. La dilution étant un préjudice qui oeuvre en dehors de tout rapport de concurrence, elle ne peut ainsi constituer une atteinteni à la fonction d'exclusivité (§1) ni à celle d'identification d'origine (§2).

§1. L'exclusion d'une atteinte à la fonction d'exclusivité

Dans un arrêt Centrafarm de 1974, la Cour de justice définit l'objet spécifique du droit de marque comme étant « d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque (...) et de se protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque »147(*). La doctrine reconnut cet objet spécifique comme la fonction d'exclusivité de la marque148(*).

Conçue comme un moyen depréserver l'unicité de la marque149(*), la théorie de la dilution telle qu'imaginée par Schechter consistait bien en une atteinte à cette fonction. Celui-ci considérait en effetque le seul emploi d'une marque antérieure hautement distinctive entrainait sa banalisation et méritait, de ce fait, d'être sanctionné. Ce raisonnement avait l'avantage de la simplicité car « l'unicité est un concept absolu : soit une marque est unique, soit elle ne l'est pas »150(*). La dilution se trouvait ainsi caractérisée dès lors qu'était constatée l'existence d'un autre signe identique ou similaire.

Il est toutefois impensable d'admettre aujourd'hui une telle conception de la dilution.En effet, le titulaire n'est pas investi d'un droit sur le signe en lui-même car l'exclusivité dont il bénéficie ne joue que dansle secteur d'activité pour lequel la marque est utilisée. Or la protection contre la dilution, on le sait, s'étend au-delà des limites de la spécialité. Il n'est donc pas concevable que la fonction d'exclusivité soit en jeu en matière de dilution. M. Bouvel a déjà pu l'affirmer très clairement : « La perte d'unicité toutes spécialités confondues ne peut être un préjudice recevable pour actionner la protection spécifique des marques renommées. En effet, l'exclusivité de la marque n'est reconnue que dans le principe de spécialité ; le titulaire d'une marque renommée ne peut prétendre, du seul fait de la célébrité de son signe, à une exclusivité inconditionnelle dans tous les secteurs d'activité ». Il ajoute que« la dilution ainsi conçue reviendrait en effet à bénéficier de la protection de manière automatique: il suffirait de démontrer que le signe n'est plus unique et que le consommateur fait un lien. La protection des marques renommées, normalement exceptionnelle, deviendrait alors banale »151(*).

§2. L'exclusion d'une atteinte à la fonction d'identification

La fonction d'identification d'origine, consacrée « fonction de garantie d'identité d'origine » dans un arrêt Terrapin de 1976152(*), consiste à « garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance »153(*). Une atteinte à cette fonction est donc constituée dès lors qu'est rapportée la preuve d'un risque de confusion. Or on sait que la dilution est bien distincte de ce risque. Aux prémices de la théorie de la dilution, il n'était pas question que celle-ci consiste en une atteinte à la fonction d'identification d'origine puisqu'elle s'est justement construite contre cette idée (A). On a pourtant vu la dilution s'en rapprocher fortement (B), alors même que cela relève du pur artifice (C).

A/. Le détachement originel de la fonction d'identification

Le droit des marques traditionnel ne sanctionne un usage de marque antérieure sans autorisation que s'il entraîne un risque de confusion. La théorie de la dilution vient bouleverser cette approche étriquée eninstaurant une protection du pouvoir distinctif en dehors de tout risque de confusion.Considéré par beaucoup comme une anomalie du droit des marques, ce détachement de la fonction dite essentielle de la marque était pourtant nécessaire afin de pallier les carences de notre droit des marques. Pour Schechter, la protection fondée sur le risque de confusion est archaïque et inadaptée à la réalité du marché. Mais elle est également source d'insécurité juridique puisque la confusion, subjective par nature, sera appréciée différemment selon les juges154(*). Il impose ainsi la théorie de la dilution comme une alternative à celle de la confusion.

Schechter va en réalité plus loin encore : plus que revendiquer l'autonomie de la dilution, il envisage celle-ci comme une théorie générale supérieure à celle reposant sur le risque de confusion. Il affirme en effet que la véritable fonction de la marque n'est pas l'identification de l'origine mais la création et la fidélisation d'une clientèle. A ses yeux, la protection du « pouvoir de vendre » estainsi bien plus primordiale que la protection contre la confusion des consommateurs155(*). La dilution, entendue comme perte d'unicité, devrait constituer « le seul fondement rationnel » à la protection des marques hautement distinctives156(*).

À l'origine, la théorie de la dilution a ainsi été envisagée comme une protection quasiment concurrente à celle du risque de confusion. C'est d'ailleurs de cette rupture qu'elle tire sa singularité, sa force, mais plus encore sa raison d'être. Pourtant, un rapprochement, contre naturecertes, a pu s'effectuer entre la dilution et la fonction d'identification d'origine.

B/. Le rattachement opportuniste à la fonction d'identification

Le rattachement à la fonction d'identification d'origine, au premier abord, ne surprend pas. La dilution est en effet envisagée comme une atteinte au caractère distinctif de la marque. Dès lors qu'il est question de distinctivité, la fonction d'identification de la marque entre alors en jeu.Ce rattachement est par ailleurs opportun à deux égards. Il l'est, d'une part, pour donner à la protection contre la dilution, en réintroduisant un certain souci du consommateur, un regain de légitimité ; il l'est, d'autre part, pour donner une assise juridique à cette protection. En effet, avant la reconnaissance de nouvelles fonctions de la marque, la protection contre la dilution ne pouvait être rattachée qu'à la fonction d'exclusivité ou à celle de garantie d'identité d'origine.

Ce rattachement peut prendre plusieurs visages. Il peut s'opérer par une dénaturation du concept, en assimilant tout bonnement dilution et risque de confusion (1) mais aussi,méthode plus douce, par l'adaptation du concept menée de concert par la doctrine et la jurisprudence (2).

1) La dénaturation du concept de dilution : l'exigence cumulative d'un risque de confusion

Ce premier type de rattachement à la fonction d'identification d'origine est particulièrement évident aux Etats-Unis. Même s'il ne touche que très peu notre droit positif, cette solution peut être intéressante à évoquer pour comprendre à quel point la protection contre la dilution éveille la méfiance.

Outre-Atlantique, l'attachement à la fonction d'identification d'origine et la perplexité face à la dilution157(*) sont tels que les juges n'accordent une protection contre ce préjudice que lorsque la preuve d'un risque de confusion est également rapportée. Ainsi, la jurisprudence américaine refuse avec ténacité que la dilution puisse constituer le fondement autonome d'une action du titulaire. Alors même que les textes affirment explicitement le contraire158(*), un risque de confusion reste exigé.

Ainsi, il est surprenant d'observer que les deux décisions américaines Tiffany et Rolls Royce159(*), considérées comme les plus emblématiques en la matière, retiennent chacune un risque de confusion pour caractériser une dilution. Le coup de grâce est donné dans une décision ultérieure qui affirme que « le demandeur ne peut bénéficier de la protection anti-dilution car il n'a pas rapporté la preuve d'un risque de confusion »160(*). De toutes les affaires rendues en la matière, seule une retient la dilution sans risque de confusion161(*).

Ces solutions témoignent de l'échec de la législation américaine anti-dilution. Carla protection contre la dilution ne présenteaucun intérêt si elle n'est accordée qu'en présence d'un risque de confusion.

2) L'adaptation du concept de dilution : la prise en compte de la perception du consommateur

Envisagée comme perte d'unicité de la marque, la dilution était à l'origine une théorie complètement détachée du consommateur. D'une part, elle avait pour seul souci la protection des intérêts du titulaire. D'autre part, il n'était aucunement besoin de se référer à la perception du consommateur pour la caractériser puisqu'il suffisait de constater l'existence d'un signe postérieur identique ou similaire.

Aujourd'hui, cette théorie renoue avec le consommateur comme référence et semble glisser vers une protection de la fonction d'identification. On introduit ainsi dans la conception de la dilution ce contre quoi elle s'est construite.

Il était pourtant nécessaire d'adapter la théorie de la dilution. Certains auteurs ont ainsi montré qu'elle n'était pas tenable d'un point de vue économique. En effet, l'idée de dilution telle que conçue par Schechter dans les années 20 n'est pas transposable de nos jours parce que le contexte économique a profondément changé162(*). Par ailleurs et surtout, l'approche de Schechter consistait en une protection de la fonction d'exclusivité hors du cadre de la spécialité. Comme nous l'avons vu, ce raisonnement n'estdonc pas non plus tenable juridiquement. Enfin, la théorie de la dilution se soucie exclusivement de la protection des intérêts du titulaire et, pour cette raison, ne parvient pas à emporter une complète adhésion. La notion de dilution fut donc contrainte d'évoluer pour gagner en légitimité.

On a ainsi pu voir, au sein de la doctrine, l'émergence d'une nouvelle justification : celle de l'optimisation du consumer search costs163(*). On tente ainsi de justifier la protection contre la dilution non plus parce qu'elle préserve l'unicité de la marque mais parce qu'elle évite une augmentation des efforts du consommateur pour identifier les produits ou services qu'il recherche. La dilution ayant pour effet de distendre le lien marque-produit, l'association mentale du consommateur se fait en effet moins rapidement. La dilution n'est donc plus envisagée comme une perte d'unicité mais comme une perte de distinctivité au sens d'une atteinte à la fonction d'identification de la marque.Cela implique pour les juges non plus seulement de constater la seule identité ou similarité du signe avec la marque antérieure mais également d'envisager une protection à travers le prisme du comportement du consommateur164(*).

Ce raisonnement est amorcé par l'arrêtAdidas lorsque la Cour de justice exigera la démonstration d'un lien entre les signes dans l'esprit du public. Il est d'ailleurs intéressant de rappeler que la méthode d'appréciation de ce lien est la même que celle du risque de confusion165(*). Le recours à cette même méthode globale peut d'ailleurs faire craindre que les juges évaluent ces deux réactions distinctes avec la même exigence166(*).

Ce rapprochement de la fonction d'identification est consolidé dans l'arrêtIntel. La Cour de justice affirme en effet que la dilution se trouve constituée« dès lors que se trouve affaiblie l'aptitude de la marque à identifier les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée ou utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l'usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l'identité de la marque antérieure et de son emprise sur le public. Tel est notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une association immédiate avec les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée, n'est plus en mesure de la faire »167(*). Comme le remarque justement M. Bouvel, « la Cour donne une définition stricte de la dilution : elle ne fait pas allusion à la perte d'exclusivité mais à l'atteinte à la fonction d'identification de la marque »168(*). On remarque ainsi que la réaction du public est devenue un élément primordial dans la caractérisation du préjudice de dilution.

C/. Le rattachement artificiel à la fonction d'identification

Ce rapprochement contre nature de la protection contre la dilution à la fonction d'identification de la marque relève toutefois de l'artifice.La protection contre la dilution trouve à s'appliquer en dehors des limites de la spécialité. Or l'idée d'une protection de la fonction d'identificationau-delà de ces limites n'a tout simplement pas de sens. Cette fonction, en effet, consiste en l'identification des produits ou services afin d'éviter tout risque de confusion du consommateur. Cette distinctivité s'exerce ainsi nécessairementet exclusivement dans un rapport de concurrence. Ce serait un non sens d'imaginerque la marque puisse avoir une fonction d'identification alors qu'aucun risque de confusion n'est encouru. La dilution, qui opère en dehors du cadre concurrentiel, ne peut donc consister en une atteinte à la fonction d'identification.

On ne peut pourtant pas entièrement reprocher à la Cour de justice d'avoir glissé vers une telle acception de la dilution. En effet, avant qu'elle ne reconnaisse à la marque de nouvelles fonctions, la Cour de justice n'avait à sa disposition que deux fonctions : la fonction d'exclusivité et la fonction de garantie d'identité d'origine. Si une action contre la dilution d'une marque voulait être bien fondée, il fallait nécessairement que soit invoquée une atteinte à l'une de ces fonctions. La dilution comme atteinte à la fonction d'exclusivité n'étant pas envisageable, elle ne pouvait être envisagée que comme une atteinte à la fonction d'identification.

De nouvelles fonctions ont toutefois été découvertes. La protection contre le préjudice de dilution peut donc espérer disposer d'une assise juridique plus adaptée. Encore très récemment pourtant, le Tribunal de première instance de l'Union européenne a envisagé le préjudice de dilution comme une atteinte à la fonction d'origine de la marque169(*).

Section 2. L'atteinte à une nouvelle fonction de la marque

La Cour de justice n'a jamais établi une liste limitative de fonctions. Au contraire, elle admettait déjà implicitement dans son arrêt Arsenal que d'autres fonctions étaient envisageables170(*). Certaines de ces autres fonctions, apparemment propres aux marques renommées, ont finalement pu être identifiées par le juge communautaire. Cette identification de nouvelles fonctions s'est amorcée par la reconnaissance implicite d'une fonction économique et s'est poursuivie par la consécration explicite de fonctions spécifiques, notamment celles de publicité et d'investissement.

Devant cette solution récente, la doctrine reste bien perplexe et s'interroge sur la réelle teneur et la portée de ces nouvelles fonctions171(*). Conscients des critiques qui ont pu être formulées, le principe d'une reconnaissance de nouvelles fonctions nous semble pourtant revitaliser la protection spéciale des marques renommées. Surtout, c'est à la lumière de ces fonctions que la dilution va pouvoirtrouver une existence juridique. Avant leur découverte en effet, la protection contre la dilution était en quelque sorte hors la loi puisque son rattachement à la fonction d'exclusivité ou à la fonction essentielle-comme nous l'avons vu -n'était en réalité pas valable.

La dilution ne peut ainsi se concevoir juridiquement que comme une atteinte à une fonction économique de la marque (§1). L'existence latente d'une autre fonction, quoique non explicitement reconnue par la Cour de justice, pourrait toutefois également nous éclairer. Après avoir examiné la dilution à la lumière de fonctions patrimoniales, nous nous pencherons, sans craindre la contradiction, sur ses rapports avec une possible fonction extrapatrimoniale de la marque (§2).

§1. L'atteinte à une fonction économique de la marque

La jurisprudence va reconnaître, sous l'impulsion de la doctrine, que la protection des marques renommées n'est pas justifiée par les fonctions traditionnelles de la marque mais par son pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou service désigné172(*). Loin de procéder d'un « bricolage juridique », la reconnaissance- certes implicite- d'une fonction propre à la marque renommée allait de soi (A). La récente découverte d'une fonction d'investissement a,par la suite, permis à la protection contre la dilution de trouver une assise juridique (B).

A/. L'atteinte à unefonction propre à la marque renommée

Dans son arrêt Arsenal, la Cour de justice sous-entend que la fonction essentielle n'est pas la seule fonction de la marque. Les conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer sont plus beaucoup plus explicites et semblent encourager la reconnaissance d'une nouvelle fonction. Celui-ci affirme en effet qu'il lui paraît « simpliste et réducteur de limiter la fonction de la marque à une simple indication d'origine (...). L'expérience démontre que les consommateurs ignorent généralement l'identité du fabricant des biens qu'ils consomment. La marque acquiert une vie propre (...) elle exprime une qualité, une réputation et même, dans certains cas, une conception de vie »173(*).

Cette nouvelle approche de la marque, détachée de sa dimension purement référentielle, s'est développée dans le cadre de la protection de la marque renommée. Les juges communautaires ont reconnu, par à coups, que celle-ci avait une fonction qui lui était propre ; la fonction d'identifier l'origine des produits ou services n'est plus la seule digne de protection contre les atteintes de tiers. Le Tribunal de première instance de l'Union européenne a ainsi pu reconnaître que le régime spécifique des marques renommées n'avait pas pour objet de protéger la fonction classique d'identification d'origine dans la mesure où « la marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou services pour lesquels elle est enregistrée ». Elle prend également acte que la renommée « est le résultat d'efforts et d'investissements considérables de son titulaire »174(*).

Les premières pierres de l'édifice des fonctions économiques de la marque sont ainsi posées.

B/. L'atteinte à la fonction d'investissement de la marque

Si la dilution se reflète déjà dans cette fonction propre de la marque renommée, ce n'est qu'avec la consécration de nouvelles fonctions spécifiques de la marque (1) que celle-ci va accéder à une véritable existence juridique au sein du droit des marques (2).

1) La reconnaissance dela fonction d'investissement

Dans la très controversée décision L'Oréal-Bellure, la Cour de justice fera preuve de beaucoup d'audace en reconnaissant à la marque quatre nouvelles fonctions. Elle affirme ainsi que parmi ces fonctions « figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité »175(*). Ces nouvelles fonctions, si l'on note qu'elles renvoient à l'aspect commercial de la marque, restent bien « mystérieuses »176(*). La Cour de justice a toutefois pu apporter des précisions sur certaines d'entre elles. Deux retiendront particulièrement notre attention: celle d'investissement et celle de publicité.

La Cour est venue préciser le sens de la fonction de publicité dans les affaires jointes Google Adwords en affirmant que « le titulaire d'une marque peut avoir non seulement l'objectif d'indiquer, par ladite marque, l'origine de ses produits ou de ses services, mais également celui d'employer sa marque à des fins publicitaires visant à informer et à persuader le consommateur »177(*). L'acte du tiers qui aura ainsi pour « pour effet de priver le titulaire de la possibilité d'utiliser efficacement sa marque pour informer et persuader les consommateurs » pourra ainsi être sanctionné178(*). Le fait d'attirer l'attention du public est donc une fonction de la marque digne de protection.

Précisons que cette fonction de réclame, reconnue seulement aujourd'hui par les juges, a derrière elle un long passé doctrinal. Dès le début du siècle dernier, l'auteur allemand H. Isay, quifut le premier à se demander s'il ne fallait pas protéger cette fonction179(*), donna ainsi naissance à un mouvement qui revendiqua la protection de l'incidence psychologique de la marque sur l'acheteur.

La Cour de justice poursuit l'affinement des fonctions dans un arrêt Interflora en précisant que la fonction d'investissement implique que la marque permette « d'acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs »180(*). On comprend également que cette fonction englobe la fonction publicitaire puisque le juge communautaire poursuit en affirmant que « l'emploi de la marque pour acquérir ou conserver une réputation s'effectue non seulement au moyen de la publicité, mais également au moyen de diverses techniques commerciales »181(*).

2) Le rattachement à la fonction d'investissement

Certes, les éclaircissements que donne la Cour de justice ne permettent pas de tout à fait cerner le contenu de ces fonctions. Les zones d'ombre et les maladresses qui demeurent ne peuvent toutefois nous empêcher de noterque ces fonctions nouvellement reconnues font directement écho à la théorie de la dilution. Tout au long de notre démonstration, nous avons en effet souligné que la dilution consistait en une diminution de la force attractive de la marque. Dans ses conclusions de l'arrêt Adidas, l'avocat général Jacobs ne dit d'ailleurs pas autre chose. Il fait ainsi référence à la notion de dilution telle que retenue par Schechter et reprend ses termes, la décrivant comme « le grignotage progressif [de certaines marques] ou la dispersion de leur identité et de leur emprise sur l'esprit du public »182(*).La dilution, entendue comme une perte du pouvoir d'évocation de la marque, minimise ainsi nécessairement la persuasion et la fidélisation accomplie par la marque.Ce sont donc bien les fonctions de publicité, et plus largement d'investissement qui sont ici touchées.

La doctrine a pu penser que la Cour de justice n'assignaità ces nouvelles fonctions qu'un rôle résiduel183(*), excluant ainsi leur mobilisation dans le cadre de la protection spéciale de la marque renommée.Il n'en est rien. Il est vrai qu'elle affirme que « dans l'hypothèse, visée aux articles 5, paragraphe 1, a) de la directive (...) et 9, paragraphe 1, a) du règlement (...), où l'usage par un tiers d'un signe identique à la marque est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, le titulaire de la marque est habilité à interdire cet usage si celui-ci est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque, qu'il s'agisse de la fonction d'indication d'origine ou de l'une des autres fonctions »184(*). En l'espèce, les nouvelles fonctions étaient ainsi mobilisées dans l'hypothèse d'une double identité. Mais il ne faudrait pas comprendre qu'elles puissent l'être uniquement dans ce cas-là.En effet, on ne voit pas pourquoi la marque ne pourrait être atteinte dans ses fonctions d'investissement et de publicitéque dans le cadre de la spécialité.

Malgré les vives critiques de la doctrine, nous persistons à penser qu'au regard du sujet qui nous concerne, l'apport de ces nouvelles fonctions est bénéfique. Il est vrai que dans l'affaire L'Oréal-Bellure, la reconnaissance de nouvelles fonctions était inutile puisque la fonction d'exclusivité était à disposition. Par ailleurs, appliquée aux articles 5.1° a) de la directive et 9.1° a) du RMC, elle réduit considérablement la portée du droit de marque du titulaire. Ce droit exclusif se trouve en effet bien amoindri si, dans l'hypothèse d'une double identité, entre signes, d'une part, et entre produits ou services, d'autre part, il faut démontrer une atteinte à ces fonctions, et non pas seulement à la fonction d'exclusivité.

C'est pourtant l'application de ces fonctions telle que retenue par la Cour plus le principe même de leur reconnaissance qui nous paraît contestable. Car appliquées aux marques renommées dans le cadre de leur protection spéciale, les fonctions d'investissement et de publicité sont opportunes. Elles en solidifient les fondements et leur donnent une légitimité juridique. La dilution constituant une atteinte à la fonction d'investissement, le bien fondé d'une action voulant faire sanctionner une atteinte au caractère distinctif de la marque renommée est ainsi désormais incontestable. Ce rattachement redonne ainsi de la matière au système de protection de la marquerenommée et trace une frontière bien marquée entre la dilution et le risque de confusion.

Nous avons jusque là envisager la dilution comme un préjudice purement économique. Pourtant, l'atteinte à une fonction extrapatrimoniale de la marque n'est pas à écarter.

§2. La possible atteinte à une fonction extrapatrimoniale de la marque

Dans sa thèse sur les fonctions de la marque185(*), M. Basire tente de démontrer que ce signe distinctifexerce en réalité, et ce contre toute attente, une fonction extrapatrimoniale. Sachant que la doctrine considère la marquecomme pleinement patrimoniale186(*), cette démarche ambitieuse peut, au premier abord, laisser perplexe.Lui-même le reconnaît lorsqu'il affirme que « la marque est un bien objet de propriété, marqué en cela par un fort aspect patrimonial » et qu'il est dès lors « difficile d'envisager la marque comme le siège d'un droit extrapatrimonial »187(*).

M. Basire parviendra toutefois à ébranler la vision classique de notre droit des marques en y relevant l'existence troublante d'éléments d'extrapatrimonialité trop nombreux pour être ignorés. Sans aller jusqu'à reconnaître le droit de marque comme un droit de la personnalité188(*), il constate en effet que « la marque semble de plus en plus imprégnée par des concepts étrangers au droit des marques tels que la réputation, l'image ou bien l'identité »189(*).Ainsi, la trace psychologique laissée par la marque dans l'esprit du consommateur ne reflèterait plus seulement les qualités intrinsèques du produit ou service désignés, elle laisserait également l'empreinte des caractères identitaires de son titulaire. M. De Haas parlait à cet égard d'une fonction de symbolisation de l'image ou de la qualité190(*).

M. Basire envisage alors le préjudice de dilution comme l'une des manifestations des atteintes à cette fonction extrapatrimoniale de la marque.Partant d'une conception managériale de la dilution191(*), M. Basire en propose ainsi une approche élargie :celle-ci ne devrait en effet pas être envisagée comme une perte de distinctivité au sens d'atteinte à la fonction d'identification mais comme un affaiblissement de l'identité de la marque. C'est ainsi la personnalité du titulaire de la marque qui se trouverait diluée192(*).

On doute toutefois que la dilution, si elle consiste bien en une perte d'attractivité, touche à l'image même du produit. En effet, celle-ci consiste exclusivement en l'atteinte portée au caractère distinctif de la marque, au sens où le consommateur ne fait plus d'association immédiate entre la marque et le produit. Il n'est là aucunement question de symbolisation, d'identité ou d'image du produit ou du service.

Seule une conception à l'américaine de la dilution pourrait en réalité admettre un tel raisonnement. En effet, le droit américain retient le préjudice porté à la renommée de la marque comme un cas de dilution (dilution by tarnishment). On pourrait ainsi tout à fait envisager cette dilution par ternissement, entendue comme atteinte à l'image de la marque et aux symboles qu'elle véhicule, comme une menace pour la réputation du titulaire et donc pour une fonction extrapatrimoniale de la marque.

Si nous n'excluons pas qu'il est des hypothèses où l'atteinte à la marque renommée constitue une atteinte à des droits extrapatrimoniaux, la dilution telle qu'elle est conçue par notre droit positif n'en fait pas partie. On ne peut donc que se rallier à la position de Mme Pérot-Morel selon laquelle la dilution est préjudice économique par excellence193(*).

CONCLUSION

C'est un parcours bien mouvementé que suit la théorie de la dilution. Élaborée aux Etats-Unis, cette construction progresse aujourd'hui au sein de notre droit des marques et tente toujours, tant bien que mal, d'y trouver sa place.

La tâche est loin d'être facile car la dilution, à juste titre,continue d'éveillerla méfiance. En allant s'appliquer au-delà des frontières de la spécialité, la protection contre la dilution peut en effet constituer une menace sérieuse pour la liberté du commerce et de l'industrie. Malgré cela, la force attractive de la marque nous semble être pourtant digne de protection.Il est ainsi important de surmonter ces craintes afin d'éviter que la théorie de la dilution ne devienne un paria du droit des marques, comme c'est le cas aux Etats-Unis.

Nous restons certains qu'il est possible de parvenir à une protection légitime et cohérentecontre la dilution. Pour cela, il faudraitque son régime soit rigoureusement encadré et qu'elle ne s'applique que dans des hypothèses exceptionnelles. Malgré les récents efforts de la Cour de justice, on constate que c'est loin d'être le cas. En effet, le champ d'application démesurément étendu de la protection, d'une part,et la complexité de la preuve de la dilution, d'autre part, conduisent souvent à des solutions laxistes.

Toutefois, convaincus que des remèdes existent, cet échec ne nous semble pas insurmontable. Peut-être faut-il renoncer au critère de la modification du comportement économique du consommateur, réduire l'étendue du champ d'application en revenant au seul cadre non concurrentiel et à une conception de la renommée plus raisonnable. Il est vrai que ces pistes impliquent une refonte de notre droit des marques, mais peut-être est-ce là le prix à payer si l'on veut redonner une certaine cohérence à la protection des marques renommées en général.

Nous choisissons de conclure cette étude sur une note positive. La théorie de la dilution dispose depuis peu d'une véritable assise juridique puisqu'elle peut être envisagée comme une protection de la fonction d'investissement de la marque, récemment identifiée par la Cour de justice. Cette solution conforte l'existence juridique de la dilution etlui permet de regagner en légitimité mais aussi, en quelque sorte, de retrouver son identité. Elle peut aujourd'hui exister comme une atteinte à la distinctivité, non pas au sens d'identification mais au sens d'attraction de la marque. C'est là un premier pas vers sa réhabilitation au sein de notre droit.

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Jurisprudence

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- CJUE, 22 sept. 2011, aff. C-323/09, Interflora e.a., non encore publiée

- CJUE, 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08, C-237/08 et C-238/08, Google France et Google, Rec. 2010, I-02417

- CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure, Rec. 2009, I-05185

- CJCE, 27 nov. 2008, aff. C-252/07, Intel Corporation Inc., Rec. 2008, I-8823

- CJCE, 10 avr. 2008, aff. C-102/07, Adidas et Adidas Benelux, Rec. 2008, I-2439

-CJCE, 22 nov. 2007, aff. C-328/06, Nieto Nuño, Rec. 2007, I-10093

- CJCE, 23 octobre 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, Rec. I-12537

- CJCE, 9 janvier 2003, aff. C-292/00, Davidoff, Rec. 2003, I-389

- CJCE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal Football Club, Rec. 2002, I-10273

- CJCE, 14 sept. 1999, aff. C-375/97, General Motors c/ Yplon, Rec. 1999, I-5421

-CJCE, 22 juin 1999, aff. C-342/97, Lloyd Schuhfabrik Meyer, Rec. 1999, I-3819

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-CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-251/95, Sabel c/ Puma, Rudolf Dassler Sport, Rec. 1997, I-6191

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Décisions de première instance de l'Union européenne

-TPIUE, 22 mai 2012, aff. T-570/10, Environmental Manufacturing LLP c/ OHMI, non encore publiée

- TPIUE, 28 oct. 2010, aff. T-131/09, Farmeco c/ OHMI, Rec. II-00243

- TPICE, 16 avril 2008, T-181/05, Citigroup et Citibank/OHMI c/ CITI, Rec. p. II-669

- TPICE, 30 janv. 2008, aff. T-128/06, Japan Tobacco Inc. c/ OHMI

- TPICE, 22 mars 2007, aff. T-215/03, SIGLA c/ OHMI, Rec. 2007, II-711

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- OHMI, Chambre de recours, 5 juin 2000, R-802/1999-1, Duplo c/ Duplo

Décisions de la Cour de cassation

- Com. 1er mars 2011, n° 10-14.967, SARL Agatha diffusion c/ SA René Martin

- Com. 23 sept. 2008, n° 07-11.288, Sté Hachette Filipacchi Presse c/ Sté Chefaro Ardeval

-Com. 11 mars 2008, n° 06-15.594, Sté Louis Vuitton Malletier c/ Sté Emi Music France

-Com. 12 juillet 2005, D. 2005, act. jurispr. p. 2074

-Com. 11 mars 2003,JurisData n° 2003-01819

-Com. 7 avril 1992, Bull. civ., IV, n° 152

-Com. 27 mai 1986, D. 1986, 526 

Décisions de cours d'appel

- CA Paris, 16 avril 1992, Ann. propr. ind., 1992, 279

- CA Paris, 18 décembre 1991, Ann. propr. ind. 1995, 45

- CA Paris, 17 septembre 1990, Ann. propr. ind., 1990, 287

- CA Paris, 11 février 1989, RD propr. intell. 1989, n° 27, 109

- CA Paris, 17 décembre 1974, PIBD 1975, n° 147, III, 173

- CA Paris, 8 décembre 1962, D. 1963, 406

- CA Paris, 26 avril 1960, Gaz. Pal., 1960, II, 299

- CA Paris, 3 novembre 1958, JCP, 1958, II, 10862

TABLE DES MATIÈRES

Introduction.......................................................................................... 5

Première partie : La protection compréhensive contre le préjudice de dilution................................................................................................. 10

Chapitre 1. L'opportunité d'une protection contre le préjudice de dilution .................... 10

Section 1. L'opposition à une protection contre le préjudice de dilution ....................... 10

§1. Une protection superflue .......................................................................... 11

A/. L'existence illusoire d'un préjudice de dilution ..........................................11

B/. Le recours suffisant au risque de confusion ..............................................12

1) La reconnaissance d'une similitude extrinsèque ...................................13

2) La méthode d'appréciation globale du risque de confusion ..................... 14

§2. Une protection dangereuse ......................................................................... 15

A/. Un détournement de la fonction du droit de marque .................................... 15

B/. Une atteinte excessive au principe de libre concurrence ...............................17

Section 2. La promotion d'une protection contre le préjudice de dilution ...................... 17

§1. Une protection légitime : la prise en compte de la réalité économique .....................18

A/. Une protection à la mesure de la force attractive de la marque ........................ 18

B/. Une protection à la mesure de la gravité du risque ..................................... 19

§2. Une protection nécessaire : la prise en compte des contraintes juridiques ................ 20

A/. Le recours insatisfaisant au risque de confusion ........................................ 20

1) Un recours inadapté : la nature différente du préjudice ........................... 21

2) Un recours inopérant : le cas de spécialités radicalement différentes .......... 21

B/. La garantie d'une protection optimale dans le cadre de la spécialité ................. 22

Chapitre 2. La distension de la protection contre le préjudice de dilution.......................23

Section 1. La désarticulation de la protection au-delà de la spécialité ............................24

§1. Une protection dans le cadre du droit des marques pour les marques communautaires24

§2. Une protection en dehors du droit des marques pour les marques françaises ............ 25

A/. La préservation de l'intégrité du droit des marques ..................................... 26

1) La préservation de la notion de similitude .......................................... 26

2) La relative préservation du principe de spécialité .................................. 27

B/. La souplesse de la responsabilité civile délictuelle ...................................... 28

§3. Une protection à géométrie variable .............................................................. 29

A/. Les avantages propres à l'action en contrefaçon ........................................ 29

B/. Le sort du signe litigieux ......................................................................30

Section 2. La distorsion du champ d'application de la protection ................................. 31

§1. Une protection de la marque connue d'un public spécialisé ..................................32

A/. Le choix du critère : entre renommée et distinctivité .................................... 32

B/. L'appréciation démesurément extensive de la renommée ............................. 33

1) Le public de référence ................................................................... 34

2) Le territoire de référence ............................................................... 36

§2. Une extension de la protection au cadre concurrentiel.........................................36

A/. Une solution contra legem................................................................... 37

B/. Une solution inopportune .................................................................... 38

Seconde partie : La conception affinée du préjudice de dilution...............40

Chapitre 1. L'affinement des contours de la dilution: la minimisation du préjudice.......... 40

Section 1. La démonstration préalable d'une proximité entre les signes ................................41

§1. La démonstration d'un emploi de la marque renommée .........................................41

A/. La nature de l'emploi......................................................................................41

B/. L'origine de l'emploi ......................................................................................42

§2. La démonstration d'un lien entre les marques dans l'esprit du public ...................43

A/. La nature du lien .........................................................................43

B/. L'appréciation du lien .................................................................. 43

Section 2. La démonstration indispensable d'une atteinte au caractère distinctif .............. 45

§1. L'exigence d'une modification du comportement économique du consommateur ..........45

A/. La correction d'une jurisprudence laxiste ................................................. 46

B/. Un critère insatisfaisant .........................................................................47

1) Une minimisation excessive du préjudice de dilution .............................47

2) Une preuve diabolique du préjudice de dilution ....................................48

C/. Une protection toujours compréhensive envers le titulaire .............................48

1) La possibilité de ne prouver qu'un risque de dilution ................................48

2) Une jurisprudence favorable aux titulaires de marque renommée ............... 50

§2. L'indifférence d'autres critères ...................................................................... 52

A/. L'indifférence de l'avantage économique tiré par l'usurpateur ........................ 52

B/. L'indifférence de l'unicité de la marque ......................................................... 53

Chapitre 2. L'affinement du contenu de la dilution: la réhabilitation du préjudice............ 54

Section 1. L'exclusion d'une atteinte aux fonctions traditionnelles de la marque ............... 55

§1. L'exclusion d'une atteinte à la fonction d'exclusivité ........................................... 56

§2. L'exclusion d'une atteinte à la fonction d'identification .............................................57

A/. Le détachement originel de la fonction d'identification ...................................57

B/. Le rattachement opportuniste à la fonction d'identification .............................58

1) La dénaturation du concept de dilution ................................................58

2) L'adaptation du concept de dilution ................................................... 59

C/. Le rattachement artificiel à la fonction d'identification ............................................61

Section 2. L'atteinte à une nouvelle fonction de la marque ........................................... 62

§1. L'atteinte à une fonction économique de la marque ..............................................63

A/. L'atteinte à une fonction propre à la marque renommée ...................................63

B/. L'atteinte à la fonction d'investissement de la marque ...................................64

1) La reconnaissance de la fonctiond'investissement......................................... 64

2) Le rattachement à la fonction d'investissement ...............................................65

§2. La possible atteinte à une fonction extrapatrimoniale de la marque ..........................67

Conclusion..................................................................................................... 69

Bibliographie ...................................................................................................71

* 1 H. PORTET, Les marques notoirement connues ou de haute renommées selon la Convention de Paris et la loi française du 31 décembre 1964, thèse Paris, 1975, p. 16.

* 2 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 9ème édition, 2011, p. 568.

* 3 F.I. SCHECHTER, « Trade Morals and Regulations: The American Scene », 6 Fordham Law Review 190, 204, n. 42, 1937 : « The more distinctive the mark, the more effective is its selling power ».

* 4 C. DE HAAS, « La contrefaçon de la marque notoire en droit comparé américain, européen et français : une leçon encore mal comprise », Propr. intell., 2003, n° 7, p. 138.

* 5 Ce préjudice peut être également désigné sous d'autres formules : dilution du pouvoir distinctif ou du pouvoir attractif, dilution par brouillage, vulgarisation, banalisation, perte de l'unicité.

* 6 Dictionnaire de langue française, Le petit Robert.

* 7 V. sur ce point : A. BOUVEL, Principe de spécialité et signes distinctifs, LITEC, 2004.

* 8 A. BOUVEL, op. cit., p. 4.

* 9 A. BOUVEL, op. cit., p. 2.

* 10 M. JATON, La protection des marques de haute renommée au regard du droit suisse, Lausanne, 1961, p. 29.

* 11 Intervention de J.-J. Evrard lors de la séance de travail de l'APRAM/UNIVERSITES, « Vers une surprotection de la marque renommée ? », 21 mars 2011.

* 12 Landgericht d'Elberfeld, 11 septembre 1924, JW 1925, p. 502.

* 13 F.I. SCHECHTER, « The Rational Basis For Trademark Protection », 40 Harvard Law Review 813, 1927, 825.

* 14 Hearing before the House Committee on Patents, 72nd Cong., 1st Sess. p. 15 : cité par W.J. Derenberg, Trademark Dilution, p. 449 : « if you allow Rolls Royce restaurants and Rolls Royce cafeterias, and Rolls Royce pants and Rolls Royce candy, in ten years you will not have the Rolls Royce mark any more ».

* 15 M.-A. PÉROT-MOREL, « L'extension de la protection des marques notoires », RTD Com. 1966, p. 9 et s.

* 16 A. BOUVEL, « Marques et renommées. A propos de l'arrêt « Intel », rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 27 novembre 2008 », Les défis du droit des marques au XXIème siècle, Actes du colloque en l'honneur du professeur Yves Reboul, Collections du CEIPI, n° 56, p. 123 et s.

* 17 A. BOUVEL, Principe de spécialité et signes distinctifs, op. cit., p. 368.

* 18 J.-E. PORTALIS, Discours préliminaire au premier projet de Code civil, éd. Confluences, 22 déc. 1998.

* 19 R. VUARIDEL, « Les marques de haute renommée et l'effet de halo. Une protection accrue est-elle justifiée ? », WuR 1969, p. 125 ; H. KOHL, Die « Verwässerung » berühmter Kennzeichen, Duncker & Humblot, Berlin, 1975, p. 79.

* 20 M. MORRIN & J. JACOBY, « Trademark Dilution : Empirical Measures for an Elusive Concept », 19 Journal of Public Policy & Marketing 265, 2000. 

* 21 M. MORRIN & J. JACOBY, op. cit., p. 23 : : « It appears that very strong brands are immune to dilution because their memory connections are so strong that it is difficult for consumers to alter them or create new ones with the same brand name ».

* 22 V. par exemple, G. DASSAS, L'élargissement de la protection des marques en droit français, allemand et international, LITEC, 1976, p. 104 ; D. BRANDT, La protection élargie de la marque de haute renommée au-delà des produits identiques et similaires, Droz, Genève, 1985, p. 215.

* 23 CA Paris, 3 nov. 1958, JCP, 1958, II, 10862.

* 24 CA Paris, 26 avril 1960, Gaz. Pal., 1960, II, 299.

* 25 CJCE, 29 sept. 1998, aff. C-39/97, Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer, Rec. 1998, I-5507, pt. 29.

* 26 CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-251/95, Sabel c/ Puma, Rudolf Dassler Sport, Rec. 1997, I-6191 ; CJCE, 29 sept. 1998, Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer, op. cit. ; CJCE, 22 juin 1999, aff. C-342/97, Lloyd Schuhfabrik Meyer, Rec. 1999, I-3819.

* 27 CJCE, 29 sept. 1998, Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer, op. cit.,pt. 20.

* 28 CJCE, 22 juin 1976, aff. 119-75, Terrapin c/ Terranova, Rec. 1976, p. 1039.

* 29 F. POLLAUD-DULIAN, Droit de la propriété industrielle, Economica, Corpus droit privé, 2010, n° 1309.

* 30 V. par exemple, S. ZLINKOFF, « Monopoly Versus Competition », 53 Yale Law Journal 514, 1944 ; R.-G. BONE, « A Skeptical View Of The Trademark Dilution Revision Act », 11 Intellectual Property Law Bulletin 187, 2007 ; « Schechter's Ideas in Historical Context and Dilution's Rocky Road », 24 Santa Clara Computer & High Tech Law Journal, 2008, p. 474.

* 31 G. RIEHLE, « Markenrecht und Parallelimport », Enke Stuttgart, 1968, p. 130.

* 32 CJCE, 22 juin 1976, Terrapin c/ Terranova, op. cit.

* 33 Y. BASIRE, Les fonctions de la marque - Essai sur la cohérence du régime juridique d'un signe distinctif, Strasbourg, 2011, p. 473.

* 34 A. BOUVEL, op. cit., p. 2.

* 35 A. BOUVEL, Ibid.

* 36 V. la séance de travail de l'APRAM/UNIVERSITÉS, « Vers une surprotection de la marque renommée ? », 21 mars 2011.

* 37 F.I. SCHECHTER, « The Rational Basis For Trademark Protection », 40 Harvard Law Review 813, 1927.

* 38 H. PORTET, Lesmarques notoirement connues ou de haute renommées selon la Convention de Paris et la loi française du 31 décembre 1964, Paris, 1975, p. 12.

* 39 M.-A. PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.

* 40 M.-A. PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.

* 41 M. JATON, op.cit., p. 29.

* 42PATTISHALL (B. W.), « The Dilution Rationale For Trademark - Trade Identity Protection, Its Progress and Prospects »,71 Northwestern University Law Review 618, 1976, p. 631 : « commercial magnetism ».

* 43 F.I. SCHECHTER, op. cit., p. 832 : « selling power ».

* 44 M. JATON, op. cit., p. 49.

* 45 H. PORTET, op. cit., p. 8.

* 46 H. PORTET, op. cit., p. 49.

* 47 R. CALLMANN, The Law Of Unfair Competition and Trade-Marks, 1945, p. 1643 : « Confusion leads to immediate injury, while dilution is the infection which, if allowed to spread, will inevitably destroy the advertising value of the mark ».

* 48 Com. 7 avril 1992, Bull. civ., IV, n° 152.

* 49 CA Paris, 17 septembre 1990, Ann. propr. ind., 1990, 287.

* 50 CA Paris, 16 avril 1992, Ann. propr. ind., 1992, 279.

* 51 A. BOUVEL, op. cit., p. 283.

* 52 CA Paris, 17 déc. 1974, PIBD 1975, n° 147, III, 173.

* 53 CJCE, 29 sept. 1998, Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer, op. cit., pt. 22.

* 54 M.-A. PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.

* 55 L. MARINO, « L'affaire l'Oréal : le droit des marques et la publicité comparative sous le sceau du parasitisme », JCPG, n° 31, 27 juillet 2009, p. 39.

* 56 M.-A. PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.

* 57 V. par exemple : M.-A. PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s. ; G. DASSAS, op. cit., p. 104 et s. ; D. BRANDT, op. cit., p. 215 et s. ; C.-A. MAETZ, La notoriété, essai sur l'appropriation d'une valeur économique,PUAM, 2010, p. 75 et s.

* 58 V. par exemple CA Paris, 17 déc. 1974, PIBD 1975, n° 147, III, 173 qui avait considéré que des chocolats et des fromages étaient des produits similaires.

* 59CA Paris, 8 déc. 1962, D. 1963, p. 406.

* 60TGI Paris, 25 oct. 1969, Ann. propr. ind. 1971, p. 1.

* 61 M.-A. PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.

* 62 F. POLLAUD-DULIAN, Droit de la propriété industrielle,op. cit., p. 946.

* 63 J. PASSA, « Protection de la marque notoire contre l'usage d'un signe similaire hors de la spécialité: droit spécial et droit commun de la responsabilité civile », Propr. intell. 2001, n° 1, p. 85 ; F. POLLAUD-DULIAN, « Marque de renommée. Histoire de la dénaturation d'un concept », Propr. intell., oct. 2001, n°1, p. 43.

* 64 G. BONET, « La protection des marques notoires dans le Code de la propriété intellectuelle », Jean Foyer, Auteur et législateur, PUF, 1997, p. 189 ; A. BOUVEL, op. cit., p. 61 ; C.-A. MAETZ, op. cit., p. 74.

* 65CA Paris, 8 déc. 1962, op. cit.

* 66 Com. 27 mai 1986, D. 1986, 526 ; TGI Paris, 22 mars 1989, PIBD 1989, n° 464, III, p. 537 ; CA Paris, 18 déc. 1991, Ann. propr. ind. 1995, p. 45.

* 67CA Paris, 11 févr. 1989, RD propr. intell. 1989, n° 27, p. 109.

* 68 M. MERMILLOD, RTD Com., 1966, p. 32 et s.

* 69 Article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle.

* 70 Loi n° 2007-1544 du 29 oct. 2007, JO 30 oct. 2007, p. 17775.

* 71 Directive n° 2004/48/CE du 29 avril 2004, JOUE n° L 157, 30 avr. 2004, p. 0045-0086.

* 72 C.-A. MAETZ, La notoriété, essai sur l'appropriation d'une valeur économique,PUAM, 2010, p. 118.

* 73 F. POLLAUD-DULIAN, Droit de la propriété industrielle, op. cit., p. 796.

* 74 J. PASSA, Traité de droit de la propriété industrielle, t. 1, Marques et autres signes distinctifs, Dessins et modèles, LGDJ, 2009, p. 383.

* 75 A. BOUVEL, op. cit., p. 387.

* 76 Y. BASIRE, op. cit., p. 318.

* 77 J. LUNSFORD, « Trademarks: Dilution and Deception », 63 Trademark Repertoire 41, 47-48, 1973, p. 53.

* 78 A. BOUVEL, « La protection des marques renommées », J.-Cl. Marques - Dessins et modèles, 7320, 2008, n° 89.

* 79 F.I. SCHECHTER, op. cit., p. 829.

* 80 R. CALLMANN, The Law Of Unfair Competition Trademarks and Monopolies, 3rd édition, 1969, §84.2(a) : « the doctrine of dilution should not be limited to'celebrated' or `famous' marks. The proper matter of protection is the distinctiveness of the mark, which may be the result of its extraordinary uniqueness, or a considerable advertising effort, even before it becomes well known ».

* 81TPICE, 25 mai 2005, aff. T-67/04, pt. 44, Propr. ind. 2005 ; V. également TPICE, 22 mars 2007, aff. T-215/03, Vips, pts 38 et 62.

* 82 Pour plus d'informations sur la distinction des deux notions : V. A. BOUVEL, La protection des marques renommées, op. cit., n° 16 et s.

* 83 Article L. 713-5 al. 2 du CPI: « Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l'imitation d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris ».

* 84 CJCE, 22 nov. 2007, aff. C-328/06, Nieto Nuño, Rec. 2007, I-10093.

* 85 A. BOUVEL, op. cit., n° 16.

* 86 F. POLLAUD-DULIAN, « Marques de renommée. Histoire de la dénaturation d'un concept », Propr. intell., oct. 2001, n°1, p. 43.

* 87 CJCE, 14 sept. 1999, aff. C-375/97, General Motors c/ Yplon, Rec. 1999, I-5421, pt. 26.

* 88 F. POLLAUD-DULIAN, op. cit., p. 50 ; A. BOUVEL, op. cit., p. 15.

* 89 A. BOUVEL, op. cit., n° 32.

* 90 The Trademark Dilution Revision Act of 2006 (H.R. 683), Section 43 c)(2)(A) : «  A mark is famous if it is widely recognized by the general consuming public of the United States as a designation of source ».

* 91 CJCE, 14 sept. 1999, General Motors c/ Yplon, op. cit., pt. 28.

* 92 A. BOUVEL, op. cit., n° 34.

* 93CJCE, 9 janv. 2003, aff. C-292/00, Davidoff, Rec. 2003, I-389, pts. 24 et 25.

* 94 M.F.G. JACOBS, concl. 21 mars 2002, aff. C-292/00, Davidoff, pt. 25.

* 95 Le dixième Considérant de la directive, par ailleurs, affirme bien qu'en cas de similitude entre les signes et entre les produits ou services désignés, le risque de confusion constitue la « condition spécifique » de la protection.

* 96CJCE, 23 oct. 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, Rec. I-12537, pt. 20.

* 97 V. pour plus de détails : A. BOUVEL, « Etendue de la protection des marques renommées en droit communautaire », JCP E, n° 36, 4 sept. 2003, 1249, n° 13.

* 98 A. BOUVEL, op. cit., n° 7.

* 99 Ordonnance n° 2008-1301 du 11 décembre 2008 relative aux brevets d'invention et aux marques.

* 100 G. BONET, « La protection des marques notoires dans le Code de la propriété intellectuelle », Mél. Jean Foyer, Auteur et législateur, PUF 1997, p. 189.

* 101 Com. 11 mars 2003,JurisData n° 2003-018191.

* 102 Com. 12 juillet 2005, D. 2005, act. jurispr. p. 2074.

* 103 J. PASSA, « Protection de la marque notoire contre l'usage d'un signe similaire hors de la spécialité », Propr. intell., octobre 2001, n° 1, p. 85.

* 104 J. PASSA, op. cit., p. 86.

* 105CJCE, 23 oct. 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, Rec. I-12537, pt. 39.

* 106 M.F.G. JACOBS, concl. 10 juillet 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, pt. 60.

* 107CJCE, 23 oct. 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, op. cit., pt. 29.

* 108M.F.G. JACOBS, concl. 10 juillet 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, pt. 45.

* 109CJCE, 27 nov. 2008, aff. C-252/07, Intel Corporation Inc., Rec. 2008, I-8823, pt. 60.

* 110 A. BOUVEL, « Marques et renommées. A propos de l'arrêt « Intel », op. cit., p. 125.

* 111CJCE, 23 oct. 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, op. cit., pt. 30.

* 112CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 48.

* 113 A. FOLLIARD-MONGUIRAL, « Un an de jurisprudence en matière de droit communautaire des marques », Propr. ind., 2008, chron. 2, n° 90.

* 114CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 57.

* 115 A. BOUVEL, op. cit., p. 126.

* 116 B.W. PATTISHALL, op. cit., p. 625.

* 11715 U.S.C. § 1125(c)(2)(B) : dilution by blurring is defined as an « association arising from the similarity between a mark or a trade name and a famous mark that impairs the distinctiveness of the famous mark ».

* 118CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 77.

* 119 L'article 5.2° de la directive no 2005/29/CE du 11 mai 2005, transposé à l'article L. 120-1 du Code de la consommation, considère en effet qu'une pratique commerciale est déloyale dès lors qu'elle « altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel elle s'adresse ».

* 120TGI Nanterre, 2ème ch., 14 mars 2005, S.A. Kraft Foods Scweiz Holding AG c/ Madame Milka B, Propr. ind. 2005, comm. 41.

* 121 Com. 11 mars 2008, n° 06-15.594, Sté Louis Vuitton Malletier c/ Sté Emi Music France ; Com. 23 sept. 2008, n° 07-11.288, Sté Hachette Filipacchi Presse c/ Sté Chefaro Ardeval.

* 122 TPICE, 30 janv. 2008, aff. T-128/06, Japan Tobacco Inc. c/ OHMI, pt. 40.

* 123OHMI, Chambre de recours, 5 juin 2000, R-802/1999-1, Duplo c/ Duplo, pt. 24.

* 124CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 76.

* 125CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 77.

* 126C. CARON, « Les marques renommées face à la dilution de leur caractère distinctif », Comm. com. électron. n° 2, fév. 2009, comm. 14.

* 127E. SHARPSTON, concl. 26 juin 2008, aff. C-252/07, Intel Corporation Inc., pt. 74.

* 128 C. CARON, op. cit. ; C.-A. MAETZ, op. cit., p. 113.

* 129 J. PASSA, op. cit., p. 539 : il est probable que les juges nationaux « contournent la difficulté en se contentant du risque que la modification de comportement se produise et l'appréciant souplement ».

* 130CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 38.

* 131 The Trademark Dilution Revision Act of 2006 (H.R. 683), Section 2(c)(1) : « (...) it provides injunctive relief on proof that another person has used a mark or trade name in commerce that is likely to cause dilution by blurring or tarnishment of the famous mark ».

* 132 Article 8.5° du RMC et article 4.4° a) de la directive du 21 décembre 1988.

* 133 par l'emploi du conditionnel « porterait préjudice ».

* 134 M. JATON, op. cit., p. 50.

* 135 M. JATON, op. cit., p. 50.

* 136TPICE, 16 avril 2008, T-181/05, Citigroup et Citibank/OHMI c/ CITI, Rec. II-669, pt. 78.

* 137TPIUE, 28 oct. 2010, aff. T-131/09, Farmeco c/ OHMI, Rec. II-00243, pt. 99.

* 138 TPIUE, 22 mai 2012, aff. T-570/10, Environmental Manufacturing LLP c/ OHMI, pt. 53.

* 139Com. 1er mars 2011, n° 10-14.967, SARL Agatha diffusion c/ SA René Martin.

* 140CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 78.

* 141 C. CARON, op. cit.

* 142 F.-K. BEIER, Note sous Bundesgerichtshof, 10 nov. 1965, GRUR 1966, p. 623.

* 143 D. BRANDT, op. cit., p. 145.

* 144LONG (C.), « Dilution », 106 Columbia Law Review 1029, 2006.

* 145 L. JOSSERAND, De l'esprit des droits et de leur relativité - Théorie dite de l'abus des droits, Dalloz, 2006, n° 237, p. 321.

* 146CJCE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal Football Club, Rec. 2002, I-10273.

* 147 CJCE, 31 oct. 1974, aff. 16/74, Sté Centrafarm B.V et Adriaan de Peijper c/ Sté Winthrop B.V, Rec. 1974, p. 1194, pt. 8.

* 148 J. PASSA, Traité de droit de la propriété industrielle, op. cit., p. 58.

* 149 F.I. SCHECHTER, op. cit., p. 823.

* 150 B. BEEBE, « A Defense of the New Federal Trademark Antidilution Law », 16 Fordham Intellectual Property, Media and Entertainment Law Journal 1143,2006, p. 1146 : « Uniqueness is an absolute concept. A mark is either unique or it is not ».

* 151 A. BOUVEL, op. cit., p. 123 et s.

* 152 CJCE, 22 juin 1976, aff. 119-75, Terrapin c/ Terranova, op. cit.

* 153CJCE, 12 nov. 2002, Arsenal Football Club, op. cit., pt. 48.

* 154 F.I. SCHECHTER, « The Historical Foundations of the Law Relating to Trademarks », New York, Columbia University Press, 1925, p. 166 : « This psychological element is in any event at best an uncertain factor, and «the so-called ordinary purchaser changes his mental qualities with every judge ».

* 155 F.I. SCHECHTER, « The Rational Basis For Trademark Protection », op. cit., p. 822 : « (...) the creation and retention of custom, rather than the designation of the source, is the primary purpose of the trademark today ».

* 156 F.I. SCHECHTER, op. cit., p. 831 : « The preservation of the uniqueness of a trademark should constitute the only rational basis for its protection ».

* 157 B.W. PATTISHALL, op. cit., p. 621.

* 158 Lanham Act §45, 15 U.S.C. §1127 : « The term `dilution' means the lessening of the capacity of a famous mark to identify and distinguish goods or services regardless of the presence or absence of (...) likelihood of confusion, mistake or deception ».

* 159 Tiffany & Co. v. Tiffany Prod. Inc., 147 Misc. at 682, 264 N.Y.S. at 461 ; Wall v. Rolls Royce, 4 F.2d at 333 (3rd Cir. 1925).

* 160Haviland & Co. v. Johann Haviland China Corp., 269 F. Supp. 928, 956-57 (S.D.N.Y. 1967) : « Plaintiff cannot claim right to relief under the antidilution statute, since it has failed to show likelihood of confusion ».

* 161 Hershey Co. v. Art Van Furniture, Inc., 2008 WL 4724756.

* 162 V. pour plus d'informations : R.-G. BONE, « Schechter's Ideas in Historical Context and Dilution's Rocky Road », 24 Santa Clara Computer & High Tech Law Journal, 2008.

* 163S.L. DOGAN & M.A. LEMLEY, « What the Right of Publicity Can Learn from Trademark Law », 58 Stanford Law Review 1161, 2005, p. 1198 ; D. KLERMAN, « Trademark Dilution, Search Costs and Naked Licensing », USC Law Legal Studies Paper No. 05-23, Dec. 2005 ; S. RIERSON, « The Myth and Reality of Dilution », Duke Law & Technology Review, p. 23, 2012.

* 164 C.-A. MAETZ, op. cit., p. 113.

* 165CJCE, 23 oct. 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, op. cit., pt. 30.

* 166 A. BOUVEL, op. cit., p. 123 et s.

* 167CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 29.

* 168 A. BOUVEL, op. cit., p. 123 et s.

* 169 TPIUE, 22 mai 2012, Environmental Manufacturing LLP c/ OHMI, pt. 50.

* 170CJCE, 12 nov. 2002, Arsenal Football Club, op. cit., pt. 51 : « (...) cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte (...) aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateur la provenance du produit ».

* 171 J. PASSA, « Les nouvelles fonctions de la marque dans la jurisprudence de la Cour de justice : Portée ? Utilité ? », Propr. ind., n°6, juin 2012, étude 11 ; Y. REBOUL, « L'arrêt de la Cour de justice du 18 juin 2009 - L'Oréal-Bellure : comment résister à la rançon de la gloire ! », Legicom 2010, n° 44, p. 13.

* 172 F. POLLAUD-DULIAN, Droit de la propriété industrielle, op. cit., p. 1067 ; J. PASSA, Traité de droit de la propriété industrielle, op. cit.,n° 363, p. 503.

* 173RUIZ-JARABO COLOMER, concl. 13 juin 2002, aff. C-206/01, Arsenal Football Club, pt. 46.

* 174TPICE, 22 mars 2007, aff. T-215/03, SIGLA c/ OHMI, Rec. 2007, II-711, pt. 35.

* 175CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure, Rec. 2009, I-05185, pt. 58.

* 176 Pour reprendre l'expression de L. MARINO, op. cit., p. 180.

* 177CJUE, 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08, C-237/08 et C-238/08, Google France et Google, Rec. 2010, I-02417, pt. 91.

* 178CJUE, 22 sept. 2011, aff. C-323/09, Interflora e.a, pt. 59.

* 179 H. ISAY, Die Selbständigkeit des Rechts an der Marke, GRUR 1929, p. 26.

* 180CJUE, 22 sept. 2011, Interflora e.a, op. cit., pt. 60.

* 181CJUE, 22 sept. 2011, Interflora e.a, op. cit., pt. 61.

* 182 F.I. SCHECHTER, op. cit., p. 825, cité par l'avocat général M.F.G. JACOBS, Concl. 10 juillet 2003,aff. C-102/07, Adidas et Adidas Benelux, pt. 37.

* 183 J. PASSA, « Les nouvelles fonctions de la marque dans la jurisprudence de la Cour de justice : Portée ? Utilité ? », op. cit.

* 184CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal c/ Bellure, op. cit., pt. 79.

* 185 Y. BASIRE, op. cit.

* 186 P. MALAURIE & L. AYNÈS, Droit civil, Les biens, Defrénois, 4ème éd., 2010, n° 28, p. 15.

* 187 Y. BASIRE, op. cit., p. 411.

* 188 V. théorie de KOHLER in P. ROUBIER, Le droit de la propriété industrielle, t. 2, Sirey, 1954, n° 250, p. 505.

* 189 Y. BASIRE, op. cit., p. 379.

* 190 C. DE HAAS, op. cit., p. 141.

* 191 J.-N. KAPFERER, Les marques, capital de l'entreprise, Eyrolles, 2007, p. 534.

* 192 Y. BASIRE, op. cit., p. 433.

* 193 M.-A. PÉROT-MOREL, op. cit., p. 40.






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld