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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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CHAPITRE QUATRIÈME :

LES PROBLÈMES DES SCIENCES ÉCONOMIQUES EN AFRIQUE

Le système capitalisme et l'Afrique

Dans le contexte précolonial et colonial, dans une visée plutôt empirique, trop peu d'études ont été menées justement selon Jean - Pierre Olivier de Sardan : « on doit souligner l'existence d'études ponctuels sur les paysanneries africaines,... qui ont eu le mérite de souligner l'existence de rationalités proprement économiques au sein des campagnes africaines. (...) Les rationalités paysannes, bien que différentes des postulats des « développeurs » ou du modèle de l'homo-oeconomicus des théories néo-liberales, n'en étaient pas moins des rationalités, et des rationalités proprement économiques, dont on pouvait rendre compte sans invoquer les fameux « blocages culturels » ou les interdits religieux ».175(*) Au Congo la paysannerie est organisé suite à l'élimination dramatique des noirs du fait des travaux forcés et des massacres , stratégie coloniale qui permet de régénérer la démographie tant soit peu jusqu'à la date de l'indépendance.

« Le structuralisme a donné à l'anthropologie française une forte impulsion et un écho international puissant dans les années 60. Mais la problématique `intellectualiste' propre à Lévi-Strauss et les thèmes sur lesquels il a impulsé les recherches (parenté, mythologie) n'ont guère incité à considérer avec beaucoup d'attention les mutations socio-économiques dont l'Afrique était à la même époque le théâtre.(...) c'est seulement « l'anthropologie marxiste africaniste (qui) a principalement porté sur les périodes précoloniales et coloniales ,et non sur les mutations contemporaines en cours. Le « développement » était même souvent conçu comme un objet indigne d'étude, (...) relevant purement et simplement d'une dynamique impérialiste depuis longtemps connue. »177(*)

En Afrique antique, selon Marx, le divorce du travail et des conditions du travail ne sont pas réalisées, l'agriculture et l'industrie domestique sont restées liées dans l'activité villageoise. La société à Mode de Production Asiatique, ne recèle pas assez de forces internes pour développer la contradiction fondamentale jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'à la dissolution de la propriété collective et l'apparition de la propriété privée individuelle du sol. Il appelle ça la contradiction fondamentale des sociétés M.P.A., le fait qu'une production « capitaliste d'Etat » se développe sur des bases communautaires caractérisées par l'appropriation collective de la terre. Pour Karl Marx plusieurs raisons justifient à propos l'immutabilité de l'Afrique antique et voit dans l'autarcie économique une des raisons de la stagnation de l'Afrique ou de l'Etat à Mode de Production Asiatique.

Pour Marx ,la condition de la production capitaliste réside dans le divorce entre travail et les conditions du travail ,il est nécessaire que les masses paysannes villageoises soient expropriées pour devenir des travailleurs aliénés ,ne possédant plus les moyens de production et n'ayant que leur force de travail à vendre ,soit au fermier campagnard, soit au chef d'entreprise des villes : cette main-d'oeuvre salariée est la condition nécessaire et suffisante pour que naisse et fonctionne le système capitaliste.178(*)

Autrement dit, on peut dire que « Marx a découvert dans le rapport salaire/capital le nouveau principe organisateur ».179(*)Du point de vue moderne « l'institution du salariat - (...) permet l'apparition d'une classe sociale de libres producteurs, dégagés des liens traditionnels définis par l'organisation féodale du travail et des corporations- (qui) devient le noyau d'un système de droit privé  qui ne s'est à vrai dire complètement développé qu'au XVII e siècle ».180(*)Jürgen Habermas fait justement valoir à la suite de Marx le fait que le couple salariat et capital, contrat et propriété sont à la base du développement du droit privé. Il ne met pas cependant en exergue la singularité de la modernité occidentale : « on parviendra à une explication plus complexe et, à mon sens dit Habermas, plus pertinente si l'on part de la thèse selon la quelle le potentiel universalisme n'a nullement été l'apanage des traditions Occidentales, mais déjà présent, comme on peut le montrer, dans toutes les conceptions du monde apparues, entre 880 et 300 av .J.-C, en Chine, en Inde, en Grèce et en Israël ».181(*) Notons que Habermas et Marx excluent ici l'Egypte antique.

Il nous semble pertinent de repartir de la théorie marxienne de mode production pour reconstruire le Congo et l'Afrique. Voici un excursus de thèses de Karl Marx reconduite de peu par Jürgen Habermas :

- Dans les premières grandes civilisations d'Egypte, de Mésopotamie, de la Chine ancienne, de l'inde ancienne et de l'Amérique précolombienne, la terre est propriété de l'Etat, administrée par la classe sacerdotale, l'armée et la bureaucratie, avec quelque résidus de propriété communale de village (c'est ce qu'on appelle mode de production asiatique ou africain).

- Dans les sociétés primitives, le travail et la distribution sont organisés grâce aux relations de parenté, il n'y a pas d'accès privé à la nature et aux moyens de production (c'est le mode de production du communisme primitif).

- En Grèce, à Rome et dans les autres sociétés méditerranéennes, le propriétaire privé de la terre a à la fois la position d'un maître despote régnant sur les esclaves et des journaliers dans le cadre d'une économie domestique et la position d'un citoyen libre dans la communauté politique de la ville ou de l'Etat (c'est le mode de production antique) ».182(*)

Nous émettons de ce qui précède des réserves pour une analyse qui n'intègre pas l'Afrique antique, mais privilégie le processus de la modernité occidentale incrustée dans les principes de salariat et le contrat et développement subséquent du système de droit privé.

Marx n'a pas analysé en profondeur la lutte bestiale d'élimination raciale à la base de l'esclavagisme et de la colonisation. Cette perspective est différente d'une exploitation de la lutte de classe. Ainsi, sommes-nous d'avis que « la compréhension des débats contemporains autour de la philosophie du droit (par exemple) suppose une double mise en perspective : d'une part, celle de l'histoire, en envoyant les lecteurs vers des problématiques antiques... (et ce terrain doit encore être défriché), d'autre part en tentant de dessiner assez précisément les contours des constructions théoriques multiples et souvent concurrentes du XXe siècle ».183(*) Les problématiques antiques doivent remonter jusqu'à tous les grands foyers de cultures. C'est-à-dire, mettre au clair des doctrines qui conditionnent en grande partie les débats contemporains. C'est une structure hétéronomique de l'histoire.

Bien sûr, cette approche invite à une discussion dans le cadre plus large d'une philosophie politique et juridique alors que les recherches en philosophie de droit de notre temps se rattachent à des approches bien nombreuses (le néo-pragmatisme, la phénoménologie, l'empirisme logique, les sciences humaines, la sémiotique ou la psychanalyse). Le prolongement des courants plutôt traditionnels avance aussi dans le sens des travaux sur des concepts employés pour déterminer le fond du droit, i.e .le concept de citoyenneté. Ces genres des concepts matériels étant susceptibles d'évolution à partir de certaines contraintes notamment technologiques, politique, économique (i.e. la mondialisation) ou de celles liés à la forme ou à la structure du droit, et de leurs présupposés philosophiques ; pour Marx le Droit fige les rapports de dominations.

Jean-Cassien Billier et Aglaé Maryoli , dans leur ouvrage intitulé Histoire de la philosophie du droit ,Armand Colin,/VUEF ,Paris,2001,commencent leur livre par un thème me semble -t-il important ,celui de la fondation problématique grecque de la raison, ipso facto de la raison juridique  : « L'enjeu d'une telle question a toujours été trop considérable pour admettre une réponse simple et univoque : il s'agit de rien de moins que de revendiquer une identité philosophique et politique de l'Europe face au reste du monde (chinois ,indien, musulman...(l'auteur n'a pas mis africain, nous ajoutons africain)),voire à l'exclusion du reste du monde ».184(*) Déjà plusieurs interprétations sont en jeu, de quelle Grèce s'agit-il ? « Il y a la Grèce de Heidegger, celle de Hannah Arendt, Leo Strauss, de Michel Foucault, etc., puis celle des Historiens, et, parmi eux, des historiens du droit ».185(*)

* 175176 Jean - Pierre Olivier de SARDAN, Anthropologie et développement ; Essai en socio-anthropologie du changement social, Apad- Karthala, Collection `Homme et société',1995, Paris, p.32.

* 177 Jean - Pierre Olivier de SARDAN, Anthropologie et développement ; Essai en socio-anthropologie du changement social, Apad- Karthala, Collection `Homme et société',1995, Paris, pp.29, 32.

* 178 Cheik Anta Diop

* 179 Jürgen HABERMAS, Après Marx, Fayard, édition française, Paris, 1985, p.226.

* 180 Jürgen HABERMAS, Après Marx, Fayard, édition française, Paris, 1985, p.226.

* 181Ibidem,p.233.

* 182 Jürgen HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.118.

* 183 Jean-Cassien BILLIER et

Aglaé MARYIOLI, Histoire de la philosophie du droit, Armand Colin,/VUEF , Paris, 2001, p.7. 

* 184Ibidem,p.14 .

* 185Ibidem.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius