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Lutte contre le grand banditisme au Burkina Faso: bilan et perspectives.

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par Marcel KAFANDO
Ecole Nationale de Police - Commissaire de police 2015
  

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A. Les causes directes du phénomène de grand banditisme

91 Guy HAARSCHER, philosophie des droits de l'Homme, édition de l'Université de Bruxelles, 1993, 4ème édition revue.

92 Projections démographiques pour 2018/ INSD.

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Les raisons du triomphe de la criminalité de grand banditisme sont liées aux modes opératoires du fléau. Il s'agit de la problématique des armes à laquelle il faut trouver une solution durable.

1. La problématique de la circulation des armes à feu.

Les armes à feu font la force des délinquants. Or, depuis l'ouverture des frontières, depuis encore les crises socio-politiques qui secouent les pays de l'Afrique occidentale, les armes circulent autant que la monnaie au Burkina Faso. Aggravée par les questions du chômage, des échecs scolaires, la circulation anarchique des armes à feu en combinaison avec d'autres facteurs, tels que des situations post-conflictuelles ou de sous-développement socioéconomique, entraine leur utilisation abusive93. Cette prolifération des armes à feu d'origines diverses pose le problème de leur contrôle, de leur suivi et de leur traçage. Lors de la rencontre avec la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères, il a été indiqué au Rapporteur spécial que la médiocre sécurisation des frontières représentait aussi un obstacle majeur à la répression du trafic d'armes. La Commission estime qu'il y a quelque 2 millions d'armes légères illicites en circulation sur le territoire du Burkina Faso, y compris des armes automatiques et des missiles légers. Le Rapporteur spécial considère que pour un pays d'un peu plus de 17 millions d'habitants, c'est là une menace importante pour la sécurité et la preuve de la poursuite d'un trafic d'armes transfrontalier. Avant le conflit au Mali, la Commission estimait que le trafic entrant représentait un problème important, 39 % des armes venant du Ghana, 19 % de Côte d'Ivoire et 6 % du Mali. Une initiative récente visant à contrôler et réprimer le trafic d'armes à travers la frontière malienne depuis le début du conflit a dû être abandonnée faute de financements94.

Cette situation favorise l'armement redoutable qui fait la force des « grands bandits ». Il n'est d'ailleurs pas rare que lors des opérations de ratissage, des fusils de guerre comme les AK47, les LRAC soient trouvés en possession des délinquants. La lutte contre le grand banditisme passe d'abord par le contrôle de ce qui fait sa force : la prolifération des armes à feu.

2. La lutte contre le grand banditisme par le contrôle des armes à feu

Le premier décembre 2000, la réunion ministérielle des États membres de l'Organisation de l'unité africaine a adopté la Déclaration de Bamako, traduisant leur volonté d'agir contre la

93 THAI THIEN NGHIA Cindy (rapporteuse), Réduire l'impact du trafic des armes légères sur le développement : le rôle de la coopération française, Paris, Haut-Conseil de la coopération internationale, janvier 2006, p. 28.

94 AG-NU, Conseil des droits de l'Homme, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, visite au B.F. 04 février 2014, EMMERSON Ben, inédit.

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prolifération incontrôlée des ALPC en Afrique et ayant pour objectif d'y apporter une réponse commune95. Cette déclaration « met l'accent sur la recherche d'une solution compréhensive, intégrée, durable et pratique à la prolifération anarchique des armes légères »96 dans le but de promouvoir la paix et la sécurité, les droits de l'Homme et la démocratie, la croissance économique et le développement durable.

Elle incite également à associer la société civile pour appuyer les gouvernements97.

Plusieurs conventions et recommandations ont été prises au plan international et sous régional pour limiter la prolifération des armes à feu. Mais si la communauté internationale est préoccupée par la question, le Burkina Faso l'est plus, car c'est à lui que revient le devoir d'adopter et d'appliquer les textes. Il faut donc une action concertée au plan sous régional contre la circulation des armes à feu.

Au plan interne, l'Etat burkinabè doit agir fortement sur la conscience sociale en l'interpellant par des sensibilisations jointes aux contrôles et à la répression, sur les effets néfastes des armes à feu, fussent-elles civiles, et la menace qu'elles représentent pour son droit à vivre en paix et en sécurité98.

B. L'approche socio-politique ou causes exogènes de la lutte contre le grand

banditisme

A l'étude du phénomène, la question que l'on se pose fréquemment est celle de savoir pourquoi ce phénomène jadis ignoré dans nos cités grandit avec une telle ampleur ?

1. Les problématiques socio-politiques du grand banditisme

« Un retour dans l'histoire montre que les périodes pour lesquelles on parle d'insécurité et d'accroissement de la délinquance correspondent toutes à des périodes de profonds changements économiques ou sociaux, tels que l'industrialisation, l'urbanisation accélérée, la crise économique, les mutations politiques, voire guerres »99. Ce constat révèle à quel point la criminalité est liée aux mutations sociales. Pour le grand banditisme en particulier, nul doute

95 KYTOMAKI Elli, « Les initiatives régionales de contrôle des armes légères sont indispensables à l'exécution du Programme d'action », in VIGNARD Kerstin (dir.), Forum du désarmement, Genève,

UNIDIR, 2005, p. 60

96 DIALLO Mamadou Yaya, sous la direction du Pr. BOURGI Albert, Les Nations Unies et la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre : défis, enjeux et perspectives, op. cit. p. 16

97 Organisation de l'unité africaine, Déclaration de Bamako sur la position africaine commune sur la prolifération, la circulation et le trafic illicites des armes légères et de petit calibre, doc. cit. Chapitre 2, alinéa 5.

98 Article 23, al.1 de la CADHP

99 La grande criminalité et les exigences du respect des droits de l'Homme dans les démocraties européennes, Actes du Séminaire organisé par le Secrétariat Général du Conseil de l'Europe en collaboration avec l'Intercenter de Messine (Italie), Taormina, 14-16 novembre 1996 p.86

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qu'il tire ses racines dans des causes socio-économiques : la pauvreté et la démographie galopante aggravées par les clivages sociaux. Au Burkina Faso, la pauvreté et l'inégalité visible sont sources de frustration croissante parmi les groupes les plus pauvres de la population, comme l'ont montré les troubles civils et la mutinerie de l'armée en 2011. Les représentants de la société civile que le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies a rencontrés lors de sa visite en février 2014 lui ont expliqué que « pour les groupes sociaux défavorisés, la richesse générée par l'exploitation minière était de toute évidence injustement répartie, que les différends fonciers avaient entraîné un sentiment de frustration et qu'il existait des signes de plus en plus visibles de mécontentement politique et d'agitation »100.

De plus en plus, beaucoup de jeunes ayant eu le bonheur d'accéder à l'instruction sont très vite désabusés de l'idée selon laquelle un minimum d'instruction donne droit à une ascension sociale. Des rêves d'ascension sociale inassouvis dans une période de chômage prolongé et dans un Etat où les degrés de chance sont disparates, poussent de plus en plus à la rébellion, au goût du gain facile, et souvent au mépris du droit et de toute autre valeur sociale.

Le Sahel constitue une zone de transit pour plusieurs produits illicites. Parmi ces produits figurent la drogue, les armes, les cigarettes etc., qui mettent en jeu des intérêts colossaux et génèrent des revenus faramineux, très tentants dans un environnement de chômage, de sous-emploi et de manque de perspectives, surtout pour les jeunes. La tentation d'intégrer les réseaux maffieux en qualité d'intermédiaires ou de soldats devient alors très forte. Aussi, la porosité des frontières, l'accroissement des activités de contrebande, la traite des personnes, notamment des femmes et des enfants, le phénomène des « coupeurs de route » avec tout le cortège des fléaux qui vont avec, sont également d'importants défis, auxquels le pays est confronté, et qui constituent des facteurs de vulnérabilité pouvant être efficacement mis à contribution par les bandes criminelles.

2. Vers la recherche de solutions durables : la prévention sociale

Le combat contre le grand banditisme peut être gagné au prix de la prévention. Et l'obtention de cette victoire passe par la recherche de solution aux causes premières du phénomène que sont la pauvreté, les inégalités sociales, la crise des valeurs sociales. En effet, le grand banditisme entretient un lien étroit avec ces maux sociaux.

Il faut donc trouver de solutions urgentes :

100 AG-NU, Conseil des droits de l'Homme, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, op.cit.

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? Aux inégalités sociales : il faut réduire les écarts sociaux en offrant les mêmes degrés de chance aux citoyens ;

? Aux disparités de développement des régions. Ouagadougou et Bobo-Dioulasso concentrent l'essentiel du progrès national, ce qui crée des frustrations dans les autres localités du territoire national ;

? Au chômage : il faut réduire le taux du chômage en favorisant l'auto-emploi qui ne peut se faire que par une réorientation des modules de formation de base ;

? A la crise des valeurs sociales : les autorités religieuses qui ont une très grande influence sur les communautés, doivent s'impliquer dans la recherche de solution durable au phénomène.

La prévention sociale implique l'adoption de plans de développement économique surtout en faveur des jeunes101 et pour le criminologue Denis Szabo, « un pays dont la politique sociale est axée sur le respect des droits des personnes et qui consent des efforts pour remplir les besoins élémentaires de sécurité économique, sociale et sanitaire, a de ce fait même une politique criminelle préventive »102

Paragraphe II : Lutte contre le grand banditisme par

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway