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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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Le pauvre et la science

Dire pauvre et dire pauvreté sont deux perspectives d'études différentes, l'une abstraite et inopérante et l'autre concrète et efficace. Justement, selon Engelbert Mveng l'étude systématique de la pauvreté en Afrique, n'a pas encore était faite.13(*) C'est une question épistémologique. Toutes les recherches portent sur le sous-développement, c'est-à-dire sur les aspects socio-économiques de la pauvreté. Tout cela n'est qu'un aspect seulement de la réalité africaine.

L'échec prévisible des Objectifs du millénaire lancés par les Nations Unies, montre que pour l'Afrique, comme pour le reste du Tiers monde, la réalité sociale est à la fois plus complexe et plus dramatique. Les Africains ont tout perdu : notre langue, notre histoire, nos traditions, nos arts, etc.14(*)Les maux qui en découlent ont causé :

- l'absence de l'Afrique là où l'on décide de son destin, des grands centres de décision du monde parce que c'est le lot des faibles.15(*)

- la dépendance, au moyen des néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière le masque de la coopération.

- le vide spirituel. En dépit du fait que la Tradition africaine est bien vivante dans des campagnes africaines, le vide spirituel est béant.

L'objectif ultime était de créer un vide spirituel. En effet, « le vide spirituel est peut être la conséquence la plus dramatique de cette paupérisation. Ce vide fait de ravages dans des quartiers surpeuplés des villes, où le menu peuple, aux prises avec les dures réalités d'une vie quotidienne souvent inhumaine, se laisse exploiter par les marabouts et les charlatans de toutes catégories. Même dans la campagne où la tradition n'est pas morte, les maîtres à penser, les maîtres à prier, les maîtres à guérir sont devenus rares »16(*). Cette idée est peut-être celle qui a fondé l'ossature de son combat.

Pourtant, les peuples africains sont ceux habitués, familiarisés avec une tradition millénaire de contact avec l'au-delà, et à qui le christianisme corrobore la grandeur qui, portant offre souvent une piètre doctrine faite des formules momifiées, outrecuidantes, inintelligibles.17(*) L'Amérique latine a à cause entre autre de la théologie de libération est devenue aujourd'hui le berceau de savoirs et des institutions de l'émancipation (la justice transitionnelle ,la vérité -réconciliation, les budgets participatifs, etc.)

L'Afrique est débordée, « ce sont les familles qui implorent pour leurs enfants une éducation que ni l'Etat, ni l'école importée, ni la société traditionnelle, n'arrivent à leur donner »18(*).

Et « la pire misère c'est la déchéance morale ; la corruption, la vénalité qui rongent nos sociétés et nos institutions »19(*). L'Afrique « aux foules plongés dans l'ignorance, le sous-développement, la déchéance morale et la corruption,... »20(*). Les jeunes sont livrés à la fumée des idéologies. Mveng s'est attaqué à la racine de mal pour « rendre à l'homme africain sa dignité, son identité, sa présence au monde ».21(*)

« Qui, en Afrique, est pauvre, et qui ne l'est pas ? Tout le monde vit dans l'incertitude et l'insécurité, les Chefs d'Etat et leurs ministres, les fonctionnaires, le soldat, le policier, le travailleur, le chômeur, le paysan, la population des villages, celles de la ville,... Tout échappe à l'homme africain ; il n'est sûr ni de son indépendance, ni des richesses de son sol et de son sous-sol. Il n'a le contrôle ni de son or, ni de son uranium, ni de son pétrole, ni de son cuivre, ni de ses diamants, ni de ses bois précieux, ni de son cacao, ni de son café, ni de sa banane, ni de son coton. Pour comble de malheur, la famille, la solidarité, l'autorité, l'encadrement tribal si chaud, si tonifiant, tout a été miné à la base par le système colonial, tout ou presque tout, a été pulvérisé »22(*). Ce sont ici les paroles de ce regretté digne fils d'Afrique, Prêtre camerounais, Engelbert Mveng qui montre l'ampleur et la profondeur des désastres.

Pour Engelbert Mveng, « la colonisation était un système de paupérisation anthropologique d'asservissement et de dépendance ».23(*)C'est ce que nous appelons lutte d'élimination raciale régnante bien différente de la lutte de classe. L'Afrique n'est pas encore entrée dans la lutte de classe. La lutte de classe a été précédé par l'annihilation anthropologique à travers l'esclavage comme négation de ce qu'on appelle les droits de l'homme, la négation pure et simple de notre humanité à la suite de la lutte bestiale et darwinienne d'élimination : « la prétendue sélection naturelle ».

Ce qui est plus important ce que la pauvreté économique et sociologique dont souffre le peuple est le résultat de son aliénation par les forces d'exploitation et d'oppression occultées, nous avons plus besoin de liberté que de pain. S'en sont suivis les néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière le masque de la coopération. De là il est possible de lutter véritablement contre tous les maux qui y découlent : la discrimination sous toutes ses formes, le désarmement, les injustices sociales, le droit révolutionnaire des peuples.

L'homme africain incarne au cours des cinq derniers siècles, le type même du pauvre, du faible, de l'opprimé. Voilà donc la réalité africaine, telle qu'elle est vécue, ici, à tous les niveaux. Il faut donc s'attaquer du mal à la racine, la cognée est à la racine de l'arbre : il faut s'attaquer à la racine du mal africain. Dans son livre intitulé, l'Afrique dans l'Eglise, paroles d'un croyant, il présente le problème africain comme la perpétuation de la dépendance.

Notre méthode est simple, elle consiste à analyser le contexte de l'Afrique pour y déceler sa singularité, « le point de départ est l'analyse du contexte dans lequel vivent les communautés concernées ». Ce contexte s'avère être un contexte d'oppression et d'injustice. La paupérisation anthropologiquerenvoie à une situation semblable, où « la condition humaine est une condition de précarité, de fragilité. ... Cette situation embrasse l'homme, tout homme, tous les hommes (africains), à tous les niveaux »24(*).

Qu'il suffise de prendre quelques mots de Mveng pour s'en rendre compte : « Dans l'Afrique des indépendances, ils sont légions, selon le mot du poète, ces princes (... )qui sont venus nus de leur provinces, ont tout perdu, leur langue, leur histoire, leurs traditions, leurs arts, leur société, et tous les trésors spirituels qui ont fait la vitalité de leurs peuples. Il n'y a rien de plus tragique qu'un peuple qui a perdu ses racines, et qui se trouve, sans guide et sans soutien, livré à l'océan déchaîné de l'histoire contemporaine, à la merci de faux timoniers qui souvent ne sont que des tyrans ou d'aveugles aventuriers drogués par un pouvoir de marionnettes  manipulé de l'extérieur. Les pauvres d'Afrique ne sont pas seulement quelques clochards, quelques mendiants aux recoins des rues. Ce sont des peuples entiers, errants, dans la nuit, enivrés des slogans, bâillonnés, muselés, attelés à des trains fous, dans les scènes dantesques de désespoir.»25(*)

Les noirs ont été « assimilés aux bêtes de somme, et exploités pendant plus de trois siècles dans les plantations du nouveau monde »,26(*) au nom des falsifications bibliques, notamment la malédiction de Cham. Puis vint la colonisation, préparée par la gigantesque campagne philanthropique de l'abolition de la Traite. L'Afrique en sortie exsangue et étranglée. Pour Léopold II de Belgique, un Jules Ferry de France, les africains sont de grands enfants, par conséquent le partage de l'Afrique est tout à fait normal27(*).

Une telle situation pour Engelbert Mveng un aveuglement et une perversion ontologique pour une Europe qui se croit supérieure.28(*) Le refus aux autres d'être le créateur de leur destin, au nom du plus fort. Le destin des peuples noirs perpétue leur anéantissement anthropologique. Ayant passé loin de génocide, les noirs passent à l'ethnocide, c'est-à-dire à la mort de leur âme, de leur culture, de leur identité, au spectacle précipité de la fin de leur histoire, de la « fin des Temps ».29(*)

L'assimilation elle-même abolissait notre identité et notre droit à la différence, c'était une des formes extrêmes de paupérisation anthropologique. 30(*)La philanthropie paternaliste nous revient sous la forme de lutte contre la pauvreté aujourd'hui, PPTE : pays pauvres très endettés.

* 13Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, L'Harmattan, Paris, 1985, p.209.

* 14 Ibidem, p.210.

* 15Ibidem, p.211.

* 16Ibidem, p.211.

* 17Ibidem.

* 18 Ibidem, p.212.

* 19Ibidem, 212.

* 20Ibidem, p.213.

* 21Ibidem, p.213.

* 22Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, L'harmattan, Paris, 1985, p.207.

* 23Ibidem, p.207.

* 24Ibidem, p. 201.

* 25Ibidem, p.210.

* 26 Engelbert MVENG, l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, p.204.

* 27Ibidem,p.204.

* 28Ibidem,p.206.

* 29 Ibidem,p.206.

* 30 Ibidem, p.208.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault