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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

Disponible en mode multipage

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Jean - Barnabé Milala Lungala

LA PERSISTANCE DES SCIENCES SOCIALES COLONIALES AFRIQUE

HISTOIRES, ORIGINES, ÉTAT DE LIEUX, ENJEUX, ACTEURS, LEITMOTIV, OBJECTIFS ET RECONSTRUCTION

Presse Universitaire du Congo, 2013

« La clé de son succès (le diable) c'est le secret de son agissement. Plus les gens en savent sur Lui, moins Il opère »

« La valeur et l'illusion de la contrefaçon sont augmentées par la ressemblance à l'authentique »

Notre Maître Victor Paul Wierwielle

Nous dédions ce livre :

Aux 1000allah :

A Milala Arlinia Bongondo Kumbi ma très chère épouse

A Milala Pairette Haakiyi et Milala Jonet Carmen Chou Haaciela Mbuita mes filles bien-aimées

PRÉSENTATION DE L'AUTEUR

Jean Barnabé Milala Lungala est Professeur à l'Université de Kinshasa à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, docteur en Philosophie. Il a passé ses études primaires à Kinshasa à l'Institut Ango Ango dans la commune de Bandalungwa, ses études secondaires au Petit Séminaire de Luiza et de Kamponde au Kasaï Occidental, et a obtenu en 1999 sa Licence à l'Université de Kinshasa au Département de Philosophie.

Milala a été en 2005 bénéficiaire d'une bourse de finalisation de Diplôme d'Etudes Supérieurs (D.E.S) de la Commission Universitaire pour le Développement de la Belgique, CUD en sigle ; bénéficiaire d'une bourse de stage doctoral sur trois ans à l'Université catholique de Louvain, UCL en Belgique de 2006 à 2009 ; et a défendu sa thèse à l'Université de Kinshasa le 03 Octobre 2009 sous la double direction du professeur Mutunda Mwembo Pierre et Maesschalck Marc. Il a également obtenu une bourse pour Docteur pour la préparation des Cours à l'UCL.

Jean Barnabé Milala est actuellement Directeur de Centre de Recherche en Epistémologie des Sciences Sociales et Humaines (Cressh) de l'Université de Kinshasa de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, initié à la suite du centre de recherche en théorie de l'action de l'UCL dirigé par le professeur Marc Maesschalck . Le Cressh est en partenariat avec plusieurs structures de recherche et d'action sociale dont  les « Ateliers Nord -Sud » co-dirigé avec Oscar Mpoyi, une asbl transversale entre l'Europe et l'Afrique qui oeuvre dans le secteur de jeunes immigrés subsahariens et congolais, l'Association est basée à Bruxelles pour l'encadrement et l'insertion des jeunes ; la radio universitaire de l'Université de Kinshasa où le professeur Milala anime l'émission consacrée aux centres et Laboratoires de recherche de l'Université de Kinshasa ; une structure philosophique internationale dévotionnelle et pratique qui mène des recherches sur la connaissance afro-védique, A.I.C.K., Association Internationale pour la Conscience de Krisna (Dieu).

C'est dans le cadre d'un autre partenariat que le Centre a eu, avec le Groupe de presse Le potentiel et Télé 7, à animer des conférences sur le thème du refus de la balkanisation de la RDC depuis le mois de Mai 2012. Le partenariat a permis de mettre en place le Mouvement Civique National (MCN) qui a pour objectif l'éducation aux droits civiques de l'homme. Les Conférences sus- évoquées, combinées avec la synergie des autres mouvements d'éveil national ont tant soit peu contribué à la grande marche des chrétiens catholiques de 2012.

Dans la foulée de ces activités déployées pour l'éveil national, le groupe des professeurs de MCN ont organisé une tournée pour rencontrer et sensibiliser certaines personnalités nationales accessibles, notamment les candidats présidents de la république en RDC pour leur expliquer la gravité de la situation nationale générale qui sévit aujourd'hui.

INTRODUCTION GENERALE

L'approche épistémologique de reconstruction des Sciences Sociales et Humaines en Afrique devait être globale.1(*) La question concerne les différentes distinctions de critiques intra et extra- épistémologiques. La critique extra - épistémique touche à l'Histoire des sciences Sociales qui tente de retracer la succession, le développement des interprétations, le déroulement et/ou la croissance des idées et des débats scientifiques, et des ruptures métaphoriques de base ; à la Sociologie et à l'Anthropologie des sciences qui ouvre l'enquête autour des questions théoriques, des options politiques d'exigence des normes de rationalité, des discussions sur le financement et la recherche scientifique, de la localisation des sociétés savantes ou des clubs des savants ;à la Psychologie de la connaissance qui s'occupe de l'origine subjective des formes de la connaissance. 

La tâche se prolonge à la critique intra - épistémique de la méthodologie qualitative. La réflexion appelle la philosophie des sciences qui comprend outre la question des méthodes entant que telle, l'Ethique des applications scientifiques et l' « ontologie sociale ». Celle-ci réexamine la pertinence des concepts centraux des sciences sociologiques et économiques par exemple : la réalité sociale, le fait social, la structure/ l'habitus /the back ground /l'agent, le système /l'acteur, le choix pur (utilité), etc. Ces concepts sont ici l'objet des reconstructions théoriques.

Tous ces concepts sont au départ à replacer dans des traditions scientifiques des philosophes - sociologues - anthropologues (Emile Durkheim, Max Weber, Simmel), politologues (Maquiavel ), et autres juristes fondateurs des sciences sociales.

L'enjeu épistémologique en Afrique est le dépassement du mimétisme à peau dure des sciences occidentales qui se sévit de façon non critique en Afrique. En effet, les africains de chaque génération devaient relever le défi de réinventer la société africaine, nonobstant du fait qu'il existe des obstacles objectifs à la réinvention d'une nouvelle société et non les moindres.

Les mots et les sciences sont porteurs de valeurs et de symboles. Il n'est pas si simple de modifier ou de transformer les rapports d'une société avec les mots. « La langue européenne moderne comme le français reflète, dans sa structure profonde, les institutions nomades (...) défavorables à la femme : il n'existe pas de terme propre en français pour exprimer le meurtre de la mère et de la soeur ; on utilise, respectivement, les termes relatifs au meurtre du père, ou du frère : parricide= meurtre du père, ou de la mère par extension- fratricide = meurtre du frère, ou de la soeur par extension ».2(*) C'est une langue née de la culture patriarcale profonde qui est une grande langue de travail en Afrique francophone. La réalité sociale africaine est en grande partie une construction des sciences sociales et humaines coloniales, l'Afrique en est l'invention. Les discours des sciences sociales occidentales ont créé la réalité socio- culturelle africaine moderne.

Pour une épistémologie de la décolonisation, la question essentielle est celle-ci : la vision essentiellement coloniale de la réalité prévaut encore dans la majorité des disciplines en sciences sociale et humaines en Afrique, comment sortir de cette vision ? Aujourd'hui, plus de cinquante ans après les indépendances, aux heures de bilan, que faut-il dire de la contribution africaine au projet de la reconstruction des sciences sociales et humaines africaines ?

Les spécialistes des sciences sociales et les philosophes sociaux africains devront, en collaboration avec les scientifiques- philosophes sociaux du tiers monde, chercher les réponses théoriques aux questions reconnues universelles au sujet de la société. Identifier les ressources morale et spirituelle, pratique et factuelle, théorique et conceptuelle, de les réapproprier dans un esprit critique.

A propos, à l'heure où l'Afrique est encore confrontée au problème de son existence, de sa libération politique, économique et culturelle, nous croyons qu'il est fondamental de répondre en priorité aux questions morales et théoriques, notamment celles qui sont posées par les sciences sociales coloniales et neocoloniales. Il s'agit d'identifier la trame discontinue des traditions culturelles et morales (la culture des savants) des sciences sociales et humaines telles qu'elles ont structuré et structurent encore notre société.

En fait, nous identifions les différentes conceptions spirituelles et théoriques à partir de quoi reconstruire les sciences sociales sans ne nullement mettre en veilleuse la reconstruction des sources de l'africanité. Les spécialistes des sciences sociales et les philosophes sociaux dans les pays latino-américains font de la question de la reconnaissance de la pluralité épistémologique le cheval de bataille pour leur combat pour le progrès social et le leitmotiv de leur libération intégrale. Une seule forme de connaissance du monde, la rationalité scientifico - technique, celle occidentale, a été postulée comme la seule épistémè valide, c'est-à-dire la seule capable d'engendrer de véritables connaissances sur la nature, l'économie, la société, la morale, et le bonheur des gens.

Le capitalisme organisé depuis plus de cinq cents ans au moyen du commerce triangulaire, a été entre autre la base, comme pouvoir, en instaurant une hiérarchie rigide des connaissances. Les connaissances non occidentales forment encore, c'est le cas de le dire, leur préhistoire ou la doxa, et sont mêmes quelques fois considérées comme des « obstacles épistémologiques » par rapport à la science moderne. Les choses ont pourtant évoluées.

Aussi paradoxale que cela puisse être, la Conférence Internationale pour le développement et l'environnement tenu en 1992 à Rio de Janeiro a pourtant, pris la résolution pour la protection des connaissances traditionnelles. Aujourd'hui, l'indigène n'est plus perçu comme un élément du passé social, économique, et cognitif de l'humanité, mais comme « gardien de la biodiversité ». La tolérance à l'égard de la diversité culturelle est devenue une valeur « politiquement correcte » dans la mesure où cette diversité est utile pour la reproduction du capital.

Cette nouvelle capitalisation de la nature ne repose pas seulement sur la conquête sémiotique de territoires en termes de réserves de biodiversités dans les tiers monde et de communautés des indigènes comme « gardiens » de la nature, elle exige aussi la conquête sémiotique de connaissances locales, dans la mesure où « sauver la nature » exige l'évaluation des savoirs locaux sur la durabilité de la nature. 

Disons que cette « reconnaissance » accordée aux systèmes de connaissances non occidentaux n'est pas épistémologique mais plutôt pragmatique. Même si les savoirs des communautés indigènes ou noirs peuvent être considérés comme « utiles » pour la conservation de l'environnement, la destruction catégorielle entre « connaissance traditionnelle » et « science », élaborée au cours du siècle des Lumières ,au XVII ème siècle ,est toujours en vigueur. Même si, les connaissances traditionnelles des indigènes sont élevées à la catégorie de « patrimoine immatériel de l'humanité » !

La réflexion épistémologique va dans le sens de la rénovation des savoirs scientifiques. Mais il faut admettre que beaucoup de spécialistes des Sciences Sociales et des philosophes sociaux africains ne sont pas suffisamment armés pour se faire. Nos nombreux philosophes congolais formés pour le besoin de l'église, pour des raisons diverses, ne sont pas passionnés pour une telle tâche.

Le besoin théorique général est de dépasser les moyens classiques de production des connaissances scientifiques des Sciences Sociales et Humaines qui pérennisent des symboles, des concepts et des relations inhérentes non critiques d'il y a plusieurs siècles, tels que reconduits en Afrique depuis la « fondation » des sciences sociales classiques, ignorant les icônes et les métaphores fondatrices des sciences sociales. Il faudrait aussi reconstruire les présuppositions non réfléchis de concept de « réalité sociale » comme objet central des sciences sociales.

Quelle méthodologie allons-nous utiliser ? La restitution symbolique et la restitution conceptuelle, et leur reconstruction systématique, historique et recréatrice, demandent une reconstruction philosophico-scientifique plus complexe qui devrait prendre en compte la transformation de la philosophie antique et moderne. Les icônes, les symboles mythologiques et modernes, les langages de la philosophie antique et des temps Modernes européens très peu perceptibles par les non philosophes marquent de façon indélébile les Sciences Sociales classiques en général.

En sociologie, son langage à travers Emile Durkheim dans Les Règles de la méthode sociologique est imprégné de la prédominance de la philosophie de la Nature et du concept ontologique de Devenir sur fond de paradigme textuel de la primauté de l'écriture.

Poser la question de la rénovation et de la reconstruction métaphorique et conceptuel, hypothétique et méthodologique, c'est tenter de revenir à la source des modèles de départ des sciences sociales en général. Il y a plusieurs types de reconstructions que nous allons faire : sémiotique (métaphorique, phonologique, morphologique, sémantique et pragmatique), génétique, systématique, logiques, etc.

La reconstruction génétique est une reconstruction théorique (voir Tshiamalenga Ntumba) qui cherche l'origine des concepts, leur restitution pour déboucher à la recréation théorique. La question qui se pose en l'occurrence en sciences sociales est celle de savoir comment faudrait -il reconstruire le modèle de départ, celui de Tout et de ses Parties, modèle qui est, on le sait, au centre des sciences sociales classiques. Les méthodologies qualitatives qui se sont développées dans l'histoire des sciences sociales qu'elles soient du type actionnistes (théorie du choix rationnel en sciences économiques classiques avec Adam Smith) ou de type structural plus classiques (holisme méthodologique en sociologie )sont liées à ce modèle ci-dessus.

La reconstruction des approches est une étape méthodologique qui « replace », l'approche considérée ou les concepts centraux inhérents ou encore leur restitution dans des traditions scientifique ou philosophique antérieures pour voir en quoi elles innovent. La rénovation méthodologique des sciences humaines et sociales tient pour une large part à cela.

Les reconstructions logiques se proposent de répondre à la question de savoir quelles sont les structures profondes du langage, de connaissance et de l'action constitutive de la réalité sociale ? Le chercheur développe alors la logique de l'action.

Le développement de la logique formelle et sa propre reconstruction en logique de situation donne lieu à la transformation des modèles classiques des sciences sociales d'essence phonologique, morphologique et sémantique vers des modèles pragmatiques d'action et cognitivistes de la perception. Les approches pragmatico - cognitives décrivent les structures profondes du langage, de la cognition et des actions comme éléments constitutifs de la « réalité sociale ». Le langage, la connaissance et l'interaction étant constitutifs de la « réalité sociale ».

Les scientifiques contemporains des sciences sociales reconstruisent les concepts à prédominance moderne au moyen des concepts nouveaux : dans la tradition d'une épistémologie pragmatique et analytique des sciences sociales nous avons le concept central de l'acte de langage comme structure élémentaire dans la construction de la « réalité sociale », dans l'approche cognitiviste le concept de l'Intentionnalité de l'action, dans la praxéologie le concept des comportements réglés par des normes, dans le constructivisme structuraliste le concept médiane de l'habitus ou de back ground qui se situent entre la structure et l'action.

En sociologie le fonctionnalisme systémique, l'interactionnisme symbolique ou l'ethnométhodologie se cristallisent sur le médium de langage. Les méthodes actionnistes et la sociologie de l'habitus se sont développées entre le structuralisme d'une part, et d'autre part la phénoménologie. Toutes ces approches peuvent être remontées jusqu'au modèle sémiotique le plus ancien qui est africain, c'est la position que nous allons démontrer.

A propos, Jean Copans , sociologue et anthropologue d'origine française, réfléchissant plus récemment et de manière propre à lui ,sur les rapports entre les sciences sociales et la philosophie, entre les sciences sociales de tradition française et les sciences sociales africaines ,pense par exemple ,qu'au-delà du fait que la sociologie et l'anthropologie sont dépendantes de la philosophie, et que cette philosophie étant d'essence occidentale, il ne peut exister des sciences sociales africaines.

Nous voulons soutenir explicitement la thèse suivante sur les sciences sociales en général : l'approche structuro-fonctionnaliste, les théories de l'action, le constructivsme, la pensée complexe et autres approches semblables, supposent pour une large part des symboles et des corpus théoriques africains. C'est ce que nous allons essayer de reconstruire dans ce livre. La pensée procède aussi bien par analyse que par design.

Il s'agira de présenter comment les savoirs ont été engendrés, c'est-à-dire à partir de quels paradigmes, de quels modèles généralisables, de quels symboles a-t-on engendré les savoirs scientifiques sociaux. Ce sans quoi, il n'y pas de savoirs scientifiques sociaux.

Cet état des choses n'est pas seulement théorique, pourrait-on penser, il s'encre dans les désespoirs et les échecs accumulés de nos sciences de développement. La littérature africaine moderne a retentit au loin et vécut un de ses moments fastes lorsque des scientifiques ou des hommes des Lettres d'une certaine génération ont assumé des hautes fonctions politiques. Kwame Krumah eut la chance d'être au pouvoir et de pratiquer sa philosophie. Léonard Sédar Senghor sera grâce au parti socialiste français élu dès 1960 président de la république sénégalaise, et va par la suite pour la mobilisation des africains composer des poèmes de guerres. Il va démissionner en 1980 sans que rien ne change vraiment de la situation des nègres. Aimé Césaire, meurt peu après sa démission à la mairie de Martinique à Fort de France, sans que ne change véritablement la situation des nègres (voir son livre Et les chiens se taisaient,La tragédie du roi christophe).

Après toutes ces tentatives, beaucoup de choses ont été faites et d'autres restent encore à faire, et une de nos positions est au point de vue épistémologique la suivante : la priorité pour aujourd'hui est l'inter- disciplinarité, pouvoir bâtir une science sociale unique, théorique et pratique, où s'intègrent le politique, le culturel, le juridique, l'économique, le sociologique,...tendre vers une unité totalisante des sciences sociales et humaines.

Notre position épistémologique ce que cette reconstruction totalisante des sciences sociales et humaines en Afrique peut se faire entre autres au tour de la sémiotique : étude générale des Signes.

En effet, le symbolisme est au centre de la pensée africaine disait Léopold Sedar Senghor. Il s'agit autrement d'intégrer dans les métaphores fondatrices et dans de concepts centraux subséquents les savoirs locaux et les savoirs globaux, ces enjeux de connaissances et ceux de reconnaissance de savoirs , la pluralité des vérités et une vérité scientifique, la mobilisation d'une vérité plurielle et la limité de la subjectivité, la singularité des expériences et les constructions collectives des phénomènes sociaux, la proceduralisation des normes et la prégnance des normes substantielles, la rupture épistémologique et la continuité entre les savoirs ordinaires et les savoirs savants, les compétences pratiques et les compétences scolastiques, les attentes d'égalité morale entre individus et la prise en compte des rapports de force, et l'engagement et la distanciation.

De savoirs locaux et des « sciences sociales africaines » ,nous pouvons repartir de la position d'Yves Valentin Mudimbe qui en appelait déjà à l'hypothèse sémiotique de Signe ou de Symbole comme matériaux épistémologiques pour construire ces sciences africaines ; reconstruire la société ,l'homme, la culture africaine et de lire la culture africaine millénariste. Notre hypothèse comme signe et icône de reconstruction est le « scarabée ».

Somme toute, il s'agit de tenter de présenter la possibilité d'engendrer des nouvelles connaissances à construire par le colonisé, des sciences sociales qui soient typiquement africaines au moyen d'une reconstruction elle-même non rivée sur un autre Etranger qui ne serait à son tour que le blanc. Un tel projet appelle l'exigence de la rénovation des « sciences sociales africaines » à partir d'une action et d'un discours total qui soit africain et ouvert. Même si, le nombre des gens qui résistent à l'assimilation inconsciente au modèle néocolonial est encore un fait social largement insignifiant.

Nous nous sommes longtemps installés dans la logique dualiste de la philosophie occidentale, dans la logique de la disjonction et de la différence qui sépare l'autochtone de l'étranger, l'homme de la femme, le colonisé du civilisé, le noir de blanc, le spirituel de profane, le ciel de la terre, etc. Ce modèle déficitaire d'action et de penser bien différent de mode de penser africain traditionnel s'applique aussi et encore en sciences humaines et sociales à travers l'analyse des enfants, des fous, des femmes, des « primitifs », cette analyse reposait et repose encore sur le postulat que ce sont les Autres qui sont inessentiels et qui doivent changer.

Dans la fabrication coloniale de la « réalité sociale », c'est l'Africain qui est l'Autre, c'est-à-dire différent radicalement du l'Occidental. Pour les féministes, dans la fabrique masculine souvent inconsciente de la « réalité sociale », c'est la femme qui est l'Etrangère et l'Autre, dit Simon de Beauvoir, dans Le deuxième sexe ; la femme serait radicalement différente de l'homme. « Dans la réalité sociale patriarcale  les hommes seraient les modèles de réussite et, comparativement aux hommes, les femmes n'arriveraient pas à gravir tous les échelons. La femme se détermine et se différencie par rapport à l'homme, la femme est inessentielle en face de l'Essentiel, l'homme. L'homme est Sujet, il est l'Absolu : la femme est l'Etrangère, Autre » !

Le monde a tenu pour acquis que cette perception du monde était normale et naturelle alors qu'en réalité, les postulats qui gouvernent nos modes de pensée et d'agir sont des artéfacts sociaux, issus et construits à partir de l'expérience du dominateur. Cette situation persiste encore. Nous nous sommes ainsi installés depuis dans la lutte bestiale d'élimination raciale, ethnique et tribale.

C'est dans la lutte implacable de chaque jour que nous devons construire notre vraie « réalité sociale ». En fait, de tas d'hommes, des sujets sociaux et des choses sociales sont construits. Africain, congolais, la loi, le juriste, l'immigration, la minorité, le mariage, l'argent, le pouvoir, la pauvreté, etc.

L'enjeu est de reconstruire cette réalité sociale du dominateur. La tâche n'est pas facile : « le genre, la nation, l'ethnie ou la race sont des constructions sociales, il est naïf , donc dangereux ,de croire et de laisser croire qu'il suffit de « déconstruire » les artéfacts sociaux , dans une célébration purement performative de la « résistance » pour les détruire : c'est en effet ignorer que, si la catégorie selon le sexe, la race ou la nation est bien une « invention »raciste, sexiste, nationaliste, elle est inscrite dans l'objectivité des institutions ».3(*) Les artéfacts sont des a priori mentaux du dominateur.

CHAPITRE PREMIER :

LA CATASTROPHE DU DISPOSITIF COLONIAL DES SAVANTS BELGES AU CONGO

D'un point de vue de l'histoire des sciences en Afrique, l'indépendance du Congo - Kinshasa, fut en n'en point douter ce moment qui consacra enfin la catastrophe du dispositif colonial du savant belge. Le travail de la déconstruction des savoirs belges à entreprendre était, déjà alors, fort immense parce que « dans les universités (belges), les centres de recherche, les filières de cours, les diplômes, (aujourd'hui) les dispositifs de coopération, etc., sont les héritiers directs de l'institutionnalisation de sciences coloniales ».4(*)

Après la décennie 60 au Congo, les gros travaux lancés furent une occasion manquée pour entamer collectivement une reconstruction des présupposés théoriques et idéologiques de cette science sociale coloniale qui a élu domicile chez nous.

Aujourd'hui, les gros travaux de reconstruction sociale devraient être ce lieu d'évaluation du chemin parcouru et de l'orientation théorique à prendre.5(*)Seulement ce genre d'enjeux ne semble pas présent dans le processus d'élaboration de notre science.

Et qu'en dire pour un Etat qui octroie à la recherche une allocation modique déjà difficile à décaisser, un Etat qui ne semble pas prendre en compte, avec un Ministère de la Recherche scientifique autonome, la vision de la science qui devait être élaborée par le Conseil Scientifique National comme partout au monde. La science semble répondre plutôt à une exigence exclusivement spéculative, éparse et venue d'ailleurs ou de nulle part.

En effet, les problèmes épistémologiques en sciences sociales et humaines ne sont pas seulement liés aux problèmes théoriques, ils sont aussi de problèmes de leur l'origine. Il faut par exemple interroger le fondement des découpages disciplinaires : ils ne résultent ni d'une segmentation « naturelle » de l'ordre des choses, ni d'un plan rationnel de connaissance ; ils sont les héritiers et les produits continûment retravaillés d'une histoire , qui n'est pas seulement une histoire des idées , mais également une histoire de la production sociale des connaissances et des savoirs( le sacré a toujours été le lieu de production des savoirs) , de la construction de dispositifs pratiques de connaissance, dans lesquels se sont moulées des procédures , se sont dessinés de schèmes de pensée et d'action , et qui, par-delà leur renouvellement et leurs frottements permanents , continuent d'être vivants. 

En sciences sociales au Congo, la première période pourrait être caractérisée par la science du lointain. Ces sciences sont parties des grands travaux géographiques des découvertes du bassin du fleuve Congo, dont notre destin en tant que pays va dépendre ; ceci offre la structure et les conditions de possibilités pour l'émergence de la science coloniale : l'ethnologie, la colonisation comparée, l'administration indirecte, le droit indigène, etc.

La deuxième période actuelle est la science locale. La science sociale congolaise y est restée pourtant globalement désajustée par rapport aux problèmes du pays. Déjà, selon Poncelet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et à la suite d'un important activisme scientifique au Congo, l'ensemble du dispositif métropolitain des savoirs coloniaux avouera son extrême indigence quant à son accès sur le terrain.

Face à une crise sociale sans précèdent et à la nouvelle attention internationale sur les colonies, on découvrira un Congo dépourvu de toute possibilité d'appareillage scientifique susceptible de reconfigurer l'image de la colonie, de donner à ses responsables publics le sentiment qu'une direction nouvelle est à donner à l'évolution sociale. Ce n'est guère qu'entre 1950 et 1955 que les universités descendront sur le terrain6(*). En fait, déjà dans les années 1920-30, durant ce que Poncelet appelle l'âge d'or de la science coloniale, seuls professaient des notables coloniaux, les diplômés proprement dits portant le titre de licenciés sont très peu nombreux.

Brève historique des Centres de recherche et Instituts de Recherches en RD Congo.7(*)

Période avant la Conférence de Berlin

Le Congo, colonie Belge est à l'image de Centres et Instituts de recherches qui y sont crées. Tout commence avec la Conférence Géographique de Bruxelles qui s'est tenue du 12 au 14 Septembre 1876 sur convocation de Léopold II afin de faire le point sur les connaissances acquises sur l'Afrique Centrale entre les hommes de terrain, savants et hommes politiques. A l'issue des travaux, il fut crée sous la Présidence de Léopold II, l'Association Internationale pour la Civilisation de l'Afrique (A.I.A) qui regroupait la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Autriche et la Russie. Deux autres sociétés géographiques furent par la suite crées en 1876 : la Société Belge de Géographie de Bruxelles et la Société de Géographie d'Anvers. Manifestement le besoin ressenti était celui de circonscrire exactement le territoire à gérer au point de vue commercial et politique. Puis vint la création d'un Comité d'Etudes de Haut -Congo (CEHC en cigle) le 25 novembre 1878 fruit des Accords conclus entre Léopold II et Henry Milton Stanley dans le but de tirer profit de ce vaste bassin qui venait d'être ouvert au monde. Les cours inférieurs et supérieurs du fleuve restaient à ce moment-là une véritable énigme.

Le fonctionnement du CEHC dépendait des souscripteurs qui en constituaient le capital. Le CEHC fut la vraie genèse de l'Etat Indépendant du Congo qui ouvrit la voie à une entreprise politique, qui permit de créer des stations scientifiques, de conclure des traités, d'obtenir des territoires et de les agrandir. Le CEHC avait à sa disposition quatre bateaux, le Royal, le S/S Belgique, le S/S Espérance et le S/W En Avant, tous engagés dans la découverte du Haut Fleuve et de ses affluents.

Par la suite, sur le plan de liberté de gestion, pour se débarrasser d'un éventail des souscripteurs, Léopold II se décida de dissoudre le CEHC en date du 17 novembre 1879 pour le remplacer par l'Association Internationale du Congo (A.I.C ,en cigle).

La mission principale qui préside à cette période pré- conférence de Berlin vise à tracer la carte de l' « Afrique Centrale », en déterminant les zones restées blanches. La découverte des affluents et des lacs du bassin du fleuve devait aider à compléter la connaissance de cette région.

En conclusion, nous pouvons dire que cet ensemble de recherche avait une implication politique parce qu'elle voulait délimiter le bassin du fleuve Congo, ce qui fut fait en 1887 et qui va préparer la Conférence de Berlin.

De la Conférence de Berlin

Le dernier jour de la Conférence, soit 23 février 1885, la Conférence de Berlin qui s'était tenue pendant trois mois, reconnut Léopold II, Président de l'A.I.C., comme souverain d'un Etat Indépendant, l'Etat Indépendant du Congo.

Bien plus tard, du secteur géographique on passe au secteur agronomique, à l'époque de Congo Belge à partir de 1936 fut instauré une nouvelle politique agricole basée sur le régime de paysannats avec pour objectif de regrouper et de fixer les cultivateurs de manière à accroître leur productivité. Ce régime visait à restituer aux paysans leurs terres contre le régime des concessions européennes et la contrainte de l'Etat d'initiative.

La nouvelle politique fut inaugurée par Léopold II dans son discours devant le Sénat belge, c'est à cette occasion que fut créer l'Institut National pour l'Etude Agronomique du Congo belge (INEAC) le 22 décembre 1933, une reprise de la Régie des plantations de la colonie (REPCO) existait depuis 1926 et qui disposait déjà de 12 stations d'expérimentation et de sélection. C'est fut là le lancement du développement d'une agriculture africaine libre sous la forme du paysannat intégral. Il devait être instauré une sorte des cultures individuelles au détriment de celles de clan avec l'appui de l'enseignement agricole.

L'INEAC avait pour objectif d'installer des pratiques locales d'ordre agricole, zootechnique et sylvicole sur des bases scientifiques éprouvées. Ces mesures ont été consécutives à l'échec relatif de la promotion des cultures industrielles au détriment de celles du clan.

L'orientation fondamentale tendait vers la collaboration dans l'exploitation agricole entre le paysan et les entreprises des colons. Les autochtones avaient pour tâche de produire, tandis que les entreprises européennes s'occupaient de l'achat, du transport et de l'usinage. Trois produits agricoles auront un essor concluant : le coton, le café et dans une moindre mesure le riz.

Toutefois, une nette prédominance se faisait pour des produits d'exportation sur l'agriculture vivrière pour la nourriture des européens. Les cultures agricoles étaient obligatoires. Le besoin en nourriture s'est aussi manifesté dans le cadre de grandes agglomérations créées par des grandes entreprises commerciales.

Dans le domaine vétérinaire, la politique instaurée fut celle des grands élevages. Néanmoins, le système commençait à être saturé avec la démographie galopante. L'économie agricole du pays fut gravement entamée en dépit de l'existence de l'INEAC à la fin de la colonisation.

Changement de cap

C'est ainsi que la colonisation belge eut l'idée impérieuse d'orienter l'économie de la colonie vers d'autres secteurs, notamment ceux des minerais et des voies ferrées pour l'exploitation pourtant toujours destinée à la métropole.

Déjà, vers 1955, au Congo, contrairement à l'Ouganda et au Rwanda- Urundi, dont le trois quarts des exportations mis en valeurs étaient constitués de coton et de café, deux tiers environs des exportations étaient minières (cuivre, étain, or, diamant, etc.). En ce qui concerne le tiers restant, il était constitué de produits agricoles et industriels provenant des sociétés européennes non destinés aux autochtones.

La leçon à tirer, c'est que les politiques amorcées furent en gros soutenues par les institutions de recherche ou concrètement par des stations scientifiques qui dépassaient déjà 40 bien avant la Conférence de Berlin.

De l'indépendance à la deuxième République

La première République a quasiment reproduit la politique belge en matière de la recherche scientifique. La deuxième République, quant à elle, a crée l'IRS (Institut de recherches scientifiques) en 1972 après l'ONRD (Office National de Recherche et de Développement).

En 1990 - 1991 s'organise la Conférence Nationale Soudaine. La conférence nationale souveraine a proposé un certain nombre de recommandations liées à la recherche au gouvernement de la République Démocratique du Congo dont les unes sont déjà mises en application, les autres pouvant l'être progressivement, au nombre desquels nous pouvons relever :

1) La mise en place des structures qui organisent le secteur de la recherche scientifique et technologique  notamment:

- un ministère exclusivement chargé de la recherche scientifique et technologique ; 

- le conseil scientifique national ;

2) La convocation des états généraux de la recherche scientifique;

3) Le respect des préalables et des principes de base de la recherche scientifique et technologique :

- L'activité de la recherche scientifique et technologique doit veiller au développement intégral de l'homme ;

- La société démocratique comme garant contre l'entrave à la liberté d'expression et de circulation de l'information, promotrice des droits fondamentaux de l'homme ;

- La promotion des valeurs morales et sociétales, sous-jacentes à toute activité de recherche crédible, la discipline de vie, amour et défense de la vérité, esprit critique, éthique de vrai, du bien et du beau ;

4) La définition des options de la politique scientifique et technologique :

- La recherche scientifique et technologique devrait s'élaborer dans l'optique d'un développement soutenable, centré sur l'homme enraciné dans sa culture, acteur et bénéficiaire principal de son labeur ;

- Prendre en compte les objectifs socio- politique et socio -économique que la nation d'assigne librement et rationnellement ;

- Assurer la satisfaction des besoins de base de la population : besoin alimentaire, vestimentaires, sanitaire, de logement, de transport et d'éducation ;

5) L'adoption des objectifs de la politique scientifique et technologique :

5.1. Objectifs généraux :

- le progrès de la connaissance ;

- L'intégration de l'activité de recherche scientifique et technologique  dans le plan global de développement ;

5.2. Objectif spécifique :

- La connaissance, la maîtrise et la gestion de l'espace physique ;

- La connaissance, la connaissance et la valorisation des ressources naturelles ;

- La maîtrise des techniques de pointe, notamment les bio -technologies, l'informatique et la télématique, les énergies renouvelables non polluantes ;

- La contribution à l'intégration industrielle.

6) Les axes de programmes de l'activité de recherche scientifique et technologique dont l'articulation et l'harmonisation incombent au Conseil scientifique national:

6.1. L'homme :

- culture ;

- société et civilisation ;

6.2. Santé :

- recherche bio -médicale et pharmacologique ;

- médecine naturelle (traditionnelle) ;

6.3. Agriculture et alimentation :

- valorisation des denrées alimentaires locales ;

- maîtrise des bio-technologiques ;

- préservation de la diversité génétique ;

- Habitat et construction ;

- valorisation des matériaux locaux.

6.4. Ressources et industries minières :

- valorisation des ressources minières ;

- nouveaux matériaux ;

6.5. Communication, télécommunication, transport ;

6.6. Qualité de la vie : écologie ;

6.7. Maîtrise de l'espace physique ;

6.8. Sciences et technologie traditionnelles ;

6.9. Energie renouvelable et non polluantes ;

6.10. Structure et évolution de l'univers et de la matière ;

6.11. Sciences et technique de gestion ;

6.12. Science et technique de l'éducation ;

6.13. Information et documentation :

- information, télématique ;

- documentation ;

7) La définition d'un statut particulier du personnel de la recherche scientifique et technologique ;

8) L'élaboration et l'adoption d'une législation cohérente de la recherche scientifique et technologique (voir les lacunes de l'ordonnance -loi n° 82-040 du 5 novembre 1982) ;

9) La coopération recherche scientifique et technologique :

- intégrer la coopération scientifique dans le cadre de la politique générale recherche scientifique et technologique ;

- former des homologues nationaux par l'octroi de bourses de recherche ;

- la participation des chercheurs et des gestionnaires des unités de recherche à la négociation et à la conclusion des projets de recherche en coopération ;

- La libération régulière par le gouvernement des fonds de contre -partie pour les projets en coopération ;

- La renégociation des accords ou conventions de coopération scientifique et technologique signés entre le pays et ses partenaires, de manière à  les adapter aux nouvelles réalités socio-économiques et socio -politiques du pays.

Bien plus tard et sur recommandation de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) et depuis le 21 juillet 2005, le ministère de la Recherche Scientifique et Technologique a organisé sous la présidence du Vice -Président de la République chargé de la Reconstruction et du Développement les premiers Etats généraux de la recherche en RD Congo. En effet, la Conférence Nationale Souveraine (CNS) avait en son temps décidé, en plus de cette tenue des Etats Généraux de la recherche scientifique, de l'élaboration de la loi--cadre ad hoc.

Ces premiers Etats Généraux ont réuni environ 150 personnalités et pris les recommandations suivantes :

- Le Projet de mise en place d'un cadre institutionnel rénové de politique scientifique et technologique ;

- La réorientation des pratiques et des structures de recherche sur base de contrats de recherche.

C'est pour répondre à ces recommandations au sujet notamment d'un cadre institutionnel rénové que le Ministre de la Recherche Scientifique et Technologique a signé un arrêté portant nomination d'un Conseil Scientifique National (CSN), organe chargé d'abord de la mise en oeuvre de la politique de la recherche scientifique en RD Congo, ensuite de contrôler la gestion de Centres et Instituts de recherche, et enfin d'approuver le budget affecté à la recherche et le règlement organique. Il convient de signaler que cet organe est crée par l'Ordonnance-loi du 5 novembre 1982.

Voilà pourquoi, à l'endroit du Gouvernement, les recommandations suivantes ont été prises :

- Le choix de programmes de recherche compatibles avec les priorités du plan de développement, entendez le Document des Stratégies de la Croissance et de la Réduction de la Pauvreté (DSCRP);

- La promotion des savoirs endogènes.

C'est dans ce contexte que oeuvre le CSN mais sans bureau , pour un programme à court et à moyen terme. Deux autres projets et programmes sont actuellement initiés par le ministère de la recherche scientifique et technologique : un programme minimum pour la recherche scientifique et technologique en rapport avec les actions initiées par le Gouvernement et le Projet de Fonds d'appui à la recherche (FAR) qui s'étale sur cinq ans, mais non alimenté.

Il est superflu de rappeler aujourd'hui que tous ces Centres et Instituts de recherche fonctionnent sporadiquement avec l'appui des certains organismes internationaux : FAO, PNUD, etc. La réorientation des pratiques et des structures de recherche doit désormais être faite sur base de contrats de recherche avec les partenaires. Souvent c'est la besoin de ces derniers qui priment, c'est la main qui donne qui est au dessus.

Nature des Instituts et Centres de recherche

Quelques indications :

Plusieurs Centres et Instituts de recherche en RD Congo sont sous la tutelle de ministère de la recherche scientifique et technologique, alors que d'autres sont sous la tutelle d'autres ministères. A titre d'exemple, pour le ministère de la recherche scientifique et technologique nous citerons :

1. Centre de Recherche géologique et minières, (CRGM en sigle), créé par l'ordonnance loi n° 82/040 du 05 novembre 1982. Cet organisme n'a pas été consulté pour le contrat minier chinois, au prétexte que le Congo n'a pas d'expertise en cette matière. L'expertise Belge aurait servit à renégocier le contrat chinois sur base de la surestimation des potentialités du Congo .

Le CRGM est fondée en 1939 sous l'appellation de Service Géologique du Congo Belge et Rwanda -Urundi qui intègre en son sein les acquis hérités du Département de Géologie de l'Institut de Recherche Scientifique.

Le CRGM a pour mission de promouvoir, exécuter et coordonner des travaux de recherche scientifique et des études diverses dans le domaine des sciences de la terre en général, géologique et minier en particulier.

De ce fait, il se charge des tâches suivantes :

- Publications et diffusions des cartes géologiques, gîtologiques et géotechniques ;

- Protection des substances minérales et de la recherche des matériaux de construction ;

- Etude et cartographie hydrogéologique ;

- Expertise de toutes sortes de roches minérales ;

- Centralisation, conservation et diffusion de l'information géologique et minière à travers une banque de données.

La structure scientifique est assurée par un Département ad hoc et une Station de recherche localisée à Lwiro au Sud-Kivu pour la photographie, la pétrologie et la recherche minière.

2. Institut géographique du Congo (IGC)

La structure scientifique de l'IGC est organisée en huit Départements qui se composent de la manière suivante :

- levée aérienne ;

- Photogrammétrie ;

- Cartographie ;

- Projets et publications ;

- Géomantique ;

- Cartographie militaire ;

- Géodésie et topographie.

Outre les deux Instituts et Centre de recherches nous pouvons encore retenir :

0. Centre de la médecine nucléaire de Kinshasa ;

1. Commissariat Général à l'Energie Atomique (CGEA) ;

2. Institut National d'Etudes et de Recherches Agronomiques (INERA) basé à Mvuazi, Yangambi, Nioki, etc.

En résumé, la crise de la recherche Scientifique et Technologique en RDC doit être analysée en tenant compte de la crise de la société globale et particulièrement de l'Etat et des Institutions qui s'est aggravée depuis 1990 (Transition politique). La suspension du Conseil Scientifique National organe de gestion de tous les Centres officiels de l'Etat, en 1992, l'illustre parfaitement. Cette suspension a décapité depuis son système (appareil) de recherche congolais :

- au niveau de l'orientation de la politique scientifique et technologique ;

- au niveau du contrôle des activités de recherche scientifique et technologique menées par les centres et les institutions de recherche ;

- enfin, elle a favorisé la bureaucratisationà l'extrême du secteur de la recherche, avec l'institution du Secrétariat général (la tutelle administrative de la recherche) en instance d'évaluation scientifique des activités de recherche, du cursus des chercheurs et la multiplication des postes administratifs au détriment des postes scientifiques et techniques. Il y a plus ou moins 70 % des administratifs contre 30% des chercheurs.

Cette situation est quasiment la même à l'enseignement supérieur et universitaire. Un des grands conflits latents mais parfois ouverts à l'Université de Kinshasa est celui qui sévit entre les professeurs et les administratifs laissés par des nombreux services qui ont été supprimés à l'Université tels que la restauration, le transport, etc. Ces derniers qui avoisinent un effectif de 4500, veulent être alignés sur le barème salarial des corps enseignant au nombre de 630 à peu près pour les professeurs et 1 500 environ du personnel scientifique. Le Recteur Lututala Mampasi recteur honoraire a fait remarquer qu'avant 1980 avec le deuxième retour de Mgr Gillon, l'Université de Kinshasa fonctionnait avec un budget mensuel de 24 Millions de dollars alors qu'après elle fonctionne depuis avec au mois 12 Millions de dollars l'an financé dans la grande partie par des projets des partenaires.

Cette situation difficile se reflète à la recherche scientifique et technologique au niveau des dépenses affectées à la recherche par rapport aux dépenses administratives (frais de fonctionnement du Secrétariat général, à mission d'inspection administratives).

La bureaucratisation rampante au Ministère de la Recherche Scientifique et Technologique peut s'observer aussi au niveau de l'affectation du matériel informatique que les partenaires bilatéraux ou multilatéraux ont accordé à ce ministère. Chaque fois qu'un tel don n'a pas été confié directement au centre ou institut en convention avec le partenaire extérieur, l'administration centrale (Secrétariat Général) s'est accaparée de l'essentiel de cet équipement. Les prérogatives qui reviennent au Conseil Scientifique National pour l'élaboration du budget, l'évaluation des projets de recherche scientifique et technologie selon le Dscrp (document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté) qui fait office de plan de développement du pays, sont confisquées par le Secrétaire Sénégal à la recherche scientifique.

Du Conseil Scientifique National

La lecture des textes réglementaires portant sur l'organisation et le fonctionnement de la recherche scientifique et technologique en RDC donne une vision globale et détaillée pour certains secteurs de la recherche. Il s'agit de textes suivants:

- Ordonnance-loi n° 82/040 du 15 nov 1982

- Arrêté départ n° ESU/RS/057/87 du 15 avril 1987

- Arrêté Min/ n°ESURS/CABMIN/103/90 du 8 janvier 1991.

De la lecture de ces documents il en résulte que l'organisation du Conseil Scientifique National, organe de gestion de tous les centres et instituts de recherche, pose un problème relatif à sa nature et son organisation. C'est le cas des articles 3 et 12 section 2 titre 2 de l'ordonnance-loi n°82/040 du 15 nov. 1982 en rapport avec les structures administratives de la Recherche Scientifique et Technologique. Ces articles précisent seulement la nature du CSN et de ses membres. Mais leur statut n'est pas défini. Ils stipulent que le CSN est l'organe unique de décisions et de contrôle de tous les Centres et Instituts de recherche scientifique. Ses membres sont nommés par le Président de la République sur proposition de l'autorité de tutelle pour un mandat de cinq ans renouvelable. On peut ajouter l'article 17 alinéa 1 de la même ordonnance-loi qui stipule que le Président de la République nomme parmi les membres du CSN un Président.

De ce qui précède, il découle de cela que la présidence de la République a plus de pouvoir d'initiative et de décision sur la CSN que le ministère. En effet, le CSN sont nommés et le cas échéant relevés de leur fonction par le Président de la République. En plus l'article 23 de la même ordonnance stipule que les membres du CSN reçoivent à titre de jeton de présence une allocation fixe, dont le montant est déterminé par le Président de la République, bien que cette allocation soit à la charge du Ministre.

Au regard de cette analyse il y a lieu de se poser certaines questions, à savoir :

- Pourquoi le CSN n'est-il rattaché directement au Président de la République ?

- Quelle est la nature réelle du CSN ? Est-il une structure politique ou administrative ?

- Quelles est le rang et le statut des membres et du Président du CSN, en ce qui concerne le cas du Président du CSN, puisque le Conseil est composé de hautes autorités académiques et scientifiques dont les présidents du Conseil d'Administration des universités, des Instituts supérieures techniques et pédagogiques ainsi que les Centres de recherches, il ne peut, en toute logique être égal ou inférieur à ces derniers quand à leur rang et statut, d'autant plus qu'en tant que président du CSN, il assume les fonctions de Président du Conseil d'Administration et du Comité de Gestion mutatis mutandi comparable à celles des Présidents de Conseils d'Administrations et Comités de gestion sans être ministre et devrait avoir le rang du ministre et jouir des avantages et privilèges attachés à ce rang.

Cette proposition est justifiée par le fait que même les Arrêtés ministériels qui sont censés assurer l'exécution des ordonnances-loi ne l'ont pas proposé comme ils l'ont fait pour le Secrétaire Permanent et les Conseillers du Secrétaire permanent du Secrétariat Permanent du CSN, conformément à l'article 18 alinéa 3 de l'ordonnance-loi du 5 nov. 1987 qui stipule que le SP est nommé parle Commissaire d'Etat ( entendez Ministre) à la Recherche Scientifique et a rang du Secrétaire Général Administratif du Centre de Recherche. En plus l'article 6 de l'Arrêté Départ. Du 15 avril 1987 détermine seulement le rang des Conseillers du SP qui est équivalent à celui du Chef de Division d'Administration des Centres et Instituts de Recherche. Enfin des articles 1 et 2 de l'Arrêté ministériel du 8 janvier 1991 qui déterminent le rang et les avantages du Secrétaire Permanent et des Conseillers. Ils ont rang et jouissent des avantages attachés respectivement au Directeur général d'Etablissements ou Directeur Général du Centre de Recherche et du Secrétaire Général Administratif ou du Directeur Administratif et Financier.

Il découle de ce que nous venons de voir, que le législateur s'est occupé à déterminer le rang, la fonction et les avantages attaché au Secrétaire Permanent autant, qu'il a négligé ou oublié de faire de même pour le Président du CSN. Les résultats apparaissent aujourd'hui négatifs et catastrophiques autant puisque depuis 1982 le Secrétariat Permanent a existé, le résultat est nul. Ceci montre que la stabilité du Secrétariat Permanent dépend de l'existence de droit et de fait du CSN. Or celui-ci n'a existé que de droit et non de fait du CSN. Or celui-ci n'a existé que de droit et non de fait , ce qui entretenu l'efficacité totale du Secrétariat Permanent.

Il y a donc nécessité de réorganiser la Recherche Scientifique au Congo, du fait que le développement de ce dernier dépend de l'importance qu'on accorde à la Recherche Scientifique et de sa capacité, en invoquant l'évolution de l'histoire de Recherche Scientifique, car le Congo est le fruit de la Recherche Scientifque , c'est-à-dire il a été crée par celle-ci et ce dernier a toujours été attaché au Roi. Elle était donc directement sous l'autorité royale.

Dejà, le Colloquium organisé par l'Association des ingénieurs de l'Université de Mons vers les années trente portait déjà sur l'organisation de la Recherche Scientifique pendant la colonisation. Il a démontré l'importance et la nécessité de la Recherche Scientifique. Pour ce Colloquium, il fallait centraliser la Recherche en créant un organisme directeur pouvant coordonner toute la Recherche et de rattacher cet organisme devait être adéquate et son budget consistant et conséquent pour que celui -ci contribue au développement de l'Etat.

Il est dans le cas d'espèce souhaitable que les textes juridiques portant sur organisation et de fonctionnement de la Recherche et du CSN puisse prévoir quelques dispositions déterminant clairement le rapport entre le Secrétariat Permanent et le Secrétariat Général à la recherche scientifique et enfin le rang du Président du C S N.

Les résultats les plus palpables de cette situation est la crise, la routine et la paralysie qui caractérisent la recherche scientifique et technologique du secteur public. Sauf dans les centres et Instituts qui collaborent avec certaines instituions étrangères qui imposent de facto leur agenda.

Si l'on considère cette analyse comme pertinente, il nous semble que le Conseil Scientifique National devait s'attaquer immédiatement à deux contraintes structurelles:

- Développer une ingénierie sociale pour faire face à la crise congolaise ; cela ne peut passer que par l'affirmation de la priorité à donner du système éducatif comme base du développement du pays et à la promotion de la liberté communicationnelle de tous les membres de la société congolaises ;

- Au plan strictement administratif, clarifier les rapports avec le Secrétariat général du ministère de la RST ;

- Clarifier la place de la coopération à la recherche scientifique et technologique dans la réalisation des missions nationales du Conseil Scientifique National.

Dans cette tâche, le Conseil Scientifique National doit s'appuyer sur les rapports des Centres et Instituts, sur le rapport général des Etats généraux de la Recherche Scientifique et Technologique ainsi que sur les documents de l'Union africaine qui font autorité : p.e. Déclaration d'Accra de 1991.

Brève reconstruction historique de la réforme à l'Université au Congo.

Un enseignement de masse a brouillé beaucoup de repères universitaires. Pour la fin des années 1960, « la révolution des étudiants a mis en branle une législation qui va profondément modifier les structures universitaires »8(*). Cette révolte des étudiants de la fin des années 60 en Europe particulièrement en France et en Allemagne, au début des années 70 au Zaïre, a été le point de départ d'une reforme en profondeur des systèmes de gestion des universités non seulement en Europe mais également en Afrique au début des années 70. Les changements de structures universitaires au Zaïre seront bon gré mal gré presque le plâtrage de modèles de l'Occident : l'autogestion de l'université avec les étudiants et les assistants. Tous les organes de gestion universitaires, le conseil de département, de faculté, de l'université seront géré sous l'oeil vigilent de l'étudiant.

Entre temps l'Etat a fait montre de réalisme malsain pour ramener à sa juste place le rôle social des universités parce que les étudiants ont été la locomotive non seulement d'une idéologie socialiste tant redouté dans le giron capitaliste mais de l`agitation sociale. Mobutu au Zaïre d'alors, va envoyer les étudiants dans l'armée pour mater le mouvement. Des mesures plus draconiennes seront prises pour affaiblir l'université : l'éloignement de la capitale, en ce qui concerne le Zaïre d'alors, des facultés subversives telles que les sciences sociales politiques et administrative, la faculté des philosophie et lettres, etc. , sous le label de l'Université nationale du Zaïre : une seule université ayant plusieurs campus sur l'étendu du pays. Bien avant, la Faculté de Droit fera l'objet de beaucoup d'hésitations de la part des colons belges pour sa création.

La professionnalisation de l'université qui s'en suivit avec l'Unaza semble avoir mis en mal des sciences ayant la dimension fondamentale essentielle telles que la mathématique, la physique, la philosophie, etc. La promotion d'une culture humanitaire sera minorisée. Or fait non perceptible, c'est l'université qui, en général, donne la configuration générale de système de l'enseignement. Les systèmes des Humanités sont constitués comme préalables à l'enseignement universitaire ainsi de suite jusqu'à l'enseignement fondamental. Sous le fallacieux prétexte d'une reforme du secondaire voulant être des Humanités, le programme réservera à l'Histoire et à la philosophie une place résiduelle. La reforme du système de l'enseignement se fait d'en haut en bas alors que le Ministère qui gère le secteur est triple : enseignement supérieure et universitaire, enseignement primaire et secondaire, et professionnel, et recherche scientifique et technologique. La reforme est incohérente.

Une décennie plus tard, le retour spontané et massif des facultés reléguées qui se déroulent vers les années 80 à la capitale a nécessité des nouvelles stratégies pour endiguer l'effet subversif : une politisation plus accrue de la coordination estudiantine : la campagne électorale pour les chefs de promotions et le délégué facultaire sont des enjeux qui impliquent le service de renseignement pour choisir les étudiants de l'obédience du pouvoir politique. D'autres stratégies des pouvoirs en places devaient rendre les Professeurs coresponsables de difficultés du pays en les engageant, sans une réelle capacité de décision, aux plus grands postes de responsabilités.

L'opinion de l'Association des professeurs Apukin en sigle devait fixer les esprits en se désengageant des professeurs politiciens qui étaient recrutés à titre individuel. Ces professeurs ne constituent pas un lobby pour défendre les intérêts des professeurs mais se prévalent de titre de professeur partout où ils sont.

L'Association des professeurs de l'Université de Kinshasa qui s'est imposé au pouvoir pour exister comme syndicat réel, devait faire savoir qu'elle ne peut être rendue responsable de la crise du pays que si elle est saisie par le gouvernement pour présenter à des postes de responsabilité politique des personnalités émanant d'elle et qui lui sont redevables et dont elle est responsable.

Au Congo Kinshasa nous passons d'une reforme à l'autre sans garantie de succès parce qu'elle n'est pas portée par un mouvement social réel d'un des partenaires de l'enseignement. Les étudiants ont été affaiblis en même temps que les structures universitaires. Le partenariat entre les professeurs, les assistants et chefs de travaux, les étudiants et les parents, va s'imposer comme un élément supplémentaire à la procédure de sauvetage universitaire. Or, le renforcement de l'autoréflexion des étudiants comme épitre vivante devait être l'objectif. La situation que nous vivons à l'Université est donc tributaire de plusieurs facteurs. Il faut d'abord une balise. La balise est l'ordre éthique. C'est à cela que nous allons nous occuper maintenant.

Les revers d'une bonne partie des sciences sociales

Ecoutons un avis pertinent : « même une civilisation scientifique ne se trouve pas dispensée de résoudre les problèmes pratiques, ajoute Habermas ; c'est pourquoi l'on court un risque certain lorsque le processus de scientifisation dépasse les limites des questions pratiques sans se libérer pour autant de la rationalité bornée qui caractérise une réflexion technologique ».9(*) Les universités congolaises ont tournés le dos aux problèmes du pays.

Il y a lieu de montrer la trame discontinue des traditions théoriques des sciences sociales telles qu'elles structurent et déstructurent nos sociétés. A ce moment-là, il faudra identifier les différentes conceptions théoriques à partir de quoi reconstruire philosophiquement. Plusieurs théories de la société se chevauchent, l'effort de les distinguer à partir de certains concepts opératoires ou schèmes théoriques distincts liés à chaque école théorique, se ferait justement sous le nom générique de « reconstruction philosophique ». C'était notre méthodologie.

Avant même de procéder à reconstruire une approche théorique à travers ses schèmes généraux, ses concepts principaux, il était logique de par notre méthodologie, de dire les problèmes qu'elle pose. Les problèmes épistémologiques (théoriques et idéologiques) des sciences sociales sont de plusieurs ordres, nous nous sommes contentés d'en esquisser quelques-uns, du moins concernant quelques approches dominantes des études africanistes.10(*)

Il était aussi possible de constater les innovations qui ont permis des ruptures ou des continuités plus opératoires de ces notions. Le Moyen Age chrétien et européen a produit des savoirs qui nous ont géré jusque- là ; il faut un autre endroit aujourd'hui.

Les notions théoriques centrales en sciences sociales sont, hélas restées, les mêmes mais leur signification peut différer, on peut s'en douter, selon les champs d'application ce qui veut dire selon qu'il s'agissait de l'Occident ou de l'Autre de l'humanité.

Notre explicitation devait avoir pour but de tenter de montrer l'innovation qui survient avec chaque concept opératoire et être ainsi une matrice théorique capable de présenter plusieurs niveaux d'analyse et de donner des traits généraux aux adaptations théoriques.

Finalement il nous faudra dire en liminaire à propos des sciences sociales qu'« il devient presque banal de le rappeler -, les données relèvent d'une mise en forme à travers des catégories et des relations déterminées : répartition statistiques, descriptions d'interactions, les récits d'histoires (...), les matériaux du chercheur peuvent être aussi bien « données »-dans des archives, par exemple -que « construits »- par observation, entretien, questionnaire, etc. Dans les deux cas, ils sont structurés, « parlent », suggèrent des raisons, des mécanismes ; ils sont déjà porteurs d'une intelligibilité (une spiritualité certainement)qui n'est pas foncièrement différente de celle du chercheur. »11(*)

Et : « Le travail de l'analyse n'est pas de « faire parler » une nature muette, (...) mais d'opérer les confrontations entre les données, déjà signifiantes (le sens de la vie) et organisées, et une structure d'explication possible. (...) L'expérience des sciences sociales prouve que le résultat - c'est-à- dire la structure explicative proposée, quels que soient sa forme et ses ressorts - est considérée comme recevable dès lors qu'il peut être soumis à la discussion argumentative et empirique, c'est - à- dire être confrontée à une explication autre, qui paraisse plus raisonnable, et à des données complémentaires et nouvelles ».12(*)

Ceci est notre hypothèse, pour autant que, de ce qui précède dépend le statut même épistémologique des schèmes reconstructeurs.

Que de théories et de paroles ! Voilà le reproche qui nous sera adressé si nous en restons à une approche théorique. La réflexion a débouché sur l'onto-théologie qui accompagne les sciences sociales et humaines et la nécessité de penser l'opérationnalisation de la pensée africaine aujourd'hui, comme des institutions, pour nous sortir de la dépendance de la pensée dominante.

Il reste à construire une autre Afrique dans la pratique aussi. Bien entendu, déjà cette attitude ethnologique que nous avons stigmatisée est aujourd'hui fortement nuancée dans plusieurs domaines : l'herméneutique, l'anthropologie et la sociologie des catégories, etc. Sur le terrain africain, cela est bien utile, mais il faut passer à l'action. Nous avons présenté un essai de reconstruction de quelques aspects des sciences sociales sur l'Afrique.

Le pauvre et la science

Dire pauvre et dire pauvreté sont deux perspectives d'études différentes, l'une abstraite et inopérante et l'autre concrète et efficace. Justement, selon Engelbert Mveng l'étude systématique de la pauvreté en Afrique, n'a pas encore était faite.13(*) C'est une question épistémologique. Toutes les recherches portent sur le sous-développement, c'est-à-dire sur les aspects socio-économiques de la pauvreté. Tout cela n'est qu'un aspect seulement de la réalité africaine.

L'échec prévisible des Objectifs du millénaire lancés par les Nations Unies, montre que pour l'Afrique, comme pour le reste du Tiers monde, la réalité sociale est à la fois plus complexe et plus dramatique. Les Africains ont tout perdu : notre langue, notre histoire, nos traditions, nos arts, etc.14(*)Les maux qui en découlent ont causé :

- l'absence de l'Afrique là où l'on décide de son destin, des grands centres de décision du monde parce que c'est le lot des faibles.15(*)

- la dépendance, au moyen des néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière le masque de la coopération.

- le vide spirituel. En dépit du fait que la Tradition africaine est bien vivante dans des campagnes africaines, le vide spirituel est béant.

L'objectif ultime était de créer un vide spirituel. En effet, « le vide spirituel est peut être la conséquence la plus dramatique de cette paupérisation. Ce vide fait de ravages dans des quartiers surpeuplés des villes, où le menu peuple, aux prises avec les dures réalités d'une vie quotidienne souvent inhumaine, se laisse exploiter par les marabouts et les charlatans de toutes catégories. Même dans la campagne où la tradition n'est pas morte, les maîtres à penser, les maîtres à prier, les maîtres à guérir sont devenus rares »16(*). Cette idée est peut-être celle qui a fondé l'ossature de son combat.

Pourtant, les peuples africains sont ceux habitués, familiarisés avec une tradition millénaire de contact avec l'au-delà, et à qui le christianisme corrobore la grandeur qui, portant offre souvent une piètre doctrine faite des formules momifiées, outrecuidantes, inintelligibles.17(*) L'Amérique latine a à cause entre autre de la théologie de libération est devenue aujourd'hui le berceau de savoirs et des institutions de l'émancipation (la justice transitionnelle ,la vérité -réconciliation, les budgets participatifs, etc.)

L'Afrique est débordée, « ce sont les familles qui implorent pour leurs enfants une éducation que ni l'Etat, ni l'école importée, ni la société traditionnelle, n'arrivent à leur donner »18(*).

Et « la pire misère c'est la déchéance morale ; la corruption, la vénalité qui rongent nos sociétés et nos institutions »19(*). L'Afrique « aux foules plongés dans l'ignorance, le sous-développement, la déchéance morale et la corruption,... »20(*). Les jeunes sont livrés à la fumée des idéologies. Mveng s'est attaqué à la racine de mal pour « rendre à l'homme africain sa dignité, son identité, sa présence au monde ».21(*)

« Qui, en Afrique, est pauvre, et qui ne l'est pas ? Tout le monde vit dans l'incertitude et l'insécurité, les Chefs d'Etat et leurs ministres, les fonctionnaires, le soldat, le policier, le travailleur, le chômeur, le paysan, la population des villages, celles de la ville,... Tout échappe à l'homme africain ; il n'est sûr ni de son indépendance, ni des richesses de son sol et de son sous-sol. Il n'a le contrôle ni de son or, ni de son uranium, ni de son pétrole, ni de son cuivre, ni de ses diamants, ni de ses bois précieux, ni de son cacao, ni de son café, ni de sa banane, ni de son coton. Pour comble de malheur, la famille, la solidarité, l'autorité, l'encadrement tribal si chaud, si tonifiant, tout a été miné à la base par le système colonial, tout ou presque tout, a été pulvérisé »22(*). Ce sont ici les paroles de ce regretté digne fils d'Afrique, Prêtre camerounais, Engelbert Mveng qui montre l'ampleur et la profondeur des désastres.

Pour Engelbert Mveng, « la colonisation était un système de paupérisation anthropologique d'asservissement et de dépendance ».23(*)C'est ce que nous appelons lutte d'élimination raciale régnante bien différente de la lutte de classe. L'Afrique n'est pas encore entrée dans la lutte de classe. La lutte de classe a été précédé par l'annihilation anthropologique à travers l'esclavage comme négation de ce qu'on appelle les droits de l'homme, la négation pure et simple de notre humanité à la suite de la lutte bestiale et darwinienne d'élimination : « la prétendue sélection naturelle ».

Ce qui est plus important ce que la pauvreté économique et sociologique dont souffre le peuple est le résultat de son aliénation par les forces d'exploitation et d'oppression occultées, nous avons plus besoin de liberté que de pain. S'en sont suivis les néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière le masque de la coopération. De là il est possible de lutter véritablement contre tous les maux qui y découlent : la discrimination sous toutes ses formes, le désarmement, les injustices sociales, le droit révolutionnaire des peuples.

L'homme africain incarne au cours des cinq derniers siècles, le type même du pauvre, du faible, de l'opprimé. Voilà donc la réalité africaine, telle qu'elle est vécue, ici, à tous les niveaux. Il faut donc s'attaquer du mal à la racine, la cognée est à la racine de l'arbre : il faut s'attaquer à la racine du mal africain. Dans son livre intitulé, l'Afrique dans l'Eglise, paroles d'un croyant, il présente le problème africain comme la perpétuation de la dépendance.

Notre méthode est simple, elle consiste à analyser le contexte de l'Afrique pour y déceler sa singularité, « le point de départ est l'analyse du contexte dans lequel vivent les communautés concernées ». Ce contexte s'avère être un contexte d'oppression et d'injustice. La paupérisation anthropologiquerenvoie à une situation semblable, où « la condition humaine est une condition de précarité, de fragilité. ... Cette situation embrasse l'homme, tout homme, tous les hommes (africains), à tous les niveaux »24(*).

Qu'il suffise de prendre quelques mots de Mveng pour s'en rendre compte : « Dans l'Afrique des indépendances, ils sont légions, selon le mot du poète, ces princes (... )qui sont venus nus de leur provinces, ont tout perdu, leur langue, leur histoire, leurs traditions, leurs arts, leur société, et tous les trésors spirituels qui ont fait la vitalité de leurs peuples. Il n'y a rien de plus tragique qu'un peuple qui a perdu ses racines, et qui se trouve, sans guide et sans soutien, livré à l'océan déchaîné de l'histoire contemporaine, à la merci de faux timoniers qui souvent ne sont que des tyrans ou d'aveugles aventuriers drogués par un pouvoir de marionnettes  manipulé de l'extérieur. Les pauvres d'Afrique ne sont pas seulement quelques clochards, quelques mendiants aux recoins des rues. Ce sont des peuples entiers, errants, dans la nuit, enivrés des slogans, bâillonnés, muselés, attelés à des trains fous, dans les scènes dantesques de désespoir.»25(*)

Les noirs ont été « assimilés aux bêtes de somme, et exploités pendant plus de trois siècles dans les plantations du nouveau monde »,26(*) au nom des falsifications bibliques, notamment la malédiction de Cham. Puis vint la colonisation, préparée par la gigantesque campagne philanthropique de l'abolition de la Traite. L'Afrique en sortie exsangue et étranglée. Pour Léopold II de Belgique, un Jules Ferry de France, les africains sont de grands enfants, par conséquent le partage de l'Afrique est tout à fait normal27(*).

Une telle situation pour Engelbert Mveng un aveuglement et une perversion ontologique pour une Europe qui se croit supérieure.28(*) Le refus aux autres d'être le créateur de leur destin, au nom du plus fort. Le destin des peuples noirs perpétue leur anéantissement anthropologique. Ayant passé loin de génocide, les noirs passent à l'ethnocide, c'est-à-dire à la mort de leur âme, de leur culture, de leur identité, au spectacle précipité de la fin de leur histoire, de la « fin des Temps ».29(*)

L'assimilation elle-même abolissait notre identité et notre droit à la différence, c'était une des formes extrêmes de paupérisation anthropologique. 30(*)La philanthropie paternaliste nous revient sous la forme de lutte contre la pauvreté aujourd'hui, PPTE : pays pauvres très endettés.

La « race » une hypothèse centrale des sciences coloniales

L'hypothèse centrale des sciences coloniales est justement le concept de « race » comme on peut se rendre compte. « Bien que la race ait eu un succès considérable dans les tentatives d'explication de la diversité humaine, elle n'est pas toujours le paradigme explicatif des sciences humaines naissantes, elle en est plutôt l'hypothèse implicite et générale ».31(*) Cette posture doit avoir miné l'Afrique jusqu'aujourd'hui notamment dans les conflits instrumentalisés des Grands Lacs africains qui s'exacerbent et s'exportent dangereusement au Congo-Kinshasa.

En premier lieu, nous dirons que le paradigme de la race sera la logique occultée qui va orienter l'ethnologie « qui procède d'une curiosité pour l'Autre, qui s'est manifestée d'abord dans les récits de voyages et qui a vite associé - est-ce une raison de la double appellation de la discipline, ethnologie et/ou anthropologie ? - à la description de moeurs et coutumes insolites, une réflexion sur l'unité et la pluralité de l'Humain ».32(*) Grosso modo, « la pensée raciale semble avoir dominé la culture savante du siècle qui s'achevait dans le triomphe impérial ».33(*)

Ainsi s'explique le fait que : « la pensée raciale dut attendre la fin du siècle pour se voir célébrée comme l'une des plus importantes contributions à l'esprit occidental ».34(*) Et pour cause : « Au niveau de ses expressions savantes à vocation impériale ne tardera pas à faire recours (de ce concept) dans les conflits internationaux européens, cela se prolonge dans « l'exploitation du continent biologique »selon deux axes principaux, le darwinisme et le déchaînement des mesures anthropologiques ».35(*)

Par exemple Leclerc, de fil en aiguille, « montre (...) combien ont été historiquement liés (à l'origine des sciences sociales modernes) les soucis de rationaliser l'observation des indigents (en Europe) et l'observation des indigènes »36(*)comme dans un laboratoire. Plus tard, « au début du XXe siècle, les méthode d'observation des indigènes seront transposées dans l'observation des ouvriers ou des « marginaux ».37(*)

Pour Taylor, selon Maesschalck « à l'époque, (en Occident en tout cas) le problème central des sciences humaines semble être leur capacité à expliquer le changement dans les sociétés humaines », 38(*)alors que, si paradoxal que cela puisse paraître les africanistes eurocentristes cherchent à expliquer le statu quo des sociétés dites primitives. En Occident, « les sciences humaines ne peuvent donc anticiper la formation d'un nouveau contexte culturel, mais elles ont la capacité d'infirmer les tentatives conduisant soit à la fermeture d'un ordre culturel sur lui-même soit à son éclatement pur et simple par auto -destruction (la révolution) ».39(*) Dans ce contexte, les sciences humaines ne peuvent maîtriser les conditions contextuelles d'émergence de nouvelles pratiques, elles peuvent néanmoins adopter une attitude différente de la simple mise entre parenthèse de ces conditions ».40(*)

Ainsi, tel que le dit Marc Maesschalck, « si l'enjeu des sciences humaines semble correspondre à l'avenir des sociétés industrielles tel qu'il était perçu par certains intellectuels « modérés »en 1968, nous ne pensons pas que ce soit simplement parce que la réflexion elle-même n'échappe pas à la règle qu'elle tente de mettre en évidence ».41(*) Les coloniaux congolais recourent à l'Afrique du Sud et aux travaux ethnologiques britanniques et d'agronomes hollandais pour prendre le modèle de colonisation.42(*) Nous pouvons l'illustrer à travers « le rôle des institutions coloniales dans le développement de l'ethnologie » qui  procédait, repentons-le, « d'une curiosité pour l'Autre ».43(*) Cette oeuvre issue des expéditions scientifiques du XVIII ème et du XIX ème siècle, inscrit la description de l'humain dans une sorte de zoologie physique et morale.44(*)  L'ethnologie transfert « à l'espèce humaine l'obsession classificatoire du zoologue ».45(*)

Elikia M'bokolo soutient à propos qu'en République Démocratique du Congo « pour le moment, les historiens sont largement tributaires de l'ethnographie coloniale pour leurs matériaux et ce que ceux -ci charrient de concepts, d'hypothèses et de théories ».46(*) Elikia se réfère ici à l'histoire coloniale du Katanga, la riche région minière du Congo qui « reste à écrire et la tâche parait rude dans la mesure où »47(*) des concepts, des hypothèses et des théories y relatives sont sujets à caution par l'entreprise coloniale. Plusieurs aspects sont ici à prendre en compte comme le dit Gregory Quenet, ce sont « les différentes phases des processus de construction, les catégories d'acteurs et d'organisations impliquées, les stratégies et procédures mobilisées, les instrumentations mises en oeuvre, les modélisations effectuées, le rôle des représentations et des conceptualisations ... »48(*)

A la base de cette situation ce sont par exemple des incertitudes conceptuelles qui fondent des classifications (voir la problématique de concept formel, de domaine de référence, etc.), telles celles qui classent en République Démocratique du Congo précoloniale des gens en « « peuplades », qui donne parfois « grandes peuplades » ; « tribu », qui se dégrade souvent en « petite tribu » et en « sous- tribu » ; « ethnie enfin. » »,49(*)du Congo qui se matérialisent finalement par exemple en « séparatisme katangais » engendrant des effets inédits comme le refoulement des kasaïens du Katanga (alors Shaba) en 1992. Ces catégories qui posent problèmes remontent aux classements conceptuels et administratifs successifs de l'Etat colonial belge, tels ceux de 1933, et caractérisent par exemple le texte le plus significatif de la Carte ethnique du Congo publiée en 1961 mais fondée sur des informations datant de l'entre-deux -guerres et sur les enquêtes directes de l'immédiat après-guerre. », avec « sa parfaite coïncidence avec les préoccupations et les pratiques administratives de l'Etat colonial ».50(*)

La plus grande revue de réflexion et de doctrine ethno- coloniale ,le Bulletin des juridictions indigènes et du droit coutumier congolais dans sa rubrique ouverte en 1935 intitulée « Institutions politiques indigènes », décrit « l'organisation politique dans les différents groupements indigènes de la colonie »,reprenant purement et simplement ,comme cadre de référence des groupes qu'elle distingue ,les unités administratives coloniales ,chefferies et secteurs ,telles qu'elles existaient en 1948 -1949 ,période à laquelle elle a clos son enquête ».51(*) En effet, « les découpages successifs réalisés par les autorités coloniales, dans le sens de l'agrégation ou du morcellement des circonscriptions africaines, avaient fini par durcir les frontières entre celles-ci et par grossir leurs différences ».52(*) Ne peut-on pas dire que les effets de l'imagerie anthropologique de l'époque coloniale en tant que construction particulière débouchent aujourd'hui sur l'instabilité de certains pays africains sub-sahariens ?

C'est ici le lieu de mettre en exergue les difficultés que les chercheurs anthropologues ou historiens ont avec les concepts construits tels ceux d' « ethnie » ou de « tribu ». À ce propos Elikya Mbokolo  affirme pertinemment : « on a en effet le sentiment, en parcourant la littérature, que le traitement du problème de l'ethnie est considéré par les chercheurs de terrain comme une corvée dont il faut se débarrasser au plus vite. (...) Alors que la définition de l'ethnie étudiée devrait constituer l'interrogation épistémologique fondamentale de toute étude monographique et qu'en un sens tous les autres aspects devraient en découler, on s'aperçoit qu'il existe souvent un hiatus entre un chapitre liminaire qui, pour peu qu'on s'y attarde, montre le flou relatif de l'objet ».53(*) Pourtant « le concept d' « ethnie » est au coeur de l'anthropologie et elle est constitutive de sa démarche ».54(*) Nous y ajoutons les concepts des « peuples sans écriture », de civilisation, d'origine, d'émigration, d'immigration, conquête, etc., à la suite de remarques pertinentes de Jan Vansina que nous aborderons à propos de l'histoire de l'Afrique centrale.

Sciences sociales et humaines : notre hypothèse théorique de définition

Il nous parait utile, selon tout bon sens, et même nécessaire de circoncire la différence même provisoire entre les sciences humaines et les sciences sociales pour commencer notre discussion. Séparer les sciences humaines des sciences sociales n'est pas aisé.  Nous pouvons dire en luminaire que les sciences sociales et humaines font parties d'un programme épistémologique qui peut remonter à la définition philosophique de l'homme, Aristote l'a bien définit : « Homo zoon politicon », l'homme est un animal social.

Le développement de ces sciences démontre qu'elles ont oscillé entre trois polarités : définir l'identité culturelle de l'homme, définir sa naturalité telle que médiatisée par son coté biologique aujourd'hui et le saisir dans sa dimension relationnelle. A propos, sa naturalité culmine dans le fait aujourd'hui en vogue qui veut que l' « homme soit avant tout biologique avant d'être culturel ».

Au demeurant, les sciences humaines se sont, pour ne pas caricaturer, occupées davantage d'analyser l'identité culturelle, linguistique , historique ou psychologique des hommes, une identité tant tôt ouverte et tant tôt cantonnée dans des représentations (mentales ) on ne peut plus défendables pour les vaincus comme les africains. Cette analyse s'est faite sous la houlette de l'anthropologie comme science- mère et avant-gardiste.

La troisième polarité culmine dans l'étude de la dimension relationnelle de l'homme qui s'est faite et se fait sous l'égide de la sociologie comme science pilote. C'est ainsi que nous utiliserons le plus souvent par simple commodité le concept de sciences sociales, eu égard au fait que notre analyse ici s'est occupée du modèle classique de la sociologie d'Emile Durkheim et de la praxéologie de Max Weber.

Au demeurant l'embarras qui est bien perceptible est celui de scinder les sciences sociales des sciences humaines par une question qui découle de la définition même de l'homme, celle de savoir si cet homme précède la société ou c'est la société qui vient avant.

Bref, pris dans sa singularité humaine ces sciences s'occupent de cet homme du point de vue de son identité, en ce sens la polarisation de l'individualisme méthodologique (avec la théorie du choix rationnel en sciences économique néo-classique) et le retour à l'action dans les sciences sociales et humaines après les années 1970 peuvent trouver leur justification.

Les sciences sociales et humaines ont justement exploité la nature sociale ou relationnelle de l'homme: la polarisation du structuralisme avant les années 1970, et aujourd'hui le naturalisme biologique, causal et fonctionnel après les années 1990 trouvent là aussi leur justification.

Articuler le triple concept de la définition de l'homme en tant qu'il est homme culturel, naturel et social, c'est opérationnaliser avec certains concepts, qui doivent être identifiés comme structures élémentaires sous forme logico-mathématique en tant que « possibilité potentialité », pour parler en philosophe ontologiste et se référer à la notion du « Devenir». La loi de transformation du Devenir est rendue comme des relations de causalité ou d'intentionnalité des entités relevantes  qui les traversent : le mental, l'action et le langage(ou les actes de langage).

Une telle formulation pourrait faire problème pour les non philosophes, c'est pourtant le lieu de l'affirmer, la philosophie reste au coeur de la fondation des sciences Sociales et Humaines, elle en constitue l'épine dorsale. Toute forme d'innovation principielle passe toujours déjà nécessairement par la philosophie, en l'occurrence aujourd'hui la philosophie de la nature sous sa forme physicaliste ou sous sa forme biologique.

Objectif de la recherche 

L'objectif que nous nous donnons est de reconstruire, de comprendre et de comparer les approches dominantes en sciences sociales en Afrique et au Congo qui proviennent de ces trois polarités à partir des sources philosophiques africaines afin de préparer une situation théorique de rénovation. Beaucoup d'études innovatrices en Rd Congo sont justement souvent en prolongement critique avec les approches ci-après : le fonctionnalisme, le structuro - systémique et la dialectique, approches qui, au demeurant, recèlent une grande teneur philosophique.

Pour nous, les innovations profondes ne sont possibles que si nous rentrons aux sources philosophiques antiques et au plus profond de leurs présupposés africains. Reprenons brièvement, trois de ces exemples d'études qualifiées de novatrices reprises par Ntumba Lukunga pour illustrer ce prolongement. J.J.Fromont dans Le schéma sociologique ; essai de systématisation et de schématisation de la réalité sociale, Lubumbashi, éd., Locale, 1977, articule la continuité entre le biologique et le sociologique. En premier lieu, pour lui le schéma sociologique permet de « systématiser la réalité sociale dans le prolongement de l'écosystème, les conditions de systématisation étant fixées par les conditions de passage entre deux systèmes ».55(*) La réalité sociale apparaît ainsi fondamentalement comme un système que nous visualisons et verbalisons. Etre en situation c'est voir, et l'image constitue le fondement de la pensée sociologique.

En deuxième lieu, le schéma sociologique constitue la transposition du système social, c'est-à-dire le schéma qui veut « construire un modèle général qui représente en profondeur, en étendue et en globalité par niveaux, par paliers et sur plans, les éléments constitutifs du système, leur arrangement structural, le fonctionnement de leur dynamique, l'ensemble devant constituer un tout cohérent et significatif ».56(*) Ce schéma permet ainsi « d'appréhender et de traiter dans l'espace et dans le temps sociologiques les problèmes de l'existence, de l'expérience et de la transcendance des individus vivant en communauté ».57(*) Il y a deux niveaux d'analyse essentiels : étude du langage et des systèmes. On peut y intégrer le niveau de conscience.

Nyunda wa Rubango sur la sociolinguistique immédiate à travers son étude sur « le vocabulaire politique du Zaïre (1959-1965) » s'incruste dans un élan postmoderne à visée déconstructive à propos des discours politiques zaïrois portant les marques de la colonisation, de la tradition, du modernisme, de leur matrice occidentale belge et française - « j'ai montré comment ce langage enraciné, dit- il, dans une tradition et une culture déployait une rhétorique et un imaginaire spécifique et féconds et était remarquablement dominé par le christianisme.»58(*)

En tant que telle la démarche a comme objectifs de lutter contre l'infirmité des sciences sociales et humaines africaines due en majeure partie à l'esprit du conformisme et à la peur de l'innovation et surtout celle de commettre le « meurtre du père », entendez de dénoncer l'inspiration africaine du colonisateur. Il faut dénoncer finalement dans le chef des africains savants, l'exercice scientifique « par procuration » ; la production et la reproduction des discours aliénés et aliénants et l'inhibition théorique et méthodologique chez le scientifique africain.59(*)

En effet, il est possible, à la suite de ce qui précède, de constater les innovations à partir des débats repris aux fondateurs philosophes et spécialistes des sciences sociales qui ont permis des ruptures ou des continuités plus opératoires des notions centrales.

Le contexte de l'approche actionniste ou constructiviste fait que cette étude participe, d'un point de vue théorique, à un retour aux sources en sciences sociales, comme le pensent par ailleurs Michel De Coster, Bernadette Bawin et Marc Poncelet, en particulier à propos de la sociologie, « le retour aux sources se révèle utile à bien asseoir les fondements de cette discipline et à préciser les ambitions ».60(*)

C'est dans cette même veine que nous avons examiné le projet philosophique de quelques fondateurs des sciences sociales, en l'occurrence Emile Durkheim, le structuralisme de Claude Lévi-Strauss, l'évolutionnisme biologique, surtout les approches actuelles de John Searle qui intègrent le constructivisme radical d'Umberto Matourana et de Francisco Varela, le connexionnisme et le cognitivisme actuel. John Searle veut justement reconstruire ces approches et en déconstruire d'autres, tel que le marxisme.

Nous essayons de reconstruire l'histoire de l'Afrique avec la synchronisation de la diachronie.

Contre la faillite de la science aujourd'hui ?

Nous allons présenter les conditions pratiques, sociales et historiques de possibilités des sciences sociales au Congo- Kinshasa dans un environnement global de Tiers monde. Les sciences sociales coloniales continuent de poser problèmes comme préalables au changement social en Afrique. Les scientifiques et philosophes sociaux « Tiers-mondistes », ceux de la diaspora africaine aux Etats Unis comme Théophile Obenga, et Yves Valentin Mudimbe, des africanistes comme Jan Vansina, les latino-américains, les chercheurs de l'école sociale de Kinshasa, et bien d'autres se penchent aujourd'hui sur la question de la rénovation des sciences sociales sous sa triple dimension, celle des techniques et des méthode d'analyse, celle des concepts et des théories paradigmatiques ,et enfin celle liée à l'effondrement et à la dévaluation de la « réalité sociale », ainsi qu' à la définition de celle-ci.

Du point de vue du « Tiers-monde », la question de la rénovation des sciences sociales rejoint le débat de la décolonisation épistémologique qui s'est par ailleurs spécialisée en cristallisant les conditions de maintien des sciences sociales comme entreprise académique mondiale, leur ouverture aux formes de connaissances traditionnelles, et leur refondation. Pour les plus exigeants, la rénovation va au-delà de la seconde modernité eurocentrique, représentée notamment par l'approche néo-moderne des sciences sociales de Jürgen Habermas, sous-tendue par l'intention de la philosophie de contribuer à la libération sociale, et à sa propre libération.

Les enjeux sont énormes : entre autres, le débat a opposé ceux qu'on appelle les africanistes eurocentristes et non eurocentristes. Le champ d'application de cette discussion est la formulation des questions dites d' « émancipation » des sciences sociales.

Bernard Mouralis pense à cette suite que la décolonisation en ce qui concerne l'Afrique est encore à faire et qu'elle appelle un vaste programme du devenir du continent africain, programme correspondant à ce que Yves Valentin Mudimbe appelle l'invention de l'Afrique, ou la construction d'une nouvelle Afrique, qui consiste à élaborer un discours scientifique autonome et total pour parler de l'Afrique. Pour Jan Vansina qui s'oppose au constructuvisme de Mudimbe ,il soutient que dans le domaine de l'histoire et dans l'ordre du discours, par rapport au système mondial dans lequel nous sommes embarqués, la période précoloniale permet de reconstruire une histoire autonome de l'Afrique avec des techniques, des objets, des voix et des territoires qui échappent au cadre historique européen, tout en produisant justement un discours historique qui respecte les règles de l'écriture historique. L'enjeu majeur, dans tous les cas, est que les africains doivent construire des discours ou des institutions sur des conceptions et sur des expériences africaines socio- culturelles, traditionnelles ou présentes. 

Pour nombre des penseurs qui se situent dans la mouvance de la Faculté des Sciences sociales et administratives de l'Université de Kinshasa, le constat général est que les sciences sociales s'agrippent encore aux démarches, techniques et méthodes qui fonctionnent comme des dispositifs problématiques de production des connaissances, tout en pérennisant une situation théorique et conceptuelle non critique de plus de cinquante ans de recherche, et des présuppositions non réfléchies du concept de « réalité sociale » qui sont appelées à être réévaluées. La « réalité sociale » reste le véritable objet des sciences sociales.

Bongeli Yeikelo Ya Ato stigmatise la situation persistante d'une crise sociale cyclique  comme le signe évident d'un blocage actuel en sciences sociales sur l'Afrique en général et le Congo en particulier, blocage qui nécessite que l'on s'interroge sur la validité des méthodes, des approches classiques et des a priori du concept de la réalité sociale ou des phénomènes sociaux. En ce qui concerne les « réalités sociales africaines », Bongeli affirme simplement qu'elles sont, par rapport au moyen de ces instruments conceptuels et de ces approches, peu ou mal étudiées et donc difficiles à reconstituer.

Aujourd'hui encore, nous pouvons continuer d'affirmer qu'il existe une relation étroite, par ailleurs nouée il y a bien longtemps, dans le cas d'espèce entre la science coloniale et une construction et les institutions actuelles chez nous : « les institutions...qui survivent aux confins de quelques disciplines ou filières universitaires,...étaient des héritages des sciences coloniales, ou, plus généralement, étaient de l'institutionnalisation des rapports politico -savants entre la métropole et l'Afrique belge ».61(*)

Cette problématique globale de la critique des sciences humaines en Afrique inclut la question pendante de la décolonisation intellectuelle qui doit se résoudre en dépassant le langage de la modernité en philosophie et en se réappropriant le modèle de connaissances dominantes par une critique africaine. C'est une critique historiographique des connaissances.

Pour nous, il ne s'agit pas d'élaborer un autre discours, car dans ces conditions le point de vue africain restera toujours une connaissance subalterne dans une sorte d'épistémologie de frontière qui n'élabore pas une reconstruction inscrite dans un régime d'historicité très longue.

La question de fond de notre analyse est présentée par Jean Kinyongo: « Comment corriger ce que Brunetière qualifiait, au 19 è siècle, de « faillite de la science » à cause de l'impuissance de recherches positives de l'époque à résoudre les problèmes fondamentaux de l'homme et de l'entente entre les hommes ? »62(*) Et il continue, « si René Girard citant Durkheim a raison de soutenir que le spirituel (c'est le point d'orgue de notre livre) doit être à l'origine de tout (cfr. Les choses cachées depuis l'origine du monde) et si Malraux, prophète d'un XXI ème siècle spirituel, a lui aussi raison, alors il nous faut, dit-il, chercher de ce côté -là une manière qui puisse combler le vide de l'humain dans ce monde et, par-là, permettre d'appeler une convergence planétaire des peuples et des nations plus responsables que par le passé. »63(*)

Après l'exposition d'une manière africaine de percevoir l'identité et la vocation historique de l'homme et des peuples ,puisée dans le célèbre mythe de la création de l'univers et de l'homme dans la tradition de Komo chez les Bambara, Kinyongo conclut de cette manière- ci : « ce que doit être notre mission au 3 ème millénaire dépend de la manière dont nous nous comprenons maintenant , de la nouvelle compréhension que nous avons de nous-mêmes, de notre monde , de notre façon de devenir de plus en plus présent au monde ,et de rendre celui -ci de plus en plus présence ».64(*)

« Notre vocation historique, poursuit Kinyongo, en tant que présence fut surtout de bien nommer le monde, les choses et de les appeler à l'existence, nous les avons effectivement appelés à l'existence, mais de manière inadéquate. Nous devons maintenant les appeler et nous appeler à une nouvelle existence pour plus de présence et plus de participation en vue de rendre la vie de nos semblables plus humaines. »65(*) Il faut finalement joindre à l'entreprise de la recherche pour combler le vide de l'humain dans le monde, la construction subséquente d'une réalité sociale à jamais dynamique. « Le stade le plus élevé de la réflexion coïncide avec un progrès dans l'autonomie de l'individu, avec la suppression de la souffrance et avec l'avènement d'un bonheur concret ».66(*)

Ces questions que nous abordons pourraient passer pour être non pertinentes pour autant que la science s'occupe des questions de comment, mais ne faudrait -il pas reposer aujourd'hui dans le contexte des sciences la question véritable du pourquoi ? Parce que, pour nous africains en tout cas, la maîtrise de notre espace vital reste sujette à caution.

Comme le rappelle Pierre Mutunda avec la docte ironie qui le caractérise : notre « société est engagée dans une dérive qui à tout moment peut culminer dans une implosion mentale collective. Désemparés, les hommes et les femmes ne savent plus à quel saint se vouer. (...) Le peuple dépouillé de son identité et du patrimoine ancestral, affamé part ses propres fils qui lui imposent un nouvel esclavage sous l'oeil indifférent de la communauté internationale, voire avec la complicité de l'Occident, chosifié par l'escroquerie de sa classe politique, la cupidité des `opérateurs économiques', la roublardise de ses intellectuels diplômés jusqu'aux dents ,mais incapables de résoudre un seul petit problème sans le concours du ''Blanc'' ,ne sait plus à quels idéaux souscrire, quel prophète suivre ,quels lendemain espérer ».67(*)

Sommes - nous en Afrique Noire installés dans une philosophie de la crise qui, finalement n'a pour mérite que d'être, comme le dit Pierre Mutunda Mwembo, une «  tâche d'une remontée archéologique aux sources d'une historicité qui se chiffre de manière déficitaire. (...) Une telle situation est déjà provoquée par l'afro- pessimisme, cette attitude défaitiste et démobilisatrice qui, `'sur le marché des écrits médiatiques et idéologico -scientifiques,...est une valeur sûre depuis plusieurs décennies'' ».68(*) La montée archéologique aux sources d'une historicité à travers les images mythico-religieuses et les images linguistiques contemporaines du monde, i.e. le formalisme qui est la rationalité à la base des actions modernes a débouché sur la perte de sens et la perte de la liberté à propos de la rationalisation de l'Etat et de l'économie (Marcuse). « Les potentialités sociales des sciences, dit Jürgen Habermas, se sont réduites à l'exercice d'un pouvoir technique et ne peuvent plus être considérées comme les potentialités d'une action éclairée ».69(*)

Puisque nous évoquons l'histoire, nous dirons dans le même sens avec Jürgen Habermas que « l'irrationalité de l'histoire trouve son fondement dans le fait que c'est nous qui la « faisons », sans pouvoir jusqu'à présent le faire en toute conscience. C'est pourquoi on ne fera pas progresser la rationalisation de l'histoire en étendant le pouvoir de contrôle d'hommes..., mais seulement en élevant le niveau de réflexion et en aidant la conscience des individus agissant à progresser dans l'émancipation. »70(*)

Quelle est pour nous la tâche urgente ? Comme le dit encore si bien Mutunda, il a s'agit « de déblayer des voies et moyens pour une reprise de l'initiative historique par l'Africain, une mobilisation des énergies en vue d'assumer l'existence, de l'infléchir en une destinée voulue et maîtrisée, orientée vers une réalisation positive de la vie ».71(*)

CHAPITRE DEUXIÈME :

LE POIDS DU PASSÉ ET L'EXIGENCE D'UNE NOUVELLE CONSTRUCTION SCIENTIFIQUE DE L'AFRIQUE ET DU CONGO-KINSHASA

Nous allons ici rappeler et présenter pêle-mêle la construction occidentale de l'Afrique et de la RD Congo réalisée par les sciences sociales et humaines. Cette construction intéressée et stratégique appelle à coup sûr, une contre- construction et une reconstruction. Nous essayons justement, après la présentation sis- évoquée, de proposer comment cela peut-il d'une façon être amorcé ?

L'Histoire des sciences sociales congolaises a donné lieu à des constructions scientifiques savantes multiples pour l'époque coloniale au Congo : à la base, la relative hégémonie redoutée de savants - missionnaires qui ne rimait pas toujours avec ces savoirs officiels et institutionnalisés de la colonisation qui étaient l'émanation de la noblesse politique coloniale belge en ce qui concerne le Congo -noblesse politique qui gérait au quotidien le pouvoir avec les libres penseurs ,tous rivalisant d'ardeur dans le domaine du savoir.

Nous pouvons voir les acteurs majeurs de la science coloniale et leurs intérêts : le savant catholique missionnaire contre le baron non confessionnel de la science coloniale officielle. Pour autant que les savoirs codifiés puissent servir les intérêts officiels, ces savoirs pouvaient justement être institutionnalisés.

Le Congo s'est construit sur la base de plusieurs disciplines scientifiques, notamment avec l'économie politique coloniale, l'anthropologie et/ou l'ethnologie, l'anthropologie juridique, l'historiographie coloniale, le droit moderne occidental, la sociologie, la philosophie, etc.

L'économie politique coloniale est la logique qui dicte la mise en valeur du Congo : les tracés de routes et l'infrastructure routière, l'industrialisation, la politique agricole, l'émigration de la main d'oeuvre dans les centres extra -coutumiers, etc., tout cela dans un contexte de rivalité internationale des puissances occidentales et des Arabes. Au plan politico-administratif, le découpage administratif est fait au Congo à la suite de l'impérative d'occupation. Le découpage suit la latitude, le méridien, les rivières, les districts, pour former des régions militaires contre les arabes à l'Est, les chefferies - secteurs étant des bases des forces de police72(*), etc. L'organisation de la chefferie ne tient aucun compte des liens de vassalité qui existent ni de parenté, sa seule base est territoriale.

Nous sommes aussi partis de l'anthropologie dont on s'est servit longtemps pour comprendre l'homme sauvage et primitif en général, en tant qu'elle est l'étude des caractéristiques anatomiques, biologiques, culturelles, et sociales des êtres humains, et formant une des matrices pratique et théorique puissantes de l'ensemble des sciences sociales et humaines. Les temps modernes est une époque de rencontres interculturelles intenses qui donne un élan fort aux sciences sociales. Les philosophes pour la plupart qui n'ont jamais pied au Congo, ont à leur portée des récits de voyages dont la plupart compulsés vont servir à ébaucher des théories, tel que le postulat de l' « état de nature » de la philosophie politique classique, de l'a priori du temps comme intuition intérieure, chez Emmanuel Kant et autres contractualistes, etc.

Seulement, situation cynique, à propos de l'évolution de l'anthropologie, science dont on se sert depuis pour étudier l'homme, Claudine Vital affirme que « c'est seulement durant le dernier quart du XIX siècle qu'apparaissent les institutions savantes anthropologiques. Chaque campagne militaire, chaque champ de bataille, chaque massacre qui rapporte une nouvelle victoire au colon blanc marque en même temps une nouvelle étape de la pratique ethnologique qui se professionnalise et se répand. Elle devient une profession au moment où s'intensifie l'extermination des hommes ».73(*) Il faut constater qu'une bonne partie des sciences sociales en général ont pris de l'essor décisif au sein d'une époque d'expansion européenne et donc de domination: « la transformation de l'expansionnisme occidental en un colonialisme suppose en quelques façons la constitution des « sciences sociales» ».74(*)

Le développement de la « modernité occidentale » incarnerait dans sa logique et dans sa dynamique, la division de travail organisée dans une structure impérialiste de l'Europe qui domine l'économie mondiale depuis XV e siècle, contraint le monde et le coordonne au moyen des institutions créées à cette fin. « L'impérialisme aurait dû inventer le racisme comme seule explication et seule excuse pour ses méfaits ».75(*)

La logique impérialiste occidentale du centre fonctionnerait sur base d'une lutte du type darwinien d'élimination raciale et bastiale depuis la découverte du nouveau monde, et non sur base de la lutte des classes. Karl Marx ne théorise quasiment pas cette perspective bestiale. Le matérialisme historique est une des théories reconstructives de l'anthropologie et de la théorie de l'évolution naturelle, sociale et culturelle fondée sur la lutte de classes, l'histoire de l'espèce humaine, les modes de production, le travail social, la dialectique entre l'infrastructure et la superstructure, les rapports de production et la force productive.76(*) Nous pouvons affirmer que le concept de « race » a été utilisé à dessein par des anthropologies concurrentes pour décrire des formations politiques, des groupes linguistiques, des caractères d'espèces animales, des formations politico- sociales. Au Congo (belge) on parle d'emblée de races différentes (grands groupes Nègres, Soudanais, Nains, Bantous et Hamites ».77(*) La lutte darwinienne d'élimination des ethnies primitives utilise beaucoup des moyens pour préparer consciemment le meurtre culturel, ethnocide. Mais la toile de fond, ce que les « épistémès autres » sont extorquées, volés, disqualifiées, falsifiées, sinon exclues carrément pour être mises résolument au service de l'accumulation du capital.

Concrètement, partons des exemples sur le Congo et passons à l'ethnologie/anthropologie juridique. Celle-ci - à propos de la Carte ethnique du Congo -qui, depuis les enquêtes parlementaires belges de l'oeuvre léopoldienne, tentera de prendre les devants dans l'édification de la nouvelle société congolaise. Au point de vue de la mise en valeur de l'Etat Indépendant du Congo, loin avant l'indépendance, historiquement le travail forcé dépeuple la population au point de déboucher sur une crise sociale. Cette situation mettra le Roi Souverain devant le fait accompli, et il sera forcé d'accepter une commission d'enquête belge conduite par trois éminents juristes belges qui mettront à nu une oeuvre controversée, en défaveur des noirs.

Depuis lors, le droit sera la science pilote qui donnera lieu à des reformes, et à la naissance d'une sorte des sciences de « développement » qui va succéder au paradigme de la science de contact depuis la conférence géographique de Bruxelles en 1876. Ce qui dicte en partie les limites mêmes du territoire congolais.

La civilisation du travail - celle de loisir- forme un bon exemple justement de la réalité sociale construite. De telle sorte que les humains qui ont participé à son élan ont cru être enfin en mesure de bâtir un monde nouveau pour leurs enfants, maîtrisés par les forces de production. Mais cette émancipation productiviste a été remise en question par ses héritiers qui ne sont pas parvenus à entrer dans cet univers préfabriqué. Les choses ont changé !78(*) Il en va de même de la colonisation qui transpose sur le terrain de la colonisation une civilisation industrielle qui, à son effondrement a emporté l'arrière-plan qui le fondait, le capitalisme industriel qui en a constitué la base. « L'arrière-plan d'une société permet d'invalider une pratique institutionnelle qui tenterait d'imposer un seul mode de légitimation des normes, c'est-à-dire qui serait incapable de reconnaître des droits collectifs à des `'sociétés distinctes'' ».79(*)

Or Marc Maesschalck stigmatise l'enjeu : « il ne s'agit pas de transformer une pratique institutionnelle donnée, mais de changer de civilisation ».80(*) La construction de la réalité sociale appliquée à des sociétés colonisées est faite également au moyen de l'anthropologie juridique appliquée à ces sociétés colonisées en opposition avec le droit naturel rationnel des temps modernes européens. Le droit de l'homme a été la poursuite de ce mouvement de la construction européenne : « le devoir de civiliser, l'argument du droit de civiliser portait sur le droit de mise en valeur de ressources incombant aux peuples capables de réaliser celle-ci de manière supérieure aux pratiques locales. Cet argument ne fut pas théorisé par l'ethnologie, mais par le droit naturel ».81(*)

Une telle situation qui apparaît comme la projection théorique du constructeur débouchera, comme nous allons tenter de l'établir sur l'exigence d'« une éthique de la construction sociale (qui doit considérer) toutes les activités comme intégrées à l'enjeu décisif de l'existence collective ».82(*) Justement « la solution dépend encore de l'application des structures de décision de la communauté politique ».83(*)

Justement, une « société (doit être considérée d'abord) en tant que'' significations subjectives''».84(*) Au sujet de l'anthropologie raciste, « il semble difficile d'admettre qu'un tel mythe ait pu être construit par des chercheurs professionnels (...) pour autant qu'eux aussi, ils ont pratiqué le terrain, entendu des informateurs. Une attitude épistémologique d'époque- entraînant la conviction qu'une combinaison d'éléments simples produit la logique même du réel - semble insuffisante à inspirer d'aussi totales erreurs. Et, pourtant si, parce qu'elle autorise une distance telle à l'objet qu'elle engendre nécessairement - en deçà des sophistications propres au métier -une capacité de croyance assimilable à la foi du charbonnier. Du coup, toutes les discussions deviennent possibles et pensables, d'autant plus qu'elles trouvent, involontaires ou conscientes, de complications autochtones ».85(*)

Disons en plus que la transformation de cette anthropologie primitiviste demande une reconstruction d'une anthropologie qui postule l'unité biologique et psychologique du genre humain. L'anthropologie même marxiste ou habermasienne ont un côté primitiviste.

La misère délibérée cause à l'africain le choc psychologique et le déséquilibre de l'horloge biologique, source de plusieurs maladies physique et mentale. L'africain doit rester positif et ne pas paniquer.

Sohier distingue ,dans ses publications de 1924 parues dans Revue de Jurisprudence du Katangaau sujet de la Carte ethnique du Congo et qui deviendra en 1933 le Bulletin des Juridictions indigènes et du droit coutumier ,l'empire du « droit sacré », magico -religieux (référence aux travaux d'un autre auteur du nom de Possos) ou de la « philosophie bantoue » (référence à l'onde de choc de Placide Tempels) par rapports aux pratiques juridiques bantoues qui, face aux nécessités de maintien de l'ordre, ont opéré de nettes distinctions et parfois de volte-face permettant de retrouver les fondements des conventions civiles.

C'est principalement la destination de l'autorité politique que déplore Van Derkerken ; c'est là qu'il situe l'origine de l'effondrement des sociétés indigènes.86(*) Van Derkerken, essayait par exemple de démontrer qu'au Congo, la question essentielle portait sur les fondements de l'autorité dans des « dynasties de sang sacré » (chef de races ») ; et il établit les droits fonciers des indigènes sur la presque totalité des terres. Pour Van Derkerken, seule la connaissance et la reconnaissance des structures sociales bantoues peuvent s'opposer à une prolétarisation perçue comme une déchéance culturelle et un immense danger social.87(*)

Au demeurant, l'évolution de la tentative disputée de la promotion de multiculturalisme juridique entamé dès les premières heures de la colonisation au Congo devait déboucher sur la promotion du droit indigène : « la règle de droit doit être comprise en considérant que « le droit nègre a été élaboré par des hommes raisonnables...pour remédier à une certaine difficulté de la vie... dans une démarche dont de nombreux fondements sont universels ».88(*) Pour Van Derkerken, il aurait fallu privilégier les juges et magistrats traditionnels bantous qui nous « apprendront à penser noir à propos du droit noir.89(*) C'est une recherche de la reconnaissance collective de la communauté des savants traditionnels.

La tendance inverse au multiculturalisme sera dominante, et elle va amener à « l'évolution et la disparition rapide des sociétés (dites) archaïques (qui vont) modifier non seulement le projet, mais le regard initial ».90(*) « Ces divers mouvements brisent, d'une certaine façon l'illusion de restitution et de pureté de l'objet (...), favorisant aussi bien une sorte de narcissisme descriptif ou ironique ».91(*)

Au Congo, deux disciplines sont en avant plan dans la construction des colonies : l'économie et le généralisme (les macro- ingénieurs) face à l'ethnologie et au droit. « Les sciences sociales (ethnologie et économie) ne peuvent ou ne veulent définir un espace quelque peu autonome face au couple qui s'affirme hégémonique, le couple du juriste colonial, qui fait la loi et construit le Congo, et du « macro -ingénieur », qui étend ses compétences à tous les aspects de la mise en valeur ».92(*)

Cette situation va se perpétuer, plus tard, « les indépendances africaines ont vu apparaître des états -civils sur le modèle français (ou belge) ».93(*) « Le passage de l'ethnie à la nation, au début totalement artificiel a bouleversé les populations africaines de manière beaucoup plus profonde qu'on ne l'imagine habituellement ».94(*) Ce fait fait justement suite, au tout début du XIX è siècle, à la découverte des systèmes de parenté matrilinéaire vus comme un choc par l'Europe. Tout cela à travers le développement de la circumnavigation et la découverte ébahie d'autres mondes à la différence bien plus radicale que ceux connus jusqu'alors -les Noirs d'Afrique, les Indiens d'Amérique, les indigènes d'Océanie. C'est aussi la considération des systèmes matrilinéaires par la théorie anthropologique qui a posé à la psychanalyse sa question la plus embarrassante : si le complexe d' OEdipe est bien universel ,s'il est vrai que tous les garçons du monde présentent des désirs incestueux envers leur mère, agressifs envers leur père, comment un tel complexe peut-il se manifester dans un monde où le véritable chef de famille est l'oncle maternel et non le père ; un monde où la véritable tension se situe entre frère et soeur et non mère et fils ? C'est en substance le contenu d'un célèbre livre de Malinowski (La sexualité et la répression dans les sociétés primitives, Paris, Payot, 1971) dont la publication a contraint les psychanalystes à toute une série de réfutations, tant théoriques qu'anthropologiques.95(*)

L'analyse s'étend à plusieurs autres concepts : l'ethnie, le développement, le sous-développement, l'Etat, etc. Mutuza Kabe considère que cet axe de recherche est un courant à part entière pour son importance persistante dans la philosophie africaine : « le courant de la réévaluation des concepts résulte du problème de l'acculturation et de la nécessité de traduire les réalités africaines dans les langues étrangères. (...) Nous ne prenons tous pas garde et nous continuons à nous servir de ces mots, alors qu'ils ne correspondent plus aux réalités nouvelles, nous parlons aujourd'hui de culture et de civilisation et nous les appliquons indistinctement et univoquement des concepts nés dans un contexte culturel défini à des sociétés et à des civilisations différentes, alors que nous reconnaissons le rôle déterminant que jouent dans la formation des idées, des cadres socio- culturels ».96(*) Il renchérit, « on a plaqué, avouent, les auteurs de l'histoire de l'humanité, sur le passé africain afin de le réduire à des schémas connus tout un vocabulaire emprunté à l'histoire européenne : Etat, Empire, Royaume, etc. (...) Leur adaptation réelle aux situations africaines qu'ils sont censés expliquer n'a jamais été sérieusement examiné. Ils portent d'ailleurs en eux-mêmes un poids de prestige ou de jugement qui leur confère un caractère quasi sacré et pourtant ils n'expliquent réellement rien de cheminement propre à l'Afrique ».97(*)

Outre des préoccupations strictement internes, la construction des hypothèses nouvelles rebondit par exemple dans « la problématique constructiviste de l'ethnie ainsi que les concepts qui lui sont liés - métissage, créole - trouve une application en Europe et aux Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le racisme et de la mise en avant des politiques reposant sur le multiculturalisme ».98(*)

Cette problématique touche, en effet, à la question des stratégies pour endiguer la « pauvreté » dans les pays riches en ce que « l'éventuelle introduction en France des critères ethniques dans les recensements- à l'image de ce qui se pratique déjà aux Etats-Unis - devraient permettre, selon ses partisans, de resserrer les mails du filet destiné à cerner et à traiter les poches de pauvreté et de handicap. Quoi que l'on puisse penser de son efficacité, ce nouveau dispositif s'inscrit dans le cadre de l'extension du domaine des « bio- pouvoirs » mis en place au XIXe Siècle dans le domaine de la démographie et de l'épidémiologie ».99(*) Ceci fait penser au projet de loi de l'ADN sur la question d'immigration en France.

En ce qui concerne l'histoire de l'Afrique Centrale en général, Jan Vasina souligne le fait que « d'un point de vue théorique les données ethnologiques peuvent être d'une grande valeur pour l'historien. Tout historien en effet, s'il veut faire oeuvre sensée, doit savoir comment se présente maintenant une culture donnée et comment elle se présentait juste avant la période coloniale. ( ...) La répartition des objets ou des complexes culturels et en particulier l'étude des « fossiles » culturels ou au contraire des « innovations » culturelles pourraient théoriquement fournir une mine d'informations historiques. Pourtant sur ce point les ethnologues manquent de méthodes appropriées ».100(*) Vansina émet l'hypothèse dès cette époque qu' « on ne pourra aboutir à des conclusions significatives que grâce à un usage conjoint et plus systématique des données linguistiques et des données culturelles ».101(*)

Pour Jan Vansina, « le concept de tribu est rarement défini. Les historiens omettent, dit-il, de distinguer entre la communauté politiquement souveraine, qui est politique et la communauté culturelle, qui est l'unité culturelle. L'historien imagine que la communauté culturelle est perpétuelle. Elle ne disparaître pas, elle ne s'altère pas au cours du temps, quoiqu'elle émigre et que l'on puisse repérer géographiquement les routes de ses migrations. Cette conception est absurde. Il n'est pas difficile de démontrer que les tribus naissent et meurent, et cela même sans déplacement de populations, changements importants dans les cultures objectives des communautés qui les composante ».102(*)Par exemple : « La question de l'interprétation des données brutes , poursuit Vansisna, fait usage d'une série de concepts fondamentaux concernant à la fois les entités (...) et les types ou les genres de processus qu'elles comportent. Tels sont les concepts de « tribu » (...) des « origines », des « migrations », et de « conquête » ».103(*)

Dans le Congo précolonial, pour Vansina, « l'exemple le plus frappant est le cas des Lulua. Avant 1890, il n'y avait que les Luba du Kasaï. Mais vers 1959 les Lulua et les Luba étaient tellement différenciés qu'ils engagèrent dans de violents conflits. Comment cela se produit -il ? Les premiers commerçants, Angolais et Européens, qui entrèrent au Kasaï donnèrent des sobriquets à la population qu'ils trouvèrent. Un de ces sobriquets survit : celui de Lulua(ou Luba kasaï). Mais la population se donnait à elle-même le nom de Luba, comme groupe situé plus au Sud jusqu' au Sud- Est de la rivière Lulua dans la région de Dibaya vers 1890 les raids de Ngongo Luteta et de Lumpungu, deux trafiquants d'esclave qui opéraient pour le compte de Tippu Tib, chassèrent de chez eux des milliers de membres de ces groupes du Sud -Est, qui gagnèrent Luluabourg où ils cherchent refuge auprès de l'administration. Ils furent installés par les Européens et bénéficient des premiers avantages de la vie coloniale : missions, l'école et hôpitaux. Très vite ils commencèrent à se sentir différents des habitants du pays, et ce sentiment partagé par ces derniers se cristallisa dans l'usage des termes Luba et Lulua ».104(*)

A quoi Vansina veut -il en venir ? En effet, dans des nombreux cas dit-il « ce n'est pas la tribu qu'il convient d'étudier. Les historiens sous-entendent souvent que les tribus ont une histoire et que l'histoire de l'Afrique centrale précoloniale est une histoire tribale. C'est ici que prévalent certaines notions trompeuses ».105(*) En effet : « Culturellement les royaumes peuvent être hétérogènes (...) ou inversement des unités politiques différents peuvent appartenir à la même culture ».106(*) Il faut donc discerner l'histoire culturelle de l'histoire politique. Il est convenable en histoire politique de ne pas étudier l'histoire de la tribu qui n'est pas une entité perpétuelle, d'étudier plutôt l'unité politique : royaume, village ou lignage. Dans la région culturelle Lunda, selon la classification de Vansina d'alors, nous avons les Mbagani (Bindji),Lwalwa, Sala Mpasu ,Sud Kete ,Noyau Lunda, Cokwe, Lunda de l'Ouest ,etc., mais entre 1500 et 1900 l'histoire est étudiée par lui au point de vue des entités politiques de base ,royaume ,village ou lignage, chefferie, etc. Les cartes ethniques subséquentes qu'il utilise sont culturelles à proprement parler ou politiques. « Plusieurs « tribus » du Haut -Katanga par exemple sont tellement semblables culturellement que du point de vue de l'histoire de la culture, elles peuvent être considérés comme si elles formaient une seule entité. Du point de vue de l'histoire politique, ce sont les chefferies qu'il convient de distinguer les unes des autres ».107(*)

Il est plus que révélateur en somme de savoir qu'une tribu peut être une construction telle que nous le constatons avec la tribu Lulua. Beaucoup de conflits contemporains, tel celui le plus énigmatique des tribus du proche Orient, frisent à plusieurs égards et de plusieurs côtés des réalités construites artificiellement. Il faut toutefois, à ce moment-là, assurer les droits y relatifs comme réalité désirable et moralement acceptable, susceptible de persister pour un ordre mondial durable.

Soulignons que pour Vansina, outre ce qui précède en ce qui concerne les royaumes de la Savane en Afrique centrale, « la plupart des documents écrits souffrent d'un défaut fondamental. Ils traitent d'événements vus par des yeux d'étrangers se trouvant souvent en conflit ou en compétition avec les peuples locaux ».108(*) A propos de l'histoire de l'Afrique centrale justement, Jan Vansina dans cet ouvrage qui est un des premiers en la matière, évoque entre 1963 et 1964 une seule difficulté principale mais fort importante : « il se pourrait en effet que la principale raison de notre ignorance présente soit l'absence générale d'intérêt pour l'histoire de l'Afrique, exception faite pour l'histoire des efforts européens accomplis sur le continent. Il en résulte, hélas, le sentiment tacite que, faute des sources, il est impossible d'écrire l'histoire de l'Afrique Centrale. Pareille impression est dénuée de tout fondement et l'objectif principal du présent ouvrage est de rompre avec toute une tradition de négligence, et de réfuter le sentiment aussi général que vague qu'en ce domaine il n'y a rien à faire ».109(*)

Outre cette difficulté qu'il tente de surmonter par ailleurs, l'auteur passe en revue « les sources sur lesquelles les historiens fondent leurs travaux, et (...) certaines des notions de base qu'ils utilisent dans leur interprétation ».110(*) En effet, « l'historien de l'Afrique centrale s'appuie essentiellement sur cinq espèces différentes de sources : les documents écrits, les traditions orales, les données archéologiques, les preuves linguistiques, et les données relevant de l'anthropologie culturelle ».111(*)

Les auteurs comme Karl Marx, Claude Lévi-Strauss, Jürgen Habermas ou Cheick Anta Diop, pour ne citer que ce dernier africain, et autres se situent au point de vue général de l'anthropologie physique et sociale, qui intègrent le structuro-fonctionnalisme et le néo-évolutionnisme. C'est là la difficulté qu'évoque Jan Vansina.

Nous devons quitter irréversiblement les approche structurales a temporelles (fonctionnalisme, structuraliste, systémique, cybernétique, actionnisme, etc.) pour nous plonger dans le temps de régime d'historicité longue et africaine, pour nous en sortir, nous coupler surtout avec une foi inébranlable à la théologie de libération ancrée en Moïse et au livre d'Exode.

Le débat porte aussi sur l'historiographie, la manière d'écrire l'histoire : « Ernest Schulin conclut son instruction panoramique de l'historiographie globaliste contemporaine en constatant que l'histoire en général n'est plus conçue comme un continuum, comme un déroulement ou un processus qui serait toujours le même, des origines à nos jours. Ces conceptions évolutionnistes seraient donc dépassées. Pour Schulin seules deux approches de l'histoire universelle seraient légitimes :d'une part le comparatisme typologique qui prendrait pour objet des structures générales ,comme c'est le cas des travaux de Max Weber,( ...),et d'autre part une historiographie qui se donnerait des limites spatio-temporelles pour analyser seulement certaines cultures(et leurs relations )en tenant compte ,cependant ,des interconnexions sur le plan mondial et des contraintes propres à chaque système qui les affecteraient ».112(*)

Les avis de Vansina sont presque péremptoires, « En ce qui concerne la région qui fait l'objet de notre étude, l'Afrique centrale en l'occurence, le travail anthropologique effectué jusqu'à présent est lacunaire. (...) Dans l'ensemble donc, il reste beaucoup à faire en anthropologie ».113(*) C'est une visée primitiviste passéiste. Outre les méthodes anthropologiques à améliorer, Jan Vansina évoque une fois de plus des concepts fondamentaux pour l'histoire de l'Afrique centrale, spécialement des Royaumes de la Savane- Luba -Lunda. Ces constructions ont laissé proliférer un complexe indéracinable des tribus démographiques plus populeuses au Kasaï (devenues prestigieuses du fait de nombre : Luba et Lulua) et des « peuplades » (tribus démographiquement petites : Chokwe, Mbaghani, Salampasu, Lulua, Mpende du Kasai, Kuba, etc.) restées à jamais arriérés du fait de nombre !

Au Rwanda, Claudine Vidal, tente de montrer, « comment l'imaginaire (la Raison) anthropologique travaille à détemporaliser une formation sociale et, de ses déterminations présentes, fabrique un passé mythifié en figures idéales : elles se conjurent sans peine au présent ethnologique. (...) C'est ainsi que Tutsi et Hutu, transformés en substances, ne possèdent plus d'autres réalités que de manifester une structure de caste, ou un modèle féodal, cela dépend des auteurs. »114(*) Il y a confusion des unités cultuelles (Rwandais et Burundais parlent une même langue) et des unités politiques (monarchie, modèle féodal, royaumes précoloniaux, etc.).

Pire encore, il faut savoir que l'American Anthrologist reconstruit la figure de l'Indien sauvage, ses institutions, sa différence, à partir d'observations réalisées dans les réserves où sont définitivement confinés les survivants. Les opérations mentales sur lesquelles repose cette démarche de réinvention « d'une primitivité marginale », qui n'aurait pu voir le jour avant cette réduction définitive, reposait sur un accord tacite de la profession « l'autorisation qu'elle se donnait de décrire comme primitives les situations non- conformes à sa quotidienneté ».115(*) C'est une psychologie primitiviste qui envahit l'entreprise colonisatrice.

Les sciences actions : des programmes communs de recherche en sciences sociales

La théorie de l'action part justement de l'analyse des limitations contextuelles par principe inhérentes à chaque science sociale. La crise est consubstantielle à chaque société - chaque anti -thèse et chaque thèse engendre une nouvelle synthèse précaire faite des nouvelles contradictions pour parler comme Marx -, elle est comme telle permanente à chaque degrés de développement, quel que soit le niveau. Les sciences sociales chaque fois rénovées devaient convenir à des contextes historiques différents. La crise financière et celle de l'endettement en Europe aujourd'hui, nous montrent les limites de la science sociale européenne née dans des contextes différents. Tout dépend du stade de développement de la formation sociale considérée. Les nouvelles situations sont à conquérir par une science sociale toujours à se rénover.

Quand on suit les analyses pertinentes de Maesschalck ,le programme de la sociologie des sciences est basé sur la symétrie des événements et le pouvoir de traduction (de conformité) du lien entre la science, le discours, l'objet, la nature et la culture. C'est ce qu'on appelle la rencontre de l'inter-objectivité (le parlement des objets) avec l'intersubjectivité.

La traduction d'une entité dans l'autre est déterminée par l'effet d'association, d'intéressement et d'enrôlement que produit le processus vital (Arendt). Le processus vital attire les facteurs du processus et les unifie. Ainsi, la recherche -action est une stratégie d'enrôlement par intéressement. L'habitus qui se situe au coeur de la recherche -action en tant que opérateur réflexif est pratique et vital, elle intéresse parce qu'elle conditionne la vie. C'est une tactique pour l'intéressement. Dans les opérations des actants non humains sont enrôlés au même titre que les humains pour servir de médiateur à la recherche -action. Il y a l'effet de limitation réversible parce que la transformation des intérêts de l'enrôlé s'accompagne d'une transformation de l'objet de recherche en fonction de l'interprétation des enjeux de l'intéressement comme le dit Marc Measscalck.

Il s'agira ici de tabler plus sur le mode d'intervention et des stratégies susceptibles d'agir sur le phénomène de groupe. La recherche -action atteint un palier dès qu'il parvient à fixer un premier programme et peut tenter de la reproduire à grande échelle. La stabilisation de l'objet de recherche permet quant à elle à un deuxième niveau de croiser une exigence de constance séquentielle du cadre d'opération avec l'exigence de transférabilité du réseau à grande échelle.

Pour illustrer, nous nous sommes intéressés à des travaux intéressants menées par le professeur Marc Maesschalck, dans le cadre de l'éducation des adultes. Maesschalck est professeur à l'université catholique de Louvain, et travaille sur les théories de la norme et de la gouvernance. Il a écrit plusieurs articles là-dessus116(*). Ses recherches se situent à la fois dans le domaine de la pratique sociale et dans le domaine de la recherche théorique dans la convergence entre les sciences sociales.

Du côté de la pratique sociale, il s'agit de la formation des adultes destinée à des interventions en alphabétisation, en insertion professionnelle, en médiation interculturelle, en éthique clinique, etc. Ces champs sont notre axe pratique dans notre recherche. L'ajustement de la recherche dépend d'un choix par rapport à une interprétation constituée, alors que l'ajustement des intérêts vise à une réévaluation de ceux-ci en les dépossédant de leur détermination du résultat de la recherche.

Dans l'habitude il n'y a pas de nouveauté, l'habitus tient compte de la nouveauté. Il s'agit de voir à chaque fois la cohésion du contexte historique des événements. La recherche -action consiste à trouver cet élément médiateur qui lie le discours (science), l'objet, la nature et la culture au lieu de se contenter des ajustements partiels. Il faut dans la recherche chercher là où la coupure est introduite. Par exemple, les normes produites obéissent à l'état de la mise en oeuvre de la technologie sous - jacente à l'époque considérée. L'oralité, l'écriture, la radio, la télévision, l'internet, impriment à la société chaque fois des rythmes différents. La question à poser est celle de savoir circonscrire les limites contextuelles, parce que le discours (scientifiques) sont , pourront-ont dire , particuliers à l'évolution de chaque société.

La pluralité théorique est un problème tant qu'elle se définit comme un horizon simplement nominal de l'agir scientifique : une célébration esthétique du savoir à grande potentialité d'action et non d'action réelle. Ce type de savoir est celui qui s'auto- représente dans sa validité en tant que concept nominal. Il faut séparer l'activité de représentation (plan nominal) de l'activité d'effectuation (plan réel).

La recherche - action reprend l'hypothèse de la traductibilité entre objet-discours-nature-culture. Il faut chercher ainsi la ligne de partage où la réflexion procède à l'idéalisation des composantes stratégiques en les séparant de l'incertitude du calcul qui les traverse dans leur effectuation. En effet, l'idéalisation des stratégies d'insertion n'est jamais que rétrospective et cet idéalisme appartient à la science en acte comme pouvoir organisant.

La science en action n'apparait qu'à travers ses traductions dans des réseaux associationnistes de pouvoir de solution. Sans cette traductibilité, la science ne pourrait s'effectuer socialement ni prétendre à une fonction sociale, elle est éprouvée inefficace par tous, au Congo on dirait « les intellectuels ont abimé le pays ».

Il s'agit de savoir quelles stratégies (actions stratégies) mettre en oeuvre pour sonder le lien et le lieu profonds qui soudent l'objet - le discours - la nature - la culture. On ne peut s'arrêter à la considération d'une science ambiante en puissance (purement acceptable selon des critères qu'elle contribue elle -même à forger), sinon passer à la science en acte, celle qui se traduit dans la réalité sociale et vise concrètement son acceptable. La science n'est identifiable que dans la traduction de sa validité, comme savoir-action ou savoir en acte.

La tâche de la recherche -action est aussi celle de réfléchir sur la maitrise - servitude à l'équilibre précaire. La science pour les hommes et non la science pour la science. Nous devons ici interroger le rôle médiateur des savoirs.

Nous vivons à notre époque avec une pluralité des savoirs sans traductibilité, marginalisant ainsi les limites contextuelles et privilégiant une vision idéaliste de la science. Ces sciences potentielles pullulent en Afrique. L'exigence de traductibilité des savoirs renvoient à leur insertion dans les limitations contextuelles se servant ainsi de la voie d'une traduction de l'opération réflexive de la production, de la religion, de l'idéologie selon le cas.

L'opérateur réflexif est pour Karl Marx formé des facteurs de production, de la base économique, le fondement de l'unification et de génération. Une dernière instance dans le processus de génération et de l'unification. Les autres auteurs instituent la notion de « monde vécu » (l'habitus) comme opérateur d'unification et de génération. Habitus : l'action de la science, et liaisons symboliques ou moyen de l'opérateur réflexif. La coupure entre l'objet et son réseau socio -technique est une vue purificatrice de l'esprit qui n'est possible qu'en certains moments privilégiés de l'histoire d'un processus de traduction nature/ société/ culture/ objet/discours.

La recherche nous permet de normaliser (ou relativiser) les prétentions normatives des sciences sujettes à toutes les époques. Entre nature et société il n'y a pas de frontière déterminable a priori. Le problème d'une limitation concrète à partir d'un conflit de catégories historiquement situable devient un problème de limitation en soi. Sans percevoir la limite, la science devient un simple emballage du langage. L'évaluation des pratiques discursives condamnés à n'être que des « objets évanescents » fabriqués pour refléter son certitude face à l'histoire quant à elle bien réelle.

La recherche vise la fabrication d'un savoir positif qui tient compte d'une conception procédurale de la nature ou de la société. L'acceptation d'une discipline ultime est postulé problématique par le sens de la proceduralisation. Les ordres normatifs constitués semblent du fait des changements se dissoudre et sont ramenés à l'indétermination de leurs conditions d'émergence ou de fixation. Le proceduralisme historique des sociétés est la condition de l'interdisciplinarité même.

Lorsqu'on prend le chemin de l'effectuation, on ne peut se contenter d'un schéma idéaliste de perfomativité des représentations normatives. Pour s'effectuer, toute entreprise scientifique est tenue de traverser et de transformer un milieu tout autant que celui d'ailleurs l'assimile et la traduit (le transfert de technologie et de la science où s'imbriquent science et contexte, histoire et réalité sociale pour permettre un impact social à grande échelle.

La recherche- action égale la réflexion, un point d'équilibre dans un processus d'effectuation de la réflexion-action. Un point d'équilibre qui permet de ressaisir un réseau d'association et de substitutions d'humains et de non humains qui ont permis de traduire et de transformer un objet de recherche en objet social reconnu. Le problème ce que l'objet se détache comme un avant-plan sur l'avant-plan sur l'arrière-plan de la foule de ceux qui le soutiennent.

La culture est une production des techniques mises en oeuvre à un moment donné. Qu'est-ce qui nous obligent à faire intervenir l'interdisciplinarité en science sociale ? L'exigence de l'interdisciplinarité en Afrique et dans le monde est réelle, face à l'incapacité relative des sciences sociales de se renouveler rapidement et de donner des réponses aux crises à chaque contexte historique nouveau. Ce contexte change suite au changement d'infrastructure de production des biens symbolique ou matériels.

La situation crée un nouvel équilibre qui demande d'intégrer les savoirs constitués à la nouvelle réalité. Ce savoir constitué au sein d'un ensemble des principes discursifs (issus de ces rationalités toujours limitées aux contextes historiques anciens) de l'intersubjectivité du monde de l'action.

Récapitulons. Quelles sont les concepts qui peuvent assurer l'interdisciplinarité de la théorie sociale aujourd'hui ? Nous allons essayer d'analyser dans un cadre interdisciplinaire trois notions qui sont aujourd'hui au point de départ de trois paradigmes fondamentaux en science sociale.

Le point de départ de cette théorisation est justement la doctrine de « tout et ses parties » : le tout renvoie à la primauté de la structure et les parties aux actions sociales ou aux comportements. Le « tout » c'est la structure (l'organisation, le groupe) et la « partie » c'est l'action ou le comportement humain inhérent. Il s'agit donc de ces notions dérivées de structure, de l'action et du monde vécu (ou habitus) tenter de modéliser l'activité sociale, comprendre tout ce qui se fait dans la société mais qui traverse la culture et la personnalité. La notion de monde vécu s'incruste entre la totalité et l'individu.

Les trois notions sont la base des programmes multidisciplinaires en science sociale dans une perspective aussi bien d'une méthodologie qualitative que d'une méthodologie quantitative et statistique. Nous privilégions l'approche qualitative. Le paradigme de l'action est une réaction au paradigme structural pour introduire dans le modèle d'analyse la notion de l'intentionnalité. La structure ou le système induit un modèle abstrait qui consacre la primauté de la totalité en science sociale sans intentionnalité des agents, ils sont considérés comme simples patients.

Toutefois, les théories générales actionnistes sont élaborées dans le cadre spécifique : ou bien elles font parties des théories du choix pur (ou rationnel) , ou bien elles restent dans le cadre catégoriel de la théorie de l'action, ou elles font partie d'une science générale du comportement ».117(*) Le « monde vécu » se définit comme la base d'un programme de recherche multidisciplinaire en sciences sociales et humaines qui englobe les deux autres paradigmes. A propos, les deux paradigmes dominants en sciences sociales : celui de l'action (la théorie du choix rationnel et le cadre catégoriel de l'action) et celui du système (le fonctionnalisme, le structuralisme, et autre cybernétique) se reconstruits dans le paradigme de monde vécu. Tous ces trois paradigmes présentent une base théorique très large d'une pratique interdisciplinaire des sciences sociales.

Le contextuel d'élaboration des sciences sociales au Congo et en Afrique

Une certaine tendance idéologique libérale peut convenir que l'espace pertinent d'élaboration des sciences sociales a toujours été l'espace national. On peut donc dans cette logique se demander aujourd'hui à propos, quels sont les résultats pratiques endogènes pour des recherches effectuées par des congolais de renoms mais expatriés depuis comme Yves Valentin Mudimbe ? Il faut préciser que la position actuelle de Mudimbe que Jean Copans qualifie d'hyper moderne, c'est-à-dire cette insertion internationale de pointe des recherches congolaises et africaines au détriment de l'insertion nationale et locale devrait ainsi imposer le recours à de nouvelles stratégies et à une philosophie de plusieurs ajustements. Dans le cadre de l'internationalisation de la lutte prolétarienne, que nous croyons encore d'actualité, l'espace national n'est plutôt pas pertinent.

Lorsque produite à l'étranger ou par l'étranger (par exemple l'oeuvre de Benoit Verhaegen au Congo- Kinshasa, certains l'impliquent dans la mort de Lumumba ) , le rapatriement africain des sciences sociales exigerait un travail de connexion à leur environnement institutionnel, social et culturel d'origine sans préjudice du fait que les chercheurs africains avangardistes se mettent normalement à la disposition des espaces qui sollicitent la compétence de tous. Aujourd'hui les études africaines sont soumises aux lois du marché de l'expertise qui sont largement panafricaine et internationale.

La situation est au demeurant complexe, les Etats africains font malgré eux de plus en plus recours, forcés souvent par des contraintes bilatérales ou multilatérales de conditionnalité, à la consultance internationales au détriment des compétences locales organisées (les Centres de recherche officiels sont laissés, en ce qui concerne le Congo, à l'abandon) face au développement des ONG nationales qui ouvrent un marché du travail interne.

L'enjeu, c'est l'enracinement des communautés des chercheurs africains qui doivent s'ancrer dans les communautés d'origine locale ou idéologique, ce qui comporte des conséquences sur l'efficacité de la médiation des savoirs, les champs de l'action s'en trouvant bouleversés. La continuité des espaces territoriaux et idéologiques qui deviennent conflictuels dissolvent les repères de l'action et de la pensée stratégique, dont la transnationalité des phénomènes étudiés doit être bien conceptualisée. Si les savoirs et leur médiation vis-à-vis de l'action apparaissent comme superflus et sans aucune justification culturelle, les études africaines deviendront une simple spécificité ésotérique et une forme purement esthétique de la « modernité », sans pertinence pour le progrès social. C'est ce que la production scientifique des intellectuels africains est en gros devenue. Sans impact aucun, les kinois disent : « ba professeurs (intellectuels) ba bebisi mboka ». Entendez, une tradition littérale : La langue française a foutu le pays en l'air. Le savoir des intellectuels n'est d'aucune utilité pour résoudre des problèmes collectifs.

Pour Jean Copans, les théories élaborées en Europe et pour l'Europe peuvent être appliquées aux pays de la périphérie mais il ne faut pas oublier que les théories sont des élaborations sociales, culturelles, et par conséquent relatives, c'est-à-dire datées historiquement. Le capitalisme périphérique doit maitriser la multiplicité des espaces de production scientifique, qui se présente comme une constitution d'un ensemble disparate dû aussi à une pluralité d'historicité. L'étape d'évolution historique des formations sociales considérée permet une intériorisation des objectifs globaux et la perception des besoins ultimes actuels de la société. C'est peut-être là une série des obstacles le plus puissant à l'évaluation des effets de la science sociale.118(*)

Des telles situations ont abouti à la dispersion considérable des savoirs et des traditions donnant lieu selon Copans à trois types des sciences sociales africaines : la distinction entre l'africanisme du dedans et celui du dehors, les sciences sociales « régionales » ou « géoculturelle », et les traditions nationales centrales.

L'Histoire et la Critique des Sciences Sociales en Afrique contemporaine à l'heure des bilans de cinquantenaire des indépendances africaines est une de ces voies indiquées pour tenter de dresser un tableau évaluatif des recherches sociales qui ont été menées sur l'Afrique et les divers résultats pratiques subséquents. Plusieurs faits peuvent être relevés touchant la critique externe et la critique interne des sciences sociales en Afrique. Il faudrait d'ores et déjà distinguer dans l'analyse les lieux de production factuelle et pratique, et les lieux de production conceptuelle et analytique des sciences sociales. Ces différents contextes aident à mesurer, selon Copans , tout le travail à faire en vue de « rapatriement » africain des sciences sociales en comblant plusieurs distanciations :

- avec premièrement le pouvoir colonial (ou néo- colonial), l'exigence d'une grille de lecture alternative concomitante, non subalterne, des africains eux-mêmes de la situation africaine,

- avec deuxièmement les corpus centraux des disciplines pour qui l'espace pertinent ne peut être que l'espace national - les sciences sociales sont nées dans le contexte de la conquête et de l'expansionnisme européen,

- et avec enfin le processus de l'autonomisation scientifique africaine.

Notre hypothèse pour palier à cette situation se réfère à la théorie de back ground. Le contenu sémantique des énoncés scientifiques ne suffit pas en lui-même, il faut tenir compte d'un Arrière-plan en tant schèmes pratiques pour donner tout le sens des choses sociales. L'action de scientifique se situe dans un contexte, ce qui refuse l'idéalisation de la vérité en science s'inscrivant dans le développement théorique qui est incrusté au sein de processus de socialisation. Cette situation permet de considérer chaque développement théorique dans son contexte d'effectuation non coupé de nos mythes fondateurs. La recherche scientifique s'inscrit aussi in fine dans un réseau de négociation socio- technique.

L'Arrière-plan est en définitive cette pré-condition de la représentation linguistique ou mentale.  C'est revenir à l'habitus commun des scientifiques comme lieu primitif à investir. L'arrière-plan local et profond des chercheurs contextualisent les sciences sociales en Afrique qui doivent être tournées vers la réalité sociale africaine. La perception de l'espace et du contexte devient un lieu qui implique tout le monde. Cette systématique que nous proposons restitue le contexte de l'action rationnelle et le schème de la logique pratique.

La science et les pauvres

Les questions des misérables et des pauvres à grande échelle ne sont toujours pas résolues en Afrique, ceci contraste avec la production industrielle et la surabondance issues des techniques agricoles et de sciences de management de plus en plus affinés dans les pays occidentaux ou des pays d'obédience occidentale. Les institutions internationales ont suggéré l'appui des sciences sociales et humaines en Afrique, mais la situation reste mitigée, pourquoi pas alarmante ? Les sciences pérennisent -elles sinon aggravent-elles la situation des pauvres ? De quelle science s'agit -t-il ? Que faut -il faire face à cette situation sociale de l'Afrique qui s'empire ?

On remarque que d'un point de vue de l'histoire des sciences sociales et humaines, l'Afrique a gardé contradictoirement la dynamique perverse impulsée depuis par les sciences coloniales. Où la vie familiale s'identifie encore aux souffrances structurelles, à une pauvreté économique, sociale et psychologique, produits des constructions des identités précarisées et des tendances démographiques explosives des villes coloniales. Ce qui préoccupe, pour être plus concret, c'est par exemple la nature du travail qui souvent est précaire en ce qu'il favorise la construction sociale de soi et des itinéraires de réussite individuelle coupées des ressources culturelles collectives sur fond de besoin accru de reconnaissance par l'Occident de tout ce que nous faisons.

La mobilité sociale en Afrique ne dépend pas de la réussite scolaire sinon de la chance, ceci a amené à de changements drastiques des valeurs et à l'émergence de la violence généralisée et celle des jeunes laissés à eux-mêmes.119(*) Les villes africaines constituent un univers où la vision de l' « autre » est de plus en plus négative : où l' « autre » est ressortissant d'une autre tribu ou d'une autre ethnie (déjà le Congo est une mosaïque des tribus, plus de 400 en tout), et donc de moins en moins solidaires. D'où de nouvelles formes émergentes d'exclusions, sources d'inégalités sociales.

Dans les grandes cités africaines la réalité sociale présente une sorte de généralisation de la violence explosive, perçue au niveau des jeunes seulement comme la pointe de l'iceberg, une violence qui est au fond collective. On observe de plus en plus une collaboration inédite du policier avec des jeunes déviants qui extorquent par la violence, ils se partagent les fruits de la besogne avec le policier ! Disons, une autre réalité sociale que le temps colonial n'a pas produite directement, mais sa base lointaine. Le surgissement de nouveaux phénomènes sociaux étonnent.

Cette généralisation est comprise au sein même d'une vie cantonnée dans des espaces marginalisés et discriminés ; les jeunes citadins dorment de plus en plus à la belle étoile campés dans des carrefours - ce sont là des lieux de solidarités perverses et perverties investis par des enfants-soldats mal démobilisés - des lieux qui font émerger des prises de risques inimaginables et inédites de coupeurs de bras. Cette forme de violence est paradoxalement la recherche de la valorisation de l'image de soi. La succession des événements tragiques semble avoir produit des hommes et des jeunes nouveaux, et des interactions inédites ces dernières vingt années.

Comment psychanalyser ces nouveaux hommes que nous sommes ?

Il y a deux grandes figures de violence ici, une inscrite dans une violence pour obtenir des gains matérielle et l'autre pour l'obtention de gains symboliques de reconnaissance de soi. La spécificité ,au demeurant, est l'émergence de nouveaux types d'hommes , des femmes et des jeunes qui vivent sur le fil et de nouveaux « espaces publics » où se construisent de nouvelles identités urbaines, en milieux pauvres des bidonvilles où s'expriment la violence sociale, devant l'inefficacité totale des politiques publiques.

Comment d'un point de vue de l'histoire des sciences en Afrique comprendre ces problèmes ? En particulier, le ressort profond de comportements des vieux et des jeunes dans ce contexte ? Et l'avenir du continent ! La dynamique sociale lance chaque fois de nouveaux défis. Il y a sommes toutes des causes lointaines liées à la persistance de la souffrance sociale et des causes proches liées à un univers mental, langagier et interactif local pervertis.

Les sciences et les technologies sont les premières forces de production. Quelle recherche scientifique lancée dans la mesure où c'est la science coloniale d'abord et néocoloniale ensuite elles-mêmes qui sont d'un point de vue épistémologique en question ! Y.V.Mudimbe présente correctement la question. Comment faire face dans l'urgence à ces problèmes complexes ? Nos universités sont certes elles-mêmes en question, dans quel sens ? Dans quel sens approcher ces questions dites épistémologiques profondes ? Telle est notre problème.

Au lieu de miser habituellement sur les aspects psycho -sociaux de la pauvreté qui en sont les conséquences ultimes, nous essayons de cerner les principales caractéristiques du champ de leur production. Poser la question de savoir : comment faudrait -il envisager l'appropriation intrinsèque du pouvoir des sciences et des techniques par les individus eux-mêmes et les collectivités elles-mêmes, comme aspects prioritaires pour que les gens se prennent fondamentalement en charge eux-mêmes en se pensant autrement ? Quelle est l'action radicale, en tant qu'elle ne peut être que scientifiquement à construire pour agir sur les déterminants de cette pauvreté que l'on combat par les Etats modernes ? Les conséquences ultimes en sont : l'état de la pauvreté psycho-social, de la pauvreté monétaire et de la pauvreté de précarisation des relations sociales ? Comment envisager une action scientifique intersectorielle comme ressources ?120(*) Ne faut-il pas recourir à l'utilisation de stratégies et de méthodes d'intervention des sciences des sciences : de l'épistémologie, de l'histoire des sciences et de la philosophie des sciences.

Bref rappel de la genèse de notre réflexion

La question ne se limite pas à l'Afrique ? Cette réflexion est partie d'une conférence dans le cadre du lancement des « Ateliers sociaux nord - sud sur le social », une a.s .b.l. de droit belge que nous codirigeons avec un compatriote du nom d'Oscar Mpoyi Tshimuanga, en partenariat avec un panel de plus de 26 associations des immigrés subsahariens oeuvrant en Belgique. La conférence s'est tenue le Jeudi 28 Octobre 2010 à 19 Heures à l'Espace Matonge, 78, Chaussée de Wavre à Ixelles à Bruxelles. Il s'agissait de contribuer aux solutions de la violence des jeunes des familles des immigrés sud- sahariens basés à Bruxelles.

C'est la transversalité des problèmes des africains qu'il soit en Afrique ou qu'il soit en Europe qui frappe. En guise de diagnostic, nous venions de suivre une autre conférence sur le sujet de la pauvreté en Belgique à la Grande Ecole de managers sociaux à Louvain-La- Neuve, Ecole envisagée comme la solution qui forme les assistants sociaux, une formation qui n'est pas organisée dans notre pays.

La conférence portait sur le risque de la pauvreté en Belgique dans le contexte de l'insertion des plus vulnérables. En effet, hormis ceux que l'orateur a qualifié d'ivrognes, des sans logis, les SDF, c'est la femme célibataire belge ayant à sa charge deux enfants qui était susceptible de risque de la pauvreté si elle vivait avec moins 875 euros le mois. Pour pallier aux problèmes qui risquerait de s'exaspérer à terme avec par exemple le refus de certaines multinationales aujourd'hui d'investir en Belgique parce qu'elles préfèrent aller là où les allocations sociales sont faibles sinon inexistantes, comme en Afrique. Le conférencier a préconisé l'élargissement des espaces publics à tous, c'est-à-dire faire en sorte que la voix de tout le monde soit entendue dans la recherche des solutions collectives.

Comme vous pouvez vous rendre compte, la solution au risque de pauvreté en Belgique se porte sur l'investissement social à faire au sein des espaces publics. Ils partent d'une hypothèse construite autour de la notion de l'espace public concret qui vise le changement de comportement basait à chaque fois sur le choix de porte- paroles de groupes, de reconnaissance entre groupes et des engagements des acteurs collectifs dans de cadres incitatifs de construction de nouvelles normes sociales. La notion de l' « espace public concret » est différente à des espaces publics abstraits, la communauté des scientifiques en action et en situation en est un.

En Rd Congo on dirait qu'on a des scolarisés armés des diplômes jusqu'aux dents, mais pas assez d'intellectuels au sens où ils sont capables de trouver de solutions aux problèmes que posent leur pays. Les diplômés africains doivent être engagés dans le processus d'apprentissage et d'acquisition de nouveaux comportements.

L'espace public africain est particulier, amorphe, c'est un espace de discussion désintégré, ayant de porte-paroles auto- proclamés, un ensemble des arènes publics multiples qui se chevauchent allant de bistrots de misère, aux kiosques de journaux des parlementaires « debouts »(expression consacrée de discutailleurs postés tous les jours devant des kiosques de journaux kinois) qui discutent de la une,et de grands acteurs médiatiques affairistes.

L'espace public africain est hétérogénéisé et non suffisamment différenciés, c'est un tissu discontinu d'une grande complexité, ramifié en une multiplicité d'arènes des tireurs de files qui se chevauchent, aussi bien internationales que nationales, régionales, municipales. Les espaces publics concrets sont nos villages fondés sur le capital terre en instance de spoliation par des multinationales en connivence avec les villes. Il est différencié en niveaux en fonction de la densité de la communication tissée dans l'histoire et l'expérience millénaire. Une organisation naturelle et simple, ayant un rayon d'action nationale. Ces différents niveaux allant de l'espace public des villes épisodique et pauvres campés dans de terrasses consommateurs immodérés de la bière locale, des cafés «milanger » ou «  malawa »(de restaurants de misère) et des rues, de l'espace public dépendant créé par les mass media inféodés par le régime politique sans scrupule et par procuration et un espace public composé des lecteurs de simples titres de journaux, d'auditeurs à la fois isolés et globalement non spécialisés, un espace public non organisé, en présence des participants passifs, des consommateurs sans modération de théâtrales populaires et de matches de Foot Ball étrangers (lieu de refuge) , des conseils de parents d'élèves lassés , des concerts religieux et profanes peu scrupuleux , des réunions de partis non démocratiques ,des conférences ecclésiastiques interpellateurs détestées par le pouvoir, etc.

En contradiction flagrante avec la pauvreté de la Belgique où il y a plutôt risque de pauvreté qu'en Afrique subsaharienne, ici sévit un état d'extrême misère selon les critères reconnus des instruments internationaux, les pères de familles vivent avec moins d'un dollar le jour, soit moins de 30 dollars le mois.

Depuis 2006 les choses étaient entrain d'évoluer rapidement avec Pékin, la Chine, pays semi -colonisée comme nous ,et ça inquiète certains milieux occidentaux. La Chine a fait de la science la première force de production dont les résultats de tant d'efforts bénéficient aujourd'hui à l'Afrique et au monde de pauvres : nous sommes depuis 2006 en ce qui concerne l'argent chinois prêté ou donné à 10,7 milliard de dollars au Nigéria, à 10 milliards de dollars pour le Soudan, à 3,6 milliards de dollars en Afrique du Sud, à peu près 8,8 milliards de dollars pour la RDC, à 2,6 de milliards de dollars pour le Gabon, à 3 milliards de dollars pour l'Ethiopie, à 2,18 milliards de dollars pour le Mozambique, etc.121(*)

Si les tendances se maintenaient la solution à long terme devait aller dans le sens d'une stratégie d'accompagnement national de résolution de la question de la nourriture, et après essayer d'intégrer les espaces publics concrets à l'échelle africaine d'abord et à l'échelle mondiale après, pour faire entendre la voix de l'Afrique. La solution durable devait passer par l'appropriation de la science par les africains eux-mêmes et un droit de veto. Les premiers à faire entendre la voix des africains sont des savants africains pour déconstruire le potentiel actif des sciences néocoloniales des institutions internationales ?

Vers la revendication du Projet épistémologique africain

Repartons de la Modernité pour parler de la revendication épistémologique africaine, modernité qui est marquée par une structure particulière des événements survenus depuis le XV ème siècle européen, événements qui déterminent encore le cours du monde. Il s'agit notamment par la pensée analytique toute puissante et dualiste, par la découverte du nouveau monde, par l'amorce du commerce triangulaire ayant pour point de cristallisation l'essor de l'Amérique, par la naissance de la science expérimentale, par la naissance des Etats-nationaux européens avec l'absolutisme, et par la réforme protestante. Pour nous africains, nous sommes encore liés à ces événements par la colonialité, par la structure de la modernité qui est foncièrement liée à l'exploitation de l'homme par l'homme.122(*)

Au plan philosophique cette modernité occidentale, qu'en est-il au juste ? Elungu Pene Elungu rappelle qu'elle est une revendication de la centralité illusoire de l'Homme face à la Nature et surtout à l'Auteur de la Nature ; c'est un projet anthropocentrique. Ce projet est au centre de nos universités africaines, c'est une philosophie du Sujet, une philosophie de la Conscience, et un Projet d'absolutisation de l'homme sans l'Auteur de la Nature.

La réforme protestante est la dimension religieuse du projet qui saisit l'homme comme liberté de Conscience : l'homme doit devenir souverain et autonome, le guide de lui-même. Un homme veut donc sortir de la religion extérieure pour une religion intérieure.

Le XV ème siècle européen est non seulement marqué par la reforme protestante, mais aussi par la naissance des Etats-nationaux en Europe. La « modernité européenne » est aussi un projet politique qui s'accompagne de l'absolutisme et de l'impérialisme.

La dimension économique du projet est amorcée par l'essor du commerce triangulaire, l'amorce d'un processus d'accumulation des capitaux au moyen d'une expansion européenne grandiose qui aboutit au XIX ème siècle à l'industrialisation de l'Europe après une révolution agricole perverse au moyen de l'esclavagisme dans les champs de cannes à sucres en Amérique. C'est la découverte du nouveau monde.

Ainsi, l'expansion du système moderne se fait par l'esclavage et la colonisation. La colonisation arrache l' « Autre » de l'humanité de tout : l'africain, l'Indien et l'aborigène sont arrachés de leurs terres, de leur art, de leur langue, et de leur histoire. C'est un système libéral industrialisé d'un « macro- sujet » européen, d'une monade étatique aux allures amorales.

La modernité européenne voit la naissance des sciences expérimentales qui aboutissent par son modèle dominant de la physique-mathématique à la naissance des sciences sociales et humaines modernes au XIX ème siècle avec la sociologie et la linguistique comme sciences sociales et humaines pilotes. Ce sont des sciences des civilisés. Et l'anthropologie sociale prospère comme la science sociale - mère en même temps que l'extermination de l'homme avance irrémédiablement.

La crise de la modernité occidentale et les revendications épistémologiques

Le Projet moderne entre gravement en crise dès l'aube du XX ème siècle, il se solde par de longues et de grandes guerres. La crise financière actuelle n'en est qu'une lointaine crise. Viendra par la suite la période des revendications occidentales d'un Ordre nouveau qui passe par l'exigence de la redéfinition d'une vision de l'homme respectueuse de ses droits l'Homme et la naissance de la Société des Nations puis de l'Organisation des Nations Unies comme expressions de cette revendication.

Cependant, les droits de l'Homme ne concernent que l'Occident, ils s'opposent curieusement au droit à la différence des peuples du tiers monde, le marché s'oppose à la culture exotique, l'homme abstrait s'oppose au travail concret.

La revendication épistémologique ,en Europe déjà, d'un nouvel Ordre fait naitre des sciences dites nouvelles avec le projet décrit par des contemporains occidentaux comme Herbert Simon, Edgar Morin, Jean Piaget, Wiener... contre le paradigme dominant.

Dans le tiers-monde, en Afrique noire en particulier les revendications politiques passent par la réclamation des indépendances politiques123(*) bien sûr, et l'amorce en philosophie de la définition d'une nouvelle vision de l'homme et de la société fondée sur le tempelsianisme au départ du Congo-Kinshasa, ce qui fut vécu autour des années 1945 comme une véritable onde de choc, en même temps que le senghorisme qui se battait contre sa soeur , l'anthropologie de Cheick Anta Diop dans la plupart des pays africains ex-colonies françaises. La négritude est perçue comme une véritable célébration esthétique d'une hyper- modernité africaine qui s'enracine au point de départ des Etats Unis d'Amérique avec les noirs de là.

Dans la foulée le projet épistémologique d'Yve Valentin Mudimbe est sémiotique, on s'en doute, il cherche le Signe, la métaphore, et l'image sous lesquels il faut renouveler la science africaine, l'homme africain, sa culture et sa société. C'est dans cette foulée justement qu'aujourd'hui nous rappelons le Signe africain, le signe oublié de « scarabée » qui est à la base d'une vision naturaliste de la science, on peut pour cela penser à la philosophie non anthropocentrique de procès de Whitehead, du monde comme organisme vivant. Une jonction épistémologique avec la force vitale de Placide Tempels offre à cette posture un schéma de pensée qui renouvelle l'édifice scientifique universel. C'est le projet de recherche de « métaphores » de modélisation pour la rénovation scientifique. Lucien Sfez, par exemple, met en question l'ambition déclarée des sciences nouvelles (sciences informatiques, science de la décision, science de gestion, sciences de la communication, etc.) de résoudre tous nos problèmes par la communication sur quoi jure un Jürgen Habermas : bonheur, égalité, etc. Et propose de recourir aussi au choix des « métaphores » puissantes pour construire des nouveaux modèles.

La pensée nouvelle cherche à restituer le contexte de l'action rationnelle et le schème de la logique pratique. Avec ce projet fini le vieux clivage entre science de la nature et science de la société. On pense aussi bien la Nature que l'artificiel et le design. Un projet épistémologique bien plus ancien. « Jean Piaget (1967) dans une réflexion d'une exceptionnelle richesse, « classification des sciences et principaux courants épistémologiques contemporains », a proposé un recensement qui constitue encore aujourd'hui une base de départ indispensable et probablement complète, des (courants qui sourdent au sein des civilisations orientales, amérindiennes ou africaines, mais il ne semble pas, dit-il, que nous soyons beaucoup mieux armés quinze ans plus tard) ».124(*)

CHAPITRE TROISIÈME :

L'ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU DROIT ET DES FAITS SOCIAUX JURIDIQUES

Quelques problèmes de sciences juridiques en Afrique et dans le monde

Nous partons de l'intégration encore difficile en Afrique du droit positif et de droits fondamentaux dans la transformation du droit coutumier en Afrique post- coloniale et de la mondialisation juridique. Le droit congolais par exemple, reste marqué par le dualisme, entre deux droits judiciaires, deux droits de la famille, l'un écrit et l'autre coutumier.

Cette situation est probablement dû au fait, ici nous recourons à Karl Marx, que la transposition des rapports sociaux de production (droit positif de la famille juridique romano-germanique qui se greffe sur nos droits civils coutumiers à prédominance matrilinéaire ) d'une formation sociale étrangère qu'est l'Europe ,ont été plaqués par le colonisateur , comme de greffons sur une formation sociale située encore au niveau ou au stade de production préindustrielle comme c'est le cas du Congo. Ceci ne peut fonctionner correctement en dépit du fait qu'une commission de reforme et d'unification fut instituée (loi n° 71 /02 du 5 juin 1971), et bien d'autres commissions de réforme par la suite.

Des réformes ont été opérées dans ce sens en droit de la famille et en droit foncier (le droit traditionnel congolais est fondé sur le droit de dynasties du sang). Nous allons développer cette hypothèse avec l'ethnologie juridique au Congo. Aux problèmes internes, il faut ajouter le fait que la RD Congo est engagée dans la mondialisation juridique, notamment dans l'organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique(OHADA). Cette évolution, de façon générale, constitue le contexte dans lequel les scientifiques juristes constatant le changement des faits bricolent de les rapportent à des normes. 

Les faits sont des  représentations implicites qui expriment la théorie sociale. Les représentations langagières ou mentales sont de constructions sociales et historiques et non des reflets des situations. D'où l'intérêt pour nous à examiner ce que nous entendons par les expériences sociales juridiques de peuples ou « réalité sociale juridiques» et le changement de contextes.

Quelques mutations sociales de la réalité juridique 

Un changement social du droit de la nature (idéologie du modèle juridique libéral) s'est produit, depuis le XIX siècle en Europe. La superposition et le remplacement, dans le droit privé, du modèle juridique libéral par celui de l'Etat providence sous la prémisse de la séparation de l'Etat et de la société. Après la seconde guerre mondiale, lorsque ce processus (ajouter à cela l'intégration des droits fondamentaux dans l'élaboration de droit public, i.e. constitutionnel) fut accéléré, même les lamentations sur la désintégration de l'ordre juridique et les définitions proposées dans l'urgence ne suffisent point pour classer les nouvelles situations juridiques dans les catégories traditionnelles.

Aujourd'hui, la contestation fondamentale et violente sur les valeurs applicables à la vie sociale qui marque notre époque ne parait plus pouvoir être arbitré par un droit construit dans les perspectives du positivisme juridique. La gravité de l'échec du jusnaturalis (droits humains) tient aussi aujourd'hui à son incapacité de fonder solidement le droit international devant l'intensification des relations internationales et l'inexistence de la solidarité internationale, l'appui qu'il a accordé au volontarisme étatique et à la signification outrancière de l'idée de souveraineté.

Le formalisme dont le Droit est empreint est loin d'avoir perdu de ses vertus et on aurait grand tort de le mépriser. Mais il est désormais tragiquement insuffisant. C'est à grand peine qu'il parvient à préserver l'Etat de droit là où les valeurs traditionnelles continuent à être respectées. Partout ailleurs, il n'en sauve que les apparences - et non pas toujours.

A cela s'ajoute le fait que les bouleversements nationaux et leurs relations réciproques ne trouvent pas leur explication dans la doctrine positiviste, fondée sur les principes de hiérarchie et de continuité. Comment dès lors, ne pas s'interroger sur la valeur de ces principes et les limites de la théorie qui s'y appuie ?125(*)

L'expansion européenne et le changement de droit

L'expansion européenne va ruiner la conception de civitas maxima  en tant que croyance en un ordre universel agissant pour le plus grand bien des hommes, qui prévalait à la fin du XVIIe siècle. L'expansion outre-mer des « Etats » européens précipita la désagrégation du Saint Empire romain. Cela va exiger de nouvelles réflexions sur le droit ; ce qui fera que plus tard les « contractualistes » et le droit naturel soient des doctrines qui se trouveront au centre de grands débats.

Deux facteurs principaux président à cette évolution : primo il y a l'évolution de la forme de l'Etat (de l'Empire aux Etats-nations en Europe) ; cette évolution a conféré aux autorités politiques (ou politico-religieuses selon le cas) un certain nombre des prérogatives. Secundo, il y a la dualité de traitement et des statuts des sujets de droit qui étaient supposés attribués aux populations sous leur juridiction (le jus civile pour les romains et le jus gentium, destinée à servir entre non -Romains ou entre les Civis romani et le reste).

La constitution du Saint Empire romain est entrée en désuétude en même temps que ses Maîtres penseurs. La Somme théologique de Saint Thomas d'Aquin, qui théorisait le double glaive, le droit canon et le droit temporel a été mise en difficulté avec le droit de gens (jus gentium) qui était buté à des questions liées à la gestion des infidèles d'outre-mer. Ainsi « dans son apologie de l'occupation espagnole de nouveaux territoires, Vitoria, abordant la répartition des pouvoirs et les droits des souverains, en eut appelé à un concept de jus gentium - qui, pour lui, était déjà un jus inter gentes et même un jus inter omnes gentes. Par ce concept, englobant la societas humana d'une manière que Gentilis (un auteur) allait bientôt soutenir, il se força de soutenir les revendications de l'Espagne à l'égard du Nouveau Monde, indépendamment de la volonté du Pape.»126(*)

Devant ces tas de questions pratiques aussi bien le positivisme juridique que le droit naturel ont apporté des solutions originales non sans difficultés. « Le positivisme juridique, tel que le dit Michel Virally, a permis l'essor, au XIXè siècle et au début du XXè siècle, du régime libéral dont bénéficient aujourd'hui encore les démocraties occidentales. Les théories positivistes ont excellemment servi les progrès de l'« Etat de droit », c'est-à-dire la subordination des autorités publiques à des règles protectrices des intérêts individuels. D'abord en facilitant la laïcisation du droit et la désacralisation du principe dynastique. Ensuite et surtout en systématisant la hiérarchie des normes juridiques, ce qui convenait admirablement à un mouvement s'efforçant de lier les gouvernants par une constitution de démocratiser le pouvoir législatif et de subordonner juges et administrateurs à la loi.

Le rôle du positivisme juridique a surtout été d'engranger le formidable capital des valeurs issues de la Révolution française et dont le dynamisme a fini par triompher de toutes les résistances.127(*) Le droit naturel est venu à la rescousse pour définir le statut de ces sujets de droit autres que les citoyens du Saint Empire romain.

En fait, une des questions qui ont été à la base du changement des croyances européennes dominantes dans le saint Empire romain selon Manfred Lachs est la suivante : Etait -il juste, de combattre les infidèles ? Au point de départ, il y a la Cité universelle ou «  une civitas maxima à laquelle saint Thomas croyait, et elle était soumise à l'autorité du pape et de l'empereur, chacun étant muni d'un des « glaives » du Christ, le spirituel et le temporel ».128(*) Sa double tutelle séculière et ecclésiale gérait un monde supposé total et a décidé d'octroyer à ces divers peuples étrangers la reconnaissance juridique en tant que sujets de droit à travers la théorie du droit naturel.

Les trois dimensions constitutives du droit

Nous commençons par la dimension naturaliste du droit. Il nous faut donner une vue d'ensemble en planchant sur les trois dimensions constitutives du droit, du point de vue de la théorie générale du droit ou de la philosophie du droit.

Nous pouvons dire qu'un des enjeux de la philosophie du droit depuis cinq siècles reste l'avancement de la théorie du droit naturel depuis le XVII e siècle qui a été gravement arrêté par le positivisme et l'historicisme.

Dans l'ordre des normes, le paradigme admet que le droit positif est nécessaire pour réaliser le droit naturel. Mais ce droit est composé des normes. D'où la nécessité de connaître la spécificité des normes en tentant de répondre à la question suivante : « Quelle est l'autorité qui gouverne les normes ? ». La contribution de la tradition analytique se fait spécialement par l'entremise de Hart. Pour lui la spécificité des normes se trouve dans la structure d'ensemble du système juridique.

Dans l'ordre de fait, la tradition analytique est exploitée sous forme de thématisation par John Searle avec l'hypothèse de « fait institutionnel », destiné à combler l'hiatus de la tradition humienne (entre le is et le ought) avec une ontologie. Le fait institutionnel est un fait dont l'existence présuppose les systèmes des règles constitutives qu'on nomme institutions. En effet, les normes juridiques créent la réalité avec l'idée des faits institutionnels.

Dans l'ordre des valeurs enfin pour le jusnaturalisme, une grande question est au centre du problème : par où passe la réalisation de la justice et de l'ordre juste, étant donné que le droit naturel veut se confondre à la notion de justice ? Il y a certes une réponse avec des nuances multiples liées : aux rapports entre individus, entre individus et groupes, à l'organisation de groupe (Cité, Etat), au rapport entre la philosophie du droit elle-même et la philosophie politique. C'est la toile de fond de notre discussion ici.

Brève historique théorique du droit moderne à la suite de Jürgen Habermas

Le jusnaturalisme qui s'est développé dans les milieux protestants est une sorte de code supra-positif dont l'expression la plus visible est dans les Déclarations des droits de l'homme. Les droits de l'homme sont les droits du chrétien qui exige de l'Etat les différentes formes de liberté nécessaire pour assumer sans Etat la responsabilité de son destin. La vie meilleure provient de la Grâce, l'individu qui est orienté vers sa destinée surnaturelle transcende les compétences de l'Etat. Il n'attend de l'Etat que la liberté de diriger sa vie en fonction de ses fins suprêmes. Contre la nécessité de l'institutionnalisation de la Religion (catholicisme médiéval), la Reforme exige la re-individualisation du christianisme.

L'histoire du droit moderne s'enracine dans les idées aussi bien morales que politiques. Sa conceptualisation aujourd'hui doit répondre de l'expérience contemporaine, de processus de la mondialisation par exemple.

Au cours des trois siècles passés selon Jürgen Habermas, le statut de la catégorie du droit a varié dans l'analyse de l'Etat et de la société, au gré des conjonctures scientifiques. De Hobbes à Hegel, le droit naturel moderne s'est servi de cette catégorie comme d'une clé médiatrice de tous les rapports sociaux. La société juste semblait devoir être instituée suivant un programme juridique rationnel. Plusieurs éminents auteurs seront à la base de ce changement, notamment à travers la théorie de l'économie politique et des lois économiques.

En effet, à la suite d'Adam Smith et de David Ricardo, on voit se développer une économie politique comme une sphère sociale, dominée par des lois anonymes de la circulation des marchandises et du travail social. La société civile est dominée par des lois anonymes de la circulation des marchandises et du travail social, où les individus sont privés de liberté réelle. Karl Marx retient de tout cela, après que Hegel ait tiré cette même leçon, la privation de la liberté et le fait que la société est fondée sur les échanges, tout en maintenant paradoxalement le concept classique de la société comme une totalité.

De ce modèle systémique fondé sur l'échange, on oppose le modèle issu du structuralisme génétique d'une société décentrée, éclatée en de nombreux systèmes et fonctionnellement différenciée.

Plusieurs critiques sont évoquées contre la théorie du droit, dans une perspective systémique : la différenciation du droit au cours de l'évolution peut se comprendre comme une autonomisation qui finit par conférer au droit devenu positif l'indépendance d'un système (juridique) autopoïetique autoréférentiel. Devenu autonome, le système juridique n'a plus de relations d'échange directes avec les environnements qu'il rencontre à l'intérieur de la société et n'exerce plus sur eux d'effet régulateur. Toute fonction de régulation à l'échelle de la société dans son ensemble lui est interdite. D'où l'émergence des mécanismes économiques : C'est alors le mécanisme du marché, découvert et analysé par l'économie politique, qui prend les commandes, y compris dans la théorie sociale.

En effet, l'analyse économique de la société civile, issue de la philosophie morale écossaise, a profondément ébranlé la tradition du droit rationnel. La tradition (avec Rousseau et Hobbes comme ténors) place la catégorie du droit au centre de la théorie de la société. Les contractualistes des temps modernes en général, sauf Locke, Kant, et Thomas Paine, ont défini l'état de nature en termes d'une théorie du pouvoir (du droit rationnel) et non de l'analyse économique.

L'anatomie de la société bourgeoise, appréhendée par le biais des concepts de l'économie politique, produit un effet démystificateur ; selon cette critique, l'ossature qui assure la cohésion de l'organisme social est constituée non par des rapports juridiques mais par les rapports de production comme infrastructure. Le droit remplacé par l'analyse économique ne joue plus dès lors un rôle central dans la théorie sociale. Il y a changement de perspective et de paradigme.

Décrit en tant que système autopoïetique, ce Droit marginalisé ne peut réagir qu'à des problèmes qui lui sont propres, tout au plus occasionnés par des influences extérieures. C'est pourquoi il ne peut percevoir ni traiter les problèmes qui pèsent sur le système social dans son ensemble. En même temps, sa structure autopoïetique l'oblige à réaliser toutes ses opérations à partir des ressources qu'il a lui-même à produire.

La position du droit et son importance seront problématisées. Ramené à un système autopoïetique, le droit vu sous l'angle distanciant de la sociologie, est dépouillé de toute connotation normative, en dernière instance relative à l'auto- organisation d'une communauté juridique. De la sorte, le droit n'a pu jouer de tout temps un rôle central dans la théorie sociale, il a été supplanté par le paradigme qui met l'analyse économique au centre de la théorie sociale. Il y avait eu en ce sens changement de perspective et de paradigme. Pourtant, à penser à la crise de la modernité qui se manifeste aujourd'hui dans la crise du capital, le salariat devait en subir le coup et le droit privé subséquent.

Introduction à l'histoire du droit : problématique de l'émergence du droit

Nous partons ici de la question suivante à la suite de Jürgen Habermas, l'auteur que nous allons résumer à grands traits : Comment surgissent le pouvoir politique et le droit sanctionné par l'Etat à partir d'un ordre primitif ?

La constitution co-originaire du droit étatique et du pouvoir politique part de la situation selon laquelle (c'est l'hypothèse ) « un chef qui, au départ, ne dispose que de son prestige et d'un pouvoir social factuellement reconnu, peut concentrer sur lui les fonctions, jusque-là dispersées, du règlement des conflits ; il le fait en se chargeant de la gestion des biens sacrés et en se faisant l'interprète exclusif des normes de la communauté, pour autant que celles-ci sont porteuses d'une force d'obligation morale ».129(*) Le pouvoir factuel se change maintenant en pouvoir légitime. Cette situation est similaire à celle de tout Pharaon-dieu.

Le droit sacré pré -étatique, lié aux moeurs et à la morale, confère en effet autorité à la position de son interprète qualifié. A la longue, le droit sacré doit changer de forme parce que la pratique du règlement des confits est fondée sur des normes ayant l'obligation morale. Le droit est dès lors sanctionné par le souverain primaire. Deux pôles se forment : l'autorisation du pouvoir par un droit sacré, et la sanction apportée au droit par le pouvoir social. Lorsque la légitimation sacrée et religieuse par la rationalisation sociale s'est effondrée, la convention l'a remplacé.

D'un point de vue communicationnel, dans les institutions des sociétés tribales, les comportements sont définis par des cérémonies et les rites, les restrictions de la libre expression mettent la valeur de l'autorité à l'abri de toute problématisation possible. En revanche, la libre expression recèle un potentiel de rationalité qui imprègne toute la société et problématise des sociétés traditionnelles.130(*)

A mesure qu'ils sont désenchantés dans le processus de l'évolution sociale, les ensembles de convictions fondées sur le sacré se décomposent selon les critères de validité différenciés. Ceci veut dire que le processus de différenciation sociale entraîne une multiplication des tâches, des rôles sociaux et des intérêts fonctionnellement spécialisés, si bien que l'activité communicationnelle quitte les engagements institutionnels étroitement définis pour entrer dans des marges d'option élargies, libérant et en même temps exigeant dans des domaines de plus en plus larges un type d'action fondé sur l'intérêt et le succès individuel. Ce processus illustre le passage d'une forme de vie traditionnelle fondé sur le sacré vers l'individualisme moderne sous l'effet de rationalisation continue de toutes les sphères de vie.

Sur l'arrière-plan de visions religieuses du monde reconnues par tous, le droit a d'abord disposé d'un fondement sacré ; en règle générale géré et interprété par des juristes théologiques, ce droit était largement accepté en tant que composante réifiée soit d'un ordre divin du salut soit d'un ordre naturel du monde, étant en tant que tel soustrait au pouvoir humain. Dans sa qualité de seigneur justicier suprême, celui qui détenait les positions de la domination politique étant lui aussi subordonné à ce droit naturel.

Le droit « positif » au sens prémoderne, bureaucratiquement édicté par le prince, fondait son autorité soit sur la légitimité de ce même prince (par l'intermédiaire de sa compétence de juge), soit sur son interprétation d'un ordre juridique préalablement donné, soit encore sur la coutume ; le droit coutumier étant de son côté garanti par l'autorité de la tradition. Or, avec le passage à la modernité , lorsque perdant sa force d'obligation, la vision religieuse du monde se désintégra pour donner naissance à la puissance des croyances subjectives et pour priver ainsi le droit à la fois de sa dignité et de sa non-instrumentalité métaphysique, cette constellation dut changer de fond en comble.

Toutefois les institutions juridiques se distinguent des ordres institutionnels primitifs par leur rationalité comparativement plus élevée ;car elles incarnent un système de savoir ayant la forme d'une doctrine élaborée, autrement dit un système de savoir articulé, élevé à un niveau scientifique et lié à une morale fondée sur des principes. Ce sont des aspects internes du passage du droit traditionnel à une justification rationnelle, et à un statut positif.

Un droit devenu conventionnel se sépara alors de la morale rationnelle du type postconventionnel , si bien qu'il dépendait désormais de décisions d'un Législateur politique capable de programmer à la fois la justice et l'Administration. La constitution de la forme du droit devint nécessaire pour compenser les déficits qui apparaissent avec le déclin de la morale sociale traditionnelle. Le droit né de l'abandon de la violence, le droit a pour fonction de canaliser une violence identifiée au pouvoir.

Les faits juridiques et les paradigmes juridiques

Un paradigme du droit pour Jürgen Habermas est justement identifié à la conception implicite qu'on a de la société. Tous les acteurs impliqués doivent se faire une idée de la manière dont le contenu normatif peut être efficacement mis à profit dans l'horizon des structures sociales et des tendances de développement en présence. Les paradigmes du droit doivent en principe déterminer la conscience de tous les acteurs, celle des citoyens et celles des usagers tout autant que celle du Législateur, de la justice et de l'Administration.

La « construction sociale de la réalité » est sous-jacente, dans le discours juridique, aux jugements de fait, c'est-à-dire à la description et à l'évaluation des processus factuels et des modes de fonctionnement des systèmes d'actions sociales. Nous pouvons dire en termes de Talcott Parsons que c'est l'environnement symbolique et culturel qui propose des buts à atteindre et des moyens appropriés, établit les limites à l'action permise et des propriétés, suggère des choix. La fonction symbolique a priori dans l'action sociale est justement de médiatiser les règles de conduite, les normes, les valeurs culturelles qui servent à guider l'action dans l'organisation de l'action.

En fait, les « faits » ou la réalité sociale sont des attentes et des motivations de comportement qui se rapportent les unes aux autres, des interactions humaines, des petites particules dans le grand flux des processus sociaux enchevêtrés. Ces « faits » ne sont pas ces processus eux mêmes, mais l'idée de ces processus. C'est -à- dire, la perception par exemple de (sa structure socio-économique, des modèles d'interaction sociale, des fins morales et des idéologies), des acteurs sociaux (de leurs caractères, de leur comportement et de leur capacité), et des accidents (de leurs causes, de leur ampleur et de leur coût !).

Mais ce système peut aussi s'effondrer. On peut dire que cet effondrement du système juridique , comme l'effondrement de l'acceptation collective de cette réalité sociale, pourrait bien être une crise de confiance collective due à la dislocation du couple salariat /capital, contrat / capital. Ce couple est à la base du développement du droit privé dont la désintégration va appeler l'Etat providence. Un tel système déficient amène à la défaillance de la confiance collective.

En effet, pour Benoit Frudman , « les juristes (ont toujours découvert) non sans inquiétude que l'idée qu'ils se faisaient de leur objet , pour dire vite un ordre juridique national et hiérarchisé , reposant sur la loi, ne permet plus de rendre compte de manière satisfaisante des réalités auxquelles ils sont confrontés et d'apporter des solutions aux problèmes nouveaux que leur pose la pratique ».131(*)

Habermas confirme ces propos en présentant la crise du droit comme double : il s'agit du fait que la loi parlementaire perd de sa force d'obligation et que le principe de séparation des pouvoirs est mis en péril.132(*) Comme réponse, Jürgen Habermas ne restreint pas l'espace public à l'enceinte du Parlement, il propose  la restauration de l'espace public par le respect des conditions d'une discussion gouvernée par "la situation idéale de parole" qui semble essentiel afin de revitaliser les débats parlementaires qui, le plus souvent, restent rivés entre majorité et opposition. D'ailleurs, comment réveiller la conscience citoyenne et mobiliser les acteurs sociaux à s'engager dans le processus démocratique alors même que les assemblées du Peuple se caractérisent par une absence, voire une désertion de plus en plus flagrante de leurs représentants? Même si le Parlement ne représente qu'une strate de l'espace public, il n'en est pas pour autant le lieu le moins important du point de vue de l'effet des décisions qui y sont prises.

Il y a eu l'affaiblissement du législatif devant la prééminence de l'exécutif lors du développement de l'Etat providence, et l'extension du pouvoir judiciaire lors de la crise de ce dernier constituant les principales transformations au niveau de l'évolution de la nature de l'Etat de droit. D'où la question suivante : n'est-il pas dangereux d'observer une délégation de responsabilités croissante laissée aux juges quant à l'interprétation de textes de plus en plus complexes et nombreux, une absence remarquée du législatif et un renforcement de la technocratie ?

L'épistémologie , spécialement l'ontologie juridique vise justement une prise directe du droit sur la réalité sociale actuelle en « intégrant à la norme juridique d'autres normes, (on enrichit) le droit d'une prise directe sur les réalités vivantes du milieu professionnel ou social. La norme juridique ainsi enrichie prend pied dans la réalité sociale évitant (...) la clôture des systèmes juridiques sur eux-mêmes ».133(*)

Quelle est la nature des faits sociaux juridiques ? Nous allons emprunter la réponse Samuel Jerry : « En tant que faits sociaux, les règles juridiques n'ont pas l'existence propre indépendamment de la signification que les individus leur octroient ».134(*) Ici, les faits sociaux juridiques dépendent d'un a priori qui est humain. Cette assertion peut être explicitée comme suite : les règles de droit « sont avant tout des règles mentaux, de contenus de pensées, d'intentionnalité et des croyances individuelles ».135(*)

Cette entrée théorique qui s'opère par la question de signification à octroyer aux faits sociaux juridiques rétablit les liens, non continuels avec Durkheim, entre la société et l'individu.  Les « caractères subjectifs des faits sociaux sont, pour reprendre l'expression de Robert Nadeau, constitués causalement par les croyances et les opinions des gens. Dans les sciences sociales les choses sont ce que les individus pensent qu'elles sont. La monnaie est la monnaie, un mot est un mot. (...) Si et parce que les individus le croient ».136(*)

A propos, allons plus en détails pour signaler que « Hayek opère une distinction entre deux sortes d'idées ou d'opinions : les idées constitutives (ou opinions constituantes) et les idées explicatives (ou vues spéculatives) : celles qui `font partie de leur objet' et celles qui sont ` idées sur cet objet' ».137(*)Il y a « là des idées qui sont réellement constitutives des faits sociaux des autres idées théoriques ».138(*) Cette distinction sera reprise par John Searle.

L'effort qui est poursuivi est l'analyse précisément des faits sociaux en tant qu'ils se distinguent des faits tout simplement physiques. « La plupart des objets de l'action humaine ou sociale sont distincts des « faits objectifs » au sens précis et étroit où ce terme est utilisé par les sciences(...) et ne peuvent être définis en termes physiques. »139(*) Friedrich Hayek insiste donc sur la distinction à établir « entre les sciences de la nature et l'étude (sociale) du langage ou du marché, du droit et de la plupart des autres institutions humaines. Ces faits sont une catégorie particulière des faits car ils sont subjectifs ».140(*)

La dimension significative est centrale dans la démarcation : «  les croyances partagées sont non seulement une condition du fait social mais sa cause. Renoncer à mettre au centre du social l'intentionnalité des agents et leurs croyances subjectives serait alors renoncer aux sciences sociales tout court. On ne verrait plus dans la monnaie par exemple que des « disques ronds de métal ».141(*) Ainsi, « depuis le tournant des années 1960 la théorie générale de droit a été marquée parce que l'on a appelé le tournant herméneutique ».142(*)

Cette idée qui se rapporte à la loi comme fait social est corroborée également par Jules Coleman : « la loi est (...) à comprendre comme un fait social (social fact thesis), écrit Marc Maesschalck, qui incorpore ou inclut une pratique collective de reconnaissance constitutive du système juridique lui-même et de notre compréhension de la règle de droit ».143(*) Ceci participe de la révolution pragmatiste en théorie du droit aujourd'hui et suppose le double dépassement des paradigmes juridique du positivisme juridique et de position herméneutique tel que nous l'explique Marc Maesschalck.

En effet, dit-il, notre conception philosophique actuelle de la loi se situe sur l'horizon d'une coupure épistémologique fondamentale entre positivisme et herméneutique héritée du XX e siècle. (Parce que), alors que le positivisme juridique visait à construire une théorie du droit autonome, fondée sur un concept d'usage des règles à même de réduire l'incertitude des habitudes et prédictions, l'herméneutique tendait à montrer le rôle primordial pour tout jugement interne au droit d'une référence aux standards de moralité de la communauté d'appartenance, c'est-dire d'une référence à un état déterminé des idéaux de régulation sociale du groupe concerné ».144(*)

Les deux positions se cristallisent dans la position herméneutique de Donald Dworkin et dans la position positiviste de Hart : « chez Dworkin (position herméneutique), la moralité individuelle du juge devient la garantie d'un système dont le principe réside dans l'intégrité de la référence à une « morale substantielle supposée homogène au groupe social et à un juge idéalisé capable d'en assumer une réinterprétation constante »145(*), le juge Hercule. «  Chez Hart (position positiviste), l'existence d'un ordre juridique est garantie par la pratique convergente des officiels fondés sur le type de convention de coordination qu'ils adoptent entre eux pour maintenir la cohésion de leurs pratiques ».146(*) Ainsi, « là où Dworkin juge nécessaire l'exclusion d'une forme de coordination préalable des praticiens au profit d'un sens du devoir intériorisé par chaque patricien, Hart renvoie à une forme implicite de convention de coordination supposée garantir la convergence de l'action des praticiens ».147(*)

Finalement quel est l'enjeu du tournant pragmatiste que nous avons annoncé ? C'est, explique Marc Maesscchalck celui « de déterminer la structure normative du type de comportement auquel les différents acteurs concernés s'engagent dans la pratique d'un système juridique. Cette pratique collective, Jules Coleman propose d'en approcher l'unité référentielle à partir du modèle d'action coopérative partagée par Micheal Bratman. Rendre justice constitue une action fondée sur une règle de reconnaissance inhérente à la fonction d'officiel ».148(*) Ce qui fait que « la question de la normativité du droit se déplace alors de la cohérence formelle de son contenu sémantique vers son potentiel pragmatique de gouvernance comme institution sociale. Ce potentiel de gouvernance dépend d'un engagement collectif des acteurs concernés allant au-delà de l'adhésion à des objectifs conjoints : il s'agit de partager une responsabilité (mutuel responsiveness) à l'égard de la réalisation conjointe de ces objectifs, tant au niveau des moyens à mettre en oeuvre qu'au niveau du soutien éventuel à apporter au maintien des différents rôles à remplir (commitment to mutuel support) ».149(*) La loi acquiert une nouvelle mission, celle d'encadrement pédagogique où les vertus de négociation et de concertation doivent s'avérer nécessaires pour « rendre possible un processus d'apprentissage de nouveaux modes d'engagement des acteurs concernés à son égard. »150(*) D'où l'option de l'expérimentalisme démocratique où les compétences d'action collective de groupes eux-mêmes sont en jeu, soutient Marc Maesscchalck.151(*)

Marc Maescchack, au demeurant, présente les limites d'un tel système : « il suppose de la part des acteurs concernés un accroissement de l'intelligence collective ».152(*) C'est ici que nous proposons le récalibrage de tout le système avec des nouvelles formes des ressources, notamment le monde vécu.

Le concept de construction de droit Chez John Searle

A propos du Droit pragmatico - cognitiviste, Searle adopte la conception juspositiviste autour de sa théorie de fonction-statut. Les règles de droit civil par exemple sont conçues comme des règles constitutives ou le cas d'imposition des fonctions -statuts, c'est-à-dire construisant ce que c'est qu'être un citoyen, ou un propriétaire, ou un marié. La construction de la parenté par le droit ouvre des possibilités qui ne se justifieraient pas sans lui, par exemple le fait que des personnes qui ne peuvent pas concevoir d'enfant puissent cependant être pleinement parents.

Qu'en est-il de l'exemple de l'imposition de fonction -statut appliqué aux droits de l'homme ? « Les droits de l'homme comme ceux de l'animal sont des cas d'impositions de fonctions -statut par le biais d'une intentionnalité collective ».153(*) Le maintien collectif de fonctions -statut joue également ici un rôle prépondérant.  « Avant la période des Lumières en Europe, affirme Searle, le concept de droits ne s'appliquait que dans le cadre d'une structure institutionnelle -droits de propriété, droits maritaux, droit du seigneur, etc. Mais pour telle ou telle raison, on en vint à accepter collectivement l'idée qu'il ne pourrait y avoir de fonction -statut qu'en vertu du fait d'être un être humain, que le terme X était « humain » et le terme Y « détenteur de droits inaliénables ». Ce n'est pas un hasard si l'acceptation collective de ce mouvement a trouvé l'appui de l'idée d'autorité divine : « Ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables, parmi lesquels la Vie, la Liberté, et la poursuite du Bonheur. L'idée de droits de l'homme a survécu au déclin de la croyance religieuse, et s'est internationalisée. La déclaration d'Helsinki sur les Droits de l'homme est quelque chose à quoi on fait souvent appel, à des degrés d'efficacité divers, contre les régimes dictatoriaux ».154(*)

De même, « le pouvoir est issu d'organisation, c'est-à-dire d'arrangements systématiques de fonctions -statuts. (...) Et dans une telle organisation... le réel pouvoir se trouve entre les mains de celui qui est assis à un bureau et fait de bruits avec sa bouche et des marques sur le papier ».155(*) Les armes exigent « l'intentionnalité collective et des faits institutionnels ».156(*)

En ce qui concerne les gouvernements, ils «  ont leur origine dans une série de phénomènes biologiques primitifs, tels que la tendance qu'ont la plupart des groupes sociaux de primates à former des hiérarchies -statuts, la tendance qu'ont les animaux à accepter d'être sous la coupe d'autres animaux, et dans certains cas à accepter la pure et simple force physique que certains animaux peuvent exercer sur d'autres ».157(*) Nous voyons ici exprimée sa position réaliste. De l'origine biologique ,il s'en suit l'évolution sous forme de structures institutionnelles par l'intermédiaire de l'imposition de fonctions -statuts se superposant : «  des structures de citoyenneté, de droits et de responsabilité, de pouvoirs et de charges, d'élections et de mise en accusation, et d'autres méthodes de sélection et de renvoi des gouvernants ».158(*)

Bien entendu, cette structure itérative qui part des faits biologiques est  essentielle « pour comprendre la philosophie politique que le sont de nombreux autres traits dont on discute traditionnellement, comme le contrat social »159(*). L'application de la règle « X compte comme Y  dans un contexte C » comme assignation d'un nouveau statut nous fait comprendre par ailleurs en quoi, selon Rousseau, le citoyen ayant une existence politique et collective remplace l'individu biologique qui n'a qu'une existence individuelle et biologique.160(*)

En somme, « le statut Y peut être imposé (ou retiré) à plusieurs catégories ontologiques différentes de phénomènes : des gens (par exemple des présidents, des épouses, des prêtres, des professeurs) ; des objets (par exemple des phrases, des billets de cinq dollars, des certificats de naissance, de permis de conduire) ; et des événements (des élections, des noces, des soirées mondaines, des guerres) ».161(*)

Essai d'interdisciplinarité en droit et en politique

Le tournant pragmatique en Droit s'est invité par la crise régulatoire généralisée de la société due aux évolutions induisant des désajustements où les normes n'ont plus de prise sur la réalité sociale (Luzolo Bambi , le ministre de la justice au Congo en a appelé à un activiste judicaire désuet qui ne peut rien faire et qui ignore manifestement la complexité du problème) : la Cour Suprême s'est donnée pour mission depuis que ces problèmes se posent d'abord en Amérique , de certifier la cohésion interne de postulat de la reconnaissance par les autorités officielles du dialogue interinstitutionnel d'une cohérence éprouvée du système juridique dans son ensemble. Cette mission est-elle suffisante ? Ce que nous allons analyser.

Cette nouvelle légitimité fondée sur un ordre de droit administratif qui contrôle la cohérence du système juridique par ses prestataires à travers le fonctionnement des institutions devait recourir non seulement à la fondation normative d'un positivisme juridique à bout de souffre (Hans Kelsen) mais d'un tournant pratique qui tient compte non seulement de ce présupposé mentaliste et schématisme mais de la reconnaissance pratique des autorités officielles. « Il résulte donc (du) tournant néo-pragmatique en sciences sociales une exigence de dépassement des modèles délibératifs fixés sur les formes de participation intra-groupe, de manière à déterminer les formes d'apprentissage nécessaires à la production d'action collective dans des contextes de concurrence entre exo-groupes »162(*).

Le modèle d'Habermas est intra-groupe. Tout le processus vise aujourd'hui « de repenser clairement en termes de relations exo-groupes pour développer des approches cohérentes de l'action collective en ce qui concerne la construction de laconfiance, les règles d'engagement et le rôle de porte-parole »163(*). Ce tournant est mieux exprimé par la bisoïte de Marcel Tshiamalenga Ntumba qui insiste dans la ligne d'une pragmatique de groupe à groupe, il a proposé le fait que la discussion doit partir du groupe. Aller du groupe au groupe : il s'agit du primat des groupes. Nous partons d'un fait important d'application en Afrique, pour Tshiamalenga Ntumba : il faut partir du « nous », l'interaction entre « nous » et « nous ». Nous recourons à de l'hypothèse de Tshiamalenga pour tenter d'endiguer le phénomène de groupes urbains problématiques au niveau micro, qui passera par la transformation pratique des espaces publics dans le cadre macro de ce qu'on appelle l'expérimentalisme démocratique à la suite de Marc Maesschalck.

Les mutations institutionnelles actuelles

Produit de la centralisation monarchique et des révolutions modernes, l'Etat-Nation apparaît aujourd'hui bien mal adapté à l'intégration économique mondiale. Le contenu de l'autonomie républicaine, n'a pu s'affirmer que parce qu'il a trouvé son « assise » dans les sociétés ayant la structure d'Etat-Nation.164(*) Avec la tendance évolutive sous le nom de « mondialisation », les principes centraux de la démocratie libérale -l'autonomie politique, le peuple (le démos), la condition de « commun accord », la représentation et la souveraineté populaire deviennent incontestablement problématiques.165(*)Au regard plus précisément de l'alternative « souverainisme/fédéralisme ».

La mondialisation est un processus complexe qui se manifeste par « l'extension croissante et l'intensification au-delà des frontières nationales à la fois des transports, des communications et des échanges ».166(*) Autant dire que ce processus aboutit à la montée de la sphère économique souvent non régulée au détriment du politique (contre le respect des frontières Etatiques). « L'éviction de la politique par le marché se traduit donc par le fait que l'Etat national faible perd progressivement sa capacité de protéger ses frontières, à recouvrer des impôts, à stimuler la croissance et à assurer par là la base de sa légitimité. Car on sait que, lorsque les Etats « sont abandonnés à la régulation par le marché, de nombreuses infrastructures de la vie publique et privée sont menacées de destruction et de dépravation ».167(*) Ainsi la question de manque de prise de la « réalité sociale » est devenue une question centrale et sérieuse en sciences sociales.

Un tel processus affecte plusieurs secteurs de la vie, notamment l'Etat. Ce phénomène est planétaire ; des centres, il se répercute aux régions périphériques. « Il va de soi que cela ne concerne pas seulement le noyau central de l'Etat social, à savoir la politique de redistribution, bien qu'elle soit de première importance pour la vie des citoyens. De la politique en matière de l'emploi et de celle qui est menée en faveur de la jeunesse jusqu'à la protection de la nature et à l'urbanisme, en passant par les politiques en matière de santé, de famille et de l'éducation, la « politique sociale ».

Au sens large , la chose « s'étend à tout l'éventail des prestations fournies par les organisations et les services qui apportent des biens collectifs et contribuent à la mise en oeuvre de conditions de vie d'ordre social, naturel et culturel ;il s'agit de ce point de vue de préserver du déclin l'urbanité et, d'une façon générale ,l'espace public d'une société civilisée ».168(*) Finalement, « la cohésion des communautés nationales est mise à l'épreuve par la mondialisation. Les marchés mondiaux et la consommation de masse, les médias et le tourisme de masse assurent la diffusion mondiale - ou du moins la connaissance - des produits standardisés d'une culture de masse qui porte majoritairement l'empreinte des Etats -Unis ».169(*)

Où trouver les ressources face à une telle situation ? Pour Habermas, «  dans les sociétés complexes, ni la productivité d'une économie organisée en fonction du marché, ni la capacité de régulation de l'administration publique ne sont les ressources les plus rares. Les ressources qui demandent à être traitées avec ménagement sont avant tout celles de la nature, aujourd'hui au bord de l'épuisement, et de la solidarité sociale, en voie de désagrégation ». 170(*) La question de régulation est plus remédiable que celle des ressources naturelles et de la solidarité internationale.

Les droits fondamentaux, civiques et politiques, autorisent les citoyens démocratiquement unis à modifier par voie de législation leur propre statut. A longue échéance, seul un processus démocratique qui munit les citoyens de droits à la fois appropriés et équitablement répartis pourra être considéré comme légitime et engendrer la solidarité.

Il est aussi question des échanges à l'époque de la mondialisation. Au niveau de phénomène de la« globalisation des échanges », le problème réside précisément dans le fait qu'on veut faire comprendre (...) que les nations sont (...) exclues des échanges dont on parle.171(*)Ainsi, la mondialisation de l'ensemble des différents sous-systèmes et plus particulièrement, le système économique (l'impuissance à contrôler le marché en tant qu'instrument de régulation), le système politique (mutations d'échelle de la souveraineté172(*)) et celui des moyens de télécommunications (le développement impressionnant du réseau Internet par exemple) constitue-t-il également un des défis majeurs de gestion auquel le système social dans son ensemble est et sera confronté.

En conclusion, pris positivement, il y a donc :

1° Le changement structurel de la nature du travail dû à l'émergence du secteur d'activité fondé sur la science. Il faut déplorer l'oubli total de cet important secteur de la recherche scientifique en RD Congo. Ce qui caractérise aujourd'hui les sociétés post -industrielles, c'est la naissance d'un quatrième secteur d'activité fondée sur la science, hormis les trois secteurs traditionnels.173(*)

Ce secteur de la science dépend des flux d'informations nouvelles et, en dernière instance, de la recherche et de l'innovation. L'innovation dépend à son tour d'une « révolution de l'éducation », qui non seulement supprime l'analphabétisme, mais conduit à une extension drastique du système d'éducation secondaire et universitaire. A partir de cela, un pays comme la Corée a réussi à passer, en l'espace d'une génération, de la société préindustrielle à la société postindustrielle. Un tel processus a accéléré en général, la migration de la campagne, dépeuplée par la maigre productivité d'une agriculture mécanisée, à la ville. C'est une véritable rupture avec le passé.

2° Le développement démographique ou une croissance de la population, notamment grâce aux progrès de la médecine.

3° Finalement, l'appropriation du progrès scientifique et technique. « Les nouvelles matières plastiques et les nouvelles formes d'énergie, les nouvelles technologies industrielles, militaires et médicales, les nouveaux moyens de transport et de communication qui, au cours du XXe siècle, ont révolutionné à la fois l'économie, les rapports sociaux et les formes de vie, sont fondées sur les connaissances scientifiques et les développements techniques du passé ».174(*)

CHAPITRE QUATRIÈME :

LES PROBLÈMES DES SCIENCES ÉCONOMIQUES EN AFRIQUE

Le système capitalisme et l'Afrique

Dans le contexte précolonial et colonial, dans une visée plutôt empirique, trop peu d'études ont été menées justement selon Jean - Pierre Olivier de Sardan : « on doit souligner l'existence d'études ponctuels sur les paysanneries africaines,... qui ont eu le mérite de souligner l'existence de rationalités proprement économiques au sein des campagnes africaines. (...) Les rationalités paysannes, bien que différentes des postulats des « développeurs » ou du modèle de l'homo-oeconomicus des théories néo-liberales, n'en étaient pas moins des rationalités, et des rationalités proprement économiques, dont on pouvait rendre compte sans invoquer les fameux « blocages culturels » ou les interdits religieux ».175(*) Au Congo la paysannerie est organisé suite à l'élimination dramatique des noirs du fait des travaux forcés et des massacres , stratégie coloniale qui permet de régénérer la démographie tant soit peu jusqu'à la date de l'indépendance.

« Le structuralisme a donné à l'anthropologie française une forte impulsion et un écho international puissant dans les années 60. Mais la problématique `intellectualiste' propre à Lévi-Strauss et les thèmes sur lesquels il a impulsé les recherches (parenté, mythologie) n'ont guère incité à considérer avec beaucoup d'attention les mutations socio-économiques dont l'Afrique était à la même époque le théâtre.(...) c'est seulement « l'anthropologie marxiste africaniste (qui) a principalement porté sur les périodes précoloniales et coloniales ,et non sur les mutations contemporaines en cours. Le « développement » était même souvent conçu comme un objet indigne d'étude, (...) relevant purement et simplement d'une dynamique impérialiste depuis longtemps connue. »177(*)

En Afrique antique, selon Marx, le divorce du travail et des conditions du travail ne sont pas réalisées, l'agriculture et l'industrie domestique sont restées liées dans l'activité villageoise. La société à Mode de Production Asiatique, ne recèle pas assez de forces internes pour développer la contradiction fondamentale jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'à la dissolution de la propriété collective et l'apparition de la propriété privée individuelle du sol. Il appelle ça la contradiction fondamentale des sociétés M.P.A., le fait qu'une production « capitaliste d'Etat » se développe sur des bases communautaires caractérisées par l'appropriation collective de la terre. Pour Karl Marx plusieurs raisons justifient à propos l'immutabilité de l'Afrique antique et voit dans l'autarcie économique une des raisons de la stagnation de l'Afrique ou de l'Etat à Mode de Production Asiatique.

Pour Marx ,la condition de la production capitaliste réside dans le divorce entre travail et les conditions du travail ,il est nécessaire que les masses paysannes villageoises soient expropriées pour devenir des travailleurs aliénés ,ne possédant plus les moyens de production et n'ayant que leur force de travail à vendre ,soit au fermier campagnard, soit au chef d'entreprise des villes : cette main-d'oeuvre salariée est la condition nécessaire et suffisante pour que naisse et fonctionne le système capitaliste.178(*)

Autrement dit, on peut dire que « Marx a découvert dans le rapport salaire/capital le nouveau principe organisateur ».179(*)Du point de vue moderne « l'institution du salariat - (...) permet l'apparition d'une classe sociale de libres producteurs, dégagés des liens traditionnels définis par l'organisation féodale du travail et des corporations- (qui) devient le noyau d'un système de droit privé  qui ne s'est à vrai dire complètement développé qu'au XVII e siècle ».180(*)Jürgen Habermas fait justement valoir à la suite de Marx le fait que le couple salariat et capital, contrat et propriété sont à la base du développement du droit privé. Il ne met pas cependant en exergue la singularité de la modernité occidentale : « on parviendra à une explication plus complexe et, à mon sens dit Habermas, plus pertinente si l'on part de la thèse selon la quelle le potentiel universalisme n'a nullement été l'apanage des traditions Occidentales, mais déjà présent, comme on peut le montrer, dans toutes les conceptions du monde apparues, entre 880 et 300 av .J.-C, en Chine, en Inde, en Grèce et en Israël ».181(*) Notons que Habermas et Marx excluent ici l'Egypte antique.

Il nous semble pertinent de repartir de la théorie marxienne de mode production pour reconstruire le Congo et l'Afrique. Voici un excursus de thèses de Karl Marx reconduite de peu par Jürgen Habermas :

- Dans les premières grandes civilisations d'Egypte, de Mésopotamie, de la Chine ancienne, de l'inde ancienne et de l'Amérique précolombienne, la terre est propriété de l'Etat, administrée par la classe sacerdotale, l'armée et la bureaucratie, avec quelque résidus de propriété communale de village (c'est ce qu'on appelle mode de production asiatique ou africain).

- Dans les sociétés primitives, le travail et la distribution sont organisés grâce aux relations de parenté, il n'y a pas d'accès privé à la nature et aux moyens de production (c'est le mode de production du communisme primitif).

- En Grèce, à Rome et dans les autres sociétés méditerranéennes, le propriétaire privé de la terre a à la fois la position d'un maître despote régnant sur les esclaves et des journaliers dans le cadre d'une économie domestique et la position d'un citoyen libre dans la communauté politique de la ville ou de l'Etat (c'est le mode de production antique) ».182(*)

Nous émettons de ce qui précède des réserves pour une analyse qui n'intègre pas l'Afrique antique, mais privilégie le processus de la modernité occidentale incrustée dans les principes de salariat et le contrat et développement subséquent du système de droit privé.

Marx n'a pas analysé en profondeur la lutte bestiale d'élimination raciale à la base de l'esclavagisme et de la colonisation. Cette perspective est différente d'une exploitation de la lutte de classe. Ainsi, sommes-nous d'avis que « la compréhension des débats contemporains autour de la philosophie du droit (par exemple) suppose une double mise en perspective : d'une part, celle de l'histoire, en envoyant les lecteurs vers des problématiques antiques... (et ce terrain doit encore être défriché), d'autre part en tentant de dessiner assez précisément les contours des constructions théoriques multiples et souvent concurrentes du XXe siècle ».183(*) Les problématiques antiques doivent remonter jusqu'à tous les grands foyers de cultures. C'est-à-dire, mettre au clair des doctrines qui conditionnent en grande partie les débats contemporains. C'est une structure hétéronomique de l'histoire.

Bien sûr, cette approche invite à une discussion dans le cadre plus large d'une philosophie politique et juridique alors que les recherches en philosophie de droit de notre temps se rattachent à des approches bien nombreuses (le néo-pragmatisme, la phénoménologie, l'empirisme logique, les sciences humaines, la sémiotique ou la psychanalyse). Le prolongement des courants plutôt traditionnels avance aussi dans le sens des travaux sur des concepts employés pour déterminer le fond du droit, i.e .le concept de citoyenneté. Ces genres des concepts matériels étant susceptibles d'évolution à partir de certaines contraintes notamment technologiques, politique, économique (i.e. la mondialisation) ou de celles liés à la forme ou à la structure du droit, et de leurs présupposés philosophiques ; pour Marx le Droit fige les rapports de dominations.

Jean-Cassien Billier et Aglaé Maryoli , dans leur ouvrage intitulé Histoire de la philosophie du droit ,Armand Colin,/VUEF ,Paris,2001,commencent leur livre par un thème me semble -t-il important ,celui de la fondation problématique grecque de la raison, ipso facto de la raison juridique  : « L'enjeu d'une telle question a toujours été trop considérable pour admettre une réponse simple et univoque : il s'agit de rien de moins que de revendiquer une identité philosophique et politique de l'Europe face au reste du monde (chinois ,indien, musulman...(l'auteur n'a pas mis africain, nous ajoutons africain)),voire à l'exclusion du reste du monde ».184(*) Déjà plusieurs interprétations sont en jeu, de quelle Grèce s'agit-il ? « Il y a la Grèce de Heidegger, celle de Hannah Arendt, Leo Strauss, de Michel Foucault, etc., puis celle des Historiens, et, parmi eux, des historiens du droit ».185(*)

Contre l'économie conventionnelle

« Le renoncement systématique à un comportement intéressé, en faveur du devoir, de la loyauté et de la bonne volonté, joue un rôle considérable dans la réussite industrielle du (Japon)». Et même la prévalence du respect des règles au Japon s'observe non seulement en matière économique, mais aussi dans d'autres sphères de la vie sociale ; ainsi, il est rare de voir des détritus jetés sur la voie publique, les procès sont peu fréquents, les avocats sont étonnamment peu nombreux et le taux de criminalité est faible par rapport à des pays de niveau de vie comparable.186(*)

On peut dire à la suite de Ronald Dore qu'il aurait eu « la recette confucianiste de la réussite industrielle » comme dans la montée de la chine aussi. « La dichotomie traditionnelle entre « égoïsme » et « utilitarisme » ... est trompeuse à plusieurs égards, omettant notamment le fait que les groupes intermédiaires entre soi-même et tous les autres - la classe sociale, le quartier ou la catégorie professionnelle - constituent le point focal de nombreuses actions qui témoignent d'un comportement engagé. »187(*)

La question qui se pose est celle de savoir : comment inscrire la recherche économique dans une perspective intentionnaliste, parce que le temps, l'espace et la société sont pris tels qu'ils devaient être, et non pour ce qu'ils sont : complexes, particuliers, irréductibles, pavés de distorsions et d'incertitudes. Bref, relatifs. Ce sont des données « paramétrisées » à contenu vide. Les économistes critiques ont donc depuis exigé des reformes pour une science économique qui est restée « anhistorique » en tant que réalité sociale et humaine. La société est restée un lieu géométrique qui formalise des systèmes d'équations théoriques et non d'équation des systèmes réels :

- Temps : Instant Ti,

- Espace : position Pj,

- Société : Individualité Ik (agent économique) qui poursuit le « maximum d'utilités ».

L'économie conventionnelle tire son modèle de la physique mécanique, la macro et la micro économies se sont construites ipso facto sur le modèle de ces grandeurs qui sont des variables exprimant les rapports quantitatifs. Alors que comme le fait remarquer pertinemment Kabeya Tshikuku, Planck, Einstein, Bohr, Rutherford, Heisenberg et Helmholtz avaient ouvert le chemin vers une nouvelle connaissance de la continuité de l'Univers et des mutations de la matière, ainsi que vers une autre perspective de l'Univers.

« L'influence de la théorie du choix rationnel est grande sur les sciences de l'homme. Elle est au coeur de la pensée économique contemporaine, parce qu'elle articule les fondements de la micro-économie qui a pris le relais de la micro-économie keynésienne discréditée. Elle se propage en sociologie, notamment sous l'influence de Gary Becker et de James Coleman. Dors déjà, elle est solidement implantée en théorie des relations internationales et la méthode communément admise dans une myriade d'études sociales de tous niveaux. »188(*) D'un point de vue théorique, tout part de l'action : « une action est une suite coordonnée de mouvements visant à obtenir une transformation du monde. Elle a un but, une visée, un objectif : un état du monde à réaliser. Elle a un agent : l'individu. Un groupe peut certes agir collectivement (une armée, par exemple), mais il n'est que l'agrégation des actions individuelles. En fin, l'action rencontre des contraintes dans un environnement changeant. L'individu, face à ces contraintes partiellement inconnues ,est donc forcé de choisir entre les actions qui lui offrent qu'une satisfaction partielle.

Ainsi décrite de façon élémentaire, l'action peut être décomposée en trois composantes qui en forment pour ainsi dire la structure atomique. Il y a d'abord les préférences des individus. (...) Ces préférences induisent des plans d'action. Mais les plans d'actions rencontrent les contraintes de la situation. (...) ces contraintes, présentes et futures, qui conditionnement la réussite des plans des individus, leur sont données au travers de leurs croyances. Les croyances sont des représentations du monde. En fonction donc de ses préférences et de ses croyances à propos d'une situation contraignante, l'individu choisit un comportement censé réaliser « au mieux »ses préférences. Le comportement est ainsi expliqué par la relation qui unit les trois termes : préférences, croyances, espérance d'utilité (intérêt). Cette relation est susceptible de calcul.  Le calcul (donne ) : 1/ les préférences doivent être transitives ; 2/ les croyances doivent être objectives ; 3 / et la sélection du comportement doit être optimale. »189(*)

La théorie de choix rationnel est actionniste sui generis, elle est une théorie de l'intérêt personnel. L'action ici est animée par l'intérêt personnel. C'est une hypothèse de départ pour caractériser le comportement réel par la poursuite de l'intérêt personnel.190(*) Ici l'homme économique défendant ses propres intérêts, est une meilleure approximation du comportement des êtres humains.

C'est là une hypothèse classique en économie : « nous vivons dans un monde d'individus (les parties) raisonnables bien informés, défendant intelligemment leurs propres intérêts ».191(*) Et « lorsque nous prédisons « le résultat d'une mise à l'épreuve systématique et exhaustive du comportement, dans des situations de conflit entre intérêt personnel et des valeurs éthiques largement partagées. Assez souvent, et même le plus souvent, c'est la théorie de l'intérêt personnel (telle que l'interprète selon Smith) qui l'emporte. »192(*)

Dans une pragmatique formelle de Jürgen Habermas, la situation de la parole est un cadre qui nous permet de resituer l'ensemble des composantes de l'action stratégique comme sous ensemble de l'action communicationnelle.

On va le voir en ce qui concerne la critique de la théorie du choix pur, selon Amartia Sen les vérifications empiriques de ce type ont été jusqu'à maintenant très rare, que ce soit en matière économique ou dans des domaines tels que les relations conjugales ou le comportement religieux, en dépit d'analyse intéressante du point de vue de l'analyse conceptuelle de certaines théoriciens.» L'étude du comportement dans les domaines de couple, des enfants, de la criminalité, de la religion, et autres ne vérifient pas cette hypothèse.

Pour son dépassement, Kabeya Tshikuku193(*) emprunte les armes théoriques à l'analyse des Structures et Systèmes Economiques, (ASSE).194(*) Pour lui justement, les « postulats « classiques » (de la science économique), les concepts de « société », de « structure », et de « système » ne sont pas compatibles.»195(*) Il évoque plusieurs raisons  dont certaines d'entre elles sont ici présentées, notamment l'individualisme méthodologique : la grandeur « société » renvoie à l'individualité Ik (considéré comme agent économique poursuivant le « maximum d'utilités ». A propos, souligne-t-il, la science économique « ne veut voir dans l'activité fébrile des humains qu'une kyrielle d'entreprises individuelles, rationnellement égoïstes, à la recherche de maximum de profit. »196(*) Pour nous, c'est la théorie du choix rationnel qui s'empêtre dans le paradoxe de l'hyperrationnalité ou des idiots rationnels.197(*)

Amartian Sen pense que toutes les deux tendances de la disciple économique dépendent de la politique : « l'économie est en faite issue de deux origines, toutes deux liées à la politique, mais de manière différente : l'une s'intéresse à l' « Ethique », l'autre à ce que l'on pourrait appeler la « mécanique ».

Kabeya Tshikuku relève le défaut de «la profession néo- libérale, sacralisant le marché comme mécanisme de régulation et jetant l'anathème sur l'Etat (y compris pour les sociétés du globe, comme le Congo, où marché rime avec corruption et où l'on meurt de déficit d'Etat ! »198(*) Il relève également le fait que, c'est ici un des points focaux de son analyse la « représentation de l'univers social ignore tout discours sociologique et s'apparente à la Mécanique de l'horloge. »199(*) Il en appelle clairement à une approche multidisciplinaire.

Ce point de vue montre in fine la pertinente critique de l'individualisme méthodologique au moyen du structuralisme, du fonctionnalisme et de la systémique dont il fait aussi tour à tour un examen tout aussi critique. Il en appelle finalement sans coup férir au postulat de l'interdépendance de l'activité sociale. Toutes les sciences sociales se trouvent dans cette situation.

Tshikuku analyse et démasque de surcroit l'inadéquation de l'approche systémique ou cybernétique qui porte la théorie du choix rationnel , appliquée dans les modèles économiques par les Institutions de Breton Wood à travers le Programme d'Ajustement Structurel, comme exigence des références de rationalité extérieure. Nous pouvons dire qu'une telle rationalité se prolonge aujourd'hui dans le programme PPTE (pays pauvres très - endettés). C'est l'effet de «la cybernétique appliquée à des systèmes économiques extravertis, post- et néocoloniaux, dont les deux principes caractéristiques sont le divorce d'avec la demande sociale domestique et l'irréductible incohérence entre les structures internes ».200(*) La critique de Jürgen Habermas se ramène à la dénonciation des abstractions maladroites de l'approche structuro-fonctionnaliste et systémique.

Pour nous la question plus que pertinente posée par Kabeya Tshikuku, celle de l'interdisciplinarité et de reconstruction théorique est paradigmatique. Le cadre théorique nous resitue tous les éléments rélevants du comportement. Le savoir préthéorique, le savoir théorique, la croyance collective, la préférence, l'intérêt personnel et collectif, la situation de l'action communicationnelle, le thème de l'action, le sens subjectivement visé, etc.

Il faut analyser la théorie de l'action du comportement qui est motivé par des valeurs éthiques à la suite de Max Weber. Une telle « approche praxéologique a déjà été définit par Max Weber qui comprend l'activité sociale comme un comportement ayant un sens subjectif, c'est-à-dire guidé par un sens subjectivement visé qui le motive. Il ne peut être adéquatement appréhendé qu'en fonction des objectifs et des valeurs qui guident le sujet de l'action »201(*). Elle s'oppose à l'action motivée par l'intérêt personnel.

Les sciences sociales du développement

Comme le dit si bien Jean Pierre Olivier de Sardan, les sociologues et anthropologues, et autres spécialistes des sciences sociales ,les scientifiques et les chefs de projets ,les acteurs d'en haut et les acteurs d'en bas doivent s'apprécier et collaborer. Nous essayons de développer ici les liens étroits qui existent entre les théories en science sociale les plus avancées notamment le développement de la théorie de l'action jusqu'à leur vulgarisation au niveau de commun des mortels tels que repris à travers la rhétorique de développement et les projets inhérents.

Par exemple, l'expression « renforcement de capacité » que l'on entend sur beaucoup de lèvres est la version vulgarisée de concept hautement théorique de la compétence, de la notion de capacitation chez Amartia Sen. Le concept de « monde vécu » chez Habermas (la connaissance par expérience) a pris aussi la forme la plus populaire de « renforcement de capacité » dans les programmes de développement. Il est utilisé justement abondamment dans les projets de développement des Ong et autres projets bilatéraux aujourd'hui.

Nous essayons de montrer comment la théorie de la capacitation a été élaborée au niveau théorique par le paradigme constructiviste de la théorie de l'action.Une action est informée par une cognition vide : la foi, la croyance, l'intention, etc.

En effet, une approche nationale des programmes est conçue comme une approche pragmatique, étape par étape, de la capacité à construire une gestion de développement. La logique de l'action est interdisciplinaire, inter-institutionnelle et partenarialle. L'intérêt est qu'il est important de reconstruire conceptuellement son origine épistémologique, pour monter sa portée et sa valeur. Les sciences praxéologiques ou la théorie de l'action revoient à tout comportement humain ou à l'action humaine que l'on étudie comme activité intentionnelle ou comme un comportement simplement stimulé comme en behaviorisme. Le behaviorisme présente un comportement stimulé en restreignant le choix des hypothèses théoriques de base comme en éthologie. C'est un cadre restreint.

Nous pouvons étudier aujourd'hui, les sciences sociales sous trois grands paradigmes théoriques : le cadre catégoriel de l'action, la théorie du choix de rationnel et la théorie générale du comportement. L'approche actionniste intègre l'hypothèse intentionniste dans l'analyse du comportement.

En effet, l' « approche actionniste établit un cadre catégoriel, à l'intérieur duquel sont formulés des énoncés relatifs à l'activité intentionnelle »202(*). En fait, l'approche introduit l'individu et l'intentionnalité dans le modèle structuraliste ou fonctionnaliste. Justement l'individualisme méthodologique qui domine en théorie de choix rationnel a donné « la théorie de l'action ou la praxéologie (qui) désigne plutôt une armature catégoriale (Parsons, Merton, Shils et al.) qui a servi d'orientation générale pour la recherche sociale et qui, jusqu'à présent à des généralisations empiriques. »203(*)

Il faut préciser à la suite de Jürgen Habermas qu'« il existe aujourd'hui deux approches théoriques d'une analyse strictement empirique des processus sociaux : une science générale du comportement - qui s'est imposée dans l'éthologie et dans la psychologie sociale - et une théorie de l'action - qui prédomine en anthropologie culturelle et en sociologie. »204(*)La théorie de l'action est tombée dans des stratégies concrètes de gestion des sociétés et Etats. Comment le concept popularisé d' « acteur » issue de la théorie de l'action intègre la logique de programmes de développement des OMD (des objectifs du millénaire pour le développement) ?

En effet, les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) constituent un programme ambitieux de réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale. Les experts ont fait remarquer notamment l'inexistence d'aucun plan concret ad hoc pour les pays dits pauvres qui en appelaient à la mise en oeuvre d'une feuille de route qui prévoit :

- l'élaboration d'une stratégie nationale par chaque pays en voie de développement ;

- l'alignement du DSRP (Document de Stratégie pour la réduction de pauvreté) sur les OMD (objectifs du millénaire pour le développent) ;

- l'augmentation de l'Aide au développement ;

- l'ouverture des marchés des pays à revenu élevé aux profits des pays en voie de développement ;

- le financement de la recherche.

C'est le cas de la logique de l'action qui structure les Document de Stratégie pour la réduction de pauvreté, (DSCRP), outres les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et même le plan comme le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique , (NOPADA) qui a échoué. On peut dire que la logique de ces programmes est résiduelle.

Nous nous proposons de présenter la reconstruction historique et systématique de cette approche programme entre autre, la logique qui anime les programmes de DSCRP, de NEPAD qui a échoué, et de l' OMD tels qu'ils surgissent des théories de l'action, des théories de l'habitus( back ground, monde vécu) à travers les différentes phases. Cette reconstruction historique comprend la partie théorique et universitaire à travers l'approche constructiviste de la théorie de l'action et de la théorie habitusuelle (back ground) de la capacitation (Habermas, Bourdieu, Sen,etc.) et structurale (ou systémique) et surtout théologique. Les théologiens de libération, lotis de la non -violence, use des sciences sociales pour montre les mécanismes producteurs de la pauvreté : la dictature, le capitalisme sauvage de spoliation des ressources naturelles, etc. Tout ceci s'imbrique.

Le savoir construit à l'université finit par tomber dans le peuple. Pour Tshiamalenga Ntumba le langage est une encyclopédie primitive des savoirs pré-théorico-pratiques et théorico-résiduels. Le savoir préthéorique est préscientifique, le savoir théorique est universitaire et culturel, le savoir théorico- pratique est transculturel.

Disons que le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique est repris d'une certaine façon par le programme de reconstruction de la RD Congo avec la Chine. Les priorités de NEPAD ressemblent étrangement à quelques exceptions près à celles de Cinq chantiers, dites aujourd'hui la révolution de la modernité, une infirmité d'expression qui étonne en RD Congo.

Il s'agit de secteurs suivants :

- Infrastructures,

- Ressources humaines,

- Santé,

- Technologie de l'information et de la communication,

- Agriculture,

- Energie,

- Accès des exportations africaines aux marchés des pays développés.

CHAPITRE CINQUIÈME :

LA SOCIOLOGIE CLASSIQUE ET L'AFRIQUE

Pour Albert Muluma Munanga G.Tizi, la sociologie africaine est plus marquée par son occidentalisation poussée sur le plan conceptuel, méthodologique voir paradigmatique. C'est une sociologie hybride fondée sur son caractère « de pot pourrie », poursuit-il, c'est-à-dire tributaire des écoles de sociologie européenne et Nord-américaine, marquée par l'influence des recherches effectuées par des africanistes, anthropologues occidentaux en l'occurrence : G. Balandier, J .Ziegler, R. Dumond, P.Mercier, M.Glucham, P.Bouvier, De Heusch, Margaret Mead, Crawfort Young, L.Maunier, B.Verhaegen , Jan Vansina, L.De Sain Moulin (s.j),etc.205(*) La contribution de la sociologie africaine à la démarche sociologique, poursuit-il encore, ne peut être qu'une sociologie critique, saisissant la réalité africaine dans toute sa dimension. Cette considération soulève d'emblée deux questions : celle de savoir s'il peut exister une sociologie africaine et si la « réalité sociale africaine » appelle d'autres modes d'approches distincts de ce que propose la sociologie classique.206(*)

Pour nous, la première question de revendication des sciences sociales africaines recèle un mal entendu grave tant que la reconstruction d'un des principes fondateurs ,celui de paradigme de principe de « Tout et ses Parties » qui se trouve au coeur du fonctionnalisme (voir Emile Durkheim ) pour ne citer que cet auteur, à la base de la fondation des sciences sociales est puisé certes dans plusieurs cultures (chez les Milésiens dont Anaximandre avec son apeiron, les Grecs avec la théorie de la forme et de la matière qui donne l' hylémorphisme de Stagirite) mais aussi et bien avant en Egypte antique,en Afrique avec le concept de kheper. C'est au point de départ des images mythiques du monde ( Weber).

Pour nous, disons -le d'emblée, cette vision de Muluma part de la négligence relative d'une reconstruction génétique des concepts, qui sont largement africains. Pour nous, il ne faut pas demander à devenir africain ce qui l'est déjà. Notre position à ce sujet ce qu'on ne peut pas africaniser ce qui est déjà africain. Ceci justifie le fait que ceux qui défendent cette thèse sont tout simplement pris dans un cul de sac parce qu'ils tiennent comme acquis la science occidentale comme épistémè dominante au sens où le noyau théorique de base en la matière proviendrait de l'hylémorphisme d'Aristote.

Cette problématique globale inclut la conceptualisation d'Yves Valentin Mudimbe ou celle de la diaspora tiers-mondiste de la question pendante de la décolonisation intellectuelle qui doit se résoudre en dépassant le langage de la modernité en philosophie et en se réappropriant l'épistémè dominante par une critique africaine. C'est une critique historiographique des connaissances. Pour nous, il ne s'agit pas d'élaborer un autre discours, car dans ces conditions le point de vue africain restera toujours une épistémè subalterne dans une sorte d'épistémologie de frontière qui n'élabore pas une reconstruction inscrite dans un régime d'historicité très longue.

Notre stratégie argumentative est la suivante : le dépassement du langage de la modernité depuis le rationalisme fondé par René Descartes, langage qui configure les fondateurs des sciences sociales tels qu'Emile Durkheim (Les Règles de la méthode sociologique), le dépassement qui nous amène, à la philosophie pragmatico - cognitiviste (nous aurons comme réflecteur John Searle avec qui nous débattrons longtemps ) qui fait des reconstructions théoriques d'envergure à partir des sciences sociales classiques. La reconstruction historique non eurocentrique nous amène au concept de kheper. L'étude pragmatico - intentionnaliste des sciences sociales aujourd'hui est de plusieurs cotés une étude plutôt structuro -intentionnaliste avec un arrière-fond évolutionniste ou historique.

Au demeurant, la question de la rénovation des sciences sociales se pose avec acuité dans le monde entier à cause de changement profond de la réalité sociale.

La rénovation des sciences sociales africaines est pour nous un programme épistémologique inspiré par le travail de comparer les types d'anthropologies. Dans la même ligne, nous reconstruit l'approche anthropologique de Karl Marx au moyen de concept de lutte darwinienne de races. Les mêmes apories de Marx sont des présupposés des auteurs comme Jürgen Habermas ou John Searle, qui en restent à une anthropologie qui semble ne pas avoir une chronologie historique judicieuse ou un présupposé d'une unité biologique ou psychique du genre humain clair.

Au demeurant, il y a un besoin d'échange théorique réel entre l'anthropologie (matrice des sciences sociales) et la philosophie, entre les sciences sociales et humaines en général et la philosophie. Un tel contexte contraste avec l'épistémologie telle qu'elle s'enseigne dans nos Universités congolaises qui semble rester plutôt « générale » avec des présupposés protophysiques dominants, alors que des chercheurs en sciences sociales et Humaines attendent un échange théorique « compréhensible » de notre part pour qu'ils se dédouanent des multiples « impasses » relatifs qui ont jeté leurs sciences dans une véritable routine, en même temps de notre côté leurs calculs statistiques et méthodes quantitatives pour les enquêtes sociales de tous ordres nous laissaient pantois, alors que le Cours de statistique est inscrit au programme de philosophie. C'est avec la volonté de tenter de rencontrer ces multiples attentes que nous avons amorcé ces recherches.

Ce qui préoccupe en général ou, pour être plus concret, ce que la « réalité sociale » aussi bien en Européen qu'en Afrique ailleurs, change profondément  et continuellement.

Etudier la « réalité sociale » exige une prise en compte des changements qui agitent la société. La théorisation dite actionniste ou constructiviste s'effectue dans un esprit d'innovation complexe. Elle présente plusieurs registres d'analyses où s'imbriquent aussi bien le niveau de constructions sociales partie d'un savoir partagé et d'une situation de la parole, des constructions sociales attributives (des attributs langagiers) consécutives aux « mondes vécus» avec Jürgen Habermas se situant aux antipodes avec des constructions abstraites à l'instar des modèles classiques construits à partir du modèle de Tout et de ses parties ,de systèmes d'action et de monde vécu.

Le paradigme constructiviste se cristallise dans les approches interprétatives qui visent à expliquer les significations subjectives qui font consensus sur l'interprétation de la réalité sociale. En ce sens, ce paradigme considère la société comme une construction théorique constituée des expériences subjectives de ses membres et du chercheur. Ce paradigme est un ensemble des diverses traditions philosophiques incrustées dans les sciences sociales notamment dans la sociologie classique. Le paradigme interprétatif est inspiré de plusieurs traditions et alimente deux approches : naturaliste et symbolique.207(*)

Cette reconstruction est due à la nécessité de comprendre la « réalité sociale » au moyen des instruments scientifiques adéquats. Autant de « mondes vécus » africains, par exemple, deviennent des lieux des transactions illicites, en marge de pouvoirs officiels, d'un espace public inféodé caractérisé par l'absence de crédit des animateurs et l'amoralisme portés par les membres du groupe ; telles apparaissent les pratiques de la prostitution, de la drogue, sous le mode de la régulation de la violence des identités inédites, de nouvelles figures de paternité, etc.

Pour Ibrahima Amadou Dia , les constructions théoriques des tenants de l'approche quantitative apparaissent aussi comme des prismes déformant de la réalité sociale gommant les singularités dans des sociétés de classes et des espaces structurés par les poids d'une société industrielle périphérique.  

Le Professeur Ntumba Lukunga208(*) relève à la suite de la triple dimension et des problèmes que posent les sciences sociales en Afrique, le fait qu'il était déjà bien longtemps opportun de lancer un programme d'africanisation de la recherche.  Prendre la réalité africaine comme objet de recherche consisterait surtout à élaborer progressivement une méthodologie, des théories et concepts qui soient adaptés à cette réalité sociale. Ces travaux qui se trouvent aux confins de l'histoire, de l'anthropologie et de la sociologie et autres linguistique, économie et Droit, doivent s'engager dans des voies nouvelles.

Toutefois, ce qui semble à première vue relevant épistémologiquement dans les sciences sociales comme approches communes et dichotomiques - récit/système, individualisme méthodologique/holisme méthodologique, etc.- ce sont justement les bases d'une part théoriques biologico- linguistiques et d'autre part historiques : la démarcation de la causalité par rapport à l'intentionnalité dans le fonctionnalisme, le structuralisme, la systémique et la dialectique.

En fait, en tant que telle cette recherche de rénovation a comme objectif de lutter contre l'infirmité des sciences sociales et humaines africaines due en majeure partie à l'esprit du conformisme et à la peur de l'innovation. Les chercheurs dénoncent finalement  l'exercice scientifique par procuration,  la production et la reproduction des discours aliénés et aliénants, et l'inhibition théorique, méthodologique et définitionnelle chez le scientifique africain.

Comme on peut le remarquer, l'ambition affichée est celle de pouvoir répondre à cette évolution des réalités sociales par des politiques scientifiques efficaces ; il faudrait logiquement avoir en premier lieu une compréhension approfondie : l' « ontologie sociale » en sociologie reconstruit les théories et concepts puisés dans les modèles anciens de la philosophie de la Nature des Temps modernes européens. Emile Durkheim recourt au « mécanisme » de René Descartes, d'autres recourent à la monadologie de Friedrich Leibniz avec ce que tout cela comporte en tant que présupposés onto-théologiques antiques : celui là plus proche de l'arithmétique privilégiant l'espace géométrique homogène, et celui-ci la monade, l'unité. La critique des modèles anciens (le Tout et ses parties) cristallise la recherche sur les conventions et les êtres abstraits d'une causalité avec les états mentaux pour l'explication des phénomènes sociaux.

Les modèles « constructivistes » qui rallient l'objectivité et la subjectivité des « faits sociaux » aujourd'hui font globalement prévaloir aussi bien l'unité ou les individus que le collectif. En fait, la recherche constructiviste tend vers des modèles nouveaux qui mettent en exergue la signification collective et la subjectivité pour cadrer la réalité sociale. Les fondateurs de la sociologie ont offert plusieurs modèles sur la primauté de la totalité. Emile Durkheim, tire de cela que c'est la psychologie collective qui façonne la mentalité individuelle, il n'y a pas de relation de continuité inverse entre les deux. Aujourd'hui ces vues sont reconstruites ; on ne traite plus exclusivement « les faits sociaux comme des choses moins encore comme des idées », parce que les faits sociaux n'existent pas en réalité sous le mode des choses de la physique, de la chimie ni de la biologie. Ils forment une réalité sui generis qui intègre la subjectivité humaine et la signification commune.

En somme, dans cette étude nous nous occupons à proprement parler de la « réalité sociale », de ses a priori représentationnels, et de sa fondation et de son renouvellement théorique et conceptuel. La question des techniques et des méthodes n'est pas proprement l'apanage de notre réflexion.

Le travail de restitution des principes ou de concepts centraux des sciences sociales, la reconstruction historique et systématique des postulats, et la reconstruction créative est épistémologique (Marcel Tshiamalenga Ntumba, le quatre moments de la philosophie en Afrique). Notre thèse est la suivante, les sciences sociales classiques et les reconstructions postérieures sont à des degrés divers redevables à des principes théoriques fondateurs ou à des concepts formels de base. Nous allons essayer de reconstruire le potentiel d'un des principes fondateurs, celui de « Tout et ses parties » à la base des sciences sociales classiques et contemporaines. Les sciences sociales africaines dépendent-elles des corpus théoriques occidentaux ? Dans quelle mesure et en quel sens une telle position est-elle véridique ?

Problèmes méthodologique et épistémologique

Plusieurs philosophes et scientifiques sociaux occidentaux se sont attelés à renouveler l'axe méthodologique pour articuler les bases scientifiques théoriques  et réflexives.209(*) En sociologie « à l'heure de la modernité avancée et du sujet réflexif, affirment Luc Van Campenhoudt et alii, il est nécessaire de contribuer au renouvellement de la démarche sociologique, non seulement dans ses concepts, mais également dans ses outils méthodologiques ».210(*)

A la question de savoir : Pourquoi advient la nécessité de la remise à plat des approches théoriques et conceptuelles devenues contradictoires (ci-dessus), du réexamen du concept de la « réalité sociale » et de la révisitation de la méthodologie en sciences sociales  sous la mouvance constructiviste, la réponse pour Luc Van Campenhoudt, Jean-Michel Chaumont et Abraham Franssen, est que c'est parce que les sociétés européennes sont depuis un temps confrontées à des problèmes sociaux et culturels profonds.

Disons d'emblée que ce point de vue a posteriori qui postule un constructivisme consécutif aux mutations sociales et culturelles devrait être associé au point de vue a priori qui consiste à choisir des modèles théoriques anticipant sur les mutations socio- culturelles possibles. Le point de vue a postériori est aussi soutenu par le livre édité par l'Unesco, Les sciences sociales dans le monde, écrit sous la double direction d'Ali Kazancigil et de David Makinson.

Au cours des années 1980 qui correspondent approximativement à la reprise économique après la crise pétrolière, le développement théorique principal qui s'y développe mise sur la relation entre l'individu et la société. En d'autres termes les théoriciens se focalisent sur la relation entre l'individu et la rationalité collective sous le postulat selon lequel « la société n'existe pas », et que les seules réalités étaient l' « individu et la famille » que les sciences sociales semblaient négliger. Les travaux de Raymond Boudon, Pierre Bourdieu, Norbert Elias, Anthony Giddens, Allesandro Pizzorno et Alain Touraine, parmi d'autres, se sont penchés sur ces problèmes. On a qualifié cet effort de « constructivisme ».

On considère que les faits sociaux sont des constructions des agents collectifs et individuels. La plupart des raisonnements subsumés sous ces termes ont été développés pendant une période assez longue par les intellectuels qui puisaient à la fois dans les sciences sociales de l'après guerre et celles, classiques, de l'Europe.211(*)

Quels sont les problèmes ? On assiste plus récemment en Europe occidentale, dans beaucoup de domaines, notamment dans le service public, au déplacement d'interventions des institutions vers de simples dispositions. En effet,  « alors que les politiques publiques « classiques » étaient mises en oeuvre au niveau central, s'appliquant généralement à l'ensemble du territoire national de manière homogène et standardisée, et selon un découpage disciplinaire (politique d'éducation, de santé, d'emploi, etc.), les nouveaux dispositifs se caractérisent généralement par des logiques d'actions spécifiques.... Alors que le déploiement des institutions et des interventions dans la société industrielle s'est caractérisée par un mouvement de différenciation des sphères d'activités et de spécialisation des fonctions, le travail en réseau répond davantage à une logique transversale, de dédifférenciation inter-champs et inter-institutions entraînant une hybridation des logiques d'interventions, par opposition au découpage disciplinaire classique. ... Les maîtres mots deviennent communication et négociation ».212(*) De ce qui précède, nous voyons s'amorcer une abondance d'études sur la nature des institutions.

Il y a surtout des mutations sociales et culturelles en termes de « recomposition des modes de régulation sociale (...), des dispositions de médiation et de gestion de normes (médiation, ombusdman, pratique du contrat) qui traduisent le passage d'un mode de socialisation ... fondée sur la participation des usagers à la définition des objectifs et à leurs évaluations (« autoévaluation ») ».213(*) Ceci donne lieu à un certain nombre d'études théoriques sur la normativité. C'est probablement dans ce contexte que les théories des normes feront l'objet des études approfondies au Centre de Philosophie du Droit de l'Université Catholique de Louvain. Ainsi, « le Centre de Philosophie du Droit offrait donc un milieu de travail universitaire tentant de prolonger et d'évaluer les hypothèses de la procéduralisation formulée à partir de Habermas et de son école grâce à une théorie générale de la normativité sociale dont l'originalité est de faire du rapport cognitif à la norme la clé du mouvement instituant toute forme d'ordre collectif ».214(*)

Au demeurant, la régulation se pose de plusieurs façons : « des nombreux problèmes de développement global ou de manipulation du vivant appellent de nouvelles formes de régulations. Mais c'est la capacité même de produire des règles ou de légiférer sur un nouveau mode de vie et de développement social qui fait défaut ».215(*) Ce qui est en jeu, c'est l'ajustement entre normes, jugements, expertises des scientifiques sociaux, et les contextes complexes d'effectuation de nos sociétés.

Les causes des mutations à la base de la rénovation des sciences sociales sont nombreuses, plusieurs questions sont déjà analysées à partir de la crise dite de la modernité et du modèle de Progrès et de la Raison. Nous commencerons ici à partir de trois modèles, celui de la désintégration de l'Empire romain, celui des cristallisations ou des limites de la mondialisation économique, et celui de l'émergence des problèmes institutionnels contemporains.

Pour la reconstruction théorique, nous partirons de quelques postulations en droit : dans le système institutionnel central, Droit et démocratie constituent deux faces d'une même réalité, la société démocratique se reproduit, au demeurant, au moyen du droit. Dès que les codes du droit et des pouvoirs s'établissent, les délibérations et les décisions prennent la forme différenciée d'une formation de l'opinion et de la volonté politiques ; car la formation de la volonté débouche sur des programmes, et les programmes traduits dans le langage du droit ayant une forme légale. La collectivité conçoit donc des programmes pour ce faire.

Ces programmes doivent être élaborés sur base des principes du droit de partage équitable pour tous. En effet, « la dynamique de cette action réflexive se trouve encore accélérée par le droit de partage qui fonde les prétentions à la réalisation des conditions sociales, culturelles et écologiques pour bénéficier à chance égale aussi bien des droits de disposer de la liberté que de ceux qui permettent de participer à la vie politique ».216(*)

Il est pertinent de signaler que le principe de Devenir qui est au coeur des sciences sociales comme chez Emile Durkheim est désigné sous le concept de l'hylémorphisme d'Aristote. Il pourrait paraitre superflu de montrer, et ici gît notre rappel : l'hylémorphisme est de plusieurs cotés une reprise on ne peut plus clair de l'apéiron d'Anaximandre, le devenir indestructible infini. En Afrique antique, c'est plutôt le concept de Kheper symbolisé par le « scarabée» qui, non seulement est antérieur mais aussi fort et manifestement bien élaboré. Le Devenir est une rampe théorique de lancement des grands paradigmes qui se partagent la modélisation, notamment celui de « Tout et ses Parties », paradigme fondateur et formel, d'une ontologie matérialiste et dualiste.

Ce paradigme n'admettait pas, depuis Emile Durkheim, une continuité entre les faits sociaux, le Tout et les psychiques individuels. Pour ce classique le Tout (la société) a ses lois propres situées et comprises bien loin des lois des parties (des individus). Individualisme méthodologique contre l'holisme méthodologique.

Ce ne sont pas les mentalités individuelles qui façonnent la mentalité collective comme chez Auguste Comte qui par ailleurs met l'Humanité au centre de sa sociologie que Durkheim remplace par le concept problématique de la société. Pour ce dernier, il n'y a pas non plus de relation de réciprocité entre les faits sociaux et les faits psychiques individuels sinon nous tomberions dans la science psychologique.

Toutes ces thèses sont celles que nous trouvons dans les Règle de la méthode sociologique. Les systèmes financiers, les règles morales, les règles juridiques, les mythes, etc., dépendent en tant que faits sociaux des principes distincts de la psychologie individuelle, ils sont régis par d'autres principes spécifiques, la sociologie consisterait à les chercher.

Nous rappelons cette théorie sociologique des fondateurs pour marquer l'instance à reconstruire supposée par le paradigme actionniste et interactionniste qui a repris aujourd'hui cette problématique d'un point de vue épistémologique. A travers elle, la théorie de Durkheim pose la question irrésolue de savoir si les faits sociaux dépendent de nos intentions, de nos désirs, de nos croyances, etc., de file en aiguille, se pose le problème du mode d'être de ces faits sociaux et le fondement des sciences sociales même.

Sous quelle forme existent les institutions lorsqu' elles ne sont que la résultante des règles, des principes consignés dans des registres, dans les codes ou sur un papier ou à partir d'une causalité de l'Arrière-plan de disposition ou d'un Habitus - voie médiane entre le Tout et ses parties- comme référence incorporée collectivement dans toute culture. Comme on peut bien le remarquer, le paradigme constructiviste ou actionniste cherche aujourd'hui à donner un contenu subjectif des faits sociaux et combler ce dualisme du type cartésien non sans difficultés.

Il faut donc aller au-delà des systèmes de ces unités élémentaires qui s'encrent dans le mental, dans l'action ou dans les actes de langage qui opèrent comme des fonctions, des variables, bref comme des structures profondes de la « réalité sociale ». Les fonctions et structures sont saisies comme des variables dont il faut mesurer la prégnance.

Sommes toutes, la formulation logico-mathématique ne peut se dispenser du fait majeur selon lequel toute enquête sociale commence et finit par la matrice socio -culturelle. Les variables répondent à des valeurs et des fins humaines. Historiser le fonctionnalisme. On en arrive ainsi à la mise en exergue de l' « intentionnalité » dans la construction de cette réalité sociale.

La notion de « monde vécu » (habitus)

Le « monde vécu » est local et profond. C'est autour de monde vécu que se tissent les valeurs, la conviction qui commandent l'action sociale véritablement. Une action sociale peut être aussi de l'ordre stratégique, i.e., pouvoir et vente. Chez Jürgen Habermas la notion de monde vécu structure l'action et se tisse imbriquée dans la systémique : elle dépasse par le sens qu'elle incarne et commande la notion de systèmes d'actions sociales.217(*)

En tant que telle la notion de « forme de vie » autrement appelée, issue de la phénoménologie est au coeur des programmes de recherche en sciences sociales aussi nombreux que, du côté des sciences sociales : la linguistique reconstructive, la psycholinguistique, la sociolinguistique, l'herméneutique, la philosophie elle -même, l'historiographie culturelle, la sociologie compréhensive, etc. Du coté des approches qualitatives en sciences sociales : l'ethnométhodologie, l'interactionnisme symbolique, etc. Bref, tout ce que nous pouvons appeler sciences praxéologiques (de l'action) empirico-analytiques à la suite de Habermas.

Pourquoi la logique actuelle des programmes est-elle issue d'une approche constructiviste ? Certes la double notion de l'action et du système, de l'agent (ou de patient pour parler proprement) et de la structure sont des concepts classiques à la base en science sociale qui ont fait fortune. Le concept plus actuel de « monde vécu » (habitus), doit être entendu comme présupposé de ces dichotomies théoriques, agent et structure ,en ce que la nation intègre le sens. Le concept de monde vécu est utile dans l'ensemble des sciences praxéologiques (pratiques) empirico-analytiques.

Le monde vécu se définit comme une pratique usuelle dans la relation d'apprentissage entre l'enfant et les parents, l'apprenant et le maître.218(*) Cette situation d'apprentissage et d'autorité accompagne on s'en douterait la personnalité, la société et la culture. Nous sommes toujours déjà pris sous la coupe des Maîtres. Ce sont des ressources et des capacités qui font le monde vécu. Une enquête aujourd'hui en sciences sociales se fait pour caractériser la structure de l'action à partir du monde vécu. Il y a donc là une manche qui peut être mesurée et l'autre qui ne peut être que comprises. La théorie de l'action a soudé les sciences sociales qui se conjuguent désormais sous son paradigme et baptisées comme sciences praxéologiques ou pratiques.

Qu'est-ce qui commande les interactions est une question primaire de toute théorie sociale. La question transcende de la dichotomie théorie systémique et théorie de l'action, cherche à rendre le fonctionnalisme historique, permettre l'affirmation de l'unité de la compréhension collective - le monde vécu est individuel et collectif, c'est une expérience réussie qui traverse la personnalité, la société et la culture- et fonde normativement la théorie sociale. Le concept de monde vécu qui structure la sociologie de l'habitus chez Pierre Bourdieu, est phénoménologique et est le fondement de la théorie générale dans les sciences praxéologiques empirico - analytiques.

La notion de « tout et ses parties » a fait fortune en philosophie et en sciences sociales, comme la notion de « monde vécu » qui est aujourd'hui en vue, toutes tirées de grandes doctrines anciennes de grandes civilisations. Le terroir d'une vie pieuse est le lieu de génération de ces archétypes. Les notions se tiennent : le «tout et ses parties » est théocentrique alors que le monde vécu est anthropocentrique. Cet anthropocentrisme permet à Habermas de construire une pragmatique formelle contre l'abstraction d'une approche structuro-fonctionnaliste d'un Emile Durkheim ou de Claude Lévi-Strauss plus théocentrique.  

On peut dire que le concept de monde vécu est l'objet ultime du livre de Jürgen Habermas intitulé Logique des sciences sociales et autres essais. Dans l'intitulé, le choix de concept « Logique » au lieu d' « épistémologie » ou de l' « Histoire des sciences sociales » tient à la structure inhérente de la notion de monde vécu qui est par nature analogique du point de vue logique et ontologique. Que Habermas dévalue l'ontologie au profit de la logique ou de l'Histoire des idées qu'il pratique dans ce livre se justifierait suffisamment.

CHAPITRE  SIXIÈME :

LES DEUX VISIONS DES SCIENCES SOCIALES ET LA « RÉALITÉ SOCIALE »

Une « réalité sociale » peut naitre, subsister, dévaluer, dispaître et même ressurgir, elle est sujette à l'inflation pour ainsi dire. Nous pouvons décrire ces mécanismes de naissance, de dévaluation et autres mécanismes semblables.

La réalité sociale désigne des choses, des hommes ou des situations. Il peut donc s'agir du mariage, de la loi, de l'homme politique, de la monnaie, de l'avocat, du philosophe, de la guerre, de la propriété, etc.

La réalité sociale est l'objet véritable des sciences sociales. La réalité sociale conditionne la vision implicite ou explicite que le chercheur a des sciences sociales.

A propos, les deux visions de sciences sociales sont liées à cette notion de « réalité sociale », elles se situent au plan des présupposés souvent non perceptibles qui sont analysés par une discipline épistémologique naissante appelée communément « ontologie sociale » : qui s'occupe de mode d'être et d'existence des faits sociaux. La « cosmologie sociale » analyse le mécanisme d'émergence des faits sociaux selon qu'ils sont dépendants ou indépendantes des personnes , niveau où le débat porte essentiellement sur l'existence de lois régissant la réalité sociale.

Nous allons ici indiquer les termes complexes de positions principales : En effet, Pierre Cossette nous rappelle que  « les chercheurs (...) ont vraiment réalisé qu'il existait deux visions radicalement différentes sur la nature de la « science sociale ». Quelles sont ces visions ?

Burell et Morgan distinguaient « deux positions mutuellement exclusives en recherche sociale : le réalisme et le nominalisme ».219(*) Cette différence se cristallise, il faut bien le savoir, sur la nature de la réalité sociale.

La position réaliste des sciences sociales

« Les chercheurs (qui) adoptent une position réaliste adhèrent essentiellement au modèle classique de la science. Ils postulent plus ou moins explicitement l'existence d'un ensemble des lois immuables ayant un impact déterminant sur le fonctionnement de la réalité sociale. (...) On croit qu'il existe un ordre sous-jacent incontournable ».220(*) Cet ensemble des lois sont formelles tel que le principe de totalité des faits sociaux en sociologie, holisme ou le principe actionniste de l'intérêt individuel , l'individualisme méthodologique. C'est la position traditionnelle des sciences sociales classiques depuis les fondateurs, et des sciences sociales classiques ,tributaire de la philosophie de la nature. Emile Durkheim et Adam Smith offrent ici des parfaits exemples avec respectivement la primauté de la totalité déterministe et du choix de l'action rationnelle.

La position conventionnaliste

A l'opposé, le nominalisme ou conventionnalisme n'est pas une position déterministe. Cette position est celle qui se développe aujourd'hui de plus en plus, elle était déjà nourrie par la praxéologie (la théorie de l'action) depuis Max Weber. Ce seraient les êtres humains et non les lois de la nature qui feraient que la réalité sociale est telle qu'elle est et qu'elle fonctionne comme elle fonctionne en se fondant notamment sur leur univers mental, les interactions et leur propre langage ,constituant ensemble les structures de la réalité sociale.

Les individus ,pour ainsi dire, deviennent leur propre réalité, contribuant ainsi à « construire » le monde dans lequel ils vivent, un monde en quelque sorte « négocié » collectivement de manière plus ou moins délibérée et ayant un sens pour eux. 221(*)

Lieux communs et question de la reconstruction des sciences sociales africaines

En sociologie ,de part et d'autre de ce deux visions, la « réalité sociale » reste constituée, comme nous venons de le dire, du langage ou des actes de parole, du mental (de l'univers mental) et des inter(actions). Ce sont un ensemble d'action collective et de mentalité collective : les règles financières, les mythes, les règles morales, etc.

Seulement, au point de vue théorique, si cette réalité sociale dépend des lois de la nature, elle dépend d'une totalité formelle qui n'a rien avoir avec les personnes en chair et en os. C'est ce qui découle de la coupure épistémologique de tradition des sciences sociales classiques avec Emile Durkheim. La société n'est pas une somme des individus mais une réalité sui generis.

Cette définition du concept de « société » en sociologie classique est une définition syntaxique, c'est-à-dire abstraite et structurale. La sociologie durkheimienne pose un problème aujourd'hui de part son approche syntaxique de base parce que la « réalité sociale » se coupait de l'intentionnalité des acteurs (des parties du Tout). C'est la question de la totalité concrète et celle de la détotalisation qui est posée.

Le concept de « société » en sociologie classique a été défini du point de vue syntaxique et sémantique comme une « totalité » avec Emile Durkheim. La société renvoie ici à la notion de Tout, à la totalité, au système, à la structure (et aux approches subséquentes : fonctionnalisme, structuralisme, systémique et cybernétique), qu'à ses parties en tant qu'agents ou acteurs (aux approches actionnistes et constructivistes). La conception classique des sciences sociales ce que c'est le chercheur qui construit la « réalité sociale » à partir de la primauté abstraite de la totalité alors le modèle dominant constructiviste veut que l'agent lui-même construise la réalité. Aujourd'hui, une définition pragmatique (voir le tournant pragmatique en sciences sociales) de concepts de « société » renvoie au monde social tel que vécu, une totalité concrète, le monde vécu, tel que l'acteur ordinaire construit la réalité sociale.

La question théorique est celle de savoir comment repenser la syntaxe et la sémantique de la question sociale à la base de la pragmatique et du cognitivisme ? C'est le dépassement de l'approche structuro-fonctionnaliste vers des approches actionnistes. Au demeurant, disons que les chercheurs oscillent toujours entre ces deux pôles.

La sémantique est partie d'une approche proto-physique vers le structuralisme linguistique avec des auteurs comme Claude -Levi Strauss, pour finalement se fixer en logique.

Il s'agit d'une double question principale hautement épistémologique, celle de savoir : Comment sont produites les connaissances scientifiques en sciences sociales, i.e., en sociologie, en psychologie sociale, en science politique et autres sciences économiques, et quelles sont les structures profondes du langage des sciences sociales ?

La question secondaire est celle de la construction sémantique des sciences sociales et son dépassement ? Ces questions aideraient à coup sûr pour une révision des concepts centraux des sciences sociales africaines profondément ancrées dans une science sociale élaborée à un moment donné en Occident.

Ce qui est intéressant c'est de savoir le rôle que jouent les sciences du langage en sciences sociales, spécialement la phonologie, la sémantique, la pragmatique et la sémiotique. C'est le rôle épistémologique de moyen théorique de production de connaissance.

La sémantique, la pragmatique, la phonologie jouent un grand rôle dans la production de connaissance en sciences sociales. Par exemple, le structuralisme lévi-straussien est fondé sur la phonologie comme modèle de la « réalité sociale ».

Comme on peut le constater, dans notre hypothèse et dans notre méthodologie dans ce vaste travail de reconstruction des sciences sociales africaines, nous allons préciser ces termes, tenir compte des structures profondes du langage, de l'action et du mental, qui supposent une reconstruction utilisant les outils linguistique mais aussi logique par delà la philosophie de la nature, i.e. la proto-physique comme chez Emile Durkheim.

Pour synthétiser, c'est dans la sémiotique que l'on trouve toutes réunies la syntaxe, la sémantique et la pragmatique. On peut délimiter, à l'intérieur de la sémiotique, différents niveaux d'analyses et le domaine d'application qu'elle correspond. Chez Charles Sander Peirce développe la sémiotique est une théorie générale de signification. La sémiotique est conçue comme le fondement même de la logique, la science des lois générales nécessaires des signes, i.e. la science des structures profondes de langage des sciences sociales.  Elle est prise comme architectonique en sciences sociales.

Le constructivisme et le relativisme en sciences sociales

La tendance conventionnaliste a donné lieu au mouvement dit postmodernisme consécutif au relativisme qui s'est étendu dans le monde entier. « L'un des terrains fertiles de déploiement des thèmes postmodernistes est constitué, c'est Yves Bonny qui le rappelle, par les différentes aires régionales ayant historiquement formé l' « Autre » de l'Occident, qu'il s'agisse des pays dits du tiers-monde ou de ceux de l'ancien bloc communiste ».222(*) Et, « les versions latino-américaines du postmodernisme sont quant à elles fortement marquées par l'expérience du colonialisme d'abord, puis de l'hégémonie exercée par les Etats -Unis sur le continent ».223(*) C'est la question de la décolonisation intellectuelle.

Pour les tenants de cette pensée, l'enjeu est de réviser l'ensemble des discours qui fondent l'identité nationale, les récits de l'histoire, les canons de la littérature, avec comme cible centrale les programmes de l'enseignement scolaire et les manuels qui les accompagnent. Il s'agit sous la forme la plus mesurée de reconnaître les formes de racisme, de stigmatisation, de discrimination inscrites dans le passé national, notamment dans les manuels d'histoire, d'éliminer les préjugés, de célébrer la diversité et les différences, de favoriser une plus grande tolérance en faisant connaître les cultures et les religions qui composent le pays. 224(*)

Le mouvement multiculturel a atteint notre pays, la République Démocratique du Congo, sous plusieurs formes, notamment dans la reforme des programmes académiques. A la suite de PADEM (programme de modernisation de l'enseignement supérieur) en République Démocratique du Congo, il a été instauré un programme basé sur la thématique identitaire de Genre (les études féminines dont on a que faire à la faculté des Lettres et sciences humaines de l'Université de Kinshasa ) et aux Facultés protestantes de Kinshasa.

En Philosophie nous pensons qu'à cette suite , le programme académique doit tendre vers ce qu'on appelle aux Etats Unis et maintenant en France, les Lettres et Sciences ou le Ph.D, Philosophia Doctor, tel que nous tentons de le faire. Ceci est d'autant plus urgent pour imposer un dialogue entre notre philosophie on ne peut plus cloisonnée avec les sciences sociales et humaines particulières. Chaque tournant pragmatique des sciences sociales se pense avec la philosophie.

Par ailleurs,une épistémologie d'intégration doit viser à trancher des persistances contradictions dans ces positions épistémologiques. Ces contradictions actuelles se focalisent selon Jean De Munck sur deux tendances: « une théorie de connaissance (qui) se tend entre une version positiviste dure de la méthodologie, et la tendance déconstructive. (Par exemple) la philosophie morale se divise entre un néo-formalisme -utilitariste, libéral, néo-kantien- et des appels à l'authenticité personnelle ou aux traditions communautaires. La théorie sociale oscille entre de grandes constructions rationalistes et l'étude moléculaire des réseaux, des territoires, des styles de vie ».225(*)

Au point de vue pratique, Jean De Munck fait constater la «  persistance des contradictions : au moment où le libéralisme triomphant peut prétendre occuper tout le champ laissé libre par l'effondrement du communisme , sa figure inversée, sa négation systématique ont pris forme des esprits, dans les événements, dans les configurations culturelles ».226(*)

Et de conclure sans beaucoup de conviction : « notre monde est à la fois libéral et postmoderne. (Ils) s'appellent l'un et l'autre, « et leur constante inversion est l'aporie centrale de notre temps ».227(*) Il affirme le fait que  « la tendance déconstructive, fait ses 'adieux', ne voulant voir dans ces sciences que des constructions contingentes, dépendantes de lieux, d'histoires et de sombres stratégies de puissance ».228(*)

En effet ,« au moment où le formalisme d'une Raison économique et politique se redéploie à grande échelle, le postmodernisme démasque son irrationalité persistante, l'injustice qu'il génère, le mensonge qu'il véhicule et la violence qui le soutient. Au clivage de la guerre froide s'est substitué le nouveau grand partage : non plus les droits de l'Homme contre les droits collectifs ,mais les droits de l'Homme contre le droit à la différence ;non plus le marché contre l'Etat ,mais le marché contre les cultures ; non plus l'individu ,universel et abstrait ,contre le travailleur concret ,mais l'individu ,toujours universel ,toujours abstrait ,contre la diversité des visages ,le pluralisme des tributs ,la diffraction des valeurs ,des styles ,des convictions ».229(*) Jean De Munck projette ainsi de façon minimaliste un programme de révisitation de l'idée de la raison à travers la revue des modèles en sciences sociales.

En fait, la question est si délicate que, le particularisme est aussi la tentation qui nous ante encore nous africains ; en fait c'est serait un coup de maître de nous faire sortir du relativisme et de nous éviter la tentation d'y sombrer. Selon Renée Bouveresse, « le relativisme est aujourd'hui largement supporté par les sciences humaines, qui montrent facilement que chaque société, chaque culture, chaque groupe social, chaque homme même ont des cadres de pensée différents. En particulier, elles ont attiré l'attention sur le fait que chaque langue implique une vision du monde autonome. Whorf a poussé à la limite le relativisme linguistique en analysant l'emploi des temps dans la langue Hopi et en montrant qu'ils supposent une conception du monde totalement incompréhensible pour un Occidental ».230(*)

Aussi « il va de soi que, si l'on accepte toutes les conséquences de ce que Quine a appelé la « relativité ontologique », il n'y a plus de place pour le profil rationnel, puisque celui-ci suppose que l'on puisse communiquer, et tout remettre en cause ».231(*) Nous allons ici nous référer à Renée Bouveresse et tirer des extraits de son livre intitulé Karl Popper, ou, le rationalisme critique, critique du relativisme où il affirme le fait que « Hegel parait être le père du relativisme moderne, dans la mesure où la vérité était pour lui relative à chaque cadre culturel et historique : mais il affirmait en même temps, la vérité absolue de sa propre théorie »232(*). Dans ce contexte «la problématique avec Kuhn s'inscrit dans un combat philosophique de portée très générale : celui de la critique par Popper de la « maladie philosophique essentielle » du XX ème siècle : le relativisme ».233(*) C'est une maladie de notre temps. Il faut souligner le fait aussi que « Popper a examiné, poursuit Bouveresse, le « mythe du cadre de référence » qui est, selon lui, le support majeur du relativisme moderne, à la fois sous sa forme morale, et sous la forme intellectuelle dont la thèse de Kuhn est une illustration particulière. Il entend par là, la thèse selon laquelle on ne peut discuter ni même communiquer à moins d'avoir accepté de part et d'autre un certain nombre de postulats de base. Entre hommes se situant dans des « cadres » de références différents , aucun dialogue n'est vraiment possible , et si l'on peut changer de « cadre » c'est de façon irrationnelle , par un choix arbitraire.»234(*)

Enjeux : La menace du réalisme et le post-modernisme

La réalité sociale est là, c'est nous qui la faisons exister. Selon Tom Rockmore, ce débat entre réalisme et contructivisme se cristallise aujourd'hui entre Putnam et Searle: « the nature of realism as it is often undestood in the recent debate ».235(*) Le réalisme parmi tant d'autres principes de la rationalité moderne a justement fait selon John Searle236(*) l'objet d'âpres attaques, et « ces attaques contre le réalisme sont troublantes à plus d'un titre ».237(*) Selon divers théoriciens de la littérature « post-moderne », soutient Searle, toute connaissance étant le produit d'une construction sociale et sujette à l'arbitraire et à la volonté de pouvoir inhérent à toute construction sociale, le réalisme devrait s'en trouver menacé. 238(*)

John Searle soutient justement le fait qu'un des grands enjeux de sa réflexion aujourd'hui est contre la tendance de renverser indûment la rationalité occidentale du fait même que les principes inhérents posent des problèmes de relativisme. Ainsi, John Searle évoque-t-il outre le principe de réalisme sur lequel il s'appesantit le plus, le principe de l'impossibilité de l'objectivité, le principe de la relativité conceptuelle, etc.

L'origine récente de problème de relativisme moderne

Le problème posé à travers le principe de constructivisme touche les questions fondamentales et des enjeux philosophiques centraux concernant les soubassements épistémiques et ontologiques sur des notions telles que la réalité, l'objectivité, la vérité, la raison, la rationalité, la logique, la connaissance, l'évidence, et la preuve. Plus explicitement : or, il est établi que le monde (ou, si l'on veut, la réalité ou l'universel) existe indépendamment de la représentation que nous en avons. L'objectivité épistémologique complète est difficile, parfois impossible, parce que les recherches que nous menons se font toujours d'un certain point de vue, motivée par toutes sortes de facteurs personnels, et dans un certain contexte culturel ou historique. Avoir des connaissances, c'est avoir des représentations vraies pour lesquelles nous pouvons donner certaines sortes de justifications ou de confirmations empiriques.239(*)

La thèse que Searle combat est l'antiréalisme sous ses deux versions que voici : « en premier lieu, la thèse selon laquelle la réalité consiste en états conscients et, en second lieu, la thèse selon laquelle elle est construite socialement, au sens où ce que nous appelons le « monde réel » n'est qu'un ensemble de choses construites par des groupes des gens ».240(*) Searle appelle la première thèse, l'idéalisme phénoméniste et la deuxième celle de constructionnisme social.

Contre l'idéalisme phénoméniste, il oppose ce qu'il appelle l'argument « transcendantal » dans un des nombreux sens que Kant donne à ce terme.241(*) John Searle part également de la Critique de la Raison pure d'Emmanuel Kant pour présenter son argument en faveur de l'impossibilité d'une réalité indépendante de nos représentations humaines. C'est en fait en notre sens, la transformation des formes a priori de la sensibilité et des catégories de l'entendement de Kant dans la philosophie analytique dans sa phase pragmatique. Les mots sont ici des formes a priori de communication humaine. Les mots deviennent les conditions de réalisation de communication humaine. Elles forment les conditions d'intelligibilité de la connaissance, qui du point de vue de la pratique forme l'Arrière-plan. Les formes a priori ne sont pas des choses, elles sont dans les termes de Kant des illusions sans lesquelles la connaissance n'est pas possible.

Pour Searle, le relativisme est consécutif à l'antiréalisme au fait que : « c'est quelque fois une satisfaction pour notre volonté de puissance que de penser que « nous » faisons le monde, que la réalité n'est elle-même rien d'autre qu'une construction sociale, modifiable à volonté et sujette aux changements futurs qui « nous » paraissent appropriés. De même, il semble choquant qu'il y ait une réalité indépendante des faits bruts - aveugles, sourds, indifférents, et totalement imperméable à nos préoccupations. Tout cela fait partie de l'atmosphère intellectuelle générale qui donne l'impression que les versions antiréalistes du « poststructuralisme » telle que la déconstruction, sont intellectuellement acceptables voire excitantes ».242(*)

Ce qui, au demeurant, est en jeu reste la déconstruction des principes de la rationalité occidentale : « le postmodernisme, inversion de tous les idéaux de la rationalité, se répand comme une traînée de poudre. Alors que le libéralisme ne promet qu'un long processus d'alignement planétaire des institutions sur les références rationnelles des droits de l'Homme et du marché, l'idée même d'évolution historique homogénéisante est contestée, critiquée, dépecée par un postmodernisme qui ne voit que des contextes et leurs « petits récits »inaliénables dans la « grande histoire » de l'émancipation ».243(*) Pour éviter la réduction à l'infini, il faut partir d'un schème conceptuel ou d'un cadre de référence processuel, par exemple d'un système juridico -morale reconnu par la communauté scientifique. Seulement, en tant que normes, elles sont toujours déjà à construire.

De façon générale, selon Yves Bonny, sur les bases du relativisme, « on est amené à développer la thèse de la pluralité et de l'incommensurabilité des systèmes de connaissance, ce qui signifie que l'on ne peut jamais les juger d'un point de vue extérieur et qu'ils ont tous la même valeur. Ce relativisme est appliqué à la science et le plus largement à l'ensemble des références qui sont issues de la civilisation occidentale, lesquelles sont ramenées à une simple « culture » parmi tant d'autres. « Une des formes que prend le relativisme consiste à soutenir que les « savoirs », et les « connaissances », sont toujours relatifs à un référentiel, et que par conséquent on ne peut les juger que par rapport à celui-ci ».244(*)

Enfin ,comme le redoute Baillargeon ,le postmodernisme cherche à s'arroger « les éventuels mérites de la diffusion du relativisme culturel ou anthropologique et des vertus qui lui sont associées, comme la tolérance et la reconnaissance et le respect des différences »,à partir d'un relativisme épistémologique.(...)Le souci compréhensible de réhabiliter les représentations et les savoirs non occidentales ou des « sous -cultures »internes à l'Occident contre les formes les plus extrêmes du dogmatisme positiviste et de l'impérialisme ».245(*)

La modernité sur la sellette

La modernité est battue en brèche par la thèse de relativisme. « La logique profonde de la modernité ( a consisté) à établir dans tous les domaines un ordre nouveau, à partir d'une raison législatrice portée par un sujet « civilisé », autocontrôlé, « discipliné », capable de maîtriser ses impulsions et passions. Cette logique s'exprime de la façon à la fois la plus pure et la plus répressive lorsque les agents modernisateurs sont persuadés de détenir la vérité et disposent pour l'inscrire dans la vie sociale de toutes les ressources de la puissance politique, économique et technique.»246(*) Cette situation amène à « l'interprétation de la modernité comme société de surveillance et de contrôle (...) comme société post- disciplinaire (...) comme logique de mise en ordre, (comme) la lutte contre l'ambivalence sous toutes ses formes (...) provoquant partout la certitude et un grand partage entre raison et son autre ».247(*) Nous sortons déjà largement de cet ordre de part la crise financière occidentale.

« Dans cette perspective (moderne), poursuit Yves Bonny, le savoir perd l'innocence et le prestige qu'il possède dans les représentations ordinaires de la science et de la vérité et devient une composante fondamentale de la construction des rapports sociaux et de la subjectivité, avec comme orientation dominante la normalisation et le contrôle ».248(*)(C'est nous qui soulignons). En Europe même « toute cette orientation doit pour être comprise, être resituée dans le contexte historique du gauchisme des années 70 en France, marqué par la contestation tous azimuts des normes, des codes et des institutions, perçus comme intrinsèquement répressifs ».249(*)

Le rationalisme en question

« L'une des cibles centrales de la critique postmoderniste concerne le rationalisme, qui est au coeur de la civilisation occidentale et s'articule logiquement avec une visée universaliste. »250(*)  Et :« la critique du rationalisme vise (...) les orientations qui ont présidé à l'histoire effective des deux derniers siècles et qui au nom de la rationalisation ont débouché sur des formes de domination inédites (...) où le colonialisme, l'impérialisme et différentes formes de violence ont été exercé au nom de la « mission civilisatrice de l'Occident ».251(*)

Les critiques sont multiples : « la critique postmoderniste, écrit Bonny, va mettre en doute et en cause le projet sur plusieurs angles. D'abord, en soulignant le caractère autoréférentiel de la raison, c'est-à-dire l'impossibilité d'une « fondation ultime » du discours ou des institutions (c'est en ce sens que l'on parle d'une critique du fondamentalisme) ».252(*) En outre, écrit-il encore « le rationalisme moderne repose sur un ensemble de postulats et d'orientations de la pensée qui ne constituent en rien une évidence ou un point d'appui ultime et qui peuvent par conséquent toujours être discutés et contestés ».253(*) Cela débouche sur le fait que l'usage de la Raison est toujours situé et que c'est toujours d'un certain point de vue et depuis une certaine perspective que l'on peut développer une argumentation cohérente. S'en suit une critique de l'universalisme moderne.

Les représentations de l'homme que se fait le rationalisme en tant que culture dominante sont donc interrogées sous plusieurs facettes. Une autre orientation de l'analyse est davantage historique plutôt que philosophique. Elle consiste à soutenir que les idées développées à partir du rationalisme véhiculent tout un univers de représentations propres à la culture occidentale et des acteurs socialement dominants.

Pour prendre un exemple des théories de la connaissance « le modèle classique de la science opposant un sujet savant (face) à un objet de connaissance défini de l'extérieur a été profondément questionné, au profit d'une raison herméneutique s'élaborant dans l'intersubjectivité, c'est-à-dire dans un rapport de dialogue avec autrui, mêlé de distanciation critique, mais refusant une posture de rupture et de surplomb à son égard ».254(*) Cette posture est présente de façon insistante dans la philosophie africaine qui part des herméneutiques.

Au plan sociologique ,Yves Bonny regroupe ces critiques en tant qu'elles s'organisent comme mouvements autour du phénomène de domination et d'aliénation, liés à la mise en ordre à caractère symbolique des rapports sociaux : la théorie critique de l'Ecole de Francfort ,(...) ,la critique de la culture et du pouvoir symbolique développée par Bourdieu et son école ,les courants dits poststructuralistes( la démarche de déconstruction des discours sociaux), ...les cadres et concepts théoriques issus de tous les domaines d'étude où les questions d'identité et de subjectivation occupent nécessairement une position centrale (études sur l'ethnicité ,le genre ,l'homosexualité ,les situations postcoloniales ,les zones frontalières mettant en rapport le « Nord » et le« Sud »-à l'exemple des Chicago studies -,les positionnements subalternes ») ».255(*) Les rapports du centre et de la périphérie, ainsi de suite.

La construction sociale non relativiste et antiréaliste de John Searle

Sur la relativité, Searle pense en définitive qu'un énoncé vrai peut être un système d'énoncés vrais mais incommensurables par rapport à d'autres énoncés ou schèmes conceptuels tout aussi vrais à propos d'un même objet (coréférentialité). La légitimation des paradigmes scientifiques et ses conséquences sur la reconnaissance des épistèmes africaines en tirent grand profit.

Pour expliquer sa thèse de construction sociale non relativiste et antiréaliste Searle fait recours à un exemple emprunté à Putnam. « Imaginons, dit-il, qu'il existe une partie du monde du type de celle décrite dans la figure (suivante) :

A

B C

Combien d'objets y a-t-il dans ce mini- monde ? Eh bien, selon le système de l'arithmétique de Carnap (et selon le sens commun), il y en a trois. Mais, selon Lesniewski et d'autres logiciens polonais, il y a sept objets dans le monde, comptés de la manière suivante :

1 = A

2= B

3=C

4=A+B

5= A+C

6= B+C

7=A+ B+C

Combien d'objets y a-t-il dans ce mini- monde ? Y en a-t-il réellement trois ou réellement sept ? Il n'a pas de réponse absolu à cette question ». Le schème conceptuel vise comme nous pouvons le constater à mettre à jour les structures non immédiatement données ou `visibles'. Nous pouvons ajouter une autre question : le schème conceptuel peut -il être problématique ? Pour Searle, « Nous sommes toujours confrontés aux problèmes du vague, de l'indétermination, de la ressemblance de famille, de la texture ouverte, de la dépendance contextuelle, de l'incommensurabilité des théories, de l'ambiguïté, de l'idéalisation qui ,intervienne dans la construction des théories, des différentes interprétations possibles, de la sous -détermination de la théorie par les preuves dont on dispose, et ainsi de suite ».256(*)

En fait John Searle s'oppose à W.V.O.Quine et sa théorie de la relativité de la vérité. « Le fait, dit John Searle, que les schèmes conceptuels rivaux (cadres de référence ou paradigmes) permettent différentes descriptions de la même réalité, et qu'il n'y ait pas de description de la réalité en dehors de tout schème conceptuel, n'a aucun effet que ce soit sur la vérité du réalisme ».257(*)La thèse de Searle est celle de la construction de la réalité sociale non relativiste en tant qu'elle est informée par un schème conceptuel.

Le constructivisme non relativiste de Searle rejette  le relativisme de culture en tant que base d'une doctrine axiologique  et nous prévient contre la réduction à l'infini, d'autant plus qu'un point de vue scientifique n'est pas à inventer mais à dévoiler.

Ontologiquement, « une réalité socialement construite présuppose une réalité indépendante de toutes les constructions sociales, parce qu'il faut bien quelque chose à partir de quoi construire la construction »258(*). Ces présuppositions forment « la réalité extérieure ». Searle le dit plus explicitement : « le présupposé c'est le réalisme extérieur (RE) »à la subjectivité, et le RE « est une condition purement formelle ».259(*) En effet, « le réalisme externe n'est pas une thèse empirique, affirme Searle, mais plutôt une condition d'intelligibilité qui rend possible certaines thèses. Le RE fonctionne comme une partie - tenue -pour- acquise de l'Arrière-plan ».260(*)

De la relativité linguistique et de la relativité de la vérité

Searle essaie de concilier des registres radicaux différents. John Searle pense que la relativité de la connaissance n'est pas compatible au réalisme, mais comment la théorie de la relativité se présente-t-elle ? Nous illustrons cette théorie par la question de l'Etre. En fait, poser la question du rapport de la pensée et de la langue, c'est poser l'épineuse question du rapport entre le langage et la « raison ».

Un des problèmes centraux de la philosophie est, comme on peut le remarquer, celui de son rapport avec la langue. Plusieurs langues européennes ont développé non sans peine un vocabulaire et un style philosophique quasiment inspiré des corpus de textes canoniques en grec et en latin. On peut ajouter sans doute les textes égyptiens. C'est le cas de l'allemand, anglais, français, italien, espagnol à peu près à partir du XVII è siècle. L'héritage grec est apporté à l'Europe par le monde arabe.

A la question de savoir si la langue exprime ou pas la structure du langage, Aristote répond par la théorie des catégories : ce qui est se dit de multiple façons : accident, comme vrai (et le non étant comme faux), et selon les schémas de la prédication, c'est-à-dire les catégories.

Dans Problèmes de linguistique générale, Emile Benveniste examine le rapport de ces catégories aristotéliciennes à la structure de la langue grecque et arrive à la conclusion selon laquelle les catégories d'Aristote ne peuvent être les catégories de l'être (ou de la pensée), mais celles de la langue grecque. « Arrêter notre attention sur ces six premières catégories dans leur nature et dans leur groupement. Il nous paraît, dit Benveniste, que ces prédicats correspondent non point à des attributs découverts dans les choses, mais à une classification émanant de la langue même... Ce n'est donc pas sans raison que les catégories se trouvent énumérées et groupées comme elles sont. Les six premières se réfèrent toutes à des formes nominales. C'est dans la particularité de la morphologie grecque qu'elles trouvent leur unité » : 261(*)

1. Ousia, la substance ou essence, indique la classe des substantifs.

2. Poson, la quantité, et

3. poion, la qualité, indiquent deux types d'adjectifs ;

4. Pros ti, la relation, indique soit des éléments qui sont en eux-mêmes porteurs de relation double, soit la particularité des adjectifs grecs de posséder une forme comparative ;

5. Pou, le lieu et 6. Pole, le temps, impliquent respectivement la classe des dénominations spatiales et temporelles. Les quatre catégories suivantes relèvent du système verbal, notamment le passif et l'actif des verbes grecs.

Les catégories aristotéliciennes sont limitées à la langue grecque. D'où, la relativisation de la portée universelle et des fondements de la métaphysique occidentale. La relativité est bien différente du relativisme parce qu'il est possible de construire sur la base de la même langue plusieurs ontologies. Emile Benveniste a travaillé sur la langue africaine Ewe du Togo, sur base de laquelle il était tout aussi possible de construire une ou plusieurs métaphysiques.

Le verbe être des langues indo-européennes cumule des fonctions syntaxiques de cohésion et d'assertion dans la phrase copulaire simple, avec une valeur lexicale existentielle. En parlant de la copule, on croit avoir affaire à l'être et à l'existant. Cette confusion est dommageable parce que de ce que j'affirme de quelque chose qu'il est quelque chose, s'ensuit -il que je le considère parmi les choses qui sont et qui constituent l'ameublement dernier du monde ? D'où pour Aristote et son ontologie : les catégories ne sont pas seulement des moyens plus ou moins commodes de classer les prédicables, elles classent des êtres. Finalement, chaque élément de l'une quelconque de dix catégories est un type d'être.

Contre Emmanuel Kant, Schopenhauer a reconstruit des catégories sur base des classes des mots : « il est incontestable que les parties du discours représentent les formes primordiales revêtues par toute pensée, les formes où l'on peut observer le moment de la pensée, elles sont les formes essentielles du langage. Puis il faudrait subordonner les formes de pensées qui s'expriment par les flexions des formes essentielles, c'est-à-dire par les déclinaisons et la conjugaison ; d'ailleurs les formes de pensées peuvent être indiquées à l'aide de l'article ou du nom (d'une langue) ».262(*) Car la pensée ne saurait être la même; la pensée au contraire est inséparable de la forme.

D'après Schopenhauer « ces formes réelles, inaltérables, primordiales de la pensée, sont exactement celles que Kant énumère dans le Tableau logique des jugements ; pourtant, ici encore, il convient de négliger toutes les fausses fenêtres que Kant a dessinées,...Quant à moi, voici comment je dresserai la liste : Quantité, Qualité, Modalité, Relation ».263(*)

En plus, à la suite de la question du concours lancé par l'Académie de Berlin en 1759 sur l'étude des relations réciproques du langage sur les opinions et des opinions sur le langage, l'hypothèse de la relativité linguistique qui n'est qu'une variante de la critique linguistique des catégories d'Aristote, fut confirmée : le fait est que la « réalité » est, dans une grande mesure, inconsciemment construite à partir des habitudes langagières du groupe. Deux langues ne sont suffisamment semblables pour être considérées comme représentant la même réalité sociale. Les mondes où vivent des sociétés différentes sont des mondes distincts, pas simplement le même monde avec d'autres étiquettes.264(*)

Ainsi, pour l'ontologie la question essentielle est celle de savoir si la relativité linguistique, qui est un fait avéré, entraîne une absence de contenus universaux et la relativité de la vérité.

De la question des sciences sociales à la notion de « réalité sociale »

Sur la relativité des connaissances historiques par exemple, Michel Paty part de « deux manières de décrire les connaissances du passé, (qui) nous montre la relativité des points de vue et comment notre appréciation des connaissances est dépendante de l'histoire ».265(*) Certains, comme Gérard Fourez insistent sur une conception selon laquelle l'objectivité des sciences est presqu'absolue. A la limite il n'y aurait qu'une seule bonne science, une seule bonne informatique, pédagogie, etc.

La question de relativité de connaissance et celui du relativisme culturel se trouvent ici liée. Le culturalisme est une perspective qui souligne comment chaque culture voit le monde selon son point de vue. De là vient, facilement le slogan : « A chaque culture sa vérité  » à l'opposé, les « anti-culturalistes » soutiennent qu'il n'y a qu'une vérité et qu'elle transcende les cultures. »266(*) (Ainsi), la thématique du relativisme épistémologique a pu se lier à celle du relativisme culturel. »267(*)

On peut même dire du point de vue de la philosophie politique de cela découle trois positions : les communautariens ou les culturalistes, les mondialistes et la position médiane. La question touche ici la question des frontières étatiques et des frontières cognitives. Pour le communautairien comme Walzer « le particularisme est indépassable et doit être accepté »,268(*) entendez le tribalisme, l'Etat-Nation,etc. « Le tribalisme désigne l'attachement des individus et des groupes à leur propre histoire et leur identité, et cet attachement (irréductible à l'une de ses manifestations particulières) constitue un trait permanent de la société humaine ». La mise en valeur des culturalistes « travaille à partir des croyances de leur communauté respective - le monde demeurant un monde composé de « tribus », de groupes ethniques distincts, souvent antagoniques. Ainsi « le code des valeurs et des principes « culturellement homogène et hautement signifiant », « élaboré »par chaque société -ne peut être que celle d'une société particulière ; « les sociétés sont nécessairement particulières parce qu'elles ont des membres ... et des souvenirs de leur vie commune », tandis que, « l'humanité a des membres mais point de mémoire, et ainsi ni histoire ni culture ...aucune compréhension partagée des biens sociaux ».269(*) Et aussi « le marché mondial ne fait pas une histoire » notait J.-Lyotard.270(*)

Au demeurant, une « tension (...) existe entre les individus et les « peuples »qui entrave une telle tentative (de position intermédiaire) est aussi à la racine de la querelle entre les communautairiens qui insistent sur le caractère unique des valeurs et de la culture de chaque société et considèrent « comme également valide les croyances et les usages de toutes les sous -communautés reconnues ». Ainsi, « Walzer apparaît comme un universaliste hautement « minimaliste » : la moralité « épaisse »de chaque société n'est ni basée sur, ni dérivée de la moralité « fine »des principes universels ; la seconde « n'est guère qu'un morceau »de la première ».271(*)

Le culturalisme moderne revient à l'idée du respect de chaque culture. « La notion d'expression (expressivité) ajoute, entre autres, une innovation importante : l'idée que chaque culture, de même que chaque individu qu'elle englobe, possède une « forme »qui lui est propre et qui doit être réalisée ; qui plus est, cette forme est inamovible, aucune autre ne peut ni s'y substituer ni en mettre au jour les ressorts profonds ».272(*)

Les frontières d'Etat tendent à être rejetées comme étant arbitraires et dénuées de valeur morale par les « mondialistes »à l'image de Martha Nussbaum. Les « universalistes (...) mettent l'accent sur la nécessité de protéger partout les droits de l'homme ».273(*) La position culturaliste qui « met en évidence la signification et l'importance morales des frontières étatiques. Celles-ci comptent aux yeux des communautairiens (Miche Walzer et Charles Taylor notamment), comme aux yeux de tous ceux pour lesquels les peuples et les Etats sont les entités fondamentales ».274(*)

Pour revenir au nominalisme /constructivisme, selon Arnaud Schmit,  « Rorty pousse le raisonnement entamé par l'idéalisme allemand jusqu'au bout, à savoir que notre appréhension du monde correspond plus à un processus mental (et donc subordonné à une étape intermédiaire) qu'à une connaissance immédiate et innée du réel. (...) Toute épistémologie est nominaliste, que notre perception du monde est donc avant tout linguistique : « all awareness is a linguistic affair » ».275(*) Les formes a priori du langage sont à la base de la connaissance du monde social. Ainsi, « dire que chaque communauté a une vision du monde qui lui est propre est donc à prendre au sens littéral. Notre société, notre interprétation des nombreux stimuli qui nous assaillent perpétuellement, sont le fruit de ce que Rorty appelle « acculturation » ; c'est bien évidemment aussi le cas pour tout ce qui est relatif à notre bagage éthique. John Searle, en partant de ce préalable, a développé le concept de « background».

Nous allons, pour bien cerner la question, comme cela se fait à propos de ce grand débat théorique qui est encore loin d'être tranché, revenir à la doctrine du réalisme. Nous verrons comment cette question est passée de la philosophie de connaissance à la philosophie de l'action. Cet essai se donne comme objet, entre autre l'élucidation épistémologique qui consiste à remonter à la définition de concept de « réalité », qui par ailleurs est un des principaux concepts en philosophie : qu'est-ce que c'est ? En fait la naissance des sciences sociales classiques plonge ses racines en philosophie, elle ne s'en est pas suffisamment sorti. C'est le Réel social qui est au centre de reconstruction.

Pour illustrer la complexité de la question, nous dirons que la thèse pragmatico - cognitive actuelle, une des thèses la plus avancée qui se situe dans la ligne constructiviste non anti- réaliste et non relativiste. Le « constructionnisme social » peut donc être justement non relativiste. En fait le développement du sujet débouche comme on va le voir sur la préoccupation de fonder la rationalité occidentale qui construit les sciences sociales sous la menace de l'anti- relativisme. Il y a donc ici deux notions supplémentaires à éclairer : le réalisme et le relativisme.

Plus techniquement parlant, la question est celle-ci : la réalité vue à travers les formes a priori du langage scientifique est -elle univoque ? Notons déjà que le relativisme épistémologique qui est supposé dans le débat ne postule pas qu'il n'y ait pas d'autres représentations de la réalité en dehors de celles que nous avons, celles qui sont dominantes.

La position de Searle sur la relativité conceptuelle se cristallise sur la question de la possibilité d'affirmer la vérité de deux ou plusieurs énoncés différents sur la même réalité ; quel est le statut épistémologique de ces énoncés, peuvent -ils vrais à la fois ? Pour Searle « les énoncés vrais sur le monde peuvent être simultanément affirmés de manière consistante...mais nous sommes toujours confrontés aux problèmes... de l'idéalisation ».276(*)

Le constructionnisme est informé par une théorie ou un 'schème conceptuel' qui vise à mettre à jour les structures non immédiatement données ou « visibles » du phénomène social étudié, il n `invente' pas la réalité ou le fait. Le cadre de référence n'est autre chose qu'un schème conceptuel ou un paradigme. Pourtant « si l'on accepte la thèse du cadre de référence la vérité varie d'un cadre à l'autre ».277(*) Il s'agit « des différents `schèmes conceptuels' (qui) peuvent tenter de rendre compte au mieux d'une réalité existante en dehors des représentations que nous nous en faisons »d'un peuple à l'autre, d'une communauté scientifique à l'autre.278(*)

En fait ,les choses ne sont pas si aisées qu'on le pense, il y a des paradoxes inhérents au relativisme, « si toute position théorique n'est que l'effet d'une situation ou d'un contexte social déterminé, et ne peut prétendre dès lors à l'université et à l'objectivité, le relativisme lui-même ne peut prétendre à aucune validité »279(*).  Cet aspect logique du débat a donné lieu à de nombreux échanges, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre, où la sociologie de la science a rapidement eu un écho dépassant le seul cadre de ses investigations.

Au demeurant, une des questions cruciale est que le relativisme reste « une impasse, plus que cela, un abîme ».280(*) (Il faut chercher ) comment en sortir ? Le relativisme est un danger à tous points de vue. Comment l'éviter ? ».281(*) Il faut une thèse qui remplace selon Guy Bois « l'intolérance et le relativisme (qui) étaient (les) seules parades  ? D'où la montée en puissance d'une posture (je n'ose dire d'une épistémologie) postmédiévale ressemblant étrangement à la posture « postmoderne » d'aujourd'hui ».282(*) Tout cela parce que «  la méthode cartésienne ne peut (et ne pouvait) nous tirer de l'abîme du relativisme, ni nous met à l'abri des dangers que le relativisme fait courir à la pensée contemporaine. Elle nous expose plutôt à ces périls de l'heure présente, et elle nous conduit à cet abîme ».283(*) D'autres chercheurs prônent plutôt le « retour à la réalité », qui se veut une révolution pour autant que nous puissions dire contre René Descartes que la réalité a été vue sous le prisme de la méthode. Nous avons trop vu le monde sous le prisme des conventions et des catégories.

Le choc entre l'universel démasqué (comme relatif) et la concrétude des contextes (tout aussi relatif) se répercute à tous les niveaux de la culture. Le relativisme de culture devient la conséquence du pluralisme culturel.   Ainsi nait la guerre de culture ,« sous une forme radicale ,ce sont toutes les références idéologiques et culturelles de la civilisation occidentale renvoyant à l'idée d'une humanité universelle qui sont discréditées ,comme idéaux fondateurs des régimes politiques(individualisme libéral ,droits de l'homme et du citoyens) ou les différentes composantes de la notion de Haute Culture (au sens des grandes oeuvres de l'esprit humain :littérature, art ,science).Ces références sont en effet dénoncées comme couverture idéologique de la domination exercée sur les minorités et les dominés de toutes natures. En conséquence, il s'agit de défendre l'idée d'une culture spécifique associée à chaque sexe comme à chaque « ethnie », devant être valorisé pour elle-même et dont la littérature, l'art, la conception de la connaissance doivent être enseignés au même titre que ceux qui ont constitué jusque-là le « canon » dominant ».284(*)

CHAPITRE SEPTIÈME :

A LA SCIENCE HUMAINE ET HUMAINE EN AFRIQUE D'ANTICIPER, DE LIRE ET D'INTERPRÉTER LES PHÉNOMÈNES SOCIAUX

La sémiotique en sciences sociales

Pour notre méthode de la rénovation des sciences sociales en Afrique, la sémiotique permet de réaliser plusieurs tâches reconstructives. La sémiotique décrit les systèmes de Signes au sein de la vie sociale « primitive » ou civilisée en prenant en compte leur dimension conventionnelle (car c'est en vertu d'une convention spécifique à une époque et à un lieu qu'un signe signifie quelque chose) et montre le rôle joué par l'Interprétant.

Ici, nous nous proposons de montrer le rôle capital qu'a joué l'indigène d'Afrique dans la fondation des sciences sociales modernes. C'est dans cet ordre que nous essayons de construire le rôle joué par la reconstruction des images mythiques du monde et des corpus conceptuels africains dans la fondation des sciences sociales en générale.

Le « scarabée » était une image très rependue dans les castes de guerriers de l'Afrique antique, bestiole dont le système de défense n'est pas très loin de fonctionnement de moteur à vapeur, bestiole qui était abondamment étudiée en Angleterre avant la révolution industrielle. Jürgen Habermas à la suite de Max Weber, parle à propos d'une rationalisation des images mythico-religieuses du monde en tant que processus de scientifisation.

C'est l'épineuse question de l'interprétation anthropologiques des symboles et la prise en compte des « sujets interprétants » indigènes gardiens de ces symboles ou de ces signes (Quine). Ces types de connaissances sont aujourd'hui, rappelons-le, élevées au rang de patrimoine immatériel de l'Humanité par l'Unesco depuis le sommet de Rio en dépit de leur charge magique supposée par les pourfendeurs de la « pensée sauvage » convertis sournoisement depuis.

L'analyse sémiotique du langage archaïque permet de reconstruire le langage moderne qui marque les sciences et les sciences sociales classiques en particulier, transformées aujourd'hui au sein d'une épistémologie pragmatique et cognitiviste pour saisir la « réalité sociale » de notre temps.

Il faut dire aussi que le naturalisme est lié à la sémiotique. La sémiotique peircienne anticipe la révolution pragmatique de Ludwig Wittgenstein. Il s'agit de la transformation des présupposés physico-mathématiques vers les théories intentionnalistes de l'action en vue d'une « formalisation logique » plus complexe de l' « activité sociale » qui reconstruit le naturalisme et le modèle de Tout et de ses Parties qui se trouvent au coeur des sciences sociales classiques.

La sémiotique percienne éclate le réel en une série de soixante-dix classes de signes dont : la métaphore, les images, les icônes, les graphes, les signes algébrique, les foncteurs logiques, les hiéroglyphes, les index, les diagrammes, les symboles, (dénotatif et connotatif), la pensée, etc. La rénovation des sciences sociales passe par la modélisation faite à partir de cette sémiotique. Ainsi, la métaphore organiciste domine l'approche structuro-fonctionnaliste jusqu'aux approches plus récentes de modèle de l'information parallèle et distribué ou le modèle neuronal en réseau, et le modèle de traitement sériel de l'information, et autres. La sémiotique reste utile pour l'analyse des organisations sociales. La méthode littéraire de l'indéxicalisation avec l'externalisme référentiel permet l'étude de la situation énonciative et des embrayeurs.

Le constructivisme, c'est-à-dire le conventionnalisme en sciences sociales nous permettra de reconstruire le point de vue naturaliste à la suite de la querelle des universaux de réaliste et de nominaliste contemporains.

La sémiotique est conçue comme le fondement même de la logique, la science des lois générales nécessaires des signes, elle est un cadre théorique qui nous donne la possibilité de présenter une logique des sciences sociales dont nous allons esquisser des ébauches avec la logique pratique ou illocutoire.

La sémiotique turn transforme la philosophie de la conscience des temps modernes. C'est la philosophie de la culture qui complète la philosophie de la Nature par delà la philosophie de Conscience initiée par René Descartes. La sémiotique transforme la conception philosophique de R. Descartes et de G. Liebnitz, et de tout ce courant qui imprègne les sciences sociales.

Le schéma d'image mythique de scarabée ou de concept de kheper est naturalisme et s'apparente au naturalisme biologique américain qui refuse « de chercher en dehors de la nature un principe explicatif de la nature. C'est dans la nature qu'il se trouve, car la raison est dans la nature, soit qu'elle y oeuvre (Dewey), soit qu'elle en émerge à un niveau donné(Sellers)».285(*) Cette dernière alternative coïncide bien avec la conscience qui, chez John Searle -nous allons analyser en priorité sa philosophie des sciences sociales dans ce livre - émerge du processus neurophysiologique d'un processus physicaliste. Dans le naturalisme américain en général « la conscience dans un être qui possède le langage dénote l'aperception (awarness) ou la perception des significations. L'esprit est au corps ce que la raison est à la nature, son entéléchie seconde ».286(*)

Dans l'ensemble, « héritier de Peirce, le naturalisme américain est métaphysique, d'une métaphysique qui se nourrit de la science, en utilise les méthodes et en adopte les conclusions : il est à la fois ontologique, expérimental et évolutionniste. Peirce, dit Schneider, «conclut la théorie des universaux comme faisant partie intégrante des sciences de la nature et considère son système des catégories comme une analyse formelle des procédés scientifiques et une ontologie ».287(*)  La nature est donc « la somme totale de ses propres conditions », elle est -« l'objet global, les parties observées plus les parties interpolées »- le seul fait existant en soi. L'esprit est un élément de ce complexe, mais il n'est ni sa propre condition ni la condition des autres objets ».288(*) Ce point de vue n'est pas substantialiste, il est processuel.

John Dewey qui est plus proche de William James d'un pragmatisme qui mise sur les résultats de l'action, « dirait volontiers d'ailleurs qu'il n'y a rien à voir dans la nature, pas de substances en tout cas, rien que des transactions. Les distinctions établies entre, `l'homme et le monde, l'intérieur et le public, le moi et le non -moi', le sujet et l'objet, l'individuel et le social, le privé et le public, etc... sont en réalité des parties (au sens de participants : parties) dans des transactions biologiques ».289(*)

Le concept d'expérience transactionnelle est central dans sa philosophie considéré par Gérard Deledalle comme un de père de la démocratie américaine. Et d'ajouter à propos de position de Peirce que « l'esprit dénote tout le système de signification en tant qu'incorporé dans les opérations de la vie organique ».290(*)

La notion du Devenir d'où vient - elle, que veut -elle dire ? En effet, la conception du devenir a donné lieu à l'élaboration de la question du changement en philosophie et du modèle de Tout et parties en sciences sociales de la manière suivante : « lorsque je change je reste le même. Il faut donc combiner le principe de permanence et le principe de changement au lieu de les renvoyer dos à dos. (...) Le principe dit matériel (hyle) est le principe de changement et le principe dit formel (eidos) est le principe de permanence.  Eidos désigne le tout et peut être traduit par structure (ou ce qui fait d'une collection de parties un organisé) (...), et hyle désigne les parties ou les éléments du tout ».291(*) Ainsi « lorsque le tout change de forme (la forme suit le principe de permanence, elle se transforme), ses transformations sont déterminées par les relations entre ses parties, c'est-à-dire entre les composants ».292(*) Il y a donc différents axes de transformation : « l'axe de déterminations horizontales et ce qui détermine (verticalement) le tout et ses changements ».293(*)

Comment se présentent les déterminations de différents niveaux  inhérents au principe du devenir et à celui de l'auto- organisation ? « Pour expliquer le devenir d'une unité à un niveau quelconque, il s'agit donc de décrire comment ses composants au niveau inférieur se rapportent entre eux (déterminations causales ou autres déterminations horizontales : distributionnelle, etc.) (...) Il faut aussi décrire comment les relations horizontales entre les parties déterminent le tout (détermination fonctionnelle) ; et il faut pourvoir décrire comment le tout, ou 'l'arrangement `des parties, détermine celles-ci (détermination structurale, `loi' structurale et `loi' du devenir) à se rapporter entre elles comme elles le font ».294(*) C'est en fait la question de « la détermination des activités par la société et de leurs déterminations par les agents individuels ».295(*)

D'où vient- elle cette notion ? Au chapitre XVII du livre des Morts (des anciens égyptiens), le Maitre Universel, s'exprime de la manière suivante : 

 

C'est moi le Devenir de khepra, lorsque devint pour moi le Devenir des Devenirs

après mon Devenir, car nombreux ont été les désirs sortant de ma bouche... 296(*)

Le Devenir est ici une notion qui est associée à la divinité (aux puissances) qui

crée par la parole (concept d' « acte de parole ») base de la révolution linguistique et pragmatique en philosophie, en tant que ce qui est créé est les désirs de son coeur (cognitivisme). Notre thèse justement est que c'est tout le programme épistémologique de base en sciences sociales (aux niveaux structural, fonctionnaliste, pragmatique, connexionniste ,cognitiviste et autres constructiviste) qui a été ici consigné depuis des âges en Afrique ,et que nous allons tenter de reconstruire. Présenter un programme et y travailler sont justement des tâches différentes.

En somme, il est supposé qu'à travers le structuralisme, la pragmatique et le cognitivisme ,nous construisons le « monde social » au moyen du mental, du langage et de l'interaction dans notre oeuvre culturelle à travers des structures profondes qui sont ces éléments minimaux synthétisés : croyance, désir, intention, acte de langage, etc.

Nous pouvons reconstruire ce modèle des sciences sociales avec les concepts postérieurs de l'apeiron d'Anaximandre et d' hylémorphisme de Stagiritte. « L'apeiron d'Anaximandre rappelle bien des aspects du Kheper égyptien qui est un principe infini dans le Devenir, et selon la 'vérité-Justice' toujours jeune en tant que principe de Khepri ».297(*) Et « Aristote dans son livre la (Physique, a 6) parle de l'Infini d'Anaximandre qui est, `immortel et indestructible' comme élément divin (théion). Il y a donc identité entre to theion (le divin) et to apeiron (l'infini, le devenir infini)».298(*)

Dans l'esprit des Egyptiens anciens et de l'Egypte antique :

Ô pays du silence où se font des choses mystérieuses,

Qui crée les formes comme khepri.299(*)

« La création est un processus. Kheper est bien le principe qui assure la transformation de la matière. (...) L'esprit se trouve au départ de l'action ».300(*)

Cet effort d'élucidation conceptuelle et théorique suppose la compréhension de la philosophie de la nature et de la sémiotique (théorie générale de signification).

L'écriture et la nature

L'écriture hiéroglyphique qui est inventé à partir de la nature, symbolise le Kpr (kheper), c'est-à-dire la loi de la transformation du Devenir par le « scarabée  sacré ». Le scarabée, pour l'égyptien, place son larve dans la bouse qu'il enroule, qui, après une période donnée donne un autre scarabée adulte.

Le scarabée est un trilitère dans l'hiéroglyphe égyptien. Gardiner301(*) donne une classification claire à partir de la nature qui se présente comme suit : La plupart des lettres de cet alphabet sont donnés à partir de la nature humaine, de son coprs et de ses occupations. La grammaire de Gardiner recense quelque 740 hiéroglyphes, les plus usuels, sur les quelque 5 000 signes qu'on a dénombrés pour l'ensemble de l'histoire égyptienne.

L'épistémologie de la différence de Y.V.Mudimbe

Cinq épistémologies de formes symbolique ont dominé et conditionné la construction de l'Afrique : l'épistémologie de la texture (incluant de ce fait la prétendue absence de l'écriture en Afrique), l'épistémologie de miroir (ou du diamant) qui est à la base de théories de connaissances et de la physique moderne, celle de la « toile » qui domine le cyber monde aujourd'hui et celle de scarabée,du toute et de ses parties.

Au sujet de notre prétendue primitivité liée à la prétendue absence de l' « écriture », Mudimbe écrit à ce sujet les lignes suivantes : « Il me semble, dit-il, important de noter que la « leçon d'écriture  » que l'on invoque de plus en plus fréquemment pour différencier les traditions africaines et européennes est un critère pour le moins, contestable. Surgi des vues d'esprit d'ethnologues post-primitivistes, on la rencontre à présent, à chaque détour d'ouvrages philosophiques ou sociologique qui touchent directement ou indirectement aux sociétés non occidentales ».302(*)

Il donne très vite ce qu'il considère comme l'origine d'une telle question : « C'est, je crois, dit-il, C. Lévi-Strauss qui, le premier, dans Tristes Tropiques, pose le problème et constate « la possession de l'écriture multiplie prodigieusement l'aptitude des hommes à préserver les connaissances. On la concevait volontiers comme une mémoire artificielle, dont le développement devrait s'accompagner d'une meilleure conscience du passé, donc d'une plus grande capacité à organiser le présent et l'avenir. Après qu'on a éliminé tous les critères proposés pour distinguer la barbarie de la civilisation, il aimerait au moins retenir celui-là : peuples avec ou sans écriture, les uns capables de cumuler les acquisitions anciennes et progressant de plus en plus vite vers le but qu'ils se sont assigné, tandis que les autres ,impuissants à retenir le passé au delà de cette frange que la mémoire individuelle suffit à fixer ,resteraient prisonniers d'une histoire fluctuante à laquelle manqueraient toujours une origine et la conscience durable d'un projet » ».303(*)

Mudimbe cite Manga Bekombo toujours à ce sujet : « La responsabilité du savant européen - ou plutôt, sa grandeur- est lourde, dans le processus de production de stéréotypes anti- nègres ; ces stéréotypes, parfois figurés dans une peinture, sont périodiquement utilisés comme arguments, restitués dans le creux de la représentation collective grâce à la manipulation littéraire. Alors, l'exotisme prend son sens : il opère comme la fête, le carnaval, c'est l'explosion instinctive qui valorise davantage encore le prestige de la raison ».304(*)

Pourquoi en est-il ainsi ? C'est parce que à la suite de Foucault : « il se peut toujours qu'on dise le vrai dans une extériorité sauvage ; mais on n'est dans le vrai qu'en obéissant aux règles d'une « police » discursive qu'on doit réactiver dans ce discours. La discipline est un principe de contrôle de production du discours. Elle lui fixe des limites par le jeu d'une identité qui a la forme d'une réactualisation permanente des règles ».305(*) La règle c'est le civilisé, c'est l'absolu.

Cette possibilité de la science africaine se justifie par l'épistémologie de la différence qui conduit aux modes successifs différents d'organiser la société. Il donne l'exemple à la suite de Michel Foucault, de trois paires de transcendantaux épistémologiques qui sont justement les conditions d'une épistémologie de la différence dans la constitution de la science. Un type de savoir se crée parce qu'on privilégie un élément d'une paire, constituant en lui-même une perspective. Dans l'étude du corps ou en biologie, dans l'étude de la richesse (sciences économiques) et dans la langue (grammaire générale), deux perspectives sont envisageables : la fonction ou la norme, le conflit ou la règle, et enfin la signification ou le système. Chaque perspective crée un type de savoir justement.

Karl Marx va privilégier le conflit, la fonction et le système, Marx fait la lecture conflictuelle de toute société, comme inscrite dans l'évolution dialectique : toutes sociétés restent perpétuellement en crise, en nouvelle crise. Ferdinand de Saussure va mettre en avant la règle. Lévi- Bruhl va mettre en exergue la norme, en langues nous aurons l'existence des prétendues langues civilisées et celle des langues anormales et sans culture ; en anthropologie, nous serons en face d'une mentalité anormale et mystique, prélogique. C'est là ni moins ni plus une violence symbolique incrustée insidieusement dans des champs scientifiques.

Le paradoxe du relativisme scientifique ce que « l'ethnologue s'affirme le civilisé par excellence, les civilisés continuant de participer à la barbarie mais en une mesure moindre que les `barbares' ».306(*)Nous africains pouvons choisir l'épistémologie de la normale et construire autrement notre science.

En effet, Pierre Bourdieu note qu'« une critique nouvelle des accointances coloniales des sciences sociales et humaines s'est affirmée à travers les tentatives d'histoire sociale des institutions savantes, qui est aussi une histoire sociale des intérêts désintéressés des savants »,307(*) « l'autonomie des sciences sociales coloniales (ou néocoloniales) était grande envers le pouvoir intellectuel ou le champ intellectuel central ou métropolitain, mais qu'elle était très dépendante du pouvoir local (appareil colonial) ».308(*)

Pour moi, « une société sans écriture » est une société de l'oralité ; en tant que telle, elle ne devrait pas faire problème pour un semio - pragmaticien comme Searle. Car justement l'oralité, en Afrique ou ailleurs, est un régime d'actes de parole par excellence ; l'écriture n'est fondamentalement commode qu'à la conservation de la pensée. Pour Ludwig Wittgenstein, parler c'est penser. Parler présuppose un minimum de normes d'entente, ce n'est donc pas un état de nature. Nous allons vraiment y revenir avec force détails.

Nous avons tenté d'illustrer l'actualité de la même violence symbolique qui continue, par delà un auteur prestigieux en épistémologie analytique des sciences sociales, la critique de John Searle - nous choisissons l'auteur comme réflecteur et partenaire de discussion à la hauteur des grandes questions de l'épistémologique analytique -, face à des constructions concurrentes des savoirs coloniaux, les dispositifs savants des ecclésiastiques, des laïcs et des autochtones au Congo Kinshasa.

En effet, l'analyse ethnologique porte sur des sociétés dites « primitives ». Le mot « primitif » désignait un vaste ensemble de population dite restée ignorante de l'écriture. L'expression subséquente de « société sans écriture »est encore largement de mise, notamment chez John Searle, en dépit de l'« évolution » de la discipline aujourd'hui, qui amène à« une transformation du contexte d'exercice disciplinaire (pour) engendrer un regard nouveau, susciter une distance réflexive, inviter à une révision du cadre de pertinence.»309(*) Aujourd'hui, « le surgissement de la thématique de l'écriture et du texte, (opère) un déplacement de l'intérêt épistémique de l'objet vers le sujet et une redécouverte de la métaphore centrale de l'herméneutique ».310(*)

La question africaine est apparue chez John Searle comme exhumée dans un champ eurocentrique commun d'une science sociale qui perpétue les problèmes sociaux africains. La science sociale occidentale s'identifie ici à un acte de foi cynique. Pour cela, faudrait-il construire une science sociale afrocentrique ? L'éthique scientifique ne s'accommoderait certes pas dans une telle voie, en dépit des désastres causés par le scientifique européen et de l'appel au multiculturalisme à marche forcée instauré sans aucune forme de procès. Toutefois, il se fait que devenue étrangère à lui-même, le commun de scientifique africain ne se reconnait plus dans ce qu'il a légué à l'Humanité.

Jean Copans, réfléchissant sur les rapports dialectiques, indépassables entre les sciences sociales et la philosophie, dans la tradition française (et belge), et prenant appui sur Paulin Hountondji ,notamment sur sa définition de la philosophie africaine qui ne pourrait être une ethnophilosophie, c'est-à-dire une vision du monde collective, irréfléchie, implicite ,mais plutôt un texte explicite et critique des philosophes africains, pose la question suivante : les sciences sociales africaines peuvent -elles se constituer de manière autonome sans besoin de référents philosophiques proprement africains ? Non, répond-t-il, sans ambages.

Notre réflexion, disons le d'emblée, se propose de répondre points pour points à une foule des questions qui nous semblent cyniquement présentées par Jean Copans , africaniste ,sociologue et anthropologue d'origine française. Cette importante question s'est trouvée intégrée dans celle de la rénovation des sciences sociales en Afrique qui est revenue au devant de la scène scientifique à la fin du deuxième millénaire et au début de ce troisième millénaire sur le continent africain et dans la diaspora africaine. Le Codesria (le Haut Conseil des Sciences Sociales en Afrique) en a fait une des questions centrales de sa XIII è Assemblée générale en octobre de l'an 2011 au Maroc.

Nous essayons aussi dans le contexte des sciences structuro-actionniste comme chez Verhaegen, de présenter une reconstruction épistémologique à partir d'un projet de recherche qui suit un programme méthodologique précis, celui de la recherche d'un concept qu'on dirait systémique (voir Raymond Quivy). C'est ce que Jean Copans appelle « référents philosophiques propres ». Le concept systémique, « ne représente (pas) un état des choses, mais désigne une catégorie mentale à la quelle pourrait correspondre un fait, une trace ou un signe, qui est à découvrir et dont l'absence ou la présence prend une signification particulière.»311(*) C'est ce que Lucien Sfez appelle les métaphores de construction des sciences nouvelles nées depuis les années 1950 aux USA.312(*) Mudimbe n'aborde pas la question avec les sciences nouvelles.

Les nouvelles et jeunes sciences (sciences informatiques, science de la gestion, science de la décision, science de la communication, intelligence artificielle, sciences de la cognition) nées autour des années 1945 qui relèvent à la fois des sciences de l'homme ,de la société et des sciences de l'ingénierie, initient d'autoréflexion sur elles-mêmes pour ne pas se soumettre à un risque de vassalisation que peut suggérer tour à tour la neuro - biologie, la logico-linguistique, les sciences de comportement ou celles de computation (intelligence artificielle au sens large)(Jean Louis Le Moigne).

Emile Durkheim parle aussi de concept systémique ou structural qui, en fait, se démarque du concept que Raymond Quivy appelle concept opératoire isolé (COI), qui correspond à la théorie de l'acteur social aujourd'hui. Une telle démarche rejoint la thèse wébérienne reprise critiquement par J. Habermas, celle de la rationalisation des images mythico-religieuses de monde qui aboutit à la rationalité formelle. L'image c'est ce concept systémique justement.

A quoi une telle étude est-elle utile ? «Ce qui fait la valeur d'un concept, c'est (...) sa capacité heuristique, c'est-à-dire en quoi il nous aide à découvrir et à l'élaboration des connaissances »313(*). En l'occurrence, à l'élaboration, disons-le, des sciences africaines. Nous allons analyser le concept égypto-africain de kheper.

Il est ici question de rappeler ce programme inhérent au kheper , un programme a priori et épistémologique en sciences sociales qui prend en compte tout ensemble les concepts centraux classiques et contemporains de reconstruction : le « tout et ses parties »314(*), la causalité inhérente, le corolaire couple théorique de la matière et de la forme, le langage, les actes de langage pour être précis, les états mentaux tels que le désir, l'intention, la conscience, le concept mythique de « puissance », la raison d'agir et autres concepts.

Avec ces concepts centraux, les spécialistes en sciences sociales et philosophes sociaux développent plusieurs types d'épistémologies : une épistémologie reconstructive avec à la clé les dichotomies fondamentales ci-haut, une épistémologie déconstructive de décolonisation, c'est-à-dire une épistémologie restitutive de corpus centraux ou des textes centraux, une épistémologie constructive à partir du langage et de la cognition, etc.

Pour Mudimbe, un type de savoir se crée parce qu'on privilégie un élément théorique d'une paire, constituant en lui-même une perspective : la fonction ou la norme, le conflit ou la règle, et enfin la signification ou le système. L'Europe libérale a privilégié la règle, la norme et le système, l'Afrique pourrait privilégier le conflit comme Marx, la signification en sémiotique et la fonction pour sa science sociale. La sémiotique est de l'ordre de la signification, le tout et ses parties est de l'ordre de système.

Nous partons de l'état des lieux des questions de ce qu'il convient d'appeler l'épistémologie de la différence initiée par Yves Valentin Mudimbe (le frère Matthieu Mudimbe) consécutive à la violence symbolique contre le Tiers- monde, et d'une épistémologie dite de l'histoire immédiate de Benoit Verhaegen. Soulignons quant même pour l'histoire que ce dernier était soupçonné d'avoir été parmi ceux qui ont activement oeuvré pour la mort de Lumumba.

Face à la violence symbolique, Mudimbe nous donne la démonstration épistémologique pour réclamer notre droit à la différence épistémologique, face à la gouvernance mondiale, néo -libérale toute puissante qui sous-tend l'entreprise scientifique. Le projet de Mudimbe qui s'apparente de plusieurs cotés à une dénonciation marxiste, fait suite aux différentes thèses : « les sciences sociales et humaines en Afrique sont des « sciences folles » parce qu'elles opèrent dans un contexte singulier au moyen des instruments et des paramètres inappropriés ».315(*)Les sciences sociales véhiculent les intérêts de la classe dominante. Valentin Yves Mudimbe parle par conséquent de « l'ambiguïté et les équivocités des sciences humaines qui se sont imposées chez nous comme des « sciences » sans dire dans quel sens elles méritaient ce titre ».316(*) Pourtant, la science et la technologie sont les premières forces de production, Marx ne le dira pas mieux. Nous devons contourner la situation des « langages en folie », c'est-à-dire « la transposition et l'application non critique des théories produites, travaillées, soutenues par un ordre dans un contexte totalement différent où elles s'érigent en « dogmes », en « canon », en « vérités absolues ». La transposition normative sur l'Afrique d'une société européenne ayant atteint un autre stade d'évolution. Le progrès des peuples est historique et inhérent.

En effet, Mudimbe poursuit précisément comme suit : « il me parait probable, pour ne pas dire certain, que le propos d'une science « africaine » qui, régulièrement, depuis une vingtaine d'année, se profile agressivement ou derrière les paradigmes classiques d'une philosophie, d'une anthropologie ou d'une théologie, puisse un jour apparaître comme une constante d'énoncés qui seraient parfaitement transcriptibles en dispositions concrets et pratiques d'un savoir. Actuellement, ces propos se réalisent dans des discours qui l'ont l'air subversifs et qui le sont peut être effectivement, mais dont la pertinence est souvent discutée du fait que leurs propositions ne ressortissent pas à l'espace normatif ».317(*) C'est la praxis : pas de pratique sans théorie, et verse versa.

Cette situation générale des sciences sociales et humaines en Afrique débouche sur ce projet de la possibilité d'une science africaine. Mudimbe explicite son projet comme suite : « nous nous interrogeons en vue de nous « libérer », sur les possibilités ou les conditions d'un discours scientifique qui serrait spécifiquement africain ».318(*) Et constate qu' « il est devenu usuel de s'interroger sur le lieu d'où part la parole et sur l'archéologie qui assure ce qui est dit ».319(*) Il émet l'espoir d'aboutir à une science africaine au nom d'une épistémologie de la différence des connaissances considérées depuis comme la doxa ou la pré-histoire des connaissances occidentales.

Le débat constructiviste en histoire : Yves Valentin Mudimbe vs Jan Vansina

Jan Vansina a longtemps travaillé sur l'histoire et l'anthropologie en Afrique Centrale, spécialement en République Démocratique du Congo. Vansina est un africaniste d'origine belge installé depuis de nombreuses années à Wisconsin aux Etats-Unis. Yves Valentin Mudimbe est un universitaire congolais de renom naturalisé américain, dont le domaine de recherche actuel se trouve être l'Histoire des sciences Humaines. A propos de ce dernier Vansina dit ceci : « A ces lecteurs qui, jusqu'à présent n'avaient pas prêté attention à la philosophie de l'histoire, Mudimbe parut d'un seul coup démolir le fondement d'une science « objective » de l'histoire en général et du matérialisme historique, en particulier. En réalité, il ne contestait pas la possibilité d'atteindre l'objectivité mais simplement dénonçait les partis pris des sciences sociales et humaines. Plusieurs historiens de l'Afrique découvrirent soudainement, pour la première fois, que l'histoire n'est pas une « science » et que « la vérité » absolue n'existe pas (Vansina, 1994 :219) ».320(*)

Jan Vansina caractérise le constructivisme en histoire par cinq traits fondamentaux qui sont selon ses analyses, à divers degrés, présents dans l'ouvrage de Mudimbe : Le constructivisme en histoire affirme d'abord que toute conscience historique est un produit idéologique du présent et reflète les relations de pouvoir au présent : le « passé n'existe pas ». Secundo : Il soutient que même s'il existait, le passé ne peut pas être connu, parce que ses traces immédiates (textes écrits, données archéologiques) sont interprétés et, ainsi « inventées » par les lecteurs actuels (« déconstruction »). Tertio : il insiste sur le fait que l'objectivité n'est pas seulement impossible à atteindre mais qu'il est inutile de s'efforcer de l'atteindre, car l'interprétation subjective d'un acteur donné est ce qui importe le plus dans l'historiographie. Quarto : il n'y a pas de démarcation véritable entre fait et fiction. Enfin, il est hypocrite de rechercher un consensus parce que c'est une tentative d'imposer le point de vue relatif d'un individu ou d'une oligarchie à tous les autres.321(*)

Nous allons nous référer à titre d'exemple à la critique actuelle de Jan Vansina contre le postmodernisme d'Yves Valentin Mudimbe ; ce dernier n'hésite pas à affirmer que « l'histoire est une légende, une invention du présent. Elle est à la fois une mémoire et une réflexion de notre présent. M. Bloch et Fernand Braudel disent la même chose quand ils présentent l'histoire comme une tentative d'établir une relation entre un cadre conceptuel, un modèle net, les rythmes multiples du passé ».322(*) Mudimbe partagerait le credo postmoderniste qui dit qu'il n'existe pas de discours strictement objectif à propos d'une société, du passé et du présent.

Aux yeux de Mamadou Diouf, à propos du passé colonial, il faut « sortir des controverses entre Jan Vansina et Y.V.Mudimbe et les autres sur la période la plus déterminante de l'Afrique. La période précoloniale, pour le premier, permet de reconstruire une histoire autonome de l'Afrique avec des techniques, des objets, des voix et des territoires qui échappent au cadre historique européen, tout en produisant un discours historique qui respecte les règles de l'écriture historique ; la période coloniale, pour le second, révèle l'Afrique à elle-même et au monde. Ce qui importe donc pour ce dernier et pour d'autres, ce sont les textes à la marge desquels l'Afrique est inscrite. »323(*) Mamadou Diouf pense que « cette controverse ne prend en compte que les transactions pour lesquelles la présence de l'Europe devient un facteur organisateur. Ni les transactions arabes, sahariennes, de la côte orientale/swahili de l'Afrique, avec les multiples cultures échangées entre les îles et les rives de l'océan Indien, ni la difficulté d'identifier tous les échanges entre les colonies et les métropoles ne sont prises en compte ».324(*)

Bernard Mouralis souligne « La réflexion que Mudimbe a menée, antérieurement ou parallèlement, sur le discours tenu à propos de l'Afrique par les sciences humaines ».325(*)  Après avoir montré comment Mudimbe subvertit Foucault et Lévi-Strauss pour les mettre au service de son projet humaniste et adapter ses problématiques au contexte américain , surtout celui des Black (African) Studies et des théories postcoloniales , B. Mouralis  s'attache « à analyser la manière dont le sujet postcolonial , en l'occurrence Mudimbe , s'inscrit dans son milieu archéologique et existentiel pour faire l'objet d'un procès de dé/construction ,c'est-à-dire à la fois de démontage de l'ordre colonial et de construction d'un nouvel être -au -monde postimpérialiste et postnational ».326(*)

Aujourd'hui, des chercheurs  attirent l'attention sur les traditions et les structures de pensée française et en particulier sur la façon dont elles se sont adaptées au soutien du colonialisme et de l'empire. Plus particulièrement Valentin Yves Mudimbe, Chris Miller et Gary Wilder ont suggéré de nouvelles méthodes pour évaluer les défis intellectuels ; ils « montrent de façon convaincante que la vision française de l'Afrique /autre est étroitement liée aux conceptions que les Français ont d'eux-mêmes. (... ) Mudimbe en particulier souligne les difficultés que cette tradition a posées aux penseurs africains francophones et à leurs efforts pour se libérer des structures françaises de pensée coloniale et modernistes. »327(*) Il faut « un vaste programme du devenir du continent africain et de celui de la Diaspora, programme correspondant à ce que Mudimbe appelle l'invention de l'Afrique, et qui consiste à élaborer un discours total pour parler de l'Afrique à partir du point de vue africain. »328(*)

Disons que le point de vue de Mudimbe ressort d'un grand débat sur le thème : « comment sortir de la bibliothèque coloniale ». Aujourd'hui c'est un des enjeux, affirme Mudimbe, « le passé (colonial) paraît encore dédoubler efficacement le présent zaïrois (congolais). Comment le clôturer ? Sous quel mode le nier à tout jamais ou le figer en éclats brillants sur un mur de musée ? Ou encore, pour quelles raisons et à quelles conditions vivre avec lui, en le rendant muet certes, mais tout en tirant les vérités utiles pour la domination de l'avenir qui s'annonce tumultueux ? Voilà les questions essentielles de la culture et de la science zaïroise aujourd'hui. Elles pourraient expliquer l'impudeur de leur projets, la naïveté de leurs tentatives et positivement banale : quelle expérience entreprendre pour cesser d'être le « fils »de son « père  »et à quel prix vivre sa propre histoire et devenir maître de son destin ».329(*)

L'enjeu pour aujourd'hui, ce que nous devons construire des discours ou des institutions sur d'autres conceptions et sur des expériences socio- culturelles traditionnelles ou présentes.  Aussi faut-il d'abord trouver cette culture. Une des questions essentielles est la suivante : où trouve-t-on cette culture (congolaise, alors) zaïroise ? « La bibliothèque ethnologique belge » est, paradoxalement, devenue le miroir culturel par excellence, dit Y-V Mudimbe. Elle parait être la régulatrice majeure, non seulement des quêtes sur le passé, mais aussi des compréhensions, sur la société actuelle. Des Zaïrois Bakongos récitent aujourd'hui leur culture traditionnelle en fonction des Etudes Bakongos de Van Wing ou des traces discrètes des apostilles de l'italien Luca de Caltanissetta qui remontent à la deuxième moitié du XVII e siècle (voir l'édition établie par F.Bontinck, Diaire congolais, Louvain -Paris, 1970) ; les Luba, (...) lorsqu'il est question de leur culture, reconduisent aujourd'hui des prescriptions herméneutiques subrepticement apostillées par RR.P.P. Coble et Van Caeneghem. Il n'est pas jusqu'aux initiés potentiels Songye qui ne conçoivent et ne disent la grande voie initiatique de « Bukishi » qu'au travers des lumières et souillures nommées par un ancien colonial dans l'Esotérisme des Noirs dévoilé ».330(*)

La problématique spécifique, corollaire à la reconstruction théorique de la construction d'une nouvelle réalité sociale en Afrique, s'articule ici d'un point de vue de la connaissance symbolique (sémiotique). Pour Mudimbe, la culture congolaise « parait se réduire à un genre de connaissance. (Pourtant),il pourrait y avoir quelque paradoxe à le dire : c'est probablement à partir de cette forme de connaissance que « le musée zaïrois » s'ouvre et que le regard peut ,au détour d'une allée ,se figer face à la beauté des Arts au pays du fleuve Zaïre (voir : J.Cornet :L'Art de l'Afrique Noire au pays du Fleuve Zaïre, Bruxelles,1972 et Badi-Banga Ne-Mwine, Contribution à l'Etude historique de l'Art plastique Zaïrois des Beaux-arts )et, éventuellement à propos d'un symbole ,trouver le fil d'un récit foudroyant de l'expérience et de l'histoire des mille et une tribus du Zaïre »331(*).

Au demeurant,« la culture zaïroise ,poursuit Mudimbe, peut aussi être désignée comme étant la transcendance de l'école, en un sens plus précis encore :d'abord parce que l'école coloniale hier, celle de l'indépendance aujourd'hui, délivrent mots, méthodes et pouvoirs conceptuels qui permettent à des Zaïrois(congolais aujourd'hui) ,- à l'instar de ce qu'ont fait Buakassa T.K.M. ,pour les Kongos, Mulago pour les Bashi , Mwabila pour les travailleurs de Lubumbashi et Tshiamalenga pour les Balubas - de construire des langages ou des institutions sur des expériences socio -culturelles traditionnelles ou présentes ».332(*)

La question de l'apprentissage et celle de l'évolution sociale sont liées, et les deux questions peuvent être posées dans les termes de Mudimbe comme devant être le dépassement d'« une philosophie de l'éducation parfaitement enfermée dans les figures et facticités d'une politique d'acculturation et de ses symboles sociaux : ce sont des acculturés bien sélectionnés qui ont fait et se désignent pour le pouvoir ; ils incarnent au Zaïre (République Démocratique du Congo) la « culture ». La question centrale de changement au Congo se ramène encore à l'exigence de l'inculturation.

« Il s'agirait, pour nous Africains, dit Mudimbe, d'investir la science, en commençant par les sciences humaines et sociales, et de saisir les tensions, de re-analyser pour notre compte les appuis contingents et les lieux d'énonciation, de savoir quel nouveau sens et quelle voie proposer à nos quêtes pour que nos discours nous justifient comme existences singulières engagées dans une histoire, elle aussi singulière. En somme, il nous faudrait nous défaire de l'odeur d'un Père abusif : l'odeur d'un Ordre, d'une région essentielle, particulière à une culture, mais qui se donne et se vit paradoxalement comme fondamentale à toute l'humanité. Et par rapport à cette culture, afin de nous accomplir, nous mettre en état d'excommunication majeure, prendre la parole et produire différemment ».333(*) Ce que nous essayons de faire avec l'Ordre de Kheper.

Les marxistes théoriciens congolais et l'épistémologie des sciences sociales

Une bonne partie d'universitaires pratiquent encore les sciences sociales au Congo sans dire leur épistémologie. Nous saluons la mémoire de Benoit Verhaegen même si il est mis en cause dans la mort de Lumumba, le travail d'Yves Valentin Mudimbe qui se fait encore, Ilunga Kabongo d'heureuse mémoire, et les autres chercheurs qui s'étaient attelés à définir la position épistémologique d'une science sociale qui s'élaborait par eux au Congo-Kinshasa. Les épistémologues -philosophes congolais restent très coupés des sciences sociales qui se pratiquent au Congo, ils semblent les considérer comme naturelle et innocentes.

De ce point de vue le groupe de Vehraegen, de Mudimbe , d'Ilunga Kabongo, et aussi Mabika Kalanda. Mabika Kalanda, tourmenté par l'impertinence des résultats des recherches coloniales des sciences sociales et humaines en Afrique et au Congo-Kinshasa, et soucieux de trouver une méthode appropriée à l'étude des sociétés africaines contemporaines, s'interpelle : « on peut faire oeuvre de sociologue selon les méthodes de cette science : élaborée, à la manière de M.G. Balandier, une sociologie objective (...) conclure que l'Afrique est ambiguë ».334(*) Ils ont, comme intellectuels congolais, marqués une différence fondamentale pour prendre distance avec des hommes des sciences sociales d'avant et d'après eux, et des répétiteurs de savoirs occidentaux en Afrique ou qui décrivent simplement les phénomènes sociaux. La discussion épistémologique et conceptuelle est profondément voulue mais pudiquement évitée.

Ces dernières années, il ne pouvait en être autrement, on voit se développer le besoin d'une discussion conceptuelle et théorique accrue à propos des études qui sont menées sur nombre de phénomènes sociaux au Congo. Il ne s'agit pas ,dans un tel dialogue qui doit s'instaurer entre épistémologue et spécialiste des sciences sociales ,de se perdre dans des conjonctures philosophiques mais de reconstruire pas à pas la proximité. La lecture des réflexions épistémologiques de Benoit Verhaegen dans son l'Introduction à l'Histoire Immédiate et la production subséquente en sciences sociales, antérieure ou postérieure, m'a paru très impressionnante. La « dialectique » lui a imposé le thème de la rébellion au Congo.

Les scientifiques des sciences sociales, armés d'épistémologie des sciences sociales - les philosophes congolais abordent souvent ces question sous le prisme des épistémologies classiques européennes plus générales au lieu de tabler sur une épistémologie proprement sociale ( Jean Michel Berthelot) - (politologue, sociologue, anthropologue, spécialistes des sciences de l'information et de la communication, spécialistes des sciences juridiques, etc.) qui réfléchissent sur leurs disciplines les font autrement qu'un philosophe-épistémologue dans la tradition dominante des philosophes congolais.

De notre coté ,philosophe, nous sommes toujours restés sur ma soif quant à l'épistémologie elle-même telle qu'elle s'enseigne généralement encore chez nous au Département de philosophie de l'Université de Kinshasa, coupée largement des sciences sociales congolaises pour ainsi dire. Au plan pratique il s'agit de savoir comment tabler sur la biographie de ces savants qui portent la réalisation épistémologique de l'approche/méthode qu'ils ont promu et utilisé, sinon examiner la justesse de leur position en sociologie de connaissance (ou épistémologie de la sociologie) ? Les sciences sociales doivent transformer la société. Nous aurions pu nous proposer de réfléchir sur la biographie de ces hommes des sciences sociales en Afrique et au Congo, mais nous avons opté pour penser leurs présupposés épistémologiques d'abord. Benoît Verhaegen a produit une oeuvre immense incrustée dans la réalité sociale congolaise spécifique. Son intérêt pour l'épistémologie des sciences sociales et humaines était fondamental. Pour lui, en plus, il ne suffit pas de produire et de faire la science sociale, ou de la reconduire, mais de faire bouger les choses sociales. C'est encore un enjeu très important. Ceci est devenu véritablement un besoin.

Benoît Verhaegen est parti d'une conviction épistémologique et d'une sociologie de connaissance claire : «  la science bourgeoise positiviste  perd dans une proportion (...) croissante - la possibilité de maîtriser en pensée la société comme totalité et, par la même, elle perd aussi sa vocation à la diriger. »335(*) Pour lui justement, la dialectique a la capacité d' « agir sur la réalité sociale. »336(*)

Peut-on dire que maîtriser et diriger théoriquement la société congolaise a été un objectif atteint ? Là c'est une autre question, les sciences sociales ont un effet sur les habitudes et sur les mentalités dont il faut restaurer l'histoire. Verhaegen a en partie imprégné, à l'Université de Kisangani d'abord et à l'Université de Kinshasa ensuite à la faculté des sciences sociale, politique et administrative, de son esprit.

Les sciences sociales ont pris pied à partir des métaphores puissants puisés dans les mythes, aujourd'hui les sciences pour se rénover, c'est notre hypothèse, doivent y retourner. Les images linguistiques (la pensée) influencent les actions humaines et les mentalités des peuples et des groupes, les croyances, les habitudes, etc., L'évaluation de leurs effets n'est pas toujours aisée.

Certains chercheurs croient que le terrain pertinent pour les sciences sociales a toujours été le territoire national. L'internationalisme socialiste sombrerait dans une célébration esthétique des connaissances révolutionnaires. Nous y reviendrons avec Jean Copans. Toute fois, il faut dire qu'il est temps de tirer les conséquences d'une telle pratique scientifique telle qu'elle a été théorisée par tout le cercle de ces savants congolais et congolisés et leurs disciples. L'épistémologie qui est une analyse critique des principes et des hypothèses conceptuelles des diverses sciences pour en déterminer la portée, la valeur et l'origine logique, est un des instruments indiqué pour une telle évaluation.

L'épistémologie des sciences sociales montre que le « matérialisme historique » sera reconstruit par Benoit Verhaegen à partir de principe da la totalité, le Tout dans le cadre des théories des systèmes. La configuration dictée par l'Histoire Immédiate, est la recherche de mise en exergue des médiations épistémologiques dans un programme historique et institutionnel : dévoiler les instances, les structures sous- jacentes, les différents niveaux, etc., ayant comme toile de fond le principe de lutte et de « travail social », c'est-à-dire ce mélange d'institutions, de pratiques, des symboles, des normes humaines, de la formation de la conscience, c'était le sens de l' Immédiat (voir le concept de médiation comme des formes a priori ou habitus ).

Aujourd'hui on peut se poser une question bien pertinente : que représente la perspective actuelle de reconstruction des sciences sociales à partir des théories de l'action ou de l'habitus (interaction) ? Tout en restant liées aux théories de systèmes, les théories de l'action ont pris un élan nouveau au sein des sciences sociales dans le monde.

Chaque approche dicte toujours déjà le chemin à suivre. Toute la thématique guerrière de Verhaegen tient à son choix épistémologique. Une telle oeuvre était la conséquence d'un choix épistémologique qui dictait la prédominance de la thématique de la dialectique et le mode interdisciplinaire de son traitement théorique qui culmine dans la politique. L'interdisciplinarité mise en exergue par Benoît Verhaegen est de plusieurs côtés une exigence d'un retour à l'esprit philosophique dicté par la reconstruction de matérialisme dialectique de Marx, la praxis. Il se différencie cependant de Marx. Son appel au concept de la « totalité » - ce qui renvoie entre autre au concept de « travail social » chez Marx, est une de base de sa doctrine qui met en exergue l'unité théorique de la duale conceptuelle : la techno- économie et les innovations normatives des rapports sociaux selon le stade de développement de la formation sociale. La circularité de ces deux pôles bannissant l'instance techno- économie comme la « dernière instance » était le point de vue spécifique de Vheraegen. Il se démarque ici de Marx.

L'antidote de la thématique de la rébellion serait la recherche de consensus dialogal , les accords recherchés après des guerres intestines par les institutions internationales , de la première mission des nations unies aux accords de Sun City peuvent être compris sous ce présupposé : ce choix épistémologique est celui de proceduraliste qui se situe dans la reconstruction du matérialisme historique de Jürgen Habermas avec la pragmatique formelle qui part de la situation de la parole (voir Après Marx) qui place le concept de consensus au centre , pris au sens de concept architectonique de reconstruction théorico-pratique comme chez Tshiamalenga Ntumba. Ce dernier se situe au niveau d'une lutte bestiale d'élimination raciale comme C.A.Diop.

La Dialectique exprime la réalité sociale changeante ou le Réel processuel - doctrine philosophique - en tant qu'elle est l'inverse de la Mécanique, celle-là met en exergue les forces inhérentes ou internes dans la tâche de l'émancipation alors que la Mécanique est une approche de continuum qui va de l'externe vers l'interne (voir avec Aristote le Dieu premier moteur non mû). La Dialectique est un principe de la philosophie de la Nature qui trouverait Dieu superflu. L'approche traditionnelle structuro-fonctionnaliste compte contre la dialectique des grands adeptes. Nous allons essayer une large reconstruction de ces approches au point de vue de ses schèmes et concepts centraux depuis les fondateurs des sciences sociales. Cette approche nous semble lapidairement présentée par les praticiens des sciences sociales eux-mêmes. On peut dire que les sciences sociales au Congo restent dominées par une approche traditionnelle structuro- fonctionnaliste, qui semble restée un peu moins thématisée au point de vue épistémologique,- savoir dégager les principes et les hypothèses de cette approche, la portée, la valeur et l'origine logique de ses principes pourra être notre tâche. La philosophie de sciences sociales que nous présentons au départ de notre étude, à propos, n'est pas originale, ce n'est qu'une entrée en la matière. Nous avons ressassé des points de vue connus avec une légère reconstruction autour de quelques présupposés.

De chercheur - grand savant marxisant comme Benoit Verhaegen qui a contribué à la création de la Faculté des sciences sociales à l'Université de Kisangani autour des années 1980 au temps fort de Mobutu avec les financements étonnant de Rockefeller - n'est pas seul au Congo,337(*) Kabeya Tshikuku est aussi un de ceux qui pratiquent une recherche qui suppose de plusieurs cotés une épistémologie plutôt partie de l'expérience africaine et du marxiste, et il continue de réfléchir dans ce sens ; les autres économistes congolais reconduisent en gros la théorie du choix rationnel que suppose l'économie politique classique.

CHAPITRE HUITIÈME :

LES RÉFLECTEURS DU CONSTRUCTIVISME SOCIAL : ACTUALITÉ ET ENJEUX

Actualité et intérêt retrouvés du constructivisme en science sociale

Le « constructionnisme social » ou l'ontologie sociale part en fait d'un certain nombre de constats d'inefficacité des sciences sociales dans certains domaines. Par exemple dans le domaine de la gestion de la chose publique, « la décentralisation, qui avait été vue comme une possibilité de promouvoir la participation dans de nombreux pays en développement, a finalement déçu les attentes. (...) D'où, pour critiquer des approches dominantes, « le point de départ est le « constructivisme social » ».338(*) Chez John Searle l'ontologie sociale est la théorie qui s'occupe de la structure invisible des faits sociaux.339(*) En effet, la réalité sociale renvoie à une ontologie parce que, comme le remarque John Searle, « le monde se découpe de la manière dont nous le découpons ».340(*) C'est nous qui construisons au moyen de la science la réalité.

L'expression « construction sociale » se répand en sciences sociales. Aujourd'hui, l'expression construction sociale de la réalité se trouve au coeur d'un ensemble impressionnant de recherches nouvelles et de travaux originaux sur les cultures, les sciences, les femmes, l'histoire, la nature ou la littérature, etc. Ainsi, il est certain que le maître -mot du discours des sciences sociales contemporaines est la construction sociale.

Plusieurs choses peuvent être construites : les faits, les catégories de genre, les objets, les quarks, les maladies, les diagnostics, la pédophilie, l'identité, la délinquance juvénile, l'emploi, le corps féminin, la pénibilité, l'homosexualité, la technologie, l'équité, de vrais débats, des politiques internationales, etc.

La question essentielle qui se pose est que ce concept est incontestablement utile, mais quel en est l'intérêt ? Ce qui est important pour Ian Hacking, c'est lorsque « la démarche constructiviste est « stratégique », qu'elle n'a d'intérêt que dans certains cas ».341(*) Tels dans les cas de la construction des sciences coloniales qui s'occupe de l'homme dans une psychologie de captivité, au point de vue d'une hypothèse d'une Humanité Autre, etc. Ainsi « l'auteur d'un livre sur la construction sociale des femmes réfugiées ne peut nier « la matrice des règles », de pratiques et d'infrastructures matérielles dans laquelle ce concept est incorporé ».342(*)Autrement dit, « tous les objets sont contractuels ou institutionnels et personne ne doute que les contrats et les institutions sont le résultat d'événements historiques et de processus sociaux ».343(*) A propos Ian Haching nous donne un exemple: « si les femmes se retrouvent en fuite, ou devant la barrière de l'immigration, c'est en raison d'événements sociaux. Tout le monde sait cela, et il n'y a qu'un fou (ou quelqu'un qui aime suivre le mouvement) pour se préoccuper de dire qu'elles sont socialement construites ».344(*) « Le concept de femme réfugiée semble inévitable dès que vous avez une certaine pratique de la nationalité, de l'immigration, de la citoyenneté et des femmes en fuite qui sont arrivées dans un pays pour y demander asile ».345(*) Une pratique d'exploitation engendre sa science et légitime ses définitions.

Il n'y a d'intérêt que stratégique. Justement, « il n'y a en effet aucun intérêt à déployer une approche en termes de construction sociale (...) si tout le monde sait que X est le résultat contingent d'arrangements sociaux, il ne sert à rien à dire qu'il est socialement construit » .346(*)

Le constructivisme : de l'ontologie sociale

L'ontologie sociale contemporaine est une notion qui désigne une activité philosophique particulière. L'ontologie sociale nous dit que nous devons savoir de quelle nature sont les objets sociaux. Elle est consécutive à la thèse épistémologique qui nous dit que les objets sociaux sont des entités sociales. L'ontologie sociale veut savoir en quel sens ils sont sociaux. Par exemple, en science sociale que veut dire « la dimension ontologique de la relation agent -structure ».347(*) Nous analyserons plus en détails par exemple le postulat de Tout et ses parties comme dimension théorique sous -jacente dans le fonctionnalisme d'Emile Durkheim ou dans le structuralisme d'un Claude Lévi-Strauss.

Quand on se fixe sur l'opposition individu et société (partie et tout ), que cherche-t-on ? A la suite de Monique Hirschhorn, nous dirons qu'il y a trois problèmes distincts :

- « Le premier problème est d'ordre ontologique. (Il s'agit de savoir): quelles sont les entités sociales qui existent ? (...) Les institutions n'existent manifestement pas sous le même mode d'être qu'un individu organique, comme Pierre et Paul ».348(*)

- Le deuxième problème, à la suite d'Emile Durkheim, est qu'« il parait difficile de ne pas admettre l'existence de telles institutions « sociales », même s'il ne s'agit pas de les assimiler à des individus organiques ».349(*)

- Enfin, et conformément à l'analyse durkheimienne qui refuse d'hypostasier ces entités, le monde d'existence correspond à un ensemble des règles localisées d'un côté dans les représentations des individus, et de l'autre dans les codes, des manuels, des registres, des bâtiments, etc., qui donnent matérialité à l'institution et l'inscrivent dans la stabilité et la séparabilité empirique sur un terme plus ou moins long ».350(*) Pour y voir plus clair nous allons illustrer dans ce livre cette réflexion en sociologie, en droit, en histoire, en anthropologie, en sciences de l'information et de la communication et autres.

L'ontologie sociale peut être reconstituée et remontée bien loin en philosophie. Selon Barry Smith, « le philosophie américain John Searle a exercé une influence sur les sciences de l'homme non seulement grâce à ses contributions séminales en philosophie du langage, notamment par les Actes de langage (1969), mais aussi au travers de sa récente analyse de l'ontologie de l'action collective et de l'ontologie des institutions, exposés dans la construction de la réalité sociale ».351(*) Dans la même ligne Georg Simmel, dans Etudes sur les formes de la socialisation,352(*) est parti de la question suivante : Comment une société est-elle possible ?

Plusieurs auteurs ont écrit sur l'ontologie sociale. Nous citerons à titre d'exemple : Carol Gould, Marx's social ontology,1978; Georg Lukacs,The ontology of social being ,1978 ; Paul E. Jr. Stroble, The Social Ontology of Karl Bath,Intl Scholars Pubns,1994 ; Jonathan E.Pike, From Aristote to Marx :Aristotelianism in Marxist Social Ontology (Averbury Series in Philosophy)-Ashgate Pub ltd,1999 ;Pierre Livet, « ontologie du social ,institution et explications sociologiques »dans L'enquête ontologique ,mode d'existence des objets sociaux, collection Raison pratique,éditions de l'école des hautes études en sciences sociales,2000 ; John Searle,l'ontologie de la réalité sociale ;Réponse à Barry Smith, dans Enquête ontologique, Du mode d'existence des objets sociaux,2000 ; Theunisser ,The other : Studies in the social ontology of Husserl, Heidegger, Sartre ,and Buber,1984 ;Jules Donzelot, Le concept d'ontologie sociale,Mémoire de Master,004/2005; etc.

Courants du constructivisme social

Dirons d'emblée que l'expression générale de « constructivisme » qui s'étend à toutes les sciences humaines aujourd'hui, elle a dans ses variantes plusieurs usages. A propos Linda Rouleau nous renseigne que « la construction sociale ne doit pas être envisagée comme une théorie ni comme un courant de pensée homogène ».353(*)Le paradigme constructiviste englobe un ensemble d'approches dites interprétatives qui rallient les traditions philosophiques aux sciences sociales. Plus spécifiquement la démonstration est ici faite au moyen du retour aux sources philosophiques des sciences sociales. Il y a en effet plusieurs conceptions de constructivisme aujourd'hui, « le constructivisme peut en effet prendre des connotations très différentes, allant du constructivisme radical au constructivisme social de Gergen en passant par le constructivisme écologique de Steier et bien d'autres.354(*)

D'ailleurs Ian Hacking, s'efforce de remettre de l'ordre nuancé dans le fracas des « constructions sociales, (...) allant de la folie ou du Japon jusqu'aux particules élémentaires ».355(*) La différence qu'il tente de démêler des termes comme constructionnisme, constructivisme, constitutionnalisme, etc. Son attitude globale, dans ce livre, est celle d'un sceptique à l'égard de la posture constructiviste social, quelque peu indisposé par l'usage incontrôlé du terme.

Il nous semble pertinent de retenir le manque d'unanimité sur ces termes. Du point de vue des branches scientifiques dans lesquelles s'insère chaque courant, le « constructionnisme », de l'avis d'Ian Hacking, désigne le courant sociologique, historique et philosophique ; le « constructivisme » étant utilisé pour désigner un courant épistémologique des mathématiques et celui de « constructionnalisme » pour désigner un type d'opérations intellectuelles pratiquées en philosophie analytique.356(*) Il existe par ailleurs aussi un courant constructiviste en sociologie des sciences. John Searle dans une visée pragmatique utilise l'expression `construction de la réalité sociale' et non la `construction sociale de la réalité' comme chez Peter Berger et alii. Ian Hacking refuse dans la foulée le fait que le livre de John Searle intitulé La construction de la réalité sociale soit tout un livre de construction sociale.357(*)

Pour Linda Rouleau, constructionnisme et constructivisme sont deux termes  généralement utilisés de manière interchangeable. Au demeurant le constructivisme social va à l'encontre de la conception objectiviste qui prétend aborder la « réalité sociale » de façon objective et neutre. Le constructivisme au contraire, soutient que le sujet « invente » la réalité qu'il croit découvrir. Les différentes approches et théories sont considérées comme autant de discours, de points de vue, posés sur la réalité sociale ».358(*)

Le « constructionnisme social » comme approche succède à d'autres approches en sciences sociales. Du point de vue de la reconstruction épistémologique, le terme « constructionnisme » suppose que l'unité d'analyse est l'interaction entre les individus ou les groupes, alors que le terme « constructivisme » suppose que l'on privilégie l'individu et sa capacité d'action ».359(*)

Constructivisme analytique en sciences sociales : la révision générale des sciences sociales

Le constructivisme en science sociale connaît actuellement un renouveau comme courant contemporain même dans l'optique analytique de la philosophie du langage. Le constructivisme analytique peut être suivi à travers le livre de John Searle, La construction de la réalité sociale, qui traite justement de l' « ontologie sociale » en tant qu'étude de la nature des théories sous-jacentes de la réalité sociale. La conception analytique du constructivisme est philosophique et donne la primauté aux formes a priori du langage et de l'action dans l'invention de la réalité sociale.

Le livre de Searle reformule déjà un ensemble des questions qui occupent les fondateurs des sciences sociales : une des questions fondamentales « est celle-ci : comment construisons - nous une réalité sociale objective ? »360(*) Dans le premier chapitre du livre La construction de la réalité sociale intitulé : les pierres de construction de la réalité sociale, Searle va un peu plus loin dans l'explication de ce dont il s'agit : « il y a des choses qui n'existent que parce que nous y croyons. Je pense, dit-il, à des choses comme l'argent, les propriétés foncières, les gouvernements, et les mariages. Pourtant bien des faits relatifs à ces choses sont des faits « objectifs », au sens où ils n'ont rien à voir avec vos ou mes préférences, évaluations ou attitudes morales. (...) Des faits totalement indépendants de toute opinion humaine ».361(*) Comment la réalité sociale ne peut -elle pas dépendre de nous ? Cette à peau dure accompagne depuis la fondation des sciences sociales les chercheurs.

Nous tentons de relever ses questions principales du début du livre et avançons progressivement. Dans ce livre justement, John Searle tente de répondre à une autre question fondamentale suivante : « comment peut-il y avoir un monde objectif d'argent, de propriétés foncières,... »362(*) Cette question reprend en sourdine le rapport qui existe entre le sujet l'objet (la réalité sociale) , une des questions qui est au coeur de l'explication de la science sociale ,et fait partie d'un ensemble des questions qui ne sont pas nouvelles, elle se situe au point de départ des fondateurs des sciences sociales. Nous tenterons, pour montrer son grand intérêt, de la présenter du point de vue des auteurs tels qu'Emile Durkheim, Max Weber , Claude Lévi-Strauss, et bien d'autres.

De l'objet de la construction sociale

Commençons par la question la plus simple : qu'est-ce qui peut être objet de la construction sociale ? « S'agit-il d'une réalité socio- symbolique, d'une idée ou d'une catégorie 'découpant' et faisant émerger un référent social (une personne par exemple), ou s'agit-il de ce référent social lui-même », c'est Ian Hacking qui pose la question.363(*) Sa réponse est clair : dans la plupart des cas où est mise en oeuvre une démarche de constructionnisme social, il s'agit de ces deux entités (dont la seconde, le référent social, est le produit d'interaction très complexe) qui ne sont pas liées par une relation à sens unique mais par un système de va -et-vient négociant les faits qui se déploient dans le temps ; catégories et référents sociaux sont interactifs et, pourrait -on dire, s'entre- construisent dynamiquement.364(*)

Ian Hacking renvoie l'enjeu à deux choses : à la définition ou aux catégories et au référent. La première chose se manifeste comme la lutte pour la définition légitime et la lutte pour le classement (nous verrons pour la dernière acception Pierre Bourdieu).365(*)

La problématique de l' « épistémologie sociale »

La construction sociale est sous-tendue « par deux thèses, une thèse épistémologique d'abord et une thèse ontologique ensuite ».366(*) Rappelons que pour nous le constructivisme est le fait que c'est la théorie de l'action qui rejoint la théorie de connaissance. L'épistémologie sociale ou sinon sous une autre étiquette l'activité intellectuelle que nous étudions peut être définie comme « l'étude de la connaissance qui en souligne les dimensions sociales ».367(*) D'emblée en parcourant les principaux chercheurs qui travaillent dans le domaine, un consensus peut être dégagé sur le sens du mot connaissance :

1) Connaissance = croyance

2) Connaissance = croyance institutionnalisée

3) Connaissance = croyance vraie

4) Connaissance = croyance vraie et justifiée (et d'autres plus).368(*)

L'épistémologie ainsi entendue implique sans doute aussi une étude des causes de la croyance. Signalons déjà que, sous cet angle, il doit y avoir une partie de l'épistémologie qui n'est pas sociale. « Il existe après tout des mécanismes psychologiques qui sont causes de la croyance et qui n'impliquent aucun élément social ou interpersonnel, ce sont les équipements biologiques tels que les mécanismes perceptifs et mémoriels, ainsi que les mécanismes de calcul et d'inférence rudimentaire ».369(*)

En somme la question est complexe parce que l'épistémologie sociale est une analyse de la dimension sociale de la connaissance qui implique des aspects non sociaux. Ce paradoxe est au centre de mode explicatif des sciences sociales. Son point de départ est la constat que bien des phénomènes ne nous sont connus que par l'intermédiaire des autres et donc que la connaissance a non seulement des sources directes, celles auxquelles le sujet a accès, mais aussi des sources indirectes reposant sur la confiance ou sur l'autorité accordée à autrui. Ses préoccupations principales concernent tout ce qui a trait à la dimension sociale de la connaissance : sa construction, au cours d'interactions, de justifications recevables ou acceptables. De plus elle reprend des questions qui étaient au coeur de la théorie durkheimienne des croyances collectives, ou l'idée d'un sujet collectif du savoir, etc.

L'épistémologie sociale « est une branche de l'épistémologie naturalisée qui cherche à déterminer l'influence spécifique des facteurs sociaux sur la production de la connaissance ».370(*) Elle contient en son sein l'épistémologie féministe qui « peut être regardée comme branche de l'épistémologie sociale qui examine l'influence des conceptions et des normes socialement construites de sexes et les intérêts et expériences propres à chaque sexe sur la production de connaissance ».371(*) C'est dans cette ligne que nous proposons la critique des schèmes conceptuels des sciences sociales en Afrique, une sorte d' « épistémologie esclavagiste et coloniale »qui continue.

L'enjeu central repose sur la critique de la connaissance en tant que croyance justifiée et rationnelle : «  une habitude de connaissance est rationnelle pour autant qu'elle favorise (...) des réflexions critiques sur soi et qu'elle y répond en vérifiant ou en neutralisant les mécanismes de formation de croyances peu fiables, et en cautionnant ceux qui le sont ».372(*)

Quand nous classifions, « la sociologie de la connaissance, l'étude de la science et de la technologie, l'anthropologie culturelle, l'histoire intellectuelle et plusieurs disciplines font habituellement l'examen de la connaissance entendue au sens (1). Par contre « les philosophes épistémologues (...), en remontant jusqu'à Platon, soutiennent presqu' unanimement que la connaissance exige non seulement la vérité mais aussi que la croyance soit justifiée, garantie ou acquise d'une manière appropriée, par exemple grâce à l'usage de méthodes faibles ».373(*) Ici l'épistémologie de la connaissance met au centre la question de la vérité.

A quoi correspond le « social » dans l'épistémologie sociale ? « Dans les premières formulations de la sociologie de la connaissance, les « facteurs sociaux » désignaient principalement divers types d'intérêts : les intérêts de classe, les intérêts politiques ou les intérêts de tout autre chose ayant à voir avec le monde « réel » ou « existant » du pouvoir et de la politique »374(*).  Ainsi « des pionniers de la sociologie de connaissance et de la science tels que Karl Mannheim (1936) et Robert Merton (1973) niaient que la science (au moins la science physique) soit influencée par des facteurs sociaux »375(*). « L'école d'Edimbourg et le « programme fort » en sociologie des sciences de dire même que la science physique est contaminée par des facteurs sociaux. Dans les deux cas les « facteurs sociaux » désignent cependant des intérêts ou des tendances reliés aux classes sociales, à la politique ou (...) autres ».376(*)

Finalement, du point de vue philosophique « les facteurs sociaux produisent réellement de différences systématiques au niveau des valeurs de vérité des croyances produites ».377(*) Cette conception épistémologique est qualifiée d' « épistémologie sociale » en tant qu'elle s'oppose à une conception classique de l'épistémologie qui porte un présupposé individualiste. « L'épistémologie sociale devrait...insister sur les entités collectives conçues comme sujets connaissants. (Ainsi) un intérêt des sujets collectifs, y compris les entités et les croyances, s'est développé ces dernières années, comme le suggèrent les articles et les livres de Gilbert(1989), Nelson(1993), Tuomela (1998), Searle (1995) et Kusch(2002). Ils partagent tous l'idée que les états d'esprit collectifs sont philosophiquement légitimes et que, si cela est exact, ils devraient trouver une place au sein de l'épistémologie sociale ».378(*)

Il faut souligner que « le point de vue de la construction sociale ... (est d'abord) une théorie de la connaissance (...) Le point de vue de la construction sociale propose une nouvelle manière d'envisager la nature de la science et de la réalité ».379(*) Allons plus loin  « En tant que théorie de connaissance, on peut aussi remonter le point de vue de la construction sociale à Socrate qui enseignait à ses étudiants que la connaissance est une perception. De plus il faut souligner l'apport de Thomas Kuhn dans la diffusion de ce point de vue. En postulant que la recherche en physique évolue d'un paradigme (ensemble de croyances et de perception) à l'autre ».380(*) Selon Dominique David, « la thèse toute simple du constructivisme est que les idées et les normes amènent la réalité et non l'inverse, accordant ainsi une place prépondérante aux compréhensions et aux représentations que les agents sociaux se font du monde ».381(*)

Les fondements du constructivisme

Jean-Louis Le Moine décrit l'émergence des épistémologies constructivistes comme une révolution issue de la crise des sciences et de l'épistémologie cartésiano-positiviste. Cela donne toute l'importance de la perspective contextuelle à la base du passage des sciences dites cartésiano -positivistes vers lessciences constructivistes.

Du point de vue de la méthodologie qualitative et des présupposés épistémologiques contemporaines, la restitution explicite du « système » en face de ses Eléments ou des sujets agissants constitue une perspective rénovatrice. Le constructivisme s'occupe des interactions possibles entre le Tout et les parties. Le passage d'une approche analytique à l'approche systémique. Dans le modèle le « Tout et ses parties » se tiennent. Poser la raison sans « système » nous a installé dans une approche analytique de décomposition du simple au complexe. Tout le programme de Jürgen Habermas dans son livre monumental de la Théorie de l'agir communicationnel ,est de dépasser l'abstraction structuralisme maladroite faite au moyen de la pragmatique formelle d'une situation de la parole,et de dépasser la logologie pour la mise en exergue de l'action , la mise en situation de la raison et la détotalisation de l'étant.

L'approche systémique insiste de façon particulière sur la place du contexte d'effectuation de la raison. Nous avons pris l'habitude , par exemple, de penser l'éthique sans contexte. La restitution des effets du contexte, du système, du monde comme lieux d'effectuation de l'action rationnelle donne les moments cruciaux de la dialectique entre le monde, le système, le sujet agissant et le langage. D'où pour Jürgen Habermas son aboutissement à la théorie de système d'action sociale et du « monde vécu » (société, culture et personnalité).

Le constructivisme regroupe plusieurs doctrines, courants et tendances épistémologiques gravitant en commun autour du concept de construction, « design ». Jean- Louis Le Moigne précise : « par construction, on ne pouvait ni ne voulait plus montrer un discours épistémologique fini, ou fermé, à la manière d'un code juridique énumérant les normes du jugement (objectivité, vérité, non- contradiction , etc.), comme pouvait le faire le Discours sur l'esprit positif d'Auguste Comte ».382(*) Le positivisme classique est justement tombé dans ces apories.

A la suite de cette problématique, il devenait urgent de nous rendre compte d'un certain nombre des questions devenues pertinentes en épistémologies ou en Histoire des sciences, notamment le problème des sciences nouvelles, celui de leur scientificité ou degré suffisant d'objectivité en regard des exigences de positivité ou du réalisme de la connaissance.

A ce propos la remarque suivante de Jean-Louis Le Moine peut encore nous éclairer : « me trouvant ,depuis 1970, en situation d'avoir à enseigner certaines de ces nouvelles sciences (sciences informatique, science de la gestion, science de la décision, science de la communication, intelligence artificielle, sciences de la cognition) relevant à la fois des sciences de l'homme et de la société et des sciences de l'ingénierie, je pris conscience de l'extrême immaturité épistémologique apparente de ces disciplines et l'incapacité de leurs soeurs aînées (les « veilles sciences », disciplines confortablement installées dans les académies) à leur fournir les garanties de scientificité que demande leur enseignement ».383(*) Si nous avons bien compris, commente encore Le Moigne, les jeunes sciences sont invitées à cette entreprise d'autoréflexion sur elles-mêmes pour ne pas se résigner à une vassalisation appauvrissante que suggèrent tour à tour la neuro - biologie, la logico-linguistique, les sciences de comportement ou celles de computation (intelligence artificielle au sens large).

La dialectique elle-même comme lieu de la médiation entre système et ses éléments est un lieu de la théorisation de la méthode (voir l'habitus de Pierre Bourdieu).

Les choses se présenteraient comme suite : nous sommes passés de l'étude cartésiano -comtiste de la matière et de l'énergie à l'étude de l'information et communication comme objets privilégiés des sciences constructivistes. Dans cette perspective, même l'objet des sciences de la matière n'est donc pas donné ; il est construit. Y a-t-il dès lors encore un sens à parler de la connaissanceobjective ?

Les paradigmes des sciences nouvelles

Les sciences nouvelles se trouvent dans deux paradigmes épistémologiques selon Le Moigne : Le paradigme computo-symbolique et le paradigme neuro- cybernétique. Le programme de recherche computo-symbolique va se proposer des modèles simulables de systèmes de traitement intentionnel de symboles. La question qui se pose est celle de savoir comment modéliser la complexité de la communication humaine.

Ces représentations construites permettent parfois de déterminer une ou des « bonnes réponses »intelligentes, c'est-à-dire téléologiques. Ce paradigme recouvre « le discours sur la méthode des études de notre temps » de G. B. Vico (1708), les « textes anticartésiens » de C. S. Peirce (1870), et l' « empire rhétorique » de C. Perelman (1977). Lessciencesdel'artificielles de H. A. Simon proposent une épistémologie de la conception (the science of Design) qui fonde les sciences de l'ingénierie. Qu'on s'en réfère en priorité à Herbert Simon qui a publié en 1969 (et complété en 1981), sous le titre Sciences des systèmes, ou sciences de l'artificiel; lire en particulier, le chapitre central qu'il y consacre à la science de la conception : une formulation de référence, une matrice conceptuelle, réfléchie et justifiée avec cohérence comme l'est le cadre positiviste ou neo-positiviste. 

Les sciencesdessystèmes constituent des nouvelles sciences en tant que modélisation des systèmes vivants et des systèmes artificiels; ce groupe se compose de la cybernétique (modélisation de la complexité des phénomènes humains, qui se popularise avec le concept d'organisation -voir Edgar Morin dans La nature de la nature) ;le paradigme structuraliste avec sa double composante d'une part fonctionnaliste (en tant que comportement synchronique d'un système) et, d'autre part, historiciste (concernant la théorie et les interprétations diachroniques des transformations morphologiques internes d'un système). Ces composantes peuvent être considérés soit séparément soit ensemble ; Jean Piaget en dégage quelques branches, telle que la psychologie sociale ou la psychothérapie systémique constituant une partie de la pragmatique de la communication. Ce modèle cybernétique est dès maintenant appliqué en Anthropologie, dans la psychosociologie, dans la psychologie cognitive (notamment chez Bateson), en linguistique et en économie. Nous pouvons situer également John Searle aujourd'hui.

Chez Gregory Bateson et l'école de Palo Alto (école invisible) lapragmatiquedelacommunication fonctionne dans la visée d'une psychanalyse et d'une chimiothérapie, pour l'analyse des énoncés à risque, telle la théorie du double-lien. Elle postule le fait que toute communication est complexe et se développe à deux niveaux : contenu et relation. Faute d'intégration harmonieuse de ces différents niveaux, leurs paradoxes peuvent générer des troubles schizophréniques dont la thérapie nécessite l'intelligence de ces communications paradoxales et peut se passer de la cure psychanalytique ou de la chimiothérapie. Le problème qui se pose est toujours celui de savoir comment modéliser cette complexité communicationnelle, qui est à la fois action d'échanger et résultat actif de cette action, productive d'elle-même, de l'intelligence réfléchie ou auto-référentielle.

Gregory Bateson propose à ce sujet, à partir de 1969, une épistémologie de l'information qui fonde les sciences de la communication et qui constitue aujourd'hui, grâce notamment aux recherches de Paul Watzlawick (1981,1988) et d'E. Von Glaserfeld (1987), une des contributions les plus décisives aux constructivismes contemporains. Edgar Morin propose, quant à lui, à partir de 1977 une épistémologie de la complexité qui fonde les sciences de l'organisation.

Leçons à retenir

Sylvie Mesure et de Patrick Savidan dans le Dictionnaire des sciences humaines, pensent que l'enjeu du retour à la philosophie aujourd'hui, envahit toutes les sciences sociales, à cause du fait que la réalité sociale se transforme en profondeur, et résiste toujours davantage à nos grille d'analyse traditionnelles et rend ainsi opaques des univers que l'on croyait jusque là familiers 384(*), de cela chacun ressent intimement le besoin de faire à nouveau le point sur ce que nous avons de l'être humain et de la société.

Cette tâche tente de relever le défi de la compréhension du temps présent des différentes sciences humaines : anthropologie, sociologie, psychologie, psychanalyse, droit, économie, linguistique, histoire, géographie.385(*) C'est donc une remise à plat des nos grilles de lecture courantes de la réalité sociale.

Nous relativisons, à propos de l'épistémologie non naturaliste de type conventionniste de la construction de la réalité sociale. Parce qu'à propos du constructivisme la construction de la réalité est aussi consécutive à la perte de sens collectif.

Il s'agit des choix a priori du programme épistémologie millénariste. L'approche pragmatique et cognitiviste contemporaine ne déconstruit pas ce programme épistémologique millénariste, il le reconstruit au point de départ de l'Afrique antique.

Disons que Karl Marx a boosté le constructiviste en tant que théorie de l'action, il voulait dire au monde des exploités que les événements et les choses sociales sont historiques et non naturelles. Un auteur comme John Searle est redevable à Marx à plusieurs titres, il est entré dans notre stratégie argumentative, il nous a servi de balise et de cadre pour montrer le niveau le plus élevé de sa reconstruction philosophique actuelle. Le nom de Searle est repris constamment dans notre travail, il n'a cessé de revenir.

En fait, cet auteur est philosophe analytique et aujourd'hui il travaille dans ce qu'il appelle la philosophie de l'esprit ,le cognitiviste. Il est de l'Université California Berkeley des Etats-Unis d'Amérique ; sa pensée nous a prêté un dispositif essentiel dans notre stratégie argumentative. Son importance est qu'il retourne théoriquement aux sciences sociales classiques et aux fondateurs pour remonter jusqu'à aujourd'hui.

Le Professeur John Searle traverse, dans l'optique analytique et cognitiviste tous ou presque tous les grands débats philosophique et scientifique contemporains inhérents. Il nous a servi d'accompagnateur pour visiter critiquement certains de ces grands débats qui ont trait à la « réalité sociale » qu'il aborde sérieusement depuis 1995. Il nous a servi en fait de partenaire de discussion sinon de réflecteur.

Du point de vue de la question de la décolonisation intellectuelle, pour dépasser le langage de la philosophie moderne qui présuppose la colonialité, il nous a fallu un auteur analytique qui se situe dans la continuité de cette ligne et qui aborde notre problématique directement ou indirectement. Il se fait que John Searle se situe dans cette ligne, il oeuvre dans la pragmatique prise ici au sens des théories de signification à la suite de la tradition américaine de Charles Sanders Pierce (de sa sémiotique et de son naturalisme) ou plus immédiatement à la suite de John Austin. Nous devons dire que John Searle nous a servi ainsi à cette fin et nous a servi également comme pierre de touche de l'approche de la construction analytique et cognitiviste de la réalité sociale.

Nous sommes partis des reconstructions théoriques que nous supposons les plus « avancées » aujourd'hui , en tant que paradigme dominant, puis en descendant vers les théories dont celles-là se démarquent et, en en situant le courant dans lequel les théories dites les plus avancées se trouvent.

Dans le cas d'espèce, la théorie pragmatico-cognitiviste de la construction de la réalité sociale se démarque des philosophes- sociologues fondateurs des sciences sociales, i.e., de la sociologie classique, et se situe elle-même dans la révolution sémiotique de Peirce (qui anticipe la révolution linguistique et pragmatique de Ludwig Wittgenstein) ,qui est construite sur des relations cosmologiques et logique de priméité , de secondéité et de tierceité. Toutefois, sont restés des aspects eurocentriques que nous nous évertuons de relever.

L'approche pragmatico- intentionnaliste de Jürgen Habermas et de John Searle s'est emparée décidément aujourd'hui de la question principale de fondement de l'existence du « monde social » à travers la reconstruction des conditions de sa constitution.

Searle s'oppose à toute forme de constructivisme antiréaliste : il refuse les deux options ontologiques exclusives pour éviter selon le cas les conséquences désastreuses du relativisme et du réalisme naïf qui, en sciences sociales constitue une menace aux principes de la rationalité et à l'objectivité. Searle présente une approche particulière du réalisme à partir de la philosophie du langage qu'il prolonge en tant que philosophie des états mentaux.

Pour l'approche pragmatico- intentionnaliste de John Searle, l'ontologie des faits sociaux appelle l'ontologie objective de la réalité. Nous dirons en d'autres termes que la réalité extérieure perceptible est une réalité ontologique objective indépendante d'une réalité ontologique subjective et sociale. L'approche pragmatico- intentionnaliste nous offre une conception « originale ».

Réfléchissant sur les Temps modernes, Searle se demande pourquoi   nous sommes terrorisés à l'idée de retomber dans le dualisme cartésien. Le problème, c'est que la conception cartésienne du physique, la conception de la réalité physique comme res extensa n'est tout simplement pas adéquate pour décrire les faits qui correspondent aux énoncés portant sur la réalité physique.

John Searle donne à l'appui un exemple : si vous réfléchissez aux problèmes de la balance de paiement, à des phrases agrammaticales, à mon aptitude au ski, au gouvernement de l'Etat de Californie, vous avez moins envie de penser que tout doit entrer dans la catégorie soit mentale, soit physique.  La terminologie s'élaborerait autour d'une fausse opposition entre le « physique » et le « mental ». Nous pouvons le dire d'emblée, Searle développe ici l'autonomie des sciences sociales comme ayant une ontologie propre par rapport aux sciences physico-mathématiques.

L'approche pragmatico- intentionnaliste utilise une réflexion analytique en prenant les exemples de la compréhension du sens littéral des phrases. Le contenu sémantique des énoncés ne suffit pas en lui-même ; il faut un Arrière-plan, que Searle désigne spécifiquement comme des schèmes conceptuels pour donner tout leur sens aux choses. Nous disposons des phrases comme : le Président a ouvert la séance, l'artillerie a ouvert le feu, Pierre a ouvert un restaurant. Supposons qu'à l'ordre « Ouvrez la porte » je me mette à faire des incisions dans la porte avec un bistouri, ai-je ouvert la porte ? Autrement dit, ai-je obéi littéralement à l'ordre littéral « Ouvrez la porte » ? L'énonciation littérale de la phrase « Ouvrez la porte » exige, pour être comprise, quelque chose de plus que le contenu sémantique des expressions qui la composent et les règles de leur combinaison en phrase. Comprendre c'est autre chose que saisir un sens, ce que l'on comprend va au-delà du sens.

L'Arrière-plan est en définitive une pré-condition de la représentation linguistique ou mentale.  Searle s'autorise de passer des énoncés linguistiques aux états mentaux qui sont tout aussi représentationnels, tels que la croyance, le désir, l'intention, etc. Ceci est pour lui révolutionnaire parce qu'il redécouvre les états mentaux bannis par sa révolution pragmatique antérieure. Chaque phrase de la liste est comprise avec un réseau d'états intentionnels et sur fond d'un Arrière-plan des capacités et des pratiques sociales. Aussi, si la représentation requiert un Arrière-plan, n'est-il pas possible que l'Arrière-plan consiste lui-même en représentations sans engendrer une régression à l'infini.  Le réalisme et le concept d'Arrière-plan jouent justement un rôle important pour les fondements des sciences sociales et pour l'explication des phénomènes sociaux.

L'approche pragmatico - intentionnaliste de John Searle n'adhère que partiellement à la position conventionnaliste et constructiviste par sa théorie de la construction de la réalité sociale, il défend le point de vue d'un réalisme particulier au moyen du concept central de l'Arrière-plan comme un ordre sous-jacent qui est mis à jour à travers une analyse du langage ordinaire.

La question, au demeurant, porte sur le présupposé essentiel de toute activité scientifique. Pour l'approche pragmatico- intentionnaliste justement,  le réalisme est un présupposé essentiel de toute philosophie sensée, pour ne pas dire de toute science. L'argument principal concerne justement le réalisme et le réalisme concerne l'Arrière-plan comme structure invisible de la réalité sociale et ayant un impact sur l'ontologie des faits sociaux et des instituions sociales. La position du problème comme chez Ruwen Ogien386(*)loge le réalisme dans les phénomènes sociaux. Pour Searle c'est un présupposé essentiel, disons que c'est un présupposé de l'Arrière-plan.

Searle aborde cette question qualifiée aussi de question de l'existence de la « réalité extérieure », pour montrer comment il serait tout simplement absurde que toute la réalité soit assujettie à nos représentations humaines, en dehors des conditions formelles d'intelligibilité.

L'approche pragmatico- intentionnaliste ne se contente pas de cette discussion ,il aborde les questions connexes de création, de maintien et de l'effondrement de la réalité sociale à partir des concepts centraux d'Arrière-plan, d'intentionnalité collective, les actes de la parole et de comportement régi par des règles et tente de nouer des liens théoriques avec des thèmes, des théories, des schèmes, des principes et des concepts des sciences sociales depuis les fondateurs des sciences sociales, philosophes et ,ou sociologues et autres spécialistes des sciences sociales.

La réalité sociale ne peut être saisie qu'à travers la représentation, soit linguistique soit mentale soit encore actionniste. Autrement dit, nous construisons le monde social au moyen des éléments minimaux qui commandent le mental, le langage et l'interaction. En fait, le concept de structures profondes désigne en général des systèmes de règles élémentaires qui justement commandent la connaissance, la parole et l'interaction. Ces règles sont des structures profondes auxquelles les individus dans leurs oeuvres culturelles observables obéissent intentionnellement ou pas. John Searle dans une visée intentionnaliste postule les règles constitutives (X compte comme Y dans un contexte : C par exemple ce papier compte pour de l'argent dans le contexte des transactions interbancaires autorisées par la Banque centrale congolaise), qu'il faut ajouter aux concepts d'Intentionnalité collective et celui de l'Arrière-plan. Searle joint donc à la question ontologique sus- nommée les phénomènes du langage et de la conscience.

La conception du « fait social » chez Searle se démarque de celle de plusieurs théoriciens en la matière, mais elle est plus proche de celle de Friedrich Hayek, en ce qu'elle postule l'imposition des fonctions sur la réalité physique (la réalité brute) au moyen des règles dites constitutives, de l'intentionnalité collective et de l'Arrière-plan. Nous pouvons dans certaines circonstances (dans la forêt par exemple) assigner des fonctions aux « chaises » par exemple à des morceaux d'arbres coupés et jetés à terre. Ces morceaux deviennent, par ce fait d'imposition de fonction, des phénomènes sociaux. John Searle développe donc une ontologie distincte.

Cependant, la vision pragmatico- intentionnaliste n'est pas exempte de contradictions. Sur la question de la définition de la « réalité sociale », les sciences sociales africaines doivent à juste titre être réévaluées et reformées. Une telle évolution épistémologique passe par une suppression dialectique opérationnelle de l'opposition ontologique simpliste et réductrice entre le réalisme et le constructivisme. C'est la grande leçon que l'on doit retenir de l'oeuvre grandiose de John Searle portant sur la construction anti-réaliste de la réalité sociale, et dont le principe est considéré dans la philosophie sociale contemporaine comme un réflecteur opératoire de réévaluation et de rénovation des sciences sociales. Toutefois, en Afrique, une vigilance agissante doit être exercée contre les écueils subtils de la théorie évolutionnaire naturel et sociale. Tel est l'objectif sous-jacent à notre investigation.

Il nous semble qu'il soit important d'évaluer les promesses de l'approche de constructivisme social aujourd'hui et montrer les assises théoriques de cette vision des sciences sociales. Nous devons découvrir le pourquoi de ce regain constructiviste à travers ses méandres profonds.

Dans ce chapitre, nous nous proposons donc de présenter l'origine, l'ampleur de champs d'application de l'approche dit constructivisme. Une telle préoccupation commence par présenter l'actualité, la définition, la présentation du fondement, de l'intérêt de l'approche de la construction de la réalité sociale, de son objet et de ses espoirs.

CHAPITRE NEUVIÈME :

LA LUTTE ETHNIQUE, TRIBALE ET RACIALE D'ANNIHILATION ANTHROPOLOGIQUE ET LA SCIENCE

Quelle est aujourd'hui la situation épistémologue et sociale de l'Afrique ? On ne peut pas dissocier ceci de cela. La situation épistémologique a été décrite avant de passer à la situation sociale qui va nous occuper. Les occidentaux ont toujours été alarmistes à propos de l'Afrique. Vers la fin du millénaire passé, à propos de la situation sociale, nous voici devant un des pronostics défaitistes : « Jamais les disparités entre riches et pauvres en termes d'opportunités à l'échelle mondiale n'ont été aussi importantes qu'aujourd'hui. A en croire le programme des nations unies pour le développement (PNUD), le cinquième de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches se partage 86 % du PIB mondial contre à peine 1 % pour les pauvres ; 82 % des marchés d'exportation contre à peine 1 % pour les plus pauvres ; 68 % des investissements directs étrangers contre à peine 10 % pour les plus pauvres ; 75 % des lignes téléphoniques mondiales contre à peine 1,5 % pour les plus pauvres ».387(*)

Alors les gens se posent des questions : « cet accoisement des disparités est-il la conséquence inévitable de l'intégration économique mondiale ? Certains le disent, pour qui l'inégalité est consubstantielle au mode de production capitaliste. (...) Verra - t -on, au contraire, un renversement de tendances ? Certains l'affirment, pour qui la convergence est au bout des efforts de coopération et de partenariat à intensifier, et le développement humain durable « la nouvelle frontière »la lueur d'espoir sur laquelle il faut mettre le cap ».388(*) Pourtant l'Europe a atteint la limite des PIB et du plein emploi, mais les besoins restent immenses.

Dans tous les cas de figures, il y a « la nécessité de mener un combat vigoureux, combat d'idées, contre l'idée d'autant plus pernicieuse qu'elle n'est pas toujours formulée de façon explicite, selon laquelle l'Afrique peut être mise entre parenthèses, oubliée dans les scenarios globaux, car placée ou s'étant placée en position de hors-jeu économique ».389(*) Et : « La tendance au déclin, qui se donne à lire dans la faible productivité du travail et du capital en Afrique, et le recul de la part de l'Afrique dans la production manufacturière mondiale et le PIB mondial, ne serait pas prêt de s'inverser ».390(*)

Pour nous « dans le contexte (d'une crise profonde du capitalisme )où les enjeux géoéconomiques et géopolitiques d'hier se redéfinissent en même temps que se renégocient les nouvelles relations en matière de commerce international, qui élaborent de nouvelles normes globales et un calendrier de mise en oeuvre de celles-ci », il faut un nouveau cahier de charge africain à l'instar du mouvement panafricaniste du début du siècle passé, notamment celui que nous avons essayé d'ébaucher dans cette réflexion critique ,auto -critique et prospective, pour la mise en place d'un grand lobbying africain idéel afin d'être présent dans toutes les arènes où se négocient l'Ordre nouveau et faire prévaloir la pensée et la vision africaine du futur.

Du point de vue de l'Afrique « la mondialisation de l'économie nécessite des structures, des processus et des styles de gouvernance nouveaux dans  lesquels la transparence, la collecte, le traitement et la dissémination de l'information, l'adaptabilité aux changements dynamiques, la souplesse, le dynamisme et l'innovation sont plus importants que jamais »391(*). Il est également autre chose : « bien que les gouvernements africains doivent éliminer tous les obstacles inutiles sur la voie de l'investissement privé, national et étranger, et des échanges, un cadre réglementaire adéquat, et à l'abri de la corruption, est également nécessaire pour protéger l'intérêt public ,tant pour les générations actuelles que futures, et éviter la volatilité élevée des flux financiers ».392(*)

Notre thèse est la suivante : ce dont l'Afrique a besoin c'est une orientation unique de fédération de ses problématiques et de ses recherches. Pouvoir regarder dans la même direction pour consolider ses divers atouts. La pensée kheperienne offre cette possibilité. Toute division apparente en Afrique est d'abord au niveau plus profond, celui de la segmentation des savoirs endogènes. Avec cette division c'est toute l'efficacité du savoir qui est en question. Mais comment mettre les africains ensemble ?

La source de ces maux : de l'annihilation anthropologique à la paupérisation anthropologique.

Mveng nous situe dans deux péripéties : celle de la Traite des Nègres qui représente notre annihilation anthropologique et celle de la colonisation qui présente notre paupérisation anthropologique. « La colonisation, au fond est une nouvelle forme d'exploitation où le Noir va être utilisé non dans les plantations d'Amérique, mais dans celles de son propre pays ».393(*)

Les conséquences de ces maux.

La fragilité de l'Afrique pour Mveng est le résultat d'un impitoyable système de paupérisation structurelle et elle continue d'être alimentée par ces néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière le masque de la coopération. « Les maux qui en découlent ont causé pour l'Afrique, cette carence d'être, et cette multiple fragilité ».394(*) Il découle donc de tout ceci « la fragilité de l'Afrique politique ; celle économique, sociologique, culturelle et spirituelle »395(*). La cognée est à la racine de l'arbre : Il faut s'attaquer à la racine de l'arbre.

Quelle est la situation épistémologique ? C'est notre réflexion ici

Les conditions modernes.

Hannah Arendt se sert de l'Histoire concrète pour décrire le processus inexorable dans le quel le monde s'est engagé depuis le Temps moderne européen. De tous les processus qu'elle décrit, celui qui semble le plus cynique est celui qui débouche sur la force irrésistible de tout avaler, la seule exception qui a résisté mais pervertie jusque - là est la réalité des Etats-nations, qui plus, est une exception étonnante du processus. Aujourd'hui, ces Etats-nations ne semblent plus avoir les moyens de résister à l'inexorable processus.

La morale mise en place par Luther et Calvin engendra son contraire, l'expropriation des biens ecclésiastique et monastique, aboutit à l'accumulation des richesses, processus maintenu par la volupté des hommes et le processus biologique de procréation continue, et enfin engendra l'économie capitaliste et la révolution industrielle.

L'expropriation élimine la raison et les possibilités matérielles d'exister, le droit des autres hommes d'exister. Parce que pour Hannah Arendt, « la propriété, distincte de la richesse et de l'appropriation, désigne la possession privée d'une parcelle d'un monde commun et qu'elle est par conséquent la condition politique élémentaire de l'appartenance-au-monde ».396(*) C'est ce que Engelbert Mveng appelle l'annihilation anthropologique.

Au demeurant pour Hannah Arendt, « il est vain, naturellement, de se demander ce qu'aurait pu être l'évolution de notre économie sans cet événement dont l'influence a précipité l'Occident dans une Histoire telle qu'on l'a vu détruire la propriété dans le processus de son appropriation, les objets dévorés dans le processus de leur production, la stabilité du monde sapé dans un processus perpétuel de changement »397(*). Il s'agit de détruire pour accumuler des richesses. Il faut détruire les Indiens, les Juifs, animaliser les Noirs, pour créer des richesses, et prendre les richesses sociales des autres.

Il faut consommer les objets, puisque c'est de la nature humaine mondaine de consommer, en vue de maintenir la nécessité du processus de la production. Cette aliénation est un processus vital pour le monde moderne. « Dans les conditions modernes ce n'est pas la destruction qui cause la ruine, c'est la conservation, car la durabilité des objets conservés est en soi le plus grand obstacle au processus de remplacement dont l'accélération constante est tout ce qui reste de constant lorsqu'il a établi sa domination »398(*).

Tout cela obéit finalement à l'homme lui-même, au moi. L'affirmation majestueuse du moi. Puisque les besoins et les désirs sont inassouvis ; l'appropriation engendre une plus grande expropriation, ainsi continue le processus. C'est le « processus vital » de la société dira Marx. La classe des travailleurs est accaparée par le processus engendré originairement par l'aliénation du monde.

Disons le tout de suite, que la lecture de Hannah Arendt est une critique de Temps moderne européen dont le ressort profond de cette vaste oeuvre d'aliénation du monde réside dans la perte du sens de la transcendance qui culmine dans la laïcité. Kant a cru fonder la métaphysique alors qu'il la ruinait.

En effet, pour Hannah Arendt, « l'époque moderne a commencé par une soudaine, inexplicable éclipse de la transcendance, de la croyance à l'au-delà »399(*). Autrement dit, « une tendance persistante de la philosophie moderne depuis Descartes, sa contribution la plus originale peut-être à la philosophie, est le souci exclusif du moi, par opposition à l'âme, à la personne, à l'homme en général »400(*).

Tout commence quelque part par l'expropriation et l'aliénation. Les « trois grands événements dominent le seuil de l'époque moderne et en fixent le caractère : la découverte de l'Amérique suivi de l'exploration du globe tout entier ; la Reforme qui, en expropriant les biens ecclésiastiques et monastiques, commença le double processus de l'expropriation individuelle et de l'accumulation de la richesse sociale ; l'invention de télescope et l'avènement d'une science nouvelle qui considère la nature terrestre du point de vue de l'univers »401(*).

Les trois étapes de cette aliénation sont :

1) La misère imposée à un nombre toujours grandissant de « pauvres travailleurs »que l'expropriation privait de la double protection de la famille et de la propriété. Il faut exproprier l'Eglise, détruire les Indiens, exproprier et décimer les Juifs, animaliser les Noirs, pour créer des richesses, et accumuler des richesses sociales.

2) La société remplace la famille comme sujet du nouveau processus vital. La classe sociale assura à ses membres la protection que la famille procurait autrefois aux siens.

3) La famille se transmue à la classe laborieuse et la propriété en Etat national au service du processus vital. De même que la famille et la propriété furent remplacées par la classe et le territoire national, l'humanité commence à se substituer aux sociétés nationales, la Terre aux territoires des Etats. C'est toujours une expropriation, parce que l'homme social ne possède pas la propriété collective comme la famille et l'homme du foyer possèdent leur propriété individuelle.

Dramatiquement, « la grandeur de la découverte de Max Weber à propos des origines du capitalisme est précisément d'avoir démontrer qu'une énorme activité strictement mondaine est possible sans que le monde procure la moindre préoccupation ni le moindre plaisir, cette activité ayant au contraire comme motivation profonde le soin, le souci du moi »402(*). Une aliénation par rapport au monde pour moi. Le capitalisme est né de l'expropriation, en tant qu'il consiste « à priver certaines personnes de leur place dans le monde et à les exposer sans défense aux exigences de la vie, à créer à la fois l'accumulation originelle de la richesse et la possibilité de transformer cette richesse en capital au moyen de travail. Telles furent les deux conditions de l'avènement d'une économie capitaliste. »403(*) Le capitalisme et l'urbanisation forcent le transfert de la solidarité familiale vers une solidarité perverse de classes sociales, par ce fait même déracinent les travailleurs de leur sol et de la solidarité familiale élargie qui est fondée sur la propriété collective.

L'accumulation de richesse sociale est réintroduite dans le processus d'expropriation à grande échelle au lieu d'aboutir à une nouvelle répartition des richesses. Ce processus reste lié au principe qui lui a donné naissance : celui de l'aliénation par rapport au monde. Le processus ne peut continuer qu'à condition de ne laisser intervenir ni durabilité ni stabilité de-ce-monde, c'est la contradiction foncière du capitalisme régnant.

Tout est exproprié par le processus, la famille, le sol, les Etats -nations sujets au processus vital, aidé pour cela par le processus biologique des besoins et des désirs. On fît finalement dépendre de  la terre et du sang des aïeux les relations entre ses membres. La limite de ce processus est la propriété collective des Etats sapés à la base par l'expropriation individuelle. La perte de cette parcelle du monde que l'homme possédait en privé est centrale dans la déchéance.

En effet pour Habermas, Max Weber conçoit la modernisation de la vielle Europe comme le résultat d'un processus de rationalisation qu'il tente d'identifier au modèle capitaliste de modernisation. En fait, pour Hannah Arendt, le modèle capitaliste naît du processus d'expropriation individuelle et d'accumulation des richesses sociales, et simultanément avec la possession de l'outil de la science moderne qui permet l'exploitation du monde, notamment l'aliénation de l'Amérique et l'exploration du monde. 404(*)

Max Weber analyse la rationalisation ou la sécularisation sociale telle qu'elle est vécue et telle qu'elle s'effectue à l'âge moderne, au moyen de la notion de rationalité technique et scientifique. La science moderne telle qu'elle est mise en contribution dans d'exploration du monde.

Cette option, Weber le partage d'un côté avec Karl Max et de l'autre côté avec Horkheimer et Adorno. Pour K. Marx, la rationalisation technique et scientifique est incarnée dans la rationalisation des forces de production. Cependant, pour Hannah Arendt le processus de la production, aidé pour cela par le processus biologique des besoins et des désirs sans fin, ne répond qu'à sa propre logique. C' « est une prospérité prodigieuse qui ne dépend pas de l'abondance des biens matériels ni de quoi que ce soit de stable et de donné, mais simplement du processus de production et de consommation »405(*). Marx qualifie ce processus de « processus vital ».

Ainsi l'économie capitaliste et l'Etat moderne ne sont-ils que les systèmes d'activité rationnelle où se déploie socialement le rationalisme occidental.406(*) La science aide à la domination. Une éthique protestante d'expropriation y prend forme et la perte de la transcendance. Hannah Arendt va si bien le dire, « la grandeur de la découverte de Max Weber à propos des origines du capitalisme est précisément d'avoir démontré qu'une énorme activité strictement mondaine est possible...ayant au contraire pour motivation profonde le soin, le souci du moi ». 407(*) Le ressort profond de cette exploitation se trouve dans l'homme.

Karl Marx théorise la société productiviste au moyen de la rationalité technico-instrumentale, dévalorisant par le fait même, la spécificité d'une rationalité normative, morale et culturelle. Il reconduit dans ses traits principaux les mêmes apories, avec une attitude cependant plus pessimiste à l'égard de rationalisation capitaliste. « L'expropriation, pour Hannah Arendt (qui sera à la base du capitalisme), consiste à priver certains groupes de leur place dans le monde et à les exposer sans défense aux exigences de la vie, a crée à la fois l'accumulation originelle de la richesse et la possibilité de transformer cette richesse en capital au moyen du travail »408(*).

En effet, pour Marx, le processus de rationalisation sociale suit un mouvement qui organise la production des biens en tant que production des valeurs d'échange sur base d'un travail salarié et intervient aussi dans un sens désintégrateur pour les conditions de vie des classes qui participent à ces transactions.409(*) Le processus de production, d'accumulation, de la banalisation des biens de ce monde obéit à sa propre loi.

Ainsi avec le progrès de processus de rationalisation, l'Etat et l'économie capitaliste en tant que sous-systèmes d'activité rationnelle cognitivo-instrumentale s'autonomisent-ils vis-à-vis des attentes des membres de ces sous-systèmes et vis à vis d'un fondement voulu éthique. L'administration, incarnation de l'Etat devient un système anonyme fermé, immunisé face à la volonté des masses. Les conditions de vie de la classe ouvrière se désagrégent par le fait de l'aliénation.

Les néo-marxistes, tels que Lukacs et Horkheimer, eux parlent en terme de déformation de la conscience interprétative du capitaliste qui assimile l'humain à des objets par le phénomène hégélien « d'objectivation » des rapport sociaux.

Théoriquement, ils vont donc tenter d'élucider le rapport entre la différenciation d'une économie capitaliste régie par les valeurs d'échange et la déformation de la conscience interprétative objectivante, utilisant pour ce faire le modèle du fétichisme de la marchandise.410(*)

La chosification des rapports sociaux comme critique de la rationalité calculatrice et formelle, sous la plume de Lukacs, est plus que dramatique et invite à l'insurrection sociale. Le progrès de réification, le devenir marchandise du travailleur annule certainement celui-ci tant qu'il ne se rebelle consciemment contre cette situation. Les coûts socio psychologiques externalités par la société, déchargés sur les individus, se manifestent sous plusieurs formes. Ils s'étendent sur un espace allant des maladies psychiques entrant dans la nosographie, névrose, phénomènes pathologiques chroniques, troubles psychosomatiques, problèmes de motivation et d'éducation, aux secteurs religieux de jeune et aux groupes de délinquants marginaux (incluant aujourd'hui le terrorisme anarchiste).411(*)

C'est cette situation singulière qui advient lorsque ce ne sont pas des valeurs, ni des normes éthiques ou l'intercompréhension dialogale qui coordonnent les actions sociales, à la place se substitue le médium de la valeur d'échange.412(*)

Habermas ne cède les pas à une vision objectiviste de l'Histoire, ni à une vision exclusivement productiviste de la société, et il reconnaît la spécificité des superstructures normatives de la tradition culturelle (droit, morale, religion, art,...), au lieu de les discréditer.413(*) Une société globale, doit prendre au sérieux la spécificité des superstructures normatives de la tradition culturelle, notamment le droit, la morale, la religion, l'art, le mythe en tant que modes de régulation sociale.

Le développement du capitalisme avancé exige un certain nombre de révisions. Plus encore, Habermas réagit en s'interrogeant « est-ce qu'en critiquant le caractère incomplet de la rationalisation qui se présente comme réification, on ne fait pas prendre conscience d'un rapport de complémentarité entre la rationalité cognitivo-instrumentale, d'une part, et la rationalité morale pratique et esthétique pratique d'autre part, de sorte qu'on pourrait y reconnaître le critère d'un concept non restreint de la pratique, nous pouvons dire, de l'agir communicationnel lui-même ».414(*)

Il va pousser la logique jusqu'au bout : l'économie et l'Etat se transforment en incarnation de la rationalité cognitive instrumentale, tout en soumettant d'autres sphères de vie à leurs impératifs, ils refoulent vers la périphérie tout ce dans quoi peut s'incarner la rationalité pratique, morale et esthétique.415(*) Le refoulement doit s'entendre par exemple comme impératifs du capitalisme avancé qui suspendent à ses guises toutes les autres sphères d'activité à l'échelle mondiale. En commençant par la sphère morale et juridique.

Il y a prééminence des aspects économiques qui imposent ses impératifs à d'autres sphères de vie sous forme de processus continu et global, et ayant des effets néfastes sur l'existence habituelle de nos sociétés et sur les Etats-Nations.

L'antidote de la misère : le travail.

Le travail et le langage (la parole) doivent être exempts de toute domination pour envisager un quelconque progrès social. Cette libération est pour cela la condition socio-historique de tout progrès social.416(*) Nous l'avons dit, pourtant le travail est soumis au processus primitif d'expropriation et d'accumulation des richesses.

Nous partons du postulat suivant lequel: « les processus du travail sont  l'éternelle nécessité naturelle de la vie humaine »417(*) Un travail naît des nécessités de la vie ne se confond pas avec la force de travail, celle qui fructifie les richesses et le capital. Or, les processus du travail par nécessité, cette création continuelle, cette production est la base du monde tel qu'il existe aujourd'hui.418(*) Le travail (l'emploi) doit être promu par le capital contre la tendance actuelle qui veut que le capital assujettisse ou élimine le travail.

D'un point de vue philosophique, la catégorie du travail acquiert le sens d'une pratique vécue en général qui constitue le monde. Cette conception se présente ainsi, surtout si nous interprétons les écrits anthropologiques de Marx en nous laissant guider par les analyses du monde vécu (Lebenswelt).419(*)

Jürgen Habermas cite Karl Marx tel qu'il donne une lecture instrumentaliste de la philosophie transcendantale.420(*) Ce n'est pas la combinaison de symboles effectués selon les règles, mais les processussociaux de vie, la production matérielle et l'appropriation des produits, qui fournissent la matière que la réflexion peut prendre comme point de départ pour porter à la conscience les réalisations synthétiques fondamentales. C'est contre l'idéalisme de Kant que Habermas réagit.

Selon Habermas, après Marx, cet instrumentalisme transcendantal ne sera thématisé comme tel que par le pragmatisme américain.421(*)

Pour Habermas, deux activités restent au coeur des sociétés modernes : le travail et l'interaction communicationnelle. En effet, l'articulation anthropologique opposant travail (sujet au processus vital) et l'interaction sociale est au principe même de la réflexion de Jürgen Habermas, c'est elle qui commande la distinction entre « activité instrumentale » et « activité communicationnelle ».422(*) Ce couple contradictoire est donc partout à l'oeuvre aussi bien dans sa pragmatique universelle, dans son anthropologie que dans son épistémologie.

Au demeurant, « C'est chez Marx que Jürgen Habermas va chercher les bases de son anthropologie matérialiste.»423(*) La catégorie du travail doit acquérir le sens d'une pratique vécue en général qui constitue le monde. Cette conception se présente surtout si nous interprétons les écrits anthropologiques de Marx en nous laissant guider par les analyses du monde vécu (Lebenswelt) dans les écrits tardifs de Husserl au sens de savoir et savoir-faire oublié.424(*)

Dans le même ordre d'idée, la tradition théorique qui consiste à camper les catégories économiques au centre de la théorie sociale remonte à l'école économique classique avec Adam Smith, David Ricardo, John Mill,... Une telle tradition a l'avantage de présenter les lois invisibles qui déterminent la marche des sociétés modernes, contre la tendance régnante, depuis les contractualistes comme Hobbes, Rousseau,...qui imposent l'habitude de placer les catégories juridiques - vecteurs d'une intégration simplement intentionnelle- au centre de la théorie sociale. Cette reconstruction historique des théories sociales a l'autre avantage de présenter une intégration non intentionnelle mais réelle, de nos sociétés fondées sur les échanges. Habermas garde par ailleurs ce cap, même si nos sociétés ont engendré une image d'elles-mêmes, qui n'ont plus à proprement parler, ni sommet ni base.

Le système Habermas est tout aussi bien factuel que normatif, il fait cas des rapports de forces et des enjeux par le changement de perspective théorique liée à la tradition économique, qui, en amont, dans la structure sociale, hypothèquent les pratiques langagières.

Au demeurant, selon Habermas, le travail désigne  une activité rationnelle par rapport à une fin, une activité instrumentale qui obéit à des règles techniques qui se fondent sur un savoir empirique. L'interaction, quant à elle, est médiatisée par des symboles. Elle se conforme à des normes en vigueur de façon obligatoire, qui définissent des attentes de comportements réciproques et doivent être nécessairement comprises par deux sujets agissants au moins. L'une et l'autre correspondent à des intérêts anthropologiques. Les actions instrumentales sont normalement insérées dans des relations d'actions communicationnelles (les activités productives sont en général organisées socialement). En réalité une action instrumentale et une interaction sont ouvertes à des valeurs communes.

La dimension libératrice de la domination.

Habermas insiste sur la dimension libératrice, celle d'une anticipation de la communication qui serait à la fois débloquée et exempte de domination. La référence à la domination sur le travail et du langage (parole libre), indique les conditions socio-historiques pour une dimension libératrice -une restriction à l'activité communicationnelle qu'il convient de dépasser. En même temps ces conditions théoriques dictent la conduite de Habermas qui prend à bras-le corps les sciences émancipatrices : la philosophie critique et la sociologie de compréhension linguistique ou la critique des idéologies.

La domination n'est pas exclusivement de l'ordre économique, elle se situe à plusieurs niveaux :

- le désechement du monde vécu contre les systèmes : la dialectique de la rationalisation et du progrès fait apparaître l'époque moderne comme un projet problématique : « le progrès » comporte un certain coût et on assiste à une « colonisation » du monde qui est nôtre vécu à travers les impératifs du système socio-économique avec la rationalité restreinte, technique et scientifique.

- aussi l'exigence d'un dialogue a-t-elle à connecter les deux moments : système socio-économique qui s'atomise sans dialogue  et société civile qui présuppose le siége de la vie.

- la domination bureaucratique (une contrainte dominante anonyme d'une administration qui se détache des attentes du peuple) et celle des élites.

Contre le capitalisme, Habermas reproche autrement son incapacité aujourd'hui de se domestiquer de façon pratique et morale à l'échelle planétaire au moyen de l'Etat providence et de l'écologie. « Le parti qui se croit victorieux ne parvient pas à se réjouir de son triomphe ».425(*) Finalement, il peint une situation sombre contre laquelle il faille mener un combat des gladiateurs: « face aux conflits primordiaux que constituent la limitation écologique de la croissance économique et la disparité croissante des conditions de vie du Nord et du Sud ;devant la tâche historiquement inédit d'introduire dans les sociétés naguère fondées sur le socialisme d'Etat , les mécanismes d'un système économique différentié ; sous la pression des flux migratoires venant des régions appauvries du Sud et aujourd'hui de l'Est ; compte tenu des risques que constituent les nouvelles guerres ethniques,nationales et religieuses,les chantages nucléaires et les luttes internationales pour le partage des richesses ».426(*)

Les évolutions et les continuités de la modernité sont décrites par Habermas dans quelques uns de ses écrits. Dans son ouvrage, Après Etat -Nation .une nouvelle constellationpolitique, Habermas présente une évolution des événements majeurs de l'époque contemporaine. Il présente la continuité des tendances longues qui caractérisent la modernité sociale contemporaine en trois grandes dates historiques : 1914,1945, et 1989. « Un consensus existe sur le fait qu'au « long » 19e siècle (1789-1914) a succédé un «  court » 20e siècle (1914-1989) ». (427(*))

Seuls les Etats-Unis sont sortis renforcés de deux guerres mondiales, et de la guerre froide, au plan à la fois économique, politique, culturelle et militaire. Ils ont un investissement militaire de près de 800 milliard de dollars de part le monde : des déploiements des troupes, de flottes de guerre sur les mers et les océans, des bases militaires en Europe, en Asie, dont 6,7 milliard de dollar d'investissement en Afrique. Ils détiennent près de 51% de PNB mondial, près de quart des flux aériens du monde, etc. Ces résultats ont valu, au dire d'Habermas, au 20e siècle le nom de siècle « américain ».

La force la plus imposante qui dicte la césure calendaire est sans appel les différentes guerres européennes. L'année 1945 est la serre chaude des idées sans la quelle l'innovation culturelle incontestable du siècle n'aurait guerre eu lieu. Le changement de climat obtenu en 1945 constitue l'arrière-plan des évolutions ultérieures. La décolonisation s'inscrit dans ce changement structurel nonobstant quelques résistances. « Dès 1945, l'empire du Japon vaincu n'est pas le seul à se désintégrer ; la même année, la Syrie et la lybie acquièrent leur indépendance .En 1947, les Britanniques se retirent de l'Inde ; l'année suivante a vu la naissance de la Birmanie, du Sri lanka, d'Israël et de l'Indonésie .Ont ensuite conquis leur indépendance les régions de l'Islam « occidental » de l'Iran au Maroc, puis, petit à petit, les Etats de l'Afrique centrale. »  428(*)

C'est à partir d'une raison globale et non restreinte :technique et scientifique que J. Habermas entreprend de valoriser les structures normatives, dévalorisées par Marx, comme le droit ou la morale elle-même et qu'il pense l'échéance d'une « identité collective » universelle à la quelle se trouvent maintenant confrontées nos sociétés ; c'est elle qui est à l'oeuvre comme espace idéal de dialogue à l'horizon de « l'opinion publique », présente dans les légitimations dont se soutiennent de plus en plus toutes les sociétés.429(*)Ce système semble être à la hauteur de l'expérience de notre temps parce qu'englobante.

Il reste que le dialogue démocratique est la seule voie permettant d'assurer la médiation politique entre notre pouvoir technique et notre vouloir « pratique » et d'échapper à l'illusion technocratique ou « décisioniste ».

Il n'est guère d'alternative institutionnelle à la démocratie, même si de grandes « démocraties occidentales des masses » se sont assez largement discréditées tant qu'il est vrai que la dictature du prolétariat n'est ni souhaitable ni même proprement possible.

Jürgen Habermas renvoie dos à dos et le marxisme et le capitalisme. Il propose une démocratie dite radicale : il tente de présenter « une tradition (...) de l'idée de démocratie radicale telle qu'elle est développée par la théorie de la discussion.»430(*) La critique contre marxisme se focalise entre autre sur la théorie de la Révolution. Il y a trente ans, rappelle Habermas, « j'ai critiqué la tentative marxienne de transformer la philosophie hégélienne du droit en une philosophie matérialiste de l'histoire ». 431(*) La conséquence est qu'il s'est discrédité parce que tombant sous le coup des mêmes griefs : les droits comme expression des forces sociales, i.e. le droit colonial que l'on semble sans ménagement perpétuer dans les Etats post- coloniaux.

Le marxisme n'abolirait pas les idéologies ! « En critiquant l'idéologie de l'Etat constitutionnel bourgeois, (Marx) a discrédité de façon si durable pour le marxisme à la fois l'idée même de la légalité et, par sa dissolution sociologique de ce qui faisait la base des droits naturels, l'intention de droit naturel comme tel, l'union entre droit naturel et Révolution s'est dissoute». Habermas va entreprendre de traiter cette question largement dans son livre intitulé Droit et démocratie. Entre faitsetnormes.

Chez Marx la critique de l'économie politique est une condition de libération des travailleurs qui sont dominés et exploités.432(*) Pour nous la critique des sciences sociales sont justement les conditions de libérations des africains. Les intérêts de classe sont véhiculés dans les différents types de savoir. Habermas complète pour évacuer les intérêts socio-historiques, en mettant à la place les intérêts liés à l'espèce humaine.

Finalement pour Habermas, la construction de la réalité sociale est une question importante parce que les participants à un projet social doivent s'entendre eux-mêmes sur la forme de vie qu'ils veulent instaurer. En effet, si on comprend le « socialisme » comme « la quintessence des conditions nécessaires aux formes d'une vie émancipée, à propos desquelles les participants doivent eux-mêmes s'entendre, on voit que ce projet trouve lui-même son noyau normatif dans l'auto-organisation démocratique d'une société juridique »433(*).

La justice 

Passons en revue la théorie libérale de la justice la plus illustre. Dans le contexte de la recherche de fonder le refus de l'exploitation de l'homme par l'homme, John Ralws présente des principes philosophiques très pertinents pour la lutte de classe, mais nous en sommes encore en Afrique à la lutte darwinienne. Peut être que les chinois vont nous y introduire.

Le Professeur Mutunda Mwembo ressasse ces principes d'une admirable façon, en citant entre autre John Ralws. En effet, pour Mutunda, « il n'est donc pas question que des sacrifices soient imposés à des hommes et à des peuples pour le bien d'autres, comme cela s'est fait dans le contexte de l'exploitation de l'homme illustré par la colonisation et une certaine globalisation ».434(*)

John Ralws écrit : « Chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien être de l'ensemble de la société, ne peut être transgressée. Pour cette raison, la justice interdit que la perte de la liberté de certains puisse être justifiée par l'obtention, par d'autres, d'un plus grand bien ».435(*) Ailleurs, John Ralws procède par une projection presque à vide d'un ordre de justice à installer à marche forcée : l'instauration de la justice distributive qu'il préconise, telle qu'elle doit être faite au moyen des prix, du marché ou carrément par le gouvernement, démontre des lieux d'ajustement qui appellent chaque fois un arbitrage. Sa terminologie rappelle en n'en point douter une conception très proche des programmes d'Ajustement structurel ou de Programme dits des Pays Pauvres très endettés.

Dans la théorie de la justice comme équité, John Ralwsnous gratifie d'une construction philosophique sur des questions de jugement politique sur la fonction distributive du marché ou des prix. Il en présente la possibilité de réalisation et les possibilités d'ajustement en cas de problèmes ou d'inégalité indue sur la question de la redistribution. Ce n'est pas un projet africain, il est pourtant le point d'orgue de pensée de Ngoma Binda, il réfléchit sur la pauvreté socio-économique et non sur la paupérisation anthropologique : la réconciliation entre la liberté et la solidarité.

Ngoma Binda est le meilleur représentant de John Ralws au Congo.Pourtant, la reprise de la question de la crise de la modernité est le point de départ véritable des conséquences actuelles sur l'Afrique. Cette modernité qui est africaine comme le pense C.A.Diop. Il y a une distribution des tâches  entre une décision collective et le marché. Ici, émerge, de divergences entre une théorie cohérente et tentaculaire, et une théorie plutôt de plâtrage inscrit dans un projet occidental de la crise modernité et non d'un projet africain qui prend source dans l'Antiquité classique africaine et Egypte antique.

Dans le chapitre consacré à la distribution, de prime abord il prend des précautions d'usage : « nous ne nous occupons que de certains problèmes moraux de l'économie politique. Par exemple, je demanderai quel est, à long terme, le taux d'épargne adéquat, comment organiser l'impôt et la propriété, à quel niveau fixer le minimum social ? En posant ces questions, je ne cherche pas à expliquer ce que dit la théorie économique de fonctionnement de ces institutions, encore moins à y ajouter quoi que ce soit »436(*). Il s'agit de « tester les conceptions morales ».437(*) L'Europe a été longtemps amorale.

On peut donc voir, dit-il, le rôle du marché pour décider de taux d'épargne et de l'orientation de l'investissement. Tous les régimes utilisent le marché pour repartir la consommation des biens. Dans le même sens,  les prix résultant de la concurrence dans les conditions normales soient justes et équitables. Cependant dans le cas des biens publics, cela échoue complément.

En effet, notre critique est que les Biens publics sont des conditions sine qua none de toute prospérité nationale sur les quels doit discuter la société civile. Ce sont ces Biens publics qui régulent véritablement l'économie de l'Etat. Parce que les marchés sont capables aussi bien de soutenir que de détruire le plein emploi, la sécurité de l'environnement, la santé publique, les services sociaux, l'enseignement, la diversité culturelle et la véritable concurrence.

En effet, nous pouvons même dire que les Biens publics et la démocratie sont indispensables aux marchés (aux sociétés transnationales). Ainsi, « des biens aussi différents et manifestement publics que l'enseignement, la culture, le plein emploi, le bien-être social et la survie écologique (ne) devraient (pas) être livrés au secteur commercial aux fins d'arbitrage et de décision. »438(*)

Point n'est besoin de nous étendre plus longuement, nous nous en tenons à ce seul argument, qui, du reste est la pierre angulaire de cette dissertation. Les ajustements tels que les préconise John Ralws dans un environnement néolibéral restent toujours problématiques.

A. Sens et tâche d'une reconstruction socio-éthique en Afrique

Nous voulons mettre en exergue la dimension de l'éthique politique qui est impliquée dans ces discussions à l'instar de « la sociologie (qui) s'est sentie, affirme Michel Wieviorka, souvent proche de politiques de centre-gauche, (et) du solidarisme ».439(*) Ce qui nous a préoccupé dès notre introduction était justement le changement profond et perpétuel de la « réalité sociale » dans le monde  au plan théorique et au plan pratique : aujourd'hui en Europe on parle de changement de la nature du travail, de la crise des institutions publiques, de la vie familiale moderne, des tendances démographiques qui engendrent la frénésie dans la politique d'immigration en Europe, la place de la femme dans la société, la mobilité sociale, des inégalités persistantes, le changement des valeurs, les sociétés deviennent multiculturelles, etc.

La réalité de la société africaine est plus que pire encore : la pauvreté socio-économique, paupérisation anthropologique (le rafle de notre histoire millénaire , de notre culture, de notre art, de notre mémoire collective, de nos traditions en tant qu'Âme africaine), dans le domaine de la nature du travail aujourd'hui c'est l'informel qui domine et l'économie ménagère ou clanique ; dans la vie familiale, c'est l'institutionnalisation des enfants de la rue ; la place des femmes, toujours plus inégalitaires, etc. ; le tout couronné par la violence sociale et politique larvée interne et externe comme force de recomposition.

Pour pouvoir répondre à cette évolution des réalités sociales, par des politiques efficaces, il faut logiquement d'abord avoir une compréhension théorique approfondie. C'est ce que nous avons tenté de faire.

L'autocritique de l'Ordre et de projet kheperien

L'ordre qui a émergé du concept de kheper n'est-il pas critiquable ? Certes si ne fût-ce qu'au niveau pratique de la réalisation, une chose est d'être une rampe de lancement théorique, une autre chose est de réaliser le potentiel inhérent.

La nécessité de conciliation des horizons nous semble bien résumée dans un des épilogues de Marc Maesschalck , cela face à « des attitudes défensives du passé » et des attentes inhérentes de ceux qui ont été désabusés qui, par ailleurs se trouvent engagés dans « un processus de construction sociale de la normativité des normes ».440(*) Ceci n'est possible qu'en sachant qu'aucun ordre n'a un rôle figé, chacun accompagne la totalité du processus.

Il faut donc dans une approche expérimentaliste pragmatique « développer la connaissance de ces attentes ». Ce processus vise le déplacement des blocages d'auto-transformation qui doit passer par la production symbolique d'une identité d'action ouverte à sa mobilité intrinsèque (i.e. à l'acceptation de sa constante réévaluation interne, au plan de l'institution).441(*) Ce processus stigmatise bien entendu la « reconnaissance intergroupe (réciprocité), si bien qu'il faut, préalablement à toute réflexion critique sur les conditions de l'intervention sociale, revoir les exigences d'alliance et d'auto-transformation qui déterminent les attentes normatives des groupes d'acteurs concernés ».442(*)

Notre hypothèse qui consiste en la reconstruction sociale au moyen de l'icône et du concept de Kheper qui contient la revendication de la légitimité d'un Ordre, qui n'épuise pas par ailleurs tous les ordres au plan surtout de la pratique et de la réalisation, mais met en exergue un conflit qui appelle un arbitrage par l'éthique politique. Reconnaitre chaque étape de l'ordre de la pratique, de l'ordre épistémologique et du nécessaire ordre génétique intrinsèque nous parait bien justifié. « C'est processuelllement, dans le mouvement pragmatique de l'expérimentation, qu'une transformation des cadres d'action peut avoir lieu ; non en fonction d'un « méta-cadre » fixé par la raison idéale des intervenants, mais en fonction d'un prototype de cadre variable, proposé pour favoriser à la fois sa propre transformation et la transformation de tous les cadres ».443(*) Cela débouche sur « la possibilité d'une nouvelle histoire commune ».444(*) Ainsi nous pouvons dire, du point de vue des approches, à titre d'exemple que Sédar Senghor « avait rejeté d'importants aspects de marxisme, mais il partageait avec Marx la croyance en des similarités dans l'évolution sociale de tous les peuples ».445(*)

Ce qui est dangereux c'est « la tentation (...) qui consiste à envisager toutes les questions en fonction de notre expérience, de notre passé et de nos préférences. Elle implique un jugement de valeur, qui nous est évidemment favorable, et relève de cette « tradition d'ethnocentrisme des Occidentaux » que les anthropologues (R. Linton) se sont attachés à dénoncer ».446(*)

Qu'il nous soit donc permis de plancher ici sur la conception de la question de l'éthique politique telle que nous en faisons la lecture chez Marc Maesschalck et de corroborer ses vues quant à des situations de désajustement institutionnels comme celles que vit l'Afrique aujourd'hui.

Du point de vue de son objectif, l'éthique politique « met en question la figure du réel qui construit un domaine d'activité, elle interroge ses conditions de production, son insertion dans l'ordre économique mondial, son rapport au pouvoir et son approche des cultures ».447(*) Ainsi ,« l'enjeu (est) de changer les critères sémantico -culturels pour stabiliser l'indécidabilité des références axiologiques en partant des exigences posées par une interaction intramondaine intégrant les différences (sans les supprimer) ».448(*)

Quel en est en le danger ? Marc Maesschalck pense que « l'extrapolation d'un modèle d'activité peut devenir totalitaire avec ses horizons sémantiques et lorsqu'il entend traiter le sens de théories morales, politiques et religieuses sur le même pied d'égalité que les hypothèses scientifiques dont la valeur ad hoc selon Feyerabend, est la meilleure garantie de leur fécondité ».449(*) En ce qui concerne la nature même de l'éthique contemporaine, elle « est éminemment politique, puisqu'elle vise à établir un consensus (acceptable pour tous) sur des règles de vie en commun ».450(*)Ceci peut se faire sur base de « la mission historique de savant ».451(*) Le problème, c'est que « l'énoncé scientifique est toujours la réduction d'un monde à la cohérence de l'opérable et une visée d'adéquation à la forme des objets de ce monde (construction), c'est-à-dire à leur opérabilité ».452(*) Tout cela part d'un constat unanime : « le fait scientifique est entièrement construit et la référence à une réalité préexistante n'a d'autre vertu que rhétorique pour renforcer la position du savant ».453(*) Il s'agit plus que de« surmonter l'effet de construction des sciences en annulant les conflits de frontière par un principe d'incommensurabilité ».454(*)

Nous présentons ce point de vue de l'éthique politique parce qu'« il s'agit de créer les conditions concrètes d'un espace collectif de vigilance où puissent s'élaborer de nouvelles normes de vie en commun »455(*)et d'« établir les conditions performatives d'une action orientée vers la construction d'un monde commun ».456(*)

Maesschalck résume les tâches à accomplir en trois régimes théoriques qui dépendent des conditions internes des cultures : Lorsque la condition interne de pertinence des pratiques est la cohérence de la culture de base ;lorsque la condition interne d'un débat sur la cohérence des interprétations, est l'insertion des pratiques dans leur tradition culturelle (fond d'apparence, l` « inconditionnel ») ;lorsque la condition interne des pratiques discursives de légitimation sont les pratiques concrètes de contrôle social ou la condition interne d'un discours sur l'origine du pouvoir comme vie sociale sont les pratiques de résistance. 457(*)

Jürgen Habermas nous gratifie d'une formule romantique de Schelling qui désigne la Raison comme étant « une folie soumise à des règles (qui) prend un sens particulièrement actuel et angoissant à une époque où la technique étend sa domination à une pratique qui n'est séparée de la théorie que par elle. »458(*) C'est ici que gît le défi. Pierre Bourdieu tente de répondre à cette question d'auto -transformation du champ scientifique en recourant à l'habitus scientifique comme théorie réflexive du regard théorique des théoriciens mis dans la situation de s'ajuster rationnellement à l'état général d'un champ des forces .459(*) L'habitus scientifique pourrait permettre une prise de conscience des savants.

Ainsi, « une fois satisfaits l'ensemble des critères de recevabilité des propositions scientifiques, le consensus de la communauté scientifique (sera) le garant de l'acceptabilité effective d'une proposition. »460(*) Cela peut conduire à la dimension politique de la science, « la communication scientifique éclairée -dont le processus serait institutionnalisé dans la sphère publique de la politique - mettrait en branle des mesures sociales techniques qui supprimeraient toutes les formes substantielles de domination- et, au nom de leur émancipation, maintiendraient durablement présente dans la réflexion des citoyens cette suppression elle-même ».461(*)

Pour Habermas, « le rationalisme, dans les limites positivistes...requiert d'abord seulement qu'un nombre aussi grand que possible d'individus adoptent une attitude rationaliste. Cette attitude, qu'elle concerne leur comportement dans les démarches de la recherche ou dans la pratique sociale, prend pour guide les règles d'une méthodologie scientifique. Elle accepte les normes habituelles de la discussion scientifique, elle est au fait en particulier, du dualisme des faits et des décisions et elle connaît les limites de validité de la connaissance intersubjective. C'est pourquoi elle se dresse contre le dogmatisme tel que le comprennent les positivistes et s'oblige, lorsqu'elle juge des systèmes de valeurs et manière générale des normes sociales, à respecter des principes qui fixent les rapports de la théorie et de la pratique. »462(*) Habermas ajoute : « l'extrapolation sociopolitique d'une méthodologie fait cependant apparaître plus que le côté seulement formel de la réalisation rationnelle du sens ; on y trouve déjà un sens déterminé et la visée d'un ordre social spécifique : l'ordre libéral de la « société ouverte » ».463(*)

Marc Maesschalck souligne d'ailleurs le fait de savoir comment les enjeux d'une construction éthique et d'une construction sociale tels qu'ils se croisent : « les enjeux de société croisent donc l'éthique dans la mesure où ils s'expriment à travers les constructions normatives qui ont pour fonction de coordonner l'activité du sujet ».464(*)

Il y a certes une différence entre un vouloir louable de construire une « éthique » prospective de ce genre et les faits institutionnels ou les faits sociaux au sens strict tel que nous allons tenter de le démontrer. Du reste, les finalités se croisent forcément : « conscient enfin d'une image de l'humanité qui se joue en toute pratique sociale, l'éthique rejoint le vouloir -être des humains, c'est-à-dire le moment d'élaboration des formes éthico- politiques qui tentent d'exprimer, sur le mode de la finalité, l'intérêt du plus grand nombre, l'intérêt général ».465(*)

En tout état de cause, tout le monde ne soutient pas cette thèse. On peut dire qu'il existe des thèses contraires à l'exigence de normes de rationalité dans la mesure où « la réduction de la normativité scientifique à son insertion stratégique dans un réseau social de négociation et de contrôle est une opération superflue pour la réalisation de son programme, voire même une opération contradictoire dans la mesure où elle ferme l'accès à une réintépretation des contenus normatifs dans l'ordre stratégique ».466(*)

Les normes de la rationalité sont donc les normes socialement institutionnalisées de la rationalité, et il n'y a pas d'au-delà .La rationalité se confond avec la définition positive de la rationalité dans une société donnée. 467(*) Cette thèse nous conduit tout droit au relativisme autoréfutatoire. Qui va les imposer ? « L'énoncé de cette thèse a une portée universelle. Mais si elle est universelle, elle s'applique à elle -même : sa validité est donc conditionnée par les normes d'une société particulière. Elle s'autodétruit du même coup comme énoncé universel ».468(*) Le dépassement de cette thèse dépend de l'idéalité entre acceptation et acceptabilité. Ces normes sont des conventions institutionnalisées au sein d'une communauté linguistique. Ces normes définissent les critères de la signification, et notamment de la signification du prédicat « ...être rationnel ».

Au demeurent, il nous semble, d'un point de vue méthodologique nous dirons que le Professeur Marc Maesschalck s'investit globalement, dans son livre intitulé, Normes et contextes dans une approche complexe : sémantico -logique, pragmatique et cognitive à l'analyse de la sphère éthique qui est une réalité normative, mais bien spécifique et distincte de la sphère strictement sociale telle que nous l'envisageons. Ces sphères partagent en commun le fait qu'elles relèvent d'une réalité normativement construite d'un autre type, et se distinguent d'une réalité extérieure ou alors strictement intentionnelle.

Le cadre théorique logico- sémantique, pragmatique et intentionnel nous permet de cerner un champ fort large. Le Professeur Marc Maesschalck, par exemple nous dit à ce propos ce qui suit : « Plutôt que d'en rester à la frontière d'une anthropologie sémantique et pragmatique qui tente de se limiter à un principe de non-contradiction performative, (...) a préféré orienter sa recherche vers un modèle logiquement prometteur. Il s'agit de l'indécidabilité pragmatique des formes de vie et des références sémantiques qui permet de se démarquer radicalement de toute herméneutique du sens commun et de donner un statut épistémologique au rapport post-conventionnel à la norme proposé par Habermas »469(*).

Les normes deviennent une exigence de l'ambivalence même de la science : « en tant que force productive, la science apporte autant de bienfaits lorsqu'elle débouche sur une science conçue comme force émancipatrice qu'elle engendre de malheurs dès qu'elle prétend soumettre sous son contrôle exclusif le domaine de la pratique, dont on ne saurait disposer par des moyens techniques ».470(*) Et : « Seule une Raison, dit Habermas, qui considère comme faisant partie intégrante d'elle -même cet intérêt aux progrès de la réflexion vers l'émancipation, qu'on trouve irréductiblement à l'oeuvre dans toute discussion rationnelle, pourra acquérir la force qui lui fera transcender la conscience de son enrichissement dans le matériel. Elle seule pourra réfléchir sur la domination positiviste de l'intérêt de connaissance technique en comprenant ses liens avec une société industrielle qui intègre la science à ses forces productives et se met ainsi totalement à l'abri de la connaissance critique. Elle seule pourra se passer de sacrifier la rationalité dialectique du langage auquel elle est parvenue, aux critères profondément irraisonnés d'une rationalité technologique bornée. Elle seule pourra vraiment aborder les contraintes structurales de l'histoire -contraintes qui demeurent dialectiques tant qu'elles ne sont pas devenues libre dialogue entre les hommes émancipés ».471(*)

Ainsi, soutient Maesschalck, « élaborer des principes d'action, penser les conditions d'orientation de l'action, ce n'est pas encore élaborer une pensée de l'action ,c'est-à-dire un discours naissant de l'effectuation elle-même ,un discours inscrit dans l'événement de l'effectuation ».472(*) Ainsi, « on rejoint (...) une nouvelle base, la dimension politique de la normativité des normes. Les communautariens ont aussi insisté, face au proceduralisme, sur le rôle pratique d'une culture politique de la normativité ».473(*) C'est entre autre de ce genre des normes que nous voulons parler.

Marc Maesschalck en discussion avec les éthiques procédurales telle que celle de Habermas met en exergue la dimension politique de l'éthique. Ceci est consécutif par exemple à « la révolution technologique de l'information (qui) rend possible aujourd'hui de nouveaux modes d'organisation de la production, du contrôle des citoyens et d'intégration de l'économie et du pouvoir au plan mondial. Une telle puissance de hiérarchie sociale ne peut simplement être considérée sectoriellement par l'éthique ».474(*)

La question c'est que selon Marc Maesschalck nous sommes à « la fin de l'ordre conventionnel (qui) se marque par la multiplicité des conflits de frontières entre les régimes de justification ».475(*) C'est l'aboutissement naturel de la modernisation sociale caractérisée par le polythéisme des valeurs et la différenciation du monde vécu.

C'est aussi dans la voie du naturalisme que doivent se définir des nouveaux programmes de recherche pour faire face aux enjeux actuels du déficit de système de suffrage universel, ou de représentation politique qui tend à être dépassé par la complexité de notre société et l'exigence d'une expertise de plus en plus exigeante pour la gestion publique.

Marc Maesschalck présente le contexte favorable dans lequel un tel débat peut se poursuivre :  la recherche développée par l'unité de théorie des normes du programme sur la gouvernance réflexive (REFGOV) bénéficie d'un autre environnement épistémologique dans la mesure où son débat avec le tournant néo- pragmatiste aux Etats-Unis la situe dans un contexte résolument post-déconstructiviste , au moment où le débat déconstructiviste rejaillit sur le vieux continent face à l'emprise des théories naturalistes de l'action. « Face à cette ultime résurgence du naturalisme, la phénoménologie permet de dépasser l'aporie ainsi posée entre le scepticisme critique et l'optimisme herméneutique. (...) C'est de cette relation générative que peut naitre un discours normatif. Il est donc évidemment trop tôt pour en décider lorsque la limite de la déconstruction n'est pas encore identifiée, mais également trop tard pour décider quand il ne s'agit plus que de réinterpréter ce qui s'est déjà présenté comme une nouveauté ou une rupture ».476(*)

Il ajoute : « La force du point de vue phénoménologique quand il emprunte les voies de la déconstruction est qu'il demeure articulé à une méthode génétique et régressive qui permet de transformer le point aporétique de la déconstruction en un nouveau point de départ ». Le schéma de recherche imposé par ce contexte est quasiment inverse à celui suivi dans le cadre de l'ANR. C'est en effet le front des « capabilities » qui prédomine ici et les processus empiriques d'innovation dans la résolution des problèmes. A ce arrière-plan de capacités s'applique un constructivisme pour lequel la fonction de la production normative est d'opérer au plan des designs institutionnels comme un réducteur d'incertitude face à limite des calculs rationnels ».477(*)

En définitive, les recherches futures pourraient à juste titre se focaliser sur « les formes primordiales que doivent prendre des actes collectifs susceptibles de produire des formes de vie en commun et satisfaisantes, (ou les) les attitudes fondamentales ou archétypiques à travers lesquelles des groupes d'acteurs, voire des sociétés, s'engagent au nom d'un bien être ensemble et tentent ainsi de se reconnaître comme humanité ».478(*) Cependant Marc Measschalck recommande en plus, pour cela ,la nécessité de la pratique d'enquête sur le terrain.

Nous nous sommes sans doute trouvés à coup sûr dans un « cadre de convergence ouvert » en tant qu'il combine une multiplicité de portes d'entrée avec les différentes dimensions d'une exigence de radicalisation du questionnement philosophique.479(*)

B. Le maintien des inégalités

Sommes-nous inégaux ? Cette question s'impose en nous d'un point de vue moral pour donner à cette réflexion un relief de l'exaltation des valeurs à la base d'une vie en commun. Jean Jacques Rousseau, dans l'origine des inégalité parmi des hommes, affirme qu'il conçoit « dans l'espèce humaine, deux sortes d'inégalités : l'une ,que j'appelle naturelle ou physique ,parce qu'elle est établie par la nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du corps et des qualités de l'esprit ou de l'âme ;l'autre, qu'on peut appeler inégalité morale ou politique ,parce qu'elle dépend d'une sorte de convention ,et qu'elle est établie ou du moins autorisée par le consentement des hommes. Celle-ci donne les différents privilèges dont quelques uns jouissent au préjudice des autres, comme l'être plus riche, plus honoré, plus puissant qu'eux, ou même de s'en faire obéir ».480(*)

L' « égalité et la hiérarchie » sont des problèmes permanents de la philosophie. En effet, la priorité donnée à la notion de l'égalité dans les sociétés modernes n'empêche nullement celles-ci d'être traversées par les inégalités de richesse, de pouvoir, d'influence, etc.481(*)

Pour la tendance naturaliste, l'égalité, la liberté et la propriété sont déduites des conditions de la Création. Tout ce qui appartient en propre à un individu, ne peut lui être enlevé sans son consentement. Dieu a donné à tous les hommes la possession et la jouissance commune. 482(*)

Du point de vue de la compréhension profonde de l'histoire de la pensée moderne, il y a trois tendances à travers cette analyse : proche de la nature, celle qui est près de l'histoire ou une synthèse de deux. Il se remarque au Temps moderne européen, nettement le refus de la référence à la Nature au profit de calculs stratégiques de l'homo oeconomicus, une interminable expropriation du sujet.

« La pensée contemporaine tient volontiers pour évident que l'homme est un « être historique » et que cela restait méconnu de la philosophie antique. De Descartes et Hobbes aux lumières, la première modernité a tendu, au contraire, à se réclamer de la « Nature » et à réaffirmer contre l'autorité de l'histoire, les droits de la « Raison ». En effet, « pour s'en tenir à la philosophie politique, les grandes oeuvres des « Droits naturels modernes » se présentent comme une enquête sur la « Nature ». Du Léviathan à Hobbes, de Rousseau, « la genèse de l'Etat continue d'apparaître comme un processus rationnel, fondé sur la nature humaine, et non comme instrument pour penser l'historicité ».483(*) La genèse ne doit rien à l'histoire. Ces présupposés éclairent donc la pensée des uns et des autres.

L'histoire semble parfois remplacer la nature comme problème central de la philosophe. Les lois « découlent de la nature des choses ». « On peut considérer que la place centrale que l'histoire a fini par occuper dans la philosophie moderne tient à la manière dont se pose dans celle-ci le problème ontologique des relations entre la « Nature » et  la « liberté »484(*). Il faut d'abord, comprendre comment l'action « libre » de chaque individu (qui suit sa nature propre ou qui au contraire, obéit à son « libre arbitre ») est conciliable avec la cohérence de l'ensemble : c'est le problème de la « théodicée » qui, de Leibniz à Hegel, va conduire de faire de l' « histoire » le véhicule de la « Raison » dont la ruse consiste à réaliser ses fins universelles à travers le jeu apparemment irrationnel des intérêts et des passions. « Il faut comprendre comment l'existence d'un être libre (dont l'action par définition irréductible à tout déterminisme naturel ) est possible dans l'histoire ;la « perfectibilité » dans la quelle Rousseau voyait le propre de l `homme va ainsi apparaître comme l'indice de la destination morale de l'Humanité(Kant ,Idée d'une histoire d'un point de vue cosmopolitique) et c'est à partir delà que l'on pourra comprendre ce qu'a voulu la Nature,qui ne fait rien en vain en nous donnant la Raison,qui ne fait pas notre bonheur(Fondement de la métaphysique des moeurs,1ère section) ».485(*)

L' « être se déploie (et se voile) dans une histoire dont les époques sont radicalement hétérogènes parce qu'irréductible au principe de raison suffisante : on peut donc voir dans la pensée de l'Etre la négation de l'unité de la Nature au nom de la « différence » ;mais l'être ne peut mieux se comprendre qu'en méditant le sens originel de la Physis dont se fait encore l'écho la Physique d'Aristote,qui est « en retrait ,et pour cette raison jamais suffisamment traversée par la pensée,le livre de fond de la philosophie occidentale ».486(*)

A l'illusion platonicienne de la « vérité »absolue, Nietzsche oppose un « perspectivisme » qui n'est pas cependant un simple relativisme ; ce qui nous ramène au « problème de la hiérarchie ». Le perspectivisme n'est pas égalitaire, parce que toutes les perspectives ne se valent pas, et c'est précisément cela qui permet à Nietzsche de dépasser l'antinomie de l'apparence et de la réalité, sans pour autant « admettre qu'il y ait une opposition radicale entre le vrai et le faux. » Si Nietzsche critique la fondation platonicienne de la vérité, c'est, pourrait-on dire, parce que chez lui la hiérarchie prend la place de la vérité.487(*) Il est illusoire de fonder l'inégalité, comme le faisait Platon, sur l'inégale capacité des hommes à parvenir à la vérité ; il faut, au contraire, partir du fait de l'inégalité pour dépasser l'opposition entre vérité et apparence488(*).

La singularité de Nietzsche vient du fait qu'il se démarque de deux tendances : «  L'émancipation à l'égard de la tradition ne peut venir que d'une folie créatrice- et non de la raison critique (Aurore, §6 ; cf., chez Max Weber, l'analyse des relations entre la tradition et le « charisme »).489(*) Seul celui qui est apte à la domination est vraiment digne d'être libre. « Le problème de la hiérarchie » est celui-là même des « esprits libres ».490(*) Dériver les formes politiques du rapport entre les puissances, au lieu de réduire le gouvernement au rang d' « organe du peuple. » La dévalorisation de la vie domine l'histoire de l'Occident dont le Christianisme a été le principal relais culturel.491(*) Au lieu de la culture qui crée au terme d'un dur processus de « dressage et sélection », la loi est valorisée comme instrument d'éducation.

La «  justice » qui veut la hiérarchie, doit aussi établir un équilibre entre les forces opposées et le plaidoyer de Nietzsche pour les « Maîtres » qui a surtout valeur de réparation, dans un monde dominé par les valeurs égalitaires.492(*)

A une société fondée sur l'agir stratégique d'échanges matériels nous opposons l'a priori d'un l'agir communicationnel. Bien que restant dans une perspective de l'historicité, ici nous opposons l'égalité des partenaires dialogaux qui, au moyen de l'interchangeabilité des rôles sociaux, s'éloigne de la hiérarchie. Tout cela à partir des présupposées de la structure du dialogue. En plus, Habermas développe en morale une position constructiviste : « le monde moral que, en tant que personnes morales nous avons à faire advenir, possède une signification constructive. C'est la raison pour laquelle la projection d'un monde social inclusif, constitué par les relations interpersonnelles bien ordonnées intervenant entre les membres, libres et égaux, d'une association s'auto-déterminant - traduction du Royaume des fins de Kant-, peut servir comme substitut à la référence ontologique à un monde objectif »493(*). Cette conception de la réalité inclut essentiellement la notion d'une communauté sans limites bien définies. Peirce explicite la vérité dans le sens d'une acceptabilité rationnelle, c'est-à-dire de la réalisation d'une prétention à la validité critiquable dans les conditions de communication d'un auditoire idéalement élargi dans l'espace social et dans le temps historique, et composé d'interprètes capables de jugement. 494(*)

Contre Nietzsche, Habermas écrit : « Le problème n'est pas de devenir plus fort que l'autre, mais de se laisser emporter tous deux par la force de la vérité en présence. Le dialogue suppose dans une visée commune, un horizon commun d'interrogation ».495(*)

CHAPITRE DIXIÈME :

LA VIOLENCE SYMBOLIQUE : LA RÉVISITATION DE LA THÉORIE PRÉLOGIQUE DES PRIMITIFS

« La violence symbolique est cette coercition qui ne s'institue que par l'intermédiaire de l'adhésion que le dominé ne peut manquer d'accorder au dominant (donc à la domination) lorsqu'il ne dispose, pour le penser et pour se penser, ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d'instruments de connaissance, qu'il a avec lui et qui, étant la forme incorporée de la structure de la relation de domination. »496(*) En plus « il y a violence symbolique dès que l'on « met des formes » pour enfouir la violence ouverte, dès qu'une censure autorise l'action déformée de la force, » (forme) douce et larvée que prend la violence lorsque la violence ouverte est impossible. (...) Elle est cette violence qui s'exerce sans se faire sentir et qui exige le consentement de celui qui en est  la victime ».497(*) Le consentement de la cohorte des intellectuels africains actuels s'y prêtent encore pour longtemps, si on ne tient garde.

Il s'agit de partir de la comparaison des cadres de référence, des logiques et des catégories des différentes expressions de la réalité. Le passage de la logique théorique à la logique pratique illustre bien la chose. Le nom est soit un simple concept logique soit la personne même qui porte ce nom, référence à l'exotérisme d'Une Bible noire par exemple. Dans la pensée religieuse, le nom du Sauveur renvoie au Sauveur réel spirituel, la malédiction proclamée au nom d'une personne attitrée atteint la personne indiquée, etc. Une identité ou une analogie pratique ; de l'évocation du nom d'une personne, nous atteignons la personne. Ce contexte se situe dans le sillage de la pensée symbolique du type totémique, astronomique, mythique, religieuse ou artistique.

Ainsi le procès de l'histoire de l'esprit humain chez Ernest Cassirer va de la représentation(le totem fétiche) à l'analogie symbolique (oeuf, colombe, chèvre et sacrifices humaine) en passant par l'analogie pure(les images). De ce processus Jürgen Habermas se réfère à Jean Piaget pour dire que c'est en occident qu'est apparu la conscience moderne, la pensée formelle. C'est qui est évidemment faux.

Lucien Lévi Bruhl examine la mentalité et la qualifie d'anormale et de mystique, débouche ainsi sur la thèse de la « pensée sauve » des Noirs, des Indiens et des aborigènes. De ce point de point il débouche justement sur une violence que nous qualifierons sans réquisitoire de « symbolique » envers les autres.

A propos, à la suite des explorations anthropologiques du Baron Von den Stein dans les années 1890, il rapporte un énoncé resté célèbre de la bouche des indigènes : « Les Bororo sont des Araras »...en affirmant une identité essentielle entre les individus de la tribu des Bororo et les perroquets rouges qui leur servent de totem, (ceci) défie le principe de non-contradiction (d'une logique théorique), selon lequel on ne peut pas dire « A est non-A ».498(*) Les perroquets rouges renvoient pour les indigènes à l'analogie spatiale des clans de leur manière et de leur vision du monde d'occuper le terrain et de s'organiser socialement. La loi agraire en Afrique a les mêmes fondements.

Effet, du point de vue de la logique théorique, « rien dans le concept de Bororo n'indique qu'ils puissent recevoir le prédicat « Arara ». (... ) Les Bororo donnent froidement à entendre qu'ils sont actuellement des Araras, exactement comme si une chenille disait qu'elle est papillon. Ce n'est pas un nom qu'ils donnent, ce n'est pas une parenté qu'ils proclament. Ce qu'ils veulent faire entendre, c'est une identité essentielle ».499(*)

L'oeuvre comme celle de Pierre Bourdieu s'est s'attaquée notamment à la théorie prélogique du « primitif »des aborigènes : « Lévy- Bruhl, (...) philosophe, avance dans La Mentalité primitive (1922) et L'Âme primitive (1927), que la mentalité primitive est prélogique et mystique parce qu'elle ignore les principes d'identité et de non-contradiction sur lesquels se fonde la pensée moderne ».500(*) La réponse de Pierre Bourdieu ,est ,dans les propres termes de Gaston Bachelard, que « le monde où l'on pense n'est pas celui où l'on vit »,(la logique théorique n'est pas la logique pratique) ; l'ethnologue enfermé dans son ethnocentrisme scolastique peut percevoir une différence entre deux « mentalités » ,deux natures , deux essences, comme Lévy -Bruhl - et d'autres, plus discrètement ,là où il a affaire en réalité à une différente entre deux modes (deux registres) , socialement construits, de construction et de compréhension du monde.  

Pour Pierre Bourdieu, Lévi- Bruhl « ne sait pas reconnaître le mode de connaissance pratique (souvent magique, syncrétique, en un mot prélogique) qui est aussi le sien dans les actes ordinaires de la vie ».501(*) Il annule « la spécificité de la logique pratique, soit en l'assimilant à la logique scolastique, mais de manière fictive et purement théorique (c'est-à-dire sur le papier et sans conséquences pratiques), soit en la renvoyant à l'altérité radicale, à la non-existence et à la non-valeur du « barbare » ou du « vulgaire » ».502(*)

C'est ce principe que Lévy-Brulh appelle participation : « Les Bororo sont des Araras »signifie que le concept de Bororo « participe » du concept d'Arara, c'est-à-dire qu'un Bororo peut être à la fois tout ce qu'implique le concept de Bororo (homme, mortel, doté d'un coeur et de reins...) et tout ce qu'implique le concept d'Arara (rouge, volant, fier...) ; autrement dit, la logique de la participation tolère que A puisse être non-A ».503(*)

Finalement, il y a deux positions en présence : « la première consiste à étudier les conditions de possibilité d'une telle logique contradictoire, et d'en déduire a priori si une telle logique est possible ou non. C'est la démarche proprement philosophique ou logique, telle qu'elle a été adoptée par la philosophie analytique, en partant du problème posé par Lévy-Brulh. La deuxième solution consiste à poser que cette logique contradictoire est possible de fait qu'elle a été constatée empiriquement, et à chercher les conditions de possibilité de cette logique non a priori mais a posteriori, par enquête sur les pratiques humaines où ce type de logique prend sens. C'est la démarche proprement anthropologique ».504(*) L'anthropologue prend le risque de devenir un locuteur participant, alors que le philosophe reste observateur.

W .V.O. Quine a repris l'exemple de Lévy-Bruhl  qui s'interroge sur la signification de cet énoncé.505(*) La question que pose alors Quine est celle-ci : Pouvons -nous désigner une chose ou un état mental (un symbole) tel que « Bororo » et « Arara » qui seraient identiques pour les indigènes et pour l'anthropologue ? La réponse de Quine (...) est négative (si l'anthropologue reste observateur) : nous ne connaissons pas la signification d'un mot ou d'un énoncé indépendamment de l'ensemble des énoncés qui font sens dans un contexte donné, ce que Quine appelle aussi « schème conceptuel » ou cadre de référence permettant de connaître la réalité. C'est le fondement de la thèse de (...) l'« holisme conceptuel ».506(*) La structure de la langue, la structure artistique, la structure mythique et astrologique ou astronomique, la pensée totémique, la structure de la pensée religieuse d'un peuple se tiennent jusqu'à la science. Cela justifie les prouesses juives dans le domaine de la science, ils réfléchissent à partir d'un seul schème conceptuel, de la sociologie à la physique atomique, ils partent de leur culture.

Von den Stein a étudié (...) toutes les pratiques rituelles dans les quelles l'énoncé « les Bororo sont des Arara » prend sens ».507(*) L'anthropologue ne peut traduire la langue des indigènes qu'en projetant sur elle sa propre logique, faute de quoi il ne pourrait même pas traduire. La thèse d'une « mentalité prélogique » qui donne sens à l'énoncé « Les Bororos sont des Araras »est donc fausse : elle est le produit d'une mauvaise traduction, qui ruine toute possibilité de traduction ».508(*)

Comme on peut le remarquer, ce débat oppose les philosophes-logiciens aux anthropologues. Lévy-Bruhl suppose une différence fondamentale entre pensée moderne et pensée primitive ou, plus exactement entre les représentations collectives de la pensée moderne et les représentations de la pensée primitive. Il se trouve aux antipodes avec Ernest Cassirer, Quine et Donald Davidson.

Lévy-Bruhl s'intéresse à ce qui lie les représentations et les catégories. Il mène une étude de la variation non plus des catégories ou des concepts mais des formes d'argumentation par rapport à la variation des formes sociales d'organisation et de la contrainte qu'exercent les secondes sur les premières. La pensée totémique est sociologique, tout est lié. L'organisation juridique agraire dépend de la pensée totémique et mythique.

Lévy -Brulh sera abondamment évoqué également dans la philosophie analytique à l'occasion du débat sur la rationalité et le relativisme qui a opposé les philosophes et anthropologues dans ces années 1970. Deux points de vue sont mis en exergue : le premier discute « l'ouvrage de l'anthropologue P.Winch, The Idea of Social Science, qui défend dans l'inspiration de l'analyse des jeux de langage dans l'école d'Oxford issue des derniers enseignements de Wittgenstein, la thèse selon laquelle on ne peut comprendre le sens d'un énoncé en sciences sociales qu'en le replaçant dans le contexte de la société (ou, en termes wittgensteiniens : dans la forme de vie) où il apparaît. Cette thèse suscite un débat philosophique parce qu'elle implique qu'il n'y a pas de supériorité du savoir de l'anthropologue par rapport au savoir ordinaire des sociétés étudiées, c'est-à-dire que le but de l'anthropologue est de penser et agir « comme un primitif » et non de produire une description vraie de leurs énoncés et de leurs actions »509(*).

Contre cette thèse, une partie des philosophes défendent un principe de rationalité extérieur à la pratique ordinaire, qui permet de faire une description théorique vraie supérieure à la compréhension que les agents ont eux-mêmes de leurs pratiques. « Les sociologues qui interprètent mal la culture étrangère sont comme des philosophes qui tombent dans des difficultés d'usage de leurs propres concepts ».510(*)

Le second ouvrage discute les thèses de l'anthropologie des sciences de B. Barnes et D. Bloor, inspirée de la pensée de T.Kuhn, selon laquelle les différents paradigmes scientifiques qui se sont succédé au cours de l'histoire sont entre eux incommensurables comme des cultures différentes, en sorte qu'il n'y a aucune supériorité de la science actuelle sur les sciences considérées aujourd'hui comme fausses.511(*)

A propos de la logique Raphaël Ntambue Tshimbulu ,dans son livre intitulé La logique formelle en Afrique noire, corrobore la position particulariste et souligne le fait que la base de la position favorable à l'existence de la « logique africaine » stipule ,pour reprendre l'expression de Bimuenyi ,que «  des catégories ,des concepts ,des images, opératoires à une époque, peuvent cesser de l'être à une autre époque ;opératoires pour un milieu ,ils peuvent ne pas l'être pour un autre milieu à la même époque ». Un discours sur les modes africains de pensée est donc justifié par l'expérience et les circonstances spacio-temporelles de l'Afrique. Il devient, dès lors, évident pour Hebga d'exorciser le discours africain de l'idée d'une « logique canon » dont la référence est l'Occident. Aux yeux de Hebga, la valeur des principes logiques dépend de la différence des systèmes de référence comme en témoigne d'ailleurs, au sein de la « civilisation occidentale modèle », la relativité de la vérité. « Il est donc permis, conclut Hebga, de rejeter en logique comme en esthétique, tout impérialisme prétentieux ».512(*) 

La situation est plus complexe que cela. « Davidson, refuse que l'énoncé qui constitue le point de départ de la réflexion de Lucien Lévy- Bruhl ait un sens : le problème qu'il a posé est un faux problème, et l'idée d'une mentalité prélogique est absurde ».513(*) L'analyse de Lévi-Strauss (dans Problème de mentalité primitive en 1962, dans Le Totémisme aujourd'hui, et dans La pensée sauvage) consiste en un sens à serrer au plus près l'énoncé des Bororo tel qu'il a été relevé par Von den Strein : « Les Trumai (tribu du Nord du Brésil) disent qu'ils sont des animaux aquatiques. Les Bororo (tribu voisine) se vantent d'être des Araras (perroquets rouges) ». Ce qui est important dans cet énoncé, pour Lévi-Strauss, c'est moins l'identité entre les Trumai et les animaux aquatiques. Autrement dit, l'énoncé en question ne comporte pas deux termes, mais quatre : « Les Bororo sont aux Araras, ce que les Trumai sont aux animaux aquatiques ». L'énoncé n'est pas analytique, mais analogique, il ne prend sens que dans une structure de réalité formelle. Cette thèse est corroborée par Ernest Cassirer.

Pierre Bourdieu à cette suite montre alors que l'analogie ne régit pas seulement les énoncés étranges des sociétés (dites) sauvages, mais aussi les énoncés les plus familiers de (la société occidentale), et c'est en cela que, de l'anthropologie de Lévi-Strauss, il revient à une sociologie (de la société occidentale) dans le sens de Durkheim. On peut comprendre toutes les analyses de La distinction comme une réévaluation de l'énoncé « Les Bororo sont des Araras », montrant une logique sauvage ou primitive dans nos jugements de goût les plus quotidiens ».514(*) Il systématise la logique pratique.

Pierre Bourdieu a reformulé l'énoncé constituant le point de départ de ces réflexions. Pour Bourdieu, de cette reformulation de l'énoncé de base, il faut tirer une conséquence importante : si l'énoncé «les Bororo sont des Araras » posait problème à Lucien Lévy-Bruhl, mais aussi à Quine et à Davidson, c'est parce que ceux -ci restaient soumis à la logique prédicative selon laquelle un énoncé doit prendre la forme « S est P », et par laquelle un prédicat est attribué à un sujet -ou, en termes aristotéliciens, un accident est attribué à une substance. Or ces énoncés ne forment qu'une partie de la vie mentale des sociétés humaines. (...) Il y a donc dans la vie sociale un ensemble de jugements qui ne suivent pas la logique prédicative, c'est-à-dire qui n'ont pas besoin qu'un sujet ne soit que ce qu'il peut être : les jugements sociaux posent le plus souvent qu'un sujet peut être autre que ce qu'il est ».515(*)

« Il faut donc montrer comment fonctionne cette logique qui tolère la contradiction : c'est ce que Bourdieu appelle « la logique de la pratique ». Bourdieu tente de montrer que, de façon paradoxale pour la philosophie, nous n'avons pas une logique mais deux, la logique théorique et la logique pratique, et que c'est cette dualité qui fait que nous sommes toujours en décalage par rapport à nous -mêmes et que nous tombons dans des problèmes insolubles sur notre pratique, que nous ne pouvons résoudre qu'en passant par l'autre, c'est-à-dire le « primitif »».516(*)

Le principe de la logique pratique de Pierre Bourdieu s'oppose directement à celui d'Emmanuel Kant par exemple dans la Critique de la raison pure ; il s'agit non d'« un système de formes et de catégories universelles mais (d') un système de schèmes incorporés (schème conceptuel) qui, constitués au cours de l'histoire collective, sont acquis au cours de l'histoire individuelle et fonctionnent à l'état pratique et pour la pratique (et non à des fins de pure connaissance) ».517(*)

Les schèmes incorporés qui ne sont rien d'autre que l'habitus ne sont pas justement anhistoriques comme des formes a priori de la sensibilité et les catégories de l'entendement chez Kant ; ce qui emmène Bourdieu à mettre en question l'universalité de ces dispositions dites rationnelles. Ces notions dites « universaux » anhistoriques ne sont pour ce dernier que celles des actions rationnelles ou des préférences déterminées et façonnées socialement.

La thèse soutenue ici lie la science au sens commun, une thèse soutenue par Quine. Cette thèse est claire : La science est simplement une évolution linguistique devenue consciente, la science n'est que le sens commun devenu conscient. Aucune recherche n'est possible sans quelque schème conceptuel ou cadre de référence ordinaire préalable ; nous ne pouvons tout utiliser le meilleur de savoir que nous connaissons et cela jusqu'aux derniers détails de la mécanique quantique sans le langage ordinaire. Nous sommes revenus sur l'analogie logique entre la pensée mythique, totémique, astronomique et scientifique avec le concept d'analogie dans Une bible noire.

Ainsi, dans notre étude affirme Quine « nous sommes à la recherche des habitudes linguistiques qui ont été inculquées socialement. (...) nous ne devons pas nous préoccuper (...) de l'histoire privée de la formation de ses habitudes ».518(*) Langage, systèmes de pensées et le mode d'organisation sociale sont liés.

Pour Quine, qui tire cette leçon des primitifs et la théorise, la structure des phrases interconnectées est un édifice unique incluant toutes les sciences et même, en fait, tout ce que nous en disons jamais au sujet du monde. « Celui qui admet un seul prédicat primitif, admet les propriétés au nombre des matériaux qui servent à construire son monde »519(*)

C'est en raisonnant sur le caractère bidimensionnel de la surface oculaire que l'on peut comprendre les opérations de l'activité de parler ou de la pensée. Les données momentanées de l'ouïe sont des agglomérés de composants dont chacun est fonction de deux variables, hauteur et intensité, mais cela ne se découvre pas sans connaissance des variables physiques de fréquence et d'amplitude dans la corde vibrante qui stimule l'audition. Tout ce processus est tributaire de la géométrie qui se déploie dans les mythologies. La géométrie est la théorie de la position relative, la topologie est la géométrie plus abstraite. Leurs objets sont les points, les courbes, les surfaces et les solides, conçus comme des portions de l'espace réel qui baigne et pénètre tout le monde physique.

Nos premiers termes en sciences sont des concepts d'objets de dimension visuelle ou audible, situés à moyenne distance et notre accession à ces concepts et à tout autre chose survient à mi-distance dans l'évolution culturelle de notre espèce. La définition de relation de voisinage, la distance des éléments d'un ensemble, leur direction sont la base du sens commun et de la physique mathématique.

Les données momentanées de la vue consistent dans une multiplicité spatiale à deux dimensions. Comme nous le savons, le plan est un espace à deux dimensions : longueur et largeur. Il existe cependant une multiplicité d'espaces : espace topologique des théories des ensembles (à n dimensions), l'espace métrique, l'espace vectoriel, l'espace réel euclidien, l'espace spirituel, etc.

La connaissance en général aussi bien du sens commun que de hautes connaissances se développent normalement dans une multiplicité de théories, dont chacune a une utilité limitée liée à sa cohésion de cadre de référence. Ainsi, « le langage en tant qu'il est un ensemble de dispositions inculquées par la société, est substantiellement uniforme à travers toute la communauté, mais il est uniforme de diverses manières pour les diverses phrases ».520(*)

Les mots sont des outils sociaux.521(*) « Le langage en général, est inculqué à l'individu par un dressage effectué par la société »522(*).

En fait ,le fond du travail consiste à dégager les ressemblances, les spécificités et les différences de chaque système de pensée tissé à travers des schèmes de pensées de la pensée mythique, astronomique, astrologique, totémique, religieuse ou scientifique: « La stratégie est de s'élever jusqu'à un niveau où les (...) schèmes conceptuels fondamentalement différents se rejoignent, lieu optimum pour discuter leurs fondements disparates ».523(*) La philosophie ne peut pas étudier et réviser le schème conceptuel fondamental de la science et du sens commun sans posséder quelque schème conceptuel.524(*)

En fait Carnap a longtemps soutenu que les questions de philosophie quand elles sont authentiques questions, sont des questions de langues. La langue comme energea comme le pense Cassirer. Quine soutient que les questions de philosophes de la forme « Qu'est-ce qui existe ? » portent sur la manière la plus commode de façonner notre appareil linguistique »525(*).

Quine est behavioriste. Sur base de la théorie relativiste du mouvement (qui appelle la durée), il est préférable comme dans un système galiléen (l'observateur se déplace avec les références ou repères, l'homme se déplace avec la terre en rotation dans un mouvement uniformément accéléré) de prendre comme stimulations pertinentes, non des structures d'irradiation instantanées, mais des structures évoluantes d'irradiations de toutes durées, jusqu'à une certaine limite convenable ou jusqu'à un certain module. Dire qu'une particule (point-instant) se meut à dix kilomètre par seconde au moment t, permet d'obtenir une distance correspondante. L'objet-instant (le Lapin) est construit sur le même modèle que la relativité galiléenne, restreinte (néglige les références coperniciennes) ou généralisée (prise en compte des paramètres de la gravitation universelle).

Nous allons à partir d'une thèse qui lie science et sens commun et résumer critiquement ici les idées de Quine.1(*) Ce dernier met en exergue l'importance d'un schème conceptuel pour Bourdieu l'habitus est un schème de l'action : « Nous avons un bon aperçu, souligne Quine, de l'action de notre schème conceptuel comme d'un instrument ».9(*) Dans un cadre de référence culturel donné « celui qui admet un seul prédicat primitif- même inconsciemment-, admet les propriétés au nombre des matériaux qui servent à construire son monde »4(*).  Nous voyons par notre culture. Cette thèse culture est aujourd'hui de plus en plus supplantée par la thèse naturaliste qui veut l'homme soit avant tout biologique.

Considérer le parler concernant les phénomènes physiques comme étant un phénomène physique et considérer nos constructions scientifiques comme des activités à l'intérieur du monde que nous inventons. « Les faits sont façonnés à l'image des phrases ».5(*) Dans la physique de la lumière, où intervient la métaphore notoirement hybride de l'onde et de la particule, la compréhension qu'a le physicien de la chose dont il parle dépend presque entièrement du contexte d'usage.

Pour Quine béhavioriste, les effets de schème conceptuel et de schème de l'action sont indépassable : le mouvement est quelque chose de relatif à l'espace, en sorte qu'une chose, qui, d'un certain point de vue, compterait comme deux fois la même position compterait, d'un autre point de vue, comme deux points distincts. C'est la relativité restreinte, deux particules instantes (photo)dans deux systèmes galiléens ont des comportements différents.

Le problème de mentalité prélogique est encore d'actualité

Jürgen Habermas a semblé montrer, ce qui est faux également, les limites d'une pensée magico-mythique en la reconstruisant avec l'émergence de la conscience des temps modernes européens en remplaçant le contenu par la forme de la pensée. Au niveau préopératoire de l'enfant on ne pense pas encore l'abstrait et le formelle (Jean Piaget), c'est le niveau mythique de l'ethnophilosophie.

Pourtant, les mythes ne sont pas à évacuer mais à interpréter (Tshiamalenga Ntumba dixit). Toute la science occidentale n'a pas évacué la pensée mythico-magico-religieuse de la science. Heisenberg s'y est essayé sans succès en physique théorique, d'où le postulat tenace de relations d'incertitudes. C'est le niveau de temps moderne qui place la pensée formelle toute puissance au point de départ de l'action moderne. L'Afrique en serait dépourvue. C'est l'épineuse question de standardisation et de la normalisation (de la mesure) des savoirs traditionnels en Afrique (i.e. savoir médical non normé).

Les sciences modernes, les mythes et l'astronomie (et non l'astrologie qui reste magique à travers la consultance de l'horoscope) sont -ils des savoirs incommensurables ? Dans la négation, il ne serait pas plausible de penser qu'un type de savoir est supérieur à l'autre. L'argument que nous développons ici rejoint comme on l'a vue la discussion à propos de principe de cadres de référence en sciences ou de schème conceptuel de mémoire culturelle. Son essai de dépassement est une thèse qui présente le principe de la structure analogique des savoirs.

CHAPITRE ONZIÈME :

LE PHÉNOMÈNE DES CONNAISSANCES : UN PROCESSUS D'ÉVOLUTION OU EXPRESSION DE LA RÉALITÉ SPÉCIFIQUE ?

La connaissance comme une multiplicité des expressions de la réalité

L'art, le mythe, la religion, la science sont tous des expressions différentes de la réalité. En tant que mode connaissance ces expressions se trouvent dans toutes les sociétés humaines. C'est en ce sens qu'Ernest Cassirer affirme l'universalité des mythes. Leur logique c'est-à-dire leur structure profonde est la même. « Les différentes grammaires de l'art et du mythe, de la religion et de la science, obéissent aux mêmes catégories ».526(*)

Le principe logique de l'analogie et la multiplicité de l'expression de la réalité

On peut y dégager des ressemblances, des spécificités et des oppositions de ces différentes expressions de la réalité : les langues, l'art, la religion, le mythe, l'astrologie, l'astronomie et la culture. Cassirer dans l'étude des formes symbolique que « l'histoire de l'art, l'histoire des religions, des mythes, l'histoire du langage et de la culture n'étaient visiblement pas seulement placées côte à côte, mais mises en relation les unes avec les autres. »527(*)

Les expressions de la réalité ne se caractérisent pas par un trajet parcouru en trois étapes comme le présente Ernest Cassirer : l'imitation, l'analogie et le symbolisme pur. Ces trois moments ont été malencontreusement systématisé de façon exclusive par Auguste Comte dans les six volumes des Cours de philosophie positive (1830-1842), les trois états théoriques différents : l'état théologique ou fictif, l'état métaphysique ou abstrait, et enfin, l'état scientifique ou positif.

Il y a donc une explication de la réalité qui est renvoyée à la volonté de Dieu ou aux dieux, celle qui renvoie à l'explication à partir des catégories philosophiques abstraites et à celle d'une explication des phénomènes et de l'observation.

La religion se démarque des mythes par la focalisation doctrinale (prédestination) ou éthique. Ainsi on peut noter que :

- Toutes les grandes fonctions spirituelles partagent avec la connaissance la propriété fondamentale d'être habité par une force originairement formatrice et non simplement reproductrice.

- Toutes les fonctions de l'esprit engendrent ainsi leurs propres configurations symboliques qui, bien que fort différentes des symboles de l'intellect, ne leur cèdent en rien quant à la valeur de leur origine spirituelle.

- Chacune (des configurations) renvoie à un point de vue spirituel bien défini et chacune constitue, à l'intérieur de ce point de vue et à travers lui, un aspect particulier du `'réel ''.528(*)

Le principe d'analogique mythique

Au point de vue logique, l'analogie représentative et imitative (l'effigie fétiche dans les traditions africaines et autres), l'analogie symbolique des offrandes : l'oeuf, la colombe, la chèvre, etc., transformées en sacrifices offerts dans un temple africain ( qui est souvent un simple Carrefour sans assistance, ou toute parcelle habitée par un foyer ) où s'organise naturellement une prêtrise du père régentée par l'effigie totémique. Ceci caractérise la pensée africaine telle qu'exprimé dans Une bible noire.

Le concept de Répondant (analogie) y est une catégorie centrale (voir l'analogie chez C.S.Pierce, tout est Signe qui renvoie à quelque chose). C'est une logique complexe que tente de promouvoir Edgar Morin.

Il n'y a pas évolution, il y a cohabitation de différentes expressions de la réalité

La thèse de cohabitation des connaissances s'oppose à Auguste Comte et à Ernest Cassirer qui décrivent le phénomène de connaissances selon une approche évolutionniste. En effet, comme hypothèse évolutionniste nous prenons celle de Cassirer qui « décrit le trajet parcouru par l'esprit des premiers figures de la conscience à la connaissance la plus pure ,c'est devenu un lieu commun qu'il met en place une phénoménologie - entendue au sens hégélien- dont les principales étapes sont fonction d'expression , de présentation et de signification. »529(*)Selon Cassirer la pensée astronomique est une pensée évoluée par rapport au mythe qui est plus proche de la science moderne. Il pense que « la pensée astrologique ...ne s'est pas encore libérée de la pensée « complexe » du mythe ...530(*)occupe, selon sa forme, une étrange et bâtardise position intermédiaire entre le mythe et la science. »531(*)

Caractéristiques de la pensée mythique

Pour la pensée complexe, le nom évoqué dans la prière biblique, dans le Cantique à travers le Mythe (du point de vue de genres de la littérature traditionnel La Bible Judéo- chrétienne est un mythe, l'expression n'est pas péjorative) est identique à la personne et à l'entité spirituelle évoquées (le Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu ,fils du père Créateur des cieux et de la terre). C'est là une logique d'analogie pratique. C'est le principe de l'identité dans une pensée complexe. A ce titre le principe de logique théorique s'en démarque. Penser aussi à la révérence des images.

Du point de vue des ressemblances, la structure totémique de la conscience spatiale peut être mise ici exactement en parallèle avec la structure astronomique de la conscience spatiale.532(*) Il n'y aurait pas des terres vacantes comme le pensaient les colonisateurs. Il existe ici des concepts fondamentaux (l'usage de noms dans les hymnes et les formules sacrées, les chants et les versets, l'usage des images, la prière et les offrandes, etc.) de la pensée mythique, sa conception de l'espace, de temps et de nombre. Les images opèrent avec le principe d'analogie, i.e., les centres de l'homme dans la physiologie indigène et les effigies (fétiches et les statues sont perforés au niveau de ces centres, chacra). En fait l'idée ce qu'il y a continuité entre savoir ordinaire et savoir savant.

Du point de vue du droit, il s'agit ici des fondements des conventions civiles africaines : nous sommes en Afrique traditionnelle ici en présence d'un Empire du « droit sacré », magico -religieux par rapports aux pratiques juridiques européennes.

Les fondements de l'autorité sont placés dans des « dynasties de sang sacré » (chef de races ») ; et la pensée totémique et astronomique établissent les droits fonciers des indigènes sur la presque totalité des terres africaines. Nous sommes là en face de deux cadres de référence.

Pour Van Derkerken déjà il soutenait que seule la connaissance et la reconnaissance des structures sociales bantoues devait s'opposer à une prolétarisation perçue comme une déchéance culturelle et un immense danger social.533(*)

Une Bible noire

La création par le Verbe, cette conception dans Une bible noire semble renvoyer à la tradition de l'Egypte antique : Selon T. Fourche et H. Morlighem, le « Ku-Ela-Diyi », en tshiluba, émettre une parole (impérative), un ordre, le « verbe » (plur. »Ku-Ela-Meyi »- on dit par exemple à la 2ème et 3ème personne du singuler : Wela Meyi (Ouela Meyi) est comparable dans sa forme et dans son esprit au «  Ouzou Medou »des Egyptiens antiques (Voir A.MORET : Le Nil et la Civilisation Egyptienne ,page 439). Mais dans le langage courant, cette expression, qui garde en certains cas toute sa valeur impérativement symbolique a pris le sens commun de « parler ». (Parler : Ku -Akula - Faculté de la parole : Diakula).534(*) Tout cela est lié à une vision communautaire et même disons -le bisoïste du monde selon Tshiamalenga Ntumba.

A propos des spéculations cosmiques touchant aux étoiles, aux galaxies et à la voie lactée, nos Fourche et Morlighme rapprochent certains termes d'Une Bible noire à la conception médiévale, notamment à propos de ce que Une Bible noire appelle des Choses primordiales ou Choses Aînées, « Il nous arrive, disent Fourche et Morlughme, de dire « éléments » (terme absent du vocabulaire des indignes, qui ont pourtant une conception médiévale) et « astres », pour traduire ces « choses aînées ».535(*)

De par ces références, nos auteurs procèdent méthodologiquement à des comparaisons topologiques. Dans la rédaction les enquêteurs se sont faits « scribes » disent-ils ?3(*)Un des scribes conclut comme suit : « nous admettons qu'Une bible noire ne doit pas être exempte de lacunes, d'équivoques, de contradictions, et sans doute aussi d'erreurs de détails. Nous souhaitons, bien que les véritables détenteurs de « science »soient devenus rares et hermétiques devant la nouvelle génération formée aux écoles nouvelles, que d'autres chercheurs élucident les points qui demeurent obscurs ou douteux et comblent les lacunes ». Disons que T. Fourche et H. Morlighem536(*), ne se limitent pas au travail fort salutaire de conservation de textes et d'une restitution de la pensée traditionnelle, ils commentent les différents textes au point de vue anthropologique.

Notre démarche interdisciplinaire consiste à croiser leur interprétation anthropologique avec une démarche proprement épistémologique et logique.

Une Bible noire ou La révélation de Tshiakani titrée par l'édition Mukamba Kadita Nzemba ou d'une édition plus récente qui sous-titre Une Bible noire ;la cosmogonie bantoue est un livre peu connu, il est issu des recherches anthropologiques de Tiarco Fourche (médecin au Congo Belge) et d'Henri Morlighem (Aide - médecin),qui ont menées ces recherches concomitamment avec l'Institut Royal Belge et de l'Institut Royal d'Anthropologie de Grande Bretagne et d'Irlande.537(*) Il s'agit justement des plusieurs documents semblables dont :Etudes Bakongo, Religion et magie par R.P.J .Van Wing, missionnaire qui a oeuvré au Congo particulièrement à Kinsatu, J.-A.Tiarco Fourche et H. Morlighem, Les communications des indigènes de Kasaï avec les âmes des morts.538(*)

Pour Morlighem, leurs recherches peuvent se situer avec le Docteur T.Fourche, de 1923 à 1942, date de sa mort à Johannesburg ; lui-même l'a entrepris de 1933 à 1947. Les investigations ont porté sur la plupart des nombreux clans de la province du Kasaï, de l'ouest du Lomami au sud du Sankuru. J'ai particulièrement visité le District de Haut Lomami. Les enquêtes Morlighem se sont déroulées entre autres chez les Bassonghe sur le « bukishi », chez les Baluba du katanga (Fourche, 1974, p .147). Tous ces documents d'observation et des documents oraux, rapporte Morlighem, ont été recueillis à bâtons rompu au cours des missions communes de médecine prophylactique qui leur ont assigné des contacts intimes et permanents avec les populations.

La nouveauté et l'originalité de ces documents directs leur incitaient à réduire leur arrangement au minimum nécessaire pour la compréhension. La mise en chapitres, les titres, leur ordonnancement sont leur fait. « La clarté l'exigeait, et nous pensions, disaient -ils, que ce découpage ne fausse rien, car il suit fidèlement la séquence logique des conceptions noires. (...) Ces interventions minimes sont honnêtes ; elles respectent le fond et la forme. Le blanc ne s'est imposé au Noir ni dans sa tactique, ni dans son mode d'enquête ». Nous présentent un exposé contenant de conceptions, de croyances et des pratiques dites « mythico- religieuses »  propres aux Bantu de la zone centrale de l'actuel Zaïre (RD Congo).

Cette étude présente la notion intéressante d'analogie logique et ontologique de Totem ou de Répondant, une notion que partagent les grandes civilisations.

Nous nous situons ici d'un point de vue des traditions congolaises pour illustrer la composante langagière dans la création de la « réalité sociale » sous sa forme sacrée de la création par le Verbe, le point de départ de la théorie philosophique anglo-saxonne des « actes de la parole ».

T. Fourche et H. Morlighem, dans leurs commentaires de ce qu'ils appellent Une bible noire539(*), ne se limitent pas au travail fort salutaire de conservation de textes et d'une restitution de la pensée ; ils essaient de reconstruire des multiples concepts logiques centraux.

Marc Poncelet affirme que sur le plan strictement épistémologique, en ce qui concerne l'Histoire sociale de la pensée coloniale et congolaise, un des premiers grands débats épistémologiques au Congo est celui qui eut lieu à l'IRCB (Institut Royal Colonial Belge) à l'âge d'or du champ colonial savant des années 30. La tendance dominante était le refus de situer le savoir des autochtones dans le processus général de l'histoire de l'humanité. C'est en l'occurrence le mémoire de Tiarko Fourche et de H. Morlighem médecin et aide -médecin de leur état, parce qu'il « fut ajourné pour sa part pour complément d'information ».540(*) Et pour cause : « L'ethnologie catholique (a) combattu systématiquement toute tentative d'interprétation (considérée comme `hâtive', 'littéraire' ou `spéculative') visant à insérer les observations ethnologiques dans un schéma évolutionniste susceptible de tracer les axes d'une histoire universelle et raisonnée des croyances religieuses humaines ».541(*)

Le tort de T. Fourche et H. Morlighem, chercheurs en médecine naturelle et des techniques phytothérapiques - est d'avoir osé, contre l'avis des ethnologues ecclésiastiques coloniaux, présenter à propos des congolais des conceptions qui rencontraient d'autres traditions universelles. Les commentaires deT. Fourche et H. Morlighem sur les différents thèmes qu'ils recueillent dans Une Bible noire se réfèrent à la comparaison des traditions congolaises - Luba-kasaï (Lulua, Songhé, etc.) - Lunda-Kasaï (Pende, Cokwe, Bindji(mieux mbaghani), etc.)- ou à plusieurs grands foyers des cultures tels l'Egypte antique, le Hindou542(*), la conception médiévale, etc.

Une Bible noire est un livre qui ne contient pas seulement des mythes, elle contient une bonne partie de la pensée astrologique et astronomique, de la pensée religieuse, de la pensée totémique et même des notions scientifiques des classements des espèces animales et végétales, et autres. C'est un seul édifice.

Le livre contient plusieurs traditions. En ce qui concerne les thèmes qui sont développés dans Une Sainte Bible, le mythe de la création et de la chute est relaté sous forme astronomique à travers la centralité d'un « père d'amour » (Maweja nangila )»,d'un « fils premier-né, rédempteur (Mikombua kalewa)», d'une « mère (tshiama ».

De l'anthropologie de la santé et des représentations

Yannick Jaffré et Jean Pierre Olivier De Sardan ont écrit et dirigé un livre intitulé La construction sociale de la réalité des maladies, entités nosologiques populaires en Afrique de l'ouest, ce livre partage « l'espace théorique commun au champ de l'anthropologie de la santé et au champ de l'anthropologie des représentations. Dans cet espace scientifique, affirment les auteurs, elle peut représenter une solution possible (parmi d'autres) à certains problèmes plus généraux, qui jusqu'ici ne nous semblent pas avoir été traités de façon satisfaisante ».543(*) La sociologie et l'anthropologie des catégories sont un des grands noyaux de développement actuel de l'analyse cognitive du social. Les catégories sont supposées former entre elles une totalité culturelle qu'on doit envisager dans les relations, notamment causales, avec les autres touts sociaux (et, tout spécialement, comme projection de la structure sociale), mais ce pourrait être aussi, comme chez Whorf et Sapir, de la projection de la structure de la langue.

L'étude porte sur des «bribes de discours médical reintépreté que se construisent les représentations populaires ».544(*) Nous pouvons dire qu'ils partagent avec La pragmatique cognitivisme le point de départ théorique qui consiste à analyser le langage.

Ce qui nous intéresse ici, c'est le changement d'attitude ethnologique sur un domaine de cette recherche vital. A la postface du livre les auteurs affirment justement que l'ouvrage partage des choix théoriques communs, notamment le refus d'une ethnologie passéiste. La méthode utilisée est celle de la description des sémiologies populaires. « Dans chacune des langues considérées, les locataires recourent à un stock déjà constitué de mots pour dire leurs maux, leurs corps, leurs maladies, leurs traitements ».545(*) Les chercheurs s'occupent des « entités nosologiques populaires », ces maladies de sens commun Peul, Songhay- Zarma, Bambara, etc., (ils s'intéressent à  « la façon dont les symptômes morbides étaient perçus, exprimés, et organisés par les principaux intéressés ».546(*)

L'avis porté sur les sciences sociales, c'est que contre ces dernières, les auteurs affirment « la nécessaire cohésion du langage de description en sciences sociales qui se transforme souvent en une cohérentisation abusive des référents empiriques sur lesquels il porte, (...) la rationalité propre au langage savant ne devait pas être confondu avec celle dont font usage les acteurs en situation ordinaire ».547(*)

Contre le concordisme, la confusion des langages et l'isomorphie logico- philosophique, disons plus simplement à la suite de la thèse de Wittgenstein II, qu'aucun langage n'est descriptif, tout langage est toujours constructif. Le langage formel construit ses propres êtres, les autres langages des sciences construisent le monde, Dieu ou la société.

Là où nous relativisons les auteurs, c'est quand ils affirment le fait « qu'il n'y a pas en Afrique, à notre connaissance, de « médecine savante » traditionnelle, les spécialistes populaires que sont les « guérisseurs » (faisant traditionnellement un large usage des plantes) ne recourant nulle part à un corpus stabilisé et standardisé de savoirs organisé (du type médecine chinoise ou indienne. (...) il faut bien admettre, après examen attentif fait par chacun d'entre nous dans les cultures ici considérées, que nulle part n'existe de théories des rapports entre ces rapports, entre ces couples, fonctionnelles ou philosophiques (à l'image des théories grecques ou chinoises), et que leurs usages sont variables, non stabilisés, et largement allusifs ».548(*) Il n'y pas meilleure ressemblance culturelle que les traditions africaines les plus anciennes et asiatiques. L'hiéroglyphe égyptien ressemble dans sa forme (voir cadrat) aux écritures asiatiques allant de Japon à la Corée en passant par le copte.

Ils ajoutent : « nous n'avons pas rencontré trace à travers nos parcours de recherche sur les entités nosologiques populaires, de grandes constructions théoriques indigènes. Ni de vastes systèmes classificatoires. (...) Chaud/ froid, humide / sec, amer/ doux sont des couples couramment utilisés dans toutes les langues où nous avons travaillé. »549(*) Justement, cette opération est fondamentale. Intellectuellement nous classons et opérons des distinctions de base (masculin /féminin, classes d'âges, etc.), qui à leur tour configurent ou construisent la vie quotidienne. Ce point de départ est la façon de comprendre cette phrase de Bourdieu : « les agents sociaux que le sociologue classe sont producteurs non seulement d'actes classables mais aussi d'actes de classement qui sont eux-mêmes classés ».550(*) C'est ce que Bourdieu appelle l'activité structurante des agents. C'est un mode de connaissance géométrique souvent incorporé et qui se reproduit socialement.

Pierre Bourdieu tente de donner la genèse des structures sociales et des classifications. Toutefois, il se démarque d'une analyse de John Searle rivée sur la pragmatique du langage ou d'une pragmatique de l'esprit en tant qu'essai d'une philosophie des états mentaux. Pour lui, du moins à un certain niveau, les unités minimales qu'ils dégagent fonctionnent en deçà de la conscience et du discours, pour autant que le discours n'implique pas la pratique (l'acte). Il s'agit bien sûr de sa notion de l'habitus. « La connaissance pratique du monde social (...) met en oeuvre des schèmes classificatoires (ou ,si l'on préfère ,des « formes de classifications »,des « structures mentales »,des « formes symboliques »,autant d'expressions qui, si l'on ignore les connotations ,sont à peu près interchangeables),schèmes historiques de perception et d' appréciation qui sont le produit de division objective en classes (classe d'âge, classes sexuelles, classes sociales) et qui fonctionnent en déçà de la conscience et du discours ».551(*)Nous avons dit que nous étions là en présence des actes ( de l'habitus) structurants inconscients.

Ces unités minimales de base qui se reproduisent sous forme sociale relèvent des oppositions inscrites dans de la vie même (sexe, langues différentes, âges, etc.) et se projettent en construisant les institutions. « Les passions mortelles de tous les racismes (d'ethnie, de sexe ou de classe) se perpétuent parce qu'elles sont chevillées aux corps sous forme de dispositions et aussi parce que les rapports de domination dont elles sont le produit se perpétuent dans l'objectivité ».552(*) Son hypothèse est que, par exemple, la domination entre masculin/féminin est inscrite d'abord dans la différence physique qui est inscrite dans le corps.

L'habitus est la classe incorporée ,(incluant des propriétés biologiques socialement façonnées telles que le sexe ou l'âge) et, dans tous les cas de déplacement inter- ou intra- générationnel, se distingue (dans ses effets ) de la classe objectivée à un moment donné du temps (sous forme de propriété ,de titres, etc.),en ce qu'il perpétue un état différent des conditions matérielles d'existence, celles dont il est le produit et qui différent plus ou moins en ce cas des conditions de son actualisation »553(*). L'« habitus dominé (du point de vue du sexe, de la culture ou de la langue), relation sociale somatisée, loi du corps social (est) convertie en loi du corps ».554(*)

La construction s'oppose à la naturalisation. Pour Bourdieu, « la vision naturalisée de région ou de la nation, avec ses frontières « naturelles », ses « unités linguistiques », ou autres,...toutes ces entités substantielles ne sont que des constructions sociales, des artéfacts historiques qui, souvent issus des luttes historiques analogues à celles qu'ils sont censés trancher, ne sont pas reconnus comme tels, mais appréhendés à tort comme des données naturelles ».555(*)

En effet, « les opérations de classifications par lesquelles les agents sociaux construisent le monde social tendent à se faire oublier comme telles en se réalisant dans les unités sociales qu'elles produisent, famille, tribu, région, nation, et qui sont dotées de toutes les apparences des choses ».556(*) Ces considérations sont essentielles comme hypothèses théoriques à vérifier dans une enquête sociologique ou anthropologique selon le cas ; ainsi « c'est l'ordre social lui-même qui, pour l'essentiel, produit sa propre sociodicée ».557(*)

La philosophie de la Nature des temps modernes est ici sans conteste un des cadres théoriques de Pierre Bourdieu. Nous allons déjà en luminaire présenter ici une reconstruction philosophique. Le postulat du concept de « distinction » ou de « classement », dans son livre intitulé La distinction ; critique sociale du jugement a selon notre hypothèse son répondant dans le rationalisme cartésien. René Descartes, dans son livre Regulae ad directionem ingenii, fait de la notion de sériation comme la base de sa mathématisation de la nature ; c'est le postulat de sa philosophie même : « comprendre le monde c'est le mathématiser, c'est le disposer en série géométrique».

Pour tenter une reconstruction philosophique, nous essayons de présenter l'origine philosophique de la théorie considérée. En effet, nous savons que « sérier » dans la mathématisation de la nature chez Descartes, c'est construire des oppositions. Transposé dans une construction sociale chez Bourdieu, cela devient : la « matrice de tous les lieux communs qui ne s'imposent si aisément que parce qu'ils ont pour eux tout l'ordre social ,le réseau d'oppositions entre haut(ou sublime, élevé, pur) et bas(ou vulgaire, plat, modeste),spirituel et matériel, fin(ou raffiné ,élégant) et grossier(ou gros, gras, brut, brutal, fruste),léger(ou subtil, vif, adroit)et lourd(ou lent, épais, obtus, laborieux, gauche),libre et forcé, large et étroit ou, dans une autre dimension ,entre unique(ou rare, différent, distingué, exclusif, exceptionnel, singulier, inouï) et commun(ou ordinaire, banal, courant, trivial, quelconque),brillant(ou intelligent) et terne(ou obscur, effacé, médiocre),a pour principe d'opposition entre « élite »des dominants et la »masse » des dominés ,multiplicité contingente et désordonnée, interchangeable et innombrable, faible et désarmée ».558(*)

Le concept d'espace homogène de René Descartes y est transposé, toutes choses restant égales par ailleurs, comme espace social. « Le schéma de l'espace social (...) peut être aussi lu comme un tableau rigoureux des catégories historiquement constituées et acquises qui organisent la pensée du monde social de l'ensemble des sujets appartement à ce monde et façonnés par lui. »559(*) Seulement, il faut dire que Bourdieu est un rationaliste d'un type nouveau qui théorise non pas l'espace homogène mais l'espace social.

Sur la même question de construction de la réalité sociale, Bourdieu reproche à certains spécialistes en la matière le fait « qu'ils omettent de poser la question de la construction sociale des principes de construction de cette réalité que les agents mettent en oeuvre dans le travail de construction, individuel et aussi collectif. »560(*) Ces principes ne sont autres dans la société dite complexe que « les schèmes pratiques de perception, d'appréciation et d'action ».561(*) « Dans les sociétés peu différenciées ,c'est à travers toute l'organisation spatiale et temporelle de la vie sociale et, aussi , à travers les rites d'institution établissant des différences définitives entre ceux qui ont subi le rite (par exemple la circoncision) et ceux (ou celles)qui ne l'ont pas subi(femmes) que s'instituent dans le corps ,sous forme de schème pratique (plutôt que des catégories),les principes de visions et division communs (dont le paradigme est l'opposition entre le masculin et le féminin) ».562(*) Pierre Bourdieu est dans la ligne de ceux qui critiquent la rationalité et la modernité et cela à l'envers de John Searle au moyen du principe qu'il appelle l'habitus, schème constructeur de la réalité sociale.

Pour conclure , « un concept qui, comme celui de l'habitus ,dit-il, s'est imposé à moi à l'origine comme le seul moyen de rendre compte des décalages qui s'observaient ,dans une économie comme celle de l'Algérie des années soixante(et encore aujourd'hui dans beaucoup de pays dits « en voie de développement »), entre les structures objectives et les structures incorporées ,entre les institutions économiques importées et imposées par la colonisation (ou aujourd'hui par les contraintes du marché) et les dispositions économiques apportées par les agents directement issus du monde précapitaliste. Cette situation quasi expérimentale avait pour effet de faire apparaître en négatif, à travers toutes les conduites qui étaient alors communément décrites comme des manquements à la « rationalité » et des « résistances à la modernité », et souvent imputées à de mystérieux facteurs culturels, comme l'islam, les conditions cachées du fonctionnement des institutions économiques ».563(*)

CHAPITRE DOUZIÈME :

SITUATION À LA BASE DE L'INTERDISCIPLINARITÉ EN SCIENCES SOCIALES

De l'interdisciplinarité au point de départ de l'anthropologie

L'anthropologie est la matrice des sciences sociales et humaines. Robert Vion fait une mise au point intéressante : « la convergence entre les sciences humaines reposent sur l'existence d'une tradition pluridisciplinaire dont l'une des origines demeure l'anthropologie américaine. (En effet,) des nouvelles approches (l'école de Palo Alto, l'analyse systémique, l'interactionnisme symbolique de Becher ou de Goffman, la sociologie cognitive de Cicourel, l'ethnométhodologie de Garfinkel) ont permis de développer ces convergences pluridisciplinaires. Côté langage, l'ethnographie de la communication de Gumperz et Hymes, l'énonciation de Benveniste ou Culioli, la pragmatique de philosophes comme Austin, (Francis) Jacques ou de linguiste comme Ducrot, Kerbrat - Orechioni ou Roulet, la philosophie de Bakhitin, Jacques ou Habermas, la sémiotique de Peirce, Greimas ou Eco, la sémiotique de Barthes, la psychanalyse, ont établi des points de jonctions plus ou moins nets entres les divers savoirs.»564(*) C'est la notion de monde vécu qui en est le suppôt.

La perspective anthropologique offre d'un point de vue évolutionniste ou fonctionnaliste, un plan d'étude interdisciplinaire fort large, i.e., la sapiensalisation nous permet d'étudier le phénomène humain de la connaissance ou du cognitif, du langage et de la communication, de l'interaction, à travers les structures sociales émergentes d' « hominisation ».

La préoccupation de l'anthropologie565(*)selon l'optique évolutionniste est celle de placer l'homme dans la longue chaîne de l'évolution biologique jusqu'à la sapiensalisation, c'est-à-dire jusqu'à l'émergence d'une société humaine normée consécutive à un certain nombre de développement de l'homme, notamment : génétique, cognitif, du langage, etc. A ce titre l'anthropologie historique offre une entrée intéressante pour un programme interdisciplinaire d'envergure. C'est aussi dans ce cadre que nous situons notre analyse multidisciplinaire.

La tendance anthropologique non évolutionniste comme celle de Franz Boas et d'Alfred Kroeber postule l'unité biologique et psychique du genre humain. Sigmund Freud postule l'universalité de psychisme humain comme fondement de la psychanalyse. Ce postulat est celui sur lequel cogite quelque fois avec peine certains savants occidentaux avec un arrière-fond primitiviste pour les non occidentaux. C'est aussi le point de vue adopté sournoisement par certains savants occidentaux à partir du stade actuel de l'évolution de la société occidentale qui se définie largement au point de départ de XV e jusqu'au XVIII e siècles européens ou de la modernité occidentale en tant que base des changements structuraux partis de la découverte du nouveau monde et de la colonisation, de la naissance des sciences expérimentales, de l'absolutisme et de la naissance des Etat- nations européennes , de l'essor de commerce , de la reforme protestante, finalement de changement profond des valeurs, etc.

Pour Jürgen Habermas justement, « au nombre de ces approches concernant la théorie de l'évolution, on peut compter le structuralisme, le néo-évolutionnisme et le fonctionnalisme ».566(*) Quel est l'état actuel des théories évolutionnistes ? Primo, « Althusser et Godelier ont essayé d'intégré au matérialisme historique les concepts et les hypothèses de Lévi -Strauss. Le concept de structure lui-même avait induit de l'étude des sociétés antérieures aux grandes civilisations, et ce, aussi bien à partir des structures analogiques de la « pensée sauvage » que des structures familiales des relations sociales ».567(*) Mais « le structuralisme s'est heurté aux limites de toute étude synchronique ; les limites étaient seulement moins sensibles en linguistique et en anthropologie, en raison de caractère statique de l'objet considéré ».568(*) Secundo, « sous la pression du relativisme culturel de l'école fonctionnaliste, on assiste de nos jours à un recul des théories de l'évolution qui s'étaient développés vers la fin du XIX e siècle dans le domaine de l'anthropologie (Morgan, Tylor). Il n'y a plus guère que des auteurs comme V.G.Childe et L.White pour maintenir l'idée de stade de développement universel. Sous l'influence dominante de l'anthropologie culturelle (Kroeber, Malinowiski, Mead), les théories de l'évolution n'existent plus que sous une forme très atténuée et adaptée à l'esprit de l'écologie culturelle, comme le montre l' « évolutionnisme multilinéaire » d'un J.H. Staward. Mais ces derniers temps, il est vrai, les succès qu'a enregistrés l'évolutionnisme biologique ( c'est pour marquer le relativisme qui donne droit aux sciences du tiers monde , aux sciences africaines notamment) sur le plan théorique ont contribué à un renouvellement de l'évolutionnisme sociologique.

L'évolution sociale n'apparaît plus comme un vague prolongement de l'évolution organique ; les néo- évolutionnistes (Parsons, Luhman, Lenski) partent même de l'idée que l'on peut rendre compte de l'évolution sociale grâce au modèle de l'évolution naturelle, qui a été validé et a fait l'objet d'analyses approfondies. L'intérêt heuristique du modèle biologique ne fait pas de doute (mais pour quel agenda caché ?) ; ce qui fait problème (l'agenda caché ) , toutefois, c'est la question de savoir si ce modèle nous met sur la voie d'une théorie de l'évolution généralisée qui puisse convenir aussi bien à l'évolution naturelle qu'à l'évolution culturelle ».569(*) Pour moi, le biologisme s'oppose au point de vue culturel : l'homme est avant tout biologique, dirait -on , en biologisme , avant d'être culturel.

Marx et Habermas ont une drôle de façon de pratiquer l'anthropologie sociale et historique en omettant quasiment de mettre à sa juste place la civilisation égyptienne ! Les théories de Karl Marx, de Claude Lévi-Strauss, de Jürgen Habermas, de John Searle et autres occidentaux, et celle de Cheick Anta Diop, pour ne citer que ce seul africain se situent de ce point de vue général de l'anthropologie tout en s'opposant sur des points cruciaux, i.e., l'Afrique est - elle le berceau de l'humanité de Home erectus à homo sapiens ?570(*) Jürgen Habermas aborde dans son livre intitulé Après Marx base de la théorie de l'agir (action) communicationnelle l'anthropologie sans géographie, sans identité humaine et localisation explicites, notamment la théorie de « passage »571(*) cognitif des hominidés aux sapiens sapiens.

Karl Marx et Engel développent une théorie reconstructive anthropologique572(*), ils utilisent les structures ethnologiques des Indiens restés au stade ethnologique (voir Morgan) qu'ils mettent en correspondance avec les structures sociales de tribus germaniques. Ce va-et-vient ethnologie -sociologie devait être frappée de caducité. Beaucoup de marxistes occidentaux ne développent pas des travaux ethnologiques adéquats. Karl Marx et Jürgen Habermas reconstruisent le programme anthropologique d'un point de vue européen, d'où une vue beaucoup plus centrée sur la modernité européenne. John Searle touche dans sa théorie en fait à l'évolutionnisme anthropologique en critiquant l'anthropologie de Marx au nom de l'idéologie européenne en crise.

Le principe isomorphique de causalité et de la raison d'agir

Un des noeuds gordiens des sciences sociales est l'opérationnalisation du principe de causalité, exprimant ce qui commande l'action, le comportement et finalement l'action sociale comme interaction. Le principe de causalité exprime les régularités empiriques incrustées dans chaque réalité sociale, dans chaque interaction qui est le véritable objet de science sociale. Il s'agit de trouver les lois de la prédiction des interactions. « On trouve des approches théoriques se référant à des régularités empiriques de l'activité sociale, dans toutes les disciplines de la science sociale : en économie, en sociologie, en anthropologie culturelle et en psychologie sociale. (En) sciences politiques. »573(*)

La base de la compréhension de l'activité sociale est la modélisation en principe de causalité ou en la raison d'agir lorsqu'il s'agit de l'introduction de l'intentionnalité dans la compréhension de la réalité sociale. Les modalités logiques expriment cette causalité en logique en implication stricte. Le principe de causalité est posé à l'intérieur de chaque paradigme, notamment une causalité de monde vécu. Il y a causalité entre le tout et le tout : une relation structurale entre les organisations de même taille ou de taille différente. Une relation sans réciprocité entre le tout et les parties : est une relation fonctionnelle. Une relation unilatérale entre le Tout et les parties est justement fonctionnelle également.

Les sciences de la communication et de l'information

Ces nouvelles sciences trouvent là une toute autre place, celle co - originaire de la notion de « monde vécu », celle d'une expérience communicationnelle à coté de l'expérience sensorielle. En effet, « le chercheur en commençant par les analyses des contenus et des enquêtes jusqu'à l'expérimentation et en passant par la technique de l'observation engagée et la recherche sociographique, ne peut sortir totalement du rôle de participant au jeu de la communication ».574(*)

Nous allons tenter d'étayer cette position centrale des sciences de la communication et de l'information dans le concert des sciences sociales dans cette perspective.575(*) La question de cette recherche est simple : comment se constitue l'expérience communicationnelle, cette « connaissance par expérience » qui forme la base de la personnalité, de la société et de la culture. Le monde vécu est un savoir-faire mais en même temps un savoir préthéorique et théorique qui est incrusté dans la langue en relation avec l'environnement et les ainés compétents dans le processus de la maitrise la vie. « L'interprète de sens fait don expérience fondamentalement en tant qu'interlocuteur ,sur base d'une relation intersubjective avec d'autres personnes ,établie au moyen de symboles, même si en fait il se trouve seul devant un livre, un document ou une oeuvre d'art »576(*). C'est moi qui souligne pour marquer le moment communicationnel indépassable.

Toute la tendance qui définit la société comme réseau de communication fait des sciences de la communication une science architectonique. Lucien Sfez a bien trouvé la notion qui charrie la théorie communicative de J.Habermas : « Dans le lebenswelt , il y a un holisme de base ».577(*) Plus en détails : « la communication est dans le social, dans la langue qui est sociale, dans l'implicite, le pré-jugé. La communication n'est pas machinique , mais compréhensive. Elle émerge au moment de ruptures. Le vécu du monde est capté, technisé par des acteurs responsables. Il est alors transformé et colonisé. »578(*)

L'objet central de la philosophie même aujourd'hui pourrait être la notion de « forme de vie ». Le « siège de la vie », autrement dit , est une notion qui remonte officiellement à Edmond Husserl non sans relativiser579(*), elle a pris une grande importance avec la révolution linguistique et pragmatique en philosophie sous le concept de « forme de la vie » chez Ludwig Wittgenstein, avec le « monde vécu » pour Jürgen Habermas, avec « bak ground » chez John Searle, avec Habitus chez Pierre Bourdieu. L'acception primitive est la même, la notion corrobore avec raison une visée pratique pour dépasser le mentalisme des temps moderne les notions de compétence, de capacité et de ressource de base dans l'apprentissage avec Noam Chomsky.

Le monde vécu renvoie aussi à la métaphore de la toile chez E. Cassirer : « la toile n'est pas un produit fini qui s'étudie comme un objet quelconque, c'est plutôt un processus, une modification permanente, le ` tissu culturel' en devenir. »580(*) Mieux, « la toile (notre cybermonde) doit être comprise comme un entrecroisement, ce qui rappelle l'image du symbolique comme focus , lieu de textiles et optique servent la même cause , le dépassement du dualisme pour une relation dynamique des parties. »581(*) Les mots comme réflexion, réfraction, toile, voile, et autres semblables sont tirés du monde vécu. La réfraction est au coeur de la physique théorique égyptienne qui a fait émerger les pyramide parce que prototype de diamant, corps noble comme l'émeraude, et la toile (le cybermonde) domine notre époque social.

L'idéologie de la communication « doit régler tous les problèmes »582(*). Ce serait un lapsus ne peut se dire dans l'optique de monde vécu comme le fait L. Sfez «la communication envahit tous les domaines ». La communication est toujours déjà supposée partout : « dans la science des organisations et de la décision ; dans les sciences exactes elles-mêmes, physiques et biologiques contaminées par le vocable « communication » ; sans parler, bien sûr, de l'intelligence artificielle, de l'informatique ou des sciences cognitives. Curieuses et forte convergence de ces différents champs. Consensus transnational où, comme on peut le croire, nouvelle idéologie, voire nouvelle religion mondiale en formation ».583(*)

Puisqu'on n'y est à propos de la religion, c'est aussi ici un lapsus de la part de Lucien Sfez , au point de vue théologique et biblique probablement d'où est emprunté la notion même, le « siège de la vie » renvoie à la notion de « source de vie » dans le livre de Proverbes584(*), à la notion de « dépôt spirituel » dans les épitres à l'Eglise, à la même expérience comme une connaissance (apprise) par expérience . Cette compétence est la plus grande chose dans la vie de tout homme. Nous pouvons voir la survivance de la notion de l' « âme » et de la « Raison » dans cette acception primitive. Comme ces notions constituent les objets principaux de trois grands paradigmes philosophiques : le paradigme onto-théologique avec l' « Etre » (ce qui fait de vous vous -même),la paradigme de la conscience la Raison (je pense je suis), le langage et la communique dans la paradigme de la philosophie du langage initié par Wittgenstein et anticipé par Charles Sander Peirce. Ici l'expérience communicationnelle au niveau déjà préréflexif tissé dans l'interlocution passé et sédimentée dans le corpus notionnelle de la culture, dans le langage et dans l'interaction.

Cependant, faut dire que l' « Etre », la « Raison » et a fortiori le « monde vécu » (l'habitus) sont toujours analogiques. L'individualisme absolu est un l'heure comme chez Descartes ( je pense voudrait dire nous pensons à proprement parler dans une inter- individualité). Analogiques nous partiellement même partiellement autre.

Partir des limites des contextes socio- culturels

Marc Measscalck est un des spécialistes patenté de l'interdisciplinarité en science sociale, nous allons lui emprunter sa façon de présenter la question telle qu'il élargit la perspective marxienne de la « causalité interne » face à la causalité externe de structuralisme (fonctionnalisme) ou de l'interactionnisme, dans la visée d'unifier et de générer les nouvelles actions de développement qui collent au contexte nouveau. Ces postulats recouvrent la sociologie des sciences de Bruno Latour, de Laurent Thévenot, la sociologie de l'habitus de Pierre Bourdieu, la philosophie de la culture de Charles Taylor, la logique des sciences sociales de Jürgen Habermas, et autres.

Parc que la question de l'interdisciplinarité se pose partout, Marc Maesschalck fait un diagnostic intéressant sur les demandes de formations des adultes en Belgique où il travaille avec de nombreux groupes sur le sens de l'action collective locale : sur la fragmentation de l'espace social, sur les nouvelles zones d'ignorance mutuelles, sur les frontières invisibles qui divisent les sociétés postindustrielles, ainsi que sur la manière de construire un sens commun. Il a suivi l'évolution de la question il y a près de quinze ans. Il est devenu perspectible que la prise de conscience de la fragilité d'un consensus social minimum et l'incapacité des institutions existantes évoluaient en même temps que la demande de formation. La question elle-même a donc évolué en conséquence : il s'agissait de lors de savoir comment agir, dans le métier d'intervenants sociaux, pour rendre à nouveau appropriable un « faire ensemble » ? Comment trouver les mots justes pour réagir à des propos racistes ou tribalistes même ici à l'Université ? Quelle attitude adopté lorsque une politique d'assistance publique se transforme en appareil de contrôle social (voir les relations difficiles entre les assistants sociaux et les familles congolaises en Bruxelles) et devient elle-même un nouveau facteur d'exclusion et d'inégalité ?

Il s'agit de trouver une manière de collaborer pour expérimenter de nouvelles solutions, des groupes différents qui expérimentent de nouvelles solutions collaboratrices. Il s'agit d'un apprentissage social en situation, d'abord dans un cadre local puis dans un cadre plus général d'expérimentalisme démocratique. Cela consiste à prendre en compte la manière dont les structures participatives déterminent l'engagement des acteurs individuels. Les identités elles-mêmes se forment en cours d'action. L'enjeu devient alors la création d'un cadre incitatif. Il faut un cadre d'engagement des acteurs qui permette aux différents groupes concernés et aux différents niveaux de pouvoirs impliqués de coopérer dans la recherche de solutions et dans l'évaluation des résultats.585(*)

En fait, « pour rendre appropriable un processus d'action collective, il est nécessaire que les membres des différents groupes concernés puissent expérimenter la confiance dans un projet conçu comme une action conjointe, l'engagement au soutien mutuel dans la réalisation de ce projet , et à termes ,l'émergence de nouveaux porte-parole intervenant dans les processus de décisions et rendant l'action conjointe toujours plus appropriable par les différents groupes. »586(*) L'hypothèse fondée sur une approche pratique 587(*)de l'intervention sociale de travail sociale s'explique comme suite : il faut accepter une forme de déstabilisation des représentations acquises et des croyances de base (des routines d'actions en quelque sorte) pour se projeter dans un processus de recherche conjointe. Donc, il s'agit du déplacement d'un processus d'apprentissage fondé sur une communauté de reconnaissance, vers un processus d'apprentissage en contexte de relations entre exo-groupes, basé sur la déstabilisation des points de vue et sur la recherche conjointe de nouvelles positions par rapport aux problèmes rencontrés. Construire des comportements communs. Le travail social est l'aboutissement naturel des sciences sociales dans la formation de managers sociaux ou des animateurs sociaux au sein des nouvelles situations. Le plan pratique appelle plusieurs disciplines pour chaque projet.

Quel est le champ d'analyse de notre recherche ? Toutes les sciences sociales et humaines. Le champ est circonscrit par la notion de groupe. Le concept de groupe appelle le concours de plusieurs disciplines : la psychologie sociale, la communication des organisations, la théorie de la gouvernance et des normes, le mangement, la pédagogie morale, l'économie politique, le droit et la théorie de la gouvernance, le droit, etc.

« Les expériences en psychologie sociale ont mis l'accent sur des facteurs « organisationnels » : Claude Flament a étudié l'influence du degré de centralisation du groupe sur l'efficacité de la communication, Claude Faucheux et Serge Moscovici ont montré pour leur part comment les groupes tendent à se donner une structure en accord avec les contraintes spécifiques de la tâche à accomplir. Les linguistes cherchent à comprendre les logiques des communications langagières dans des situations de travail. L'analyse de la communication dans des groupes permet pour sa part de mettre au jour les phénomènes d'influences, de leadership, de construction de réseaux, de structuration qui ont cours dans les ensembles humains de toutes natures ».(Ibid.,p.164). On peut étudier, pris positivement l'autonomie du groupe, l'organisation transversale, l'équipe-projet, la participation,...

L'optique de la communication des organisations prend en compte la compétence et la stratégie communicationnelles des acteurs, les identités et les histoires individuelles, l'existence d'une culture et de code de communication commun, de supports et des canaux appropriés, un contexte (économique social, hiérarchique, matériel et physique), une situation particulière, etc.( Philippe Cabin (Dr),2008,p.167).

Un procéduralisme de groupes à groupes

Au plan théorique, disons que face à ces enjeux ci-hauts décrits le modèle procéduraliste et non substantialiste, était d'un apport incontestable, l'éthique de la discussion de Jürgen Habermas et de Karl Otto Appel, le modèle reconduit par l'éthique de la reconnaissance d'Alex Honneth. Mais les choses ont changé avec des nouvelles questions, i.e., des questions qui ont apparu liés à l'insécurité et la violence terroriste, notamment avec la montée de l'extrémiste qui a suivi septembre 2001, et les stratégies de l'endiguer qui se sont poursuivit jusqu'à la mort Ben Laden ce lundi 1 mai 2011. Il s'agissait de l'apprentissage de valeurs de base implicites à la coopération, question qui supplantait celle de la construction de la confiance et du respect des règles d'élaboration d'un consensus équitable entre groupes. Il s'agissait en effet de principes fondamentaux de respect à la vie, d'un vivre en commun, d'engagement, de souci d'autrui, etc. C'est devant la montée de l'extrémisme terroriste et de l'insécurité subséquente en Occident, devant les transformations multiples de nos sociétés traditionnelles qui ont rendues caduque les dispositions institutionnelles de gestions collectives. L'effet des monopoles des entreprises de colonisation en Afrique et les outils résiduels qui sont restés, il s'est produit des écarts entre le discours, les institutions et la nature laissant des problèmes béants. Plusieurs aspects de nos coutumes sont de venus obsolètes à la réalité moderne.

La nature de la crise qui sévit rudement dans notre pays n'est pas facilement diagnostiquée. Les mécanismes institutionnels dominants sont devenus formels, ils n'assurent pas l'effectivité des normes de gestion collective. La crise régulatrice des nos sociétés donnent l'impression de laisser nos intellectuels pantois et la population défaitiste. La nouvelle forme de légitimité.

Le pouvoir de l'action conjointe devait être mis en avant entre groupes, et non entre individus, par rapport à une stratégie de partage de l'espace et de neutralisation des redescriptions privées du lien dans l'espace public. « C'est donc de la relation exo-groupes elle-même que peut survenir un changement d'attitude à l'égard de l'action et non d'une modification des propriétés individuelles des acteurs. »588(*) Il fallait ipso facto une rupture de l'approche pragmatique avec les approches postérieures des groupes. Le tournant pragmatique se dédouble avec l'hypothèse de Marcel Tshiamalenga Ntumba qui préconisait à l'endroit de Habermas de partir des groupes et non des individus, de l'interaction entre groupes pour des problèmes écologiques de l'heure, en stigmatisant l'anthropocentrisme.

Partir de projets communs comme processus intégrateur

Le savoir s'apparente à « la vérité (qui) n'est qu'une stratégie de reconnaissance sociale consistant à s'associer d'autres dans un projet commun. »589(*) Ainsi « il n'existe pas une vérité pure, séparée de l'ordre de sa production stratégique, entièrement explicable comme processus mental, une essence de la vérité. »590(*)

Justement ,le savoir social ne peut être séparé de la pratique (jusqu'à la pratique de la communauté scientifique ,ainsi « pour rendre appropriable un processus d'action collective ,il est nécessaire que les membres des différents groupes concernés puissent expérimenter la confiance dans un projet conçu comme une action conjointe, l'engagement au soutien mutuel dans la réalisation de ce projet et, à terme ,l'émergence de nouveaux portes -paroles intervenant dans le processus de décision et rendant l'action conjointe toujours plus appropriable par les différents groupes.»591(*)

Karl Marx va privilégier le conflit et la fonction à l'intérieur de système pour l'analyse des sociétés humaines, Marx fait la lecture conflictuelle de toute société, comme inscrite dans l'évolution dialectique d'une « causalité interne » face à une causalité externe de type mécaniste comme chez René Descartes : pour Marx toutes sociétés restent perpétuellement en crise, en nouvelle crise. Ferdinand de Saussure va mettre en avant la « règle » comme Descartes sinon toute l'Europe. C'est en fait une diversion tactique pour induire en erreur, alors qu'elle croit au postulat de Marx. L'interdisciplinarité se justifie par et en Marx. Bruno Latour, Laurent Thévenot, Pierre Bourdieu, Jürgen Habermas et autres philosophes des sciences ne jurent que par lui.

Lévi- Bruhl va mettre en exergue la « norme » substantielle, une autre diversion, dans la recherche en langues : nous aurons l'existence des prétendues langues civilisées et celle des langues anormales et sans culture ; en anthropologie, nous serons en face d'une mentalité anormale et mystique, prélogique. Comment penser l'interdisciplinarité en science sociale aujourd'hui pour sauver nos sociétés africaines ?

CHAPITRE TREIZIÈME :

LES THÉORIES DE L'ACTION DANS LES ANALYSES DE CONTENU, EN SCIENCES DU LANGAGE ET L'ONTOLOGIE SOCIALE EN SOCIOLOGIE

Comment mettre en exergue la notion de l'action dans les méthodes d'analyse des récits ? Il y a plusieurs méthodes, nous allons essayer d'en présenter quelques unes. Nous allons analyser chaque discours pour identifier ce qui se passe : une action, un désir ou une relation. Pour nous la démarche actionniste en sciences sociales devait être particulière à l'Occident du fait de l'individualisme dominant. Habermas à la suite de Talcott Parson reconstruit le Tout et ses parties par le concept de systèmes d'action social et au moyen du postulat de la situation de la parole reconstruit le concept de monde vécu tiré de l'anthropologie, et des sociétés dites primitives (la société, la culture et la personnalité). Les africains qui vivent encore le poids des structures sociales traditionnelles suivent un peu aveuglement ces théories même si les actions et les structures sont méthodologiquement inextricablement unies.

Analyse de contenu actionniste de la pragmatique du récit

La pragmatique du récit consiste à déterminer les conditions de l'énonciation, c'est-à-dire, le moment, le lieu et l'identité des co-locuteurs. Ensuite nous construisons les personnages ou organe en cherchant essentiellement des contradictions entre deux éléments de la description d'un même personnage ou organe. La pragmatique du récit tente d'étudier les « embrayeurs » pour analyser les différentes actions au sein d'un texte. Ce repérage dépend soit des embrayeurs soit de l'énoncé lui-même (nous travaillons plus sur les énoncés). L'objectif de la recherche est certes de détecter la prééminence de certaines actions ou de certains acteurs.

L'analyse pragmatique des embrayeurs et/ou des énoncés des textes permet à ce que le rôle, le statut et la place des acteurs soient bien identifiés, ce qui permet aux interlocuteurs de se reconnaître dans une position sociale, d'éviter les mal- entendus, les conflits, et d'assurer la crédibilité. L'identité situationnelle du locuteur est repérable dans l'énonciation. Ce repérage montre l'enjeu identitaire sous-jacent. Cette méthode va dans le sens de l'analyse de modèle de Roman Jackson.

En effet, ce modèle de communication a été proposé par le linguiste russe Roman Jakobson, son point de vue se cristallise non sur la transmission de message mais bien plutôt sur le message lui-même. Ce modèle est composé de six facteurs et à chaque facteur est lié une fonction de message. Au facteur de code ou du symbolisme par exemple est lié la fonction métalinguistique du message. Il s'agit du code ou du symbolisme utilisé pour la transmission du message.

Le schéma de communication de Jakobson : un récit a un auteur, le narrateur, le destinataire (même virtuel), le destinateur,  le contexte, leur degré d'interaction (voir la pragmatique), bref, les facteurs de la communication, etc. Notons par ailleurs que ces travaux sont liés à l'impulsion linguistique de Ferdinand de Saussure, et philosophiquement de John L. Austin. Nous pouvons joindre au schéma classique de la communication un objet d'étude communicationnelle (id est : pour un émetteur, un fait (contenu de message), une intention, une relation, etc.).

Nous cherchons donc à partir de la situation de communication non seulement les données objectives sur le destinateur et le destinataire mais également les représentationsmentales ou sémiotiqueque possèdent le destinateur de lui-même et de son « public ».

PourP. Watzlawick, J. Helmick-Beavin et D. Jackson, dans leur livre intitulé (Une logique de la communication) aborde, la pragmatique de la communication, c'est-à-dire les effets (de la communication) quant au comportement ».592(*) Du point de vue qui est le leur, il y a interchangeabilité de deux termes : communication et comportement. Les données de la pragmatique ne sont pas simplement les mots, leurs configurations et leurs sens (...) mais aussi leurs concomitants non-verbaux et le langage du corps.

La pragmatique intègre, « aux actes qui relèvent du comportement individuel les signes qui sont de l'ordre de la communication et qui sont inhérent au contexte où se produit cette communication »593(*). Les effets pragmatiques de ces combinaisons dans des situations interpersonnelles constituent l'objet de cette étude.594(*)

Il y a quelques propriétés du système que nous rappelons : le concept de totalité, de circularité dans le système, l'expression de la rivalité symétrique. Il y a les systèmes de rétroaction dans le système correspondant exactement à la symétrie (rétroaction positive, écart amplifié) et à la complémentarité (rétroaction négative, effet stabilisateur)595(*). Nous sommes en présence d'un système, de provocation réciproque qu'aucune des parties ne peut interrompre596(*).

La pragmatique de la communication est une critique d'une approche historique qui permet de savoir dans quelle mesure un système peut s'expliquer par un ensemble de lois qui ne dépend pas du passé.597(*) C'est une interaction dans le présent, un système en interaction.

Dans chaque cas, le contenu est totalement différent, mais la structure est pratiquement identique et ils parviennent à une stabilité momentanée598(*). Il existe des règles communes concernant la manière dont le jeu doit se dérouler. Ces règles spécifient la règle fondamentale de système et donnent sa valeur à la victoire (ou à la défaite) à l'intérieur du jeu599(*). Ce processus d'interaction fonctionne comme un système. Il y a échanges « sur des périodes de temps relativement grandes, ces échanges sont cumulatifs, et revêtent un ordre qui, bien qu'abstrait, est cependant essentiellement constitué de processus séquentiel. »600(*) 

Nous sommes devant « un système en interaction : ce qui se passe entre deux ou plusieurs partenaires en train de définir la nature de leur relation. »601(*) En même temps « les modèles de relation existent indépendamment du contenu, même si dans la vie réelle, ils sont toujours manifestés par et à travers le contenu 602(*)

En ce sens comme le disent P.Watzlawick , J. Helmick- Beavin et D.Jackson : « on peut voir dans la digression ...des provocations sous le masque de la défense. Comme telles, elles sont un phénomène de communication fort intéressant, mettant en je la disqualification, le refus de la communication ».603(*)

Analyse de contenu selon la théorie actionniste du récit de Gérard Genette

La narratologie à la suite de Gérard Genette a trois sens du mot récit. Le récit est un « énoncé narratif, le discours oral ou écrit qui assure les relations d'un événement ou d'une série d'événements ».604(*) Le récit peut être compris également comme une succession d'événements, réels ou fictifs, qui font l'objet de ce discours, et leurs diverses relations d'enchaînement, d'opposition, de répétition, etc. 605(*) Le récit signifie encore, un événement : non plus toutefois celui qui consiste en ce que quelqu'un raconte quelque chose : l'acte de narrer lui-même.606(*)

Gérard Genette formule « les problèmes d'analyse du discours narratif selon des catégories empruntées à la grammaire du verbe » (mode, temps, et la voix.).607(*) Cette étude prend en compte trois divisions élaborée par de Genette à la suite de Tzvetan Todorov. En effet, cette division classe les problèmes du récit en trois catégories : « celle du temps, »où s'exprime le rapport entre temps de l'histoire et celui du discours » ; celle de l'aspect, »ou la manière dont l'histoire est perçue par le narrateur » ; celle du mode, c'est-à-dire « le type de discours utilisé par le narrateur ».608(*)

Gérard Genette s'intéresse aux événements ou aux histoires qui sont réellement relatés par un narrateur. Dans son optique, l'histoire relatée, c'est le signifié ou le contenu narratif ; le récit, c'est le signifiant, l'énoncé, le discours ou le texte narratif lui-même ;et narration ,c'est l'acte narratif producteur. Le temps et le mode jouent tous les deux au niveau de définition du récit entre histoire et récit, tandis que la voix désigne à la fois les rapports entre narration et récit, et entre narration et histoire609(*).

La théorie de récit s'occupe concrètement dans le texte des traces, marques ou indices repérables et interprétables, tels que la présence d'un pronom personnel à la première personne qui dénote l'identité du personnage et du narrateur ou celle d'un verbe au passé qui dénote l'antériorité de l'action racontée sur l'action narrative610(*).

Perspective narrative

C'est un mode de régulation de l'information qui procède du choix (ou non) d'un « point de vue ». Cleanth Brooks et Robert Penn Warren ont proposé sous le terme de foyer narratif ou point de vue une typologie à quatre termes, que nous adaptons à un récit journalistique comme suite:

Tableau de Foyer narratif inspiré de la narratologie de G. Genette611(*)

 

Evénements analysés de l'intérieur

Événements observés de l'extérieur

(Narrateur) journaliste présent comme personnage dans l'action

(1)Un acteur (héros) raconte son histoire

(2)Journaliste comme témoin raconte l'histoire du héros

Narrateur -journaliste absent comme personnage de l'action

(3)Le journaliste analyste, omniscient raconte l'histoire

(4)Le journaliste raconte l'histoire de l'extérieur.

La notion de perspective évoque la dimension de l'aspect du récit .La catégorie de l'aspect recouvre  les questions du « point de vue » narratif.612(*) On étend par perspective de narration d'un récit ou d'un événement médiatisé ou non une certaine façon de réguler l'information basée sur le choix d'un point de vue. Le problème fondamental ici est celui de présenter une théorie narrative par le biais de la typologie genettiènne que nous adaptons au domaine de la presse écrite de la manière ci-dessus.

Analyse de contenu selon le schéma actantiel de Julien A. Greimas

C'est l'application du modèle non de l'artisan mais de la scénographie, c'est la théorie de l'action dramaturgique. Tesnière compare l'énoncé élémentaire à un spectacle : selon la syntaxe traditionnelle, le sujet est  « quelqu'un qui fait l'action » ; l'objet, « quelqu'un qui subit l'action ». La proposition dans une telle conception, n'est en effet, qu'un spectacle où le contenu des actions change, les acteurs varient et l'énoncé spectacle reste le même613(*). Un spectacle simple est une structure actantielle où le modèle actantiel est emprunté à la syntaxe. L'opposition des actants syntaxiques, c'est-à-dire entre le sujet et l'objet, ou entre destinateur et le destinataire doit être compris comme telle. Les actants du conte populaire, à l'occurrence russe, sont transposés dans un modèle de texte journalistique. Cette conception est aussi proche de celle de Oswald Ducrot et de Tzvetan Todorov, qui considèrent la production linguistique : « soit comme une suite de phrases, identifiée sans référence à telle apparition particulière des ces phrases ; soit comme un acte au cours duquel ces phrases s'actualisent, assurées par un loculaire particulier, dans des circonstances spatiales et temporelles précises »614(*).

La théorie du récit de Gérard Genette se soucie plutôt des problèmes de l'énonciation narrative : omission d'information, altération d'information, la mise en exergue du point de vue du narrateur au détriment de la réalité, l'absence du narrateur à l'événement, etc. A.J.Greimas, dans son livre intitulé, sémantique structurale, Librairie Larousse, « langue et langage », 1966, Paris, donne une réflexion fort riche sur les modèles actantiels dont nous nous inspirons.

Il y a plusieurs modèles actantiels : mythique, théâtral, syntaxique et de conte. Nous retenons les catégories de Greimas qui se stabilisent en quelques invariants d'actants : sujet, objet, destinateur, destinataire, opposant et adjuvant. « Sa simplicité réside dans le fait qu'il est tout entier axé sur l'objet du désiré visé par le sujet, et situé, comme objet de la communication, entre le destinateur et le destinataire, le désir du sujet étant, de son coté ,modulé en projections d'adjuvant et d'opposant »615(*). Ce modèle s'occupe du contenu de la communication. Notre analyse va dégager le contenu de la communication.

Les actants sont des classes d'acteurs qui ont une sphère d'activité déterminée. La définition actantielle du conte populaire russe est un récit à sept personnages, etc.616(*) Ces actants de conte différent de ceux de la syntaxe que nous avons évoqués.

Un schéma actantiel est une extrapolation d'une structure syntaxique. Le sujet S recherche un objet O dans l'intérêt de D2 (destinataire). Dans cette recherche le sujet a des alliés A (adjuvants) et des opposants (OP). Le destinateur apparaît comme un complément de cause. Ainsi nous trouvons les six fonctions dans le récit (qui sont les 6 forces dans un drame) :

Destinateur Sujet Destinataire

D1---------------> S ------------> D2

A----------------> O <------------- OP

Adjuvants Objet Opposants

Le concept de l'action sociale comme objet des sciences sociales et humaines aujourd'hui

Jürgen Habermas résume bien la situation des théories de l'action consécutive aux théories de structure que nous verrons par la suite. A propos, dans le contexte de la théorie philosophique de l'action, Jürgen Habermas montre qu'il y a « quatre concepts d'actions devenus pertinents pour la formation de la théorie des sciences sociales »617(*) :

- Le concept de l'agir téléologique se trouve depuis Aristote au centre de la théorie philosophique de l'action ;

- Le concept de l'agir régulé par les normes ...concerne au contraire les membres d'un groupe social qui orientent leur action selon des valeurs communes ;

- Le concept de l'agir dramaturgique concerne les participants d'une interaction, qui constituent réciproquement pour eux-mêmes un public devant lequel ils se présentent ;

- Le concept de l'agir communicationnel concerne l'interaction d'au moins deux sujets capables de parler et d'agir qui engagent une relation interpersonnelle (que ce soit par les moyens verbaux ou extra- verbaux).

La critique de Jürgen Habermas pour les trois premières actions tient au fait que pour ces trois autres modèles de l'action le langage est conçu unilatéralement, cela lui permet de critiquer l'agir stratégique (stratégie marketing en économie, en politique, et dans l'art de la guerre),l'agir régulé par les normes à partir de la praxéologie de Marx Weber, de l'interactionnisme symbolique de G.H.Mead élaborée à partir de l'action dramaturgique de rôles , de l'ethnométhodologie de Garfinkel, pour introduire son concept central de l'agir communicationnel et du monde vécu (Jürgen Habermas). Le schéma de compréhension constructiviste est que la théorie de l'action rejoint la théorie de connaissance.

L'intentionnalité ou l'action de l'acteur fait appel à plusieurs théories de l'action à partir non pas du Tout abstrait (le social sans sujet) mais de l'acteur incrusté dans l'univers d'interprétation collective, de son intentionnalité que Habermas reconstruit et dépasse par le concept de monde vécu.

Nous pouvons dans cette ligne signaler la théorie de l'action sociale dans une perspective analytique même si la question peut se poser aussi du point de vue phénoménologique. Nous pouvons aussi aborder cette étude du point de vue de la philosophie du langage et de la phénoménologie. Notre approche pourrait s'inspirer des théories philosophiques logico- sémantique, pragmatique et intentionnelle ou cognitive.

Il ne nous faudra pas insister, c'est notre thèse, pour répéter le fait que tout le programme, de la théorie des systèmes aux théories de l'action en passant par le cognitivisme tourne autour de la question du Devenir dans ses rapports avec la conscience, le langage et l'action. Claude Lévi-Strauss s'est aidé des règles de la linguistique, spécialement de la phonologie pour essayer de détecter les « structures invisibles » de la réalité sociale. La phonologie au point de vue épistémologique est un moyen théorique de production de connaissances. Nous pouvons dire que l'approche de Claude Lévi-Strauss considère justement que « la linguistique moderne (est) la route qui mène à la connaissance positive des faits sociaux ».618(*) C'est sur cette base que Lévi-Strauss s'y est pris dans son Anthropologie structurale avec les structures élémentaires de la parenté.

Claude Lévi-Strauss a rappelé par ailleurs l'importance qu'il y avait dans les sciences sociales à ne pas s'en tenir aux formes sociales empiriques pour expliquer les phénomènes sociaux, et il a plaidé pour la nécessité de recourir, au-delà des formes empiriques, à leur structure conceptuelle. Le principe fondamental est que la notion de structure sociale ne se rapporte pas à la réalité empirique, mais au modèle construit d'après celle-ci, écrit-il. Ainsi apparaît la différence entre deux notions si voisines qu'on les a souvent confondues, je veux dire celle de structure sociale et celle de relations sociales. Les relations sociales sont la matière première employée pour la construction des modèles qui rendent manifeste la structure sociale elle-même ».619(*) Et : « Les formes sociales d'association sont des structures, et les modèles théoriques qui les expliquent sont aussi des structures ».620(*)

La géométrie analytique de René Descartes proche de la géométrie égyptienne antique et de la géométrie africaine (voir le cubisme et Pablo Picasso) est incrustée dans une philosophie onto-théologique, notamment dans son livre intitulé Regulae ad directionem ingenii qui a, au demeurant, influencé profondément les vues de Claude Lévi -Strauss à l'étude d'un système matrilinéaire plus global composé de quatre types de relations : frère/soeur, mari/femme, père/fils, oncle maternel /fils de la soeur. Ainsi, « la loi peut se formuler comme suit : la relation entre oncle maternel et neveu est, à la relation entre frère et soeur, comme la relation entre père et fils est à la relation entre mari et femme. Si bien qu'un couple de relations étant connu, il serait toujours possible de détruire l'autre. »621(*)

Les présupposés en jeu appellent l'étape « microsociologique » où on espère apercevoir les lois de structure les plus générales, comme la linguistique découvre les siennes à l'étape infra phonémique, ou le physicien à l'étape infra - moléculaire, c'est-à-dire au niveau de l'atome ».622(*) Comme « l'atomisme et le mécanisme triomphaient »623(*) à l'époque d'avant Claude Lévi-Strauss, Searle utilise la physique quantique dans son livre intitulé Liberté et neurobiologie. On cherche les lois générales de structures.

L'anthropologie structurale de Lévi-Strauss est justement plus attentive aux formes abstraites (les modèles hypothético-déductifs) qu'aux rapports réels auxquels celles-ci référent, aux discours que les sociétés tiennent sur elles-mêmes (langage de la parenté, le langage de la mythologie) qu'aux pratiques sociales (le fonctionnement concret de ces systèmes). Déjà ces trois axes principaux d'analyse des phénomènes sociaux se présentent comme trois schèmes reconstructeurs principaux en sciences sociales.

Seulement Claude Lévi-Strauss, tel que nous l'évoquons, situe hors du temps et de l'histoire les structures logiques qui sont censées régir la société ; il substitue la relation logique à la relation humaine. John Searle, un auteur néo- évolutionniste en anthropologie qui reconstruit aujourd'hui la position d'Emile Durkheim, reste dans la même ligne du modèle : même avec ses actes de la parole, sa logique illocutoire, sa théorie de l'ajustement (adaptation biologique), et autres théories dépendent encore de la philosophie pérenne, celle du Devenir venue des traditions et des cultures immémoriales, en l'occurrence africaine antique.

L'ontologie sociale : le système ou la primauté de la totalité à la primauté de théorie de l'action en sciences sociales

Une enquête d'ontologie sociale aujourd'hui cherche à fixer l'opinion des scientifiques africains sur ces idéologies pour - contribuer à sortir de la querelle sur 'la nature de la réalité sociale' de certaines impasses.624(*) Par exemple, « les critiques de concept de société (du Tout) mettent en lumière des présuppositions philosophiques et l'incorporation non réfléchie d'un certain nombre d'idées et de représentations ».625(*) On le voit chez Durkheim dans le rapport problématique entre le « tout et parties », il y a la primauté de la société (le tout) au détriment des personnes (acteurs) qui la compose. Jürgen Habermas critique d'approche structuro- fonctionnaliste dépourvue de contexte, offrant une abstraction déroutante dont il reconstruit au moyen de la pragmatique formelle et de postulat de la situation de la parole.

On peut aussi appeler ` ontologie sociale' les recherches relatives aux termes centraux des controverses sur le mode d'existence des objets sociaux. Ici les arguments requièrent « une enquête sur la signification et la justification de termes centraux en sciences sociales et humaines, les termes d'-existence (-des -faits -sociaux'),'état de choses','mental','physique', `social', `fait', (agent- structure, le Tout et ses parties),...-, et sur la détermination de leurs relations ».626(*)

La relation entre les termes centraux fait que nous passions à une triple polarité extrême : soit de la structure soit de l'agent ou de l'acteur ou encore soit de l'habitus ou de back ground (interaction). Le concept d'habitus/back ground peut être placé à la charnière entre le tout et ses parties, et donc au milieu. Il s'agit en définitive de transformer le langage du naturalisme et de l'ontologie enfuis dans ces présupposés conceptuels, notamment une reprise du dualisme cartésien en philosophie des sciences sociales.

Les théories de l'action et les différents modèles en sciences sociales et humaines

Il est important de souligner le fait qu'en psychologie sociale, les sciences de langage et spécialement la révolution linguistique et pragmatique en philosophie ont initié une transformation disciplinaire de leur catégorisation avec le postulat de « traitement de l'information ». En psychologie « ces vingt dernières années ont été marquées par une évolution de fond de la psychologie scientifique. Le débat entre le behaviorisme et le mentalisme a ouvert une nouvelle problématique, celle du traitement de l'information ».627(*)

En effet, la pensée a une structure langagière. La mémoire également a une structure langagière contenant des réseaux sémantiques. L'étude de la transformation de la logique formelle en logique de situation menée par des psychologues intègre donc la triple question de mémoire, d'apprentissage et de langage.(voir la théorie de l'expression référentielle).

Le traitement de l'information est aujourd'hui au centre de la psychologie sociale, il commande l'étude de comportement. En parcourant la littérature psychologique classique , il est surprenant de constater que la psychologie sociale qui étudie des problèmes sociaux a, dans le fond, accordé peu d'attention au postulat de traitement de l'information ,et quand elle l'a fait, elle l'a fait de façon dérivée en l'incluant dans le cadre de théories plus générales. Aujourd'hui lorsque les psychologues ont ressenti la nécessité de disposer d'un modèle théorique d'unir les différentes branches de la psychologie, ils ont tout naturellement cherché leur inspiration auprès des théories du langage et de la communication humaine , d'où leur référence de base devient le modèle proposé en 1949 par Shannon et Weaver dans le cadre de la théorie de l'information. 628(*) La quasi totalité des recherches sont devenues centrées sur les changements de comportement qui se produisent à la suite d'une communication dans la quelle une ou plusieurs personnes expriment leur points des vue.

En fait, la psychologie sociale lorsqu'elle traite de communication a adopté le schéma ( émetteur ? récepteur) , la majorité des études s'effectuent dans le cadre de l'influence de la communication sociale en étudiant plus particulièrement la communication persuasive. Aujourd'hui ,on est passé d'une conception behavioriste de la communication à une conception cognitiviste, d'une conceptualisation de la communication en termes de transmission de l'information à la construction de la référence (Higlion, 1986, 1988,1989) , de l'étude de la situation persuasive à la source du message.

Les relations établies entre les agents peuvent être soit stratégique soit coopérative (coordonnée). L'action stratégique renvoie au marketing commercial ou politique, elle se démarque de l'action coopérative. Le fonctionnalisme systémique utilise le médium langagier, l'interactionnisme symbolique et l'ethnométhodologie utilisent le rôle, ethnométhodologie et la théorie de l'agir (l'action) communicationnel utilise le monde vécu et l'interprétation collective des situations.

Une ontologie sociale en sociologie

En sciences sociales, le constructivisme vise à contrer l'éparpillement des théories, qui appelle un recentrage. C'est le travail auquel s'attelle Michel Freitag, qui essaie de « reconstruire l'ensemble du projet sociologique (partant d') un questionnement du niveau ontologique ».629(*) Il reprend pour cela à Durkheim quelques questions : « dès l'instant où l'on y réfléchit, il semble évident que toute théorie sociologique doit s'appuyer en amont sur une conception ontologique de son objet d'étude et de poser de questions telles que celles-ci : quelle est la nature de la réalité sociale ? Quel est le mode d'être de ce que l'on nomme « société » et celle-ci a-t-elle une réalité concrète ou n'est-elle qu'un mot ? Comment s'établit le lien entre pratiques individuelles et  « structures » collectives ? Etc. ».630(*)

Michel Freitag adopte une posture intermédiaire qui met en exergue la spécificité de la socialité humaine. Rappelons que la série des questions de portée ontologique n'est pas exhaustive, nous pouvons y ajouter celles qui veuillent savoir : « quelle est la spécificité de l'action et de la socialité humaines, (...) qu'est-ce qui structure et oriente l'action ? »631(*) En guise de réponse, à propos de la question de la spécificité de la socialité humaine, on peut dire que la pratique significative marque la spécificité ontologique de la socialité proprement humaine. Cette dimension n'est pas suffisamment mise en exergue chez Durkheim, du moins dans son livre intitulé Les règles de la méthode sociologique.

En fait, de ce qui précède Michel Feitag construit une « théorie générale du symbolisme », (...) il montre combien l'adoption non réfléchit des modèles issus des sciences de la nature par les sciences humaines est problématique à plusieurs niveaux ».632(*) Ajoutons que pour Yves Bonny, Michel Freitag réinscrit la catégorie de la « pratique significative » dans la catégorie plus large de l' « activité » au travers de la quelle ce rapport s'établit en acte ».633(*) On peut percevoir ici une conception proche de la philosophie analytique qui bannit le dualisme du type kantien entre la critique de la raison pure et celle de la raison pratique.

Déjà il faut dire que ce questionnement touche à ce que l'on appelle l'essence des sciences sociales. Parce que leur portée ne saurait être limitée à un plan « épistémologique » compris en un sens restreint. Car elle véhicule avec elle des implications aussi bien en matière de théories sociologiques en général et de méthodologie qu'en ce qui concerne l'inscription du discours sociologique et plus généralement des sciences humaines dans la société ».634(*)

A propos Emile Durkheim s'inspire largement de la philosophie de la nature soit de la géométrie analytique de René Descartes. Le mode d'être des faits sociaux ne se calque pas sur les choses comme Durkheim l'affirme, mais ils comportent en eux-mêmes leur mode d'être propre.

L'ontologie sociale est une pratique qui est aujourd'hui largement acceptée par la communauté scientifique. Chaque science sociale a ses particularités. La science politique, par exemple, table ontologiquement, outre sur le statut de la réalité sociale (Etat, nation, société civile, mouvements des masses,...) sur les conditions de son écriture.

La sociologie classique

Alban Bouvier a entrepris de présenter une épistémologie de la sociologie qui, justement « repère dans l'histoire de la sociologie, trois grandes orientations, trouvant leurs racines dans la philosophie et mettant en place au tournant du siècle : la tradition durkheimienne, avec son arrière-plan comtien, la tradition wébérienne et simmelienne, rattachable à Kant et la tradition empiriste, courant de Locke, Hume, Mill à Tarde et Pareto. Ces traditions sont caractérisées par leurs « paradigmes » : culturaliste et holistique dans le premier cas, actionniste et interactionniste dans le deuxième, rationaliste et sceptique dans le troisième ».635(*) Durkheim partage avec Auguste Comte son positivisme. Ainsi Alban Bouvier parle-t-il, également à juste titre « de l'arrière -fond philosophique de la tradition durkheimienne ou  de la référence de Durkheim et de Mauss à Kant dans leur programme de sociologie des catégories ».636(*)

Durkheim partage avec Descartes, le fondateur de la philosophie moderne, son « mécanisme » et essaie de résoudre le problème proprement philosophique du fondement de la connaissance analysé par Emmanuel Kant. Ses problèmes sont aussi ceux de Kant : si Durkheim a de l'intérêt pour les représentations, il n'en a aucun pour ainsi dire, pour les opérations cognitives ou cognitivo -linguistiques. Pourtant Emile Durkheim distingue au point de départ la sociologie de la philosophie, il voulait reconstructivement dépasser le fait de son temps : « jusqu'à présent, disait-il, la sociologie a plus ou moins exclusivement traité non de choses, mais de concepts »637(*). Il ajoute paradoxalement à propos de la sociologie qu'elle « n'implique donc aucune conception métaphysique, aucune spéculation sur le fond des êtres ».

Par rapport à la philosophie du langage Durkheim est antipsychologiste.  Selon Alban Bouvier, « on n'est effectivement pas loin de retrouver certains des arguments de Durkheim contre la psychologie ».638(*) Durkheim est « externaliste », les faits sociaux sont des synthèses externes aux individus. « Ce qui intéresse Durkheim, c'est l' « anti-prédicatif », c'est-à-dire ce qui, dans le processus de socialisation, précède en quelque sorte toute mise en langage ; de toute façon, ce n'est pas le cognitif ».639(*) La pragmatique reprend à son compte la dimension du langage.

Nous ouvrons une parenthèse pour faire remarquer que Jürgen Habermas est, en fait, guidé par des préoccupations d'ordre beaucoup plus interactif qu'holiste ou culturaliste,il est systémique tout en dépassant le simple interactionnisme vers l'aspect post-analytique de la communication et de monde vécu . Il s'agira d'étudier le processus interprétatif par lequel s'opère la projection du social dans le cognitif.640(*) Il s'agit à proprement parler d'articuler, question pendante, la reconstruction du dualisme entre ce qui est objectif et ce qui est subjectif.

L'apport de la sociologie compréhensive et de la sociologie du savoir

La connaissance fonde ici l'action. Autrement dit, pour Habermas, « étant donné que l'observateur et le sujet observé participent de significations culturelles intégrées au système du langage que l'un et l'autre emploient dans la communication, les significations quotidiennes et le langage particulier dont fait usage le sociologue forment un élément de base de la mesure des actes sociaux ».641(*) Ce programme consiste à dégager la structure transcendantale du monde vécu social intelligible, illustré sur fond de l'oeuvre théorique d'Alfred Schütz depuis les années 20.

Arthur Schütz a beaucoup appris au contact de la tradition pragmatiste, notamment de John Dewey, qui affirmait le fait que « toute enquête commence et finit par la matrice socioculturelle »642(*). L'oeuvre de Schütz dont La construction du monde social a paru en 1932 ; allusion et contre partie de La Construction logique du monde de Carnap, elle ajoute à la visée de la sociologie du savoir une sociologie phénoménologique. La tradition de la sociologie du savoir bénéficie, à l'origine, de l'apport bien précèdent Cicourel et Schütz, de Max Scheler avec ses trois traités réunis en 1926 sous le titre (Les Formes de savoir et la société) qui est en fait un des fondateurs de la sociologie du savoir. Scheler a, selon Habermas, le mérite d'avoir pour la première fois introduit avec sérieux dans la discussion allemande des pensées issues du pragmatisme américain avec son livre.

Nous partons du fait qu'il y a un type d'action se transmet par le langage ordinaire. Nous pouvons justement en profiter, ce que nous ferons largement avec Searle, pour montrer les liens qui existent entre la philosophie du langage ordinaire et la sociologie du savoir compris comme analyse de la réalité quotidienne. Ces deux approches ont ceci de commun qu'elles semblent s'écarter des théorisations scientifiques souvent fort éloignées de la vie quotidienne. Le courant constructivo- analytique s'approprie ce programme d'une façon critique. Le programme de la construction de la réalité sociale de John Searle comme nous le verrons s'inscrit largement dans la ligne de la sociologie du savoir de Cicourel et d'Alfred Schütz.643(*)

Un des postulats de cette sociologie du savoir est que « les concepts scientifiques doivent partir des schèmes interprétatifs des acteurs eux-mêmes. Les constructions conceptuelles puisent dans les réserves du savoir préalable qui, transmis par la tradition, guide et interprète la pratique quotidienne, et en même temps les reconstruisent. Les constructions scientifiques se situent au second degré ».644(*)

En fait, la mesure précise des sciences empiriques du processus social requiert d'abord l'étude du problème de la signification dans la vie quotidienne. Ainsi, « la sociologie compréhensive revendique comme son domaine propre ce qui est présupposé, à l'arrière-plan des sciences sociales, empirico- analytique ».645(*) L'hypothèse qu'il développe est bien la suivante : « La fondation phénoménologique de la sociologie compréhensive fait éclater le cadre d'une méthodologie générale des sciences empiriques ».646(*)

Cette sociologie « ne cherche nullement à exclure la mesure adéquate des faits sociaux ; elle veut au contraire la rendre possible ».647(*) Cicourel espère obtenir explicitement, en saisissant les structures du monde quotidien, un système de référence qui détermine toujours déjà implicitement la transformation de l'expérience communicationnelle en données mesurées.

Plusieurs points d'encrages sont envisageables ; nous allons d'emblée en relever la question fondamentale qui lie la sociologie de la connaissance particulièrement. Selon Peter Berger et Thomas Luckmann, nous allons ici tirer un extrait : « la sociologie de la connaissance envisage la réalité humaine comme une réalité socialement construite. Comme la construction de la réalité a traditionnellement constitué un problème central de la philosophie, la perspective détient des implications philosophiques ».648(*)

Il y a aujourd'hui de plus en plus des approches ou des méthodologies en sciences sociales qui, pour saisir le social, part des agents individuels, c'est-à-dire de l'acteur tel qu'il est incrusté dans le champ social d'une interprétation commune, l'inverse de ce qui se faisait avant les années 1970 en Europe. La raison est due à la volonté de chercheurs de dépasser les abstractions récurrentes d'une approche structuro-fonctionnaliste fondé sur la primauté de la totalité. L'Afrique commence comme toujours à suivre ce mouvement : est-ce justifiable ?

Les paradigmes et les méthodes évoluent selon que le chercheur est devant la primauté de la structure (la totalité) ou la primauté de l'acteur (agent) ou `entre deux (interaction /habitus). Les enquêtes par questionnaire et les sociétés à classes privilégient les structures qui conviennent avec le structuro-fonctionnalisme, l'entretien semi-direct vise les singularités sociales des acteurs qui se trouvent en décalage avec leur destin social, l'observation participante est consécutive à la découverte de l' « Autre », l'entretien compréhensif et le récit de vie vise la prise en charge individuelle des acteurs, etc. Et le constructiviste aujourd'hui est de type actionniste sur base de la connaissance distribuée collectivement.

Contrairement à ce que certains chercheurs africains insinuent et pensent, les « réalités sociales » africaines sont étudiées dans les mêmes contextes théoriques de base des sciences sociales occidentales, avec des concepts paradigmatiques et méthodologiques de base connus (le Tout ( structures et systémique) et les parties (acteurs), actions, habitus(interaction), la situation de la parole incrusté dans un contexte (pragmatique formelle), système d'actions, monde vécu (personnalité, société ,culture),etc.). Le problème se pose idéologiquement : substantialisation des Sujets noirs, canonisation d'une psychologie esclavagiste et colonialiste de captivité, une Autre humanité, etc.

La philosophie des sciences sociales mobilise aujourd'hui des philosophes qui s'efforcent d'être informés de l'état des recherches empiriques , de leurs limites mais aussi de leurs résultats ; en tant que telle, elle n'est plus seulement une méthodologie, elle reconnaît des relations à l'épistémologie et prend au sérieux les questions que l'on appelle aujourd'hui l'ontologie sociale, une redéfinition des concepts centraux en sciences sociales : fait social, structure sociale, action sociale, etc. Repenser fondamentalement les sciences revient aussi à subsumer ces présupposés.

Ces constats d'intrusion de la philosophie ne préjugent pas une sorte de supériorité de la philosophie par rapport aux sciences sociales. Il y a des liens de réciprocités ou de discontinuité. L'inspiration durkheimienne ou même celle de Pierre Bourdieu sont de plusieurs côtés puisées dans la philosophie ; ces liens doivent être pris en compte pour rénover les approches, ce que la plupart des spécialistes en sciences sociales en Afrique ne semblent pas mettre suffisamment à profit.649(*)

En effet, sans vouloir placer la philosophie dans une position illusoire de supériorité ,rappelons des propos qui nous conviennent parfaitement dans ce contexte, avec Renée Bouveresse , une « controverse a semblé évidente entre l'activité philosophique et celle des praticiens des sciences humaines, aboutissant à un accord à l'amiable et à une répartition des rôles :les sciences humaines (et sociales) des matériaux ,la philosophie confronte ces matériaux entre eux ,et essaie de les intégrer dans des schémas conceptuels unitaires ,schémas qui d'ailleurs peuvent ,une fois élaborés, répartir vers les sciences humaines et servir à découvrir de nouvelles régions de l'expérience ».650(*) Tel nous semble être le cas ici. Le paradigme cognitiviste prend au sérieux  l'idée que la science et la philosophie forment une unité inextricable. Francisco Varela prenait « au séreux l'idée qu'il n'y a pas de distinction très nette entre la science et la philosophie, des philosophes comme Descartes, Locke, Leibniz, Hume, Kant et Husserl ont revêtu une nouvelle importance : on pourrait les considérer, être autres, comme des protocognitivistes ».651(*)

En effet, le courant analytique a le plus insisté sur la complémentarité de la philosophie et des sciences humaines, cela pour deux raisons : il y a un accord de sensibilité entre les sciences humaines « compréhensives » et la philosophie analytique. Le principe le plus fondamental de l'activité analytique consiste à décrire les activités psychologiques des agents (entendus comme des actes de pensée ayant la même structure que les actes de langage) en termes de modifications du monde visé intentionnellement ou représenté langagièrement par eux. Sur base de cette convergence des analyses, la philosophie analytique croit aussi pouvoir affirmer que son projet est nécessairement complémentaire des sciences humaines.

Au demeurant, pour illustrer ces propos, il faut dire que les méthodes qualitatives en sciences sociales se cristallisent sur la philosophie de la Nature. Dans mon programme épistémologique, le texte que vous aurez certainement le plaisir de prendre connaissance, cher lecteur, s'inspire fondamentalement de la Philosophie de la Nature et de la pensée du Professeur Marcel Tshiamalenga Ntumba. Aujourd'hui, le professeur Dr Dr Tshiamalenga Ntumba écrit un livre inédit intitulé Le réel comme procès mutliforme qui porte bien entendu sur le Réel. Un livre dont j'ai eu un privilège spécial de lire avant sa publication. Bien avant, il m'avait suggéré à travers nos multiples rencontres, ce qui est devenu le thème central de ma thèse même, de mener une étude fondamentale sur non le Réel en général, ce qu'il a eu à faire, mais le Réel social comme construction ou comme procès.

En m'inspirant de la méthode de la reconstruction philosophique présentée par Jürgen Habermas et Tshiamalenga Ntumba (Le quatre moments de la philosophie africaine aujourd'hui), il m'a paru clairement que tout ou presque tout le programme épistémologique dominant en sciences sociales depuis les classiques jusqu'aujourd'hui, tournait autour de la question métaphysique du Devenir, et d'une philosophie de la nature subséquente : les définitions de concepts centraux, les relations fondamentales de ces concepts, etc. Même la pragmatique formelle de Jürgen Habermas qui reconstruit le fonctionnalisme au moyen de la communication semblant se démarquer du modèle de la totalité peut y être reconstruit.

La loi du Devenir dans sa conception primaire et kheperienne (voir l'Egypte antique) prend en charge la presque quasi-totalité de programme épistémologique depuis les sciences sociales classiques. Une sorte de matrice disciplinaire. Pourquoi donc n'appellerions pas cette science qui est issue de la reconstruction de ce concept central, de bon droit, science sociale africaine ? Nous allons expliquer cette position par la reconstruction historique et systématique de la double notion du Devenir, du « tout et de ses parties », c'est-à-dire de la structure et de l'action inhérente, et de naturalisme (philosophie de la nature) dans quelques traditions, et de la sémiotique naturaliste.

Au demeurant, les spécialistes des sciences sociales et les philosophes de sciences sociales savent aujourd'hui que ces sciences se trouvent dans l'impasse relative de ces postulats principaux de leur fondation. Depuis Emile Durkheim, on postulait que le « fait social » est indépendant de nous, c'est-à-dire indépendants de nos perceptions, de nos croyances, de nos désirs, de nos préférences, de nos émotions et de nos actions (Ruwen Ogien). La question reste donc celle de savoir : comment comprendre que les phénomènes sociaux puissent être indépendants de nos perceptions, de nos croyances, de nos préférences, de nos émotions, et de nos actions ? Les phénomènes collectifs tels que la morale, les langues, ne dépendraient pas de nous parce qu'ils sont le fruit d'une synthèse spéciale en tant que faits sociaux sui generis. Ce postulat est émis depuis Emile Durkheim.652(*)

On problématique en philosophie des sciences sociales ce postulat essentiel qui donne non seulement à la sociologie classique mais aussi aux sciences sociales sa raison d'être : le point de départ de la conceptualisation de mode d'existence des « faits sociaux » : la primauté de la totalité.653(*) Cette question fondamentale est loin d'être résolue et débouche sur la primauté de la réalité des systèmes ou structures, et de la légitimité des dichotomies inhérentes : structure - agent, système- acteur (l'action) , collectif -individuel, objectif -subjectif, etc.

Nous pouvons dire que l'histoire des sciences sociales, en fait, donne le spectacle d'un passage d'une polarité à l'autre (par exemple de l'approche structuro- fonctionnaliste (pôle II) à l'individualisme méthodologique et au « retour  de l'action» (pôle II) dans les années 1970- 1990 ; de ces dernières à un retour au naturalisme causal ou fonctionnel (pôle I) dans la période actuelle.

Nous partons ici du fonctionnalisme d'Emile Durkheim qui présente un mode particulier d'existence des « faits sociaux ». Du fonctionnalisme au structuralisme, il n'y a qu'un pas, du postulat d'une causalité unilatérale nous passons à la causalité réciproque. Nous allons y revenir.

Pour examiner la pertinence de ces questions essentielles qui fondent l'entreprise scientifique des sciences sociales, il est sensé, pour nous que nous revenions aux principes et aux postulats de base de la construction des sciences sociales. Mes propos s'occupent des méthodes qualitatives, c'est-à-dire d'un essai de reconstructions des approches dominantes en sciences sociales en Afrique.

L'approche fonctionnaliste

Emile Durkheim est considéré comme « l'artisan de l'explication fonctionnelle en tant que méthode scientifique en sociologie et auquel (sic) (Malinowski) attribuait la paternité du fonctionnalisme ».654(*) Le cadre fonctionnaliste a servi à plusieurs chercheurs en sciences sociales sur le terrain africain : « l'anthropologie culturelle anglaise (B. Malinowski, A.R. Radcliffe-Brown) qui a (eu cour en Afrique et en Australie a) choisi un cadre fonctionnaliste pour des analyses empiriques ».655(*) L'école anglaise d'anthropologie sociale et culturelle a transformé ce type d'analyse en un véritable programme : entendons par là qu'elle en a défini les principes méthodologiques, et les orientations théoriques. Un phénomène bizarre, inattendu, dissonant sera dans un premier temps rattaché à l'institution ou à la structure sociale qui le supportent ; dans un deuxième temps, on déterminera la fonction sociale jouée par celles-ci et le rendant intelligible. Cette fonction enfin, est génériquement pensée comme réponse à un besoin (Malinowski, 1944) ».656(*)

Selon le compte rendu de Fabrice Clément et Laurence Kaufmann, « Searle (...) se rapproche d'une perspective fonctionnaliste ».657(*) Il évoque pour cela quelques exemples : « en affirmant, par exemple, que la réalité sociale est créée par nous pour nos propres besoins. Selon Malinowski, en effet, les institutions sont les moyens organisationnels que les sociétés se donnent pour satisfaire leurs besoins primaires (biologiques) ou leurs besoins dérivés (culturels).

Au demeurant, nous nous appesantissons ici sur le modèle fonctionnaliste d'Emile Durkheim, dont nous allons tenter de mettre en exergue les schèmes reconstructeurs et en retracer l'itinéraire philosophique. Dans ce cadre précis, nous analysons justement l'évolution du fonctionnalisme dans la philosophie analytique de telle sorte que la tâche centrale de notre enquête aboutit à la question suivante : que devient le fonctionnalisme dans la philosophie analytique et dans la philosophie de l'esprit de John Searle ?

Nous empruntons la présentation de fonctionnalisme traditionnel à Robert Franck tirés de deux de ses articles intitulés respectivement : « les explications causales, fonctionnelles, systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles complémentaires ? » publié dans l'ouvrage Faut-il chercher aux causes une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines, en 1994 et « Histoire et structure », dans Jean-Michel Berthelot (Dir.), Epistémologie des sciences sociales, en 2001.

Nous allons tenter de présenter la question en nous appesantissant, comme il procède lui-même, au point de départ sur le fonctionnalisme, spécialement à travers Emile Durkheim qui s'est fortement inspiré du fonctionnement de l'organisme biologique comme modèle. Nous présentons ici quelques notions fondamentales de la doctrine fonctionnaliste de Durkheim pour dégager les points d'encrages avec Searle. Nous reprendrons quelques notions importantes à partir d'Emile Durkheim comme un des philosophes - fondateurs des sciences sociales, spécialement de la sociologie.

Son point de vue se démarque d'abord de la pratique philosophique courante d'un Rousseau ou d'un Thomas Hobbes, etc. Il appelle à traiter les faits sociaux non comme des idées mais comme des choses : « est chose tout objet de connaissance ...ce dont nous ne pouvons nous faire une notion adéquate par un simple procédé d'analyse mentale, tout ce que l'esprit ne peut arriver à comprendre qu'à condition de sortir de lui-même, par voie d'observation et d'expérimentation ».658(*) Bien plus : « Les causes inconnues dont elles dépendent ne peuvent être découvertes par l'introspection même la plus attentive »659(*).

Il se démarque aussi d'Auguste Comte au point de vue de l'objet et de la perspective : de l'Humanité comme objet, il substitue la société, et renverse les effets de Comte en cause, ce ne sont pas les consciences individuelles qui déterminent la conscience collective mais l'inverse. « On est habitué, dit-il, à se représenter la vie sociale comme le développement logique de concepts idéaux, on jugera peut-être grossière une méthode qui fait dépendre l'évolution collective de conditions objectives, définies dans l'espace ».660(*)Tout au contraire : « Notre principal objectif, affirme Durkheim, est d'étendre à la conduite humaine le rationalisme scientifique en faisant voir que, considérée dans le passé, elle est réductible à des rapports de cause à effet ».661(*) Ce postulat fonde le fonctionnalisme même.

Du point de vue de la philosophie, disons d'ores et déjà que cette théorie sus- évoquée de Durkheim est fort tributaire de la philosophie de la Nature de René Descartes et de son mécanisme. A la question de savoir si« les sciences sociales recourent effectivement au deux sortes d'explications caractéristiques des sciences de la Nature, Robert Franck répond à la suite de Durkheim par l'affirmative. Il prend en exemple la théorie de la « densité dynamique » de Durkheim. 662(*) A propos pour Durkheim, nous dit-il « l'effort principal du sociologue devra donc tendre à découvrir les différentes propriétés de ce milieu (le tout) qui sont susceptibles d'exercer une action sur le cours des phénomènes sociaux. Jusqu'à présent, nous avons trouvé deux séries de caractères qui répondent d'une manière éminente à cette condition ; c'est le nombre des unités sociales, et le degré de concentration de la masse, ou ce que nous avons appelé la densité dynamique ».663(*)

Pour Durkheim le programme philosophique de recherche qui s'en dégage par delà cette forme de cartésianisme part de fait que « la mentalité des groupes n'est pas celle des particuliers, elle a ses lois propres664(*). (...) Il y a des similitudes que l'abstraction pourra dégager entre la mentalité sociale et la pensée privée».665(*) Emile Durkheim dans son livre intitulé les Règles de la méthode sociologique ajoute qu'il n'y a pas de continuité entre les faits psychiques individuels et les faits sociaux. « Il faut laisser, va continuer Durkheim, à l'avenir le soin de rechercher dans quelle mesure (la mentalité social) ressemble à la pensée des particuliers. C'est même là un problème qui ressortit plutôt à la philosophie générale et à la logique abstraite qu'à l'étude scientifique des faits sociaux ».666(*)

En somme, la méthode de la sociologie positive d'Emile Durkheim s'établit autour d'une dualité ontologique entre la matérialisation des « faits sociaux » comme pratiques sociales et leurs effets particuliers sur les consciences individuelles.667(*) Ainsi, « en ne considérant les phénomènes qu'en tant que pratiques sociales, Durkheim cherche donc à évacuer les considérations subjectives, qui, dans une perspective positiviste, demeurent du domaine de l'incertain. En tant que réalités « en-soi », les « faits sociaux » sont quantifiables et ne peuvent ainsi être isolés - et définis- par la statistique de manière « objective » ; ceci en contraste avec les effets particuliers sur les individus ».668(*) Nous pouvons dire que Durkheim met ensemble deux conceptions qui « s'opposent d'abord sur leurs fondements ontologiques respectifs, c'est-à-dire dans leur façon particulière de concevoir le monde social (culturel) qui constitue par ailleurs l'objet d'analyse de chacun. Le contraste entre les conceptions de la culture comme réalité en- soi (positivisme) ou comme réalité dépendante de la perception des hommes (herméneutique) relev(ant) de l'opposition entre les ontologies réalistes et antiréalistes de la « réalité » du monde ».669(*)

La primauté de concept de totalité et du Tout

A propos du fonctionnalisme, Durkheim postule un certain nombre des principes :

- Il faut expliquer le social par le social, « c'est (...) dans la nature de la société elle-même qu'il faut aller chercher l'explication de la vie sociale. On conçoit, en effet que, puisqu'elle dépasse infiniment l'individu dans le temps comme dans l'espace, elle soit en état de lui imposer les manières d'agir et de penser qu'elle a consacrées de son autorité ».670(*)

- C'est en raison du système social qu'un phénomène produit tel effet social.671(*) « Il y a donc des espèces sociales pour la même raison qui fait qu'il y a des espèces biologiques »672(*). Cela veut dire que « ce qui détermine le phénomène social de l'organe à exercer telle fonction plutôt que telle autre, selon Durkheim, ce n'est pas le phénomène ou l'organe lui-même, mais son environnement (interne), ce tout auquel il appartient ».673(*)

Le rapport fonctionnel

- « L'explication fonctionnelle nous apprend comment le Tout est déterminé par chacune de ses parties. Elle nous fait découvrir certaines déterminations causales des parties sur le tout ».674(*) En nous référant aux rapports entre le Tout et ses parties, l'effort principal du sociologue devra tendre à découvrir les différentes propriétés du milieu (intérieur) ou du Tout, qui sont susceptibles d'exercer une action sur le cours des phénomènes sociaux.

- Si on rejette la primauté du tout, la sociologie est dans l'impossibilité d'établir aucun rapport de causalité.

Ainsi :

- Sans le Tout, l'effet « fonction (rôle) » disparaitrait ;

- La société est la condition déterminante des phénomènes sociaux ;

- La société est le facteur déterminant de l'évolution collective.

Il y a donc nécessité de découvrir les actions causales suivantes :

- l'action causale que l'organe exerce sur le Tout dont elle est une composante ;

- la place et le rôle que l'organe joue dans l'explication ;

- la place de l'organe et la place du tout ;

- la fonction que le tout exerce sur les composantes ;

- « le tout explique l'existence de la chose qui assure la fonction ».675(*)

Pour Durkheim « l'explication sociologique consiste exclusivement à établir des rapports de causalité, qu'il s'assigne de rattacher un phénomène à sa cause, ou, au contraire à ses effets utiles ».676(*) Autrement dit, « l'organe est indépendant de la fonction, c'est-à-dire que tout en restant le même, il peut servir à des fins différentes. C'est donc que les causes qui le font être sont indépendantes des fins auxquelles il sert ».677(*)

Signalons en somme que « dans les sciences sociales l'explication par la fonction occupe une place énorme ».678(*)

Brève historique du fonctionnalisme

Robert Franck nous en donne de plus amples explications et replace le concept de fonction en biologie: en effet, c'est « la physiologie a inauguré le concept de fonction ».679(*) Claude Bernard choisit justement l'exemple de la fonction des deux nerfs principaux de la face, le facial et la cinquième paire, pour illustrer la méthode expérimentale et le raisonnement expérimental. « La section du facial amène la perte du mouvement, il a donc une fonction motrice, et la section de la cinquième paire mène la perte de la sensibilité, elle a donc pour fonction d'assurer la sensibilité. Comme on le voit la position est ici...l'effet ! L'explication se fait par la fonction (c'est l'explication dite fonctionnelle) qui est une explication en envers ».680(*)

La réalité sociale objective

Durkheim le souligne bien, la question fondamentale de recherche reste liée au « principe fondamental : la réalité objective des faits sociaux ».681(*) Le principe est le fait que « les manières collectives d'agir ou de penser ont une réalité en dehors des individus ».682(*) Les phénomènes sociaux sont extérieurs aux individus : « toutes les fois que les éléments quelconques, en se combinant, dégagent (par le fait de leur combinaison, des phénomènes nouveaux, il faut bien concevoir que ces phénomènes sont situés, non dans les éléments, mais dans le tout formé par lui-même. La vie ne saurait se décomposer ainsi ; elle est une et par conséquent, elle ne peut avoir pour siège que la substance vivante dans sa totalité. Elle est dans le tout, non dans les parties ».683(*) Autrement dit « les croyances et les pratiques sociales agissent sur nous du dehors ».684(*)

Cela veut autrement dire justement que « la société n'est pas une simple somme d'individus, mais le système formé par leur association représente une réalité spécifique qui a ses caractéristiques propres. Sans doute, il ne peut rien se produire de collectif si des consciences particulières ne sont pas données ; mais cette condition nécessaire n'est pas suffisante. »685(*) Et d'expliquer cela : « Les états de la conscience collective sont d'une autre nature que les états de la conscience individuelle. La mentalité des groupes n'est pas celle des particuliers ; elle a ses lois propres ».686(*)

C'est cette conception qui définit ce qu'est une institution sociale. En effet, « comme cette synthèse a lieu en dehors de chacun de nous (puisqu'il y entre une pluralité de consciences), elle a nécessairement pour effet de fixer, d'instituer hors de nous certaines façons d'agir et de certains jugements qui ne dépendent pas de chaque volonté particulière prise à part. Ainsi qu'on l'a fait remarquer, il y a un mot, pourvu toutefois qu'on en étende un peu l'acception ordinaire, exprime assez bien cette manière d'être très spéciale, c'est celui d'institution ».687(*)

Lorsque nous quittons ce niveau abstrait, qui culmine chez Durkheim dans le fait que « la nature de toute résultante dépend nécessairement de la nature, du nombre des éléments composants et de leur mode de combinaison »688(*), nous avançons au niveau concret de ce « qu'il y a correspondance entre le fait considéré et les besoins généraux de l'organisme social ».689(*)

Les entités émergentes

Le principe d'apparition des institutions est corollaire à ce qui vient d'être dit sur la réalité objective des faits sociaux. Pour les entités émergentes, « toute société dégage des phénomènes nouveaux différents de ceux qui se passent dans les consciences solitaires. Ils sont en ce sens, extérieurs aux consciences individuelles. Les faits sociaux ne diffèrent pas seulement en qualité des faits psychiques ; ils ont un autre substrat, ils n'évoluent pas dans le même milieu, ils ne dépendent pas des mêmes conditions. Les états de la conscience collective sont d'une autre nature que les états de la conscience individuelle ; ce sont des représentations d'une autre sorte ».690(*) Une telle remarque distingue bien l'individualisme de l'holisme.

Robert Franck pense que « les différentes manières dont sont combinées les consciences sont les processus ou les « mécanismes » qui génèrent les phénomènes sociaux, mais Durkheim ne les conçoit pas comme des processus historiques, ce sont les états présents, actuels de la société. Le présent s'explique par le présent ».691(*) C'est l'arrière-fond mécanisme. Les acteurs sociaux eux-mêmes ne semblent pas conscients de « mécanismes » de construction des faits sociaux. Il n'y a pas de continuité évidente entre les individus ou leurs états psychologiques et les faits sociaux. La construction des faits sociaux semblent plutôt mystérieux. Ses mécanismes constitutifs semblent justement mystérieux.

Justement selon Luc Van Campenhoudt, « dans leurs différentes variantes, les théories sociologiques n'ont de cesse de démontrer que, là où le sujet croit agir, c'est le social (conscience collective, sujet historique, habitus, effets de pouvoir, aliénation...) qui agit en lui. Le social a ses raisons que le sujet ignore, mais que le sociologue peut découvrir. »692(*) Certains spécialistes des sciences sociales et philosophes, tel que John Searle, se donnent justement pour objectif de rechercher d'en dévoiler les mécanismes de production et de reproduction. A propos selon Durkheim, « la sociologie est la science des institutions, de leur genèse et de leur fonctionnement. (...) On peut en effet,...appeler institutions, toutes les croyances et tous les modes de conduite institués par la collectivité ».693(*)

De la représentation

Durkheim s'intéresse, aux représentations collectives ou à des modes collectifs de catégorisation, des façons culturelles de se représenter le temps, l'espace ou la causalité, qui s'imposent aux individus de l'extérieur plus qu'elles ne structurent leur esprit et n'expliquent son fonctionnement. Dans le cadre de la sociologie au moins, les processus cognitifs par lesquels les catégories sont produites par le social, puis transformées par les propres transformations de celui-ci, restent inconnus sinon mystérieux puisque leur investigation est renvoyée à la psychologie.

Au point de départ, disons d'emblée que, pour Emile Durkheim, « la vie sociale (est) tout entière faite de représentations ».694(*)Ces faits sociaux « consistent en représentations et en action. (...) Ils constituent donc une espèce nouvelle et c'est à eux que doit être donnée et réservée la qualification de sociaux ».695(*)

Pour Searle, les objets sociaux : la monnaie, le mariage, les gouvernements, la propriété,...dépendent des représentations collectives et du comportement coopératif des hommes. Annuler ces représentations collectives et ce comportement coopératif, ces objets sociaux s'effondrent. Ce que Searle ajoute à la théorie dualiste de connaissance, c'est la théorie de l'action quand il parle de comportement coopératif. Un présupposé du tournant linguistique et pragmatique qu'hérite Searle.

Les faits sociaux

« Les faits sociaux consistent en des manières de faire ou de penser ...susceptibles d'exercer sur les consciences particulières une influence coercitive »696(*). A ce propos Durkheim affirme ceci : « pour qu'il y ait fait social, il faut que plusieurs individus tout au moins aient mêlé leur action et que cette combinaison ait dégagé quelque produit nouveau. Et comme cette synthèse a lieu en dehors de chacun de nous (puisqu'il y entre une pluralité de conscience), elle a nécessairement pour effet de fixer, d'instituer hors de nous de certaines façons d'agir et de certains jugements qui ne dépendent pas de chaque volonté particulière prise à part. Ainsi qu'on l'a fait remarquer, il y a un mot qui, pourvu toutefois qu'on en étende un peu l'acception ordinaire, exprime assez bien cette manière d'être très spéciale : c'est d'institution ».697(*) C'est nous qui avons souligné le fait social comme synthèse.

Contre cette primauté du collectif, Fabrice Clément et Laurence Kaufmann pensent que cette doctrine chez Searle, « poussée à son extrême solipsiste, sombre dans un irréalisme sociologique dont la portée est fondamentalement idéologique ».698(*)Pour Searle « Durkheim had «an inadequate conception of social facts ».699(*)En effet, à la lecture de Searle, une sorte de continuité entre le privé et le collectif semble permanente.

John Searle utilise l'expression « fait social » pour désigner tout fait impliquant l'intentionnalité collective. Pour lui l'Intentionnalité individuelle que chacun peut avoir est dérivée de l'intentionnalité collective que l'on partage. Toutefois, sa conception de l'intentionnalité collective cache plutôt une conception fort éloignée des fondamentaux d'un Emile Durkheim pour autant que ce dernier évoque plutôt l'absence de continuité entre les consciences individuelles et les consciences collectives. La reconstruction philosophique ici remonte au postulat qui veut que l'homme soit un animal social, ainsi pour Searle, une compréhension de l'intentionnalité collective est essentielle à la compréhension des faits sociaux.

Les faits sociaux sont d'une certaine façon indépendante des états psychologiques individuels ; en tant que catégories collectives et comme synthèses ils supposent l'apport des consciences individuelles mais s'en distinguent nettement. Ainsi, les faits sociaux sont : « les règles juridiques, morales, dogmes religieux, systèmes financiers, etc. qui consistent tous en croyances et en pratiques constituées ».700(*)

En ce qui concerne son caractère coercitif, « quand je m'y conforme de mon plein gré, cette coercition ne se fait pas ou se fait peu sentir, étant inutile. Mais elle n'en est pas moins un caractère intrinsèque de ces faits, et la preuve, c'est qu'elle affirme dès que je tente de résister. Si j'essaye de violer les règles de droit, elles réagissent contre moi de manière à empêcher mon acte s'il en est temps, ou l'annuler et à le rétablir sous sa forme normale s'il est accompli et réparable, ou à me le faire expier s'il ne peut être réparé autrement ».701(*)

Pour Durkheim, il n'y a pas de continuité suffisante entre les états psychologiques des consciences individuelles et les faits sociaux. « Il ne peut se produire rien de collectif si des consciences particulières ne sont pas données ; mais cette condition nécessaire n'est pas suffisante. Il faut encore que ces consciences soient associées, combinées, et combinées d'une certaine manière ; c'est de cette combinaison que résulte la vie sociale et par suite, c'est cette combinaison qui l'explique ».702(*)

Nous allons, un chapitre après, revenir sur le point de vue exhaustif de Searle sur le fonctionnalisme. Il nous parait utile de présenter d'abord le structuralisme et l'approche dialectique.

A. Fonctionnalisme et structuralisme

Nous présentons ici le point de vue qui reprend autrement les rapports entre le présupposé principal du fonctionnalisme : le Tout et ses parties. Le fonctionnalisme est le contraire du structuralisme. La détermination structurale ou systémique dans la méthodologie durkheimienne constitue le fondement de l'explication fonctionnelle : elle en est la raison, elle l'explique.703(*) Le rapport entre le fonctionnalisme et le structuralisme s'établit ici : l'action causale des parties sur le tout est structural ; l'action causale exercée par un phénomène social sur le tout social est elle-même déterminée par le tout social, est fonctionnelle.704(*)

Ces approches constituent « une manière de traduire les phénomènes en termes scientifiques adéquats - en l'occurrence en variables- mais également d'une représentation globale et générique, d'un modèle de fonctionnement ».705(*) Le causalisme appelle l'image d'une vaste machine. La machine implique à son tour l'idée de fonctionnement et peut dériver vers cette autre image de l'organisme. «  L'idée commune est qu'un phénomène A va avoir une fonction, ou jouer un rôle... dans un organisme vivant, la complexité des mouvements impliqués est si grande et si secrète que ce qui apparaît déterminant est la fonction remplie par les organes ».706(*)

B. Le structuralisme de Lévi-Strauss

La transformation de l'approche structuraliste de Claude Lévi -Strauss en une approche pragmatico - intentionnelle passe par la logique. La notion de cause ou plus exactement la relation de cause à effet que suppose le structuro -fonctionnalisme est analysée en logique comme une implication stricte : « p implique strictement q » comme « il est nécessaire que p implique q ». Cette position est soutenue aussi par Thierry Lucas707(*).

Ainsi, « une relation entre phénomènes (peut être) décrite en termes de variables, de fonctions ou de structure. (...) Le structuralisme (...) relève de modèles formels tout aussi rigoureux, ce que Lévi- Strauss ne manque pas de rappeler ».708(*) Dès lors, on peut «  rejeter le vocabulaire et les métaphores organicistes au profit de langage alternatif : celui d'une codification logique de l'analyse fonctionnelle ».709(*)

La conception du structuralisme participe de la vision cartésienne de la Nature. De cela Linné dégage quatre variables, « toute note doit être tirée du nombre, de la figure, de la proportion, de la situation » (philosophie botanique, 299, cité par M. Foucault, 1966, p.146).710(*) Lorsque nous suivons Robert Franck nous découvrons que le cartésianisme, c'est-à-dire ses concepts généraux et sa causalité mécanique, s'affine progressivement avec les auteurs qui travaillent sur la question.

Le point de vue de la philosophie de la Nature à la suite de René Descartes et le point de vue de la linguistique structurale peuvent nous aider à remonter la reconstruction. « La structure pour le naturaliste cartésien, est la configuration des pièces d'un être vivant dans l'espace selon un ordre déterminé ».711(*) Cependant, « la structure d'une langue ne se réduit pas aux relations qu'on peut observer entre ses composantes, elle en est la syntaxe, c'est-à-dire les règles qui fixent les relations autorisées entre les unités de la langue. Lévi-Strauss oppose (ainsi) les structures sociales aux relations sociales ».712(*) Ici, d'un point de vue de la philosophie de la Nature, nous pouvons voir le passage de la physique de Descartes à celle de Leibniz qui introduit une métaphysique dynamique en réaction contre la métaphysique statique de Descartes. C'est-à-dire que Leibniz tente de réduire l'espace géométrique à l'arithmétique. «  Leibniz refuse ici de lier le nombre à la quantité, (...) la monade, l'unité substantielle qui sur le champ physique se manifeste par la force ».713(*)

Ainsi appliquée au fonctionnalisme par rapport à l'anatomie et à la physiologie, cette similitude se présente comme suit : « tout comme l'anatomie enseigne la situation, la grandeur, la figure, la relation et la constitution des parties du corps, la physiologie fixe l'usage, l'utilité et l'emploi de ces mêmes parties »714(*). La causalité descendante devient réciproque en biologie. « La liaison causale mécanique, explique Kant, telle qu'elle est pensée par l'entendement constitue une série de causes et d'effets qui descend toujours ; et les choses qui comme effets, en supposent d'autres comme causes, elles ne peuvent par contre être causes en même temps de celles-ci. Mais on peut aussi concevoir une liaison causale qui, comme série, montrerait une dépendance aussi bien descendante qu'ascendante ».715(*)

Claude Bernard ajoute, en 1865, le concept de causalité réciproque qui souligne le fait que la structure organique a un caractère hiérarchique.716(*) A partir de ce moment, l'idée des relations entre le Tout et ses parties est abandonnée pour passer à l'idée d' « une pluralité de niveaux où les composantes de chacun des niveaux sont à la fois partie et tout, partie d'une composante du niveau supérieur et tout d'une série de composantes du niveau inférieur ».717(*)

L'auteur illustre cela de la manière que voici : « Un estomac par exemple, ne résulte pas seulement de la nature et des proportions des tissus, mais encore de leur `arrangement' »718(*). Le Tout d'un niveau quelconque ne contient pas ses parties (l'estomac les tissus de l'estomac) il n'est pas autre chose que ses parties, et cependant il est autre chose car il est l' « arrangement » de ces parties selon un certain ordre ».719(*)

A ce niveau nous obtenons les cinq traits majeurs du concept de structure qui ont été élaborés en biologie :

1) La configuration ;

2) La causalité réciproque ;

3) La hiérarchie des niveaux au sens d'arrangements ;

4) Une structure est un «  système de transformation et non pas une forme statique quelconque » écrit Jean Piaget720(*). Il d'agit dès lors de « décrire comment les éléments de la structure se composent progressivement entre eux, et de dégager les lois auxquelles obéit le processus de composition de ces éléments ».721(*)

5) L'autoréglage ou l'auto- organisation de la structure ou du système. Ce concept est élaboré à partir du concept d'équilibre emprunté toujours à la biologie.

C. L'explication dialectique

La question posée ici est celle de savoir si la combinaison des explications causale, fonctionnelle et structurale peut devenir dialectique au sens où elle nous permet d'opérer le va-et-vient entre l'analyse et l'expérience concrète. Cette dichotomie est comprise comme la différence énigmatique entre expliquer et comprendre.

Pour Robert Franck une fois de plus, « il s'agira de vérifier s'il existe une isomorphie entre le réseau abstrait de détermination qu'on est parvenu à construire, et l'ensemble réel qu'elle prétend refléter ».722(*) C'est ici que se situe notre question : est- il possible qu'un schème ou modèle ou tout simplement, qu'un langage des sciences sociales reflète la réalité ou, à l'inverse, peuvent-ils seulement construire la réalité ?

Plus techniquement selon Franck ,« une telle isomorphie est comparable à celle (...) que proposait Ludwig Wittgenstein pour illustrer sa Bildtheorie ; mais elle peut aussi être de la nature de la relation qu'il y a entre la syntaxe d'une langue naturelle et une conversation prononcée dans cette langue , ou de la nature de la 723(*)relationentre les règles du jeu d'échecs et une partie d'échecs , ou de la nature de la relation entre une `loi' exprimée sous forme d'équation mathématique et un processus physique. Le réseau ou modèle prétendra refléter `l'arrangement `, la structure, qui commande les déterminations effectivement observées entre variables à chacun des niveaux et d'un niveau à l'autre ».724(*)

La théorie actionniste et constructiviste de Peter Berger

Peter Berger et Thomas Luckman ont mis ensemble un nombre impressionnant des traditions scientifiques pour en arriver à son approche de la construction sociale de la réalité à partir non de la structure comme chez les classiques comme Emile Durkheim ou Claude Lévi Strauss mais de l'acteur et de sa connaissance collective.

Peter Berger et Thomas Luckmann ont écris, dans le courant phénoménologique à la suite des précurseurs comme Rudolf Carnap, La construction logique du monde, en 1966, La construction sociale de la réalité, un livre devenu depuis un classique, en tout cas selon le dire de Danilo Martuccelli, qui en présente l'avant-propos dans l'édition de 2006 chez Armand Colin. Ce livre qui traite de la réalité quotidienne rejoint la réflexion de John Searle dans son livre, La construction de la réalité sociale, qui corrobore cette même réflexion déjà en 1969 avec un de ses livres dont l'autorité est restée quasiment intacte en philosophie du langage, Les actes du langage, essai de philosophie du langage qui est d'une grande importance dans le contexte des fondements de la connaissance.

Les concepts d'action et de sens sont au centre de la théorisation de Peter Berger. C'est « l'étude de la réalité au travers de processus cognitifs et pratiques, l'instituant comme réalité »725(*) chez Berger et Luckmann. « Ce qui anime d'un bout à l'autre l'ouvrage (la construction sociale de la réalité) est l'étude des processus cognitifs dynamiques par lesquels se produit et reproduit la vie sociale en fonction des interprétations et des connaissances socialement distribuées ».726(*) Ce sont des règles et des schèmes par lesquels la société est vécue, institutionnalisée, transmise et transformée par l'acteur. 

Le courant sociologique du constructivisme a pour pères fondateurs, Peter Berger et Thomas Luckmann et peut se comprendre « en une seule phrase lapidaire énonçant les fondements du constructionnisme sociologique (...): la société est une production humaine, la société est une réalité objective, l'homme est une production sociale et résumant en ces trois propositions en trois concepts : « extériorisation, objectivation, intériorisation ».727(*)

Par rapport à John Searle ,Peter Berger et Thomas Luckmann pensent que l'expression - non exempte d'ambiguïté - de « construction sociale de la réalité » qui fait partie d'une discussion nourrie chez le premier , ne vise pas à nier l'existence d'une réalité objective première(tout au plus ,leur arrive-t-il d'affirmer qu'ils mettent cette question entre parenthèses- c'est -à - dire ,qu'ils ne l'abordent pas vraiment dans leur travail ) mais souligne le fait que le regard doit se centrer sur des règles et schèmes par lesquels la société est vécue ,institutionnalisée ,transmise et transformée ».728(*) John Searle développe aussi la question qui est mise entre parenthèses.

B. La société et le sens

« La vie sociale repose sur des significations communes. »729(*) Pour Peter Berger et Luckmann le substrat constructif de la réalité sociale est l'univers commun de sens. Ainsi « sous l'influence de Durkheim et de Weber, la religion n'est pas un domaine particulier, mais se place au coeur de la réalité sociale ».730(*) Pour les deux auteurs, « il s'agit de prolonger l'intuition majeure des auteurs classiques pour qui la religion est une matrice de sens dans une société et prendre acte du fait que dans une société sécularisée et plurielle il existe une crise des significations et des mécanismes de légitimation, ce qui accentue l'interrogation de l'homme sur le sens ».731(*)

Ainsi, « la confrontation des univers symboliques est une donnée structurelle des sociétés modernes ».732(*) La centralité de la signification est bien relevante ici : « la vie sociale est toujours déjà là, et elle est toujours appréhendée comme une réalité ordonnée et significative. L'individu ne peut pas ne pas rencontrer cette réalité objectivité, déployé à travers une série d'objectivations qu'il véhicule, qui constituent ainsi à proprement parler l'univers symbolique dans lequel se déroule sa vie ».733(*) Autrement dit,  la vie sociale repose sur le partage d'un ensemble commun des connaissances, quotidiennes, renouvelées, assurant tout autant la continuité de l'ordre social que celle des identités personnelles.

En cas de crise, « cette même société « invente » aussi de nouvelles institutions de production et de transmission de sens. (...) Les institutions de sens opérant dans un marché ouvert et d'autres orientées vers des communautés spirituelles plus restreintes et souvent fermées (sectes, cultes divers et styles de vie très définis) ».734(*) Par exemple, « la modernité est le théâtre d'une série d'enclaves de sens qui coexistent plus ou moins pacifiquement entre elles, apaisant la crise ici ou là au niveau individuel, mais ne parvenant plus à asseoir la société sur un univers symbolique commun. »735(*) Toutefois, « la crise de sens spécifique à la modernité est amortie par un ensemble d'institutions intermédiaires- à mi-chemin entre l'individu (et le besoin de sens) et les anciens grands principes d'action sociétale. »736(*) Ainsi, « les individus ne sont nullement assaillis par l'angoisse ou le vide existentiel ; au contraire même, ils sont largement capables de gérer le pluralisme structurel auquel elle les confronte ».737(*)

Sur la question de la valeur, « l'individu opère dans un monde dans lequel il n'existe plus de valeurs communes orientant l'action dans toutes les sphères - autrement dit, il n'existe plus de réalité unique identique pour tous ».738(*) Ainsi,poursuivent-ils « la société s'organise autour de principes abstraits, à vocation avant tout instrumentale, auxquels tous les acteurs sont censés se plier, et ne générant que des normes visant à résoudre des problèmes éthiques spécifiques propres à certaines sphères d'activité (l' « éthique médicale », l' « éthique commerciale », etc.). Ces règles permettent aux individus d'organiser leur vie commune en faisant l'économie d'une morale globale partagée ».739(*)

C. La société et l'action

Peter Berger et Thomas Luckmann se ressourcent dans plusieurs traditions sociologiques, conçoivent les institutions aussi comme des processus d'habituation, de typification des actions et de leur historicité. « Il doit exister une situation sociale continue à l'intérieur de laquelle les actions (pertinentes) habitualisées de deux ou plusieurs individus s'entrecroisent ».740(*)

Théoriquement, « A observe B en train d'agir. Il attribue des motivations aux actions de B et, voyant que les actions se répètent, typifient les motivations comme récurrentes. Comme B continue à agir, A est vite capable de se dire : « ah, il recommence ». En même temps, A peut affirmer que B fait la même chose en fonction de lui. Dès le début, A et B prennent en charge la réciprocité de la typification. Au cours de leurs interactions, ces typifications seront exprimées par des modèles spécifiques de conduite ».741(*) En effet, les « processus d'accoutumance précèdent toute institutionnalisation. (... ) L'institutionnalisation se manifeste chaque fois que les types d'acteurs effectuent une typification réciproque d'actions habituelles. (... ) Les typifications institutionnelles qui sont à la base des institutions sont toujours partagées.  (... ) Les institutions impliquent ensuite l'historicité et le contrôle ». 742(*)

Peter Berger et Thomas Luckmann tiennent au caractère « objectif » des faits sociaux parce que ces faits deviennent indépendants des agents qui en sont producteurs. Le processus d'intériorisation socialisante des valeurs héritées dont on vit dans l'adaptation et que l'on se transmet de génération en génération est une « tradition », celle de la société comme construction devenue objective et même autonome.

D. Changement social et problèmes sociaux

Nous partons de l'idée que la connaissance est considérée comme le produit social, et que cette connaissance est en même temps un facteur de changement social en tant qu'elle est au fondement de la réalité sociale. Cette construction sociale devenue réalité objective et autonome, celle-ci peut être également vue comme une des sources des problèmes sociaux. Car, ce produit social peut justement être objectivé ou réifié en tant qu'idéologie, au point de devenir un instrument de déshumanisation ou d'aliénation sociale.

Ce qui est paradigmatique dans le cas des rôles sociaux est souligné par Peter Berger, par la formule courante : « Je n'ai pas le choix dans ce domaine, je dois agir ainsi à cause de ma fonction ».743(*) Comment de lors faut-il envisager le changement social contre cette objectivation. Comme le dit justement Peter Berger et Thomas Luckmann dans leur ouvrage intitulé La construction sociale de la réalité : « un corps de connaissances, une fois qu'il est élevé au niveau d'un sous- univers de signification relativement autonomie, possède la capacité d'agir rétrospectivement sur la collectivité qui l'a produit ».744(*)

CHAPITRE QUATORZIÈME :

LES CONVERGENCES ET LES DIVERGENCES ENTRE L'APPROCHE STRUCTURO-FONCTIONNALISTE ET LA PRAGMATIQUE

Il y a plusieurs points de convergences entre le rationalisme méthodologique de Durkheim et la pragmatique méthodologique telle celle de Searle. Savas Tsohatzidis dit à juste titre que « several commentators ( notably Gross 2006 ) have been struck by what they see as a convergence between this account and that of Emile Durkheim ,who ,one century earlier, set out his account of social reality in his the Rules of Sociological Method (Durkheim 1982),whose first chapter asks what is a Social Fact? »745(*)Ils se demandent tous deux ce qu'est-ce qu'un fait social ? Il y a certes des convergences mais aussi des divergences, Searle pense qu'il diffère fondamentalement de Durkheim parce que l'ontologie fondamentale de ce dernier est problématique : « nevertheless, Searle roundly rejects the idea that their views converge. (...) Searle countens that « the fundamental ontology in Durkheim is mistaken ».746(*)

Les deux conceptions philosophiques de fait social divergent sur un certain nombre des questions. Quels en sont justement les divergences ? John Searle, a montré parmi d'autres, que le fonctionnalisme est nécessairement lié à une conception intentionnaliste des choses, de cette façon il pose le problème d'un point de vue systémique qui met en exergue les effets du contexte.747(*) C'est la contribution qu'il apporte aux sciences sociales classiques à partir du modèle théorique de Tout et des Parties et à partir d'un point de vue de la philosophie cognitive. Ce retournement ingénieux d'un des pères du pragmatisme en philosophie est un approfondissement à partir de la reconstruction du cadre général structuro -fonctionnaliste ou systémico -cybernétique et de la philosophie de la conscience.

Pour expliquer le fait social, il faut inclure tout en les dépassant des déterminations langagières des parties dans le Tout, en tant que sa constitution est intrinsèque et aussi langagièrement attributive. Par exemple, pour le cas de fait social de mariage, la constitution est donc la suivante : cette femme (X) est déclarée marié (Y) dans le contexte où elle est déclarée telle par l'officier de l'état civil(C)). C'est justement en assignant ou en imposant des fonctions à des gens au travers de la formule: X vaut Y dans le contexte C. Cette formule forme la règle constitutive des faits sociaux ou de la réalité sociale. Ce sont donc des hommes en chair et en or qui construisent la réalité sociale. La réalité sociale n'est pas à proprement parler construite par la nature des combinaisons des simples déterminations horizontales, verticales ou distributionnelle des Parties.

Détaillons un petit peu la méthodologie qui gît au centre de cette reconstruction théorique. La différence première porte sur le contextualisme ou le système systémico-pragmatique et fonctionnalico-intentionnaliste de Searle qui est langagièrement attributif, il est n'est pas intrinsèquement lié à un modèle abstrait du Tout et des parties. Le langage est ici l' unitéminimale fondamentale dans la création de la réalité sociale.

Il part du fait qu'il ne faut pas postuler d'emblée comme le fait dans la philosophie de conscience Durkheim que les rapports entre le Tout et ses partie sont, nonobstant la primauté du Tout, normaux et fonctionnent. La réalité sociale telle : l'argent, le mariage, la guerre, l'impôt, une séance de parlement, un médecin, la propriété, etc. Le système langagier complète critiquement le modèle du Tout et des Parties.

Dans la formule constitutive de la réalité sociale, les variables X, Y et C (infra) référent aux entités réelles qui n'existent pas pour eux- mêmes. X a comme fonction de faire ou d'inventer Y, en le causant, dans un milieu intérieur C complémentairement au modèle qui se trouve à la base du fonctionnalisme d'Emile Durkheim ou du structuralisme de Claude Lévi-Strauss.

Le programme épistémologique ici ne déroge pas à cette structuration de base, il est gouverné par l'exigence d'élaborer une théorie unitaire de l'esprit (la cognition), de l'esprit, de l'action et du langage. La théorisation du langage en acte de langage comme unité minimale opératoire dans le système constitue son apport. L'ambition ainsi exprimée vise ultimement à mettre ensemble la logique, la grammaire, la sémantique, et la théorie de l'action.

La transformation de l'approche structuro-fonctionnaliste en une approche pragmatico - intentionnelle passe par la logique. « Le structuralisme (...) relève de modèles formels tout aussi rigoureux, ce que Lévi- Strauss ne manque pas de rappeler »748(*). Dès lors qu'une relation entre phénomènes peut être décrite en termes de variables, de fonctions ou de structure, on rejette « le vocabulaire et les métaphores organicistes au profit de langage alternatif : celui d'une codification logique de l'analyse fonctionnelle ».749(*) La notion de cause ou plus exactement la relation de cause à effet que suppose le structuro -fonctionnalisme est analysée comme une implication stricte en logique : « p implique strictement » comme « il est nécessaire que p implique q » .750(*)

Qu'est-ce qui est poursuivi ici ? C'est la recherche de lois générales des structures empiriques et abstraites. Seulement Claude les classiques telle que nous l'évoquons, situe hors du temps et de l'histoire les structures logiques qui sont censés régir la société ; il substitue la relation logique à la relation humaine.

Rappelons-nous le programme cognitivo-pragmatique considère qu'il doit y avoir une continuité entre le biologique (les actes mentaux : désir, croyance, intention, action) et le culturel (le langage). Il restaure trois paliers : le biologique physico-chimique, les actes mentaux et la réalité sociale (langage et culture). Parlons un tout petit peu de la création de la réalité sociale.

L'application de programme cognitivo-pragmatique à la création de la réalité sociale

La réalité sociale est faite, des portions du monde réel, des faits objectifs dans le monde, qui ne sont des faits que par l'accord des hommes. En ce sens, il y a des choses qui n'existent que parce que nous y croyons. Nous pensons à des choses comme l'argent, les propriétés foncières, les gouvernements, les mariages, l'activité de recrutement, de renvoi, la guerre, les révolutions, les soirées mondaines, les gouvernements, les réunions, les syndicats, les parlements, les corporations, les lois, les restaurants, les congés, le fait qu'il y a des avocats, des professeurs, des médecins, des chevaliers médiévaux et des impôts, etc.751(*)

Le contenu de la fonction -statut

Après cette analyse de la forme de fonction -statut, nous passons à la question de leur contenu. En effet, quel est le contenu donné à cet imposition de fonction -statut ? Le fait de posséder un morceau de papier quelconque n'en fait pas spontanément du papier -monnaie. Il faut qu'un consensus social détermine la nature de la fonction -statut à conférer à l'objet. Le contenu appelle donc une interaction sociale.

L'existence et la pérennité des faits institutionnels restent tributaire d'une croyance unanimement partagée. Cela est particulièrement probant pour la monnaie se présentant sous la forme de morceaux de papier. Aussi faut-il entretenir cette acceptation par des indicateurs, un arsenal élaboré de prestige et d'honneur. Les armées, les salles de tribunal et, dans une moindre mesure, les universités ont recours à des cérémonies, des insignes, des habits d'apparat, des honneurs, des grades, et même de la musique, pour encourager la continuelle acceptation de la structure.

La nature des institutions

« Les explications fonctionnalistes tendent à étudier les institutions indépendamment des intentions des acteurs qui y sont impliqués ; elles recourent à une téléologie sans agents intentionnels ».752(*) Pour Searle « les sciences sociales en général concernent différents aspects de l'intentionnalité ».753(*) L'économie par exemple n'est pas basée « sur des faits systématiques portant sur la structure moléculaire (l'organicisme), mais sur des faits concernant l'intentionnalité humaine, les désirs, les pratiques, l'état de la technologie et de la connaissance, il s'en suit que l'économie n'est indépendante ni de l'histoire ni du contexte».754(*) Ceci approche le point de vue de l'économie normative de W .Pareto. La linguistique est une science appliquée de l'intentionnalité qui s'occupe de spécifier les contenus intentionnels déterminés de façon historique dans l'esprit de celui qui parle les différents langages qui justifient de fait la compétence linguistique humaine.755(*)

Le contexte et la sémantique de la cognition

Emile Durkheim dans Les règles de la méthode sociologique, nous donne des points d'encrages théoriques qui nous introduisent dans le contexte pragmatico- intentionnaliste, en l'occurrence celle de John Searle. Ce livrepeut être une des références pour discuter avec Searle pour autant que le fonctionnalisme d'E. Durkheim et sa primauté du collectif y est mis en exergue. C'est là tout un programme de recherche qui se recoupe avec celui actuel de John Searle. Proche d'une telle problématique, nous sommes d'avis que John Searle se pose une foule de questions qui se recoupent : comment les faits institutionnels sont-ils possibles ? Et quelle est exactement la structure de ce genre de faits ? Comment une réalité sociale construite est-elle possible ? Comment peut-il y avoir une réalité objective qui existe, pour une part, en vertu de l'accord des hommes ? Par exemple, comment peut-il être un fait complètement objectif que les bouts de papier qui se trouvent dans ma poche soient de l'argent, si quelque chose n'est de l'argent que parce que nous le croyons ? Et quel est le rôle du langage dans la constitution de tels faits ?756(*)

A propos John Searle évoque le fonctionnalisme dans un contexte théorique qui se recoupe entre autre avec la manière de voir d'Emile Durkheim. Toutefois, Searle refuse le rapprochement avec le fonctionnalisme : «  il vaut peut être la peine de noter qu'en employant la notion de fonction je n'ai assurément pas l'intention de souscrire à quelque « analyse fonctionnelle » ou « explication fonctionnelle » que ce soit en matière de recherche sociologique ».757(*)

John Searle englobe cette question en portant son intérêt sur les problèmes méthodologiques, épistémologiques de fondement et celle la validité de la connaissance en sciences sociales. Répondre plus précisément à la question principale de la reconstruction du fonctionnalisme traditionnel suppose la démarcation qu'il y a à faire avec les autres approches théoriques et des concepts centraux de reconstruction en sciences sociales. En fin de compte, nous nous servons d'un réflecteur, en l'occurrence du fonctionnalisme de John Searle pour construire notre hypothèse générale de reconstruction. Searle considère le cadre théorique d'Emile Durkheim comme essentialiste.

Searle reconstruit le cadre général structuro -fonctionnaliste d'un point de vue intentionnaliste. Le système de Durkheim est intrinsèque. Le système fonctionnel de Searle est attributif. Un agent intentionnel attribue une fonction à une chose, à un évènement ou à une personne. Il part du fait qu'il ne faut pas postuler d'emblée comme le fait Durkheim que les rapports entre le Tout et ses parties sont normaux et fonctionnent. Nous l'avons déjà dit. D'où l'importance du langage dans la création de la réalité sociale en général. En effet, selon Searle  «les fonctions ne sont jamais intrinsèques ; elles sont assignées relativement aux intérêts d'utilisateur, et d'observateurs ».758(*) C'est nous qui le construisons en assignant ou imposant des fonctions.

A travers la formule langagière des règles constitutives de Searle, X vaut Y dans le contexte C (entendez par exemple cette femme (X) est déclarée mariée (Y) dans le contexte où cela est dit par l'officier de l'état civil (C)). Ce système de X, Y et C n'existe pas en lui-même ; X et Y se situent dans un rapport non intrinsèque comme dans un rapport de Tout et de ses parties.

Searle considère X et Y comme des variables : « j'emploi les expressions « terme X », « terme Y », et « terme C » pour faire référence indifféremment soit aux entités réelles qui sont les valeurs de ces trois variables ».759(*) Dans ces conditions où le système n'est pas intrinsèque, il y a bien un problème de causalité et de normativité automatiques.  « Chaque fois que la fonction de X est de Y, alors X est censé causer Y ou, sinon, résulter en Y. Cette composante normative inhérente aux fonctions ne peut se réduire à la seule causalité, à ce qui se passe en fait comme résultat de X, parce que X peut avoir pour fonction de faire -Y même dans les cas où X ne parvient pas tout le temps ,ni même la plupart de temps ,à provoquer Y ».760(*)

La transformation searlienne donne des résultats suivants : l'exigence d'incorporer la subjectivité humaine. En fait, la reconstruction de Searle suppose en même temps le fonctionnalisme et le structuralisme : « la fonction de X est de Y, X et Y sont les parties d'un système où le système est en partie défini par des fins et, de manière générale, par des valeurs ».761(*)

Les propos ici vont consister, comme on peut le remarquer à présenter, la conception constructiviste de la réalité sociale selon John Searle. Comme le débat se situe, par rapport à la communauté scientifique au double point de vue diachronique et synchronique, nous allons tenter, pour présenter sa conception, de subsumer les différents points d'encrages qui ne sont pas donnés d'emblée.

Ce chapitre contient essentiellement deux grandes questions : la reconstruction structuro-fonctionnaliste de Searle d'abord, cette partie a ceci d'intéressant qu'elle éclaire pas mal de points théoriques en sciences sociales à la recherche de sa rénovation, surtout en Afrique d'une part, et d'autre part, elle met en exergue le point de départ onto-théologique ou naturaliste d'un contexte théorique, point de départ qui a l'avantage de servir de balise contre l'éparpillement de cette question qui embrasse finalement plusieurs domaines des sciences : de la physique à la culture, en passant par la biologie et le statut des savoirs, etc. La seconde partie se penchera ensuite sur les accointances et/ou diversités entre Searle et Durkheim.

La transformation pragmatico - cognitive des déterminations structuro -fonctionnelles

Nous allons montrer d'une part les différentes divergences de l'approche pragmatico-cognitive de John Searle avec l'approche dite structuro-fonctionnalisme, en tant qu'elle se réalise de façon reconstructive, et les différentes convergences d'autre part. Searle tente ici justement la transformation pragmatico - intentionnelle du structuro- fonctionnalisme. Nous verrons que son point de départ est intentionnel ou cognitiviste (dans le naturalisme la Raison émerge à un certain niveau comme émerge la conscience du biologique : la conscience émerge du processus neurobiologique dans le physicalisme de Searle), et qu'il retourne subrepticement sur ses premières amours pragmatistes à la fin. Sa reconstruction épistémologique des approches est au demeurant intentionnalico- langagière. Finalement Searle débouche sur ses propres modalités de la construction de la réalité sociale.

Toutefois, il faut dire que sa conception de la construction de la réalité sociale, bien que proche de celle de Friedrich Hayek, ne manque pas de forcer l'admiration par sa richesse en tant qu'elle se ressource dans la logique, dans le cognitivisme, dans la philosophie de la nature et dans la sémio -pragmatique. Searle part d'un projet colossal d'un édifice naturaliste qui reprend la physique comme base, la biologie comme le sommet et la psychologie comme stade intermédiaire.

Nous pouvons ici évoquer chez Searle la reconstruction épistémologique au moyen du concept normatif de « comportement régi par des règles » des structures profondes. A ce propos, John Searle réfute plusieurs points de vue qui recèlent en fait des contradictions : « nous ne pouvons pas (...) décrire (...) ces structures comme des ensembles de règles de calcul inconscient, ainsi qu'on le fait aujourd'hui en sciences cognitives et en linguistique, parce qu'il est incohérent de postuler un suivi des règles inconscientes qui soit en principe inaccessible à la conscience ».762(*)

Les règles phonologiques que Claude Lévi-Strauss a utilisées sont remplacées chez Searle par des règles constitutives que nous verrons. Searle reconstruit cette problématique de l'omniprésence de l' « inconscient » par la notion de l'Arrière-plan.

A propos Searle et Pierre Bourdieu se démarquent du concept de l'inconscient pour respectivement l'Habitus et l'Arrière-plan. Marc Maesschalck nous renseigne par ailleurs que le recours à l'Habitus est « une réaction à la prédominance de l'oeuvre de Lévi-Strauss sur le travail sociologique à l'époque où Bourdieu menait ses études sur les structures de parenté au Bearn et en Kabylie ».763(*) La notion de l'Arrière-plan est une reconstruction de la question de la commande du langage, du mental et de l'interaction au moyen des structures profondes comme un ensemble des règles.

La question théorique de John Searle est la suivante : « quelle est (...) la bonne méthodologie, pour décrire la structure de la réalité sociale ? »764(*) Pour lui déjà, en effet « ce qui crée un problème au théoricien, c'est le caractère invisible de la structure de la réalité sociale ».765(*) La cristallisation théorique de cette question est, par delà la rupture saussurienne et le rôle des règles dans les sciences sociales, la fameuse question de Ludwig Wittgenstein, celle de savoir si les règles causent l'action ou ce qu'obéir à la règle signifie. 766(*) Qu'est-ce qu'être commandé par les règles ?

On part du fait que « les gens qui participent aux institutions (comme l'argent, la guerre, la propriété, le mariage, le procès, etc.) ne sont pas conscients, habituellement, de ces règles ; ils ont même souvent de fausses croyances sur la nature de l'institution, et il arrive même que ceux qui ont créé en personne l'institution n'aient pas conscience de sa structure ».767(*) L'institution incarne la raison.

Comment Searle explique-t-il cette situation ? Il rappelle le fait que « Chomsky dans son analyse de la Grammaire universelle, dit que l'enfant n'est capable d'apprendre la grammaire d'une langue naturelle donnée que parce qu'il ou elle est déjà de façon innée en possession des règles d'une Grammaire universelle, et ces règles sont si profondément inconscientes qu'il n'y a aucun moyen pour un enfant de prendre conscience de leur déroulement. Ces analyses ne me satisfont pas, conclut-il.»768(*) Et il poursuit, «cette façon de procéder est très courante en science cognitive. Fodor dit que pour comprendre une langue quelle qu'elle soit, il nous faut tous connaître le Langage de la Pensée. Et ce langage est profondément inconscient que nous ne pouvons jamais prendre conscience de son déroulement ».769(*)

John Searle ne procède pas de cette façon : « depuis Freud, nous trouvons utile et commode de parler de manière désinvolte de l'esprit inconscient sans en payer le prix : expliquer exactement ce que nous entendons par là ».770(*) Quelle est la thèse de Searle ? «  Pour expliquer comment nous pouvons rattacher à des règles des structures telles que le langage, la propriété, l'argent, le mariage, et ainsi de suite, dans le cas ou nous ne connaissons pas les règles et ne les suivons ni consciemment ni inconsciemment, je dois faire appel à la notion que j'ai appelé l' « Arrière-plan » ».771(*) Searle distingue les règles de l'Arrière-plan. L'arrière-plan est le contexte du cognitif.

Cette problématique est à la suite de l'hypothèse de Ludwig Wittgenstein selon la quelle « parler est un type de comportement régi par des règles ». Searle présente déjà 1969 la nature des règles. En fait, John Searle explicite justement l'aphorisme de Ludwig Wittgenstein selon lequel « parler une langue c'est accomplir des actes conformément à des systèmes des règles constitutives ».772(*) Plusieurs règles peuvent ici entrer en compte : les règles constitutives, les règles normatives, les règles de force illocutoire (les règles de contenu propositionnel, les règles essentielles, les règles de sincérité, etc.). Pour Searle, ces règles sont celles fondamentales auxquelles obéit d'une façon générale l'activité communicationnelle dans le monde de la vie quotidienne. « Il existe (donc) des règles constitutives du monde vécu ».773(*)

Ce que tente de faire John Searle,c'est de mettre en exergue ces règles : « Les institutions comme l'argent, la propriété, la syntaxe, et les actes de langage sont des systèmes des règles constitutives, et nous voulons connaître le rôle de cette structure régulatrice dans l'explication causale du comportement humain ».774(*) Les règles ne fonctionnent pas comme les causes du comportement. « Les règles sont donc un procédé qu'emploie le linguiste pour caractériser les phénomènes, mais elles se bornent à décrire le comportement, elles ne jouent en vérité aucun rôle pour ce qui est de le causer ».775(*)

Et Searle de conclure : « Je propose donc de dire, c'est Searle qui conclut ainsi, qu'en apprenant à se débrouiller avec la réalité sociale, nous acquérons un ensemble d'aptitudes cognitives (Arrière-plan) qui sont partout sensibles à une structure intentionnelle, et en particulier aux structures régulatrices d'institutions complexes, sans nécessairement contenir partout de représentations des règles de ces institutions ».776(*) Il s'oppose ici à la non intentionnalité d'Emile Durkheim.

CHAPITRE DOUZIÈME :

CHAPITRE QUINZIÈME :

JüRGEN HABERMAS ET JOHN SEARLE :DE LA LOGIQUE FORMELLE À LA LOGIQUE PRAGMATIQUE EN SCIENCES SOCIALES

Les logiques pratiques sont de l'ordre de l'anatomie et non de physiologie sociale. Les auteurs indiquent de façon statique les composantes du problèmes de principe unificateur et générateurs de nouvelles pratiques et non la question importante et dynamique de fonctionnement ,et l'énergie qui doit mettre le moteur sociale en marche. Le moteur ici est la parole, il faut dire que la parole sacrée est seule capable de génétisation puissante, en élargir le spectre nous parait indiqué. Les sciences du langage forment les moyens théoriques de production de connaissances en sciences sociales, notamment en psychologie et en sociologie. Il s'agit de la sémiotique telle qu'elle englobe la syntaxe, la sémantique et la pragmatique.

A la différence de la sémantique appliquée à la linguistique, la sémantique générale du succès et de la satisfaction est philosophique. Son objectif principal est d'articuler et même de rendre vivante la structure logique profonde commune à toutes les langues naturelles possibles en utilisant une logique unifiée illocutoire et Intentionnelle.777(*) La sémantique philosophique (du succès et de satisfaction) porte sur le rapport conventionnel qui relie ce que dit la proposition, son sens, et ce sur quoi elle porte, sa référence.

La question à la quelle nous voulons tenter de répondre est celle de savoir comment l' « activité sociale » est-elle possible ? Il s'agit de voir ce qui commande les activités sociales et comment cela se fait-il ? Au niveau praxéologique (théorie de l'action) qui est déjà définie par Max Weber, « l'activité sociale (est) un comportement ayant un sens subjectif, c'est-à-dire guidé par un sens subjectivement visé qui le motive. Il ne peut être adéquatement appréhendé qu'en fonction des objectifs et des valeurs qui guident le sujet de l'action.»778(*) Il est important pour les théories sociologiques de l'action d'élucider le concept de l'activité sociale, objet central des sciences sociales. L'approche que nous utilisons ici pour analyser les interactions élémentaires est la logique.

Les présupposés physico-mathématiques dans le cadre de l'analyse causale des déterminations fonctionnelle, structurale et distributionnelle des systèmes sociaux peuvent passer au point de vue intentionnelle de la codification logique des déterminations à l'implication logique : « p implique strictement ». Et appliquée aux acteurs sociaux comme analyse logique de l'action sociale, cela fait appel à la logique aussi bien formelle que pragmatique. Nous allons illustrer la formalisation de l'action sociale par la logique pragmatique avec Jürgen Habermas et John Searle.

Pour Searle qui essaie de reconstruction au point de vue sémio-pragmatique Emile Durkheim, les discours sont des actions pourvues des forces, de telle sorte que nous pouvons étudier les conditions de leur réussite ou de leur succès. Ce sont ces forces qui permettent d'analyser ce qui commande ces actions.

A propos, le langage courant distingue de nombreuses forces illocutoires directes : demandes, questions, requêtes, sollicitations, prières, invitations, supplications, implorations, ordres, commandements, revendications, exigences, conseils, recommandations, au tant de directives de forces distinctes à accomplir dans des conditions différentes. On peut voir ce qui commande ces actes de langage qui sont par ailleurs des activités sociales.

En somme, l'appareillage théorique complet qu'il utilise appelle les notions suivantes : la force illocutoire, le contenu propositionnel, la direction d'ajustements des actes de langage et des états mentaux, le Réseau des états intentionnels et l'Arrière-plan, et bien d'autres notions.

Il faut en plus pour prendre en compte le sens subjectivement visé ,intégrer les états mentaux(croyance, intention, perception, désirs, etc.) en transformant les énoncés relatifs au sens subjectivement visé en des énoncés relatifs au comportement objectif et traduire des énoncés intentionnels du type : « A pense que `p' » en des expressions d'un langage empiriste pour qu'une classe d'états mentaux deviennent synonyme de la classe des variables du comportement.

Jürgen Habermas présente des « approches - intéressantes pour une analyse logique- de structures universelles (...) de l'action »779(*) dans le cadre de sa pragmatique universelle. Pour lui, l'activité sociale qu'il faut comprendre se scinde en plusieurs autres activités sociales.

Voici le système des activités sociales pour Habermas780(*) :

- Activités instrumentales (des acteurs tels que coordonnées engendre les activités sociales)

- Activités sociales se composent des activités symboliques (types d'activités liés aux systèmes non propositionnels de l'expression verbale : un concert, une danse), des activités communicationnelles, et des activités stratégique (combats sportifs)

- Activités communicationnelles sont non différenciées du point de vue propositionnel et différenciées du point de vue propositionnel

- Non différenciées du point de vue propositionnel : non verbales et verbales (actes de paroles illocutoires abrégés)

- différenciées du point de vue propositionnel : non verbales et verbales

- Verbales : à fonction institutionnelle, sans fonction institutionnelles

- sans fonction institutionnelles : implicites, explicites

- implicites, explicites

- Explicites : liés au contexte, indépendantes du contexte

- Indépendantes du contexte : unités analytiques.

Ici nous passons de la logique formelle à la logique pragmatique ? Pour analyser les activités sociales (les faits sociaux) au point de vue pragmatique ou proprement sémiotique, nous combinons la phrase au discours. « Les langages empiristes remplissent la condition d'être fonctionnels par rapport à la vérité, ainsi lorsqu'elles rentrent dans des propositions complexes, le rôle des propositions simples se limite à être condition de leur vérité, en ce sens que les valeurs de vérité des énoncés d'ordre global sont déterminées par celles de leurs arguments »781(*). Dans un tel contexte, il faut au point de départ disposer d'une théorie de la vérité (d'une sémantique logique) qui soit compatible avec la théorie de la prétention à la validité pour Habermas et de la théorie du succès et de la satisfaction pour Searle. Il faut donc concilier la logique formelle à la logique pragmatique ou illocutoire.

« Le structuralisme (...) relève de modèles formels tout aussi rigoureux, ce que Lévi- Strauss ne manque pas de rappeler. »782(*) Dès lors qu'une relation entre phénomènes peut être décrite en termes de variables, de fonctions ou de structure, on rejette « le vocabulaire et les métaphores organicistes au profit de langage alternatif : celui d'une codification logique de l'analyse fonctionnelle ».783(*)

Toutefois, rappelons que le programme global de John Searle auquel nous nous référons est gouverné par la même volonté ou l'exigence d'élaborer une théorie unitaire de l'esprit (la cognition), de l'action et du langage. L'ambition ainsi exprimée vise ultimement à mettre ensemble la logique, la grammaire (la sémantique), la théorie de l'esprit et la théorie de l'action.

Ce programme peut remonter selon Daniel Vanderveken, à la Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal, qui distingue l'affirmation faite par le locuteur d'une affirmation conçue par le locuteur, et esquisse une théorie des actes de pensée ou actions de l'esprit pour rendre compte aussi bien des énoncés non déclaratifs que des énoncés déclaratifs. Il faut au point de départ disposer d'une théorie de la vérité qui soit compatible avec la théorie du succès et de la satisfaction. Il faut comme nous l'avons dit concilier la logique formelle à la logique pragmatique.

John Searle et Daniel Vanderveken ont ainsi cherché à identifier les conditions de satisfaction d'un acte illocutoire élémentaire avec les conditions de vérité de son contenu proportionnel. A la suite de cette présentation, il faut rappeler qu'aux actes de langage correspondent des états mentaux en tant qu'actes de pensée. Les mots énoncés sous un mode littéral indiquent formellement la manière dont ils doivent être compris (interrogation, affirmation, ordre, promesse). Les actes sous le mode langagier sont des actes de langage assertif, promissif, directif, etc. ; et sous le mode psychologique, sont des états Intentionnels : croyance, désir, intention, perception, etc.

Les propositions sont les contenus de nos actes illocutoires (assertions, promesses et questions) et de nos attitudes propositionnelles (croyance, désirs et intentions) à propos des objets et des faits. Elles sont des sens d'énoncés pourvus de conditions de vérité : elles sont vraies en une circonstance quand elles représentent un fait existant.784(*)

De l'ajustement de rapport au monde

Le contenu représentatif /propositionnel doué de signification, selon que c'est un état psychologique ou un acte de langage, détermine le rapport au monde, et par là même leur direction d'ajustement, c'est-à-dire la direction de la causalité, et leurs conditions de satisfaction (pour être un acte de langage réussi).

Il y a là plusieurs causalités, outre la causalité mentale ou la causalité physique brute, Searle parle de la causalité de l'Arrière-plan. « La clé pour comprendre les relations causales entre la structure de l'Arrière-plan et la structure des institutions, c'est de voir que l'Arrière-plan peut être causalement sensible aux formes spécifiques des règles constitutives sans contenir réellement de croyances, de désir, ou de représentations de ces règles ».785(*) Autrement dit, « tout état intentionnel ne fonctionne , c'est-à-dire ne détermine des conditions de satisfaction que sur fond d'un ensemble d'aptitudes, de dispositions et de capacités d'Arrière-plan qui ne font pas partie du contenu intentionnel et ne sauraient être incluses comme une partie du contenu ».786(*)

Les actes de langage ou les états psychologiques se présentent face au monde selon les directions d'ajustement particulier. On peut dire que les directions d'ajustement sont des déterminations logiques. « La relation entre le contenu représentatif R et le mode psychologique (états Intentionnels) S (croyance, désir, intention, la pensée, etc.) est similaire à celle qui réunit le contenu propositionnel p et la force illocutoire F (impératif, assertif, expressif, performatif, promission) ».787(*)

Les conditions qui doivent être remplies pour qu'un acte de langage réussisse sont : l'ajustement entre la signification linguistique et l'état de chose auquel elle se réfère. La direction d'ajustement qui relie ainsi le contenu propositionnel au monde est déterminée par la force illocutoire : celle -ci spécifie les modalités de « traitement » de l'état des choses représenté par l'acte de langage.

Les actes de langage et les états intentionnels permettent d'avoir des conditions de satisfaction précises (échec ou réussite de l'acte) selon le rapport qu'ils ont envers le monde ou la direction d'ajustement en tant que direction de causalité. « La notion de conditions de satisfaction s'applique à la fois à tous les actes de langage et à tous les états Intentionnels pourvus d'une direction d'ajustement ».788(*)Les conditions d'ajustement spécifient les exigences d'adéquation auxquelles chaque acte de langage ou attitude propositionnelle sont supposés répondre.

Les états Intentionnels tels que la croyance et la perception s'ajustent de l'esprit au monde, alors que le désir et l'intention s'ajustent inversement du monde à l'esprit. Il existe d'autres états Intentionnels qui n'ont pas de direction d'ajustement.

De même, la relation qui réunit le contenu propositionnel p avec la force illocutoire F (impératif, assertif, expressif, performatif, déclaratif, promissif) détermine la manière dont les mots sont censés s'ajuster au monde. Les assertifs, les affirmatifs, les explicatifs ou les descriptifs, s'ajustent selon une direction qui va des mots au monde. Les promissifs, c'est-à-dire pour les promesses, serments, menaces, contrat, l'ajustement va du monde aux mots : c'est le locuteur qui s'est engagé à faire quelque chose dans le futur.

Les normes appartiennent à la classe des directifs, c'est-à-dire des actes de langage au moyen desquels on cherche à influencer la conduite d'autrui. Les directifs, c'est-à-dire pour les ordres ou demandes l'ajustement va du monde aux mots. Les directifs les plus forts, par exemple, les commandements ou les ordres de faire ou de ne pas faire quelque chose, sont appelés prescriptifs.

Les expressifs (excuses, remerciement, félicitations) se caractérisent par l'absence totale de direction d'ajustement. Par exemple l'affirmation « cette grenouille est verte » et la croyance que cette grenouille est verte représentent les mêmes conditions de satisfaction et toutes deux ont une direction d'ajustement qui va du mot /esprit au monde ».789(*) Les conditions de satisfaction répondent à des conditions de vérité (assertif, croyance). Aux conditions de vérité il faut adjoindre les conditions d'intelligibilité.

Les conditions de satisfaction elles, dépendent de la direction d'ajustement de force. Pour qu'il y ait satisfaction, il ne suffit pas qu'il y ait correspondance (la vérité -correspondance), faut-il encore que la correspondance soit établie selon la direction d'ajustement voulue. D' où l'analyse des marqueurs de forces.

Ici, « les différentes forces illocutionnaires relient le contenu propositionnel au monde réel de différentes manières, avec des directions d'ajustement différents, on aura besoin de mots différents pour marquer le succès ou l'échec de l'ajustement entre la proposition et le monde réel ».790(*)

Les phrases suivantes : «  (« Je te baptise »), ou « Je décrète l'état d'urgence », etc.), échappent à l'alternative du vrai et du faux ou à une vérité d'adéquation, qu'Austin remplace par la réussite (felicity) ou l'échec de la formulation (utterence) ».791(*) Enoncer « les conditions de vérité pour les énoncés n'est pas la même chose qu'énoncer les conditions de satisfactions pour d'autres sortes d'actes de langage. (Ainsi donc),  il faudra introduire des dispositifs pour effectuer toutes sortes d'actes de langage standard, tels que les énoncés, les questions, les ordres, et les promesses. Pour cela il vous faudrait des manières de marquer la distinction entre le contenu propositionnel et la force illocutoire de l'acte de langage ».792(*)

« Du fait que les différentes forces illocutoires relient le contenu propositionnel au monde réel de différents manières, avec des directions d'ajustement différents, on aura besoin de mots différents pour marquer le succès ou l'échec de l'ajustement entre la proposition et le monde réel ».793(*) Searle présente différents types de forces illocutoires en formalisant leur portée. La taxinomie des actes illocutoires repère les usages fondamentaux de la langue.

Rappelons-nous que John Searle considère qu'il doit y avoir une continuité entre le biologique (les actes mentaux : désir, croyance, intention, action) et le culturel (le langage). Il restaure ainsi trois paliers : le biologique physico-chimique, les actes mentaux et la réalité sociale (langage et culture).

Selon Daniel Vanderveken, les logiciens devraient se concentrer aussi bien sur l'analyse des conditions de vérité des énoncés déclaratifs que sur les actes illocutoires. « Nous comprenons déjà assez clairement comment les affirmations représentent leurs conditions de vérité, comment les promesses représentent leurs conditions de réalisation, comment les ordres représentent leurs conditions d'exécution et comment dans l'énonciation d'une expression référentielle, le locuteur réfère à un objet ».794(*) Pour Daniel Vanderveken, la logique illocutoire présente une nouveauté dans l'histoire de la logique philosophique.

Pour analyser la structure logique des forces, Searle et Vanderveken ont décomposé en logique illocutoire chaque force en cinq espèces de composantes à savoir : un but illocutoire, un mode d'atteinte de ce but, des conditions sur le contenu propositionnel, des conditions préparatoires de sincérité, et un degré de puissance.795(*) Déjà ici nous pouvons voir en filigrane la réplique à une théorie de l'action de Talcott Parsons.

C'est ici que Searle culmine avec sa philosophie analytique des sciences sociales au théorème fondamental de Talcott Parsons (interactionniste symbolique): « l'environnement symbolique et culturel qui propose des buts, à atteindre et des moyens appropriés, établit des limites à l'action permise, des propriétés et suggère des choix ».796(*) La fonction du symbolisme (a priori) dans l'action sociale est justement de médiatiser les règles de conduite, les normes, les valeurs culturelles qui servent à guider l'action dans l'organisation de son action.  La poursuite des butsconstitue la dimension de tout système d'action. Parsons classe dans cette catégorie toutes les actions qui servent à définir les buts du système, à mobiliser et gérer les ressources et les énergies en vue de l'obtention de ces buts et à obtenir finalement la gratification recherchée. C'est précisément la capacité de se fixer des buts et de les poursuivre méthodiquement qui distingue le système d'action des systèmes de non-action, c'est-à-dire des systèmes physique ou biologique.

Comment la forme conceptuelle s'ajuste-t-elle à la structure empirique ? John Searle tente d'y répondre à travers la théorie de l'ajustement.

Nous abordons directement cette question par la logique illocutoire de Searle. Pour rappel, la relation qui réunit le contenu propositionnel p avec la force illocutoire F (impératif, assertif, expressif, performatif, déclaratif, promissif) détermine la manière dont les mots sont censés s'ajuster au monde. Les assertifs, les affirmatifs, les explicatifs ou les descriptifs, s'ajustent selon une direction qui va des mots au monde. Les expressifs (excuses, remerciement, félicitations) se caractérisent par l'absence totale de direction d'ajustement. Les conditions de satisfactions spécifient les exigences d'adéquation auxquelles chaque acte de langage est supposé répondre.

Pour Searle en effet, « la notion clef de la structure du comportement est l'intentionnalité ».797(*) Un état intentionnel - croyance, désir, intention au sens commun- est caractérisé par deux composantes. Tout d'abord ,ce que l'on peut appeler son « contenu »,qui fait qu'il porte sur quelque chose ,puis son « type »,ou son « mode psychologique ». « Le contenu et le type de l'état vont servir à lier l'état mental au monde. Chaque état, en lui-même, détermine les conditions dans lesquelles il est vrai (dans le cas de croyance), dans lesquelles il est exaucé (dans le cas de désir) ou les conditions dans lesquelles il est concrétisé (dans le cas d'une intention) ».798(*)

Ces états ont une caractéristique qui leur permet d'engendrer des événements. Par exemple, si je veux aller au cinéma, et si j'y vais, normalement mon désir va représenter l'événement même qu'il représente : le fait que je vais aller au cinéma. Dans ces situations, il existe une liaison interne entre la cause et l'effet, car la cause est une représentation de l'état même qu'elle provoque. La cause représente et en même temps provoque l'effet ».799(*)

Searle donne à ce genre de causalité le nom de « causalité intentionnelle » et souligne son importance dans l'explication de la structure de l'action humaine. Il revient justement sur la forme de causalité bien différente de la forme traditionnelle de causalité. Il ne s'agit ni de régularités, ni de lois globales, ni de conjonctions constantes. « La causalité intentionnelle est caractérisée par le fait qu'il s'agit d'un état mental qui cause la survenue d'autre chose ».800(*)

La force illocutoire, entendez cet acte de la parole (voeux, souhait, contrat, etc) devient les normes collectives régulatrices. Autrement dit, cette construction est justement pragmatique en ce qu'elle est un acte de la parole ou un acte interprétatif.

John Searle exploite manifestement les limites de la philosophie du langage, notamment l'existence des « actes Intentionnels » (voir Brentano).

Ainsi, pour lui, la double structure du langage (contenu propositionnel et force illocutoire) devait s'appliquer aussi aux attitudes propositionnelles pour rendre les états mentaux tout aussi publics. L'entreprise n'est pas complète ; Searle tente d'exposer les liens entre les actes de langage, les états mentaux et les événements mentaux.

L'application du cadre théorique pragmatico-cognitive à la création de la réalité sociale

John Searle définit la réalité sociale de plusieurs manières, nous nous proposons de partir de la première définition qu'il nous donne dans son livre intitulé La construction de la réalité sociale. La réalité sociale est faite, « des portions du monde réel, des faits objectifs dans le monde, qui ne sont des faits que par l'accord des hommes. En ce sens, il y a des choses qui n'existent que parce que nous y croyons. Je pense, dit-il, à des choses comme l'argent, les propriétés foncières, les gouvernements, et les mariages. J'ai donné, ajoute-t-il, à certains des faits qui dépendent de l'accord des hommes le nom de « faits institutionnels », par contraste avec les faits non institutionnels ou « bruts » ».801(*) Le fait institutionnel est un terme qui est déjà utilisé plus de trois décennies avant par lui-même dans son livre Les actes de langage.

Commençons par la question principale  de la théorie sociale de Searle, celle qui consiste à savoir comment nous créons la réalité sociale à partir des actes de langage en tant qu'ils forment les structures élémentaires de la réalité. Ici, nous effleurons déjà son structuralisme. Il s'agit justement des réalités sociales telles que l'argent, le mariage, la propriété, l'activité de recrutement, de renvoi, la guerre, les révolutions, les soirées mondaines, les gouvernements, les réunions, les syndicats, les parlements, les corporations, les lois, les restaurants, les congés, le fait qu'il y a des avocats, des professeurs, des médecins, des chevaliers médiévaux et des impôts, etc.802(*)

La réponse c'est que, selon John Searle, nous imposons des fonctions -statuts à des actes de langage. Qu'est-ce qu'imposer une fonction -statut à un acte de langage? En ce qui concerne le mariage par exemple, schématiquement « le fait d'effectuer tel ou tel acte de langage (le terme X) devant une autorité officielle qui préside la cérémonie (le terme C) est compté à présent comme le fait d'être marié (le terme Y). Enoncer les mêmes mots exactement dans un contexte différent (...) ne constituera pas le fait d'être marié. Le terme Y assigne à présent un nouveau statut à ces actes de langage. Les promesses faites durant la cérémonie nuptiale créent un nouveau fait institutionnel, un mariage, parce que, dans ce contexte, faire ces promesses est compté comme être marié ».803(*)

A. La capacité sociale émergente

La construction de ces faits sociaux est comprise comme issue de la capacité émergente, « qu'ont les agents conscients de créer des faits sociaux par l'assignation de fonctions à des objets et à d'autres phénomènes ».804(*) La symbolisation qui est centrale dans la création des faits sociaux est également une capacité sociale émergente de la forme : X compte pour Y dans un contexte C. Ce papier compte pour de l'argent dans les transactions en République Démocratique du Congo, etc.

La création du mariage se fait au point de départ à partir des phénomènes biologiques primitifs, la tendance des hommes et des femmes à s'unir. C'est une imposition des fonctions- statuts à des entités ontologiques, en l'occurrence à des personnes. Cette continuité peut cependant se faire aussi sur des entités auxquelles on a déjà imposé une fonction -statut.

John Searle considère le mariage comme un cas paradigmatique de structure institutionnelle qui appelle une concaténation de création successive des faits institutionnels. Ainsi, pour détailler l'exemple du mariage : émettre certains sons est compté comme prononcer une phrase en français, prononcer une certaine phrase en français est compté dans certaines circonstances comme faire une promesse, ce qui, à son tour, est compté comme souscrire un contrat, souscrire certains contrats étant à son tour compté comme se marier. La cérémonie de mariage crée un nouveau fait institutionnel, le mariage, en imposant une fonction spécifique à un ensemble d'actes de langage. »805(*) Il existe donc une structure hiérarchique dans la création d'un grand nombre de faits institutionnels.

Tentons de comprendre le fait institutionnel d'argent. « S'agissant de l'argent, les statuts ont été imposés à des morceaux de métal et de papier, et leur fonction consiste à servir de moyen d'échange, de réceptacle de valeur, etc. ».806(*) Ici on impose des statuts -fonctions à des entités brutes mais qui impliquent toujours les actes de langage dans la mesure où on y écrit 10 francs congolais ou 500 francs congolais.

Plus explicitement aussi, les « droits de propriété sont habituellement créés par des actes de langage. (...) Supposons que je donne ma montre à mon fils. Je peux le faire en disant « Elle est à toi », « Tu peux en disposer », ou plus pompeusement avec le performatif « Je te donne, par la présente déclaration, ma montre ». J'ai désormais imposé une nouvelle fonction -statut à ces actes de langage, celle de transférer la possession ».807(*)  Ainsi, la propriété «commence par une simple possession physique, (puis) vient se superposer à la possession physique brute d'objets, (...) une structure que nous construisons d'achats et de vente, de legs, de transfert partiel, d'hypothèque, etc. de propriété. Les dispositifs caractéristiques employés sont des actes de langage- titres, actes de vente, certificats d'enregistrement, testaments, etc. ».808(*)

L'assignation de fonction s'opère selon la structure formelle de substituabilité : «  X compte comme Y dans C ». Par exemple, les billets délivrés par l'Hôtel de monnaie congolaise (X) sont couplés comme de l'argent (Y) en RD Congo (C). Il est écrit sur le billet de cinq francs congolais, « cinq francs congolais » parce que c'est l'acte de langage qui confère la fonction -statut. Dans le cas de l'assignation d'une fonction -statut à une réalité ontologique : « La neige est blanche »(S), appelle sa formulation par la phrase elle-même « p ».

B. Grandes catégories et contenu de fonction - statut

De ce qui précède, John Searle représente les fonctions -statuts à travers une taxinomie des faits institutionnels en quatre grandes catégories en tant que l'assignation des statuts -fonctions dans un rapport de pouvoir : « la plupart des créations des faits institutionnels (sinon tous) confèrent précisément des pouvoirs ».809(*) Il y a justement attribution de pouvoir dans les phrases suivantes : Ceci c'est de l'argent, celui-ci est sujet de droit.

En effet, Searle spécifie la nature de ces pouvoirs, « la structure des faits institutionnels est une structure de relations de pouvoirs, y compris de pouvoirs négatifs et positifs, conditionnels et catégoriques, collectifs et individuels »810(*) :

Premièrement, il s'agit des pouvoirs symboliques des signes articulés à l'intérieur des phrases dans la création des significations.

Deuxièmement, il s'agit de l'assignation des fonctions en tant qu'elle est une question de droit, de devoir et de responsabilité, etc. En effet, en imposant la fonction -statut « nous imposons des droits, des responsabilités, des obligations, des devoirs, des privilèges, des habilitations, des sanctions, des autorisations, des permissions ».811(*) Ces pouvoirs dits déontiques positifs et négatifs peuvent être identifiés quand nous analysons les phrases suivantes :

1) Jean a cent mille francs à la banque

Paul est un citoyen français

Clinton est président

Josiane est avocate

Léon possède un restaurant

2) Anne a perdu tout son argent

La fortune d'Ivan en roubles ne vaut plus rien avec l'inflation

Juppé a démissionné, etc.

Enfin pour terminer, nous dirons que les deux derniers types catégoriels des fonctions- statuts sont de modalité du pouvoir lui-même, c'est -à- dire, en premier, celui du statut pour lui-même : l'honneur. Par exemple : Marc a gagné le championnat de France de ski ou McCarthy a été censuré par le sénat américain. En deuxième lieu, des étapes procédurales sur le chemin du pouvoir et de l'honneur. Par exemple : Bill a voté pour Obama ou Barack a reçu l'investiture du parti démocrate pour les présidentielles.

C. Le contenu de la fonction -statut

Après cette analyse de la forme de fonctions -statuts, Searle passe à la question de leur contenu. En effet, il pose la question de savoir : quel est le contenu donné à cette imposition de fonction -statut ?

Le fait de posséder un morceau de papier quelconque n'en fait pas spontanément du papier -monnaie. Il faut qu'un consensus social détermine la nature de la fonction -statut à conférer à l'objet et alors, seulement, les propriétés intrinsèques de l'objet seront dépassées par un mécanisme de symbolisation. Il faut d'abord une interaction : « dans une majorité de cas, le contenu implique un certain mode de pouvoir conventionnel dans lequel le sujet est en relation avec un certain type d'action ou une certaine série d'actions ».812(*) Le contenu appelle une interaction.

Deuxièmement, un système de représentation doit préalablement exister afin de passer de X à Y.813(*)Le contenu est justement la reconnaissance, la croyance, etc. « Il faut de la part des membres de la communauté, un ensemble d'attitudes, de croyances, etc., ce qui nécessite, dit Searle, un système de représentations tel que le langage ».814(*)

En effet, l'assignation de fonction - statut aux choses appelle une reconnaissance collective au sein d'une communauté d'appartenance. Par exemple, les billets en euros (morceaux de papier) délivrés par la Banque centrale européenne (X) constituent la monnaie (Y) au sein des sociétés marchandes qui reconnaissent l'euro (C) ».815(*)

Ainsi schématiquement au niveau du contenu de fonction -statut : « le contenu propositionnel des fonctions -statuts de pouvoir est toujours en partie que816(*) :

(S fait A)

C'est un acte de langage. « Il faut aussi, puisque les caractéristiques physiques spécifiées par le terme X ne suffisant pas à garantir que la fonction assignée s'effectue bien, qu'il y ait une reconnaissance ou un accord collectif continu concernant la validité de la fonction assignée ; sans quoi la fonction ne peut pas bien s'accomplir ». 817(*)A la différence des faits bruts ou d'autres types de faits sociaux, l'existence et la pérennité des faits institutionnels restent tributaire d'une croyance unanimement partagée.

En effet, les fonctions - statut assignées étant détachées de leurs supports physiques, c'est la foi que les individus accordent à l'institution qui permet de l'auto -entretenir. Cela est particulièrement probant pour la monnaie se présentant sous la forme de morceaux de papier. Aussi faut-il entretenir cette acceptation par des indicateurs, un arsenal élaboré de prestige et d'honneur. « Les armées, les salles de tribunal et, dans une moindre mesure, les universités ont recours à des cérémonies, des insignes, des habits d'apparat, des honneurs, des grades, et même de la musique, pour encourager la continuelle acceptation de la structure ».818(*)

En imaginant qu'un individu né il y a trois mille ans remonte le temps jusqu'à notre époque, comment peut-il comprendre de lui-même qu'un morceau de papier sur lequel il est écrit lisiblement « 500 euros» a un pouvoir d'achat immédiat et sans contrepartie sur l'ensemble des biens et services vendus au sein d'une société ? C'est par la reconnaissance sociale qui s'exprime dans les phénomènes respectifs de croyance et de confiance (en tant qu'elle) est essentielle à l'existence et à la continuité des faits institutionnels.819(*) « Pour que le concept argent s'applique à cette chose qui se trouve dans ma poche, il faut que ce soit le genre de chose que les gens pensent être de l'argent. Si tout le monde cesse de croire que c'est de l'argent, il cesse de fonctionner comme de l'argent, et cesse finalement d'en être ».820(*)

John Searle tente maintenant une formulation carrément logique. Etant donné que l'intentionnalité collective est sous-jacente à l'assignation de fonction -statuts et que tout cela se fait par l'entremise de la relation du pouvoir (S fait A), la forme sous-jacente de l'intentionnalité collective serait en partie ceci :

Nous acceptons collectivement, sommes d'accord sur le fait, etc., que (S a le pouvoir (S fait A)).

La forme abrégée est comme suit :

Nous acceptons (S a le pouvoir (S fait A))

Dans la formulation négative par exemple :

Nous acceptons (Il est exigé de S, la personne à qui on délivre X (S paye une taxe pour une période bien spécifiée)821(*).

John Searle fait intervenir une autre notion, celle de la structure formelle de ce pouvoir conventionnel comme une application aux formes de pouvoir. Il prend le modèle sur ce qu'il dit tirer de certains systèmes de logique déontique pour en arriver à la logique « institutionnelle ».

O (p) ssi -P (-p)

(Il est obligatoire que p si et seulement s'il n'est pas permissible que non p.)

Structure parallèle en logique « institutionnelle » serait :

S est habilité à ( S fait A) ss - il est exigé de S (- S fait A) ?

(S est habilité à accomplir l'acte A si et seulement s'il n'est pas le cas qu'il est exigé de S de ne pas accomplir l'acte A.)

Il conclut finalement au fait qu'« il y a exactement une et une seule opération logique primitive présidant à la création et à l'institution de la réalité institutionnelle. Elle a la forme suivante »822(*) : Nous acceptons (S a le pouvoir (S fait A)). Il appelle ceci la « structure de base ». « L'extraordinaire complexité de la réalité institutionnelle dans son ensemble a une ossature simple ».823(*)

D. La théorie de pouvoir déontique négatif

Searle place aussi des choses sous le signe d'une construction négative illustrée par sa théorie de pouvoir déontique négatif. La construction de la réalité sociale peut à ce moment être tout simplement négative. « Par exemple, lorsqu'un employé est viré ou qu'une cour de justice prononce un divorce, dans chacun de ces cas un pouvoir conventionnel préalablement existant est détruit par retrait de son acceptation. Ainsi, « vous êtes viré » est équivalent au retrait du pouvoir conventionnel :

Nous retirons les pouvoirs (vous êtes employé)

Ce qui est équivalent à :

Nous n'acceptons plus (S a les droits et obligations (S agit comme employé)). »824(*)

Notion centrale de l'Arrière- plan chez John Searle

Venons- en maintenant à la notion d'Arrière-plan qui s'assimile au connexionnisme chez John Searle. Il approche sa notion de l'Arrière-plan au paradigme connexionniste : « tout le discours sur l'Arrière-plan, dit-il, est ...en accord avec le modèle connexionniste de la cognition ».825(*)

Le connexionnisme s'oppose au dualisme et au séparatisme entre la corporéité et le cognitivisme, c'est un continuisme. Nous voulons expliquer la notion de l'Arrière-plan par rapport à la conception du constructivisme radical de Francisco Varela. Ce dernier en donne une explication similaire mais relativement plus détaillée. Varela affirme que « lorsqu'on réexamine la connaissance et la cognition, le meilleur qualificatif est, me semble-t-il, dit-il, abstraite : rien ne caractérise mieux les unités de connaissance jugées les plus « naturelles ». (...) Les disciplines qu'on regroupe sous le nom de sciences de la cognition acceptent peu à peu l'idée que les choses ne se présentent pas du tout de cette façon, et, d'autre part, qu'un changement paradigmatique ou épistémologique radical se développe rapidement. On trouve au coeur même de cette opinion naissante la conviction que les connaissances sont essentiellement concrètes, incarnées, vécues ».826(*) C'est l'idée même de l'Arrière-plan.

Il y a continuité des processus dans le mécanisme de la vision ou une scène de vision prise comme système «  une mosaïque de modalités visuelles, parmi lesquelles on comptera au moins la forme (contour, dimensions, rigidité), les propriétés superficielles (couleur, texture, réflexion spéculaire, transparence), les relations spatiales tridimensionnelles (position relative, orientation tridimensionnelle dans l'espace, distance) et le mouvement tridimensionnel (trajectoire, rotation) ».827(*)

« Les leçons importantes ... (ce sont qu'il y a) connexions entre les comportements, (...) l'intelligence doit être cherchée dans les schémas de comportement plutôt que dans la connaissance individuelle. »828(*) Par exemple «lorsque nous allons pour la première fois dans un pays étranger, il y a une absence très nette de disposition à agir et de micromondes récurrents. Beaucoup d'activités simples comme converser ou manger, doivent être apprises. En d'autres termes, les micromondes / micro-identités sont historiquement constitués ».829(*) Finalement « la cognition dépend des expériences qu'implique le fait d'avoir un corps doté de différentes capacités sensori -motrices ; ces capacités s'inscrivent dans un contexte biologique et culturel plus large.»830(*) L'Arrière-plan est profond et local.

L'Arrière-plan inclut les registres suivants : l'Arrière-plan profond qui comprend « toutes les capacités qui sont communes à tous les êtres humains normaux sur la base de leur équipement biologique : les capacités de marcher, manger, tenir un objet, percevoir, reconnaître, la position préintentionnelle rendant compte de la solidité des choses, l'existence indépendante des objets et d'autrui. Puis ce qu'on pourrait appeler l'Arrière-plan local » ou les « pratiques culturelles locales », qui comprendraient des choses comme ouvrir les portes, se verser à boire, ou la position préintentionnelle que nous prenons face à des choses comme les voitures, les réfrigérateurs, l'argent ou les dîners en ville ».831(*)

Dans le même ordre d'idée « dans la cognition vécue, les processus sensoriels et moteurs, la perception et l'action, sont fondamentalement inséparables (c'est le connexionnisme) et qu'ils ne sont pas simplement liés de manière contingente comme des couples entrée-sortie ».832(*) En fait « le point de départ n'est plus un monde préexistant, indépendant du sujet percevant, mais la structure sensori-motrice de l'agent cognitif, la manière dont le système nerveux relie les aires sensorielles et motrices. C'est cette structure -la manière dont le sujet percevant s'incarne- et non un monde préexistant qui dicte comment le sujet percevant peut agir et être influencé par l'environnement ».833(*)

Le connexionnisme s'explique en deux temps : l'espace de codage et l'apprentissage neuronal. Les notions les plus importantes au niveau de l'espace de codage sont métaphoriquement les suivantes : les positions, les dimensions et les valeurs. Les positions représentent, par exemple, les quatre récepteurs sensoriels du goût qui se trouvent sur la langue ou dans l'exemple d'une scène visuelle, les « récepteurs » capables de coder la forme des visages, et qui développent des dimensions de l'objet codé respectivement et diversement pour arriver à une configuration holistique globale. C'est donc une architecture distribuée. Il y a traitement de l'information non centralisée, mais parallèle et distribuée.

Pour parler comme Francisco Varela, mise à part le jugement rationnel, l'action cognitive de l'homme est fragmentaire et truffée des ruptures et des micro -mondes. « Lorsque nous nous asseyons à table avec un parent ou un ami, nous disposons immédiatement de tout un savoir-faire complexe- manipulation des couverts, position du corps, pauses dans la conversation- sans avoir à réfléchir ».834(*) Ces explications de Varela suggèrent bien sûr la notion searlienne de l'Arrière-plan des capacités et de dispositions.

Pour Francisco Varela, « nous sommes habitués au mode causal traditionnel du type entrée -traitement -sortie. Rien ne suggère que le fonctionnement du cerveau soit analogue au traitement séquentiel de l'information ; ce type de description informatisante commune ne correspond pas du tout à la nature réelle du cerveau ».835(*) Il s'agit d' « une entrée douée de sens et une sortie qui l'est aussi ,mais où, entre les deux ,il y a aucune étape de traitement symbolique ;il y a plutôt une série tout simplement de noeuds avec différentes forces de connexions entre eux, et des signaux qui passent d'un noeud à l'autre ,et finalement des changements dans les forces de connexion qui donnent la bonne mesure entre les entrées et le sorties ,sans qu'intervienne, dans l'intervalle, le moindre ensemble de règles ou des principes logiques ».836(*) Nous avons expliqué cette notion parce qu'il est crucial dans le dispositif explicatif de Searle.

Cette analyse de l'Arrière-plan est reconstruction, chez Searle, du point de vue du langage. Reprenons les exemples de la compréhension du sens littéral pour l'expliquer :

Le Président a ouvert la séance

L'artillerie a ouvert le feu

Pierre a ouvert un restaurant

« Supposons qu'à l'ordre « Ouvrez la porte » je me mette à faire des incisions dans la porte avec un bistouri, ai-je ouvert a porte ? Autrement dit, ai-je obéi littéralement à l'ordre littéral « Ouvrez la porte » ? Je pense que non. L'énonciation littérale de la phrase « Ouvrez la porte » exige, pour être comprise, quelque chose de plus que le contenu sémantique des expressions qui la composent et les règles de leur combinaison en phrase. (...) Ainsi, affirme Searle, ce que j'ai tenté de faire jusqu'ici, c'est de montrer que comprendre c'est autre chose que saisir un sens, car, sommairement, ce que l'on comprend va au-delà du sens. »837(*) Ici « chaque phrase de la (...) liste est comprise avec un réseau d'états intentionnels (i.e. croyances et actions) et sur fond d'un Arrière-plan des capacités et des pratiques sociales »838(*). Ansi « l'Arrière-plan est une precondition de la représentation. »839(*) Aussi, « si la représentation requiert un Arrière-plan, il n'est as possible que l'Arrière-plan consiste lui-même en représentations sans engendrer une régression à l'infini ».840(*)

Ce qui est intéressant est le fait que « la thèse de l'Arrière-plan de Searle peut être entendue des contenus sémantiques aux contenus intentionnels en général. (Ainsi) tout état intentionnel ne fonctionne , c'est-à-dire ne détermine des conditions de satisfaction que sur fond d'un ensemble d'aptitudes, de dispositions et de capacités d'Arrière-plan qui ne font pas partie du contenu intentionnel et ne sauraient être incluses comme une partie du contenu ».841(*)

L'analyse sémantique des énoncés ne peut être séparée de celle des actes d'énonciation, car leur portée « agissante » est une propriété structurelle du langage. La sémantique porte sur le rapport conventionnel qui relie ce que dit la proposition, son sens, et ce sur quoi elle porte, sa référence, alors que la pragmatique renvoie aux pratiques et aptitudes collectives ainsi qu'aux contraintes contextuelles qui régissent la production des énoncés. Ainsi, la logique dite « illocutoire », tout en s'occupant des états mentaux aussi bien que des états langagiers, est transcendantale au sens d'Emmanuel Kant : elle détermine les conditions possibles de succès des énonciations ou les conditions de vérité.

Du programme théorique de John Searle

Le projet de Searle que nous examinons est celui de la totalisation interdisciplinaire des sciences sociales comme le fait Jürgen Habermas o Cheick Anta Diop. Un tel projet est la tâche majeure qu'il assigne explicitement à la philosophie aujourd'hui.842(*) Il s'agit d'apporter au cadre théorique existant- principalement d'une philosophie de la conscience ou de l'être - des éléments de précision en ayant recours à des approches complémentaires empruntées aux « approches concurrentes » des sciences sociales complémentaires.843(*) Nous pouvons dire que Searle fait appel à sa manière aux approches structuralistes, socio-évolutionniste, fonctionnaliste et systémique, pour compléter l'approche pragmatique avant de les dépasser à leur tour en s'appuyant sur le cognitivisme pour définir enfin sa propre perspective.

L'optique analytique de John Searle se comprend à travers une double conception, c'est une fois de plus sa stratégie argumentative, à la suite de deux tendances de la philosophie du langage - que l'on comprend par rapport aux deux types de travaux de Ludwig Wittgenstein -844(*). Il réfléchit de ce point de vue à cheval entre la philosophie du langage formalisé et la philosophie du langage ordinaire. Dans l'optique de la philosophie du langage ordinaire, nous avons vu que sa théorie va de la sémantique à la pragmatique en passant par l'intentionnalité, pour les phénomènes sociaux. Searle tente de fonder justement la révolution pragmatico -linguistique par la philosophie intentionnelle des états mentaux.

Le programme théorique intégratif de Searle est fort large, il atteint le paradigme constructiviste radical issu de la biologie de connaissance de Francisco Varela et d'Umberto Maturana. C'est en fait un ensemble des programmes « non anthropocentriques », c'est-à-dire qui ne partent pas spécialement de l'homme, mais des règnes biologiques en général. A ce titre ils dépassent et englobent les deux paradigmes philosophiques : le double paradigme anthropocentrique de la philosophie du sujet et celui du langage. C'est en cela qu'il est intéressant. A propos, formulés de cette manière leurs points de vue supposent l'idée actuelle selon laquelle la nature de l'homme est avant toutes choses biologique au lieu d'être culturelles. Cette position appelle pour John Searle au dépassement d'une philosophie du langage vers le constructivisme biologique. Mais est-ce que ce modèle est auto-transcendant ? C'est sera notre critique.

Le nouveau programme de recherche de Searle amorcé dans la décennie quatre vingt est intentionnaliste, pragmatique, non anthropocentrique et biologique. Au point de vue de ce genre de recherche qui s'ambitionne d'être globale, Searle affirme à juste titre ce qui suit : « la théorie de l'esprit que j'ai essayé de développer constitue pour une bonne part une tentative de réponse à cette autre question : comment une réalité mentale, un monde de conscience, d'intentionnnalité, et d'autres phénomènes mentaux, s'ajustent -ils à un monde entièrement constitué de particules physiques dans un champ de force ? ».845(*) Le programme de « naturalisation » qui englobe les phénomènes physique, chimique et biologique.

D'où pour Searle l'émergence des questions qui guident son programme de recherche en sciences humaines : « les caractéristiques les plus fondamentales de ce monde sont celles que décrivent la physique, la chimie et les autres sciences de la nature. Mais l'existence de phénomènes qui ne sont pas de manière évidente physique ou chimiques est source de perplexité : comment, par exemple, des états de conscience ou des actes de langage doués de signification peuvent -ils bien faire partie du monde physique ? ».846(*)

Consécutivement à la théorie de l'esprit Searle développe la question sociale qui fait suite au même projet constructiviste dans son « livre intitulé : La construction de la réalité sociale- qui étend la recherche à la question de savoir  : comment peut-il y avoir un monde objectif d'argent ,de propriétés foncières, de mariages, de gouvernement, d'élections, de matches de foot ball , de soirées mondaines, et de cours de justice, dans le monde entièrement constitué de particules physiques dans des champs de force, et dans lequel certaines de ces particules s'organisent en des systèmes qui sont des animaux biologiques, conscients, tels que nous ? »847(*) Le constructivisme searlien saisit du point de vue de l'observateur la réalité sociale comme des faits émergents du langage, et en tant que telle cette réalité ressort d'une subjectivité ontologique et d'une objectivité épistémologique. L'objectivité de la réalité sociale étant tout simplement épistémique.

John Searle est l'un des philosophes analytiques qui présentent aujourd'hui une vision des faits institutionnels et de la réalité sociale comme des faits émergeant du langage ; il tente de montrer aussi comment la « conscience » est un fait émergeant de la biologie. Ainsi, de proche en proche le biologique fonde les faits mentaux, les faits mentaux fondent le langage, le langage fonde la réalité sociale.

John Searle considère qu'il doit y avoir une continuité entre le biologique (les actes mentaux : désir, croyance, intention, action) et le culturel (le langage). Il postule donc une construction biologique de la réalité sociale. Il restaure donc trois paliers : le biologique physico-chimique, les actes mentaux et la réalité sociale (langage et culture). Il essaie de refonder les acquis de la philosophie du langage à partir de ce que nous appelions la philosophie de l'esprit en cherchant les conditions de possibilité de nos pratiques linguistiques.

Justement, John Searle tente de reconstruire et de refonder la philosophie du langage (spécialement, son livre Les actes de langage)à partir d'un arrière-plan biologique ou de ce qu'il convient d'appeler la philosophie de l'esprit ou tout simplement de la biologie de la connaissance. Nous verrons qu'après les actes de langage en 1972(1969), Searle écrit successivement Du cerveau au savoir, Hermann, 1985(ce livre contient le point de vue constructiviste détaillé de Searle) ; L'Intentionalité : essai de philosophie des états mentaux, 1985 ; La redécouverte de l'esprit, Gallimard, 1992 ; Déconstruction ou Le langage dans tous ses états, 1992 ; Mind, language and society: philosophy in the real world, 1998; La construction de la réalité sociale, 1998. Pour Searle, c'est une étude programmatique qui doit s'achever en une présentation des fondements des Actes du langage.

Pour John Searle, « il faut abandonner une fois pour toutes les idées que les sciences sociales sont dans le même état que la physique avant Newton, et qu'il nous faut un ensemble de lois comparables à celles de Newton et applicables à l'esprit et à la société ».848(*) En effet, continue -t-il, «  dans cette discussion sur cette discontinuité radicale qui existe entre les sciences sociales et les sciences naturelles, l'étape la plus importante repose sur le caractère mental des phénomènes sociaux ».849(*)

John Searle, comme la philosophie américaine dans son ensemble, qualifie lui-même sa thèse de « naturalisme biologique », en ce qu'elle postule un certain nombre des caractéristiques biologiques. Le naturaliste ne postule pas la conscience comme un phénomène purement mental au sens du dualisme de René Descartes. « Dans le cas du problème du rapport esprit / corps, nous étions gêné, affirme Searle, par une fausse présupposition qui se manifeste au niveau de la terminologie dans laquelle nous posons le problème. La terminologie du mental et du physique, du matérialisme et du dualisme, de l'esprit et de la chair, contient une présupposition fausse faisant de ces notions des catégories de la réalité réciproquement exclusives l'une et l'autre -dans une telle perspective, nos états conscients en tant que subjectifs, privés, qualitatifs, etc. ne peuvent être des propriétés physiques, biologiques, ordinaires de notre cerveau. (...) Tous nos états mentaux sont causés par des processus neurobiologiques se réalisant à un niveau supérieur ou systématique ».850(*) Tout s'explique par la Nature, d'un point de vue onto-théologique sous -jacent à notre hypothèse une telle position est gravement réductrice.

Les états mentaux supérieurs (la conscience, l'esprit (the mind)) sont des phénomènes émergents. Searle va aussi montrer dans cette optique comment la réalité sociale forme un ensemble des faits émergents.

Lorsque Searle parle « des systèmes qui sont des animaux biologiques, conscients »851(*), il utilise un concept commun entre autre avec des auteurs aussi divers que le constructivisme radical de Houmberto Maturana et de Franscisco Varela, et spécifie justement quelques caractéristiques, notamment : « les limites des systèmes (...) fixés par des relations causales »852(*) et le caractère internaliste du système.  En ce sens « les phénomènes mentaux sont causés par des processus neurophysiologiques cérébraux et sont eux-mêmes des caractéristiques du cerveau ».853(*) A propos de la conscience, Marc Measschalck voit bien quand il affirme à ce sujet le fait que le « savoir n'est donc pas dépendant d'un « hors de soi »».854(*)

Nous dirons en plus que l'extension des capacités biologiques plus fondamentales des systèmes vivants doués de conscience ne sont rien d'autre que l'Intentionnalité ou cette capacité de renvoyer à quelques choses dans le monde.

Cette capacité renvoie par delà le biologique au culturel et donc à une approche pragmatique : « la capacité qu'ont les actes de langage de représenter les objets et les états de choses du monde est une extension des capacités biologiquement plus fondamentales qu'a l'esprit (ou le cerveau) de mettre l'organisme en rapport avec le monde au moyen d'états mentaux tels que la croyance ou le désir, et en particulier au travers de l'action et de la perception ».855(*)

Consécutivement à cela, ajoutons que le concept de mise en rapport ou de l'ajustement (ou d'adaptation) des systèmes est, du point de vue constructiviste, un concept central ; il est au centre de la logique illocutoire de Searle que nous avons développée.

CHAPITRE DIX-HUITIÈME :

LES PRÉSUPPOSÉS ONTOLOGIQUES DE L'ACTION SOCIALE ET DES SYSTÈMES : LA VISION SOUS-JACENTE

Les deux visions des sciences sociales s'élaborent à partir des lois qui régissent la réalité sociale. La position réaliste défend le modèle classique de la science et postule plus ou moins explicitement l'existence d'un ensemble des lois immuables, c'est-à-dire un ordre sous-jacent en tant qu'a priori incontournable ayant un impact déterminant sur le fonctionnement de la réalité sociale. L'enjeu ici, c'est que cette option peut conduire au réalisme naïf.

A l'opposé, le conventionnalisme postule le fait que ce seraient les êtres humains et non les lois de la nature qui feraient que la réalité soit telle qu'elle est et qu'elle fonctionne comme elle fonctionne en se fondant notamment sur leur propre langage. Les structures symboliques composent la réalité, les individus contribuent à « construire » le monde dans lequel ils vivent, un monde en quelque sorte « négocié » collectivement de manière plus ou moins délibérée et ayant un sens pour eux.  La position conventionnaliste postule le fait que, ce que nous appelons  « réalité » est en fait toujours le produit d'une élaboration symbolique et n'a aucune existence indépendante des catégories et des conventions propres à un imaginaire ou un discours social donné, y compris le discours scientifique. C'est le constructivisme ontologique.

L'enjeu ici est que, l'on applique au « discours » scientifique, le principe conventionnaliste ou constructiviste qui conduit tout droit au relativisme consistant à traiter l'activité scientifique essentiellement comme une « culture », c'est-à-dire un ensemble des conventions et de présupposés partagés par les chercheurs d'une société et d'une époque. Dans cette optique le thème de la « construction sociale de la réalité sociale »fait partie de l'a priori disciplinaire et peut donc dire que finalement, tout est construit, y compris les quarks en tant que constituants fondamentaux de la matière en micro physique, qui sont une convention admise par eux et qui ne renvoient à aucune « réalité » existante indépendamment des concepts scientifiques et de l'esprit humain. La question de la construction de la réalité socialedébouche finalement sur le débat de la relativité de la connaissance et sur le relativisme culturel.

La réalité sociale revêt un certain nombre des caractéristiques : ils ne peuvent être saisis en eux-mêmes, sinon par l'entremise des représentations ; ainsi le savoir des sciences sociales n'est jamais totalement dégagé de son objet et l'évolution de la vision de la « réalité sociale » a accompagné l'édification des sciences sociales.

La construction de la réalité sociale est un programme qui reconstruit les sciences sociales et humaines classiques à partir de ces postulats. Cette reconstruction est menée sous les auspices de ce qu'il conviendrait d'appeler aujourd'hui l' « ontologie sociale », en tant qu'étude des principes d'émergence et du mode d'existence de la réalité sociale. L'ontologie sociale est aussi ce que nous appelons volontiers la « cosmogonie sociale » en tant que discours sur les présupposés d'une métaphysique pratique démarquée de la surdétermination d'une métaphysique formelle universitaire. Cette activité scientifique est entrain d'envahir les sciences sociales. Le motif, ce qu'il s'agit de tenter de cadrer théoriquement plus adéquatement le changement continuel et profond de la réalité sociale. Il s'agit au demeurant, du point de vue de la philosophie, d'une préoccupation fondatrice et ancienne en philosophie.

Pour échapper au piège d'engluement soit à l'empirisme soit à l'idéalisme, il faut s'engager avec lucidité et discernement dans une démarche qui, tout en reconnaissant que le monde est donné, mesure à sa juste valeur l'autonomie et le pouvoir reconstructeur de la raison humaine. C'est la démarche intégrative que John Searle justement propose.

Tous les fondateurs des sciences sociales partagent une vision philosophique des fondements, de mode de création, des propriétés et de l'existence de la « réalité sociale ». Cette vision s'étend en droit, en sociologie, en anthropologie, en ethnologie, en sciences économiques, en sciences politiques, en relations internationales, en sciences de la communication, etc.

Les perspectives de refondation, de réévaluation, de rénovation, de redéfinition de la « réalité sociale » africaine, comme par ailleurs le projet de rénovation en général renvoient à une problématique philosophique pérenne de l'Etre et du Devenir. La philosophie pérenne, pour le cas de la redéfinition, de l'émergence et de l'effondrement de la « réalité sociale », demande de pratiquer le modèle d'analyse mettant la philosophie du Devenir au coeur de l' « ontologie sociale ». Signalons que la question des principes d'émergence de la réalité sociale intègre celle de son maintien.

Ces perspectives concernent le conflit entre le réalisme et le constructivisme comme visions ontologique et épistémologique du réel social. Et comme plus d'une théorie et de concepts opératoires en sciences sociales se réfèrent à la philosophie de la Nature, la rénovation emprunte sur cette question les voies qui amènent au conflit théorique entre le réalisme et le constructivisme, et à la philosophie de la Nature.

La reforme des sciences sociales a de façon générale une triple dimension : elle concerne premièrement les concepts et théories des sciences sociales qui sont des lunettes au travers desquels le chercheur rend compte des phénomènes sociaux ou de la réalité sociale ; elle table deuxièmement sur les démarches, les méthodes et les techniques en tant que dispositifs de production de connaissance ; et enfin elle s'occupe de la définition de la « réalité sociale » elle-même à laquelle est appliquée la dichotomie réalisme/constructivisme.

A la question théorique et conceptuelle de reconstruction de cette problématique, un des concepts centraux de notre propre hypothèse et de notre reconstruction est justement le concept africain de kheper, une notion familière en philosophie qui renvoie à des traditions africaines à la loi de la transformation du Devenir, notion que nous trouvons dans plusieurs traditions philosophiques. Dans le contexte de cette discussion, ce concept de Kheper est reconstruit en philosophie depuis les présocratiques en passant par René Descartes et Friedrich Leibniz jusqu'aux sciences sociales classiques avec Emile Durkheim et bien d'autres penseurs. Cette reconstruction théorique chez Emile Durkheim, un des fondateurs des sciences sociales, se fait par exemple au moyen d'un concept qui lui est dérivé, celui de l'hylémorphisme du Stagirite, il fonctionne comme un dispositif central de son livre intitulé Les Règles de la méthode sociologique.

En sciences sociales, plusieurs images du monde sont analysées : le scarabée ou kheper, ou encore la version occidentale de l'hylémorphisme, qui sont opérationnalisées dans le modèle de Tout et ses parties, de système et d'action, de la structure et de l'agent, etc. Les images déterminent l'action sociale. Les chercheurs analysent la notion de l'action sociale à partir de différentes visions sur leur nature ontologique. Les images mythiques du monde s'inscrivent dans le processus de rationalisation pour engendrer les sciences modernes. A l'arrière-plan restent la question de la « pensée magique » comme présupposé de ces images mythico-religieuses. Habermas reconstruction sans convaincre cette problématique par le postulat piagetien du passage de contenu à la forme de pensée (l'opérationnalité du formalisme), à l'émergence de la conscience moderne pour spécifier l'occident. C'est la même visée primitiviste.

Disons brièvement que l'on s'intéresse au Tout comme chez Emile Durkheim quand on met en scène le système, la structure ou l'ordre social. Cette structure peut être associée au phénomène de langage et de connaissance (constructivisme) ou au phénomène de l'information (cybernétique), etc. Mêmement on s'intéresse aux Parties, aux agents, aux acteurs ou aux individus sous l'angle des approches actionniste ou intentionnaliste. Les deux pôles sont toujours liés. La théorie de l'habitus est intermédiaire entre la structure et les éléments.

A propos des théories de l'action, entre les sciences sociales et la philosophie, il faut distinguer la différence, par exemple, qui existe entre les théories sociologique de l'action et philosophique de l'action. « La première présuppose ce que la seconde thématise, et principalement l'élucidation de la structure propre à l'activité finalisé (et celle des notions corrélatives de capacité d'agir et du choix rationnel). La théorie sociologique de l'action se désintéresse des problèmes fondamentaux que sont les problèmes du libre arbitre et de la causalité, celui du rapport de l'âme et du corps, de l'intentionnalité, etc., objet aussi bien de l'ontologie, de l'épistémologie et de la théorie du langage.856(*)Le programme épistémologique chez Jürgen Habermas reconstruit le Tout à partir d'une totalisation concrète, non seulement formelle , mais phénoménologique de monde vécu. Les autres approches déconstruisent aussi le Tout avec le postulat de la détotalisation. A partir de l'hypothèse de la détotalisation, il semble aujourd'hui difficile de maintenir la sociologie au niveau de son présupposé essentiel de la primauté de la totalité quand on voit comment se développent les approches actionnistes ou constructivistes qui sont fondées sur les Parties.

Il y a donc plusieurs variantes : la théorie actionniste du choix rationnel en sciences économiques classiques, des approches intermédiaires fondées sur l'entre deux (tout et parties) , telles que l'approche bourdieuéenne de l'Habitus ou searlienne de back ground, ou l'approche habermacienne de la communication ,et parsonienne du « monde vécu ». La reconstruction du pôle individuel part des Parties à proprement parler en s'articulant avec le pôle de l'ordre social ou de la primauté de la totalité. Tout ceci provenant du modèle général de Tout et de ses Parties.

Les grands fondateurs des sciences sociales modernes reconstruisent tous de manières différentes à travers leurs approches les principes de base. En philosophie le modèle équivaut à l'ontologie, c'est-à-dire à la notion du Devenir, au concept grec d'apeiron d'Anaximandre, de l'hylémorphisme de Stagirite et au concept égyptien de Kpr (Kheper).857(*) - cette architectonique théorique fonde les sciences sociales classiques modernes et contemporaines. Il ne serait pas possible que les sciences sociales soient coupées de la philosophie dans la tradition française et belge (Jean Copans).

L'approche pragmatico-cognitive ne déconstruit pas ce programme, il le reconstruit ou l'enveloppe au point de vue de la double approche linguistico-pragmatique et cognitiviste. Ce qui est remarquable c'est que nous avons tout ensemble dans ce programme, les états mentaux et les actes de langage comme support de la représentation de la réalité sociale ; ce qui ne manque pas de renvoyer à son projet actuel qui tend à mettre ensemble : le langage, l'action et l'esprit.

A la question théorique de l'icône, du concept , de signe ou du symbole qui nous permet de lire le projet pragmatico-cognitif, il faut dire que le naturalisme biologique dans lequel il baigne est le type de philosophie où la Nature est celle que découvre la science positive et non la métaphysique. Tout est expliqué par la Nature et la théorie évolutionniste ; d'où la récurrence des questions liées au naturalisme biologique. L'icône ressemble au mode de reproduction de la symbolique de « scarabée égyptien » qui exprime le Devenir et le sacré. Le scarabée illustre le Devenir en ce que pour se reproduire, il dépose son larve dans une bouse qu'il enroule. Après une certaine période, sort un autre scarabée adulte. D'où, la conscience apparait suite à un processus physicaliste et connexionniste du processus neurobiologique et des relations synaptiques. L'esprit dans la Nature soit y oeuvrer soit apparait à un certain niveau. Le dépassement se fait pour nous au moyen de la dimension de sacré qui est laissé de côté dans ce type de naturalisme.

Le constructivisme pragmatico -cognitif doit être un programme a priori dans un contexte de l'anthropologie naturelle, sociale et onto- théologique auquel on fait recours, qui prend en compte théoriquement  les concepts centraux suivants : la matière, la forme, le langage, la parole, les actes de langage pour être précis, les états mentaux tels que le désir, l'intention, la conscience, et enfin le divin.

Notre effort quant à la méthodologie que nous utilisons, consiste à remonter l'approche pragmatico-cognitif au sens de la démonter afin de la recomposer avec l'objectif unique d'atteindre, si cela est possible, le but que la théorie se serait assigné : la domination. Ceci permettrait, ipso facto, d'en donner l'explication au moyen d'une analyse des présupposés sous -jacents anthropologiques et une réflexion plus nourrie qui, pour nous, vise aussi le renouveau théorique des présupposés en sciences sociales et humaines, spécialement en Afrique. Avant même de procéder à une reconstruction de l'approche théorique à travers ses schèmes généraux, ses concepts principaux, il est logique de dire les problèmes que ces concepts centraux posent. Ils ne sont pas créés ex-nihilo.

L'état de la question, la problématique et l'hypothèse ainsi esquissées peuvent déjà laisser percevoir le plan ou les étapes de notre reconstruction. Celle-ci comporte quelques axes importants : le débat sur les problèmes des sciences sociales dans le monde et en Afrique, et la demande de leur réévaluation et de leur reforme. Mettre en exergue les promesses de la théorie de la construction sociale. Présenter la contribution du constructivisme pragmatico - intentionnelle. Dégager la portée de l'oeuvre pragmatico - constructiviste tout en montrant ses limites. Esquisser les perspectives de dépassement des écueils de la théorie constructiviste.

De « Scarabée sacré » à Une bible noire : le problème de mentalité magique et la valeur des principes logiques de l'analogie et de contraste

Jürgen Habermas a semblé montrer, ce qui est faux, les limites d'une pensée magico-mythique en la reconstruisant avec l'émergence de la conscience des temps modernes européens en remplaçant le contenu par la forme de la pensée. Au niveau préopératoire de l'enfant on ne pense pas encore l'abstrait et le formelle (Jean Piaget), c'est le niveau mythique de l'ethnophilosophie. Pourtant, les mythes ne sont pas à évacuer mais à interpréter (Tshiamalenga Ntumba). Toute la science occidentale n'a pas évacué la pensée mythico-religieuse de la science. Heisenberg s'y est essayé sans succès en physique théoriques, d'où le postulat tenace de relations d'incertitudes. C'est le niveau de temps moderne place la pensée formelle toute puissance au point de départ de l'action moderne. L'Afrique en serait dépourvue. C'est l'épineuse question de standardisation et de la normalisation (de la mesure) des savoirs traditionnels en Afrique (savoir médical non normé).

Les sciences modernes, les mythes et l'astronomie sont -ils des savoirs incommensurables ? Dans la négation, il ne serait pas plausible de penser qu'un type de savoir est supérieur à l'autre. L'argument que nous développons ici rejoint aussi la discussion à propos de principe de cadres de référence en sciences ou de schème conceptuel de mémoire culturelle. Son essai de dépassement est une thèse qui présente le principe de la structure analogique des savoirs.

Le constructivisme dans les domaines de l'anthropologie de la santé et de l'anthropologie des représentations

Yannick Jaffré et Jean Pierre Olivier De Sardan ont écrit et dirigé un livre intitulé La construction sociale de la réalité des maladies, entités nosologiques populaires en Afrique de l'ouest, ce livre partage « l'espace théorique commun au champ de l'anthropologie de la santé et au champ de l'anthropologie des représentations. Dans cet espace scientifique, affirment les auteurs, elle peut représenter une solution possible (parmi d'autres) à certains problèmes plus généraux, qui jusqu'ici ne nous semblent pas avoir été traités de façon satisfaisante ».858(*) La sociologie et l'anthropologie des catégories sont un des grands noyaux de développement actuel de l'analyse cognitive du social. Les catégories sont supposées former entre elles une totalité culturelle qu'on doit envisager dans les relations, notamment causales, avec les autres touts sociaux (et, tout spécialement, comme projection de la structure sociale), mais ce pourrait être aussi, comme chez Whorf et Sapir, de la projection de la structure de la langue.

L'étude porte sur des «  bribes de discours médical reintépreté que se construisent les représentations populaires ».859(*) Nous pouvons dire qu'ils partagent avec La pragmatique cognitivisme le point de départ théorique qui consiste à analyser le langage.

Ce qui nous intéresse ici, c'est le changement d'attitude ethnologique sur un domaine de cette recherche vital. A la postface du livre les auteurs affirment justement que l'ouvrage partage des choix théoriques communs, notamment le refus d'une ethnologie passéiste. La méthode utilisée est celle de la description des sémiologies populaires. « Dans chacune des langues considérées, les locataires recourent à un stock déjà constitué de mots pour dire leurs maux, leurs corps, leurs maladies, leurs traitements ».860(*) Les chercheurs s'occupent des « entités nosologiques populaires », ces maladies de sens commun Peul, Songhay- Zarma, Bambara, etc., (ils s'intéressent à  « la façon dont les symptômes morbides étaient perçus, exprimés, et organisés par les principaux intéressés ».861(*)

L'avis porté sur les sciences sociales, c'est que contre ces dernières, les auteurs affirment « la nécessaire cohésion du langage de description en sciences sociales qui se transforme souvent en une cohérentisation abusive des référents empiriques sur lesquels il porte, (...) la rationalité propre au langage savant ne devait pas être confondu avec celle dont font usage les acteurs en situation ordinaire ».862(*)

Contre le concordisme, la confusion des langages et l'isomorphie logico- philosophique, disons plus simplement à la suite de la thèse de Wittgenstein II, qu'aucun langage n'est descriptif, tout langage est toujours constructif. Le langage formel construit ses propres êtres, les autres langages des sciences construisent le monde, Dieu ou la société.

Là où nous relativisons les auteurs, c'est quand ils affirment le fait « qu'il n'y a pas en Afrique, à notre connaissance, de « médecine savante » traditionnelle, les spécialistes populaires que sont les « guérisseurs » (faisant traditionnellement un large usage des plantes) ne recourant nulle part à un corpus stabilisé et standardisé de savoirs organisé (du type médecine chinoise ou indienne. (...) il faut bien admettre, après examen attentif fait par chacun d'entre nous dans les cultures ici considérées, que nulle part n'existe de théories des rapports entre ces rapports, entre ces couples, fonctionnelles ou philosophiques (à l'image des théories grecques ou chinoises), et que leurs usages sont variables, non stabilisés, et largement allusifs ».863(*)

Ils ajoutent : « nous n'avons pas rencontré trace à travers nos parcours de recherche sur les entités nosologiques populaires, de grandes constructions théoriques indigènes. Ni de vastes systèmes classificatoires. (...) Chaud/ froid, humide / sec, amer/ doux sont des couples couramment utilisés dans toutes les langues où nous avons travaillé. »864(*) Justement, cette opération est fondamentale. Intellectuellement nous classons et opérons des distinctions de base (masculin /féminin, classes d'âges, etc.), qui à leur tour configurent ou construisent la vie quotidienne. Ce point de départ est la façon de comprendre cette phrase de Bourdieu : « les agents sociaux que le sociologue classe sont producteurs non seulement d'actes classables mais aussi d'actes de classement qui sont eux-mêmes classés ».865(*) C'est ce que Bourdieu appelle l'activité structurante des agents. C'est un mode de connaissance géométrique souvent incorporé et qui se reproduit socialement.

Pierre Bourdieu tente de donner la genèse des structures sociales et des classifications. Toutefois, il se démarque d'une analyse de John Searle rivée sur la pragmatique du langage ou d'une pragmatique de l'esprit en tant qu'essai d'une philosophie des états mentaux. Pour lui, du moins à un certain niveau, les unités minimales qu'ils dégagent fonctionnent en deçà de la conscience et du discours, pour autant que le discours n'implique pas la pratique (l'acte). « La connaissance pratique du monde social (...) met en oeuvre des schèmes classificatoires (ou ,si l'on préfère ,des « formes de classifications »,des « structures mentales »,des « formes symboliques »,autant d'expressions qui,si l'on ignore les connotations ,sont à peu près interchangeables),schèmes historiques de perception et d' appréciation qui sont le produit de division objective en classes (classe d'âge, classes sexuelles, classes sociales) et qui fonctionnent en déçà de la conscience et du discours ».866(*)Nous avons dit que nous étions là en présence des actes structurants inconscients.

Les unités minimales de base qui se reproduisent sous forme sociale relèvent des oppositions inscrites dans de la vie même (sexe, langues différentes, âges, etc.) et se projettent en construisant les institutions. « Les passions mortelles de tous les racismes (d'ethnie, de sexe ou de classe) se perpétuent parce qu'elles sont chevillées aux corps sous forme de dispositions et aussi parce que les rapports de domination dont elles sont le produit se perpétuent dans l'objectivité ».867(*) Son hypothèse est que, par exemple, la domination entre masculin/féminin est inscrite d'abord dans la différence physique qui est inscrite dans le corps.

L'habitus est la classe incorporée ,(incluant des propriétés biologiques socialement façonnées telles que le sexe ou l'âge) et, dans tous les cas de déplacement inter- ou intra- générationnel, se distingue (dans ses effets ) de la classe objectivée à un moment donné du temps (sous forme de propriété ,de titres, etc.),en ce qu'il perpétue un état différent des conditions matérielles d'existence, celles dont il est le produit et qui différent plus ou moins en ce cas des conditions de son actualisation »868(*). L'« habitus dominé (du point de vue du sexe, de la culture ou de la langue), relation sociale somatisée, loi du corps social (est) convertie en loi du corps ».869(*)

La construction s'oppose à la naturalisation. Pour Bourdieu, « la vision naturalisée de région ou de la nation, avec ses frontières « naturelles », ses « unités linguistiques », ou autres,...toutes ces entités substantielles ne sont que des constructions sociales, des artéfacts historiques qui, souvent issus des luttes historiques analogues à celles qu'ils sont censés trancher, ne sont pas reconnus comme tels, mais appréhendés à tort comme des données naturelles ».870(*)

En effet, « les opérations de classifications par lesquelles les agents sociaux construisent le monde social tendent à se faire oublier comme telles en se réalisant dans les unités sociales qu'elles produisent, famille, tribu, région, nation, et qui sont dotées de toutes les apparences des choses ».871(*) Ces considérations sont essentielles comme hypothèses théoriques à vérifier dans une enquête sociologique ou anthropologique selon le cas ; ainsi « c'est l'ordre social lui-même qui, pour l'essentiel, produit sa propre sociodicée ».872(*)

La philosophie de la Nature des temps modernes est ici sans conteste un des cadres théoriques de Pierre Bourdieu. Nous allons déjà en luminaire présenter ici une reconstruction philosophique. Le postulat du concept de « distinction » ou de « classement », dans son livre intitulé La distinction ; critique sociale du jugement a selon notre hypothèse son répondant dans le rationalisme cartésien. René Descartes, dans son livre Regulae ad directionem ingenii,fait de la notion de sériation comme la base de sa mathématisation de la nature ; c'est le postulat de sa philosophie même : « comprendre le monde c'est le mathématiser, c'est le disposer en série géométrique».

Pour tenter une reconstruction philosophique, nous essayons de présenter l'origine philosophique de la théorie considérée. En effet, nous savons que « sérier » dans la mathématisation de la nature chez Descartes, c'est construire des oppositions. Transposé dans une construction sociale chez Bourdieu, cela devient : la « matrice de tous les lieux communs qui ne s'imposent si aisément que parce qu'ils ont pour eux tout l'ordre social ,le réseau d'oppositions entre haut(ou sublime, élevé, pur) et bas(ou vulgaire, plat, modeste),spirituel et matériel, fin(ou raffiné ,élégant) et grossier(ou gros, gras, brut, brutal, fruste),léger(ou subtil, vif, adroit)et lourd(ou lent, épais, obtus, laborieux, gauche),libre et forcé, large et étroit ou, dans une autre dimension ,entre unique(ou rare, différent, distingué, exclusif, exceptionnel, singulier, inouï) et commun(ou ordinaire, banal, courant, trivial, quelconque),brillant(ou intelligent) et terne(ou obscur, effacé, médiocre),a pour principe d'opposition entre « élite »des dominants et la »masse » des dominés ,multiplicité contingente et désordonnée, interchangeable et innombrable, faible et désarmée ».873(*)

Le concept d'espace homogène de René Descartes y est transposé, toutes choses restant égales par ailleurs, comme espace social. « Le schéma de l'espace social (...) peut être aussi lu comme un tableau rigoureux des catégories historiquement constituées et acquises qui organisent la pensée du monde social de l'ensemble des sujets appartement à ce monde et façonnés par lui. »874(*) Seulement, il faut dire que Bourdieu est un rationaliste d'un type nouveau qui théorise non pas l'espace homogène mais l'espace social.

Sur la même question de construction de la réalité sociale, Bourdieu reproche à certains spécialistes en la matière le fait « qu'ils omettent de poser la question de la construction sociale des principes de construction de cette réalité que les agents mettent en oeuvre dans le travail de construction, individuel et aussi collectif. »875(*) Ces principes ne sont autres dans la société dite complexe que « les schèmes pratiques de perception, d'appréciation et d'action ».876(*) « Dans les sociétés peu différenciées ,c'est à travers toute l'organisation spatiale et temporelle de la vie sociale et, aussi , à travers les rites d'institution établissant des différences définitives entre ceux qui ont subi le rite (par exemple la circoncision) et ceux (ou celles)qui ne l'ont pas subi(femmes) que s'instituent dans le corps ,sous forme de schème pratique (plutôt que des catégories),les principes de visions et division communs (dont le paradigme est l'opposition entre le masculin et le féminin) ».877(*)

Pierre Bourdieu est dans la ligne de ceux qui critiquent la rationalité et la modernité et cela à l'envers de John Searle au moyen du principe qu'il appelle l'habitus, schème constructeur de la réalité sociale. En effet, « un concept qui, comme celui de l'habitus ,dit-il, s'est imposé à moi à l'origine comme le seul moyen de rendre compte des décalages qui s'observaient ,dans une économie comme celle de l'Algérie des années soixante(et encore aujourd'hui dans beaucoup de pays dits « en voie de développement »), entre les structures objectives et les structures incorporées ,entre les institutions économiques importées et imposées par la colonisation (ou aujourd'hui par les contraintes du marché) et les dispositions économiques apportées par les agents directement issus du monde précapitaliste. Cette situation quasi expérimentale avait pour effet de faire apparaître en négatif, à travers toutes les conduites qui étaient alors communément décrites comme des manquements à la « rationalité » et des « résistances à la modernité », et souvent imputées à de mystérieux facteurs culturels, comme l'islam, les conditions cachées du fonctionnement des institutions économiques ».878(*)

Les africains doivent comprendre leur paradigme épistémologique

Les intérêts liés à la science et aux savoirs des forces sociales dominantes occidentales et ceux de l'Afrique s' « ignorent » et sont fermés l'un et l'autre, ils sont antidotiques, ils sont mutuellement mortifères. Il existe de part et d'autre des principes irrévélables. La Chine a réussit avec une « haute philosophie sociale » à s'ériger comme une alternative crédible au capitalisme en cinquante ans (1949 - 2000). Elle est véritablement consciente de la lutte darwinienne régnante (lutte bestiale d'élimination raciale à la base du capitalisme) que de la lutte des classes dans la sphère internationale où elle doit entrer. Elle a définit depuis 1978 une jointe- venture de modernisation, après la consolidation d'un Etat-nation chinoise depuis la révolution culturelle fondée sur leur mémoire culturelle et un appareil de l'Etat redoutable, qui ont permis de sécuriser leur progrès technique ultérieur.

La production nationale des richesses est consécutive à une maitrise préalable du domaine sécuritaire et de la révolution de mentalité du peuple incrusté dans sa culture. Le concept de l'histoire et des étapes de maturation nationale sont vénérées. Les hommes ne peuvent efficacement lutter contre la pauvreté que s'ils conjuguent leurs efforts au niveau local des classes sociales, à l'échelle régionale et sous-régionale à l'échelle mondiale tout aussi des classe, pour la sécurité d'abord, une défense nationale organisée, et font ensuite de la concertation et de la discussion à l'intérieure des classes sociales l'espace privilégié des initiatives et des décisions. Il faut qu'à la discussion s'articule l'action collective des classes sociales planifiées. Mais la concertation et la discussion menées dans un espace public défendant à leur cor défendant des intérêts foncièrement différents et inconscients mais donnant semblent d'être intégré au niveau mondial et africain est souvent le lieu de perte de repères et de trahison.

En ce qui concerne l'Afrique, l'articulation des actions efficientes et des discussions sécuritaires concertées des classes sociales internationalisées exige un renouvellement non seulement des paradigmes scientifiques mais également celui d'une mutation de contexte véritable de lutte bestiale darwinienne d'élimination des concurrents (Kimbangu, Lumumba, Mzee Laurent Désiré Kabila furent assassinés) à la lutte des classes où on n'est pas encore entré.

Le développement de l'Afrique exige certes de grandes actions à l'échelle du continent, il ne faut cependant pas perdre de vue l'importance, l'utilité et l'efficacité de la coopération nationale qui ne fait que dans le contexte des classes internationalisées on ait des socles de fondement. L'avenir de l'Afrique réside dans la conjugaison des énergies au niveau des programmes d'actions nationales intégrés historiquement et symphonisés en alignement des classes.

Il était prévisible que presque toutes les tentatives d'intégration régionale tronquée comme la CEPGL (communauté économique des pays de Grands Lacs) par exemple, aient été étouffés par des crises de la bourgeoisie internationale ou des multinationales , des lutte congénitale au progrès de l'histoire comprises comme des conflits armés, des rebellions et de malheureuses agressions entre Etats qui ne sont autre que l'expression du moteur de l'histoire : la lutte sociale darwinienne et la lutte des classes. Ces initiatives doivent être comprises à la faveur d'une paix gagnée et génératrice de dignité et de restructuration fondamentale. Les fossoyeurs de la révolution afrique doivent s'inspirer des modèles constructifs comme celui esquissé par Cheik Anta Diop, dans les Fondements économiques et culturels d'un d'Etat fédéral d'Afrique noire. Cet ouvrage-programme879(*) qui gravite autour de trois points saillants, qui constituent les trois parties du plan.

La première partie du plan, qui s'apparente à une révolution culturelle, doublée de la construction d'un appareil de l'Etat national (armée nationale, police, administration) s'intitule : «Unité historique : restauration de la conscience historique africaine ». Les Etats nationaux européens ont bâtis des armées depuis les XV è siècle et inventé la mémoire culturelle de la grécité. Ils ont respecté de principe de l'historicité et de la maturation chronologique. Cette unité psychologique cimentée par la mémoire culturelle doit se construire autour de l'exhumation et de l'animation de l'histoire millénaire, et du processus d'unification linguistique à l'échelle continentale en Afrique. L'unité confédérale débute par l'intégration régionale de l'Afrique occidentale francophone et anglophone. Il est donc question de travailler à l'essor d'une « seule langue africaine de culture et de gouvernement, devant coiffer toutes les autres ; les langues européennes, quelles qu'elles soient, restant ou retombant au niveau de langues vivantes de l'enseignement secondaire ». Concrètement, un cartel de Présidents ou des Chefs d'Etat démocrate animerait un Etat fédéral caractérisé par le bicaméralisme, et l'égalité de sexe.

La troisième partie du plan, qui pour nous devait être la deuxième, s'intitule : « Industrialisation de l'Afrique » à partir de huit zones : le bassin du Congo, la zone tropicale (Sénégal, Mali, Niger), la région de golfe de Bénin, le Soudan nilotique -Grands Lacs - Ethiopie), le Ghana et la Côte d'Ivoire, le Bassin de Zambèze, la Guinée Sierra- Leone- Liberia, l'Afrique du Sud. C.A.Diop finit par avouer que l'industrialisation de l'Afrique noire n'est réalisable que par l'unité politique ou tout au moins l'établissement d'Accords bilatéraux. Il n'a pas de progrès possible sans un Etat véritable et une unité psychologique. Il faudrait avant tout compter sur soi en créant une armée moderne afin de faire face souverainement aux tâches historiques qui pourraient nous attendre encore.

Les affaires et le pouvoir sont inextricablement liés. Bien sûr le pouvoir économique se mue toujours en pouvoir politique, un pouvoir économique local devient le pouvoir politique local. Cette situation concerne en priorité l'identification des problèmes à résoudre selon les aspirations et les besoins des classes sociales africaines qui vivent les vicissitudes innombrables : la grande bourgeoisie et la bourgeoisie moyenne en RD Congo sont étrangères (d'origine belges : Forest, Damson). Au Congo domine dans les affaires et l'économie nationale les Indo-pakistanais, les libanais. En plus, la petite bourgeoisie chinoise différente de la grande bourgeoisie chinoise n'a pas su s'intégrer au niveau local dans les villes. Elle est venu grossir le rand d'une classe opérant dans un secteur réservé aux nationaux.

La dernière partie du plan qui est complémentaire au deuxième, est intitulée : « Recensement des sources d'énergie » qui fait l'inventaire détaillé de toutes les sources d'énergie dont regorge l'Afrique : hydraulique, solaire, atomique, thérmo- nuclaire, éolienne, thermique des mers, marémotrice, de la houille rouge, de l'énergie thermique de volcan, et de l'énergie géothermique. Cet inventaire a pour objectif : « L'utilisation par les africains eux -mêmes, non pas pour créer des industries complémentaires de celles de l'Europe, mais pour transformer les matières premières que recèle le continent ».

Les contradictions étant inévitables à la suite de la dialectique, on peut quant même dire que le partenariat avec la Chine, avec le consortium privé des hommes d'affaires chinois, nous semble globalement bien amorcé au Congo. Sur le plan pratique le programme suit un autre sillon que celui des occidentaux. Cependant les Chinois ne peuvent pas penser à notre place les priorités. Comment comprendre qu'au Congo Kinshasa un contrat de plus de six milliards de dollars ne puisse pas à court terme profité au social des populations. Ca ne peut être qu'un contrat national mal négocié qui commence exclusivement par les infrastructures.

Par ailleurs, les infrastructures devaient être combinées avec une révolution agricole refusée manifestement à la suite du refus de continuer le Service National initié par Mzee. La chine au lieu d'imposer à l'occident bien rodé la lutte militaire, lui impose la guerre économique où ce dernier s'agénoue honteux. Dans le secteur des infrastructures les travaux ont effectivement commencé au Congo mais la population ne peut manger cela : seulement à la longue avec l'assistance des institutions spécialisées dans chaque secteur, se mettront en place des instituions et des cadres législatifs subséquents d'un appui locale et national du secteur privé. L'entretien et la gestion des infrastructures, en particulier dans les régions urbaines et rurales pauvres doivent être faites par les locaux et les nationaux.

Les cadres juridiques sont liés au travail productif qui suivent les changements subséquents. Dans le même temps, s'en suivrons ajustés à la réalité sociale de nouveaux cadres de réglementation et de consolidation de la capacité de formation de personnes responsables des ouvrages et l'harmonisation des politiques. La superstructure idéologique dépend de mode de production réelle, le développement rural et l'agriculture. Les congolais ne sont pas encore entrés dans une mentalité de progrès, cela exige le changement drastique des techniques de production. Le plan devait tabler en priorité sur un secteur rentable de cette sorte. Nous en sommes encore à la houe.

Il faut anticipativement penser à une reforme agraire fondamentale. Le capitalisme exige le changement de régime de propriété collective en propriété privée dominante. Une expropriation du fermier campagnard. Dans cette jointe -venture amorcée au Congo avec la chine, il faudra donc promouvoir la participation des communautés locales : la politique de carré minier nous emble être une expérience malheureuse pour les autochtones à Tshikapa.

Au niveau de l'Initiative pour la gouvernance économique et la gouvernance des entreprises, il nous emble important d'en faire une priorité. La richesse du Congo est produite par le portefeuille de l'Etat. Celui-ci doit être la base de l'organisation du processus de reconstruction, un capitalisme d'Etat en symbioses avec le secteur privé étranger porteur. Les multinationales chinoises sur base de troc et des banques chinoises devaient collaborés avec le portefeuille congolais intégré et organisé pour bénéficier des flux financiers chinois bien négociés, ce qui favorise certainement une intégration avantageuse. Il faut ici nous emble -t-il revenir à la loi d'avant 1978 sur les entreprises publics en RD Congo.

La primauté de la pratique sur une excroissance législative des textes n'est pas un slogan. Il faut un processus historique et pratique qui intègre les pays en se fondant sur un Etat existant. La Monusco ( la mission des Nations unies au Congo) peut être à dessein perçue comme une armée d'occupation et une menace au perchoir politique national. L'intégration est un processus pratique, ça passe par les affaires et les forces vives de la nation. Pour accéléra le développement, il faudra savoir à quelle étape de développement nous sommes.

Le Congo a une vocation africaine : une diplomatie de développement devait intervenir à quelle étape historique pour atténuer les voracités et les convoitises des voisins et des autres pays. L'Est du Congo est resté un passoir national. La chine envahit le monde, son envahissement est un processus historique naturel des forces industrielles nationales.

En ce qui concerne les technologies de l'information et de la communication, elles doivent servir en appuyer à la force de production, dont la première est les sciences et la technologie à la base d'une révolution agricole que nous appelons de tous nos voeux. Les ressources humaines sériées en classes sociales lisibles devaient être organisées et politisées dans la participation politique pour la lutte de progrès.

Le nouveau partenariat avec l'Afrique devait par delà le Congo viser le repérage et la traçabilité de notre contexte et notre étape historique : une étape tournée vers l'extérieur et l'abandon de nos souverainetés.

Tant que la fondation étatique est inexistante, sa géo- économie, il ne peut y avoir une sphère d'activités nationales. Il est aujourd'hui impossible de collaborer avec fruit à l'échelle africaine à cause de l'absence d'une révolution agricole.

Projet kheperien est une image mythique africaine, nous essayons une reprise en épistémologie. Quel programme pratique kheperienne pour la reprise de l'initiative africaine.

Revenons un peu au projet des institutions internationales. La pauvreté socio-économique contemporaine telle que perçue est due à plusieurs causes : à une insuffisance des ressources, à l'exclusion d'un mode de vie matériel et culturel dominant ou à la précarité de statut social, etc. 880(*)

En effet, les indicateurs de la pauvreté contemporaine sont les suivants :

1) Les indicateurs symptomatiques traduisent la non accessibilité du pauvre à certains biens et services jugés indispensables pour la réalisation d'un niveau minimum de bien-être : consommation calorique, structure de dépenses, accès à l'eau potable, accès à l'éducation, accès au service de santé ;

2) Les indicateurs qui renvoient à l'incapacité du pauvre à gérer les moyens nécessaires à la réalisation de ses objectifs de bien-être : capacité de suivie et de revenus (opportunité d'emploi, d'entreprise,...), capacité de mobilisation et de participation (actes de solidarité), capacité de gestion du patrimoine naturel, culturel, bonne gouvernance.881(*) En effet, la pauvreté concerne d'une part, un pays en tant qu'il doit pourvoir à certains biens et services indispensables à la survie de la population et d'autre part, une personne physique qui peut être frappée de la pauvreté psychologique.

L'exclusion sociale, la misère et l'extrême pauvreté sont des problèmes de degrés différents. Cette situation est due dans certains cas au phénomène de domination, sous cet angle, elle est vécue avec acuité dans les tiers - monde et appelle une dimension libératrice. La nature de la pauvreté est perçue soit comme un phénomène monétaire, soit sociologique ou soit encore psychologique pour une personne physique ou morale (individu, ménage, pays).

Il existe plusieurs types de pauvretés socio-psycho-économique dans le monde. En effet, plusieurs critères sont mis en oeuvres pour mesurer le phénomène de la pauvreté ; ils sont soit de l'ordre alimentaire et diététique (la quantité de calorie à consommer), soit de l'ordre économique ou sociale :

1) La pauvreté économique, celle qui semble être la plus visible, se manifeste en tant que manque de capital monétaire ;

2) La pauvreté sociologique, est vécue plutôt comme, l'expression d'un déficit du capital humain et d'une carence en relations sociales ;

3) La pauvreté psychologique, est le manque de ressort personnel à compenser le déficit.882(*)

Comme nous pouvons bien le remarquer, le programme de lutte contre la pauvreté se focalise sur toutes ces catégorise de la pauvreté, et en tant que tel comporte une visée globale de la société : le programme veut palier à la carence de la consommation calorique, à la structure des dépenses ménagères, à l'accès à l'eau potable, à l'accès à l'éducation, à l'accès au service de santé, à la capacité de la gestion du patrimoine naturel, culturel et à la bonne gouvernance.

CHAPITRE VINGTIÈME :

LA RECONSTRUCTION CRITIQUE DE L'EPISTEMOLOGIE DE JOHN SEARLE

La portée de l'oeuvre constructiviste de John Searle

Apports positifs

La pensée de John Searle est fondamentale, et de grande portée théorique en sciences sociales et humaines. En fait, la reconstruction théorique de Searle s'efforce de traverser plusieurs tendances, théories, courants et écoles, (évolutionniste, fonctionnaliste, structuraliste, cognitiviste, philosophico- analytique, logique, etc.), rejoignant certains et s'opposant de plusieurs côtés à d'autres courants tels que le  structuro- fonctionnalisme d'Emile Durkheim, le structuralisme de Claude Lévi-Strauss, le behaviorisme de Willard Van Orman Quine, etc. A propos, pour Fabrice Clément et Laurence Kaufmann, « Searle (...) se rapproche d'une perspective fonctionnaliste ».883(*)

John Searle que nous avons pris comme réflecteur rejoint la mouvance actuelle en épistémologie des sciences sociales, d'autant plus que, la connaissance de l'environnement social a été diversement thématisé au cours de l'histoire des disciplines. Elle a oscillé entre trois statuts :

- Celui de l'obstacle épistémologique : ce que nous croyons savoir du social n'est qu'un ensemble des préjugés ou des « prénotions » ;

- Celui de l'objet d'étude : ce que les individus pensent de leur monde, à une époque donnée, dans une culture donnée, doit être étudié avec autant de minutie que les diverses traces objectives disponibles ;

- Celui du fondement : la connaissance « ordinaire » est ce sur quoi s'enracine toute possibilité de compréhension du social. C'est cette dernière voie qui aujourd'hui semble bien l'emporter. 884(*)

Le programme de John Searle endosse l'unité des sciences comme « hypothèse de travail » : les sciences sociales se situent au sommet d'un édifice dont la base est la physique et les étages immédiatement inférieurs, la psychologie et la biologie. Ces différents programmes dits de « naturalisation » des sciences humaines et sociales adoptent implicitement ou explicitement l'unité des sciences comme « hypothèse de travail ».885(*) Une telle démarche exige de déterminer les relations entre les philosophies et les sciences sociales et humaines.

Quelle utilité pour ces efforts d'intégration épistémologique ? Tous ces efforts apparaissent à la suite du constructivisme social comme une remise à plat pour comprendre en profondeur la réalité sociale qui se dérobe à nos grilles de lecture traditionnelles. Notre lecture de Searle tente de mettre ce programme en exergue.

Le projet de John Searle est en effet programmatique, il comprend « les multiples dimensions de la réalité psychologique et sociale sans imposer une rupture, aussi bien horizontale - entre l'arrière-plan pré-intentionnel (les règles ou l'arrière-plan) et les états intentionnels -que verticales- entre les individus et les structures collectives. »886(*) Connexionnisme oblige, le programme est similaire à la grammaire élaborée par les sociologues qui décrit la manière dont les individus parviennent à gérer leur insertion dans le social.

En effet, John Searle a ceci d'intéressant qu'il combine la révolution linguistique et pragmatique en philosophie et le cognitivisme. Pour nous, tel que Searle présente le cognitivisme, il poursuit la critique du mentalisme et donc n'incarne peut être pas une révolution à proprement parler. La pragmatique de l'esprit est justement la théorie qui illustre l'effort de John Searle de transformer le statut des états Intentionnels pour les rendre conformes à celui des actes du langage. Cette transformation devait s'avérer importante pour les sciences sociales.

L'ambition de John Searle est bien plus grande ; il écrit en effet : « comme ces questions touchent, pourrait-on penser, à des problèmes de fondements pour les sciences sociales, on pourrait supposer qu'elles ont déjà été abordées et résolues par ces diverses sciences, et en particulier par les grands fondateurs des sciences sociales du XIX e siècle et du début du XXe siècle. Je ne suis certes pas expert en la matière, mais pour autant que je puisse en juger les questions que j'aborde dans ce livre n'ont pas reçu de réponse satisfaisante dans les sciences sociales. Nous devons beaucoup aux grands philosophes -sociologues des XIX e siècle et XXe siècle - songeons notamment à Weber, Simmel et Durkheim-, mais d'après l'impression que je retire de ma fréquentation de leurs travaux, ils n'étaient pas, me semble-t-il, en position de répondre aux questions qui me préoccupent, parce qu'ils ne disposaient pas pour cela des instruments nécessaires. En d'autres termes, et pour des raisons qui ne leur sont pas imputables, il leur manquait une théorie adéquate des actes de langage, des performatifs, de l'intentionnalité, de l'intentionnalité collective, du comportement régi par des règles, etc. ».887(*)

Searle maintient la structure des questions de nature englobante : « la théorie des actes de langage se présente en partie, dit-il, comme une tentative de réponse à la question suivante : comment passons-nous, dit-il, de la physique des énonciations à des actes de langage doués de signification, effectués par des sujets parlant et écrivant ? ».888(*)

Nous pouvons dire, à propos de la méthode que John Searle opère une double reconstruction, celle qui est historique, entendue comme une étape méthodologique qui « replace » des concepts ou une thèse ou encore leur restitution dans des traditions philosophiques ou scientifiques antérieures pour voir en quoi ils innovent. Nous pouvons dans le cas d'espèce parler des concepts ou des théories des actes de langage, de l'Intentionnalité, de l'Intentionnalité collective, des comportements réglés par des normes, de background, etc., dans la tradition scientifique des philosophes -sociologues fondateurs des sciences sociales tels que Emile Durkheim, Max Weber ou George Simmel. Ainsi, nous sommes- nous appesantis sur le fonctionnalisme d'Emile Durkheim et le structuralisme de Claude Lévi-Strauss, etc.

Nous pouvons voir comment Searle intègre le point de vue internaliste dans sa philosophie. John Searle n'hésite pas à revenir à la « philosophie de la conscience » longtemps transformée par sa révolution pragmatique dans la philosophie du langage. Toutefois, nous pouvons percevoir le fait avéré que ce n'est pas un courant homogène, il n'est pas un programme de recherche univoque.  Cette reconstruction se voulait analytique - au sens de la philosophie du langage dans sa phase pragmatique- et cognitive. C'est l'arrière-plan théorique. La construction de la réalité sociale analytique se démarque de la construction de la réalité sociale non analytique. Les deux approches partagent cependant, un point de départ commun : les sciences sociales et humaines réagissent aujourd'hui dans une mouvance théorique entendue comme remise à plat des théories sociales traditionnelles face à la profondeur de la réalité sociale souvent tronquée, toujours changeante et dynamique : la crise récurrente des gestions publiques, les mutations sociales et culturelles, etc.

Ainsi, sous le label de « constructivisme social » cette mouvance scientifico- philosophique renvoie ultimement au besoin de révisitation des grilles d'analyse et de lecture de la réalité sociale forgées en sciences sociales. Cette reconstruction englobe l'élaboration d'une ontologie sociale entendue comme une nouvelle réflexion sur le sens des concepts fondamentaux en sciences sociales et humaines et la relation qu'ils entretiennent entre eux et une construction d'un noyau conceptuel servant de fondement théorique général.

Un tel programme épistémologique tente de décongestionner l'affrontement des grands paradigmes à visée totalisante, la profusion des hybrides théoriques et l'hermétisme des écoles rivales, en remettant en cause les sciences sociales et humaines qui, faute d'un minimum de consensus conceptuel, multiplient les terminologies et les niveaux de description. L'abondance conceptuelle va à l'encontre du principe analytique de parcimonie, le fameux « rasoir d'Occam » selon lequel il ne faut pas élaborer inutilement de nouveaux concepts pour expliquer des phénomènes si ceux -ci peuvent être ramenés à des entités dont l'existence est avérée. Une telle « économie » conceptuelle a l'avantage de permettre le rapprochement de phénomènes apparemment incommensurables au sein d'une même armature logique et de discriminer précisément les entités qui sont susceptibles d'avoir une portée explicative.

Les difficultés d'analyse de John Searle

A. Flottement des concepts centraux

En épistémologie des sciences sociales et dans les disciplines qui se préoccupent sérieusement de savoir ce qu'est la réalité sociale, le phénomène social, le fait social, les objets sociaux, et autres concepts semblables, il n'existe pas d'unanimité, mais plutôt des points de focalisation différents. Nous retrouvons dans la théorisation de John Searle plusieurs focalisations :

- Les faits institutionnels tels que les normes (ce qui est prescrit, permis, recommandé, etc.), l'argent, la propriété, et autres phénomènes collectifs du genre ou la valeur qui leur sont liée (impartialité, fidélité, honneur, etc.).

- Les faits structurels (le pouvoir et sa distribution, le pouvoir et son prestige, le statut économique ou légal, etc.).

- Les fonctions d'activités sociales et les impératifs fonctionnels des groupes ou des sociétés (c'est-à-dire ce qui est nécessaire au maintien ou à la survie des groupes ou des sociétés).

- Les actions individuelles et collectives en tant qu'elles sont orientées significativement vers autrui.

- Le rôle des croyances collectives et individuelles.

- Les phénomènes collectifs en tant qu'ils sont les effets voulus ou non voulus d'actions intentionnelles individuelles.

John Searle laisse de côté d'autres phénomènes tels que les données agrégés, par exemple, le taux de chômage, de suicide, les changements de structure familiale ou de pratiques religieuses, la socialisation, etc., utiles dans la compréhension et la résolution des problèmes sociaux.

A propos, la reconstruction de John Searle au sujet de la définition des concepts de la réalité sociale, de phénomène social, de fait social, des objets sociaux, et autres concepts ,est de nature globalement conceptuelle ou synchronique : « la philosophie des sciences « analytique »issue de la philosophie du langage est, dans ses tendances dominantes, conceptuelle plutôt qu'historique ».889(*)

Pris positivement :

1/ Ces travaux « se livrent par la discussion rationnelle et la synthèse(...), à un effort d'intégration souvent décisif, rendant possible une vision simultanément globale et analytique de la réalité sociale. Ils sélectionnent et articulent les niveaux pertinents et construisent un indispensable « tableau d'ensemble »,

2/ ils proposent (...) des révisions conceptuelles, des ajustements théoriques, des formes d'articulations des programmes participant de l'indispensable travail d'autoréflexion des disciplines sur elles-mêmes »,890(*)

3/ ils permettent ainsi aux chercheurs, suivant leur sensibilité, de substituer à leur vulgate de référence une base raisonnée et épurée de travail, susceptible de susciter de nouvelles interrogations, d'ouvrir de nouveaux champs d'investigation ou de renouveler la lecture de phénomènes connus.

Pris négativement, à la suite de Jean-Michel Berthelot, nous pouvons dire qu'il y a « deux limites fondamentales qui, sans invalider ni dans leur fond ni dans leur visée, marquent au fer rouge la spécificité - de fait, sinon de droit- de l'espace de connaissance où ils s'élaborent. Ces théories, systématiquement bâties sur un modèle conceptuel et non propositionnel, laissent dans l'indétermination les modalités de leur mise en oeuvre. (...) ».891(*)

B. Contradictions de l'oeuvre de John Searle

Searle emprunte son concept d'arrière-plan à plusieurs sources, notamment chez Wittgenstein sans trop le dire. Sandra Laurier avance en 2001 la thèse selon laquelle pour John Searle l'oeuvre du second Wittgenstein porte essentiellement sur l'Arrière-plan.892(*) Sandra Laurier tente de donner les différents usages de ce mot. Elle nous montre deux représentations de l'Arrière-plan (background) : premièrement, celle qu'adopte John Searle à partir de Wittgenstein II : les institutions constituent l'arrière-plan qui nous permet d'interpréter le langage, de percevoir, et de suivre des règles sociales, sans forcément les connaître. Et deuxièmement, le terme d'arrière-plan (Hinterground) apparaît dans les Investigations philosophiques pour indiquer une représentation que nous nous faisons (paragraphe 102), cela n'est pas pour expliquer quoi que ce soit. Ainsi, l'arrière-plan ne peut avoir de rôle causal, car il est le langage même -nos usages ordinaires. L'arrière-plan est le train de vie (das Getriebe des Lebens). Ainsi donc, les statuts normatifs sont, pour Brandom, en bout de ligne, constituées par des attitudes et des évaluations normatives.

Nous disons que les reprises reconstructives scientifico - philosophiques de John Searle que nous avons présentées dans le chapitre précèdent laissent transparaître, de plusieurs côtés, des contradictions. Tantôt John Searle soutient le fait que les hommes ordinaires construisent la réalité sociale parce que celle-ci n'est pas simplement donnée, qu'il s'agisse des faits institutionnels comme l'argent, du mariage, de la propriété, de procès, des normes, de l'avocat, du cuisinier, etc. La société apparaît à partir de l'homme ordinaire comme surgissant d'une trame compréhensive d'expériences, d'un creuset des conversations multiples, permanentes et ininterrompues. Dans cette optique, le constructivisme social rejoint le point vue de la révolution pragmatique en philosophie : tout langage est toujours constructif, les concepts explicatifs de base dans les études sociales sont toujours déjà constructifs, et ne sont jamais descriptifs: qu'il s'agisse des mots, des a priori conceptuels ou des principes théoriques. Tantôt, il part de la construction de la réalité sociale des savants, c'est-à-dire des concepts centraux de causalité, de raison, des catégories, d'agent, de structure, de Tout et de ses parties, etc. En somme, ce programme analytico-cognitiviste et critique tente de remettre au point de départ la construction théorique de la réalité sociale des savants et de la rapprocher de la construction sociale de l'homme ordinaire. Searle oscille donc entre une option a posteriori de construction sociale contre une option a priori de construction théorique des savants. Ceci fait que Searle intègre des approches en sciences sociales fort nombreuses.

John Searle combine les deux conceptions, savante et ordinaire, ayant en plus ceci de particulier qu'il interprète les données de base non seulement philosophiquement mais surtout en termes de sciences sociales centrés sur l'élaboration des faits sociaux. Devant cette abondance d'approches et d'écoles, son oeuvre est tout simplement traversée par des options théoriques antithétiques et des paradigmes contradictoires. En philosophie analytique de John Searle présente une reconstruction philosophique des paradigmes qui sont tout aussi antithétiques, le langage idéal et le langage ordinaire doublé du mentalisme cognitiviste.

Très tôt, alors qu'il présente son ouvrage monumental intitulé Les actes du langage en 1969, John Searle adopte une posture double et une optique qui se comprennent à travers une double conception à la suite de deux tendances de la philosophie du langage - que l'on comprend par rapport aux deux types de travaux de Ludwig Wittgenstein - que John Searle entend être complémentaires.893(*)John Searle, de la philosophie du langage, il revient aujourd'hui sur le thème de la conscience. Il tente d'ajouter ainsi à cette démarche qui relève de la révolution linguistique et pragmatique les points de vue internalistes. Le renversement de la situation aboutit au fait que la philosophie de l'esprit et de l'action chez John Searle englobent la philosophie du langage. Le langage et la conscience y apparaissent comme des entités émergentes du substrat biologique. Il reprend en somme les concepts mentaliste et phénoménologique, auxquels il s'opposait avec sa théorie des Actes de langage dans un réceptacle mêlé des a priori de la philosophie analytique du point de vue pragmatique. Ainsi son système apparaît comme une oeuvre de génie mais en même temps, pour le moins contradictoire, ambiguë sinon teintée d'une dose d'idéologie libérale manifeste. Tout dépend de la grille de lecture dont on dispose. Ce préjugé est renforcé d'un point de vue théorique par son passage des questions épistémologiques et logiques à l'ontologie sans ménagement. Selon Fabrice Clément et Laurence Kaufmann il «confond le modèle de la réalité avec la réalité du modèle ».894(*) 

La portée de la reconstruction searlienne sur l'Afrique est lié au programme searlien qui porte la marque de son projet de départ inscrit dans son livre monumental Les Actes de langage, essai d'une philosophie du langage, qui contenait déjà son approche rivée sur deux paradigmes : la philosophie du langage à la fois idéal et ordinaire, et les concepts centraux de sa théorisation sociale (fait institutionnel, règles constitutives, régulatives, etc.) Ce livre reconduit les deux options de la philosophie analytique qui lui donne la latitude d'oeuvrer sur un espace théorique fort large mais ambigu. Le passage de l'analytique au cognitivisme comme théories internalistes est truffé également des contradictions du même genre. De la philosophie du langage, Searle rejoint donc plusieurs approches internalistes en sciences sociales (i.e., le fonctionnalisme d'Emile Durkheim) à partir d'une approche reconstructive. Une telle entreprise grandiose n'a pu éviter à propos de la reconstruction africaine des apories ethnologiques et de la violente symbolique.

La théorisation sociale de John Searle est l'intentionalisation et  repragmatisation cognitiviste des approches très diverses. Ainsi, tantôt l'ordre social repose sur la force du récit partagé entre les acteurs en tant que manières dont la communication participe à la construction de la réalité, pour l'homme ordinaire, tantôt l'ordre social est soumis au background. 895(*)

Ce problème est celui de comprendre Searle face aux ravages induits par un type des sciences sociales qui a cours en Afrique, en l'occurrence l'ethnologie par rapport à la question de la décolonisation intellectuelle. Il existe encore des usages des notions ethnologiques chez lui telles « les sociétés sans écriture »qui suppose des sociétés de manque substantiel. Or, Guy Rachet commentant Le livre des morts des anciens égyptiens affirment dès la première phrase la note qui suit : « l'écriture apparait dans la vallée du Nil à la fin du IVe millénaire avant notre ère ».896(*) Même l'écriture syllabique se développe à partir des hiéroglyphes cursif et systématique. Cette question n'est pas principale dans notre analyse mais elle donne matière à réflexion sur les préjugés en sciences sociales occidentales.

En ce qui concerne l'ontologie de l'ethnologie que Searle pratique dans l'usage des termes y relatifs, le projet est justement imbriqué dans plusieurs présupposés qui ont marqué l'émergence du discours ethnologique. Les aborigènes d'Australie, les Noirs d'Afrique et les Indiens d'Amériques, pour ne pas le rappeler, ont constitué un terrain de « bataille » pour des chercheurs innombrables ayant chacun une vision de l'homme : les réformistes, les contre -réformistes catholiques, les humanistes, les rationalistes idéalistes ou réalistes, etc. Leur point commun fut à quelques exceptions près la spécificité de cet Autre de l'Humanité. Justement la vision « rationaliste et réaliste » de Searle le condamne dans des considérations récurrentes. Searle fait également usage outre aux concepts problématiques des « sociétés sans écriture », à ceux des Seigneurs de guerre en Afrique. Tout porte à croire que ces questions doivent encore être revisitées. La réalité sociale africaine semble avoir un statut autre que celui de sociétés civilisées, des sociétés à « histoire écrite », des « sociétés à démocratie » aujourd'hui, elle dépend encore de l'essence d'une Humanité autre. John Searle semble fixer une dichotomie paradigmatique entre la rationalité digne de ce nom qu'il défend de toutes ses forces ,et une sorte de pensée « prélogique » incommensurable qui régente la réalité africaine, des sociétés « sans écriture » dont la force principale de recomposition sociale inhérente est le règne de la violence(les Seigneurs de guerre).

L'attitude de John Searle de ce point de vue théorique est celle de subordonner les structures logiques à la réalité sociale empirique. Il y a plusieurs critiques que l'on adresse à John Searle. Searle fait en effet appel à certains systèmes logiques pour présenter sa théorie de la construction sociale. Pour Fabrice Clément et Laurence Kaufmann, Searle « tend à confondre, le niveau logique de ce qui doit théoriquement être le cas et le niveau ontologique des causes qui déterminent ce qui est effectivement le cas. Or, l'enquête logique appartient à un mode formel de description de la réalité qu'il ne faut pas confondre avec les propriétés de la réalité elle-même. Les comportements humains peuvent être décrits en termes de règles bien qu'ils n'obéissent pas à des règles ». 897(*)

Les critiques de Fabrice Clément et de Laurence Kauffmann, dans Le monde selon John Searle, sur cette question sont claires : l'usage que Searle fait de la logique n'est pas légitime, affirment-ils. D'où, « la précarité de l'argument logique » de Searle.898(*) Searle « tend à confondre le niveau logique de ce qui doit théoriquement être le cas ».899(*) Le modèle structural fait glisser l'interprétation anthropologique de l'ordre de la réalité sociale à l'ordre de la pensée symbolique, de l'ordre du concret à l'ordre de l'abstrait. Ceci est un « défi pour l'identité propre du théoricien disposant comme observateur ou analyste d'un pouvoir de totalisation (propre à l'ordre du discours) ».900(*)

Sur le plan paradigmatique, le reproche que nous lui adressons, qui sera exposé dans ce chapitre, est qu'il aborde des questions ouvertes qui ne peuvent être tranchées d'un coup. Sa stratégie est très féconde, et le maintient longtemps dans l'actualité scientifique, comme en témoigne son livre monumental Des actes de langage qui reprend dans une visée unitaire la révolution linguistique de Ludwig Wittgenstein de Tractatus Logico-philosophicus et sa contre révolution pragmatique dans Les Investigations Philosophiques. Ce chapitre ressasse en détails les contradictions liées au choix de Searle de calfeutrer les problématiques indicibles : l'être et le non être. Cette position le fait tanguer entre les deux positions et fait trainer des casseroles. Ceci conforte sa thèse de son « Arrière-plan » non critique à quoi il s'agrippe, des schèmes de pensées finalement non critiques : la question de la culture non occidentale prise comme son préréflexif constitue une sorte d'opinion fixe construite depuis le temps d'esclavage africain et surtout indien. Mais c'est aussi une sorte de reflexe de conservation en ce temps de crise. Cette situation justifie l'essai critique des allusions à l'Afrique que nous amorçons dans ce chapitre à partir des conceptions similaires dont Searle, en les mettant en exergue et continue de se faire l'écho.

Nous critiquons par ricochet les scientifiques africains victimes de la violence symbolique, qui ne manquent pas de talents,mais maintiennent le renouveau des sciences sociales africaines longtemps stériles au lieu d'oser résoudre nos problèmes et la construction des modèles théoriques africains alors que ces modèles de base sont nés en terre africaine, mais, puisqu'aliénés jusqu'à la moelle des os, sans exagérer, ils leurs reviennent sans qu'ils acceptent de les reconnaitre, pire, ils les repoussent de toute leurs forces. Ils sont répétiteurs à souhait et résignés.

Nous introduisons cette partie d'analyse avec une pensée bien opportune quant à notre propos sur une échelle réduite des sciences sociales. Selon Jürgen Habermas en effet, « l'année 1929 a vu paraître un ouvrage remarquable en sociologie intitulé Critique de la sociologie. Siegfied Landshut y développe la thèse selon laquelle c'est la sociologie qui, par la perspective qui est la sienne crée la société ».901(*) Nous pouvons bien sûr le dire également, sans que cela ne paraisse comme une révélation importante, à propos des discours scientifiques dominants de l'ethnologie ou de l'anthropologie sociale et culturelle dans la construction des sociétés africaines. L'anthropologie structurale de Claude Lévi -Strauss, l'approche structuro- fonctionnaliste, et bien d'autres courants y ont participé largement.

Notre discussion appelle la problématique épistémologique des programmes de l'ethnologie passéiste à cause de la persistance des concepts anti-nègres qui ne sont pas, on s'en douterait, évacués même du champ scientifique et philosophique de Searle. L'Afrique Noire est encore placé sous le signe des « sociétés sans écriture ».

Ceci est évoqué à quelques endroits par John Searle dans son ouvrage principal sous analyse La Construction de la réalité sociale. A ce sujet Searle affirme : « Même dans les sociétés sans écriture les pièces (de monnaie) sont facilement reconnaissables comme telles, et ainsi des caractéristiques telles que la forme et la taille marquent le fait conventionnel que l'objet est une pièce. »902(*) Quelques lignes avant, et sur le même sujet, il venait de dire : « depuis des sociétés sans écriture à nos sociétés actuelles, il y a eu de nombreux marqueurs conventionnels qui ne sont pas des mots mais fonctionnent exactement comme tels ».903(*) Dans un autre domaine, il dit à propos de l'Afrique : « dans plusieurs pays africains, il est absolument impossible de dire où finit l'armée et où commencent les bandes armées, ou qui est un « chef militaire » et qui est un « seigneur de guerre » ».904(*)Cette façon de parler de l'Afrique rejoint tout simplement l'esprit des sciences sociales coloniales et une certaine façon de traiter à nouveau frais aujourd'hui cette question primitiviste.905(*) Cette façon trop peu critique de re-construire la réalité africaine par un théoricien de cette trempe semble participer d'un champ intellectuel néocolonial et préjuge d'un esprit ethnologique passéiste préjudiciable.

La réaction à une telle attitude est multiple. Pour nous le concept des « sociétés sans écriture » et ses modalités actuelles est une image fort négative de l'Afrique Noire et participe d'un ethnocide. Alfred Maury déplore : « De Guignes fait dériver les lettres hébraïques et grecques des hiéroglyphes égyptiens. En cela, poursuit-il, il voyait juste ; (...) ce qu'a montré récemment M.De Rougé, comment la dérivation s'est opérée ».906(*)

CHAPITRE VINGT- UNIÈME :

LA NOTION DE PARTENARIAT EST AU CoeUR DE L'INTERDISCIPLINARITÉ ET DE L'INTER-INSTITUTIONNARITÉ

Par où faut-il commencer pour reconstruire la République Démocratique du Congo, notre beau pays ? Que faut-il faire à l'étape actuelle du développement historique de notre pays pour développer la République Démocratique du Congo ? Cette double question est substantialiste et non procédurale. Un des mécanismes qui a permis encore à notre pays d'exister est celui de « partenariat », elle est au centre de l'inter-institutionnarité. Nous proposons ici de diviser notre projet de société en deux parties : un partenariat traditionnel et un partenariat rénové. Il existe un « partenariat traditionnel » qui a été mis en place depuis notre indépendance en juin 1960, qui doit être évalué de part la situation précaire actuelle du pays et un « partenariat rénové » après les années 2000 avec des pays émergents comme la Chine. Les ressources propres doivent être mises en valeur au moyen de mécanisme de partenariat avec les partenaires nombreux.

Après une brève évaluation de ce partenariat traditionnel qui permet d'éclairer certains indicateurs dans le processus historique de notre pays nous pouvons alors nous poser la question s'il faut continuer dans cette ligne ou pas.

Quel est socle d'un pays moderne ? L'Etat- nation restitué est la base d'un travail collectif productif. L'Etat et le travail constituent le socle que nous allons présenter dans ce projet. En effet, le progrès social est fondé sur l'existence d'un appareil de l'Etat équipé, réel, et moderne constitué d'une police, d'une armée, et d'une fonction publique modernisé et l'animation de la mémoire collective ou culturelle. Pour arriver à l'étape de mise en oeuvre d'un travail productif, cette étape demande un temps de maturation historique.

Les Etats-nations européens sont partis de XV è siècle pour se former avec la révolution agricole à la clé ( la rentabilité des cannes à sucres dans les plantations des Amériques entre autres) jusqu'au début du XIX è siècle pour amorcer la révolution industrielle. L'Europe s'est inventée culturellement en tant que nations dans la rupture avec l'Egypte antique. Il fallait partir d'une mémoire culturelle grecque pour construire les nations européennes base de « leur » civilisation actuelle. Les armées autonomes ont pris naissance depuis le XV è siècle comme fondement des Etats modernes européens.

La reforme que nous proposons est stratégique, elle touche le plan général de lutte nationale et historique pour le progrès, elle priorise en terme d'étape le développement de la maturation historique, de secteurs clés sur lesquels se greffent les autres secteurs : la constitution de l'Etat-nation et l'amorce du travail productif.

Cet exposé de notre Projet de société présente d'abord l'état des lieux de notre étape de développement : une étape de dépendance économique très avancée fondée jusqu'il y a peu sur un « partenariat traditionnel » dominant conjugué avec les institutions financières internationales (banque mondiale et fond monétaire international). Le partenariat traditionnel s'est révélé progressivement faible avec de partenaires traditionnels multiples, au niveau bilatéral et multilatéral, qui a gardé le pays dans une situation à la limite de la mendicité. Un partenariat traditionnel de plus en plus avilissant et devenant dangereux pour la nation. Ce partenariat a fini par affaiblir la RD Congo.

Il s'agit là d'abord de répondre à la question de savoir quel est l'état de santé de notre pays à l'étape actuelle de développement historique de notre Etat-nation ?

La notion de « partenariat traditionnel »pourrait être remplacé pour les plus critiques par l'idée d'un paternalisme néocolonial sous couvert de partenariat. Parc qu'il ne peut y avoir de partenariat véritable et fort, de près de cinquante ans , sans un Etat véritablement constitué. Un partenariat fort vise la constitution d'Etat- nation mature et constitué. Est-ce concevable que l'armée congolaise cohabite avec une armée onusienne de loin plus moderne qu'elle , qui peut à tout moment assassiner son président, ou déstabiliser l'Etat en cas d'un conflit majeur qui le oppose ?

Le travail productif et sécurisé gage de tout progrès social véritable devrait être basés sur l'acquisition des moyens de production encadré par un Etat moderne, et non simplement un Etat formel fait d'une administration ,d'une police et d'une armée délabrées et faibles. Il faut ajouter à cet Etat et la constitution d'une bonne mentalité collective des peuples, c'est-à-dire une maturation idéologique de peuples encrés dans leur mémoire culturelle.

Le Congo souffre d'une carence grave dans ces domaines depuis cinquante ans. L'absence d'un appareil d'Etat moderne moulu dans une mémoire culturelle unifiant les peuples. Sans cette première étape, de révolution culturelle et de la constitution d'un appareil de l'Etat moderne, l'acquisition de grands facteurs de productions en termes de machines lourdes, des unités de production privées d'envergures et organisées ne peuvent être sources de travail productif réel et ne peut influer sur le progrès durable. Cela à cause de l'insécurité permanente : la peur du lendemain.

Le « travail réel » rendu possible après l'instauration de l'Etat-nation et des ajustements consécutifs au partenariat rénové, fort, gagnant- gagnant , responsable et libre entre les parties prenantes interne et externe sont au coeur des sociétés de progrès.

Les procédures sociales moralisées par la justice d'un Etat réel est le cadre d'un partenariat moderne, les institutions sociales sécurisés et la priorisation d'une l'infrastructure culturelle forment les conditions de travail social productif. Le partenariat est la suite des termes de contrats des citoyens partenaires de l'Etat-nation.

Le partenariat entre les secteurs privés se constitue comme des modes de base de régulations sociales de progrès. Ces contrats réels des secteurs privés marchants et ces négociations réelles sont intégrateurs des activités innombrables d'un pays pour le progrès. Le processus historique va de l'Etat-nation muri en premier lieu, de secteur privé marchant constitué, de secteur privé non marchant d'une la société civile libre, et des partenaires extérieurs peu scrupuleux.

Le capitalisme et la démocratie à la base ne s'excluent pas. La démocratie des peuples s'inscrit dans un procès historique de maturation. En effet, le niveau des techniques de production et de services acquis localement et sécurisé par une Etat réel influe sur la mentalité des peuples en termes de conscience historique. Cette mentalité est autant de qualité et progressif que les techniques de production et de service s'acquièrent dans le cadre d'un Etat -nation constitué. Cette étape peut cohabiter avec une priorité expugnable de la constitution de l'Etat- nation. Il n'y a pas de meilleure compagne de changement de mentalité (civisme fiscal y compris) sinon dépendant de l'acquisition des facteurs de production des biens et des services propres, et le travail réel et valorisant subséquent dans le cadre d'Etat-nation constitué historiquement.

Le processus est inscrit dans une lutte de classes , un monde qui se révèle celui de cruauté occultée entre classes sociales. L'Etat moderne doit être le rempart véritable de tout progrès. L'idéologie invisible des classes sociales dominantes ne permettent pas aux paysans d'acquérir la lucidité nécessaire pour la lutte politique. Ces repères occultés de progrès la base des civilisations modernes demeurent un enjeu redoutable de la démocratie des peuples contre la démocratie d'en haut. Les Etats faibles ne disposent pas de pouvoir d'agir et de l'initiative historique tant qu'ils sont d'abord inscrits dans une concurrence élitististe. Notre pays ne disposera pas de l'initiative historique tant qu'il s'inscrira dans une telle perspective n'étant pas nous ne sont pas conscient de la closonnement inconscient des classes.

Il s'agit en définitive , pour commencer la présentation détaillée de notre proposition de répondre à la question de savoir que représente en qualité les secteurs clés et prioritaires de développement historique des Etats modernes : le secteur de la police , de l'armée et de la sécurité, et le secteur culturel ?

Nous nous référons au Document de Stratégie pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSRP en sigle), pour donner cet état des lieux du fait que le plan de développement national est l'unique cadre de référence pour l'élaboration des programmes d'investissement dans les secteurs clés et prioritaires, de plans sectoriels de développement historiques subséquents. On le sait les politiques de DSCRP sont celles de reformes continues et en évaluation, mais dans quelle priorité se trouve-t-on ?

En termes de priorités :

LE PARTENARIAT TRADITIONNEL

Pour une brève historique générale de partenariat traditionnel, il faut dire que les plans de développement national successifs depuis 1960 ont mis l'accent sur une assistance technique résidante et permanente depuis l'indépendance jusqu'aux années 1980. Les années qui ont vu venir le Programme d'Ajustement Structurel, le PAS. En effet, le PAS alliait le double volet technique et économique, qui était en gros une conception néolibérale du développement avec la priorité accordée au mouvement des capitaux internationaux privés, à la privatisation, et autres mécanismes corollaires. Les résultats ont été catastrophiques pour le Zaïre d'alors, le peuple s'en souvienne.

Les plans de développement de la RD Congo depuis 1960 ont culminé, au plan de développement de la décennie 2002, au Plan d'Action Prioritaire du Gouvernement, PAP en sigle, programme qui a précédé la Politique économique du gouvernement, PEC en sigle. Ce dernier a été suspendu alors qu'il faisait partie avec le Plan Relais de Consolidation des derniers dispositifs de plan décennal qui a été conclu sous le label de cinq ans de DSRP Intérimaire, soit de 2000 à 2005 et de cinq ans d'un DSRP final (20005 - 2010) qui a abouti à l'effacement de la dette.

Il a toujours manqué à ces divers plans, cet autre double volet proprement politique, d'une démocratie de peuples à la base ,et culturel ,d'un encrage utile des peuples à leur mémoire culturelle.

Un plan décennal de développement tel que celui que nous avons conclu avec la communauté financière internationale à travers le DSRP reste est une vision de la Nation, et en tant que telle, il relève de la souveraineté de la Nation.

Après la disparition regrettable du Président Laurent Désiré Kabila, le Président Joseph Kabila a rendu possible la reprise des relations avec la communauté financière internationale par l'élaboration de DSRP Intérimaire qui a permis d'entrer de plein -pied dans la stratégie DSRP-PPTE en 2001. Le processus d'élaboration a débuté en avril 1999 par l'organisation d'un séminaire sous la tutelle des ministres de plan et de commerce et mettant en valeur l'approche de la dynamique communautaire.

Théoriquement ,nous crayons qu'une telle mise en oeuvre effective des mécanismes d'une gestion concertée avec la base de notre société au moyens des projets ,des programmes et de politiques de développement devait être un choix politique salutaire dont nous devons considérer comme stratégie centrale pour le développement de notre pays. L'Etat devait se gérer aussi bien au sommet qu'à la base.

Le Gouvernement formé après les premières élections démocrates de 2006 s'inscrivait déjà dans la reprise de plan décennal qui a été interrompu, qui a connu par ailleurs une exécution d'au moins six ans. En faisait foi l'obtention d'un milliard de dollars en tant que Facilités pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC). Le Gouvernement s'est proposé en son temps de négocier l'intégration d'un plan triennal dans ce plan général qui n'a pas aboutit en 2006. La Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC) du FMI et les prêts concessionnels de l'Agence Internationale pour le Développement de la Banque mondiale constituent un contrat de conditionnalité qui nous astreignait au respect des clauses de ce plan.

Le plan national intérimaire contenait des reformes structurelles et sectorielles. Nous allons présenter ici quelques reformes et en apprécier l'évolution. Le DSRP devait impliquer toutes les forces nationales (de la base au sommet) et des forces internationales en faveur de la renaissance du pays. Tenez, nous constatons collatéralement à ce plan la mise en place d'un espace d'harmonisation des initiatives internationales sur la RD Congo qui comprend les organisations internationales et plusieurs Etats ( Eufor , Union Européenne, CIAT, MONUC, OIT, PNUD, etc.).

Les gens devaient savoir que le principe qui guide notre projet sociétal est la notion de l'histoire. L'immense besoin qu'exprime notre beau pays et les efforts pressants de disponibilisation des ressources devaient dépendre d'un Etat constitué historiquement et d'une maturité mentale délibérée. Ce qui appelle l'exigence de mise en place de ces priorités véritables, des secteurs véritablement porteurs, pour la mis en oeuvre de principe de partenariat entre le public (l'Etat) - et le privé, le public et le public (coopération mutuellement avantageuses d'Etat à Etat), et enfin le partenariat entre le privé (le secteur privé) et le privé ou marchant.

Le « partenariat rénové » des années 2000 est fondé sur le principe responsable de gagnant -gagnant. Le partenariat est mis en oeuvre dans le but d'accompagner les reformes et de reconstruire notre pays. Le partenariat met l'ensemble les bailleurs de fonds du secteur privé et du secteur public pour financer des projets d'envergure dans plusieurs secteurs d'intervention ou d'activité nationales, les institutions partenaires au niveau multilatéral, des Etats partenaires au niveau bilatéral, la mise en place les comités de pilotage et surtout le renforcement de la gestion participative de la population qui devait être fait par un budget participatif.

Le partenariat avec le Contrat Chinois, avec lequel nous avons su visiblement tirer profit du secteur privé chinois est globalement positif. Il s'agit d'un grand volume historique d'aide en termes des facteurs de productions (machines lourdes et autres matériaux), dans la nature et en mode de partenariat non exclusivement monétaire (le troc). Une société de construction chinoise peut prendre en charge son personnel au point de dormir dans le baraquements au lieu de loger des hôtels luxiluants , ce qui fait une grande économie. Ce partenariat avec la chine s'inscrit dans une continuité, depuis la construction du palais du peuple, du stade de martyr , et autres ouvrages réalisés au pays. C'est un partenariat qui est loin comparable à ceux conclus avec des partenaires traditionnels.

Le partenariat chinois non sans quelques contradictions aiderait à évaluer avec une certaine traçabilité d'innombrables activités nationales qui se déroulent dans notre pays avec le partenariat traditionnel avec l'occident de plus de 100 ans depuis la conférence de Berlin : les programmes, les feuilles de routes et des projets de développement consignés ou non, jusqu'au DSCP actuel, le Document de Croissance et de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté, le DSCRP en sigle, etc. C'est la consécration d'une étape qui a atteint son apogée, l'extraversion quasi- totale de notre pays et la dépendance économique.

En fait, nous prônons une mise en oeuvre progressive des politiques de reforme et accompagnons le gouvernement de la République, les associations, le secteur privé ou marchant, les hommes de bonne volonté responsables et patriotes dans la réalisation des idéaux de la nation. Nous n'ignorons pas que la réalisation des actions prioritaires programmées devaient dépendre de la disponibilité des financements nécessaires, des actions prévues devaient se réaliser dans le temps, les actions non réalisées ou en souffrance devant être revues et corrigées périodiquement.

Nous sommes un Parti politique appelé à gérer le pays, sinon pour préparer nos membres à la gestion publique du pays. Pour cela, il faudrait impérativement commencer par suivre la gestion réelle du pays. Nous sommes plus pratique, pour suivre les activités nationales, il est impérieux de se référer au plan de développement officiel de notre pays, en l'occurrence le DSCRP , le Document de Croissance et de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté.

Une telle approche a l'avantage d'être concret et véridique. S'il est mis en place pour l'évaluation de partenariat ,il permet la programmation collective et le contrôle collectif dans la réalisation des programmes : l'appropriation par le peuple des fonds de développement mis à la disposition des différents secteurs de la vie nationale et locale ,la définition des choix collectif des priorités et le contrôle de l'attribution des marchés et leur réalisation.

Nous allons nous référer au résumé de DSCRP donné dans les encadrés du document en modifiant l'ordre de présentation. Il s'agit ici de donner un état des lieux de l'Etat dans tous les domaines d'interventions à partir de 2002 pour permettre de suivre l'évolution de la situation du pays jusqu'aujourd'hui et relancer l'avenir.

Le document donne l'impression que la RD Congo ne survit qu'avec de l'aide extérieure au développement. Nous abordons cette étude dans le cadre d'une philosophie proceduraliste qui englobe la pédagogie morale. Notre objectif est le développement socio-économique et culturel tangible de notre pays.

Le plan de développement de la RD Congo est, en l'occurrence, le Document de stratégie pour la croissance et la lutte contre la pauvreté et l'emploi, DSCRPE en sigle. Le DSCRPE est le cadre de référence officiel pour la planification national, il est par ce fait même le premier instrument de développement.

Notre Projet de société a pour vocation de s'ancrer dans la marche réelle du pays en suivant le plan de développement concret de la République Démocratique de Congo coulé dans le Document de Croissance et de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSCRP en sigle ) publié en 2006 , document qui a pris en compte des données de 2002 jusqu'à l'échéance de 2015.

Ce que beaucoup de gens ignorent, est que le DSRPE est le plan décennal de développement national de notre pays, c'est sur quoi le gouvernement doit s'efforcer d'aligner l'ensemble des programmes nationaux, les cinq chantiers, les budgets de l'Etat de chaque année, et autres projets. C'est le défi à relever. Le DSCRPE est un plan de 10 ans divisée en trois phases :

1) 2000-2002 : processus de paix, bonne gouvernance (le renforcement des institutions) et stabilité économique ;

2) 2002-2005 : soudure entre la stabilisation macro-économique et la croissance pro-pauvre (réhabilitation des infrastructures, du capital humain, l'accès aux services sociaux, et des capacités du gouvernement) ;

3) 2005-2010 : la relance de l'économie nationale et croissance forte, durable et pro-pauvre.

Au point de vue des objectifs de DSCRP le point le plus important pour nous comprend la capacité de participation des populations à son élaboration, sa réalisation et son contrôle, ce que le DSCRP appelle la dynamique communautaire. Ce point se focalise au niveau du pouvoir exécutif alors qu'il devait s'organisé en vrai pouvoir délibérant et de contrôle. Il est en effet impérieux de savoir que l'élaboration, la réalisation et l'évaluation de plan de développement national exige une approche globale qui appelle toutes les forces et toute l'expertise de la nation.

Aujourd'hui, après les premiers rapports d'évaluation de la mise en oeuvre de la Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté et de la Promotion de l'Emploi (avril 2007 à décembre 2008), et les résultats atteints, la baisse de taux de mortalité infantile et l'exigence de l'alignement du budget 2012 sur le DSCRP. Plusieurs considérations devront être faites. Les résultats portent sur les indicateurs humains, notamment la baisse de taux de mortalité des enfants du coté des officiels en RD Congo. Les partenaires occidentaux de leur coté demandent à ce que les projets soient crédibles eu égard à la faiblesse de gouvernance économique et financière.

Pour son renforcement, le président de Comité de Pilotage de DSCRP, le Professeur Kalonji Ntalaja, a proposé que le DSRP soit débattu au Parlement, au lieu d'être un contrat qui ne regarde que le Gouvernement et les partenaires extérieurs.

Nous devons après dix ans d'exécution de DSCRP revoir la définition des priorités :

0. l'instauration de la paix, c'est-à-dire la défense et la sécurité ;

1. La croissance ou la production des secteurs porteurs ;

2. La dynamique communautaire et la bonne gouvernance ;

3. L'accès aux services sociaux et la réduction de la vulnérabilité ;

4. La lutte contre le VIH/Sida.

Ces matières sont à suivre et à soumettre à l'évaluation par les groupes des responsables de chaque secteur d'activités nationales. Le topo ci-dessous que nous présentons a l'avantage de donner les domaines d'intervention, les organes nationaux de pilotage, les timing, les institutions partenaires au niveau multilatéral, des Etats partenaires au niveau bilatéral et la hauteur des budgets qui viennent en appui à partir des priorités.

LA SECURITE ET LES FORCES ARMEES

L'administration de l'Armée et de la Police

Nous partirons de la transition en reprenant in extenso le résumé de DSCRP907(*). La réunion des Etats Majors des composantes et des entités ayant souscrit à l'Accord Global et Inclusif a permis la formulation d'un processus de réformes en deux phases : (i) une phase d'intégration initiée depuis la fin 2003 avec la mise en place d'un Haut Commandement Militaire Intégré, la nomination des différents responsables des corps d'armée et des régions militaires et la constitution d'une brigade de restructuration des FARDC durant laquelle une réduction significative des effectifs était prévue. La planification de cette phase est toujours en cours. Le Gouvernement a entrepris et entend intensifier les mêmes actions de réforme et d'intégration de la police nationale, afin d'améliorer son efficacité sur l'ensemble du territoire.

Un séminaire concernant l'organisation administrative des FARDC a été organisé par la Mission de l'Union Européenne sur la Sécurité en RDC (EUSEC) au mois de janvier 2005 pour ressortir les causes profondes qui seraient à la base de la dégradation de la gestion administrative de l'Armée et définir les voies de sortie afin d'obtenir un meilleur rendement. Ce séminaire a permis d'identifier les causes profondes suivantes : (i) Manque de contrôle administratif des personnels ; (ii) Absence de nouvelles technologies ; (iii) Utilisation d'un personnel non administratif à la place d'un personnel administratif formé (de la base au niveau central) ; (iv) Importance prioritaire attachée à la paie ; (v) modicité des salaires ; (vi) Non-exploitation des documents de base ; (vii) Non respect des normes administratives et (viii) Défaillance de l'administration au niveau de l'Unité (Compagnie bataillon).

L'évaluation de ce secteur d'activité nationale ne nous est pas encore disponible. Toutefois, nonobstant le travail de reforme louable amorcé, il faut ajouter au système de sécurité les services de sécurité nationale dans son ensemble. Notons quand même non sans regret l'existence de l'armée étrangère onusienne (la Monusco) de loin plus équipée et moderne qui cohabite avec le système de défense national et lui imprègne son idéologie.

LA FONCTION PUBLIQUE

La réforme de l'administration publique :

Nous nous référons ici au DSCRP. Le diagnostic des ministères principaux effectué depuis 2002 incluait les révisions des missions, du cadre organique et du statut de certains ministères (Fonction publique, Finances, Budget, Plan, Agriculture) et d'une des régies financières. Ce diagnostic institutionnel a été effectué par un cabinet d'expertise en septembre 2002. Deux phases subséquentes ont prévu des études similaires pour le reste de l'administration publique en 2006. Un audit des systèmes de prestation de services a permis d'analyser les mécanismes de prestation des services au niveau local dans deux secteurs dits clés, à savoir : l'éducation et la santé. Un audit sur les procédures de gestion des dépenses du personnel de l'État et adoption par le Gouvernement des recommandations de cet audit en 2004.

Un recensement des fonctionnaires civils a démarré début 2005. La première étape n'a concerné que la Ville de Kinshasa. Il s'est poursuivit en 2006 sur le reste du pays. Il a connu l'adoption du programme de mise à la retraite en 2005. Ce programme vise à la fois la liquidation des indemnités de fin de carrière d'environ 100.000 fonctionnaires ainsi que la redynamisation de l'administration et le rajeunissement des effectifs.

Les évaluations de ce travail amorcé n'est pas encore disponible. Nous saluons des reformes amorcées en dépit des faiblesse liées notamment au fait que sur la situation générale, il faut dire que la légalité administrative des actions collectives n'est pas garantie par la subordination des cabinets politiques qui regorgent des experts qui ont littéralement remplacé et paralysé dans une large mesure la fonction publique.

LE PORTEFEUILLE DE L'ETAT

Les entreprises de l'Etat devaient être la base de la prospérité nationale, à ce titre, elles devaient être organisées au premier chef. Le porte -feuille de l'Etat est le fondement de la prospérité nationale. L'Etat congolais a ,en effet ,mis en oeuvre, avec le soutien des partenaires divers ,notamment la Banque mondiale, toute une série de réformes structurelles et sectorielles couvrant les entreprises publiques (pensez au comité de pilotage de la reforme des entreprises publiques (COPIREP en signe) issu des Décrets n°136/2002 du 30 octobre 2002 et N°04/047 du 20 mai 2004 qui ,sur le plan des textes légaux devriez ,il nous semble se pencher sur la loi-cadre n° 78/002 du 6 janvier 1978 applicable aux entreprises de l'Etat. Ce domaine est resté très fragile. Aujourd'hui nous assistons à l'émergence des entreprises commerciales de l'Etat sans trop comprendre en quoi elles se différencient de la privatisation des entreprises de l'Etat.

LA PROMOTION DU SECTEUR PRIVE

Actions et réformes entreprises dans le secteur privé

Au niveau de cadre juridique, une grande reforme a été entamée avec l'approbation de nouveaux codes des investissements et du travail en 2002. Au plan sectoriel un nouveau code minier a été publié en 2002 et ses principaux décrets d'approbation en 2003.Un nouveau code forestier a été promulgué en 2002. Des arrêtés portant mesures d'applications ont été pris en 2003 et 2004. Dans le domaine de la régulation des télécommunications, l'agence de régulation des postes, Téléphones et Télécommunication (ARPTC) a été créée et la nouvelle loi sur la télécommunication a été publiée en 2003.

Au niveau judiciaire, et particulièrement pour les deux tribunaux de commerce que le gouvernement compte mettre en place, les juges ainsi que le personnel de ces tribunaux ont été formés à Rome en janvier 2004. La seconde formation a été organisée à Kinshasa entre janvier et mars 2005 avec l'appui du COPIREP sur le droit de l'OHADA au cours de laquelle plusieurs catégories de personnes furent formées. Les infrastructures physiques sont en voie de réhabilitation. Pour faciliter l'administration des différents commerciaux, un centre national d'arbitrage a été crée par arrêté ministériel en juin 2003 et environ 30 arbitres enregistrés en novembre 2004. Une gazette permettant de publier les lois a été créée. Par ailleurs, le gouvernement a reçu en mars 2005, le rapport sur l'étude des modalités d'adhésion à l'OHADA. En vue de faciliter les opérations administratives relatives aux investissements, une agence de promotion des investissements (ANAPI) a été créée en 2002. Un guichet unique d'agrément a été mis en place afin de réduire les délais administratifs de création d'entreprises. En vue de contribuer à l'amélioration de climat des affaires, le gouvernement et parlement ont approuvés l'adhésion du pays à l'agence pour assurance du commerce en Afrique (ACA). L`accord a été notifié en février 2005. La RDC a libéré sa contribution initiale au capital de l'ACA avec l'aide da la Banque mondiale.

Au niveau de la fiscalité, des revues du système fiscal et douanier ont été entreprise avec l'assistance du FMI et de la Banque Mondiale. Il en a résulté la publication d'un nouveau tarif douanier (dont l'objectif est de rationaliser la structure de la protection douanier du marché intérieur) et d'importantes reformes entreprises au niveau de la fiscalité indirecte, dont l'introduction de la déductibilité au niveau de l'impôt sur le chiffre d'affaire en vue d'améliorer la compétitivité des industries locales vis-à-vis du marché international et de préparer en même temps l'instauration de la TVA pour 2006.L'ICA sur les exportation a été supprimée en juillet 2004. Des actions sont entre prises pour la mise en place et la rationalisation de la fiscalité directe et indirecte applicables aux entreprises.

Dette intérieur. Un audit des arriérés de paiement de l'Etat envers le secteur privé, effectué par une firme d'expertise financière recrutée avec l'appui de la Banque mondiale, a été achevé en février 2004 pour les créances allant jusqu'au 31 décembre 2001. Le stock total de la dette certifiée a été arrêté à 1.270 millions USD de dette commerciale. Les négociations menées par Banque Sterling Merchant finance Ltd. (négociateur du gouvernement recruté à cet effet) n'ont portée que sur la dette commerciale. Les créanciers représentant 365 millions USD ont pris part aux négociations qui abouti à une décote moyenne de 75% en valeur actualisée, ramenant ainsi le stock à 96 millions USD. L'apport de la banque mondiale de 42,5 millions USD au titre d'appui budgétaire a servit à payer la première tranche de 2005. Le plan de remboursement pour les années 2006 et 2007 prévoyait le montant respectif de 29,5 millions et de USD et 24,7 millions.

Le secrétariat national dans ce secteur doit préparer des plans d'étude pour compléter les informations et suivre les décisions dans le secteur et émettre des avis pertinents.

SECTEUR DE L'INDUSTRIE

Le gouvernement entend industrialiser l'économie en vue de la rendre plus compétitive et pleinement intégrée dans la dynamique d'échanges régionaux et internationaux. Les principales actions ont porté sur la relance des activités industrielles et de développement des activités porteuses de croissance, l'élaboration et la surveillance des normes ainsi que la gestion de la métrologie légale et de la normalisation, la gestion de la propriété industrielle et la lutte contre la contrefaçon, la relance de la moyenne et petite entreprise et l'appui au secteur privé.

Des activités ont été amorcées dans le cadre de la relance industrielle et du développement des activités porteuses de croissance. Dans ca cade, le gouvernement a procédé à l'actualisation du schéma directeur d'industrialisation sous la direction de la Cellule d'Etude et de Planification Industrielle (CEPI) du ministre de l'industrie. De même, le premier draft du document de la nouvelle politique industrielle de la RDC a été élaboré avec le concours de l'ONUDI. Ce document est disponible depuis fin juin 2008 en attendant sa validation au cours d'une table ronde qui sera organisée à cet effet. Par ailleurs, le site devant abriter la nouvelle cimenterie de la province Orientale sur financement des fonds indiens pour le montant des USD 13 millions a été inaugurée en juin 2008. Prés de 50% du matériel destiné à ce projet est arrivé à Kinshasa en attendant son transfert sur le site. En outre, une concession de 600 hectares a été acquise à Moanda pour l'installation d'une fonderie d'aluminium d'une capacité de production annuelle de 600 000 tonnes. Sur cette base, un courant de promotion a été signé avec BHP BILLITON pour finaliser les études sur Inga III et réactiver les activités de celui-ci.

Le processus d'élaboration des normes ainsi que de la gestion de la métrologie légale et de la propriété industrielle a démarré en 2008. Plus de 100 normes harmonisées de COMESA ont été adoptés au premier semestre de l'année 2008, contre deux normes dont disposait le pays depuis plusieurs années. Deux projets de loi portant respectivement sur la normalisation et sur la métrologie légale en Avril 2008 sont sous examen au niveau du Gouvernement. Concernant la gestion de la propriété industrielle et de la lutte contre la contrefaçon, un premier draft du projet de loi révisant la loi n°82/001 du 7 janvier 1982 régissant la propriété industrielle en RDC est finalisée. Aussi pour la relance de la petite et moyenne Entreprise, le Gouvernement a procédé à l'élaboration et à la validation du document de la charte des PME en RDC.

S'agissant de l'appui au secteur privé, plusieurs actions ont également été entamées. Un financement de la Banque Mondiale d'un montant d'un million de dollars est prévu pour appuyer les études des filières (chaines des valeurs). Il est également prévu un décaissement de 7,5 millions de dollars au titre d'appui au développement du secteur des micro-finances. Des études de faisabilité ont été financées en vue d'améliorer l'accès aux services financiers. Celles-ci sont disponibles et attendent d'être validées. De même le projet du cadre devant régir ce secteur a été élaboré de manière concentrée entre tous les acteurs concernés et le Ministère de tutelle avec l'appui des bailleurs. En outre les stratégies nationales visant à améliorer la gestion du secteur ont été élaborées et adoptées par toutes les parties prenantes.

SECTEUR DE l'EDUCATION NATIONALE, LA CULTURE, ANIMATION DE L'HISTOIRE NATIONALE ET DE LA MÉMOIRE COLLECTIVE

Actions dans le secteur de l'éducation

En vue de promouvoir le système Educatif de la RDC dans la vision des OMD, Objectifs du Millénaire pour le Développement, le gouvernement devait réaliser des actions suivantes :

- La réhabilitation de 140 écoles sélectionnées dans le volet social du PMURR ;

- La finalisation du rapport d'Etat du système Educatif National (RESEN) et l'adoption de l'avant - projet du plan d'action du programme Education pour tous (EPT);

- La mise en oeuvre du programme d'allocation trimestrielle des fonds pour les frais de fonctionnement des écoles primaires et secondaires publiques, en vue de réduire graduellement les frais payés par les parents et ;

- La préparation du projet d'appui au secteur de l'Education (PASE) financé par la BAD et du projet d'appui au redressement du secteur Educatif congolais (PARSEC) financé par la Banque Mondiale.

A. Projet d'Appui au Secteur de l'Education (PASE).

L'objectif poursuivi par ce projet est de contribuer à la reconstruction du système éducatif congolais en vue de la mise en oeuvre des objectifs de l'éducation pour tous (EPT), à travers l'appui à l'élaboration des reformes sectorielles et du renforcement des capacités institutionnelles tant de planification que de gestion. Le montant de financement étant de 5,23 million d'US au titre de don, le PASE comprend quatre composantes que sont :

- L'appui à l'élaboration des réformes sectorielles ;

- La mise en place d'un système d'information pour la gestion de l'éducation ;

- Le renforcement des capacités institutionnelles de planification, de formation et de gestion pédagogique ;

- La gestion du projet. Présentement, le PASE est pleinement dans la phase de mise en vigueur. Le décaissement est de l'ordre de 17% sur des engagements estimés à 69% en mai 2006.

B. Projet d'appui au Redressement du secteur Educatif Congolais (PARSEC).

Financé par un don de 130 millions de dollars US par la Banque Mondiale, ce projet a pour objectif :

- D'arrêter la dégradation du système Educatif Congolais dans la fourniture des services essentielles au niveau de l'enseignement primaire et ;

- Préparer le terrain en vue d'assurer le financement et le développement durable du secteur.

Le PARSEC comprend quatre composantes :

Ø Accroitre l'accès et renforcer l'équité au niveau de l'enseignement primaire ;

Ø Améliorer la qualité de l'enseignement primaire ;

Ø Renforcer les capacités institutionnelle et financière du secteur de l'éducation et ;

Ø Renforcer la gestion du projet. Préoccupé par la réhabilitation du système éducatif, le gouvernement congolais finalise présentement les dossiers pouvant permettre la tenue de la réunion du conseil d'administration de l'IDA qui examinera les conditions de mise en vigueur du projet.

Le secrétariat national dans ce secteur doit préparer des plans d'étude pour compléter les informations et suivre les décisions dans le secteur et émettre des avis pertinents.

Le système éducatif congolais

Contrairement à la lettre éducative de 2006 résumé dans le DSCRP, la politique du gouvernement a porté sur l'amélioration de l'accès au niveau primaire de la couverture et de la qualité des services de l'éducation aux niveaux primaire et secondaire et l'équité dans le secteur de l'éducation sur la période 2006-08.

Pour accroitre l'accès dans le secteur de l'enseignement Primaire et secondaire, le Ministre de l'EPSP et les bailleurs ont mis en place un cadre consensuel de conception et de la mise en oeuvre de la stratégie Nationale de réduction des frais Scolaires. D'autres parts, le gouvernement a mis en oeuvre le mécanisme d'allocation trimestrielle des fonds pour les frais de fonctionnement des écoles primaires et secondaires publique, en vue de réduire graduellement les frais payés par les parents. En appui à ce mécanisme, interrompu en 2006 suite aux contraintes financières du gouvernement, la première tranche trimestrielle de frais de fonctionnement de l'année scolaire 2008-09 de l'ordre de USD 8,0 millions vient d'être versée à 25 978 écoles éligibles au Projet d'Urgence pour la Réhabilitation Urbaine et Sociale (PURUS) financé par la Banque Mondiale. Par ailleurs, 140 écoles ont été réhabilitées dans le cadre du volet social du PMURR financé par la Banque Mondiale. L'Unité de coordination et de gestion des projets (UCOP) est également en train de finaliser les termes de référence pour la constitution de la commission qui devra déterminer les critères de sélection des 262 écoles à réhabiliter dans le cadre du projet PARSE.

Le gouvernement a également mis un accent particulier sur l'amélioration de la qualité du système éducatif congolais. Une avancée significative a été enregistrée dans la commission indépendante qui travaille déjà à l'élaboration des projets de loi ainsi que de textes réglementaires et juridiques du système éducatif. Le projet d'appui au secteur de l'Education (PASE) mis en place en 2004 financé par la Banque Africaine de développement à permis de généraliser le Système d'Information pour la Gestion de l'Education (SIGE), ce qui a abouti à la publication des annuaires statistiques pour le secteur de l'éducation (EPSP,ESU et Education non formelle) pour l'année 2006-07. Le PASE a également permis la réalisation de cinq études thématiques de l'enseignement et à l'amélioration de l'encadrement administratif et pédagogique.

A cet effet, tous les élèves de la première année primaire ont bénéficié d'un don présidentiel en matériel scolaire depuis septembre 2008. Des kits et des manuels scolaires ont aussi été distribués à la rentrée scolaire 2008-2009 aux écoles primaires dans le projet PARSE et d'une dotation fournie par l'UNICEF et la CTB.

Concernant le volet de financement et de gestion financière du secteur de l'éducation, un fonds annuel de promotion de l'éducation a été mise en place par le décret présidentiel depuis 2005. Par ailleurs, la part du budget National consacrée à l'éducation a connu une augmentation relative, elle est passée de 8% en 2006 à 10% en 2007 pour atteindre 11% en 2008, c'est - à - dire bien au-delà de l'objectif de 10% fixé pour la période.

Les trois secteurs ainsi présentés devaient être consolidés dans la durée pour atteindre la maturité historique avec un budget de loin plus important que les autres secteurs. Ces trois secteurs sont des conditions de possibilités des autres. Tous les autres secteurs se greffent sur la fonction publique.

LE PARTENARIAT RENOVE

L'alignement du contrat chinois sur le cadre national de planification est impératif, et des autres dons et prêts de tout bord. Le contrat chinois a mis en avant l'idée centrale d'un « Partenariat rénové » fondé sur le travail négocié avec les acteurs non étatiques internationaux avec la garantie des Etats. Les reformes à mener dans les secteurs prioritaires de la création de l'emploi et la restauration de l'Etat devait être fondées sur le partenariat de ce genre, pensé et appliqué avec le secteur privé international.

Notre proposition s'inspire aussi au point de vue de la politique extérieure de la coopération sous régionale, de plan de NEPAD, le plan de développement de l'Afrique. Nous sous inspirons donc de programme de NEPAD (nous y reviendrons) qui semble dicté de leur priorité le contrat chinois.

Les hommes ne peuvent efficacement lutter contre la pauvreté que s'ils conjuguent leurs efforts au niveau local, à l'échelle régionale et sous-régionale, à l'échelle mondiale, pour la sécurité des personnes et de leurs biens d'abord, en instaurant une défense nationale organisée et autonome, et font ensuite de la concertation, du partenariat gagnant- gagnant avec le secteur privé et de la discussion l'espace privilégié des initiatives et des décisions.

Il faut qu'à la discussion s'articule l'action collective planifiée. Mais la concertation et la discussion menées dans un espace public intégré au niveau mondial et africain doit suivre. En ce qui concerne l'Afrique, l'articulation des actions efficientes sur les discussions sécuritaires concertées exige un renouvellement non seulement des paradigmes scientifiques mais également celui de son encrage dans un contexte véritable de lutte de classe. Le développement de l'Afrique exige certes de grandes actions à l'échelle du continent, il ne faut donc pas perdre de vue l'importance, l'utilité et l'efficacité de la coopération régionale. L'avenir de l'Afrique réside dans la conjugaison des énergies au niveau des programmes d'actions régionalement intégrés.

La Chine a réussit avec une haute philosophie sociale à s'ériger comme une alternative crédible au capitalisme. Elle est véritablement consciente de la lutte des classes dans la sphère internationale, la république populaire de Chine est parvenue à y entrer depuis 1970 exclue qu'elle était lors de son acceptation au conseil de sécurité des Nations- Unies. De modes funestes d'élimination de plus faibles (la lutte implacable des mieux adaptés), l'Afrique doit entrer dans la lutte internationale des classes dont il a longtemps été exclue. 

La Chine a définit depuis 1978 une jointe -venture de modernisation qui a libéralisé son économie après le principe de défense nationale et d'indépendance. Pour elle, le progrès social est consécutif à une maitrise préalable du domaine sécuritaire et de la révolution intellectuelle du peuple. « Les puissances coloniales (ont pillée l'Afrique) jusqu'en 1960 avant de pérenniser leurs intérêts en y soutenant ses régimes les plus brutaux. L'aide que l'on estime à 400 milliards de dollars pour toute la période 1960 - 2000 (400 milliards, c'est l'équivalent du PNB de la Turquie, mais aussi des fonds que l'élite africaine ont cachés dans les banques occidentales), cela n'a pas produit l'effet escompté et a même, selon une théorie en vogue, empiré les choses. L'Afrique n'a survécu que grâce au sentiment de culpabilité des Occidentaux, qu'elle a fini par décourager. En faisant échouer tous les programmes de développement, en restant la victime éternelle des ténèbres, des dictatures, des génocides, des guerres, des épidémies et de l'avancée des déserts, l'(Afrique) se montre incapable de participer au festin de la mondialisation. »908(*)

Pourtant sur base des chiffres, aujourd'hui « la Chine en Afrique est (...) plus qu'une parabole de la mondialisation, c'est son parachèvement, un basculement des équilibres internationaux, un tremblement de terre géopolitique. »909(*) Nous allons expliquer, la suite de l'entr'aide chinoise qui « s'achève, dans le plus grand silence, l'une des dernières étapes de la mondialisation et la rencontre des deux cultures les plus éloignées que la terre puisse porter. »910(*)Il s'agit en l'occurrence de la chine et de l'Afrique.

On peut dire que le Partenariat avec la Chine, avec le consortium privé des hommes d'affaires chinois, nous semble bien amorcé au Congo. A propos, il s'agit de la gestion du prêt chinois à la RD Congo. Ce prêt concerne deux volets :

1. La mise sur pied d'une plate-forme financière d'un consortium des banques spécialisées dans les travaux de réhabilitation et construction d'infrastructures et d'exploitation minière pilotée par Exxim Bank de Chine. Ce volet consistera à financer les infrastructures routières, ferroviaires, aéroportuaires et sociales (écoles, hôpitaux, universités).

2. Le deuxième accord piloté par un consortium des entreprises ayant comme tête de fil la Banque de Développement de Chine (CDB) , prévoit la création d'une plate-forme financière chargée de :

- Collecter des fonds nécessaires au financement des projets d'investissements de grande envergure ;

- Recenser les projets qui répondent au mieux aux stratégies de développement de notre pays ;

- Mettre en place et développer rapidement le marché bancaire et financier au Congo pour qu'il réponde au mieux aux exigences du développement économique.

Le Congo a une vocation africaine : une diplomatie de développement dans un tel contexte atténuerait les voracités et les convoitises des voisins et des autres pays. Il est regrettable que presque toutes les tentatives d'intégration régionale comme la CEPGL (communauté économique des pays de Grands Lacs) par exemple, aient été étouffés par des crises, des conflits armés, des rebellions et de malheureuses agressions entre Etats. Ces initiatives doivent être reprises, affermies à la faveur d'une paix durable et génératrice de développement et de restructuration.

Au demeurant, les constructeurs de l'Afrique doivent s'inspirer des modèles qui constituent les trois parties suivantes :

La première partie, devait être à la suite de Cheick Anta Diop , celle de l' « Industrialisation de l'Afrique »à partir de huit zones : le bassin du Congo, la zone tropicale (Sénégal, Mali, Niger), la région de golfe de Bénin, le Soudan nilotique -Grands Lacs - Ethiopie), le Ghana et la Côte d'Ivoire, le Bassin de Zambèze, La Guinée Sierra- Leone- Liberia, l'Afrique du Sud. Cependant, il faut l'affirmer ici : l'industrialisation de l'Afrique n'est réalisable que par l'unité politique ou tout au moins l'établissement des Accords bilatéraux. Toutefois, il faudrait avant tout compter sur soi en créant des armées modernes afin de faire face souverainement aux tâches historiques qui pourraient nous attendre encore.

La deuxième partie est celle de : « Recensement des sources d'énergie » , elle fait l'inventaire détaillé de toutes les sources d'énergie dont regorge l'Afrique : hydraulique, solaire, atomique, thérmo-nuclaire, éolienne, thermique des mers, marémotrice, de la houille rouge, de l'énergie thermique de volcan, et de l'énergie géothermique. Cet inventaire a pour objectif : « L'utilisation par les africains eux -mêmes, non pas pour créer des industries complémentaires de celles de l'Europe, mais pour transformer les matières premières que recèle le continent ».

La troisième partie est celle de la révolution culturelle, et s'intitule : «Unité historique : restauration de la conscience historique et de la mémoire africaine ». Cette unité doit se construire autour de l'exhumation et de l'animation de la mémoire collective et de la conscience historique, et du processus d'unification linguistique à l'échelle continentale. Il est donc question de travailler à l'essor d'une « seule langue africaine de culture et de gouvernement, devant coiffer toutes les autres ; les langues européennes, quelles qu'elles soient, restant ou retombant au niveau de langues vivantes de l'enseignement secondaire ».L'unité fédérale débute par l'intégration régionale de l'Afrique centrale francophone et anglophone. Concrètement, un cartel de Présidents ou des Chefs d'Etat démocrates animerait un Etat fédéral caractérisé par le bicaméralisme, et l'égalité de sexe.

Des plans de développement comme le NOPADA qui a échoué (le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique) représentent des exemples des programmes d'action qui n'ont pas été appliqués face au partenariat international. Le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique(NOPADA) a définit les secteurs prioritaires sans des moyens financiers conséquents.

Les bailleurs de fonds attendus n'ont pas honorés leurs engagements. Il s'agit de secteurs suivants :

- Infrastructures,

- Ressources humaines,

- Santé,

- Technologie de l'information et de la communication,

- Agriculture,

- Energie,

- Accès des exportations africaines aux marchés des pays développés.

Le nouveau partenariat avec l'Afrique, largement anticipé par la coopération africaine de la chine devait par delà le Congo viser les actions multiples. Le Contrat Chinois est inscrit dans une perspective africaine : l'Afrique bénéficie de l'aura de la chine aujourd'hui parce que le partenariat est réel et le volume important des investissements est PLUS QUE remarquable. La différence essentielle dans le partenariat en Afrique avec le monde extérieur est marquée la dernière décennie (2000- 2010) par un événement remarquable : la montée fulgurante de la Chine et leur volume d'investissement public en Afrique. La hauteur, la nature et le volume des ressources financières et matérielles apportées par la Chine par rapport aux partenaires traditionnelles, tels ACP- UE, et les anciens pays colonisateurs de l'Afrique sont sans commune mesure.

Volume d'investissements publics chinois en Afrique depuis 2006 911(*)

Pays africains

Argent public chinois investi 

Principales activités 

Autres activités

Algérie

612 millions d'euros

construction (habitat, autoroute, usine désalinisation, raffinerie),

Coopérations militaires

Tchad 

530 millions d'euros

Pétrole

 

Niger

330 millions d'euros

Uranium, pétrole, textile, construction

 

Guinée

690 millions d'euros

Mines, constructions

Barrages en construction ou projets approuvés

Nigeria

10, 7 milliards d'euros

Pétrole, construction, chemin de fer, raffinerie, barrage, commerce, industrie

Barrages en construction ou projets approuvés

Cameroun

118,7 millions d'euros

construction, bois, commerce

Instituts confucius (centre culturel chinois),

Barrages en construction ou projets approuvés

Gabon

2,6 milliards d'euros

Bois, mines de fer, pétrole

Barrages en construction ou projets approuvés

Congo

373 millions d'euros (effacement de la dette 95 millions d'euros)

Construction (Barrages, ministères, aéroports, habitat), bois, commerce

Coopérations militaires, Barrages en construction ou projets approuvés

Angola

4,5 milliards d'euros

Construction ( chemin de fer ,ports, aéroports, habitat) ,industrie

Coopérations militaires, Barrages en construction ou projets approuvés

Egypte

260 millions d'euros (2007)

Infrastructure, télécom, construction, tourisme

Instituts confucius (centre culturel chinois),

Coopérations militaires

Soudan

10 milliards d'euros

Pétrole, agriculture, construction, (barrage, routes)

Contribution chinois aux opérations de maintien de la paix de l'Onu, Coopérations militaires, Barrages en construction ou projets approuvés

Ethiopie

3 milliards d'euros

Barrage, bâtiments, routes, télécom

Coopérations militaires, Barrages en construction ou projets approuvés

RD Congo

8,86 milliards d'euros

Mines, construction

Barrages en construction ou projets approuvés , Contribution chinois aux opérations de maintien de la paix de l'Onu, Coopérations militaires

Zambie

420 millions d'euros

Mines, agriculture, industrie, commerce

Barrages en construction ou projets approuvés

Zimbabwe

390 millions d'euros

Agriculture, construction, armement

Instituts confucius (centre culturel chinois), Barrages en construction ou projets approuvés, Coopérations militaires

Mozambique

2,18 milliards d'euros pour le seul barrage de Mepanda

Bois, mines, construction

Barrages en construction ou projets approuvés

Afrique du Sud

3,6 milliards d'euros pour la Standard Bank

Commerce, industrie, banques

Instituts confucius (centre culturel chinois), Coopérations militaires

 

Total

 
 

Comparativement, les 25 pays de l'Union Européenne devaient apporter pour la période 2000- 2007 une somme totale loin inférieur de 23,5 milliards d'euros et pour la période de 2008 - 2013 le montant de 22 682 milliards d'euros aux 78 pays ACP.

Dans cette jointe -venture amorcée au Congo avec la Chine, il faudra donc promouvoir la participation de secteur privé national : la politique de carré minier nous emble être une expérience malheureuse pour les autochtones des contrées minières.

Le pouvoir économique se mue toujours en pouvoir politique, un pouvoir économique local devient le pouvoir politique local. Les affaires et le pouvoir sont inextricablement liés. Cette situation concerne en priorité l'identification des problèmes à résoudre selon les aspirations et les besoins des classes sociales congolaises et africaines qui vivent les vicissitudes innombrables : la grande bourgeoisie et la bourgeoisie moyenne en RD Congo sont à majorité étrangères (les PEM). Au Congo domine dans les affaires les Indo-pakistanais, les libanais, et autres ouest - africains.

Les congolais, que nous sommes, ne sommes pas encore entrés collectivement dans une mentalité positive de progrès, cela exige le changement drastique des techniques et des moyen des de production. Nous en sommes encore à la houe. Il faut aussi penser à une reforme agraire fondamentale équilibré à la suite du DSCRP. Le capitalisme exige le changement de régime de propriété collective en propriété privée dominante. Une expropriation du fermier campagnard (penser à l'évaluation de Code forestier, Code minier, etc.). Le contrat chinois au Congo et la planification des activités inhérents n'est pas exempt des critiques  : le contrat chinois devait associer impérativement un programme rapide de mécanisation du monde rural et de l'agriculture, ce qui aurait pour mission d'atténuer des souffrances atroces dont continuent d'endurer notre peuple, qui si on ne tient garde risque de se transformer en dynamites sociales comme cela se passe en Tunisie, en Egypte et en Cote d'Ivoire.

Au niveau de l'Initiative pour la gouvernance économique et la gouvernance des entreprises, il nous emble important d'en faire une priorité. La richesse du Congo est produite par le portefeuille de l'Etat. Celui-ci doit être la base de l'organisation du processus de reconstruction.

La Chine envahit économiquement le monde entier, en particulier l'Afrique. Les multinationales chinoises, dans le secteur privé, sur base de troc et des banques chinoises - mécanismes novateurs de coopération, devaient collaborer avec le portefeuille congolais intégré et organisé pour bénéficier des flux financiers chinois bien négociés, ce qui favorisera certainement une intégration avantageuse. Il faut ici dans la foulée, il nous semble, revenir à la loi d'avant 1978 sur les entreprises publiques en RD Congo.

Dans le secteur des infrastructures, les travaux ont effectivement commencé : à la longue avec l'assistance des institutions spécialisées dans chaque secteur, il faudra mettre en place des cadres politiques et législatifs pour encourager la concurrence locale. L'entretien et la gestion des infrastructures, en particulier dans les régions urbaines et rurales pauvres peuvent être faites par les nationaux. Les cadres juridiques suivront les changements induits par les infrastructures. Dans le même temps, s'en suivrons de nouveaux cadres de réglementation et de consolidation de la capacité de formation de personnes responsables des ouvrages et l'harmonisation des politiques.

Par ailleurs, l'intégration régionale n'est pas un décret théorique comme on l'a vécu il ya plus de cinquante ans. L'intégration est un processus pratique, ça passe par les affaires, le partenariat avec le secteur privé. Ce serait un processus pratique qui intègre les pays (voir le contrat chinois). Pour accéléra le développement, il faudra penser à l'intégration africaine, tout prêt à croire que la Chine nous aide dans ce sens.

AUTRE SECTEUR DE PARTENARIAT TRADITIONNEL :

Appui à la dynamique communautaire, ou dynamique de la société civile

La politique du gouvernement dans le cadre de ce pilier consiste à renforcer les capacités des provinces dans la gestion et la création des partenariats stratégiques entre la société civil et les pouvoirs locaux, mettre en place des opportunités d'emplois et des moyens de subsistance, réhabiliter les infrastructures publiques dans des communautés sélectionnées et renforcer la sécurité sociale.

Le gouvernement accorde une importance capitale à la dynamique communautaire portée par les organisations de base. Les communautés ont fait preuve d'une grande capacité de suivi en développement des activités génératrices de revenu durant la période de crise qu'a connu le pays, en finançant l'éducation, en supportant le cout des soins de santé durant toute cette période que le pays connue.

En ce qui concerne le renforcement des capacités de gestion des autorités locales et la création des partenariats stratégiques entre la société civile et les pouvoirs locaux. Des programmes de développement communautaire en faveur des zones à haut risque sont actuellement mis en oeuvre avec l'appui technique de partenariat au développement à hauteur de USD 231,5 millions. Dans le cadre du programme d'appui aux initiatives de développement communautaire (CLDC) dans les zones à haut risque, 13 CLDC qui ont été mis en place dans 10 provinces. Dans chacune de ces entités, la dynamique communautaire à été encouragée grâce au renforcement des capacités dans le domaine de la conception, de l'élaboration, du suivi et de l'évaluation des plans de développement communautaire à l'évaluation des besoins et l'élaboration des plans locaux de développement.

Des actions ont également été menées en vue de la mise en place des opportunités d'emploi et des moyens de substance en faveur des groupes vulnérables. Un atelier de renforcement des capacités de gestion des veuves et filles mères à été réalisé à Kinshasa et au Bas- Congo, ainsi qu'un atelier de formation en entrepreneuriat en faveur des communautés de base Coopératif à Idiofa (provinces de Bandundu). Un atelier sur le stratégie d'accompagnement des femmes leaders a été aussi organisé. En outre, les opportunités d'emplois et des moyens de substance ont été accrues à travers la mise en place de 4 250 activités génératrices de revenus (AGR) dans les zones ciblées pour un cout global de USD 170 millions, et touchant à divers secteurs de production et de service dont la production, la transformation, la conservation et la commercialisation des produits agricoles et l'élevage ; la pêche, la couture. On peut aussi citer la distribution des semences de haricot, soja, mais, arachides et du matériel aratoire à 976ménages à Goma / Nord- Kivu, l'appui à la démobilisation des ex combattants par la formation en petits métiers et par l'appui aux AGR (dons de kit pour commerce) à Kinshasa, l'installation des petites unités de transformation des produits agricoles Kasaï Occidental, et l'appui aux associations d'Isiro par le micro financement et des crédits.

Le gouvernement a procédé à la réhabilitation des Infrastructures Publiques dans des communautés sélectionnées en utilisant l'approche HIMO et a renforcé la sécurité sociale. 150Km des voies de desserte agricole ont été réhabilités dans le Kasaï Occidental et 2 Centres de santé ont été reconstruits à Punia. En vue de renforcer des réseaux des femmes pour l'assistance des victimes de viol dans les zones à risque, des campagnes de sensibilisation ont été organisées sur la résolution 1325 (Femme, Paix et sécurité). Un réseau des acteurs de la société civile impliqué dans la lutte contre la violence faite à la femme et à la jeune fille a été crée dans la ville de Bukavu (province du sud Kivu). Les organisations locales dans la lutte contre les violences sexuelles ont été appuyées dans la ville de Bandundu. Par ailleurs, dans le cadre de la sécurité locale et de la réconciliation, des sites des mines anti personnelles ont été identifies par Handicap International, et un comité d'experts pour la réduction des armes légères a été mis en place.

LE DEVELOPPEMENT RURAL, L'AGRICULTURE, LA FORET ET LES EAUX

Lesecteur de l'eau et assainissement est la cible de plusieurs bailleurs de fonds à travers les projets et programmes qui rentrent dans les objectifs du millénaire (OMD). Les principaux bailleurs qui interviennent dans ce secteur sont :

- La direction générale de la coopération au développement(DGCG) de la Belgique ;

- L'organisation Allemande(KFW) ;

- L'Agence Française du Développement (AFD);

- La Banque Africaine du Développement (BAD) ;

- La Banque mondiale ;

- L'UNICEF et ;

- L'Union Européenne.

La BAD, la DGCD et l'UNICEF ont orienté leurs investissements dans l'approvisionnement en eau des zones rurales, alors que l'UE, la KFW et l'AFD se concentrent sur le secteur urbain. Les populations ont pour mission chacun à son niveau de responsabilité, national ou régionale de suivre la réalisation de ces projets sur le terrain.

Programmes et Projets dans le cadre de l'Agriculture et le Développement Rural

Ici la population devait suivre selon la province les activités qui y sont programmées. Pour la relance du secteur agricole et de l'élevage, l'Etat a mis en oeuvre, avec l'appui des bailleurs, les programmes et projets ci-après : Programme Multisectoriel d'Urgence de Réhabilitation et de Reconstruction (PMURR). Ce programme a porté sur un financement additionnel de la Banque Mondiale de 125 millions USD, dont 8 millions les principales réalisations sont : (i) la production végétale par la mise à disposition des paysans des boutures saines et des semences de qualité de principales cultures vivrières ; (ii) la production de semences améliorées (maïs, riz, arachide, haricot, niébé, soya et manioc) ; (iii) la réhabilitation de 1.310 km des pistes rurales qui sont destinées à améliorer l'accès aux marchés des paysans producteurs dans 7 provinces de la République Démocratique du Congo ; (iv) la production animale à travers la formation des formateurs des éleveurs et pisciculteurs dans les provinces de Kinshasa, Bandundu et Bas-Congo et (v) la réalisation des études sectorielles pour la relance des filières agro-industrielles du coton, palmier à l'huile, hévéa, cacao, café, thé et quinquina dont les enquêtes ont été menées dans le Bas-Congo, le Bandundu, les 2 Kasaï, la Province orientale, le Kivu et l'Equateur. Les comités de pilotages de ces projets devaient être connus de la population de chaque province.

Projet d'appui à la Réhabilitation du secteur Agricole et Rural (PARSAR). Ce projet financé par la BAD porte sur un prêt et Don de 41.47 millions USD et touche le Bandundu et le Bas -Congo, l'essentiel des activités sont : (i) appui aux structures de recherche (INERA, SENASEM, SNV et SNSA) par le renforcement des capacités ; (ii) publication de la loi semencière dont le décret devait être préparé et (iii) la privatisation des fermes semencières dans la Province du Bas-Congo.

Projet de réhabilitation du secteur Agricole et Rural dans les Provinces du Katanga, Kasaï-oriental et Kasaï-occidental (PRESAR). Ce projet porte sur un don de 59.04 millions USD et vise : (i) le renforcement de la sécurité alimentaire par l'accroissement de la production vivrière à travers le renforcement des capacités des services d'appui à l'agriculture et au développement rural ; (ii) le développement de la production agricole et (iii) la réhabilitation des infrastructures rurales.

Projet d'Appui au Programme Régional d'Aménagement du Lac Tanganyika (PRODAP). Dans le cadre de l'aménagement de la pêche, ce projet devait être en cours d'exécution et porte sur un prêt et don d'un montant de USD 11,75 millions. Il vise à réduire la pauvreté dans le bassin du lac Tanganyika, par l'amélioration (i) des conditions sociales et sanitaires (ii) de la situation alimentaire des populations. Les principales activités sont : (i) le renforcement des capacités institutionnelles ; (ii) l'aménagement de la pèche et la protection de l'environnement et (iii) la réhabilitation des infrastructures de développement local.

Le secteur des forêts

En 2002, la RDC a adopté un nouveau code forestier, qui a remplacé la réglementation coloniale de 1949 et qui met en avant les principes modernes de gestion durable des forêts et de participation de la société civile et des communautés locales. Le gouvernement a également mis en place, la même année, un moratoire sur toute nouvelle acquisition de droit d'exploitation, en attendant l'adoption des nouvelles règles d'adjudication prévues par le code. Conformément au nouveau code, les contrats qui n'ont pas été résiliés en 2002 feront l'objet d'une revue légale en vue de vérifier leur légalité et le respect des clauses contractuelles, en vue de les convertir en « contrats de concession forestière ». A cet effet, un décret présidentiel a été publié en octobre 2005 pour fixer les procédures et les critères de cette revue légale. Ce décret met en place une commission interministérielle élargie à la société civile et au secteur privé.

En 2003, le gouvernement a accompli une revue économique de la filière bois qui a aboutit à simplifier la structure de la fiscalité forestière, à diminuer les charges parafiscales, surtout dans le domaine du transport, tout en relevant progressivement la taxe de superficie pour décourager l'immobilisation spéculative des forêts du patrimoine national.

EVALUATION (2007 -2008)

La politique du gouvernement dans ce secteur a visé l'amélioration des conditions des vies des populations rurales et l'autosuffisance alimentaire. La grande préoccupation du gouvernement a été de poursuivre les efforts déployés depuis 2002 consistant à l'améliorer les infrastructures en milieu rural, relier les exploitants agricoles aux marché de consommation et moderniser l'agriculture par le recours aux techniques nouvelles. Dans le cadre de l'amélioration d'infrastructures en milieu rural, l'exécution du PMURR a conduit à la réhabilitation d'environ 2213 Km de voies de desserte dans les zones rurales qui ont impulsé la production agricole ainsi que la fourniture des biens et des services sociaux dans les milieux ruraux. Ces efforts ont été appuyés par le PARSAR qui a permis d'acquérir 113 Kits de matériels informatiques, d'élaborer des manuels d'évaluation physiques et financières ainsi que d'exécution des pistes, d'ouvrages d'arts, des voies navigables et communautaires. Plusieurs centres ruraux sont connectés aux réseaux privés de télécommunication.

La politique du gouvernement dans le secteur agricole a aussi consisté à moderniser l'agriculture par le recours aux technologies nouvelles et semences améliorées. Grace à l'amélioration du PARSAR, 17 tonnes de semences améliorées, 1375 kilomètres linéaire de boutures saines de manioc et 200 000 tonnes rejets de bananiers ont été produit en vue de contribuer au renforcement de sécurité alimentaire dans les zones rurales. Le PMURR a permis de produire 417 tonnes de maïs, 517 tonne de riz, 113 tonnes d'arachides, 73 tonnes de haricots, 126 tonnes de soja et 5.900 tonnes linéaires pour le manioc au cours de la campagne agricole 2007. A ces réalisations s'ajoute la poursuite des études des filières sur le coton. Le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) a financé deux projets a savoir : le programme de relance du secteur agricole dans la province de l'Equateur (PRAPE) et le programme de réhabilitation agricole dans la province Orientale (PRAPO). Ces deux projets sont orientés principalement vers l'amélioration de la sécurité alimentaire et l'accès aux services sociaux des populations rurales démunies. A travers la phase II du projet d'appui au développement de l'horticulture urbaine et péri urbaine (HUP) financé par la Belgique à hauteur de USD 6 millions, et exécuté par FAO, environ 11 .000 ménages maraîchers au bénéficié de micro crédits et 500 associations maraîchères ont été encadrées.

Enfin, le gouvernement entend promouvoir la bonne gouvernance et améliorer le cadre politique générale dans le secteur agricole. En vue de renforcer l'Institut Nationale d'Etudes et Recherche Agronomique (INERA), 69 agri- multiplicateurs et 64 encadreurs ont été formés aux techniques de multiplication des semences et des matériels ont été acquis dans le cadre du PARSAR. De plus, le ministère de l'agriculture et développement rural a bénéficié de l'appui de la BAD, a travers le PRESAR pour la réhabilitation de ses bureaux au niveau central et en provinces (Katanga, Kasaï oriental et Kasaï occidental) et l'acquisition des matériels informatiques. En plus de ces projets, la BAD vient de lancer un projet dénommé, étude de secteur agricole(ESA) en vue d'élaborer les orientations stratégiques du secteur de développement agricole des provinces et de formuler un programme prioritaire de développement du secteur agricole.

Secteur forestier

Le gouvernement s'est assigné comme objectif de restructurer le secteur forestier afin d'en garantir une exploitation durable et d'en faire une des principales sources des revenus du Pays. Conformément à l'agenda prioritaire résumé dans le DSCRP, les efforts du gouvernement ont consisté à :

- Mieux réglementer et rationaliser l'octroi de concession forestière ;

- Favoriser une exploitation industrielle contrôlée;

- Associer les communautés riveraines et locales à la gestion et à la protection de la forêt et l'environnement afin de renforcer leurs droits et ;

- Assurer la protection de la biodiversité et la réhabilitation des aires protégées.

En ce qui concerne la réglementation et la rationalisation de l'octroi de concessions forestières, le moratoire institué en 2002 continue d'être observé jusqu'à l'accomplissement des conditions fixées dans le décret présidentiel de 2005. En mars 2007, une dizaine de titres accordés en violation de ce moratoire représentant, environ 3 millions d'hectares, ont été annulés par le gouvernement. Par ailleurs, le processus de revue légale des anciens titres forestiers, lancé par le décret présidentiel d'octobre 2005, est entré dans sa phase finale. Les membres de la locales et à la société civile ont été nommés en mai 2008. A l'issue de l'examen des 156 titres concernés par cette revue, les superficies qui seront récupérées, seront redistribuées par adjudication après une programmation participative sur trois ans.

En vue de favoriser une exploitation industrielle contrôlée, la lutte contre l'exploitation illégale et non conforme aux normes par les contrôles de terrain et l'application des pénalités est en cours. Une mission d'étude de faisabilité portant sur l'observation indépendante des forêts en RDC a été conduite par Global Witness du 19 juillet au 11 octobre 2007 sur financement de la Banque Mondiale. La deuxième phase de cette mission interviendra avant fin 2008 en vue de préparer la mise en place en 2009 d'un observateur indépendant permanent qui assistera l'administration dans le contrôle forestier.

Pour renforcer les droits des communautés riveraines et locales, le gouvernement a amorcé le processus visant à les associer à la gestion et à la protection de la gestion et de l'environnement. Dans ce cadre, il a mis en place des forêts communautaires. En outre, un fonds d'appui aux initiatives communautaires de développement et de diversification des activités économiques (micro projet) en zone forestière sera mis en place pour réduire la pression sur les ressources forestières et améliorer les conditions de vie des populations locales.

Les actions du gouvernement ont également porté sur la protection de la biodiversité. La réhabilitation des principales aires protégées et la protection de la biodiversité dans les espaces de production est en marche grâce à des programmes d'urgence de réhabilitation qui sont en cours ou en préparation dans plusieurs sites du Patrimoine Mondial et d'autres parcs clés. Un montant des USD 7,0 millions, provenant du Fonds Mondial pour l'Environnement (FEM),est prévu à cette effet dans le cadre du projet forêt et conservation.

Eau et assainissement

La reconstruction du secteur de l'eau et de l'assainissement a bénéficié d'une attention particulière dans le cadre de la DCRP afin de mettre à la disposition de la population la qualité d'eau quotidienne correspondante à la norme et un espace vital plus salubre. L'action gouvernementale a porté sur l'amélioration de la gestion opérationnelle et stratégique dans le secteur de l'eau et de l'accès ainsi que de la couverture des secteurs de l'eau et d'assainissement en milieu urbain et rural.

Le gouvernement s'attèle à financer les documents de politique et stratégie de gestion intégrée de ressource en eau et d'efficience en la matière conformément aux recommandations du sommet Mondiale de développement durable de 2006. Dans ce cadre, les travaux d'élaboration des principes fondamentaux de l'organisation d'une gestion et l'utilisation globales des ressources en eau sont en cours. Il s'agit de la formulation avec la participation des ministères oeuvrant dans le secteur de l renforcer l'élaboration de document de politique sectorielle (document de politique nationale de l'eau, stratégie nationale de l'eau, code de l'eau, note d'orientation du cadre institutionnel), d'un catalogue des normes et directives de la qualité de l'eau et d'un nouveau cadre institutionnel avec l'assistance financier de la Coopération Allemande. Les ébauches de ces documents ont été élaborées et seront soumis au gouvernement par le CNAEA au cours du troisième trimestre de l'année 2008. Ces documents cadre sont basés sur les concertée de GIRE qui prône la gestion globale et concertée opposée à l'actuelle gestion parcellaire et fragmenter du secteur.

Le gouvernement prend les dispositions nécessaires pour réhabiliter et renforcer le système d'alimentation de l'eau potable en milieu rural et semi urbaine . Pour atteindre les objectifs à l'horizon 2008, le gouvernement congolais, à travers la REGIDESO, a identifié une vingtaine de centres d'exploitation dans le cadre de réhabilitation et de renforcement du système d'alimentation en eau potable en milieu urbain et semi- urbain. A ce stade, une enveloppe globale des USD 9,3 millions a été mobilisée auprès de partenaires au développement pour financer les études techniques d'adduction d'eau dans 20 centres sur la période 2007-08. Les études pour le lancement de ces projets sont en cours pour le volet des investissements. Le gouvernement et ses partenaires au développement ont également disponibilisé une enveloppe de USD 60,4 millions pour réhabilitation et renforcement du système d'AEP. Pour le maintien de l'activité de l'exploitation de la REGIDESO, un montant d'environ USD 19,2 millions a été mobilisé et a permis l'acquisition des intrants d'exploitation sous forme d'appui à l'exploitation ou d'aide en marchandise auprès de la Banque Mondiale, BAD,KFW et Coopération belge (FINEXPO).

En vue d'améliorer l'accès aux services de l'eau en milieu rural, des programmes d'eau et d'assainissement ont été opérationnalisés dans 100 zones de santé. Dans ce cadre, des travaux d'adduction d'eau ont été réalisés dans les quartiers de Bibwa, Mikonga, Mpasa I, II et IV. En outre, le gouvernement a construit 19 forages dont 14 dans le territoire de Kabalo, 3 de 80 mètres avec mini réseau à Mpasa I, III et IV et 2 à Bibwa et Mikonga avec mini réseau et des bornes fontaines.

Des travaux de réhabilitation des infrastructures du secteur sont en cours avec l'accompagnement des partenaires au développement. Le gouvernement a financé un module de 18000 mètres cube par jour à l'usine de LUKAYA pour une capacité prévue de 36000 mètres cube. Plusieurs bailleurs interviennent dans le secteur. Les travaux de réhabilitation du captage d'eau brute de N'djili et de deux modules existants d'une capacité de totale de 2 x 110.000 mètres cube par jour sont exécutés sur financement de la Banque Mondiale. Cette dernière finance également le transfert d'eau au sud, ainsi que la construction du troisième module de l'usine de N'djili d'une capacité de 110.000 mètres cube par jour. Tous ces travaux devraient prendre fin d'ici à fin 2008. La BAD appuie les travaux de construction du deuxième module de l'usine de Boma (d'une capacité de 10.000 mètre cube/jour) et la réhabilitation du réseau, de centre de formation de Kinshasa ainsi que l'atelier de maintenance et le laboratoire central. Quant à l'Union Européenne, elle a soutenu financièrement les travaux de réhabilitation des réseaux secondaire et tertiaire dans 10 communes de la ville de Kinshasa.

Dans le cadre de l'assainissement, l'attention du gouvernement a porté sur la mise à la disposition des populations d'un espace vital plus salubre. A cet effet, le programme de sensibilisation sociale sur la construction des latrines hygiéniques a été lancé. Ainsi, des modules de sensibilisation sur la dite construction sont disponible à Kinshasa, Matadi et Lubumbashi. Des parties prenantes (brigades communales et territoriales d'assainissement ainsi que les ONG du secteur) ont été identifiées. Trois place à vivre comportant chacune une aire commerciale ainsi que des espaces pour activités économiques, et sanitaire ont été construites.

LA JUSTICE

Avec l'appui de l'Union européenne, du PNUD, de la MONUC(Monusco) , de la Banque mondiale, de la Belgique, de la France et du Royaume Uni, un audit organisationnel du système judiciaire et programme cadre de la justice en R.D.C a été réalisé. Un atelier national de validation du rapport a été organisé en novembre 2004. Conformément à la Déclaration d'intention du Gouvernement représenté par le Ministre de la Justice, un Comité Mixte de Suivi du Programme cadre de la justice a été mis en place en vue notamment d'appuyer le Ministère de la Justice à élaborer et mettre en oeuvre une politique sectorielle de la justice et des actions prioritaires dans le domaine judiciaire. Ce comité de suivi comprend les représentants du Ministère de la Justice et ceux des Partenaires au Développement. Les termes de référence du Secrétariat de ce Comité ont été définis. Une fois le rapport de l'audit du secteur mis à la disposition du Gouvernement, celui-ci mettra en place la politique judiciaire.

Le domaine de la corruption

Le Chef de l'Etat a promulgué la Loi n° 005/006 du 29 mars 2005 modifiant et complétant le Livre II du Code pénal congolais. Cette loi prend en compte les dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies contre la Corruption et de la Convention de l'Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Elle a été publiée au Journal Officiel du 31 mars 2005. Il importe de souligner que cette loi introduit les principales innovations par rapport aux dispositions en vigueur dans le Code pénal notamment : (i) la distinction entre la petite corruption et la grande corruption, cette dernière visant principalement : (a) les actes de corruption commis dans le cadre de la passation des marchés publics de travail, de fournitures et des services, de l'octroi des droits miniers, des carrières et des concessions forestières ou du processus de privatisation ou de désengagement de l'Etat dans les entreprises publiques ; (b) les actes de corruption ayant pour but l'entrave à la bonne administration de la justice et (c) les actes de corruption commis dans le cadre d'une organisation criminelle ; (ii) les actes de corruption visant aussi bien un agent public qu'un particulier ; (iii) la réaffirmation du rôle du pouvoir judiciaire dans la prévention, la détection et la répression de la corruption et des infractions similaires ; (iv) la protection des dénonciateurs des actes de corruption (témoins, experts et victimes et leurs familles) contre les actes de représailles ou d'intimidation et leur absolution de toute poursuite pénale pour dénonciation faite de bonne foi devant l'autorité judiciaire compétente agissant dans le cadre d'une procédure judiciaire ; (v) l'introduction des mécanismes d'entraide judiciaire et d'extradition en matière d'enquêtes, de confiscation et des poursuites judiciaires contre les actes de corruption commis hors du territoire national ou dans le cadre d'une organisation criminelle et enfin, (vi) la réévaluation des taux d'amende devenus très modiques.

LES FINANCES ET BUDGET

Mesures et Réformes dans le cadre de la Maîtrise de la Gestion des Dépenses Publiques

Les mesures ci-après ont été prises en vue de maîtriser la gestion des dépenses publiques :

- Communication par le Ministère du Budget depuis juin 2005, du plan d'engagement à tous les Ministères et intégration du plan d'engagement dans les procédures informatisées de gestion des dépenses pour prévenir les dépassements ;

- Publication des plans d'engagement prévisionnels et des états de suivi budgétaire ;

- Exécution d'au moins 95 pourcent des dépenses par ordres de paiement informatisés (OPI) ;

- Exécution dans les 48 heures après réception des OPI de tous les paiements par la BCC ;

- Transmission par la BCC à la fin de chaque journée ouvrable depuis fin juillet 2005 des soldes des comptes de l'État ;

- Poursuite du renforcement de la chaîne de la dépense. Ainsi, les dépenses de la paie des institutions politiques, de la dette publique et celles sur les ressources extérieures ont été intégrées dans la chaîne de la dépense à partir d'avril 2005 ;

- Dans le cadre de la rationalisation des comptes de l'Etat, le Gouvernement a procédé à la fermeture des comptes des ministères ne répondant pas aux critères définis par le Ministère des Finances pour leur ouverture ;

- Adoption d'un cadre comptable restreint applicable à la DTO ;

- Envoi électronique des avis de débit et de crédit par la BCC à la Direction du Trésor dans les 48 heures après tout mouvement des comptes de l'Etat.

Dans le cadre de la modernisation de l'administration douanière depuis 2002, le Gouvernement a entrepris les réformes ci-après : (i) promulgation en juillet 2004, de la loi portant réforme du tarif douanier ; (ii) adoption par le Parlement en juin 2005 du code des douanes ; (iii) conclusion du contrat d'inspection avant embarquement des marchandises à destination de la République Démocratique du Congo en date du 30 novembre 2005 ; (iv) signature du Décret portant institution du Guichet Unique à l'importation et à l'exportation en date du 30 décembre 2005 et (v) conclusion d'un contrat par le Gouvernement pour le compte de l'OFIDA avec une société internationale spécialisée dans le contrôle des marchandises à l'embarquement.

La modernisation de l'administration fiscale

La modernisation de la Direction Générale des Impôts a consisté en : (i) l'amélioration des procédures de recouvrement ; (ii) l'ouverture du centre d'impôt pilote à Kinshasa ; (iii) la promulgation et la modification des lois portant : (a) réforme des procédures fiscales ; (b) restauration du terme « impôt » ; (c) modalités de calcul et de perception des acomptes et précomptes de l'impôt sur les bénéfices et profits et (d) modification de l'ordonnance-loi n° 69-058 du 05 décembre 1969 relative à l'impôt sur le chiffre d'affaires ; (iv) la signature du décret abrogeant le franc fiscal ; (v) la limitation et la saisie des comptes bancaires par le fisc aux seuls cas permis par la loi ; (vi) l'achèvement de la Réforme du régime d'imposition des petites et moyennes entreprises.

La modernisation de l'administration non fiscale

La modernisation de la Direction Générale des Recettes Administratives a porté sur : (i) la promulgation en juillet 2004 et modification en mars 2005 de la loi concernant la nomenclature des recettes non fiscales ; (ii) le recouvrement de la taxe de superficie forestière pour 2003 et 2004 ; (iii) le versement au Compte Général du Trésor des recettes perçues dans le secteur minier ; (iv) la résiliation des contrats des concessions dont les détenteurs n'ont pas acquitté la taxe de superficie forestière de 2003 et la Publication des listes des concessions résiliées et des concessions validées ; (v) la publication des bilans de recouvrement de la taxe de superficie forestière pour 2005 et de la liste des contrats à résilier partant du bilan de recouvrement de la taxe de superficie pour 2004 ; (vi) le paiement de la redevance minière par tous les exportateurs des produits miniers et par toutes les industries de transformation des produits miniers ; (vii) le renforcement des procédures pour le recouvrement des droits et taxes inscrits au Code minier et au Code forestier ; notamment en améliorant la collaboration entre la DGRAD, l'OFIDA et les services concernés ainsi qu'avec les cabinets d'expertise privés pour ce qui est de la redevance minière.

La gestion de la dette publique

Le SYGADE est un logiciel de gestion automatisé de la dette développé avec l'assistance technique de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) et acquis avec le financement de la Banque Mondiale et de la BAD. Parmi les activités menées et celles en cours dans le cadre du projet OGEDEP/CNUCED de renforcement des capacités de gestion de la dette publique, il y a notamment la collecte et la saisie des données de base, ainsi que l'archivage et le contrôle des informations enregistrées. Actuellement, le système dispose d'une base de données assez complète contenant toutes les données relatives à la dette extérieure et intérieure. L'analyse de la viabilité de la dette devra être assurée à travers un logiciel DSM +. Les formations relatives à l'utilisation du logiciel SYGADE ont été dispensées et celles relatives à l'analyse de la viabilité de la dette sont en cours.

LES TRAVAUX PUBLICS

La réforme des marchés publics

Une Commission de Réforme des Marchés Publics (COREMAP) a été créée par décret présidentiel en octobre 2004. La mise en place effective de la COREMAP a été réalisée au cours du premier semestre 2005 par la nomination de son Secrétaire exécutif, l'acquisition et l'équipement des bureaux ainsi que le recrutement du personnel. Des cabinets internationaux sont recrutés pour : (i) la rédaction du futur Code des marchés publics et (ii) l'évaluation des capacités professionnelles de ce secteur. En attendant, l'ancienne réglementation a été actualisée et les seuils de recours aux adjudications ont été fixés.

LE TRANSPORT

Programmes et projets dans le secteur de transport

Un cadre de politique de transports République Démocratique du Congo et son plan d'action 2003-2015 ont été élaborés en 2002 avec l'appui de la Banque mondiale pour l'amélioration du système actuel du transport.

Des actions prioritaires à entreprendre pour atteindre les objectifs sectoriels des transports sont à réaliser à travers le PMURR, le Programme d'Appui à la Réhabilitation (PAR), les projets des ONG internationales, le Projet Compétitivité et développement du Secteur Privé (PCDSP) et le Projet de Soutien au Processus de Réunification Economique et Sociale (PUSPRES). Les projets gouvernementaux. PMURR, PCDSP et PUSPRES sont exécutés respectivement par le Bureau de Coordination des Marchés d'Infrastructures (BCMI) et le Bureau Central de Coordination (BCECO), par le Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques (COPIREP) et par l'Unité de Coordination du Projet de Réunification Economique et Sociale (UCOP). La Banque Mondiale et l'Union Européenne sont, à l'heure actuelle, les principaux bailleurs des fonds pour le secteur des transports.

Par ailleurs, le Gouvernement est en train d'élaborer avec le concours de la Banque Mondiale, le projet sur le transport multimodal avec comme objectif la réhabilitation des infrastructures des transports ferré, fluvial, maritime et aéroportuaire à travers le recours au partenariat public-privé.

En outre, le gouvernement est entrain d'élaborer un projet d'appui au secteur privé articulé autour des axes ci-après : (i) l'assistance technique aux entreprises privées ; (ii) l'amélioration du climat des affaires et (iii) l'amélioration et l'intermédiation financière et l'accès au financement.

E. Secteur des transports

Conscient du contrôle catalyseur que joue le secteur des transports dans l'économie congolaise, la politique gouvernementale a consisté à améliorer l'accès à certains pools socio- économiques du Pays et la qualité des infrastructures des transports. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a renforcé le cadre légal régissant le secteur. Il a également mis en oeuvre des programmes et projets visant la réhabilitation, la modernisation et l'entretient des infrastructures en vue d'assurer l'interconnexion des réseaux de transport routiers, ferroviaires, aériens, fluviaux et lacustres.

Le gouvernement a finalisé les textes réglementaires nécessaires à la protection du patrimoine et de l'équipement routier. A cet effet, un projet de loi portant création du Fonds National d'entretien routier a été adopté et attend sa promulgation. Par ailleurs, le texte de loi portant nouveau de l'aviation civile et création de l'agence nationale de sécurité et de surveillance de l'aviation civile attend son adoption au parlement.

Dans le domaine routier, les principales actions ont concerné la modernisation, la réhabilitation et l'entretien à large échelle des infrastructures visant à améliorer la libre circulation des biens et des personnes. Avec l'appui des partenaires au développement, 15 kilomètres de routes ont été modernisées, 3 367 kilomètres ont été réhabilités et 2 998 kilomètres ont été entretenus. Ces interventions ont porté sur les routes d'intérêt général (national et provincial), la voirie urbaine et les pistes rurales. Ces réalisations prennent en compte la réhabilitation de 11Okilometres des routes urbaines provinciales et l'aménagement de divers sites érosifs dans les deux Kasaï, travaux financés exclusivement par les Entités Territoriales Décentralisées (ETD). En sus de ces actions retenues dans le PAP, d'autres travaux ont été réalisés sur financement local et extérieur.

En ce qui concerne le réseau fluvial, le gouvernement a entreprise des travaux pour la construction du mur de quai du port de Mbandaka, port de Kinshasa et de Boma. Outre ces travaux, il a également réalisé le balisage des voies navigables sur le fleuve Congo en 2008 de la réhabilitation du quai de servitude du port de Boma. Grace à ces travaux, le passage des navires dans le bief maritime ne pose plus problème. De même, la RVM a été dotée d'une vedette de balisage et hydrographique et d'un système GPRS. Elle a également bénéficié de la remise en état de la drague Tshuapa.

LES MINES

Le secteur minier

Un nouveau Code minier a été promulgué en 2002 et un nouveau règlement minier approuvé en 2003 (décret 038/2003). Aussi, des structures pour garantir une bonne application de ce Code ont été mises en place, notamment le Cadastre minier (CAMI), opérationnel depuis juin 2003 ; Le Gouvernement a lancé la restructuration de la Gecamines , la plus grande entreprise du secteur. Un consultant international, SOFRECO, a été recruté le 19 septembre 2005 pour assurer la gestion de la Gecamines pendant une période transitoire de 18 mois et un conseil d'administration a été nommé en décembre 2005. Pendant ce temps, l'audit des accords de partenariat signés par la Gecamines devait être fait ;

Parallèlement, une commission de validation des titres miniers a été mise en place en septembre 2005 pour mener (faire) la revue légale de titres miniers litigieux ;

Pour assurer la transparence dans le secteur, le Gouvernement a proclamé son adhésion aux mécanismes ITIE. A cet effet, un comité national ITIE/RDC a été créé par décret présidentiel du 18 novembre 2005. Les procédures ITIE consisteront en : (i) la collecte des statistiques relatives, d'une part, aux impôts et taxes payés par les entreprises extractives (mines, hydroélectricité, hydrocarbures, forêts, etc.), et d'autre part, aux recettes prélevées par l'État et les EAD ; (ii) l'audit et la conciliation de ces statistiques par un auditeur indépendant qui sera recruté et enfin (ii) leur publication sur un site web. Un réseau de communicateurs sera également mis en place au niveau des communautés de base. Auparavant, une étude diagnostic du secteur minier sera réalisé par un consultant indépendant.

Elle permettra d'identifier les priorités et de générer un plan d'action de fonctionnement du mécanisme ITIE. Elle concernera, dans un premier temps, trois produits à savoir l'hétérogénéité, le cuivre et métaux associés ainsi que le diamant. La mise en oeuvre effective de ce mécanisme permettra au secteur minier de jouer son rôle premier de soutien au développement économique et social de la R.D.C.

Secteur minier (suite)

La stratégie prônée par le gouvernement dans le secteur pendant la période de mis en oeuvre de la SCRP a consisté à améliorer la contribution du secteur à la croissance économique. Le gouvernement a ainsi bâti sa politique autour de trois axes à savoir :

- La promotion des capitaux privés et,

- La relance de la production et l'amélioration de la gestion.

En ce qui concerne la promotion des capitaux privés, le gouvernement a poursuivi la vulgarisation du code et du règlement minier, opérationnalisé la commission de validation des titres miniers, finalisé les audits organisationnel et financier restructuration.

Dans le cadre de la relance de la production minière, le rôle du SAESSCAM a été renforcé pour l'encadrement et la promotion des exploitants de la petite mine. Par ailleurs, un projet est en train d'être mis en place en partenariat avec un consortium d'entreprises chinoises pour un investissement des 3,2 milliards sur 3 ans. Une importante étude réalisée avec le soutien de la Banque Mondiale a été présentée en octobre 2007, qui démontre que la bonne gouvernance dans le secteur minier peut contribuer à la croissance économique.

S'agissant de l'amélioration de la gestion, les accords de partenariat entre le gouvernement, la Gécamines, la MIBA et d'autres Entreprises avec les compagnies d'exploitation privés ont été revisités en 2007. Le rapport de cette revue a été publié en mars 2008 et un panel de 7 ministres vient d'être mis en place pour renégocier les accords considérés comme déséquilibrés. Dans le cadre de la reconstruction de la Gécamines, un business plan élaborer en 2007 est en cours d'exécution. Pour les autres entreprises opérant dans le secteur, notamment la MIBA, des business plan sont en élaboration. Pour renforcer la transparence dans le secteur, la mise en oeuvre de l'ITIE est effective grâce à l'adoption en décembre 2007 du plan d'action et de son budget ainsi que la mise en place des structures de sa mise en oeuvre. La première conférence internationale sur l'ITIE-RDC, qui ouvre la voie à la RDC d'être déclarée « Pays candidat », s'est tenue en janvier 2008. D'ores et déjà, certaines compagnies minières ont commencé à publier les revenus au trésor public.

L'ENERGIE

Actions à suivre dans le secteur de l'électricité

Les travaux de fiabilisation de la capacité de production du barrage d'Inga avaient démarré. Les études de fiabilisation et les appels d'offre devaient être effectués et concernent aussi les travaux de réhabilitation et de transport sur l'ensemble du réseau SNEL ainsi que les réhabilitations de plusieurs centrales thermiques. Il ne devait rester que le démarrage des travaux et la fourniture des équipements.

Secteur de l'énergie électrique

La politique du gouvernement a consisté à assurer une meilleure accessibilité de toutes les couches sociales à une énergie électrique fiable. Pour y parvenir, le gouvernement a axé ses interventions autour de trois axes, à savoir :

- La réalisation des investissements prioritaire pour fiabiliser et réhabiliter les infrastructures existantes et développer de nouvelles infrastructures ;

- La promotion du développement du site d'Inga et la construction des réseaux de transport associés et ;

- L'accélération de la mise en oeuvre des réformes institutionnelles du sous secteur électricité.

Le gouvernement est en train de réaliser des investissements prioritaires pour fiabiliser, réhabiliter les existantes et développer de nouvelles infrastructures. Dans ce cadre, le projet de développement des Marchés d'Electricité pour la Consommation Domestique et l'Exploration (PMEDE) et le Projet du Marché de l'Electricité en Afrique Australe (SAPMP) d'un montant total des USD 900 millions ont été mis en place par la Banque Mondiale, la Banque Européenne d'Investissement et la Banque Africaine de Développement. Ces projets portent sur la réhabilitation des centres électriques d'Inga 1 et 2, la rénovation et l'expansion du système de distribution de Kinshasa et de sa banlieue, la construction d'une nouvelle ligne HTCA 220 kv entre Inga et Kinshasa ainsi que la réhabilitation et la rénovation de la ligne HTCC 500 kv entre Inga et Kolwezi (1774 km). Par ailleurs, une étude de préfaisabilité réalisée par Snc - Lavalin a été finalisée en février 2008, pour la construction de la Centrale Inga 3 d'une capacité minimale de production de 4320MW (16 groupes de 270 MW chacun). En outre, BHP Billiton est prête à financer l'étude de faisabilité à hauteur des USD 15 à 20millions.

Le gouvernement a amorcé des actions visant à promouvoir le développement du site Inga et accélérer la mise en oeuvre des réformes institutionnelles du sous secteur électricité. A cet effet, il a obtenu de la BAD, un financement de USD 15 millions pour réaliser des études de faisabilité sur le développement du site d'Inga et des interconnexions électriques associées. Par ailleurs, un nouveau code d'électricité est en cours d'élaboration et une stratégie nationale pour le secteur vient d'être adoptée en mai 2008. Par ailleurs, la principale entreprise du secteur, la SNEL, sera mis sous contrat de gestion dans le cadre du projet de stabilisation basé sur le contrat d'assistance technique.

LE TRAVAIL ET A LA PREVOYANCE SOCIALE

Actions à suivre dans le secteur de l'emploi

Le gouvernement a élaboré une stratégie sectorielle de l'emploi en cohérence avec les recommandations du sommet des chefs d'Etat de l'Union Africaine qui s'est tenu à Ouagadougou du 03 au 09 septembre 2004 à la suite duquel un plan d'action National de promotion de l'emploi et de lutte contre la pauvreté a été élaboré et adopté en 2005.

Le Gouvernement a également adopté en 2002, à travers un processus participatif, un vaste programme de création d'emploi, en sigle PROCER. Un décret portant création et fonctionnement de ce programme a été signé en 2005. Ce programme est l'outil opérationnel du plan d'Action National pour la promotion de l'emploi et de lutte contre la pauvreté.

Action à suivre dans le domaine de la protection sociale

Pour matérialiser cette vision, le gouvernement congolais est doté d'un Projet d'Urgence d'Amélioration de Condition de vie (PUACV), qui sera financé à la concurrence de 82 millions USD par la Banque Mondiale, ayant pour objectifs : - D'appuyer les centres urbains moyens par le rétablissement et l'accès aux services de base ;

- D'appuyer les chefs lieux de provinces par la stabilisation et le renforcement de la situation socio-économique et contribuer à la relance de l'activité économique par la mise en oeuvre des investissements prioritaires ;

- Désenclaver les zones isolées par la mise en état et l'entretien de 600 KM et ;

- Appuyer les institutions provinciales par la fourniture de la formation de base, l'achat de matériels et la réhabilitation minimale de bureaux.

En plus de ce projet, le Gouvernement dispose depuis le mois d'octobre 2005 d'un programme National d'appui à la Protection Sociale (PNPS) crée par décret présidentiel. Ce programme poursuit les objectifs ci -après :

- Améliorer le statut social des personnes vulnérables ;

- Faciliter l'accès des populations démunis aux services sociaux, infrastructures et équipements de base ;

- Mettre en oeuvre les programmes de création de richesse adaptés à la situation géographique cibles, notamment à travers la micro finance et ;

- Promouvoir le développement communautaire.

A cet effet, les axes stratégiques suivants sont définis :

- Le renforcement des capacités des structures et des acteurs de protection sociale ;

- La réinsertion sociale, économique, et professionnelle des personnes vulnérables sur base des programmes et projets spécifiques à chaque catégorie ;

- L'amélioration de l'accessibilité des groupes vulnérables aux services sociaux de base et ;

- La prise en charge communautaire des groupes vulnérables.

Protection sociale

- La politique dans ce secteur a poursuivi l'amélioration du statut sociale des personnes vulnérables et leur accès aux soins sociaux de base.

- La stratégie de protection sociale a été mise à jour et sa vulgarisation est en cours. De même les initiatives ad hoc pour soutenir les groupes vulnérables sont mies en oeuvres. Le gouvernement est en train de réhabiliter 5 hospices des vieillards à Kinshasa.

- Le gouvernement a élaboré des politiques en faveur des personnes vulnérables.

- Il a validé un projet du code de protection des enfants, qui a été voté par le parlement au cours de la session ordinaire de juin 2008. Le document sur les lignes directrices de la protection des enfants en rupture familiale après les consultations provinciales a été élaboré. Le gouvernement a réalisé un code de protection de l'enfant en rupture familiale qui est actuellement sous examen au parlement pour adoption. Un plan d'action National pour les Orphelins et autres Enfants Vulnérable (OEV) est en cours d'exécution. Les enquêtes ont déjà été réalisées sous la supervision de l'USAID. Les ateliers zonaux de collectes des données sont en cours d'exécution afin de les valider pour aboutir au plan d'action national sur les OEV. Par ailleurs, des actions ont été amorcées dans le cadre de l'adoption d'un plan national pour les OEV. Les enquêtes RAAAP (Rapid Country Assessment Analysis, and Action Planning) sur la situation des OEV ont été finalisées. La validation d'un plan d'action est envisagée au cours du mois de juillet 2008. 12.000 enfants dans le travail des mines ont été retirés et 570 jeunes affectés par la guerre ont été réintégrés.

- AMELIORATION DE L'ACCES AUX SERVICES SOCIAUX DE BASE (PILIER III)

- Le gouvernement vise l'amélioration substantielle de l'accès de populations aux services sociaux de base notamment dans le secteur de l'éducation, de la santé, de l'eau et de l'assainissement, ainsi que la protection sociale des personnes vulnérables.

LA SANTE

Actions à suivre dans le secteur de la santé en général

Depuis 2001, le gouvernement a mené des actions importantes conformément aux objectifs prioritaires du secteur de la santé. Il s'agit notamment de :

§ L'élaboration des lignes de politique et de stratégies mettant l'accent sur les soins de santé primaires et les programmes spécialisés

§ L'augmentation du nombre des zones de santé, de 306 à 515, afin de fournir un cadre administratif nécessaire à l'exécution du réseau des soins et améliorer l'accessibilité géographique des services.

§ La définition des normes de fonctionnalité des zones de santé et le contenu de paquet d'activités ;

§ La décentralisation du système sanitaire consacrant l'autonomie des zones de santé ;

§ Le soutient aux programme spécialisé ; notamment le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose ;

§ L'augmentation progressive du budget alloué au secteur de la santé ;

§ Le renforcement des capacités institutionnelles au niveau provincial et national ;

§ L'achèvement du Rapport d'Etat Santé Pauvreté(RESP) qui avait permis d'établir le diagnostique sur le secteur et annoncer le dialogue sur les problèmes de santé dans le cadre du DSCPR ;

§ La préparation et la mise en oeuvre du programme d'appui à la réhabilitation du secteur de santé (PARSS), avec l'appui de la Banque mondiale ;

§ La ventilation du budget de la santé par province, district, Zone de santé et par nature ;

§ L'envoi du budget ventilé de la santé aux responsables de santé des EAD ;

§ La prise en compte de l'état des besoins des prestataires des services de santé en vue d'améliorer l'efficacité de l'allocation budgétaire des exercices à venir ;

§ L'intervention aux médecins inspecteurs des provinces et des districts d'effectuer des prélèvements sur les centres de santé et hôpitaux pour le fonctionnement des niveaux intermédiaire et central de l'administration, afin de rendre les services de santé plus accessibles aux pauvres tout en veillant à ce que le budget de l'Etat soutienne le fonctionnement des services du Ministère de la santé.

Actions à suivre dans la lutte contre le VIH/SIDA

Les actions suivantes ont été réalisées :

- Promotion des condoms auprès des groupes vulnérables (marketing social et distribution ciblée);

- Sécurité transfusionnelle et intentionnelle pour la prévention du VIH par la mise en place des centres de transfusion sanguine dans la grande agglomération et des Banques de sang dans les hôpitaux ;

- Intégration de la lutte contre le VIH/SIDA en milieu de travail et le milieu scolaire /académique ;

- Prise en charge des ARV et ;

- Prévention dans la Transmission Mère - Enfants (PTME)

Santé

S'appuyant sur les grands axes de la Stratégie de Renforcement sur le Système de Sante (SRSS) de 2006, l'objectif poursuivi dans le DSCRP est d'assurer des soins de santé primaire de qualité à toute la population et de combattre les grandes endémies.

En vue d'améliorer l'accès aux soins de santé de qualité, les priorités retenues par le gouvernement sont :

- La révision du cadre législatif et normatif du secteur ;

- L'amélioration de l'accès aux soins de santé et l'équité ;

- L'équilibre de l'offre des ressources humaines en santé ;

- L'offre régulière des Médicaments Essentiels et Génériques (MEG) et ;

- L'établissement des mécanismes de financement stable et durable du secteur, ainsi que la suppression des obstacles financiers à l'accès aux soins de santé.

Le gouvernement a entrepris la révision du cadre législatif et normatif du secteur de santé. Le processus de définition du nouveau cadre organique et de planification ascendante est en cours en vue de déterminer les objectifs sectoriels de la Politique Nationale Sanitaire (PNS). Ce processus de planification ascendante a été amorcé au niveau de zones de santé et dans six provinces pour une consolidation au niveau local. En attendant la loi cadre sectoriel, des mesures transitoires adoptés en mars 2008 ont été validées au cours de la revue annuelle 2007 tenue en avril 2008. Ces mesures vont alimenter le processus d'élaboration de la loi cadre. Les programmes techniques du ministère de la santé publique ne sont pas encore rationalisés, mais l'Audit institutionnel et le processus de la réforme sanitaire ont été amorcés. En outre la stratégie de communication et de collaboration entre les directions centrales du Ministère de Santé Publique(MSP) a été élaborée, mais il persiste des déficiences. La législation sur l'établissement, l'accréditation et l'autorisation des prestataires à but finalisée au début de l'année 2008 et est actuellement en cours de lecture. Les projets de textes de loi portant installation, accréditation et autorisation de pourvoyeur de soins sanitaires à profit privé est en cours de finalisation. La réforme du secteur a été amorcée à travers la production de la première ébauche du nouveau cadre organique.

Plusieurs actions ont également été menées en vue d'améliorer l'accès aux soins de santé équité. Au niveau central, un audit institutionnel a été réalisé avec l'appui de l'OMS et les recommandations de l'audit sur la structure organisationnelle ont été mises en oeuvre. Le processus d'implantation des Paquets Minimum d'Activités (PMA) et des Paquets Complémentaires d'Activités (PCA) respectivement dans les centres de santé agréés et hôpitaux généraux de référence (HGR) des zones de santé est en cours de réalisation. A cet effet, les normes de directives sanitaire d'organisation et de fonctionnement de la zone ont été révisées et diffusées en 2007. Près de deux million d'enfants de moins d'un an ont été vaccinés au DTC3. Le gouvernement a organisé le dépistage actif et passif de la THA dans les aires de santé endémiques. Les zones de santé ont été classées selon leurs potentialités de développement dans les provinces. Aussi, les enquêtes sur le prix des médicaments et des autres services sanitaires en RDC ont été réalisées avec l'appui de l'OMS Genève, l'Union Européenne et la Coopération Allemande en vue de l'élaboration des principes sur la réduction des paiements directs et prix des médicaments et des autres services. Des fonds d'achat de service ont été rendu disponibles dans quatre provinces avec le concours de l'union européenne pour la réduction des paiements directs. Ces initiatives sont en cours de validation pour la mise en échelle. Par ailleurs, les zones de santés ont été appuyées en médicaments, matériels sanitaires, équipement informatiques et de transport ainsi qu'en instruments médicaux.

En vue d'assurer une offre équilibrée des ressources humaines pour la santé . Des contacts ont été entrepris entre le Ministère de Santé Publique (MSP) et le Ministre de l'Enseignement s Supérieure et Universitaire (MESU) en vue de l'établissement d'un comité conjoint de réforme. Dans le cadre de l'élaboration de la stratégie de réformes de la formation des s professionnels de santé, les initiatives ont été amorcées à l'Université de Kinshasa(UNIKIN) en 2007. Les moratoire pour la création de nouveaux Instituts Techniques Médicale (ITM) a été signé et vulgarisé en 2007. L'étude de la viabilité des Instituts de formation des sciences de la santé est en cours de réalisation. Les processus de conclusion d'un accord sur les niveaux de primes incitatives entre le MSP et les membres du groupe inter - bailleurs de la santé (GIBS) a été amorcé ; la grille de primes a été initiée au niveau du GIBS, mais elle n'est pas encore harmonisée avec le MCP.

En vue de garantir une offre continue et régulière de médicaments essentiels et génériques (MEG), les taxes et redevances administratives ont été supprimées. Une commission a été mise en place pour élaborer la stratégie et le plan d'action de la production locale et de l'approvisionnement en MEG et d'un contrôle de la qualité. Les mécanismes d'inspection des pharmacies privés sont en cours d'établissement. La liste nationale des MEG a été élaborée et diffusées dans toutes les provinces en 2007. Des équipes cadres des zones de santés ont été formées en gestion des médicaments et produits pharmaceutiques.

Des mécanismes de financement stable et durable du secteur sont en cours d'établissement ainsi que la suppression des obstacles financiers à l'accès aux soins de santé. En effet, des structures de concertation entre le ministère de la santé et les partenaires sont opérationnelles. Des réunions se tiennent sur le projet Global Alliance For Vaccins and Immunisation- Renforcement du système de la santé (GAVI-RSS). Par ailleurs, une étude des dépenses publiques a été faite et les recommandations publiées sont progressivement mises en oeuvre. La stratégie de financement du secteur de la santé pour appuyer la prestation de soins n'est pas encore finalisée, cependant les textes réglementaires y relatifs existante. Un groupe de travail a été mis en place par la commission financement pour actualiser les textes.

La lutte contre les grandes endémies a aussi fait partie des grandes axes du gouvernement dans le secteur sanitaire pendant la mise en oeuvre du DSCRP. A cet effet, dans la cadre de la mise en oeuvre du projet d'appui à la réhabilitation du secteur de la santé (PARSS) financé par la Banque Mondiale, un contrat d'acquisition de 2,99 millions de moustiquaires imprégnées d'insecticides de long durée a été signé avec une société japonaise. De plus, un groupe thématique a été mise en place en mars 2008 pour définir les actions susceptibles d'améliorer les indicateurs de la santé dans le cadre du DSCRP. Plusieurs autres actions ont été réalisées dans le cadre de la lutte contre les grandes endémies notamment le paludisme, la tuberculose, l'onchocercose, etc..., avec l'appui des partenaires au développement (USAID, UE, FM, OMS, UNICEF, etc...)

Lutte contre de Vih /Sida (pilier IV)

Le gouvernement entend stopper l'expansion de VIH/sida particulièrement dans le groupe à haut des personnes vivants avec le VIH/sida (PVV) par leur prise en charge, atténuer son impact sur le développement et le renforcement de la condition de suivi et de l'évaluation des activités de lutte contre le VIH/sida.

La prévention a constitué l'épicentre du programme pour réduire et contrôler la propagation de cette pandémie. Le gouvernement a mis en place une politique de communication. Une politique nationale d'approvisionnement et de distribution des préservatifs a été également formulée. Il a également procédé à l'évaluation da la qualité de services du Programme de Transmission Mère Enfant (PTME).

La politique a également consisté à prendre a charge le PVV/sida.

Le gouvernement a élaboré et opérationnalisé une stratégie de financement durable pour fournir le traitement antirétroviral. Environ 20.000 PVV, y compris celles déjà sous traitement, ont été prise en charge à travers des actions visant l'amélioration de l'offre et de l'accès au traitement. En vue d'élaborer une stratégie de soutient aux orphelins et enfants vulnérables (OEV), les ateliers zonaux de collecte des données dans la cadre de la réalisation d'une enquête rapide sur la situation des OEV ont été organisés.

Le gouvernement a pris des dispositions pour atténuer l'impact négatif du VIH/sida et renforcer la coordination, le suivi et l'évaluation des activités de lutte contre cette épidémie. Une loi anti- discriminatoire en faveur des PVV définissant les droits et devoirs de ces derniers a été votée par le parlement au cours de la session extraordinaire de juillet 2008. Le plan stratégique national de lutte contre le sida est en cours d'élaboration avec la mise en place d'un secrétariat technique. Par ailleurs, le rapport de l'audit institutionnel de lutte contre le sida est en attente de validation. Une base des données pour le suivi des financements et des dépenses liées au sida a été élaborée selon la méthodologie NASA- RTS de l'ONUSIDA. Au niveau de la politique sectorielle, des plans stratégiques de lutte contre le sida ont été élaborés dans les secteurs de l'Education et de la santé.

La gouvernance politique

Entré en fonction le 30 juin 2003, le Gouvernement de transition a mis sur pied les institutions d'appui à la démocratie et a défini la structure institutionnelle nécessaire au DDR en consultation avec les partenaires au développement en mettant en place la Commission Nationale de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (CONADER). Un Programme National de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (PNDDR) a été élaboré. Le Gouvernement a réunifié le territoire national. La Commission Electorale Indépendante (CEI) a organisé le référendum constitutionnel le 18 décembre 2005 et la Constitution de la troisième République fut promulguée le 18 février 2006.

CONCLUSION GENERALE

Une commission vérité- réconciliation mondiale

Le père De Haes (assassiné au Congo), d'heureuse mémoire a lancé cette idée qui doit avoir fait l'effet d'une bombe : l'instauration d'une commission vérité-réconciliation à l'échelle mondiale à propos de tant de méfaits commis par l'Occident sur l'Afrique. Elle est de loin un projet humaniste que celui de John Ralws.

La décennie 2010 -2020 est une période propice en Afrique noire en général qui nous permet, Heure de bilan, de proposer pendant le cinquantenaire des indépendances africaines un agenda épistémologique pour des nouvelles perspectives de recherche et de reconciliation. De ce tournant politique, nous pourrons y voir , comme lors de la période coloniale ,la convergence de deux champs : savant et impérialiste qui se conjuguait différemment (tel que l'ethnologie catholique et celle des libres penseurs maçonniques au Congo- Kinshasa). En effet, à la suite de Pierre Bourdieu, et de sa sociologie de connaissance, nous pouvons dire que «la genèse de la science coloniale nous offre (...) l'occasion rare de saisir le processus de constitution d'un « champ », espace social distinct et propre à la production de biens symboliques » .912(*)

Le besoin en ontologie sociale (l'exigence de remonter à la naissance des sciences sociales classiques nous met en face des présupposés ontologiques de l'action sociale : la rationalisation des images mythico-religieuses déterminent l'action (M. Weber, J. Habermas), nous renvoie également à la visitation de débat sur la « pensée sauvage »,la pertinence de l'approche structuralisme, etc.

Le besoin en épistémologie nous renvoie à la question de fondement des sciences sociales au Congo qui se confond souvent en une demande de reconstruction de méthodologie qualitative, attestée par une demande formulée en termes d'interdisciplinarité, et en termes de clarification et de reconstruction théorique et conceptuelle.

Pour les plus théoriques et les plus conceptuels des spécialistes des sciences sociales au Congo, on peut dire que l'interdisciplinarité qui est demandée est plutôt un appel à la reconstruction des théories de systèmes (approches structuro-fonctionnaliste) et des théories de l'action (la praxéologie, le constructivisme, le cognitivisme), et à la compréhension de théories comme celle de l'habitus de Pierre Bourdieu qui se situe entre les deux tendances ci-haut. Ou encore de l'individualisme méthodologique de la théorie de choix pur dominant en sciences économiques.

Le tournant pragmatique en sciences sociales est un autre nom des théories de l'action qui a polarisée les recherches en sciences sociales en Occident ces quarante dernières années. Ce point de vue est reconduit en Afrique souvent sans une explication suffisante. Les jeunes chercheurs africains armées des nouvelles approches pragmatico -cognitives se plaignent de manque de souplesse des anciennes générations de les intégrer. Le refus de débat épistémologique et conceptuel en sciences sociales.

L'ancienne génération des chercheurs au Congo semble plutôt privilégier les théories des systèmes dans une sorte de mimétisme scientifique. Les enquêtes sur terrain, sommes toutes fort utiles, sont devenues la clé passe partout, des sciences sociales à la médecine sans un travail théorique et conceptuel mené quelque peu en profondeur. Les nations unies ont même le kilo d'inventer de méthodologie du genre , matrice de fragilité sans qu'elle soit portée par des hypothèses théoriques et conceptuels claires. En fait, les chercheurs africains sont quelques fois affublés par des publications étrangères abondantes qui ne leur donnent pas le temps de réagir en conséquence.

Il y a plusieurs raisons à cet état des choses, une des raisons est que le tournant pragmatique en science sociale s'est opérée dans la pratique des sciences sociales en Occident sans qu'elle ne soit accompagnée d'un exerce épistémologique (ou philosophique) de reconstruction systématique, historique ni créatrice clair. En Afrique le manque préjudiciable d'intérêt que l'on voue à la philosophie à tord ou à raison y est pour beaucoup. Les praticiens en sciences sociales en Afrique ne sont pas souvent préparés à un tel travail à proprement épistémologique ou métaphysique, c'est souvent la besogne des philosophes-théologiens - c'est la tendance dominante en RD Congo - qui, souvent sont accusés de spéculer sur d'autres priorités, ne s'occupent pas de la même façon des faits sociaux tels qu'ils opèrent et sans le souci préalable d'assainir une terminologie réputée abstraite suspendue dans les nuages.

L'épistémologie elle-même au Département de philosophie à l'Université de Kinshasa ,et d'autres Etablissements similaires , s'est beaucoup plus longtemps développée dans le sillage des présupposés de la proto-physique, de la physique théorique ,des mathématique , et des sciences expérimentales, i.e.la médecine. Pour tenter justement d'y remédier dans la perspective d'une analyse intégrative de la métaphysique, de l'épistémologie et de l'éthique, il s'agira de nous introduire dans l' « épistémologie des sciences sociales » qui est plutôt une discipline plus récente, elle est une épistémologie particulière.913(*) Elle permet de reconstruire les points de départ des sources théoriques et conceptuelles en sciences sociales914(*). On pourra pratiquer ici une Histoire des sciences sociales.

L'agenda ou le programme épistémologique de cette nature pour être comprise demanderait justement une reconstruction de certains concepts et des actions qui portent les sciences sociales. Il faut pour cela trouver des repères pour penser un tel programme épistémologique ,notamment savoir montrer dans cette réflexion le passage des théories de connaissances aux théories de l'action, ou leurs actions combinées et de montrer comment les sciences sociales qui donnent priorité aux structures et à l'action - la rupture épistémologique du point de vue structuraliste est faite d'abord par Karl Marx915(*) - ont rejoint les théories de connaissances qui alimentent les théories constructivistes en sciences sociales.

Nous essayons de rappeler un agenda épistémologique millénaire de traditions africaines qui restitue les points de départ et des repères épistémologiques dont nous avons certainement besoin pour reconstruire la question de méthode qualitative en sciences sociales. Devant des changements profonds de la réalité sociale et la recherche consécutive des grilles de lecture scientifiques des phénomènes sociaux, le retour à la philosophie première, qu'on le veule ou pas, est devenu aujourd'hui une des voies attitrée. Il s'agit ainsi de reconstruire les présupposés théorique et pratique.

Notre hypothèse parmi d'autres à propos de la rénovation des sciences sociales en Afrique et dans le monde est le modèle des images mythico-religieuses et métaphysico-cosmologiques. Les images telles celles de « scarabée sacré »que nous exploitons pour les sciences sociales. Dans la perspective des sciences déductivo- nomologique (naturelle, exactes) nous proposerons l'image de diamant. La psychanalyse peut être vu de plusieurs cotés comme l'analyse de ces images vécues dans les rêves ( i.e.le vautour de Leonard de Vinci).

Il ne s'agit pas à proprement parler d'inventer les sciences africaines, c'est nous qui avons contribué de façon décisive à son invention, il s'agit maintenant de les rénover. A propos de la rénovation des sciences, semblablement, comme Rudolf Carnap s'était donné pour un de ses buts la recherche de « reformer les concepts de tous les domaines et donc des sciences du réel ».916(*) Dans la perspective qui était la sienne, il le faisait en choisissant « en premier lieu quelques concepts de base simples ».917(*)

Sa méthode est celle qu'il dénomme reconstructive, nous nous sommes référés à son propre projet : « j'entends, dit-il, par reconstruction rationnelle la recherche des nouvelles définitions pour d'anciens concepts. (...) Les nouvelles définitions doivent l'emporter sur les anciennes en clarté et en exactitude et surtout mieux s'intégrer dans un édifice conceptuel systématique. Une telle clarification conceptuelle, souvent nommée aujourd'hui « explication », me semble demeurer l'une des tâches les plus importantes de la philosophie, notamment lorsqu'elle se rapporte aux principales catégories de la pensée humaine ».918(*) Retenons qu'il y a ici deux notions importantes : celle de la définition des concepts et celle de leur relation pour rénover les sciences. Il s'agit en fait de partir des concepts fondamentaux qui sont au coeur des sciences.

Notre méthodologie a fait l'inverse : clarifier les nouveaux concepts par les plus anciens, des concepts architectoniques pour ainsi dire. Justement, c'est le versant conceptuel de notre analyse : l'icône et le symbole de « scarabée » nous a servi pour ce faire, (c'est non seulement pris comme un des concepts centraux de reconstruction des sciences sociales sinon un des modèles généraux de la représentation de la « réalité sociale »).

Notre enquête discute et vérifie un certain nombre des thèses de Carnap présentées ici, une des thèses est celle énoncée comme suite : « la représentation du monde dans la science est au fond une description structurale ».919(*) Bien sûr, ici il faut reconstruire tout en le dépassant le présupposé du modèle structural fondamental en sciences sociales classiques (voir le structuralisme de Claude Lévi-Strauss). La théorie organiciste à la base de l'approche structuro-fonctionnaliste est conçue à partir de ce modèle (Emile Durkheim) ou les parties avec Adam Smith.

Le kheper symbolisé par le scarabée, comme notion architectonique est scientifique et philosophique, il signifie également le Devenir : comme on le sait, c'est ce modèle dit de Tout et de ses parties qui occupe une place centrale dans la construction des sciences sociales classiques et contemporaines. La théorie économique de choix rationnel qui théorise les utilités est individualiste (elle recourt aux parties du Tout) alors que la théorie holistique qui privilégie le Tout est sociologique. Sont ici les deux grandes disciplines qui polarisent les sciences sociales et humaines. D'où la série de dichotomies ci-dessous dans l'analyse en sciences sociales : structure-acteur, système-agent, etc. L'habitus de Pierre Bourdieu se situant entre le Tout et ses parties.

La détermination causale, celles structurale et fonctionnelle qui se systématisent dans le fonctionnalisme d'Emile Durkheim, dans le structuralisme de Claude Lévi- Strauss, dans le fonctionnalisme de Talcott Parsons ,dans les théories de l'action ( les sciences de la communication sont nées après la deuxième guerre mondiale sont ainsi globalement praxéologiques à la suite des théories de l'action), et autres théories innombrables , peuvent être expliquées justement par la notion du Devenir qui donne le modèle de Tout et de ses parties.

Nous avons tenté d'étudier quelque peu en profondeur face à la nécessité de rénover les sciences sociales dans certains de ses aspects, les arguments des spécialistes des sciences sociales et leurs présupposés. Le but est de décrypter les mérites des uns et des autres mais aussi de surprendre certaines faiblesses dont la principale est le manque de traçabilité de modèle de base qui sert de tremplin comme en physique (voir le modèle de diamant ). Nous allons ensuite tenter son dépassement par la clarification qu'apporte l'image de scarabée ou kheper.

La réflexion a deux grandes orientations : nous entreprenons de montrer la nécessité de la rénovation des sciences sociales en Afrique. Nous recourons au modèle épistémologique des sciences sociales parmi les plus avancés, l'épistémologique analytique et cognitiviste, situer en l'occurrence le constructivisme pragmatique dans le paradigme onto-théologique au moyen du concept de kheper issu de traditions africaines. Ce concept est justement reconstruit dans l'approche structuro-fonctionnaliste, d'une part, et d'autre part, dans l'approche pragmatique et cognitiviste. Enfin, nous initions dans le contexte de l'Afrique une auto- critique de l'ordre institutionnel de la doctrine de Kheper. Cette partie se veut ici résolument dialectique entre la théorie et la pratique.

Sur le plan pratique et institutionnel, il s'agit de parer au mépris que représentent les vues ethnologiques de savants encore actuels d'une science sociale qui s'élabore dans les arcanes de visées de domination qui continue par ailleurs, pour la restauration de la justice et des normes communes de vie. Le programme de liquidation de tous les facteurs métaphysique dans la science sociale moderne n'a pas totalement abouti pour camper l'Afrique dans les mythes (voir les relations d'incertitudes de Heisenberg). Les mythes sont à interpréter et non à évacuer (Tshiamalenga Ntumba). Ces analyses supposent donc une indispensable auto - critique nécessaire de programme épistémologique de rationalisation sociale.

Le lecteur peut bien le remarquer, nous voulons donc tant soit peu contribuer à l'effort de saisie plus critique et davantage constructive de la « réalité sociale » qui débouchera sans doute à l'exigence de la justice, d'auto -critique et des normes de rationalité pour éviter son effondrement que nous vivons aujourd'hui. La réalité sociale n'est pas naturelle, elle est historique.

L'étude tente de montrer que l'image de Kheper (la loi de la transformation du Devenir) donne des variantes tels l'apeiron d'Anaximandre ou le Devenir infini, et l'hylémorphisme de Stagirite, et bien d'autres. Ce kheper pourrait aider à remettre à l'endroit spécialement l'approche fonctionnaliste d'Emile Durkheim et le structuralisme de Claude Lévi-Strauss. Car le concept de Kheper peut être aussi pensé pour construire un ordre institutionnel à la hauteur de la complexité des sociétés contemporaines. Disons que les institutions sociales mondiales actuelles, mutatis mutandis, se trouvent dans l'urgence de se redéfinir face au processus complexe que nous appelons la mondialisation. A ce propos, les questions de la philosophie du droit occupent dans notre analyse une place centrale.

Notre objectif de recherche est finalement celui de tenter de voir clair en disposant des repères et des points de départs d'une discussion fort tentaculaire qui doit être bien plus ratissée, c'est-à-dire, dans le cas d'espèces de resituer dès le point de départ la question de  la naissance des sciences sociales.

D'un point de vue de la philosophie africaine, nous avons voulu faire nôtre cet appel de Crispin Ngwey qui pense que nous devons maintenant penser autrement : « la philosophie africaine sortie des revendications de sa possibilité, fatiguée d'ethnophilosophie ne se sent-elle pas obligée ces derniers temps de prendre à bras le corps le vécu réel des africains.( ...) Plus fondamentalement, ne sera-t-elle pas obligée de s'esquisser systématiquement en termes de révision, de métaphysique, de l'éthique, de l'épistémologie et même de la cosmologie plus élargies et plus susceptibles de nous offrir un cadre conceptuel, spéculatif et même métaphorique susceptible de permettre de penser l'homme de cette fin de XX è siècle à nouveau frais ? »920(*) Le cadre métaphorique est la ressource fondamentale de rénovation, nous proposons l'image de scarabée sacré et de diamant (d'où a émergé en partir de l'épistémologie de troisième voie d'Ernest Cassirer, la figure de la toile, de la réfraction, de la réflexion, de la polarisation, et de la communication.

Une partie de notre analyse avait l'ambition de participer à un tel élan. Pour nous, d'un point de vue théorique, l'onto-théologie est le suppôt à partir de quoi reposer le problème de l'Afrique. Il s'agit aussi de montrer les dessous des sciences sociales. Nous avons tenté de reconstruire et dégager les schèmes, les concepts centraux, les notions et structures sous-jacentes et finalement d'aller à la genèse de cette science pour identifier justement les acteurs, le leitmotiv, la nature, la valeur de cette connaissance, les intérêts en jeu, etc.

En sciences sociales au Congo, la première période pourrait être caractérisée par la science du lointain. Ces sciences sont parties des grands travaux géographiques des découvertes du bassin du fleuve Congo, dont notre destin en tant que pays va dépendre ; ceci offre la structure et les conditions de possibilités pour l'émergence de la science coloniale : l'ethnologie, la colonisation comparée, l'administration indirecte, le droit indigène, etc.

La science sociale congolaise est pourtant globalement désajustée par rapport aux problèmes du pays. Déjà, selon Poncelet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et à la suite d'un important activisme scientifique au Congo, l'ensemble du dispositif métropolitain des savoirs coloniaux avouera son extrême indigence quant à son accès sur le terrain. Face à une crise sociale sans précèdent et à la nouvelle attention internationale sur les colonies, on découvrira un Congo dépourvu de toute possibilité d'appareillage scientifique susceptible de reconfigurer l'image de la colonie, de donner à ses responsables publics le sentiment qu'une direction nouvelle est à donner à l'évolution sociale. Ce n'est guère qu'entre 1950 et 1955 que les universités descendront sur le terrain921(*). En fait, déjà dans les années 1920-30, durant ce que Poncelet appelle l'âge d'or de la science coloniale, seuls professaient des notables coloniaux, les diplômés proprement dits portant le titre de licenciés sont très peu nombreux.

L'indépendance du Congo fut en n'en point douter ce moment qui consacra enfin la catastrophe épistémologique du dispositif colonial savant. Le travail de la déconstruction à entreprendre était, déjà alors, fort immense parce que « dans les universités (belges), les centres de recherche, les filières de cours, les diplômes, (aujourd'hui) les dispositifs de coopération, etc., sont les héritiers directs de l'institutionnalisation de sciences coloniales ».922(*)

Après la décennie 60 au Congo, les gros travaux lancés furent une occasion manquée pour entamer collectivement une reconstruction des présupposés théoriques et idéologiques de cette science sociale coloniale qui a élu domicile chez nous. Aujourd'hui, les gros travaux de reconstruction sociale devraient être ce lieu d'évaluation du chemin parcouru et de l'orientation théorique à prendre.923(*) Seulement ce genre d'enjeux ne semble pas présent dans le processus d'élaboration de notre science. Et qu'en dire pour un Etat qui octroie à la recherche une allocation modique déjà difficile à décaisser sauf pour des programmes bidons du secrétariat général au Ministère de la recherche scientifique et technologique, qui se l'est appropriée longtemps, un Etat qui ne prend pas en compte, avec son Ministère , la vision de la science qui devait être élaborée par le Conseil Scientifique National comme partout au monde, un Conseil qui par ailleurs n'a même pas de bureaux. A se référer aux administratifs entêtés, la science semble répondre plutôt à une exigence exclusivement spéculative, éparse et venue d'ailleurs ou de nulle part.

Quelle leçon faudrait-il tirer du travail et des revers d'une bonne partie des sciences ? Ecoutons un avis pertinent : « même une civilisation scientifique ne se trouve pas dispensée de résoudre les problèmes pratiques, ajoute Habermas ; c'est pourquoi l'on court un risque certain lorsque le processus de scientifisation dépasse les limites des questions pratiques sans se libérer pour autant de la rationalité bornée qui caractérise une réflexion technologique. (...) La théorie, lorsqu'elle se rapportait encore à la pratique en son sens original, concevait la société comme l'ensemble composé par les actions de sujets parlants qui intégraient leurs relations sociales à un contexte communicationnel conscient et devaient s'y constituer en sujet collectif apte à l'action ; sinon leur destin, au sein d'une société qui dans le détail est de plus en plus rigoureusement rationnalisée, échapperait à la discipline rationnelle dont ils ont justement le plus besoin. Mais une théorie qui confond le pouvoir d'agir et le pouvoir de manipuler les choses est incapable de se placer dans cette perspective ».924(*)

Nous avons pris la question des « sociétés sans écriture » comme prétexte pour aborder les présupposés épistémologiques généraux des sciences sociales en Afrique à al suite de paradigme de la texture (texte et écriture). Il y a lieu de montrer la trame discontinue des traditions théoriques des sciences sociales telles qu'elles structurent et déstructurent nos sociétés. A ce moment là, il faudra identifier les différentes conceptions théoriques à partir de quoi reconstruire philosophiquement. Plusieurs théories de la société se chevauchent, l'effort de les distinguer à partir de certains concepts opératoires ou schèmes théoriques distincts liés à chaque école théorique, se ferait justement sous le nom générique de « reconstruction philosophique ». C'était notre méthodologie.

Avant même de procéder à reconstruire une approche théorique à travers ses schèmes généraux, ses concepts principaux, il était logique de par notre méthodologie, de dire les problèmes qu'elle pose. Les problèmes épistémologiques (théoriques et idéologiques) des sciences sociales sont de plusieurs ordres, nous nous sommes contenté d'en esquisser quelques uns, du moins concernant quelques approches dominantes des études africanistes.925(*)

Il était aussi possible de constater les innovations qui ont permis des ruptures ou des continuités plus opératoires de ces notions. Ces notions théoriques centrales sont, hélas restées, les mêmes mais leur signification peut différer, on peut s'en douter, selon les champs d'application ce qui veut dire selon qu'il s'agissait de l'Occident ou de l'Autre de l'humanité. Notre explicitation devait avoir pour but de tenter de montrer l'innovation qui survient avec chaque concept opératoire et être ainsi une matrice théorique capable de présenter plusieurs niveaux d'analyse et de donner des traits généraux aux adaptations théoriques.

Finalement il nous faudra dire en liminaire à propos des sciences sociales qu' « il devient presque banal de le rappeler -, les données relèvent d'une mise en forme à travers des catégories et des relations déterminées : répartition statistiques, descriptions d'interactions, les récits d'histoires (...), les matériaux du chercheur peuvent être aussi bien « données »-dans des archives, par exemple -que « construits »- par observation, entretien, questionnaire, etc. Dans les deux cas, ils sont structurés, « parlent », suggèrent des raisons, des mécanismes ; ils sont déjà porteurs d'une intelligibilité qui n'est pas foncièrement différente de celle du chercheur. »926(*) Et :« Le travail de l'analyse n'est pas de « faire parler » une nature muette, ( ) mais d'opérer les confrontations entre les données, déjà signifiantes et organisées, et une structure d'explication possible. (...) L'expérience des sciences sociales prouve que le résultat - c'est-à-dire la structure explicative proposée, quels que soient sa forme et ses ressorts - est considérée comme recevable dès lors qu'il peut être soumis à la discussion argumentative et empirique, c'est - à- dire être confrontée à une explication autre, qui paraisse plus raisonnable, et à des données complémentaires et nouvelles ».927(*) Ceci est notre hypothèse, pour autant que, de ce qui précède dépend le statut même épistémologique des schèmes reconstructeurs.

En effet, les problèmes épistémologiques en sciences sociales et humaines ne sont pas liés qu'aux problèmes théoriques, ils sont aussi de problèmes de leur l'origine. Il a fallu par exemple interroger le fondement des découpages disciplinaires : ils ne résultent ni d'une segmentation « naturelle » de l'ordre des choses, ni d'un plan rationnel de connaissance ; ils sont les héritiers et les produits continûment retravaillés d'une histoire , qui n'est pas seulement une histoire des idées , mais également une histoire de la production sociale des connaissances et des savoirs , de la construction de dispositifs pratiques de connaissance, dans lesquels se sont moulées des procédures , se sont dessinés de schèmes de pensée et d'action , et qui, par-delà leur renouvellement et leurs frottements permanents , continuent d'être vivants. 

Que de théories et de paroles ! Voilà le reproche qui nous sera adressé si nous en restons à une approche théorique. La réflexion a commencé par l'ontologie du droit et la nécessité de penser l'opérationnalisation de la pensée africaine, comme des institutions. Il reste à construire une autre Afrique dans la pratique aussi. Bien entendu, déjà cette attitude ethnologique que nous avons stigmatisée est aujourd'hui fortement nuancée dans plusieurs domaines : l'herméneutique, l'anthropologie et la sociologie des catégories, etc.

Sur le terrain africain, cela est bien utile, mais il faut passer à l'action. Nous avons présenté un essai de reconstruction de quelques aspects des sciences sociales sur l'Afrique ;tout cela s'est avéré nécessaire et pertinent parce que , aujourd'hui encore, nous pouvons continuer d'affirmer qu'il existe une relation étroite, par ailleurs nouée il y a bien longtemps, dans le cas d'espèce entre la science coloniale et une construction et les institutions actuelles chez nous : « les institutions...qui survivent aux confins de quelques disciplines ou filières universitaires,...étaient des héritages des sciences coloniales, ou, plus généralement, étaient de l'institutionnalisation des rapports politico -savants entre la métropole et l'Afrique belge ».928(*)

Concluons que notre recherche nous a fait découvrir le concept de kheper que l'on remonte à l'Égypte pharaonique qui correspond au Signe ou à l'image de « scarabée sacré »:

« C'est moi le Devenir de khepra, lorsque devint pour moi le Devenir des Devenirs après mon Devenir, car nombreux ont été les désirs sortant de ma bouche... »929(*)

Comment, en plus, repenser la question de la dépendance et de la dérivation de ce genre de corpus théorique de base, entre l'Afrique et l'Occident, en sciences sociales ? La plupart des concepts centraux sont puisés dans de plusieurs foyers de civilisation et de culture. A propos, il y a un mal entendu qui porte sur cette question - des concepts centraux qui sont au coeur des sciences sociales classiques.

Le corpus théorique de base en sciences sociales provient de l'Occident, c'est la position officielle. Nous tentons de montrer, ici, que ce corpus provient dans le cas d'espèce, aussi et avant tout de l'Afrique Antique. Ainsi, il ne faut pas demander à devenir africain ce qui l'ai déjà, à propos de ce qu'il convient de dire à la suite de Jean Copans , l'impossibilité d'existence des sciences sociales africaines. Notre position à ce sujet ce qu'on ne peut pas africaniser ce qui est déjà africain. Une partie de notre analyse avait l'ambition de participer à un tel élan.

Pour nous, d'un point de vue théorique, les présuppositions des images onto-théologiques est le suppôt à partir de quoi reposer le problème des sciences et les problèmes de paradoxes grandissant qui se trouvent au coeur de la société. Il s'agit justement de revenir aux sources et montrer les dessous des sciences sociales.

Nous aimerions présenter les résultats auxquels nous sommes arrivé après l'application de notre méthode de reconstruction philosophique au-delà du fait qu'une bonne partie de notre exposé a tout simplement été réflexive. Notre réflexion a voulu après la présentation de l'exigence de rénovation des sciences sociales en Afrique, restituer la double doctrine du « réalisme et du constructivisme ». L'objectif était d'étudier la réalité sociale, telle que reprise en sciences sociales aujourd'hui, à partir des traditions philosophiques antiques, et de sa reconstruction comme philosophie de la Nature, de sa reprise dans l'approche structuro-fonctionnaliste. En effet, ceci importe car le fonctionnalisme d'Emile Durkheim et l'anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss ont constitué une double approche est restée paradoxalement encore dominante en Afrique ; et leur réplique dans la double approche pragmatique et cognitive chez John Searle nous a servi de réflecteur.

Dans le prolongement des approches structuro-fonctionnaliste et dialectique en sciences sociales, le débat essentiel actuellement est entre l'holisme et le naturalisme, dans la mesure où il s'agit bien là de deux formes de « causalisme (externe /interne) ».930(*) En effet, « le débat avec les sciences cognitives et le naturalisme a pris beaucoup d'ampleur (...) l'holisme lui-même réapparaît ou tend à réapparaître, au moins dans nombre d'études philosophiques...le contexte d'une critique des sciences cognitives ...cela veut dire aussi que le débat avec (...) le constructivisme social n'est pas le seul débat actuel ».931(*) Tel a été le contexte actuel de notre discussion.

Pour une étude plus approfondie, nous avons abordé plusieurs questions théoriques, en l'occurrence, la construction scientifique ad hoc tant bien sur la causalité que concernant les quatre méthodes dominantes en sciences sociales (le structuralisme, le fonctionnalisme et/ou systémique et la dialectique). Ces quatre méthodes peuvent être subsumées en sociologie, en démographie, en ethnologie ou anthropologie structurale et en psychologie sociale, tout cela avec un statut explicatif problématique pour l'Afrique Noire. Cette situation appelle une vision relativisée des sciences sociales qu'une approche réaliste réfute. Nous sommes tout de même parti de la théorie du relativisme avec pour fond ou filigrane cette autre théorie de la mentalité primitive de Lucien Lévi -Bruhl dans un contexte de philosophie du langage.

Chemin faisant, nous nous sommes particulièrement attelé à l'étude critique de la pensée d'Emile Durkheim dans son livre intitulé : Les règles de la méthode sociologique. Justement le chapitre IV qui se focalise sur : les règles relatives à la constitution des types sociaux. Ce chapitre vise à montrer les parties constitutives dont est formée toute la société. Ainsi, pour Durkheim « l'évolution sociale commence par de petits agrégats simples ; qu'elle progresse par l'union de quelques-uns de ces agrégats en agrégats plus grands, et d'après s'être consolidés, ces groupes s'unissent avec d'autres semblables à eux pour former des agrégats encore plus grands ».932(*) Il s'agit des fameux éléments minimaux qui structurent le mental, le langage et l'interaction au moyen des systèmes de règles et de l'Arrière-plan intentionnellement ou pas. Comme on pourra l'apercevoir, à la lecture de ce chapitre, Durkheim n'en donne qu'une ébauche sommaire, tout en affirmant le fait que « ce problème trop complexe pourrait pouvoir être traité ainsi (tel qu'il le fait), comme en passant ; il suppose, au contraire, tout un ensemble de longues et spéciales recherches ».933(*) Searle tente de continuer justement ces recherches, nous par ailleurs aussi.

Jean-Michel Berthelot présente une périodicité topologique des repères chronologiques à propos des sciences sociales. En effet, «l'histoire des sciences sociales donne le spectacle d'un passage d'une polarité à l'autre (par exemple de structuralisme (pôle II) à l'individualisme méthodologique et au « au retour  de l'action» (pôle II) dans les années 1970- 1990 ; de ces dernières à un possible retour au naturalisme causal ou fonctionnel (pôle I) (Van Parijs, 1981 ; Kincaide, 1996 ; Sperber ,1996) dans la période actuelle ».934(*)

Toutefois, notre thèse est partie de ce que nous appelons les limites institutionnelles actuelles face à l'enjeu de domestication des crises sociales, et de la nécessité pour nous de recourir à l'anthropologie naturelle et onto-théologie pour saisir le changement drastique de la réalité sociale. Aujourd'hui, le contexte général des théories de « réel social » comme procès multiforme ou de la « construction de la réalité sociale » se situe à notre sens dans la recherche de ce genre de ressources onto-théologiques. Notre thèse s'est ressourcée fondamentalement dans les traditions africaines millénaires et plus ou moins récentes qui ont un impact certain sur la philosophie et la science sociale. Nous avons présenté les aspects aussi bien ontologiques qu'épistémologiques parce que la philosophie des sciences sociales, par rapport à quoi nous nous situons, contient en son sein une ontologie sociale, une épistémologie sociale et une méthodologie. Une des idées sous-jacentes à notre position fait prévaloir, c'est que la philosophie et la science restent inextricablement liées.

Notre exposé a présenté ainsi les différents aspects, liés l'anthropologie sociale, aux phénomènes sociaux, de l'existence de la « réalité sociale » en général. Il a fallu définir le « réel social » comme un procès multiforme ou le constructivisme social en opposition avec le réalisme, le fameux dualisme entre la forme et la matière, les particularités du constructivisme et du réalisme.

Le livre de John Searle intitulé La redécouverte de l'esprit qui se penche sur la question de la philosophie des sciences sociales en problématisela question du dualisme cartésien, la question se développe aussi dans d'autres de ses livres : L'Intentionnalité et dans La construction de la réalité sociale. Les chapitres VII et VIII de La construction de la réalité sociale sont consacrés à cette question particulière du réalisme, Searle y réfute les autres conceptions concurrentes du réalisme pour présenter sa propre conception, étayant « l'un des buts de ce livre (...) montrer comment cela est possible, comment le monde des institutions fait partie du monde « physique » ».935(*) Ainsi, le réalisme est chez lui un outil méthodologique sur l'analyse de la réalité sociale, le réalisme nous renseigne sur l'Arrière-plan qui est une condition d'intelligibilité de la réalité sociale. Pour arriver à montrer l'apport et la faiblesse de John Searle, nous avons tenté de déconstruire sa pensée en la démontant pour la reconstituer enfin ; nous avons démontré « les théories dont on entreprend l'appropriation critique » et « sa pensée propre se retrouvant à l'horizon d'une (interprétation) des théories critiquées ».936(*)

La méthodologie de la reconstruction que John Searle a utilisée ne lui est pas exclusive ;elle a été thématisée et pratiquée abondamment par plusieurs auteurs dont Rudolf Carnap dans son livre La construction logique du monde et Jürgen Habermas. Il a fallu expliquer le concept de la réalité sociale en le redéfinissant. Rudolf Carnap : « entends, par reconstruction rationnelle la recherche des nouvelles définitions pour d'anciens concepts. ( ...) Les nouvelles définitions doivent l'emporter sur les anciennes en clarté et en exactitude et surtout mieux s'intégrer dans un édifice conceptuel systématique. Une telle clarification conceptuelle, poursuit-il, souvent nommée aujourd'hui « explication », me semble demeurer l'une de tâches les plus importantes de la philosophie, notamment lorsqu'elle se rapporte aux principales catégories humaines. »937(*)Une telle clarification peut se faire soit avec un concept unique soit avec plusieurs concepts.

John Searle a utilisé plusieurs concepts au niveau théorique et conceptuel, les règles constitutives, l'intentionnalité, l'intentionnalité collective, l'Arrière-plan, etc. Nous avons tenté un dépassement par le concept de kheper en faisant l'inverse, présenter une clarification des nouveaux concepts par des anciens. C'est justement dans la ligne de l'ontologie sociale que les chercheurs en sciences sociales, John Searle compris, tentent une reprise à nouveau frais de l'étude la « réalité sociale » avec la notion centrale de back ground ou d'Arrière-plan. La transformation épistémologique searlienne de plusieurs approches en sciences sociales et humaines, tient à l'opérationalité et à la fécondité de ce concept et outil central qu'il utilise, tel qu'il se trouve être au centre de son entreprise programmatique. L'effort épistémologique que nous déployons tente de dégager les lignes de force des constructions théoriques de l'approche analysée. Notre explicitation devait avoir pour but de tenter de montrer aussi son innovation.

Il s'agissait également de chercher des relations soit observables soit conceptuelles : il s'agit en fait de réduire les concepts des choses à des concepts psychiques ou d'autres concepts des choses au moyen des artifices mathématico-logiques. John Searle passe du langage organiciste au langage logique à l'instar de Charles Sanders Peirce à l'instar de ses trois grandes catégories de priméité, secondéité et de tierceité. Les règles de coordination liant les termes théoriques aux termes observationnels, ceux du psychisme à ceux du monde vécu dans son approche pragmatico- cognitiviste.

Jürgen Habermas utilise également cette méthode. Chez lui la méthodologie a deux acceptions. La première acception se comprend comme une recherche du caché et comme une mise en évidence de l'implicite. 938(*) Elle fonctionne à cette étape comme une restitution. La deuxième acception de la méthode de la reconstruction est liée à tous les philosophes de génie qui ont pratiqué pareille reconstruction systématique et/ou historique des philosophies et des traditions scientifiques antérieures. A cette étape l'auteur utilise les concepts centraux restitués ou construits. La reconstruction philosophique se fait en Egypte ( à l'école Memphitique ou Héliopolitainne ou autres Amarna ) avec la concept de kheper, chez Anaximandre avec l'apeiron, chez Aristote autour du couple Matière et Forme, René Descartes dans la philosophie de la Nature autour de l'espace homogène et de mouvement local, chez Leibniz avec le concept d'entéléchie , la force qui remplace la forme , Placide Tempels en philosophie africaine autour de la « force vitale », John Searle avec la bipolarité de « forme et matière » ou du constructivisme /réalisme qui traverse sa logique illocutoire , sa théorie de direction d'ajustement de l'esprit vers le monde ou vice-versa, son réalisme non relativiste, son Arrière-plan, en tant que capacité , aptitude non représentationnelle, etc.

L'intérêt d'une réflexion de ce genre, à notre avis, rejoint, pour le rappeler une fois de plus, les contributions parues en 2007 réunies dans le livre intitulé Les sciences sociales au Congo -Kinshasa : Cinquante ans après : quel apport ?939(*) En effet, les spécialistes en sciences humaines au Congo-Kinshasa en appellent aujourd'hui à une recherche urgente de l'innovation sur le terrain africain. Pour nous, repenser fondamentalement les sciences sociales devrait revenir à subsumer leurs présupposés philosophiques. Ces liens ne semblent suffisamment pas pris au sérieux par beaucoup de scientifiques pour rénover leurs approches.

Des problèmes épistémologiques des sciences sociales en Afrique sont de plusieurs ordres, nous nous sommes contenté d'en esquisser quelques uns, du moins quelques concepts centraux des études sociales africaines en mettant au clair, dans le cas d'espèce, les structures théoriques sous- jacentes ou l'ontologie sociale de ces courants et écoles. Plusieurs théories de la société se chevauchent, l'effort de les distinguer à partir de certains concepts opératoires ou schèmes théoriques distincts liés à chaque école théorique, se ferait justement sous le nom générique de la reconstruction philosophique. Une telle tâche que nous nous sommes assignée a demandé de dialoguer avec d'autres experts de la théorisation sociale afin de prendre acte de la multidimentionnalité d'une telle recherche.

Au demeurant, la philosophie telle qu'elle se pratique globalement encore dans notre Université est perçue globalement par les autres collègues enseignants comme un discours « dépassé » ; philosopher serait s'enfermer dans des concepts que seuls nous philosophes comprenons. Le contexte dans lequel prend forme la réflexion que nous proposons. Nous trouvons à propos qu'il y avait un besoin d'échange théorique réel qui demandait de jeter des ponts pour relier les sciences sociales et humaines à la philosophie.

En général - le travail de Pierre Bourdieu par exemple offre un modèle de ce genre. Pierre Bourdieu n'est pas très connu chez nous au département de philosophie dans une tradition où l'essentiel du personnel vient des grands séminaires. Un tel contexte contrastait avec l'épistémologie telle qu'elle s'enseigne dans notre Université qui semble rester plutôt « générale », alors que autres chercheurs semblent attendre un échange théorique « compréhensible » de notre part pour qu'ils se dédouanent des multiples « impasses » qui ont jeté leurs sciences dans une véritable routine, en même temps que si de notre côté leurs calculs statistiques et méthodes quantitatives pour les enquêtes sociales de tous ordres nous laissaient pantois. En témoigne leur cri de coeur ; qu'il suffise pour cela de citer plus récemment Bongeli Yeikelo Ya Ato : « Le moment présent, marqué par une crise multiforme et en apparence cyclique, se prête le mieux à la réflexion épistémologique ».940(*) Et : « L'impasse dans laquelle se trouve plongées les connaissances produites face à une crise rebelle et le blocage actuel en sciences sociales sur l'Afrique en général et le Congo en particulier nécessitent que l'on s'interroge sur la validité des méthodes classiques »941(*). Et : « Les réalités sociales africaines, par exemple, peu ou mal étudiées sont difficiles à reconstituer à partir de ses seules techniques dominantes de recherche ».942(*)

Sans avaliser l'ensemble de ces propos, il faut dire que là gisait notre motivation. C'est avec la volonté de tenter de rencontrer ces multiples attentes que nous avons, bien au delà de ces trois années de thèse de Doctorat, ces recherches diverses qui attendaient une hypothèse adéquate pour les mettre en ordre : le kheper.

Le thème de notre étude a été justement La problématique de rénovation des sciences sociales, lecture et reprise critique de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale. Il faut avouer que les différents sous- titres de cette dissertation que nous proposons devenaient, au fil des recherches et par la force de développement de la réflexion, des chapitres. Nous voulions traiter du statut des normes dans le contexte de la mondialisation, le thème s'est retrouvé en arrière-plan par rapport à un examen critique nécessaire de la doctrine du constructivisme ; l'essai de reconstruction des thèses de John Searle est un thème qui s'est retrouvé « mis en minorité » par la profondeur des traditions africaines qu'il contribue à illustrer qui le justifient en « arrière-plan ».

Notre démarche a consisté donc à déployer critiquement la théorie la reconstruction de John Searle. Le défi était de taille devant la pluralité des théories : évolutionnisme, fonctionnalisme, structuralisme, la mouvance marxienne à laquelle Searle s'oppose, le constructivisme radical, etc. Cette pluralité des démarches en sciences sociales entraîne à coup sûr ce que Marc Maesschalck appelle la « recomposition des cadres théoriques ».943(*) Sans être exempte d'indéterminations, notre hypothèse a été de montrer que toute reconstruction épistémologique et rationnelle des sciences sociales dépend des outils théoriques indispensables qui appellent chaque fois une évaluation.

Le problème c'est que, à la suite de Marc Measschalck, nous sommes à « la fin de l'ordre conventionnel (qui) se marque par la multiplicité des conflits de frontières entre les régimes de justification ».944(*) C'est « l'aboutissement naturel de la modernisation sociale caractérisée par le polythéisme des valeurs et la différenciation du monde vécu en fonction de cette pluralisation des régimes axiologiques ».945(*) Ceci nous ouvre à d'autres formes de recherches : dans ce contexte on peut mesurer le sens réel du temps social, le régime historique capable de réaliser un ordre juridique durable et les conditions cognitives. En fait, démocratie et formation juridique par exemple pourraient supposer un régime historique au niveau génétique. Nous pouvons nous référer au concept de réciprocité  et de répétition dans l'arbre conceptuel de la normativité des normes chez Marc Maessschalck.946(*)

Notre approche a été ainsi globale, par rapport à la conception continentale de l'épistémologie d'inspiration cartésienne. La question concerne les différentes distinctions de critiques intra et extra- épistémologiques. La critique extra -épistémique touche les domaines suivants947(*): L'Histoire des sciences qui tente de retracer la succession, le développement des interprétations, le déroulement et/ou la croissance des idées et des débats scientifiques, et même des ruptures théoriques ; la Sociologie des sciences qui ouvre l'enquête autour des questions sociales, des options politiques d'exigence des normes de rationalité, des discussions sur le financement et la recherche scientifique, de la localisation des sociétés savantes ou des clubs des savants ; la Psychologie de la connaissance qui s'occupe de l'origine subjective des formes de la connaissance.  La question rejoint aussi la critique intra -épistémique de la Méthodologie qualitative et de la Philosophie des sciences. Cette réflexion peut donc faire partie de la philosophie des sciences qui comprend outre la méthodologie, l'Ethique des applications scientifiques et l'ontologie.

Le Professeur Marc Measschalck résume le cadre pour repenser ces enjeux : il englobe la situation des conditions institutionnelles nouvelles en tant que conditions d'une démocratie d'acteurs collectifs, telles qu'elles se structurent sur l'approche pragmatique, cognitive, génétique et dans le domaine épistémologique. Il pose au niveau génétique la question de la sortie de la colonialité du pouvoir, question de la modernité/colonialité, la question des rapports intergroupes dans la création du droit social, de l'épistémologie frontalière, et donc de la construction des nouvelles arènes publiques, de l'apprentissage comme coopération intellectuelle et auto-gouvernante au niveau cognitif, c'est-à-dire des ressources cognitives qui accompagnent la génétisation ( une génétisation de l'agir ,de l'activation de puissance ou de l'immanence de l'action recherchée) des acteurs collectifs, de l'intelligence collective des formes de vie possibles, et du temps social dans lequel elles peuvent se réaliser, et enfin au niveau épistémologique ,c'est-à-dire de l'interprétation de la normativité propre à l`identification des ressources , du point de vue immanent et de la transformabilité des affects.948(*)

Epistémologiquement parlant, l'heure parait à plusieurs égards comme le moment de sauvetage général qui est propice à la définition d'une nouvelle réalité sociale : « dans la position constructiviste, l'organisation du réel fait appel à l'équilibre entre les extrêmes. Ainsi, elle reconnait une gamme de possibilités entre la séparation et la connexion, entre l'inclusion et l'exclusion ; c'est la pensée intégrée ».949(*) Et : « Les constructivistes valorisent les stratégies objectives et les stratégies subjectives dans leur façon de connaître selon les contextes et les situations (...) (et) deux aspects distinguent la position constructiviste des autres positions : l'intégration des voix intérieures et extérieures et l'émergence d'une parole authentique ».950(*)

Fabrice Clément et Laurence Kaufmann concluent au fait qu' une fois réagencé, le système de Searle peut malgré tout rendre de grands services aux sciences sociales en permettant de réconcilier des démarches souvent conçues comme radicalement antagonistes. 951(*) Les concepts principaux sont moulés dans un seul réceptacle théorique. Ce réceptacle est élaboré par John Searle sur plus de trois décennies en suivant l'évolution de la science sociale et humaine. « Bien que, pensent Fabrice Clément et alii, pendant fort longtemps, Searle n'ait pas véritablement organisé ses interrogations dans une démarche systématique, il est néanmoins possible de décomposer son oeuvre en une série d'étapes qui, sans avoir été nécessairement planifiées, dessinent en creux une construction théorique qui se révèle remarquable à plus d'un titre ».952(*) Nous nous sommes attelé à cette tâche.

Cette façon de procéder a rejoint la question de la fondation théorique des connaissances, en partant des sciences sociales. Tiercelin, dans le post face de l'ouvrage de John Searle intitulé La construction de la réalité sociale signale sans ambages le fait que Searle rappelle toutes les sciences humaines à l'ordre de leur fondation.953(*) Tout cela parce que, « dépourvues d'une fondation théorique (...), les diverses recherches tendent à générer leur propre typologie et à faire coexister les instruments d'analyse qui, force de se régler sur leur objet, deviennent des « simples » outils descriptifs ».954(*)

L'effort épistémologique que nous avons déployé en tant que critique de l'objectivité scientifique a tenté de dégager les lignes de force des constructions théoriques de chaque approche analysée. Cette activité de recherche essaie ainsi de mettre au clair, par ricochet, la structure théorique sous - jacente ou l'ontologie sociale des courants et écoles.

Au demeurant , d'un point de vue concret et pratique, nous sommes parti du fait que le constructivisme social en général est un démenti d'une longue tradition des sciences sociales et humaines qui ont élu domicile ,sous le prétexte d'une réponse aux mutations sociales et culturelles profondes aussi bien en Europe qu'en Afrique (la décomposition des normes et leurs différents modes de gestion qui appelle des médiations diverses, la différenciation de mondes vécus et de systèmes, le désajustement des classes sociales ,les sociétés très différenciées, la rationalisation téléologique selon le terme de Jürgen Habermas que Lukacs assimile au capitalisme, le passage des institutions aux dispositions, l'exclusion sociale, bref, le désordre social et culturel, etc.). Le constructivisme est une réponse aux problèmes liés au statut épistémologique des savoirs, entendez (l'absolutisation des savoirs et des normes venus de l'Europe).955(*)

A la question théorique et conceptuelle de dépassement de la double approche structuro-fonctionnaliste, le concept de kheper est notre paradigme de dépassement du conflit réalisme -constructiviste. John Searle s'inscrit dans ce programme, il le reconstruit ou l'enveloppe au point de vue de la double approche linguistico-pragmatique et cognitiviste. L'icône ressemble au mode de reproduction de la symbolique de « scarabée égyptien » qui exprime le Devenir et le sacré. Le constructivisme searlien est donc un programme a priori dans un contexte onto- théologique au quel on fait recours et qui prend en compte théoriquement  les concepts centraux de : matière, forme, langage, parole, actes de langage, états mentaux, et enfin le divin.

En Afrique, spécifiquement, il s'est agi des problèmes de l'ethnocentrisme occidental persistant, de la « pauvreté », du déficit interne de la gestion publique, etc. Les mutations sus - évoquées forment le prétexte du renouvellement des théories et des approches en sciences sociales :la norme est dès lors analysée dans une approche globale qui implique la philosophie de droit, la philosophie politique et la philosophie morale.

En somme, le constructivisme apparaît dans son usage dominant comme une reconstruction épistémologique complexe de reprise critique des acquis méthodologique, conceptuelle et théorique à propos de la réalité sociale. Tout part de la nécessité de la reconstruction de l'espace théorique qui joue le rôle de fondement théorique pour saisir la nature profonde de ces mutations, afin de considérer finalement sous un nouveau jour l'ensemble des démarches antérieures.

Il faut cadrer le monde social bien plus complexe, on peut schématiquement le présenter en trois sphères, toutes traversées par une raison processuelle :

- La sphère stratégique des marchés, de l'Etat lié au droit positif (positivisme juridique), de la connaissance objective scientifique et de la technique, un monde qui se situe dans une position de colonisateur par rapport à ces autres sphères ;

- la sphère normative du monde vécu (appropriation symbolique, production culturelle et institutions traditionnelles et sociales), où nous trouvons la société civile (tissu associatif, communautés, personnalités, espace public), et ses usages sociaux : les droits de l'homme (jusnaturalisme), l'opinion publique, la coutume, etc. et son arrière plan de mémoire culturelle ;

- la sphère intentionnelle de la subjectivité, le monde dramaturgique esthétique de l'art.

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TABLE DES MATIERES

Nous dédions ce livre : 2

INTRODUCTION GENERALE 7

Brève historique des Centres de recherche et Instituts de Recherches en RD Congo. 16

Période avant la Conférence de Berlin 16

De la Conférence de Berlin 18

Changement de cap 19

De l'indépendance à la deuxième République 19

Nature des Instituts et Centres de recherche 23

Du Conseil Scientifique National 26

Brève reconstruction historique de la réforme à l'Université au Congo. 29

La « race » une hypothèse centrale des sciences coloniales 36

Objectif de la recherche 42

L'esquisse de l'histoire du droit et des faits sociaux juridiques 77

Quelques mutations sociales de la réalité juridique 77

Les trois dimensions constitutives du droit 80

Brève historique théorique du droit moderne à la suite de Jürgen Habermas 81

Introduction à l'histoire du droit : problématique de l'émergence du droit 83

Les faits juridiques et les paradigmes juridiques 85

Le concept de construction de droit Chez John Searle 90

Les mutations institutionnelles actuelles 93

Chapitre Quatrième : 97

Les problèmes des sciences économiques en Afrique 97

Le système capitalisme et l'Afrique 97

Chapitre Cinquième : 109

Problèmes méthodologique et épistémologique 114

La notion de « monde vécu » (habitus) 118

Le constructivisme et le relativisme en sciences sociales 125

Enjeux : La menace du réalisme et le post-modernisme 128

L'origine récente de problème de relativisme moderne 129

La modernité sur la sellette 131

Le rationalisme en question 132

De la relativité linguistique et de la relativité de la vérité 135

De la question des sciences sociales à la notion de « réalité sociale » 137

La sémiotique en sciences sociales 143

Le débat constructiviste en histoire : Yves Valentin Mudimbe vs Jan Vansina 157

Actualité et intérêt retrouvés du constructivisme en science sociale 167

Le constructivisme : de l'ontologie sociale 168

Courants du constructivisme social 170

Constructivisme analytique en sciences sociales : la révision générale des sciences sociales 172

De l'objet de la construction sociale 173

La problématique de l' « épistémologie sociale » 173

Les fondements du constructivisme 176

Les paradigmes des sciences nouvelles 178

La source de ces maux : de l'annihilation anthropologique à la paupérisation anthropologique. 188

Les conséquences de ces maux. 188

Quelle est la situation épistémologique ? C'est notre réflexion ici 188

Les conditions modernes. 188

L'antidote de la misère : le travail. 194

La dimension libératrice de la domination. 196

A. Sens et tâche d'une reconstruction socio-éthique en Afrique 202

L'autocritique de l'Ordre et de projet kheperien 203

B. Le maintien des inégalités 211

Le problème de mentalité prélogique est encore d'actualité 224

Le principe d'analogique mythique 227

De l'anthropologie de la santé et des représentations 233

Chapitre douzième : 241

Situation à la base de l'interdisciplinarité en sciences sociales 241

De l'interdisciplinarité au point de départ de l'anthropologie 241

Le principe isomorphique de causalité et de la raison d'agir 244

Les sciences de la communication et de l'information 245

Partir des limites des contextes socio- culturels 247

Un procéduralisme de groupes à groupes 250

Partir de projets communs comme processus intégrateur 251

Chapitre treizième : 253

Les théories de l'action dans les analyses de contenu, en sciences du langage et l'ontologie sociale en sociologie 253

Analyse de contenu actionniste de la pragmatique du récit 253

Analyse de contenu selon la théorie actionniste du récit de Gérard Genette 256

Perspective narrative 257

Analyse de contenu selon le schéma actantiel de Julien A. Greimas 257

Le concept de l'action sociale comme objet des sciences sociales et humaines aujourd'hui 260

L'ontologie sociale : le système ou la primauté de la totalité à la primauté de théorie de l'action en sciences sociales 263

Les théories de l'action et les différents modèles en sciences sociales et humaines 263

Une ontologie sociale en sociologie 265

La sociologie classique 266

L'apport de la sociologie compréhensive et de la sociologie du savoir 268

L'approche fonctionnaliste 273

La primauté de concept de totalité et du Tout 277

Le rapport fonctionnel 277

Brève historique du fonctionnalisme 279

La réalité sociale objective 279

Les entités émergentes 280

De la représentation 281

Les faits sociaux 282

A. Fonctionnalisme et structuralisme 284

B. Le structuralisme de Lévi-Strauss 284

C. L'explication dialectique 287

La théorie actionniste et constructiviste de Peter Berger 288

B. La société et le sens 289

C. La société et l'action 290

D. Changement social et problèmes sociaux 291

Chapitre Quatorzième : 293

Les convergences et les divergences entre l'approche structuro-fonctionnaliste et la pragmatique 293

L'application de programme cognitivo-pragmatique à la création de la réalité sociale 295

Le contenu de la fonction -statut 296

La nature des institutions 296

Le contexte et la sémantique de la cognition 297

La transformation pragmatico - cognitive des déterminations structuro -fonctionnelles 299

Chapitre Douzième : 303

Chapitre quinzième : 303

Jürgen Habermas et John Searle :de la logique formelle à la logique pragmatique en sciences sociales 303

De l'ajustement de rapport au monde 306

L'application du cadre théorique pragmatico-cognitive à la création de la réalité sociale 312

A. La capacité sociale émergente 313

B. Grandes catégories et contenu de fonction - statut 314

C. Le contenu de la fonction -statut 315

D. La théorie de pouvoir déontique négatif 318

Notion centrale de l'Arrière- plan chez John Searle 318

Du programme théorique de John Searle 322

Chapitre Dix-Huitième : 329

Les présupposés ontologiques de l'action sociale et des systèmes : la vision sous-jacente 329

De « Scarabée sacré » à Une bible noire : le problème de mentalité magique et la valeur des principes logiques de l'analogie et de contraste 334

Le constructivisme dans les domaines de l'anthropologie de la santé et de l'anthropologie des représentations 335

Les africains doivent comprendre leur paradigme épistémologique 340

Chapitre Vingtième : 348

La reconstruction critique de l'EPISTEMOLOGIE DE John Searle 348

La portée de l'oeuvre constructiviste de John Searle 348

Apports positifs 348

Les difficultés d'analyse de John Searle 351

A. Flottement des concepts centraux 351

B. Contradictions de l'oeuvre de John Searle 353

Chapitre Vingt- unième : 361

La notion de partenariat est au coeur de l'interdisciplinarité et de l'inter-institutionnarité 361

LE PARTENARIAT TRADITIONNEL 364

LA SECURITE ET LES FORCES ARMEES 369

L'administration de l'Armée et de la Police 369

LA FONCTION PUBLIQUE 370

La réforme de l'administration publique : 370

LE PORTEFEUILLE DE L'ETAT 371

LA PROMOTION DU SECTEUR PRIVE 371

Actions et réformes entreprises dans le secteur privé 371

SECTEUR DE L'INDUSTRIE 373

SECTEUR DE l'EDUCATION NATIONALE, LA CULTURE, ANIMATION DE L'HISTOIRE NATIONALE ET DE LA MÉMOIRE COLLECTIVE 374

Actions dans le secteur de l'éducation 374

A. Projet d'Appui au Secteur de l'Education (PASE). 375

B. Projet d'appui au Redressement du secteur Educatif Congolais (PARSEC). 375

Le système éducatif congolais 376

LE PARTENARIAT RENOVE 377

AUTRE SECTEUR DE PARTENARIAT TRADITIONNEL : 386

Appui à la dynamique communautaire, ou dynamique de la société civile 386

LE DEVELOPPEMENT RURAL, L'AGRICULTURE, LA FORET ET LES EAUX 388

Programmes et Projets dans le cadre de l'Agriculture et le Développement Rural 389

Le secteur des forêts 390

EVALUATION (2007 -2008) 390

Secteur forestier 392

Eau et assainissement 393

LA JUSTICE 395

Le domaine de la corruption 395

LES FINANCES ET BUDGET 396

Mesures et Réformes dans le cadre de la Maîtrise de la Gestion des Dépenses Publiques 396

La modernisation de l'administration fiscale 397

La modernisation de l'administration non fiscale 398

La gestion de la dette publique 398

LES TRAVAUX PUBLICS 399

La réforme des marchés publics 399

LE TRANSPORT 399

Programmes et projets dans le secteur de transport 399

E. Secteur des transports 400

LES MINES 401

Le secteur minier 401

Secteur minier (suite) 402

L'ENERGIE 403

Actions à suivre dans le secteur de l'électricité 403

Secteur de l'énergie électrique 403

LE TRAVAIL ET A LA PREVOYANCE SOCIALE 404

Actions à suivre dans le secteur de l'emploi 404

Action à suivre dans le domaine de la protection sociale 406

Protection sociale 407

LA SANTE 408

Actions à suivre dans le secteur de la santé en général 408

Actions à suivre dans la lutte contre le VIH/SIDA 409

Santé 409

Lutte contre de Vih /Sida (pilier IV) 412

La gouvernance politique 413

Conclusion generale 414

Une commission vérité- réconciliation mondiale 414

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE 437

TABLE DES MATIERES 450

* 1 Nous pouvons présenter cette approche globale à la suite de Joseph Nkwasa Bupele en nous référant à la conception continentale de l'épistémologie d'inspiration cartésienne.

* 2 Cheikh Anta DIOP, Civilisation ou barbarie, une anthropologie sans complaisance, Présence Africaine, Paris, 1981, p.145.

* 3 Pierre BOURDIEU, Méditations pascaliennes, éditions du Seuil, Paris, 1997, p.130.

* 4Ibidem.

* 5 Les recommandations de la Conférence Nationale Souveraine se focalisent sur la réhabilitation du Conseil Scientifique National comme « intelligence nationale » pour piloter tous les Instituts et Centres de Recherche en RD Congo.

* 6 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire sociale du siècle d'africanisme belge, thèse, Université de l'Ille, p.365.

* 7 Voir Isidore NDAYWEL E NZIEM, Histoire générale du Congo, De l'héritage ancien à la République démocratique du Congo, Duculot, Paris, 1998.

* 8 Jürgen HABERMAS, « La démocratisation de l'Université : une politisation de la science ? »in Théorie et pratique, Payot, Préface et traduction de Gérard Raulet ,1975 , 2006,Paris, p.385.

* 9 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, Payot, Hermann Luchterhand Verlag, 1963, éditions Payot et Rivages, 2006, Paris, p.321.

* 10 Cette notion est évoquée ici sans connotation péjorative, il s'agit tout simplement des études sur l'Afrique.

* 11BERTHELOT Jean-Michel «  Programmes, paradigmes, disciplines : pluralité et unité des sciences sociales », dans, (Jean-Michel BERTHELOT, (Dir.), Epistémologie des sciences sociales, Puf, Paris, 2001, p.488.

* 12Ibidem, p. 488.

* 13Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, L'Harmattan, Paris, 1985, p.209.

* 14 Ibidem, p.210.

* 15Ibidem, p.211.

* 16Ibidem, p.211.

* 17Ibidem.

* 18 Ibidem, p.212.

* 19Ibidem, 212.

* 20Ibidem, p.213.

* 21Ibidem, p.213.

* 22Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, L'harmattan, Paris, 1985, p.207.

* 23Ibidem, p.207.

* 24Ibidem, p. 201.

* 25Ibidem, p.210.

* 26 Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, p.204.

* 27Ibidem,p.204.

* 28Ibidem,p.206.

* 29 Ibidem,p.206.

* 30 Ibidem, p.208.

* 31 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire sociale du siècle d'africanisme belge, thèse, Université de l'Ille, p.421.

* 32 Jean -Michel BERTHELOT, « les sciences du social », op.cit., p.205.

* 33Marc PONCELET,op.cit., p.420.

* 34Ibidem, p.421.

* 35Ibidem, p.422.

* 36Ibidem, p.256.

* 37Ibidem, p.256.

* 38 Marc MAESSCHALCK, op.cit.,p.147.

* 39Ibidem,p.147.

* 40Ibidem,p.147.

* 41Ibidem,p.153.

* 42Ibidem, p.262.

* 43 Jean-Michel BERTHELOT, « Les sciences du social »,art.cit., p.205.

* 44Ibidem, , p.212.

* 45Ibidem, p.205.

* 46 Jean -Loup AMSELLE et ELIKIA M'BOKOLO (Dir.), Au coeur de l'ethnie ; ethnies, tribalisme et Etat en Afrique, La Découverte, Paris, 1999, p.190.

* 47Ibidem, p.190.

* 48 Gregory QUENET, Les tremblements de terre aux XVII è et XVIIIè siècles : la naissance d'un risque, Champ Vallon, Seyssel, 2005, p.68.

* 49Ibidem, p.188.

* 50Jean -Loup AMSELLE et ELIKIA M'BOKOLO (Dir.),op.cit., p.188.

* 51Ibidem, p.188.

* 52Ibidem.

* 53Ibidem ,p. 11.

* 54Ibidem.

* 55Ibidem, p.58.

* 56Ibidem.

* 57Ibidem.

* 58Ibidem.

* 59Ibidem.

* 60 Voir De Michel De COSTER, Bernadette BAWIN-LEGROS, Marc PONCELET, Introduction à la sociologie, De Boeck, Bruxelles ,2001

* 61 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement, p.25.

* 62 Jean KINYONGO JEKI, « L'histoire d'un drame », dans Philosophie et destins des peuples, Actes des journées philosophiques de Canisuis, Mars 1999, éditions Loyola, 2000, p.24.

* 63Ibidem.

* 64Ibidem, p.26.

* 65Ibidem.

* 66 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, p.320.

* 67 Pierre MTUNDA MWEMBO, art.cit. p.47.

* 68 VERLEY, « Crise économique » dans Encyclopédie Univesalis, p.770, cité par Pierre MUTUNDA MWEMBO, art.cit. p.51.

* 69Ibidem, p.320.

* 70 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, Payot, Hermann Luchterhand Verlag, 1963, éditions Payot et Rivages, 2006, Paris, p.340.

* 71 Pierre MUTUNDA MWEMBO, art.cit., p.51.

* 72 Léon de SAINT MOULIN, « Histoire de l'organisation administrative du Zaïre », in Zaïre- Afrique ,Vingt-huitième année, N° 224, p.197.

* 73 Claudine VITAL cité par Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation, p.258.

* 74 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire sociale du siècle d'africanisme belge, thèse, Université de l'Ille, p.254.

* 75Ibidem, p.422.

* 76 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147.

* 77Ibidem, p.420.

* 78 Voir Marc MAESSCHALCK, MAESSCHALCK Marc, Normes et contextes, OLMS, Hildesheim -Zürick- New York, 2001,p.159.

* 79Ibidem,p.159.

* 80Ibidem.

* 81Ibidem, p.256.

* 82Ibidem,p.24.

* 83Ibidem,p.83.

* 84Ibidem,p.159.

* 85Jan VANSINA, VANSINA Jan, Les anciens royaumes de la savane, les états des Savanes méridionales de l'Afrique Centrale des origines à l'occupation coloniale, 2è édition, Presses Universitaires du Zaïre, Kinshasa, 1976, p. 183.

* 86 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement, p.285.

* 87Ibidem, p.284.

* 88 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement, p.417.

* 89Ibidem, p.417.

* 90 Jean-Michel BERTHELOT, « Les sciences du social », dans Epistémologie des sciences sociales, Puf, Paris, 2001, p.227.

* 91Ibidem, p.227.

* 92 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement, p.254.

* 93 Rodolphe GHIGLIONE et Jean -François RICHARD (Dir.), Cours de psychologie, 3 e édition, Dunod, Paris, 1999, p.19.

* 94Ibidem, p.19.

* 95Ibidem.

* 96 Raymond MUTUZA KABE, De la philosophie occidentale à la philosophie negro- africaine ; apport des philosophes zaïrois, Universitaires Africaines et Arc-en-ciel, Kinshasa, 2006, pp.247, 268.

* 97Histoire de l'humanité, Unesco, Paris, 1969, pp.727-757, cité par Raymond MUTUZA KABE, De la philosophie occidentale à la philosophie negro- africaine ; apport des philosophes zaïrois, Universitaires Africaines et Arc-en-ciel, Kinshasa, Kinshasa, 2006, P.268.

* 98 Jean -Loup AMSELLE et ELIKIA M'BOKOLO (Dir.),op.cit. ,p. VIII.

* 99Ibidem ,p. IX.

* 100 Jan VANSINA, Les anciens royaumes de la savane, les états des Savanes méridionales de l'Afrique Centrale des origines à l'occupation coloniale, 2 è édition, Presses Universitaires du Zaïre, Kinshasa, 1976, p.13.

* 101Ibidem, p.14.

* 102Ibidem, p.16.

* 103Ibidem,p.15 .

* 104Ibidem, p.16.

* 105Ibidem, p.15.

* 106Ibidem, p.16.

* 107Jan VANSINA, Les anciens royaumes de la savane, p.16.

* 108Ibidem, p.10.

* 109Ibidem, p.7.

* 110Ibidem, p.8.

* 111Ibidem, p.10.

* 112 Jürgen HABERMAS, Après Marx, p.166.

* 113Ibidem, p.14.

* 114Ibidem,p. 182.

* 115Ibidem, p.258.

* 116 Voir Marc MAESSCHALCK et Christian BOUCQ, « Méthodologie d'action locale avec un groupe », in L'esperluette (Les fiches pédagogiques n° 29), n°32, avril-mai-juin 2002.

* 117 Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris, p.61.

* 118 Voir Jean COPANS, La longue marche de la modernité africaine : savoirs, intellectuels, démocratie, 2 è édition rev.et augment, Karthala, Paris, 1998, p.145.

* 119 Voir Pascale JAMOULE, Des hommes sur le fil, construction de l'identité masculine en milieux précaires, La Découverte/Poche, Paris, p.14.

* 120 Henri DARVIL, Robert MAYER, Les problèmes sociaux - Tome I, Théories et méthodologies, Sante - Foy, Québec, Canada, Presses de l'Université du Québec, 2001,2OO7, p.159.

* 121 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique, Pékin à la conquête du continent noir, Hachette, éditions Grasset et Fasquelle, Paris, 2008, p.412.

* 122 I. Wallerstein.

* 123 Le socialisme africain. La société de Jésus organise déjà vers 1958 une série des rencontres scientifiques à Louvain pour réfléchir sur le changement.

* 124 Cité par Jean-Louis LE MOIGNE, Le constructivisme, tome 1 : Des fondements, ESF, Paris, p.38.

* 125Ibidem, p. XXII.

* 126Ibidem, p.48.

* 127 Michel VIRALLY, La pensée juridique, Panthéon -Assas, L.G.D.J., E.J.A., Paris, rééditée en 1998, p.XXI.

* 128 Manfred LACHS, Le monde de la pensée en droit international ; Théorie et pratique, Collection, Droit international, Economica, Paris, 1989, p.48.

*On désigne par saint Empire romain, l'Empire romain d'occident qui fait référence à la partie occidentale de l'Empire romain à partir de sa division par Dioclétien en 286. Sa capitale fut Milan jusqu'en 402, puis Ravenne.

* 129 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, entre faits et normes, traduit de l'Allemand par Rainer Rochltz et Christian Bouchinndhomme, Gallimard, Paris,1997, p. 160.

* 130Ibidem, p.39.

* 131 Benoit FRUDMAN, « Le droit à la lumière de la philosophie de l'action », in Pierre LIVET, (DIR.), L'argumentation : droit, philosophie et science sociales, Sainte - Foy(Québec), Presse de l'unversité de Laval, Paris, Montréal, L'Harmattan, 2000, p.146.

* 132Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, p.459.

* 133 Eric CARPANO, Etat de droit et droits européens, évolution du modèle de l'Etat de droit, dans le cadre de l'européanisation de systèmes juridiques, L'Harmattan, Paris, Budapest, Turin,2005,p.352.

* 134 Samuel JERRY, « Economie et le juge : réflexion sur la théorie hayekienne du droit »in Cahier d'économie politique : histoire de la pensée et théorie, N° 54, L'Harmattan, 2008, p.71.

* 135Ibidem.

* 136Ibidem, p.70.

* 137Ibidem.

* 138Ibidem, p.72.

* 139Ibidem, p.70.

* 140Ibidem.

* 141Ibidem, p.71.

* 142Ibidem, p.58.

* 143 Marc MAESSCHALCK, « La loi, entre délibération et apprentissage », dans Philippe ABADIE, Aujourd'hui, lire la Bible, exégèses contemporaines et recherches universitaires, Profac, Bruxelles ,2008, p.297.

* 144Ibidem, p.296.

* 145Ibidem.

* 146Ibidem.

* 147Ibidem.

* 148Ibidem, p.297.

* 149Ibidem, p.298.

* 150Ibidem, p.299.

* 151 Marc MAESSCHALCK, « La loi, entre délibération et apprentissage », p.302.

* 152Ibidem, p.305.

* 153 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.125.

* 154Ibidem, p.125.

* 155Ibidem, p.154 ; dans les pays africains, il est absolument impossible de dire où finit l'armée et où commencent les bandes armées, ou qui est « chef militaire» et qui est « seigneur de guerre ». C'est une généralisation problématique.

* 156Ibidem, p.154.

* 157Ibidem, p.115.

* 158Ibidem.

* 159Ibidem.

* 160 Voir Du contrat social, Livre II, chap.7, Du législateur.

* 161Ibidem, p.130.

* 162 Marc MAESSCHALCK, « Pour une approche génétique de l'action collective. Relations intra-groupes et relations exo-groupes », à paraitre.

* 163 Marc MAESSCHALCK, « Pour une approche génétique de l'action collective. Relations intra-groupes et relations exo-groupes », p.22,à paraitre.

* 164Ibidem ,p.46.

* 165Ibidem .

* 166 Jürgen HABERMAS, Après l'Etat-nation, p.54.

* 167Ibidem, p.72.

* 168bidem.

* 169Ibidem, p.68.

* 170.Jürgen HABERMAS,Droit et démocratie, p.10.

* 171 Andre-Jean ARNAUD, FARINAS DULCE Maria Jose, Introduction à l'analyse sociologique des systèmes juridiques, Academia -Bruylant, Bruxelles, 1998, p.286.

* 172Jean -Louis GENARD, "La justice en contexte" in Le rapport des citoyens à la justice: composantes de la Problématique, Bruxelles, Centre d'études sociologiques (FUSL) - Centre interdisciplinaire d'étudesjuridiques (FUSL) - Département de sociologie (UCL), Louvain, 1999, p.15.

* 173 Jürgen HABERMAS, Après l'Etat-nation, p.14.

* 174Marc MAESSCHALCK, Normes et contextes, p.17.

* 175176 Jean - Pierre Olivier de SARDAN, Anthropologie et développement ; Essai en socio-anthropologie du changement social, Apad- Karthala, Collection `Homme et société',1995, Paris, p.32.

* 177 Jean - Pierre Olivier de SARDAN, Anthropologie et développement ; Essai en socio-anthropologie du changement social, Apad- Karthala, Collection `Homme et société',1995, Paris, pp.29, 32.

* 178 Cheik Anta Diop

* 179 Jürgen HABERMAS, Après Marx, Fayard, édition française, Paris, 1985, p.226.

* 180 Jürgen HABERMAS, Après Marx, Fayard, édition française, Paris, 1985, p.226.

* 181Ibidem,p.233.

* 182 Jürgen HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.118.

* 183 Jean-Cassien BILLIER et

Aglaé MARYIOLI, Histoire de la philosophie du droit, Armand Colin,/VUEF , Paris, 2001, p.7. 

* 184Ibidem,p.14 .

* 185Ibidem.

* 186 Voir Amartya SEN, op.cit.,p.21.

* 187Ibidem,p.22.

* 188 Jean De MUNCK ,L'institution sociale de l'esprit ;Nouvelles approches de la raison ,Puf,1999,Paris, p.19.

* 189Ibidem, p.18.

* 190 Amartya SEN, Ethique et économie, Puf, 2002, p.19.

* 191 George STIGLER , in Tanner Lectures ,cité par Amartya SEN, Ethique et économie, Puf, 2002,p.19.

* 192Amartya SEN, op.cit., p.20.

* 193Ibidem.

* 194 voir Jürgen HABERMAS, AprèsMarx, traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette littérature, Suhrkamp , 1976,Fayard ,1985,Paris .

* 195 KABEYA TSHIKUKU, op.cit .,p. 40.

* 196Ibidem, 37.

* 197Voir Amartia SEN.

* 198Ibidem, p. 38.

* 199Ibidem, p. 37.

* 200Ibidem, p.205.

* 201 Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris , p.74.

* 202Ibidem.

* 203Ibidem, p.74.

* 204 Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris , p.73.

* 205 Albert MILUMA MUNANGA G.Tizi, Sociologie générale, sociologie africaine, Notions d'anthropologie, éditions SOGEDES, Kinshasa, 2009, p.211.

* 206 Albert MULUMA MUNANGA G.Tizi, Sociologie générale, sociologie africaine, Notions d'anthropologie, éditions SOGEDES, Kinshasa, 2009, p.203.

* 207 L'approche naturaliste englobe l'interactionnisme symbolique et l'ethno- méthodologie. L'approche culturelle des organisations se compare à l'étude anthropologique de forme de travail, du folklore et d'une culture.

* 208 Ces recherches devaient se développer à l'instar des travaux d'élan novateur tels que la remise en question de Mabika Kalanda, l'histoire immédiate de Benoit Verheagen, le schéma sociologique de Front J.J.,la sociologie immédiate de Nyunda ya Kabange,l'anthropologie et la critique praxéologique de O. Longandjo, la praxio interdiscursive de Kambayi Wa K.,la psychanalyse sociologique de Ntumba Lusanga, etc.

* 209 Voir François DUBET, Sociologie de l'expérience, Le Seuil, Paris, 1994 ; CURCOFF Ph., Les nouvelles sociologies, Nathan, Paris, 1995.

* 210Luc Van CAMPENHOUDT, Jean-Michel CHAUMONT, Abraham FRANSSEN, La méthode d'analyse en groupe ; applications aux phénomènes sociaux, Dunod, Paris, 2005, p.34.

* 211 Voir Ali KAZANCIGIL et David MAKINSON (Dir.), Les sciences sociales dans le monde, l'Unesco,Maison des sciences de l'homme, Paris, 2001.

* 212 Luc Van CAMPENHOUDT, Jean-Michel CHAUMONT, Abraham FRANSSEN, La méthode d'analyse en groupe, p.27.

* 213Ibidem, p.29.

* 214Ibidem, p.1.

* 215Ibidem , p.313.

* 216Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, entre faits et normes, traduit de l'Allemand par Rainer Rochltz et Christian Bouchindhomme, Gallimard, Paris, 1997, p.152.

* 217 Le monde vécu reconstruit et refont la grande sociologie européenne de l'action de Talcott Parsons ; Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris , p.140.

* 218 Le Congo RD souffre d'une question essentielle de compétence.

* 219 Pierre COSSETTE, L'organisation : une perspective cognitiviste, Presse de l'Université de Laval, Québec, 2004, p.352.

* 220Ibidem.

* 221Ibidem.

* 222Ibidem, p.62.

* 223Ibidem, p.62.

* 224Ibidem, p.81.

* 225 Jean de MUNCK, L'institution sociale de l'esprit, Puf, l'interrogation philosophique, Paris,1999,p.3.

* 226Ibidem , p.3.

* 227Ibidem, p.4.

* 228Ibidem.

* 229Ibidem, p.3.

* 230Ibidem, p.92.

* 231Ibidem.

* 232 René BOUVERESSE, Karl Popper, ou, le rationalisme critique, critique du relativisme, 2è édition, Vrin, 1998, p.92.

* 233Ibidem.

* 234Ibidem.

* 235 Tom ROCKMORE, On foundationalisme: A strategy of Metaphysical Realism, Lanham, MD [u.a.] Rowman & Littlefield ,Harvard ,2004, p.18.

* 236 Les présupposés philosophiques de John Searle ressemblent fort aux présupposés du sens commun ou à ce qu'on peut appeler le « réalisme naïf » : il y a une partie importante de la réalité qui est indépendante de nos représentations humaines. Dans son article intitulé « Rationalité et réalisme : ce qui est en jeu ? », un article qui présente un résumé de son livre La construction de la réalité sociale, à propos de la rationalité en question John Searle parle plus précisément de la rationalité occidentale. http://peccatte.karefil.com/SearleRR.html

* 237Ibidem, p.203.

* 238 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.205.

* 239Ibidem, p.195.

* 240Ibidem, p.234.

* 241Ibidem.

* 242 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.202.

* 243 Jean De MUNCK, L'institution sociale de l'esprit, p.3.

* 244 Yves BONNY, op.cit., p.83.

* 245Ibidem.

* 246Ibidem, p.119.

* 247Yves BONNY, op.cit.,p.118.

* 248Ibidem, p.53.

* 249Ibidem.

* 250Ibidem, p.72.

* 251Ibidem, p.73.

* 252Yves BONNY, op.cit., p.72.

* 253Ibidem.

* 254Ibidem, p.76.

* 255Ibidem, p.126.

* 256 Voir John SEARLE, La construction de la réalité sociale.

* 257Ibidem, p.212.

* 258Ibidem, p.243.

* 259Ibidem, p.240.

* 260 Ibidem, p.234.

* 261 Emile BENVENISTE, Problèmes de linguiste générale, Gallimard, Paris, 1966, p.65.

* 262 Voir Arthur SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation, Édition F. Alcan, Traduit en français par A. Burdeau, Paris, 1909-1913.

* 263Ibidem.

* 264Ibidem.

* 265 Michel PATY, La physique du XX è siècle, EDP Sciences, Paris, 2003, p.5.

* 266Ibidem.

* 267 Jean Michel BERTHELOT, Sociologie : Epistémologie d'une discipline ; Textes fondamentaux, Puf ,2000, Paris ,p.388.

* 268Ibidem , p.134.

* 269Ibidem, p.133.

* 270 Cité par Jean De MUNCK, L'institution sociale de l'esprit, p.3.

* 271Ibidem , p.134.

* 272 Charles TAYLOR, Hegel et la société moderne, Cerf, 1998, p. X.

* 273 Stanley HOFFMANN, « Mondes idéaux », dans John RAWLS, Le droit des gens, Ed. Esprit, Paris, 1996, p.132.

* 274 Stanley HOFFMANN, art.cit., p.132.

* 275Arnaud SCHMIT, « Les communautés ethnocentriques, selon Richard Rorty », in YC GRANDJEAT (Dir.) , Le sens de la communauté dans les sociétés, les littératures et les arts d'Amérique du Nord, Annales du CLAN n°30, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, Pessac ,2006, p.229.

* 276 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.212.

* 277Ibidem.

* 278Blandine DESTREMAU, Agnès DEBOULET, François IRETON, op.cit.,38.

* 279 Gérard FOUREZ, La construction des sciences : les logiques des inventions scientifiques, 2001, De Boeck Université, Bruxelles, p.368.

* 280Ibidem, p.375.

* 281Ibidem, p.375.

* 282 Guy BOIS, La grande dépression médiévale : ce précédent d'une crise systémique, Puf, Paris, 2000, p.173.

* 283 Saint MAXIMIN, « Revue doctrinale de la théologie et de philolophie »,inRevue thomiste de Saint Maximin(France), Ecole de Théologie pour les missions, (Toulouse ,France), Desclée,1914 ,p.376.

* 284Ibidem, p.81.

* 285 Gérard DELEDALLE, La philosophie américaine, De Boeck  Université, Bruxelles, 1998, p.96

* 286Ibidem, p.99.

* 287 SANTAYANA, Scepticisme and Animal Faith, New York, Charres Scribner 's, Ins. 1923, p.VII, cité par Gérard DELEDALLE, La philosophie américaine, De Boeck  Université, Bruxelles, 1998, p.96.

* 288Ibidem.

* 289Ibidem, p.101.

* 290 Gérard DELEDALLE, La philosophie américaine, p.96

* 291 Robert FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles, systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles complémentaires ? » in Faut-il chercher aux causes une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines, VRIN, Paris, 1994, p.294.

* 292Ibidem, p.294.

* 293Ibidem.

* 294Ibidem, p.295.

* 295 Pierre LIVET, « Action et cognition en sciences sociales », dans (Dir. Jean-Michel BERTHELOT) dans Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, p.295.

* 296 Voir Paul BARGUET, Le livre des morts des anciensEgyptiens, Editions du Seuil, Paris, 1979 ; cité par Cheikh MOCTAR BA, Etudes comparatives entre les cosmogonies grecques et africaines, L'Harmattan, Paris, p.251.

* 297Ibidem.

* 298 Théophile OBENGA, L'Egypte, la Grèce et l'école d'Alexandrie : histoire culturelle dans l'Antiquité : aux sources égyptiennes de la philosophie grecque, L'Harmattan, Kinshasa, Budapest, Paris, 2006, p.33.

* 299 Guy RACHET (Présentation et notes), Le livre des morts des anciens Egyptiens, France Loisirs, Paris, 1994, p.111.

* 300 Mbog BASSONG, Les fondements de l'état de droit en Afrique précoloniale, L'Harmattan, Paris, 2007, p.215. 

* 301 Alan Henderson GARDINER, Egyptian Grammar,1927.

* 302 Yves Valentin MUDIMBE, L'odeur du père, Présence africaine, Paris, 1982, p.193.

* 303Ibidem, p.194.

* 304Ibidem, p.13.

* 305Ibidem, pp.136.

* 306 Jean POUILLON, Pierre MARTANDA, Echange et communication : mélanges offertes à Claude Lévi-Strauss à l'occasion de son 60 è anniversaire, Mouton, La Haye, 1970, p.944.

* 307Ibidem, p.261.

* 308Ibidem, p.263.

* 309 Jean-Michel BERTHELOT, « Les sciences du social», dans Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, p.228.

* 310Ibidem, p.228.

* 311 Raymond QUIVY, Luc Van CAMPENHOUDT, La recherché en science sociale, 2006, p.125.

* 312 Voir Lucien SFEZ, La communication, Puf, 1991, Paris.

* 313 Raymond QUIVY, Luc Van CAMPENHOUDT, La recherché en science sociale, 2006, p.126.

* 314 Le « système d'action et le monde vécu », est un de postulat développé à partir de concept architectonique de « Tout et ses parties », il couvre la plupart des approches théoriques en sciences sociales, voir Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, Pour une critique de la raison fonctionnaliste, Tome 2, Fayard, 1987.

* 315Yves Valentin MUDIMBE, «  La culture congolaise », dans (Dir.) Jacques VANDERLINDEN, Du Congo au Zaïre.1960-1980. Essai de bilan, Centre de recherche et d'information socio-politiques- CRISP, Bruxelles, 1980, p.398.

* 316 H.NTUMBA LUKUNGA, art.cit., p.53.

* 317Ibidem, pp.132-139.

* 318 Cités par Barnabé MILALA, «  La lutte contre la pauvreté et le respect des droits économiques, sociaux et culturels en Afrique : Apport du panafricanisme » dans Cahiers Africains des Droits de l'Homme et de la Démocratie, N° 21, Vol.I, Janvier -Mars 2005, Kinshasa, p.52 ; MUDIMBE Y.V., « libération d'une parole africaine. Notes sur quelques limites du discours scientifique », in MUTUZA KABE, Apport des philosophes zaïrois à la philosophie africaine, Presse universitaire du Zaire, Kinshasa, 1987, pp.132-139.

* 319Ibidem, pp.132-139.

* 320 KASEREKA KAVWAHIREHI, Y .V .Mudimbe et la ré -invention de l'Afrique poétique et politique de la décolonisation des sciences humaines, 2 è édition, Netlibrary ,Rodopi, Amsterdam ;New York,2006, p.336.

* 321Ibidem, p.217.

* 322 KASEREKA KAVWAHIREHI, Y .V .Mudimbe et la ré -invention de l'Afrique poétique et politique de la décolonisation des sciences humaines, 2 è édition, Netlibrary ,Rodopi, 2006,Amsterdam ;New York,,p.336.

* 323 MAMADOU DIOUF, L'historiographie indienne en débat : colonialisme, nationalisme et sociétés postcoloniales, Karthala, Amsterdam, 1999, p.29.

* 324Ibidem, p.29.

* 325 Bernard MOURALIS, Y .V.Mudimbe ou le discours, l'écart et l'écriture, Présence africaine, 198, p.104.

* 326KASEREKA KAVWAHIREHI, Y .V . Mudimbe, p.24.

* 327 Janet VAILLANT, Abdou DIOUF, Vie de Léopold Sédar Senghor, Karthala, Paris, 2006, p.18.

* 328Présence francophone : revue internationale de langue et de littérature, Université de Sherbrooke, Centre d'étude des littératures d'expression française, 2003, p.49.

* 329 Jules VANDERLINDER (Dir.), Du Congo au Zaïre.1960-1980. Essai de bilan, Centre de recherche et d'information socio-politiques- CRISP, Bruxelles, 1980, p.392.

* 330Yves Valentin MUDIMBE, «  La culture congolaise », dans Jacques VANDERLINDEN (Dir.), Du Congo au Zaïre.1960-1980. Essai de bilan, Centre de recherche et d'information socio-politiques- CRISP, Bruxelles, 1980, p.390.

* 331Yves Valentin MUDIMBE, «  La culture congolaise », art.cit., p.398.

* 332Yves Valentin MUDIMBE, «  La culture congolaise », art.cit., p.395.

* 333 Yves Valentin MUDIMBE, L'autre face du royaume, Lausanne, Éditions L'Âge d'homme, 1973, p.35 ; Justin KALULU BISANSWA,  « V. Y. Mudimbe. Réflexion sur les sciences humaines et sociales en Afrique », Cahiers d'études africaines, 160,2000 ; http://etudesafricaines.revues.org/document45.html

* 334NTUMBA LUKUNGA , « La remise en question théorique et méthodologique des sciences sociales et humaines au Congo : Effort de contextualisation » dans Sylvain SHOMBA KINYAMBA( Dir.) , Les sciences sociales au Congo -Kinshasa :Cinquante ans après :quel apport ?,L'Harmattan, Paris,2007,p.52.

* 335 Benoit VHERAEGEN, Introduction à l'Histoire Immédiate, Sociologie nouvelle, Théorie, éd.J. Duculot , 1974,p.162.

* 336Ibidem, p.159.

* 337 Mgr Gillon qui a bâti l'Université Lovanium, aurait aussi bénéficié de ce même genre de fonds.

* 338Robert HEINER, Social problems: an introduction to critical constructionism , Oxford University Press, Oxford, New York, 2002, p.68.

* 339 Le « fait social » est une terminologie qui diffère des faits institutionnels chez John Searle. Les faits sociaux prennent en compte aussi bien les animaux puisque capables d'actions collectives que les hommes. Le fait institutionnel renvoie plutôt à la structure de symbolisation et l'imposition de fonctions -statut.

* 340 Magali UHL, Jean -Marie BROHM, Le sexe des sociologues, La lettre volée, Bruxelles, 2003, p.13.

* 341 Blandine DESTREMAU, Agnès DEBOULET, François IRETON, Dynamique de la pauvreté en Afrique du Nord et au Moyen -Orient, 2004, p. (64).

* 342Ibidem.

* 343Ibidem.

* 344Ibidem.

* 345Ibidem.

* 346 Ian HACKING, Entre science et réalité sociale. La construction sociale de quoi ?, la découverte, Paris, 2001, p.27.

* 347L'Europe et le Sud à l'aube du XXI è siècle, enjeux et renouvellement de la coopération, Actes de la 9 è conférence générale de l'EADI, Karthala, Paris, 2002,p.68.

* 348 Monique HIRSCHHORN, L'individu social : autres réalités, autres sociologies ? Presse de l'Université de Laval, Laval,2007, p.170.

* 349Ibidem.

* 350Ibidem.

* 351 Voir Smith BARRY, John Searle, Cambridge, Cambridge University Press, 2003 ;Sylvie MESURE, Patrick SAVIDAN (Dir.), Dictionnaire des sciences humaines, collections `Grands Dictionnaires', Puf, Paris, 2006.

* 352 Georg SIMMEL, Etudes sur les formes de la socialisation, Puf, Paris, 1999,pp. 63-79.

* 353 Linda ROULEAU, Théories des organisations : approches classiques, contemporaines et de l'avant-garde, Québec, Presses universitaire de Québec, 2007, p.163.

* 354Philippe JONNAERT, Compétences et socioconstructivisme : un cadre théorique, troisième tirage, De Boeck, Bruxelles, 2006.

* 355 Blandine DESTREMAU, Agnès DEBOULET, François IRETON, Dynamique de la pauvreté en Afrique du Nord et au Moyen -Orient, Khartala, 2004, p.63.

* 356 Blandine DESTREMAU, et alii, op.cit., p. 65.

* 357 Ian HACKING, Entre science et réalité sociale. La construction sociale de quoi ?, la découverte, 2001, Paris, p.27.

* 358 Henri DORVIL et Robert MAYER (Dir.), Problèmes sociaux,Théories et méthodologies, Presses de l'Université du Québec, Tome 1, Sainte-Foy, 2001, p.117.

* 359 Linda ROULEAU, op.cit., p.161.

* 360 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.11.

* 361Ibidem, p.13.

* 362Ibidem, p.10.

* 363 Blandine DESTREMAU, op.cit., p. 65.

* 364Ibidem, p. (65).

* 365Ibidem.

* 366 Christian NADEAU, La philosophie de l'histoire : hommages offerts à Maurice Lagueux, Université de Laval, Saint -Foy, Québec, 2007, p.282.

* 367 Gloria ORIGGINI« croyance, déférence et témoignage  » dans Elisabeth PECHERIE, Joëlle PROUST(Dir.),La philosophie cognitive, Fondation de la maison de la science de l'homme, Orphrys, Paris, p.144.

* 368Ibidem.

* 369 Elisabeth PECHERIE, Joëlle PROUST (Dir.), La philosophie cognitive, Fondation de la maison de la science de l'homme, Orphrys, Paris, p.147.

* 370 Gloria ORIGGINI, art.cit.,  p.158.

* 371Ibidem.

* 372Ibidem.

* 373 Elisabeth PECHERIE, Joëlle PROUST (Dir.),op.cit .,p.145.

* 374Ibidem, p.152.

* 375Ibidem.

* 376Ibidem.

* 377Ibidem, p.148.

* 378Elisabeth PECHERIE, Joëlle PROUST (Dir.),op.cit .,p.156.

* 379 Linda ROULEAU, Théories des organisations : approches classiques, Presses Universitaires de Québec, Québec, 2007, p.161.

* 380Ibidem, p.162.

* 381 Barthélemy COURMONT, L'empire blessé : Washington à l'épreuve de l'asymétrie, P.U.M, Montréal, 2001 p.77.

* 382Ibidem, p.14.

* 383Ibidem, p.15.

* 384 Voir Sylvie MESURE, Patrick SAVIDAN (Dir.), Dictionnaire des sciences humaines, collections `Grands Dictionnaires',Puf, p.2006.

* 385Ibidem.

* 386 Ruwen OGIEN, « La philosophie des sciences sociales », in Jean-Michel BERTHELOT (Dir.), Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, Paris, p.534.

* 387Alionne SALL (Dir.), La compétitivité future des économies africaines, Actes du Forum de Dakar 5 du 3 au 5 mars 1999 ,organisé par l'équipe de Futur africain, éd. Khartala, Sankoré, Futur africain, Abidjan, Dakar, Paris, 2000, p.9.

* 388Ibidem ,p.9.

* 389Ibidem, p.12.

* 390Ibidem.

* 391Ibidem, p.377.

* 392Ibidem.

* 393Ibidem, 205.

* 394Ibidem, 211.

* 395Ibidem, 211.

* 396Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne, p.285.

* 397Ibidem, p.283.

* 398 Ibidem, p.284.

* 399Ibidem, p.285.

* 400Ibidem, p.286.

* 401 Ibidem, P .279.

* 402Ibidem.,p.286.

* 403Ibidem.

* 404Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, critique de la raisonfonctionnaliste, T2, éd.Fayard, 1987, Paris, p.333.

* 405Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne, p.284.

* 406 Ibidem, p.160.

* 407Ibidem, p.286.

* 408Ibidem, p.286.

* 409 Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, T.1, p.351.

* 410. Ibidem, p.361.

* 411 .Ibidem, p.374.

* 412 Ibidem, p.384.

* 413Voir .HUISMAN (Dir.), Dictionnaire des philosophes, PUF, Paris, 1984, p.1126.

* 414. Ibidem, p.370.

* 415.Ibidem.

* 416Jürgen HABERMAS, Connaissance et intérêt, Gallimard, Paris, 1976, p.24.

* 417Ibidem, p.67.

* 418Ibidem, p.65.

* 419Ibidem, p.60.

* 420Ibidem, p.19 (préface)

* 421Ibidem, p.20.

* 422Jürgen HABERMAS, Connaissance et intérêt, p.19.

* 423Ibidem.

* 424Ibidem, p.60.

* 425Ibidem.

* 426Ibidem.

* 427Jürgen HABERMAS, Après Etat-Nation, une constellation politique, Fayard, Paris, p.19.

* 428Ibidem, p.25.

* 429Voir HUISSMAN (Dir.), Dictionnaire des philosophes, p.1130.

* 430Ibidem, P.400.

* 431Ibidem, p.11. 

* 432Ibidem, p.63.

* 433Ibidem, P. 12.

* 434 MUTUNDA MWEMBO, « Des fondements philosophiques des droits de l'homme », dans Traité d'Educations de l'Homme en République Démocratique du Congo, Sous la Direction de Prof. KALINDYE BYANJIRA, Editions de l'institut Africain des Droits de l'Homme et de la Démocratie, Kinshasa, 2004, p.73.

* 435Ibidem, cité par MUTUNDA, John RAWLS, Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1987, Pp.30-31.

* 436 John RAWLS, Théorie de la justice, éditions du Seuil, Paris, p.206.

* 437Ibidem.

* 438Benjamin BARBER, « Démocratie et économie de marché », dans La démocratie est une discussion, l'engagement civique dans les nouvelles démocraties et anciennes, Connectitut College, 1997, p.32.

* 439 Michel WIEVIORKA, Aude Marie DEBARLE, Les sciences en mutations, 2007, p.27.

* 440 Marc MEASSCHALCK, Epilogue, Nivelles, (Belgique), 2009, p.270. (À paraitre). Ce texte porte sur ce que nous pouvons appeler les tâches actuelles de la philosophie des normes.

* 441Ibidem.

* 442Ibidem.

* 443Ibidem.

* 444Ibidem.

* 445 Janet VAILLANT, Abdou DIOUF, Vie de Léopold Sédar Senghor, Karthala, 2006, Paris, p.1

* 446 Georges BALANDIER, Le « tiers monde », sous -développement et développement, Puf, 1961, p.16.

* 447Marc MAESSCHALCK, Normes et contextes, p.26.

* 448Ibidem, 162.

* 449Ibidem, p.27.

* 450Ibidem,p.81.

* 451Ibidem,p.91.

* 452Ibidem,p.123.

* 453Ibidem,p.126.

* 454Ibidem,p.124.

* 455Ibidem, p.30.

* 456Ibidem, p.33.

* 457Ibidem,p.163.

* 458 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, Payot, Hermann Luchterhand Verlag, 1963, éditions Payot et Rivages, Paris, 2006, p.345.

* 459 Marc MAESSCHALCK, Normes et contextes, p.116.

* 460Ibidem,p.82.

* 461 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, p.342.

* 462Ibidem.

* 463Ibidem, p.342.

* 464Ibidem, p.30.

* 465Ibidem, p.28.

* 466Ibidem, p.128.

* 467 Jean De MUNCK, L'institution sociale de l'esprit, Puf, Paris,1999, p.93.

* 468Ibidem, p.93.

* 469 Marc MEASSCHALCK, Normes et contextes, p.2.

* 470 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, p.345.

* 471Ibidem, p.345.

* 472Ibidem,p.84.

* 473Ibidem,p.85.

* 474Ibidem, p.26.

* 475Ibidem, p.2.

* 476 Marc MAESSCHALCK, « Entre éthique et gouvernance : la philosophie des normes », Introduction. Manuscrit à paraitre.

* 477Ibidem.

* 478Ibidem.

* 479 Marc MAESSCHALCK, Démocratie et acteurs collectifs ou « comment construire les conditions d'une démocratie d'acteurs collectifs ? », Note interne, Université catholique de Louvain, Janvier 2009, CPDR, p.17 .

* 480Jean Jacques ROUSSEAU, « Discours sur cette question proposée par l'académie de Dijon : Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle », dans Oeuvres philosophiques de Jean Jacques Rousseau, Garnier, Paris, 1966, p.39.

* 481Philipe RAYMOND et Stéphane RIALS, (Dir.), Dictionnaire la philosophie politique, Puf, Paris, 1996, p.194.

* 482Ibidem, pp.354-355.

* 483Philipe RAYMOND et alii, op.cit., P.428.

* 484Ibidem, p.429.

* 485Ibidem, p.430.

* 486Ibidem.

* 487Ibidem.

* 488Ibidem.

* 489Ibidem, p.432.

* 490Ibidem.

* 491Ibidem, p.433.

* 492Ibidem, p.434.

* 493Jürgen HABERMAS, l'éthique de la discussion et la question de la vérité, Bernard Gasset, Paris, 2003, p.78.

* 494Ibidem, p.29.

* 495) Jürgen. HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel. Rationalité de l'agir et rationalisation de la société, Fayard, Tome 1, Paris, p. 315.

* 496 Jacques DUBOIS, Pascal DURAND, Le symbolique et le social : réception internationale de la pensée de Pierre Bourdieu, Actes du Colloque de Carisy -la- Salle, Edition de l'Université de Liège, Liège, 2005, p.18.

* 497 Ibidem.

* 498 Frédéric KECK, Le problème de la mentalité primitive, Lévy- Bruhl, entre philosophe et anthropologie, Thèse de doctorat, Université, Charles de Gaulle -Lille III, U.F.R. de philosophie, 2003, p.4. (Inédit)

* 499 Frédéric KECK, Le problème de la mentalité primitive, Lévy- Bruhl, entre philosophe et anthropologie, Thèse de doctorat, Université, Charles de Gaulle -Lille III, U.F.R. de philosophie, 2003, p.4. (Inédit)

* 500 Patrick CHAMPAGNE et Olivier CHRISTIN, Mouvements d'une pensée, Pierre Bourdieu, Bordas, Paris, 2004, p.24.

* 501 Pierre BOURDIEU, Méditations pascaliennes, éditions du Seuil, Paris, 1997, p.65.

* 502 Pierre BOURDIEU, Méditations pascaliennes, éditions du Seuil, Paris, 1997, p.65.

* 503Ibidem, p.4.

* 504Ibidem, p.5.

* 505Ibidem, p.7.

* 506 Ibidem.

* 507 Frédéric KECK, Le problème de la mentalité primitive, p.8.

* 508Ibidem.

* 509 Frédéric KECK, Le problème de la mentalité primitive, p.7.

* 510Frédéric KECK, Le problème de la mentalité primitive, p.7.

* 511Ibidem,p.6.

* 512 Raphaël NTAMBUE TSHIMBULU, La logique formelle en Afrique noire, Problématique, enseignement et essais, Bruylant- Academia , Bruxelles, 1997, p.21.

* 513Ibidem, p.11.

* 514Ibidem, p.12.

* 515Ibidem.

* 516Ibidem.

* 517 Pierre POURDIEU, La distinction, critique sociale du jugement, les éditions de Minuit, Paris, 1979, p.545.

* 518 Willard Van Orman QUINE, Le mot et la chose, traduit de l'américain par les Professeurs Joseph Dopp et Paul Gochet, Flammarion, Paris, 1977, p.63. 

* 519Ibidem ,p.331.

* 520 W.V.O.QUINE,op.cit.,p.81.

* 521Ibidem,p.60.

* 522Ibidem,p.31.

* 523 Cheik Anta Diop indiquent que les deux schèmes peuvent être concurremment indo-européen et africain.

* 524 Voir Tshimalenga Ntumba sur le Projet africain au 17e congrès international de philosophie à Mont Real au Canada en 1984.

* 525Ibidem,p.371.

* 9Ibidem ,p.38.

* 4Ibidem ,p.331.

* 5 Ibidem,p.342.

* 526 Jürgen Habermas, La logique des sciences sociales et autres essais, Suhrkam Vergag, Frankfurt am Main, 1984, puf, Paris, 1987, p.16.

* 527 Ernest CASSIRER, Trois essais sur le symbolique, Oeuvres VI, Cerf, Paris, 1997,p.149.

* 528 Cassirer, Philosophie des formes symboliques, t.I., (1923),trad.Ole Hansen Love et J. Lacoste,Ed.de Minuit ,1972,p.19-20 ; Jürgen Habermas, La logique des sciences sociales et autres essais, Suhrkam Vergag, Frankfurt am Main, 1984, puf, Paris, 1987,p.15.

* 529 Fabien CAPEILLERES, « Concept de forme symbolique dans l'édification des sciences de l'esprit » in E. CASSIRER, Trois essais sur e symbolique, Cerf, Paris,1997,p.150.

* 530 Ernest CASSIRER, Trois essais sur le symbolique, Oeuvres VI, Cerf, Paris, 1997, p.75.

* 531 Ernest CASSIRER, Trois essais sur le symbolique, Oeuvres VI, Cerf, Paris, 1997, p.75.

* 532 Ernest CASSIRER, Trois essais sur le symbolique, Oeuvres VI, Cerf, Paris, 1997, p.67.

* 533Ibidem, p.284.

* 534Tiarko FOURCHE et Henri MORLIGHEM, Une bible noire, Max Arnold, Bruxelles, 1976, p.37.

* 535 Ibidem, p.19.

* 3 Ibidem,p.9.

* 536 C'est un recueil qui réunit des cosmogonies traditionnelles de la région congolaise qui va de la rivière Lomami à la rivière Kasaï, en RD Congo.

* 537Notre recherche est menée dans le cadre de l'Institut des textes africains (ITA) crée par Marcel Tshiamlenga Ntumba relayé par le Centre de recherche en épistémologie des sciences sociales et Humaines , Cressh , qui se sont assignés comme objectifs de collecter les textes africains, et de tradition similaire (l'axe asiatique avec des connaissances védiques de l'indianité ) les faire connaître, et les analyser. Tous ces textes et ces livres sont philosophiquement présentés par le Centre. Le Centre mène des recherches sur les aires culturelles de la RD Congo pour le moment : Anamongo, Nekongo , Luba-Kasaï, Luba-Katanga ,Lunda- Kasaï, etc. La révélation de Tshiakani se trouve dans cette dernière double aire culturelle. Le Centre veut en fait philosopher à partir des textes africains et de la situation africaine concrète. Il s'agit selon la démarche entreprise de sérier la thématique en mythe, en récit religieux et astronomiques, l'art, le récit totémique, etc., de restituer les textes, les reconstruire historiquement, si possible de façon systématique à partir des quelques concepts centraux, et enfin de les reconstruire créativement en rapport avec des questions actuelles selon la méthode de reconstruction de Tshiamalenga Ntumba. Notons que la reprise de la thématique de la religiosité est récurrente et peut être reconstruite et reprise profondément à partir de l'oralité africaine,i.e. d'Une bible noire.

* 538Voir T.FOURCHE et H.MORLIGHEM, Une bible noire, Max Arnold, Bruxelles ,1974.

* 539 C'est un recueil qui réunit des cosmogonies traditionnelles de la région congolaise qui va de la rivière Lomami à la rivière Kasaï, en RD Congo.

* 540 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire sociale du siècle d'africanisme belge, Dissertation doctorale, Université de l'Ille I, Tome I, 1995, (inédit), p.461.

* 541Ibidem, p.462.

* 542Ibidem, p.65 ; les commentaires soutiennent qu'à propos de la physiologie d'Une bible noire, la conception de ce qui est appelé ici les centres de l'homme, liés à des facultés et pouvoirs, réunit des notions particulières de physiologie et une notion très comparable à celle de Chakras Hindu. Cakras: Sanskrit: «roue». Un lieu de concentration d'énergie et de conscience situé dans les corps intérieurs de l'être humain. Ce seraient les centres nerveux, plexus et ganglions, ainsi que les glandes qui correspondent aux chakras principaux, qui se trouvent dans le corps physique, le long de la colonne vertébrale, du bas jusqu'au sommet du crâne. (Notons qu'il y a correspondance, et non identité entre les chakras et les centres nerveux, glandes, etc.) Il y a sept chakras principaux qui sont les plus connus et le plus souvent décrits dans les livres. Mais en réalité, il y en a d'autres encore. On peut voir les chakras par le psychique; ils ressemblent à des lotus aux nombreux pétales de diverses couleurs. Voir: manipura-chakra, muladhara-chakra, nadi, sahasrara-chakra.

* 543 Yannick JAFFRE et Jean Pierre OLIVIER DE SARDAN (Dir.), La construction sociale de la réalité des maladies, entités nosologiques populaires en Afrique de l'ouest, Paris, Puf, 1999, p.7.

* 544Ibidem, p.7.

* 545Ibidem p.11.

* 546Ibidem, pp.7,11.

* 547Ibidem ,p.17.

* 548 Yannick JAFFRE et Jean Pierre OLIVIER DE SARDAN (Dir.), op.cit ., pp.18, 19.

* 549Ibidem, p.18.

* 550Pierre BOURDIEU, La distinction , p.545.

* 551Ibidem ,p.547.

* 552 Pierre BOURDIEU, Méditations pascaliennes, p.216.

* 553Pierre BOURDIEU, La distinction, p.512.

* 554 Pierre BOURDIEU, Méditations pascaliennes, p.214.

* 555Ibidem ,p.217.

* 556Ibidem, p.218.

* 557Ibidem, p.217.

* 558Pierre BOURDIEU, La distinction, p.546.

* 559Ibidem, p.547.

* 560 Pierre POURDIEU, Méditations pascaliennes, p.208.

* 561Ibidem ,p.209.

* 562Ibidem, p.209.

* 563Ibidem, p.189.

* 564 Robert VION, La communication verbale, analyse des interactions, Hachette, 1992, 2000, Paris, p. 17.

* 565 Si le mot anthropologie est écrit tout seul il se réfère à l'anthropologie physique.

* 566 Jürgen HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147,

* 567 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx ,traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147.

* 568 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx ,traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.150.

* 569 Voir Jürgen HABERMAS,Après Marx ,traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.151.

* 570 Cheick Anta DIOP, Civilisation ou barbarie, une anthropologie sans complaisance, Présence Africaine, Pris,1981, p.

* 571 Nous pouvons étayer une thèse créationniste sans vraiment perturbé la logique de la matière.

* 572 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147.

* 573Ibidem.

* 574 Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris , p.138.

* 575 Voir Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris.

* 576 Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris , p.340.

* 577 Lucien SFEZ, La communication, Huitième édition, puf, Paris , 1991, p.10.

* 578 Lucien SFEZ, La communication, Huitième édition, puf, Paris , 1991, p.11.

* 579 « A propos de Schütz parle de «stock of knowledge at land » (réservoir de connaissances immédiatement disponibles) du « (common sense knowledge »( savoir de sens commun ) qui remplit le « every day world »(monde de tous les jours). ... Anticipant par là certaines analyses husserliennes du monde vécu », Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris,p.140,142 . 

* 580 Nathalie JANZ, Globus symbolicus Ernest Cassirer un épistémologue de la troisième voie ?, Préface de John Michael Krois, éd . KIME,Paris, 2001,p.73.

* 581 Nathalie JANZ, Globus symbolicus Ernest Cassirer un épistémologue de la troisième voie ?, Préface de John Michael Krois, éd . KIME,Paris, 2001,p.76.

* 582 Lucien SFEZ, La communication, Huitième édition, puf, Paris , 1991, p. 3.

* 583 Lucien SFEZ, La communication, Huitième édition, puf, Paris , 1991, p. 4.

* 584 Garde ton coeur plus que toute autre chose , car c'est de lui que vient la source de la vie. Le coeur est le siège de la vie. Les grands savants créent à partir de leur culture.

* 585 Marc MAESSCHALCK, « Les enjeux politiques se l'apprentissage collectif de l'éthique », dans Revue d'éthique et de théologie morale, éd. du Cerf, n° 251,2008, pp.65 - 81.

* 586 Marc MAESSCHALCK, « Pour une approche génétique de l'action collective. Relations intra-groupes et relations exo-groupes », p.22, à paraitre.

* 587 Le terme pragmatique peut prêter à confusion, lorsque l'on sait la pragmatique universelle d'Habermas est toujours déjà pratique. Souligner les types de représentation sociale reste d'une importance première. Ce dernier ne semble s'être suffisamment étendu sur le cognitivisme turn.

* 588 Marc MAESSCHALCK, « Pour une approche génétique de l'action collective. Relations intra-groupes et relations exo-groupes », p.25, à paraitre.

* 589Marc MAESSCHALCK, Normes et contextes, OLMS, Hildesheim -Zürick- New York, 2001,p.123.

* 590Ibidem,p.123.

* 591 Marc MAESSCHALCK, « Pour une approche génétique de l'action collective. Relations intra-groupes et relations exo-groupes », dans Marc MAESSCHALCK (Dir.), Ethique et gouvernance ; les enjeux actuels d'une philosophie des normes, OLMS, Hildesheim- Zürich- New York, 2009,p.22.

* 592 P.WATZLAWICK, J.HELMICK-BEAVIN et D.JACKSON, Une logique de la communication, Ed.du Seuil, Paris, p.16.

* 593Ibidem,,p.16.

* 594Ibidem.

* 595 Ibidem, p.158.

* 596 Ibidem, p.157.

* 597 Ibidem, p.161.

* 598Ibidem, p.

* 599 Ibidem, p.168.

* 600 P.WATZLAWICK, J. HELMICK-BEAVIN et D.JACKSON, Une logique de la communication, Ed. du Seuil, Paris, p.152.

* 601Ibidem, p.1

* 602 Ibidem, p.154.

* 603 Paul WATZLAWICK, J.HELMICK-BEAVIN et D.JACKSON, Une logique de la communication, Ed. Du Seuil, Paris, p.155.

* 604 Gérard GENETTE, op.cit., p.71.

* 605 Idem, p.71.

* 606 Ibidem.

* 607 Gérard GENETTE, op.cit., p.75.

* 608Idem, p.74.

* 609Ibidem, p.76.

* 610Ibidem, p.74.

* 611 Gérard GENETTE, op.cit., p.203.

* 612 Idem, p.75.

* 613 Algirdas Julien GREIMAS, sémantique structurale, Librairie Larousse, « langue et langage », 1966, Paris, p.173.

* 614 Oswald DUCROT et de Tzvetan TODOROV, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Edition du Seuil, Points, 1972, p.405.

* 615 Algirdas Julien GREIMAS, op.cit. , p.180.

* 616Idem, p.175.

* 617 Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, rationalité de l'agir et rationalisation de la société, Tome I, Fayard, 1987, p.92.

* 618 Claude LEVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1958, p.37.

* 619Ibidem, p.344.

* 620 Robert FRANCK, « Histoire et structure », dans Jean-Michel BERTHELOT (Dir.) Epistémologie des sciences sociales, Puf, p. 344.

* 621Ibidem, p.52.

* 622Ibidem, p.43.

* 623Ibidem, p.48.

* 624 Voir Pierre LIVET et Ruwen OGIEN, L'enquête ontologique du mode d'existence des objets sociaux, éd. Ecole des Hautes études en sciences sociales, Paris, 2000.

* 625 Laurent MCFALLS, Nicolas LIORZOU, Julie PERREAULT, ANCA-ELENA MOT, Construire le politique : contingence, causalité et connaissance dans la science politique, Presses de l'Université de Laval, Québec, 2006, p.19.

* 626 Voir Pierre LIVET et Ruwen OGIEN, L'enquête ontologique du mode d'existence des objets sociaux, éd. Ecole des Hautes études en sciences sociales, Paris, 2000.

* 627 (R. GHUGLIONE et J-F. RICHARD, Cours de psychologie, processus et application, Dunod, 1992, 1999, p.XX.

* 628Ibidem.

* 629 Yves BONNY, « Introduction : Michel Freitag ou la sociologie dans la monde » in Michel FREITAG, L'oubli de la société : une théorie critique de la postmodernité, Presses de l'Université de Laval, Laval, Presse Universitaire de Renn, Renn, 2002, p.19.

* 630Ibidem.

* 631Ibidem.

* 632Ibidem.

* 633Ibidem,p.20.

* 634Ibidem,p.19.

* 635 Jean-Michel BERTHELOT, «  Programmes, paradigmes, disciplines : pluralité et unité des sciences sociales », dans, (Jean-Michel BERTHELOT, (Dir.), Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, p.466.

* 636 Alban BOUVIER, Philosophie des sciences sociales, Puf, Paris, 1999, p.51.

* 637Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Puf, Paris, 1967.

* 638Ibidem, p.51.

* 639Ibidem, p.59.

* 640 BERGER Peter et LUCKMANN Thomas, La construction sociale de la réalité, Armand Colin, Paris, 2006, p.8.

* 641Ibidem, p.137.

* 642Ibidem, p.143.

* 643Ibidem, p.136.Quand nous suivons Jürgen Habermas, le programme de Cicourel est par ailleurs celui de savoir : « Quels sont les fondements appropriés de la mesure en sociologie ? ».

* 644Ibidem, p.141.

* 645 Jürgen HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, p.144.

* 646Ibidem, p.143.

* 647Ibidem, p.143.

* 648 Peter BERGER et Thomas LUCKMANN, op.cit., p.304.

* 649 Voir Sylvain SHOMBA KINYAMBA (Dir.), Les sciences sociales au Congo - Kinshasa, 2007.

* 650Renée BOUVERESSE, La philosophie et les sciences de l'homme, Ellipses/édition Marketing S.A., Paris, 1998, p.15.

* 651 Francisco VARELA, Quel savoir pour l'éthique ? Action, sagesse et cognition, Editions La découverte, Paris, 1996, 2004, p.46.

* 652 Dans les Règles de la méthode sociologique Emile Durkhrim postule le fait que c'est la mentalité collective (fort de la primauté de Tout) qui détermine la mentalité individuelle. L'inverse n'est pas vrai. Il y a ici unilatéralité de la causalité.

* 653 Ruwen OGIEN, « Philosophie des sciences sociales», dans, (Jean-Michel BERTHELOT, (Dir.), Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, p.532.

* 654 Robert FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles, systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles complémentaires ? » in Faut-il chercher aux causes une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines, Librairie Philosophique, Vrin, Paris, 1994, p.280.

* 655 Jürgen HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, Quadrige /Puf, Paris, 1987, p.103.

* 656 Jean-Michel BERTHELOT, « Les sciences du social», dans Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, p.237.

* 657 Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFMANN, Le monde selon John Searle, Cerf, 2005, Paris, p.90.

* 658Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, p.XIII.

* 659Ibidem.

* 660Ibidem, p.IX.

* 661Ibidem.

* 662 Robert FRANCK, « Histoire et structure » dans Jean-Michel Berthelot (Dir.) Epistémologie des sciences sociales, Puf, p.338.

* 663 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, p.112.

* 664Ibidem ,p. XVII.

* 665Ibidem, p.XIX.

* 666Ibidem , p.XX.

* 667 Laurent MCFALLS, Nicolas LIORZOU, Julie PERREAULT, Anca - Elena MOT, Construire la politique : contingence, causalité et connaissance dans la science politique contemporaine, Presses de l'Université de Laval, Québec, 2006, p.249.

* 668Ibidem, p.249.

* 669Ibidem, p.235.

* 670 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, p.101.

* 671Ibidem, p.283.

* 672Ibidem, p.87.

* 673Ibidem, p.280.

* 674Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, p.280.

* 675Ibidem , p.279.

* 676Ibidem, p.281.

* 677Ibidem, p.280.

* 678Ibidem, p.278.

* 679Ibidem.

* 680Ibidem.

* 681Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, p.XXII

* 682Ibidem.

* 683Ibidem, p.XVI.

* 684Ibidem, p.XXII.

* 685Ibidem.

* 686Ibidem.

* 687Ibidem, p.XXII.

* 688Ibidem, p.80.

* 689Ibidem, p.95.

* 690Ibidem, p.XVII.

* 691 Robert FRANCK, « Histoire et structure » dans Jean-Michel BERTHELOT (Dir.) Epistémologie des sciences sociales, Puf, Paris, p.340.

* 692 Luc Van CAMPENHOUDT, Jean -Michel CHAUMONT, Abraham FRANSSEN, La méthode d'analyse en groupe, application aux phénomènes sociaux, Dunod, Paris, p.40.

* 693 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, p.XXII.

* 694Ibidem, p.XI.

* 695Ibidem, p.5.

* 696 Emile DURKHEIM,Les règles de la méthode sociologique, p.XX.

* 697Ibidem, p.XXII.

* 698 Fabrice CLEMENT, op.cit., p.105.

* 699 SAVAS TSOHATZIDIS, Intentional Acts and Institutional Facts :Essays on John Searle `s Social Ontology, Springer ,2007,p.192.

* 700Ibidem, p.6.

* 701Emile DURKHEIM,op.cit., p.4.

* 702Ibidem, p.103.

* 703Ibidem, p.280.

* 704Ibidem.

* 705 Jean-Michel BERTHELOT, « Les sciences du social», dans Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001,p.236.

* 706Ibidem,p.236.

* 707 Thierry LUCAS, « Sur le concept de nécessité en logique » in Faut-il chercher aux causes une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines, Vrin, Paris, 1994, p.234.

* 708 Jean-Michel BERTHELOT, « Les sciences du social», art.cit., p.240.

* 709Ibidem,p.238.

* 710Ibidem, p.283.

* 711 Robert FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles, systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles complémentaires ? » in Faut-il chercher aux causes une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines, Librairie philosophique J.Vrin, Paris, 1994, p.283. Mais, à vrai dire, c'est aux formes empiriques d'associations sociales -non aux relations sociales- qu'il oppose sa conception des structures sociales. Il refuse de qualifier de structure les formes d'association auxquelles se référait généralement la sociologie depuis Durkheim, formes d'association qui étaient au centre de l'approche fonctionnaliste de Parsons, par exemple, ou de Radcliffe-Brown : il ne s'agit pas là de relations singulières, labiles et ponctuelles, mais des réseaux stabilisés de relations, telles que des « organisations ». 

* 712 Robert FRANCK, « Histoire et structure », dans Jean-Michel BERTHELOT (Dir.), Epistémologie des sciences sociales, Puf, Paris,2001 ,p.345.

* 713 ELUNGU PENE ELUNGU, Etendue et connaissance dans la philosophie de Malebranche, Librairie philosophique J.Vrin , Paris, 1973, p.23.

* 714 Robert FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles, ... », art.cit. p.284.

* 715Ibidem,p.284.

* 716Ibidem,p.285.

* 717Ibidem.

* 718Robert FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles, systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles complémentaires ? » ,p.285.

* 719Ibidem, p.286.

* 720Ibidem, p.287.

* 721Ibidem.

* 722Robert FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles, systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles complémentaires ? », p.297.

* 723Ibidem.

* 724Ibidem.

* 725 Peter BERGER et Thomas LUCKMANN, op.cit., p.17.

* 726Ibidem, p.18.

* 727 Blandine DESTREMAU, Agnès DEBOULET, François IRETON, op.cit., p. 56.

* 728 Peter BERGER et Thomas LUCKMANN, Avant -propos de Danilo Martuccelli ,op.cit .,p.18.

* 729Ibidem, p.22.

* 730Ibidem, p.8.

* 731Ibidem, p.9.

* 732Ibidem, p.22.

* 733Ibidem, p.24.

* 734Ibidem, p.38.

* 735Ibidem, p.36.

* 736Ibidem.

* 737Ibidem.

* 738Ibidem.

* 739Ibidem, p.37.

* 740Ibidem, p.123.

* 741Ibidem, p.122.

* 742Ibidem, pp.116-112.

* 743Ibidem, p.169.

* 744Ibidem, p.163.

* 745 SAVAS TSOHATZIDIS, Intentionnal Acts and Institutionnal Facts :Essays on John Searle `s social ontology, Springer, Dordrecht, 2007,p.191.

* 746Ibidem,p.192.

* 747 Voir Étienne LE ROY, Les pluralismes juridiques, Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris, Geneviève Chretien- Vernicos -, Paris, 2004, p.84.

* 748 Jean-Michel BERTHELOT, « Les sciences du social », dans Epistémologie des sciences sociales, Puf, Paris, 2001, p.240.

* 749Ibidem, p.238.

* 750 Voir Thierry LUCAS, « Sur le concept de nécessité en logique » in Faut-il chercher aux causes une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines, Philosophique ?, VRIN, Paris, 1994, p.234.

* 751Ibidem, p.107.

* 752 Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFMANN, Le monde selon John Searle, Cerf, 2005, Paris, p.91.

* 753John SEARLE, Du cerveau au savoir, Hermann, Paris, 1985, p.116.

* 754Ibidem ,p.117.

* 755Ibidem, p.119.

* 756John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.14-15.

* 757Ibidem, p.150.

* 758 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.35.

* 759Ibidem, p.294.

* 760Ibidem, p.36.

* 761Ibidem, p.35.

* 762 John Rogers SEARLE, La constrcuction de la réaliét sociale, p.18.

* 763 Marc MAESSCHALCK, Normes et contextes, p.113.

* 764 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.18.

* 765Ibidem.

* 766 Pierre LIVET, Les normes, Armand Colin, Paris, 2006, p.168.

* 767 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.167.

* 768Ibidem, p.168.

* 769Ibidem.

* 770Ibidem.

* 771Ibidem, p.169.

* 772John SEARLE, Les actes de langage ; essai de philosophie de langage, Herman, Paris, 1972, p.93.

* 773 Jürgen HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, « édition Puf, 1987, première édition « Quadrige », Paris, 2005, p.139.

* 774John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.183.

* 775Ibidem, p.182.

* 776Ibidem, p.189.

* 777 C'est la généralisation et l'extension théoriques de la logique intentionnelle de Montague ; Daniel VANDERVEKEN, « La logique illocutoire »dans R.Klibansty et J. Ayoub(éds),La philosophie d'expression française au Canada, Québec ,Presses de l'Université de Laval,1998,(p.289-360).

* 778 Jürgen HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, puf, Paris, 1987,2005, p.74.

* 779 Jürgen HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, puf, Paris, 1987,2005, p.336.

* 780 Jürgen HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, puf, Paris, 1987,2005, p.378.

* 781Ibidem , p.83.

* 782 Jean-Michel BERTHELOT, « Les sciences du social», art.cit., p.240.

* 783Ibidem, p.238.

* 784 Daniel VANDERVEKEN, « Aspects cognitifs en logique intentionnelle et théorie de la vérité » dans Cahiers d'épistémologie, Département de philosophie, Université du Québec à Montréal, cahiers n° 2005-05,328e numéro, 2005, p.5.

* 785 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.172.

* 786Ibidem, p.172.

* 787 Fabrice CLEMENT ET Laurence KAUFFMAN, « Esquisse d'une ontologie des faits sociaux. La posologie proposée par John Searle », in Réseau, n°79 CNET,Paris, 1996.p.131.

* 788 John SEARLE, L'intentionnalité ; Essai de philosophie des états mentaux,traduction de l'américain par Claude Pichevin,Cambridge University Press,1983,Les éditions de Minuit, Paris,1985 ,p.25.

* 789 Fabrice CLEMENT et alii, op.cit., p .131.

* 790 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.274.

* 791 Daniel BOUGROUX, « les sciences du lange et de la communication, », dans (Dir.) Jean-Michel BERTHELOT, Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, Paris, p.194.

* 792John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.273.

* 793Ibidem, p.274.

* 794 John SEARLE, L'intentionnalité, p.19.

* 795 Daniel VANDERVEKEN, « La structure logique des dialogues intelligents » in Bernard et Moulin et al (éds.) Analyse et modélisation des discours. Des conversations humaines aux interactions entre agents logiciels, Collection Informatique, l'interdiscipline, 1999, p.61-99. (Voir p.28 -29)

* 796 Guy ROCHER, Talcott Parsons et la sociologie américaine, édition électronique, Collection « Classique des sciences sociales », Centre de Recherche en droit public, Université de Montréal, Québec, 1988, p.39.

* 797 John SEARLE, Du cerveau au savoir, p.83.

* 798Ibidem, p.84.

* 799Ibidem, p.85.

* 800Ibidem, p.90.

* 801 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.13.

* 802Ibidem, p.107.

* 803Ibidem, p.111.

* 804Ibidem, p.37.

* 805Ibidem, p.111.

* 806Ibidem, p.112.

* 807Ibidem, p.114.

* 808Ibidem.

* 809Ibidem,p.127.

* 810Ibidem, p.125.

* 811Ibidem, p.133.

* 812Ibidem, p.139.

* 813Ibidem.

* 814Ibidem, p.56.

* 815 Grégory ODE, Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique, Mémoire de Master, Dirigé par Jérôme Lallement, Université de Paris I, Panthéon -Sorbonne, Paris ,2005-2006, p.3.

* 816Ibidem, p.138.

* 817Ibidem.

* 818 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.153.

* 819 Grégory ODE,op.cit.,p.5.

* 820 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.50.

* 821Ibidem, p.140.

* 822Ibidem.

* 823Ibidem, p.147.

* 824Ibidem, p.143.

* 825John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.184.

* 826Ibidem, p.22.

* 827Francisco VARELA, Quel savoir pour l'éthique ? Action, sagesse et cognition, Editions La Découverte, Paris, 2004, p.78.

* 828Ibidem, p.129.

* 829Ibidem, p.26.

* 830Ibidem, p.28.

* 831 John SEARLE, L'intentionnalité ; Essai de philosophie des états mentaux, traduction de l'américain par Claude Pichevin, Les éditions de Minuit, 1985, Paris, p.175.

* 832Ibidem,p.29.

* 833Ibidem.

* 834Ibidem, p.25.

* 835 Francisco VARELA, op.cit., p.79.

* 836 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.183.

* 837 John SEARLE, L'intentionnalité, Essai de philosophie des états mentaux, Traduit de l'américain par Claude Pichin, Cambridge University Press, 1983, Editions Du Minuit,1985,p.178.

* 838Ibidem, p.179.

* 839Ibidem, p.179.

* 840Ibidem, p.179.

* 841 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.172.

* 842Jürgen HABERMAS, Après Marx, Librairie Arthème Fayard,Paris, 1985,p.9.

* 843Ibidem.

* 844 Voir John SEARLE, Les actes de langage ; essai de philosophie de langage, Herman, Paris, 1972, p.55.

* 845 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.9.

* 846Ibidem, p.10.

* 847Ibidem.

* 848John SEARLE, Du cerveau au savoir, Hermann, Paris, 1985, p.105.

* 849Ibidem, p.111.

* 850 John SEARLE, Liberté et neurobiologie, Nouveau collège philosophique, Grasset et Frasquelle, Paris, 2004, p.13.

* 851 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.9.

* 852Ibidem, p.18.

* 853 John SEARLE, La redécourte de l'esprit, The MIT Press, 1992, essais, Gallimard, traduction française, 1995, Paris, p.19.

* 854 Marc MEASSCHALCK, Normes et contextes, p.166.

* 855 John SEARLE, L'intentionnalité : essai de philosophie des états mentaux, Cambridge university Press, 1983, Les éditions de Minuit, 1985, Paris, p .9.

* 856 Voir Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, puf, Paris, 1987, p.414.

* 857 Le livre des morts des anciens égyptiens.

* 858 Yannick JAFFRE et Jean Pierre OLIVIER DE SARDAN (Dir.), La construction sociale de la réalité des maladies, entités nosologiques populaires en Afrique de l'ouest, Paris,Puf, 1999, p.7.

* 859Ibidem, p.7.

* 860Ibidem p.11.

* 861Ibidem, pp.7,11.

* 862Ibidem ,p.17.

* 863 Yannick JAFFRE et Jean Pierre OLIVIER DE SARDAN (Dir.), op.cit ., pp.18, 19.

* 864Ibidem, p.18.

* 865Pierre BOURDIEU, La distinction , p.545.

* 866Ibidem ,p.547.

* 867 Pierre BOURDIEU, Méditations pascaliennes, p.216.

* 868Pierre BOURDIEU, La distinction,p.512.

* 869 Pierre BOURDIEU, Méditations pascaliennes, p.214.

* 870Ibidem ,p.217.

* 871Ibidem, p.218.

* 872Ibidem, p.217.

* 873Pierre BOURDIEU, La distinction , p.546.

* 874Ibidem, p.547.

* 875 Pierre POURDIEU, Méditations pascaliennes, p.208.

* 876Ibidem ,p.209.

* 877Ibidem, p.209.

* 878Ibidem, p.189.

* 879Max KASONGO MWEY, « Cheik Anta DIOP, les fondements économiques et culturels d'un Etat fédéral de l'Afrique noire, Paris, Présence africaine, 1974 ,124 pages » dans les projets d'union africaine, bilans et perspectives, Alternative, oo5, juillet 2001, p.32.

* 880MUSASA ULIMWENGU, U., « Comment les Kinois perçoivent-ils la pauvreté » dans Congo-Afrique, nov. 1998, Kinshasa, 1998, p. 529.

* 881Ibidem.

* 882. MUSASA ULIMWENGU, U., « Comment les Kinois perçoivent-ils la pauvreté », dans

Congo-Afrique, nov. 1998, Kinshasa, p. 529.

* 883 Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFFMAN, Le monde selon Searle, Cerf, 2005, Paris, p.90.

* 884 Jean-Michel BERTHELOT, «  Programmes, paradigmes, disciplines », p.13.

* 885Voir Ruwen OGIEN, « Philosophie des sciences sociales », p.525.

* 886 Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFMANN, « Esquisse d'une ontologie des faits sociaux, la posologie proposée par John Searle », p.158.

* 887 John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.10.

* 888Ibidem, p.9.

* 889Ibidem, p.522.

* 890 Jean-Michel BERTHELOT, «  Programmes, paradigmes, disciplines », p.55.

* 891Ibidem, p.514.

* 892 Voir Jocelyn BENOIST et Sandra LAUGIER-RABATE ,Strawson et l'idée de métaphysique descriptive, J.Vrin, Paris, 2005.

* 893 Voir John SEARLE, Les actes de langage ; essai de philosophie de langage, Herman, Paris, 1972, p.55.

* 894 Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFMANN, Le monde selon John Searle, Cerf, 2005, Paris, p.78.

* 895 Peter BERGER et Thomas LUCKMANN, op.cit., p.9, Avant -propos de Danilo Martuccelli.

* 896 Guy RACHET (Présentation et notes), Le livre des morts des anciens Egyptiens, France Loisirs, Paris, 1994, p.7.

* 897Ibidem, p.78.

* 898Ibidem, p.79.

* 899Ibidem, p.78.

* 900 Marc MAESSCHALCK, Normes et contextes, Georg OLMS Verlag, Hildesheim-Zürich-New York, 2001, p.115.

* 901 Jürgen HABERMAS, Après l'Etat-nation, une nouvelle constellation politique, Traduit de l'Allemand par Rainer Rochelitz, Fayard, Paris, 2000.p.43.

* 902 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.156.

* 903Ibidem, p.102.

* 904Ibidem, p.154.

* 905Voir la question de la mentalité africaine chez Axelle KABU, Et si l'Afrique refusait le développement, L'Harmattan, Paris, 1991.

* 906Alfred MAURY, Les Académies d'autrefois. L'ancienne Académie des inscriptions et belles lettres, Didier, 2è édition, Paris, 1864, p.262.

* 907 Voir le DSCRP

* 908 Serge MICHEL, Michel BEURET, La Chinafrique ,Pékin à la conquête du continent noir, Hachette, éditions Grasset & Fasquelle, 2008,p.18.

* 909Ibidem, p.21.

* 910Ibidem, p.16.

* 911 Sources Serge MICHEL, Michel BEURET, La Chinafrique , p.410 .

* 912 Marc PONCELET,op.cit., p.49.

* 913 Michel Berthélot ,

* 914 Qu'est-ce qui peut être qualifié des sciences sociales.

* 915 Marc Maesschalck

* 916 Rudolf CARNAP, La construction logique du monde, Introduction de Elisabeth SCHWARTZ, Traduction de Thierry RIVAIN, Librairie Philosophique J.VRIN, Paris,2002, p.47.

* 917 Rudolf CARNAP, La construction logique du monde, Introduction de Elisabeth SCHWARTZ, Traduction de Thierry RIVAIN, Librairie Philosophique J.VRIN, Paris,2002, p.47.

* 918 Rudolf CARNAP, La construction logique du monde, Introduction de Elisabeth SCHWARTZ, Traduction de Thierry RIVAIN, Librairie Philosophique J.VRIN, Paris,2002, p.45 (Préface de la seconde édition).

* 919 Rudolf CARNAP, La construction logique du monde, Introduction de Elisabeth SCHWARTZ, Traduction de Thierry RIVAIN, Librairie Philosophique J.VRIN, Paris, 2002, p.302.

* 920 Crispin NGWEY NGOND'A NDENGE, « Pour une pensée et une praxis autonomes des sociétés africaines », dans Philosophie et destins des peuples, Actes des journées philosophiques de Canisius, Mars 1999, Editions Loyola, 2000, p.109.

* 921 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement, p.365.

* 922Ibidem.

* 923 Les recommandations de la Conférence Nationale Souveraine se focalisent sur la réhabilitation du Conseil Scientifique National comme « intelligence nationale » pour piloter tous les Instituts et Centres de Recherche en RD Congo.

* 924 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, p.321.

* 925 Cette notion est évoquée ici sans connotation péjorative, il s'agit tout simplement des études sur l'Afrique.

* 926 Jean-Michel BERTHELOT, «  Programmes, paradigmes », p.488.

* 927Ibidem, p. 488.

* 928 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement, p.25.

* 929 Voir Paul BARGUET, Le livre des morts des anciensEgyptiens, Editions du Seuil, Paris, 1979 ; cité par Cheikh MOCTAR BA, Etudes comparatives entre les cosmogonies grecques et africaines, L'Harmattan, Paris, p.251.

* 930 Alban BOUVIER, La philosophie des sciences sociales, Puf, Paris,1999, p.107.

* 931Ibidem, p.107.

* 932Emile DURKHEIM, op.cit.,p.81.

* 933Ibidem, p.84.

* 934Ibidem,p.460.

* 935 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.158.

* 936 Jürgen HABERMAS, Après Marx, Fayard, 1985, Paris, p.9.

* 937 Rudolf CARNAP, La construction logique du monde, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2002, p.45.

* 938 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx, p.11.

* 939 Voir Sylvain SHOMBA KINYAMBA (Dir.), Les sciences sociales au Congo -Kinshasa : Cinquante ans après : quel apport ?, L'Harmattan, Paris, 2007.

* 940 BONGELI YEIKELO YA ATO, Sociologie et sociologues africains: pour une recherche sociale citoyenne au Congo- Kinshasa, L'Harmattan, Paris, 2007 ,p.43.

* 941Ibidem, p.44.

* 942Ibidem, p.61.

* 943 Marc MEASSCHALCK, Normes et contextes, p.7.

* 944Ibidem,p.2.

* 945Ibidem.

* 946 MAESSCHALCK Marc, Démocratie et acteurs collectifs ou « comment construire les conditions d'une démocratie d'acteurs collectifs ?», Note interne, CPDR, UCL, 2009, p.23.

* 947 Ceci corrobore la topologie de Joseph N'KWASA BUPELE, Cours d'épistémologie des sciences de la communication, Unikin ,2008.

* 948 MAESSCHALCK Marc, Démocratie et acteurs collectifs ou « comment construire les conditions d'une démocratie d'acteurs collectifs ?», Note interne, CPDR, UCL, 2009, pp.14-16. 

* 949Ibidem, p.90.

* 950Ibidem, p.89.

* 951 Voir Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFMANN, « Esquisse d'une ontologie des faits sociaux », p.125.

* 952Ibidem, (Avant-propos).

* 953 Voir John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p. 1995.

* 954 Fabrice CLEMENT et alii, op.cit., p.125.

* 955 Ces mutations affectent par ailleurs l'Afrique.






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe