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Existe-t-il un lien entre le craving tabagique et la glycémie ?

( Télécharger le fichier original )
par Cécilia Jouve
Faculté de Médecine de Montpellier - Diplôme Inter Universitaire en Tabacologie et aide au sevrage du tabac 2016
  

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UNIVERSITE DE MONTPELLIER
Faculté de Médecine de Montpellier

Année Universitaire 2015 - 2016

MEMOIRE

en vue de l'obtention du

Diplôme Inter-Universitaire de Tabacologie

« Existe-t-il un lien entre le craving

tabagique et la glycémie ? »

Présenté par

Jouve Cécilia
Diététicienne

Agnières en Dévoluy 05250 Le Dévoluy - cecilia.jouve@orange.fr

Juin 2016

Directeur de Mémoire : Dr Bousquet Joël

1

Remerciements

Le centre médical « La Durance »

David, Sylvie, merci pour votre soutien et pour la liberté que vous
m'avez accordé pour mener à bien ce projet.
Catherine, Jérôme, merci pour vos encouragements, votre soutien et vos
avis.
Merci à tous les fumeurs qui ont participé à l'étude.

Dr Laurence Sirdey

Laurence, merci pour ton soutien et pour ce lien avec « La Source » qui m'a permis de récupérer davantage de données.

Le CSAPA Sud

Sylvie, merci pour ta générosité, le partage d'expérience et la relecture. Merci à toute l'équipe pour l'accueil.

Dr Jacques Lesbros

Jacques, merci pour tout ! Le temps accordé, les moments d'échanges en passant par le soutien et les encouragements.

Dr Joël Bousquet

Joël, merci pour ta disponibilité, ton soutien et ton accompagnement tout au long de ce projet.

Ma famille, mes amis...
Merci à tous d'être là pour moi et, dans tous les moments importants.
Maman, merci pour ta lecture de ce mémoire, merci pour ton soutien de
tous les jours.

Olivia, Nina, il n'y a pas de grande tâche difficile qui ne puissent être découpée en petites marches faciles.

2

SOMMAIRE

? Résumé Page 3

I. Introduction Page 4

II. Matériel et méthodes Page 8

III. Résultats Page 11

Iy. Discussion Page 16

y. Conclusion Page 18

? Annexe 1 Page 20

? Annexe 2 Page 21

? Bibliographie Page 22

3

Résumé

Introduction : Le sevrage du tabac est marqué spécifiquement par le « craving1 ». Il existe d'autres symptômes du sevrage qui sont communs à ceux d'une hypoglycémie. L'objectif de cette étude était d'évaluer l'intensité du « craving » et de mesurer la glycémie chez une population de fumeurs non diabétiques.

Méthode : L'étude a concerné des fumeurs employés de deux centres médicaux de soins de suite et réadaptation des Hautes Alpes durant le mois de Mars 2016.

Les données ont été collectées à l'aide d'un questionnaire auto-administré. Le « craving » tabagique a été mesuré par le FTCQ-12 (French version of Tobacco Craving Questionnaire) et la glycémie avec un lecteur de glycémie capillaire.

Résultats : Au total, 94 données ont été colligées. Les glycémies se situaient entre 0.65 g/l et 1.68 g/l. La glycémie moyenne était de 1.02 g/l. Les résultats du FTCQ-12 se situaient entre 15 et 67. La glycémie était plus basse (0.94 g) lorsque le « craving » était de « forte intensité ». Elle était de 1.06 g/l lorsque le « craving » était de « faible intensité ». Le coefficient de corrélation était de - 0.26.

Discussion : Des règles hygiéno-diététiques spécifiques sont à développer pour permettre aux fumeurs de maintenir l'abstinence et de prévenir les rechutes. L'intérêt d'une alimentation fractionnée afin de tenter de maintenir une glycémie plus élevée est à étudier.

Conclusion : Une meilleure connaissance du « craving » constitue un défi majeur pour le sevrage du tabac. Des recherches sur le lien avec la glycémie sont à proposer.

1 Le craving (de l'anglais: « désir ardent, appétit insatiable ») représente une impulsion vécue sur un instant donné, véhiculant une envie de consommation d'un produit psychoactif et sa recherche compulsive ou encore l'application d'un comportement.

4

I.INTRODUCTION

L

e tabagisme est à l'origine de maladies et de décès dont la première cause est la dépendance induite par cette consommation qui rend son arrêt difficile. 67 % des fumeurs développent une dépendance au tabac. Cela fait de lui la substance psychoactive la plus addictive devant l'alcool (23 %), la cocaïne

(21 %) et le cannabis (9%) [1].

Les notions de dépendance sont définies dans le manuel de classification des troubles mentaux américain : American Psychiatric Assocation - 2013 (DSM-5) [2] et par la classification internationale des maladies : Organisation Mondiale de la Santé - 1992 (CIM-10).

La dépendance tabagique se caractérise par la fréquence des rechutes. Le symptôme le plus spécifique du sevrage du tabac est le « craving » [3]. Il se définit par l'envie irrésistible, le désir compulsif, urgent et impérieux de fumer. Ce critère est repris depuis 2013 parmi les symptômes du sevrage du DSM-5.

La quasi-totalité (96 %) des fumeurs de tabac estiment que le « craving » a contribué à la reprise de la consommation (76 % en cas de consommation de Tetra Hydro Cannabinol) [4].

Il s'agit de la première raison de reprise du tabac citée par 45 % des fumeurs de la FOCUS study devant le stress et l'anxiété [5].

5

Il paraît donc primordial en tabacologie d'évaluer le « craving ». Cette mesure s'effectue avec des échelles spécifiques : [3, 6]

- QSU (Questionnaire of Smoking Urge) 32 questions

- FTCQ (French version of the Tobacco Craving Questionnaire) 47 questions - FTCQ-12 (French version of the Tobacco Craving Questionnaire - 12 items)

- SUTS (Strengt of Urges to Smoke) en 1 question

Le FTCQ et le FTCQ-12 sont des échelles validées en français par Berlin et al. en 2005

et 2010 [7]. Elles explorent quatre dimensions :

- l'émotion : fumer pour anticiper le soulagement du syndrome du sevrage

ou des aspects négatifs,

- l'attente : fumer pour anticiper, les effets positifs du tabac,

- la compulsion : perte de contrôle de la consommation,

- l'anticipation : envisager de fumer pour avoir des effets positifs.

Six questions du FTCQ-12 (facteurs « attente » et « anticipation ») permettent de prédire la probabilité de fumer chez les fumeurs y compris les femmes enceintes [8]. Plus le « craving » est important en intensité et en fréquence, plus la probabilité de réussir le sevrage à long terme est faible [9,10].

Lagrue et al. ont montré que les troubles du sommeil peuvent rendre le sevrage tabagique plus difficile et favoriser les rechutes. Chez le fumeur très dépendant de la nicotine, certains symptômes tels que les réveils nocturnes pour fumer et l'asthénie au réveil pourraient correspondre à des manifestations d'hypoglycémie [11].

Parmi d'autres symptômes du sevrage, on retrouve la faim, l'irritabilité, et les difficultés de concentration [12]. Ces symptômes sont aussi communs à ceux d'une hypoglycémie.

6

La nicotine élève rapidement la glycémie car elle stimule les récepteurs cholinergiques nicotiniques des neurones post-ganglionnaires sympathiques des ganglions de la chaîne sympathique. Les fibres postganglionnaires des nerfs glucosécréteurs libèrent la nor-adrénaline au contact des hépatocytes, qui produisent très rapidement du glucose à partir du glycogène [13].

Au cours de la nuit et au petit matin, la privation de nicotine entraîne une diminution de la glycémie. Pendant la journée, une élévation prolongée de la glycémie sous l'effet de la nicotine pourrait expliquer que l'hémoglobine glyquée soit plus élevée chez les fumeurs alors que leur glycémie à jeun est plus basse. Par ailleurs, les fumeurs dont la glycémie à jeun est plus basse arrêtent plus difficilement de fumer [13].

De nombreux travaux démontrent une résistance à l'insuline chez le fumeur. L'insulinémie de base ainsi que le peptide C sont plus élevés, la réponse insulinique à la charge orale en glucose est plus forte [14, 15, 16, 17].

Pendant la grossesse, l'insulinémie et l'insulinosensibilité augmentent. Les glycémies baissent surtout la nuit et au réveil. On note aussi une discrète insulinorésistance au 3ème trimestre favorisée par les hormones placentaires (hormone lactogène placentaire [HLP] et progestérone) et l'augmentation des hormones maternelles de contre-régulation glycémique (cortisol, leptine, hormone de croissance). On observe une diminution de la tolérance au glucose au cours de la grossesse normale [18]

Dans une publication d'avril 2016 du Journal of Substance Abuse Treatment, Berlin et coll. montrent que les symptômes du sevrage sont davantage marqués pendant la grossesse [19].

La cigarette est souvent décrite comme un « coupe-faim » et la prise de poids est une réalité à l'arrêt du tabac. Il s'agit d'ailleurs d'un motif de consultation auprès d'un diététicien. Pourtant, il n'existe pas de recommandation diététique spécifique à la prise en charge du fumeur en période de sevrage. Les règles hygiéno-diététiques du Programme National Nutrition Santé [20] applicables à la population générale sont reprises pour ces malades chroniques du tabac.

7

L'objectif de ce travail est d'étudier chez les fumeurs non diabétiques, s'il existe un lien entre l'intensité du « craving » et la glycémie. Ce lien n'ayant pas encore été traité à ce jour.

8

II. MATERIEL et METHODES

? Le type d'étude

Étude prospective qui s'est déroulée sur le mois de mars 2016.

? La population

Adultes fumeurs de tabac travaillant au sein d'une structure médicalisée.

? Les critères d'exclusion

Les diabétiques et les femmes enceintes ont été exclus de l'étude en raison de leur glycorégulation différente du reste de la population.

? Le choix et le lieu de l'étude

L'étude s'est déroulée principalement au sein du Centre médical « La Durance » de Tallard (Hautes Alpes). Ce centre médical compte environ 150 salariés. Quelques données ont été récupérées dans un centre de soins de suite et de réadaptation voisin ainsi que grâce à des connaissances personnelles.

Le choix d'une institution médicalisée a été retenu afin de faciliter l'accès et la manipulation d'un lecteur de glycémie capillaire.

? Le mode de recrutement

Un premier E-mail a été adressé à l'ensemble des salariés par messagerie interne expliquant que je recherchais plusieurs fumeurs volontaires pour réaliser une étude sur la glycémie et le « craving » tabagique.

Ces fumeurs devaient être volontaires pour réaliser une glycémie capillaire et répondre au questionnaire plusieurs fois dans le mois et à différents moments de la journée. Un nombre de mesures par jour et par mois devait être définit à l'avance.

9

Ce message n'ayant pas suscité l'intérêt souhaité, dû principalement à la réticence à réaliser plusieurs glycémies capillaires dans le mois, je proposais dans un second Email de laisser des questionnaires anonymes à disposition dans les infirmeries. Le fumeur volontaire pouvait choisir de réaliser qu'une seule fois l'évaluation. Cela limitait l'engagement des participants et devait optimiser le retour de questionnaires.

? Le choix du questionnaire

La version courte du French Tobacco Craving Questionnaire (FTCQ-12) [Annexe 1] a été choisie. Cette échelle spécifique d'évaluation du « craving » est validée en français ; elle permet de prédire le risque de fumer. La cohérence interne est faible à bonne (coefficient alpha de Cronbach : 0.44 à 0.98).

Ce questionnaire est composé de 12 affirmations. Le fumeur devait noter sur une échelle de 1 « pas du tout d'accord » à 7 « tout à fait d'accord » à quel point il était en accord ou en désaccord avec chacune des affirmations.

Les résultats du questionnaire pouvaient se situer entre 12 et 84 points. Plus le résultat était élevé, plus le « craving » était important en intensité.

? La mise en oeuvre

Le questionnaire a été mis à disposition dans les infirmeries. Il était auto-administré. Les mesures ont été réalisées sur le lieu de travail, lors des moments de pause plus ou moins imposés.

Chaque participant devait au moment de le remplir, réaliser une glycémie capillaire à l'aide d'un lecteur de glycémie. La glycémie était ensuite reportée sur le questionnaire. Les participants étaient encouragés à réaliser ces deux mesures à des moments différents de la journée.

Le questionnaire a aussi été saisi via Google Form®, un lien Internet était disponible pour remplir le questionnaire en ligne.

10

? La méthode d'analyse

Les questionnaires ont été saisis et analysés par Google Form® puis, les données ont été transférées dans un fichier Excel®.

En fonction de la rédaction des questions, les scores ont été calculés afin que les plus élevés correspondent au « craving » le plus intense.

Le coefficient de corrélation Bravais Pearson a été calculé afin de détecter la présence ou l'absence d'une relation linéaire entre l'intensité du « craving » et la glycémie.

Les moyennes des glycémies ont été calculées dans les sous-groupes d'intensité du « craving » préalablement définis.

11

III. RESULTATS

94 questionnaires ont été colligés.

? État des lieux des données collectées sur la glycémie

Tableau de répartition des glycémies en fonction du nombre de données

Glycémies

Nombre de données

inférieures à 0,8 g/l

8

de 0,8 g/l à 1 g/l

43

de 1 g/l à 1.20 g/l

31

supérieures à 1,20 g/l

12

Les glycémies relevées se situaient entre 0.65 g/l et 1.68 g/l. La glycémie moyenne était de 1.02 g/l.

inf. à 0,8g g/l de 0,81g/l à 1g de 1g à1,19g sup à 1,20g/l

Graphique de répartition des glycémies

46%

33%

13%

8%

79 % des données collectées concernaient des glycémies situées entre 0.80 g/l et 1.20 g/l dont 46 % étaient situées entre 0.80 g/l et 1 g/l.

12

? Résultats du FTCQ-12

- Résultats concernant le score total

Les résultats du FTCQ-12 se situaient entre « 15 » et « 67 ». La moyenne était de

« 46 ».

Un score inférieur à « 36 » était considéré comme un «craving » de « faible intensité », un score situé entre « 36 » et « 60 » était considéré comme un « craving » de « moyenne intensité » et un score supérieur à « 60 » était considéré comme un « craving » de « forte intensité ».

Tableau de répartition des glycémies en fonction du score total au FTCQ-12

Score FTCQ-12

Glycémie
moyenne
(g/l)

Nombre de
données

Inférieur à 36 « craving faible »

1,06

13

Situé entre 36 et 60 « craving moyen »

1,02

72

Supérieur à 60 « craving fort »

0,94

9

Les glycémies étaient les plus basses lorsque le « craving » était de « forte intensité ». Elles étaient supérieures de 12 mg dans le groupe de données où le « craving » était de « faible intensité ».

Le coefficient de corrélation entre la glycémie et le score au FTCQ-12 était de - 0.26 [Annexe 2].

Il est généralement admis que sur le plan statistique, le calcul de valeur p n'est pas utile pour des valeurs de corrélation inférieures à 0.5 et des petits échantillons.

Graphique de répartition des glycémies en fonction du score obtenu au FTCQ-12

Glycémies en g/l

 

1,10

 

1.08

 

1,05

 
 
 

1.02

 
 

1,00

 
 

0.94

0,95

 
 
 
 
 
 

0,90

 
 
 
 

0,85

Inférieur à 36 "craving Situé entre 36 et 60 Supérieur à 60 "craving

faible" "craving moyen" fort"

Score total au FTCQ-12

- Résultats concernant le facteur « attente »

Les résultats obtenus au facteur « attente » se situaient entre « 3 » et « 21 ».

21 questionnaires obtenaient un score de « 21 » (soit l'intensité maximale). La glycémie dans ce groupe de données était de 0.93 g/l alors qu'elle était de 1.04 g/l pour les autres.

Graphique de répartition des glycémies en
fonction du score obtenu au facteur "attente"

1,05

1

Glycémies en g/l

0,95

0,9

1,04

0,93

0,85

13

21 "intensité maximale" Inférieur à 21

Score au facteur "attente"

14

- Résultats concernant le facteur « anticipation »

Les résultats obtenus au facteur « anticipation » se situaient entre « 3 » et « 14 ».

Un score inférieur à « 6 » était considéré comme de « faible intensité ». La glycémie dans ce groupe de données était de 1.10 g/l.

Sept données ont concernées un score « d'intensité maximale » à « 14 », la glycémie était diminuée de 17 mg dans ce groupe.

1,10

Graphique de répartition des glycémies en fonction du score au facteur "anticipation"

1,15

1.10

Glycémie en g/l

1,05

1,00

0,95

0,90

0,85

0,80

0,93

inférieur à 6 "faible intensité" 14 "intensité maximale"

Score au facteur "anticipation"

15

- Résultats concernant les facteurs « attente » et « anticipation ».

Pour rappel : Les questions relatives aux facteurs « anticipation » et « attente » permettent de prédire la probalité de fumer [6].

Les résultats obtenus à ces questions se situaient entre « 6 » et « 35 ».

Un résultat supérieur à « 30 » était considéré comme de « très forte intensité ». La glycémie relevée dans ce groupe de données était de 0.92 g/l.

Les données ont été classées par ordre croissant des scores obtenus puis, scindées en trois groupes : (deux groupes de 31 données et un groupe de 32 données). Le premier groupe était celui qui obtenait les scores d'intensité « les plus faibles », le second était le groupe des données « intermédiaires » et le troisième groupe représentait les scores d'intensité « les plus élevés ».

Graphique de répartition des glycémies par groupes d'intensité du "craving"

 

1,08

1,06

1,06

 
 

1,03

1,04

 
 
 
 
 

1,02

1

 
 
 
 
 
 
 

0,98

 
 

0,96

0,96

 
 
 
 
 

0,94

 
 
 
 

0,92

 
 
 
 

0,9

intensité " les plus faibles " intensité "intermédiaires" intensité "les plus élevées"

Groupes d'intensité du "craving"

Glycémie en g/l

La glycémie était la plus basse dans le groupe de données ou l'intensité du « craving » était « la plus élevée », elle augmentait dans le groupe intermédiaire puis, se montrait la plus élevée dans le groupe ou l'intensité était « la plus faible ».

16

IV. DISCUSSION

A

travers ce travail, j'ai essayé d'étudier le lien entre la glycémie et le « craving » tabagique. Le nombre de données et les limites identifiées ne permettent pas de tirer des conclusions, mais, les résultats soulèvent tout de même une réelle interrogation.

En fumant, le sujet dépendant se « recharge » en nicotine et augmente aussi sa glycémie. Il est ainsi tentant de soulever l'hypothèse selon laquelle certains fumeurs essayent de corriger leur glycémie en allumant de nouveau une cigarette.

En sa faveur, plaide la constatation de signes d'hypoglycémie lors du sevrage. Et, malgré l'absence de corrélation linéaire statistique significative, des liens peuvent être recherchés entre les deux variables à l'intérieur de certains groupes ou dans certaines situations. Par exemple, les sous-groupes de sujets en «craving » intense.

Les résultats du travail présenté ici mettent en avant que la glycémie apparaît plus basse lorsque le score au FTCQ-12 est élevé. Cela se confirme lorsque que l'on étudie les facteurs « attente » et « anticipation » du FTCQ-12. La glycémie se situe en dessous de 1 g lorsque l'intensité du « craving » est jugée « forte » ou « intense ».

Les signes d'hypoglycémie chez un diabétique peuvent apparaître à des seuils de glycémie très différents d'un individu à l'autre. Un patient peut voir apparaître des symptômes d'hypoglycémie lorsque sa glycémie est à 0.80 g/l alors qu'un autre individu les ressentira pour une glycémie à 0.60 g/l. Pourrait-on alors imaginer qu'il existe des seuils de glycémie chez les fumeurs qui favoriseraient le « craving » ?

Le Professeur Robert Molimard mettait en avant dans une étude multicentrique à double insu d'un timbre à la nicotine, que les fumeurs dont la glycémie à jeun était basse s'arrêtaient de fumer plus difficilement [13]. Il s'interrogeait d'ailleurs sur le fait de tenter d'élever leur glycémie pour faciliter le sevrage.

17

Les résultats présentés ici montrent que l'envie de fumer est « moins intense » lorsque la glycémie est supérieure à 1 g/l. Une alimentation fractionnée en trois repas principaux et deux à trois collations ainsi qu'un jeûne nocturne réduit est une piste à développer.

Chaque prise alimentaire devrait avoir un index glycémique bas. Augmenter par exemple sa consommation de légumineuses, privilégier les céréales complètes que l'on cuirait al dente, ajouter des matières grasses ... Le rôle du diététicien dans l'apprentissage et l'accompagnement du sevrage du tabac semble évident.

Par ailleurs, le chocolat noir, dont l'index glycémique est bas, a montré son intérêt pour réguler la glycémie chez le diabétique. Alors, pourquoi pas chez le fumeur ?

Les signes de « craving » les plus intenses apparaissent les 15 premiers jours d'abstinence. Il aurait été intéressant de réaliser ce travail durant cette période. De plus, le FTCQ-12 s'avère être un outil de très bonne mesure la première semaine qui suit l'arrêt [5].

18

V. CONCLUSION

I

l n'existait aucune étude portant sur une évaluation du « craving » et la glycémie. Cette étude a permis d'observer que la glycémie pouvait avoir un lien avec les
mécanismes du « craving ».

Même si la stratégie de recrutement constituait une limite à l'étude puisque les fumeurs volontaires n'étaient pas identifiés et certains ont réalisé plusieurs fois les mesures alors que d'autres ne l'ont fait qu'une seule fois, on a observé que dans chaque sous-groupe étudié, la glycémie apparaissait plus basse lorsque le « craving » avait une intensité plus importante.

Il aurait aussi été intéressant d'ajouter les paramètres susceptibles de faire varier la glycémie (l'indice de masse corporelle, l'heure et la composition de la dernière prise alimentaire et l'heure de la dernière cigarette) et de réaliser ces mesures à des moments différents de la journée ou dans certaines conditions. Par exemple, le matin à jeun ou lors d'un pic de « craving ».

Chez les sujets dépendants, le « craving » peut persister pendant des années ou être réactivé, et constitue un facteur de risque de rechute. Une meilleure connaissance de ce dernier constitue un défi majeur pour la prise en charge des fumeurs.

Les pulsions alimentaires caractéristiques chez les fumeurs néo-abstinents sont en partie responsables de la prise de poids qui suit l'arrêt du tabac. Cette prise de poids est un réel frein, surtout chez les femmes, pour cesser leur consommation.

Au moment du sevrage tabagique, il est primordial de réfléchir à des prises en charges diététiques adaptées. Une alimentation fractionnée permettant de maintenir une glycémie plus élevée devrait être envisagée pour une population de fumeurs fortement dépendante. Il serait d'ailleurs intéressant de mesurer l'intensité du « craving » pour cette même population qui s'adonnerait à ces règles hygiéno-diététiques.

19

Les diététiciens ont un véritable rôle, ils sont formés à accompagner les patients vers un équilibre alimentaire en jonglant avec leurs habitudes de vie, leurs goûts, leurs peurs et leurs contraintes. Il est évident qu'ils doivent aussi se former à la tabacologie.

Les approches médicamenteuses et non médicamenteuses se développent timidement pour lutter contre les mécanismes complexes du « craving » tabagique. L'intérêt de l'activité physique à récemment fait ses preuves. La recherche doit se poursuivre, et des études sur le lien avec la glycémie doivent être envisagées.

20

ANNEXE 1

Etude sur la glycémie et l'envie de fumer

Indiquez à quel point vous êtes en accord ou en désaccord avec chacune des 12 affirmations en entourant un chiffre situé entre 1 (Pas du tout d'accord) et 7 (Tout à fait d'accord). Indiquez ensuite votre glycémie.

Pas du tout d'accord -> Tout à fait d'accord

1 - Une cigarette maintenant n'aurait pas un bon goût.

1/2/3/4/5/6/7

2 - S'il y avait une cigarette ici, devant moi, il serait très difficile de ne pas la fumer.

1/2/3/4/5/6/7

3 - Si je fumais maintenant, je pourrais réfléchir plus clairement.

1/2/3/4/5/6/7

4 - Fumer une cigarette ne serait pas agréable.

1/2/3/4/5/6/7

5 - Je ferais n'importe quoi pour une cigarette là maintenant.

1/2/3/4/5/6/7

6 - Je me sentirais moins fatigué(e) si je fumais là, tout de suite.

1/2/3/4/5/6/7

7 - Je fumerais dès que j'en aurai l'occasion.

1/2/3/4/5/6/7

8 - Je ne serais pas capable de contrôler combien je fumerais si j'avais des cigarettes.

1/2/3/4/5/6/7

9 - Si j'avais une cigarette allumée en main, je ne la fumerais probablement pas.

1/2/3/4/5/6/7

10 - Si je fumais, je me sentirais moins déprimé(e).

1/2/3/4/5/6/7

11 - Il me serait difficile de laisser passer l'occasion de fumer.

1/2/3/4/5/6/7

12 - Je pourrais mieux maitriser les choses si je pouvais fumer maintenant.

1/2/3/4/5/6/7

A - Quelle est votre glycémie ?

Merci pour votre participation, n'hésitez pas à refaire ce test à un autre moment !

21

ANNEXE 2

BIBLIOGRAPHIE

[1] HAS. Argumentaire scientifique : Arrêt de la consommation de tabac. 2013 Octobre : 8

[2] www.dsm.org

[3] Underner M, Le Houezec J, Perriot J, Peiffer G. Les Tests d'évaluation de la dépendance tabagique. Rev Mal Respir 2012 ; 29(4) : 462-74.

[4] Budney AJ, Vandrey RG, Hughes JR, Thostenson JD, Bursac Z. Comparison of cannabis and tobacco withdrawal: severity and contribution to relapse.J Subst Abuse Treat. 2008 Dec;35(4):362-8

[5]Stoebner-Delbarre A, Huteau ME, Berlin I. Envie de fumer Comment la mesurer ? Quel est son potentiel prédictif de l'arrêt ? . 9ème congrès national Société Française de Tabacologie. 2015 Nov.

[6] Guillin O, Krebs M O, Bourdel M C, Olie J P, Loo H, Poirier M F. Validation de la traduction française et de la structure factorielledu Questionnaire sur l'urgence à fumer de Tiffany et Drobes (QSU) L'Encéphale 2000; 26: 27-31

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[9] Berlin I, Singleton EG, Heishman SJ. Cross validation of the prognostic and diagnostic utility of tobacco craving in a general and a pregnant sample of treatment-seeking smokers.Drug Alcohol Depend. 2015 Sep 1;154:174-83.

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[11] Underner M, Paquereau J, Meurice JC. Tabagisme et troubles du sommeil. Revue des maladies respiratoires, 2006 -Volume 23, Issue 3, Supplement 1, June 2006, Pages 67-77

[12] HAS. Argumentaire scientifique : Arrêt de la consommation de tabac. 2013 Octobre : 10

22

[13] Molimard R. Glucose et dépendance tabagique. Alcoologie 1996 ; 18 : 171-4.

[14]

23

Gourdi P, .Le tabac un facteur de risque...de diabète. Correspondance en Métabolisme Hormones Diabète et Nutrition. 2009 Avril ; 8(2) :65-68

[15] Magis D, Geronooz I, Scheen AJ, .Tabagisme, insulinorésistance et diabète de type 2. Rev Med Liege 2002; 57 : 9 : 575-581

[16] Clair C, Berlin I, Cornuz J .Tabagisme, obésité et diabète : une interaction cliniquement importante. Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 2338-42

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo