WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Lutte contre le grand banditisme au Burkina Faso: bilan et perspectives.

( Télécharger le fichier original )
par Marcel KAFANDO
Ecole Nationale de Police - Commissaire de police 2015
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

MINISTERE DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE BURKINA FASO

DE LA DECENTRALISATION ET DE LA SECURITE Unité-Progrès-Justice

SECRETARIAT GENERAL

DIRECTION GENERALE DES ECOLES DE POLICE

DIRECTION DE L'ECOLE NATIONALE DE POLICE

La répression du grand banditisme au Burkina Faso : bilan et perspectives

Présenté et soutenu publiquement le 12 mai 2015 par
Marcel KAFANDO
Pour l'obtention du Diplôme de Commissaire de Police
Mention : très bien

Jury :

Blaise BAZIE, procureur du Faso (Fada N'gourma); président de jury

Bibata NEBIE/OURDRAOGO, magistrat ; Directrice de mémoire

Simon SOUBEIGA, Directeur des Unités d'Interventions ; membre

Elvis OUATARA, DRPN-Centre-Nord ; membre

2013-2015

A

Mes parents

KAFANDO T. Ambroise et

NACOULMA P. Pauline

Et

A Mes amis

TIEMTORE Mahamadi,

OUEDRAOGO Pierre et

BIRBA Salmon,

Dont je suis pour toute ma vie l'ami fidèle !

II

III

REMERCIEMENTS

J'exprime ma profonde gratitude :

V' Au personnel de l'ENP pour son dévouement et son abnégation au

travail pour nous donner une formation professionnelle de qualité ; V' A ma Directrice de mémoire pour l'accompagnement tout au long

de cette rédaction ;

V' A mes camarades de classe pour la chaleur humaine que nous avons partagée durant ces deux années de formation ;

V' A monsieur KAFANDO Adama, magistrat au Ministère de la Justice, pour l'encadrement technique et les conseils prodigués dans la réalisation du présent travail ;

V' Au procureur du Faso, monsieur Désiré SAWADOGO dont la rencontre a été très déterminante dans la réalisation de ce document ;

V' A mes frères et soeurs KAFANDO Pascaline, KAFANDO

Bernadette et KAFANDO Paul, pour leurs soutiens moral et financier au cours de ma formation ;

V' A la grande famille du Centre International d'Evangélisation et à Maman Suzane de Saria pour leurs enseignements qui m'ont permis de vaincre de nombreuses adversités de la vie afin d'atteindre ce niveau aujourd'hui ;

V' A mon ami et frère SOMA Ismaël qui m'a guidé dans le choix de cette carrière ;

V' A mes amies Flore COMPAORE et Cécile KOUDA pour leurs
assistances, leurs soutiens divers tout au long de ma formation;

V' A la famille ZOUNGRANA pour son soutien moral et multidimensionnel m'ayant permis d'atteindre cet objectif ;

V' A Lucien BATCHO, Corinne W. OUEDRAOGO, Alexis NAGALO, Osée OUEDRAOGO et tous ceux qui m'ont accompagné dans la rédaction de ce document ;

V' A tous mes amis dont les noms n'ont pu être cités, ceux qui m'ont tendu la perche quand je touchais le fond.

Puissent-ils trouver dans la présente page l'expression de ma profonde gratitude !

IV

Sigles, abréviations et acronymes

§ : Paragraphe

AG-ONU : Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies

AK47 : Automate de Kalachnikov, 1947

ALPC : Armes Légères de Protection Civile

AN : Assemblée Nationale

Art : Article

BAC : Brigade Anti criminalité

BF : Burkina Faso

BNSP : Brigade Nationale des Sapeurs-pompiers

CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

CEDEAO : Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CLS : Comité Local de Sécurité

CMAS : Compagnie Militaire d'Appui à la Sécurité

CP : Code Pénal

CPP : code de procédure pénale

CRS : Compagnie Républicaine de Sécurité

DIDH : Droit International des Droits de l'Homme

Dir : Direction

DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

ENP : Ecole Nationale de Police

FAN : Forces Armées Nationales

GAV : Garde à vue

GN : Gendarmerie Nationale

GSP : Garde de Sécurité Pénitentiaire

H : Hypothèse

ILS : Initiative Locale de Sécurité

: plus bas

Infra

LRAC : Lance-roquette Anti Char

Op.cit. : Opere Citato (déjà cité)

OPJ : Officier de Police Judiciaire

P (p) : page

PG : Procureur Général

PIDCP : Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

PIDESC : Pacte International relatif aux Droits Economiques Sociaux et Culturels

PJ : Police Judiciaire

PN : Police Nationale

RSP : Régiment de Sécurité Présidentielle

Supra : plus haut

TDH : Terre Des Hommes

UA : Union Africaine

UIP-PN : Unité d'Intervention Polyvalente de la Police Nationale

V

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

PARTIE I : BILAN DE LA LUTTE CONTRE LE GRAND BANDITISME AU BURKINA

FASO : DE 2009 A NOS JOURS 4

CHAPITRE I : Bilan de la lutte contre le grand banditisme au plan de la prévention 5

Section I : Bilan normatif de la lutte contre le grand banditisme 5

Section II : Bilan de la prévention au plan institutionnel 12

CHAPITRE II : Bilan de la répression du grand banditisme au Burkina Faso. 20

Section I : Le rôle des acteurs judiciaires dans la répression du grand banditisme 20

Section II : L'impact de la répression sur le grand banditisme. 28

PARTIE II : ANALYSE ET PERSPECTIVES DU SYSTEME DE REPRESSION DU

GRAND BANDITISME 35

CHAPITRE I : Evaluation du système de répression du grand banditisme 36

Section I : Les forces de la politique de répression du grand banditisme 36

Section II : Les faiblesses de la politique de répression du grand banditisme 43

CHAPITRE II : Perspectives pour une meilleure répression du grand banditisme 50

Section I : Suggestions pour un renforcement du système de répression actuel 50

Section II : Pour une innovation dans l'approche du phénomène de grand banditisme 57

CONCLUSION 66

Bibliographie 68

TABLE DES MATIERES 70

1

INTRODUCTION

Six Décembre 2010. Monsieur Dénis quitte la capitale. Il venait de rendre visite à ses enfants restés dans la cour familiale pour des raisons d'étude. Il rejoint sa femme au centre-sud à deux centaines de kilomètres. Il est 5 heures du soir quand le car démarra. A bord, une soixantaine de passagers composés essentiellement de commerçants en partance pour le Ghana.

Après deux heures de route, aux environs de 08 heures du soir, et à l'entrée du parc d'Arly, alors que Dénis et bien d'autres passagers se laissaient aller à l'assoupissement, ils furent violemment extirpés de leurs torpeurs par des tirs de sommation d'un gang lourdement armé qui essayait de stopper le convoi. Le chauffeur ayant pris conscience du danger se mit à faire marche-arrière en toute vitesse. Mais sitôt, une balle le faucha mortellement avant de frôler l'oreille de Dénis alors plaqué contre la paroi du véhicule. Perforé au côté droit, gisant dans le sang et gémissant jusqu'à l'aube, le chauffeur rendit l'âme après une lente agonie. Dénis fut témoin de cette mort effroyable et des coups portés à tous les passagers, desquels les fortunes furent littéralement confisquées jusqu'aux centimes. L'opération dura jusqu'au matin sans aucune intervention.1

Ce fait loin d'être isolé et propre au Burkina Faso est omniprésent dans toutes les sociétés du monde entier. Sous diverses qualifications, la criminalité reste un défi majeur de la communauté internationale. Elle représente aujourd'hui la menace non militaire la plus importante contre la sécurité et la stabilité économique nationale et internationale. Difficile à chiffrer, le produit global de la criminalité organisée serait de l'ordre de mille milliards d'euros annuels2. De nombreux instruments juridiques et de plans de coopérations ont été adoptés à l'échelle internationale pour, sinon conjurer le phénomène, au moins, le contenir dans des proportions acceptables. En effet, s'il faut convenir avec Emile DURKHEIM que « le crime est un phénomène normal de société »3, il faut admettre néanmoins que toute société humaine, quelle qu'elle soit, a intérêt à maîtriser sa criminalité et à la contenir dans des limites acceptables. Nulle communauté humaine ne peut prospérer dans la délinquance. C'est pourquoi une

1 Enquêtes personnelles : Témoignage de Dénis, pasteur installé au centre-sud.

2 La France et la lutte contre la criminalité organisée : criminalité organisée-France-diplomatie-Ministère des affaires étrangères et du développement international/ Mai 2013.

3 Émile Durkheim, «Le crime, phénomène normal» (1894). [Source: Les règles de la méthode sociologique (1894), Paris, P.U.F., 14e édition, 1960, pp. 65-72].

2

politique criminelle adaptée à la criminalité du moment est une nécessité constante dans tout type de société.

Au Burkina Faso, un aspect particulier de criminalité organisée sous le vocable d' « acte de grand banditisme » mine notre économie, perturbe la quiétude de nos populations et hypothèque l'avenir de notre nation. Il est en passe de devenir l'enjeu majeur des politiques de sécurité. C'est dans cette perspective, et conscient de l'impact du phénomène sur les fortes aspirations du peuple à la sécurité sociale et à la prospérité économique que les tenants du pouvoir décisionnel ont pris à bras-le-corps la question et l'ont posé sur la table des priorités. Ainsi, il a été mis en place depuis peu une politique de répression qui se veut sévère, pour répondre aux exigences de sécurité du moment. Elle a consisté d'une part à l'adoption d'une loi créant une infraction nouvelle4 avec une procédure pénale particulière :la loi 017/AN du 05 Mai 2009 portant répression du grand banditisme qui constitue le texte de base de la répression ; d'autre part, au renforcement des moyens d'action dans les rangs des organes chargés de la prévention et de la répression, au redéploiement du personnel des officiers de police judiciaire, à la constitution de nouvelles unités d'intervention rapides telles que la Brigade Anti Criminalité (B.A.C.) et l'Unité Intervention Polyvalente de la Police Nationale (U.I.P.-PN). Au sein des forces armées nationales, d'autres unités telles que les unités mobiles de la gendarmerie nationale ont été créées pour contribuer à la lutte contre le grand banditisme. Mais en dépit de ce dispositif, l'insécurité demeure une préoccupation. Et ce constat appelle les interrogations suivantes :

La politique de répression actuelle en matière de grand banditisme répond-t-elle aux attentes de la population en matière de sécurité ? Il s'agit ici de juger de l'efficacité du système de répression mis en place et de juger de la nature des moyens employés dans la lutte contre le grand banditisme. Cette question principale soulève d'autres inquiétudes: les droits de la personne sont-ils suffisamment protégés dans la politique de répression ? Quelles perspectives sont envisageables en vue de concilier au mieux les besoins de sécurité des peuples et les libertés fondamentales des individus5? Quelles sont les correctifs qui pourraient réaliser le meilleur équilibre entre les nécessités de la répression et la protection des libertés individuelles? Autant de questions à examiner dans la présente réflexion.

4 L'avis des spécialistes et praticiens du droit est mitigé là-dessus. D'aucuns pensent qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle incrimination et d'autres pensent que c'est le cas en se référant à l'article 3 du texte de loi.

5 Nous ferons fi des éventuelles nuances qui pourraient exister entre « droits de l'Homme », « droits humains» « libertés individuelles » et « libertés fondamentales », pour les considérer comme étant rigoureusement identiques. Nous les emploierons indifféremment pour désigner « les prérogatives inhérentes à tout être humain » de sexe féminin ou masculin.

3

Mesure-t-on suffisamment l'importance d'une telle réflexion ? Le bilan donne une idée précise du niveau réel de criminalité relative aux actes de grand banditisme et permettra non seulement de juger de l'opportunité de redéployer les stratégies et les moyens d'interventions, mais aussi de rectifier certaines actions au regard de l'évolution du droit. La lutte contre le grand banditisme remonte bien loin dans le temps. Mais la présente réflexion porte sur la criminalité bien définie par la loi 017/AN du 05 Mai 2009 portant répression du grand banditisme. Elle se limite au bilan de la lutte engagée sous cette loi. Néanmoins, la répression du grand banditisme se faisant dans le cadre d'une procédure soucieuse des libertés individuelles, il sera fait un état des lieux en matière de respect de ces libertés.

La présente étude se subdivise en deux parties essentielles.

La première présente le bilan de la lutte contre le grand banditisme et se décline en deux chapitres dont le premier aborde le cadre juridique de la lutte tandis que le deuxième traite de l'organisation de la répression.

La deuxième partie qui se veut concrète comporte aussi deux chapitres dont le premier fait une évaluation du système de répression et le second fait des suggestions pour une répression plus efficace.

4

PARTIE I : BILAN DE LA LUTTE CONTRE LE GRAND BANDITISME AU BURKINA FASO : DE 2009 A NOS JOURS

Le problème de la criminalité vient de loin. Depuis son accession à l'indépendance, le Burkina Faso a été très vite confronté, à l'instar des autres pays démocratiques, à des problèmes de sécurité de type moderne. Outre les défis de développement et de construction démocratique, il doit faire face à de nouvelles formes de criminalité. Aussi, s'est-il très vite doté d'instruments juridiques et d'institutions de type démocratique pour lutter contre ce fléau. Mais en dépit des efforts inlassables des politiques sur la question, la sécurité est demeurée une préoccupation de premier plan pour nos populations. En effet, les atteintes à la propriété par voie de violence sont devenues monnaie courante dans les cités et les campagnes. En particulier, les attaques à mains armées font la une des journaux et leurs impacts socio-économiques ne sont plus à peindre. Longtemps réprimées sous la qualification de vols aggravés, les attaques à mains armées connurent un tel essor qu'il obligea les décideurs politiques à adopter une loi hautement répressive pour, sinon anéantir le fléau, du moins le contenir dans des proportions acceptables. Bien accueillie par les acteurs de la lutte et une bonne marge de la population, cette politique de répression est depuis lors en procès dans les instances des défenseurs des droits de l'Homme. Aujourd'hui, à l'aune de cette politique et des critiques dont elle fait l'objet, quel bilan peut-on faire de la lutte contre le grand banditisme ? La réponse à cette question se formule autour des deux axes principaux de la lutte que sont la prévention et la répression.

5

CHAPITRE I : BILAN DE LA LUTTE CONTRE LE GRAND BANDITISME AU PLAN DE LA PREVENTION.

Si la criminalité est un phénomène congénital à la société, les tentatives politiques pour la conjurer ne datent pas non plus de maintenant. La lutte contre la criminalité a de tout temps été le souci permanant des politiques qui ne peuvent gagner la confiance de leurs peuples qu'en leur garantissant la sécurité. Les autorités burkinabè n'ignorent pas cette vérité. C'est pourquoi, des initiatives sont constamment prises pour contenir la criminalité. Aussi, loin de se limiter à poursuivre la répression des auteurs d'infractions, beaucoup d'actions ont été posées visant à prévenir l'insécurité. La prévention est l'ensemble des mesures politiques et sociales prises pour parer au crime. Il s'agit d'actions législatives et institutionnelles qui visent à empêcher la réalisation de l'infraction en s'attaquant aux causes et aux facteurs de la criminalité. Au Burkina Faso, l'exécution des mesures préventives mobilise de nombreux corps constitués (section 2) ; mais elle se fonde avant tout sur la connaissance des textes qui l'organisent (section 1).

Section I : Bilan normatif de la lutte contre le grand banditisme

De nombreux instruments juridiques organisent la lutte contre la criminalité au Burkina Faso. Ils sont le résultat d'une longue tradition juridique héritée de la colonisation et enrichie, au cours de la période postindépendance de pratiques de souveraineté de l'Etat. Ces instruments dictent les grandes lignes de la politique de l'Etat en matière de sécurité. Il s'agira donc dans cette rubrique de faire le bilan des conventions internationales adoptées par le Burkina Faso dans le domaine de la sécurité (§1) et l'ensemble de la législation interne applicable au grand banditisme (§2).

Paragraphe I : L'encadrement juridique de sources

supranationales

La problématique de la lutte contre l'insécurité est celle de la dualité apparente entre la nécessité de construire une société de paix et de quiétude et celle d'assurer à l'individu la protection des droits inaliénables à tout être humain6. C'est pourquoi les engagements internationaux auxquels

6 « Nous nous heurtons donc à une contradiction: la sécurité de la personne est une valeur sociale absolue, et la garantie de cette sécurité exige l'élimination de la criminalité. Les droits de l'Homme reposent sur le concept de sécurité de la personne, mais les mesures prises pour combattre la criminalité peuvent menacer les droits de l'Homme »La grande criminalité et les exigences du respect des droits de l'Homme dans les démocraties

6

a souscrit le Burkina Faso comportent cette dichotomie juridique de répression de la criminalité (A) et de protection de libertés individuelles (B).

A. Les instruments juridiques internationaux de lutte contre la criminalité Ces instruments juridiques sont très nombreux et variés. Mais ils peuvent être rangés en deux catégories : d'une part, les textes internationaux qui se rapportent aux incriminations (1) et d'autre part les conventions initiant des plans de coopération judiciaire et policière (2).

1. Les textes d'incrimination transnationale

Dans sa politique de prévention de la criminalité, le Burkina Faso est partie à des conventions qui incriminent des faits, organisent et soutiennent la répression. Nombre de ces textes s'appliquent à la criminalité organisée telles que le terrorisme, la traite des êtres humains, le trafic de stupéfiant, le blanchiment d'argent, etc. Le Burkina Faso est signataire de plus d'une douzaine7 de conventions afférentes à la criminalité transnationale, au titre desquelles on peut citer :

y' La Convention du 10 mars 1988 pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau de 1988 ;

y' Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection de 1997 ratifiée le 07 juillet 2004 ;

y' Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif de 1997 ratifiée le 1er octobre 2003.

L'incrimination courante en droit international est connue sous le nom de crime organisé qui est une qualification recouvrant plusieurs situations infractionnelles :

- l'acte individuel accompli avec préméditation, guet-apens ou tout moyen susceptible de procurer le résultat escompté ;

- le "crime professionnel" c'est-à-dire préparé et exécuté par plusieurs individus, le plus souvent regroupés en bande et qui vivent en marge de la société grâce aux profits tirés de leurs activités criminelles ;

européennes, Actes du Séminaire organisé par le Secrétariat Général du Conseil de l'Europe en collaboration avec l'Inter center de Messine (Italie), Taormina, 14-16 novembre 1996, p. 31

7 TARBANGDO Gérard, séminaire sous régional de haut niveau sur la criminalité transnationale du 12 au 14 décembre 2013 à Bamako au Mali, communication du BURKINA FASO.

7

- le "crime syndiqué" c'est-à-dire l'association permanente de malfaiteurs parvenue à un tel degré d'organisation qu'elle détient le monopole d'un secteur de la criminalité sur un territoire déterminé8.

Le droit burkinabè ne définit pas explicitement la notion de "crime organisé". Toutefois, le code pénal définit la circonstance de "bande organisée" comme tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions. Cette circonstance a pour conséquence d'aggraver les peines encourues.

Le droit international ne connait pas la spécificité des actes de grand banditisme. Mais sa définition du crime organisé comme actes « commis à plusieurs avec une hiérarchie au sein du groupe et souvent à caractère international, générateurs de profits considérables et ébranlant nos sociétés »9couvre les actes de grand banditisme tels que définis en droit interne.

A ces conventions d'incriminations s'ajoutent des traités de coopération.

2. La coopération policière et judiciaire

Dans un pays à frontières multiples comme le Burkina Faso, la sécurité ne peut être assurée sans un minimum de coopération et de collaboration transfrontalière.

Au plan régional, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dispose d'un mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité prévu par le Protocole de Lomé du 10 décembre 199910. Au sein de l'Union Africaine (UA), le volet sécuritaire est réglementé par le Protocole de Durban du 9 juillet 2002 relatif à la création du conseil de sécurité et de paix. Le Burkina est partie à tous ces instruments qui viennent renforcer son dispositif sécuritaire interne. Des rencontres périodiques sont également organisées au niveau régional entre les responsables nationaux de la police et de la gendarmerie pour leur permettre d'échanger des expériences et renseignements.

En matière policière, Interpol (Police International) est une forme achevée de coopération entre les polices de nombreux pays, permettant la recherche et l'arrestation internationale des délinquants opérant au-delà d'un seul territoire.

8 http://www.police-nationale.interieur.gouv.fr/Organisation/Direction-Centrale-de-la-Police-Judiciaire/Lutte-contre-la-criminalite-organisee/mardi 04 novembre 2014 à 15H51mn.

9 PRADEL Jean, Les règles de fond sur la lutte contre le crime organisé, vol. 11.3 ELECTRONIC JOURNAL OF COMPARATIVE LAW, (Décembre 2007), < http://www.ejcl.org/113/article113-32.pdf>.

10 CEDEAO, Code de conduite pour la mise en oeuvre du moratoire sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères en Afrique de l'Ouest, Lomé, 10 décembre 1999, art. 1.

8

B. Les textes internationaux protecteurs des droits de l'Homme

Engagé à préserver ses acquis et animé de la volonté d'édifier un Etat de droit garantissant l'exercice des droits collectifs et individuels, l'égalité et la justice comme valeurs fondamentales d'une société pluraliste, le Burkina Faso a souscrit à la plupart des conventions de promotion des droits de l'Homme. Certaines sont universelles, d'autres régionales.

1. Les textes universels sur la protection des droits de l'Homme

La convention mère des droits de l'Homme est la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 Décembre 1948, même si elle n'a pas vocation à s'imposer de façon contraignante aux nations du monde. En effet, celle-ci n'a pas vocation à s'imposer dans les politiques juridiques des Etats comme norme contraignante. Elle n'a fait l'objet d'aucune ratification, mais constitue un cadre juridique de référence morale, coutumière pour tous les Etats démocratiques11. D'ailleurs, l'article 53 de la convention de Vienne sur le droit des traités la désigne comme une norme impérative. A sa suite, d'autres instruments seront adoptés. Ce sont:

Le pacte relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et ses deux protocoles facultatifs et le pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) adoptés le 16 décembre 1966 et auxquels le Burkina a adhéré le 04 janvier 1999.

Ces deux pactes internationaux constituent les instruments juridiques fondamentaux dans le processus de garantie internationale des droits de l'Homme. Ce sont eux qui viennent donner une force juridique contraignante aux droits énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)12.

Au titre des instruments juridiques non contraignants encadrant la politique de sécurité burkinabè, on cite:

? La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) : elle impose d'une part

l'obligation pour les Etats de tout mettre en oeuvre pour garantir aux individus la jouissance de leurs droits fondamentaux, d'autre part l'obligation de s'abstenir de toute action politique qui entamerait ces droits, fut-elle motivée par des raisons de sécurité13. Son article 22 proclame que « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa

11 Elle a acquis de nos jours, une valeur coutumière et s'impose à tous les Etats.

12 AG-NU, Résolution 217A (III) du 10 décembre 1948.

13 http://fr.wikipedia.org/static/apple-touch/wikipedia.png, 2 mai 2015.

9

personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays ».

? Les textes à valeur plus politique que juridique : il s'agit de résolutions, de déclarations, d'observations générales, des avis et de recommandations, adoptées dans le cadre de la DUDH. Tout comme la DUDH, ces textes ne sont pas contraignants mais guident les législations internes en matière de protection des droits de l'Homme14.

En dehors de ces textes d'envergure planétaire, d'autres conventions ont vu le jour au plan régional.

2. Les textes régionaux de défense des droits de l'Homme

Il s'agit de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP)15 qui s'inspire tant des textes juridiques internationaux et régionaux de protection des droits de l'Homme que des traditions juridiques africaines. Sa conception du terme « droits de l'Homme » est extensive, ce qui la différencie des autres conventions: elle comprend non seulement les droits civils et politiques mais également les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que les « droits des peuples ». La caractéristique essentielle est qu'elle allie tradition et modernité. Cette alliance se perçoit notamment à travers la variété des droits garantis : à côté des droits individuels, la Charte africaine a consacré les droits collectifs autrement appelés « droits des peuples ». Il faut relever que la CADHP ne consacre pas que des droits, mais aussi des devoirs.

En plus de la CADHP, d'autres instruments assurent la protection spécifique des droits de l'Homme. Parmi ces instruments, on peut citer la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant ratifiée par le Burkina Faso le 08 juin 1992 et entrée en vigueur le 19 novembre 1999 ; le Protocole de la CADHP relatif aux droits de la femme en Afrique et qui a été ratifié par le Burkina le 09 juin 2006. Plusieurs instruments interviennent également en matière de protection des réfugiés et des personnes déplacées, de prévention et de lutte contre la corruption, le terrorisme16... .

Ces différents textes internationaux encadrent l'adoption des textes nationaux.

14 C'est le cas de l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 8 juillet 1996 sur la licéité de l'emploi ou de la menace d'armes nucléaires, de l'avis consultatif de 2004 sur la légalité de la construction d'un mur en territoire palestinien occupé.

15 Adoptée par la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) le 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya), ratifiée par le Burkina Faso le 21 septembre 1984 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.

16 Convention de l'UA du 11 juillet 2003 sur la prévention et la lutte contre la corruption, Convention de l'OUA du 03 juillet 1977 sur l'élimination du mercenariat en Afrique, Convention de l'OUA du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique, convention de l'UA du 06 décembre 2002 sur la prévention et la lutte contre le terrorisme...

10

Paragraphe II : Le référentiel juridique d'origine nationale

Réaffirmant solennellement son engagement vis-à-vis de la DUDH et de la CADHP de 1981 et désireux de promouvoir une société de paix et de sécurité propices à l'épanouissement socio-économique des citoyens, le Burkina Faso va procéder à l'adoption d'un ensemble de textes législatifs ainsi que des documents cadres de référence17.

A. Les textes généraux

Les textes généraux d'origine interne qui garantissent la sécurité des personnes et des biens restent la constitution et la loi 032-2003/AN du 14 mai 2003 relative à la sécurité intérieure.

1. Les principes de protection des personnes et des biens d'origine constitutionnelle

Cette loi fondamentale adoptée par référendum le 02 juin 1991 et révisée successivement en 1997, 2000, 2002, 2009, 2012 et 2013, demeure la pierre angulaire de la lutte contre le grand banditisme. Consacrant dès son préambule les fondements de l'Etat de droit qui garantissent l'exercice des droits collectifs et individuels, la liberté, la dignité, la sûreté et la justice18, la constitution érige en valeur constitutionnelle, les principes contenus dans la DUDH et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Au titre des valeurs cardinales propres à toute justice pénale, elle réaffirme le droit de la défense et ses corollaires, le droit d'égal accès à la justice, l'égalité devant la loi. Elle affirme entre autres le droit à la vie, à la présomption d'innocence, à la liberté, à l'inviolabilité du domicile19, etc.

Plus loin, dans le cadre de la répartition des pouvoirs, les articles 101 et 108 consacrent les domaines respectifs des lois et des règlements en répartissant les pouvoirs d'incrimination entre l'exécutif (le pouvoir d'incriminer des contraventions) et le législatif (le crime et le délit relèvent du domaine de la loi).

La constitution est riche en principes protecteurs des droits et des libertés, mais le texte de référence en matière de lutte contre la criminalité demeure la loi relative à la sécurité intérieure.

17Le décret n°2010-335/PRES/PM/SECU du 17 juin 2010 portant adoption de la Stratégie Nationale de Sécurité Intérieure est une référence en la matière.

18 Paragraphe 1 du préambule de la Constitution du 11 juin.

19 Chapitre I du titre I « Des droits et devoirs fondamentaux ».

11

2. La loi relative à la sécurité intérieure

La loi n°032-2003/AN du 14 mai 2003 relative à la sécurité intérieure définit les principes généraux de même que l'objet de la sécurité intérieure. Selon l'article 2 de cette loi, la sécurité intérieure relève de la défense civile et a pour objet :

? d'assurer la protection permanente des personnes et des biens sur toute l'étendue du territoire national ;

? de veiller à la sûreté des institutions de l'Etat ;

? de veiller au respect des lois et au maintien de la paix et de l'ordre public.

En son article 4, cette loi identifie les acteurs de la sécurité intérieure comme « l'ensemble des forces de police, de gendarmerie, les sapeurs-pompiers et les autres forces paramilitaires qui interviennent dans le domaine de la sécurité intérieure de manière permanente ». Elle précise que « toutefois, les autres forces militaires peuvent être requises à titre exceptionnel et ponctuel pour des missions de sécurité intérieure ».

L'article 5 dispose que « les agents des collectivités territoriales et des sociétés privées qui interviennent dans le domaine de la sécurité sont régis par les présentes dispositions ».

Ces nombreux textes sont les fondements juridiques de la lutte contre l'insécurité sous toutes ses formes. Cependant, compte tenu du développement galopant du grand banditisme et de ses conséquences sur la stabilité économique, une loi spécifique a été prise pour renforcer les textes classiques encore en vigueur.

B. Les textes spécifiques propres au grand banditisme

Avant 2009, la lutte contre le grand banditisme s'organisait sous la répression du vol aggravé dont les textes de base restent le code pénal (CP) et le code de procédure pénale (CPP) (1). Mais ce cadre juridique de répression va subir une modification substantielle avec la nouvelle loi portant répression du grand banditisme (2).

1. Le référentiel classique de prévention du grand banditisme

L'incrimination des faits de grand banditisme remonte bien loin dans l'histoire pénale burkinabè. Les faits constitutifs aujourd'hui d'actes de grand banditisme se réprimaient alors sous la qualification de « vol aggravé ». La base juridique de cette infraction se trouve aux articles 451 et suivants du Code Pénal (CP). et la procédure de répression, dans le code de procédure pénale. Il s'agit de faits d'origine délictuelle (vol à l'article 449 CP) érigés en crime

12

au regard de certaines circonstances de fait ou de droit. Aujourd'hui encore, ces textes continuent de recevoir application. En effet, en présence des mêmes faits, le parquet a l'option entre des poursuites pour vol aggravé ou pour actes de grand banditisme. Il devra juste notifier au mis en cause son option.

Par ailleurs, les articles 64 et suivants du CP qui définissent les auteurs, les coauteurs, les complices et les receleurs des infractions à la loi pénale sont applicables aux actes de grand banditisme.

Quant au Code de Procédure Pénale (CCP), il sert de cadre de référence juridique au juge d'instruction qui applique les articles 6 à 10 relatifs à la prescription des actions civile et publique. Il se réfère davantage aux articles 175 à 180 relatifs aux ordonnances de clôture. Le recours contre ces ordonnances est prévu à l'article 185.

2. La loi n°017/AN du 05 mai 2009 et la lutte contre le grand banditisme

Le texte de référence en matière de lutte contre le grand banditisme reste la loi n°017 AN-2009 du 05 mai 2009 portant répression du grand banditisme. Entrée en vigueur en 2009 dans un contexte social fortement marqué par une recrudescence des attaques à main armée, cette loi est devenue la pièce maîtresse de la répression du grand banditisme. C'est une loi de procédure et de fond. Procédurale en ce sens qu'elle modifie foncièrement le régime ordinaire des enquêtes et des compétences. Loi de fond, parce qu'elle redéfinit la notion d'acte de grand banditisme et aggrave la peine applicable. Les peines d'emprisonnement sont des peines criminelles allant de cinq ans à l'emprisonnement à vie et de peine d'amende de cinq cent mille (500 000) à dix millions (10 000 000) de francs CFA20 avec la mention que la moitié de cette peine est incompressible.

Son application est confiée à la justice qui a pour mission le jugement et la sanction des personnes coupables d'atteinte à la sécurité des biens et des personnes.

Section II : Bilan de la prévention au plan institutionnel

L'évaluation des acquis de la lutte contre le grand banditisme peut se faire à deux niveaux essentiels : Au niveau de la prévention et au niveau de la répression. La prévention est l'ensemble des mesures prises par les autorités pour lutter contre l'insécurité en empêchant que le crime ait lieu. Alain ne disait-il pas que tout homme est violent à l'occasion et que « les

20 Article 16 de la loi n°017-2009/AN du 05 mai 2009 portant répression du grand banditisme.

13

institutions politiques ont pour fin d'éviter l'occasion21 » ! Pour éviter cette occasion, le Burkina Faso a mis en place un nombre important de dispositifs institutionnels dotés de missions spécifiques. Il s'agit des corps militaires et paramilitaires dont il faut faire le bilan des activités (§1). Mais à côté de ces structures publiques, beaucoup d'autres organismes s'impliquent activement dans les questions de sécurité et contribuent de façon indéniable à contenir l'expansion de la criminalité (§2).

Paragraphe I : L'appareil sécuritaire en charge de la

prévention du grand banditisme.

De nombreux corps sont engagés dans la prévention de la criminalité. Mais ceux qui interviennent dans la lutte contre le grand banditisme et jouent un rôle de premier plan dans la prévention sont quelques unités des forces armées nationales (B) et les corps paramilitaires dont la principale composante reste la Police Nationale (A).

A. Le bilan de l'activité des corps paramilitaires

Les corps paramilitaires sont essentiellement composés de la Police Nationale, de la Garde de Sécurité Pénitentiaire, de la Douane et des Eaux et Forêts. Mais si tous ces services sont plus ou moins impliqués dans la question de la lutte contre le grand banditisme (2), la police nationale (PN) reste le principal acteur de cette lutte (1).

1. La police nationale et la prévention du grand banditisme

La police nationale, compétente en matière de sécurité publique, est l'acteur principal de la lutte contre le grand banditisme. L'article 2 de la loi portant statut particulier de la Police Nationale (PN) dispose que « la police nationale est une force paramilitaire. Elle concourt, sur l'ensemble du territoire national, à la garantie des libertés, à la défense des institutions de la République, au maintien de la paix et de l'ordre public et à la protection des personnes et des biens ». Commise donc à cette noble tâche et consciente de son rôle majeur dans l'édification d'une société à criminalité réduite, la police s'est engagée sans réserve dans le combat contre l'expansion anormale du grand banditisme.

Plusieurs unités spécialisées ont été créées et interviennent aux côtés des services de commissariats pour appuyer les interventions. On cite à ce titre la Brigade Anti Criminalité (BAC), l'Unité d'Intervention Polyvalente (UIP-PN), la Compagnie républicaine de Sécurité

21 Propos, 14 juillet 1934

14

(CRS). Au titre des activités de prévention, et en vue d'apporter des solutions appropriées à la

recrudescence du grand banditisme, la Police Nationale procède depuis 2009:

> à l'intensification des patrouilles dans les zones à risque ;

> à l'organisation d'opérations de lutte contre la criminalité dans les zones criminogènes ;

> à la recherche du renseignement opérationnel ;

> au déploiement en soutien aux autres services de Police, des équipes de la CRS et de

l'UIP-PN ;

> à l'intensification de la collaboration avec les populations.

Les statistiques-bilan des actions préventives de la PN se présentent comme suit22 :mp

Années

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Nombre de patrouilles

22506

24072

17092

21695

29726

31452

Nombre d'opérations de Ratissage

26

26

17

24

26

28

Source : Source : Données statistiques de la DGPN/DPJ-2015

Commentaire : les actions de patrouilles et de ratissages se sont accrues depuis 2009 ; ce qui peut être vu comme la preuve d'une meilleure opérationnalisation de l'institution.

2. l'apport des autres forces paramilitaires dans la prévention du grand banditisme

La stratégie nationale de sécurité intérieure mentionne au titre des forces de sécurité permanentes :

> la Brigade nationale de sapeurs-pompiers (B.N.S.P), compétente en matière de protection civile, est mise à la disposition du Ministère chargé de l'Administration du territoire pour emploi ;

> les corps paramilitaires de la Garde de sécurité pénitentiaire, de la Douane et des Eaux et Forêts, compétentes dans les domaines spécifiques et respectives de la sécurité pénitentiaire, de la sécurité économique et de la sécurité environnementale, sont respectivement rattachés au Ministère de la Justice, à celui de l'Economie et des Finances, au département chargé de l'Environnement.

Ces forces n'interviennent pas toutes dans la lutte contre le grand banditisme mais certaines d'entre elles comme la Garde de la Sécurité Pénitentiaire (GSP) occupent une place de premier choix. En effet, l'apport de la GSP dans la lutte contre le grand banditisme n'est plus à

22 Données statistiques de la Direction générale de la Police Nationale/Direction de la Police Judiciaire (DGPN/DPJ).

15

démontrer quand bien même l'adoption de la loi 017 rend sa mission plus difficile23. Elle

participe à l'exécution d'une mission de prévention de la criminalité par :

? l'application rigoureuse en milieu carcéral des mesures de détention ;

? l'application d'une politique de réinsertion sociale soutenue et adaptée ;

? une contribution à la bonne exécution de la sentence pénale.

B. L'apport des forces armées nationales.

Les Forces Armées Nationales (FAN) sont chargées d'une mission de sécurité intérieure, en dehors de leur mission première qui est la défense du territoire. Dans la lutte contre le grand banditisme, c'est la gendarmerie nationale (1) qui est la force armée chargée de la mission de sécurité. Toutefois, dans certaines circonstances, les autres forces de l'armée peuvent être habilitées à intervenir (2).

1. La gendarmerie nationale dans la prévention du grand banditisme24

La gendarmerie nationale fait partie intégrante des forces armées nationales. Outre ses missions de type militaire, elle remplit presque les mêmes missions dévolues à la police nationale. En effet, la Gendarmerie nationale, quoique rattachée au Ministère de la Défense, relève du Ministre chargé de la sécurité pour toutes les matières relevant de sa compétence conformément aux dispositions du décret n° 2009-840 du 18 décembre 2009 portant organisation du Ministère de la Défense25. L'organisation de la gendarmerie est adaptée au découpage administratif et judiciaire du pays26. Elle se subdivise en deux branches principales : la gendarmerie territoriale et la gendarmerie mobile.

La gendarmerie nationale est chargée de missions de police administrative et de missions de police judiciaire. A ce dernier titre, elle est fortement engagée dans la lutte contre l'insécurité en général et en particulier le grand banditisme à travers les brigades territoriales et les unités mobiles.

Gendarmerie et police nationale, quoiqu'ayant souvent une cohabitation difficile, restent les deux forces de sécurité résolument engagées dans la lutte contre le grand banditisme.

23 Des témoignages du DG adjoint de la MACO, l'adoption de la loi portant répression du grand banditisme n'a pas tenu compte des préoccupations de la GSP. En conséquence, elle se trouve confronter au quotidien à la gestion de la surpopulation carcérale et aux conséquences résultant des longues peines.

24 Absence de données statistiques sur les activités de prévention.

25 Décret n°2010-335/PRES/PM/SECU DU 17 JUIN 2010 portant adoption de la Stratégie nationale de sécurité intérieure, op.cit.

26 Idem.

16

2. Le soutien des autres forces militaires dans la lutte contre le grand banditisme

Les préoccupations liées à la sécurité mobilisent au-delà des forces de première catégorie. Dans l'armée, outre la force d'intervention régulière qu'est la gendarmerie, d'autres composantes sont souvent appelés à la rescousse. Il en est ainsi du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) et de l'armée de l'air. « En matière de lutte contre le grand banditisme l'Armée de l'air et les Compagnies militaires d'appui à la sécurité (C.M.A.S) de l'Armée de terre interviennent à la requête des autorités compétentes conformément à l'article 3 du décret n°95-203 du 1er juin 1995 portant création des Compagnies militaires d'appui à la sécurité.

Cependant, le Régiment de la sécurité présidentielle (R.S.P.), unité de l'Armée de terre, qui a en charge la sécurité du Président du Faso, première institution du pays, n'est pas soumis au régime de la réquisition classique »27. Institué par les régimes d'exception, il a progressivement remplacé l'ensemble des forces de sécurité autrefois responsables de cette tâche. En raison de son efficacité opérationnelle et de ses équipements, il est souvent sollicité pour appuyer les autres forces de sécurité dans la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme. Il en est ainsi de l'appui de cette structure dans les zones hautement criminogènes comme la région de l'Est. Quant à l'armée de l'air, elle apporte son soutien lors de certaines opérations spéciales comme la traque en aéronef. Ne relevant pas de leurs missions ordinaires, les interventions de ces corps n'offrent pas de statistiques, et par conséquent sont difficilement quantifiables.

Les forces militaires et paramilitaires sont accompagnées par certains organismes civils dont les missions essentiellement sociales permettent une prévention assez efficace de la délinquance juvénile, donc du grand banditisme.

Paragraphe II : L'apport des organismes civils dans la

prévention du grand banditisme

La sécurité est l'affaire de tous. Aussi, du côté des corps constitués pour la sécurité, d'autres forces sociales sont-elles engagées dans la prévention. Au titre de ces forces, on note la présence de diverses couches sociales (A) mais aussi des organismes non gouvernementaux (B).

27 Décret portant Stratégie nationale de sécurité Intérieure, op.cit.

17

A. L'apport des diverses couches sociales dans la lutte contre le grand banditisme. De nombreuses structures sociales se sont impliquées dans les questions de sécurité en général. Leurs actions ont une influence non négligeable dans la lutte contre le grand banditisme. Ce sont d'une part, l'action sociale publique et d'autre part, l'action sociale privée.

1. L'action sociale publique (police de proximité)

La participation communautaire à la lutte contre l'insécurité et à la préservation de la sécurité des personnes et des biens constitue un enjeu important et une nécessité impérieuse. L'accroissement de l'insécurité et du sentiment d'insécurité exige un élargissement de l'offre en service de sécurité et en recherche de paix sociale. Dans la déclaration de politique générale du gouvernement du 10 octobre 2002, la situation sécuritaire du pays est décrite en ces termes : « L'accroissement de la délinquance inquiète légitimement nos concitoyens. L'insécurité se manifeste sous des formes de plus en plus diversifiées. Dans les zones urbaines, la délinquance reste importante et concerne les jeunes, présentés de plus en plus souvent comme auteurs ou comme victimes. La grande criminalité s'est organisée et s'est internationalisée pour s'adapter aux évolutions économiques et sociales. L'insécurité est un défi pour notre société que nous devons relever tous ensemble. »28 Cet appel a été suivi par la mise en place de structures communautaires appelées « police de proximité ».

Partant du constat que c'est au sein des populations que s'organisent les actes d'insécurité et qu'elles ont vraisemblablement les moyens de les prévenir, de les détecter et de contribuer à leur réduction, la police de proximité a été introduite et basée sur la politique de promotion de la sécurité par la participation communautaire. Les Comités Locaux de Sécurité (CLS) et Initiatives Locales de Sécurité (ILS) furent créés. Pour les CLS, en décembre 2009, cinq mille huit cent vingt-deux (5822) ont été nommés, trois mille quatre-vingt (3080) installés et mille six cent soixante-trois (1663) fonctionnels29.

Les initiatives locales de sécurité (I.L.S.) identifiées à ce jour sont essentiellement constituées des associations de chasseurs traditionnels appelés « Dozo » dans la zone de l'ouest et les associations « Kolgwéogo » et « Wendpanga » dans les régions du Nord et du Centre Nord. L'action de toutes ces structures n'est pas quantifiable, faute de statistiques ; mais nul n'ignore, combien leur implication dans les questions de sécurité a largement contribué à faire reculer les limites de la criminalité.

28 BAYALA. Jean-Pierre, Les défis de la gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l'Ouest -cas du Burkina Faso, 2009, inédit.

29 Idem.

18

2. L'action sociale privée

C'est l'oeuvre des services de sécurité privés (les sociétés de gardiennage).

La loi sur la sécurité intérieure burkinabè autorise l'Etat à accorder à des sociétés privées le droit d'exercer des activités de sécurité publique à condition qu'elles portent exclusivement sur la protection des personnes et des biens. Il leur est interdit de bénéficier de prérogatives d'ordre public, bien que leurs agents participent comme tout citoyen à la dénonciation des crimes et délits et, au besoin, à l'arrestation de leurs auteurs. En vertu de cette loi, plus d'une soixantaine de sociétés privées de sécurité contribuent au renforcement de la sécurité publique.

Le recours aux sociétés de sécurité privées est une nécessité, qui contraint des Etats comme le Burkina Faso à faire la politique de ses moyens. Par conséquent, elles sont un outil pour renforcer l'action des forces de sécurité dans la lutte contre l'insécurité. En tout état de cause, leur multiplication ne devrait en aucun cas créer un équilibre, encore moins un déséquilibre, en leur faveur par rapport aux forces de sécurité.

La sécurité est avant tout, comme déjà indiqué, une mission régalienne de l'Etat. Au Burkina Faso, même si les sociétés de sécurité privées ne sont pas à la portée de tout citoyen, elles permettent aux forces de sécurité de concentrer leurs efforts sur les zones dangereuses où leur présence est plus nécessaire. Malgré l'absence de statistiques dûment établies sur les résultats sécuritaires obtenus par les sociétés de sécurité privées, il est permis d'avancer qu'elles ont un impact globalement positif et encourageant pour les pouvoirs publics. En effet, l'accroissement de leur nombre et le fait qu'aucune d'entre elles n'ait fait l'objet de sanctions, constituent d'importants indicateurs de leur raison d'être.

B. Les Organisations Non Gouvernementales

De nombreuses organisations apolitiques oeuvrent à la prévention de la délinquance. Le fruit de leurs oeuvres dans les secteurs d'interventions témoigne de leur efficacité dans la prévention de la délinquance. On peut citer : TDH, OXFAM30, ENFANCE EN DIFFICULTE, la fondation Hanns Seideil qui fait de la formation des acteurs de la lutte contre le grand banditisme (notamment les policiers) son cheval de bataille. La liste est longue mais, l'aperçu de l'action d'une d'entre elles donne une idée suffisamment soutenue de leurs contributions à la prévention de la criminalité.

30 Oxfam est une confédération internationale de 17 organisations travaillant en réseaux dans plus de 90 pays dont le B.F et contribuant ainsi à une action mondiale pour le changement, en vue de bâtir un avenir prospère, sans cette pauvreté que connaissent des millions de foyers et qui constitue une des plus grandes injustices de notre temps.

19

Depuis 1987, Terre Des Hommes (TDH) oeuvre dans l'enfance en difficulté. Partant du postulat que « la prison est l'école du crime » Terre des Hommes s'est engagée à promouvoir des alternatives à l'incarcération à travers le projet justice juvénile. Depuis 2010, TDH assiste les acteurs du système judiciaire à mettre en application les alternatives légales à l'incarcération des mineurs : Travail d'Intérêt Général, médiation pénale, probation, placement en centre éducatif ouvert, etc. Elle fait particulièrement la promotion du Travail d'Intérêt Général (TIG) qui est la réalisation d'un travail non rémunéré au profit de la communauté. Mais pour que la juridiction prononce un TIG, il faut que de nombreuses conditions soient réunies : Terre des hommes travaille donc à :

? Réunir toutes les conditions pour que les mineurs condamnés soient placés en TIG en toute sécurité et dans le souci de leur réhabilitation ;

? Rechercher des partenaires efficaces avec des structures étatiques ou de la société civile

pour que les enfants exécutent correctement leur peine et puissent se resocialiser ; ? Donner une assistance globale et permettre au bénéficiaire de pouvoir jouir d'une justice

réparatrice efficace, où chacun apporte ses compétences propres ;

? Orienter les mineurs vers de bonnes structures et les accompagner sur le chemin de la réinsertion sociale, en surmontant leurs difficultés.

Les résultats suivants ont été atteints :

? En 2010 et 2011, plus de 80 mineurs en conflit avec la loi ont bénéficié des mesures alternatives à l'emprisonnement ;

? Des dizaines de professionnels (magistrats, policiers, travailleurs sociaux) ont été formés ;

? Plusieurs villes ont bénéficié des actions de TDH : Bobo-Dioulasso, Oua0gadougou, Tougan, etc.

En conclusion, tous ces corps militaires, paramilitaires et organismes civils interviennent en principe en amont de la chaîne de répression et sécurisent les personnes et les biens. Leurs missions premières sont de prévenir la criminalité, le grand banditisme en particulier. Par ailleurs, en aval de la chaine, certaines de ces forces de sécurité reviennent et ont à charge des missions de police judiciaire. Elles appuient à ce titre, les juridictions responsables de la répression.

20

CHAPITRE II : BILAN DE LA REPRESSION DU GRAND

BANDITISME AU BURKINA FASO.

Empêcher par tous les moyens le passage à l'acte, c'est la principale tâche des forces de sécurité. Mais une fois l'acte commis, il faut s'atteler à donner un traitement efficace par l'action pénale qui aboutit en principe à l'application de la peine. Cette oeuvre est celle des acteurs directs de la justice aidés en cela par la police judiciaire. Après avoir défini leur rôle (section I), nous évaluerons l'impact de la répression sur le phénomène du grand banditisme (section 2).

Section I : Le rôle des acteurs judiciaires dans la répression du grand banditisme

Quelles que soient sa conception et la philosophie qui la fonde, la justice demeure une nécessité absolue de la vie sociale. Elle constitue un pilier fort dans la lutte contre l'insécurité puisque c'est elle qui a en charge la répression au sens strict du terme, c'est-à-dire la sanction des fautes pénales. Dans la lutte contre le grand banditisme, la justice comme institution politique joue un rôle de premier plan dans la répression (§ I). Elle est appuyée par la police judiciaire (§ I).

Paragraphe I : L'activité juridictionnelle dans la répression du grand banditisme

Ce qui est aujourd'hui appelé acte de grand banditisme a été longtemps une infraction classique réprimée sous la qualification de vol aggravé et suivant la procédure criminelle des assises (A). Mais la nouvelle loi portant répression du grand banditisme va opérer de grands changements dans la procédure (B).

A. La procédure classique et le rendement judiciaire

La procédure de jugement applicable au crime est la procédure criminelle. Or, le vol aggravé était un crime. Donc la procédure des assises était applicable au vol aggravé (1). Cependant, cette procédure a paru trop lourde pour suivre l'évolution rapide de la criminalité du grand banditisme (2).

1. La procédure pénale dans le crime de vol aggravé

Au sens du droit pénal général, le crime est l'infraction la plus grave dans l'ordre des sanctions. Elle se situe au-dessus du délit et de la contravention qui sont moins graves. La procédure pénale applicable au crime (elle a ceci de particulier) est longue et fastidieuse ; une longueur due à la

21

lourdeur de la procédure propre au système des jurés31. Mais la quête d'une justice plus juste commandait ce sacrifice.

La justice idéale, justice divine, permettrait de punir sur le champ les coupables tout en épargnant les innocents. Cet idéal reste un idéal. La dure réalité, vécue au quotidien par les policiers et magistrats et par certains mis en cause, en témoigne. Notre justice est humaine, trop humaine car elle demande lenteur, patience et réflexion. La justice véritable est l'ennemie de la précipitation. Deux raisons nous en convainquent. Non seulement, il faut se prévenir de punir un innocent mais tout jugement hâtif commandé par la vengeance, se risque à l'injustice. Entre la constatation de l'infraction et le jugement du délinquant, un délai impératif et incompressible s'impose.

La procédure pénale dans le crime se présente comme suit :

- La phase d'enquête (préliminaire ou de flagrance

- L'instruction préparatoire menée par un juge d'instruction

- Le second degré d'instruction qui est l'oeuvre de la chambre d'accusation de la cour d'appel

- Le jugement qui a lieu lors des assises criminelles qui sont des sessions annuelles lors desquelles étaient jugées les affaires criminelles en fin d'instruction. Le jugement des affaires criminelles a cette particularité d'être marqué par la présence d'un jury qui au su des débats décide de la culpabilité ou non du mis en cause.

Cette procédure était applicable à tout crime. Or, le vol aggravé était un crime. En effet, le vol, infraction la plus courante et la plus répandue est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. Définie comme tel, cette infraction reste sanctionnée comme un délit. Mais il arrive que certaines circonstances entourant la commission du vol l'aggravent et lui donnent une autre coloration. Il devient alors un crime et est jugé comme tel32.Mais la lourdeur procédurale propre au procès criminel soulève de nombreuses difficultés.

31 Les assises se caractérisent par le système des jurés qui sont invités à se prononcer sur la culpabilité de l'accusé.

32 Cf. article 452 du code pénal burkinabè.

22

2. Les difficultés procédurales liées au grand banditisme

La procédure criminelle applicable au vol aggravé soulève de nombreuses difficultés qui ne facilitent pas la répression des actes de grand banditisme. En effet, il y a une lenteur dans le traitement des dossiers sous le régime procédural classique, et ce pour plusieurs raisons.

? D'abord, le caractère périodique des assises criminelles. Les dossiers de vols aggravés étant des dossiers criminels, ils étaient connus lors des assises criminelles. Or, les assises criminelles se tenaient périodiquement, une fois par an. C'est seulement en cette période que sont traités les dossiers en état d'être jugés.

? Ensuite, l'insuffisance de structures judiciaires ainsi que du personnel. En effet, en 2013, le Burkina Faso dispose de 24 TGI fonctionnels, de deux cours d'appel (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso) animés par un corps magistral de 450 personnes pour une population totale de 16 millions d'habitants33.

? Enfin, il y'a la lourdeur de la procédure criminelle due à l'instruction et au double degré d'instruction. Le temps moyen pour le traitement d'une affaire criminelle devient très long (05 ans34).

!.

La surcharge des maisons d'arrêt : Le nombre de prévenus entrant est largement supérieur à celui sortant, d'où une surpopulation dans ces lieux de détention.

Cette surpopulation est à la base des libertés provisoires fréquemment accordées aux demandeurs. Les exigences du droit des prévenus jointes à la nécessité de déconcentrer les maisons d'arrêt conduisaient à l'octroi fréquent des libertés provisoires. Les détenus pour vol simple subissaient parfaitement la peine tandis que les « grands bandits » étaient en liberté35. Il apparaissait donc presque préférable de poser des actes de grand banditisme que de commettre des larcins, ce qui crée un sentiment d'impunité.

33 Ministère de la Justice-Tableau de Bord des statistiques, 2013

34 Les cours d'appel connaissent entre 2004 à 2009 des affaires pénales nouvelles de l'ordre de 393 dont 253 affaires criminelles par an. Cependant, les décisions rendues annuellement par les deux cours sont en moyenne de 193 durant 2007 à 2009 (avec la précision que les deux cours ont quadruplé leur volume d'activité en 2009). Cependant, le phénomène des vols aggravés prenait des proportions inquiétantes. Elles s'élevaient à 1305 attaques en 2009. Il était donc naturel que la procédure habituelle paraisse inadaptée à la répression du phénomène de grand banditisme.

35 Témoignages recueillis des acteurs judiciaires lors de nos enquêtes qualitatives.

23

Cette situation de dysfonctionnement général a motivé la recherche d'une solution rapide et appropriée ayant abouti à l'adoption de la loi. Pour les acteurs de lutte contre le grand banditisme, l'adoption de la loi de 2009 sonne comme un instrument salvateur.

B. Les innovations opérées par la loi 017 portant répression du grand banditisme

En 2009, à l'issue d'une concertation initiée par le premier ministère entre les personnels magistrats et OPJ, il a été suggéré, l'adoption d'une loi qui modifie la procédure ordinaire afin de parer à la situation36. Cette loi apporte des innovations par une définition légale des actes de grand banditisme (1) et une modification substantielle de la procédure et des compétences (2).

1. La notion d'actes de grand banditisme et leurs sanctions

Aux termes de l'article 3 de la loi, les actes de grand banditisme sont des vols commis dans des circonstances particulières.

Le vol est une infraction courante définie à l'article 449 du CP : « est coupable de vol, quiconque soustrait frauduleusement une chose appartenant à autrui». .Du point de vue des éléments constitutifs, pour que le vol soit constitué, il faut un acte matériel de soustraction, une chose objet de la soustraction, et une intention frauduleuse. Commis dans certaines circonstances de fait ou de droit, le vol devient une infraction aggravée punie de la peine criminelle.

Partant de cette infraction classique, la nouvelle loi va regrouper un ensemble de types de vol auxquels elle donne la qualification d'actes de grand banditisme. L'article 3 en effet dispose que « les actes de grand banditisme s'entendent des vols caractérisés par l'usage d'armes quelconques, de toutes formes de violences sur les personnes ou de tous autres procédés mécaniques ou chimiques »37. Et sont notamment considérés comme actes de grand banditisme,

? le vol, lorsqu'il a été commis sur les chemins publics ou dans les véhicules particuliers ou servant de transport de voyageurs, de correspondances ou de bagages, dans les circonstances prévues à l'article 3 ;

? le vol, lorsqu'il a été précédé, accompagné ou suivi d'autre crime ; ? le vol commis avec usage d'arme ;

? le vol commis avec port d'arme apparente ou cachée ;

36 Témoignages recueillis des acteurs de la justice sur enquête qualitative.

37 Article 3.

24

? le vol commis avec violence ou accompagné de tout acte de barbarie ou de torture ; ? le vol commis en faisant usage de procédés mécaniques ou chimiques.

Les peines prévues au grand banditisme vont de l'emprisonnement de cinq ans avec amende à l'emprisonnement à vie. Et la moitié de cette peine est nécessairement assortie d'une période de sûreté tandis que le reste est incompressible.38

2. La compétence juridictionnelle dans la répression des actes de grand banditisme

Aux termes de l'article 58 du code pénal, les infractions punies d'une peine minimale de cinq (05) ans d'emprisonnement et/ou amende sont des crimes ; celles punies d'une peine, au moins égale à un (01) an et/ou amende sont des délits et enfin celles dont les peines se résumant en amende ne sauraient excéder 50 000 F sont des contraventions.

Suivant cette classification tripartite, le tribunal correctionnel est la juridiction compétente pour juger les délits, le tribunal de simple police pour connaitre des contraventions. Quant aux crimes, ils relèvent de la compétence de la chambre criminelle de la cour. Au regard de cette répartition des compétences, le vol aggravé ressortissait de la compétence de la chambre criminelle eu égard à sa nature criminelle. Mais, sous la loi 017, les actes de grand banditisme sont désormais révolus à la connaissance de la chambre correctionnelle du TGI. En effet, aux termes de l'article 9 de la loi portant répression du grand banditisme, « le tribunal correctionnel est la juridiction compétente pour connaître des infractions relevant de la présente loi ». C'est donc dire que la compétence du tribunal correctionnel pour juger les actes de grand banditisme constitue une exception notable à la répartition habituelle des compétences. Ce qui peut susciter des inquiétudes quant aux garanties des droits des personnes poursuivies39.

Cet allègement procédural au plan juridictionnel est doublé de l'accroissement des pouvoirs de la police judiciaire dans la lutte contre le grand banditisme.

Paragraphe II : Le rôle de la police judiciaire dans la

répression du grand banditisme

La police judiciaire constitue l'un des rouages indispensables de la procédure pénale. Au Burkina Faso et dans la lutte contre le grand banditisme, elle joue un rôle de premier plan. C'est d'ailleurs au nom d'elle que la loi portant répression du grand banditisme a été prise dans le but

38 Article 16 et suivants de la loi.

39 Infra (2ème partie)

25

de faciliter les opérations. La police judiciaire est chargée des enquêtes de flagrance dans les actes de grand banditisme (A) et à ce titre, opère sous le contrôle des magistrats (B).

A. Les attributions de la police judiciaire dans la lutte contre le grand banditisme

L'article 11 de la loi portant répression du grand banditisme dispose que « lorsque le Procureur du Faso est saisi d'une infraction relevant de la présente loi, il procède comme en matière de flagrant délit ». Ainsi, commise à l'enquête, la police judiciaire voit ses attributions habituelles doublées de pouvoirs exceptionnels.

1. Les attributions de la Police Judiciaire dans l'enquête de grand banditisme

Aux termes de l'article 14 du CPP, la police judiciaire est chargée « de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte... ». L'enquête de police est donc la mission de la Police Judiciaire dont les pouvoirs sont très étendus en cas de flagrance. Toute flagrance permet en effet à l'Officier de Police Judiciaire de :

? Procéder à des constations, perquisitions et saisies, au besoin en utilisant la force ; ? Procéder à des auditions de toute personne susceptible de fournir des renseignements

sur les circonstances de l'infraction ; empêcher toute personne de s'éloigner des lieux

de l'infraction jusqu'à la fin des opérations40 ;

? Procéder à des arrestations et garder à vue (les simples témoins peuvent être gardés à vue.)41

La loi portant répression du grand banditisme est venue renforcer ces pouvoirs habituels en relevant la durée de la garde à vue (GAV) à quinze jours (10 jours de principe plus 5 sur prolongation) et en autorisant le recours à l'arme hors du cadre strict de la légitime défense. Ainsi, en ce qui concerne la GAV, l'article 5 autorise une durée de dix jours tandis que l'alinéa 2ème précise que « ce délai peut être prolongé d'un nouveau délai de cinq jours sur autorisation du Procureur du Faso ».

40 Art. 60 et 61 CPP

41 Art. 60, al. 1

26

En ce qui concerne le droit de recourir à l'arme à feu, il est donné par l'article 9 qui dispose que « en cas d'absolue nécessité, les officiers et les agents de police judiciaire peuvent faire usage de leurs armes pour se défendre ou pour neutraliser un délinquant. »

Ces pouvoirs ont permis à la police judiciaire d'atteindre de meilleurs rendements.

2. Contribution de la police judiciaire à la lutte contre le grand banditisme

Les actions de la Police Judiciaire (PJ) dans la répression du grand banditisme sont essentiellement les constatations, les investigations et les arrestations, et les procédures. L'évolution de l'activité de la PJ en matière de constations se présente comme suit42 :

Quatre ans avant l'adoption de la loi. Tableau 1

Année

2006

2007

2008

2009

Total des

attaques

137

312

598

513

Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord des statistiques, 2013.

Quatre ans après l'adoption de la loi. Tableau 2

Année

2010

2011

2012

2013

Total des

attaques

501

475

1050

2054

Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord des statistiques, 2013.

Observations. Les interpellations des quatre années qui ont précédé l'adoption de la loi sont relativement faibles. Cela peut s'expliquer entre autres par les difficultés propres aux enquêtes de police dans le régime classique de la flagrance ou des enquêtes préliminaires. La loi ayant circonscrit l'enquête sur les actes de grand banditisme à la flagrance et ayant étendu les pouvoirs des OPJ, elle explique une bonne partie des données élevées dans le 2nd tableau.

42 : Seul le tableau 2 contient des données statistiques de la police et de la gendarmerie cumulées. Les données statistiques de la gendarmerie avant 2009 ne sont pas disponibles.

27

B. Le contrôle et la censure des activités de la police judiciaire

La police judiciaire exerce son activité sous le contrôle de quelques acteurs judiciaires que sont le Procureur du Faso et la chambre d'accusation(1) qui peuvent être amenés à censurer les actes de procédure accomplis au mépris des règles de procédure (2).

1. Les autorités de tutelle de la police judiciaire

Les autorités de tutelles de la Police Judiciaire sont le Procureur du Faso et de la chambre d'accusation. Aux termes de l'article 13 du CPP « elle est placée sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation ».

Le procureur du Faso est le directeur de la police judiciaire. C'est à lui que revient la direction des enquêtes et le pouvoir de prescrire ou proscrire tel ou tel acte dans l'intérêt de l'enquête.

La chambre d'accusation est la juridiction disciplinaire des membres de la police judiciaire. L'article 224 CPP dispose en effet que « La chambre d'accusation exerce un contrôle sur l'activité des fonctionnaires civils et militaires, officiers de police judiciaire, pris en cette qualité, à l'exclusion des magistrats désignés à l'article 16, des maires et de leurs adjoints ».

Leur rôle de garant des libertés individuelles explique cette mission à eux confiée. Etant donné la fragilité des droits de l'Homme sous la répression des actes de grand banditisme, leur responsabilité dans l'exécution de cette mission est plus que jamais en jeu.

2. La censure des actes de la police judiciaire

Les autorités hiérarchiques sont constamment amenées à contrôler l'activité de la Police Judiciaire pour éviter les débordements. Le pouvoir judiciaire est, aux termes de l'article 125 de la Constitution, le gardien des libertés individuelles et collectives. A ce titre, il veille au respect des droits et libertés garantis par la Constitution. Il reçoit et tranche les recours formulés par les citoyens et sanctionne les violations de leurs droits.

En tant que garants des libertés fondamentales, le procureur et le juge d'instruction doivent constamment veiller à ce que ceux travaillant sous leurs ordres ne transgressent pas les principes sacrés de la procédure. La répression du grand banditisme offre de nombreux pouvoirs aux OPJ. Il y a donc constamment le risque d'atteinte aux libertés. La garde à vue et le recours à l'arme à feu en dehors du cadre strict de la légitime défense sont des portes privilégiées des débordements. C'est donc aux autorités de tutelle de veiller au respect des délais de quinze jours de la GAV, de s'assurer que les suspects interpelés jouissent de leurs droits civils tels que garantis par les textes, etc. Ils doivent surtout surveiller de près, le recours à l'arme qui débouche

28

sur, non seulement des atteintes au droit à la vie mais aussi sur d'autres droits fondamentaux non négligeables comme le droit à la présomption d'innocence, à un procès équitable, etc.

Cette situation a conduit à des concertations récentes entres acteurs des répressions qui a abouti à des réformes. Désormais, l'OPJ a l'obligation de signifier à l'individu interpellé dans le cadre des actes de grand banditisme son droit à l'assistance d'un avocat. Le projet de réforme prévoit également, la modification des délais de la GAV dans le sens du rabais43.

Par ailleurs, le procureur peut intervenir afin de suspendre une procédure déjà entamée. Cette intervention du procureur est tout à fait discrétionnaire et peut même intervenir pour des raisons qui peuvent être qualifiées de « considérations politiques »44. Rien n'interdit donc au procureur général d'ordonner un nolle prosequi45 dans un dossier parce qu'il est insatisfait du travail des policiers affectés à l'affaire.

Section II : L'impact de la répression sur le grand banditisme.

La question que tout acteur de la répression est amené à se poser est celle de l'efficacité de la lutte organisée contre le grand banditisme. Quel impact a pu produire la répression organisée depuis 2009 contre le fléau ? La réponse semble évidente tant elle paraît la même chez tous ceux qui donnent un point de vue là-dessus. Il s'agit donc, dans cette rubrique de trouver une réponse à la question de l'efficacité de la répression organisée en se basant sur les données engrangées de la lutte (§ I) avant d'analyser les nouvelles tendances du phénomène (§ II).

Paragraphe I : Evaluation de l'impact de la lutte sur le grand

banditisme

Cette évaluation ne peut se faire qu'à travers une analyse des données sur le terrain d'une part et celles des prisons d'autre part. Les données du terrain indiquent la fréquence du phénomène dans les régions tandis que celles des prisons parlent de l'efficience de la répression. L'étude des données statistiques montre que la criminalité du grand banditisme n'a guère reculé devant la répression (A) et que les libertés individuelles sont fortement entamées depuis lors (B).

43 Rapport de l'étude sur la réforme de la GAV au Burkina Faso, étude réalisée par OUEDRAOGO Arnaud, expert spécialiste, décembre 2014. Source DPJ/DGPN.

44 MATSOPOULOS Maritini, Les enquêtes de polices, LGDJ. Tome32.

45 Expression latine dont la traduction juridique correspond aux pratiques de classement sans suite du parquet.

29

A. L'effet de la loi sur l'évolution de la criminalité

Cet effet ne peut être mesuré qu'à travers une étude de la demande de sécurité comparée avec l'offre.

1. Le besoin de sécurité

Le besoin de couverture sécuritaire contre le grand banditisme s'évalue en termes de prise en charge d'une population résidente de 18 450 494 habitants des villes et des campagnes dont 9 546 238 femmes et 8 904 256 hommes46, répartie sur 270 764 km2 du territoire à travers treize (13) régions, quarante-cinq (45) provinces et trois cent cinquante-un (351) départements. L'offre de sécurité est constituée de l'ensemble des acteurs de la sécurité et des services qui interviennent dans la lutte contre la criminalité en général. En effet, la réduction des distances par l'implantation de services de police décentralisés à 60 kms de rayon environ les uns des autres, ainsi que l'abaissement du ratio de surveillance sécuritaire passé de 3 386 habitants par policier à 2 386 en 2010 grâce à l'appui des comités locaux de sécurité, pourraient faire baisser les tensions dues à l'insécurité. Encore faut-il signaler que, le ratio optimal de surveillance sécuritaire est de 360 à 400 habitants par policier47.

Comment ces populations vivent-elles la situation des attaques à mains armées qui couvrent les actes de grand banditisme? Depuis 2009, avec l'adoption de la loi spécifique sur le grand banditisme, les espoirs étaient de voir le phénomène mourir de sa belle mort. Mais qu'en est-il de la situation aujourd'hui ?

2. L'effet de la loi sur le phénomène du grand banditisme

Quels effets la loi portant répression du grand banditisme a-t-elle pu produire sur le phénomène du grand banditisme ? Contrairement à ce que l'on a pu espérer avec l'avènement de la nouvelle loi, les actes de grand banditisme n'ont guère reculé devant la sévérité de la répression à eux opposée. En effet, les données statistiques indiquent une augmentation fulgurante du niveau des attaques à mains armées au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi. Cette augmentation est disproportionnelle à l'évolution normale démographique. De l'ordre de deux (2) attaques à mains armées par jour en 2010, le pays connaît en 2013, 6 attaques au quotidien. Dans le même temps, le nombre de détenus pour actes de grand banditisme connaît une hausse constante. C'est dire donc que l'effet dissuasif de la loi et le niveau élevé de la répression résultant de

46 Projections démographiques nationales -données de 2015/INSD.

47 BAYALA Jean-Pierre, op.cit.

30

l'allègement des procédures n'ont guère joué favorablement sur la tendance de la criminalité du grand banditisme.

Courbe évolutive du niveau des attaques à mains armées de 2009 à 201348

2500

2000

Evolution des attaques à mains armées

 
 
 
 
 
 

1500 1000 500 0

 
 
 
 
 
 
 
 

2010 2011 2012 2013

 
 

Total des attaques

 

Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord des statistiques, 2013.

Tableau des condamnés pour vols aggravés (actes de grand banditisme) dans les maisons d'arrêt au 31/12/201349

Année

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Nombre de détenus

07

06

12

42

100

104

202

263

Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord des statistiques, 2013.

Commentaire : le nombre de condamnation augmente chaque année depuis 2009. Cela peut être attribué à l'impact de la loi portant répression du grand banditisme sur les procédures judiciaires.

Cependant, des objectifs spécifiques de la loi sont atteints. En effet, la loi portant répression du grand banditisme a pu résoudre la lourdeur de la procédure criminelle et a permis de décongestionner les cabinets d'instruction et les cours d'appel, même si de cet allègement procédural, il en est résulté des atteintes à des droits fondamentaux.

B. Les libertés individuelles sous la loi 017

On arrive donc à la conclusion que la loi 017 portant répression du grand banditisme qui est le texte de base de la répression n'a pas produit les effets escomptés sur l'évolution du grand

48 Données statistiques police/gendarmerie. Sources archives des DGPN et GN.

49 Ministère de la justice, Annuaire Statistiques 2013, p. 171.

31

banditisme. Cependant, c'est au prix de nombreuses libertés fondamentales chères à l'éthique des Etats démocratiques que ce système de répression est mis en place. En effet, les exigences de l'Etat de droit veulent que les politiques recherchent en permanence un équilibre entre les exigences de la répression et l'épanouissement social de l'individu qui ne peut avoir lieu que dans un environnement favorable à l'exercice des droits individuels. Cependant, la loi portant répression du grand banditisme sacrifie de nombreux droits de la personne au nom de l'intérêt général. La célérité de la procédure a sacrifié les droits de la défense. En effet, l'absence du double degré d'instruction, du collège des jurés, l'absence de l'avocat commis d'office, etc. ont largement contribué à fragiliser les droits de la défense sous la loi 017.

D'autres droits du mis-en-cause subissent le même sort. Du coup, l'enquête de personnalité qui permet d'individualiser la peine par une meilleure connaissance du délinquant est écartée dans la procédure. Or, comme le disait R. SALLEILLES, « c'est le crime que l'on punit, mais c'est la considération de l'individu qui détermine le genre de mesure qui lui convient. La responsabilité, fondement de la peine, et l'individualisation, critérium de son application : telle est la formule du droit pénal moderne »50.

Le droit à la vie, à la présomption d'innocence, le droit à la vie privée n'ont jamais été si éprouvés que sous la loi 017.

On est alors tenté de se demander, pourquoi faut-il consentir à une double perte quand le choix est possible entre une ou même de sauver les deux ? Pourquoi maintenir un système inefficace au prix des droits de l'Homme, valeurs universelles qui fondent l'orgueil des nations civilisées ?

Dans tous les cas, les actes de grand banditisme triomphent des méthodes très répressives et se complexifient au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi 017.

Paragraphe II : Le triomphe du phénomène de grand

banditisme sur les méthodes employées

La situation des attaques à mains armées sur le terrain et les conséquences liées à la répression témoignent de l'inadéquation du système de répression. Le phénomène triomphe des stratégies

50 SALLEILLES Raymond, L'individualisation de la peine, 1898.

32

employées et révèle davantage les limites de la politique répressive. Non seulement le grand banditisme continue de s'épandre (A) mais il utilise des modes opératoires les plus évolués (B).

A. Le niveau actuel du grand banditisme

« Banditisme à l'Est : Nassougou et Tiasseri dignes d'un Far West », titre le journal La vie d'aujourd'hui51 peignant la flambée des attaques à mains armées dans les régions de l'Est. Le journal va plus loin en rapportant des témoignages relatant le calvaire des populations qui cherchent refuge sur les arbres et dans la forêt, la nuit tombée pour échapper aux délinquants. Cette situation n'est pas propre à la région de l'Est qui fait partie des zones rouges. Bien d'autres populations dans d'autres contrées comme dans les cascades, le centre et le centre-nord vivent sous la menace constante des attaques, qui de plus en plus, ont lieu en plein jour.

Ce tableau donne l'évolution des attaques à mains armées au plan national depuis 200952.

N° d'ordre

Année

Région

2009

2010

2011

2012

2013

2014

01

BOUCLE DU MOUHOUN

07

08

04

10

759

21

02

CASCADES

03

03

04

04

343

11

03

CENTRE

147

97

81

162

249

188

04

CENTRE - EST

89

80

48

142

111

228

05

CENTRE - NORD

57

31

21

71

110

112

06

CENTRE - OUEST

34

07

13

60

42

45

07

CENTRE - SUD

14

19

13

24

37

45

08

EST

104

91

121

322

31

431

09

HAUTS-BASSINS

09

04

06

13

28

13

10

NORD

04

02

01

00

21

12

11

PLATEAU CENTRAL

19

15

18

10

15

38

12

SAHEL

17

22

15

22

12

38

13

SUD - OUEST

04

08

04

17

11

33

 

TOTAL

513

387

349

856

1769

1215

51 Aujourd'hui, N°139 du vendredi 12 au dimanche 14 septembre 2014, p.6

52 Statistiques PN uniquement ; sources DPJ/DGPN

33

Commentaire : Comparativement à l'année précédente, les attaques et agressions à mains armées ont connu une baisse sur l'ensemble du territoire national en 2014.

Cette baisse du niveau de l'insécurité pourrait s'expliquer par les efforts conjugués des différents services de police à travers l'intensification des patrouilles dans les zones criminogènes et la collaboration de la population dans certaines régions pour lutter contre cette délinquance.

B. Les nouveaux modes opératoires des délinquants53

Les « modus opérandes » sont les mécanismes ou procédés mis en oeuvre par les délinquants pour atteindre leur but, celui de dépouiller les victimes de leurs biens. Ils varient selon que l'on se situe sur une route nationale, une route régionale, une route départementale ou une piste rurale. Mais d'une manière générale, il faut retenir que le mode opératoire des bandits sont les embuscades et le guet-apens ou encore l'irruption sur la voie publique avec des tirs nourris.

1. Les Opérations par usage d'armes à feu sur les grands axes routiers Les délinquants interviennent généralement en groupes. Il s'agit d'associations très diverses, allant de bandes organisées et professionnelles (type mafia) à des groupements plus spontanés, liés à un certain environnement social (bandits de grand chemin.)

La caractéristique première de ces sujets est la rupture des liens avec la société environnante, donc avec la loi. On retrouve aussi le besoin de réalisation immédiate des désirs et, souvent, la fascination par la violence et par le plaisir de la transgression. De tels éléments sont renforcés par la déresponsabilisation, mais aussi le sentiment d'identité du groupe, qui se renforce en s'opposant au milieu extérieur. Ces bandes ont souvent leurs lois du milieu, parfois très rigoureuses.

La technique des bandits consiste en général à cibler l'axe routier sur lequel ils vont perpétrer l'attaque. Une fois le lieu choisi les délinquants se déportent sur le site d'opération. Y étant, ils utilisent des objets pour obstruer la voie et lorsqu'un automobiliste ou un motocycliste arrive à la hauteur de leur barrage ou embuscade, une première équipe fait irruption pour obliger les usagers de la route à marquer l'arrêt. Pendant qu'une deuxième équipe se charge de fouiller les passagers et de les dépouiller, une dernière équipe fait le guet dans les deux sens pour alerter

53 Abou GUEL, Problématique de la lutte contre l'insécurité dans la région de l'Est : cas des attaques à main armée, p.5.

34

de tout danger éventuel. Il arrive parfois que l'attaque se prépare dès le départ des transporteurs en gare. En effet, généralement un des délinquants se tient à la gare afin de communiquer à ses complices l'itinéraire du véhicule et la position assise des victimes potentielles.

2. Les pratiques des bandes organisées des délinquants

Une autre simulation est celle d'un blessé par accident ; une personne couchée sur la voie avec un air souffrant vous interpelle en vous demandant de lui porter secours, si vous vous approchez pour l'aider, il vous agresse ou ses complices sortent de leur cachette pour vous braquer. Il y'a aussi la technique de la corde qui consiste à attacher un bout de celle-ci à un arbre et de la faire traverser la voie. Les bandits se cachent et à l'arrivée de la victime, ils tirent sur la corde et la font tomber. Ils se ruent sur elle ensuite pour la piller.

La technique de la boule est une stratégie consistant pour les bandits à se cacher et à guetter leur butin. Au passage de la victime, ils lui jettent la boule et la font tomber, l'assomment, et lui arrachent ses biens. Cette manière d'opérer des brigands, tout comme la technique de la corde se fait généralement sur une catégorie d'usagers de la route qui sont les cyclistes, les cyclomotoristes et les motocyclistes. Elles sont surtout pratiquées de nuit loin des habitants.

Une autre forme de technique se fait dans le cas des cambriolages à domicile ou dans les institutions. Les bandits avant de mener leurs opérations étudient le terrain. Ils se divisent en plusieurs équipes dont l'une ira fréquenter les lieux et ramener le plan des lieux à cambrioler. Une fois le terrain connu, l'autre équipe se rend dans les lieux pour l'opération proprement dite. Ils peuvent la faire à l'insu de témoin si les lieux ne sont pas sous surveillance. Ils peuvent le faire même si le lieu est sous surveillance.

Les bandits ont diverses techniques pour atteindre leur but. Ils se servent aussi bien des armes à feu que des armes blanches si bien qu'il est rare qu'ils échouent leur plan.

La volonté des dirigeants de relever les défis de la sécurité s'est clairement exprimée à travers les conventions internationales, régionales et sous régionales auxquelles le pays a souscrit. Elle s'est davantage exprimée à travers l'organisation juridique interne ingénieusement construite à la lumière des libertés individuelles. La loi portant répression du grand banditisme est l'expression de la volonté d'un peuple qui n'en peut plus de sa criminalité de grand chemin. Mais le résultat quinquennal montre que s'il faut maintenir la répression pour sa valeur morale, il faudra imaginer d'autres voies alternatives pour faire face à la montée inquiétante des actes de grand banditisme.

PARTIE II : ANALYSE ET PERSPECTIVES DU SYSTEME DE

REPRESSION DU GRAND BANDITISME

« Le temps des atermoiements, des demi-mesures, des remèdes lénifiants, des expédients de délais touche à sa
fin. Voici venu le temps des conséquences»54.

Le système de répression du grand banditisme est l'ensemble des mesures prises par l'Etat, tant au plan juridique qu'au plan institutionnel pour combattre le phénomène. Ces mesures sont très multiples, essentiellement coercitives. En effet, depuis l'année 2009, beaucoup d'actions politiques ont été menées pour résorber le phénomène. Les institutions ont été renforcées dans leurs effectifs, leurs équipements ; leurs organisations ont été améliorées. Des actions communautaires ont été menées. La plus forte des actions est l'adoption de la loi 017/AN du 05 mai 2009 portant répression du grand banditisme, qualifiée de loi hautement répressive, censée fortifier les actions juridictionnelles et fragiliser les capacités opérationnelles des délinquants. En somme ; une guerre sans merci dont nous venons de démontrer l'inefficacité a été lancée contre le grand banditisme. D'où la nécessité de repenser le système en envisageant autrement la répression. Mais avant de passer à autre chose, il est important de trouver des réponses aux questions présentes. Et ces questions portent d'une part, sur l'organisation politique actuelle de la lutte contre le grand banditisme, d'autre part, sur les raisons profondes du triomphe de la criminalité propre au phénomène. C'est pourquoi, il est plus que jamais nécessaire de faire une évaluation du système de répression en relevant ses points positifs et négatifs (chapitre 1er) afin de proposer des solutions à même d'améliorer l'approche politique du fléau (chapitre 2ème).

35

54 W. Churchill, cité par Al Gore dans « une vérité qui dérange », film documentaire, 2008.

36

CHAPITRE I : EVALUATION DU SYSTEME DE REPRESSION DU GRAND BANDITISME

L'évolution constante de l'environnement sécuritaire suivant les bouleversements socio-politiques ainsi que les progrès scientifiques et techniques confronte les Etats à la nécessité de construire des politiques sécuritaires sans faille et sans complaisance et d'innover régulièrement pour garder une avance sur la délinquance. Dans le système de répression actuel du grand banditisme, des insuffisances et failles du dispositif sécuritaire influent négativement sur la qualité de la sécurité attendue par les populations (section I), même si de nombreuses réalisations ont permis de faire des avancées énormes dans la quête de la sécurité et qu'il convient de consolider (section II).

Section I : Les forces de la politique de répression du grand

banditisme

En vue d'éradiquer le phénomène du grand banditisme, de nombreuses actions ont été entreprises par l'Etat burkinabè. La mise en place d'un certain nombre d'unités spécialisées dans les différents corps de sécurité ayant pour mission l'éradication de la criminalité spécifique du grand banditisme et le terrorisme est déjà un progrès majeur (§ I). Mieux, inscrire l'intervention de ces unités dans une légalité absolue pour éviter l'arbitraire et ce, malgré l'animosité des « bandits » agissant hors de tout cadre légal et moral est une avancée significative dans la construction d'un Etat de droit (§ II).

Paragraphe I : L'institutionnalisation de la lutte contre le

grand banditisme

L'institutionnalisation de la lutte a donné lieu à la mise en place de plusieurs composants militaires et paramilitaires avec une allocation en matériels militaires pour faciliter l'exécution des missions. Il s'agira dans cette rubrique de faire le point de ces organes ainsi que de l'équipement mis à leur disposition (A). Il s'agira aussi de relever comme progrès majeur dans la lutte l'implication des populations à travers la police de proximité (B).

37

A. L'existence d'organes spécialisés dans la répression du grand banditisme

Plusieurs corps spécialisés au sein de la police et de l'armée ont été créés dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme et le terrorisme avec des équipements spécifiques de nature à rassurer les populations

1. Les institutions publiques

De nombreuses mesures ont été prises dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme. Au sein des corps de sécurité, les autorités ont soutenu la création de plusieurs unités aux missions spécifiques pour l'appui à la lutte contre le grand banditisme et le terrorisme. La police nationale dispose à elle seule de trois corps constitués et équipés pour ces missions. On peut citer :

? L'Unité d'Intervention Polyvalente de la Police Nationale (UIP-PN) créée par arrêté n°2013-038/MATS/DGPN portant création, organisation, attributions et fonctionnement de l'Unité d'Intervention Polyvalente de la Police Nationale. Sa devise est « Force reste à la loi », son logo est un BUFFLE d'Afrique, symbole de force, de vigilance et de ténacité55. Basée à Ouagadougou, elle effectue des missions sur toute l'étendue du territoire national, partout où des actes de banditisme ou des actes terroristes sont signalés. « l'UIP-PN est une unité d'élite de la Police Nationale ayant pour mission de lutter contre le grand banditisme et le terrorisme. Elle intervient dans les situations d'extrême violence ou à haut risque... »56 ;

? La Brigade Anticriminelle (BAC) créée en 2009, elle est basée à Ouagadougou et est spécialisée dans l'appui à la lutte contre l'insécurité en milieu urbain ;

? Les Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS) est basée à Ouagadougou et dans de nombreuses régions du Burkina Faso. Leur mission n'est pas spécifiquement liée à la répression du grand banditisme mais à la sécurité publique en générale ;

? Les Services Régionaux de Police Judiciaire qui sont les premières unités spécialisées dans la lutte contre le grand banditisme.

Au niveau de l'armée, on a :

? L'Unité Mobile de la gendarmerie nationale...

55 Article 1 idem.

56 Article 2 décret n°2013-038/MATS/DGPN portant création, organisation, attributions et fonctionnement de l'Unité d'Intervention Polyvalente de la Police Nationale

38

? L'armée de l'air qui apporte de façon ponctuelle son appui à la lutte contre le grand banditisme quand il s'agit de raid aérien.

La constitution de ces corps permet une intervention plus rapide, mieux orientée et plus efficace, quand on sait que ces corps sont des unités d'élites formées et équipées pour des missions de haut risque.

2. Equipement et moyen d'action

Face à la montée du grand banditisme et au besoin du gouvernement de sécuriser les personnes, les biens et les institutions de l'Etat, les investissements et les acquisitions en matière de sécurité ont connu une nette amélioration.

L'évolution de la dépense publique relative au sous-secteur de la sécurité se présente comme suit57 :

Année

 

2011

 
 

2012

 
 

2013

 

Prévision 2014

Dotation liée au

fonctionnement et à
l'acquisition de biens et services

4

064

993

710

42

785

863

613

34

491

406

001

29 556

07058

Volet Sécurité

2

797

382

013

15

578

480

303

13

239

066

750

16 085

512

Source : Ministère de la Justice, document de diagnostic, politique sectorielle de l'Administration du territoire et de la Sécurité (PSATS), 2013.

Commentaire : face au grand banditisme et à l'insécurité de façon générale, des moyens financiers et matériels sont mis à la disposition du Ministère en charge de la Sécurité pour assurer la prévention des infractions et au besoin réprimer. Force est de reconnaitre cependant que malgré ces efforts, les équipements destinés aux forces de sécurité restent insuffisants. Des efforts continuent d'être menés.

57 Document de diagnostic du secteur de l'administration du territoire et de la sécurité (PSATS), rapport provisoire, décembre 2013, page 33.

58 En cours d'exécution au moment des travaux.

39

La construction des commissariats de police, des brigades de gendarmerie, l'acquisition de gyrocoptères, d'équipements spécifiques sont autant de ressources acquises pour le volet sécurité et la lutte contre le grand banditisme en particulier.

Toutes ces ressources témoignent de l'intérêt que les autorités accordent à la question de la sécurité, surtout celle du grand banditisme. Ces moyens sont sensés faciliter les interventions du personnel de sécurité. Ils le sont encore plus quand on sait que les délinquants sont porteurs d'armes, des fois, de même calibre que ceux des forces républicaines. Un équipage suffisamment fourni rassure moralement les intervenants et dissuade assez les délinquants. C'est un signe assez dissuasif tant pour les populations qui ont besoin d'être rassurées quant à leur sécurité, que pour les adeptes à la délinquance qui sont sous la hantise permanente des forces de sécurité.

B. La communautarisation de la lutte

L'adoption de la loi sur la sécurité intérieure au Burkina Faso en 2003 a ouvert la voie institutionnelle à une approche préventive de la lutte contre la criminalité en général et contre le phénomène du grand banditisme en particulier. Le document portant stratégie nationale de la sécurité intérieure pose les fondements du concept de politique urbaine de sécurité intégrée en s'inspirant du concept de sécurité humaine auquel le Burkina Faso a souscrit au titre de ses engagements internationaux. Il fait la promotion de l'implication de la communauté dans un processus de coproduction de la sécurité.

La mise en place de la police de proximité à travers les initiatives locales de sécurité et les comités locaux de sécurité est une avancée majeure dans la problématisation des questions de sécurité. Ces structures apportent un concours extrêmement appréciable à travers les sensibilisations et le renseignement opérationnel. Elles permettent par ailleurs aux populations de prendre conscience des enjeux sécuritaires et de s'impliquer dans la prise en charge de leur propre sécurité. Cette expérience est encore utilement exploitée par les services de sécurité dans les régions classées hautement criminogènes.59

Récemment, une mesure nouvelle de lutte contre le grand banditisme, tendant à impliquer davantage les populations dans le renseignement opérationnel a été prise. Il s'agira, pour le gouvernement, d'encourager par des primes, les populations afin qu'elles travaillent en

59 Les services de police de la province du Bazèga font l'heureuse expérience de l'implication des chefs coutumiers dans la lutte contre l'insécurité. Le pouvoir communicationnel et de renseignement de ces derniers font oeuvre utile dans la lutte contre le grand banditisme (Témoignages DPPN-Bazèga ; avril 2015).

40

collaboration avec les forces de sécurité dans la lutte contre le fléau. Pour le ministre, « toute personne ayant fourni des renseignements sûrs et vérifiés permettant d'interpeller des bandits sera récompensés par une somme d'argent allant de cent cinquante mille à deux cent mille Francs ; et cette somme pourrait, ajoute le ministre en charge de la sécurité, être revue à la hausse en fonction de l'enjeu »60.

Ces initiatives gouvernementales tendant à ouvrir la voie de la collaboration avec les populations est une solution irremplaçable dans la quête de la sécurité sociale et, en particulier, dans la lutte contre le grand banditisme. Cette lutte comporte encore l'avantage de s'inscrire dans la légalité, proscrivant les exécutions sommaires et extrajudiciaires61.

Paragraphe II : La légalité des interventions et la rigueur de

la répression.

La loi portant répression du grand banditisme, malgré son caractère hautement répressif, a l'avantage de couvrir des comportements illégaux qui, compte tenu des exigences de la situation du grand banditisme, pourraient devenir courants dans les pratiques. La loi a le mérite d'étendre la légalité aux manoeuvres des interventions et rendre rapide le traitement des dossiers dans la procédure judiciaire.

A. La légalité des interventions et la rigueur de la répression: force reste à la loi

L'idée est qu'il vaut mieux étendre la légalité à des pratiques incommodes que de permettre des actions en marge de la loi, fussent-elles motivées par l'intérêt général. Par ailleurs, le maintien de la répression est une nécessité à la sauvegarde des valeurs sociales.

1. La légalité des interventions

L'une des grandes difficultés des missions de patrouille et d'intervention réside dans le fait que l'agent de sécurité doit faire face à des brigands « sans foi, ni loi » guidés uniquement par la recherche effrénée du butin. Les délinquants en effet agissent hors de tout cadre légal et c'est à cet effet que leur responsabilité pénale est recherchée. La délinquance est un comportement qui

60 Conférence de presse du Ministre de l'Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité, BARRY Auguste Denise, le 16 Avril 2015.

61 En 2003, la lutte contre le grand banditisme au Burkina Faso, avait conduit à mener une opération dite « coups de poings » et avait conduit à des exécutions sommaires, donc des violations flagrantes des droits de l'Homme.

41

s'inscrit en marge de la norme sociale, qu'elle soit morale, légale ou religieuse. Il est donc ridicule de s'attendre à ce que le délinquant soit diligent, moins violent et respectueux des lois dans ses opérations. Toute la difficulté de la répression apparaît quand il faut venir à bout de personnes pour lesquelles tout est permis avec des moyens conventionnels. Alors, le recours à des comportements, à des actes illégaux est tentant. Cette situation conduit à des GAV au-delà des délais légaux, à des exécutions extra judiciaires62, etc.

Mais ce défi est relevé par les organes de répression du grand banditisme. En effet, toutes interventions, fussent-elles violentes s'inscrivent dans la légalité. La loi portant répression du grand banditisme serait adoptée en vue de couvrir des pratiques qui en la légalité ordinaire serait illégaux63 (les GAV se prolongeant au-delà des délais légaux). Depuis 2009, grâce à l'extension de la légalité et au professionnalisme des acteurs de la sécurité, très peu de bavures lors des interventions contre les grands bandits ont été signalées.

L'intérêt réside dans l'affermissement de l'Etat de droit. Le souci constant de prioriser la légalité, mène à l'érection d'une société où l'arbitraire est proscrit et où le droit a le dernier mot.

Par ailleurs, cette obligation pour les acteurs d'inscrire leurs actions dans la légalité qui peut être le résultat de l'interprétation des textes internationaux (le principe de légalité, et d'autre part les principes de nécessité, proportionnalité et précaution en matière d'usage de la force et des armes à feu) a un fondement moral. En effet, le droit reste le fondement de la société. Les artisans d'une telle société doivent donner l'exemple en matière de légalité, quelles que soient les circonstances. C'est la seule manière de fortifier l'Etat.

2. La rigueur de la répression

La sanction pénale est le seul moyen dans un Etat de droit pour corriger les erreurs et les égarements des citoyens. Elle permet d'assurer l'ordre et de faire régner la discipline par la force légitime. Paul Valery disait que quand l'Etat est faible, nous périssons de désordre. La sanction pénale n'est pas en elle-même condamnable. C'est le mécanisme procédural par lequel elle est infligée au citoyen qui peut pécher contre les principes de l'Etat de droit. Un peu partout dans le monde, des crimes dits crapuleux ont toujours été sanctionnés avec sévérité, même dans les pays qui se prennent pour l'achèvement de la civilisation humaine. En France, la perpétuité

62 Cf. opération coup-de-poing des années 2003.

63 Témoignages recueillis des acteurs judiciaires lors des enquêtes qualitatives, ministère de la justice, janvier 2015.

42

incompressible64 a été instituée contre les crimes particulièrement graves. Cette peine est applicable aux deux crimes suivants :

1. meurtre avec viol, tortures ou acte de barbarie d'un mineur de moins de quinze ans ;

2. meurtre en bande organisée ou assassinat d'une personne dépositaire de l'autorité publique (policier, magistrat, etc.) à l'occasion ou en raison de ses fonctions.

Les Etats-Unis appliquent encore la peine capitale et la Chine l'inflige même pour des crimes jugés ailleurs mineurs comme l'évasion fiscale. En dépit du fait que la dernière sentence au Burkina Faso remonte à 2011, la peine de mort a été prononcée contre 2 700 délinquants dans le monde en 2014, avec une croissance de 28% par rapport à 201365. Le Burkina Faso ne se met donc pas en marge de la civilisation humaine en infligeant l'emprisonnement à vie à des délinquants qui volent avec violences et qui surpassent le seuil de l'intolérable en crevant le plafond de l'inacceptable. C'est la procédure par laquelle de telles peines sont infligées, et leur gestion qui peuvent poser problème.

La sévérité de la peine contre les actes de grand banditisme est utile en ce sens qu'elle satisfait les populations, décourage les adeptes du crime et satisfait la victime. Nul n'ignore que la peine par son caractère vindicatif guérit la victime. Mais ce but n'est atteint que quand le système pénal atteint les vrais coupables et épargne les innocents.

B. L'allègement de la procédure

L'allègement de la procédure de répression est une avancée majeure dans la lutte contre le grand banditisme. Il a permis d'engranger des résultats non négligeables dans le traitement des dossiers judiciaires. Cet allègement procédural a permis en effet de résorber les problèmes de lenteur des tribunaux et de faciliter la mission de l'OPJ. En effet, comme il a été mentionné plus haut, la loi 017 portant répression du grand banditisme a facilité la tâche des OPJ et allégé la procédure de jugement. Au niveau des OPJ, la revue de leurs pouvoirs en hausse dans le cadre de l'enquête de flagrance a contribué de façon significative à accroitre les interpellations. Disposant des droits plus étendus dans le cadre des perquisitions et saisies, du recours à l'arme

64 Elle a été instituée par la loi 94-89 du 1er février 1994 à l'initiative du ministre de la justice à l'époque de Pierre Méhaignerie, membre du gouvernement Balladur.

65 Amnesty International, Rapport 2014 rendu public au Journal télévisé de 19h 30 sur BF1 le lundi 06 Avril 2015.

43

à feu en dehors du cadre classique de la légitime défense, du pouvoir de garder à vue pendant plus de dix (10) jours, l'OPJ a vu son travail allégé sous cette loi.

L'allègement de la procédure a beaucoup amélioré la tâche des acteurs judiciaires et le rendement des juridictions. En effet, il a optimisé le nombre de dossiers traités par an. Cela est devenu possible grâce à la possibilité offerte au parquet de passer par la simple citation à comparaitre pour acte de grand banditisme, sans avoir à déclencher la procédure la plus lourde qui est celle de l'instruction. Il n'est plus besoin d'attendre la période des assises pour qu'une affaire de grand banditisme soit traitée, celle-ci pouvant avoir lieu à tout moment, la juridiction des chambres correctionnelles fonctionnant en tout temps. Ainsi, le temps moyen pour le traitement d'une affaire de grand banditisme devient en moyenne deux semaines contre trois (03) ans en cas de poursuite pour vol aggravé66.

L'impact de cet allègement sur la justice sociale est énorme. Il a permis en effet de traiter des dossiers au temps où leur impact sur la conscience populaire est encore vif. Et pour cela, il a contribué à accroitre un sentiment de justice sociale67.

Aussi innombrables que soient les atouts de ce système, le faible impact sur la criminalité du grand banditisme témoigne des faiblesses à corriger.

Section II : Les faiblesses de la politique de répression du grand banditisme

La lutte menée contre le phénomène du grand banditisme a produit un impact non négligeable. Elle a permis d'engranger de nombreux résultats. Beaucoup de zones ont été sécurisées et des populations ont été protégées. Des bandits de grands chemins ont été mis hors d'état de nuire. Mais les résultats escomptés au moment de l'adoption de la loi sont loin d'être atteints car si la lutte est efficace, elle est menée au mépris de certaines valeurs au nom desquelles une rectification mérite d'être opérée si nous voulons optimiser les acquis tout en restant un Etat démocratique, un Etat de droit. C'est pourquoi, il faut procéder à un diagnostic du système afin de relever les faiblesses à corriger. A priori, le système présente des insuffisances aussi bien juridiques et qu'institutionnelles.

66 Témoignages des acteurs judiciaires, recueillis lors de nos enquêtes qualitatives.

67 Idem.

44

Paragraphe I : Les insuffisances juridiques dans la politique

de répression

La politique de répression des actes de grand banditisme comporte de nombreuses insuffisances au plan juridique. Ces insuffisances peuvent être regroupées sous deux rubriques essentielles : les lacunes des textes et les insuffisances dans la protection des droits humains.

A. L'imprécision des textes de base portant répression du grand banditisme

En rappel, le texte de base qui organise la répression des actes de grand banditisme reste la loi 017/AN du 05 mai 2009 portant répression du grand banditisme. Ce texte qui est le référentiel de principe (des fois, le parquet peut poursuivre sur la base du vol aggravé) comporte des lacunes qui méritent d'être comblées. Au titre de ces imprécisions, on relève les circonstances autorisant le recours à l'arme par l'OPJ et la mesure de la peine.

1. Le droit de recours à l'arme par l'OPJ

L'article 9 de la loi n°017 dispose qu'« en cas d'absolue nécessité, les officiers et les agents de police judiciaire peuvent faire usage de leurs armes pour se défendre ou pour neutraliser un délinquant ».

Certes, la loi ne précise pas la nature des armes dont il est ici question ; ce qui laisse aux agents de sécurité la latitude d'utiliser toute arme à leur disposition, y compris les armes à feu. L'utilisation des armes à feu pose le problème de la force létale et partant, celui de la protection du droit à la vie. Notons que la force létale ou meurtrière s'entend non seulement de la force ayant donné lieu à une perte en vie humaine, mais aussi de toute force potentiellement meurtrière, c'est-à-dire susceptible de tuer, même si finalement, la mort n'en est pas résulté68. Eu égard au fait que l'usage des armes à feu est susceptible de porter atteinte au droit à la vie, le Droit International des Droits de l'Homme (DIDH) le soumet à un régime juridique rigoureux qui conditionne la régularité de l'autorisation d'usage des armes à feu.

En outre, le recours à l'arme à feu était autorisé dans les cas d'« absolue nécessité »; c'est-à-dire dans le cadre strict de la légitime défense. Mais cet article ayant étendu le champ

68 CrEDH, Affaire Makaratzis c. Grèce, requête n°46221/99, arrêt du 20 décembre 2004, §49, où la Cour a estimé que l'article 2 CEDH trouvait à s'appliquer à l'usage d'armes dans le but d'obliger Makaratzis à immobiliser sa voiture même si en définitive, il n'en est résulté que des blessures.

45

d'application au besoin de neutralisation du délinquant, la « notion d'absolue » mérite une nouvelle définition au risque d'être une porte ouverte à l'arbitraire.

2. La difficile détermination de la peine

L'article 18 de la loi dispose que « le tribunal qui prononce une peine d'emprisonnement ferme doit l'assortir d'une peine de sûreté au moins égale à la moitié de la peine prononcée.

La peine de sûreté détermine une période de détention maximale incompressible. » La période de sûreté est, en droit pénal français, une durée minimale assortie à une peine de réclusion ou d'emprisonnement durant laquelle, le condamné ne peut bénéficier d'aucun aménagement de peine (tel qu'un placement en semi-liberté ou une libération conditionnelle). Cette période de sûreté peut aller jusqu'à deux tiers de la durée de la peine pour une peine à temps, en France jusqu'à 22 ans dans le cas d'un emprisonnement à perpétuité, et peut être illimitée dans le cas des deux crimes passibles de la perpétuité incompressible69

Or, le même texte de loi donne la possibilité au juge de prononcer une peine d'emprisonnement à vie contre les auteurs, coauteurs ou complices d'actes de grand banditisme. La question qui se pose est alors celle de savoir comment déterminer la peine de sûreté en cas de condamnation à l'emprisonnement à vie, manoeuvre obligatoire pour le juge. Comment déterminer en effet, la moitié du restant des années d'un homme encore en vie ? Cette situation conduirait le juge à prononcer de très longue peine dans l'espoir que la peine de sûreté corresponde au restant de la vie du délinquant, ce qui n'est pas de nature à assurer une protection suffisante des droits humains.

B. Les insuffisances dans la protection des droits humains.

« Les principaux droits fondamentaux qui sont en jeu lorsque les forces de l'ordre cherchent à assurer le respect de la loi sont ceux touchant à la vie et à l'intégrité physique des suspects, ainsi que le droit au respect de la vie privée »70 A l'aune de cette déclaration, on peut apprécier le niveau de protection du droit à la vie, de celui relevant de l'intégrité physique et de la vie privée.

1. La répression du grand banditisme et le droit à la vie

69 http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9riode_de_s%C3%BBret%C3%A9 (19 mars 2015).

70 International concil on human rights policy, Criminalité, ordre public et droits humains, Versoix, Genève, 2003, p. 5. Cité par KABRE Olivier, mémoire en droits humains, ENAM.

46

Le droit à la vie est un droit fondamental consacré par de nombreux instruments juridiques internationaux. Au plan universel, l'article 6 alinéa 1 du PIDCP dispose que: « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ». Cette consécration internationale du droit à la vie a été entérinée au niveau régional, puis à l'interne.

Au plan régional, c'est l'article 4 de la CADHP qui, en des termes similaires, consacre le droit à la vie71. Au plan interne, ce droit est consacré par la constitution en son article 2 : « la protection de la vie, la sureté et l'intégrité physique sont garanties ». Droit insusceptible de dérogation72, le droit à la vie est celui sans lequel la jouissance des autres droits s'avère impossible.

Or, l'article 9 de la loi sur le grand banditisme ouvre une porte à la violation du droit à la vie. En effet, si le critère « d'absolue nécessité » ressort dans les Principes de base sur le recours à la force et à l'usage des armes à feu par les responsables de l'application des lois73, il est employé pour désigner les situations où on a recours à l'arme soit pour se défendre ou pour défendre autrui. Mais en offrant la possibilité d'y recourir pour « neutraliser le délinquant », cet article met à rude épreuve la protection du droit à la vie.

2. Les autres droits menacés sous la répression du grand banditisme.

Beaucoup de critiques faites à l'encontre de la nouvelle loi font état de nombreuses violations des droits de l'Homme74 qui ne sont pas de nature à assurer à notre pays l'image de l'Etat de droit aux yeux de la communauté internationale. Bon nombre d'entre eux découlent de l'article 9 de ladite loi. En effet, le non-respect du droit à la vie emporte avec lui beaucoup d'autres violations telles que la présomption d'innocence, le droit à un procès équitable, etc.

Les droits de la défense sont mis à rude épreuve sous la loi 017. Le caractère expéditif de cette loi n'offre guère une bonne garantie à ces droits. En effet, le souci de célérité qui a conduit à alléger la procédure n'a pas manqué de fragiliser la défense. La procédure correctionnelle n'offrant pas l'assistance judiciaire systématique, les délinquants aux ressources limitées

71 Cet article stipule que « la personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne : Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit ».

72 Article 4, alinéa 2 du PIDCP qui énumère les dispositions insusceptibles de dérogations dont l'article 6 consacrant le droit à la vie.

73 AG-NU, Principes de base sur le recours à la force et à l'usage des armes à feu par les responsables de l'application des lois, adoptés par le huitième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et du traitement des délinquants qui s'est tenu à la Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990 .

74 Analyse de Mr KABRE Olivier, mémoire précité.

47

assurent seuls leur défense devant un ministère public qui les écrase de par son expérience professionnelle et sa culture juridique sans égale. Ce droit est d'autant plus affaibli que le double degré d'instruction et le système de jurés se trouvent écarter.

On relève par ailleurs l'atteinte à la liberté d'aller et de venir et le secret de la vie privée. L'atteinte au premier résulte de l'allongement de la durée de la GAV. La tendance des délais de GAV dans le monde est à la réduction. En France, elle est passée de 72 à 24 heures. Au Burkina Faso, elle est passée de 72 à 360 heures, ce qui correspond à une peine.

L'atteinte au second, c'est-à-dire au secret de correspondance résulte de l'étendue des pouvoirs des OPJ qui peuvent opérer à toute heure de la journée chez toute personne soupçonnée de détenir des informations relatives aux actes de grand banditisme75.

A ces insuffisances juridiques s'ajoutent des faiblesses institutionnelles rendant inefficace le système.

Paragraphe II : Les insuffisances institutionnelles de la lutte

contre le grand banditisme.

Au plan institutionnel, beaucoup de dysfonctionnements sont constamment relevés et de nature à entraver la quête de sécurité durable pour tous. Ce sont entre autres, la problématique des ressources disponibles et les difficultés de coopération entre les différents acteurs de la sécurité.

A. L'insuffisance des ressources

L'insuffisance des ressources se constate d'une part au niveau du personnel et d'autre part au niveau des ressources matérielles disponibles.

1. Le personnel.

La sécurité est avant tout l'oeuvre des acteurs publics commis à cette tâche. La lutte contre le grand banditisme exige une mobilisation grandiose des forces d'intervention compte tenu de l'omniprésence du phénomène sur tout le territoire national. Si c'est vrai qu'il y a des disparités dans les fréquences des attaques à mains armées, aucune région du Burkina Faso n'est à l'abri. C'est pourquoi il faut une couverture conséquente des forces de sécurité sur le terrain. Malheureusement, le manque de personnel rend difficile cette exigence. En effet, les effectifs

75 Art. 6 al 2 de la loi n°017, op.cit.

48

des forces de sécurité paraissent dérisoires devant le besoin de sécurité d'une population estimée à plus de 18 millions d'habitants. A titre illustratif, avec un effectif de cinq mille deux cent dix-neuf (5219) hommes dont cinq cent (500) en formation au 31 août 2009, le ratio gendarmerie/population est d'un (01) gendarme pour deux mille six cent quatre-vingt-cinq (2685) habitants. Avec un effectif de sept mille trois cent soixante-huit (7368) fonctionnaires de police au 31 août 2009 dont huit cent treize (813) en formation, le ratio police/population est d'un (01) policier pour mille neuf cent deux (1902) habitants. Cependant, le ratio optimum est de 300 à 400 habitants par policier.

De nombreux efforts sont en train d'être faits en faveur du renforcement des capacités des forces de sécurité en vue de leur permettre de lutter efficacement contre le grand banditisme et les autres formes de criminalité. . Depuis 2013, la police nationale a lancé un programme biennal de recrutement spécial de 1300 policiers avec le recrutement ordinaire annuel qui porte l'effectif des nouveaux recrus à 2400 policiers par an. Cette initiative pourrait bien permettre une meilleure couverture sécuritaire du pays les années à venir.

2. Le manque de ressources matérielles, logistiques et financières.

Une chose est de recruter le personnel, une autre est de l'équiper pour le travail du terrain. La répression du grand banditisme comporte constamment le défi de faire face à des délinquants souvent mieux armés que les agents républicains. En effet, il est constamment ressorti des rapports que le développement des attaques à mains armées a un lien avec la fuite d'armes et de munitions provenant des pays en crise. En plus, quelques crises socio-politiques qui ont secoué le Burkina Faso cette dernière décennie ont favorisé l'expansion de la criminalité. Il faut donc armer conséquemment les hommes sur le terrain. Mais malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Les armes de points sont en nombre insuffisant ; les mesures de protection sont dérisoires, ce qui n'encourage pas les intervenants76; véhicules de terrain et carburant sont en manque à tel point que souvent les hommes interviennent avec des moyens personnels. Cette insuffisance des ressources ne sont pas de nature à faciliter la répression. Cependant, les équipements des agents de sécurité font parties des exigences des conventions internationales de protection des droits de l'Homme. En effet, pour éviter le recours systématique aux armes pour se défendre, l'Etat a l'obligation de « munir les responsables de l'application des lois d'équipements défensifs tels que pare-balles, casques ou gilets anti balles et véhicules blindés,

76 Les informations récoltées lors de nos enquêtes font état de cas où des éléments porteraient des cartons en guise de pare-balle, juste pour une protection psychologique.

49

afin qu'il soit de moins en moins nécessaire d'utiliser des armes de tout genre »77. Or, au Burkina Faso, les forces de sécurité sont mal équipées en moyens défensifs78 ; d'où le risque d'une systématisation de l'usage des armes pour leur défense.

B. Le manque de coopération inter corps

La quête d'un environnement sécuritaire est l'oeuvre de tous, mais particulièrement celles des corps de sécurité à qui la loi confie cette tâche. Elle est précisément l'oeuvre de la gendarmerie et de la police nationale. Ayant un ennemi commun, les acteurs de la sécurité devraient coopérer en vue de multiplier leurs forces de frappe et décupler leur efficacité dans la lutte contre l'insécurité. Cependant, l'expérience révèle bien souvent des rivalités résultant de complexes de supériorité entre les corps, chose qui est de nature à nuire à la bonne exécution des missions.

La coordination et la coopération entre les forces de sécurité intérieure et la gendarmerie ne sauraient constituer à elles seules des conditions suffisantes et nécessaires pour créer un climat exempt de concurrence contre-productive.

« Elles seraient même inopérantes sans la relecture de la loi sur la sécurité intérieure et l'adoption des différents textes juridiques évoqués à maintes reprises. Ces textes devront comporter des dispositions claires en ce qui concerne les attributions républicaines, les missions, les circonstances et les périmètres d'intervention de chacune des forces, en même temps qu'elles devront leur fixer les objectifs à atteindre. Il faudra aussi leur fournir les moyens nécessaires et adaptés à l'accomplissement de leurs missions afin de permettre à chacune de s'affirmer sur le terrain sans complexe vis-à-vis des autres. Au-delà de ces principes de précaution, demeurera toujours cependant l'épineuse question de la confiance que les décideurs politiques placent en chaque force, quand on sait que la politique y a acquis droit de cité79».

77 Principes de base sur le recours à la force et à l'usage des armes à feu par les responsables de l'application des lois, précité, principe 2.

78 Voir réponse du Ministre de l'Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité à la question orale avec débat du député Bendi OUOBA, précitée.

79BAYALA. Jean-Pierre. 2009. Les défis de la gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l'Ouest -cas du Burkina Faso. Sus cité

50

CHAPITRE II : PERSPECTIVES POUR UNE MEILLEURE

REPRESSION DU GRAND BANDITISME

« Pacem in Terris I »80

Le système de répression actuelle du grand banditisme comporte de nombreux atouts à consolider mais aussi des faiblesses qu'il convient de relever pour un rendement optimum. On arrive à la conclusion que le triomphe de la criminalité du grand banditisme s'explique par des faiblesses inhérentes au système. La correction de ces insuffisances permettra de consolider les acquis et de vaincre une bonne partie de la criminalité. Mais au-delà de ces correctifs et des acquis du système en vigueur, une véritable politique criminelle intégrant des innovations doit être introduite dans le paysage sécuritaire burkinabè. C'est ainsi que dans les lignes qui suivent, des suggestions sont faites pour le renforcement du système (section I) mais aussi pour une innovation dans l'approche du phénomène (section II).

Section I : Suggestions pour un renforcement du système de répression actuel

Après avoir analysé les forces et les faiblesses de l'organisation de la lutte contre le grand banditisme, il apparait opportun de proposer des solutions qui permettent de renforcer l'échafaudage. L'essentiel de ces solutions visent à donner une priorité à la prévention et à rétablir les libertés individuelles en péril sous la nouvelle loi. Ainsi donc, pour optimiser les rendements sous le système de répression actuel du grand banditisme, il faudra prévenir plus qu'on ne réprime (§ I) et procéder à une reconsidération des aspects juridiques (§ II).

§ I. une redistribution des moyens de lutte

Les avantages de la prévention ne sont plus à démontrer. Elle permet non seulement de prévenir les troubles causés par l'infraction, mais aussi d'éviter le recours à l'emprisonnement et son cortège de spoliation économique et de dégradation humaine. La victoire sur le grand banditisme passe par une priorisation de la prévention (A) et une rationalisation de la répression (B).

80 « Paix sur Terre !», titre d'un livre de Pape Jean XXIII publié au lendemain de l'explosion de la 1ère bombe atomique

51

A. Le renforcement de la prévention

La répression du grand banditisme est caractérisée par son caractère hautement répressif. Cependant, les limites de la répression conduisent à préférer la prévention.

1. La répression et ses limites

La répression du grand banditisme est fortement marquée par des textes hautement répressifs. L'action policière et judiciaire régie par le code pénal et le code de procédure pénale, renforcée par la loi 017 portant répression du grand banditisme est le principal moyen de la répression. Cette action conduit au prononcé de grandes peines criminelles sans autres mesures alternatives. Les plus grandes peines sont de 50 ans, voire l'emprisonnement à vie. Or, il est constant que l'effet de la répression est très limité. D'abord, elle ne permet pas une véritable réparation du dommage causé par l'infraction. «Ainsi, les conséquences physiques, psychologiques, économiques et sociales de la criminalité sont vivement ressenties, sans possibilité réelle pour le système pénal de les réparer. Elle est presque sans effet sur le caractère criminogène des délinquants et de certains milieux spécifiques et par conséquent inefficace quant à la réduction de la criminalité »81. C'est pourquoi « même s'il est indiscutable que les méthodes répressives doivent maintenir plus que jamais la pression sur la criminalité, il importe désormais de faire une plus large place à la prévention »82.

2. La prévention et ses avantages

La prévention est certainement le meilleur moyen dans les démocraties pour vaincre la criminalité, donc le grand banditisme. L'expérience au Burkina Faso montre que les zones où le système de prévention est mis en oeuvre, la criminalité a considérablement reculé. Le tableau des attaques à mains armées indique l'influence positive des actions de patrouilles des corps de sécurité. La criminalité des zones rouges répond favorablement aux actions préventives qu'on y applique. Il faut empêcher par tous les moyens le passage au crime. Aussi, faudra-t-il démultiplier les services de sécurité et rendre les corps de patrouilles et les postes de service de sécurité omniprésents sur tout le territoire national. Il faut arriver à un niveau de redéploiement du personnel de sécurité tel qu'il est quasi impossible pour les auteurs d'une opération de grand banditisme de parcourir plus de deux kilomètres sans être arrêtés.

81 KABRE Olivier, op.cit.

82 Politique ministérielle en prévention de la criminalité, pour des milieux de vie plus sécuritaires, Québec, Novembre 2001, p.6.

52

L'intérêt de la prévention est multiple. D'abord, elle permet le déroulement normal de la vie sociale et économique qui n'est guère troublée par l'infraction. Ensuite, elle permet d'économiser en évitant la procédure judiciaire très coûteuse et longue. Elle permet enfin, de réduire la population carcérale dont la gestion coûte chère à l'Etat ; sans compter les questions morales soulevées par l'emprisonnement. C'est pourquoi, la prévention reste le meilleur moyen de lutte contre le grand banditisme.

B. Rationalisation de la répression.

La nécessité de rationaliser la répression est liée aux problématiques soulevées par les longues peines.

1. Problématique des longues peines

L'article 8 de la Déclaration Française des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDH) du 02 octobre 1789, 1er texte à poser les principes fondamentaux du droit pénal, dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Deux principes sont ainsi énoncés : la légalité et la nécessité. La nécessité veut que la peine infligée soit le strict nécessaire et ne prenne pas d'autres formes de torture.

Les peines applicables dans le cadre de la répression du grand banditisme peuvent poser problème quant au principe de la nécessité de la peine. En infligeant des peines hautement criminelles à l'issue d'une procédure correctionnelle, la loi 017 pèche contre les principes fondamentaux de la proportionnalité et de la nécessité du droit pénal classique.

Les longues peines sont souvent sources de problèmes pour nos sociétés. Elles posent des problèmes éthique et économique. Economique parce qu'elles coûtent chères à l'Etat ; éthique parce qu'elle met en jeu la capacité d'une société dite civilisée à moderniser son système pénal.

Dans le contexte burkinabè, les bandits condamnés à des longues peines allant de dix à cinquante ans, et même à perpétuité sont souvent à l'origine des mutineries, des tentatives d'évasions et de tous autres troubles dans les maisons d'arrêt83. Conscient du caractère incompressible de leurs peines, ces condamnés qui réalisent qu'ils n'ont plus rien à perdre tentent le tout pour le tout dans les centres de détention. La construction récente de la prison de

83 Témoignages du personnel de la GSP, recueillis lors des enquêtes qualitatives, mars 2015.

53

haute sécurité a été réalisée pour permettre de résoudre au mieux certains de ces difficultés pénitentiaires.

2. La nécessité de la modération.

Il faut revoir le mécanisme de la répression du grand banditisme dans le sens de l'allègement afin de se conformer aux exigences de l'Etat moderne. Cette exigence de la révision s'invite à un double niveau. Au plan de la durée de la garde à vue et au niveau de la procédure qui conduit au prononcé de la peine.

Les délais légaux de la garde à vue qui sont de 15 jours maximum, méritent d'être revus à la baisse. En rappel, la garde à vue est une « mesure par laquelle un OPJ retient dans les locaux de la police, pendant une durée légalement déterminée, toute personne qui, pour les nécessités de l'enquête, doit rester à la disposition des services de police »84. Cette mesure a lieu dans du droit étroit car elle porte atteinte de façon irréversible à la présomption d'innocence et au droit d'aller et de venir. C'est pourquoi, sa durée doit être réduite au maximum au juste nécessaire. L'efficacité de la répression pourrait justifier le maintien de la quinzaine, mais l'étude vient de révéler que les mesures sévères ne font pas reculer la criminalité. Le maintien de la quinzaine est donc sans objet. Cette exigence est commandée davantage par la tendance internationale qui est la baisse. En France, le délai légal de la GAV est passé de 72 heures à 24 heures. Il serait donc convenable que le Burkina Faso ne se mette pas en marge de la tendance internationale.

Les peines criminelles qui s'appliquent à l'issue des procédures correctionnelles ne donnent pas l'idée d'une bonne administration de la justice. Cet alliage nouveau qui chamboule un ordonnancement juridique ingénieux hérité de pratiques immémoriales de la science criminelle est source d'erreurs judiciaires. Entre la constatation de l'infraction et le jugement du délinquant, un délai impératif et incompressible s'impose. C'est une garantie de la bonne administration de la justice. Sinon, comment être sûr que le condamné à 50 ans d'emprisonnement ferme à l'issue d'une procédure pénale qui n'a duré que deux semaines a bénéficié d'une justice équitable ?

Il faut donc aménager le système, même au prix d'une reconsidération des droits fondamentaux de l'individu.

84 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13ème édition

54

Paragraphe I : Une reconsidération des droits fondamentaux

Les nécessités de la répression face aux exigences des droits de l'Homme commandent la recherche permanente d'un équilibre, lequel ne peut se réaliser qu'au prix d'un compromis entre la teneur actuelle de la loi portant répression du grand banditisme et une interprétation contextuelle des libertés individuelles.

A. Une invite à la relecture de la loi portant répression du grand banditisme

La loi 017 mérite une relecture dans sa teneur afin de corriger ses lacunes et l'approcher au mieux des exigences des droits humains.

1. Les lacunes de la loi portant répression du grand banditisme

Les insuffisances dans la loi portant répression du grand banditisme concernent les dispositions de l'article 9 et l'article 18 dudit texte.

L'article 9 qui comporte la notion d'absolue nécessité est une ouverture vers l'arbitraire dans le recours à l'arme à feu. L'absolue nécessité telle que formulée dans le principe 9 des principes de précaution internationale de l'usage de la force limite celui-ci à la légitime défense. Mais l'article 9 va au-delà pour autoriser son usage même là où il n'y a guère nécessité, c'est-à-dire la neutralisation du délinquant.

Quant à l'article 18, il pose le problème de la détermination de la peine de sûreté dans une sanction pénale d'emprisonnement à vie. Comment déterminer la moitié du restant de la vie d'un délinquant pour une bonne application de la loi ?

Il importe donc pour le législateur, de relire la loi portant répression du grand banditisme en vue de corriger ses contradictions et ses ouvertures imprudentes, dans un but de faciliter son interprétation par les acteurs.

A ces correctifs textuels mérite d'être joint un recadrage juridique compatible aux droits de l'Homme.

2. Un rapprochement de la loi avec les droits de l'Homme

La relecture de la loi 017 qui est demandée depuis des instances internationales85 devra permettre au système de répression de se réconcilier avec les conventions internationales

85A Genève, le comité contre la torture a demandé en 2013 au Burkina Faso la relecture de la loi portant répression du grand banditisme (témoignages recueillis auprès du ministère de la justice et des droits humains).

55

promouvant les droits fondamentaux de l'individu. Loin de faiblir dans la répression, la loi devra se conformer aux grands principes classiques du droit pénal et s'efforcer de réaliser un équilibre entre les exigences des droits de l'Homme et les nécessités de la répression. Un début de relecture est déjà certes entamé et concerne la durée de la garde à vue et le droit de se faire assister d'un avocat dès la phase de l'enquête86 ; mais cette relecture doit être étendue à d'autres aspects juridiques comme ceux relatifs aux droits de la défense, de la présomption d'innocence, du droit à un procès équitable, etc. Cet objectif ne peut être atteint sans une revue de la procédure pour la criminaliser ou de la peine dans le sens de la correctionnalisation.

L'enquête de personnalité mérite d'être rétablie dans la procédure de jugement des bandits. En effet, la connaissance de la personnalité du délinquant permet non seulement de garantir au mieux les droits de la personne accusée, mais aussi d'assurer la défense de la société par le choix de traitement approprié au degré de dangerosité de l'individu.

En définitive, il faut corriger la loi portant répression du grand banditisme afin d'éviter les excès qu'elle pourra occasionner ; pour qu'elle respecte les droits humains et offrir les garanties d'un procès équitable. « Car nul n'est à l'abri. Aujourd'hui, c'est lui, le délinquant ; mais demain, c'est peut-être nous, moi, ma soeur, mon frère, un ami, ou notre enfant. Et alors, nous comprendrons à quel point la société est injuste »87.

Mais l'atteinte de l'équilibre entre répression et sauvegarde des droits fondamentaux passe par une adaptation de ces droits aux réalités locales.

B. La nécessité d'adaptation des textes aux réalités burkinabè.

Les droits consacrés par les différents instruments juridiques internationaux ne sont pas tous des droits ?intouchables½. Le DIDH prévoit des possibilités de restriction et de dérogation(1) qui méritent d'être exploitées dans nos politiques de répression (2).

1. Le principe des restrictions et des dérogations

La restriction est une ingérence de l'Etat dans l'exercice d'un droit reconnu par un instrument juridique international. La restriction est une limitation permanente de la jouissance d'un droit tandis que la dérogation, elle, est une suspension temporaire de cette jouissance. Elles sont

86 Cf. art 1 de la proposition d'un avant-projet de la loi portant réforme du régime de la GAV au BF, op.cit.

87 Témoignage inédit de Mr BAMBARA Paulin, secrétaire général du Ministère de la Justice et des droits humains, recueilli le 29 janvier 2015.

56

l'expression du contraste qui semble exister entre deux missions de l'Etat : l'obligation de respecter les droits reconnus aux citoyens et celle d'assurer le maintien de l'ordre et la sécurité publics. Le principe de la restriction fait l'unanimité au plan international88. Pour être admise, la restriction doit être prévue par une loi et poursuivre un but de légitimité et de nécessité dans un Etat démocratique.

Quant à la dérogation, elle est de principe inadmissible et soulève l'épineuse question de jus cogens89 en droit international. Mais certains instruments l'admettent sous certaines conditions90. Trois conditions sont exigées pour sa régularité :

V' L'existence d'un danger public officiellement proclamé ,
·

V' Les mesures dérogatoires doivent être strictement exigées par la situation ,
·

V' La notification de la dérogation aux autres Etats partis à la convention..

Appliqué au cas spécifique du Burkina Faso, des aménagements peuvent être faits au nom de l'intérêt général.

2. Les droits de l'Homme et les réalités locales

La recherche de la sécurité et la construction d'une société sans actes de grand banditisme doivent se faire avec la pleine conscience des réalités sociales propres aux nations africaines comme le Burkina Faso. L'interprétation des droits de l'Homme doit tenir compte des réalités africaines, de leurs philosophies sociales. Les sociétés africaines connaissent des réalités qui puisent leur essence dans une philosophie fédérative. En effet, nos cultures sociales accordent un primat absolu à la communauté sur l'individu. Il est donc difficile d'avoir une interprétation égalitaire des droits humains avec l'occident où l'individu passe avant la communauté. La situation juridique burkinabè mérite donc un égard particulier qui l'autorise à traiter ou à interpréter certains textes internationaux selon ses réalités sociales. En occident, la philosophie sociale est celle qui place l'individu sur la même balance que le reste de la société. L'individu a plus de droits que n'en a la société entière. Or, notre culture sociale, sans sacrifier l'individu le considère comme un produit de la société à laquelle il doit son existence toute entière.

Cette lecture est d'ailleurs conforme à la philosophie des droits de l'Homme qui autorise l'Etat à « y porter atteinte quand cette liberté reconnue à l'individu devient criminelle c'est-à-dire

88 Cf. art.6 du PIDCP et art.4 de la CADHP.

89 L'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 définit la norme de jus cogens comme « ...une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise... ».

90 Cf. L'article 4 du PIDCP.

57

porte atteinte à celle d'autrui »91. C'est pourquoi dans la lutte contre le grand banditisme, il est important que les acteurs judiciaires adoptent une interprétation relative des instruments juridiques protecteurs des droits de l'Homme, en conformité avec le contexte social africain. Les droits de la société passent avant ceux de l'individu et de ce fait, la sécurité publique importe plus que les libertés individuelles. S'il faut risquer la liberté de quelques sujets afin que la sécurité règne dans toute la cité, alors il faut l'accepter. Il est préférable de punir onze coupables parmi lesquels se trouve un innocent que de laisser dix coupables en liberté au nom des droits d'un seul innocent. Dans nos contrées, il est préférable qu'un seul homme meure pour tout le peuple.

Section II : Pour une innovation dans l'approche du phénomène de grand banditisme

Il faut repenser le système de répression du grand banditisme dans sa globalité pour parvenir à enrayer le phénomène. Nous serons bientôt 20 244 080 de burkinabè92. Comment fonctionnera la sécurité de la société complexe que nous formons ? Quel avenir commun va naître de nos activités économiques diversifiées et les mutations de la criminalité, particulièrement le grand banditisme ?

Beaucoup de signes indiquent la fin de la criminalité de type traditionnel et annoncent le printemps d'une insécurité de type moderne particulièrement caractérisée par la violence excessive, humiliante et dégradante. Cela commande que des solutions novatrices soient trouvées pour y faire face. Et cela nous invite à la connaissance des causes profondes du phénomène (§1) pour l'adoption d'une politique criminelle efficace (§2).

Paragraphe I : La nécessité d'une maîtrise des causes du

phénomène de grand banditisme

Une meilleure approche du grand banditisme commande un renforcement de la prévention. Pour cela, il faut apporter des solutions aux causes qui génèrent où qui aggravent le fléau. Ces causes qui soutiennent le grand banditisme sont aussi directes qu'indirectes.

A. Les causes directes du phénomène de grand banditisme

91 Guy HAARSCHER, philosophie des droits de l'Homme, édition de l'Université de Bruxelles, 1993, 4ème édition revue.

92 Projections démographiques pour 2018/ INSD.

58

Les raisons du triomphe de la criminalité de grand banditisme sont liées aux modes opératoires du fléau. Il s'agit de la problématique des armes à laquelle il faut trouver une solution durable.

1. La problématique de la circulation des armes à feu.

Les armes à feu font la force des délinquants. Or, depuis l'ouverture des frontières, depuis encore les crises socio-politiques qui secouent les pays de l'Afrique occidentale, les armes circulent autant que la monnaie au Burkina Faso. Aggravée par les questions du chômage, des échecs scolaires, la circulation anarchique des armes à feu en combinaison avec d'autres facteurs, tels que des situations post-conflictuelles ou de sous-développement socioéconomique, entraine leur utilisation abusive93. Cette prolifération des armes à feu d'origines diverses pose le problème de leur contrôle, de leur suivi et de leur traçage. Lors de la rencontre avec la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères, il a été indiqué au Rapporteur spécial que la médiocre sécurisation des frontières représentait aussi un obstacle majeur à la répression du trafic d'armes. La Commission estime qu'il y a quelque 2 millions d'armes légères illicites en circulation sur le territoire du Burkina Faso, y compris des armes automatiques et des missiles légers. Le Rapporteur spécial considère que pour un pays d'un peu plus de 17 millions d'habitants, c'est là une menace importante pour la sécurité et la preuve de la poursuite d'un trafic d'armes transfrontalier. Avant le conflit au Mali, la Commission estimait que le trafic entrant représentait un problème important, 39 % des armes venant du Ghana, 19 % de Côte d'Ivoire et 6 % du Mali. Une initiative récente visant à contrôler et réprimer le trafic d'armes à travers la frontière malienne depuis le début du conflit a dû être abandonnée faute de financements94.

Cette situation favorise l'armement redoutable qui fait la force des « grands bandits ». Il n'est d'ailleurs pas rare que lors des opérations de ratissage, des fusils de guerre comme les AK47, les LRAC soient trouvés en possession des délinquants. La lutte contre le grand banditisme passe d'abord par le contrôle de ce qui fait sa force : la prolifération des armes à feu.

2. La lutte contre le grand banditisme par le contrôle des armes à feu

Le premier décembre 2000, la réunion ministérielle des États membres de l'Organisation de l'unité africaine a adopté la Déclaration de Bamako, traduisant leur volonté d'agir contre la

93 THAI THIEN NGHIA Cindy (rapporteuse), Réduire l'impact du trafic des armes légères sur le développement : le rôle de la coopération française, Paris, Haut-Conseil de la coopération internationale, janvier 2006, p. 28.

94 AG-NU, Conseil des droits de l'Homme, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, visite au B.F. 04 février 2014, EMMERSON Ben, inédit.

59

prolifération incontrôlée des ALPC en Afrique et ayant pour objectif d'y apporter une réponse commune95. Cette déclaration « met l'accent sur la recherche d'une solution compréhensive, intégrée, durable et pratique à la prolifération anarchique des armes légères »96 dans le but de promouvoir la paix et la sécurité, les droits de l'Homme et la démocratie, la croissance économique et le développement durable.

Elle incite également à associer la société civile pour appuyer les gouvernements97.

Plusieurs conventions et recommandations ont été prises au plan international et sous régional pour limiter la prolifération des armes à feu. Mais si la communauté internationale est préoccupée par la question, le Burkina Faso l'est plus, car c'est à lui que revient le devoir d'adopter et d'appliquer les textes. Il faut donc une action concertée au plan sous régional contre la circulation des armes à feu.

Au plan interne, l'Etat burkinabè doit agir fortement sur la conscience sociale en l'interpellant par des sensibilisations jointes aux contrôles et à la répression, sur les effets néfastes des armes à feu, fussent-elles civiles, et la menace qu'elles représentent pour son droit à vivre en paix et en sécurité98.

B. L'approche socio-politique ou causes exogènes de la lutte contre le grand

banditisme

A l'étude du phénomène, la question que l'on se pose fréquemment est celle de savoir pourquoi ce phénomène jadis ignoré dans nos cités grandit avec une telle ampleur ?

1. Les problématiques socio-politiques du grand banditisme

« Un retour dans l'histoire montre que les périodes pour lesquelles on parle d'insécurité et d'accroissement de la délinquance correspondent toutes à des périodes de profonds changements économiques ou sociaux, tels que l'industrialisation, l'urbanisation accélérée, la crise économique, les mutations politiques, voire guerres »99. Ce constat révèle à quel point la criminalité est liée aux mutations sociales. Pour le grand banditisme en particulier, nul doute

95 KYTOMAKI Elli, « Les initiatives régionales de contrôle des armes légères sont indispensables à l'exécution du Programme d'action », in VIGNARD Kerstin (dir.), Forum du désarmement, Genève,

UNIDIR, 2005, p. 60

96 DIALLO Mamadou Yaya, sous la direction du Pr. BOURGI Albert, Les Nations Unies et la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre : défis, enjeux et perspectives, op. cit. p. 16

97 Organisation de l'unité africaine, Déclaration de Bamako sur la position africaine commune sur la prolifération, la circulation et le trafic illicites des armes légères et de petit calibre, doc. cit. Chapitre 2, alinéa 5.

98 Article 23, al.1 de la CADHP

99 La grande criminalité et les exigences du respect des droits de l'Homme dans les démocraties européennes, Actes du Séminaire organisé par le Secrétariat Général du Conseil de l'Europe en collaboration avec l'Intercenter de Messine (Italie), Taormina, 14-16 novembre 1996 p.86

60

qu'il tire ses racines dans des causes socio-économiques : la pauvreté et la démographie galopante aggravées par les clivages sociaux. Au Burkina Faso, la pauvreté et l'inégalité visible sont sources de frustration croissante parmi les groupes les plus pauvres de la population, comme l'ont montré les troubles civils et la mutinerie de l'armée en 2011. Les représentants de la société civile que le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies a rencontrés lors de sa visite en février 2014 lui ont expliqué que « pour les groupes sociaux défavorisés, la richesse générée par l'exploitation minière était de toute évidence injustement répartie, que les différends fonciers avaient entraîné un sentiment de frustration et qu'il existait des signes de plus en plus visibles de mécontentement politique et d'agitation »100.

De plus en plus, beaucoup de jeunes ayant eu le bonheur d'accéder à l'instruction sont très vite désabusés de l'idée selon laquelle un minimum d'instruction donne droit à une ascension sociale. Des rêves d'ascension sociale inassouvis dans une période de chômage prolongé et dans un Etat où les degrés de chance sont disparates, poussent de plus en plus à la rébellion, au goût du gain facile, et souvent au mépris du droit et de toute autre valeur sociale.

Le Sahel constitue une zone de transit pour plusieurs produits illicites. Parmi ces produits figurent la drogue, les armes, les cigarettes etc., qui mettent en jeu des intérêts colossaux et génèrent des revenus faramineux, très tentants dans un environnement de chômage, de sous-emploi et de manque de perspectives, surtout pour les jeunes. La tentation d'intégrer les réseaux maffieux en qualité d'intermédiaires ou de soldats devient alors très forte. Aussi, la porosité des frontières, l'accroissement des activités de contrebande, la traite des personnes, notamment des femmes et des enfants, le phénomène des « coupeurs de route » avec tout le cortège des fléaux qui vont avec, sont également d'importants défis, auxquels le pays est confronté, et qui constituent des facteurs de vulnérabilité pouvant être efficacement mis à contribution par les bandes criminelles.

2. Vers la recherche de solutions durables : la prévention sociale

Le combat contre le grand banditisme peut être gagné au prix de la prévention. Et l'obtention de cette victoire passe par la recherche de solution aux causes premières du phénomène que sont la pauvreté, les inégalités sociales, la crise des valeurs sociales. En effet, le grand banditisme entretient un lien étroit avec ces maux sociaux.

Il faut donc trouver de solutions urgentes :

100 AG-NU, Conseil des droits de l'Homme, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, op.cit.

61

? Aux inégalités sociales : il faut réduire les écarts sociaux en offrant les mêmes degrés de chance aux citoyens ;

? Aux disparités de développement des régions. Ouagadougou et Bobo-Dioulasso concentrent l'essentiel du progrès national, ce qui crée des frustrations dans les autres localités du territoire national ;

? Au chômage : il faut réduire le taux du chômage en favorisant l'auto-emploi qui ne peut se faire que par une réorientation des modules de formation de base ;

? A la crise des valeurs sociales : les autorités religieuses qui ont une très grande influence sur les communautés, doivent s'impliquer dans la recherche de solution durable au phénomène.

La prévention sociale implique l'adoption de plans de développement économique surtout en faveur des jeunes101 et pour le criminologue Denis Szabo, « un pays dont la politique sociale est axée sur le respect des droits des personnes et qui consent des efforts pour remplir les besoins élémentaires de sécurité économique, sociale et sanitaire, a de ce fait même une politique criminelle préventive »102

Paragraphe II : Lutte contre le grand banditisme par

l'adoption d'une politique criminelle renforcée

La politique criminelle est la traduction sous forme de programme de la vision des gouvernants sur la lutte contre la criminalité. Au Burkina Faso, la question de la sécurité étant désormais une préoccupation de premier plan, il est plus que jamais nécessaire de se doter d'une politique criminelle achevée (A) incluant les nouvelles stratégies de prévention du grand banditisme (B).

A. Notion et place de la politique criminelle dans la lutte contre le grand banditisme Avant de relever l'importance de la politique criminelle dans les questions de sécurité, il convient d'éclaircir la notion.

1. Notion de politique criminelle

Initiée par le Pr allemand Feuerbach en 1803, la politique criminelle se définit à l'origine comme l'ensemble des procédés répressifs par lesquels, l'Etat réagit contre le crime. Mais cette définition basique et limitée à la répression va évoluer progressivement pour inclure la

101 Voir Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile, adoptés et proclamés par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990.

102 Denis Szabo, Criminologie et politique criminelle, Les presses de l'université de Montréal, Québec, 1978, p.248 cité par KABRE Olivier, op.cit.

62

prévention. Pour le professeur LAZERGES, la politique criminelle est « une réflexion épistémologique sur le phénomène criminel, un décryptage du phénomène criminel et des moyens mis en oeuvre pour lutter contre le comportement de déviance ou de délinquance ; elle est également une stratégie juridique et sociale, fondée sur des choix idéologiques pour répondre avec pragmatisme aux problèmes par la prévention et la répression du phénomène criminel entendu largement »103.

Entendue dans ce sens, la politique criminelle comprend l'ensemble des procédés par lesquels le corps social organise les réponses au phénomène criminel, soit par la prévention, soit par la répression. Appliquée au contexte burkinabè, la politique criminelle apparaît comme l'ensemble des règles et institutions mises en place pour lutter contre la criminalité. Il s'agit entre autres de la législation pénale, des institutions sécuritaires et judiciaires. Mais jusqu'à une époque récente, la politique criminelle burkinabè est restée embryonnaire et non formelle, malgré les avantages que présente un tel programme social.

2. Les avantages de la politique criminelle

Comme le faisait remarquer M. YARGA Larba, ancien ministre de la justice du Burkina Faso, « ... tant que notre pays n'aura pas défini une politique criminelle claire, précise et efficace, et mis en place les organes vitaux fonctionnels de cette politique criminelle, redéfini une organisation judiciaire conséquente, la protection de l'enfance et de la famille, la lutte contre la criminalité et le grand banditisme resteront le cauchemar de notre peuple »104. La politique criminelle est en effet une exigence de l'Etat de droit et une passerelle incontournable dans la quête de sécurité sociale.

Une planification scientifique du développement de la législation criminelle et de la politique criminelle en général rend nécessaire de prévoir, ne serait-ce que dans leurs grandes lignes, les changements majeurs éventuels en matière de délinquance : son niveau général et la fréquence des divers délits ; la dangerosité sociale objective, la motivation et la finalité de ces délits ; la personnalité des délinquants et leurs caractéristiques individuelles ; la proportionnalité des délinquants primaires et des récidivistes, des délits individuels et des délits collectifs, etc. En même temps, il faut prendre en considération des facteurs tels que la conscience juridique de la population, son attitude subjective (intolérance effective) vis-à-vis des délits et des délinquants,

103 Cité par OUEDRAOGO Edouard dans Politique criminelle du Burkina Faso, Université Montpellier I 'octobre 1998, p.16.

104 Cité par NATAMA Djibril dans L'évolution de la politique criminelle au Burkina Faso, mémoire de fin de cycle, université de Ouagadougou, 1992, p.39.

63

le niveau des intentions répressives (attitude à l'égard des différentes sanctions criminelles) et les autres formes d'action anti délictueuses.105

Son existence est un critère de l'Etat de droit et un gage de sécurité juridique du citoyen, une nécessité politique des sociétés modernes où le crime coopère avec le droit.

Elle permet en effet à la société d'anticiper sur la réaction qu'elle opposera au crime. Et à cet effet, elle laisse très peu de possibilité au passage à l'acte. Parce qu'elle est un référentiel juridique de la prévention et de la répression, elle est un gage de la protection des libertés individuelles qui sont à l'abri de l'arbitraire. Par ailleurs, parce qu'elle traduit la réaction du groupe social face au phénomène criminel, elle est un étalon de mesure du niveau de civilisation.

Axée sur des approches nouvelles de la criminalité, la politique criminelle peut s'avérer utile pour conjurer le phénomène du grand banditisme.

B. L'inclusion de nouvelles approches préventives dans la lutte contre le grand

banditisme.

La politique criminelle du Burkina Faso a mis l'accent sur la répression qui se révèle inefficace. Il est grand temps qu'elle s'oriente vers la prévention.

1. La répression et ses limites

Le Burkina Faso a eu jusqu'alors une politique criminelle essentiellement basée sur la répression. Or la répression n'a pas encore permis d'atteindre les résultats escomptés. Son impact est très peu limité sur le phénomène du grand banditisme

En effet, l'action policière et judiciaire, régie par le code pénal et le code de procédure pénale, constitue le moyen principal de lutte contre la criminalité au Burkina Faso. Cette action conduit au prononcé de sanctions pénales sans autres mesures alternatives pour éradiquer le comportement criminogène des délinquants. Certes, la répression en elle-même revêt un certain caractère préventif dans la mesure où elle décourage d'une certaine manière les individus ayant l'intention de poser des actes criminels du fait de la peur d'être punis. Il faut cependant reconnaître que les moyens du système pénal interviennent a posteriori et visent plutôt la dissuasion, la neutralisation et la réinsertion sociale que la prévention à proprement parler. Ce constat, joint à l'absence de mesures effectives de traitement psychiatrique et psycho-social des délinquants dans la politique pénitentiaire dénote de la prépondérance de la répression dans la

105 ANCEL Marc et KOUDRIAVTSEV V.N., la planification des mesures de lutte contre la délinquance travaux du Colloque de politique criminelle et de défense sociale/Moscou du 13 au 19 octobre 1980.

64

politique criminelle burkinabé ; ce qui n'est pas sans conséquence sur l'efficacité de la politique criminelle.

La répression classique qui consiste à poursuivre le délinquant a ceci de pathétique : « être toujours derrière le criminel », donc en retard sur le crime. La répression est donc une stratégie d'approche de la criminalité qui comporte en elle-même les causes de son échec : le retard.

2. Place de la prévention dans la lutte contre le grand banditisme

« Pour la défense sociale contre la criminalité et pour l'élévation morale des populations, le plus petit progrès dans les réformes de prévention sociale vaut mieux cent fois plus et mieux que la publication de tout un code pénal »106. Loin de négliger la répression, la prévention est l'avenir de la lutte contre le grand banditisme.

La répression ayant montré ses limites dans la lutte contre le grand banditisme, il faut inscrire la prévention au titre des grandes lignes de la politique criminelle. Cette nouvelle politique criminelle doit inclure des techniques nouvelles comme la pro action et la modernisation de la police dans son approche.

La pro action est une technique de prévention qui consiste à imaginer le scénario de l'infraction et d'anticiper sur la prévention en devançant le délinquant sur son action. Mais comprendre le mécanisme de la délinquance, prévoir le scénario de l'infraction et anticiper dans l'action préventive.

La modernisation de la police nationale permettra de résoudre une grande partie de la criminalité et, du grand banditisme en particulier. La télésurveillance dans les zones déclarées rouges est certes coûteuse mais devra permettre de réduire le taux de la criminalité. L'expérience de cette technique dans la zone urbaine de Ouagadougou état saluée par tous, il importe de la mettre au bénéfice des citoyens qui sont en mal de leurs droits élémentaires de sécurité.

Les actions préventives dans la nouvelle politique criminelle doivent inclure entre autres :

? Le renforcement de la police de proximité : impliquer la population dans la lutte contre

le grand banditisme en leur proposant un rôle concret et bien défini.

La création de ces nouvelles fonctions permettra d'une part de valoriser et donc de mieux intégrer les volontaires en leur donnant un rôle dans la société et, d'autre part de seconder les forces de l'ordre dans la lutte contre la criminalité.

Ce phénomène n'est pas nouveau puisqu'en Espagne, la population s'est déjà spontanément portée volontaire pour épauler la Police Nationale via le compte Twitter

106 ENRICO Ferry, Cité par NATAMA Djibril dans L'évolution de la politique criminelle au Burkina Faso, mémoire de fin de cycle, université de Ouagadougou, 1992, p.39.

@policia qui a permis d'arrêter plus de 300 trafiquants de drogue et de démanteler des dizaines de points de vente107.

Ni policier, ni pompier, ces citoyens seront des individus en veille, impliqués dans la défense de leur pays. Dispersés sur tout le territoire et non autorisés à porter une arme, leur rôle consistera à assurer un relais des forces de l'ordre. Les citoyens pourront se porter spontanément volontaires pour aider les forces de l'ordre et ne recevront aucune rémunération en contrepartie.

? La sensibilisation de la population à l'utilisation de la monnaie électronique ;

? La coopération sous régionale dans la lutte contre la prolifération des armes légères; ? Une bonne réinsertion des citoyens en conflit avec la loi ;

? L'utilisation des délinquants à des fins de renseignements opérationnels.

On arrive donc à la conclusion que le système de répression contre le grand banditisme comporte des acquis à consolider et des faiblesses à corriger. Mais le plus important dans un Etat démocratique comme le nôtre est de mettre l'accent sur la prévention sans toutefois faiblir dans la répression. En effet, au-delà de son impact direct sur le phénomène et son caractère vindicatif, la répression joue un rôle de dissuasion et d'éducation citoyenne. Cependant, en ce qui concerne le phénomène du grand banditisme devenu une menace sérieuse pour nos populations, il convient d'adopter une politique criminelle claire qui intègre les stratégies préventives les plus achevées.

65

107 HELLMAN Sylvie, vice-présidente de Think Tank Impact, Lutter contre la délinquance à coût zéro, http://www.huffingtonpost.fr/favicon.ico, 26 janvier 2015.

66

CONCLUSION

Le grand banditisme revient au rang des grandes obsessions de notre société. Durant des années, le phénomène a tiré profit d'un relâchement dans la répression pour se développer et devenir une hydre qui répand sa hantise sur toute une nation. Les autorités ont pris conscience et ont entrepris une multitude d'actions hautement répressives dont la première et la plus célèbre fût « l'opération coup-de-poing » des années 2003. Plusieurs exécutions sommaires ont eu lieu et nul ne peut contester l'impact que cette opération a produit dans le domaine de la sécurité. Même si elle a été relativement brève, la paix et la quiétude ont eu encore le droit de régner dans les cités. Mais, peut-on établir la sécurité à n'importe quel prix ? S'il faut autoriser l'atteinte aux droits de l'Homme au nom de l'intérêt général, jusqu'où peut-on aller dans cette « illégalité » ? Aujourd'hui, les droits de l'Homme sont aussi importants que la constitution et leur violation aussi répréhensible que l'instauration d'un régime dictatorial.

Le Burkina Faso a réajusté ses pendules pour être au rendez-vous dans le concert des nations les plus civilisées en adoptant en 2009 une loi censée encadrer l'action des acteurs de la sécurité, tout en autorisant quelques coups aux sacro-saints principes des droits humains. Une lutte jamais engagée dans l'histoire de la sécurité du pays avec des moyens démocratiques a été lancée contre le phénomène du grand banditisme. Désormais sous une qualification propre « d'actes de grand banditisme », et suivant une procédure policière et judiciaire hautement allégée, mais avec des peines fondamentalement criminelles, les grands bandits ont été traqués. Mais au bout de cinq ans, le constat est presqu'alarmant. Les prisons refusent des délinquants au point qu'un établissement pénitentiaire de haute sécurité fût construit. Mais les populations continuent de vivre quotidiennement sous la terreur de l'imminence des actes de grand banditisme. Des zones comme l'Est, la Boucle du Mouhoun, les Cascades sont classées « zones rouges ». Les délinquants semblent se moquer des actions politiques, ils perpètrent leurs forfaits en pleine ville en plein jour.

Cela est un signal fort pour nous inviter à repenser le système de la répression. Loin de faiblir dans la répression au sens strict du terme, il faut réorienter l'action vers la prévention qui semble produire mieux un impact positif.

Pour cela, il faut améliorer le système actuel et apporter du nouveau dans la répression.

Dans le sens du renforcement du système actuel, il convient d'entreprendre les actions suivantes :

67

> Renforcer la prévention en émaillant tout le territoire national de services de sécurité ; > Moderniser les services de sécurité en les dotant de moyens techniques, matériels, humains et financiers pour la bonne exécution de leurs missions ;

> Renforcer la participation communautaire en misant sur la police de proximité ; > Maintenir la répression qui satisfait l'opinion et soulage la victime ;

> Corriger les atteintes aux droits de l'Homme en appliquant aux suspects une véritable procédure criminelle ou en leur garantissant un procès équitable;

> Renforcer la coopération internationale et régionale en rapprochant les incriminations et en favorisant la prévention.

En vue d'une innovation, il convient de mettre en place une politique criminelle suffisamment élaborée et clairement définie.

Beaucoup d'écrits, de commentaires, de communications, beaucoup de remarques et de critiques, seront réalisés en rapport avec la loi 017 sur le grand banditisme. Mais les meilleurs qui retiendront l'attention de l'Histoire seront sans doute ceux qui permettront de faire des avancées significatives sur les questions de sécurité publique durable, de quiétude de nos populations avec une meilleure protection des droits fondamentaux de l'individu. Ces droits sont inaliénables et reconnus à chaque homme du simple fait de son appartenance à la race humaine. Ce sont également ceux qui permettront aux sociétés modernes de concilier au mieux les nécessités de la répression avec les exigences des droits humains. Les droits de l'Homme doivent être protégés en dehors de toutes confessions religieuses et politiques. Ils doivent en tout temps et en tout lieu être élevés au-dessus de tout autre intérêt car c'est la dignité humaine qui est en jeu. Mais il faut à tout prix éviter que ces sacro-saints principes propres à la communauté humaine ne s'abâtardissent au contact d'acteurs sans scrupules interprétant de façon excessive ces droits et aboutissant à des conclusions qui mettent en péril l'avenir de l'humain. L'homme n'est rien en dehors de la société qui le façonne. Il en est le produit et lui doit tout. Elle le nourrit aussi bien spirituellement que physiquement. L'homme est à la société ce que la pierre est à la cathédrale108. Elle participe de la gloire de la cathédrale et hors d'elle, elle n'est qu'une simple pierre. En conséquence, il faut protéger la cathédrale pour sauvegarder la « réputation » de la pierre. Il faut protéger la société pour sauver l'Homme. Il est souvent préférable qu'un seul homme meurt pour tout le peuple !

108 Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, Edition Gallimard, 1942, p.221.

68

Bibliographie

OURAGES

V' CICR, C. de Rover, Servir et Protéger : Droit des droits de l'Homme et droit

humanitaire pour les forces de police et de sécurité, Genève, 1999.

V' ANCEL Marc, La défense sociale, Paris, PUF, février 1985.

V' MIREILLE Delmas-Marty, Les grands systèmes de politique criminelle, Edition

PUF, 1992.

V' FOUCAULT Michel, Surveiller et punir : naissance des prisons, nrf, Editions

GALLIMARD.

V' Actes du colloque conjoint des facultés de droit de l'université de Poitiers et de

l'Université de Montréal tenu à Poitiers en mai 1988, Droit de l'individu et police,

les éditions Thémis.

V' ANCEL Marc et KOUDRIAVTSEV V.N., La planification des mesures de lutte

contre la délinquance, travaux du Colloque de politique criminelle et de défense

sociale, Moscou du 13 au 19 octobre 1980.

V' GUILLIEN Raymond et VINCENT Jean, Lexique des termes juridique, édition

Dalloz, 13ème édition, 2001.

V' Ministère de la Justice, Tableau de bord des statistiques 2013.

V' Le petit Larousse illustré, 2002.

V' La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948.

V' La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981.

MEMOIRES ET RAPPORTS

V' KABRE Olivier, La loi n° 017-2009/an du 05 mai 2009 portant répression du grand banditisme .
· Quelle protection pour les droits humains ?
Mémoire, ENAM, 2012.

V' LAMBOLEZ Ciryl, ALPC Sénégal, La prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre .
· le cas du Sénégal, m
émoire Université Lyon III, Jean Moulin, 2014.

V' Coulibaly B. POLICARPE La garde de sécurité Pénitentiaire face à la lutte contre le grand banditisme : Mémoire ENP, Juin 2012.

V' OUEDRAOGO Oudou André : La lutte contre le grand banditisme, ENP, 1996.

69

V' AG-NU, conseil des droits de l'Homme, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, BF, 04 février 2014 EMMERSON Ben.

V' TARBANGDO Gérard, La criminalité transnationale en Afrique de l'Ouest, séminaire sous régional de haut niveau sur la criminalité transnationale du 12 au 14 décembre 2013 à Bamako au MALI. (Communication du BURKINA FASO).

TEXTES DE LOIS ET REGLEMNTS

V' Constitution du 11 juin 1991.

V' Loi 43-96 ADP du 13 novembre 1996 portant code pénal.

V' Loi n° 032-2003/AN relative à la sécurité intérieure.

V' Loi 017/AN du 05 mai 2009 portant répression du grand banditisme.

V' Ordonnance 68-7 du 21 février 1968, portant institution d'un code.de procédure

pénale.

V' Décret n°2010-335/PRES/PM/SECU du 17 juin 2010 portant adoption de la Stratégie

Nationale de Sécurité Intérieure.

V' Décret n° 2005-263/PRES/PM/ SECU/DEF/MJ/MATD/MPDH du 18 mai 2005

portant adoption du plan d'action de mise en oeuvre de la police de proximité au

Burkina Faso.

WEB-BIBLIOGRAPHIE

V' Site de la CrEDH : http://www.echr.coe.int

V' Site de la CrADHP : http://www.african-court.org/fr/

V' Site de la CJ-CEDEAO : http://ww.claiminghumanrights.org/ecowas.html

ARTICLES ET COMMUNICATIONS

V' PRADEL Jean, Règle de fond sur le crime organisé, inédit.

V' SORGHO Léandre, Communication sur « la police nationale du Burkina Faso : stratégie de prévention de la criminalité », Cape Town, le 22 février 2012, inédit.

V' Ministère de la Justice, Document de base commun aux rapports présentés par le Burkina Faso a tous les organes de contrôle des instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme dans le cadre de l'organisation des nations unies ; mars 2012.

V' BAYALA Jean-Pierre, Les défis de la gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l'Ouest -cas du Burkina Faso, 2009.

70

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1

PARTIE I : BILAN DE LA LUTTE CONTRE LE GRAND BANDITISME AU BURKINA

FASO : DE 2009 A NOS JOURS 4

CHAPITRE I : Bilan de la lutte contre le grand banditisme au plan de la prévention. 5

Section I : Bilan normatif de la lutte contre le grand banditisme 5

Paragraphe I : L'encadrement juridique de sources supranationales 5

A. Les instruments juridiques internationaux de lutte contre la criminalité 6

1. Les textes d'incrimination transnationale 6

2. La coopération policière et judiciaire 7

B. .Les textes internationaux protecteurs des droits de l'Homme 8

1. Les textes universels sur la protection des droits de l'Homme 8

2. Les textes régionaux de défense des droits de l'Homme 9

Paragraphe II : Le référentiel juridique d'origine nationale 10

A. Les textes généraux 10

1. Les principes de protection des personnes et des biens d'origine

constitutionnelle 10

2. La loi relative à la sécurité intérieure 11

B. Les textes spécifiques propres au grand banditisme 11

1. Le référentiel classique de prévention du grand banditisme 11

2. La loi n°017/AN du 05 mai 2009 et la lutte contre le grand banditisme 12

Section II : Bilan de la prévention au plan institutionnel 12

Paragraphe I : L'appareil sécuritaire en charge de la prévention du grand banditisme. 13

A. Le bilan de l'activité des corps paramilitaires 13

1. La police nationale et la prévention du grand banditisme 13

2. l'apport des autres forces paramilitaires dans la prévention du grand

banditisme 14

B. L'apport des forces armées nationales. 15

1. La gendarmerie nationale dans la prévention du grand banditisme 15

2. Le soutien des autres forces militaires dans la lutte contre le grand banditisme

16

71

Paragraphe II : L'apport des organismes civils dans la prévention du grand

banditisme 16

A. L'apport des diverses couches sociales dans la lutte contre le grand banditisme. 17

1. L'action sociale publique (police de proximité) 17

2. L'action sociale privée 18

B. Les Organisations Non Gouvernementales 18

CHAPITRE II : Bilan de la répression du grand banditisme au Burkina Faso. 20

Section I : Le rôle des acteurs judiciaires dans la répression du grand banditisme 20

Paragraphe I : L'activité juridictionnelle dans la répression du grand banditisme 20

A. La procédure classique et le rendement judiciaire 20

1. La procédure pénale dans le crime de vol aggravé 20

2. Les difficultés procédurales liées au grand banditisme 22

B. Les innovations opérées par la loi 017 portant répression du grand banditisme 23

1. La notion d'actes de grand banditisme et leurs sanctions 23

2. La compétence juridictionnelle dans la répression des actes de grand

banditisme 24

Paragraphe II : Le rôle de la police judiciaire dans la répression du grand banditisme 24

A. Les attributions de la police judiciaire dans la lutte contre le grand banditisme 25

1. Les attributions de la Police Judiciaire dans l'enquête de grand banditisme . 25

2. Contribution de la police judiciaire à la lutte contre le grand banditisme 26

B. Le contrôle et la censure des activités de la police judiciaire 27

1. Les autorités de tutelle de la police judiciaire 27

2. La censure des actes de la police judiciaire 27

Section II : L'impact de la répression sur le grand banditisme. 28

Paragraphe I : Evaluation de l'impact de la lutte sur le grand banditisme 28

A. L'effet de la loi sur l'évolution de la criminalité 29

1. Le besoin de sécurité 29

2. L'effet de la loi sur le phénomène du grand banditisme 29

B. Les libertés individuelles sous la loi 017 30

Paragraphe II : Le triomphe du phénomène de grand banditisme sur les méthodes

employées 31

A. Le niveau actuel du grand banditisme 32

B. Les nouveaux modes opératoires des délinquants 33

1. Les Opérations par usage d'armes à feu sur les grands axes routiers 33

72

2. Les pratiques des bandes organisées des délinquants 34

PARTIE II : ANALYSE ET PERSPECTIVES DU SYSTEME DE REPRESSION DU

GRAND BANDITISME 35

CHAPITRE I : Evaluation du système de répression du grand banditisme 36

Section I : Les forces de la politique de répression du grand banditisme 36

Paragraphe I : L'institutionnalisation de la lutte contre le grand banditisme 36

A. L'existence d'organes spécialisés dans la répression du grand banditisme 37

1. Les institutions publiques 37

2. Equipement et moyen d'action 38

B. La communautarisation de la lutte 39

Paragraphe II : La légalité des interventions et la célérité de la procédure. 40

A. La légalité des interventions et la rigueur de la répression: force reste à la loi. 40

1. La légalité des interventions 40

2. La rigueur de la répression 41

B. L'allègement de la procédure 42

Section II : Les faiblesses de la politique de répression du grand banditisme 43

Paragraphe I : Les insuffisances juridiques dans la politique de répression 44

A. L'imprécision des textes de base portant répression du grand banditisme 44

1. Le droit de recours à l'arme par l'OPJ 44

2. La difficile détermination de la peine 45

B. Les insuffisances dans la protection des droits humains 45

1. La répression du grand banditisme et le droit à la vie 45

2. Les autres droits menacés sous la répression du grand banditisme. 46
Paragraphe II : Les insuffisances institutionnelles de la lutte contre le grand

banditisme. 47

A. L'insuffisance des ressources 47

1. Le personnel. 47

2. Le manque de ressources matérielles, logistiques et financières. 48

B. Le manque de coopération inter corps 49

CHAPITRE II : Perspectives pour une meilleure répression du grand banditisme 50

Section I : Suggestions pour un renforcement du système de répression actuel 50

A. Le renforcement de la prévention 51

1. La répression et ses limites 51

2. La prévention et ses avantages 51

B. Rationalisation de la répression. 52

1. Problématique des longues peines 52

73

2. La nécessité de la modération. 53

Paragraphe I : Une reconsidération des droits fondamentaux 54

A. Une invite à la relecture de la loi portant répression du grand banditisme 54

1. Les lacunes de la loi portant répression du grand banditisme 54

2. Un rapprochement de la loi avec les droits de l'Homme 54

B. La nécessité d'adaptation des textes aux réalités burkinabè. 55

1. Le principe des restrictions et des dérogations 55

2. Les droits de l'Homme et les réalités locales 56
Section II : Pour une innovation dans l'approche du phénomène de grand banditisme 57

Paragraphe I : La nécessité d'une maîtrise des causes du phénomène de grand

banditisme 57

A. Les causes directes du phénomène de grand banditisme 57

1. La problématique de la circulation des armes à feu. 58

2. La lutte contre le grand banditisme par le contrôle des armes à feu 58

B. L'approche socio-politique ou causes exogènes de la lutte contre le grand

banditisme 59

1. Les problématiques socio-politiques du grand banditisme 59

2. Vers la recherche de solutions durables : la prévention sociale 60

Paragraphe II : Lutte contre le grand banditisme par l'adoption d'une politique

criminelle renforcée 61

A. Notion et place de la politique criminelle dans la lutte contre le grand

banditisme 61

1. Notion de politique criminelle 61

2. Les avantages de la politique criminelle 62

B. L'inclusion de nouvelles approches préventives dans la lutte contre le grand

banditisme. 63

1. La répression et ses limites 63

2. Place de la prévention dans la lutte contre le grand banditisme 64

CONCLUSION 66

Bibliographie 68

TABLE DES MATIERES 70

74

La répression du grand banditisme au

Burkina Faso: bilan et perspectives

Dans le cadre de la rédaction du mémoire de fin de cycle pour l'obtention du diplôme de commissaire de police, nous vous prions de bien vouloir nous apporter votre soutien en exprimant votre point de vue sur les questions suivantes :

Fiche d»entretien :

1. Le phénomène de la criminalité organisée constitue aujourd'hui une menace sérieuse dans nos Etats. Quel commentaire faites-vous ?

2. Qu'est-ce qui explique la crise de la sécurité sociale dans les sociétés

contemporaines ?

3. Au Burkina Faso, le phénomène de l'insécurité a pris une ampleur telle que les décideurs politiques se sont vus obliger de prendre une loi en 2009 créant une infraction nouvelle avec une répression particulière, la loi 017 du 05 mai 2009 : Peut-on parler de politique criminelle au Burkina Faso ?

4.

75

Avant l'adoption de la loi 017 du 05 Mai 2009 portant répression du grand banditisme, sous quelles qualifications étaient réprimés les actes similaires ?

5. Quels rapports existe-t-il entre le crime organisé et le grand banditisme ?

s

6. quel commentaire faites-vous de cette loi ?

7.

76

Quels sont les textes qui gouvernent aujourd'hui la répression du grand banditisme ?

8. Quelles étaient les prévisions (les objectifs) au temps de l'adoption de la loi ?

9. Après six ans de répressions, quels constat en termes de bilan faites-vous de la répression du grand banditisme ?

10. Beaucoup reprochent la loi d'être attentatoire des droits humains : quelle lecture personnelle faites-vous ?

11.

77

Quels amendements peut-on faire dans cette politique de répression ?

12. Les populations ont-elles un rôle à jouer dans la lutte contre le grand banditisme ?

13. Qu'est-ce qui entrave cette collaboration ?

14. Quelles sont aujourd'hui les forces de la politique criminelle portant répression du grand banditisme ?

Les faiblesses du système ?

15.

78

Le phénomène de l'insécurité est-il attribuable à une inefficacité des organes de prévention (police, gendarmerie) ? Ou de répression (tribunaux, centres pénitentiaires) ? Si oui, quelles suggestions faites-vous ? Sinon, où se trouve le problème ?

16. Quelles corrections, suggestions ferez-vous pour contenir le

phénomène ?

17. Autres commentaires :






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote