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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME :

LES PRÉSUPPOSÉS ONTOLOGIQUES DE L'ACTION SOCIALE ET DES SYSTÈMES : LA VISION SOUS-JACENTE

Les deux visions des sciences sociales s'élaborent à partir des lois qui régissent la réalité sociale. La position réaliste défend le modèle classique de la science et postule plus ou moins explicitement l'existence d'un ensemble des lois immuables, c'est-à-dire un ordre sous-jacent en tant qu'a priori incontournable ayant un impact déterminant sur le fonctionnement de la réalité sociale. L'enjeu ici, c'est que cette option peut conduire au réalisme naïf.

A l'opposé, le conventionnalisme postule le fait que ce seraient les êtres humains et non les lois de la nature qui feraient que la réalité soit telle qu'elle est et qu'elle fonctionne comme elle fonctionne en se fondant notamment sur leur propre langage. Les structures symboliques composent la réalité, les individus contribuent à « construire » le monde dans lequel ils vivent, un monde en quelque sorte « négocié » collectivement de manière plus ou moins délibérée et ayant un sens pour eux.  La position conventionnaliste postule le fait que, ce que nous appelons  « réalité » est en fait toujours le produit d'une élaboration symbolique et n'a aucune existence indépendante des catégories et des conventions propres à un imaginaire ou un discours social donné, y compris le discours scientifique. C'est le constructivisme ontologique.

L'enjeu ici est que, l'on applique au « discours » scientifique, le principe conventionnaliste ou constructiviste qui conduit tout droit au relativisme consistant à traiter l'activité scientifique essentiellement comme une « culture », c'est-à-dire un ensemble des conventions et de présupposés partagés par les chercheurs d'une société et d'une époque. Dans cette optique le thème de la « construction sociale de la réalité sociale »fait partie de l'a priori disciplinaire et peut donc dire que finalement, tout est construit, y compris les quarks en tant que constituants fondamentaux de la matière en micro physique, qui sont une convention admise par eux et qui ne renvoient à aucune « réalité » existante indépendamment des concepts scientifiques et de l'esprit humain. La question de la construction de la réalité socialedébouche finalement sur le débat de la relativité de la connaissance et sur le relativisme culturel.

La réalité sociale revêt un certain nombre des caractéristiques : ils ne peuvent être saisis en eux-mêmes, sinon par l'entremise des représentations ; ainsi le savoir des sciences sociales n'est jamais totalement dégagé de son objet et l'évolution de la vision de la « réalité sociale » a accompagné l'édification des sciences sociales.

La construction de la réalité sociale est un programme qui reconstruit les sciences sociales et humaines classiques à partir de ces postulats. Cette reconstruction est menée sous les auspices de ce qu'il conviendrait d'appeler aujourd'hui l' « ontologie sociale », en tant qu'étude des principes d'émergence et du mode d'existence de la réalité sociale. L'ontologie sociale est aussi ce que nous appelons volontiers la « cosmogonie sociale » en tant que discours sur les présupposés d'une métaphysique pratique démarquée de la surdétermination d'une métaphysique formelle universitaire. Cette activité scientifique est entrain d'envahir les sciences sociales. Le motif, ce qu'il s'agit de tenter de cadrer théoriquement plus adéquatement le changement continuel et profond de la réalité sociale. Il s'agit au demeurant, du point de vue de la philosophie, d'une préoccupation fondatrice et ancienne en philosophie.

Pour échapper au piège d'engluement soit à l'empirisme soit à l'idéalisme, il faut s'engager avec lucidité et discernement dans une démarche qui, tout en reconnaissant que le monde est donné, mesure à sa juste valeur l'autonomie et le pouvoir reconstructeur de la raison humaine. C'est la démarche intégrative que John Searle justement propose.

Tous les fondateurs des sciences sociales partagent une vision philosophique des fondements, de mode de création, des propriétés et de l'existence de la « réalité sociale ». Cette vision s'étend en droit, en sociologie, en anthropologie, en ethnologie, en sciences économiques, en sciences politiques, en relations internationales, en sciences de la communication, etc.

Les perspectives de refondation, de réévaluation, de rénovation, de redéfinition de la « réalité sociale » africaine, comme par ailleurs le projet de rénovation en général renvoient à une problématique philosophique pérenne de l'Etre et du Devenir. La philosophie pérenne, pour le cas de la redéfinition, de l'émergence et de l'effondrement de la « réalité sociale », demande de pratiquer le modèle d'analyse mettant la philosophie du Devenir au coeur de l' « ontologie sociale ». Signalons que la question des principes d'émergence de la réalité sociale intègre celle de son maintien.

Ces perspectives concernent le conflit entre le réalisme et le constructivisme comme visions ontologique et épistémologique du réel social. Et comme plus d'une théorie et de concepts opératoires en sciences sociales se réfèrent à la philosophie de la Nature, la rénovation emprunte sur cette question les voies qui amènent au conflit théorique entre le réalisme et le constructivisme, et à la philosophie de la Nature.

La reforme des sciences sociales a de façon générale une triple dimension : elle concerne premièrement les concepts et théories des sciences sociales qui sont des lunettes au travers desquels le chercheur rend compte des phénomènes sociaux ou de la réalité sociale ; elle table deuxièmement sur les démarches, les méthodes et les techniques en tant que dispositifs de production de connaissance ; et enfin elle s'occupe de la définition de la « réalité sociale » elle-même à laquelle est appliquée la dichotomie réalisme/constructivisme.

A la question théorique et conceptuelle de reconstruction de cette problématique, un des concepts centraux de notre propre hypothèse et de notre reconstruction est justement le concept africain de kheper, une notion familière en philosophie qui renvoie à des traditions africaines à la loi de la transformation du Devenir, notion que nous trouvons dans plusieurs traditions philosophiques. Dans le contexte de cette discussion, ce concept de Kheper est reconstruit en philosophie depuis les présocratiques en passant par René Descartes et Friedrich Leibniz jusqu'aux sciences sociales classiques avec Emile Durkheim et bien d'autres penseurs. Cette reconstruction théorique chez Emile Durkheim, un des fondateurs des sciences sociales, se fait par exemple au moyen d'un concept qui lui est dérivé, celui de l'hylémorphisme du Stagirite, il fonctionne comme un dispositif central de son livre intitulé Les Règles de la méthode sociologique.

En sciences sociales, plusieurs images du monde sont analysées : le scarabée ou kheper, ou encore la version occidentale de l'hylémorphisme, qui sont opérationnalisées dans le modèle de Tout et ses parties, de système et d'action, de la structure et de l'agent, etc. Les images déterminent l'action sociale. Les chercheurs analysent la notion de l'action sociale à partir de différentes visions sur leur nature ontologique. Les images mythiques du monde s'inscrivent dans le processus de rationalisation pour engendrer les sciences modernes. A l'arrière-plan restent la question de la « pensée magique » comme présupposé de ces images mythico-religieuses. Habermas reconstruction sans convaincre cette problématique par le postulat piagetien du passage de contenu à la forme de pensée (l'opérationnalité du formalisme), à l'émergence de la conscience moderne pour spécifier l'occident. C'est la même visée primitiviste.

Disons brièvement que l'on s'intéresse au Tout comme chez Emile Durkheim quand on met en scène le système, la structure ou l'ordre social. Cette structure peut être associée au phénomène de langage et de connaissance (constructivisme) ou au phénomène de l'information (cybernétique), etc. Mêmement on s'intéresse aux Parties, aux agents, aux acteurs ou aux individus sous l'angle des approches actionniste ou intentionnaliste. Les deux pôles sont toujours liés. La théorie de l'habitus est intermédiaire entre la structure et les éléments.

A propos des théories de l'action, entre les sciences sociales et la philosophie, il faut distinguer la différence, par exemple, qui existe entre les théories sociologique de l'action et philosophique de l'action. « La première présuppose ce que la seconde thématise, et principalement l'élucidation de la structure propre à l'activité finalisé (et celle des notions corrélatives de capacité d'agir et du choix rationnel). La théorie sociologique de l'action se désintéresse des problèmes fondamentaux que sont les problèmes du libre arbitre et de la causalité, celui du rapport de l'âme et du corps, de l'intentionnalité, etc., objet aussi bien de l'ontologie, de l'épistémologie et de la théorie du langage.856(*)Le programme épistémologique chez Jürgen Habermas reconstruit le Tout à partir d'une totalisation concrète, non seulement formelle , mais phénoménologique de monde vécu. Les autres approches déconstruisent aussi le Tout avec le postulat de la détotalisation. A partir de l'hypothèse de la détotalisation, il semble aujourd'hui difficile de maintenir la sociologie au niveau de son présupposé essentiel de la primauté de la totalité quand on voit comment se développent les approches actionnistes ou constructivistes qui sont fondées sur les Parties.

Il y a donc plusieurs variantes : la théorie actionniste du choix rationnel en sciences économiques classiques, des approches intermédiaires fondées sur l'entre deux (tout et parties) , telles que l'approche bourdieuéenne de l'Habitus ou searlienne de back ground, ou l'approche habermacienne de la communication ,et parsonienne du « monde vécu ». La reconstruction du pôle individuel part des Parties à proprement parler en s'articulant avec le pôle de l'ordre social ou de la primauté de la totalité. Tout ceci provenant du modèle général de Tout et de ses Parties.

Les grands fondateurs des sciences sociales modernes reconstruisent tous de manières différentes à travers leurs approches les principes de base. En philosophie le modèle équivaut à l'ontologie, c'est-à-dire à la notion du Devenir, au concept grec d'apeiron d'Anaximandre, de l'hylémorphisme de Stagirite et au concept égyptien de Kpr (Kheper).857(*) - cette architectonique théorique fonde les sciences sociales classiques modernes et contemporaines. Il ne serait pas possible que les sciences sociales soient coupées de la philosophie dans la tradition française et belge (Jean Copans).

L'approche pragmatico-cognitive ne déconstruit pas ce programme, il le reconstruit ou l'enveloppe au point de vue de la double approche linguistico-pragmatique et cognitiviste. Ce qui est remarquable c'est que nous avons tout ensemble dans ce programme, les états mentaux et les actes de langage comme support de la représentation de la réalité sociale ; ce qui ne manque pas de renvoyer à son projet actuel qui tend à mettre ensemble : le langage, l'action et l'esprit.

A la question théorique de l'icône, du concept , de signe ou du symbole qui nous permet de lire le projet pragmatico-cognitif, il faut dire que le naturalisme biologique dans lequel il baigne est le type de philosophie où la Nature est celle que découvre la science positive et non la métaphysique. Tout est expliqué par la Nature et la théorie évolutionniste ; d'où la récurrence des questions liées au naturalisme biologique. L'icône ressemble au mode de reproduction de la symbolique de « scarabée égyptien » qui exprime le Devenir et le sacré. Le scarabée illustre le Devenir en ce que pour se reproduire, il dépose son larve dans une bouse qu'il enroule. Après une certaine période, sort un autre scarabée adulte. D'où, la conscience apparait suite à un processus physicaliste et connexionniste du processus neurobiologique et des relations synaptiques. L'esprit dans la Nature soit y oeuvrer soit apparait à un certain niveau. Le dépassement se fait pour nous au moyen de la dimension de sacré qui est laissé de côté dans ce type de naturalisme.

Le constructivisme pragmatico -cognitif doit être un programme a priori dans un contexte de l'anthropologie naturelle, sociale et onto- théologique auquel on fait recours, qui prend en compte théoriquement  les concepts centraux suivants : la matière, la forme, le langage, la parole, les actes de langage pour être précis, les états mentaux tels que le désir, l'intention, la conscience, et enfin le divin.

Notre effort quant à la méthodologie que nous utilisons, consiste à remonter l'approche pragmatico-cognitif au sens de la démonter afin de la recomposer avec l'objectif unique d'atteindre, si cela est possible, le but que la théorie se serait assigné : la domination. Ceci permettrait, ipso facto, d'en donner l'explication au moyen d'une analyse des présupposés sous -jacents anthropologiques et une réflexion plus nourrie qui, pour nous, vise aussi le renouveau théorique des présupposés en sciences sociales et humaines, spécialement en Afrique. Avant même de procéder à une reconstruction de l'approche théorique à travers ses schèmes généraux, ses concepts principaux, il est logique de dire les problèmes que ces concepts centraux posent. Ils ne sont pas créés ex-nihilo.

L'état de la question, la problématique et l'hypothèse ainsi esquissées peuvent déjà laisser percevoir le plan ou les étapes de notre reconstruction. Celle-ci comporte quelques axes importants : le débat sur les problèmes des sciences sociales dans le monde et en Afrique, et la demande de leur réévaluation et de leur reforme. Mettre en exergue les promesses de la théorie de la construction sociale. Présenter la contribution du constructivisme pragmatico - intentionnelle. Dégager la portée de l'oeuvre pragmatico - constructiviste tout en montrant ses limites. Esquisser les perspectives de dépassement des écueils de la théorie constructiviste.

De « Scarabée sacré » à Une bible noire : le problème de mentalité magique et la valeur des principes logiques de l'analogie et de contraste

Jürgen Habermas a semblé montrer, ce qui est faux, les limites d'une pensée magico-mythique en la reconstruisant avec l'émergence de la conscience des temps modernes européens en remplaçant le contenu par la forme de la pensée. Au niveau préopératoire de l'enfant on ne pense pas encore l'abstrait et le formelle (Jean Piaget), c'est le niveau mythique de l'ethnophilosophie. Pourtant, les mythes ne sont pas à évacuer mais à interpréter (Tshiamalenga Ntumba). Toute la science occidentale n'a pas évacué la pensée mythico-religieuse de la science. Heisenberg s'y est essayé sans succès en physique théoriques, d'où le postulat tenace de relations d'incertitudes. C'est le niveau de temps moderne place la pensée formelle toute puissance au point de départ de l'action moderne. L'Afrique en serait dépourvue. C'est l'épineuse question de standardisation et de la normalisation (de la mesure) des savoirs traditionnels en Afrique (savoir médical non normé).

Les sciences modernes, les mythes et l'astronomie sont -ils des savoirs incommensurables ? Dans la négation, il ne serait pas plausible de penser qu'un type de savoir est supérieur à l'autre. L'argument que nous développons ici rejoint aussi la discussion à propos de principe de cadres de référence en sciences ou de schème conceptuel de mémoire culturelle. Son essai de dépassement est une thèse qui présente le principe de la structure analogique des savoirs.

* 856 Voir Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, puf, Paris, 1987, p.414.

* 857 Le livre des morts des anciens égyptiens.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius