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L'intervention militaire française au Mali. Essai d'analyse géopolitique.

( Télécharger le fichier original )
par SATUTNIN NDONG NDONG
Université Omar Bongo - MASTER GEOSCIENCES POLITIQUES 2015
  

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    République Gabonaise Département de Géographie

    Ministère de l'Enseignement Supérieur Centre d'études et de Recherches en Géosciences politiques et prospectives

    Université Omar Bongo Master Géosciences politiques du Monde Contemporain

    Libreville, Octobre 201

    Mémoire de Master
    Thème :

    L'intervention militaire française au Mali. Essai

    d'analyse géopolitique

    Option : géopolitique, espace continental

    Présenté publiquement par :
    Saturnin NDONG-NDONG

    Dirigé par :

    M. Jean-François Owaye,

    Maître de conférences d'Histoire contemporaine

    Codirigé par :

    M. Serge Loungou,

    Maître-assistant en géographie politique

    II

    Dédicace

    A ma mère Florentine Andeme Ndong qui n'a jamais cessé de m'encourager et de m'exhorter à redoubler d'efforts dans tout ce que j'entreprends dans ma vie. Sans son double rôle à la fois de mère et de père qu'elle a su jouer depuis plusieurs années, je n'en serai pas là aujourd'hui.

    III

    Remerciements

    L'exercice de rédaction d'un mémoire de fin de cycle nécessite un encadrement et une rigueur académique qui commencent depuis les premières années de la faculté, sans cela point de parcours universitaire véritable. Pour ce faire, je remercie l'ensemble du corps enseignant du département géographie de l'UOB pour tout le savoir qu'ils m'ont transmis.

    Mes remerciements vont d'autant plus à l'endroit de mon Directeur de mémoire le Pr. Jean-François Owaye et mon co-directeur Dr. Serge Loungou, qui n'ont cessé de m'accorder de leur temps pour me donner des orientations dans le cadre de cette étude.

    Je ne saurais terminer sans remercier ceux et celles-là qui n'ont cessé de m'apporter leur soutien. Je veux pour cela parler de mes frères et soeurs Sima Matthieu ; Mebale Arnold ; Ayong Ronny ; Ntoutoume Stéphane ; Nfoume Marie-Angèle ; Assiteme Mireille, et de ma petite amie Monefoung Nadela pour toute sa patience et sa compréhension tout au long de ce travail.

    IV

    Sigles et abréviation

    AQMI : Al-Qaida au Maghreb Islamique

    CEDEAO : Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest

    CS : Conseil de Sécurité

    GAD : Groupes Armés Djihadistes

    MINUSMA : Mission Internationale des Nations-Unies au Mali

    MISMA : Mission Internationale de Soutien au Mali

    MNLA : Mouvement National de Libération de l'Azawad

    MUJAO : Mouvement de l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest

    OPEX : Opération extérieure

    ONUDEC : Office des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime

    ONU : Organisation des Nations-Unies

    UE : Union Européenne

    UA : Union Africaine

    V

    Sommaire

    Introduction générale 6

    I- Justification de l'étude 8

    II- Problématique et cadre théorique 12

    III- Méthode de recherche ...16

    IV- Limites de l'étude 20

    V- Articulation du travail .20

    Première partie : Les fondements de l'intervention militaire française au

    Mali 22

    Chapitre I- L'espace sahélo-saharien, une sous-région sous tension et l'insécurisation du

    Mali .24

    Chapitre II- Le jeu d'alliance et les motivations « inavouées » de l'intervention militaire

    française 35

    Chapitre III- La France, une alliée intéressée 45

    Deuxième partie : Du déploiement militaire français aux stratégies de sortie de

    crise ..57

    Chapitre I- L'intervention militaire : prodromes et manifestations 59

    Chapitre II- Les effets de l'intervention militaire française et ses limites 71

    Chapitre III- Le désengagement de l'armée française et les perspectives des nouveaux

    rapports entre la France et le Mali 78

    Conclusion générale ..89

    Références bibliographiques 93

    Table des illustrations 100
    Annexes

    Introduction générale

    7

    Afin de bâtir une analyse scientifique cohérente, quatre points permettent d'éclairer les ressorts méthodologiques et théoriques de cette étude consacrée à l'intervention militaire française au Mali. Le premier point aborde la justification de l'étude. Celle-ci met en exergue l'intérêt du sujet, son objet et son champ d'étude. En effet, il s'agit d'apporter les raisons fondamentales du choix de ce sujet et le recadrer dans son approche définitionnelle. Le second point évoque la problématique et le cadre théorique de l'étude. Il est ici question de mettre en relief l'interrogation que pose cette intervention, les différentes hypothèses de recherche et les théories qui s'associent directement à ce sujet. Le troisième point qui traite de la méthode de recherche développe les démarches entreprises dans le cadre de ce travail et la collecte d'informations. Le quatrième point expose les limites de cette étude, et enfin le cinquième point traduit l'articulation du travail en parties et chapitres.

    8

    I- Justification de l'étude

    1- Intérêt du sujet

    Le continent africain connait depuis les années 1970 une escalade de conflits armés dans l'ensemble des grands blocs sous régionaux. En effet, après les tensions perçues dans la corne de l'Afrique dans les années 1970, et celles de l'Afrique australe en 1980, l'Afrique de l'Ouest qui est longtemps restée une zone faiblement affectée par les conflits armés rentre dans la sphère des zones instables à la fin des années 1980 à partir de la guerre civile qui éclate au Libéria. Cette guerre intra-étatique annonce une instabilité perpétuelle dans la sous-région avec notamment les cas de la Sierra-Léone, de la Guinée Conakry ou encore la Côte d'Ivoire. A partir de cet ensemble de tensions, l'Afrique de l'ouest se place dans la zone de tempête de feu à l'échelle mondiale. Les conflits observés dans cet espace géographique sous régional sont restés parfois latents, parce que leurs causes réelles ne sont pas facilement perceptibles et déterminées. Elles échappent souvent à la connaissance de la société civile et de certains organismes internationaux. Or, de la description historique de ces théâtres, il ressort que la plupart de ces conflits intra-étatiques sont ponctués par des interventions militaires des puissances occidentales, parmi lesquelles la France. Ces interventions militaires hexagonales en Afrique résultent de la théorie gaulliste qui répond à « une stratification précise qui correspond aux intérêts économiques de la France, et la qualité des liens entre la France et les décideurs politiques de chaque Etat »1. Cette forme d'interventionnisme a soulevé au sein de l'opinion africaine d'importantes critiques vis-à-vis de la France. Mais, Avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir et plus récemment celle de François Hollande, la France s'engageait à inscrire sa politique militaire en Afrique dans le sens d'un désengagement et de responsabilisation des africains dans la gestion de leur propre sécurité. Or, à la lecture des opérations militaires de la France dans le continent africain durant ces cinq dernières années, les faits sont totalement différents des déclarations politiques de l'exécutif français. L'intervention militaire française au Mali est l'une des plus récentes de la France dans l'Ouest du continent africain, ainsi, son étude est d'une importance capitale.

    De ce fait, ce sujet présente deux intérêts scientifiques : d'une part, il permet de comprendre l'antinomie qui existe entre les discours officiels de la France sur son désengagement militaire en Afrique et l'effectivité de ses nouvelles interventions militaires dans ce même continent. Et d'autre part, il aide à comprendre l'exception faite au Mali, un Etat apriori pauvre dans la théorie gaulliste d'interventionnisme militaire basée sur la primauté des intérêts.

    1P. Chaigneau, La politique militaire de la France en Afrique, Paris, Atelier de Pierre FANLAC, 1984, p.44.

    9

    Ainsi, le thème de recherche « L'Interventions militaire française au Mali : essai d'une analyse géopolitique », nous situe dans le cadre des conflits africains qui, le plus souvent prennent des tournures de conflits militaires internationaux généralisés, où les grandes puissances internationales viennent mesurer la capacité de leur force. En effet, bien que l'intensité de ce conflit impliquait plusieurs Etats de la communauté internationale, notamment les grandes puissances militaires occidentales, il est apriori un conflit intra-étatique qui devrait au départ mobiliser des responsables politiques maliens dans la recherche des solutions. L'intervention de la France dans cette crise vient une fois de plus conforter son image comme `'gendarme de l'Afrique» et met en perspective des anciens accords de défense et d'assistance militaires technique2 signés par l'Etat malien avec l'hexagone. Pourtant, à travers l'échelle élaborée par P. Chaigneau (La politique militaire de la France en Afrique, 1984), qui place le Mali en « marge du système militaire français »3, celui-ci est de loin l'un des Etats africains dans lesquels la France devait rapidement intervenir. De ce fait, le Mali devient un cas d'étude spécifique qui permet de réexaminer la politique militaire de la France en Afrique.

    L'approche de cette thématique n'ayant pas encore été faite particulièrement dans le département de Géographie, et en générale dans l'Université Omar Bongo, elle constitue une nouvelle étude qui revêt un caractère original et complète les différentes recherches de la conflictualité africaine qui ont déjà été abordées dans les années antérieures en master Géosciences Politiques du Monde Contemporain.

    2- Objet et champs d'étude

    Cette étude s'articule autour de deux concepts majeurs : la géopolitique et l'intervention militaire.

    La géopolitique dispose d'une pluralité d'approches définitionnelles. Selon Yves Lacoste, la Géopolitique peut se définir comme « une analyse des rivalités de pouvoir étatiques et non-étatiques, opposant des acteurs internes et externes sur un espace déterminé, en vue de maintenir ou de modifier le rapport de force en présence(population, territoire système politique, ressources religion, culture etc.) par la force ou la négociation, selon leur représentation du monde(idéologique, imaginaire collectif) »4 . Pour Pierre George, il s'agit des «rapports de force entre Etats, ou entre groupes nationaux ou ethniques à l'intérieur des

    2R. Luckham, Le militarisme français en Afrique, volume 2, Paris, Politique africaine, p.98.

    3 P.Chaigneau, op.cit., p.44.

    4 Y. Lacoste, Dictionnaire de Géopolitique, Paris, Flammarion, 1993, p.3-4.

    10

    Etats »5. C'est donc une discipline qui s'intéresse aux acteurs, leurs mobiles leurs objectifs et les rapports de force qui s'instaurent dans un espace convoité. Ce dernier pouvant être un territoire stratégique de par sa position géographique ou un territoire doté de plusieurs ressources.

    L'intervention militaire, quant à elle, est un concept des relations internationales et du droit international dont un exercice sémantique permet d'en saisir le sens. Il s'agit d'une part d'intervention qui vient du verbe intervenir c'est-à-dire « user de son influence »6, et de militaire qui concerne l'armée, les soldats, la guerre. Ainsi, en relations internationales l'intervention militaire désigne « l'utilisation de la force armée en territoire étranger d'un Etat ou d'un groupe d'Etat dans le but de prévenir ou de faire cesser des violations graves et massives des droits fondamentaux touchant des individus qui ne sont pas des nationaux de l'État (ou des États) intervenant(s), et ce sans l'autorisation de l'Etat cible dans lequel ont lieu ces violations» 7. En droit international public, l'intervention militaire est le « fait d'un Etat qui cherche à pénétrer dans la sphère de compétence exclusivement réservée à un autre Etat, soit pour l'aider à régler ses affaires propres, soit pour les régler à sa place ou l'obliger à les régler conformément à ses voeux »8. De ce fait, l'intervention militaire s'assimile à une ingérence militaire. Cette dernière qui, se traduit également par l'usage d'une intervention armée directe, est maquillée dans la Charte des nations unies au chapitre 7 intitulé `'Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression» , comme l'un des mécanismes de la coercition qui vise à garantir le respect des droits de l'homme, des peuples à disposer d'eux-mêmes et d'empêcher l'aggravation d'une rupture de paix, des conditions de violence et d'agression. Cette ingérence militaire qui vit de quelques conflits intérieurs des Etats souverains et indépendants, notamment ceux de l'Afrique, est orientée par le Conseil de sécurité dans l'article 42 de la charte de l'ONU: « le conseil de sécurité [...], peut entreprendre au moyen des forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationale»9. La mise en exécution d'une ingérence militaire par une puissance siégeant dans le Conseil de sécurité est ponctuée par plusieurs mesures relevant du droit international public. Ainsi, les ingérences militaires se confondent aux interventions militaires et s'identifient comme des actions à vocation humanitaires et sécuritaires dans les conflits intra-étatiques.

    5 P. George, Dictionnaire de la Géographie, Paris, puf, 1990, p.226.

    6Petit Robert, Dictionnaire de langue, p.256.

    7Critique internationale, n° 39, avril-juin 2008, p.161.

    8P. Daillier, & A. Pellet, Droit international public, Paris, 7e édition, LGDJ, 2002, p.47-48.

    9Charte des nations unies, (juin 1945), San Francisco

    11

    L'intervention militaire, a connu sur le plan définitionnel une nouvelle orientation après les affrontements par interposition des Etats-Unis et de l'URSS dans plusieurs Etats du monde. En effet, s'appropriant les modalités de la gestion des crises internationales, le Conseil de sécurité, organe régulateur du maintien de la paix et de la sécurité internationale avait ainsi recadré les interventions. Ces dernières qui se pratiquaient unilatéralement, se font dorénavant de façon « multilatérale en effectuant des interventions collectives audacieuses»10. Cette évolution conceptuelle a abouti en relations internationales à la classification des interventions en dix modèles. Il s'agit particulièrement des modèles d'interventions punitives et collectives, ceux des interventions humanitaires, liées à la guerre froide, en légitime défense et de l'autodétermination ; puis ceux de l'idéologie, de la préservation de l'équilibre des forces, de l'impérialisme et du colonialisme11. En effet, ces deux derniers modèles intéressent notre étude. La France, colonisateur de l'Etat malien et puissance internationale, exerce une certaine influence, sur l'ensemble des pays qu'elle a colonisé et par de suit protège ses intérêts. Cette influence qui date bien avant les indépendances, est perceptible aussi bien sur les plans diplomatiques, économiques que militaires.

    Ce sujet qui s'inscrit particulièrement dans le champ d'étude des géosciences politiques12, fait également intervenir plusieurs concepts et théories d'autres sciences sociales connexes. Ainsi, afin de comprendre cette intervention militaire dans ses dimensions territoriale ; économique ; militaire et stratégique, et de connaitre les acteurs, les enjeux le théâtre, les intérêts et les dépenses économiques qui sous-tendent, Il revient de mettre un accent sur la géographie politique, la géopolitique la géostratégie, la géoéconomie et les relations internationales. Outre ces disciplines, ce sujet recommande de s'intéresser à l'histoire pour retranscrire les faits et à la sociologie pour mesurer l'impact de cette intervention militaire sur le terrain.

    L'étude que nous menons a un double objectif scientifique. Elle vise d'une part à comprendre les fondements et les enjeux de l'intervention militaire de la France au Mali. D'autre part, il s'agit de permettre à la communauté scientifique notamment les étudiants, de mieux analyser les interventions militaires des puissances étrangères particulièrement celles de la France en Afrique.

    10M. Ortega, L'intervention militaire et l'Union Européenne, Paris, Cahiers du Chaillot, n°45, Mars 2001, p.2122.

    11Modèle colonialiste : Les intérêts nationaux des grandes puissances coloniales sont imposés par la force à des Etats faibles nouvellement indépendants.

    12Terme développé par l'école gabonaise de géographie politique pour désigner La filiation entre géographie politique, géopolitique, géostratégie, géoéconomie et aujourd'hui la géoécologie

    12

    II- Problématique et cadre théorique

    1- Problématique et hypothèses de la recherche

    Au lendemain des indépendances africaines, le colonisateur français initie une autre forme de contact avec les différents Etats du continent : il s'agit entre autres des relations politique, économique et militaire. Cette dernière avait été intensifiée depuis 1960 avec la multiplication des accords de défense et d'assistance militaire entre l'Hexagone et les Etats africains qui étaient sous le joug de l'Hexagone. En effet, à travers ces accords, la France a véritablement manifesté son activisme militaire dans le continent, au point où une quarantaine d'interventions militaires sont dénombrées. L'objectif de celles-ci étaient de venir en aide aux pays en difficulté empreint à la dictature et aux violences ; maintenir l'essentiel de ses positions stratégiques13en soutenant des régimes politiques contestés ou défaillants14 qui garantissaient la place de la France dans les domaines économiques et politiques, et à sécuriser les ressortissants français dans les Etats instables. Cette description de la logique des interventions françaises en Afrique met en exergue trois constats :

    Le premier constat relève du fait que sur les quarante-huit15 interventions françaises en Afrique, le Mali n'a nullement fait l'objet d'une quelconque préoccupation de la France, malgré la dictature de Moussa Traoré et ses différentes exactions, et malgré les différents affrontements armés qui ont toujours opposés depuis les indépendances, l'armée régulière de l'Etat malien aux différents groupes rebelles du Nord.

    Le deuxième constat est celui de la nouvelle reformulation du mode d'intervention militaire française en Afrique. En effet, après moult critiques des actions militaires françaises sur le continent, la France avait opté à responsabiliser les Etats africains « d'assurer progressivement eux-mêmes leur sécurité»16 en mettant en place le Programme de Renforcement des Capacités Africaines au Maintien de la paix RECAMP. De ce fait, elle renonçait aux interventions militaires directes17 et s'engageait dans la formation des unités africaines qui devaient « mener elles-mêmes des opérations de soutien de la paix sur leur continent, et d'en assumer le rôle principal »18.

    13P. Chaigneau, op.cit., p.43.

    14Ibidem

    15 M. Galy, La guerre au Mali, comprendre la crise au Sahara et au sahel. Enjeux et zones d'ombres, Paris, la découverte, 2013, p.18.

    16Rapport de l'Assemblée Nationale française (n°3308, n°3309 et n°3310), constitution du 4octobre 1958, treizième législature, Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 avril 2011, p.25.

    17 T-S. Possio, La France et la sécurité collective en Afrique subsaharienne : de l'interventionnisme militaire systématique au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, Mémoire de master, 2003, p.41. 18Rapport Assemblée Nationale française, op. cit., p.26.

    13

    Le troisième constat tient au fait que le Mali fait parti des Etats qui sont « en marge du système militaire français »19. En effet, dans la théorie gaulliste de stratification des Etats dans la défense française en Afrique, le Mali est classé dans la catégorie des Etats les plus défavorisés. Ce désintéressement de la France vis-à-vis du Mali est perceptible sur le nombre de conseillers militaires français sur le sol malien et sur le nombre d'officiers et sous-officiers maliens formés en France. Ainsi, une étude comparative montre bien qu'en 1980 le Gabon qui est cinq fois plus petit que le Mali en termes de superficie, abritait un nombre largement supérieur de conseillers militaires, soit 132 conseillers pour le Gabon et 5 conseillers pour le Mali. On peut déduire sans risque de se tromper que la supériorité du nombre de conseillers militaires français au Gabon est due en grande partie aux intérêts économiques de la France en terre gabonaise. Et le nombre insignifiant de conseillers militaires français au Mali traduit un désintérêt étant donné que le Mali est classé parmi les pays à moindre valeur stratégique. Il en va du nombre d'officiers et de sous-officiers formés sur le territoire français, ou l'on remarque que le Gabon avait envoyé au cours de cette période 742 individus, le Cameroun 1222, alors que le Mali n'en avait que 88 officiers et sous-officiers. Cette analyse comparative démontre que la position du Mali est totalement périphérique dans l'élaboration du système de défense française en Afrique. Le diagramme ci-dessous illustre parfaitement cette périphéricité.

    Diagrammes 1: Répartition des conseillers militaires en fonction de la valeur stratégique des Etats en

    Légende : importance en

    nombre de conseillers
    militaires français

    Pays de grande valeur stratégique (plus de 100)

    Pays moyennement stratégique (50-99)

    Pays de moindre importance (0-49) Source : Chaigneau., la

    politique militaire de la France en Afrique, p.45.

    Réalisation : Saturnin Ndong

    Haute

    Volta Rwanda

    Madagascar Tchad Niger Burundi

    Mali (5conseillers militaires ; 88officiers et sous-officiers)

    Sénégal R.C.A Mauritanie

    Benin

    Cameroun Togo

    Djibouti Gabon Côte-d'Ivoire Zaïre

    Congo

    1989

    19P. Chaigneau, op. cit., p44.

    14

    Le schéma ci-dessus montre que le Mali ne constitue pas une priorité dans la stratégie militaire française en Afrique. La position défavorable du Mali dans ce système militaire traduit le reflux sécuritaire de l'Hexagone à l'endroit de l'Etat malien.

    Au regard de ces différentes observations, l'on se demande:

    Quels enjeux sous-tendent cette intervention militaire française? Ainsi, il nous semble évident que :

    ? La France recherche, à travers son intervention militaire, de préserver ses intérêts économiques, à maintenir le positionnement de son axe stratégique dans les régions sahélo-saharienne et ouest-africaine.

    ? L'intervention militaire française vise à créer une profondeur stratégique et à combattre le terrorisme et les trafics mafieux qui sévissent particulièrement le Mali et en général toute cette région d'Afrique.

    En effet, l'intervention militaire française au Mali répond à la volonté de la France de reprendre le contrôle militaire de ces zones d'influence en Afrique, d'asseoir et de consolider sa position stratégique dans la sous-région20 . Dès lors, la France se doit d'établir des liens aussi denses que possibles avec ses anciennes colonies21, c'est son intérêt sur la scène internationale, en ce sens, qu' elle a toujours perçu les bases africaines comme la pierre angulaire de son système stratégique mondial, phénomène qu'il convient d'approfondir22. Ce système stratégique qui est tout aussi profond sur le plan économique et sécuritaire a fait que la France, en intervenant militairement visait à combattre l'extrémisme djihadiste et le terrorisme qui sévissait en Afrique de l'Ouest, et dans la bande sahélo-saharienne, puis à protéger ses acquis de cette menace et de la concurrence dont la conséquence directe serait la multiplication des partenariats de certains Etats de cette région avec les Etats-Unis et la Chine23. De ce fait, « intervenir au Mali apparaissait nécessaire pour protéger les intérêts stratégiques de la France dans le pays et dans la région notamment les nombreux ressortissants français au Mali et dans le reste du Sahel, puis sécuriser des approvisionnements en matières premières venant de toute la région»24.

    20S. Loungou, interview, Le correspondant, n°005, Avril/Mai 2013, p.4-5.

    21P. Chaigneau, op. cit., p.20.

    22Idem, p.50.

    23M-I. Kantô, L'intervention française au Mali, Vol11, n°38, perspectives africaine, 2013, p.16.

    24Afrique Economie, L'opération Serval : Quels sont les intérêts de la France au Mali ? http://politique.economie-

    Afrique.com/politique/loperation-serval-quels-sont-les-interets-de-la-france-au-mali/, consulté le 24/10/2014

    15

    Il est tout aussi vrai que l'intervention militaire de la France au Mali est la conséquence du disfonctionnement politico-militaire de l'Etat malien et de l'entremêlement des différentes forces aussi bien internes qu'externes à ce conflit. En effet, la puissance militaire hexagonale est justifiée par la dégradation politique du Mali ;le disfonctionnement de l'appareil militaire ; la résurgence des rebellions au Nord25 et «un contrôle grandissant du Nord-Mali par des groupes islamistes radicaux algériens ,
    · une circulation accrue d'importantes quantités d'armements provenant des stocks libyens qui a créé un vortex sécuritaire permettant la militarisation d'AQMI et ses groupes connexes ,
    · et les velléités des groupes touaregs nouvellement fédérés
    »26.

    2- Cadre théorique

    Deux théories sont principalement étudiées afin de donner une explication théorique au thème de l'intervention militaire française au Mali, qui fait l'objet de l'étude. Il s'agit de la théorie de la sécurité, celle de l'offensive et de la défensive, et la théorie réaliste.

    La théorie de la sécurité permet de donner une explication à l'intervention militaire française au Mali. En effet, cette théorie se penche sur une double approche: d'une part la sécurité collective, du fait que la sécurité est une condition de l'existence de la communauté internationale des Etats et est basée sur la coopération interétatique et l'interdépendance dans les relations internationales27, et d'autre part la sécurité nationale, du fait même de l'existence de l'Etat. Elaboré par J-H. Herz, A-D. Lasswell ou encore Wolfers, cette théorie a été particulièrement développée par B. Buzan. Ce dernier définit ainsi la sécurité comme « survie ou libération à l'égard des menaces »28 et l'identifie comme un domaine élargie qui touche les secteurs militaires, politiques et économiques. Cette identification coïncide avec les différentes hypothèses émises dans le cadre de l'étude de cette intervention militaire française. Par ailleurs, l'idée de libération à l'égard des menaces est aussi fondamentale dans la formulation de la seconde hypothèse de l'étude en rapport avec le motif de la lutte contre le terrorisme de cette opération armée.

    25M. Galy, op. cit., p.85. 26M. Galy, op. cit., p.67.

    27 B. Delcourt, théorie de la sécurité, 2007, p.23,

    http://www.ulb.ac.be/students/bespo/documents/Cours/Theories_de_la%20securite_pdf.pdf, consulté le 10/08/2015.

    28 B. Bouzan, cité par A. Ceyhan, Analyser la sécurité : Dillon, Waevers, William et les autres, revue culture &conflits, 1998, n°31-32, p3, http://conflits.revues.org/541 , consulté le 10/08/2015.

    16

    La théorie réaliste, quant à elle, se rapporte également aux hypothèses de la recherche qui ont été émises et permet d'évaluer les différents rapports de force qui se structurent sur le théâtre. Evoqué selon Morgenthau et Edward Hallett Carr comme le fondement des relations internationales et de la politique internationale des Etats, le réalisme permet de déceler les enjeux de l'intervention militaire française. En effet, cette théorie qui s'appuie sur l'étude de la puissance des Etats ; l'intérêt de la nation ; les dynamiques de rivalité, d'agressivité et d'hostilité génératrice de risques potentiels ou activé de violence, permet d'analyser le comportement des différents acteurs en guerre au Mali. La théorie réaliste permettra en outre de démontrer si l'intervention militaire française répond à l'idée de Jean Jacques Roche qui pense en effet que « l'objectif principal du réalisme qui s'est focalisé sur le contrôle de la violence interétatique, est de préserver une paix fragilisée par les aspirations concurrentes de la puissance »29.

    En plus des théories évoquées ci-dessus, l'approche prospectiviste est aussi déterminante dans l'analyse de la thématique. Cette approche qui consiste à « imaginer des scénarii bâtis sur des hypothèses fortes et explicites »30, et à « construire des scenarii »31qui auraient été imaginées, permettra d'esquisser quelques solutions aux problèmes posées par la problématique de l'intervention militaire française au Mali.

    III- Méthode de recherche

    1- Démarche

    Pour analyser notre thématique, les méthodes de la géographie et de la géopolitique servent de canevas. En effet, la méthode hypothético-déductive qui s'appuie sur la formulation d'une ou de plusieurs hypothèses pour rechercher la démonstration des faits et qui « élabore une construction théorique des processus qu'elle présume explicatifs»32, permettra de vérifier si l'intervention militaire française au Mali suit le canevas des précédentes interventions françaises en Afrique, qui étaient fondées sur les intérêts.

    En outre, la méthode géopolitique fondée sur le questionnement, « qui fait quoi ? Qui veut quoi ?avec qui ? Comment ? Pourquoi ? »33, permet également de mieux analyser le sujet. En effet, ces différentes interrogations permettront de transcender les discours officiels

    29J-J. Roche, Théories des relations internationales, Paris, éditions Montchrestien, 7e édition, 2008, p.30.

    30H. Gumuchian, & C. Marois, Initiation à la recherche en géographie, Paris, PUM, anthropos, PUM, 2001,

    p.88.

    31M-L. Ropivia, Géographie et politique en Afrique au XXIe siècle, concepts opératoires et stratégies d'insertion

    dans l'espace mondial, Stratégie africaine, n°80, ISC, 4/2000, p.13-35.

    32Bailly& Béguin, 1994, cité par H. Gumuchian, et C. Marois, op. cit., p.75.

    33F. Thual, Méthode de la géopolitique, apprendre à déchiffrer l'actualité, Paris, ellipses Marketing, 1996.

    17

    qui ont couronnés cette intervention militaire, les lectures apparentes ou des déclarations tous azimuts, pour déchiffrer et identifier les intentions réelles de la France. Il s'agit de desceller les réels enjeux qui gravitent autour de cette intervention armée.

    2- Collecte des données

    Pour mieux élaborer ce travail, nous nous sommes appuyés sur deux des principales méthodes de collectes d'informations en géopolitique : le travail de terrain et la collecte en bibliothèque.

    ? Travail de terrain

    Il a consisté à recueillir des informations auprès des représentations diplomatiques maliennes et françaises installées en territoire gabonais. A cet effet, deux méthodes ont essentiellement été employées : les entretiens et les questionnaires.

    Concernant l'ambassade du Mali, il s'agissait d'un entretien fait avec Mr Drissa Mall, troisième conseiller diplomatique de l'ambassade. Cet entretien portait essentiellement sur la perception malienne de l'intervention militaire française au Mali et les conséquences géopolitiques de cette intervention dans l'ensemble du territoire malien.

    A l'ambassade de France, un questionnaire avait été déposé auprès de l'attaché militaire de l'ambassade. Les questions portaient en effet sur les enjeux de l'intervention française au Mali et les données statistiques liées à l'investissement de cette guerre.

    Outre les représentations diplomatiques, nous nous sommes également adressés à un ancien adjudant de la gendarmerie nationale qui a souhaité garder son anonymat. L'entretien avec ce dernier visait à comprendre la finalité d'une telle intervention (si elle a été une réussite ou non), et les effets d'une telle opération sur l'armée et sur un territoire.

    Ces informations recueillies ont été sélectionnées et classifiées selon leur pertinence et leur importance dans la démonstration qui doit être menée par rapport à la compréhension du thème de l'étude.

    ? Travail en bibliothèque

    Il s'agissait de faire un inventaire d'ouvrages ; d'articles ; de revues et de magasines, qui permettent d'analyser la thématique étudiée. En effet, la bibliothèque universitaire, celle de l'Institut Français, et le Centre de Recherche en Géosciences Politiques et Prospectives (CERGEP), ont permis de constituer une importante revue documentaire qui a été scindée en en trois groupes d'ouvrages : les ouvrages généraux, spécialisés et méthodologiques.

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    Plusieurs ouvrages généraux permettent d'analyser le thème étudié, mais nous n'en citons que quelques-uns. L'ouvrage de Philippe Hugon intitulé Géopolitique de l'Afrique (2009) retient notre attention. Cet auteur présente d'une façon générale la situation politique d'une Afrique victime de crises, de difficultés socioéconomiques, et des interventions des puissances étrangères. Nous citons également l'ouvrage de Philippe Boulanger Géographie militaire et géostratégie, enjeux du monde contemporain (2011). Dans cet ouvrage, l'auteur présente les nouvelles menaces dans le monde, l'influence des groupes terroristes, leur implantation géographique et les nouvelles stratégies des acteurs. Aussi, les manuels de Diane Ethier, Introduction aux Relations Internationales, et, Théories des Relations Internationales (2008) de Jean Jacques Roche ont été d'une grande utilité. En effet dans ces manuels, les auteurs expliquent les différentes théories que les Etats appliquent dans leur politique internationale. Ces mêmes auteurs analysent les fondements de la puissance dans les relations internationales. Il y a également l'ouvrage de Jean-François Owaye, la sécurité nationale gabonaise, introduction par les textes (2010). Dans cet ouvrage, l'auteur présente les fondements juridiques de la coopération militaire franco-gabonaise et par extension dans l'ensemble des pays colonisés par la France. On cite également De la guerre de Carl Von Clausewitz (1984). Ce dernier montre dans son ouvrage les modalités d'une guerre et les liens entre le politique, l'économie et le militaire. Il y a aussi l'Atlas Géostratégique, crises tensions et convergence de Jean Touscoz (1988). Dans ce manuel, l'auteur présente la cartographie des crises dans le monde et la situation militaire des Etats et leur dispositif. Il montre également les différents Etats qui sont aptes à s'engager dans une guerre et la financer convenablement

    En ce qui concerne les ouvrages spécialisés, six d'entre eux retiennent l'attention. Le premier intitulé la Guerre au Mali, comprendre la crise au sahel et au Sahara, enjeux et zones d'ombre, est de Michel Galy (2013). Ce dernier présente dans cet ouvrage les multiples crises qui animent la région sahélo-saharienne et les raisons officieuses et officielles qui ont amenées la France à intervenir militairement au Mali. L'auteur expose les enjeux de cette intervention militaire et s'interroge sur les activités des groupes rebelles et terroristes au Mali et dans l'espace Sahara-Sahel. Le second ouvrage, La politique militaire de la France en Afrique dont l'auteur est Pascal Chaigneau (1984) présente la vision stratégique de la France en Afrique. En effet, l'auteur évoque le fondement des accords militaires franco-africains, la classification stratégique des Etats africains selon leur ordre d'importance et en Afrique et les enjeux géostratégiques des interventions militaires françaises en Afrique. Le troisième ouvrage intitulé les évolutions récentes de la coopération militaire française en Afrique est de

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    Tibault Stéphène Possio (2010). Ce dernier explique les nouvelles orientations de la coopération militaire française avec les Etats africains. Il expose également la nouvelle vision stratégique de la France face à la concurrence que celle-ci subit dans ces zones d'influence. Le quatrième ouvrage intitulé la guerre de la France au Mali (2014), est de Jean-Christophe Notin. Dans cet ouvrage, l'auteur présente les grandes phases de l'opération et les différentes actions menées sur le théâtre par l'armée française. Le cinquième ouvrage intitulé Monde rebelles, acteurs, conflits et violences politiques(1996) est de Jean-Christophe Rufin. Ce dernier présente les actions et les alliances des mouvements rebelles, terroristes, des guérillas et des milices ethniques dans un territoire donné. Et le dernier ouvrage, comment la France a perdu l'Afrique, est de Antoine Glaser et Stephen Smith (2005). Ces deux auteurs présentent les relations franco-africaines et l'introduction des puissances émergentes dans les Etats autrefois dominés par la France.

    Venant à la méthodologie de la recherche, deux ouvrages nous ont été d'une grande utilité. Il s'agit d'une part de l'ouvrage d'Hervé Gumuchian et Claude Marois, Initiation à la Recherche en Géographie (2001). En effet, ces deux auteurs présentent les différentes approches méthodologiques des sciences sociales et les outils d'analyse dont doit se servir un géographe. Il élabore les différentes théories et les démarches méthodologiques qui permettent d'approfondir une analyse. D'autre part, nous nous sommes servis du manuel de François Thual intitulé, Méthodes de la Géopolitique (1996). Dans ce manuel, l'auteur montre comment aborder une analyse géopolitique. Aussi, présente-t-il au chercheur les différentes approches, sinon des questions centrales qu'il doit se poser pour élaborer une analyse scientifique des problématiques étudiées.

    ? Autres sources d'information

    La collecte d'information s'est aussi faite à travers les magazines, les médias numériques et certains sites internet spécialisés. Parmi les magazines consultés, figure le Monde n°37 intitulé dans sa une, Mali la France en guerre. En plus, il y a plusieurs numéros de Jeune Afrique parmi lesquels le n°2773 intitulé France-Afrique comment l'armée a pris le pouvoir ; le n°2786 dont la une est titrée crimes rituel, enquête sur la barbarie ordinaire et le n°2836 dont le titre est Hollande l'Africain. Tous ces différents numéros évoquent chacun l'intervention de la France dans la crise malienne et les stratégies de sortie de crise. Aussi, le n°329 d'Afrique magazine intitulé la grande guerre du Sahel, explique comment l'intervention militaire française s'est préparée et les enjeux de ladite intervention. Outre ces magazines, plusieurs sites spécialisés ont été consulté, parmi lesquels ceux de l'Assemblée nationale française, ( http://www.assemblee-nationale.fr/faq.asp), le Sénat français ( http://www.senat.fr),

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    le ministère de la défense française ( http://www.defense.gouv.fr/), et celui de l'institut des relations internationales et de stratégie de France( http://www.iris-france.org/). Ces derniers nous ont permis d'obtenir les rapports des parlements dans lesquels figurent les statistiques du contingent français ; le financement de l'opération et les pertes. Ils nous ont également permis d'obtenir des articles et les Livres blancs de la défense française de 2011 à 2014. Les données ont également été obtenues à travers des journaux numériques tels que MaliActu.net ; Tunisie-secret.com ou encore Maliweb.net.

    IV- Limites de l'étude

    Nous avons été confronté à plusieurs difficultés dans la rédaction de ce travail. En effet, plusieurs ouvrages qui auraient pu être exploités dans le cadre de cette étude ne nous ont pas été accessibles, ils manquaient en bibliothèque, et n'étaient pas disponibles en librairie. Aussi, nous n'avons pas été reçu par le Conseiller militaire de l'Ambassade de France au Gabon, et nous ne nous sommes pas rendus sur le théâtre pour observer l'impact de cette intervention militaire et recueillir les avis des populations. Dans l'analyse des faits, de nombreuses controverses n'ont pas encore débouchés sur des consensus, il nous a fallu procéder à des arbitrages à partir d'une documentation éparse.

    V- Articulation du travail

    Notre recherche se structure en deux grandes parties, subdivisées chacune en trois chapitres.

    La première partie, intitulée les fondements de l'intervention militaire française au Mali, vise à donner une explication sur les réels enjeux du déploiement de l'armée française au Mali. De ce fait, Le premier chapitre, une région sous tension et l'insécurisation du Mali porte sur l'instabilité géopolitique des Etats dans l'espace sahélo-saharien et le basculement du Mali dans l'instabilité sous régionale. Le deuxième chapitre intitulé le jeu d'alliance et les motivations inavouées de l'intervention, présente l'environnement juridique de l'intervention et le repositionnement de la France au Mali et dans l'espace sahélo-saharien. Et le troisième chapitre qui a pour titre la France une alliée intéressée, se focalise essentiellement sur la protection des ressources stratégiques et économiques française dans la sous-région et la sécurité extensive de la France.

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    La deuxième partie, titrée Du déploiement militaire français, aux stratégies de sortie de crise, étudie le déroulement de l'intervention militaire française au Mali et la phase post-intervention. En effet, le premier chapitre, l'intervention militaire : prodromes et manifestations », explique les démarches de l'intervention militaire et le déploiement de l'armée française. Le deuxième chapitre intitulé les effets et les limites de l'intervention militaire française au Mali, traite des effets militaro-humanitaires et socio-spatiaux et les limites du déploiement. Et le troisième chapitre, le désengagement de l'armée française et les perspectives de nouveaux rapports entre la France et le Mali, évoque le remplacement de la force militaire française, l'engagement des troupes onusiennes, le retour à l'ordre constitutionnel au Mali et les reformes de la coopération militaire franco-malien.

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    Première partie : Les fondements de

    l'intervention militaire française au Mali

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    Une quarantaine d'interventions couronnent l'activisme militaire français en Afrique. Ces déploiements armés français dont les raisons varient selon le contexte et l'Etat dans lequel ils se déroulent, ont toujours voilé d'importants enjeux géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques. Cette logique amène alors à s'interroger sur les causes profondes du déploiement militaire français au Mali. De ce fait, la première partie de notre travail analyse les fondements de l'intervention militaire française. Dénommée Serval, celle-ci a marqué l'entrée en jeu d'un nouvel acteur dans la crise que traversait le Mali qui, subissait une période d'instabilité soldée par un enchainement de conflits politiques auxquels se sont ajoutées, les actions armés des insurgés rebelles et terroristes. Cette juxtaposition de facteurs endogènes qui avait provoqué la déstabilisation du territoire et croissait le risque d'un chaos, a suscité de vives réactions de la France. A ces problèmes internes, se combinent des facteurs exogènes, liés notamment à la situation délétère des sous-régions ouest-africaine et Sahélo-saharienne dans lesquelles la France a d'importants partenariats économiques et sécuritaires. Dès lors, peut-on encore affirmer que l'intervention militaire française ne se contentait que de l'unique enjeu `'de la sécurité du Mali»?

    Pour y répondre, deux hypothèses sont émises dans cette partie. La première se penche sur une éventuelle protection des intérêts de la France dans l'ensemble des Etats de la région. La seconde est celle de l'extension de la sécurité française dans les régions sahélo-sahariennes et ouest-africaines.

    A cet effet, trois chapitres permettent d'y voir plus clair. Le premier intitulé, L'espace Sahélo-saharien, une sous-région sous tension et l'insécurisation du Mali, analyse d'une façon générale la géopolitique des Etats au sein des espaces Sahara, Sahel et CEDEAO. Le deuxième chapitre, titré Le jeu d'alliance et les motivations inavouées de l'intervention, permet d'analyser le cadre juridique de cette intervention et ses enjeux, et le troisième chapitre dont le titre est : La France, une alliée intéressée, vise à présenter les enjeux économiques, stratégiques et sécuritaires de l'intervention française.

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    Chapitre I : L'espace sahélo-saharien, une sous-région sous tension et l'insécurisation du Mali

    La multiplication des tensions dans l'espace sahélo-saharien et le rebondissement du conflit malien, constituaient d'importants dangers qui ont amené les puissances occidentales, notamment la France, à envisager d'importantes opérations dont le but affiché était de stabiliser la région. Il nous importe d'analyser les fondements de l'intervention militaire française au Mali en s'appuyant sur deux facteurs : l'instabilité géopolitique des Etats de l'espace sahélo-saharien et le basculement du Mali dans l'instabilité sous régionale.

    Section1 : L'instabilité géopolitique des Etats dans l'espace sahélo-saharien

    Trois éléments permettent d'expliquer l'instabilité géopolitique des Etats : l'effondrement de la Libye et ses conséquences(1) ; les problèmes sécuritaires de la

    Mauritanie, de l'Algérie et du Niger(2), et les effets directs et collatéraux de la
    déstabilisation de la sous-région(3).

    1- L'effondrement de la Libye et ses conséquences

    La déstabilisation de la Libye et ses conséquences sécuritaires dans l'espace sahélo-saharien ont constitué l'une des causes qui ont de prime abord entrainé l'intervention militaire française au Mali. En effet, au cours de l'année 2011, le régime de Mouammar Kadhafi faisait face aux violents affrontements militaires de ses concitoyens devenus protestataires rebelles. Cette protestation qui se transforme en guerre civile tout en mettant en danger les intérêts occidentaux et leurs ressortissants, a entrainé la mobilisation des acteurs internationaux parmi lesquelles la France qui, au cours de cette période, lançait sur le sol libyen, l'opération militaire « Harmattan » pour soutenir et armer les mouvements rebelles du Conseil National de Transition(CNT). Cette instabilité libyenne marque le développement des insurrections sociopolitiques qui ont secoué les pays arabes de l'Afrique (printemps arabe). Elle a provoqué la militarisation de plusieurs Etats de la sous-région Sahélo-saharienne et particulièrement le Mali. Ce pays a connu un afflux massif vers son territoire des combattants touaregs qui s'étaient enrôlés dans les troupes militaires libyennes. De ce fait, le retour de ces populations

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    touaregs eut pour effet d'entrainement, « la dissémination de plusieurs armes »34 et la remobilisation des centaines de mercenaires et anciens militaires touaregs disposant d'armes lourdes dans les mouvements insurrectionnels du Nord-Mali35. Profitant ainsi de la chute de Kadhafi, ces expatriés maliens ont « relancé leur propre rébellion »36, et ont repris leurs actions militaires dans le septentrion malien. Selon L. Simon, ce chaos libyen a ainsi entrainé, des « effets néfastes sur la sécurité du Nord du Mali »37. Cette « contagion »38 de la crise a amené la France à organiser minutieusement son intervention militaire au Mali, en ce sens qu'elle craignait paradoxalement que les armes qu'elle avait distribué aux groupes insurgés rebelles libyens du CNT et celles issues des stocks d'armes de Kadhafi ne se retrouvent dans l'ensemble de la sous-région. De ce fait, il s'agissait pour l'Hexagone de limiter les nombreuses conséquences qui découleraient de la prolifération d'armes libyennes et d'éviter les « effets dominos »39, qui conduiraient à la vulnérabilité de l'ensemble des Etats voisins. L'effondrement de la Libye ayant ainsi impacté la stabilité de toute la région et particulièrement le Mali, il revenait à la France de trouver une issue qui limiterait le déplacement des acteurs rebelles et terroristes libyens vers le Mali et vers d'autres Etats pour transformer la région en zone de non-droit. Cette influence de la crise libyenne dont les retombées ont mouvementé la crise malienne, a sans doute provoqué la décision de la France de s'engager militairement sur le sol malien, afin de freiner les avancées terroristes en provenance de la Libye. Cependant, l'insécurité libyenne ne constitue pas le seul facteur de l'engagement militaire de la France. Les problèmes sécuritaires régionaux, et particulièrement ceux des pays comme l'Algérie, la Mauritanie ou encore le Niger, ont également constitué l'une des nombreuses motivations de cette opération militaire.

    2- Les problèmes sécuritaires de la Mauritanie, du Niger et de l'Algérie

    La multiplication des conflits armés et les déséquilibres sécuritaires de la sous-région Sahélo-saharienne d'une manière générale et des trois Etats frontaliers du Mali que sont la Mauritanie, l'Algérie et le Niger ont de notre point de vue, également amené la France à engager une action militaire au Mali afin de réduire non seulement la dissémination des armes et des combattants rebelles et terroristes de ces territoires dans l'ensemble du Sahel, mais

    34 Rapport association Survie, les zones d'ombre de l'intervention militaire française au Mali, élément de contexte et d'explication, 2013, p.6.

    35 Rapport Gorée Institute, Systèmes de conflits et enjeux sécuritaires en Afrique de l'Ouest, 2002, p.128.

    36 Idem.

    37 L. Simon, A. Mattelaer, & A. Adfield, Une stratégie cohérente de l'UE pour le Sahel, Parlement européen, 2012, p.20.

    38P. Hugon, Géopolitique de l'Afrique, Paris, éditions SEDES, 2009, p.144.

    39Idem, p.244.

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    aussi d'empêcher une atteinte totale à la sécurité de la sous-région d'une manière générale. En effet, depuis plusieurs années, ces trois Etats connaissent de multiples instabilités politiques qui débouchent par des affrontements armés et quelques peu par des guerres civiles ; des rebellions et du terrorisme. Ces différents mouvements d'insurrections armées, s'étendent régulièrement vers d'autres Etats de la région sahélo-saharienne et provoquent un déséquilibre sécuritaire.

    En ce qui concerne la Mauritanie, plusieurs actions politiques ont entrainé des insurrections, qui ont déstabilisé aussi bien cet Etat que les territoires frontaliers tels que celui du Mali. En effet, la situation sociopolitique qui avait entrainé le déplacement des Negro-mauritaniens40 vers le Mali au cours des années 1990 a favorisé la montée de la rébellion et la multiplication des affrontements armés au sein de cet Etat. De ce fait, partant du Fruidem (Front de résistance pour l'unité, l'indépendance et la démocratie en Mauritanie), jusqu'au Fulam (Front unique de libération armée Mauritanien), un rapport de force a été instauré entre ces groupes et l'Etat mauritanien et a provoqué une instabilité sécuritaire41 qui s'en était étendue vers le Mali. Cette extension qui dénote de « l'incapacité de l'Etat à exercer ses fonctions régaliennes sur l'ensemble du territoire »42, a entrainé la recrudescence d'une rébellion bi-étatique composée de Maures sahraouis mauritaniens43 et maliens. Ce groupe insurrectionnel armé qui déstabilise autant la Mauritanie que le Mali, est une scission d'AQMI. Il est ainsi apparu en début de la crise malienne sous l'appellation du MUJAO. Ce groupe terroriste en provenance de la Mauritanie, a trouvé refuge dans la partie septentrionale du Mali et a provoqué l'instabilité des territoires du Sahel à travers des combats armés, des enlèvements des expatriés occidentaux et des décapitations des populations des territoires mauritaniens et maliens.

    Outre la Mauritanie, l'Algérie constitue l'un des Etats de la région Sahélo-saharienne où l'insécurité grandissante provoque plusieurs inquiétudes de la France. En effet, la fin de la guerre civile des années 1990 dans ce pays a vu apparaître la multiplication des groupes armés radicaux44 dans cet espace. Ces différentes armées développent une instabilité aussi bien interne que dans toute la partie du Sahara et du Sahel. Echappant ainsi au contrôle de l'Etat algérien, ces groupes menacent la stabilité d'un ensemble d'Etats et particulièrement la partie septentrionale du Mali dont la porosité frontalière ne fait l'objet d'aucune contestation.

    40 J-C. Rufin, Monde rebelles, acteurs conflit et violence politique, Paris, éditions Michalon, 1996, p.260.

    41 J-C. Rufin, op.cit., p.261.

    42M. Taje, Enjeux Ouest-africain : vulnérabilité et facteurs d'insécurité au Sahel, sahel and Ouest africa club, p.3.

    43M. Galy, La guerre au Mali, comprendre la crise au sahel et au Sahara, enjeux et zone d'ombres, Paris, la Découverte, p.51.

    44Idem, p.65.

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    Cette menace sécuritaire qui débute en Algérie et s'étend dans la majorité des pays sous régionaux, évolue parallèlement au dynamisme des groupes armés en présence qui ont changé d'échelle, allant des simples rebellions au grands groupes terroristes. Le territoire algérien se retrouve ainsi dans une évolution des bandes armées, partant du GIA (Groupe Islamique Armé) au GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) et du GSPC à AQMI. C'est donc ce dernier qui aplatit les efforts sécuritaires de l'ensemble des Etats sahélo-sahariens et, à travers son extension a fragilisé davantage le Mali, provoquant ainsi son chaos sécuritaire et géopolitique. Ce groupe qui opère dans toutes les parties Ouest et Nord de l'Afrique, menace vigoureusement les Occidentaux d'une manière générale et particulièrement la France dont les populations et les intérêts dans la région sont importants.

    L'insécurité au Niger constitue aussi l'une des questions géopolitiques les plus complexes de la région sahélo-saharienne. La situation politique de cet Etat se résume à ce que J-C. Rufin, qualifiait dans Monde rebelle de « feu sous la cendre »45. En effet, le Niger, est l'un des Etats qui a connu une vague de mouvements de déstabilisation , de coups d'Etat et d'affrontements armés entre les factions rebelles et les pouvoirs qui se sont succédés. Cet ensemble de mouvements crée l'insécurité à l'intérieur de cet Etat. De ce fait, plusieurs acteurs ont entretenu cette instabilité et ont ainsi mis ce théâtre d'opération en ébullition. Il s'agit des principaux mouvements touaregs anciennement regroupés autour de l'ORA (Organisation de Résistance Armée) et du CRA (Coordination de la Résistance Armée) qui communiquent avec des groupes touaregs maliens et libyens. Ces groupes armés touaregs qui déstabilisent parfois le Niger, ont projeté leurs actions dans la crise malienne. L'insécurité du Niger est également nourrie par des bandes terroristes et djihadistes qui opèrent dans les frontières libyennes et algériennes, et qui ont aussi contribué à la déstabilisation de l'Etat malien. La déstabilisation du Niger provoque de réelles inquiétudes pour les puissances étrangères de l'occident, notamment la France dont la vitalité économique locale est sans conteste.

    Dès lors, l'instabilité et l'insécurité de ces différents Etats posent de réelles inquiétudes au sein de l'UE et particulièrement en France. En effet, craignant que toute la zone du Sahel ne bascule dans les affrontements armés comme au Mali et que les dynamiques géopolitiques qui caractérisent cette région ne s'étendent aux frontières maritimes de l'UE (Espagne ; Italie ; Portugal) de diverses façons qu'elles soient, il était indispensable de mettre en place une action globale qui limiterait de manière efficiente l'anarchie qui était sur le point de s'enraciner dans toute cette partie de l'Afrique. De ce fait, l'intervention militaire française

    45J-C. Rufin, op.cit., p.239.

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    au Mali caractérisait la résorption de cette dynamique insécuritaire aux multiples effets directs et collatéraux dans le territoire malien et dans l'ensemble de la sous-région.

    3- Les effets directs et collatéraux de la déstabilisation de la région

    L'instabilité géopolitique des régions sahélo-saharienne et ouest-africaine se caractérise par une diversité de conséquences qui constituent des menaces aussi bien pour les Etats de l'Afrique que pour ceux de l'Europe. La déstabilisation de ces Etats provoque des effets directs et indirects au sein de ces grands blocs régionaux. L'un des effets directs de cette instabilité territoriale est la dissémination des groupes rebelles et terroristes dans l'ensemble de cet espace géographique. Cette répartition des groupes armés dont le Mali est devenu « l'épicentre »46, est constituée d'une dizaine de factions rebelles et terroristes dont les plus importantes et les plus dangereuses sont AQMI, MOUJAO, Ansar-Eddine, Al Mourabitoun ; Ansar- al-charia, et l'extension chebabs. Ces GAD organisent des enlèvements de masse comme celui des trente-deux touristes organisé par AQMI (ancien GSPC) en Algérie ou encore la séquestration des travailleurs d'AREVA dans le site d'Uranium d'Arlit au Niger. Ils multiplient également, au sein des territoires de ces pays, des attentats dans le but de « créer un climat de peur et d'insécurité »47 générale. En revanche, ces opérations des GAD s'accompagnent de multiples actions dont les impacts ne sont pas directement ressentis. De ce fait, les effets indirects de l'insécurité de l'espace ouest-africain et sahélo-saharien se rapportent à l'organisation des « économies parallèles »48. En effet, les GAD participent activement aux trafics de drogues, d'armes, et mettent en difficulté les économies des Etats par le pillage des ressources stratégiques. Ces différentes conséquences qui concernent apriori les Etats africains des régions citées ci-dessus, engagent également les Etats occidentaux. L'instabilité des régions ouest-africaine et sahélo-saharienne devient un phénomène géopolitique transfrontalier en ce sens que ces groupes qui prônent un islamisme radical, «mènent une guerre sainte dans le monde contre les intérêts des sociétés occidentales »49. Dès lors, l'insécurité et les effets néfastes de déstabilisation de ces régions africaines préoccupent les acteurs européens, au rang desquels la France. Cette dernière ayant mis une « attention particulière sur cette région depuis les années 2000 »50 et connaissant parfaitement la précarité géopolitique qui prévaut dans cette partie du continent et les impacts

    46M. Galy, op. cit., p.41.

    47P. Boulanger, Géographie militaire et géostratégie, enjeux et crises du monde contemporain, Armand colin,

    2011, p.190.

    48S. Loungou, « Economies parallèles et pérennisation des conflits armés en Afrique subsaharienne », Stratégies

    africaines, n°80, ISC, p89-109.

    49P. Boulanger, op. cit., p.192.

    50 Rapport de l'assemblée nationale française n° 1288, 18 juillet 2013, p.16.

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    qu'elle pourrait occasionner dans son voisinage proche et lointain, s'est sans doute appuyée sur cette réalité de déstabilisation pour projeter son intervention militaire au Mali. Ainsi, du fait du déséquilibre sécuritaire de ces Etats de la région sahélo-saharienne et ouest-africaine (carte 1), le déploiement de l'armée française au Mali avait donc une approche globale qui tient compte non seulement du Mali, mais également de l'ensemble des pays environnants.

    Carte 1 : La situation sécuritaire des Etats de la région sahélo-saharienne

    Cette carte illustre l'instabilité géopolitique qui prévaut dans la région sahélo-saharienne. Elle évoque, en effet, la territorialité des groupes armés rebelles et terroristes dans la région et présente les circuits de circulation et de trafics d'armes que la présence de ces groupes djihadistes entraine à l'intérieur des différents Etats.

    Ce climat d'instabilité géopolitique aux seins de ces Etats de la région sahélo-saharienne et ouest-africaine a eu un double effet. Il a non seulement constitué l'une des motivations de l'intervention militaire française au Mali, mais son extension au Mali a entrainé le basculement de cet Etat dans une instabilité grandissante.

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    Section 2 : Le basculement du Mali dans l'instabilité sous régionale

    Cette section présente les facteurs qui permettent d'expliquer le basculement du Mali dans l'instabilité. Nous nous préoccupons des conséquences de l'instabilité des Etats de la sous-région sur le Mali(1), des faiblesses de l'Etat malien(2) et des conséquences de celles-ci(3).

    1- Les conséquences de l'instabilité des Etats de la sous-région sur le Mali

    L'environnement instable des Etats de la région sahélo-saharienne a basculé le Mali dans un chaos sécuritaire. En effet, victime du « caractère nomade des conflits »51 africains, le Mali a été mis en mouvement par la dynamique conflictuelle de ces Etats voisins et particulièrement la Libye, l'Algérie et la Mauritanie. A partir de ces Etats, le Mali a subi un mouvement de délocalisation des groupes terroristes et un important transfert de stocks d'armes dont ils disposaient. Ainsi, profitant des faiblesses des frontières maliennes et du caractère no man's land de la partie septentrionale de cet Etat, ces GAD particulièrement mobiles ont, non seulement organisé plusieurs intrusions armées dans le territoire malien, mais aussi polarisé la partie Nord de cet Etat et l'ont transformé en un important « sanctuaire »52 terroriste. Instaurant ainsi un rapport de force, ces groupes djihadistes ont exercé une puissance armée qui leur a permis de contrôler les différentes villes septentrionales du Mali. L'enjeu de ces factions rebelles et terroristes étant le contrôle du territoire de l'Azawad et la maîtrise du trafic de la partie septentrionale de l'Etat malien, ces bandes djihadistes se sont reparties le territoire Nord en trois grands quartiers d'influences terroristes. Le groupe Ançar-Eddine, fort de son contingent, occupait les villes de Diabaly, Kidal, Douentza et Tessalit. Le MUJAO se retrouvait dans la ville de Gao et AQMI s'appropriait les villes de Tombouctou, Aighaghar et Aguelhok. Outre ces trois forces majeures, le MNLA et le MIA (Mouvement Islamique de l'Azawad) se retrouvaient dans toute la partie Nord du pays. Cette occupation des GAD qui a entrainé la défection des autorités politico-militaires étatiques, constitue ce qu'A. Bencherif qualifiait de «risque de Balkanisation et de Talibanisation »53 au Mali. Dès lors, la multiplication des actions terroristes de ces groupes transfrontaliers à l'intérieur du territoire malien, a fondamentalement réduit les efforts de stabilité de l'Etat, et conduit le Nord-mali dans la même situation que celle de la Libye. Cette polarisation de la partie septentrionale par les bandes armées (cf. tableau 1), constitue l'une des principales causes de l'effondrement du Mali. Ainsi, la dissémination de ces bandes

    51P. Hugon, op.cit., p.146.

    52N. Teneze, Les OPEX françaises au Sahel (2012-2013) : une mutualisation américaine sous drapeau français, 2013, p.4, http://teneze-nrh.e-monsite.com/medias/files/mali-article-complet.pdf, consulté le 24/06/2015 53A. Bencherif, Le nord du Mali, Entre risques de balkanisation et talibanisation, programme et sécurité internationale (PSI), 2012, p.2.

    31

    terroristes et rebelles dans le Nord-Mali, a considérablement développé une insécurité générale, du fait de leur extrémisme caractérisé par des enlèvements et des décapitations. Cette situation, a sans doute amené la France à engager une action militaire au Mali pour stopper la campagne militaire de ces mouvements terroristes d'origines algérienne, mauritanienne et libyenne.

    Tableau 1:Sanctuaire malien

    Groupe

    Ansar Eddine

    (compagnons de

    la religion ou

    défenseur de
    l'islam) ou AAD

    Mouvement pour l'unicité et

    le jihad en

    Afrique de
    l'Ouest

    (Mujao)

    Al-Qaida au

    Maghreb islamique (AQMI)

    Mouvement

    national de

    libération de

    l'Azawad (MNLA)

    Mouvement

    islamique de
    l'Azawad (MIA)

    Leaders

    Iyag Ag-Ghali, ex baasiste de Tinariwen, de la légion verte de Kadhafi, des guerres du Tchad et du Liban, du GSPC (1998) et du MPA

    Hamada Ould Mohamed Kheirou dit Abou Ghoum-Ghoum Oumeïni

    Ould Baba

    Akhmed

    Abdelmalek Droukdal alias Abdou Moussab Abdelwadoud L'émir du Sahara et du Sahel Yahya Abdou El Hamame Yahia Djouadi

    Moussa Ag-Assarid Bilal ag Achérif

    Alghabass ag Intallah

    Effectif

    5000 à 10000 indépendantistes touaregs maliens

    500 Noirs

    800 à 3000 arabes du Moyen-Orient et des sahéliens

    Touaregs ex pro- Kadhafi

    Touaregs

    Naissance et origine

    Mars 2012 (scission avec le

    MNLA)

    2011

    (scission avec

    AQMI

    Janvier 2007 (ex du GIA, du GSPC

    16 octobre 2011 (fusion entre le

    mouvement national de l'Azawad (novembre 2010) et l'Alliance Touareg Nord-Mali pour le changement.

    23 janvier 2013

    (scission avec

    l'Ansar Eddine)

    Sanctuaire

    Rectangle Diabaly, Douentza, Kidal et Tessalit

    Autour de Gao

    Autour de Tombouctou, Kidal, Aighaghar et Aguelhok

    Eclaté dans l'Azawad

    Nord Mali

    Principes

    Tablighisme (sunnite)

    Imposition de la

    charia au Mali

    Salafisme Imposition de la

    charia au Mali

    Salafisme

    Malékisme laïque Indépendance de l'Azawad

    Indépendance de l'Azawad

    Action

    Exactions -Décapitation -Fusillade

    Exactions Décapitation -Fusillade -enlèvements

    Exaction -Décapitation -Fusillade -attentats -enlèvement renversement du président malien Amadou Touamani

    Proclame l'indépendance de l'Azawad le 6 avril 2012

     

    Source : N. Ténèze (décembre 2013) http://teneze-nrh.e-monsite.com/medias/files/mali-article-complet.pdf, consulté le 22/07/2015

    32

    Ce tableau présente une vision panoramique des différents groupes rebelles et terroristes qui ont déstabilisé la partie septentrionale du Mali. En effet, ces bandes armées qui ont occupé la partie septentrionale du Mali par des actions pratiquement similaires, visaient chacun des objectifs différents.

    Bien que l'instabilité du Mali ait constitué l'une des motivations majeures de l'intervention militaire française au Mali, elle ne reste cependant pas l'unique facteur qui pourrait expliquer ce déploiement militaire. La résurgence des faiblesses internes du Mali est également un élément qui explique le basculement de l'Etat malien dans l'instabilité, et constitue l'un des enjeux qui préparent l'intervention militaire française.

    2- Les faiblesses de l'Etat malien et leurs conséquences

    Le multiplication des actions armées des groupes djihadistes au Nord a favorisé le rejaillissement des problèmes géopolitiques internes qui fragilisent davantage l'Etat malien et l'entraine vers une grande instabilité. Il s'agit, d'une part des revendications politico-territoriales des groupes rebelles du Nord et, d'autre part, de l'insurrection de l'armée régulière malienne.

    En ce qui concerne les revendications politico-territoriales des rebellions du Nord, il est à noter que celles-ci sont à l'origine de la résurgence dès janvier 2012 des tensions intra-étatiques causées par des groupes rebelles touaregs du MNLA. En effet, ces derniers, qui occupent la partie septentrionale du pays, réclament une action politique fondée sur l'autodétermination et l'indépendance de l'Azawad constitué par les trois régions maliennes de Kidal, Tombouctou et Gao. Ces idées irrédentistes qui ne concordent pas avec celles défendues par le pouvoir de Bamako du fait du principe de l'indivisibilité du territoire malien, provoquent un rapport de force entre le mouvement rebelle et les armées régulières. Ce rapport de force qui se définit par un affrontement militaire entre les deux groupes, alimente un malaise politique qui enfonçait davantage le Mali dans la crise. Selon Drissa Malle, conseiller diplomatique de l'Ambassade du Mali à Libreville, ces revendications apparaissent comme l'une des plus anciennes contradictions politiques qui déstabilisent l'Etat depuis les indépendances, et dont les enjeux sont la« prise de pouvoir des peuples blancs touaregs aux autorités politiques noires du Sud et le désir du contrôle de toute sorte de transactions économiques des régions nord qui sont des no man's land ». Profitant de ce qu'Afrique Magasine appelle la « fragilité des institutions maliennes »54 et des difficultés auxquelles l'armée régulière fait face, pour assurer pleinement la sécurité dans la partie Nord,

    54R. Michel, la grande guerre du Sahel, Afrique Magazine, n° 329, Février 2013, p.48.

    33

    l'insurrection spécifiquement touareg, a cédé à plusieurs alliances qui ont, non seulement entrainé le Mali dans la « zone rouge »55, mais aussi ont permis aux groupes armés de se doter d'une puissance de feu, qui leur permettait d'affronter directement le pouvoir malien au Nord. Dès lors, le rapprochement tactique du MNLA, des groupes terroristes et rebelles d'AQMI, du MUJAO et Ançar-Eddine qui provenaient de l'ensemble des pays déstabilisés de la région sahélo-saharienne, a conduit l'Etat dans une situation conflictuelle irréversible. Usant de la violence, notamment des exactions sur les populations et sur les forces armées, ces groupes djihadistes qui étaient doté « d'un armement sophistiqué, composé de canons antiaériens et de fusils mitrailleurs, puis des pick-up et des blindés »56, échappaient à la régulation et au contrôle du pouvoir politico-militaire du Mali. Cette faiblesse de l'appareil étatique malien a été le fondement de la proclamation de l'indépendance de l'Azawad (région septentrionale du Mali) par le MNLA. Elle a permis l'occupation du territoire par les groupes terroristes, le développement des violences sur les populations et le massacre des soldats dont le plus important a été celui d'Aguelhok57, qui a provoqué l'assassinat par décapitation et par fusillade de cent cinquante-trois soldats maliens58. Ces pertes ont provoqué une insurrection militaire au sud en maintenant plus longuement l'Etat dans une incertitude sécuritaire.

    L'insurrection militaire a également fragilisé l'Etat ; elle a véritablement causé la déstabilisation de l'Etat malien. En effet, le soulèvement de l'armée qui nait après l'assassinat des soldats d'Aguelhok, a conduit à une crise politique majeure qui se solda par la destitution en mars 2012, de l'exécutif malien par un par putsch organisé par des soldats de l'armée de terre sous la direction du capitaine Amadou Sanogo. Ce dernier accusait l'exécutif malien d'être en « collusion avec les djihadistes »59et les groupes rebelles lourdement armés dans la partie septentrionale du pays. L'organisation de ce coup d'Etat militaire ayant ainsi entrainé le déséquilibre géopolitique territorial, il s'en est suivi un enlisement total de l'Etat avec la démultiplication criarde d'actions terroristes et rebelles d'une part, et l'avancée vers le centre et le sud du Mali de ces différents combattants islamistes, d'autre part.

    L'instabilité de l'Etat malien découlait, en résumé d'une combinaison des forces centripètes et des forces centrifuges. On peut affirmer qu'à partir des pressions externes de déstabilisation des pays frontaliers, l'effet de « contagion des conflits africains»60a entrainé la résurgence des problèmes internes au Mali. Cette combinaison des facteurs crisogènes a directement entrainé le Mali dans un chaos, qui a suscité l'intervention militaire française.

    55J-C. Notin, op.cit., p.55.

    56Afrique Magazine, n° 329, op. cit., p.49.

    57Rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme(FIDH), (Juillet 2012), p.12.

    58Ibidem

    59J-C. Notin, op. cit., p.57.

    60P. Hugon, op. cit., p.146.

    34

    Pour conclure sur ce point, nous pouvons observer que l'instabilité géopolitique des Etats frontaliers du Mali et la déstabilisation de celui-ci, démontrent la fragilité, l'instabilité des Etats et l'insécurité d'une région placée sous tension. Cette insécurité, qui constitue un enjeu majeur pour la France, est à l'origine du déploiement militaire de la France au Mali. Cette intervention a fait l'objet d'un jeu d'alliance, elle pose d'importantes questions sur les réelles motivations de la France.

    35

    Chapitre II : Le jeu d'alliance et les motivations « inavouées » de l'intervention militaire française

    Le déploiement de l'armée française au Mali a fait l'objet d'un jeu diplomatique tant entre les Etats qu'au niveau des instances internationales. Cette diplomatie qui, manifestement, constitue une couverture juridique à l'intervention, n'a-t-elle pas été un des réels enjeux géopolitiques de l'Hexagone ? Pour examiner cette question, ce chapitre revient sur l'environnement juridique de cette intervention militaire française et sur le repositionnement de la France au Mali, et par incidence, dans l'espace sahélo-saharien et Ouest-africain.

    Section1 : L'environnement juridique de l'intervention militaire française

    Trois facteurs expliquent l'environnement juridique de l'intervention militaire française au Mali. Il s'agit des accords militaires franco-maliens(1), des accords multilatéraux de la France avec les pays de l'Afrique de l'Ouest(2) et la légitime défense collective de l'ONU(3).

    1- Les accords militaires franco-maliens

    Les accords militaires signés entre la France et le Mali ont constitué l'un des fondements de l'intervention militaire française. En effet, ces accords qui sont signés au lendemain des indépendances en 1960, puis revisités en 1985, et dont la logique était d'assurer la sécurité des Etats signataires et celle de la communauté dont ils faisaient partis, ont particulièrement entrainé ce que J-F. Owaye a appelé la « la défense communautaire afro-française »61. Celle-ci permettait d'établir un système commun de sécurité et de défense entre la fédération malienne, et la République française. L'établissement de ces accords d'assistance militaire entre les deux Etats a donné lieu à la constitution d'une alliance militaro-sécuritaire, qui permettait à la France de s'engager durablement dans un conflit qui se déroule au Mali. Ainsi, en mettant en exergue l'assertion selon laquelle la « France s'attache, autant que possible, à ce que toute intervention de ses forces armées à l'extérieur s'effectue dans le cadre d'un accord ou sous mandat de durée d'exercice d'une fonction élective d'une

    61J-F. Owaye, La sécurité nationale gabonaise, Introduction par les textes (1958-2000), Libreville, presse Universitaire du Gabon, 2010, p.195.

    36

    autorité internationale »62, l'accord bilatéral franco-malien permettait à la France de conduire à dessein, une intervention militaire au Mali. Cet accord, qui se focalise sur plusieurs éléments dont les plus importants demeurent l'assistance militaire technique, l'apport de la logistique et l'aide en cas de menace, légitimait cette opération militaire extérieure. Cette base juridique constituait, théoriquement, l'un des mobiles des manoeuvres militaires de la France sur le théâtre malien. Selon ces accords,

    La République Française et la fédération du Mali se prêtent mutuellement aide et assistance pour leur défense contre toute menace. Un comité de défense paritaire est constitué pour préparer le plan de défense et de coopération entre la république française et la fédération du Mali, notamment dans le cadre de la défense extérieure. Une convention sera signée entre la France et la fédération du Mali. Cette convention déterminera notamment la participation des deux Etats à la défense de la communauté et éventuellement d'autres Etats africains63.

    Le gouvernement de la République Française met, dans la mesure de ses moyens, à la disposition du gouvernement de la république du mali les personnels militaires français dont le concours est demandé par le gouvernement de la République du Mali64.

    Les deux accords de 1960 et 1985 formalisent une alliance militaire entre la France et le Mali et fondent le déploiement de la force hexagonale sur le théâtre malien. Cependant, ces accords militaires franco-maliens ne constituaient que la face cachée de l'iceberg. Ainsi, au-delà des raisons juridiques avancées pour justifier l'intervention militaire française, il ne faut pas minorer les facteurs géopolitiques et géostratégiques. En effet, pour suivre J. Chipman, « en matière de défense, les accords contractés par le gouvernement français visaient essentiellement un double objectif : le maintien de son influence en Afrique et la préservation de la liberté d'action au niveau international »65. On en conclut donc que, les accords militaires franco-maliens, offrent un cadre légal à cette intervention. Il n'en demeure pas

    62Archives politiques publiques, La politique de défense de la France jusqu'en 2008 : les engagements

    extérieurs et internationaux, 2011, http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-
    defense/engagements-exterieurs/ , consulté le 20/05/2015

    63 Journal officiel, « Accords signés ou paraphés entre le gouvernement de la république française, et le gouvernement de la république du Sénégal, de la république soudanaise et la fédération du Mali », 4vril 1960, p.4.

    64 Journal officiel, « accord de coopération militaire technique entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du Mali de 1985 », n°14941, 5 décembre 1990, p.1.

    65J. Chipman, cité par T-S. Possio, Les évolutions récentes de la coopération militaire de la France en Afrique, Paris, éditions publibook, p.55.

    37

    moins qu'ils aient surtout été une couverture des enjeux politiques, économiques, et sécuritaires de la France au Mali. C'est d'ailleurs ce que défend A. Bourgi quand il énonce que : « en signant avec les Etats accédant à l'indépendance des accords de coopération dans tous les domaines, politique, militaire, économique, social et culturel, la France s'engageait certes à conforter leur souveraineté nouvellement acquise, comme en témoigne le parrainage apporté à l'admission à l'ONU, mais dans le même temps, elle conserve son emprise sur ses anciens colonisés»66. Dès lors, on peut affirmer que les accords de coopération militaire de la France avec certains Etats africains dépassent le simple aspect de la consolidation de la souveraineté et de la sécurité de ces Etats, ces accords permettent à la France de contrôler ses intérêts en Afrique.

    La France a également fondé son intervention militaire au Mali à travers les accords multilatéraux passés avec les pays de l'espace communautaire de la CEDEAO.

    2- Accords multilatéraux de sécurité collective de la France avec les pays ouest-

    africains

    Les accords multilatéraux de sécurité collective et de résolution des conflits qui lient la France aux organisations sous régionales africaines et particulièrement la CEDEAO, ont constitué l'un des mobiles pour lesquels la France s'est déployée militairement au Mali. En effet, ces accords qui placent la CEDEAO comme partenaire à part entière67 de la France, permettent à celle-ci de « contribuer à la consolidation des capacités de maintien de la paix (coopération, expertise, financements) et à les promouvoir lors qu'elles n'existent pas »68. Dès lors, le Quai d'Orsay exploite pleinement69 ces accords pour la restauration de la sécurité dans les sous-régions africaines. Les accords multilatéraux franco-africains permettent, d'une part, à la France d' « encourager, appuyer et soutenir l'ensemble des initiatives africaines dans l'optique qu'à terme les conflits africains soient résolus par les Africains eux-mêmes »70, d'autre part à déployer sur le théâtre d'opérations, son armée afin de maintenir la sécurité, qui est le principe fondateur de ces accords multilatéraux. De ce fait, la coopération multilatérale entre la France et la sous-région de la CEDEAO constituait le pivot de l'intervention militaire française au Mali. De manière systématique, les accords multilatéraux France-CEDEAO obéissent au respect des alliances déjà établis. Cependant, de façon dissimulée, ces accords

    66 A. Bourgi, Aux racines de la françafrique : la dégradation de l'image de la France en Afrique, centre Thucydide, volume X, 2009, p.1-14.

    67 Le livre blanc, défense et sécurité nationale, 2008, p.120.

    68 Ibidem, p.120-121.

    69 Ibidem, p.20.

    70 H. Serequeberhan, Le réengagement français dans les conflits africains et le défi ivoirien, p.2.

    38

    ont des enjeux symboliques71, notamment la défense des intérêts sécuritaires72 et économiques qui amènent le plus souvent « la France à couvrir la totalité des zones stratégiques d'intérêt majeur à travers toutes les composantes, maritime, aérienne et terrestre de son outil militaire »73 tel qu'elle l'a réalisé dans son intervention au Mali.

    Outre les accords multilatéraux, le système international de défense collective de l'ONU a permis également à la France de justifier légalement son intervention militaire au Mali.

    3- De la légitime défense collective de l'ONU

    Les accords internationaux et le développement des alliances institués par l'Organisation des Nations-Unies, ont permis à la France de mobiliser son armée au Mali. En effet, dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationale, le Conseil de sécurité de l'ONU, garant de la stabilité internationale, recommande à l'ensemble des Etats appartenant à l'institution, la légitime défense individuelle ou collective. Dès lors, la France qui constatait la multiplication sans cesse des attaques au Mali et les faiblesses de celui-ci à combattre les différents groupes islamistes présents sur son sol, s'est servie du principe du CS. Décidant unilatéralement d'intervenir militairement au Mali, le Quai d'Orsay brandissait de ce fait l'article 51 de la Charte de l'ONU qui statut sur la légitime défense et dont le contenu stipule qu' « aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le CS ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du CS et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales»74 . Ainsi, à travers la légitime défense collective onusienne, l'intervention militaire française se réclamait d'une couverture juridique internationale.

    Cependant, en mettant en exergue la légitime défense collective, la France a délibérément négligé les articles 24 sur la responsabilité du CS à assurer l'action rapide et efficace, et à maintenir la paix et la sécurité internationale, puis l'article 25 qui stipule que « les membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité

    71 P-E. Batchom, La sécurité collective en Afrique post-Guerre froide, Res militaris, vol 4, n°2, 2014, p.1-16.

    72 Le livre blanc, op.cit., p.197.

    73Livre blanc, op. cit.,

    74 Charte des Nations unies, chapitre VII, article 51

    39

    conformément à la présente Charte ».75 Dès lors, il convient de dire que la légitime défense collective exprimée par la France cachait les réelles motivations de son intervention militaire. Ainsi, si cette légitime défense était conforme au jeu d'alliance sur le plan international, il est clair qu'elle a camouflé les grands enjeux aussi bien géopolitiques que géostratégiques de cette intervention militaire. La mise en avant de la légitime défense collective au détriment des décisions du Conseil de sécurité ressemble à la manifestation d'une ingérence militaire habillée de plusieurs « zones d'ombres »76.

    Les accords internationaux et ceux existants entre la France et le Mali, donnaient certes une légitimité à l'intervention militaire française, mais ce jeu d'alliance a permis à la France de couvrir les réels enjeux de ce déploiement militaire, notamment ceux qui sont en rapport avec son repositionnement militaire au Mali et dans l'espace sahélo-saharien.

    Section2 : Le repositionnement de la France au Mali, dans l'espace sahélo-saharien et ouest-africain

    Il s'agit dans cette section de présenter les enjeux géopolitiques de l'intervention parmi lesquels la restitution de l'intégrité territoriale du Mali et l'anéantissement des djihadistes(1). Il convient tout aussi d'insister sur l'enjeu de la présence militaire permanente au Mali et dans l'espace sahélo-saharien(2) et le recadrage politico-diplomatique de la France au Sahel et en Afrique de l'Ouest(3).

    1- La restitution de l'intégrité territoriale du Mali et l'anéantissement des djihadistes L'un des enjeux majeurs qui a certainement précipité la France à intervenir militairement dans le conflit malien, est la préservation de l'intégrité territoriale du Mali. En effet, l'occupation des groupes armés rebelles et terroristes du Nord avait porté un coup d'arrêt sur l'existence du pouvoir étatique dans la partie septentrionale du Mali. Cette invasion des GAD qu'A. Bencherif qualifiait de « risque de balkanisation et de talibanisation »77 entrainait peu à peu l'Etat malien au bord de la situation des Etats instables. Cette situation géopolitique que redoutait la France l'avait amené à anticiper le « jeu de domino des groupes terroristes au Mali »78 en mettant fin, non seulement à leurs velléités d'occupation globale de l'Etat, mais également en récupérant l'ensemble des villes qu'ils

    75 Charte des Nations unies, op.cit

    76 M. Galy, op.cit.

    77 A. Bencherif, Le Nord Mali entre risques de Balkanisation et talibanisation, PSI, 2013, p.1-6.

    78 M-I. Kantô, L'intervention militaire française, perspectives africaines, 2013, p.16-20.

    40

    occupaient et réinstaurer le pouvoir étatique de Bamako au Nord. De ce fait, les objectifs politiques que dévoilait le Quai d'Orsay dans le cadre de cette intervention, visaient d'une part à « arrêter l'avancée des groupes terroristes vers Bamako et préserver l'existence de l'État malien en lui permettant de recouvrer son intégrité territoriale »79et, d'autre part, à « détruire les bases arrière - dépôts d'essence ou de munitions, centres d'entraînement, infrastructures diverses - afin d'empêcher les groupes terroristes de se reconstituer et à soutenir la stabilité du Mali et ses institutions, notamment par une présence à Bamako »80. L'enjeu de la conquête des territoires maliens qui, étaient sous le joug des djihadistes, conditionnait la force française à créer le déséquilibre des groupes djihadistes en appliquant le schéma de C.V. Clausewitz : « il faut détruire en premier les forces armées ennemies ; ensuite le territoire devra être conquis»81. Cette destruction des groupes rebelles et terroristes qui sévissaient dans l'espace Nord, et qui tentaient de regagner le sud, les empêche de « constituer une nouvelle force militaire »82 qui pourrait reproduire les mêmes effets.

    Cet enjeu de la restitution de l'intégrité territoriale par les forces armées françaises procède ainsi d'une approche globale de gestion de crise armée. En effet, l'anéantissement des groupes armés djihadistes dans l'espace malien empêche l'extension du conflit vers les Etats de la sous-région sahélo-saharienne déjà fragiles, et garantie l'intégrité territoriale et régionale de cet espace. Usant ainsi, de la realpolitik83 dans cette approche globale de protection de l'intégrité territoriale du Mali, la France visait à sécuriser et contrôler un ensemble d'Etats contre la menace qui pouvait s'étendre. Car, selon M.I. Kantô : « si le Mali tombait aux mains des terroristes, d'autres Etats tomberaient à leur tour »84, ce qui aurait créé une instabilité généralisée aussi bien dans l'espace sahélo-saharien que dans la région de l'Afrique de l'Ouest.

    Cependant, au-delà de la restitution intégrale du territoire malien qui constituait un enjeu clairement identifié par les acteurs français, cette intervention militaire visait aussi, implicitement, la réorganisation de la présence militaire et politique de l'Hexagone dans l'ensemble des espaces sahélo-sahariens et ouest-africains. A l'analyse, la restitution du territoire malien n'apparait plus comme le seul facteur déterminant du repositionnement de la France au Mali et dans l'espace sahélo-saharien, la présence militaire permanente au Mali est également un enjeu géopolitique considérable de cette intervention militaire.

    79 Rapport Assemblée nationale française, n°1288, 18 juillet 2013, p.33. 80Idem

    81 C-V, Clausewitz, De la guerre, Paris, les éditions Minuit, 1984, p.71.

    82Ibidem, p.70.

    83N. Moulin, Qu'est-ce que la realpolitik, Novembre 2013, http://les-yeux-du-monde.fr/ressources/15722-quest-

    ce-la-realpolitik

    84 M-I. Kantô, op.cit., p.16-20.

    41

    2- L'enjeu de la présence militaire permanente au Mali et dans l'espace sahélo-

    saharien

    La présence militaire permanente de l'armée française au Mali et dans la région sahélo-saharienne constituait l'un des objectifs non déclarés par le Quai d'Orsay dans sa déclaration de guerre aux GAD. En effet, soucieux de ne voir aucune menace émerger dans son voisinage immédiat, soutient le livre blanc de la défense française85, la France considère les parties sahélienne et saharienne comme des zones d'intérêts prioritaires dans lesquelles il est nécessaire de contrôler et de sécuriser de manière constante. Car, ces régions ont la particularité d'abriter les Etats fragiles dont la capacité de surveillance de leur territoire est souvent faible et dont les dynamiques de circulation transnationale sont à l'origine d'importants « flux criminels »86, parmi lesquels les bandes armées terroristes. De ce fait, l'installation des bases armées françaises à l'intérieur du territoire malien et dans l'ensemble de l'espace sahélo-saharien constitue un enjeu géopolitique et géostratégique majeur. Ces différentes installations militaires françaises qui se font progressivement, caractérisent la nouvelle réorganisation en profondeur du dispositif militaire français dans la bande sahélo-saharienne, si l'on en croit J.D. Merchet87. Ce nouveau réseau militaire français comprend des pôles principaux de dispositifs militaires et des bases avancées dont la disposition géographique est axée sur quatre pays essentiellement : le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Ces Etats disposeront de quatre bases principales dont les fonctions diffèrent. Selon le même auteur, la base de Ndjamena disposera de l'Etat-major de commandement des opérations du sahel, des appareils de combats aériens et de quelques forces terrestres ; la base de Niamey se concentre sur le renseignement à travers l'utilisation des drones et peut aussi accueillir des avions de combat et de patrouille maritime atlantique 2 ; la base de Gao dispose des forces terrestres avec un détachement important d'hélicoptères, et la base de Ouagadougou compose le groupement des forces spéciales Sabre, qui opèrent dans toute la zone à partir de cette base arrière88. Ces différentes bases sont accompagnées de deux points d'appui qui sont installés dans des zones névralgiques, où la présence des groupes terroristes est imminente. L'un est ainsi situé dans la ville malienne de Tessalit et l'autre dans la zone de Faya-Largeau au Tchad. Cette présence militaire française au sahel (Carte n°2) consiste à « couper les Djihadistes de leur base arrière en Libye »89 et à suivre leurs itinéraires dans l'ensemble des

    85 Le livre blanc, défense et sécurité nationale, 2008, p.53.

    86Ibidem

    87J-D. Merchet, « La France réorganise son dispositif militaire au Sahel autour de quatre bases »,

    http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/france-reorganise-dispositif-militaire-sahel-autour-quatre-bases-8565,

    consulté le 17/06/2015

    88J-D. Merchet, op.cit.,

    89Ibidem

    régions du Sahel, du Sahara et dans la partie Maghreb. Ce nouveau dispositif militaire français dans ces régions, concorde avec le positionnement stratégique de la nouvelle opération Barkhane90 dont l'arrière-cour se situe dans trois pays: le Mali ; le Tchad et le Niger.

    Carte 2: Réorganisation du dispositif militaire français au Sahel

    42

    Cette carte de la réorganisation progressive des bases militaires françaises traduit l'extension du dispositif militaire dans l'ensemble de la région sahélo-saharienne et l'enjeu de l'influence géopolitique de la France dans cette partie de l'Afrique.

    Une telle permanence de la force française au Mali et dans la région sahélo-saharienne, permet à l'Hexagone de se repositionner durablement en tant que puissance dans cette partie de l'Afrique. Ainsi, si l'on suit l'assertion de Y. Lacoste : « c'est par les armées que les Etats exercent leur domination à l'extérieur de leur frontières »91, et celle de C.V.

    90 Rapport ministère de la défense française, Opération Barkhane, p.1-42.

    91 Y. Lacoste, La géopolitique et les rapports de l'armée et la nation, Paris, Hérodote, n°116, 2005, p2.

    43

    Clausewitz : « la guerre n'est pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une poursuite des relations politiques, une réalisation de celles-ci par d'autres moyens»92, on peut affirmer que l'intervention militaire française au Mali et par-dessus sa présence militaire permanente, permettent à l'Hexagone de recadrer son influence politique dans ces parties de l'Afrique.

    3- Le recadrage de l'influence politico-diplomatique française au Mali et dans la sous-région

    Le repositionnement politique et diplomatique de la France au Mali et dans l'ensemble des pays des régions sahélo-saharienne et ouest-africaine, constitue également un enjeu géopolitique majeur de l'intervention militaire française au Mali. En effet, à travers cette intervention, la France recherche à rattraper son « mauvais calcul stratégique »93, conséquemment à son orientation géopolitique vers les pays de l'Est et du Centre de l'Europe formés après de la dislocation des blocs. Qualifié par A. Glaser et S. Smith94 sous l'expression de désintéressement de l'Afrique par l'Hexagone, ce détournement géopolitique de la France a créé un vide qui a profité aux nouveaux pays en quête d'une extension diplomatique. C'est ainsi que la Chine, l'Inde ou encore le Brésil, se sont introduits dans les régions qui constituaient les zones d'influence française, parmi lesquelles la région sahélo-saharienne dont fait parti le Mali. Le vide laissé par la France a ainsi favorisé, si l'on en croit P. Guinant95, l'élargissement de la coopération de la chine avec les Etats africains, notamment avec la multiplication des forums de coopération Chine-Afrique F.O.C.A.C (Forum on China-Africa Coopération). Ce rapprochement diplomatique dans les régions autrefois dirigées par la France, s'accélère également après les attentats du World Trade Center en 2001. Les Etats-Unis ont, en effet, renforcé des relations diplomatiques avec plusieurs Etats du Sahel, du Sahara et du Maghreb. De ce fait, les accords sécuritaires des programmes Pan Sahel Initiative, Trans Sahara Counter-Terrorism Initiative (TSCTI) ou encore l'USAFRICOM (commandement pour l'Afrique) établit par Washington avec huit Etats de la région, notamment l'Algérie, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et la Tunisie, dénotent de la pénétration d'une influence politico-diplomatique des Etats-Unis dans ces territoires, qui étaient considérés comme des fiefs diplomatiques de l'Hexagone. Les

    92C-V, Clausewitz, De la guerre, Paris, les éditions Minuit, 1984, p.67.

    93 S. Loungou, Interview, op.cit.,

    94 A. Glaser& S. Smith, Comment la France a perdu l'Afrique, Paris, Hachette, 2006, p.111.

    95 P. Guinant, La politique de la France en Afrique Subsaharienne après les indépendances, Mémoire de master, I.E.P Toulouse, 2013, p.44.

    Etats-Unis développent, dans ces pays, une action politique fondée sur la promotion de la démocratie et le développement multiforme (économique, sécuritaire, diplomatique et culturelle). Ce glissement diplomatique des Etats des régions sahélo-saharienne, maghrébine et ouest-africaine vers les Etats-Unis et les puissances émergentes, fragilise la géopolitique française dans ces espaces africains. De ce fait, l'enjeu du Quai d'Orsay à travers l'intervention militaire était de réactiver et renforcer les relations diplomatiques, qui sont restées un peu tièdes avec ces pays d'Afrique dont le Mali et le reste d'Etats des trois régions citées ci-dessus ; il s'agit des relations qui ont profité aux autres puissances. Ainsi, sur le plan politique, la France recherchait, selon l'analyse de M-I. Kantô:« à retracer le cercle de son influence face à l'influence croissante américaine et chinoise »96. Dès lors, le déploiement militaire français au Mali revêtait, sur cet aspect, un double enjeu fondé non seulement sur le repositionnement politico-diplomatique de la France dans cette partie de l'Afrique, mais aussi sur la réduction de l'influence politique des puissances émergentes et américaines. L'enjeu de l'intervention tournait ainsi autour de la diplomatie française dans ces milieux et à l'affaiblissement du glissement des puissances émergentes et des Etats-Unis dans ces territoires africains autrefois dominés par la France.

    D'une façon générale, la France a utilisé à sa guise le cadre juridique international et ses accords militaires avec le Mali, pour assurer à son intervention militaire, une couverture légale. Cependant, cette `'légalité» ne dissimule pas assez les réels enjeux de l'opération militaire française. En définitive, le jeu d'alliance de l'intervention s'enchainait étroitement avec les motivations non explicitement déclarées par les autorités françaises lors de leur prise de décision d'intervenir militairement. Ce flou entretenu avant, pendant et après cette intervention, démontre que bien d'enjeux géopolitiques et géostratégiques ceinturaient cette action militaire. On peut en déduire que la France agissait, ainsi dans le conflit malien, en alliée intéressée.

    44

    96 M-I. Kantô, op.cit., p.16-20.

    45

    Chapitre III : La France, une alliée intéressée

    Les territoires africains d'une manière générale représentent depuis longtemps des espaces qui démultiplient la puissance économique, politique et militaire de la France. Afin de préserver ces acquis, les interventions militaires sont devenues des modes opératoires de la France en Afrique. Ce chapitre, qui s'appuie essentiellement sur la protection des ressources stratégique et économique de la France dans la sous-région et sa sécurité extensive, permet de comprendre cette logique.

    Section1 : La protection des ressources stratégique et économiques dans la sous-région

    Cette section analyse trois facteurs qui permettent d'expliquer la protection des ressources stratégiques par l'opération Serval. Il s'agit de la sécurisation des plates-formes pétrolières et minières(1), du maintien du leadership économique de la France(2) dans la sous-région et de la préservation du marché malien(3).

    1- La sécurisation des plates-formes pétrolières et minières françaises dans la sous-

    région

    L'enjeu énergétique de la France dans la région sahélo-saharienne a fortement influencé le déploiement de la force militaire française au Mali. De ce fait, le contrôle des lieux de productions d'hydrocarbures et minerais constituait un enjeu majeur de l'intervention militaire française. En effet, bien que la France n'ait apriori aucun intérêt au Mali sur le plan énergétique, son intervention militaire ne tient pas moins compte de cette problématique sur le plan de la sous-région Sahélo-Saharienne. Cette sous-région dispose d'importantes ressources pétrolières et minières qui sont sources de profits des multinationales françaises et qui entrainent la convoitise de plusieurs autres sociétés. Ainsi, au-delà de la lutte contre les GAD qui déstabilisaient le Mali, l'enjeu de l'opération Serval devenait également celui de prévenir les enlèvements dans des multinationales d'exploitations minières et pétrolières françaises, et surtout celui de sécuriser les sites d'exploitations, qui sont éminemment stratégiques pour la France. En effet, B. Van Auken97 soutient que, l'importance de l'uranium nigérien dans la production de l'électricité et de l'énergie nucléaire française amenait ainsi la France à mobiliser un important dispositif militaire de l'opération Serval vers le Niger afin de protéger

    97B. Van Auken, la France envoie les troupes pour sécuriser les mines d'uranium au Niger, https://www.wsws.org/fr/articles/2013/jan2013/uran-j26.shtml, consulté le 05/06/2015

    46

    les sites d'exploitation d'Areva à Imouraren, et Arlit. Cet enjeu de l'Uranium fait dire à S. Lhomme, directeur de l'observatoire du nucléaire français que, l'intervention « n'était en rien une opération pour la démocratie au Mali, mais il s'agissait plutôt de sécuriser l'approvisionnement des centrales françaises en uranium »98 car, l'extension du conflit au Niger serait un facteur de déstabilisation de l'économie nucléaire de la France.

    Outre la valeur stratégique du Niger, l'intervention militaire française visait également la protection des sites pétroliers et miniers de la Mauritanie, de l'Algérie et du Tchad. En effet, ces pays abritent plusieurs entreprises d'exploitation pétrolière dont la plus importante Total, se localise particulièrement au Tchad et en Mauritanie. Les sites de minerais de Fer de la Mauritanie et de gaz de l'Algérie étaient également couverts par le déploiement de l'armée française. Cette couverture militaire des ressources énergétiques indispensables à la France démontre que l'intervention militaire française allait au-delà des simples objectifs énoncés par l'Hexagone. De ce fait, nonobstant les objectifs humanitaires et sécuritaires du discours officiel français, il peut être nécessaire d'affirmer que les enjeux de cette intervention avaient une dominance énergétique, donc stratégique.

    Au-delà de la sécurisation des plates-formes pétrolières et minières d'exploitation contre les actions destructrices des groupes armés terroristes et djihadistes, la préoccupation de la France est également celle du maintien de son leadership économique dans une région sahélo-saharienne convoitée par une diversité d'acteurs internationaux.

    2- Le maintien du leadership économique dans les régions sahélo-saharienne et ouest-africaine

    Le positionnement économique de la France dans la région sahélo-saharienne a également constitué l'un des facteurs majeurs de l'intervention militaire française au Mali. En effet, le Sahel devient l'une des régions de l'Afrique les plus convoitées et qui aiguise les appétits économiques des Etats-Unis et des nouvelles puissances naissantes parmi lesquelles la Chine, l'Inde le Brésil et l'Afrique du Sud. Selon A. Glaser et S. Smith99, ces différents pays mettent sous pression la France dans cette région, où elle a quasiment évolué dans une tranquillité absolue sans concurrence économique. De ce fait, l'accès des nouveaux partenaires économiques des Etats se trouvant dans les grands ensembles régionaux ouest-

    98S. Lhomme, Une guerre au Mali et de l'Uranium au Niger : des islamistes très utiles au pouvoir français, observatoire du nucléaire, 2013, http://observ.nucleaire.free.fr/guerre-mali-uranium-niger.htm , consulté le 12/08/2015

    99 A. Glaser& S. Smith, op cit., p.199.

    103,

    47

    africain et sahélo-saharien, façonnent le positionnement stratégique de la France dans cet espace, et réduit considérablement les parts de marché qui étaient facilement acquises à l'ancienne puissance colonisatrice. En effet, en faisant une étude comparative sur les exportations et les importations dans ces Etats, il ressort qu'en 2012, par exemple, l'influence économique de la France a fortement chuté. Cette situation de baisse d'influence se perçoit facilement en Côte-d'Ivoire où le positionnement de la France en matière d'échange lui a été défavorable. Cette question a fait l'objet d'un rapport en 2013100. D'après celui-ci, la France, avec ses 6% de taux d'exportation ivoirienne de cacao et de pétrole raffiné, avait été supplantée par les Etats tels que les Pays-Bas (8%), les Etats-Unis (7%) et le Nigéria (6.5%). Cette situation n'est pas spécifique à la Côte-d'Ivoire car, au regard des exportations de la filiale Fer de la Mauritanie101, la France a également été reléguée en troisième position soit 5% d'exportation derrière la Chine et l'Italie dont les taux s'évaluent respectivement à 75% et 11%. Ce bouleversement commercial dans la région Sahélo-saharien est également palpable dans les pays qui, non seulement sont longtemps restés des jardins de la France, mais aussi constituaient pour elle, des Etats à haute valeur stratégique. C'est notamment le cas de l'Algérie où, le rapport France-diplomatie démontrait que, la France a perdu sa place de premier fournisseur (soit 11,4% de part de marché) au profit de la Chine (12,4%)102. D'une manière générale, les statistiques de l'économie françaises ont été revues à la baisse en 2012 dans ces pays de l'Afrique de l'Ouest et de la région sahélo-saharienne. Cette situation économique de la France reflète les nouvelles relations import-export entre les Etats de la CEDEAO et d'autres puissances depuis quelques années. Selon S. Bio Garou et Y. Borgui

    les exportations chinoises dans la CEDEAO représentaient 130% de celles de la France en 2010. Le taux d'exportations de l'empire du milieu s'élevait à 69% contre 26% pour l'Hexagone, et les taux d'importation s'évaluaient à 68% contre 25%. Cette nouvelle configuration géoéconomique de la sous-région pose le problème de la perte du leadership de la France dans ces régions.

    Dès lors, en suivant l'affirmation de T. Routier : « la guerre n'est pas totalement dissociée de l'économie »104, l'intervention militaire devenait stratégique pour maintenir,

    100 Rapport économique France diplomatie, « Les échanges commerciaux de la cote d'ivoire en 2013 », http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-economique-et-commerce-exterieur/la-france-et-ses-partenaires/afrique-23517/article/niger-114224, consulté le 08/08/2015

    101 Rapport économique France diplomatie, « Les échanges commerciaux de la cote d'ivoire en 2013 », http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-economique-et-commerce-exterieur/la-france-et-ses-partenaires/afrique-23517/article/mauritanie-114224, consulté le 08/08/2015 102Rapport économique France diplomatie, « La France et l'Algérie », http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/algerie/la-france-et-l-algerie/, consulté le 07/08/2015 103S. Bio Garou & Y. Borgui, L'état du commerce en Afrique de l'Ouest, rapport annuel Cacid, 2012, p70. 104 T. Routier, Guerre et économie : une relation fusionnelle? », http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-868_fr.html, consulté le 01/08/2015

    48

    d'une part le leadership économique de la France dans les sous-régions Ouest-africaines et sahélo-saharienne et, d'autre part, renforcer les coopérations économiques, qui sont fortement menacées par les pénétrations américaines et chinoises dans ces milieux. Ainsi, au-delà de l'intérêt sécuritaire tant clamé par la France, l'intervention militaire avait également pour objectif, d'affaiblir particulièrement les rivalités économiques des multinationales chinoises et américaines. Car, affirme S. Berkouk : « Se maintenir sur le continent s'avère nécessaire pour l'ancienne puissance coloniale, qui voit ses liens historiques avec le continent

    s'effilocher au profit d'autres puissances économiques mondiales »105.
    En plus du maintien du leadership économique dans la région sahélo-saharienne, la préservation du marché malien était également l'un des enjeux importants de cette intervention militaire française.

    3- L'enjeu du marché malien

    Le Mali est devenu depuis ces dernières années, l'un des Etats de la région sahélo-saharienne, qui suscite la convoitise des puissances traditionnelles et émergentes du monde. En effet, les nouvelles explorations pétrolières et minières faites en 2010 par la compagnie pétrolière italienne ENI et celles de 2011 réalisées par la société canadienne PETROMA106, ont montré que le Mali possède d'immenses gisements des ressources minières et pétrolières dans sa partie septentrionale. Cette présence des ressources énergétiques, a sans doute constitué l'un des enjeux inavoués de l'engagement militaire français au Mali. Ce dernier qui est longtemps resté en marge des grands enjeux économiques de la France en Afrique (87e client de la France et 165e fournisseur)107, devient l'un des Etats de la sous-région à haute valeur stratégique. Dès lors, la France à travers son intervention, rechercherait selon M-I. Kantô108 à se trouver une place dans la région du Sahel africain où l'existence des grandes réserves a été confirmée et se repositionner économiquement au Mali. De ce fait, affirmer que `'la France n'a aucun intérêt économique au Mali», est relatif en ce sens que le sous-sol malien (Tableau 2 ci-dessous) dispose d'importantes ressources qui, non seulement intéressent la France, mais aussi permettent à celle-ci de recadrer son économie, qui périclite depuis ces dernières années. Ainsi, du fait de la connaissance de ces multiples ressources

    105S. Berkouk, Finances, intérêts lutte d'influence: les enjeux économique de la Guerre au Mali, El Watan, le 21/01/2013, http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/mali/enjeux_economiques.htm, consulté le 06/08/2015 106E. Studer, Mali un pays riche en pétrole, en gaz et en mines d'or, 2013, http://www.leblogfinance.com/2013/01/mali-un-pays-riche-en-petrole-en-gaz-et-en-mines-dor.html , consulté le 20/07/2015

    107E. Leveque, La France a-t-elle un intérêt économique à intervenir au Mali ?, janvier 2013, http/ /lexpansion. lexpress.fr.outil/imprimer.asp ?id=1362313, consulté le 29/05/2015

    108 M-I. Kantô, op.cit.,

    49

    minières et pétrolières, l'intervention française devenait une nécessité en ce sens qu'elle aura facilité la négociation des contrats d'exploitation de ces ressources par les multinationales françaises. Dans ce sens, l'intervention française au Mali apparait comme un type de soft power dont la finalité serait de récompenser cette action par des attributions de grandes parts d'exploitation de ces ressources.

    Tableau 2:Le sous-sol malien

    Ressources

    Quantité estimable

    Présence de la ressource

    Situation

    Or

     

    Karan; Morilo; Yetala &Loulo

    Sud& Ouest

    Uranium

    5000T; 200T

    Falea

    Nord

    200T

    Gao

    Diamant

     

    Kayes; Sikasso

    Ouest; Sud

    Minerais

     
     
     

    Fer

    2000000T

    Djidian-Kenieba; Diamou& Bale

    Nord & ouest

    Bauxite

    1500000T

    kati &Bafing-Makan

    Sud &Sud-ouest

    Manganèse

     

    Bafing-Makan; Tombidi &Tassiga

    Ouest & Nord

    Autres ressources

     
     
     

    Diatomite

    65000000T

    Douna Behri

     

    Pierre de Sel

    53000000T

    Taoudenni

    Nord

    Schiste de bitume

    87000000T

    Agamor; Almoustrat

    Nord

    Gypse

    35000000T

    Taoudenni

    Nord

    370000000

    Tessalit

    Plomb et Zinc

    17000000T

    Tessalit; Bafing Makan& Fafa

    Nord & ouest

    Cuivre

     

    Bafing Makan& Outagouna

    Ouest

    Marbre

    1600000T

    Madibaya

    Nord

    Lignite

    1300000T

    Bourem

    Nord

    Zinc Kaolin

    1000000T

    Gao

    Nord

    Lithium

    4000000T

    Kayes

    Ouest

    Réalisation Ndong Saturnin ; Source : Ministère des mines du Mali/ http://www.jmpmali.com/html/fourpagefive.html/, 2011, consulté le 20/08/2015

    Ce tableau dresse les richesses du sous-sol malien. Ces sources qui suscitent la convoitise de plusieurs multinationales françaises ou autres, peuvent expliquer le déploiement militaire français au Mali au moment où la France est confrontée à la concurrence dans ses

    50

    zones d'influence. Les richesses mentionnées ci-dessus notamment l'Uranium ; le pétrole et le Manganèse, ont une grande valeur stratégique et économique pour la France.

    D'après ce qui vient d'être dit, il est clair que les enjeux de l'intervention militaire française au Mali étaient pluriels. En effet, la protection des ressources stratégiques, l'ouverture de la guerre économique vis-à-vis des puissances émergentes, et le repositionnement de la France en tant que leader économique de la sous-région, témoignent des ambitions géoéconomiques non négligeables de cette intervention militaire. Ces enjeux économiques sont couplés d'une dimension géostratégique importante, notamment les enjeux de la sécurité « extensive » de la France dans cette sous-région.

    Section2 : La sécurité extensive de la France

    Trois déterminants permettent de comprendre l'enjeu sécuritaire de l'opération Serval. Il s'agit de la lutte contre le terrorisme(1), la protection des ressortissants français(2) et l'utilisation du Mali en tant que verrou stratégique(3).

    1- La lutte contre le terrorisme et les trafics mafieux

    La présence des groupes terroristes dans la région sahélo-saharienne a constitué l'une des grandes motivations du déploiement de l'armée française au Mali. En effet, la France lutte depuis plusieurs années contre les groupes terroristes et les trafics mafieux de tout genre, qui sont perpétrés par ces différentes bandes armées terroristes dans le monde et particulièrement au Sahel et au Sahara, deux sous-régions qui constituent son proche voisinage. De ce fait, la France craignant, à en croire le rapport de l'Assemblée française de juillet 2014109, de voir se constituer un Etat terroriste aux portes de l'Europe, a spontanément engagé une intervention militaire au Mali dans le but d'empêcher ces groupes de s'étendre dans son continent. Cette volonté de lutter directement contre les groupes terroristes présents proche de la France et du continent européen, trouve son essence dans le Livre Blanc de la défense française de 2008 dans lequel il est inscrit que « la France et l'Europe sont directement visées par le djihadisme et ceux qui s'en réclament. Cette source de terrorisme demeurera pour de longues années l'une des principales menaces physiques dirigées contre l'Europe et ses ressortissants dans le monde»110. Par conséquent, la question de la lutte contre le terrorisme dans l'intervention militaire française au Mali répondait d'après la description du nouveau Livre Blanc français

    109Rapport Assemblée nationale française, n°2114, 9 juillet 2014, p.112. 110 Livre blanc de la défense française, 2008, p.49-63.

    51

    de 2013 à « une approche globale qui vise à prévenir les risques en détectant et en neutralisant les flux illicites en protégeant le territoire contre les intrusions hostiles, et en développant le dispositif gouvernemental de lutte contre la radicalisation ,
    · protéger les espaces particulièrement vulnérables, les réseaux de transport aérien, terrestre et maritime ,
    · et à anticiper les évolutions de la menace en maintenant une avance technologique dans le domaine de la détection des explosifs, des télécommunications,
    »111 à travers des réactions rapides d'intervention militaire. Car, la stratégie de sécurité française embrasse aussi bien la sécurité extérieure que la sécurité intérieure112. Dès lors, les enjeux de l'opération Serval étaient d'affronter efficacement les groupes armés terroristes qui sillonnent l'arc de crise113 qui va de la Mauritanie jusqu'en Somalie en passant par le Mali. Cette région fortement militarisée par les groupes armés terroristes, djihadistes et rebelles constituent une menace majeure114 pour la sécurité de la France et l'Europe. Cette menace est non seulement le fait de la mobilité de ces groupes terroristes entre pays et même entre continent, mais aussi le fait du développement des trafics multiformes allant de la drogue, aux trafics d'êtres humains.

    En effet, selon A. Abdelkader115, le Sahel devient une plaque tournante pour le trafic international de drogue. Cette vaste sous-région dont le contrôle échappe souvent aux autorités étatiques, est devenue depuis plusieurs années, l'un des territoires de transit le plus importants du monde. Ainsi, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Sahel et l'Afrique de l'Ouest sont devenus des voix par excellence de flux de stupéfiants en provenance de l'Amérique du Sud et de l'Asie vers l'Europe116. Les Etats transitent majoritairement la cocaïne, la marijuana et l'héroïne. Ces différents produits dont le tonnage diffère, convergent dans plusieurs pays de l'Europe parmi lesquels, la France. Cette dernière faisant de la lutte contre la drogue, une priorité dans les livres blancs de la sécurité et de la défense de 2008 et 2013, s'est employée à réduire ces flux de transit à travers cette intervention. Avec le basculement du Mali dans l'insécurité et le chaos de la Libye, le trafic de stupéfiants à destination de l'Europe s'est accru. Selon l'ONUDC, le transit en Afrique de l'Ouest est passé de 6,5tonnes de cocaïne en 2009 à 18tonnes en 2012117. Cette croissance du trafic fait des régions sahélo-saharienne et ouest africaine, un « véritable `'hub» en matière

    111 Livre blanc de la défense française, 2013, p.104.

    112 Livre blanc, 2008, p.63.

    113 Idem, 2008, p.43.

    114 Livre blanc, 2013, op.cit., p.43.

    115 A. Abdelkader, Terrorisme et trafic de drogue au Sahel, le monde, 2012,

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/19/terrorisme-et-trafic-de-drogues-au-sahel_1735046_3232.html , consulté le 10/07/2015

    116 G. Berghezan, Panorama du trafic de cocaïne en Afrique de l'Ouest, GRIP, 2012, p.6.

    117 Rapport du Sénat français, 3juillet 2012, n°720

    52

    de trafics et de contrebande »118. Ces régions deviennent des plates-formes commerciales de drogue en provenance de l'Amérique du Sud, et de l'Asie. Cet état de fait, qui constitue une source de menace pour les Etats européens et particulièrement la France, était certainement inscrit dans les priorités de l'intervention française, en ce sens qu'elle permettait de réduire les flux de stupéfiants à destination de l'Europe et de la France particulièrement.

    Outre ce trafic de drogue, le Sahel est également devenu un lieu idéal pour le trafic d'armes. En effet, selon M. Cuttier : « 8millions d'armes, composées de fusils d'assaut, des pistolets automatiques, des mitrailleuses, des canons anti-aériens et des missiles antichars et sol-air circulent régulièrement chaque année dans ce milieu»119. Ce trafic d'armes qui s'est développé dans les régions du Sahel et du Sahara, est entretenu par les bandes armées qui s'y trouvent et qui, naturellement, échangent avec les groupes mafieux internationaux. Ce trafic d'armes que combat la France, constituait sans doute l'une des nombreuses zones d'ombres de cette intervention militaire. Car, la réduction du trafic d'armes entraine inéluctablement l'affaiblissement des groupes armés djihadistes au Mali et dans l'ensemble de la région sahélo-saharienne.

    Quant au trafic d'êtres humains, M. Cuttier120 en identifie deux types régulièrement pratiqués dans la région sahélo-saharienne. Le premier est celui des migrants clandestins qui, passent par le Mali à Gao, le Niger Agadez ou la Mauritanie. Cette forme de trafic fait transiter 120000 personnes par an vers le continent européen. Le second type de trafic d'êtres humains est celui des otages occidentaux détenus par les groupes armés qui sévissent dans la région. Ces deux formes de trafics menacent plusieurs Etats Occidentaux dont la France. La lutte contre ses trafics d'êtres humains constituant un enjeu majeur de la sécurité française dans cette sous-région, son application dans cette intervention militaire constituait également l'un des objectifs non déclarés par la France. Cette dernière, visait sans doute, à briser stratégiquement à travers cette OPEX, voire à fragiliser l'ensemble des réseaux de contrebandes qui se sont déjà formés dans ces vastes territoires. La carte ci-dessous présente les multiples formes de trafics qui se pratiquent dans la région sahélo-saharienne, à proximité des territoires européens.

    118 Rapport Assemblée nationale, op.cit., p.25.

    119 M. Cuttier, Les ressorts structurels de la crise au Sahel, RES militaris, vol 3, n°3, 2013, p.4.

    120 Ibidem,

    53

    Carte 3: Les trafics de drogue, d'armes et d'humains en Afrique de l'Ouest et dans l'espace Sahélo-saharien.

    Cette carte présente les réseaux de trafics multiformes dans l'espace sahélo-saharien et en Afrique de l'Ouest. Les flux de ces trafics sont de trois ordres : les trafics à destination de la région, ceux en partance de la région vers les Etats européens et, ceux qui se déroulent entre les Etats africains. Ainsi cette carte montre une intense activité mafieuse dans la région sahélo-saharienne, aux portes l'Europe.

    Tous ces trafics qui ont un impact considérable sur la France et l'Europe d'une manière générale, constituaient l'un des problèmes auquel venait répondre l'intervention

    54

    militaire française au Mali. Ainsi, la lutte contre le terrorisme et les trafics mafieux sous-tendait la nécessité de la protection des ressortissants français au Mali et dans l'ensemble de la région où, les prises d'otages étaient récurrentes.

    2- La protection des ressortissants français

    L'espace sahélo-saharien, d'une manière générale, et le Mali en particulier, constituent des foyers, qui résorbent un effectif considérable des ressortissants français. Cette importante implantation de la communauté française au sein de cette sous-région étant exposée aux représailles djihadistes, leur sécurité a constitué l'un des mobiles de l'intervention militaire française au Mali. En effet, dans le Livre blanc de la défense de 2008121, la protection de la population française aussi bien interne que celle installée hors des frontières de la France, constitue une priorité dans la stratégie de défense et de sécurité de l'Hexagone. De ce fait, la présence des 6000 ressortissants français dans un territoire malien en proie à la menace des groupes armés rebelles et terroristes, caractérisait une grande préoccupation pour la France. Puisqu'ils sont devenus la cible potentielle des actions des GAD, leur protection au Mali représentait donc l'un des enjeux non négligeables de ce déploiement militaire français. Cette défense des ressortissants français allait au-delà du Mali et concernait toute la région sahélo-saharienne (avec près de 70000 Français), qui constitue un espace fragile enregistrant, des prises d'otages d'européens résidants ces pays. Ainsi, à travers la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD)122, l'intervention militaire française avait également pour objet de défendre et de protéger les communautés européennes présentes au Mali et dans la sous-région.

    Cette intervention militaire avait donc un caractère géostratégique. Car, elle permettait de poursuivre la stratégie dictée par le Rapport de l'Assemblée Nationale Française de 2012 : « réduire le risque de nouvelles prises d'otages au Sahel en mettant en place des outils de sécurisation de la communauté française et de tous les Européens » 123. Cependant, derrière la protection des ressortissants français, se cachait la volonté de la France de faire du Mali son verrou stratégique.

    121 Livre blanc, 2008, op.cit., p.62.

    122 Ibidem, p.84.

    123 Rapport Assemblée nationale française, n°4431, 6 mars 2012, p.60.

    55

    3- Le Mali comme verrou stratégique de la France

    Le Mali fait parti d'un continuum d'Etats de la région sahélo-saharienne dont les actions terroristes et djihadistes menacent particulièrement la sécurité de la France et partant celle de l'Europe toute entière, au regard de leur proximité. De ce fait, le développement d'un islamisme radical dans ces territoires ; la mise en réseau de ces groupes terroristes124 qui s'est accompagnée depuis plusieurs années de la nouvelle stratégie terroriste de déterritorialisation dont parle P. Boulanger125, et la formation d'une base terroriste sahélienne dans le proche voisinage de l'Europe, constituent également autant d'éléments qui ont amenés la défense française à se mobiliser sur le théâtre malien. En effet, à travers cette intervention militaire, la France visait à éviter ce que le Livre Blanc de la défense française de 2008 qualifiait de « risque d'une connexion d'attaques vers les territoires européens » 126 et particulièrement le sien. Dès lors, l'enjeu du déploiement militaire consistait à créer une profondeur stratégique à la France. Il s'agissait pour la puissance hexagonale de concevoir un intervalle conséquent à la menace terroriste, en empêchant que ces différents groupes armés djihadistes du désert sahélo-saharien se mettent aux portes de l'Europe. L'engagement des troupes françaises au Mali, ambitionnait donc de faire du Mali un verrou stratégique, en ce sens qu'en brisant le sanctuaire islamiste, qui se constituait au Mali et en réduisant considérablement la logistique (armes, véhicules etc.) dont disposaient les GAD, la France aurait plus de facilité, non seulement à restreindre la possibilité des terroristes à migrer vers les frontières européennes, mais également la possibilité de contrôler les réseaux djihadistes qui s'étaient déjà implantés au Sahel et au Sahara. La construction d'un verrou au Mali permet à la France de mettre son territoire hors de portée des bandes terroristes du Sahel et de les combattre très loin du territoire français.

    Tout porte donc à croire que la France ne s'est pas déployée au Mali pour des raisons diplomatiques, mais pour des raisons à la fois économiques et stratégiques. Le Mali n'a pas intéressé la France pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il représente. En somme, cette intervention militaire ne représentait qu'un camouflage des réelles motivations géopolitiques et géostratégiques de la France.

    124Livre blanc, 2008, p.43.

    125 P. Boulanger, op. cit., p.205-206.

    126 Livre blanc, op.cit., p.44.

    56

    Au terme de cette partie, nous retenons que l'engagement militaire de la France dans le conflit malien a répondu à plusieurs préoccupations, particulièrement la déstabilisation du Mali et de la sous-région. Cependant, le cadre juridique de cette intervention reste sujet à débat, en ce sens que plusieurs contradictions y apparaissent. Il est clair que les motivations de la France dépassaient le simple conflit malien et les simples idées de sécurisation de l'Etat malien énoncés par le président français, François Hollande. L'action militaire française recherchait tout d'abord à sauvegarder les intérêts de l'Hexagone au Mali et dans les régions sahélo-saharienne et ouest-africaine, à étendre la lutte de la France contre le terrorisme et, à sécuriser sa diaspora au sahel. Ces différentes raisons ont amené la France à se projeter sur le théâtre malien par une action militaire efficiente et limitée dans le temps.

    57

    Deuxième partie : Du déploiement

    militaire français aux stratégies de sortie

    de crise

    58

    Cette deuxième partie se penche sur le déroulement de l'intervention française au Mali, qui était menacé de tomber entre les mains des terroristes. Ceux-ci menaient leur campagne militaire vers le sud du pays au niveau de la capitale Bamako. La France décida de secourir militairement l'Etat malien, qui était au bord d'un chaos. Ainsi, elle mit en place une opération armée qui mobilisa les éléments de son armée, ainsi que ceux des autres Etats de l'Occident. Il fut donc question de désorganiser et de détruire les groupes rebelles et terroristes qui menaçaient le Mali. La seconde préoccupation portait sur la réinstauration de l'Etat de droit au Mali.

    De ce fait, cette partie regroupe trois chapitres. Le premier est consacré à l'intervention militaire : prodromes et manifestations. Ce chapitre traite du déploiement de la France au Mali. Le deuxième, les effets de l'intervention française et ses limites. Il permet de cerner les conséquences et les insuffisances de cette intervention. Le troisième chapitre examine Le désengagement de l'armée française et les perspectives de nouveaux rapports militaires entre la France et le Mali.

    59

    Chapitre I : L'intervention militaire : prodromes et manifestations

    La décision de la France de s'engager militairement dans le théâtre malien a été précédée de plusieurs procédures diplomatiques complexes entre l'Etat malien, la France et les instances internationales. Ce protocole diplomatique a vu apparaitre, à sa fin, la mobilisation d'un dispositif militaire aussi bien de la France que ses pays alliés. De ce fait, ce chapitre présente le déroulement de cette intervention en évoquant deux principaux points: les démarches qui ont présidées à l'intervention militaires et le déploiement de l'armée française, en lui-même.

    Section1 : Les démarches diplomatiques et stratégiques

    Cette partie situe les signes avant-coureurs de l'intervention française au Mali. De ce fait, deux principaux éléments permettent de l'analyser : la formulation de la demande malienne de l'intervention militaire française(1) et vers l'opération militaire(2).

    1- La formulation de la demande malienne d'intervention militaire française

    La récupération des villes septentrionales du Mali qui s'est accompagnée des exactions sommaires des militaires et des populations, et la descente fulgurante des islamistes djihadistes au sud vers la capitale Bamako, ont constitué des évènements majeurs qui ont particulièrement inquiété les dirigeants maliens et français quant à un éventuel chaos du pays. Fort de cette crainte, le président intérimaire malien, Dioncounda Traoré demanda à la France, à travers deux courriers successifs datés du 9 janvier 2013, de procéder à des frappes aériennes contre les rebelles et de « dépêcher sur-le-champ des avions et des hélicoptères afin de faciliter une contre-attaque de l'armée régulière malienne contre les forces islamistes »127qui menaçaient de prendre Mopti, située à quelques kilomètres de la capitale Bamako et d'en utiliser l'aéroport. Cette demande d'aide adressée à la France, annonçait l'entrée en guerre de la France contre les GAD et un changement de rapport de force sur le théâtre des opérations. Ainsi, inquiète de la propagation des GAD dans l'ensemble du territoire malien et de la généralisation du conflit dans tout le Sahel, la France acceptait de déployer ces forces aériennes pour mettre un coup d'arrêt à la campagne militaire des différents groupes armés du Nord. Dans les faits, la France ne se contenta plus des frappes

    127V. Jauvert, &S. Halifa-Legrand, (février 2013), "Nouvel Observateur",

    http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/02/08/mali-histoire-secrete-d-une-guerre-surprise.html, consulté le 20/05/15

    60

    aériennes telles que sollicitées par l'autorité malienne, elle chercha également, témoigne M. Galy128 à déployer des milliers d'hommes au sol, en vue de mener un front direct avec les groupes terroristes. Cette sollicitation du Mali démontre la faiblesse des Etats africains à sécuriser totalement leur territoire, à se défendre contre les éventuelles menaces et à résoudre eux-mêmes leur propre crise. Pour certains spécialistes des questions de défense comme J-F. Owaye, la demande malienne d'une intervention militaire française révèle que, « la défense des Etats africains est encore garantie par le parapluie militaire des ex-puissances tutrices »129.

    Cette interpellation malienne constituait l'une des voies diplomatiques qui annonçaient les prémices d'une OPEX hexagonale en terre malienne. En même temps, le Quai d'Orsay se préoccupait de la résolution diplomatique de la crise auprès du conseil de sécurité.

    2- Vers l'opération militaire

    Afin d'exclure toute idée d'ingérence militaire dans son intervention au Malin, la France s'est d'abord engagée dans la recherche d'une solution diplomation auprès de l'ONU et du Conseil de sécurité(CS). En effet, usant de son poids diplomatique, le Quai d'Orsay s'est engagé comme porte-voix du Mali, pour clarifier l'opinion internationale sur l'agression armée dont fait l'objet cet Etat membre de l'ONU, et démontrer la nécessité d'une intervention militaire rapide du CS. A travers ces démarches, la France recherchait, selon le Rapport de l'Assemblée Nationale française rédigé en 2013130, une solution politique globale à la crise malienne. De ce fait, se servant de sa posture de membre permanent du conseil de sécurité, l'hexagone parvint à faire passer trois résolutions, qui avaient pour but de normaliser la situation du Mali. La première, qui est la résolution 2056, adoptée en juillet 2012 par le CS, visait à trouver les moyens de sortie de crise par une action politique. La seconde résolution 2071, adoptée en Octobre de la même année, s'appuyait sur la réflexion d'une opération militaire sous mandat du CS. Et la troisième résolution 2085 de décembre 2012, autorisait, pour une durée initiale d'une année, le déploiement de la MISMA. Ces différentes résolutions adoptées par le CS n'autorisaient en rien le déploiement d'un contingent militaire français qui, pourtant, était sollicité par l'Etat malien, confronté à une extrême violence des GAD.

    '28M. Galy, (2013), op cit. p.78.

    '29J-F. Owaye, Dynamique irénique et convergence et convergence stratégique ou de l'essai d'une cybernétique des défenses africaines, l'exemple de l'Afrique subsaharienne post indépendantiste, in Revue de l'IRSH, vol.7, 2001

    130Rapport Assemblée nationale Française, (18 juillet 2013), n°1288, p.29.

    En dépit de ces résolutions, aucune action concrète ne fut décidée, et aucune mission d'interposition ou de paix et de sécurité ne fut déployée sur le théâtre d'opération, où le rapport de force penchait en faveur des groupes armés djihadistes du Nord. Ces insuffisances de la voix diplomatique à déployer rapidement un contingent militaire pour stopper l'avancée des islamistes vers le Sud du Mali, ont amené la France à organiser le déploiement de ses troupes, en vue de répondre à la demande malienne d'intervenir militairement. Cette position de la France outrepasse l'article 25 de Charte des Nations-Unies qui exige aux membres « d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité »131 et conforte l'idée de H. Condurier132 selon laquelle, l'intervention française avait été secrètement préparée.

    Dès lors, la démarche diplomatique française ne représentait qu'une voix qui amenait la France à user de sa puissance militaire au Mali et à contourner toute critique des grandes institutions mondiales. Ainsi, malgré les décisions du conseil de sécurité, le déploiement de l'armée française au Mali apparaissait irréversible.

    Section2 : Le déploiement de l'armée française

    Trois éléments permettent d'analyser le déploiement de l'armée française au Mali : la mobilisation d'un contingent conséquent et le financement de l'opération (1), l'intervention des pays alliés(2), et l'utilisation des territoires africains comme base arrière de l'intervention militaire française(3). La carte ci-dessous présente ce déploiement militaire français.

    61

    131 Charte des Nations-Unies

    132 H. Condurier, Les secrets d'une intervention, Afrique magazine, n°329, 2013, p.51.

    62

    Carte 4: Déploiement de l'armée française au Mali

    La carte ci-contre illustre le déploiement des troupes françaises sur les régions maliennes transformées en fiefs des groupes armés djihadistes qui s'apprêtaient à poursuivre

    63

    leurs actions vers le Sud. Elle évoque également le coup d'arrêt que l'action française a apporté sur la campagne militaire des différents GAD qui avaient déjà colonisé le Nord.

    1- La mobilisation d'un contingent conséquent et le financement de l'opération L'intervention militaire française au Mali a porté le nom de code de Serval. Il s'est agi d'un important dispositif militaire comprenant plusieurs unités de défense et de sécurité. La France l'a subdivisé par ses propres moyens. Les missions l'opération de Serval qui consistaient, à arrêter l'offensive islamique vers le Sud, chasser les groupes djihadistes de toutes les villes du Mali et désorganiser en profondeur leur structure de commandement et leur logistique, ont conduit la France à opposer face aux groupes rebelles et terroristes en présence, un « rapport des armes »133, dont les actions de l'infanterie et l'artillerie français devaient facilement fragiliser leur campagne armée.

    ? Les effectifs et les matériels militaires de Serval

    En ce qui concerne l'infanterie, le dispositif de l'opération Serval comptait les éléments à terre des forces de défense française. La France a mobilisé des forces spéciales, responsables du commandement des opérations spéciales (COS), l'armée de terre issue du deuxième régiment d'infanterie de la marine française, l'armée de l'air, la marine nationale, les groupes de commandos parachutistes et de groupes de commandos des montagnes. Ces différentes unités de défense provenaient à la fois de la France et des forces de pré-positionnement des pays africains, notamment des bases opérationnelles avancées et des pôles opérationnels de coopération à vocation régionale134. Cet ensemble de soldats engendra un dispositif militaire conséquent. Si l'on se réfère aux statistiques de l'Assemblée nationale française135, le dispositif de l'opération Serval a enregistré, 370 soldats de la marine nationale dont 120 marins en moyenne avaient été mobilisés au combat à terre ; 250 autres travaillaient dans le ravitaillement de la logistique en mer ; 80 personnes composaient l'effectif de l'armée de l'air136 ; 5170 soldats composait le dispositif de l'armée de terre, parmi lesquels 12% provenaient des forces de pré-positionnement française en Afrique. Le diagramme ci-dessous montre le dispositif de l'armée de terre engagé dans l'opération Serval (Diagramme 2).

    133C-V. Clausewitz, op.cit., 1984, p.311.

    '34Rapport Assemblée nationale française n°2114, 09 juin 2014, p16. '35Rapport Assemblée nationale française n°1288,18 juillet 2013, p40. '36J-C. Notin, op.cit., p.253.

    64

    Diagrammes 2: Effectif de l'armée de terre française à l'opération serval

    Les forces de défense de terre en provenance de la France : Guépard et Génération force de France

    Les forces de pré

    positionnement de

    l'opération Serval :
    Epervier ; Licorne ; FFG
    (force françaises au Gabon

    Source : Rapport Assemblée nationale française n°1288_18juillet 2013, p.40 / Etat-major de l'armée de terre

    Ce diagramme présente la provenance des éléments de l'armée de terre française impliquée dans l'opération Serval et l'importance des bases de pré-positionnement africaines dans le renforcement du dispositif de l'armée de terre. Ces différentes forces disposaient d'une importante logistique militaire.

    En outre, l'artillerie déployée sur le théâtre, les troupes françaises comptaient un important matériel qui visait non seulement à supplanter la logistique des GAD, mais également à imposer le rapport de force et des actions robustes137, qui anéantissent les groupes terroristes. En effet, la logistique militaire mise à disposition par la France se composait d'un armement militaire puissant et sophistiqué 138 et des appareils déterminants pour le traitement de l'information. L'opération serval disposait des véhicules et des camions blindés d'infanterie, des engins blindés, des véhicules logistiques pour le traitement de l'information, des pièces d'artillerie, des engins du génie, des aéronefs et des drones. Cet arsenal militaire mis à disposition par l'hexagone dans ce théâtre d'opération où les affrontements étaient d'une extrême violence, constituaient une base de protection pour l'Etat malien dont l'armée présentait véritablement des traits d'impuissance face aux groupes djihadistes. Ainsi, près de 1400 appareils en rotation constituaient la base logistique de l'opération Serval face aux insurgés djihadistes préparés au combat et bien armé, affirme

    137 Le monde, Comment la France est entrée en guerre, n°37, février 2013, p.24-29. 138Rapport Assemblée nationale française, n°2114, op. cit.,

    65

    Afrique Magasine139. Les détails de ce dispositif militaire sont ainsi présentés dans le tableau ci-dessous.

    Tableau 3: Matériels majeurs déployés dans le cadre de l'opération serval

    Armée de

    terre

     

    Armée de l'air

     

    Appareil

    Type

    Nombre

    Appareil

    Nombre

    Véhicules blindés
    d'infanterie

    VAB

    252

    Mirage 2000D

    8

    VBCI

    Engins blindés

    AMX 10 RC ERC 90

    34

    Boeing C135

    7

    Blindés légers

    VBL

    185

    Hercules C130

    2

    PVP

    Véhicules
    logistiques

    PEB

    173

    C160 Transall

    6

    CLD

    LOT7

    KERAX

    VTLR

    TRM 10 000

    Camions citernes et divers

    CCP

    376

    Casa CN235

    2

    GBC 180

    TRM 2 000

    VLRA

    Véhicules légers

    P4

    262

    Rafale

    6

    SURF BLD

    VLTT

    Pièces d'artillerie

    CAESAR

    12

    SA330 Puma

    2

    MO 120

    Engins du génie

    EGRAP

    8

    SIDM Harfang + GCS

    3

    Aéronefs

    GAZELLE

    17

    JFACC AFCO

    1

    PUMA

    TIGRE

    PILATUS

    Total

    1319

     

    37

    Source : Rapport Assemblée nationale française n°1288_18juillet 2013, p.40/Etat-major Armée de l'air de terre

    Ce tableau synoptique présente l'important dispositif militaire qui avait été déployé dans l'opération Serval au Mali. Il s'agit d'une logistique moderne de combat terrestre et aérien fort de 1356 appareils militaires auxquels s'ajoutent 58.000 munitions utilisées pendant les affrontements terrestres.

    139R. Michel, Afrique magazine, interview Jean Yves Ledrian, n°329, 2013, p.48-50.

    66

    ? Le financement de l'opération Serval

    Au-delà du dispositif de combat, la France a également engagé des ressources financières colossales dans ce conflit. L'opération Serval a amené la France à consentir d'importantes dépenses à hauteur de plusieurs millions d'euros. Cet investissement qui permettait de supporter « les efforts de l'arrière et du front »140, a augmenté les dépenses militaires des opérations extérieures de la France. En effet, selon J. Sotinel141, la dépense militaire de l'opération Serval entre janvier 2013 et janvier 2014, a été de l'ordre 646 millions d'euros sur les 1,25milliard d'euros de dépense militaire extérieure de la France en 2013. Ce financement de l'opération était destiné aux indemnités du personnel, notamment les soldats ; aux frais de fonctionnement courant (alimentation, télécommunications, soutien au stationnement) ; aux coûts liés aux acheminements stratégiques ; au transport ; et l'achat du carburant opérationnel, et à l'achat des munitions.

    Cet investissement français traduit ce que P-S. Tibault142 appelle la perversion de la substitution de la politique militaire française en Afrique. Car, la sécurité des Etats africains comme le démontre le cas malien, reste l'apanage des colonisateurs occidentaux au rang desquels la France. Cette dernière démontre jusqu'alors qu'elle représente un « parapluie militaire»143 qui garantisse la sécurité des Etats qu'elle a colonisée. Pour autant, elle s'appuie sur ses alliés. Ces derniers ont apporté un soutien à la France aussi bien financièrement que logistiquement.

    2- L'intervention des pays alliés à la France

    L'intervention militaire française au Mali a entrainé la mobilisation de nombreux pays alliés à la France et membre de l'ONU. En effet, après avoir informé le CS de son action militaire, et mis ses partenaires devant le fait accompli144, la France a bénéficié d'un important soutien militaire et diplomatique de ses alliés. Plusieurs Etats européens et américains, au départ retissants à cette intervention militaire voire à l'idée d'un déploiement des troupes au sol, se sont engagés aux côtés de la France et lui y ont apporté un important soutien logistique et financier qui lui a permis de renforcer son outil militaire, puis d'alléger son investissement militaire. L'opération Serval a reçu l'appui des Etats-Unis, du Canada, de

    140J. Lévi, Les sept traités de la Guerre traduit du Chinois, Paris, Hachette littératures, 2008, p.94.

    141J. Sotinel, 1,25 milliard d'euros de dépenses militaires extérieures en 2013, http://bfmbusiness.bfmtv.com/france/1-25-milliard-deuros-depenses-militaires-exterieures-2013-640996.html, consulté le 13/05/2015

    142P-S. Tibault., Les évolutions récentes de la coopération militaire française en Afrique, Paris, publibook, 2007, p.52. 143J-F. Owaye, Dynamique irénique et convergence et convergence stratégique ou de l'essai d'une cybernétique des défenses africaines, l'exemple de l'Afrique subsaharienne post indépendantiste, in Revue de l'IRSH, vol.7, 2001

    144Association Survie, (Janvier 2013), Les zones d'ombre de l'intervention militaire française au Mali, élément de contexte et d'explication », p.17.

    67

    l'Allemagne ; de Belgique ; de la Grande-Bretagne ; de l'Espagne ; du Danemark ; de la Russie et des Emirats arabes unis. Ce dernier allié ne figure pas dans les sources françaises du ministère de la défense.

    Ce déploiement de la communauté internationale derrière l'opération Serval justifie de l'importance des enjeux de cette intervention militaire française. Ainsi, profitant de cette action française, les Etats occidentaux alliés, particulièrement les Etats Unis et la Grande-Bretagne, se sont mobilisés pour des raisons de lutte contre le terrorisme international et sans doute pour préserver leurs intérêts dans l'ensemble de la sous-région. Les Etats-Unis, « partenaire qui a depuis longtemps laissé le soin à la France de restaurer l'ordre occidental en Afrique »145, a particulièrement fournis les données satellitaires et les renseignements146en plus des avions, des drones et d'une subvention de l'ordre de 50 millions de dollars. Le tableau ci-dessous indique le soutien des pays alliés à la France.

    Tableau 4: Apport logistique des pays alliés à la France

    Pays

    Moyens

    Disponibilité

    Cadre de mise à

    disposition

    États- Unis

    Soutien ISR (drones et avions de reconnaissance)

    Transport aérien stratégique (trois C- 17 basés à Istres

    Transport aérien tactique intra-théâtre (deux C-130)

    Ravitaillement en vol (trois KC 135)

    Dès le 11 janvier

    21/01 au 05/03 : 120 vols effectués entre Istres et Bamako

    Demande française Depuis le 25/01,

    Etendu jusqu'au 31/08 (deux vols par jour en moyenne)

    L'aide américaine fait l'objet d'une enveloppe budgétaire

    de 50 millions de dollars
    allouée par la Maison blanche

    le 11 février (Presidential
    draw down
    ), qui couvre les besoins français en transport

    aérien et ravitaillement en
    vol. Le soutien ISR fait, quant

    à lui, partie de l'opération

    JUNIPER MICRON,

    conduite par AFRICOM au

    Sahel sur une autre ligne
    budgétaire.

    Canada

    Transport stratégique (1 C-17 basé à Istres)

    du 13/01 au 03/04 : 79 vols effectués entre Istres et Bamako Depuis 03/04, missions périodiques possibles selon besoin, jusqu'au 15/06

    Pas d'accord bilatéral

    particulier. Soutien effectué à titre gratuit au nom de la solidarité avec la France.

    Allemagne

    Transport aérien au profit de la

    MISMA, puis élargi à l'opération Serval (deux C160 puis trois a/c 18 février + un A310)

    Ravitaillement en vol (un A310

    MRTT).

    Soutien indirect : prise en compte par l'Allemagne du soutien aérien fourni par le détachement air de Douchanbé sur le théâtre afghan (transport + MEDEVAC), afin de redéployer les C160 français au profit de l'opération Serval.

    À compter du 16 janvier

    À compter du 4 mars

    27 mars

    C160 à titre gracieux, A310 via European Air Transport Command (EATC)

    Caveats: ni véhicules ou
    troupes

    de combat, ni munitions, ni d'armement. Pas de caveats.

    NB : mandat voté au
    Bundestag

    le 28 février (plafond de

    150 hommes pour le soutien aux

    opérations de transport
    aérien et

    de ravitaillement en vol au Sahel

    jusqu'à fin février 2014).

    145N. Ténèse, les opérations françaises au Sahel (2012-2013) : une mutualisation américaine sous drapeau

    français, p.12. 146 Ibidem

    68

    Belgique

     

    Transport aérien tactique : deux C- 130

    Moyen d'évacuation médicale : deux hélicoptères Augusta 109

    Du 18 janvier au 30 avril : 248 vols effectués

    Du 29 janvier au 31 mai : EVASAN de blessés Maliens

    Soutien bilatéral spontané, sans demande de contrepartie financière

    Danemark

    Transport aérien tactique : un C-130J

    Du 17 janvier au 15 mai 2013 : 208 vols effectués

    Aucun caveat, hormis l'opt-

    out PSDC (pas de
    participation à une opération ou une mission UE).Soutien bilatéral spontané, sans

    demande de contrepartie
    financière.

    Espagne

    Transport aérien tactique et ravitaillement en vol (un C130 stationné à Dakar) ;

    Depuis fin janvier. Demande de prolongation en cours pour disponibilité jusqu'à fin 2013.

    Disponibilité au profit de

    l'opération Serval, de la
    MISMA et EUTM, peut être employé pour ravitaillement

    en vol. Caveat : pas de
    missions de combat.

    Pays-Bas

    Transport aérien stratégique : un DC10

    Du 08 au 14 février : 2 vols effectués.

    Annonce initiale d'un financement via le mécanisme ATARES, mais vols finalement pris en charge par les Pays Bas

    Royaume- Uni

    Transport aérien stratégique (deux C-

    17 la première semaine puis un
    ensuite, basés à Évreux) ISR (un avion Sentinel basé à Dakar)

    Transport maritime : un bâtiment Ro- Ro

    Du 13/01 au 21/04 : 52 vols

    effectués

    du 22/01 au 24/05

    1 mission effectuée

    entre Toulon et Dakar

    du 6/03 au 12/03

    Pas d'accord bilatéral

    particulier. Soutien effectué à titre gratuit au nom de la solidarité avec la France.

    Source : Assemblée nationale n°1288, 18juillet 2013(Ministère de la défense française)

    Ce tableau décrit le déploiement l'arsenal militaire étranger et témoigne de la contribution de plusieurs acteurs occidentaux dans l'opération militaire menée au Mali par la France.

    Cette implication matérielle et financière des pays alliés a favorisé le renforcement logistique de l'intervention militaire française au Mali. En revanche, de nombreux autres pays, notamment le Japon et le Maroc et les institutions internationales dont l'Union européenne ; l'OTAN ; les Nations-Unies, l'UA etc., à défaut de financer ou d'apporter de la logistique à la France, ont usé de la voie diplomatique pour la soutenir et l'encourager au combat contre les djihadistes et les terroristes.

    Bien qu'en ayant pas combattu sur le front de guerre, les apports logistiques financiers et diplomatiques des alliés à l'opération Serval ont permis une intensification de l'action militaire française au sol et ont aidé la France à mener une opération efficace.

    Au-delà de l'implication des alliés internationaux, la France a également impliqué les Etats africains dans sa stratégie d'affrontement contre les rebelles et les groupes terroristes au Mali : les pays africains ont servi d'appui aux actions menées sur le sol malien et dans les airs par l'armée française. Les territoires africains constituaient des bases-arrière à l'opération Serval.

    69

    3- Les territoires africains comme base arrière de l'intervention militaire française

    L'opération militaire de la France s'est appuyée sur plusieurs Etats frontaliers du Mali pour le transfert du matériel militaire vers le théâtre. En effet, pour pallier l'enclavement de l'Etat malien et l'exiguïté de son infrastructure aéroportuaire, les Etats voisins, frontaliers ou non, ont été transformé en plates-formes de transit de la logistique, d'acheminement des troupes vers les lieux d'affrontement, de ravitaillement du matériel militaire sur le front. Ces territoires africains devenaient ainsi que le nomme J-F. Owaye147, des points d'appui stratégiques pour accueillir les équipements militaires français, qui arrivaient par voie maritime ou par voie aérienne. Ainsi, le Sénégal, le Niger, le Burkina-Faso et le Tchad ont été des bases stratégiques sur lesquelles la France s'est appuyée pour relancer ses opérations sur le front.

    S'agissant du transport de la logistique par voie maritime, le Sénégal fut transformé en interface entre la France et le théâtre malien. En effet, le port de Dakar recevait toute la logistique que la France acheminait par la mer. Selon le Ministère de la Défense française148, les trois affrètements maritimes DIXMUDE ; MN EIDER et Louise RUSS, en provenance de l'Istres en France, avaient stocké au port de Dakar, un dispositif militaire de 9170 tonnes, comprenant des véhicules, des engins de génies et des munitions. C'est donc à partir de ce port que le matériel militaire convoyait par voie terrestre vers la partie septentrionale du Mali, où se déroulait l'opération Serval.

    La France s'était également servie des bases aéroportuaires des territoires voisins du Mali pour alimenter l'opération Serval. En effet, en dépit de l'aéroport de Bamako, les espaces aéroportuaires d'Ouagadougou, de Niamey, de Dakar et de N'Djamena ont servi de tremplin à cette opération militaire. Ces aéroports avaient permis à la France de réaliser un « acheminement stratégique »149 en provenance des bases aéroportuaires françaises de Pau et d'Evreux. Ainsi, durant l'opération, 18500 tonnes de matériels militaires transitaient par ces différents ports africains avant leur utilisation sur le théâtre.

    A cette utilisation des sites portuaires et aéroportuaires, l'intervention française s'appuyait également sur les Etats africains dotés des bases de pré-positionnent. Ces dernières offraient une plus-value à l'opération française. Ainsi, les bases situées en Côte-d'Ivoire, au Tchad et au Gabon, ont fournis un important dispositif militaire dans cette opération. Le matériel militaire en provenance du Gabon et de la Côte-d'Ivoire se composait de trois avions militaires parmi lesquels deux C160 Transall et un Casa CN235, et du Tchad, on avait trois

    147J-F. Owaye, La sécurité nationale gabonaise, Introduction par les textes (1958-2000), Libreville, Presses Universitaires du Gabon, 2010, p.222.

    148Dossier de presse, ministère de la Défense française, 2013, p.8.

    149 Dossier de presse, ministère de la Défense française, op.cit.,

    70

    mirages 2000D, deux mirages F1 CR, un avion Hercules C130 et deux avions militaires de transports de type Boeing C135 et C160transall. Tous ces appareils étaient utilisés, soit pour le transport de la logistique et des soldats, soit pour le combat aérien. Cette exploitation des espaces portuaires et aéroportuaires des pays voisins du Mali et de l'utilisation des sites de pré-positionnement français durant les premières phases de l'opération Serval, démontre combien les territoires africains occupaient une position stratégique dans l'aboutissement de cette action militaire. Ces territoires servaient donc d'arrière-cour à l'armée française en guerre au Mali.

    Au regard de tout le dispositif militaire français déployé sur le théâtre malien, il est clair que l'objectif de l'armée française était de déstabiliser les groupes armés rebelles et terroristes et détruire leur implantation. Il reste à savoir si cet objectif global a été atteint et quels ont été les autres effets de l'intervention militaire française.

    71

    Chapitre II : les effets de l'intervention militaire française et ses limites

    Le déploiement de l'armée française au Mali a occasionné plusieurs effets, aussi bien sur le théâtre, que dans la socio-politique malienne. De ce fait, ce chapitre analyse les conséquences de l'intervention militaire et ses insuffisances en s'appuyant sur deux domaines illustratifs: le domaine militaro-humanitaire et, le domaine socio-spatial. Cet examen, nous permettra d'envisager les limites de cette intervention armée de la France au Mali.

    Section1 : Les effets militaro-humanitaires et socio-spatiaux

    Cette section se focalise essentiellement sur trois champs pour comprendre les effets de l'intervention militaire française. Il s'agit des champs militaire (1), humanitaire (2) et spatial(3).

    1- Les effets militaires de l'intervention

    L'intervention militaire française au Mali a déstabilisé sur le front, l'ensemble des groupes armés rebelles et terroristes de la partie septentrionale de l'Etat malien. En effet, cette OPEX qui a stoppé les manoeuvres djihadistes et leurs avancées vers le sud, se présente comme un succès militaire de la France. A travers cette opération, la France avait ainsi empêché la « contagion du conflit »150 vers d'autres Etats de la région sahélo-saharienne, et avait également anéanti le dispositif militaire des groupes rebelles et terroristes installés dans le septentrion. Cet anéantissement des insurgés avait permis à la France d'empêcher la constitution d'un « djihad globalisé »151 au sahel et l'instauration de la charia voire le sécessionnisme de l'Azawad. L'action militaire française avait entrainé ce que P. Gros, J-J. Patry et N. Vilboux152 qualifiaient de mécanisme de défaite des groupes armés djihadistes. Ce mécanisme consistait à affecter les efforts des insurgés sur le théâtre d'opération et au niveau tactique à travers le principe d'attrition et de décapitation ; principe qui recommandait une action française de destruction massive du matériel et l'étouffement des différentes katibas.

    Sur les plans récupératif et destructif, les effets de l'intervention militaire française se résument à la saisie et à la destruction du matériel des groupes armés. En effet, selon les

    150 P. Hugon, Géopolitique de l'Afrique, 2e édition, Paris, éditions SEDES, 2009, p.146.

    151 J-C. Notin, op. cit., p.565.

    152P. Gros, J-J. Patry, & N. Vilboux, Serval : bilan et perspectives, Fondation pour la recherche stratégique, n°16, 2013, p.10.

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    statistiques du ministère de la Défense française153, environ 160 bâtiments et dépôts logistiques et 120 véhicules appartenant aux groupes terroristes ont été détruits. Cette destruction s'est accompagnée d'importantes saisies de 220 tonnes de munitions (dont 30 tonnes reversées aux FAMA), 1 300 grenades , 1 000 roquettes , 7 700 obus, 500 mortiers, 200 mines et engins explosifs improvisés, 20 bombes, 100 fusils, 150 mitrailleuses, 30 roquettes, 20 mortiers, 20 canons et 3 missiles SA7 et des matières actives composées de 12 tonnes de nitrate d'ammonium.

    Cette saisie s'est accompagnée de la récupération par les soldats français, de nombreuses villes anciennement occupées par ces différentes factions rebelles et terroristes. A cet effet, la perte de la totalité des localités sous contrôle des groupes djihadistes et le « fractionnement des katibas »154 ont également constitué des victoires majeures de l'opération Serval. En effet, le rapport de force et le rapport d'armes imposés par l'armée française aux différents groupes du Nord, durant les premières phases de l'opération serval avaient abouti à la récupération des principales villes du Nord Mali, parmi lesquelles Gao, Tombouctou et Kidal, et des villes secondaires dont Tessalit et Aguelhok. Ces libérations qui se succèdent à la « neutralisation de leaders clés »155 comme Abou Zeid responsable du groupe AQMI, ont amené les factions armées du Nord à se scinder en « groupuscules moins influents et moins opérants sur le territoire»156.

    Au regard de ce qui précède, il ressort que l'intervention militaire française a véritablement diminué la capacité de nuisance des groupes rebelles et terroristes, qui dominaient le nord du Mali. Cet affaiblissement des GAD, qui s'est matérialisé par la récupération des villes occupées, traduit la victoire des soldats français car, à en croire Clausewitz, « la destruction des forces armées de l'ennemi est le principe suprême de la guerre, et la voie principale vers le but pour tout ce qui concerne une action positive »157, donc la victoire.

    Au-delà de ces différentes actions militaires, l'intervention française a occasionné des conséquences humaines et humanitaires multiformes.

    153 Dossier de presse, ministère de la défense française, p.8.

    154 P. Gros, J-J. Patry, & N. Vilboux, op.cit., p.10.

    155 Ibidem

    156 Ibidem

    157 C-V. Clausewitz, op.cit., p.279.

    73

    2- Les effets humains et humanitaires de l'intervention

    L'intervention française au Mali a été marqué par un impact humanitaire considérable à la fois sur les troupes françaises, les GAD et sur l'ensemble des populations de la partie septentrionale du Mali.

    Sur le premier point, plusieurs pertes en vies humaines et d'importantes blessures ont été enregistrées lors des affrontements. En effet, durant les trois phases de l'action militaire française, 7 soldats français sont tombés sous les balles des insurgés islamistes et 20 autres ont été grièvement blessés158. Ces pertes traduisaient l'importance du rapport de force sur le terrain. Rapportées à la politique de « Zéro mort »159développée par les Américains et les Européens, pour épargner la vie des soldats et mener une guerre technologique, les pertes enregistrées par l'armée française au cours de l'opération Serval constituent, pour la France, une importante catastrophe.

    Outre les soldats français, l'impact humain de l'intervention militaire française concerne également les insurgés (rebelles et terroristes). Durant l'opération Serval, plusieurs djihadistes ont perdu leur vie sur le théâtre de guerre. Ces derniers ayant subi les frappes aériennes et les combats au sol, sont tombés par centaine au cours de cette guerre. Selon les sources officielles, 600 à 1000djihadistes160 ont été tués ; 600 ont été neutralisés et 340 autres combattants161 s'étaient faits prisonniers de guerre au cours de cette intervention militaire. Ces différents chiffres qui, en réalité, n'étalent pas toute la réalité de ce terrain de guerre, démontrent néanmoins de la rugosité des affrontements armés.

    En plus des belligérants, les conséquences de l'opération Serval sur le plan humanitaire tiennent aussi aux processus migratoires des populations, qui se sont produits pendant les affrontements militaires. En effet, ces derniers ont accéléré le déplacement des populations qui avaient déjà été entamé lors de l'occupation de la partie septentrionale malienne par les GAD. Le Haut-Commissariat des refugiés de l'ONU162, estimait que l'intervention française au Mali a provoqué une importante vague de mobilisation des populations aussi bien internes qu'externes. Craignant les raids aériens et les affrontements au sol, les populations s'orientaient vers les pays frontaliers au Mali. Ainsi, au cours des

    158Dossier de presse, ministère de la défense française, p.7.

    159Capitane G. Dupire, Il faut achever le zéro mort, http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/13/il-faut-achever-le-zero-mort_1685470_3232.html, consulté le 15/05/2015

    160 J-C. Notin, op.cit., p.563.

    161S. Legrand, &V.Jauvert, (2013), MALI. Les secrets d'une guerre éclair

    http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130607.OBS2446/mali-les-secrets-d-une-guerre-eclair.html, consulté le 19/05/2015

    162H. Caux, &W. Spindler, (1er février 2013), Les réfugiés continuent à fuir l'offensive militaire au Mali ; perspectives mitigés pour le retour des déplacés, http://www.unhcr.fr/510bdf27c.html, consulté le 28/06/2015

    74

    affrontements, le nombre de réfugiés maliens au Burkina-Faso s'estimait à 5411 personnes163, contre 9904 individus en Mauritanie, au camp de réfugiés de M'béra. Cette action militaire française dans le septentrion malien a occasionné d'une manière générale, une mobilité de 230000 déplacés à l'intérieur du Mali et 150000 réfugiés maliens en Mauritanie, au Niger, au Burkina-Faso et en Algérie. Le Haut-Commissariat aux Réfugiés estime que cette vague migratoire des populations a posé `'des problèmes d'alimentation et de logement chez les déplacés et les réfugiés. Ces effets caractérisent l'impact humanitaire négatif de cette intervention militaire sur les populations.

    En plus des conséquences humanitaires, le déploiement militaire français a également occasionné une importante modification de l'architecture paysagère du territoire dans lequel se déroulaient les affrontements.

    3- Les effets socio-spatiaux

    L'opération militaire française Serval a fortement modifié l'architecture spatiale des villes et a entrainé d'importantes pertes des civiles, ce que nous appelons `'effets socio-spatiaux. Plusieurs bâtiments et habitats ont été décimés pendant l'offensive française au Mali. De ce fait, en ciblant les espaces occupés par les GAD, les frappes aériennes et terrestres françaises ont causé d'importants dégâts matériels dans les villes qui constituaient les quartiers des groupes armés djihadistes. Ainsi, selon l'agence française de presse, les premiers bombardements des forces militaires françaises ont entièrement détruit le commissariat de Gao, le port et l'usine de pêche de la ville de Kona, plusieurs bâtisses administratives et des habitations. Ces, frappes aériennes de l'armée française ont également entrainé la perte en vies humaines des populations maliennes du Nord. Dès lors, la ville de Kona dans laquelle les raids se sont multipliés et les affrontements au sol s'intensifiaient, a payé d'un lourd tribut. Cette ville a perdu, durant les premières phases de l'intervention, 11 civils164, péris sous les tirs de Serval.

    A travers toutes ces pertes, il ressort que l'intervention militaire française a eu un impact considérable sur les villes du Nord et sur les populations qui y vivaient.

    163 H. Caux, &W. Spindler, op.cit.

    164D. Thiénot, Mali : Dans la ville libérée de Kona ; `'chacun cherche sa tête'', 2013, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/mali-dans-la-ville-liberee-de-konna-chacun-cherche-sa-tete_1214125.html, consulté le 24/05/2015

    75

    Ces différents effets, que présageaient les opinions africaines et certains français ont suscité plusieurs réticences à l'égard de cette intervention militaire. Ce qui soulève la question des limites de cet engagement militaire de la France.

    Section 2 : Les limites de l'intervention militaire française

    Cette section examine les différentes insuffisances de l'intervention militaire française au Mali. Pour y voir plus clair, nous focalisons l'attention sur les polémiques nées de cette intervention militaire(1) et l'approximation de la phase dite de démilitarisation(2).

    1- Une intervention non unanime et à charge de contestation

    Le déploiement militaire français a entrainé de vives oppositions dans les sphères politiques françaises et africaines. Cette intervention a fait l'objet de plusieurs contestations du fait qu'elle ait été perçue comme une nouvelle ingérence française en Afrique.

    Du point de vue de l'opinion politique française, plusieurs responsables se sont opposés à cette intervention militaire. Cette dernière dont le débat a intégré l'Assemblée Nationale cinq jours après les premières frappes aériennes de l'opération Serval, a fait éclore une division entre divers groupes de la première chambre parlementaire française. Ainsi, tout en reconnaissant à l'exécutif le droit de décision en matière d'interventions militaires, puisque le chef de l'Etat est également le chef des armées165 et le seul garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité territoriale et du respect des traités166, les partis politiques de l'opposition tels que l'Europe Ecologiste des Verts et la Gauche Démocrate Républicain (GDR), ont clairement rejeté cette intervention militaire française. Ce refus de coopération à cette OPEX du Mali, a été exprimé par le député écologiste Noel Mamère comme un éventuel retour aux « méthodes anciennes de Françafrique»167. Cette thèse sur l'ambigüité de l'intervention française, est partagée par plusieurs députés qui voyaient en cette action militaire, la pire des solutions à envisager en vue d'arrêter le conflit. De ce fait, le député GDR (Gauche Démocrate et Républicain), François Asensin, déclarait : « Soyons lucides : cette intervention n'apportera pas à l'État malien la stabilité, pas plus que la démocratie, elle n'en est qu'un préalable. La guerre est toujours la pire des solutions, la plus incertaine. Rien ne nous assure que cette intervention ne se termine pas par un échec, de

    165Constitution française, article 15

    166 Ibidem, article 5

    167Libération, L'intervention militaire française au Mali salué par l'Opposition, http://www.liberation.fr/monde/2013/01/11/les-politiques-reagissent-a-l-intervention-francaise-au-mali_873444 , consulté le 12/07/2015

    76

    lourdes pertes humaines et des déflagrations en cascade dans l'ensemble du monde musulman»168.

    En revanche, le Parti Socialiste (PS) au pouvoir, et plusieurs groupes de l'opposition française, notamment le Front National(FN), les Centristes et les Républicains (ancienne UMP), ont fermement soutenu cette intervention militaire française tout en la considérant, dans les termes de l'ancien président de l'UMP, J-F Copé, comme « la défense des valeurs de la République française et la lutte contre le terrorisme, le djihadisme et la haine»169. Ces divergences d'idées, au sein de l'Assemblée, ont fragilisé l'action militaire française. Ainsi, le manque d'unanimité politique a réduit la légitimité de cette opération militaire française au Mali.

    Outre les contestations françaises, le déploiement hexagonal au Mali a également divisé l'opinion politique africaine. Les dirigeants Ouest-africains, inquiets de la contagion du conflit dans leurs différents Etats, ont tous soutenus l'action militaire de la France. Cet indéfectible soutien qu'assurait le président sénégalais Macky Sall en reconnaissant que « Sans les Français, les islamistes seraient à Bamako et menaceraient toutes les capitales de la région »170, avait également été prononcé par la présidente de la Commission de l'Union Africaine Nkossana Dlamini-Zuma et l'ancien président de cette institution, le Premier ministre éthiopien, Hailemarian Desalegn.

    Malgré ce soutien majoritaire des Africains, l'Egypte et la Tunisie avaient formellement rejeté cette intervention militaire. En effet, les anciens dirigeants de ces deux Etats (Moncef Marzouki et Mohammed Morsi), préconisaient une « solution politique négociée »171 entre les acteurs du conflit. De ce fait, s'insurgeant contre le déploiement du contingent militaire français, l'ancien premier ministre tunisien, Rafik Abdelsallem déclarait : « les problèmes en Afrique doivent être résolus dans un cadre africain »172. Dès lors, l'intervention militaire française apparaissait comme une action qui avait pour seul effet, « d'attiser les conflits »173 dans la sous-région.

    Au regard de ces divergences, il en ressort clairement que l'intervention militaire française au Mali n'avait pas été perçue comme une solution objective, qui pouvait enrayer les actions rebelles et terroristes, qui secouaient le Mali. Cette action militaire apparait, ainsi,

    168 Rapport Assemblée nationale française, janvier 2013, op.cit., p.18.

    169Rapport Assemblée nationale française, session ordinaire 2012-2013, compte rendu intégral, p.8.

    170P.Airault.,&G.Dougueli. , Union Africaine : une leçon malienne,
    http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2717p024_027.xml0/, consulté le 10/04/2015, consulté le 18/05/2015 171G. Malbrunot, Tunisie Qatar et Egypte contre l'action française au Mali 2013, http://www.tunisie-secret.com/Tunisie-Qatar-et-Egypte-contre-l-action-francaise-au-Mali_a287.html , consulté le 24/02/2015

    172G. Malbrunot, op.cit., 173 G. Malbrunot, op.cit.

    77

    comme un néocolonialisme de l'Hexagone en terre africaine. Aux divergences enregistrées au cours de la mobilisation militaire française au Mali, s'ajoutent les problèmes de démilitarisation, qui constituaient également une véritable difficulté de cette action militaire française.

    2- Une intervention à démilitarisation approximative

    L'une des insuffisances majeures de l'intervention militaire française a été son incapacité à éradiquer la circulation d'armes et des groupes terroristes au sein du territoire malien. En effet, l'opération Serval avait entrainé la dispersion des insurgés islamistes lourdement armés dans l'ensemble des villes septentrionales. Ces derniers, après leur « retrait tactique »174 dans les trois villes les plus ciblées par l'armée françaises (Tombouctou, Gao, Kidal), procédaient à un « transport des stocks d'armes les plus importants vers les régions plus modestes et moins visibles »175. Ce mode opératoire que J-P. Rémy176 qualifiait de stratégie d'évitement des groupes terroristes, a d'avantage entrainé une dissémination d'armes que les militaires français n'ont pu malheureusement contrôler. Ainsi, si l'on en croit aux estimations de J-C. Notin177, 500 à 800 djihadistes sont restés en état de nuire à la fin de l'opération Serval. Ces groupes armés terroristes dont l'action militaire française n'a pu définitivement éradiquer, traduit, corrélativement, une importante présence d'armes qui circulent encore à l'intérieur du Mali, malgré l'opération Serval.

    Au regard de ce qui précède, l'opération Serval apparait approximative, en ce sens qu'elle n'a pas détruit l'ensemble des groupes terroristes, elle les a simplement anéanti. En cela, ce déploiement militaire n'a pas totalement été une réussite, dès lors que les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets. La liberté des centaines d'islamistes qui détiennent toujours des armes, constitue l'une des limites de cette intervention. Elle explique la non-effectivité de la démilitarisation des groupes djihadistes par les troupes françaises.

    Au-delà de la libération des villes maliennes, qui étaient sous le joug djihadiste, l'intervention militaire française a été marquée par un lourd bilan humanitaire et une incapacité à décimer totalement les GAD qu'ils combattaient, du fait de la rugosité du théâtre des opérations. Ces situations ont conduit la France à précipiter l'arrêt de son action militaire, tout en faisant place aux forces onusiennes.

    174Le monde, n°37, op.cit., p29-30.

    175 Ibidem

    176 J-P. Remy, le monde diplomatique, n°37, 2013, p.29-30.

    177 J-C. Notin, op. cit., p.564.

    78

    Chapitre III : Le désengagement de l'armée française et les perspectives de nouveaux rapports militaires entre la France et le Mali

    La mise en place d'une force internationale onusienne et le recul significatif des actions terroristes dans l'espace septentrional du Mali, ont amené la France à retirer du terrain ses militaires. Pour mieux le comprendre, le présent chapitre analyse le remplacement de la force militaire française par les troupes onusiennes, le retour à l'ordre constitutionnel au Mali ainsi que les réformes de la coopération militaire franco-malienne.

    Section1 : Le remplacement de la force militaire française et l'engagement des troupes onusiennes

    La fin de l'intensification des affrontements et le retour de la stabilité sur le territoire malien, ont amené la France à annoncer la fin de son action militaire à travers la démobilisation des soldats sur le théâtre et leur retranchement du Mali. Pour mieux le comprendre, cette section analyse le processus de remplacement des forces armées françaises(1) aux forces onusiennes de paix et de sécurité, l'intervention de l'ONU(2) dans le conflit, et la conversion de la force militaire française de Serval à Barkhane(3).

    1- Le processus d'évacuation des troupes françaises

    La récupération des villes, la neutralisation178 des différents groupes armés rebelles et terroristes et, le coût de l'opération serval (pertes en vies humaines et dépenses financières) ont amené la France à engager le processus de retrait des troupes du théâtre des opérations. Ce désengagement militaire de l'Hexagone, justifiait la logique française selon laquelle « la France n'avait pas vocation à rester au Mali »179, et marquait la stratégie française qui consistait à mener une guerre rapide et efficace au Mali. A cet effet, le Quai d'Orsay s'engageait à « réduire son empreinte au sol »180 de manière progressive. Concrètement, la France a réduit sa présence au sol à la fin du mois d'avril à 4000 soldats sur les 5170, qui en existaient. Ce retrait s'était poursuivi conformément à l'objectif du désengagement total des forces françaises sur le théâtre des opérations. Ainsi, en juin, le nombre de soldats français

    178Général T. Caspar, Prospectives 2013 du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes, ministère de la défense française, p.7.

    179 Discours du président français à Dubaï, http://discours.vie-publique.fr/notices/137000095.html, consulté le 29/05/2015

    180 Rapport d'information du Sénat français n°513, 2013, p.68.

    79

    présents au Mali n'était plus que de 3200, puis 3000 en juillet et 2000 en septembre181. C'est ce dernier effectif qui avait pour mission d'assurer le relai avec les missions onusiennes et de conduire les dernières opérations avec les soldats maliens.

    Cependant, bien que la France ait laissé un effectif de 2000 soldats sur le terrain, elle a diminué ses actions avec l'arrivée de différentes opérations de paix de l'Organisation des Nations-Unies, lesquelles ont réduit la marge de manouvre de Serval. Ainsi, l'intervention de l'ONU dans ce conflit, a officiellement succédé à la force militaire française qui se désengageait progressivement du Mali.

    2- L'intervention de l'ONU dans le conflit

    L'intervention de l'ONU dans le conflit malien fait suite à plusieurs hésitations et à une diversité d'incompréhensions entre les différents acteurs. Ces incompréhensions, qui dénotaient de la longueur du processus de décision182 de l'ONU ont retardé la mise en place d'une mission de sécurité et de paix au Mali. Pourtant, à travers le développement de l'agressivité des GAD et la menace contre la sécurité et la paix au Mali, l'intervention de l'ONU aurait pu se faire rapidement, puis que le but premier de l'Organisation est de « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin: prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix »183. Malgré cette responsabilité de prévention et de gestion de crise, les interventions onusiennes ne se sont pas réalisées avec promptitude. Toutefois, deux missions ont été mises en place par l'institution pour assurer ce que J-B. Duroselle184 appelle la sécurité collective.

    La première, dénommée MISMA avait été adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU par la résolution 2085. Cette mission, qui avait été autorisée par les Nations-Unies, était totalement coordonnée par les instances africaines dont l'Union Africaine et la CEDEAO. Ainsi, fixée pour une durée d'un an, cette première opération à en croire T. Poulin185, devait dans un premier temps reconstituer la capacité de l'armée malienne, en étroite coordination avec les autres partenaires internationaux. Dans un deuxième temps, elle devrait aider les autorités maliennes à reprendre le contrôle du Nord et à réduire les menaces

    181 Rapport Assemblée française op.cit, p.100.

    '82J-B. Duroselle, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, Paris, Armand colin Tome, 15e

    édition, 2009, p.606.

    183 Charte des Nations-Unies, op.cit.

    '84J-B. Duroselle, op.cit., p.605.

    185T. Poulin, (2013), Historique de l'opération MISMA, http://www.operationspaix.net/167-historique-

    misma.html, consulté le 25/05/2015

    80

    des organisations terroristes qui s'y trouvaient. Cette force onusienne, totalement africaine, composait un contingent de 6000 soldats provenant des Etats de la CEDEAO et de la CEAC particulièrement le Tchad. Ces différentes armées qui ont intégré la coalition, ont, non seulement succédé aux premières opérations des soldats français, mais étaient aussi devenus leurs alliées du front. C'est notamment le cas de l'armée tchadienne avec laquelle les forces françaises ont mené d'importantes opérations, particulièrement celles du récif de l'adrad des ifoghas. Ces armées africaines, qui se rendaient sur le front malien, ont déployé plusieurs moyens logistiques et financiers, variables selon le pays. L'effectivité de ce déploiement de la mission africaine représentait une action, qui annonçait le départ de l'armée française sur le territoire malien et le début de la sécurité onusienne dans la partie septentrionale. Le tableau ci-dessous présente l'ossature du dispositif militaire de la mission africaine au Mali.

    Tableau 5: Contingent africain de la MISMA dans le conflit malien

    Pays

    Contingent militaire

    Logistique

    financement

    déploiement

    Ghana

    130 militaires

    20Véhicules

    3 millions de dollars

    26-jan

    Guinée
    Conakry

    148 militaires

    10Camions

    1 million de dollars

    24-janv

    Côte-d'Ivoire

    175 militaires

    Camions

    2 millions de dollars

    23-janv

    Benin

    321 militaires

    10blindés 20véhicules

    2 millions de dollars

    23-janv

    140 policiers

    Sénégal

    511 militaires

    5canons 155
    TRFI

    2 millions de dollars

    23-janv

    144policiers

    Burkina Faso
    Niger

    660 militaires

    10blindés

    2 millions de dollars

    23-janv

    685 militaires

    150véhicules

    Togo

    739 militaires

    100 véhicules

     

    24-janv

    67 policiers

    16 blindés

    Nigéria

    923 militaires

    3 Alphajets

    5millions de dollars

    19-janv

    77policiers

    Tchad

    2250 militaires

    300 véhicules

    1million de dollars

    16-janv

    100 blindés

    Source : Assemblée nationale n°128, 18juillet 2013/Ministère de la défense française

    Ce tableau illustre l'action des forces militaires africaines sur le théâtre malien. Il en ressort que les Etats africains, en plus des 6000 soldats déployés, ont fournis 800 engins constitués de véhicules et avions et 18 millions de dollars pour entretenir la mission MISMA.

    Outre les moyens déployés par les Etats africains dans le cadre de la première mission onusienne MISMA, plusieurs membres des Nations-unies ont également contribué

    81

    financièrement à cette opération. Les Etats-Unis, l'Inde, les pays de l'Union européenne et quelques Etats africains dont le Gabon et l'Afrique du Sud, ont consenti 37 449 806 dollars186, pour mener cette opération.

    La seconde mission onusienne, dénommée MINUSMA, est celle qui remplace officiellement l'opération Serval. Débutée dès le 1erJuillet 2013, cette mission se substitue à la première, qui était totalement dirigée par des instances africaines de la CEDEAO et de l'Union Africaine. Cette opération, qui est sous la coordination des Nations-unies, employait le même effectif militaire de la mission africaine MISMA. Selon B. Daou187, les 6.000 soldats africains présents au Mali dans le cadre de la MISMA intégrèrent la nouvelle force de paix et de sécurité et devinrent des soldats casques bleus onusiens. En effet, dotée des mêmes enjeux que la première, cette mission visait particulièrement la sécurisation de l'espace septentrional du Mali et la protection des habitants contre les nouvelles attaques djihadistes, bien que n'étant pas une « mission antiterroriste »188. Avec le retrait progressif des forces françaises sur le théâtre des opérations, la MINUSMA devenait la nouvelle unité dont la responsabilité était de repousser les violences djihadistes et terroristes qui pesaient sur les villes du Nord. La succession de l'intervention militaire française au Mali par l'Organisation des Nations-Unies, mobilisait ainsi plusieurs pays de la communauté internationale à fournir d'importants moyens logistiques et financiers pour pallier le retrait des troupes françaises. De ce fait, la France et les États-Unis apportèrent le soutien logistique et financier à la nouvelle mission onusienne qui remplaçait l'opération Serval.

    Bien que l'intervention des casques bleus de l'ONU ait officiellement marqué l'arrêt de l'opération Serval, cette présence onusienne ne signifiait, nullement, la fin de la présence militaire française au Mali. En fait, la fin de Serval a entrainé la naissance d'une nouvelle opération dénommée Barkhane. Ainsi, ce qui apparaissait comme un désengagement des troupes militaires françaises au Mali, n'était en réalité, qu'une conversion de la force militaire de Serval.

    186Rapport d'information du Sénat français n°513, 2013, p.83.

    187B. Daou, De la MISMA à la MINUSMA : les forces internationales de soutien au mali échangent les bérets

    aujourd'hui, http://www.maliweb.net/la-situation-politique-et-securitaire-au-nord/de-la-misma-a-la-minusma,
    consulté le 25/05/2015

    188D. Baché, 2013, Interview Rfi, MINUSMA au Mali: Les troupes ont quatre mois pour se mettre aux normes de l'ONU, http://www.rfi.fr/afrique/20130701-herve-ladsous-misma-devient-minusma-presidentielle-election-paix-/, consulté le 10/04/2015

    82

    3- La conversion de la force militaire française : de Serval à Barkhane

    La fin de l'intervention militaire française au Mali a également été marquée par l'apparition d'une nouvelle opération appelée Barkhane. Celle-ci marque le repositionnement stratégique de la France dans l'ensemble de l'espace sahélo-saharien. En effet, cette nouvelle force, mise en place le 1er aout 2013 par l'Hexagone, un mois après l'arrêt officiel des actions de Serval, est une vaste opération militaire dont le but est de poursuivre les affrontements militaires de la France contre les différents groupes armés djihadistes au Mali et dans l'ensemble de l'espace sahélo-saharien. De ce fait, le remplacement de Serval par Barkhane constituait pour la France une « nouvelle approche stratégique dans la lutte contre les groupes armés terroristes »189 présents sur les vastes déserts du Sahara et du Sahel. L'avènement de Barkhane, qui est une action militaire à caractère transfrontalier et dont la mission et les enjeux sont ceux de combattre le terrorisme en profondeur en empêchant la reconstitution des sanctuaires terroristes190, et de démanteler les différentes factions qui sont dispersées au sein des Etats du Sahel, constituait une forme de désengagement-réengagement de la France dans le conflit malien. Ainsi, l'extension de l'opération Barkhane dans le « groupe G5 Sahel »191 qui comprend la Mauritanie, le Burkina-Faso, le Niger et le Mali, constitue ce que Carmen Cuesta Roca qualifiait de « counter terrorist operation in Sahel »192, dont la protection des Etats nécessitait une intervention générale. Barkhane ayant marqué la fin officielle de l'intervention militaire française au Mali, cette opération s'est dotée du dispositif militaire de Serval. Son extension vers d'autres Etats, justifie le désengagement de la France au Mali et l'agrandissement de son rayon de surveillance et de lutte contre le terrorisme au-delà des frontières maliennes.

    Ainsi, si ce changement d'échelle a facilité le désengagement militaire de la France au Mali, elle n'a cependant pas eu un effet politique direct qui marque l'opération française. De ce fait, la France, en recherchant la légitimité de cette action militaire, s'est engagée dans la recherche d'une action qui devait stabiliser, momentanément, la situation politique du Mali. Dès lors, le retour à l'ordre constitutionnel devenait un enjeu majeur qui permettait à la France de se désengager du conflit malien de manière honorifique et élogieuse.

    189Rapport du ministère de la défense française, Opération Barkhane, déplacement du ministre de la défense, nouvel an avec les forces, janvier 2015, p12.

    190 Ibidem

    191 Ibidem

    192C-C. Roca, From operation Serval to Barkhane , http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/05/3-Hollande.pdf, p.5, consulté le 12/07/2015

    83

    Section2 : Le retour à l'ordre constitutionnel au Mali et les réformes de la coopération militaire franco-malienne

    Dans cette section, trois déterminants sont analysés : l'impératif de l'organisation des élections présidentielles(1), le rétablissement de l'appareil militaro-sécuritaire(2) et les réformes militaires franco-maliens(3).

    1- L'impératif de l'organisation des élections

    Afin de valoriser son action militaire, la France avait fait de la restitution des valeurs démocratiques au Mali, l'un des éléments déterminants du désengagement des troupes françaises sur le théâtre. Pour l'Hexagone, l'organisation des élections présidentielles constituait une action, qui symbolisait la réussite de la diplomatie politico-militaire française. Cette stratégie électorale post-intervention, mise en place depuis quelques années par les occidentaux, en occurrence la France et les Etats-Unis, consistait à légitimer une intervention militaire extérieure à travers une organisation rapide des élections présidentielles au pays dans lequel l'opération armée s'était déroulée. En effet, impulsée par les États-Unis sous la forme de la diffusion universelle de démocratie, cette stratégie avait été appliquée par la France au Mali sous la forme de « la politique d'interventionnisme libéral »193, qui répond au postulat selon lequel la reconstruction et la restitution des valeurs démocratiques d'un Etat peuvent être rendu possibles par l'entremise d'une coercition militaire194. Cette dernière vise particulièrement à éloigner la menace de la démocratie et à restaurer les valeurs de celle-ci. De ce fait, la restitution de l'Etat de droit au Mali, à travers une élection présidentielle devenait ainsi un enjeu majeur qui devait couronner le succès de l'opération Serval. Cela amenait impérativement la France à projeter, à la fin de son intervention militaire, un scénario électoral dont le déroulement n'a pas été en marge de la fin de l'opération militaire. En conséquence, la présidentielle malienne de juillet-août 2013, cadrait ainsi avec le calendrier de l'évacuation des troupes françaises du théâtre des opérations. Dès lors, l'organisation de ce scrutin sous l'impulsion française, avait répondu aux enjeux de la politique africaine de la France. Cette dernière a, d'une part, réhabilité le système démocratique et politique du pays en installant une autorité politique élue et un gouvernement reconnu, et d'autre part, elle a assuré la légitimé de son l'intervention militaire et a obtenu la reconnaissance de son action par les acteurs politiques des Etats de la CEDEAO et de la région sahélo-saharienne.

    193C. Lequesne, La politique extérieure de François Hollande : entre interventionnisme libérale et nécessité européenne, Sciences po Grenoble, Working paper n°23,2014, p5.

    194 Ibidem

    84

    En plus de la restitution des valeurs démocratiques au Mali, le jeu de la France dans son désengagement consistait également à accompagner l'Etat malien dans le processus de rétablissement des pouvoirs politique, militaire et administratif dans toute la partie septentrionale du Mali et particulièrement dans les trois principales villes meurtries des actions djihadistes et terroristes.

    2- Le rétablissement de l'appareil militaro-sécuritaire et administratif

    La fin de l'opération Serval et la recherche de la stabilité au Mali ont amené la France à entamer aux côtés de l'Etat malien, un processus de réhabilitation de l'administration et des forces de sécurité et de défense malienne sur l'ensemble du territoire et, particulièrement, dans la partie septentrionale. En effet, devenu un « Etat failli »195 par rapport à son incapacité à assurer sa propre sécurité et le fonctionnement de ses institutions, le Mali avait reçu un soutien international qui lui permettait de mener progressivement ses missions régaliennes.

    En ce qui concerne la réorganisation de l'appareil militaro-sécuritaire, les opérations se focalisaient, essentiellement, sur la formation militaire et l'accompagnement des soldats maliens dans les territoires à haut-risque. De ce fait, l'UE, sous l'impulsion de la France, s'était largement investie dans cette opération de formation. En effet, le déploiement de la mission EUTM de l'UE au Mali, permettait la formation des différents corps de l'armée malienne qui était visiblement très affaiblis. Devenu le principal organisme de la mission de formation des soldats au Mali, l'EUTM (European Union Military Mission) disposait d'un contingent de 207 formateurs français196 dont la responsabilité était de remettre les soldats dans les conditions de sécurisation de territoire et de lutte contre le terrorisme. Cette opération, qui était manoeuvrée par la France, a mobilisé vingt un des vingt-sept Etats que compte l'UE, parmi lesquels figurait l'Allemagne, la Grande-Bretagne, République Tchèque, la Belgique etc. L'EUTM visait ainsi à corriger les immenses lacunes de l'armée malienne sur le plan de l'équipement, de la logistique, de l'organisation du commandement et de la motivation de l'ensemble de toute l'armée malienne197. Ainsi, hormis les formateurs français, les 1000 soldats de l'opération Serval, qui restaient campés dans le territoire malien après le processus de désengagement des forces françaises, oeuvraient dans la mission de sécurisation des villes septentrionales aux côtés de l'armée malienne.

    195 P. Gourdin, Géopolitique du Mali : un Etat failli?, septembre 2012, http://www.diploweb.com/Geopolitique-du-Mali-un-Etat.html , consulté le 30 avril 2014. 196P. Gros, J-J. Patry, & N. Vilboux, op.cit., p16. 197 Notin, J-C., op cit., p.548.

    85

    Outre ce domaine militaire, la reconduction de l'administration au Nord-Mali s'est également faite avec l'aide des forces armées présentes sur le territoire. En effet, les forces françaises et tchadiennes et la MINUSMA, ont permis la réinstallation des services sociaux qui avaient été détruits par les groupes terroristes. Ces différents services militaires ont permis la réintégration des mairies de Tombouctou et de Gao et le rétablissement d'autres services publics. Cependant, la sécurisation de l'administration malienne, dans le septentrion, est restée sous l'autorité de la MINUSMA et de l'armée malienne.

    Au regard de l'implication de la France dans le rétablissement de l'appareil militaro-sécuritaire du Mali, il va s'en dire que cette aide dévoilait d'autres préoccupations, notamment la révision des accords militaires franco-maliens, qui étaient non seulement vieillissants, mais aussi ne concernaient pas le domaine de la défense.

    3- Les réformes des accords militaires franco-maliens

    L'intervention militaire française au Mali a mis en lumière la nécessité d'un renouvellement des accords militaires franco-maliens. En effet, ce déploiement militaire a constitué une opportunité pour l'Hexagone de consolider sa coopération militaro-sécuritaire avec le Mali, recadrer son « architecture militaire »198 et sa position stratégique dans cet Etat. Dans cette optique, la France et le Mali qui ont longtemps été liés par des accords d'assistance militaire, ont signé un accord de défense qu'ils estimaient être, non seulement « compatible avec les engagements de chaque Etat dans le cadre de l'UA, de l'UE, et de l'ONU »199, mais aussi « vise à concourir à une paix et une sécurité durables »200. Cet accord de défense marque une évolution relative de la coopération militaire franco-malienne, et constitue, pour l'Hexagone, une nouvelle réorientation de sa politique de défense au Mali après la fermeture en 1961 des bases militaires françaises de Gao, de Tessalit, de Kati et de Bamako, par Modibo Kéita. Ainsi, marquant une rupture avec les anciens accords d'assistance militaire entre les deux Etats, l'accord de défense post-Serval met en perspective la défense des frontières des parties signataires, la lutte contre le terrorisme, le renforcement de la formation des soldats, le transfert et le partage d'information, de la logistique et du matériel militaire etc. Ce nouvel accord de défense, qui confère à la France une profondeur stratégique, a été signé par les deux Etats, en juillet 2013, quelques jours après l'annonce de la fin de l'intervention militaire

    198 J-F. Owaye, op cit., p.222.

    199D. Abdoulaye, L'accord de défense avec la France enfin signé, juillet 2014,

    http://www.courrierinternational.com/, consulté le 11/02/ 2015. 200 Ibidem

    86

    française. A cet effet, trois des vingt-six articles (2, 4 et 5) de cet accord de défense201 spécifient ses champs d'intervention.

    Art.2. Par le présent traité, et dans le respect de leurs engagements internationaux, les Parties s'engagent dans une coopération en matière de défense, afin de concourir à une paix et une sécurité durables sur leur territoire, notamment par la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme, ainsi que dans leur environnement régional respectif.

    Art.4. Par le présent traité, les Parties mettent en oeuvre une coopération qui peut couvrir les domaines suivants :Échanges de vues et d'informations relatifs aux vulnérabilités, risques et menaces à sécurité nationale et régionale ; Organisation, équipement et entraînement des forces, le cas échéant par un soutien logistique pouvant se concrétiser par la cession gratuite ou onéreuse de matériels et équipements militaires, ainsi que l'organisation d'exercices mixtes et conjoints ; Organisation de transit, de stationnement temporaires, d'escales aériennes ; Organisation et conseil aux forces par la mise en oeuvre d'actions de formation et de soutien technique, et la mise à disposition de coopérants militaires techniques français.

    Art.25. Le présent traité abroge et remplace l'Accord de coopération militaire technique entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République française signé à Bamako le 6 mai 1985 et les accords et arrangements subséquents.

    Ce nouvel accord de défense entre les deux Etats est stratégique pour l'Hexagone. En effet, bien que consolidant l'engagement sécuritaire entre les deux Etats, il offre au Quai d'Orsay la latitude de contrôler les lignes de communications terrestres et aériennes sur lesquelles circulent plusieurs flux (terroristes, narcotrafiquants, rebelles, personnes etc.). Aussi, ce nouvel accord de défense permet-il à la France, si l'on en croit P. Boulanger202, d'associer la sécurité extérieure de la sécurité intérieure. En d'autres termes, à travers ce nouveau pacte de défense, la France se projette dans une défense bipartite avec le Mali, tout en développant une sécurité globale dans l'ensemble de la sous-région sahélo-saharienne. Elle assure de ce fait, la sécurité du territoire malien, celle de son peuple et sa propre sécurité. Cet

    201L'accord de défense entre le Mali et la France, (18 juillet 2014), http://maliactu.net/exclusif-laccord-de-defense-entre-le-mali-et-la-france-texte-integral/ , consulté le 12 Mars 2015

    202P. Boulanger, Géographie militaire et Géostratégie, enjeux du Monde Contemporain, Paris, Armand Colin, 2011, p.213.

    accord était d'autant plus motivé par l'enjeu français que J-F. Owaye203 appelait la mise en oeuvre instantanée de la défense française au regard de la position géographique du Mali qui est définie comme un carrefour entre le Sahel, le Sahara et le Maghreb.

    Au regard des actions post-intervention menées par l'Hexagone, il ressort que le désengagement des troupes françaises n'avait pas totalement arrêté l'implication de la France dans la réorganisation politique et sécuritaire du Mali. Cependant, cette aide qui succède à l'intervention, n'était pas dénuée d'enjeux. Ainsi, l'apport de la France dans le processus de réhabilitation de l'Etat de droit au Mali, visait à donner une valeur diplomatique à cette opération et à obtenir du Mali et des Etats africains en général, une certaine reconnaissance.

    87

    203J-F Owaye, op. cit., p.222.

    88

    Pour conclure cette deuxième partie, nous dirions que la décision française d'intervenir au Mali a considérablement modifié le rapport de force sur le théâtre des opérations. L'opération Serval a freiné les velléités des groupes armés djihadistes qui occupaient la partie septentrionale du Mali. Cette action militaire française a mobilisé d'importants moyens aussi bien financiers, matériels qu'humains. Cependant, cette guerre n'a pas été sans conséquence pour la France. Plusieurs pertes ont été enregistrées au cours de cette intervention militaire. Cette dernière, qui prend fin avec le déploiement d'une mission internationale des Nations-Unies, a entrainé une stabilité relative au sein du territoire malien et a reconduit les valeurs démocratiques dans cet Etat. En revanche, ce déploiement militaire français a amené la France à recadrer ses relations militaires avec le Mali et modifier son architecture de défense dans un espace en proie d'une extrême violence terroriste et rebelle.

    89

    Conclusion générale

    90

    La complexité de la question des interventions militaires en Afrique constitue une préoccupation majeure, qui amène à s'interroger sur l'essence de ces interventions. Le thème, l'intervention militaire française au Mali. Essai d'analyse géopolitique, qui a fait l'objet de nos réflexions, vient une fois de plus montrer la difficulté de cerner les véritables facteurs qui engendrent le déploiement des forces Occidentales à l'intérieur des Etats africains.

    Le but de ce travail était de répondre à une question préjudicielle : quels enjeux sous-tendent l'intervention militaire française au Mali ?

    Nos hypothèses étaient les suivantes :

    La France recherche, à travers son intervention militaire, de préserver ses intérêts économiques, à maintenir le positionnement de son axe stratégique dans les régions sahélo-saharienne et ouest-africaine.

    L'analyse qui a été menée tout au long de ce travail démontre que les objectifs fondamentaux de cette intervention se focalisaient sur la préservation des intérêts français, qui étaient menacés par les actions des groupes terroristes. Il a également été démontré que l'intervention avait une préoccupation géostratégique du fait des projections militaires et diplomatique qui ont accompagné cette intervention militaire française au Mali et dans l'ensemble de la région. Dès lors, l'intervention au Mali avait ainsi un double objectif. Le premier visait la sécurisation et le renforcement des liens économique et politique dans une région, qui est plus que par le passé convoitée par une pluralité d'acteurs internationaux. Le second était la construction et le renforcement des réseaux de défense et de diplomatie de la France dans l'espace sahélo-saharien.

    S'agissant de la deuxième hypothèse qui posait que l'intervention militaire française a visé à créer une profondeur stratégique et à combattre le terrorisme et les trafics mafieux sévissant particulièrement au Mali et en général dans toute cette sous-région sahélo-saharienne, nous avons démontré qu'à travers cette opération militaire, la France objectivait sa propre défense à l'extérieur de ses frontières, notamment au Mali, et luttait contre le `'grand banditisme» qui sévit dans l'ensemble de la région. Aussi, l'analyse faite dans ce travail situe également cette intervention dans la problématique de fragmentation des réseaux, qui forment le marché des produits illicites de stupéfiants, de démilitarisation de l'espace malien et sous régional, et de repoussement de la menace à un intervalle conséquent tout en protégeant ses ressortissants de toute action nuisible.

    En résumé, le déploiement militaire de la France au Mali ne se distingue nullement de ces précédentes interventions en Afrique. La logique des interventions françaises en Afrique ne varie pas en réalité: seule la défense des intérêts économique, politique et sécuritaire, justifie l'engagement militaire de la France dans les Etats du continent. Dès lors, les discours

    91

    de l'Hexagone sur l'obligation morale d'intervenir au Mali afin de maintenir son intégrité territoriale sont à relativiser. L'Etat malien qui était apriori sans enjeu, devient stratégique pour la France et `'le temps de le dédaigner est révolu», pour paraphraser S. Loungou204.

    Au-delà du Mali et des intérêts sous régionaux, les enjeux de cette intervention anticipaient aussi de la lutte de leadership des Etats Occidentaux en Afrique. Ainsi, si la France n'intervenait pas au Mali, elle aurait laissé la latitude à ses concurrents directs dans la sous-région (Etats-Unis, pays émergents) de s'y implanter.

    Cet ensemble de facteurs permettent de répondre au problème que posait ce travail et de comprendre le jeu de cette intervention. Cette dernière confirme la pensée de P. Chaigneau qui soutient que « la France, pays exigu en termes d'espace géographique, placé à l'extrême Ouest de la masse continentale, européenne, n'a d'autre choix dans la conception de ses décideurs, pour maintenir son rôle de puissance mondiale, que de solidifier ses positions dans le tiers monde. L'Afrique est le lieu préférentiel de cette stratégie »205.

    Sur le terrain, l'armée française supplante les armées régulières des Etats africains dont la mission première est pourtant de garantir la sécurité de leur territoire. En conséquence, les forces françaises s'arrogent la responsabilité de la sécurisation des territoires des Etats francophones d'Afrique ralliés.

    Cependant, au regard de l'instabilité qui prévaut dans la région sahélo-saharienne, il n'est pas évident que cette région connaisse une stabilité totale et que le Mali échappe à ces vagues de violence des groupes rebelles et terroristes qui sévissent dans sa partie septentrionale.

    L'apparition de ces nouvelles menaces en Afrique et d'autres formes de conflictualité rend problématique la défense assurée par la puissance extérieure hexagonale. Des pistes de solutions existent:

    ? les Etats africains doivent se doter de véritables instruments de politique de défense qui fixent des actions à entreprendre en cas de menaces contre leur sécurité ;

    ? les Etats africains se doivent d'appliquer la logique de « l'offensive-défense » élaborée par l'américain Jervis dans le cadre de la sécurité. C'est une logique de rééquilibrage des forces en fonction de l'adversaire, ou de dissuasion par ses capacités militaires ;

    ? les instances inter-africaines (continentales ; sous régionales ; et régionales), doivent anticiper les menaces sécuritaires des Etats en procédant aux interventions rapides et

    204 S. Loungou, interview, op cit.

    205 P. Chaigneau, op cit., p.49.

    organisées sans attendre un soutien extérieur. Pour cela, elles doivent s'empêcher d'être laxistes.

    Sans cela, la France profitera toujours des conflits armés africains pour mieux asseoir son étiquette de puissance mondiale.

    La réforme des systèmes de défenses africaines, et le renforcement de la sécurité collective continentale peuvent constituer des réponses à l'instrumentalisation des faiblesses sécuritaires des Etats africains par les grandes puissances. La prédiction de J-B. Duroselle206 sur la mort des grandes puissances, consécutivement à la diminution de leurs moyens, est trop lointaine pour constituer une alternative à l'interventionnisme militaire français en Afrique.

    Dès lors, n'est-il pas temps pour les Etats africains d'élaborer leurs propres systèmes de sécurité et de défense, au lieu de se contenter d'un protectionnisme français trompeur et qui peut s'avérer dangereux pour la sécurité des Etats africains ?

    92

    206 J-B. Duroselle, Théorie des relations internationales, Tout empire périra, Paris, Armand colin, 1992.

    93

    Références bibliographiques

    94

    I- Sources

    A- Entretien

    · Entretien à l'Ambassade du Mali le 13 septembre 2014, avec le troisième conseiller diplomatique de l'Ambassade Drissa Malle. Le thème de l'entretien portait sur la perception politique de l'intervention et ses conséquences sur le Mali.

    · Entretien avec un ancien adjudant de la gendarmerie nationale gabonaise le 14 juillet 2015. Le débat était axé sur les enjeux et les effets d'une telle intervention sur l'armée et sur la population.

    B- Documents imprimés

    · Charte des Nations unies, San Francisco, juin 1945.

    · Constitution française, 3juin 1958, 40p.

    · Dossier de presse, ministère de la défense française, 14p.

    · Journal officiel, « accord de coopération militaire technique entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du Mali de 1985 », n°14941, 5 décembre 1990, 2p.

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    · Journal officiel, « accords signés ou paraphés entre le gouvernement de la république française, et le gouvernement de la république du Sénégal, de la république soudanaise et la fédération du Mali », 4vril 1960, 16p.

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    · Rapport assemblée nationale française n° 1288, 18 juillet 2013, 128p.

    · Rapport Assemblée nationale française, n°4431, 6 mars 2012, 121p.

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    · Rapport Assemblée nationale française, n°2114, 9 juillet 2014, 297p.

    · Rapport ministère de la défense française, Opération Barkhane, 42p.

    · Rapport du Sénat français, n°720, 3juillet 2012, 193p.

    · Rapport d'information du Sénat français n°513, 2013, 135p.

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    · Rapport Gorée Institute, Systèmes de conflits et enjeux sécuritaires en Afrique de l'Ouest, 2002, 233p.

    · S. Bio Garou & Y. Borgui, L'état du commerce en Afrique de l'Ouest, rapport annuel Cacid, 2012, 117p.

    95

    II- Bibliographie

    A- Ouvrages

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    · H. Gumuchian, & C. Marois, Initiation à la recherche en géographie, Paris, PUM, anthropos, PUM, 2001, 425p.

    · F. Thual, Méthode de la géopolitique, apprendre à déchiffrer l'actualité, Paris, ellipses Marketing, 1996, 196p.

    2- Ouvrages généraux

    · C-V. Clausewitz, De la guerre, Paris, les éditions Minuit, 1984, 755p.

    · J-B. Duroselle, Histoire des relations Internationales, Tome 2, 15e édition, Paris, Armand Colin, 2009, 717p.

    · J-B. Duroselle, Tout empire périra, Paris, Armand Colin, 1992, 346p.

    · J-C. Rufin, Monde rebelles, acteurs conflit et violence politique, Paris, éditions Michalon, 1996, 562p.

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    · J-J. Roche, Théories des relations internationales, Paris, éditions Montchrestien, 7e édition, 2008, 160p.

    · J. Lévi, Les sept traités de la Guerre traduit du Chinois, Paris, Hachette littératures, 2008, 591p.

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    · P. Boulanger, Géographie militaire et géostratégie, enjeux et crises du monde contemporain, Paris, Armand colin, 2011, 302p.

    · P. Daillier, & A. Pellet, Droit international public, Paris, 7e édition, LGDJ, 2002, 1510p.

    · P. George, Dictionnaire de la Géographie, puf, 1990, 510p.

    · P. Hugon, Géopolitique de l'Afrique, Paris, éditions SEDES, 2009, 278p.

    · Y. Lacoste, Dictionnaire de Géopolitique, Paris, Flammarion, 1993, 1699p.

    3- Ouvrages spécialisés

    · A. Glaser & S. Smith, Comment la France a perdu l'Afrique, Paris, Hachette littérature, 2005, 278p.

    · M. Galy, La guerre au Mali, comprendre la crise au Sahara et au sahel. Enjeux et zones d'ombres, Paris, la découvertes, paris, 2013, 198p.

    · J-C. Notin, La guerre de la France au Mali, paris, éditions tallandier, 2014, 650p.

    · P. Chaigneau, La politique militaire de la France en Afrique, Paris, atelier de Pierre FANLAC, 1984, 125p.

    ·

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    T-S. Possio, Les évolutions récentes de la coopération militaire de la France en Afrique, Paris, éditions publibook, 456p.

    B- Articles

    · A. Bencherif, « Le nord du Mali, entre risques de balkanisation et talibanisation », programme et sécurité internationale(PSI), 2012, 6p.

    · A. Bourgi, « Aux racines de la françafrique : la dégradation de l'image de la France en Afrique », centre Thucydide, volume X, 14p.

    · C. Lequesne, « La politique extérieure de François Hollande : entre interventionnisme libérale et nécessité européenne », Sciences po Grenoble, Working paper n°23, 2014, 8p.

    · G. Berghezan, « Panorama du trafic de cocaïne en Afrique de l'Ouest », GRIP, 2012, 37p.

    · J-F. Owaye, « Dynamique irénique et convergence et convergence stratégique ou de l'essai d'une cybernétique des défenses africaines, l'exemple de l'Afrique subsaharienne post indépendantiste », in Revue de l'IRSH, (Juillet 2001), vol.7.

    · M. Cuttier, « Les ressorts structurels de la crise au sahel », RES militaris, vol3, n°3, 2013, 16p.

    · M-I. Kantô, « L'intervention française au Mali », perspectives africaine Vol11, n°38, 2013, pp.16-20.

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    · M. Taje, « Enjeux Ouest-africain : vulnérabilité et facteurs d'insécurité au Sahel », sahel and Ouest africa club, 8p.

    · P. Gros, J-J. Patry, & N. Vilboux, « Serval : bilan et perspectives », Fondation pour la recherche stratégique n°16, 2013, 28p.

    · P-E. Batchom, « La sécurité collective en Afrique post-Guerre froide », Res militaris, vol4, n°2, 2014, 22p.

    · R. Luckham, « Le militarisme français en Afrique », Politique africaine volume 2, pp.95-110.

    · L. Simon, A. Mattelaer, & A. Adfield, « Une stratégie cohérente de l'UE pour le Sahel », parlement européen, 2012, pp.95-110.

    · S. Loungou, « Economies parallèles et pérennisation des conflits armés en Afrique subsaharienne », stratégies africaines, n°80, ISC, 4/2000, pp.89-109.

    · Y. Lacoste, « La géopolitique et les rapports de l'armée et la nation », Hérodote, n°116, 2005, pp.1-15.

    C- Magasine et journaux

    · Afrique magazine, interview Jean Yves Ledrian, n°329, 2013, p.48-50.

    · Le correspondant, S. Loungou, interview, N°005-Avril/Mai 2013, p.4-5.

    · Le monde, comment la France est entrée en guerre, n°37, février 2013, p.24-29.

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    D- Mémoires

    · P. Guinant, La politique de la France en Afrique Subsaharienne après les indépendances, mémoire de master, I.E.P Toulouse, 2013, 60p.

    · T-S. Possio, La France et la sécurité collective en Afrique subsaharienne : de l'interventionnisme militaire systématique au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, mémoire de master, Université lumière, Lyon2, 2003, 113p.

    E- Documents en ligne

    · Afrique Economie, l'opération Serval : Quels sont les intérêts de la France au Mali ? http://politique.economie-Afrique.com/politique/loperation-serval-quels-sont-les-interets-de-la-france-au-mali/, consulté le 24/10/2014

    · Archives politiques publiques, « la politique de défense de la France jusqu'en 2008 : les engagements extérieurs et internationaux », 2011, http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-defense/engagements-exterieurs/

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    · Abdelkader, terrorisme et trafic de drogue au Sahel, le monde, 2012, http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/19/terrorisme-et-trafic-de-drogues-au-sahel 1735046 3232.html , consulté le 10/07/2015

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    100

    Table des illustrations

    1- Tableau

    Tableau 1: Sanctuaire malien 31

    Tableau 2: Le sous-sol malien 49

    Tableau 3: Matériels majeurs déployés dans le cadre de l'opération serval 65

    Tableau 4: Apport logistique des pays alliés à la France 67

    Tableau 5: Contingent africain de la MISMA dans le conflit malien 80

    2- Diagrammes

    Diagrammes 1: Répartition des conseillers militaires en fonction de la valeur stratégique des Etats en

    1989 13

    Diagrammes 2: Effectif de l'armée de terre française à l'opération serval 64

    3- Carte

    Carte 1 : Le déséquilibre sécuritaire des Etats de la région sahélo-saharienne 29

    Carte 2: Lrésence militaire permanente et réorganisation du dispositif militaire français 42

    Carte 3: Les trafics mafieux dans l'espace sahélo-saharien et Ouest-africain 53

    Carte 4: Le théâtre malien avant et pendant l'opération Serval 62

    Annexes

    d) « matériel » désigne les biens, équipements des forces, y compris les armes, les munitions, véhicules militaires et tout autre moyen de ;

    Annexe n°1

    Exclusif - Nouvel accord de défense franco-malien Par Malijet - Date: 19 Juillet 2014

    L'accord de défense entre le Mali et la France

    La République du Mali, d'une part Et

    La République française, d'autre part

    Ci-après dénommées les « Parties ».

    Considérant les liens d'amitié anciens et profonds unissant le Mali et la France.

    Rappelant leur commun attachement aux buts et principes énoncés dans la charte des Nations unies, en particulier le principe du règlement pacifique des différends internationaux, l'égalité souveraine des Etats et de leur intégrité territoriale, et dans Ce contexte l'engagement pris par les membres de l'Union Africaine de respecter les frontières existantes au moment où ils ont accédé à l'indépendance.

    Résolues à inscrire leur coopération dans le cadre du partenariat stratégique Afrique - Union européenne adopté lors du Sommet de Lisbonne du 7-9 décembre 2007, afin de construire une paix et une sécurité durables en Afrique et en Europe,

    Déterminées dans cette perspective à rendre opérationnelle l'architecture africaine de paix et de sécurité sous la conduite l'Union africaine, et soutenir les mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale el régionales, ainsi que le rappelle la Déclaration finale du Sommet de l'Elysée pour la Paix et la Sécurité en Afrique des 6 et 7 décembre 2013,

    Désireuses d'approfondir leur coopération en matière de défense, en établissant un partenariat fondé sur les principes de respect mutuel de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale des deux Etats, et ayant à l'esprit les menaces pouvant peser sur ces dernières.

    Sont convenues de ce qui suit : Article 1er : Définitions

    Dans le présent traité, l'expression:

    a) « forces » désigne tout corps, contingent ou détachement constitué de personnels appartenant aux armées de terre et de l'air, à la marine nationale, à la gendarmerie nationale, à la garde nationale malienne, ainsi qu'aux services de soutien interarmées;

    b) « membres du personnel » désigne te personnel appartenant aux forces de l' une des Parties ainsi que le personnel civil de l'une des Parties employé par les ministères compétents dans les domaines de la défense et de la sécurité, présent sur le territoire de l'autre dans le cadre du présent traité, à l'exclusion des ressortissants et des résidents permanents de l'Etat d'accueil:

    C) « personne à charge » signifie le conjoint ou toute autre personne vivant maritalement avec un membre du personnel, ainsi que ses enfants mineurs, conformément à la législation respective des Parties:

    e)

    III

    « Etat d'origine » signifie la Partie dont relèvent les membres du personnel qui se trouvent sur le territoire de l'autre Partie:

    f) « Etat d'accueil » signifie la Partie sur le territoire de laquelle se trouvent, en séjour ou en transit, les forces ou les membres du personnel de l'Flat d'origine.

    I. Principes généraux de la coopération en matière de défense Article 2 : Objectifs de la coopération

    1. Par le présent traité, et dans le respect de leurs engagements internationaux, les Parties s'engagent dans une coopération en matière de défense, afin de concourir à une paix et une sécurité durables sur leur territoire, notamment par la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme, ainsi que dans leur environnement régional respectif

    2. Dans la perspective de la constitution de la force africaine en attente, les Parties peuvent décider d'un commun accord d'associer les contingents nationaux d'autres Etats africains à certaines activités initiées dans le cadre du présent traité, en concertation avec les organisations régionales concernées.

    3. L'Union européenne et ses Etats membres peuvent être invités par les Parties à s'associer aux activités prévues par le présent traité. Les modalités de cette participation sont précisées dans des accords particuliers conclus par les Parties avec l'Union européenne et toute organisation ou un Etat concerné.

    Article 3 : Principes de la coopération

    1. Aucune disposition du présent traité ne déroge aux droits et obligations qui seraient reconnus à une force ou à un membre du personnel de l'une des Parties à raison de sa participation à une opération de maintien de la paix sous mandat de l'Organisation des Nations unies

    2. Les forces et les membres du personnel de l'Etat d'origine respectent les lois et règlements de l'Etat d'accueil et s'abstiennent de tout comportement incompatible avec les objectifs du présent traité.

    Article 4 : Domaines et formes de la coopération

    1. Par le présent traité, les Parties mettent en oeuvre une coopération qui peut couvrir les domaines suivants :

    a) Échanges de vues et d'informations relatifs aux vulnérabilités, risques et menaces à sécurité nationale et régionale ;

    b) Organisation, équipement et entraînement des forces, le cas échéant par un soutien logistique pouvant se concrétiser par la cession gratuite ou onéreuse de matériels et équipements militaires, ainsi que l'organisation d'exercices mixtes et conjoints :

    c) Organisation de transit, de stationnement temporaires, d'escales aériennes ;

    d) Organisation et conseil aux forces par la mise en oeuvre d'actions de formation et de soutien technique, et la mise à disposition de coopérants militaires techniques français :

    e) Formation des membres du personnel malien par leur accueil ou leur admission en qualité d'élève ou de stagiaire dans les écoles de formation militaires françaises ou soutenues par la France:

    f) Tome autre activité convenue d'un commun accord entre les Parties en fonction de leurs intérêts communs.

    IV

    2. Les conditions d'application des domaines et formes de la coopération définis Ci-dessus sont, au besoin, précisées par voie d'accords ou d'arrangements techniques spécifiques.

    Article 5 : Facilité et soutien logistique accordés aux forces

    1. Chaque Partie s'engage à prendre les mesures appropriées pour mettre à la disposition de l'autre Partie les facilités nécessaires à l'accomplissement du présent traité.

    2. Les conditions d'utilisation des installations et infrastructures ainsi que du soutien logistique fournis par l'Etat d'accueil, à l'occasion des activités de coopération prévues à l'article 4 du présent traité, sont précisées par voie d'accords ou d'arrangements techniques spécifiques.

    Article 6 : Comité de suivi

    Afin de donner une cohérence aux activités prévues par le présent traité, il est créé un comité de suivi co-présidé par un représentant civil ou militaire de chaque Partie. Il peut faire appel, en tant que de besoin, à des experts civils et militaires de chacune des Parties. Le mandat et le fonctionnement du comité sont déterminés d'un commun accord entre les Parties.

    II. Statut des membres du personnel engagés dans la coopération en matière de défense Article 7 : Conditions d'entrée et de séjour des membres du personnel

    1. Les dispositions de la présente section s'appliquent aux forces, aux membres du personnel et aux personnes à charge d'une Partie qui séjournent sur le territoire de l'autre Partie dans le cadre de la coopération en matière de défense.

    2. Les membres du personnel de l'Etat d'origine et les personnes à charge sont autorisés à entrer et sortir du territoire de l'Etat d'accueil sous réserve de détenir un passeport en cours de validité. Ils sollicitent, si nécessaire, un visa et un titre séjour dont les autorités de l'Etat d'accueil facilitent l'obtention en dispense de frais et dans les meilleurs délais ;

    3. Les membres du personnel de l'Etat d'origine présentent un ordre de mission individuel ou collectif ou un ordre de mutation délivre par l'autorité compétente de l'Etat d'origine.

    4. La présente disposition ne peut être interprétée comme conférant à un membre du personnel et aux personnes à charge un droit de résidence permanente ou au domicile dans l'Etat d'accueil.

    5. Les membres du personnel peuvent, à l'occasion de leur première arrivée prendre leur service sur le territoire de l'Etat d'accueil, importer, dans les limites compatibles avec un usage familial dûment apprécié par l'Etat d'accueil, leurs effets, véhicules et mobiliers personnels, en franchise de droits de douane, taxes et autres redevances, pour une durée de leur séjour.

    6. Les membres du personnel participant pour une durée de plus de 6 mois aux activités de formation mentionnées au 4.1.d ainsi que les personnes à charge sont hébergés à titre gratuit par l'Etat d'accueil dans des logements meublés.

    Article 8 : Port de l'uniforme

    Les membres du personnel de l'Etat d'origine peuvent revêtir l'uniforme et les insignes militaires et civils de leur force conformément à la réglementation en vigueur dans leur armée.

    Article 9 : Permis de conduire des véhicules d'engins militaires

    1. Les membres du personnel de l'Etat d'origine autorisés à conduire les véhicules et engin militaires dans l'Etat d'origine sont également autorisés à conduire dans l'Etat d'accueil.

    V

    2. Les véhicules d'une force employés sur le territoire de l'Etat d'accueil portent, en plus de leur numéro d'immatriculation, une marque distinctive de nationalité.

    Article 10 : Port et utilisation d'armes

    1. Pour les besoins du service, les membres du personnel appartenant aux forces années peuvent détenir et porter une arme de dotation sur le territoire de l'Etat d'accueil, conformément aux lois et règlements en vigueur dans l'Etat d'accueil.

    2. Pour les besoin du service, les membres du personnel de l'Etat d'origine utilisent leur arme de dotation conformément à la législation de l'Etat d'accueil, à moins que les autorités compétentes de ce dernier n'acceptent l'application des règles en vigueur dans l'Etat d'origine,

    Article 11 : Discipline

    Les autorités de l'Etat d'origine exercent une compétence exclusive en matière de discipline sur leurs forces et les membres du personnel. En cas de manquement à leurs obligations, elles peuvent prendre toutes sanctions disciplinaires à leur encontre, sans préjudice d'éventuelles poursuites judiciaires,

    Article 12 : Santé

    1. Les membres du personnel de l'Etat d'origine ainsi que les personnes à charge sont exemptés des cotisations de sécurité sociale en vigueur dans l'Etat d'accueil.

    2. L'Etat d'accueil assure la prise en charge sanitaire, à titre gratuit au sein du service de santé des armées, des membres du personnel ainsi que les personnes à charge de l'Etat d'origine , dans la mesure des moyens disponibles, au même titre et dans mêmes conditions que pour les membres des forces de l'Etat d'accueil. A ce titre, ils bénéficient des soins médicaux et dentaires, y compris l'hospitalisation.

    3. Les rapatriements sanitaires demeurent à la charge de l'Etat d'origine. Article 13 : Décès d'un membre du personnel

    1. Le décès d'un membre du personnel de l'Etat d'origine sur le territoire de l'Etat est constaté conformément à la législation en vigueur dans l'Etal d'accueil par un médecin habilité, qui en établit le certificat. L'État d `accueil communique dans les meilleurs délais aux autorités de l'Etat d'origine la copie certifiée conforme du certificat de décès.

    2. Si l'autorité Judiciaire de l'Etat d'accueil ordonne l'autopsie du défunt, ou si l'Etat d'origine la demande, celle-ci est effectuée par le médecin désigne par l'autorité judiciaire de l'Etat d'accueil. Un médecin de l'Etat d'origine peut assister à l'autopsie, lorsque la législation de l'Etat d'accueil le permet.

    3. Les autorités compétentes de l'Etat d'accueil assurent la remise du corps du défunt aux autorités militaires de l'Etat d'origine dès que possible aux de fins de rapatriement.

    Article l4 : Dispositions fiscales

    1. Pour l'application des impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que des droits de succession et de donation, les membres du personnel de l'Etat d'origine qui, à seule fin d'exercer leurs fonctions, établissent leur résidence dans l'Etat d'accueil, sont considérés, aux fins de l'application de la convention en vue d'éviter les doubles impositions conclue entre l'Etat d'origine te l'Etat d'accueil, comme conservant leur résidence fiscale dans l'Etat d'origine qui leur verse les soldes, les traitements et autres rémunérations similaires

    2. Cette disposition s'applique également aux personnes à charge dans la mesure où celles-ci n'exercent pas d'activité professionnelle propre.

    VI

    3. Les soldes, traitements et rémunérations similaires autres que les pensions payés par l'Etat d'origine aux membres du personnel en cette qualité ne sont imposables que dans cet Etat.

    Article 15 : Infractions commises par des membres du personnel ou des personnes à charge

    1. Les infractions commises par un membre du personnel de l'Etat d'origine ainsi que par les personnes à charge relèvent de la compétence des juridictions de l'Etat d'accueil, sous réserve des dispositions prévues au paragraphe 2 du présent article.

    2. Les autorités compétentes de l'Etat d'origine exercent par priorité leur droit de juridiction en cas d'infraction résultant de tout acte ou négligence d'un membre du personnel accompli dans l'exercice de ses fonctions officielles, ainsi que dans les cas suivants :

    a) lorsque l'infraction porte uniquement atteinte à la sécurité de l'Etat d'origine ;

    b) lorsque l'infraction porte uniquement atteinte à la personne ou aux biens d'un autre membre du personnel de l'Etat d'origine ;

    c) lorsque l'infraction porte uniquement atteinte aux biens de l'Etat d'origine.

    3. Lorsque l'Etat qui a le droit d'exercer par priorité sa juridiction décide d'y renoncer, il le notifie immédiatement aux autorités compétentes de l'autre Etat. Les autorités compétentes de l'Etat qui bénéficient de la priorité de juridiction examinent avec bienveillance les demandes de renonciation à ce droit, lorsque les autorités compétentes de l'autre Etat estiment que des considérations particulières importantes le justifient.

    4. L'Etat d'origine s'engage à présenter tout membre du personnel ainsi que les personnes à charge devant les autorités judiciaires compétentes de l'Etat d'accueil aux fins de 1'instrcution. Celles-ci portent une attention bienveillante aux demandes des autorités de l'Etat d'origine visant à obtenir la garde de cette personne sur le territoire de l'Etat d'accueil jusqu'à ce que les poursuites aient été engagées contre elle par l'Etat d'accueil.

    5, Les autorités de l'Etat d'accueil avisent sans délai les autorités de l'Etat d'origine de toute arrestation d'un membre du personnel ainsi que des personnes à charge, en précisant les motifs de l'arrestation.

    6. Les Parties se prêtent mutuellement assistance pour la conduite des enquêtes et pour la recherche de preuves, et s'informent mutuellement des suites données à l'affaire par leurs juridictions.

    7. En cas de poursuite devant les juridictions de l'Etat d'accueil, tout membre du personnel de l'Etat d'origine ainsi que les personnes à charge ont droit à un procès équitable. A ce titre, ils bénéficient notamment du droit:

    - à être jugé dans un délai raisonnable ;

    - à être représenté selon son choix ou à être assisté dans les conditions légales en vigueur dans l'Etal d'accueil ;

    - à bénéficier si nécessaire d'un interprète compétent gracieusement fourni par l'Etat d'accueil pour l'assister tout au long de la procédure et du procès;

    - à communiquer avec un représentant de l'Ambassade de l'Etat d'origine, et lorsque les règles de procédure le permettent, à la présence de ce représentant aux débats ;

    - à être informé, avant l'audience, des accusations portées contre lui; - à être confronté avec les témoins à charge ;

    VII

    - à ne pas être poursuivi pour tout acte ou négligence qui ne constitue pas une infraction à la législation de l'Etat d'accueil au moment où cet acte ou négligence a commis.

    En outre, les membres du personnel et les personnes à charge bénéficient, en cas de poursuite ou condamnation dans l'Etat d'accueil, des dispositions pertinentes de l'Accord de coopération en matière de justice entre la République du Mali et la République française du 9 mars 1962.

    8- Lorsqu'un membre du personnel de l'Etat d'origine ou une personne à charge a été jugé conformément aux disposition du présent article et a été acquitté ou condamné, il ne peut être jugé une nouvelle foi; pour la même infraction par les juridictions de l'autre Etat.

    9) Lorsqu'elles exercent leur compétence de juridiction conformément aux dispositions du présent article, les Parties s'engagent à se remettre mutuellement les membres respectifs du personnel ainsi que les personnes à charge auteurs d'infractions, quelles que soient la nature et la gravité de la faute commise. Si ces infractions sont punies de la peine capitale par la Partie qui exerce sa juridiction ou d'une peine contraire aux engagements résultants des conventions internationales auxquelles l'un ou l'autre des Etats Parties est Partie, la remise par l'autre Partie est subordonnée à l'assurance que ces peines ne seront ni

    requises, ni prononcées à leur encontre, on, si elles sont
    prononcées, qu'elles ne seront pas exécutées.

    10. Lorsqu'elles exercent leur compétence de juridiction conformément aux dispositions du présent article, les Parties s'engagent à ce que, dans les cas où elles seraient prévues par la loi les peines mentionnées à l'alinéa précédent ne soient ni requises ni prononcées à l'égard du membre du personnel ainsi que des personnes à charge de l'autre Partie, ou, si elles sont prononcées, qu'elle ne seront pas exécutées.

    Article 16 : Règlement des dommages

    1. Chaque Partie renonce à tout recours qu'elle pourrait avoir contre l'autre Partie, les forces, ou un membre du personnel de cette Partie pour les dommages causés à ses biens ou à son personnel, y compris ceux ayant entraîné la mort, en raison d'actes ou de négligences dans l'exercice des fonctions officielles qui découlent du présent traité.

    2. Les dispositions précédentes ne s'appliquent pas en cas de faute lourde ou intentionnelle. Par faute lourde, il convient d'entendre l'erreur grossière ou la négligence grave. Par faute intentionnelle, il convient d'entendre la faute commise avec l'intention délibérée de son auteur de causer un préjudice.

    3, Pour les dommages causés aux biens ou à la personne d'un tiers par les forces ou un membre du personnel de l'Etat d'origine en service, l'Etat d'accueil se substitue dans l'instance à l'Etat d'origine. Les Parties prennent conjointement en charge les indemnités versées pour la réparation des dommages causés aux tiers, selon la répartition suivante:

    - lorsque le dommage est imputable à une seule des Parties, cette Partie assure le règlement total du montant de 1'indemnité ;

    - lorsque le dommage est imputable aux deux Parties, ou qu'il ne peut être précisément attribué à l'une ou l'autre des Parties, le montant des indemnités est réparti à parts égales entre les Parties. L'imputabilité du dommage et le montant subséquent de l'indemnisation sont déterminés d'un commun accord entre les Parties.

    4. Par dérogation aux dispositions des trois paragraphes précédents, l'Etal d'accueil prend en charge la réparation des dommages causés en service ou à l'occasion du service par les membres du personnel participant, pour une durée de plus six mois, aux activités de formation mentionnées à l'article 4.1.d, que ces dommages soient causés au personnel ou au matériel des forces armées de l'Etat d'accueil ou à des tiers. L'Etat d'accueil s'engage à rembourser à l'Etat d'origine les dépenses ayant résulté pour ce dernier des dommages subis par les personnes visées ci-dessus en ou à l'occasion du service, quelles qu'en soient les causes.

    VIII

    Article 17 : Echange d'informations classifiées

    Les Parties partagent la volonté de conclure un accord bilatéral de sécurité qui régira l'échange d'informations classifiées entre elles.

    III- Dispositions relatives aux activités organisées dans le cadre du présent traité Article 18 : Champ d'application

    1. Les activités organisées sur le territoire de l'une ou l'autre des deux Parties sont soumises au consentement de l'Etat d'accueil et aux conditions agréés dans les accords et arrangements prévus aux articles 4.2 et 5.2 du présent traité.

    2. Les autorités militaires de l'Etat d'accueil apportent leur concours aux forces de l'Etat d'origine dans toutes les démarches administratives et techniques nécessaires à la mise en oeuvre du présent traité.

    Article 19 : Déplacement et circulation des forces

    1. Les forces de l'Etat d'origine sont autorisées à entrer sur le territoire de l'Etat d'accueil, y compris ses eaux

    territoriales et son espace aérien, avec le consentement préalable de ce dernier.

    2. Chaque Partie est responsable des demandes d'autorisation de survol et d'atterrissage de ses aéronefs militaires dans l'Etat d'accueil dans le cadre de l'exécution des activités prévues à l'article 4 du présent traité. Les autorités compétentes de l'Etat d'accueil délivrent à cette fin les autorisations nécessaires au cas par cas, dans le respect de la réglementation nationale en vigueur. Toutefois, les liaisons régulières ou périodiques font l'objet de renouvellements annuels. Ces autorisations peuvent être suspendues par l'Etat d'accueil si celui-ci estime que ces liaisons sont de nature à porter atteinte à sa souveraineté ou à sa sécurité.

    Article 20 : Importation du matériel

    1. L'Etat d'accueil prend les mesures utiles pour faciliter l'entrée et la sortie de son territoire des matériels, ressources financières, approvisionnement et d'autres marchandises nécessaires à l'exécution des activités prévues à l'article 4 du présent traité. La liste de ces matériels, ressources financières, approvisionnements et marchandises est communiquée à l'avance à l'Etat d'accueil, lequel peut, en tant que de besoin, procéder à des visites pour s'assurer de leur conformité.

    2. Les forces de l'Etat d'origine peuvent importer sous le régime de l'admission temporaire en exonération totale de droits et taxes pour une durée de douze mois prorogeable, le matériel destiné à leur usage exclusif. Les quantités raisonnables d'approvisionnements destinés à leur usage exclusif sont importées en franchise de droits et taxes. L'admission ainsi prévue en franchise est subordonnée au dépôt auprès des autorités douanières de l'Etat d'accueil des documents de douane que les Parties auront convenu de fournir, d'une attestation dont la forme aura été acceptée par les Parties et signées par une personne habilitée à cet effet par l'Etat d'origine. Les autorités compétentes de l'Etat d'accueil peuvent demander que le nom des personnes habilitées à signer les formulaires douaniers ainsi qu'un spécimen de leur nom signature et des cachets utilisés leur soient adressés par avance.

    3. Les matériels, approvisionnements et marchandises admis en franchise en application du présent article ne peuvent être cédés à titre onéreux ou gratuit sur le territoire de l'Etat d'accueil. Cependant, dans des cas particuliers, une cession ou une destruction peut être autorisée, sous réserve des conditions imposées par

    les autorités
    compétentes de l'Etat d'accueil.

    4 Les matériels, approvisionnements et marchandises admis en franchise en application du présent article peuvent être réexportés en exonération de tous droits et taxes, à condition que soit remise aux autorités

    IX

    douanières de l'Etat d'accueil une attestation délivrée dans les conditions prévues par le paragraphe 2 du présent article. Les autorités douanières de l'Etat d'accueil conservent le droit de vérifier, s'il a lieu, que les biens réexportés sont effectivement ceux décrits sur l'attestation et ont été réellement importés dans les conditions prévues au présent article.

    5. Les autorités militaires de l'Etat d'accueil apportent leur concours aux forces de l'Etat d'origine dans toutes démarches administratives et techniques nécessaire à la mise en oeuvre du présent article.

    Article 21 : Entreposage des matériels et approvisionnements

    Le matériel et les approvisionnements, en particulier les armes et munitions de sécurité, destinés aux forces de l'Etat d'origine, sont entreposés et gardés sous leur responsabilité dans le respect de la réglementation applicable dans l'Etat d'accueil.

    Article 22 : Echange de personnel

    L'échange de membres du personnel entre les forces des Parties est autorisé conjointement par leurs autorités militaires compétentes. L'activité des membres du personnel et le soutien logistique dont ils bénéficient sont soumis aux règles en vigueur dans l'unité qui les accueille.

    Article 23 : Communication

    1. Toute installation de systèmes de communication des forces armées de l'Etat d'origine est soumise à autorisation préalable de l'Etat d'accueil. Les demandes d'installation sont examinées avec bienveillance par les autorités compétentes de l'Etal d'accueil. Leur construction, entretien et utilisation s'effectuent dans les conditions agréées d'un commun accord entre les Parties dans le cadre d'un arrangement technique spécifique au sens de l'article 4.2.

    2. Les forces armées de l'Etat d'origine n'utilisent que les fréquences qui leur sont attribuées par les autorités de l'Etat d'accueil. Les procédures d'attribution et de restitution des fréquences sont déterminées d'un commun accord entre les Parties. Les Parties coopèrent pour l'utilisation des fréquences qui leur sont attribuées ne perturbe pas les transmissions locales.

    3. Les installations de systèmes de communications agréées par l'Etat d'accueil ne peuvent être utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été autorisées.

    IV. Dispositions finales

    Article 24 : Règlement des différends

    Tout différend lié à l'interprétation ou à l'application du présent traité est réglé par voie de consultation au sein du comité de suivi institué par l'article 6 du présent traité ou de négociation par la voie diplomatique entre les Parties.

    Article 25: Combinaison avec les accords conclus antérieurement dans le domaine de la défense

    1. Le présent traité abroge et remplace l'Accord de coopération militaire technique entre le Gouvernement de la République du Mali et le Gouvernement de la République française signé à Bamako le 6 mai 1985 et les accords et arrangements subséquents, tels que précisés par la voie d'un accord par échange de lettres entre les Parties établi après l'entrée en vigueur du présent traité.

    2. L'application du président traité est sans préjudice de la mise en oeuvre d'autres accords conclus entre les Parties, en particulier l'accord sous forme d'échange de lettres signées les 7 et 8 mars 2013. Dans l'hypothèse ou des membres du personnel de la Partie française présents sur le territoire malien au titre du présent traité seraient amenés à participer aux opérations visées par l'accord sous forme d'échange de lettres du 7 et 8 mars 2013, la Partie française en informerait la Partie malienne sans délai. Dans un tel cas,

    X

    les stipulations de ce dernier accord s'appliqueraient, y compris rétroactivement aux forces françaises, à leurs personnels et à leur matériels engagés dans lesdites opérations.

    Article 26 : Entrée en vigueur, amendements, et dénonciation

    1. Chaque Partie notifie à l'autre l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises en ce qui la concerne pour l'entrée en vigueur du présent traité, qui prend effet le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la dernière notification.

    2. Le présent traité est conclu pour une durée de cinq ans est renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de cinq ans, à moins que l'une des Parties notifie à l'autre son intention de mettre fin au traité six mois avant son expiration.

    3, Les Parties peuvent, à tout moment et d'un commun accord, amender par écrit le présent traité. Les modalités d'entrée en vigueur des amendements sont celles énoncées à l'alinéa 1er du présent article.

    4. Chaque Partie peut dénoncer le présent traité par le biais d'une notification écrire. Cette dénonciation prend effet six mois après réception de la notification par l'autre Partie.

    5. La dénonciation du présent traité n'affecte pas les droits ou obligations résultant de son exécution préalablement à cette dénonciation.

    Source : Malijet

    http://malijet.com/a_la_une_du_mali/107383-exclusif-%E2%80%93-l%E2%80%99accord-de-d%C3%A9fense-franco-malien-%5Btexte-int%C3%A9gral%5D.html

    Annexe 2 : Dispositif militaire français utilisé

    Rafale B 113-HO de l'Escadron 2/92 "Aquitaine" Combat militaire au solde l'armée de l'air française

    Bateau BPC DIXMUD transport de la logistique française Hélicoptère Gazelle en combat à Gao

    Combat au sol de l'armée française Char français en conquête à Tombouctou

    Groupes terroristes en présence sur le théâtre des opérations

    Source :

    https://www.google.com/search?q=Les+groupes+arm%C3%A9s+djihadistes&biw=1280&bih=689&source=lnm s&tbm=isch&sa=X&ved=0CAgQ AUoA2oVChMI69T2up6xyAIVy7gaCh208QZH

    Section 1 : L'environnement juridique de l'intervention militaire française 35

    Table des matières

    Dédicace 2

    Remerciements 3

    Sigle et abréviations 4

    Sommaire 5

    Introduction générale

    I- Justification de l'étude ;;;;

    1- Intérêt du sujet

    2- Objet et champ d'étude

    II- Problématique et cadre théorique

    6

    8

    8

    9

    12

     

    1- Problématique et hypothèses de recherche

    12

     

    2-

    Cadre théorique

    ..15

     

    III-

     

    Méthode de recherche

    ...16

     

    1- Démarche

    16

     

    2-

    Collecte de données

    17

    IV-

     

    Limites de l'étude

    20

    V-

     

    Articulation du travail

    20

    Première partie : Les fondements de l'intervention militaire française au

    Mali 22

    Chapitre I- L'espace sahélo-saharien, une sous-région sous tension et l'insécurisation du

    Mali .24

    Section 1 : L'instabilité géopolitique des Etats dans l'espace sahélo-saharien ...24

    1- L'effondrement de Libye et ses conséquences 24

    2- Les problèmes sécuritaires de la Mauritanie, du Niger et de l'Algérie 25

    3- Les effets directs et collatéraux de la déstabilisation de la région ...28

    Section 2 : Le basculement du Mali dans l'instabilité sous régionale 30

    1- Les conséquences de l'instabilité des Etats de la sous-région sur le Mali ..30

    2- Les faiblesses de l'Etat malien et leurs conséquences 32

    Chapitre II- Le jeu d'alliance et les motivations « inavouées » de l'intervention militaire

    française 35

    1- 1- La mobilisation d'un contingent conséquent et le financement de l'opération ...63

    2- L'intervention des pays alliés à la France 66

    Les accords militaires franco-maliens ..35

    2- Accords multilatéraux de sécurité collective de la France avec les pays ouest-

    africains 37

    3- De la légitime défense collective de l'ONU 38

    Section 2 : Le repositionnement de la France au Mali, dans l'espace sahélo-saharien et Ouest-

    africain .39

    1- La restitution de l'intégrité territoriale du Mali et l'anéantissement des

    djihadistes 39

    2- L'enjeu de la présence militaire permanente au Mali et dans l'espace sahélo-

    saharien 41

    3- Le recadrage de l'influence politico-diplomatique française au Mali et dans la sous-

    région ...43

    Chapitre III- La France, une alliée intéressée 45

    Section 1 : La protection des ressources stratégiques et économiques dans la sous-

    région 45

    1- La sécurisation des plates-formes pétrolières et minières françaises dans la sous-

    région 45

    2- Le maintien du leadership économique dans les régions sahélo-saharienne et ouest-

    africaine 46

    3- L'enjeu du marché malien 48

    Section 2 : La sécurité extensive de la France 50

    1- La lutte contre le terrorisme et les trafics mafieux ..50

    2- La protection des ressortissants français .54

    3- Le Mali comme verrou stratégique de la France .55

    Deuxième partie : Du déploiement militaire français aux stratégies de sortie de

    crise ..57

    Chapitre I- L'intervention militaire : prodromes et manifestations 59

    Section 1 : Les démarches diplomatiques et stratégiques 59

    1- La formulation de la demande malienne d'intervention militaire française 59

    2- Vers l'opération militaire 60

    Section 2 : Le déploiement de l'armée française .61

    3- Les territoires africains comme base arrière de l'intervention militaire française 69

    Chapitre II- Les effets de l'intervention militaire française et ses limites

    71

    Section 1 : Les effets militaro-humanitaires et socio-spatiaux

    71

    1- Les effets militaires de l'intervention

    ..71

    2- Les effets humains et humanitaires de l'intervention

    ..73

    3- Les effets socio-spatiaux

    .74

     

    Section 2 : Les limites de l'intervention militaire française

    75

    1- Une intervention non unanime et à charge de contestation

    75

    2- Une intervention à démilitarisation approximative

    .77

     

    Chapitre III- Le désengagement de l'armée française et les perspectives des nouveaux

    rapports entre la France et le Mali 78

    Section 1 : Le remplacement de la force militaire française et l'engagement des troupes

    onusiennes 78

    1- Le processus d'évacuation des troupes françaises

    2- L'intervention de l'ONU dans le conflit

    3- La conversion de la force militaire française : de Serval à Barkhane

    Section 2 : Le retour à l'ordre constitutionnel au Mali et les réformes de la coopération

    ...78

    79

    .82

    militaire franco-malienne

    83

    1- L'impératif de l'organisation des élections

    83

    2- Le rétablissement de l'appareil militaro-sécuritaire et administratif

    84

    3- Les réformes des accords militaires franco-maliens

    85

    Conclusion générale

    ...89

    Références bibliographiques

    93

     

    Table des illustrations

    ..100

    Annexes

     





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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe