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Quel est l'impact de la précarité sur la famille et sur l'enfant?

( Télécharger le fichier original )
par Romain CORDIER
Haute Ecole en Hainaut de Tournai - Educateur Spécialisé 2015
  

Disponible en mode multipage

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Haute Ecole en Hainaut

Campus Pédagogique - Tournai

Rue des Carmes, 19b 7500 Tournai

Tél. : +32 (0) 69 22 55 12

Fax : +32 (0) 69 22 51 03 Section Educateur Spécialisé en

E-mail : peda-tournai@heh.be Accompagnement Psycho-Educatif

Travail de fin d'études :

Quel

est l'impact de la précarité sur la famille, et sur l'enfant ?

EDUCATEUR

FAMILLE

Promotrice : Pascale DURIEUX Lectrice : Bénédicte WANTIER

Année Académique : 2014-2015 ? Session de Juin

Romain CORDIER

«

ous savons bien ce que nos enfants nous doivent, mais pensons-nous à ce que nous leur devons ? Si nous sommes la sécurité de leur existence, ils sont la grâce de la nôtre ».

Marie d'Agoult, Esquisses morales (1849).

2

REMERCIEMENTS :

Je souhaite remercier tout particulièrement Kévin FARINEAU, et l'ensemble de l'équipe éducative de la Maison de Jeunes « Port'Ouverte » pour l'intérêt qu'ils m'ont porté, mais aussi les parents et enfants qui ont su me faire confiance.

Je remercie aussi très chaleureusement Madame Pascale DURIEUX, ma promotrice, et
Madame Bénédicte WANTIER, ma lectrice, pour leurs conseils et leur patience.

Enfin, j'ai une pensée profonde pour ma mère, Orthophoniste du Monde, qui a consacré sa
carrière à venir en aide aux plus démunis, et sans qui mon désir d'accompagner les enfants,
n'aurait probablement jamais abouti au métier d'éducateur spécialisé.

3

TABLE DES MATIERES

Introduction :

A. Présentation de ma démarche :

6

8

 

I.

 

Quelle institution ?

8

 

II.

 

Quelles valeurs ?

8

 

III.

 

Qu'ai-je mis en place ?

10

 

B.

 

Précarité et Pauvreté, la spirale infernale :

22

 

I.

 

Définitions générales et spécifiques des deux termes :

22

 
 

1.

Précarité :

23

 
 

2.

Pauvreté : absolue ou relative ?

24

 

II.

 

Chiffres Récents :

26

 

III. Impact global sur le corps social :

28

 
 

1.

Qui sont les familles concernées ?

29

 
 

2.

Chômage et exclusion sociale :

30

 
 

3.

La santé, en général :

34

C.

 

La famille comme premier lieu d'apprentissage :

39

 

I.

 

Rappel historique de la place de l'enfant dans la cellule familiale :

40

 

II.

 

La vision du rôle parental dans les moeurs :

43

 
 

1.

Le devoir de transmission des connaissances :

43

 
 

2.

Le devoir d'assurer un équilibre physique et psychologique :

45

 
 

3.

Quelle distribution des rôles parentaux ?

47

 
 

III. Réalité du terrain :

50

 
 

1.

Des difficultés liées à l'éducation des parents eux-mêmes :

50

4

2. Leur propre vision du rôle de parent : 51

D. L'impact de la précarité sur l'enfant : 54

I. Représentation négative d'eux-mêmes : 54

II. Comportements : 56

III. Santé/hygiène : 57

1. Sur le plan psychologique : 57

2. Sur le plan physique : 61

3. Des difficultés dans le parcours scolaire : 65

E. Les outils de l'éducateur ou l'éducateur-outil en Maison de Jeunes : 67

I. Sur le plan familial : 67

1. Etre à l'écoute des situations familiales : 67

2. Fixer des objectifs à court et à long terme : 69

II. Sur le plan scolaire : 70

1. Renforcer l'importance de l'Ecole des devoirs : 70

2. Sensibiliser l'établissement scolaire sur les difficultés de l'enfant : 72

III. Sur le plan culturel et citoyen : 74

1. Ouverture culturelle : 74

2. Ouverture citoyenne : 75

IV. Etre en relation avec les institutions d'aides : 77

Conclusion : 79

Table des Sources : 81

Annexe : 83

5

INTRODUCTION :

Avant même le début de mes études d'éducateur spécialisé, j'avais déjà la volonté de vouloir travailler dans le milieu du social, et notamment avec les enfants. Mon stage de première année, centré sur les problèmes de délinquances et de décrochages scolaires, m'a véritablement conforté dans ce choix. C'est pourquoi j'avais la réelle ambition d'effectuer mon dernier stage dans ce même type de structure. Cependant, mes recherches en la matière n'ayant pas abouties, je me suis tourné vers les Maisons de Jeunes, et il se trouve que « Port'Ouverte » a été favorable à ma venue.

Très vite, les comportements, les attitudes, mais aussi les tenues et l'hygiène de vie des enfants qui fréquentent cette Maison de Jeunes, m'ont interpelé. Pantalon trop grand, nervosité quotidienne, chaussures trouées, agressivité, ongles longs et sales, carence affective, tant de signes témoignant d'une détresse sociale manifeste. J'ai remarqué que, souvent en déshérences, ces jeunes bénéficiaient de peu de moyens pour relever la tête et affronter la dureté du milieu dans lequel ils tentent d'évoluer. Et je me suis rendu compte que nous ne connaissions pas vraiment les familles de ces enfants, que nous n'avions qu'un point de vue extérieur de ce qu'elles vivent réellement. En effet, les parents prennent très rarement le temps de discuter avec l'équipe, soit parce que leur logement se trouve à proximité des locaux et que les enfants rentrent seuls, soit parce qu'ils n'ont pas le temps, soit parce qu'ils n'en n'ont pas l'envie ou le besoin. Et la finalité première de l'association n'est pas de régler les problèmes de pauvreté de ces gens, mais j'ai pensé que connaître leur chemin pourrait permettre à l'équipe d'ouvrir de nouveaux horizons éducatifs, et, à long terme, de laisser une trace, aussi mince soit-elle, dans le paysage terni de ces enfants et de ces familles.

En ce sens, qui sont ces familles ? Comment en sont-elles arrivées là ? Qu'en est-il de leur intégration sociale ? Et les enfants, comment vivent-ils cette situation ? La précarité et la pauvreté n'ont-t-elles pas aussi une influence sur leurs parcours et leur développement ? Et comment l'éducateur peut-il intervenir sur ces situations en Maison de Jeunes ?

6

Toutes ces questions ont peu à peu dessiné les contours d'une problématique qui m'a semblé évidente : quel est l'impact de la précarité sur la famille et sur l'enfant, et comment, au sein d'une Maison de Jeunes, l'éducateur spécialisé peut-il intervenir ? Evidemment, un premier postulat voudrait que cet impact influe à tous les niveaux de l'existence, sur la sphère publique et sociale comme sur la sphère privée et familiale. Je peux aussi imaginer que les domaines de l'emploi et de la santé sont notamment affectés. Mais si je ne me contentais que de ces hypothèses, je n'entrerais jamais dans le vif du sujet, et ne comprendrais jamais les rouages et les conséquences que ces situations particulièrement difficiles peuvent engendrer, et notamment si les rencontres avec les parents sont compliquées, voire inexistantes.

C'est pourquoi il m'a semblé essentiel de créer un questionnaire dans le but de recenser un maximum d'informations sur les conditions de vie des familles et des enfants, mais aussi sur leur vision de l'éducation, leurs relations familiales, leurs parcours de vie en somme. Les résultats de ce questionnaire seront donc le support et la justification de tout mon Travail de Fin d'Etudes, en plus de mes observations, de mes ateliers, de mes activités, et de mes recherches théoriques sur le sujet.

Mon développement sera le suivant : je commencerai par expliquer l'engrenage de la précarité et de la pauvreté, et notamment l'impact global sur le corps familial. Puis j'évoquerai la façon dont la famille est perçue comme le premier lieu des apprentissages de l'enfant, et surtout comment l'enfant hérite du parcours de ses parents. Ensuite, je tâcherai de prouver à quel point la précarité et la pauvreté affectent tous les domaines de la vie de l'enfant, et portent atteintes à ses droits les plus fondamentaux. Et enfin, j'apporterai des pistes de réflexions en évoquant les outils de l'éducateur, ou l'éducateur-outil en Maison de Jeunes.

7

A. PRESENTATION DE MA DEMARCHE :

I. QUELLE INSTITUTION ?

La Maison de Jeunes Port'Ouverte est une Association à But non Lucratif dont l'histoire débute en 1971 dans la ville de Tournai, à l'initiative d'un groupe de personnes soucieuses du devenir de certains jeunes du quartier. Mais ce n'est qu'en janvier 1998, après de multiples changements de noms et d'adresses, que Port'Ouverte sera reconnue en tant que Maison de Jeunes en milieu spécifique de Catégorie 1. L'entretien, l'aménagement et le financement des locaux seront alors assurés par les jeunes eux-mêmes et par les partenaires financiers (Subsides, Lion's Club, Loterie Nationale, et particuliers).

En janvier 2013, l'ASBL et Ecole des Devoirs « Du Pains sur la Planche » est dissoute, Port'Ouverte reprend alors l'activité de cette dernière, et ce, dans les mêmes conditions et dans les mêmes locaux, c'est-à-dire dans le quartier du Luchet d'Antoing, diversifiant ainsi son plan d'action communal.

L'association est constituée d'une équipe pluridisciplinaire de 7 personnes. On y retrouve les métiers d'éducateurs spécialisés, d'animateurs socio-culturels, d'un coordinateur, et d'ouvriers polyvalents. Tous concourent au même objectif : assurer la bonne application du plan d'action et diversifier le plus possible les ateliers et activités proposées.

II. QUELLES VALEURS ?

Port'Ouverte, comme son nom l'indique est une Maison de Jeunes ouverte à tous, avec cependant une limite d'âge qui est de 12 à 26 ans. Ses principaux membres sont issus des quartiers avoisinants, à savoir le Vert-Bocage, Carbonnelle et le quartier de la Culture. Ce qui témoigne d'un bon ancrage de la maison de jeunes dans son environnement local. Le nombre total de jeunes bénéficiant d'une carte membre s'élevait à 165 en octobre 2014. Il est évident

8

que ce chiffre représente une globalité, et non une réalité en termes de fréquentation journalière. Certains souscrivent pour un atelier en particulier, d'autres ne viennent que pour y passer du bon temps.

Du côté du quartier du Luchet d'Antoing, sur les rives de l'Escaut, se trouve « Luch'Ouverte ». Implantée au pied des immeubles, la tranche d'âge acceptée y est plus large qu'à Port'Ouverte, allant de 4 à 21 ans. L'équipe compte trois éducateurs spécialisés, et une moyenne de deux à trois stagiaires en permanence. La fréquentation y est moins importante (environ une trentaine d'inscrits), mais plus régulière. En effet, j'ai pu remarquer qu'il existait un noyau central constitué d'une quinzaine d'enfants et de jeunes adolescents.

La finalité principale de l'association est de favoriser l'épanouissement des enfants et des jeunes, en les inscrivant dans une démarche de citoyenneté active, critique et responsable, et ce, au travers d'un vecteur essentiel : la culture. En favorisant l'accès à la connaissance pour les jeunes, Port'Ouverte facilite l'ouverture au monde qui les entoure, et tente ainsi de développer chez eux un esprit critique et objectif.

Afin d'atteindre ces finalités, et de préparer les jeunes à leur émancipation, l'association propose un panel d'activités et d'ateliers culturels tels que la cuisine, la photo, le bricolage, le RAP, le sport, l'informatique, le cinéma, les séjours culturels, les spectacles, le tout en créant des liens avec de nombreux partenaires (Infor Jeunes, Masure 14, Canal J, le CJWAPI, ou encore le Service d'Aide à l'Intégration Sociale). De plus, face aux difficultés d'apprentissages, à l'absentéisme récurrent et au problème du décrochage scolaire, l'association se veut Ecole Des Devoirs, et incite ainsi les jeunes à être acteurs de leur scolarité. Une aide particulière concernant la recherche de formations et la rédaction de CV et lettres de motivations est notamment dispensée.

9

III. QU'AI-JE MIS EN PLACE ?

Comme je l'ai précisé dans l'introduction, les enfants et les jeunes adolescents qui ont fréquenté la Maison de Jeunes durant la période de mon stage sont, pour la plupart, issus de familles monoparentales ou recomposées vivant dans des situations de précarité et de pauvreté. Je ne parle pas ici d'extrême pauvreté, mais plutôt de cette nouvelle misère qui gagne peu à peu les foyers partout en Europe. Ces familles qui ne trouvent plus d'emploi stable, et qui peinent à boucler les fins de mois. C'est une réalité qui ne cesse d'augmenter face à la crise sociale et économique que nous connaissons depuis plusieurs années.

Mais qui sont-elles vraiment ? Quels sont leurs parcours ? Comment éduquent-elles leurs enfants ? Comment les enfants perçoivent-ils leur situation ? Qui sont ces parents aux multiples difficultés ?

Outre les différentes activités et ateliers que j'ai pu mettre en place, et au vu des questions que j'ai pu me poser sur le terrain, j'ai alors décidé de réaliser un questionnaire adressé à ces enfants et à leurs parents, et de consacrer mon TFE au thème de la précarité et de la pauvreté, et notamment leurs impacts sur l'enfant.

Pour le questionnaire aux parents, la première partie est consacrée aux informations générales des répondants, à savoir : le statut du répondant, le niveau d'étude, s'il bénéficie d'une aide financière ou non, etc. Le but étant de concentrer un maximum de renseignements pour dresser le portrait socio-économique de ces adultes. La seconde partie consiste en une série de phrases auxquelles il faut répondre si l'on est d'accord ou non, portant sur la vision qu'ont les parents de l'éducation de leurs enfants en général, et de leurs relations entre eux en particulier. Enfin, la troisième partie est une évaluation de l'Ecole des Devoirs permettant de mettre en lumière les remarques des parents, et éventuellement, de modifier certains points.

10

11

En voici un exemplaire :

QUESTIONNAIRE D'INFORMATIONS SUR LA FAMILLE

Dans le cadre d'un travail de fin d'étude portant sur les relations entre parents et enfants, je vous propose de répondre à quelques questions sur vous-même et sur votre famille.

Tous les renseignements fournis sont soumis au secret professionnel et seront exclusivement utilisés sous forme anonyme.

Chère madame, cher monsieur,

Je vous remercie pour le temps que vous accorderez à cette étude et je vous prie de croire à l'expression de mes meilleurs sentiments.

1. INFORMATIONS SUR LES REPONDANTS (PARENTS OU SUBSTITUTS)

1.1 Statut(s) du (de la) répondant(e) :

mère 11 belle-mère (1) 11 tutrice 11

père 11 beau-père (1) 11 tuteur 11

Les deux parents ensembles

11

11

1.2 Êtes-vous actuellement?

- marié(e) ou en union libre stable (conjoint de fait depuis 1 an et plus)

- parent seul (famille monoparentale) 11

1.3 Lorsque vous avez quitté l'école, à quel niveau scolaire étiez-vous? Si vous avez repris des études par la suite, indiquez la dernière année achevée.

1.4 Quel est le diplôme le plus élevé que vous ayez obtenu?

1.5 Que faites-vous actuellement (ou faisiez-vous) comme travail (ou dernier travail)? Indiquez la profession (le métier).

1. Je n'ai jamais occupé d'emploi rémunéré régulier. 11

2. Je n'ai pas actuellement d'emploi rémunéré régulier 11

3. J'ai actuellement un emploi rémunéré régulier 11
Si 3, veuillez indiquer la profession exercée :

1.6 Êtes-vous actuellement bénéficiaire du chômage ou du Revenu Insertion Sociale (R.I.S) ?

- n'est pas bénéficiaire du chômage ou du R.I.S. 11

- bénéficiaire du chômage 11

- bénéficiaire du R.I.S. 11

2. INFORMATIONS SUR VOTRE(VOS) ENFANT(S) :

2.1 Veuillez indiquer combien d'enfant(s) à votre charge vivent à la maison?

2.2 Veuillez indiquer dans quel groupe d'âge se situe(nt) votre(vos) enfant(s) :

de la naissance à 4 ans 11 de 4 à 6 ans 11 de 6 à 9 ans 11 de 9 à 12 ans 11

Plus de 12 ans 11

12

2.3 Veuillez précisez si votre enfant a du retard à l'école :

2.4 Avez-vous des enfants qui vivent à l'extérieur du domicile familial ?

Oui 11 Non 11

2.5 Votre(vos) enfant(s) participe(nt)-t-il(s) à une ou plusieurs activités extra-scolaire (sportive, culturelle, etc.) Si oui, laquelle/lesquelles ?

QESTIONNAIRE SUR LE(S) ROLE(S) DU/DES PARENT(S)

Dans ce questionnaire, je vous demande de m'indiquer votre accord ou votre désaccord par rapport à chacune de ces phrases. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, il s'agit seulement d'opinions.

Je vous remercie pour le temps que vous accorderez à cette étude et je vous prie de croire à l'expression de mes meilleurs sentiments.

Chère madame, cher monsieur

Les énoncés qui vous sont soumis comportent deux possibilités de réponse. Si vous êtes d'accord avec l'énoncé, veuillez écrire 1 dans la case de gauche. Si vous êtes en désaccord avec l'énoncé, veuillez écrire 2.

? Un jeune éduqué librement réussira mieux qu'un jeune éduqué sévèrement. 11

? Un parent doit le plus souvent dire «oui» que «non» à son enfant. 11

? Etre parent, c'est être à l'écoute des besoins de son enfant. 11

13

ri

· Je suis conscient que mon enfant a besoin d'un cadre stable pour se développer convenablement (sécurité, hygiène, amour, etc).

· Lorsque mon enfant est près de moi, je lui montre que je fais attention à lui. ri

· Le père a le rôle de l'autorité, et la mère a le rôle de l'affectivité. ri

· Un parent qui a dit «non» à son enfant ne doit jamais revenir sur sa décision. ri

· J'ai souvent l'impression que je n'ai pas assez d'influence sur mon enfant. ri

· Je laisse rarement mon enfant libre de faire ce qu'il veut. ri

· En tant que parent, je dois impérativement transmettre des connaissances à mon ri
enfant.

· Le plus souvent, lorsque mon enfant fait quelque chose de bien, je le souligne et ri
l'encourage à continuer dans ce sens.

· Je suis inquiet du devenir de mon enfant. ri

· Je démontre à mon enfant que je l'aime, même s'il fait des bêtises. ri

· J'ai souvent de la difficulté à comprendre pourquoi mon enfant agit comme il le ri
fait.

· Je préfère laisser mon enfant faire ce qu'il veut plutôt que de provoquer sa colère. ri

· Lorsque mon enfant me décrit ce qu'il a fait à l'école, je le félicite. ri

14

? Mon enfant se comporte rarement comme j'aimerais qu'il le fasse. ri

? Lorsque mon enfant a des devoirs (en dehors de l'EDD), je les fais avec lui. ri

? Si mon enfant vit dans une situation précaire, il y a des chances que cela se ri

répercute sur son développement (affectif, social, scolaire, etc).

? Je dois absolument avoir une vie saine pour bien éduquer mon enfant. ri

? Je me laisse rarement décourager par les agissements de mon enfant, même si je ri

les trouve inacceptables.

QUESTIONNAIRE D'EVALUATION

DE L'ECOLE DES DEVOIRS

Il s'agit d'un questionnaire strictement anonyme, vos remarques sont donc les bienvenues !

1. Les méthodes proposées pour aider votre enfant vous semblent :

Très appropriées ri Inappropriée ri

Appropriées ri Très Inappropriée ri

2. En général les impressions de votre enfant envers l'ensemble des actions proposées par l'EDD sont:

Très bonnes ri Moyennes ri

Bonnes ri Mauvaises ri

15

3. Avez-vous remarqué des progrès dans les résultats de votre enfant depuis son inscription à l'EDD ?

Fortement 11 Probablement pas 11

Assez 11 Pas du tout 11

4. Recommanderiez-vous l'EDD à un(e) ami(e) ou à un membre de votre famille dont l'enfant en aurait besoin ?

Fortement 11 Probablement pas 11

Assez 11 Pas du tout 11

5. Avez-vous des remarques particulières à faire concernant l'EDD ?

Merci de votre collaboration, et à bientôt !

Enfin, le questionnaire destiné aux enfants se présente de la même façon : une première partie sur les informations générales (l'âge, le nombre de frères et soeurs, avec qui il vit, etc), une deuxième partie avec des phrases auxquelles il doit répondre s'il est d'accord ou non (relation avec ses parents, à l'école, ses conditions de vie, etc), et enfin une dernière partie sur l'évaluation de l'Ecole des Devoirs (savoir s'il voit des progrès, s'il aimerait que ses parents participent, etc.).

16

En voici un exemple :

QUESTIONNAIRE AUX ENFANTS n°1

Dans le cadre d'un travail de fin d'étude portant sur les relations entre parents et enfants, je te propose de répondre à quelques questions sur toi et ta famille.

Tous les renseignements donnés sont soumis au secret professionnel et seront exclusivement utilisés sous forme anonyme. Tu dois donc répondre le plus honnêtement possible.

Je te remercie pour le temps que tu accorderas à ce questionnaire !

1. INFORMATIONS SUR LE/LA REPONDANT(E) :

1.4 Dans ma famille, je suis :

L'aîné(e) 11 Le/la cadet(e) 11 , et nous sommes 11 enfant(s).

1.5 Mon âge se situe entre :

6 et 9 ans 11 9 et 12 ans 11 12 et 14 ans 11 14 et 18 ans 11 18 ans et plus 11

1.6 A la maison, je vis avec :

Papa et Maman 11 Que Maman 11 Que Papa 11 Mon tuteur/tutrice 11 Autre (précise en dessous) 11

1.7 A l'école, je suis en (indique ton année d'étude) :

1.8 A l'école, j'ai une ou plusieurs années de retard. Si oui, indique combien :

Oui 11 Combien ? Non 11

17

1.9 En dehors de l'école, je fais une activité :

Sport 11 Musique 11 Danse 11 Cuisine 11 Aucune 11 Autre (Précise) 11

QESTIONNAIRE n°2

Dans ce questionnaire, je te demande de m'indiquer ton accord ou ton désaccord par rapport à chacune de ces phrases. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, il s'agit seulement d'opinions.

Je te remercie pour le temps que tu accorderas à ce questionnaire !

Les phrases que tu vas lire nécessitent deux types de réponse :

- Si tu es d'accord avec ce qui est écrit, mets un 1 dans la case. - Si tu n'es pas d'accord avec ce qui est écrit, mets un 2.

Exemple : Je dois toujours obéir à mes parents (Tu n'es pas d'accord, donc tu dois mettre un 2) -* 11 2

? Un enfant peut faire ce qu'il veut à la maison. 11

? A la maison, je peux faire mes devoirs dans le calme. 11

? J'ai une chambre pour moi tout seul. 11

11

? Le matin, le midi et le soir, je mange toujours à la même heure.

? Quand je ne suis pas d'accord avec mes parents, je leur dis calmement. 11

18

· Quand je fais une bêtise, c'est souvent papa qui me dispute. 11

· L'hiver j'ai suffisamment chaud dans la maison. 11

· Je me sens en sécurité chez moi. 11

· Un parent a le droit de lever la main sur son enfant pour le punir. 11

· A la maison, il m'arrive parfois d'entendre parler de drogue. 11

· Le plus souvent, c'est moi qui m'occupe de mes frères et soeurs. 11

· Je préfère être dehors avec les copains plutôt que de rester à la maison. 11

· Mes parents me montrent souvent qu'ils m'aiment. 11

· A l'école, on peut m'aider si je suis en difficulté pour faire mes devoirs. 11

· Si on me fait du mal, il y a des adultes en dehors de ma famille, avec lesquels je pourrais parler librement.

11

 

· Je fais des sorties avec mes parents. 11

· Etre propre (du corps et des vêtements), c'est important pour moi. 11

· Mes parents m'aident à faire mes devoirs quand l'EDD est fermée. 11

· Tous les enfants ont les mêmes chances de réussir dans la vie. 11

· Mes parents s'intéressent à ce que je fais à l'école. 11

19

? Ce n'est pas parce que j'ai des difficultés que je ne vais pas réussir. 11

? J'ai des vêtements à ma taille et en bon état. 11

? Je comprends l'importance d'aller à l'école. 11

QUESTIONNAIRE n°3

Il s'agit d'un questionnaire strictement anonyme, tes remarques sont donc les bienvenues !

1. Les méthodes proposées pour m'aider me semblent :

Très appropriées 11 Inappropriée 11

Appropriées 11 Très Inappropriée 11

2. En général, mes parents sont satisfaits du travail que je fais à l'EDD :

Absolument 11 Pas du tout 11

Assez 11 Ils ne m'en parlent pas 11

3. As-tu remarqué des progrès dans tes résultats depuis ton inscription à l'EDD ?

Fortement 11 Probablement pas 11

Assez 11 Pas du tout 11

20

4. Recommanderais-tu l'EDD à un ou une ami(e) qui en aurait besoin ?

Fortement 11 Probablement pas 11

Assez 11 Pas du tout 11

5. Aimerais-tu que tes parents participent à l'EDD avec toi ?

Oui 11 Oui, mais pas tout le temps 11 Non 11

6. As-tu des remarques particulières à faire concernant l'EDD, un(e) animateur(trice), en général ?

Merci de ta collaboration, et à bientôt !

Au total, dix parents et seize enfants ont accepté de répondre au questionnaire. Pour les autres, je ne les ai soit, pas rencontrés, soit, pas convaincus. Mais les résultats1 de cette recherche m'ont permis de mettre en relief bien des aspects que je ne pouvais percevoir autrement, tant les familles s'enferment dans leur mutisme, et les enfants dans leur enfance égarée.

Comme précisé dans l'introduction, cette recherche, ce recueil de témoignages, sera le support de mon développement.

1 CF : Annexe pour les résultats des questionnaires.

21

B. PRECARITE ET PAUVRETE, LA SPIRALE INFERNALE :

Face à l'état de crise sociale dans laquelle se trouve l'Europe toute entière, un constat visible et prévisible est à faire : les pauvres sont de plus en plus pauvres, et le seront de plus en plus. Alors que l'année 2010 était, pour l'Union Européenne, l'année de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, on observe partout des politiques de rigueurs et des coupes budgétaires dans les domaines de la santé, du logement et de l'aide sociale.

Cette crise d'ampleur générale affecte particulièrement les familles pauvres, et leur dignité, en tant que personne à part entière, est souvent mise à mal. L'état de précarité dans lequel elles se trouvaient déjà, ne cesse alors de s'accroître. C'est un fait. Mais qu'est réellement la pauvreté ? Repose-t-elle sur des critères particuliers ? Comment est-elle définie ? La pauvreté et la précarité sont-elles indissociables l'une de l'autre ?

I. DEFINITIONS GENERALES ET SPECIFIQUES DES DEUX TERMES :

Dans cette partie, je tâcherai de recenser les différentes définitions qui englobent les termes de pauvreté et de précarité. Je partirai des définitions les plus communément admises par la société, pour arriver à celles qui, sur le plan sociologique, sont les plus illustratrices du point de vue du sujet qui m'intéresse.

22

1. PRECARITE :

Si l'on se penche sur les définitions du dictionnaire « Larousse », on peut lire :

? Précarité : État, caractère de ce qui est précaire : La précarité des moyens d'existence.

Ce qui nous amène à :

? Précaire : Qui n'offre nulle garantie de durée, de stabilité, qui peut toujours être remis en cause : Santé précaire. Emploi précaire. Qui est d'une sécurité douteuse : Un abri précaire.

La précarité est donc ici synonyme d'état instable, où lorsqu'une personne ou une famille toute entière se trouve amputée d'une ou plusieurs des sécurités qui leur permette de pouvoir bénéficier de leurs droits les plus fondamentaux. Ces sécurités sont nombreuses et englobent le travail, les revenus, le logement, l'accès aux soins, à l'école et à l'instruction, l'accès à la culture, le lien familial, le lien social en somme.

Cependant, la précarité la plus récurrente est encore et toujours celle de l'emploi. Il est donc important de préciser le lien étroit qui unit la précarité de l'emploi à la pauvreté et aux autres difficultés qui en découlent. Patrick Cingolani l'explique d'ailleurs très bien : « la précarité, traduite en revenus insuffisants et aléatoires, est l'antichambre de la pauvreté, le début de la désocialisation, l'impossibilité de faire des projets, le début d'un parcours où il devient possible de passer de tout à rien, parce que la maladie ou la séparation ajoutent leur lot de problèmes à celui des difficultés monétaires d'existence. »2

Ainsi, c'est le cumul des diverses situations de précarité vécues par une personne ou une famille toute entière qui peut conduire à un état de pauvreté latent. On peut donc vivre dans une société pauvre sans précarité comme on peut vivre précaire dans une société riche. La précarité serait plus à considérer comme un facteur

2 CINGOLANI Patrick, Coll. Que Sais-Je ?, éd. PUF, 2005.

23

de risque de pauvreté. Pour le Père Wrésinski3, la précarité est « l'absence d'une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux personnes et familles d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence, qu'elle devient persistante, qu'elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible ».

Ainsi, la précarité peut engendrer la pauvreté, et la pauvreté peut engendrer la précarité.

2. PAUVRETE : ABSOLUE OU RELATIVE ?

La vision de la pauvreté dans les moeurs est souvent directement liée à l'insuffisance de revenu monétaire. Ainsi, une personne est considérée comme pauvre lorsqu'elle n'a pas de ressources suffisantes pour vivre dignement dans la société dans laquelle elle se trouve. Il s'agit ici de vivre dans un état de pauvreté, c'est d'ailleurs la façon dont le dictionnaire français Larousse définit ce terme :

? « Pauvreté, nom féminin (latin paupertas,-is). État de quelqu'un qui est pauvre : Vivre dans la pauvreté. »

Aujourd'hui, les économistes et les sociologues affinent cette définition et répertorient, deux types particuliers de pauvreté : la pauvreté « absolue », et la pauvreté « relative ».

La pauvreté dite « absolue », ou « grande pauvreté » désigne la difficulté totale ou partielle d'accéder aux besoins les plus fondamentaux : se nourrir convenablement, avoir accès à l'eau potable, avoir un logement décent, etc. Ces personnes sont dans une lutte continue pour survivre. Et si ce type de pauvreté touche plus particulièrement les pays en voie

3 WRESINSKI Joseph, fondateur d'ATD Quart Monde, Rapport : Grande pauvreté et précarité économique et sociale, 1987.

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de développement, l'Union Européenne n'est pas en reste : c'est le cas par exemple des sans-abris ou des populations Roms.

En revanche, si l'on poursuit, dans ce même dictionnaire, la recherche à partir de l'adjectif « pauvre », on retrouve, en première position, une vision directement liée au principe de richesse :

? « Pauvre, adjectif (latin pauper, -eris). Qui a peu de ressources financières, peu de biens : Ses parents étaient trop pauvres pour qu'il fasse des études.

C'est sur base de ce type de définition, qui considère qu'une personne n'est pauvre qu'à partir de son revenu, qu'Eurostat, statisticien en chef de l'Union Européenne, mesure le seuil de pauvreté dans les pays de l'UE. Celui-ci part du principe qu'il y a pauvreté lorsqu'une personne se trouve en dessous de 60% du revenu médian européen (revenu séparant la population en deux, c'est-à-dire que la moitié de la population a un revenu plus élevé, et l'autre moitié, un revenu inférieur). La gravité du problème varie donc fortement d'un pays à l'autre en fonction du niveau de vie de la majorité des citoyens. C'est ce que l'on appelle la « pauvreté relative ».

Enfin, une définition officielle a été retenue par l'Union Européenne : sont pauvres « les personnes dont les ressources matérielles, culturelles et sociales sont si faibles qu'elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l'État membre où elles vivent ».

Néanmoins, ces définitions « officielles » ne reflètent pas la réalité quotidienne des personnes en situation de pauvreté, et se limitent à l'aspect purement économique en omettant les difficultés humaines et sociales qui en découlent. Il est donc très important de cumuler les indicateurs de logements, d'emplois, de santé, et d'intégration sociale, qui ensemble, peuvent alors donner une idée précise des caractéristiques des familles touchées par la pauvreté.

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II. CHIFFRES RECENTS :

Nota Bene : L'utilisation des chiffres et statistiques ne sert ici que d'illustration, et ne sauraient en eux-mêmes, résumer les difficultés présentées plus haut puisqu'ils ne sont basés que sur trois critères : la pauvreté monétaire, la privation matérielle grave et la faible intensité de travail. Les données utilisées tant au niveau belge qu'européen, permettant de mesurer la pauvreté et l'exclusion sociale, proviennent de l'enquête EU-SILC (European Union Statistics on Income and Living Conditions) et d'EuroStat réalisée en 2013.

Taux de pauvreté basé : sur le revenu, la privation matérielle grave, et la faible intensité de travail. Réalisé par : l'Indicateur Européen de Pauvreté, Belgique, EU-SILC 2013.

 

Personnes à
risque de
pauvreté
monétaire (%)

Personnes
appartenant à un
ménage confronté à
une privation
matérielle grave

Personnes (0-59) appartenant à un ménage à faible intensité de travail

(%)

 
 

(%)

 

Total

 
 
 
 

15,1

5,1

14,0

Homme

 
 
 
 

14,6

5,5

14,0

Femme

 
 
 
 

15,5

4,7

14,0

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Taux de risque de pauvreté (<60% du revenu net médian) par type de ménage, la
Belgique, SILC 2013 (revenus 2012)

Ménage d'une personne total

24,5

Ménage d'une personne 65homme

27,0

Ménage d'une personne 65- femme

18,4

Ménage d'une personne 65+ homme

25,5

Ménage d'une personne 65+ femme

22,3

2 Adultes pas d'enfant dépend. (au moins une pers. 65+)

16,9

2 Adultes, pas d'enfant dépend. (tous les deux -65)

8,7

Autre ménage pas d'enfant dépend.

6,0

Tous les ménages sans enfant dépendants

15,3

Ménage monoparental avec enfants dépendants

34,2

2 Adultes, 1 enfant dépend.

10,6

2 Adultes, 2 enfants dépend.

7,8

2 Adultes, 3 enfants dépend. ou

plus

19,9

Autre ménage avec enfants

11,9

Tous les ménages avec enfants dépendants

14,9

La case surlignée en rouge est celle qui illustre de la façon la plus pertinente la réalité de la situation du public auquel j'ai été confronté durant mon stage à la Maison de Jeunes « Port'Ouverte ». En effet, les résultats des questionnaires que j'ai réalisé ont mis en valeur le fait que la plupart des familles des jeunes concernés étaient monoparentales, et que les situations de pauvreté et de précarités dans lesquelles elles se trouvaient, étaient alors plus fortes que celles des familles entières.

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Taux de risque de pauvreté (<60% du revenu net médian) selon l'âge, la Belgique, SILC
2013 (revenus 2012)

 

Risque de pauvreté

Total

15,1

0-15

16,8

16-24

17,0

25-49

13,8

50-64

11,8

65 et +

18,4

Les cases surlignées ici représentent les chiffres les plus important du point de vue qui m'intéresse, c'est-à-dire les enfants et les jeunes entre 4 et 21 ans, tranche d'âge la plus représentée à la Maison de Jeune « Port'Ouverte », et qui avec les 65 ans et plus, est la plus sujette aux situations de pauvreté et de précarité.

III. IMPACT GLOBAL SUR LE CORPS SOCIAL :

Comme je viens de l'expliquer, la pauvreté et la précarité des familles engendrent des difficultés à plusieurs niveaux, et englobent dans la plupart des cas la totalité de la sphère sociale : l'emploi, le logement, l'exclusion, la santé, l'éducation, la stabilité du foyer familial en général, etc. Il est important de retenir que chacune de ces problématiques sont intimement liées, et que l'une entraine l'autre, et inversement.

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1. QUI SONT LES FAMILLES CONCERNEES ?

Avant de poursuivre le développement, il est nécessaire de faire un point rapide sur les types de familles concernées. Comme j'ai pu le dire auparavant, j'ai réalisé un questionnaire aux parents et aux enfants, afin de récolter un grand nombre d'informations importantes pour mon Travail de Fin d'Etudes. Les familles dont je vais parler ici, sont toutes issues d'un milieu précaire situé dans le quartier du Quai d'Antoing à Tournai. Je mettrai en parallèle de la théorie, les données recensées via les questionnaires.

i. Les familles monoparentales en première ligne :

De toutes les recherches effectuées sur le thème de la précarité des familles, je peux tirer une conclusion : les familles monoparentales sont les plus fragilisées. Ce constat s'explique simplement par le fait que ces parents seuls n'ont, de fait, qu'un salaire pour survivre, mais aussi moins de temps à consacrer à leur emploi, puisque l'éducation des enfants monopolise la quasi-totalité de leur temps libre. Bien que les Allocations Familiales existent, les fins de mois sont toujours difficiles à vivre, et les revenus d'aide ne permettent souvent que de payer les soins médicaux des enfants, ou de se permettre un « extra » en termes d'alimentation.

Selon l'Entretien de la Petite Enfance 2011, réalisé par Dominique VERSINI4, ancienne défenseure des enfants : « (...) les familles monoparentales, en augmentation, sont particulièrement vulnérable. 32,6 % des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté, 85 % de ces familles sont des mères qui élèvent seules leurs enfants ».

Une réalité que j'ai pu constater sur le terrain, puisque sur les 10 parents interrogés, 8 sont des mères, dont 6 sont des mères seules. Les 2 dernières sont pour l'une, en union libre depuis au moins un an, et pour l'autre, mariée. Les deux hommes restant sont un père seul, et

4 VERSINI Dominique, Entretien de la Petite Enfance, 2011.

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un beau-père en union libre depuis au moins un an. Sur les 6 mères seules, 2 ont un emploi rémunéré régulier, les 4 autres n'en n'ont pas actuellement, ou n'en n'ont même jamais eu, et 4 ont plus de deux enfants à charge.

ii. Les familles nucléaires s'en sortent mieux :

Qu'elles soient liées par un contrat de mariage, ou en union libre, ces familles ont moins de difficultés à affronter le quotidien. Cela va de pair avec l'opportunité de pouvoir combiner deux salaires, ou encore de parvenir à diviser les tâches élémentaires : par exemple, l'un s'occupe des enfants, l'autre s'occupe de l'emploi. Une division ancestrale certes, mais qui permet d'assumer plus paisiblement la garde des enfants, qui peut s'avérer parfois couteuse (à mettre en parallèle avec la pénurie de places en crèches et pouponnières).

Dans ce sens, parmi les 10 parents interrogés, 5 ont un emploi, et de ces cinq, 3 sont des familles nucléaires, et ont toutes un niveau d'étude plus élevé que les autres parents.

2. CHOMAGE ET EXCLUSION SOCIALE :

Dans notre société occidentale développée, le travail a acquis une valeur sociale indéniable. Il est devenu une nécessité, car on ne travaille pas quand on veut, mais on doit travailler pour se nourrir, avoir un logement, payer l'éducation de ses enfants, etc.

De plus, il n'est pas seulement un moyen nécessaire pour vivre, il permet aussi d'avoir une identité, des liens avec le groupe socialisant secondaire, c'est-à-dire l'ensemble des personnes ne faisant pas parties du cercle familial. Il permet ainsi de

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s'inscrire dans la société et d'y trouver sa place. Avoir un emploi est aussi un facteur important de limitation du risque de pauvreté, ce qui signifie inéluctablement que ne pas en avoir, place la personne concernée dans un état de précarité, où le lendemain est toujours incertain.

Comment donc joindre les deux bouts lorsqu'au sein d'une famille, aucun des deux parents n'a d'emploi ? Et quand bien même un des deux parents travaille, cela reste encore insuffisant pour viser une autonomie financière totale et assurer paisiblement l'avenir de sa progéniture.

i. Sur le terrain :

Si l'on prend en plus en considération les faibles niveaux d'études des parents qui ne permettent pas d'occuper des emplois à forte rémunération, ni à temps complet, la spirale précarisante devient alors infernale. D'ailleurs, sur les 10 parents interrogés, 2 n'ont aucun diplôme et ont arrêté leurs études à la 5ème année Primaire, 6 ont obtenu le diplôme de secondaire inférieur, 1 est diplômé en couture et le dernier en boulangerie-pâtisserie.

Au travers du questionnaire que j'ai réalisé, j'ai pu constater que sur les 10 parents interrogés, 4 n'ont jamais occupés d'emploi rémunéré régulier, 1 n'a actuellement pas d'emploi rémunéré, et 5 ont un emploi rémunéré régulier. Sur les 5 parents qui n'ont pas d'emploi, 4 sont bénéficiaires du RIS, et 1 est bénéficiaire du chômage, et du Revenu d'Insertion Sociale (R.I.S.). La réalité du terrain est là, en dehors des données officielles, les familles vivent pour la plupart, bien en dessous du seuil de pauvreté, avec comme seul revenu, une aide externe. Et ce n'est certainement pas la tendance économique de ces dernières années qui inversera la courbe du chômage. Au vu de l'explosion des Contrats à Durées Déterminées, la stabilité de l'emploi est de plus en plus mise à mal. Ces changements économiques entraînent un sentiment grandissant d'insécurité, et dans bien des cas, une augmentation du degré de pauvreté.

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Lors des entretiens que j'ai pu avoir avec eux après qu'ils aient complété le questionnaire, beaucoup m'ont fait part de leur peur de ne pas trouver de travail, se rappelant avec nostalgie l'époque où ils étaient à l'école, et où ils avaient un cercle d'amis bien plus important qu'aujourd'hui. Ce qui m'amène à évoquer le phénomène d'exclusion sociale, provoqué par la situation de chômage de longue durée.

ii. Le phénomène d'exclusion sociale par le travail :

C'est à partir de la crise énergétique et pétrolière des années 70, qui entraîna une transformation radicale du monde du travail dans l'Europe Occidentale (passant de 50 000 à 600 000 chômeurs en Belgique), que le chômage s'est installé de façon permanente et structurelle dans la société, c'est-à-dire qu'il fait, à présent, partie intégrante de la structure sociale du pays. Et être au chômage aujourd'hui, signifie n'avoir de relations sociales qu'avec la sphère familiale et avoisinante au domicile conjugal. Bon nombre de personnes sans emploi ne sont ainsi plus intégrées socialement, une intégration sociale qui se fait d'ailleurs à deux niveaux :

4 au niveau de l'ensemble de la société : c'est la cohésion sociale, c'est-à-dire la modalité du lien qui existe entre les membres d'une société. Elle s'oppose au concept d'anomie (nomos = valeurs, et a- sens privatif, c'est donc l'absence de valeurs) d'Emile DURKHEIM5. Ce concept désigne une société qui n'intègre pas ces individus car il n'y a pas assez de règles, de normes, de valeurs ou parce qu'elles changent trop vite. Ainsi, lors de périodes de crises ou de changements, l'intégration sociale ne fonctionne pas.

4 Au niveau individuel : c'est la socialisation, l'individu est intégré et socialisé. Cela s'oppose à l'exclusion sociale, c'est-à-dire au processus par lequel un individu occupe progressivement une position socialement reconnue comme extérieure. Ce n'est pas un

5 DURKHEIM Émile, De la division du travail social, 1893.

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état mais un processus progressif dans le temps, comme par exemple l'accumulation de situations de précarité par exemple.

L'exclusion sociale par le travail dont je parle ici est donc marquée par une extériorité, où la personne est perçue comme différente, mais aussi comme inférieure. La perte d'emploi affecte donc l'intégration de l'individu dans la société de manière nuancé. C'est ainsi que Dominique SCHNAPPER6 le décrit suivant 3 types de rapport au chômage :

4 le chômage total : qui est la perte du statut social, un repli sur soi et une rupture du principe de solidarité (honte d'eux-mêmes et honteux d'être au chômage).

4 Le chômage inversé : où la personne au chômage s'investie dans des activités autres que le travail (le milieu associatif, le bénévolat, etc). Ici, l'exclusion n'est pas vraiment vécue.

4 Le chômage différé : c'est lorsque la personne passe un temps complet à chercher du travail en gardant le même rythme qu'auparavant (se lever à la même heure, s'habiller de la même manière, etc). La personne essaie de résister à la perte du statut de travailleur.

iii. L'intériorisation de la situation d'exclusion :

Cette exclusion, provoquée par le chômage, induit inévitablement que la personne exclue soit reconnue comme telle par ses pairs, mais cela passe aussi par l'acceptation personnelle de cette situation perçue comme dégradante. L'approche de Serge PAUGAM7 illustre très bien cette prise de conscience stigmatisante en analysant les processus d'exclusion au travers de ce qu'il appelle « l'étiquetage » :

" (...) les exclus s'inscrivent dans un processus de disqualification sociale à partir du moment où ils admettent d'être désignés comme pauvres par des institutions officielles et leurs représentants (travailleurs sociaux, élus, etc..), la dépendance vis à vis des services d'actions

6 SCHNAPPER Dominique, L'épreuve du chômage, 1981.

7 PAUGAM Serge, La disqualification sociale: essai sur la nouvelle pauvreté, 1991.

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sociales et les intérêts réciproques des travailleurs sociaux qui désignent, et des assistés qui sont désignés ".

3. LA SANTE, EN GENERAL :

Comme je viens de l'expliquer plus haut, les familles aux situations économiques difficiles, ont souvent perdu le soutien de leur entourage immédiat et parfois se sentent plus généralement « exclues » que les autres. C'est ainsi que l'on retrouve un taux de morbidité important, et de nombreux problèmes de santé chez cette population. Et sur l'ensemble de l'échelle sociale, un constat général peut être fait, toutes pathologies confondues : la mortalité est plus élevée en bas qu'en haut de l'échelle, et la quasi-totalité des maladies y sont plus fréquentes chez les populations en situation de pauvreté que chez celles qui sont plus aisées.

Et s'il n'existe pas de « pathologie des pauvres », il y a cependant des risques bien plus grands de contracter des maladies physiques et psychologiques, de souffrir d'un manque d'hygiène, d'avoir une plus grande propension d'adopter des conduites à risques, ou encore d'avoir des difficultés à se nourrir convenablement lorsque l'on bénéficie d'un bas revenu. Autant de problèmes qui compliquent davantage le quotidien de ces personnes. Et dans le sens de l'engrenage de la précarité : plus elles sont fragilisées, plus elles ont du mal à se soigner, plus elles ont du mal à retrouver un emploi, et donc une place dans la société.

i. Des difficultés d'accès aux soins :

Il est évident que les personnes les plus pauvres ont plus de mal à accéder aux soins médicaux que les plus riches, bien que le système de santé en Belgique soit relativement

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efficace. Cela s'explique notamment par les faibles revenus des ménages, largement amputés par la déduction des impôts, des assurances, des loyers, des transports et autres dépenses essentielles à la vie dans notre société, et qui ne laissent pour ces familles que quelques euros par jour, souvent utilisés pour se nourrir.

C'est ainsi que le rapport annuel 2013 de la Mutualité Chrétienne, basé sur une enquête en ligne de 21 900 personnes en situation de pauvreté, fait un état des lieux alarmant des inégalités sociales en matière de santé. En effet, cette étude met en lumière les chiffres suivants : 43 % des personnes interrogés doivent reporter des soins pour des raisons financières, il s'agit essentiellement de personnes en invalidité (31 %), au chômage (28 %) et des isolés avec enfants (23 %).

On voit donc ici qu'il existe une réelle difficulté pour les familles pauvres d'accéder à des soins médicaux sans devoir se « serrer la ceinture », et ce, notamment auprès des spécialistes. En effet, c'est une dépense qui est plus souvent reportée que le loyer, surtout dans les familles nombreuses ou monoparentales. Au détriment, malheureusement, de soins dentaires, entraînant des maladies de l'appareil digestif : 11 % des plus pauvres souffrent de caries contre 6 % du reste de la population, de consultations de contrôle chez le médecin généraliste : 20,8 % des personnes de moins de 50 ans ayant un bas revenu n'ont pas consulté de médecin au cours de l'année 2007, contre 12% pour le reste de la population. Et encore plus alarmant, les personnes les plus pauvres sont également moins bien couvertes : 22 % d'entre elles n'ont pas de complémentaire santé contre 7 % du reste de la population.8

ii. Des consommations d'alcool, de tabac et autres drogues :

Les personnes touchées par la pauvreté rencontrent notamment un plus grand risque de contracter des maladies cardio-vasculaires et pulmonaires, et ce, à cause d'une plus grande

8 DE SAINT POL Thibaut, La santé des plus pauvres, division des conditions de vie des ménages, Insee, octobre 2007.

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consommation de tabac, d'alcool, et parfois de drogues, souvent engendrée par le stress et le désir d'oublier la situation dans laquelle elles se trouvent.

Dans ce sens, j'ai pu observer dans mon lieu de stage, des familles souvent confrontées aux problèmes de la drogue, et notamment des drogues dures. En effet, lors d'une activité manuelle avec les plus jeunes, l'un d'eux, alors âgé de 7 ans, m'a fait une déclaration assez marquante : « J'suis défoncé, j'ai trop pris de coke ! » m'a-t-il dit. J'ai immédiatement questionné mon éducateur référent, qui m'a fait comprendre que les parents de ce dernier étaient cocaïnomanes depuis un certain temps, et qu'il était possible que les enfants les aient déjà aperçus en pleine prise.

J'ai aussi pu remarquer sur le terrain, de nombreux parents venant chercher leurs enfants dans des états d'ébriétés manifestes, ou encore avec les yeux vitreux et des comportements suspects, témoignant d'une prise de drogue évidente, sans que nous puissions véritablement intervenir. D'ailleurs, dans le questionnaire que j'ai adressé aux enfants, je leur ai donné la phrase suivante : « A la maison, il m'arrive parfois d'entendre parler de drogue », et il se trouve que 3 enfants sur 16 m'ont répondu qu'ils étaient d'accord, soit 18,7% des répondants.

iii. Une santé mentale fragilisée :

Outre les problèmes de santé physiques et les consommations de tabac, d'alcool et de drogues, s'ajoutent souvent des troubles psychologiques relevant plus souvent du « mal-être » que de la maladie mentale. On retrouve par exemple de nombreux cas de dépressions et de tendances suicidaires, notamment induites par une situation de stress généralisé, inévitablement provoqué par la spirale de la précarité et de l'exclusion sociale qui en découle.

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Le sentiment d'infériorité, ou encore de bouc-émissaire, est aussi très souvent mentionné dans les recherches sur le sujet, tout comme le fait que ces personnes ressentent leur vie comme un échec, et éprouvent une certaine honte de vivre dans le besoin.

iv. Le problème de la négligence alimentaire : la malnutrition :

J'ai aussi pu constater au travers de mes recherches, que le thème de l'alimentation est de plus en plus souvent mentionné, et est même devenu un enjeu national, notamment depuis l'arrivée du « 5 fruits et légumes par jour ». Il n'est pas ici question d'une sous-nutrition, mais plutôt d'une malnutrition provoquée par plusieurs facteurs :

- un manque d'équipement culinaire, de connaissances, et de temps, engendrent un repli systématique vers les plats de types « préparés » ou « livrés »,

- des difficultés économiques rendant impossible l'achat d'aliments sains, entraînant des excès et des carences dans plusieurs domaines. En effet, les difficultés socio-économiques des familles les poussent de plus en plus à se tourner vers des aliments de type « hard discount », souvent très riches en protéines, et de très mauvaise qualité en termes d'apport vitaminique,

- une déstructuration du lien social lors de la prise des repas dans la famille, provoquée par la désynchronisation des rythmes de vie. C'est-à-dire que le moment du repas n'est jamais le même pour tous les membres de la famille : « (...) à l'irrégularité des rythmes de sommeil correspond l'irrégularité des horaires et sauts de repas ; à l'isolement engendré par la désorganisation de la cellule familiale répond la solitude et le désintérêt vis-à-vis des repas, etc. L'alimentation n'assume plus son rôle structurant, mais suit et renforce les contraintes sociales et familiales rencontrées par les individus. »9

9 Enquête CORELA, 2005.

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Et en effet, 62,5% des enfants interrogés admettent qu'ils ne mangent jamais à la même heure le matin, le midi et le soir.

L'ensemble de ces facteurs engendrent bien souvent une malnutrition, qui elle-même, engendre l'obésité. Il est d'ailleurs important de noter que le risque d'obésité est cinq fois plus élevé en cas de précarité économique, sociale ou psychoaffective. Cette malnutrition conduit également à diverses carences qui augmentent le risque de maladies cardio-vasculaires, de cancers, d'anémie, ou d'ostéoporose. L'obésité est également deux à trois fois plus présente chez les personnes à faible niveau d'éducation.10

Ce premier volet, essentiellement basé sur ce que j'ai voulu nommer « Précarité et pauvreté, la spirale infernale », illustre de façon non exhaustive, l'étroitesse des liens qui unissent la totalité des difficultés que peuvent rencontrer les familles, et l'engrenage qui en découle lorsqu'elles se trouvent dans une situation de précarité.

Ainsi, le chômage de longue durée peut donc influer sur l'état de pauvreté, et conduire le plus souvent, à une exclusion sociale, qui empêche alors la personne de reprendre sa place dans la société. L'état de pauvreté peut aussi engendrer des problèmes de santé physique et/ou mentale, qui, à leurs tours, pourraient priver la personne de trouver un emploi, et ainsi de suite. Tous les schémas sont possibles, et aucun n'est réellement fixé. Il n'existe que des familles en difficultés, souvent en rupture avec les services d'aide sociale, et qui, tant bien que mal, tentent de sortir du gouffre qui les englouti.

Mais comment en sont-elles arrivées là ? Est-ce simplement par manque d'éducation ? D'argent ? De volonté ? N'ont-elles pas subi la situation de leurs ascendants ?

10 CAVAILLET F., DARMON N., LHUISSIER A., REGNIER F., L'alimentation des populations défavorisées en France. 2005.

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C. LA FAMILLE COMME PREMIER LIEU

D'APPRENTISSAGE :

S'il est un lieu particulier où l'enfant doit pouvoir établir les bases de tout apprentissage, c'est, avant l'école, le foyer familial. Idéalement, et selon les différents textes de protection des droits de l'enfant, les parents ont pour responsabilité première l'éducation et la protection de leur progéniture. Ils doivent veiller à l'épanouissement personnel de ces derniers, en instaurant un climat familial de bonheur, d'amour et de compréhension mutuelle au sein de la famille : « c'est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l'enfant qu'incombe au premier chef la responsabilité d'assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l'enfant ». 11

La place de l'enfant dans le noyau familial est donc perçue comme centrale aux yeux des autorités publiques et étatiques. Les parents sont tenus d'éduquer leurs enfants selon les meilleures dispositions possibles, puisque ce sont eux qui transmettent les premières règles sociales, qui favorisent le processus de socialisation, et qui posent le ciment de ce qui sera plus tard, l'identité personnelle de l'enfant.

Mais comment donc éduquer convenablement un enfant lorsque sa propre situation est synonyme d'instabilité et de fragilité ? Comment parvenir à assumer pleinement son rôle d'éducateur/protecteur au sein d'une société qui met de plus en plus l'accent sur le devoir de « réussite sociale » ? Comment faire face à la pression des images de familles « parfaites » et soudées, envoyées en flux continu par les médias ? Quelle est réellement la vision du rôle parental au sein de notre société, et au sein des familles concernées ?

11 Convention Internationale des Droits de l'Enfant Article 27.2, ONU, 20 novembre 1989.

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I. RAPPEL HISTORIQUE DE LA PLACE DE L'ENFANT DANS LA CELLULE FAMILIALE :

Sans vouloir m'attarder sur une anthropologie de la sociologie de la famille, je vais rappeler brièvement les évolutions qu'elle a subies au fil des époques, et notamment la place de l'enfant dans le foyer familial. Dans un souci de synthétisation, je n'évoquerai que les évolutions de la famille dite, occidentale.

Si l'on remonte à l'étymologie du terme « enfant » dans sa racine latine, on trouve : infans, -antis, qui ne parle pas. On voit ici une conception bien archaïque de la place de l'enfant dans la société de l'époque : il n'avait alors que le droit de se taire. Ainsi, les Gaulois avaient même le droit de vie ou de mort sur les enfants, et les Romains pouvaient, à leur guise, accepter ou refuser un enfant dès sa naissance. C'est le concept de « Puissance Paternelle ». L'enfant était donc plus considéré comme une main d'oeuvre supplémentaire et comme l'assurance d'une descendance de la lignée, que comme le fruit tangible d'un amour partagé entre deux êtres. Rappelons qu'à cette époque, la vision du couple n'était soumise à aucune règle, et que l'adoption de fait ou la polygamie, étaient monnaies courantes, et que la femme était mariée à un homme sans consentement, choisi au préalable par le père.

Il faudra attendre les avancées révolutionnaires de l'Eglise au XVème Siècle pour voir apparaître les prémices de ce qui sera plus tard, la famille nucléaire. En mettant l'accent sur le consentement mutuel des époux, l'Eglise donnera alors plus d'intimité au couple, leur laissant ainsi le soin de désirer un enfant ou non. C'est à partir de là que ce dernier prendra peu à peu une place à part entière dans le foyer familial.

Mais ce n'est qu'à l'époque des Lumières et de la Révolution Française, notamment avec la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, adoptée le 26 août 1789, que l'enfant va être reconnu comme ayant des droits. Bien que celle-ci ne vise pas particulièrement le statut de l'enfant, elle mentionne toutefois dans son introduction que cette déclaration est : « (...) constamment présente à tous les membres du corps social, (...) »12.

12 Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, Introduction, 1789.

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Mais, compte tenu du niveau de vie difficile, les deux parents devaient travailler, et l'enfant était souvent déjà travailleur dès l'âge de 10 ans, selon les dispositions légales de l'époque. Ce n'est qu'un siècle plus tard, en 1887, que Jules Ferry, en rendant l'école gratuite, laïque, et surtout obligatoire de 6 à 13 ans, que ce statut d'enfant travailleur va peu à peu changer.

Puis les années passent, et la société occidentale est plongée dans la révolution industrielle, les moeurs changent rapidement, la famille prend définitivement le rôle de fonction affective à mesure que l'état prend du pouvoir sur celle-ci (sécurité sociale, obligation scolaire, etc). Arrivent les Trente Glorieuses, qui laissent planer un climat social stable et prospère. Le niveau de vie augmente, et l'un des deux parents peut alors quitter son emploi, donnant libre court à la division des rôles parentaux : le père autoritaire et travailleur, et la mère affective et au foyer, ayant pour seules activités, les tâches ménagères, l'administration des soins, et la garde de l'enfant. Les avancée de la médecine vont dans le même sens : contraception généralisée, baisse de la mortalité infantile, hausse de la qualité des soins pré et postnataux, etc. C'est l'avènement de l'enfant « contrôlé ».

On voit alors apparaître la Déclaration de Genève, le 26 septembre 1924, qui stipule que : « L'enfant doit être mis en mesure de se développer d'une façon normale, matériellement et spirituellement.», Celle-ci est revisitée, et passe de cinq à dix principes avec la Déclaration des Droits de l'Enfant du 20 Novembre 1959. L'enfant devient peu à peu un sujet à part entière, possédant des compétences réelles d'un point de vue cognitif, social et affectif.

Mais l'arrivée des premiers chocs pétroliers provoque une crise économique et sociale sans précédent, qui va alors changer profondément le modèle familial en occident. Le niveau de vie ne monte plus, on doit joindre les deux bouts, et la crise renforce ce que les mouvements féministes revendiquaient : les femmes retournent travailler. Parallèlement, l'âge du mariage augmente, on voit de plus en plus de divorces, et les familles monoparentales explosent. A mesure que la société évolue, les formes de couples changent et se diversifient : familles éclatées, recomposées, complexes, homoparentales, etc.

L'Homme décide enfin de protéger entièrement la condition de l'enfant, et de lui accorder des droits inaliénables en rédigeant et en adoptant la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, le 20 novembre 1989, il y a un peu plus de vingt-cinq ans seulement.

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Aujourd'hui, l'enfant est au coeur des préoccupations des sociétés et des familles. Il est devenu l'un des axes de référence de la famille contemporaine. En effet, « une nouvelle conception plus contractuelle des liens conjugaux a fait passer les liens parentaux à la première place »13. Les liens conjugaux sont désormais solubles (d'un point de vue juridique) tandis que le lien de filiation, lui, est caractérisé par le long terme. L'enfant est à présent enfant-individu, enfant-roi et, de plus en plus, enfant-consommateur.

Mais on voit apparaître un nouveau paradoxe : l'enfant du XXIème siècle est sans cesse poussé vers la performance, en milieu scolaire et extra-scolaire, tandis que les sciences sociales et la psychologie, l'invite à ne pas quitter son enfance, prônant une « philosophie » de vie tendue vers l'épanouissement. Ainsi, l'insouciance, l'innocence, et la spontanéité sont devenues des valeurs centrales. Cette pression de la société sur l'enfant révèle des angoisses et des inquiétudes constantes chez les parents, qui se demandent sans cesse si leurs enfants sont bien éduqués, s'ils vont réussir comme les autres, etc. Un stress qui est bien évidemment décuplé lorsque la pauvreté et la précarité s'en mêle, car il est indéniable que l'enfant issu d'un milieu aisé réussira mieux qu'un enfant issu d'un milieu pauvre. En effet, dans notre société de la connaissance, les personnes peu instruites courent un risque de pauvreté nettement plus élevé (23,8%) que celles très instruites (6,5%).14

A partir de ces constats, quels sont véritablement les devoirs des parents envers leur enfant ? Quel est le schéma traditionnel occidental qui doit être appliqué en matière d'éducation de nos jours ? Comment les parents perçoivent-ils leur rôle ?

13 FOURNIER Martine, La Révolution des poussettes, 2011.

14 Données statistiques, EU-SILC, enquête 2013, Belgique.

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II. LA VISION DU ROLE PARENTAL DANS LES MOEURS :

1. LE DEVOIR DE TRANSMISSION DES CONNAISSANCES :

Le premier grand rôle qui me vient à l'esprit, est celui de la transmission des connaissances, en voyant la famille comme le lieu des premières expériences. Elle est le point de départ du processus de socialisation, essentiel à l'apprentissage des règles du vivre ensemble, et à la formation de l'identité de l'adulte en devenir. La famille transmet à l'enfant, dès son plus jeune âge, le langage et les codes sociaux les plus élémentaires, mais aussi les valeurs et les normes qui l'aideront ensuite à développer des relations sociales.

i. La famille comme premier lieu d'apprentissage des règles :

Au-delà de la transmission du langage, la famille a pour rôle d'éduquer l'enfant dans le sens « d'élever vers le haut ». En effet, comme l'indique la Convention Internationales des Droits de l'Enfant, à l'article 29 : « Les Etats parties conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ».

D'emblée, l'éducation est perçue comme la nécessité de développer la personnalité de l'enfant, cela passe évidemment par l'apprentissage des codes et des règles sociales en vigueur dans son pays. A la maison, les parents ne font pas la loi, mais ils la représentent. Ils se soumettent aux règles communes de la société dans laquelle ils vivent, et c'est donc au nom de quelque chose qu'ils respectent également, qu'ils peuvent prendre des décisions. Ainsi, les adultes introduisent l'enfant à la vie sociale dans laquelle il devra s'insérer. C'est tout simplement ce que l'on nomme l'autorité parentale, qui ne doit jamais être une soumission de l'enfant, mais une compréhension. Lui faire comprendre que certaines choses ne sont pas acceptables dans notre société (se marier avec son père, frapper son camarade, prendre ce qui

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n'est pas à soi, etc.) est plus éducatif que de lui interdire fermement, car il peut apprendre les règles de façon extérieure sans les avoir intégrées intérieurement.

Mettre des limites à l'enfant, c'est lui faire comprendre qu'il ne peut pas vivre dans l'illusion qu'il peut toujours avoir davantage. C'est le canaliser. Tel est le premier grand rôle des parents, instaurer un cadre de base inspiré de la Loi dans l'optique de favoriser au mieux son intégration sociale future.

ii. Ce que les parents DOIVENT transmettre à leurs enfants :

Arrivent ensuite ce que les parents doivent idéalement inculquer à leurs enfants. Une fois encore, la Convention Internationale des Droits de l'Enfant déclare que l'éducation de l'enfant doit viser à :

- « Inculquer à l'enfant le respect des droits de l'homme et des libertés

fondamentales, et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies;

- Inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne;

- Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone;

- Inculquer à l'enfant le respect du milieu naturel. »15

Il y a ici l'idée d'une éducation morale de l'enfant, parallèlement à l'apprentissage de la culture dans laquelle il vit. Lui enseigner d'où il vient, lui apprendre les valeurs de son pays, de ses coutumes, c'est l'élever vers une citoyenneté intelligente et responsable dès le plus

15 Convention Internationale des Droits de l'Enfant, Article 29, 1989.

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jeune âge. Connaître l'endroit où l'on vit, et le respecter, c'est poser des repères qui le rassurent, et lui ouvrir une route à suivre. Favoriser l'ouverture aux autres, l'égalité et tous les concepts idéologiques et philosophiques de notre société, c'est donner du sens à sa vie.

Outre les principes énoncés ci-dessus, les parents doivent aussi permettre à l'enfant de se développer le plus convenablement possible, et ce, dans un environnement rassurant.

En premier lieu, j'évoquerai ici le concept de « confiance », dans le sens d'instaurer une confiance en soi à l'enfant. Le nouveau-né ne vient pas au monde avec un mental de fer. Comme toutes capacités, il les acquiert au fil des expériences et des stimulations externes de l'entourage. La confiance en soi est quelque chose qui se construit au contact des autres, et en premier lieu, au contact de ses parents. Se sentir en sécurité et en confiance, c'est pouvoir compter sur la présence et l'attention de ses parents, pour ensuite oser explorer le monde. Car comme l'a dit Nathaniel BRANDEN, psychothérapeute et écrivain américain :

« C'est l'image que nous avons de nous-mêmes qui fait notre destin. »16

2. LE DEVOIR D'ASSURER UN EQUILIBRE PHYSIQUE ET PSYCHOLOGIQUE :

Le préalable de la confiance en soi n'est-il pas le maintien du lien affectif entre parents et enfants ? Vivre dans un climat de bien-être et d'amour mutuel, semble être le point de départ du développement psychologique et physique idéal de l'enfant. Car « c'est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l'enfant qu'incombe au premier chef la responsabilité d'assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l'enfant »17. Mais comment y parvenir ?

16 BRANDEN Nathaniel, L'estime de soi : une force positive, 2011.

17 Convention Internationale des Droits de l'Enfant, Article 27.2, 1989.

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i. Du point de vue de l'esprit :

Si un enfant n'est pas stimulé activement par ses parents dès la naissance, le risque de retard mental est alors décuplé. D'où la véritable importance d'offrir à l'enfant toute une variété de possibilités d'expérimenter, d'explorer et de jouer avec les choses autour de lui. La stimulation concerne ainsi tous les mouvements du corps et l'utilisation de tous les sens, et en particulier de la vue, de l'ouïe et du toucher.

Mais assurer un équilibre psychologique à l'enfant, ce n'est pas seulement se limiter à ces stimulations, c'est aussi montrer que l'on s'intéresse à lui et à ce qu'il fait. Montrer que l'on est investi dans le suivi de son travail scolaire, mais aussi extra-scolaire. C'est passer du temps avec lui en lui accordant des moments privilégiés de discussions, de jeux, de tendresse, etc. Remarquer et encourager ses progrès dans tout ce qu'il entreprend. Instaurer des rituels familiaux. Laisser l'enfant à l'écart des disputes conjugales. Tout cela, c'est ainsi préserver les liens dans la famille.

ii. Du point de vue du corps :

L'équilibre psychologique va aussi de pair avec un soin particulier accordé au corps de l'enfant. J'entends par là tout ce qui est relatif à sa santé physique.

En premier lieu réside l'assurance de la prodigation des soins médicaux : « Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services. »18 Ainsi, les parents doivent s'efforcer de garantir la surveillance, et si nécessaire, l'amélioration, de l'état de santé de leur enfant. Il s'agit ici

18 Convention Internationale des Droits de l'Enfant, Article 24, 1989.

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d'un devoir parental, non négociable aux yeux des autorités publiques. La non application de ce devoir, entraîne irrémédiablement une réponse juridique.

Les parents ont notamment le devoir de nourrir leur enfant de la meilleure façon qu'il soit, et dans la mesure de leurs ressources financières. Car manger sainement aujourd'hui, comme cité au point 4-3 du premier chapitre, est bien plus souvent une question de portefeuille, que de volonté.

Enfin, jusqu'à 7 ans, le système immunitaire d'un enfant n'est pas mature. L'hygiène est donc plus que jamais essentiel. Se laver les mains, les dents, se moucher, etc. Tant de réflexes d'hygiène corporelle que les parents doivent inculquer à l'enfant. Un enfant doit aussi pouvoir avoir des vêtements propres et ajustés à sa taille en fonction de son âge.

3. QUELLE DISTRIBUTION DES ROLES PARENTAUX ?

Je ne pouvais pas aborder l'ensemble des devoirs des parents envers l'enfant, sans parler de la manière dont les fonctions parentales sont distribuées.

Comme je l'ai brièvement expliqué au début de ce chapitre, la place du père et de la mère a toujours évoluée au fil des siècles. La toute-puissance paternelle et le surinvestissement maternel d'autre fois, se gomment peu à peu, laissant place aujourd'hui, à une véritable difficulté de dissocier ces deux rôles tant ils deviennent égaux. L'évolution des lois et la promotion de l'égalité des sexes tendent vers ces nouvelles constructions familiales.

En effet, notre société actuelle laisse la part belle à la paternité, qui est de plus en plus reconnue et valorisée, plaçant également l'homme au coeur des soins et de l'éducation de l'enfant. Bien que la responsabilisation des mères reste toujours très orientée, le déclin du père dans son rôle de « celui qui fait vivre la famille », lui donne aujourd'hui une place privilégiée, où pères et mères accordent leurs violons pour l'éducation de leurs enfants.

Ces profondes modifications comportementales, sociales et psychologiques créent d'ailleurs des déséquilibres importants sur le plan intergénérationnels, dans la mesure où ces

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nouveaux parents « ne peuvent que difficilement se référer aux représentations d'antan (de leurs propres parents, qui ont des conceptions archaïques) et du coup réinterrogent leur place et leur rôle au sein de l'éducation de leur enfant. »19

Mais il est une dualité, qui a faibli certes, mais qui résiste dans le fait que l'enfant en a terriblement besoin pour se construire, c'est que le père est souvent la figure d'autorité (infligeant les punitions, imposant les règles, etc.) et la mère, la référence affective (celle qui console, celle qui raconte les histoires, celle qui donne les soins, etc.). Cette dualité sexuée semble dans certains cas s'échanger, où le père devient affectif, et la mère « sanctionneuse », mais je pense sincèrement que ces deux rôles doivent être présents bien que nuancés : que l'un ne soit pas borné à rester dans l'autorité, et que l'autre ne fasse pas uniquement figure d'affection. Un équilibre vaut toujours mieux qu'un extrême.

Tout cela est vrai pour ce qui est du couple parental qui survit au temps. Mais qu'en est-il des parents seuls ? Des parents divorcés ? Comment établir des rôles distincts dans un couple divisé ?

Il est essentiel d'évoquer le fait qu'il est souvent très difficile pour un couple qui se sépare, de maintenir des liens familiaux forts. Et c'est pourtant ce qu'il est vivement conseillé de faire par les psychologues et autres spécialistes, et ce, notamment vis-à-vis du développement de l'enfant. Cela diminue, en effet, les angoisses liées à la séparation de ce que l'enfant vénérait le plus : l'amour de ses parents. Le maintien des routines et du cadre éducatif posé antérieurement à la séparation est aussi très recommandé. Mais contrairement aux idées reçues, aucune étude ne prouve que les enfants de familles monoparentales ou séparées soient, à long terme, plus fragiles que les autres. L'idéal voudrait que les enfants aient des contacts réguliers avec leurs deux parents, se sentent aimés par chacun d'eux et soient placés à l'écart des conflits.

Le parent seul, qu'il le soit d'une séparation ou d'un abandon, doit garder la tête haute, et assurer tous les rôles qu'un couple aurait eu : sécurité, équilibre, cadre, éducation, etc. Au niveau de la gestion du temps, le plus simple étant de demander de l'aide à son entourage

19 BIDON-LEMESLE Céline, Thérapie Familiale, 2011.

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lorsque ce n'est plus tenable. Et côté budget, si un salaire ne suffit pas, les aides gouvernementales sont, pour certaines, bonifiées pour les familles monoparentales.

Cette partie, intitulée « Vision du rôle parental dans les moeurs », se veut être un exemple de ce qui est admis par la société comme devant être ce que doivent faire les familles envers leur enfant. C'est ici une vision idéale de l'éducation de l'enfant en milieu sain, avec des parents jouissant de toutes les assurances leur permettant de vivre dignement dans notre société.

La prochaine partie sera consacrée à ce que j'ai pu observer sur le terrain, et ce, au regard des idéaux cités plus haut. Car comment une famille peut-elle accomplir pleinement ses devoirs de parents dictés par nos moeurs et nos lois, alors qu'elle se trouve dans une situation de précarité ? Comment éduquer ses enfants aussi idéalement que possible, lorsque leur propre éducation a été le fruit de la pauvreté de leurs parents ?

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1. DES DIFFICULTES LIEES A L'EDUCATION DES PARENTS EUX-

MEMES

III. REALITE DU TERRAIN :

Je dois, avant de continuer mon développement, énoncer un postulat terriblement logique, mais qui trouvera sa légitimité par la suite : avant d'éduquer ses enfants, les parents ont, eux aussi, été éduqués. Je veux dire ici, que dans la plupart des cas, les enfants suivent les mêmes chemins que leurs parents. Faute d'ouverture sur le monde, ou de moyens pour sortir de la spirale de leurs géniteurs, les enfants plongent dans le système qui les sécurise le plus : celui qui a été implanté par leurs parents. Quoi de plus normal d'ailleurs ? A mesure que les années passent, le mode de vie familial devient la norme pour l'enfant, et ce, dans n'importe quelle situation. Aussi vrai que la violence des parents fait souvent des enfants violents.

En entretien, je discutais avec un parent de son passé, de son enfance, et en parlant de sa relation avec ses propres parents, il me disait qu'étant petit, il s'était juré de faire tout son possible pour ne pas être dans le besoin, et pouvoir faire tout ce dont il avait envie. Mais sa paternité précoce lui a vite fermé les portes qu'il s'était imaginé pouvoir ouvrir, le forçant à quitter ses études pour s'occuper des jumeaux. Je lui ai alors demandé si ses parents l'avaient aussi eu tôt, et la réponse fut « oui ».

On voit ici clairement, la reproduction du schéma parental par l'enfant, car le « bain » de valeurs et de normes dans lequel nous baignons petit, ne nous quitte jamais. Evidemment, tous les enfants ne suivent pas forcément les mêmes sentiers que leurs parents, certains s'émancipent, d'autres se rebellent, mais dans les familles pauvres, la solidarité familiale est souvent l'un des premiers principes. Ainsi, les enfants restent très proches de leurs parents et à long terme, géographiquement et affectivement. Et être solidaire, c'est aussi suivre le même modèle.

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Je ne parle pas ici d'influence parentale au niveau de la personnalité de l'enfant, je crois d'ailleurs que la principale influence reste celle des pairs (camarades de classes et autres), mais plutôt d'un héritage de parcours. En somme, les difficultés que cumulent les parents que j'ai rencontré, sont, bien souvent, héritées de leurs parents eux-mêmes. L'éducation qu'ils ont reçue, les normes, et les valeurs qui leur ont été transmises sont autant de composantes de la reproduction des inégalités : le manque de moyens, des conditions de vie difficiles, constituent des obstacles supplémentaires, par exemple, dans la réussite scolaire et la future intégration professionnelle de l'adulte en devenir.

Au travers de mon questionnaire aux parents, et notamment des phrases « d'accord ou pas d'accord », j'ai pu observer quelques résultats intéressant sur la vision qu'ils ont de leur rôle parental. Par exemple, sur les dix parents interrogés, 100% sont d'accord avec le fait qu'un enfant a besoin d'un cadre stable pour se développer convenablement. Mais paradoxalement, 60% pensent qu'un parent doit le plus souvent dire « oui » que « non » à son enfant. Quid de la stabilité dans ce cas-là ?

En confidence, certains parents m'ont avoué être parfois dépassés par l'acharnement des médias poussant les enfants à devenir de parfaits petits consommateurs dès le plus jeune âge, et à demander toujours plus de gadgets technologiques et d'habits de marques. Ce qui va de pair avec l'évolution de notre société, qui tend vers la consommation à outrance. Et il est logique qu'un enfant issu de milieu pauvre (je ne dis pas enfant pauvre, mais de pauvres, car issus de parents sans emploi ou mal rémunérés), allant à l'école publique où ses camarades sont, pour la plupart, dotés des derniers GSM à la mode, demandent la même chose. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit de leur ressembler, et de jouir des mêmes biens ? La réponse est encore la pauvreté.

2. LEUR PROPRE VISION DU ROLE DE PARENT :

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Sachant qu'un Smic à mi-temps (565 euros net par mois) n'atteint pas le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian (828 euros)20, comment des parents peuvent-ils céder à tous les désirs de leurs enfants sans devoir laisser de côté les repas du soir, ou le week-end prévu dans les Ardennes ? Et bien souvent, c'est ce qu'il se passe. Combien d'enfants ais-je croisé, pantalon décousu, sweat trop grand, chaussures trouées, avec un GSM à 400 euros dans les mains. C'est manifestement un manque d'influence sur l'enfant, ou encore une façon de céder aux caprices, ou de leur procurer un outil qui fera qu'ils se sentent égaux aux autres camarades.

Ainsi, 50% des parents interrogés avouent ne pas avoir assez d'influence sur leur enfant, alors que 80% pensent qu'un parent qui a dit « non » à son enfant, ne doit pas revenir sur sa décision. Il y a ici un paradoxe intergénérationnel, où les parents d'hier ne comprennent plus les enfants d'aujourd'hui, où poser un cadre stricte relève de l'impossible. Et cette idée est d'autant plus renforcée dans les milieux pauvres.

Enfin, une chose que j'ai pu observer au travers de mes questionnaires, c'est une différence considérable entre la perception de la démonstration de l'amour des parents envers l'enfant, et ce que ressent l'enfant véritablement. En effet, 90% des parents interrogés avouent démontrer à leurs enfants qu'ils font attention à eux, alors que 37,5% des enfants interrogés indiquent que leurs parents ne leurs montrent pas souvent qu'ils les aiment.

En discutant avec les enfants, je me suis rendu compte que les seuls démonstrations d'amour qu'ils recevaient de leurs parents, étaient qu'ils leur faisaient à manger, où qu'ils les habillaient avant l'école. Et c'est en majeure partie les enfants issus de familles monoparentales qui sont concernés. Je peux relever ici les difficultés qu'ont les parents seuls à jongler entre les différentes tâches qui leur incombent : lever les enfants, préparer les repas, les emmener à l'école, allé travailler, revenir les cherches, etc. S'ajoute à tout cela, la nécessité de jouer les rôles d'autorité et d'affection en même temps. C'est presque mission impossible.

20 http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=2031

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Je viens d'exposer ici les différences qui existent et persistent en terme d'idéaux d'éducation et de réalité du terrain. Certains points sont d'une logique implacable, alors que d'autres sont difficilement explicables. Mais une chose est sûre, les parents influencent, intentionnellement ou non, le parcours de leur enfant. L'héritage de la pauvreté, et la reproduction des erreurs parentales, sont autant d'entraves au développement social de l'enfant.

Mais quels sont réellement les impacts que toutes ces difficultés peuvent engendrer sur l'enfant ?

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D. L'IMPACT DE LA PRECARITE SUR L'ENFANT :

Quand on parle de pauvreté, on parle rarement d'eux, les enfants. On se penche sur les difficultés financières des parents, sur leur chômage, sur les problèmes rencontrés par les familles monoparentales, et bien d'autres choses.

Mais que sait-on véritablement de la vie quotidienne des enfants, de leurs inquiétudes, du regard que leurs pairs portent sur eux, de leurs rêves déjà occultés ? Que sait-on de leur manque d'affection, de cette enfance qui devraient leur laisser le temps de se construire, de jouer, d'apprendre, et qui les plongent tout petits, sans armes, dans une réalité qui, souvent, les abîme ? Que sait-on de la honte ressentie, de la dégradation de l'image des parents sans travail ? Et de leur avenir déjà assombri ?

I. REPRESENTATION NEGATIVE D'EUX-MEMES :

Beaucoup d'enfants et de jeunes adolescents que j'ai pu rencontrer à la Maison de Jeunes souffraient d'une représentation fortement négative d'eux-mêmes : « Pas capable de... », « Pas assez intelligent pour... », « Pas assez bien pour... ». Ce qui témoigne d'un véritable déficit de leur propre représentation.

« Des images qui, d'ailleurs, ne sont pas toujours les leurs, mais le fruit du discours que leur renvoient certains adultes, parents, éducateurs, ou professeurs. Et qu'ils finissent par intégrer et à s'approprier, au point de les revendiquer comme leur identité, et même parfois, avec une certaine fierté. La pression des adultes, et particulièrement des parents et des

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groupes sociaux est forte, et l'enfant y est particulièrement sensible, car vulnérables aux remarques dépréciatives. »21

J'ai aussi pu remarquer l'existence d'un conflit intergénérationnel entre les jeunes de la cité du Luchet d'Antoing et les adultes qui y vivent. Ils sont souvent considérés comme des « bons à rien », « paresseux », « délinquants », « vulgaires ». Autant de qualificatifs qui leur sont régulièrement attribués, et qui ternissent l'image globale qu'ils ont d'eux-mêmes, et qu'ils renvoient, inconsciemment au début, puis consciemment par la suite.

J'ai notamment relevé des sentiments de honte et d'indignité chez certains enfants. Lorsque je demande à une petite fille de 8 ans pourquoi elle a une paire de botte en taille 39, et qu'elle me répond : « c'est parce que maman elle dit que mon pied va grandir... ». C'est plus simple, et moi incriminant pour la mère que de répondre : « c'est parce que maman n'a pas assez de sous, alors je prends les siennes ». Je rappelle que 25% des enfants interrogés n'ont pas de vêtements adaptés à leur taille et en bons états.

Ces situations arrivent tellement souvent, et sur tellement de plans différents. Et je sais combien ces enfants attendent du regard des autres, et surtout des adultes, combien ils ont besoin d'être valorisés, et de développer leur estime de soi. Car ces représentations subjectives peuvent avoir des conséquences dommageables pour des enfants en pleine construction de leur identité. Elles freinent la possibilité pour eux de trouver leur place, et diminuent leurs chances de participer à la construction de l'avenir de leur société.

Car ne nous voilons pas la face, les enfants ressentent très bien les différences qu'ils ont entre eux, et notamment sur le plan matériel. Ainsi, 50% des enfants interrogés pensent que tous les enfants de leur école n'ont pas les mêmes chances de réussir dans la vie. Une prise de conscience considérable quand on sait que ce sont eux qui ont le moins de facteurs de réussite entre les mains.

21 Plan d'action quadriennal 2013-2016 de la Maison de Jeunes « Port'Ouverte ».

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II. COMPORTEMENTS :

Après avoir relevé l'importance du regard de l'adulte sur les enfants, il est difficile de me lancer dans une description de leurs comportements qui mettra aussi en évidence des attitudes qui ne sont pas positives de prime abord. Je ne veux pas faire de généralisation, puisque chaque cas est singulier. Et je voudrai souligner que leurs attitudes sont, avant tout, l'expression de la recherche de leur identité dans le processus de socialisation et d'apprentissage des codes sociaux (qu'ils remettent d'ailleurs souvent en question). Mais ils peuvent aussi être l'expression symptomatique de leurs difficultés psycho-sociales.

Dans ce sens, je ne peux pas nier certaines difficultés de comportements que j'ai pu constater durant mon stage, et qui se traduisent, le plus souvent, par un manque de respect entre eux ou envers les adultes qui les entourent, mais aussi envers leur environnement, remettant en cause leurs comportements inciviques. Certains « jeux » qu'ils mettent en place en groupe, peuvent parfois importuner les voisins. Jets de pierres sur les vitres, destruction des boites aux lettres, sont quelques exemples de ces défis qu'ils se lancent entre eux, et qui importunent le voisinage de la Maison de Jeunes.

Certains d'entre eux manifestent violemment leurs émotions, leurs colères. Cela passe par des joutes verbales assez virulentes, soit pour jouer, soit pour exprimer leur aversion envers l'autre. Cela créé certaines tensions car ils ont du mal à identifier la limite de jeu qui tourne alors parfois au vinaigre. Mais la violence physique est beaucoup plus rare, et réprimandée sévèrement. C'est d'ailleurs paradoxalement le manque de respect envers l'autre qui provoque les réactions les plus fortes. Mais c'est aussi le propre de l'enfance d'avoir des émotions débordantes qui sont pour eux, difficiles à contrôler.

S'ils manifestent souvent leurs émotions de façon exagérée, ils sont en revanche très demandeurs d'échanges avec les éducateurs. Que ce soit sur les difficultés quotidiennes qu'ils rencontrent dans leurs relations avec les parents, mais aussi l'école, les copains, etc. Ils aiment discuter sur les sujets qui fondent leurs préoccupations, leurs questionnements. Leurs expériences autours des drogues et plus particulièrement de l'alcool, sont régulièrement évoquées dans leurs propos, même s'ils se mettent souvent en avant auprès des autres par leurs excès en la matière.

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Ce libre échange qui existe entre ses enfants et les éducateurs témoignent non seulement de la liberté d'expression qui réside dans la Maison de Jeunes, mais aussi de l'ambiance familiale générale dans laquelle ils vivent au quotidien, et qui laisse très peu de place à la discussion et aux échanges positifs. Lorsque j'en parle avec les enfants après le questionnaire, certains me font part du silence qui règne à la maison, et de leurs difficultés de s'exprimer librement avec leurs parents, ou encore de pouvoir faire des loisirs avec eux, activités pourtant essentielles au dialogue. Ainsi, 37,5% des enfants interrogés avouent ne pas faire de sorties avec leurs parents, et 25% assurent que leurs parents ne s'intéressent pas à ce qu'ils font à l'école.

III. SANTE/HYGIENE :

1. SUR LE PLAN PSYCHOLOGIQUE :

Je souhaite introduire ici les constats issus des services agréés de l'aide à la jeunesse, qui ont été présenté dans le Diagnostique Social 2014 du CAAJ de Tournai. Au sein de l'arrondissement, s'est créée il y a quelques années, une plateforme de l'aide à la jeunesse. Chaque service agréé de l'aide à la jeunesse est invité à y envoyer un représentant. Elle se réunit au moins quatre fois par an et poursuit sa réflexion sur des thèmes d'actualité et sur des pratiques du secteur. Un questionnaire a été envoyé à chaque service de la plateforme. Une séance a été consacrée à cette partie du diagnostic social du CAAJ et à la mise en commun des réponses. En voici les principaux thèmes :

· Famille et Santé Mentale :

- problèmes individuels d'ordre psychiatrique chez certains parents,

- troubles du comportement des jeunes,

- troubles de l'attachement, relations sociales et affectives perturbées avec compensations affective débridées,

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- violences intrafamiliales et institutionnelles familles recomposées : problème de la place du jeune.

? Précarité :

- privation par rapport aux besoins élémentaires,

- manque de structuration des enfants, - problèmes identitaires des familles, - sentiments de honte.

· Isolement social (désaffiliation) :

- stigmatisation des familles,

- exclusion sociale, stigmatisation des jeunes et décrochage scolaire, redoublement

- inadéquation de l'offre scolaire

- manque de souplesse par rapport à l'obligation scolaire

- politiques d'exclusion des jeunes au niveau scolaire mais aussi au niveau

communautaire.

Après la lecture de ces constats, il est aisé de se rendre compte que les difficultés rencontrées par les enfants ne sont pas seulement économiques ou matérielles. Comme je l'ai expliqué plus haut, elles sont aussi, et même de manière très prégnante, d'ordre familial. Pour bon nombre, le couple parental est séparé, le père est absent, et le ou les enfants, vivent seuls avec la mère (56,25% des enfants interrogés vivent seuls avec leur mère, contre 25% avec les deux parents présents). Pour les aînés, la charge peut s'avérer très lourde puisqu'ils sont souvent investis d'une fonction familiale qui n'est pas la leur : 18,75% des enfants admettent que le plus souvent, ce sont eux qui s'occupent de leurs frères et soeurs. On peut donc facilement imaginer que cette situation les pousses à vive allure dans ce que j'appellerai une « maturité précoce ». Comment un enfant de 10 ans peut-il s'épanouir dans son enfance si le parent seul (père ou mère), lui délègue le rôle du parent absent ? A long terme, n'y a-t-il pas un risque de trouble du comportement provoqué par le surinvestissement de ce « mauvais » rôle ? Puisque s'il est investi de la sorte, c'est que le parent seul ne s'en sort plus, et/ou que

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l'enfant ressent une angoisse qui le pousse à penser que c'est à lui de prendre les rênes. Mais dans ces deux cas, ce n'est jamais une question de choix.

J'ai en mémoire ce jeune garçon de 11 ans qui se montrait très violent, mais aussi très protecteur avec sa petite soeur de 6 ans. J'avais rencontré le père lors du questionnaire : un homme sans emploi et fortement alcoolique, en rupture totale avec son ex-femme depuis plusieurs années. Il avait l'air littéralement perdu, ayant pour seule arme éducative un chantage favorisant pour le jeune garçon. Lorsque le père venait les chercher à la Maison de Jeunes, on voyait très clairement le manque d'autorité qu'il avait sur lui, et par le corollaire, l'impressionnante domination que l'enfant avait sur le père. Ce même enfant était sans cesse en défiance de l'autorité, et tenait des propos qui témoignaient d'une certaine expérience de vie d'adulte, surtout dans sa façon de s'adresser à sa soeur. Et on pouvait deviner que derrière cette « maturité précoce », se cachait une incroyable incompréhension.

Comme pour l'adulte, toutes ces difficultés sont plus des problèmes de construction identitaires que de véritables pathologies psychologiques. Mais il est évident, en tout point, que ces freins psychologiques entravent grandement le développement psychique idéal de l'enfant. Et je ne parle pas du sentiment de stress que j'ai évoqué dans l'impact global de la précarité sur l'adulte, car il est absolument certain que ce stress pèse aussi sur les épaules des enfants.

Mais s'il existe un trouble assez fréquent chez ces enfants de pauvres, c'est la carence affective. En effet, bon nombre des enfants que j'ai pu rencontrer me semblaient être souvent mis de côté par leurs parents, comme s'ils passaient au second plan dans les préoccupations familiales. Ce n'est pas un blâme, et je comprends à quel point cela peut être complexe de jongler entre démonstration affective et problèmes du quotidien liés à la précarité. Ainsi, j'ai pu observer certaines des caractéristiques que Michel LEMAY a relevé chez l'enfant carencé, telles que :

- des troubles de la relation, avec l'adulte comme avec les pairs,

- une fuite du regard, particulièrement significative du manque de confiance en soi,

- des troubles alimentaires, un surpoids et des repas pris de façon sporadique,

- des difficultés scolaires, problèmes de concentration, invention de subterfuges pour

sécher les cours (professeurs absents, maladie, erreur d'emploi du temps, etc),

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- de l'agressivité verbale, et parfois physique, avec une agitation excessive (passent

par des phases de grand calme à des phases d'excitation sans état intermédiaire), - un sentiment d'insécurité, dû à un climat instable dans le foyer familial, 25% des

enfants interrogé avouent ne pas se sentir en sécurité chez eux,22

- ainsi que certaines difficultés liées au retard dans l'acquisition cognitive.

S'ajoute à toutes ces caractéristiques, des facteurs aggravant tels que le logement insalubre ou trop petit pour accueillir la fratrie entière. 56,25% des enfants interrogés ont plus de trois frères et/ou soeurs, et 43,75% d'entre eux doivent partager leur chambre avec un autre. Et on sait combien il est important pour le développement intellectuel de l'enfant de pouvoir aussi se retrouver seul avec lui-même, pour se concentrer, et pour se recentrer.

Deux autres chiffres qui témoignent de l'importance du milieu de vie dans la construction identitaire de l'enfant m'ont particulièrement marqué : 4 enfants sur 16, soit 25% des enfants interrogés, avouent ne pas se sentir en sécurité chez eux, et 18,75% d'entre eux n'ont pas suffisamment chaud l'hiver dans la maison.

De l'anxiété, un sentiment d'insécurité et parfois une honte de soi, tel est le lourd tribut payé par les enfants de la pauvreté et de la précarité. Car au-delà d'un certain dénuement matériel, le renfermement sur soi est souvent du a une carence affective :

« L'allongement du temps de travail, le manque d'aide à la maison et l'abandon d'activités récréatives peuvent affaiblir les liens familiaux, ce qui perturbe les enfants à des étapes clés de leur développement intellectuel et affectif. »23

Mais puisque certaines maladies mentales prennent racine dès l'enfance, les adultes en devenir qu'ils sont, sont ainsi plus exposés aux risques de développer par la suite une souffrance psychique, des troubles du comportement, des états dépressifs et autres problèmes de santé mentale, ce qui ressort d'ailleurs constamment des travaux sur la santé des plus démunis.

22 Cf : Annexe Tableau des résultats des réponses aux phrases enfant

23 Bilan Innocenti 12, Centre de recherche Innocenti de l'Unicef, octobre 2014.

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2. SUR LE PLAN PHYSIQUE :

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Si très peu d'études se sont penchées sur les véritables conséquences de la précarité sur l'état de santé physique des enfants qui en souffrent, j'ai cependant relevé quelques pathologies qui me semblent relativement importantes, car il est évident que ce sont des indices que je ne pouvais pas relever sur le terrain. L'impact général de la précarité sur l'enfant du point de vue physique est quasi-identique à l'impact sur l'adulte puisque c'est par le ou les facteurs de risques des parents qu'arrivent les pathologies, ce sont les conséquences de la transmission intergénérationnelle. Les inégalités sur le plan de la santé touchent les enfants avant la naissance et continuent de se manifester durant l'ensemble de leur développement.

Premièrement, le taux de prématurité est fortement corrélé avec des facteurs sociaux. En classant les communes en 5 catégories sur base d'indicateurs de pauvreté (niveau de chômage, d'instruction et revenu), une étude menée en 2008 par le SPF Economie et le SPF Affaires Sociales, a observé une croissance du taux de prématurité avec le taux de pauvreté de la commune : 7,35 % pour les communes les plus riches contre 8,75 % pour les communes les plus pauvres.

Le mode de vie des parents a une influence considérable sur l'état de santé du foetus in utero. Ainsi, si la mère fume et/ou consomme régulièrement de l'alcool, ou qu'elle évolue dans un milieu empreint de ces addictions, le bébé en paiera nettement les conséquences. En effet, les spécialistes ont relevés une série d'incidences liée à la consommation d'alcool durant la grossesse, telles que :

· retard de croissance du foetus,

· risque de fausse couche,

· accouchement prématuré,

· malformations de la boîte crânienne,

· troubles psychiques ou du comportement de l'enfant,

· troubles d'apprentissage,

· troubles de la mémorisation,

· troubles de l'attention, etc.

Deuxièmement, si les enquêtes font état d'une stabilisation globale de l'augmentation de l'obésité chez les enfants, elles montrent un creusement des inégalités sociales sur cette question. La surcharge pondérale apparaît comme le miroir des inégalités sociales aussi bien chez les adolescents que chez les jeunes à l'entrée de l'âge adulte.

En France par exemple, 26% des enfants scolarisés en Zone d'Education Prioritaire sont en surcharge pondérale contre 19 % en dehors de ces zones.24 Cela s'explique notamment par les mauvaises habitudes alimentaires des parents, et la faible mobilité des enfants, qui sont très peu à pratiquer une activité sportive : 56,25% des enfants interrogés ne pratiquent aucune activité sportive ou extra-scolaire.

24 VERSINI Dominique, Conséquence sur le développement affectif de l'enfant des situations de précarité familiale, avril 2011.

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Troisièmement, au

niveau de la santé bucco-dentaire, les enfants issus de milieu pauvre ont plus de carries que les enfants issus de milieu aisé. Il est simple de relier ce constat aux problèmes de malnutritions. Ainsi, 11% des enfants les plus pauvres souffrent de caries contre 6 % du reste de la population.

Quatrièmement, les enfants de pauvres vont moins souvent chez le médecin, et surtout chez les spécialistes. Ils sont également moins bien couverts : 22 % d'entre eux n'ont pas de complémentaire santé contre 7 % du reste de la population25.

Enfin, pour illustrer de façon concrète la prévalence des risques pathologiques chez l'enfant en situation de précarité, voici un tableau de la part des enfants souffrant des pathologies les plus fréquentes réalisé par l'INSEE :

25 DE SAINT PAUL Thibault, La santé des plus pauvres, INSEE Première, n°1161, octobre 2007.

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Ainsi, je peux dire qu'il n'y a pas réellement de maladies des enfants pauvres, mais il est certain que le risque d'en contracter, et bien plus important en milieu précaire qu'en milieu stable. Et une chose est sure : la pauvreté rend malade, et la maladie rend pauvre.

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3. DES DIFFICULTES DANS LE PARCOURS SCOLAIRE :

Comment ne pas évoquer l'impact de la précarité des familles sur l'enfant sans parler des difficultés que celle-ci engendre dans le parcours scolaire de ce dernier ? L'école qui doit être le deuxième lieu de socialisation de l'enfant, après la famille, se doit d'être porteuse de valeurs d'égalités et de respect, en veillant au bien être de l'enfant au sein de l'institution éducative qu'elle représente.

Mais comme le dit Julie CHUPIN26 : « Ce qui est promesse de plaisir pour la plupart devient source d'angoisse pour d'autres dès lors que les difficultés s'accumulent ». Le redoublement en est le premier signe : 37,5% des enfants interrogés ont ainsi déjà redoublé au moins une fois. Le stress vécu dans la famille, et les prédispositions de celle-ci vis-à-vis de la transmission des savoirs, sont autant de facteurs qui mettent un frein à l'envie d'apprendre.

Si la famille ne porte pas les valeurs et les bienfaits de l'école, si un parent est fortement malade, ou si les espoirs envers l'enfant sont trop grands, alors comment l'enfant peut-il être suffisamment en confiance au point d'accepter qu'on lui transmette quelque chose sans qu'il ne soit préoccupé par d'autres sujets ? Car pour qu'un enfant puisse apprendre, il faut des conditions qui ne soient pas exclusivement scolaires.

Dans l'idéal, l'école devrait être un lieu d'ancrage essentiel pour les enfants issus des familles précaires. Puisqu'à la maison, rien ne va vraiment, l'école devrait représenter un temps où les enfants se retrouvent et peuvent évacuer le stress familial qu'ils subissent. Mais bien souvent, l'influence des facteurs liés à la précarité, tels que le manque de sommeil, l'impossibilité de faire ses devoirs à la maison, le surpeuplement du foyer familial, ou encore le désintérêt des parents face à la sphère scolaire, est synonyme d'inégalités en matière de réussite. Ainsi, 25% des enfants interrogés déclarent ne pas pouvoir faire leurs devoirs dans le calme, 50% avouent que leurs parents ne les aident pas à faire leurs devoirs lorsque l'Ecole Des Devoirs est fermée, et 4 enfants sur 16 admettent que leurs parents ne s'intéressent pas à ce qu'ils font à l'école.

26 CHUPIN Julie, Echec scolaire, la grande peur, éditions Autrement, Paris, 2013.

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Voici comment l'école, vecteur de socialisation est d'intégration, devient peu à peu une problématique supplémentaire dans le parcours et le développement psychosocial et psycho-affectif de l'enfant, renforçant de façon continue, les sentiments d'angoisse et de honte qu'il pouvait alors déjà ressentir.

Dans ces trois dernières partie, je me suis donné comme objectif de mettre en lumière les processus de précarisation et de pauvreté, et notamment leurs impacts sur le corps familial et sur l'enfant. J'ai ainsi pu démontrer que notre société, aussi développée soit-elle, laisse la part belle à l'émergence de nouvelles situations d'exclusions sociales, où la précarité et la pauvreté affectent tous les domaines de la vie de l'enfant, et portent atteintes à ses droits les plus fondamentaux.

Il est certain qu'il existe une spirale « infernale » et négative dans laquelle sont entraînés les enfants et les familles défavorisées. Notre société riche, se voulant égalitaire et fraternelle, laisse de côté un grand nombre de ces citoyens. Je dis qu'elle laisse de côté parce que c'est vraiment le sentiment que j'ai eu en écoutant les parents et les familles, mais aussi en rédigeant ce travail. Comme si une certaine fatalité s'acharnait sur les épaules de certains enfants à travers leur situation familiale, et que celle-ci les forçait à s'asseoir à une place où leur intelligence, leur créativité, leurs capacités, leur désir d'apprendre, de s'intégrer, de s'inventer une vie à la hauteur de leurs espoirs et de leurs ambitions, finalement, ne compteraient pas.

Je ne veux pas tomber ici dans le misérabilisme, et c'est d'ailleurs pourquoi ma dernière partie se veut être une « réponse », ou tout du moins, des hypothèses de réflexions, à ces problématiques sociales que l'éducateur spécialisé est à même de rencontrer dans sa carrière professionnelle. Dans un souci d'objectivité et de cohérence, je me concentrerai uniquement sur l'action que peut mener un éducateur au sein d'une Maison de Jeunes puisqu'il m'est impossible, avec le peu d'expérience que j'ai dans ce domaine, de dresser une série d'actions dites « efficaces et indiscutables » qui permettraient aux enfants et aux familles de sortir de cette spirale.

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E. LES OUTILS DE L'EDUCATEUR OU L'EDUCATEUR-OUTIL EN MAISON DE JEUNES :

La Maison de Jeunes est un lieu où les enfants et les adolescents doivent se respecter entre eux. La mise en place d'un règlement fortement inspiré de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen, les inscrit d'emblée dans un contexte de liberté où chacun à des droits et des devoirs. Si le fonctionnement de la MJ est basé sur l'autonomie et la participation active des jeunes, les éducateurs qui y travaillent sont d'abord des référents adultes, des piliers stables et droits dans leur démarche éducative, assurant le rôle de point de repère pour ces jeunes en difficultés.

Il est évident que le rôle premier d'une Maison de Jeunes n'est pas de régler les problèmes de précarité et de pauvreté des familles et de ceux qui la fréquente. Mais dans un sens, elle ne peut pas non plus fermer les yeux sur la déshérence de ces personnes, tout en prétendant que son action est dirigée vers une prise de conscience citoyenne. Son rôle est justement de prendre en compte les difficultés sociales de chacun, et de tenter de les contourner, de les supprimer, ou au moins, de donner une chance aux enfants, de prétendre à une vie faite de partage et de dignité.

I. SUR LE PLAN FAMILIAL :

1. ETRE A L'ECOUTE DES SITUATIONS FAMILIALES :

Comme son nom l'indique, une Maison de Jeunes est faite pour les jeunes, et non pour les parents. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles certains d'entre eux s'y rendent :

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pour échapper aux contraintes familiales, ou au stress qui en découle. C'est pourquoi, bien souvent, certains d'entre eux évoquent facilement leurs relations avec leurs parents, et il est inutile de préciser à quel point elles sont compliquées. Ils recherchent, auprès des éducateurs, un climat de confiance qui puisse leur donner le sentiment d'être entendu et compris.

Pour ma part, je pense qu'il serait vraiment intéressant de renforcer le lien entre les familles de ces jeunes, et les membres de l'association, sans prétendre à une quelconque aide à la parentalité. Mais seulement pouvoir les recevoir de temps en temps, pour faire le point sur leur situation, savoir ce qu'il en est avec leurs enfants, les diriger vers des services d'aides spécialisés si besoin, et même, pourquoi ne pas créer des ateliers où parents et enfants participent ensemble ? Utopique peut-être. Mais nécessaire à mon sens, car ce sont bien les familles qui ont un impact direct sur l'enfant, et si l'on veut changer, ou du moins influencer, les habitudes négatives de ce dernier, il faut alors absolument prendre en compte la fonction parentale dans son ensemble.

Cela me parait essentiel d'introduire une sorte de continuité dans la relation parents/éducateurs, en leur montrant qu'on les respecte, qu'on ne les convoque pas mais que nous sommes des alliés dans leur situation, qu'on leur permette de parler, qu'on les écoute et que leur parole ne soit pas disqualifiée. Car la plupart des enfants qui fréquentent la Maison de Jeunes, arrivent dès qu'ils sont en âge de la fréquenter, c'est-à-dire 4 ans, et la quittent lorsqu'ils n'y sont plus acceptés, c'est-à-dire à 21 ans. S'il n'y a pas de déménagement ou de conflits trop importants, pour ceux qui s'inscrivent dès qu'ils le peuvent, il se passe donc en moyenne plus de 16 années avant qu'il n'y ait une réelle rupture avec eux.

En ce sens, je ne peux pas concevoir que l'importance de la prise en considération des parents ne soit pas faite, et c'est une des raisons qui justifie la mise en place de mon questionnaire : apprendre à les connaître, c'est aussi mieux connaître leurs enfants, et donc améliorer et mieux cibler les actions éducatives et culturelles.

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2. FIXER DES OBJECTIFS A COURT ET A LONG TERME :

Un autre point qui me semble important d'évoquer, est la mise en place d'objectifs à court et à long terme dans la démarche de mise en relation avec la famille. En effet, puisque le lien entre parents et éducateurs est quasi-inexistant, pourquoi ne pas proposer, comme je l'ai dit plus haut, des activités où parents et enfants s'attèlent à une tâche commune, et ce dès le plus jeune âge de l'enfant, et où l'éducateurs servirait d'accompagnateur dans cette démarche ? Il est vrai que la Maison de Jeunes propose des soirées thématiques où les enfants préparent le repas pour les adultes. Mais les inscrits sont, le plus souvent les partenaires sociaux et le voisinage, que les parents eux-mêmes. Des sorties culturelles sont aussi organisées pour les jeunes, alors pourquoi ne pas inviter, de temps en temps, les parents à se joindre à eux ? Cela ne renforcerait-il pas le lien affectif parents/enfants, et le lien parents/éducateurs ?

Et comme objectif à long terme, il pourrait être intéressant de créer des groupes de paroles, ou même des groupes d'entre-aide entre parents. Je pense à cette mère illettrée et au chômage, élevant seule son enfant, qui chaque jour venait une heure avant la fermeture de la MJ pour discuter, et essayer de rattraper un niveau correct en mathématiques et en français. Elle avait le souci de vouloir passer son diplôme du secondaire, et elle me disait le faire pour son fils, pour lui montrer que sa mère ne baisse pas les bras. La tâche est lourde, et s'étend sur la durée. Et si des parents dans la même situation se joignaient à elle ? Et s'ils se rendaient compte qu'ils ne sont pas les seuls ? Alors ne s'entre-aideraient-ils pas ?

Peut-être utopique encore une fois, mais l'espoir ne vaux-t-il pas la peine d'essayer, au moins pour un temps ?

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II. SUR LE PLAN SCOLAIRE :

1. RENFORCER L'IMPORTANCE DE L'ECOLE DES DEVOIRS :

La Maison de Jeunes est aussi Ecole des Devoirs tous les jours de la semaine (hors week-ends) après les heures d'école des enfants. A mon arrivée en stage, j'ai pu observer un brouhaha continu lors de ce temps consacré à l'étude. Je ne comprenais pas comment il était possible pour ces enfants de comprendre ce qu'ils étudiaient, et j'ai vite remarqué que le travail était bouclé le plus vite possible, dans l'idée de pouvoir faire autre chose rapidement.

Il m'a donc paru essentiel de mettre en place un règlement distinguant les conduites tolérées de celles qui ne le sont pas. J'ai donc convoqué le conseil des jeunes, composé des plus de 16 ans, et je les ai invité à établir une liste des engagements qu'ils devaient prendre pour que l'Ecole des Devoirs soit un endroit d'étude, et non de récréation. Les éducateurs devaient eux aussi dresser une liste de leurs engagements.

Enfin, le règlement devait être voté à l'unanimité, et signé par tous les membres de la MJ. En voici le résultat page suivante.

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Règlement de l'Ecole des Devoirs :

JE M'ENGAGE A :

 

- Dire « Booonjouuuuur » en arrivant,

- Venir ici pour travailler,

- Ne pas parler d'autres choses que des devoirs,

- Ranger mes affaires de façon à ne pas gêner les autres,

- Rester poli et à m'adresser correctement aux autres,

- Me tenir correctement (sur ma chaise, et en général),

- Aider les autres lorsque les éducateurs sont pris et lorsque j'ai fini mon

travail,

- Ne pas crier,

- Ne pas utiliser de téléphone, pc, mp3, etc,

- Ne pas grignoter,

- Ne boire que de l'eau (pas de sodas et autres),

- Etre à l'heure,

- Quitter l'école de devoirs lorsque j'ai TOUT terminé.

LES EDUCATEURS S'ENGAGENT A :

 

- Etre clair dans leurs propos,

- Etre disponibles pour vous aider,

- A respecter et faire respecter ce règlement.

Moi, ... m'engage à respecter correctement ce

règlement, et à accepter la ou les sanctions prévues en concertation avec les animateurs, et ce, en cas de manquement à l'une ou plusieurs de ces règles.

Date : Signature :

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Enfin, je pense qu'il serait intéressant d'inclure les parents dans l'Ecole des Devoirs. Comme je l'ai dit précédemment, bon nombre des enfants interrogés avouaient que leurs parents ne s'intéressaient pas ce qu'ils faisaient à l'école, ou ne faisaient pas leurs devoirs avec eux. J'ai donc interrogé les enfants en leur demandant s'ils étaient d'accord pour que leurs parents participent à l'Ecole des Devoirs, et sur les 16, 2 enfants disent « oui », 4 « oui, mais pas tout le temps », et 10 « non ». Ceux qui sont le plus en demandes sont les 6-14 ans. Car il est compréhensible que les jeunes adolescents ne souhaitent pas que leurs parents les surveillent, et encore moins pour les devoirs. Mais pour les plus jeunes, on voit nettement qu'une intervention des parents serait à leur avantage.

Alors pourquoi ne pas les inclure dans ce processus ? Cela ne nous permettrait-il pas de mieux cerner les difficultés éducatives des parents en souffrances ? Cela ne rassurerait-il pas les parents de savoir qu'ils sont compris et aidés ? Une fois encore, sans vouloir faire d'aide à la parentalité, mais juste en apportant quelques outils éducatifs et non des « conseils ». Recentrer les parents sur l'intérêt de s'investir dans le travail de leurs enfants, c'est ainsi dépasser la peur de les voir échouer ou reproduire leurs erreurs. D'autant plus quand on sait combien les parents sont en rupture avec les services d'aides spécialisés.

4. SENSIBILISER L'ETABLISSEMENT SCOLAIRE SUR LES

DIFFICULTES DE L'ENFANT :

Là encore, ce n'est effectivement pas le rôle premier d'une Maison de Jeunes, mais entretenir un contact de qualité avec les établissements scolaires des enfants les plus en difficultés, serait une démarche intéressante. Surtout quand on sait que les parents sont

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souvent très réfractaires aux rencontres parents/professeurs, parce qu'ils s'exposent au regard de l'autre, qu'ils ont honte de leurs situations, ou bien simplement parce que l'investissement des parents est parfois inexistant, même si chez eux, « l'enfant est roi ».

J'ai en tête cet enfant de 8 ans, d'origine marocaine, et dont la mère, seule au foyer, ne parlait pas un mot de français. Il refusait de faire comprendre à sa mère les problèmes qu'ils rencontraient à l'école. Il aurait pu les lui traduire fidèlement en marocain, mais cette espèce d'avantage du « bilinguisme non partagé », faisait qu'il préférait mentir sur ses résultats plutôt que d'inquiéter sa mère. Les deux seules actions qui s'offraient alors à nous, étaient d'essayer de raisonner l'enfant pour qu'il dise la vérité, ou faire en sorte que ses résultats augmentent. La situation n'a pas évoluée sur les quatre mois de stage que j'ai effectué.

Alors pourquoi, pour les enfants les plus en difficultés, ne pas entrer en contact avec l'école ? Proposer des remédiations en partenariat ? Tenter de faire le relai entre famille et professeurs ? Ou encore réaliser une sorte de contrat entre l'enfant, l'école et la Maison de Jeunes ? Est-ce vraiment impossible ? Je ne crois pas, surtout sachant que sur les 16 enfants interrogés, tous comprennent l'importance d'aller à l'école.

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III. SUR LE PLAN CULTUREL ET CITOYEN :

1. OUVERTURE CULTURELLE

« On se bat pour avoir des ressources. Tous les jours, les enfants demandent de

l'argent pour le cinéma, la gym... Il faut toujours payer. »

La précarité vécue par de nombreuses familles entraîne, je l'ai expliqué, une coupure avec le monde extérieur. Et il est évident qu'aujourd'hui, l'accès à la culture est aussi un vecteur d'inégalités sociales. Les coûts sont souvent élevés, et un enfant issu de milieu précaire souhaitant pratiquer un sport ou même partir en classe découverte, se voit contraint d'abandonner ses idées.

Mais il est possible de passer à travers les mailles de la dépense budgétaire, en se tournant vers les tarifs préférentiels en musées, expositions, concerts et cinéma. Il existe aussi un grand nombre de prestations culturelles gratuites dans de nombreux domaines. Car favoriser l'accès à la culture, c'est ouvrir aux enfants, une porte sur un monde qu'ils ne connaissent pas, c'est donner le droit à la connaissance, c'est se familiariser avec d'autres points de vue. Et c'est en ce sens que la Maison de Jeunes propose un panel d'activités culturelles comme la danse, la cuisine du monde, la création et l'art plastique, le sport, l'écriture de textes de Rap, etc. Elle propose aussi des sorties découvertes, comme des journées à Bruges, des sorties cinéma, ou encore un voyage humanitaire au Congo.

Ces activités sont des espaces de partage pour les jeunes en difficulté, où ils peuvent se réunir autour d'une passion commune. C'est aussi un moyen pour eux, d'évacuer la situation dans laquelle ils se trouvent, et d'avoir un moment de répit où ils apprennent avec plaisir, et sans le savoir.

Mais la MJ ne fait pas que des offres d'activités et de sorties, les jeunes eux-mêmes peuvent décider de ce qu'ils veulent mettre en place, car s'il est important de mettre à leur disposition un maximum d'ouverture culturelle, il faut aussi se rappeler que les jeunes sont

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aussi porteurs de leur propre culture, et qu'en ce sens, respecter leurs goûts et leurs attirances, c'est les respecter eux-mêmes.

Rappelons que l'article 23 de la Constitution Belge stipule que : « Chacun a le droit à l'épanouissement culturel et social ».

La Maison de Jeunes est donc surtout une porte ouverte à la culture, aux projets, et à l'expression. Une porte ouverte aux nouvelles expériences, aux idées, à la création ou encore à la découverte. Une porte ouverte aux savoirs, au respect et à l'écoute. Une porte ouverte sur le monde, et sur les questions les plus existentielles, car comme l'a dit André MALRAUX :

« La culture, c'est ce qui répond à l'Homme quand il se demande ce qu'il fait sur la

Terre »27

2. OUVERTURE CITOYENNE :

La participation active des jeunes dans la société constitue non seulement un facteur facilitateur d'inclusion sociale, de réussite et d'émancipation pour eux, mais aussi un atout pour l'ensemble de la communauté.

C'est ainsi que la Maison de Jeunes a pour objectif d'amener les jeunes à être des Citoyens Responsables, Actifs, Critiques, et Solidaires (CRACS). En ce sens, un grand nombre d'actions sont menées pour atteindre ce but. Je pense particulièrement aux concerts

27 MALRAUX André, discours à la Maison de la Culture de Bourges sur le rôle de la culture au cours des siècles, 14 mai 1965.

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organisés pour faire la promotion du commerce équitable et de la solidarité, je pense au projet Congo qui se veut être un échange culturel, mais aussi humanitaire (apport de denrées alimentaires, de vêtements, de livres, de jeux, etc). Je pense aussi à l'ensemble des ateliers citoyens proposés, comme des ateliers-débats sur les thèmes d'actualité, les ateliers sur la lecture des programmes politiques lors des élections, etc.

Toutes ces ambitions vont dans un sens : faire en sorte que les enfants et les jeunes, en rupture avec le système et la société dans laquelle ils évoluent, prennent conscience que la citoyenneté active leur donne le droit d'avoir une place, et de répondre à ce qu'ils répètent souvent : « de toute façon, on sers à rien ».

Enfin, « Sois pauvre et tais-toi », titre d'une chanson du groupe de rock Les Sales Majestés, illustre bien une vérité : quand on est précaire, on n'est pas, de fait, un citoyen comme un autre. Il est indispensable de davantage impliquer les jeunes dans les réflexions et les processus consultatifs qui concernent aussi leurs espaces de vie : l'espace public, l'école ou les institutions de l'aide à la jeunesse par exemple.

Car je ne vois pas comment un lien social peut être durable si les enfants et les jeunes issus de la pauvreté restent tenus à l'écart de la vie démocratique du pays dans lequel ils vivent, si nous n'essayons pas de changer en profondeur le regard de la société sur la précarité et si, finalement, nous ne permettons pas aux plus démunis d'appartenir totalement à la communauté des hommes.

A ce moment-là, de quel droit pouvons-nous clamer vivre en démocratie ? Périclès, au IVème siècle avant Jésus-Christ, s'efforçait déjà d'atténuer les inégalités économiques et sociales d'Athènes par la pratique des liturgies (charges normalement assumées par l'État, mais confiées aux plus riches des citoyens), par un système d'entraide pour les plus déshérités, et par du travail pour tous. Où en sommes-nous aujourd'hui, plus de 2400 ans plus tard ?

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IV. ETRE EN RELATION AVEC LES INSTITUTIONS D'AIDES :

Puisque le public de la Maison de Jeunes est issu de milieu précaire, puisque les éducateurs sont chaque jour confrontés à la réalité de ce fléau, puisque bien souvent nous nous sentons démunis dans la portée de nos actions, pourquoi ne pas renforcer davantage les relations avec le Conseil d'Arrondissement de l'Aide à la Jeunesse ?

J'ai mis en évidence que des troubles du lien « parents-enfant », et certaines difficultés éducatives, trouvent leur origine dès la naissance de l'enfant, voire même pendant la grossesse. Un travail de prévention mis en place durant, et même avant, la grossesse pourrait renforcer, améliorer la qualité de ce lien.

Au sein de la Maison de Jeunes, il est possible pour les éducateurs, de relever ces problématiques familiales récurrentes, et donc de diriger les parents vers l'ONE, les plannings familiaux et les services s'occupant de la petite enfance.

Il est aussi important d'informer et de sensibiliser les futurs parents et les parents de jeunes enfants sur l'importance et la qualité du lien précoce et le désir d'enfant. D'apporter un appui aux parents dans l'exercice de leur rôle par l'échange avec d'autres parents ou avec des professionnels permettant ainsi aux parents de construire leurs propres références éducatives et en les confrontant à d'autres modèles éducatifs. C'est l'idée de créer des groupes de paroles et d'entre-aide entre parents.

Certains parents éprouvent aussi des difficultés à satisfaire les besoins primaires de l'enfant notamment au niveau de l'hygiène de vie (alimentation, sommeil, hygiène corporelle, etc). Comme je l'ai expliqué, ces problèmes sont en général très stigmatisant pour les enfants et pour les parents. Ils constituent régulièrement des facteurs renforçant des phénomènes de harcèlement, de tensions, d'exclusion.

Il convient donc d'éviter d'aborder ces questions sous l'angle de la culpabilisation et de la stigmatisation. C'est une chose importante, « car elle véhicule beaucoup de représentations

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collectives (conscientes ou inconscientes) qui ont une influence sur la gestion de la qualité de la relation d'aide »28. Cette thématique devrait être abordée dès le plus jeune âge de l'enfant et durant toute la période préscolaire où la visibilité des services sociaux est quasi inexistante.

Dans ce sens, il serait intéressant de favoriser une fois de plus les partenariats avec l'ONE, et les services d'aides familiales. De mener des actions qui favorisent la rencontre, l'écoute, le partage d'expériences et la valorisation des compétences parentales.

Car il est possible d'organiser ce type de rencontres dans la Maison de Jeunes. D'autant plus que celles-ci permettraient aux éducateurs de mieux connaître les parents, et donc de favoriser un climat d'échange positif dans une triangulation favorable pour l'épanouissement de l'enfant, lui permettant ainsi de se sentir aidé, soutenu, et encadré.

28 Diagnostic social du CAAJ de Tournai, 2014.

78

CONCLUSION :

Si je devais répondre en un mot à la question « quel est l'impact de la précarité sur la famille et sur l'enfant ? », je répondrai : total. Mes questionnaires, mes observations sur le terrain, et mes recherches vont tous dans le même sens : la précarité et la pauvreté influent à tous les niveaux de l'existence. Sur le travail, la scolarité, les relations sociales, sur la santé, l'hygiène de vie, l'alimentation, et sur l'accès à la culture, au logement et aux soins. Aucun domaine n'est épargné, et chaque situation est unique dans sa complexité, mais semblable dans sa détresse. J'ai notamment pu constater que les adultes qui sont touchés ont souvent hérité de la situation de leurs aïeux, remettant en question le concept d' « égalité des chances ».

En ce sens, je pense que l'enfant et l'adolescent doivent être au centre de toutes les politiques publiques de la façon la plus transversale possible, et la mission première de ces politiques publiques devrait être, avant toute chose, de protéger les plus vulnérables. Car sortir les enfants de l'engrenage de la précarité et de la pauvreté, c'est stopper la reproduction intergénérationnelle des difficultés socio-économiques issues de l'héritage parental. Il suffit alors de prendre le temps pour éduquer les enfants et leur transmettre les valeurs que la famille n'est pas à même de livrer.

Car ne sont-ce pas ces valeurs qui régissent le fondement même de notre société, et qui sont la clé de voute de notre idéal démocratique, ou bien ces valeurs ont-elles changé ?

Et si la mission principale d'une Maison de Jeunes n'est pas l'éradication des situations de précarité des familles et des enfants, elle peut, et je dirai même qu'elle doit, prendre en compte les difficultés qui en découlent. C'est alors faire en sorte de ne pas fermer les yeux, mais au contraire : montrer que l'on sait, et que l'on agit.

Pour cela, de nombreux outils sont à la disposition de l'éducateur. Il pourrait créer des espaces de rencontres avec les parents et ainsi développer l'entre-aide et trouver des solutions avec eux. Il pourrait faciliter et encourager davantage l'ouverture culturelle et citoyenne, en

79

insistant par exemple, sur l'article 27 dont le but est de garantir un accès à l'offre culturelle pour tous au moyen d'un ticket permettant d'aller aux spectacles à moindre prix. Je pense aussi qu'il est impératif de renforcer l'importance de l'Ecole des Devoirs, en y incluant les parents pour les enfants le désirant. L'éducateur pourrait aussi insister sur l'investissement scolaire des enfants en favorisant et en simplifiant le dialogue entre l'établissement scolaire et la Maison de Jeunes.

Enfin, pour les parents les plus en détresses, l'éducateur pourrait les orienter vers les institutions d'aides, et même créer un partenariat constructif avec l'ONE et le CAAJ, et ainsi faciliter la détections des situations de précarité, et agir au plus vite pour le bien-être des enfants qui en souffrent.

Cela n'est évidemment possible que si les professionnels sont prêts à entrer dans l'intimité des familles, et à changer leurs méthodes éducatives au sein des Maison de Jeunes. Je pense sincèrement que ce type de structure doit s'ouvrir plus concrètement aux phénomènes de précarisations, car son implantation au sein de la cité, justifie en elle-même cette action. Et puisque les familles sont souvent en ruptures avec les services sociaux, ouvrir les Maisons de Jeunes aux parents, écouter leurs maux, et trouver des solutions avec eux, avoir de l'empathie en somme, devrait probablement les rendre moins réticents à l'aide qui leur est proposée.

Car ce qui est certain, c'est que l'éducateur doit pouvoir s'atteler pleinement à cette tâche, c'est la condition même de l'existence de son métier : avoir suffisamment d'empathie pour avoir l'envie et la force de répondre activement aux difficultés des personnes concernées. Comme le dit si bien Christian BOBIN29 : « L'empathie c'est, à la vitesse de l'éclair, sentir ce que l'autre sent et savoir qu'on ne se trompe pas, comme si le coeur bondissait de la poitrine pour se loger dans la poitrine de l'autre. C'est l'art double de la plus grande proximité et de la distance sacrée. Sans le coeur, il n'y a pas d'empathie, car avoir du coeur, c'est sortir de soi, mais il faut ressentir l'autre jusqu'à presque le devenir, il faut en même temps maintenir une distance sous peine de sombrer dans la fusion ».

En me remettant le questionnaire en main propre, alors que j'avais insisté sur la forme anonyme de celui-ci, un parent m'a remercié, me disant qu'il était soulagé de savoir que je savais. N'est-ce pas là le premier levier à abaisser : savoir qui sont ces familles ?

29 BOBIN Christophe, La lumière du monde, éditions Poche, janvier 2003.

80

TABLE DES SOURCES :

OUVRAGES :

BIDON-LEMESLE Céline, Thérapie Familiale, 2011. BRANDEN Nathaniel, L'estime de soi : une force positive, 2011.

CAVAILLET F., DARMON N., LHUISSIER A., REGNIER F., L'alimentation des populations défavorisées en France. 2005.

CHUPIN Julie, Echec scolaire, la grande peur, éditions Autrement, Paris, 2013. CINGOLANI Patrick, Coll. Que Sais-Je ?, éd. PUF, 2005.

DE SAINT POL Thibaut, La santé des plus pauvres, division des conditions de vie des ménages, Insee, octobre 2007.

DURKHEIM Émile, De la division du travail social, 1893. FOURNIER Martine, La Révolution des poussettes, 2011.

MALRAUX André, discours à la Maison de la Culture de Bourges sur le rôle de la culture au cours des siècles, 14 mai 1965.

PAUGAM Serge, La disqualification sociale: essai sur la nouvelle pauvreté, 1991. SCHNAPPER Dominique, L'épreuve du chômage, 1981.

VERSINI Dominique Conséquence sur le développement affectif de l'enfant des situations de précarité familiale, Entretiens de la Petite Enfance, 2011.

WRESINSKI Joseph, fondateur d'ATD Quart Monde, Rapport : Grande pauvreté et précarité économique et sociale, 1987.

ZAOUCHE GAUDRON Chantal, Précarités et éducation familiale, éditions Eres, 2011.

81

LIENS INTERNET :

http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/docs_doc_travail/g2004-06.pdf http://socialinnovation.ieseg.fr/2011/03/14/quand-precarite-rime-avec-echec-scolaire/ http://www.etab.ac-caen.fr/centre-ph-lucas/gprs/enjeux.htm http://atd-quartmonde.be/lodel/index.php?id=140 http://www.lacode.be/IMG/pdf/analyse_enfance_pauvrete.pdf http://www.luttepauvrete.be/chiffres.htm

AUTRES :

Charte des droits fondamentaux, 18 décembre 2000.

Charte sociale européenne révisée, 3 mai 1996.

Convention européenne des droits de l'homme, 4 novembre 1950.

Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989.

Bilan Innocenti 12, Centre de recherche Innocenti de l'Unicef, octobre 2014.

Diagnostic social 2014, CAAJ de Tournai, 2014.

Enquête CORELA, 2005.

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966.

Plan d'action quadriennal 2013-2016 de la Maison de Jeunes « Port'Ouverte ».

Rapport annuel 2012-2013 du délégué général de la communauté française aux droits de l'enfant, 31 août 2013.

82

ANNEXES

83

84

RESULTATS DES QUESTIONNAIRES D'INFORMATIONS GENERALES SUR LES
REPONDANTS ENFANTS

Catégorie
d'âge

6-9

9-12

12-14

14-18

18 et +

TOTAUX en %

Nombre

5

1

4

4

2

100%

Vis avec :

Père et Mère

2

-

2

-

-

25%

Mère seule

2

1

3

2

1

56,25%

Père seul

1

-

-

-

-

6,25%

Autre

-

-

-

1

1

12,50%

Année de Retard :

Aucune

4

1

2

1

1

56,25%

Une année

1

-

3

2

-

37,50%

Deux années

-

-

-

-

-

-

Trois années

-

-

-

-

1

6,25%

Activités Extra-Scolaire :

Oui

5

1

3

3

2

87,50%

Non

-

-

2

-

-

12,50%

Nombre de frères et soeurs

Enfant unique

1

-

-

-

-

6,25%

Un

-

-

-

2

1

18,75%

Deux

1

-

2

-

1

25%

Trois et plus

3

1

3

2

-

56,25%

RESULTATS DES REPONSES AUX PHRASES (ENFANTS)

85

 

Oui

Non

A propos de l'école et des devoirs...

A l'école, on peut m'aider si je suis en difficulté pour faire mes devoirs.

10

6

A la maison, je peux faire mes devoirs dans le calme.

12

4

Mes parents m'aident à faire mes devoirs quand l'EDD est fermée.

8

8

Tous les enfants de mon école ont les mêmes chances de réussir dans la vie.

8

8

Ce n'est pas parce que j'ai des difficultés que je ne vais pas réussir.

13

3

Je comprends l'importance d'aller à l'école.

16

0

A propos de ton quotidien...

L'hiver, j'ai suffisamment chaud dans la maison.

13

3

Je me sens en sécurité chez moi.

12

4

Un enfant peut faire ce qu'il veut à la maison.

2

14

A la maison, il m'arrive parfois d'entendre parler de drogue.

3

13

Le matin, le midi et le soir, je mange toujours à la même heure.

6

10

Je préfère être dehors avec les copains plutôt qu'à la maison.

12

4

Si on me fait du mal, il y a des adultes en dehors de ma famille, avec
lesquels je pourrais parler librement.

13

3

J'ai une chambre pour moi tout seul.

9

7

J'ai des vêtements à ma taille et en bon état.

12

4

Etre propre du corps et des vêtements, c'est important pour moi.

14

2

A propos de ta relation avec tes parents...

Je fais des sorties avec mes parents.

10

6

Un parent a le droit de lever la main sur son enfant.

7

9

Le plus souvent, c'est moi qui m'occupe de mes frères et soeurs.

3

13

Mes parents s'intéressent à ce que je fais à l'école.

12

4

Quand je ne suis pas d'accord avec mes parents, je leur dis calmement.

7

9

Mes parents me montrent souvent qu'ils m'aiment.

10

6

RESULTATS DES QUESTIONS CONCERNANT L'EDD (ENFANTS)

Catégorie
d'âge

6-9

9-12

12-14

14-18

18 et +

Les méthodes proposées pour t'aider te semblent :

Très

appropriées

4

 

1

 

1

Appropriées

1

2

3

3

1

Inappropriées

 
 
 
 
 

Très

inappropriées

 
 
 
 
 

En général, tes parents sont satisfaits du travail que tu fais à l'EDD

Absolument

4

 

5

1

 

Assez

 
 
 

2

1

Pas du tout

 

1

 
 
 

Ils ne m'en
parlent pas

1

 
 
 

1

As-tu remarqué des progrès dans tes résultats depuis ton inscription à l'EDD

Fortement

2

 

2

1

 

Assez

3

1

2

1

1

Pas vraiment

 
 
 

1

1

Pas du tout

 
 

1

 
 

Recommanderais-tu l'EDD à un ou une ami(e) qui en aurait besoin ?

Fortement

5

1

2

1

2

Assez

 
 

3

2

 

Probablement

pas

 
 
 
 
 

Pas du tout

 
 
 
 
 

Aimerais-tu que tes parents participent à l'EDD avec toi ?

Oui

2

 
 
 
 

Oui, mais pas
tout le temps.

1

1

2

 
 

Non

2

 

3

3

2

37,50%

62,50%

-

-

62,50%

18,75%

6,25%

12,50%

31,25%

50%

12,50%

6,25%

68,75%

31,25%

-

-

12,50%

25%

62,50%

TOTAUX en %

86

I. TABLEAUX DES RESULTATS AUX QUESTIONS D'INFORMATIONS GENERALES DES REPONDANTS PARETNS :

 

Niveau
d'étude ?

Emploi
rémunéré
régulier ?

RIS ?

Chômage ?

Nbre
d'enfant

s

à

charge ?

Tranche
d'âge ?

Types de
ménage :

Oui

Non

Ja-
mai
s

Chô-
mage

RIS

Aucu

n

0-4

4-6

6-9

9-

12

12
et +

Mère seule 1

ESI

 
 

X

 

X

 

1

 
 
 

X

 

Mère seule 2

ESI

 
 

X

 

X

 

1

 
 
 

X

 

Mère seule 3

ESI

 

X

 

X

X

 

2

 
 
 

X

X

Mère seule 4

ESI

X

 
 
 
 

X

2

 
 

X

 

X

Mère seule 5

5ème secondaire
inférieur

 
 

X

 

X

 

3

 

X

XX

 
 

Mère seule 6

5ème secondaire
inférieur

X

 
 
 
 

X

4

 
 

X

X

XX

Mère en union
libre

Coiffure

X

 
 
 
 

X

4

 

X

X

X

X

Mère mariée

ESI

 
 

X

 

X

 

4

 
 

XX

XX

 
 

Père seul

Boulangerie

X

 
 
 
 

X

1

 
 
 
 

X

Beau-père en
union libre

ESI

X

 
 
 
 

X

2

 
 

X

X

 

87

RESULTATS DES REPONSES AUX PHRASES (PARENTS)

88

 

Oui

Non

A propos de ma perception de l'éducation...

Un jeune éduqué librement réussira mieux qu'un jeune éduqué sévèrement.

3

7

Un parent doit le plus souvent dire « oui » que « non » à son enfant.

6

4

Un parent qui dit « non » à son enfant ne doit jamais revenir sur sa

décision.

8

2

Je suis conscient qu'un enfant a besoin d'un cadre stable pour se
développer convenablement (sécurité, hygiène, amour, etc).

10

0

A propos de l'éducation de mon/mes enfant(s)...

Lorsque mon enfant éprouve des difficultés à faire quelque chose, je lui
pose des questions qui l'aident à trouver des solutions.

7

3

J'ai souvent l'impression que je n'ai pas assez d'influence sur mon enfant.

5

5

Je laisse rarement mon enfant libre de faire ce qu'il veut.

8

2

Le plus souvent, j'autorise mon enfant à faire ce qu'il veut, même si je
pense que c'est une erreur ou que cela risque de lui occasionner des

problèmes.

0

10

Je préfère laisser mon enfant faire ce qu'il veut plutôt que de provoquer sa

colère.

3

7

Lorsque mon enfant me décrit ce qu'il fait à l'école, je le félicite.

7

3

Lorsque mon enfant à des devoirs, je les fais avec lui.

8

2

Je me laisse rarement décourager par les agissements de mon enfant, même
si je les trouve inacceptables.

7

3

J'ai souvent du mal à comprendre pourquoi mon enfant agit comme il le

fait.

5

5

A propos de ma relation avec mon/mes enfant(s)

Lorsque mon enfant est près de moi, je lui montre que je fais attention à lui.

9

1

Je perds rarement mon calme quand je suis avec mon enfant.

7

3

Le plus souvent, quand mon enfant fait quelque chose de bien, je le
souligne et l'encourage dans ce sens.

9

1

Je démontre à mon enfant que je l'aime, même s'il fait des bêtises.

10

0

Mon enfant se comporte rarement comme j'aimerai qu'il le fasse.

1

9

RESULTATS DES QUESTIONS CONCERNANT L'EDD (PARENTS)

Les méthodes proposées pour aider votre enfant vous semblent :

Très appropriées

6

60%

Appropriées

4

 

Inappropriées

 
 

Très inappropriées

 
 

En général, les impressions de votre enfant envers l'ensemble des actions proposées par l'EDD sont :

Très positives

9

90%

Positives

 
 

Assez positives

1

10%

Assez négatives

 
 

Négatives

 
 

Très négatives

 
 

Avez-vous remarqué des progrès dans les résultats de votre enfant depuis son inscription à l'EDD ?

Fortement

5

50%

Assez

2

20%

Un peu

3

30%

Pas du tout

 
 

Je ne m'y intéresse pas

 
 

Seriez-vous d'accord pour participer à l'EDD avec votre enfant ?

Très fortement

7

70%

Assez

 
 

Un peu

1

10%

Pas du tout

2

20%

89






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore