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La dilution des marques renommées

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par Marion Pinson
CEIPI - M2 droit européen et international de la propriété intellectuelle 2012
  

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Section 2. La distorsion du champ d'application de la protection

Après avoir étudié la nature de la protection contre le préjudice de dilution, il reste à déterminer quelle est son étendue. En d'autres termes, quelles marques peuvent en bénéficier et dans quelles hypothèses. Cette étape du raisonnement est déterminante puisque de l'étendue du champ d'application dépend la légitimité même de la protection. En effet, nous avons vu que si le principe d'une protection contre le préjudice de dilution est nécessaire, il ne faut pas que son étendue soit excessive afin-on n'aura de cesse de le répéter - de ne pas porter atteinte à la liberté de la concurrence.

L'étude de notre droit positif ne peutqu'inquiéter, et ceci à deux égards. Les marques qui bénéficient de la protection sont les marques connues d'un public spécialisé (§1). En effet, la Cour de justice retient une interprétation particulièrement extensive de la notion de renommée, si bien qu'un nombre très élevé de marques entre dans le champ d'application de la protection. Par ailleurs, il est indifférent que l'usurpateur soit ou non un concurrent ; la protection contre la dilution, normalement cantonnée aux rapports non concurrentiels, s'est ainsi étendueaux rapports concurrentiels (§2).

§1. Une protection de la marque connue d'un public spécialisé

Les textes offrent une protection contre l'atteinte au caractère distinctif à la marque « qui jouit d'une renommée » ou« jouissant d'une renommée ». On se penchera d'abord sur l'opportunité du choixdu critère de la renommée (A) avant d'étudier l'interprétation que notre droit positif en retient (B).

A/. Le choix du critère : entre renommée et distinctivité

Certains auteurs ont pu préconiser la protection de toutes les marques contre le préjudice de dilution77(*). Contestable dans son principe en ce qu'elle étend démesurément le champ d'application de la protection, cette solution l'est également dans sa logique : car l'existence d'une atteinte au pouvoir distinctif d'une marque nécessite ab initioque celle-ci ait un fort pouvoir distinctif78(*).Ainsi, par définition, le préjudice de dilution ne peut toucher toutes les marques.

Plus pertinente est la proposition du critère de la distinctivité.Schechter, père de la théorie de la dilution, n'avait en effet pas dans l'idée de protéger les marques renommées. Il prenait comme critère déterminant la distinctivité de la marque, et non pas sa renommée. Précisons que si ces deux critères vont souvent de pair, ils ne se confondent pas systématiquement. Il préconisait ainsi une protection contre la dilution des marques « inventées, arbitraires, fantaisistes »79(*), soit des marques au degré de distinctivité particulièrement élevé. Callmann, fervent défenseur de la dilution aux côtés de Schechter, prône également la protection des marques hautement distinctives : « La doctrine de la dilution ne doit pas être limitée aux marques « célèbres » ou « renommées ». Le véritable objet de la protection est la distinctivité de la marque résultant de son extraordinaire singularité ou de considérables efforts publicitaires, et ce avant même qu'elle ne soit connue »80(*).

On comprend la logique ici défendue. La dilution consistant en une atteinte au caractère distinctif d'une marque, le recours au critère de la distinctivité semble parfaitement adéquat dans la mesure où cet élément est l'objet même de la protection. Par ailleurs, on sait que la protection contre la dilution est justifiée par le fort pouvoir d'irradiation qui émane d'une marque. Or la distinctivité est justement ce qui permet à la marque de briller, d'attirer et éventuellement de fidéliser. Faire le choix de la distinctivité comme critère du champ d'application de la protection ne semble donc pas totalement incongru.

Ces auteurs, on le voit bien, ont la volonté de donner à la protection contre la dilution un champ d'application très large. Ils partent en effet du principe que le critère de la renommée est trop restrictif et que c'est bien toutes les marques distinctives, même celles qui ne sont pas renommées, qui doivent être protégées. Ce raisonnement part ainsi du postulat que la distinctivité est une notion plus large que la renommée.Le choix ducritère de la distinctivité nous semble toutefois dangereux car cela aboutirait à conférer une protection contre la dilution à un nombre trop élevé de marques.

Aujourd'hui pourtant, le choix d'un autre critère, celui de la renommée, constitue la même menace.En effet, la Cour de justice donne à la renommée une interprétation tellement souple qu'elle est devenue une notion beaucoup plus large que la distinctivité. Ce qu'on pouvait ainsi reprocher au critère de la distinctivité peut aujourd'hui l'être à celui de la renommée.

La seule renommée ne saurait pourtant suffire à déclencher la protection. En effet, le critère de distinctivité est, de manière assez logique, pris en compte par la jurisprudence. Celle-ci a ainsi refusé d'appliquer la théorie de la dilution à une marque renommée constituée d'un signe banal81(*). Ainsi, la renommée et la distinctivité sont deux critères cumulatifs pour qu'une marque puisse prétendre à la protection contre le préjudice de dilution. C'est toutefois la renommée qui ouvre la possibilité d'une protection contre la dilution.

* 77 J. LUNSFORD, « Trademarks: Dilution and Deception », 63 Trademark Repertoire 41, 47-48, 1973, p. 53.

* 78 A. BOUVEL, « La protection des marques renommées », J.-Cl. Marques - Dessins et modèles, 7320, 2008, n° 89.

* 79 F.I. SCHECHTER, op. cit., p. 829.

* 80 R. CALLMANN, The Law Of Unfair Competition Trademarks and Monopolies, 3rd édition, 1969, §84.2(a) : « the doctrine of dilution should not be limited to'celebrated' or `famous' marks. The proper matter of protection is the distinctiveness of the mark, which may be the result of its extraordinary uniqueness, or a considerable advertising effort, even before it becomes well known ».

* 81TPICE, 25 mai 2005, aff. T-67/04, pt. 44, Propr. ind. 2005 ; V. également TPICE, 22 mars 2007, aff. T-215/03, Vips, pts 38 et 62.

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