Master 2 ESC Kedge Business School Année
2015/2016
LE DESIGN COMME MOYEN DE
(RE)CONSTRUCTION D'UNE
IDENTITE TERRITORIALE CAS DE LA VILLE DE SAINT-ETIENNE
Mémoire de fin d'études
présenté par Inès
Marandon
Maitre de mémoire : Anne
Gombault
Remerciements
Avant d'entrer dans le vif du sujet de mon mémoire, je
tiens à remercier les nombreuses personnes qui ont joué un
rôle important dans l'élaboration de ce mémoire de
recherche.
Tout d'abord, je remercie celles qui m'ont accordé du
temps en participant à des entretiens et
en répondant à mes questions :
+ Philippe MOINE, Designer indépendant
+ Nathalie ARNOULD, Design Manager à Saint-Etienne
Métropole ainsi qu'à la Cité du
Design de Saint-Etienne
+ Gaëlle SUBILEAU, Chargée de mission, Designers
Plus
+ Stéphane DEVRIEUX, Directeur de l'Office du Tourisme de
Saint-Etienne
+ Bernard LAROCHE, Consultant en « design pour tous
»
+ Ivan BONIN, Designer diplômé de Kedge Design
School
+ Anja CLERC, Designer sur la région de Saint-Etienne
+ Charlotte DELOMIER, Designer sur la région de
Saint-Etienne
+ Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS, Fondateurs de
l'agence Kaksi Design
Enfin, je remercie toute l'équipe de mon master à
KEDGE BUSINESS SCHOOL du campus de Bordeaux, ma directrice de mémoire
Anne GOMBAULT ainsi que Claire GRELLIER pour ses conseils relatifs à la
réalisation de ce document.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
RESEARCH DESIGN 3
Première partie 3
1.1 Intérêt du sujet 3
1.1.1 Point de vue personnel 3
1.1.2 Point de vue professionnel 4
1.2 Définition des termes du sujet 5
1.2.1 Mots clés du sujet 5
1.2.2 Limites choisies du sujet 7
1.3 Problématique et sous-questions de recherche
8
Deuxième partie 9
1.4 Cadre théorique 9
1.5 Cadre méthodologique 10
REVUE DE LITTERATURE 11
1 Le design, un moyen de renouvellement urbain
11
1.1 Tentative de définition du design
11
1.2 Un intérêt grandissant pour le design
depuis les années 1980 17
1.3 Le renouvellement urbain par les communautés
créatives 21
1.3.1 Les créateurs, un moteur essentiel des mutations
urbaines ? 21
1.3.2 Le réseau Unesco des villes créatives de
design 25
1.3.2.1 Montréal 28
1.3.2.2 Berlin 31
2 Saint-Etienne, un territoire en reconversion
33
2.1 Une ville créative depuis toujours
33
2.1.1 L'âge d'or industriel 33
2.1.2 L'héritage industriel comme source de
patrimonialisation et de muséification 36
2.1.2.1 Le Musée d'Art et d'Industrie 36
2.1.2.2 Le Musée d'Art Moderne et Contemporain 37
2.1.2.3 Le Puits Couriot en parc-musée 38
2.2 Une politique de renouvellement urbain tournée
vers le design 39
2.3 Naissance de la Cité du Design 42
3 Le design comme nouvelle identité territoriale
45
3.1 Moteurs du développement urbain par le design
45
3.1.1 Une véritable stratégie de positionnement
45
3.1.2 Une alternative à la crise économique 48
3.1.3 Le design pour améliorer la vie des gens 51
3.2 Freins au développement de cette
identité territoriale 53
3.2.1 L'image négative de la ville 53
3.2.2 La proximité avec la ville de Lyon 54
3.3 Le design à Saint-Etienne: quelles
retombées ? 56
3.3.1 La Biennale Internationale du Design, un succès
encourageant pour la ville 56
3.3.2 Un design participatif ancré à Saint-Etienne
58
3.3.3 Valorisation de la « démarche design »
dans le secteur privé 59
Conclusion de la revue de littérature
60
RECHERCHE EMPIRIQUE 62
1 Méthodologie 62
2 Résultats de l'enquête 64
2.1 Le design... encore perçu comme
élitiste ? 64
2.2 Discussions autour de cette décision politique
orientée vers le design 67
2.3 Les problématiques de cette reconversion
territoriale 72
ANALYSE DES DONNEES 75
CONCLUSION 79
BIBLIOGRAPHIE 83
ANNEXES
1 Guide d'entretien semi-directif 1
2 Entretien avec Stéphane DEVRIEUX, Directeur
de l'Office du Tourisme de Saint-
Etienne 2
3 Témoignage de Bernard Laroche, consultant en
« design pour tous » 10
4 Témoignage de Guillaume GRANJON et
Élodie VICHOS, Designers et fondateurs
de l'agence Kaksi Design 13
5 Entretien avec Gaëlle Subileau, Chargée
de mission chez Designers Plus 15
6 Entretien avec Nathalie Arnould, Design Manager
à Saint-Etienne Métropole et
à la Cité du Design 31
7 Entretien avec Philippe Moine, Designer
indépendant 46
8 Etude réalisée sur les
retombées économiques de la Biennale Internationale
Design 2015 54
10 Réseau des villes créatives de
l'Unesco 58
11 Campagne de communication « Saint-Etienne
change le monde avec design » 59
12 Saint-Etienne Design City Guide 60
1
INTRODUCTION
« Le design, c'est un état d'esprit avant
tout. Le design est fait pour remettre en question, casser les codes,
sensibiliser quelquefois, proposer de nouvelles logiques ». C'est
donc par une définition plurielle que Matali Crasset,
célèbre designer française, décrit le design
lorsqu'on l'interroge.
Qu'existe-t-il de mieux que le design pour rendre accessible
cette vision de la vie alliant l'utile à l'agréable ? Souvent
méconnu et incompréhensible de la part des non-initiés, il
fait pourtant partie de notre quotidien, à travers la machine à
café, l'automobile, etc. C'est donc tout naturellement que les
politiques se sont intéressés à ce concept pour
reconstruire l'identité de leur ville et améliorer la
qualité de vie des habitants. Par conséquent, l'urbanisme s'est
ancré dans cette vision à tel point que certaines villes se sont
même focalisées sur cet objet d'étude menant à des
distinctions. Quels sont ces lieux qui tendent à rompre les codes
grâce au design ? Pourquoi inscrivent-ils dans leur politique une
volonté de l'utiliser pour se développer ? Qu'est-ce qu'une ville
de design selon l'Unesco ? Nous pouvons formuler l'hypothèse que la
régénération urbaine par le design est une
véritable source de développement. Mais quels en sont les moyens
? Est-ce que cette désignation de l'Unesco est une vitrine
constituée de quelques faits concrets, ou bien repose-t-elle
véritablement sur un développement réfléchi ?
Afin d'apporter des réponses à ces
questionnements, il semble intéressant de prendre l'exemple d'une ville
appartenant au réseau mondial Unesco des villes créatives de
design comme Saint-Etienne, qui a obtenu ce titre en 2010. Entre construction
et reconstruction urbaine, comment la politique territoriale tournée
vers le design améliore l'identité d'une ville à l'instar
de Saint-Etienne ?
Tout d'abord, nous verrons comment cette discipline peut
être un moyen de renouvellement urbain, à travers sa
définition et son essor depuis les années 1980. Puis, nous nous
intéresserons aux villes qui ont fait le choix de s'investir dans cette
directive, ce qui nous conduira naturellement à l'exemple de
Saint-Etienne, seule ville française à être reconnue
2
pour son design à l'Unesco. En effet, celle-ci subit
son passé du fait de l'image de « ville noire »
présente dans l'inconscient collectif. Ainsi, une politique urbaine
tournée vers le design a vu le jour, ce qui a conduit à la
naissance de la Cité du Design en 2005. Cet état de fait permet
de conférer une nouvelle identité territoriale à cette
ville, entremêlant avantages et inconvénients. A l'aide de ces
constats, nous verrons si Saint-Etienne a gagné son pari.
3
RESEARCH DESIGN
Première partie
1.1 Intérêt du sujet
1.1.1 Point de vue personnel
Mes centres d'intérêts sont fortement liés
à l'art et aux industries créatives en général.
J'ai ainsi eu la chance de suivre un semestre spécialisé dans
Industries Créatives lors de mon Master ESC à Kedge Business
School (campus de Bordeaux). Cette spécialisation m'a permis
d'appréhender le fonctionnement des organisations créatives et
culturelles, nationales et internationales.
Tous les arts m'intéressent, mais si je dois en
évoquer quelques-uns, ce sont les suivants : la peinture, la
photographie, l'aménagement de l'espace, l'artisanat d'art, la
musique... Les architectes et designers que j'apprécie sont Charlotte
Perriand, Le Corbusier, Rudy Ricciotti, mais également les artistes
comme Helmunt Newton, Pablo Picasso. Sensible au travail des créateurs,
j'apprécie fortement l'artisanat d'art... J'ai également un
goût prononcé pour les voyages. Durant mon enfance, j'ai eu la
chance d'effectuer des activités artistiques. En 2008, j'ai vécue
une année en immersion totale aux Etats-Unis à l'âge de
seize ans (avec l'association AFS), qui m'a réellement ouvert
l'esprit.
L'aménagement d'une ville par la
créativité et la culture m'intéresse, j'ai donc
décidé d'orienter mon mémoire vers cette
thématique. Née à Saint-Etienne, c'est ma ville natale que
j'ai choisi d'étudier, parce que ce sont mes racines, mais aussi pour
comprendre ce qui a poussé la ville à s'orienter vers le design.
Saint-Etienne est une ville que les gens connaissent peu. Le sujet est peu
abordé, il est donc intéressant et original.
4
Axer mon sujet sur ma ville natale me permettra
également d'obtenir des données facilement, notamment sur le
terrain. La ville est classée « Ville de Design » par
l'UNESCO. Grâce à ce mémoire d'études, je vais
pouvoir comprendre comme le design est arrivé à Saint-Etienne, ce
qu'il apporte à cette ville, comment il grandit dans la ville, quelles
sont les conséquences, les enjeux...
1.1.2 Point Le vue professionnel
Ce mémoire sera une belle occasion pour moi de
développer mon réseau professionnel, grâce à des
échanges et des rencontres avec divers acteurs du milieu. Il me
permettra également d'accroitre mes connaissances, grâce à
des lectures théoriques et le cas pratique de la ville de
Saint-Etienne.
Comme projet de carrière, j'aimerais travailler dans
les Industries Créatives comme l'artisanat d'art (mobilier, design,
décoration, bijouterie). Mon expérience professionnelle de master
2 en apprentissage au sein du service « La Boutique Desjoyaux » du
groupe Piscines Desjoyaux, en tant qu'assistante webmarketing, me permet
d'être en lien avec un univers décoratif et l'aménagement
de l'espace qui me plait. En effet, certains des produits sont conçus au
sein de l'entreprise, d'autres sont fabriqués par des designers (comme
Emu, célèbre marque de designers italiens).
Le deuxième secteur d'activité qui
m'intéresserait est l'évènementiel culturel autour du
design ou de l'art, pour des événements comme le salon Maison
& Objet. Mon bénévolat durant l'été 2015 sur
trois festivals culturels (Paroles et Musique, Les 7 collines et Woodstower)
m'a permis de mettre un pied dans l'évènementiel culturel. J'ai
apprécié le fait d'être en contact avec des artistes et de
contribuer à faire vivre ces événements.
Une fois diplômée d'un Master ESC de Kedge
Business School, j'envisage d'effectuer un Volontariat International à
l'étranger car j'ai toujours voulu travailler sous une dimension
internationale. Je suis attirée par des villes créatives comme
Montréal, mais je suis ouverte à d'autres destinations en lien
avec les arts, la culture et le design. J'aimerais beaucoup travailler dans une
institution culturelle, rencontrer et échanger avec les artistes, mettre
en valeur la créativité.
5
1.2 Définition des termes du sujet
1.2.1 Mots clés du sujet
+ DESIGN
D'après l'ouvrage de l'architecte et designer
considéré comme un pionnier du design, Marc Held pour le mot
« design », chaque « designer »
possède sa propre définition (Held, 1970). Pour Henri van
Lier (professeur à l'Institut des arts de diffusion de Bruxelles),
« le design lui-même reste un projet ». Pour
l'architecte Joe Colombo, « le designer occupe une place
considérable puisqu'il crée les instruments et aménage le
cadre indispensables à la vie humaine ».
Pour revenir à Marc Held, il définit le design
comme « une intervention créatrice appliquée à la
conception d'un objet quelconque dans le cadre de contraintes
sévères ». Cela reste une définition tout a fait
acceptable même si, dans la revue de littérature, cette
définition du design mérite d'être approfondie. Nous
définirons ce concept à travers divers ouvrages et des points de
vues différents.
+ REHABILITATION
La réhabilitation, au sens
architectural et urbanistique, désigne le fait de
réaménager un local, un bâtiment ou un lieu, de
manière à conserver l'aspect extérieur et authentique du
bâtiment, à améliorer le confort intérieur et
parfois d'économiser l'énergie. La réhabilitation regroupe
les actions qui contribuent à l'amélioration du cadre de vie en
perpétuel changement. Une réhabilitation (Edelblutte, 2006) est
souvent la transformation d'un lieu qui avait à l'origine une certaine
fonction en une autre fonction (comme une ancienne gare en restaurant). Pour
chaque rénovation, il y a 2 éléments : le contenant (le
bâti urbain), et le contenu (les activités ou usages
destinées du bâtiment). L'enjeu d'une rénovation urbaine
dépasse le simple fait d'améliorer l'espace urbain. L'image de
toute une ville est ainsi touchée et modifiée.
Le renouvellement urbain (Edelblutte, 2006)
ou en anglais, urban regeneration, que l'on traduit
littéralement par régénération urbaine, englobe des
notions larges liées à la ville, pas
6
toujours clairement définies comme :
réaménagement, préparation du terrain à l'accueil
d'une nouvelle occupation, rénovation, destruction de l'immeuble ancien
et remplacement par un nouveau, réhabilitation, conversation de
l'immeuble ancien et mise aux normes, reconversion, changement
d'activité d'un site et réaménagement.
+ IDENTITE TERRITORIALE
Le sentiment identitaire peut se manifester au niveau de
l'individu, par référence à un espace particulier auquel
il se sent particulièrement attaché. Lorsque ces sentiments
identitaires individuels sont regroupés, ils peuvent donner naissance
à des sentiments collectifs d'identité territoriale.
(Guermond)
D'après Hervé Le Bras et Yves Guermond (des
professeurs chercheurs réunis à l'INED en 2007), « le
lien entre identités et territoire n'est pas si évident que cela.
» Il n'est pas forcément évident, d'autant plus s'il on
prend en compte le contexte de mondialisation. D'après eux, il ne faut
pas faire systématiquement le lien entre identité et territoire :
« En effet, d'une part, le fait même de partager un territoire
ne suffit pas à générer une identité unique.
»
Ces penseurs se sont posés plusieurs questions comme :
Comment se met en place un sentiment d'appartenance ? Pourquoi certains lieux
sont plus porteurs d'identités que d'autres ? « Le sentiment
d'appartenance à un territoire se construit sur une expérience et
des représentations partagées d'une histoire et d'une
mémoire collective » : 55% des personnes interrogées
répondent le nom d'une commune à la question : « S'il on
vous demande d'où vous êtes ? » d'après France
Guérin-Pace. Ils classent les relations au territoire des citoyens en 2
types : l'appropriation et l'appartenance. La première consiste à
se sentir bien dans son territoire. L'appartenance « passe par le
processus de socialisation et l'acquisition de connaissances historiques et
géographiques (France Guérin-Pace, 2008)».
Attention, il faut faire la nuance des 2, car « on peut
s'approprier un territoire tout en se sentant appartenir à un autre
».
7
1.2.2 Limites choisies du sujet
+ Limites sectorielles
L'étude comprendra plusieurs dimensions (politique,
économie, marketing, communication, etc.) afin d'avoir un point de vue
global sur le sujet.
+ Limites temporelles
L'étude portera sur les projets urbains datant de 1980
à nos jours, en favorisant les projets des dernières
années ainsi que les projets futurs.
+ Limites spatiales
Dans la revue de littérature, je souhaiterais effectuer ma
recherche au niveau international, surtout concernant les villes
créatives exemplaires comme Montréal, Berlin...
Pour l'approche terrain, je me pencherais sur une étude de
cas sur la ville de Saint-Etienne, qui voit également des quartiers se
transformer comme le quartier de la Manufacture, incluant la Cité du
Design de Saint-Etienne.
+ Point de vue
Le point de vue de l'étude sera celui des acteurs
professionnels, des institutions, des designers...
8
1.3 Problématique et sous-questions de
recherche
v Question principale
Entre construction et reconstruction urbaine,
comment la politique territoriale tournée vers le design améliore
l'identité territoriale d'une ville à l'instar de Saint-Etienne
?
v Sous-questions
- Pourquoi Saint-Etienne a-t-elle choisi d'utiliser le design
pour se développer ?
- Le design est-il logique et cohérent dans cette ville
?
- Est-ce que cette désignation de l'Unesco est une
vitrine constituée de quelques faits
concrets, ou bien repose-t-elle véritablement sur un
développement réfléchi ?
- Quels sont les enjeux de cette politique territoriale ?
- Quelle est la place des designers dans cette ville de design
par l'Unesco ?
v Hypothèses de recherche
- Le design n'est pas arrivé par hasard à
Saint-Etienne.
- La régénération urbaine par le design est
source de développement.
- Le rôle des designers est primordial dans une «
ville de design Unesco ».
Deuxième partie
1.4 Cadre théorique
+ Le design
Flusser V., Petite philosophie du design (posthume,
1993), Belval, Circé, 2002, p. 11.
Marshall T., Design Dictionary, Basel, Boston, Berlin,
Birkhauser, 2008, p.104.
Vial S., Court traité du design, Paris, Presses
Universitaires de France « Quadrige », 2010, 124 pages.
+ Les villes créatives et le renouvellement
urbain
Chantelot S., La thèse de la classe créative :
entre limites et développements, Géographie,
économie, société 4/2009 (Vol. 11), p. 315-334 .
Charmes Eric, La ville émiettée, Essai sur la
clubbisation de la vie urbaine, La ville en débat, 2011, 288
pages.
Florida R., Cities and the creative class (2005), New
York-London, Routledge, 198 pages.
Gertler G., Les villes créatives : Quelle est leur
raison d'être, comment fonctionnent-elles et comment les
bâtissons-nous ?, 2008.
Potteiger, M. and Purington, J. Landscape Narratives :
Design practices for Telling Stories, Wiley., 1998.
+ Marketing territorial
Chanoux M. et Serval S., Etat des lieux et perspectives du
marketing urbain, Institut de Management Public et de Gouvernance
Territoriale, p. 11.
9
Lynch, K., The image of the City. MIT Press, 1960.
10
1.5 Cadre méthodologique
+ Objectifs de la recherche
La recherche a pour but de comprendre plusieurs aspects :
- Comment s'opère la rénovation urbaine de villes
anciennement industrielles par le
design ?
- Quelle est la place du design dans la
régénération urbaine ?
- Qui sont les acteurs de la régénération
urbaine ?
- Quelle est la place des acteurs culturels à
Saint-Etienne ?
- Qu'est-ce que le design apporte à la ville ?
+ Stratégie de recherche
La méthode que j'ai choisie est une étude de cas
sur la ville de Saint-Etienne.
+ Méthode de collecte des
données
La récolte des données se fera de manière
qualitative afin d'obtenir le point de vue des acteurs de la ville, pour
connaître leur avis concernant cette régénération
urbaine. Il s'agira de professionnels, d'acteurs culturels, de designers,
d'acteurs touristiques, etc.
Les données seront récoltées grâce
à des rencontres en face à face. Les entretiens seront
réalisés à l'aide d'un guide d'entretien. Ils seront
enregistrés, retranscrits en totalité, puis analysés. Ces
données aideront à compléter la revue de
littérature et à ouvrir sur d'autres problématiques.
11
REVUE DE LITTERATURE
1 Le design, un moyen de renouvellement urbain
1.1 Tentative de définition du design
En anglais, « to design » signifie
littéralement « concevoir ». Il serait donc logique
de penser que le mot design fait référence à tout ce qui
touche à la conception. Mais ce n'est pas si simple que cela. En effet,
l'introduction en 1965 du mot « design » dans notre langue
française a suscité bien des débats, d'après Claire
Fayolle... Ce n'est qu'en 1971 que l'Académie Française accepte
le mot design, même si de nombreux pouvoirs publics et linguistes
proposent de le remplacer par « esthétique industrielle »,
« stylisme », « stylique »... La Presse
véhicule d'ailleurs l'image que design fait référence
à un style, le « style design » lié à
l'univers contemporain... Ces débats autour du langage sont la preuve
d'une « réelle difficulté à cerner la
réalité du design » (Fayolle, 2002).
S'il on demande à plusieurs individus, des designers,
des communicants, bref, des acteurs différentes, de définir le
design, on se rend vite compte que les réponses divergent. Pour certains
comme Mathilde de Brétillot (designer), « c'est le risque de se
tromper, de plaire... ». Pour Béatrice Saint Laurent,
« le design est une pratique, et un objet fonctionnel, avec les
qualités techniques et esthétiques. Il peut également peut
être une forme d'art. » Pour Stéphane Vial, (docteur en
philosophie et maitre de conférences en sciences du design à
l'université de Nîmes), le design est une « philosophie
impliquée ». D'autres prônent le fait que le design n'a
pas de définition, ni de frontières, comme Stéphane
Vial « Design, le mot a bien voyagé, de revues de modes en
conversations détendues, sorte de pin's sémantique (É)
voulant tout dire il ne dit plus rien (Vial, Court traité du
design, 2014) » voici ce que François Barré affirme
lorsque l'on lui demande sa perception du design... Le design est donc une
notion relativement subjective. Il est donc légitime de se poser les
questions suivantes : « Est-il possible de parler de design en
général ? Existe-t-il une pensée design commune et
transversale ? » (Vial, Le design, Que sais-je ?, 2015)
12
Pourquoi le design est-il si difficile à
définir ?
Stéphane Vial a tenté de trouver des
explications à cette indéfinition du design : d'après lui,
il s'agirait d'un symptôme d'ordre épistémologique :
La notion du design a explosé ces 20 dernières
années, a beaucoup plus évolué entre 1990 et 2010 qu'entre
1960... Laissant place à une multitude d'approches vis à vis du
design aujourd'hui.
S'il on en croit l'expertise de Stéphane Vial et de
Claire Fayolle, tous les deux partagent le même avis : le design fait
parler de lui, et sa signification reste floue et subjective. Le design ne
semble donc pas avoir de définition unique.
S'il on s'intéresse à la définition du
design dans le Design Dictionary, un dictionnaire de référence
spécialisé dans cette discipline, voici ce que l'on peut lire :
« au risque de vous décevoir, cher lecteur, il est impossible
de donner une définition unique et faisant autorité du terme
central de ce dictionnaire - design... »1
L'analyse de Stéphane Vial révèle que le
design est un terme complexe. D'après lui, il est clair que le design
est difficile à définir, tant il existe une multitude
d'approches. Etant donné les points de vue variés concernant ce
qu'est le design, j'ai décidé d'établir une classification
des différentes pensées.
Le design existe depuis toujours
Pour certains, le design a toujours existé. Le mot
design serait alors un nouveau mot pour qualifier les inventeurs
d'autrefois. Ceux qui affirment cela pensent que le design n'est «
propre ni au XXème siècle ni à la
société de consommation ni à la société
industrielle ». Pour eux, « c'est l'un des plus vieux
métiers du monde ». S'il on en croit cette théorie, le
design est donc un nouveau mot, qui dérange peut-être par son
appellation, mais qui n'apporte rien de plus que ce qu'on appelait inventeur,
ou concepteur. Ils insistent sur le fait que les « beaux objets,
objets d'art, objets industriels, objets de grande consommation se
confondent... ».
1 T. Marshall, Design Dictionary, Basel, Boston,
Berlin, Birkhauser, 2008, p.104
13
Le design est partout
Une autre approche2 consiste à «
voir le design partout et à étendre son champ d'application
à tout ce qui nous entoure », soit sur un mode critique
« tout est aujourd'hui affaire de design », soit sur un mode
enjoué au service de l'addiction consumériste : «
envahis par lui, nous ne pouvons plus nous passer du design.
»3 Le design serait donc omniprésent, tout autour
de nous.
Cette vision est dangereuse d'après Stéphane
VIAL, car elle tombe dans le piège du « quand tout est design,
rien n'est design »4. Cette approche a donc ses limites,
et n'apporte pas de définition claire sur ce qu'est le design, car s'il
est tout, il n'est rien...
Le design se distingue de l'artisanat : sa
visée est industrielle
L'industrie et l'artisanat ont tous les deux ont en commun
l'activité de conception, mais le design n'a pas comme l'artisanat, le
même mode de production : à l'inverse de l'artisanat, le design
consiste en la fabrication d'ordre uniquement industrielle, c'est à
dire, non réalisée par les mains mais à l'aide de machines
ou de technologies. Les objets de designers ne sont plus uniques, à
contrario des objets d'art. Le design ferait partie du tout-fait-machine :
Il était une fois un monde manichéen objectif :
il y avait les objets quotidiens d'une part et les objets d'art de l'autre. Une
immense distance les séparait : d'un côté le
tout-fait-machine et de l'autre le tout-fait-main.
La définition officielle, adoptée à Londres
en 1969, au Conseil international des sociétés de design
industriel, indique : « Le design est une activité
créatrice qui consiste à déterminer les
propriétés formelles des objets que l'on veut produire
industriellement » (Maldonado, 1961). Serait objet du design, tout
objet, à la seule condition qu'il date d'après la
révolution industrielle. Pourquoi pas avant ?
Auparavant, celui qui imaginait un objet se confondait avec
celui qui le fabriquait, à savoir l'artisan. La révolution
industrielle engendre le partage des tâches : d'un côté le
designer qui conçoit, de l'autre l'ingénieur qui fabrique.
(Bianchi, 2010)
2 Flusser V., Petite philosophie du design
(posthume, 1993), Belval, Circé, 2002, p. 11
3 Vial Stéphane, Le design, Paris, Presses
Universitaires de France « Que sais-je ? », 2015
4 Artifact, The Design Concept Anthology,
Call for Papers, janvier 2014
14
Un champ d'intervention
large
Le design intervient dans divers secteurs d'activités.
Certains designers sont amenés à répondre à des
commandes industrielles, donc à concevoir divers produits : une affiche,
un logo, des motifs textiles, un biberon, un emballage. L'activité de
chacun relève respectivement du design textile, du graphisme, du design
produit, design industriel, de l'architecture commerciale, du packaging...
Le designer conçoit parfois pour de la consommation de
masse : prenons l'exemple de Philippe Starck qui a déjà
designé des brosses à dents. D'ailleurs, cela n'est donc
pas un hasard s'il on retrouve des designers dans de nombreuses entreprises,
qui collaborent avec des fabricants, des ingénieurs, des marqueteurs,
pour concevoir des produits destinés à une cible parfois massive,
mais surtout qui sera fabriquée en grande série, à
l'identique pour tous.
Les métiers du design peuvent aider à cerner le
champ d'action des designers : là encore, Claire Fayolle affirme que les
métiers du design sont larges : « être designer
n'implique pas une manière unique d'exercer son métier. Certains
travaillent en agence, d'autres en entreprises, ou en tant
qu'indépendant, etc. ». Les designers indépendants
peuvent être amenés à effectuer diverses missions comme
répondre à une commande industrielle, développer un
travail personnel pour une galerie ou un éditeur, etc.
Le design est de l'art
Une théorie intéressante met en avant que le
design peut être assimilé à de l'art. Un bon exemple est le
fait que certains designers voient leurs oeuvres exposées dans des
galeries d'art, et des musées (ex. Charlotte Perriand au Musée
d'Art Moderne de Saint-Etienne). Certains produisent d'ailleurs des oeuvres en
séries limitées, pour donner un caractère unique aux
produits, ce qui les rapproche de l'art dont l'unicité est une
caractéristique principale. On parle même de design d'art.
15
Le design est avant tout fonctionnel
Le designer, lors d'une création, place l'utilisateur
au centre de sa réflexion. Il cherche à comprendre ce dont il a
besoin. Il s'intéresse donc à la fonction de l'objet avant tout.
Prenons l'exemple du design d'un canapé : modifier sa forme ne
transforme pas forcément sa fonction globale, mais change le rapport de
l'usager à l'objet. Il pourra par exemple prendre en compte le confort.
Pour Dieter Rams, « rien n'est laissé au hasard.
L'expérience de l'utilisateur est pensée du début à
la fin » (Saffré, 2013). C'est la raison pour laquelle le
métier de designer ne se réduit pas au métier de simple
décorateur. D'ailleurs, en voici une preuve (Bianchi, 2010) :
En 1983, lorsque le Journal Officiel publia une liste des mots
à proscrire, parmi lesquels «design» et «designer»,
qu'il préconisait de remplacer par «stylique» et
«stylicien», les designers français protestèrent en
disant que leur travail ne consistait pas seulement à choisir la couleur
des emballages.
D'après Stéphane Vial, « le mot
désigne en effet des domaines d'activités et des pratiques
variés ayant pour dénominateur commun de façonner notre
environnement privé et collectif, de la petite cuillère à
la ville ». Claire Fayolle rejoint son avis : les pratiques du design
sont larges et ont comme point commun de changer, d'améliorer notre
environnement privé et collectif. Ainsi, l'essentiel à retenir
serait la théorie suivante : « du moment qu'un objet a une
fonction, quand bien même sa forme serait redessinée par Picasso,
ce n'est pas d'art mais de design qu'il s'agit ».
Le design doit être
esthétique
Pour certains, le design est purement esthétique. On
parle d'« activité créatrice consistant à
remodeler des objets déjà existants sans que la fonction desdits
objets n'en soit fondamentalement modifiée » (Stéphane
Vial, 2015). Cette vision réduit donc le design a un aspect beau,
visuel.
Pour d'autres, le design doit allier à la fois
l'esthétique et le fonctionnel. D'après Dieter Rams, «
après l'utilité du design, une certaine beauté est requise
».
16
Le design est une stratégie
marketing
Philippe Starck considéré comme un grand
designer, est aussi connu pour être un très bon homme d'affaires.
Il a déjà été amené à concevoir des
objets comme la brosse à dents Fluocaril qui s'est vendue à 400
000 exemplaires. Le design serait donc utilisé pour vendre.
Le concept du design évolue
constamment
L'International Council of Societies of Industrial Design
déclare être « actuellement en train de renouveler sa
définition du design industriel, par conséquent l'ancienne
définition est temporairement inaccessible » (International
Council of Societies of Industrial Design, 2014).
Un nouveau concept de design serait donc en train
d'émerger (Stéphane VIAL). A l'heure actuelle, « les
formes se distinguent autant qu'elle se recoupent » sans converger
vers un cadre global unique ; mais « le changement de modèle
est nettement visible », toutes ces nouvelles formes de design sont
centrées sur l'humain, plutôt que sur le marché. Depuis
plusieurs décennies, il s'est développé un «
discours de la méthode en design ». Ceci a conduit à
l'élaboration de plusieurs modélisations de l'acte de design,
dont le « design thinking », mais également
l'émergence d'un nouveau domaine scientifique, la recherche en
design.
Représentation personnelle du
design
A titre personnel, j'ai remarqué que le mot «
design » était un terme (trop) largement utilisé en
communication pour désigner des produits modernes, contemporains. Je
pense que la majorité du grand public perçoit le design comme un
terme qui désigne un « style », quelque chose de moderne et
sobre. Cela reste un avis subjectif mais je pense que nous sommes
prédisposés à méconnaitre les
réalités du design. Avant d'effectuer mes recherches sur le
design, j'étais ignorante de tous ces différents points de vue.
J'ai l'impression de désormais mieux saisir ce qu'est le design, qui
interroge et suscite de nombreux débats. Ce concept ne semble donc pas
compris par tous.
Mais qu'est-il finalement ? D'après mon avis, pour le
comprendre, il est indispensable de s'intéresser au métier du
designer. Ce dernier cherche des solutions pour résoudre les
17
problèmes des utilisateurs, ou tout simplement proposer
des nouveaux modes de vie. Bref, un designer conçoit, en
s'intéressant avant tout à l'usager. L'aspect esthétique
est important mais la fonction reste avant tout une priorité.
Est-ce qu'une ville peut être identifiée comme
ville de design ? Quelle est sa place dans les villes ? Quelles sont ces villes
qui s'y intéressent ? Avant de répondre à ces questions,
nous allons examiner l'intérêt du design en général,
puis nous tenterons de répondre aux interrogations
précédentes.
1.2 Un intérêt grandissant pour Ce design
depuis Ces années 1980
L'Etat s'est beaucoup investi pour soutenir et promouvoir le
design français contemporain. Claire Fayolle a réalisé un
état des lieux du design français contemporain. D'après
elle, « au cours de ces vingt dernières années, le
design a suscité un intérêt général touchant
aussi bien sa médiatisation, son enseignement que son
développement ».
Dans les années 1980, de nombreuses entités ont vu
le jour comme :
- La Délégation aux arts plastiques (1982)
rattachée au Ministère de la Culture qui définit et met en
oeuvre la politique de l'Etat dans le domaine de la création (aide,
diffusion, enseignement)
- L'Ecole nationale supérieure de création
industrielle (1982)
- Un département « Design » à l'Ecole des
Beaux-Arts (1980).
Durant la même époque, les musées
s'intéressent également au design :
- Le centre de création industrielle au Centre Pompidou
organise des expositions importantes dont « Nouvelles tendances »
(1987), « Design français 1960-1990 : trois décennies »
(1988)
- Le musée des Arts décoratifs de Paris inaugure
en 1985 de nouvelles salles dédiées uniquement à la
création moderne et contemporaine.
- De nombreuses galeries dédiées au design
apparaissent à Paris.
En 1979, le comité de développement des
industries françaises de l'ameublement crée, avec le soutien du
ministère de l'Industrie, l'association VIA : Valorisation pour
l'Innovation dans
18
l'Ameublement. Cette dernière consiste à
valoriser et promouvoir la création française dans le secteur de
l'ameublement, en France et à l'étranger. Cette
association finance également des prototypes exposés lors de
divers évènements comme les salons du meuble de Paris et Milan...
Une autre aide est créée par Claude Levy-Soussan en 1983, la
Bourse Agora, qui soutient les projets de jeunes talents (moins de 35 ans).
S'ajoutent à cela la première quadriennale internationale du
design en 1986, à Lyon et dans sa région.
La Presse s'intéresse également au design :
Pascaline Cuvelier et sa célèbre chronique « Glose de
styles » dans Libération ; Chantal Hamaide lance le premier
magazine français « Intramuros » spécialisé dans
le design...
Tous ces exemples montrent que le design devient de plus en
plus visible à partir des années 1980 :
délégations, écoles, musées et galeries d'art,
associations, événements, presse... Néanmoins, le design
reste à cette époque encore oublié par beaucoup de
domaines. Malgré toutes les initiatives positives en faveur du design,
il reste essentiellement « un secteur parmi d'autres, celui du
mobilier et plus largement des accessoires et objets pour la maison
».5 L'industrie française du meuble, mise à
part quelques exceptions comme Roset (Ligne Roset et Cinna), ne s'est
paradoxalement jamais lancée avec dévotion dans la
création contemporaine. Il en est de même pour les médias
qui ne valorisent pas le design : design industriel, packaging, identité
visuelle, architecture commerciale, etc.
Les agences de design sont des « acteurs pourtant
essentiels ». En France, cette époque, il y a deux types
d'agences : les petites agences de moins de 10 salariés, et les grandes
structures, plus rares, comme Dragon Rouge (170 personnes en France) ou
Carré Noir (110 personnes en France).
5 Vial Stéphane, Court traité du
design, Paris, Presses Universitaires de France « Quadrige »,
2010, 124 pages.
19
Les années 1990 sont le début d'un profond
changement, où à cette période, deux manifestations
majeures lui sont consacrées :
- « Caravelles 2 », quadriennale
internationale de design (Lyon, 1991)
- « Design, miroir du siècle » (Grand
Palais, 1993)
La naissance de la collection de design du MNAM-CCI (1992)
fait également partie de cette dynamique. Concernant la politique
design, en 1994, l'APCI met en place l'Observateur du design en 1999 pour
repérer les réalisations innovantes grâce au design et leur
décerner le Label de l'Observateur du design (Agence pour la Promotion
de la Création Industrielle).
Côté musées, une situation paradoxale a
peu à peu vu le jour : les trois principales collections muséales
de design françaises, celles du Centre Pompidou, du musée des
Arts décoratifs de Paris et du musée d'Art moderne de
Saint-Etienne n'offrent guère de visibilité : la première
en raison d'un accrochage restreint, la deuxième pour cause de travaux
de rénovation, la troisième en raison d'une présentation
épisodique. Et les grandes expositions manquent à l'appel.
En parallèle à cet engouement des musées
pour le design, de nombreux musées provinciaux ont montré leur
intérêt pour le design contemporain (dans leur présentation
notamment, souvent grâce à des dépôts du FNAC). Le
design émerge non seulement à Paris mais également dans
les provinces.
Lors des années 1990, le « design
intégré » émerge dans les entreprises : « il
ne concerne plus seulement les grands groupes industriels mais aussi les
PME-PMI tels les équipementiers automobiles - Valeo, Faurecia,
Trèves... ou le monde de la distribution... »
(Pijaudier-Cabot, 2002). Dans les grandes entreprises, les designers sont de
plus en plus reconnus comme étant importants. On assiste à de
nombreux regroupements des équipes de design intégré,
comme par exemple Renault ou Salomon, qui ont créé un
bâtiment autonome de design, ou Décathlon qui instaure un
département de « design avancé ». Durant cette
période, le secteur automobile est un « leader incontournable
en matière de design intégré ». Les designers
sont désormais « appelés à
réfléchir à l'avenir des grandes entreprises, à
l'innovation ». L'avancée du design en entreprise est
également marquée par la multiplication des concours
auprès des étudiants et des professionnels.
20
Les années 2000 sont caractérisées par un
renouveau du vivier créatif. Au début des années
2000, « seul le travail de Philippe Starck, grand
marketeur de sa propre image, semble
retenir les attentions ». C'est également
l'époque où de nouveaux designers se font
connaître : Biecher, Bouroullec, Crasset, Jouin, Colucci,
Ryant, Massaud. On assiste
notamment grâce à de nouvelles initiatives comme
:
- Le Salon du Meuble de Paris qui mise sur le contemporain
dès 1996,
- La création d'un parcours design,
- L'événement Designer's Days
- L'apparition de showroom de grands fabricants italiens comme
Kartell,
- La Biennale Internationale du Design de Saint-Etienne,
- L'apparition de nouvelles galeries...
Les designers français sont de plus en plus
présents sur la scène internationale, d'où une belle
présence au salon international du Meuble de Milan.
Cependant, tout cela reste, dans une certaine mesure, de
la poudre aux yeux : car, en dépit des efforts déployés
par les pouvoirs publics et les énergies individuelles, le design
demeure un secteur d'activité encore méconnu du grand public.
(Fayolle, 2002)
Cette illusion comme quoi le design est encore ignoré
du grand public aurait deux raisons principales : l'une est liée au fait
que « le design englobe un grand nombre de pratiques et de
métiers différents -graphisme, design de produits, design
textile, packaging, dont n'est valorisé qu'un petit secteur, celui du
meuble et des objets du quotidien », l'autre est que « son
omniprésence le rend plus flou, plus difficile à (dis) cerner
».
Ainsi, le design a suscité un intérêt
grandissant depuis les années 80. D'ailleurs, cela n'est pas un hasard
si le design est reconnu par l'Unesco comme un patrimoine à part
entière en 2004. « Quel est l'intérêt de ce
réseau Unesco des villes créatives ? Pourquoi les villes
s'intéressent-elles au design ? Comment le design grandit-il dans une
ville ? », sont des questions auxquelles nous allons tenter de
répondre.
21
1.3 Le renouvellement urbain par les communautés
créatives 1.3.1 Les créateurs, un moteur essentiel des mutations
urbaines ?
Il est impensable de parler de
régénération urbaine par le design sans évoquer la
théorie de Richard Florida sur les « classes créatives
»6.
La capacité de développement économique
des villes dépend de la place qu'y occupe la «classe
créative» : scientifiques, ingénieurs, professeurs
d'université, romanciers, artistes, gens du show-business, acteurs,
designers, architectes, grands penseurs de la société
contemporaine» et professionnels des secteurs «à forte
intensité de savoir» (nouvelles technologies, finances, conseil
juridique, etc.).
En effet, Richard Florida, dans son ouvrage intitulé
« The Rise of the Creative Class », élabore une théorie
sur le bien-fondé du renouvellement urbain par les industries
créatives, notamment en ce qui concerne l'existence d'une « classe
créative ». Cette dernière caractérisée par
des ménages issus des classes moyennes et supérieures, serait
d'après Florida, un moteur essentiel pour la mutation du système
économique local. Cette dernière serait définie par trois
T : le talent, la technologie, et la tolérance. D'après lui, cinq
critères permettent de définir une ville créative : «
indices de haute technologie (pourcentage d'exportation des biens et
services liés à la haute technologie), d'innovation
(nombre de brevets par habitant), de gays, comme représentatifs de la
tolérance (pourcentage de ménages gays), de
«bohémiens» (pourcentage d'artistes et de créateurs),
et de talent (pourcentage de la population ayant au moins le
baccalauréat). »
Pour attirer ces classes créatives, il faudrait par
exemple, mettre en place des stratégies d'amélioration de l'offre
commerciale et résidentielle, puisque ces classes créatives
seraient génératrices d'emploi et de développement de la
ville. La ville se réinventerait donc par la sélection de ses
habitants.
De façon générale, les villes
pionnières de ce concept sont principalement celles qui, historiquement,
ont subi le plus durement le déclin du secteur industriel, telles que
Saint-Etienne ou Lille.
6 Richard Florida, Cities and the creative class
(2005), New York-London, Routledge, 198 p.
22
D'après Florida, les travailleurs de cette «
classe créative » sont attirés par les lieux
créatifs qui sont porteurs d'emploi : pour lui, la
créativité est le moteur de la croissance des villes.
Le concept de « ville créative » a
également été pensé par Charles Landry (Landry,
2000). Les villes détiennent un fort potentiel de
créativité, qu'elles se doivent d'optimiser, et d'après
lui, sept groupes de facteurs participent à ce concept : « les
créatifs, la qualité des dirigeants, la diversité des
talents, l'ouverture d'esprit, l'intensité de l'identité locale,
la qualité des installations urbaines et les possibilités de mise
en réseau. » En quelques mots, la ville créative est,
selon Charles Landry, un modèle de développement territorial, une
sorte de label visant à attirer les investisseurs.
Cette théorie a été l'objet de nombreuses
recherches, notamment concernant ses limites et son
développement7. Elle a notamment été
pensée par le sociologue Alain Bourdin autour de sa
réalité (Bourdin, 2005). D'après lui, Richard Florida
commet trois erreurs dans son ouvrage : - L'utilisation de données
biaisées (analyse de villes centres pour des régions
métropolitaines), imprécises (champ des professions de cette
classe créative trop large) et peu discriminantes (« les
différences entre les villes sont très souvent sans signification
statistique » 8 ). Les indices seraient même « bidons
» d'après Marc Levine.
- L'association de cette classe créative au
développement économique : « d'après les
critiques, l'auteur ne prouve rien » affirme Alain Bourdin.
- L'utilisation du terme classe serait également une
faute. « D'après lui, cette classe créative »
serait un groupe d'individus n'ayant rien en commun mise à part les
modes de consommations, mais « rien ne prouve qu'elle ait une chance
quelconque d'exister comme acteur collectif ».
7 Chantelot Sébastien, « La
thèse de la « classe créative » : entre limites et
développements. », Géographie, économie,
société 4/2009 (Vol. 11) , p. 315-334
8 Elsa Vivant. La classe créative
existe-t-elle ? Discussion des thèses de Richard Florida. Les
Annales de la Recherche Urbaine, Plan Urbanisme - Construction - Architecture,
2006, pp.155-161.
23
Mise à part le désaccord d'Alain Bourdin avec le
fait que cette classe créative serait un facteur de développement
économique, ce débat sur la « classe créative »
a selon lui, permis d'introduire de bonnes questions. Qui peut conduire le
changement urbain et faire changer les villes ? D'après Alain Bourdin,
« l'idée d'une interaction entre des acteurs de
l'économie, de l'activité intellectuelle et de la création
culturelle est au moins digne d'intérêt. ».
L'avis de Jean-Jacques Terrin rejoint la théorie de
Richard Florida. Monsieur Terrin s'est également interrogé sur la
place des créateurs dans la ville contemporaine. D'après lui, il
est évident que « les créateurs contribuent à
l'évolution des modes de vie en proposant de nouveaux usages de l'espace
qui affectent la sociabilité, les services, les modes de travailler,
d'habiter, de se déplacer et se divertir », mais il faut se
poser des questions concernant leur rôle alternatif, et l'influence des
créateurs : il a tenté de répondre aux questions suivantes
:
Comment y vivent-ils ? Dans quelles conditions ? Quelles
formes d'habiter, quels nouveaux usages introduisent-ils ? Dans quels lieux ?
Quels rôles jouent-ils dans la vie de la cité ? Comment
influencent-ils la fabrique de la ville, du territoire ? Comment
contribuent-ils à façonner une industrie créative ?
Il existerait trois rôles importants des
créateurs dans les villes : les créateurs habitants, les
créateurs inventeurs et les créateurs acteurs (Terrin, 2012).
- Les communautés créatives sont
nécessaires pour revaloriser les espaces marginaux ou
délaissés (comme les friches industrielles), d'où
l'importance d'une ville accueillante pour ces communautés. En effet, la
présence de créateurs habitants s'affirme souvent comme
« levier de développement d'un point de vue culturel, social et
économique contribuant à transformer le territoire et son
identité ». Les initiatives de créateurs induisant la
production et la diffusion de manifestations culturelles (comme les spectacles,
festivals ou expositions) sont génératrices de dynamiques
urbaines, qui ont des effets positifs : elles rendent la ville plus attractive
pour les habitants, les visiteurs et les acteurs économiques, politiques
et culturels.
Les créateurs inventeurs permettent par leur regard
« sensible, décalé et souvent critique », de
révéler l'identité et le potentiel des lieux. Les
créateurs « questionnent les usages existants et en devenir,
interrogent l'usage de ces lieux, permettant ainsi la découverte de
nouveaux usages et de nouvelles formes d'habiter ». Ils imaginent
leurs habitations comme de véritables laboratoires expérimentaux
jusqu'à parfois créer de nouveaux modes de vie, en
détournant ou en contournant l'affectation initiale de ces espaces.
24
Enfin, les créateurs doivent faire partie prenante
d'une ville créative, dynamique et solidaire : leur présence se
décline de multiples façons : « durable ou
éphémère, formelle ou informelle, spectaculaire ou plus
discrète ». Les initiatives artistiques transgressent parfois
les frontières entre les publics, les spectateurs et créateurs,
les espaces et temporalités. Elles sont « créatrices de
lien social et favorables à la mise en oeuvre d'une culture urbaine
commune ». Les créateurs sont donc des acteurs primordiaux
à la régénération urbaine et à la
transformation d'une ville pour lui forger une culture, une identité
bien particulière et propre à elle-même.
Un autre modèle s'intéresse à
l'organisation des créatifs dans la ville, et les rapports qu'ils
tissent avec la société et le territoire : celui de la
clubbisation9. Il s'agit d'éviter telle ou telle population
dans la stratégie de commune périurbaine : sont
considérés comme « périurbains tous ceux qui
habitent un village mais travaillent dans une métropole
».10 D'après ce modèle, les créatifs
doivent être intégrés dans la réflexion sur la ville
et « en faire l'un des moteurs du développement et du lien
social : l'ouverture devient alors une nécessité, un
équilibre à trouver et à préserver ». Les
créatifs figurent parmi les forces de travails majeurs de notre
siècle.
Pour conclure, même si les avis divergent concernant
l'existence d'une « classe créative », le développement
d'une ville par les communautés créatives semble être une
théorie perçue comme prometteuse par beaucoup de penseurs. La
régénération urbaine par les industries créatives
est d'ailleurs en harmonie avec les orientations du réseau Unesco des
villes créatives.
9 Michel B. (2013). Les villes
créatives, entre clubbisation et ouverture du développement
territorial. Mémoire de recherche en Géographie,
Université d'Angers, 160 pages
10 Charmes Eric, La ville
émiettée, Essai sur la clubbisation de la vie urbaine, La
ville en débat, 2011, 288 pages
25
1.3.2 Le réseau Unesco des villes créatives
de design
La créativité renvoie à « la
capacité, pouvoir qu'a un individu de créer, c'est-à-dire
d'imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau »
(Dictionnaire Trésor de la Langue Française, 2012). Le
traité de Lisbonne en 2009 est la preuve d'une conviction quant au
potentiel de la créativité et de l'innovation portée par
la Commission européenne. Il souligne qu'une ligne créative est
« moteur de croissance économique et comme stratégie de
résistance face aux puissances économiques et industrielles
émergentes. »
Les villes sont, d'après l'Unesco, « les
principaux laboratoires où se développent de nouvelles
stratégies, politiques et initiatives, visant à faire de la
culture et de la créativité un moteur de développement
durable et de la régénération urbaine en dynamisant la
croissance et l'innovation, en promouvant la cohésion sociale, le
bien-être des citoyens et le dialogue interculturel »
(Réseau des villes créatives).
En effet, les villes sont face à des enjeux importants,
comme la crise économique, les tensions sociales et politiques, la
croissance démographique et les enjeux environnementaux : «
Nous constatons que toutes les villes sont confrontées aux mutations du
paysage urbain, aux questions d'identité urbaine, au changement
climatique, à la gestion des déchets, à
l'intégration de l'art dans la ville, à la mobilité et aux
flux de communication. » (Franc, 2006). Elles ont donc un
rôle crucial à jouer pour l'avenir, d'autant plus qu'elles
représentent plus de la moitié de la population mondiale et en
terme économique, elles rassemblent 3/4 de l'activité
économique mondiale...
Le Réseau des villes créatives de l'UNESCO offre
des opportunités inédites aux villes pour, à partir de
processus d'apprentissage par des pairs et de collaborations, tirer pleinement
parti de leurs atouts créatifs et bâtir sur cette base un
développement durable, inclusif et équitable sur les plans
économique, culturel, environnemental et social (Unesco). (Réseau
des villes créatives)
Le réseau mondial de villes créatives est
basé sur la notion d'économie créative. Même si la
créativité n'est pas restreinte au champ culturel et artistique,
le réseau met l'accent sur les domaines artistiques et culturels.
D'après l'Unesco, en soutenant les industries créatives, et en
coopérant avec la société civile et le secteur
privé, les pouvoirs publics peuvent faire la différence et
promouvoir un développement urbain plus durable, qui répond aux
besoins
26
concrets des populations locales. Pour l'Unesco,
l'économie créative est croissante dans le monde, et les
bénéfices sont nombreux : génération de salaires,
création d'emplois, gains à l'exportations,
génération de valeur non monétaire...
Le réseau UNESCO des villes créatives a
été créé en 2004. Comme la carte ci-dessus le
montre, ce réseau est mondial : il regroupe 116 membres dans 54 pays du
monde entier, autour de sept domaines des industries créatives à
savoir : cinéma, musique, artisanat et arts populaires,
littérature, design, arts numériques et gastronomie. Par exemple,
Leipzig en Allemagne est une ville créative Unesco pour l'art et la
littérature, Lyon pour les arts numériques, et enfin, Berlin,
Montréal, ou encore Shanghai pour le design.
Pour devenir « Ville Unesco de Design », une
candidature doit être adressée par le Maire de la ville,
confirmée et approuvée par l'Etat. La ville devra alors
démontrer sa volonté et sa capacité de contribuer aux
objectifs du réseau, en appuyant sur les atouts et la valeur
ajoutée qu'elle apportera au réseau. Elle doit prouver
l'existence de centres créatifs et de groupements socioculturels. La
candidature est examinée par un comité de personnalités
compétentes.
Certaines villes ont choisi le design « pour s'en
sortir et créer une dynamique fédératrice qui rassemble la
population autour d'un projet porteur » (Lacroix M.-J. , 2006).
L'intérêt de ce Réseau pour les villes est de
développer leur singularité créative.
Pour la Directrice de Relations Internationales à la
Cité du design & Ecole supérieure d'art et design de
Saint-Etienne, il ne s'agit ni d'un label, ni d'une compétition. Ce
réseau permet de « promouvoir le développement culturel,
social et économique des villes dans les pays développés
et ceux en voie de développement ». Il contribue
également à « mettre en valeur des pôles de
création et le partage des savoir-faire, expériences et
compétences que détiennent particulièrement les
collectivités territoriales. ». Pour me montréalais
Marc-André Carignan, le statut de Ville Unesco est « une
reconnaissance du potentiel créatif de notre ville, une invitation
à développer Montréal en misant sur le design de
qualité, l'architecture durable et l'innovation. » (Carignan,
2015)
27
Même si les conditions d'attribution de cette
reconnaissance de ville créative du design restent relativement floues,
cette désignation apporte des retombées non négligeables
pour la ville » : visibilité internationale, dynamique
territoriale, facilitation des échanges entre les collectivités
membres du réseau, figurent parmi certaines conséquences de
l'entrée dans ce réseau.
A l'heure actuelle, il existe 16 villes de design : Buenos
Aires, Berlin, Montréal, Nagoya, Kobe, Shenzhen, Shanghai, Séoul,
Saint-Étienne, Graz, Pékin, Bilbao, Curitiba, Dundee, Helsinki,
Turin. Certaines de ces villes ont dû remédier à «
des ralentissements économiques et ont misé sur le design pour
convertir leur économie. Le faible coût de la vie leur a permis
d'attirer et de retenir beaucoup de créateurs. » (Franc,
2006).
Nous allons désormais nous intéresser à
certaines villes de design appartenant au réseau Unesco pour comprendre
les raisons d'une telle qualification et ce qui les rend si uniques. Nous
prendrons les villes de Montréal et de Berlin comme sujet
d'étude.
28
1.3.2.1 Montréal
Montréal est ville Unesco de design depuis 2006. Le
design est reconnu depuis 1986 comme un secteur prioritaire de
développement. La ville de Montréal a mis en place en 1991, un
commissariat au design, consacré exclusivement au développement
et à la promotion du design dans la métropole. Pour la ville de
Montréal, « le design est une activité
d'idéation, création, planification, production et gestion qui
façonne la qualité de son cadre de vie, contribue à la
compétitivité de son économie, participe à son
expression culturelle, renforce son identité et celle de ses entreprises
» (Lacroix M.-J. , 2006).
Pour comprendre pourquoi la ville s'est tournée vers le
design pour se développer et se distinguer, il faut regarder dans le
passé, les événements qui ont marqués la ville
très fortement (Designmtl, 2014).
- La construction de la place Ville Marie en 1962, dont le
bâtiment reste un symbole de la ville québécoise, a
été le point de départ du début de l'histoire
moderne de Montréal. « Ce ne fut qu'un début, car les
projets qui suivirent furent riches en grands projets ».
- L'exposition universelle de Montréal en 1967 sur la
thématique « Terre des Hommes », a accueilli plus de 50
millions de visiteurs et mobilisé les meilleurs talents créatifs.
Parmi les rescapés de l'exposition : Habitat 67, le Pavillon des
Etats-Unis devenu la Biosphère (architectes FABG), le Pavillon de la
France (architecte Jean Faugeron) reconverti en casino.« Habitat 67,
construite d'abord comme projet modèle d'habitation, est l'oeuvre du
jeune architecte Moshe Safdie : ces logements préfabriqués
conçus comme des logements abordables sont devenus des appartements de
luxe très recherchés. »
- Les Jeux Olympiques de 1976 ont également
dynamisé la ville au niveau du design, notamment avec la construction
d'un stade aux formes atypiques.
Les rares oeuvres d'arts massives, convenons-en, on les
doit aux années 1960. Le Stade olympique. Le pavillon de la France
devenu casino. Habitat 67. Les stations du métro. (Cardinal,
2012)
Le passé industriel de Montréal, du à ses
atouts géographiques (ile, fleuve immense et montagne au centre),
notamment en terme de commerce maritime, a également permis à la
ville de s'orienter vers le design : nombreux sont les anciens bâtiments
industriels réhabilitées comme le Bota Bota, un ancien traversier
transformé en spa (conçu par Sid Lee Architecture).
29
Quelle est l'identité de Montréal ?
D'après François Cardinal, chroniqueur à La Presse et
spécialisé dans les affaires municipales et urbaines, «
Montréal est design dans des petites choses comme les commerces, les
restaurants, les espaces publics... ». « L'âme de
Montréal se vit et se révèle par ses commerces, lieux de
consommation et de convivialité, qu'ils soient ultra contemporains, ou
emprunts d'une certaine rusticité. ». Le grand architecte
montréalais Luc Laporte a réaménagé la Brasserie
Française, et de nombreux restaurants et cafés se sont
multipliés « des camions de rues rassemblent les gourmets. »
Pour beaucoup, « le paysage montréalais ressemblent à
des rues colorés, des duplex ou triplex, plus ou moins semblables...
» Le montréalais aime les espaces extérieurs, les
escaliers de toutes les formes, les lofts industriels... La ville est
même envahie par les cyclistes.
Montréal possède une « expertise en ce
qui concerne les projets participatifs, interactifs et surtout,
poétiques » : c'est le lieu de nombreux festivals et
manifestations, un patchwork de cultures, comme le sont aussi les murs
recouverts d'affiches, permettant aux institutions culturelles aux graphistes
d'exposer leur travail. De nombreux espaces publiques ont été
conçus pour « lutter contre la grisaille hivernale ».
« La rue, fait appel à ses créateurs, artistes, designers,
paysagistes. ». Montréal qui manque de lumière en hiver
est la source d'inspiration à de nombreux artistes et designers qui
utilisent la lumière pour jouer avec les places, les murs et
bâtiments : la lumière est devenue un réel leitmotiv dans
la ville.
La ville est d'ailleurs deuxième pour le pourcentage de
sa main d'oeuvre qui occupe des postes dans le « noyau super
créatif11 » avec plus de 450 000 employés dans le
secteur créatif. Le secteur créatif de Montréal est
étendu et diversifié, ce qui permet à la ville de
résister au ralentissement économique, ce qui rejoint la
théorie de Richard Florida. Une étude réalisée par
Statistiques Montréal révèle que la ville attire et
retient les créateurs grâce à sa diversité :
« Plus la diversité et la pluralité règnent dans
une région, plus grandes sont les chances qu'elle attire des gens
créatifs de tout acabit possédant des compétences et des
idées variées. Un mélange hétéroclite de
créateurs est propice à la création de différentes
associations entre individus et groupes d'individus. » (Kevin
Stolarick, 2005)
11Ceux qui travaillent dans les domaines de
l'informatique, des mathématiques, de l'architecture, de
l'ingénierie, des sciences naturelles, physiques et sociales, de
l'éducation, de la formation, du savoir, des arts, du divertissement, du
design et des médias font tous partie du noyau super créatif
(Florida, 2004).
30
D'après Marc-André Carignan, montréalais
diplômé d'architecture, il y aurait un retour progressif à
une culture architectural de qualité dans le paysage urbain de
Montréal, avec par exemple les réalisations du Bureau du Design
(bibliothèque). L'un des meilleur ambassadeur du design
montréalais est le designer d'intérieur Jean de Lessard !
D'après lui, même s'il y a des choses superbes qui se font
ailleurs sur la planète, Montréal se démarque d'une
façon exceptionnelle avec ses capitaux « on fait des projets
adaptés à nos réalités, on fait des projets humains
». Marc-André Carignan est d'accord avec lui, donc le sens
où Montréal, bien qu'elle n'est pas encore prête à
devenir une capitale mondiale du design, est une ville pleine de talents et de
créateurs locaux. Même si auparavant, François Cardinal
rêvait d'une icône architecturale symbolique (ex. Bilbao avec son
musée Guggenheim par Frank Gehry qui a métamorphosé
l'image de la ville), comme « tour audacieuse qui ferait tourner les
têtes », aujourd'hui, il se dit que ça n'est pas
nécessaire, car le design de Montréal est à son image :
une ville à taille humaine, festive, où la création est
omniprésente, « mais certainement pas une ville ostentatoire,
une ville musée, ou même une belle ville selon les canons en
vigueur » (Cardinal, 2012).
Montréal, c'est aussi une ville de savoir, occupant le
premier rang au Canada pour son engagement dans la recherche universitaire. En
tout, ce sont 11 établissements universitaires, et plus de 50 chaires de
recherche pour développer de multiples réseaux internationaux.
Le design est donc porteur de développement au
Québec et son impact économique se fait ressentir à
Montréal. En effet, 65,3% des travailleurs québécois du
design résident dans la métropole montréalaise, soit plus
de 20 000 emplois avec des retombées économiques de plus de 750
millions de dollars (MONTRÉAL, VILLE UNESCO DE DESIGN / UNESCO CITY OF
DESIGN, 2006). La ville de Montréal est donc très créative
et exemplaire en matière de renouvellement urbain par les industries
créatives comme le design.
31
1.3.2.2 Berlin
Berlin est ville de design par l'Unesco depuis janvier 2006.
Elle est la première ville européenne à avoir obtenu ce
titre. Le sénateur Harald Wolf a d'ailleurs déclaré :
« Cette distinction représente une importante reconnaissance
internationale pour notre ville et pour tous les esprits créatifs qui
travaillent, enseignent et vivent ici. Ces dernières années ont
été le témoin de l'évolution d'une scène
créative véritablement fascinante, distinguée par sa
polyvalence, son caractère non conventionnel et sa qualité,
faisant d'elle un facteur économique qu'il ne faut pas sous-estimer
» (Unesco, 2005). L'entrée dans ce Réseau a pour
visée de développer la ville, de consolider les
compétences locales et d'augmenter la présence des produits
culturels sur le marché international.
Le design présente un potentiel économique
intéressant pour la capitale allemande : plus de 11 000 travailleurs
dans le design (les secteurs liés étant la mode, les produits et
meubles, l'architecture, les arts visuels et la photographie) dont 6 700
société de design, qui représentent 1,5 milliard d'euros
en terme de ventes par an (
Unesco.org). Le design est donc au coeur
de l'économie berlinoise. Le secteur est dynamique, comme le
révèle son « taux de croissance supérieur à la
moyenne, que ce soit en termes de nombre de sociétés, de chiffres
d'affaires et d'emplois » (Berlin Paris Invest, 2015). Toujours dans une
politique économique tournée vers le design, la ville a mis en
place des prêts avantageux aux créateurs d'entreprises, mais
également des programmes de formation et de coaching pour les
entreprises des industries créatives.
Qu'est-ce qui attire cette « classe créative
» à Berlin ? « L'environnement, l'espace et les
excellentes conditions de base de la ville sont les fondations du travail
créatif et du développement de produits novateurs. Les designers,
les stylistes, les photographes et les architectes y trouvent la liberté
artistique, des bureaux et des logements abordables, des réseaux et
l'intérêt du public pour leur travail » (Unesco). Un
autre élément attirant les créatifs, ce sont les
événements culturels berlinois (comme le Festival international
du design DMY), mais également toutes les possibilités
d'études dans le domaine du design : la ville compte 5
universités dédiées aux arts et plusieurs écoles ce
qui représenterait environ 5000 étudiants, des futurs
créateurs.
Berlin est une ville exemplaire en matière de design :
elle possède de nombreuses réalisations économiques,
sociales et culturelles, influencées en partie par son héritage
historique. On parle même de Berlin comme étant une
pépinière artistique. De nombreux artistes vivent à Berlin
et depuis longtemps, comme David Bowie qui déclarait déjà
en 1970 « Je suis fasciné par Berlin à cause de la
friction. Cette ville possède l'étrange capacité de vous
faire écrire seulement les choses importantes »12.
En effet, l'univers du design à Berlin est prépondérant,
et fait preuve de dynamisme pour la capitale allemande.
Dès à présent, nous allons nous
intéresser à la ville de Saint-Etienne qui a été
l'objet d'une grande reconversion en terme de politique territoriale. De ce
fait, nous étudierons les raisons qui l'ont amené à parier
sur le design pour se développer.
32
12 Interview de David Bowie dans `Rock & Folk',
n° 146, 1979
33
2 Saint-Etienne, un territoire en reconversion
2.1 Une ville créative depuis toujours
2.1.1 L'âge d'or industriel
L'histoire de Saint-Etienne est intéressante pour
comprendre quelles ont été les orientations politiques
territoriales par la suite. Nous allons donc nous intéresser à
son histoire, témoignant d'un dynamisme industriel important, puis nous
aborderons les conséquences de cette activité industrielle tant
positives que négatives.
Autrefois, la ville de Saint-Etienne était une grande
capitale industrielle. On peut même dire qu'elle « ne s'est pas
développée avec l'industrie à la fin du
18ème siècle, elle est née avec »
(Vincent Béal, 2010). En effet, son savoir-faire était
appliqué dans trois industries majeures, qui formèrent pendant de
longues années le noyau dur de cette capitale industrielle :
- la rubanerie. Cette activité très ancienne
à Saint-Etienne était à l'époque,
représentée par plusieurs acteurs : des négociants qui
travaillaient pour des maisons de gros ou de commissaires ; des passementiers,
qui travaillaient à domicile mais également en sous-traitance
pour des compagnons. Ce secteur était, du point de vue
économique, relativement atomique, donc « d'une faible
intensité capitalistique ». Toutefois, la rubanerie a
perduré jusqu'à la Première Guerre Mondiale (1914).
- les industries minières et métallurgiques. A
l'inverse du domaine du ruban, ces dernières étaient «
modernes et capitalistiques ». C'est autour des années 1810
que les industries minières commencèrent à se
développer. Dès 1850, de grandes entreprises de
métallurgie et de sidérurgie (comme la Fonderies de la Loire et
de l'Isère, les Aciéries de Saint-Etienne, et la Compagnie des
Mines de fer) s'implantèrent. La métallurgie évolue
progressivement en se spécialisant vers la fabrication d'aciers
spéciaux, d'alliages complexes, notamment en terme de constructions
mécaniques : la ville devient experte en production de cycles et d'armes
de chasse et de guerre (avec Armeville). C'est l'époque de Manufrance,
une Manufacture Française d'Armes et Cycles, créée par
Etienne Mimard et Pierre
34
Blachon en 1885, considérée comme la plus
emblématique des productions manufacturières de la ville.
A l'époque, la ville était donc portée
par des secteurs dynamiques comme l'armement, la rubanerie et les cycles. Il y
avait même d'autres activités en parallèle. Nous pouvons
citer Casino, dont la première épicerie vit le jour en 1890, mais
également l'entreprise Weiss en 1882, Henry Brun (fabricant de radios et
de télévisions dans les années 1950), ou encore des
chocolateries de renom grâce à l'intérêt de la
bourgeoisie industrielle locale pour cette friandise, comme l'entreprise Weiss
en 1882. La ville est alors une terre d'invention, de création,
« un territoire pionnier animé par une dynamique
spécifique liant l'art et l'industrie » (Franc,
2006).
Comme la ville était fleurissante, il y avait besoin de
main d'oeuvre, et donc beaucoup de travail à offrir : suite à
cette révolution industrielle, la ville a subi une explosion
démographique. L'évolution du nombre d'habitant en est la preuve
: 19 100 habitants en 1820, 94 000 habitants en 1856 et presque 150 000 en 1911
pour l'agglomération stéphanoise. L'histoire ouvrière a
été marquée par la venue de nombreux migrants (italiens,
espagnols, portugais, arméniens, maghrébins, etc.).
Cependant, la concurrence devient de plus en plus rude avec
l'élargissement de la Communauté Economique Européenne, et
la ville a du mal à surpasser cette crise. L'activité
industrielle se réduit peu à peu... Les mines ferment en 1973
à Saint-Etienne, tout comme de nombreuses activités liées
aux rubans, aux cycles... C'est la fin de l'âge d'or industriel.
Suite à cela, la ville se retrouve très
rapidement en retard de développement mais avec un fort potentiel
industriel. La ville doit affronter plusieurs enjeux économiques,
géographiques, etc. « Comment la ville peut-être créer
de la richesse à nouveau ? » devient une problématique,
à l'époque où la ville a perdu des habitants, où
les entreprises industrielles ont fermées... Même s'il reste
quelques entreprises dynamiques (comme Casino et Weiss), la ville se retrouve
dans une situation dramatique. Quelle politique de
régénération urbain va-t-elle choisir ? Comment va-t-elle
relancer son économie ?
Ainsi, nous avons vu que la ville de Saint-Etienne a
été marquée par une industrialisation ancienne. Face
à ce déclin des activité manufacturières
traditionnelles, la ville décide de se
35
reconvertir dans de nouveaux secteurs et pôles
d'excellence, comme l'enseignement supérieur, la technologie
médicale, le traitement de surfaces, l'industrie optique etÉ le
design.
La stratégie d'orienter Saint-Etienne vers le design en
1994 n'est donc pas partie de nulle part. La ville a toujours inventé,
elle a même grandit en innovant, avec l'industrie : les designers
auraient-ils toujours existé au sein de cette ville ? Quel usage
effectuer des anciennes friches industrielles ? Comment utilise-t-elle son
patrimoine industriel et commercial ?
36
2.1.2 L'héritage industriel comme source de
patrimonialisation et de
muséification
La réhabilitation d'anciennes friches industrielles est
une résultante de la stratégie de renouvellement urbain de la
ville de Saint-Etienne des années 1990. Il est intéressant de
constater que le passé industriel a été la source
d'inspiration d'initiatives en faveur de la patrimonialisation et de la
muséification de la ville : en voici un aperçu.
2.1.2.1 Le Musée d'Art et d'Industrie
La ville de Saint-Etienne a hérité d'un
patrimoine industriel et commercial conséquent. Heureusement, cette
mémoire des industries locales est préservée, notamment
dans le Musée d'art et d'Industrie. Ce lieu de conservation met en
valeur les trois domaines qui ont le plus marqué la ville de
Saint-Etienne, à savoir l'armurerie, l'industrie du cycle et la
rubanerie.
Initialement, dans les années 1833, ce musée
d'art et d'industrie (était un Palais des Arts abritant un musée
classique (quelques oeuvres de Monnet) et une bibliothèque. Ce lieu
devient en 1889, le Musée d'Art et d'Industrie, réunissant les
« beaux-arts » et les « arts industriels ». Sa mission
principale est de montrer les liens entre l'art et la technique de l'ère
industrielle. D'après Ludovic Noel (Directeur de la Cité du
Design), ce musée abrite des « collections exceptionnelles
autour des armes, cycles et rubans ».
Un musée aux racines du design :
rénové par Jean-Michel Wilmotte en 2001 et labélisé
Musée de France, il met en lien le passé, le présent et le
futur de Saint-Etienne. Il offre un « regard contemporain sur les
industries d'art et de design du quotidien » (Musée d'art et
d'industrie de Saint-Etienne).
37
2.1.2.2 Le Musée d'Art Moderne et
Contemporain
Le musée d'art Moderne émane d'une section qui
appartenait autrefois au musée d'art et d'industrie dont nous avons
parlé précédemment.
En 1947, le nouveau conservateur Maurice Allemand parvient
à convaincre la municipalité du bien-fondé pour une ville
moderne, née de la révolution industrielle, d'une politique
tournée vers l'art moderne et contemporain. Entre 1967 et 1987, ce
conservateur poursuit cette orientation vers l'art contemporain, et met en
place une politique d'acquisition dynamique plus fortement tournée vers
l'art contemporain. Grâce à des crédits d'acquisition
alloués, il enrichit progressivement « les collections
d'oeuvres importantes du début du siècle (Picabia, Schwitters,
Alexandra Exter, Magnelli, Hélion...), de la génération
européenne des années cinquante (Dubuffet, Fautrier, Soulages,
Bram Van Velde...) et des artistes contemporains (Klein, Warhol, Dine, Stella,
Judd, LeWitt, Viallat et les artistes français du groupe
Supports-Surfaces...) » (Musée d'art moderne et contemporain
de Saint-Etienne).
La section d'art moderne devient un musée à part
entière en 1987 : conçu par l'architecte Didier Guichard (fil de
Pierre Guichard, ancien directeur du groupe Casino), inauguré le 10
septembre 1987 par le Ministre de la Culture François Léotard :
pris parti d'une fonctionnalité avec une architecture sobre, ainsi
qu'une façade en carreaux de céramique noire, un clin d'oeil au
passé minier de la ville ; le but de ce bâtiment, le rendre souple
pour permettre un espace de vie, d'échange, de formation un lieu ;
localisé en bordure nord de Saint-Etienne.
Dans les années 1990, les axes d'orientation du
musée sont la photographie et le design (soutenu depuis 1995 par le
Conseil général de la Loire). La politique est en faveur du
Design : « la politique de la Ville de Saint-Etienne et de
Saint-Etienne Métropole à l'égard du design a
accéléré, depuis 2001, le développement d'une
collection de design désormais reconnue comme l'une des plus importantes
en France (900 pièces) ». Parmi les oeuvres exposées,
nous pouvons citer celles de Charlotte Perriand, célèbre designer
ayant travaillé au côté du Corbusier. Ce musée
détient la plus importante collection d'art moderne et de design
après le Centre Pompidou (Ludovic Noel, Directeur de la Cité du
Design).
38
2.1.2.3 Le Puits Couriot en parc-musée
« Que faire des autres friches industrielles et de ce
patrimoine important ? »
(Zanetti, 2011)
L'héritage du passé minier à
Saint-Etienne a été l'objet d'une forte patrimonialisation. Le
Puits Couriot a été en activité (sous la
société des Mines de la Loire) de 1919 à 1973. En 1991,
afin de préserver l'identité minière du bassin de la
Loire, un Musée de la Mine est créé dans l'ancien
chevalement (édifié en 1913). Ce musée est le plus
visité de toute la Loire, avec plus de 70 000 visiteurs par an, c'est
donc une belle réussite. Le Puits Couriot abritant le musée est
devenu un site minier classé Monument Historique.
Le Puits Couriot est un « lieu de vie et de culture
de premier plan ». On y organise des festivals, spectacles, concert,
« un lieu majeur de Saint-Etienne de demain »,
d'après la ville de Saint-Etienne. C'est un lieu de mémoire
chargé d'émotion, un lieu fertile où l'imagination
vagabonde librement (Coignard, 2014).
Depuis 2012, le Parc Couriot a été l'objet d'un
important programme de travaux pour sauvegarder son patrimoine, rendre plus
confortable la venue des visiteurs et renouveler son parcours de visite. Ce
parc a été réhabilité dans le souci de respecter le
patrimoine minier existant. L'équipe du projet (les architectes et
urbanistes Gautier et Conquet ainsi que Michel Corajoud, grand prix de
l'urbanisme et du paysage) a traité le parc et le musée
« comme un même ensemble où tous les usages acteurs
(récréatifs, contemplatifs, culturels...) s'accordent
harmonieusement avec l'emblème patrimonial que constitue le site Couriot
», d'où son appellation Parc musée. Ce sont 8 hectares
de verdure aux pieds du chevalement et des crassiers... où se
mêlent jeux pour enfants, aires de pique-nique, bref, un espace de
détente et de tranquillité. Ce lieu fait résonance avec la
Cité du Design dans le sens où il témoignage de la
« formidable aventure industrielle du territoire » (Ville de
Saint-Etienne).
39
2.2 Une politique Le renouvellement urbain
tournée vers le Lesign
Saint-Etienne n'est pas la seule ville à avoir
été touchée par le déclin de l'activité
industrielle ancienne. Pour rebondir, beaucoup de villes ont mis en place de
nouvelles stratégies de renouvellement urbain, ayant des objectifs
« qui vont bien au-delà de la réhabilitation du cadre
physique » (Le Garrec, 2006), dans le but de mettre en place des
opérations comme levier de développement économique. Ces
politiques sont « inspirées par les politiques de
régénération urbaine expérimentées dans les
villes industrielles britanniques », comme la théorie de la
« Classe Créative » de Richard Florida dont nous avons
parlé précédemment.
Cette orientation stratégique à Saint-Etienne
aurait été mise en place en 1994, à l'arrivée de
Michel Thiollière à la mairie. Avant son arrivée, les
politiques étaient tournées vers le soutien à l'industrie
pour sortir de la crise. Le nouveau maire élargit l'agenda politique
« à des enjeux tels que l'attractivité
résidentielle, la qualité du cadre de vie, et plus
généralement l'image de la ville » (Bréal,
2006). Trois facteurs seraient à l'origine de cet intérêt
pour le renouvellement urbain :
- « L'évolution sociologique de la composition
de la ville », avec une ascension de groupes sociaux et
professionnels liés à la culture, à l'urbanisme et
à l'enseignement.
- « La prise de conscience des problèmes
démographiques de la ville », de plus en plus visibles dans
les villes, avec des centres villes désertés par les classes
moyennes et supérieures (Rousseau, 2008).
- « Au niveau national, une réflexion se met
en place autour d'une réforme des outils d'urbanisme visant à
faciliter la reconstruction de la ville sur la ville ». Un guide des
bonnes pratiques en matière de renouvellement urbain est
rédigé par la Fédération Nationale des Agences
d'Urbanisme, et une loi « Solidarité et Renouvellement Urbain
» votée en décembre 2000 modifie en profondeur le droit de
l'urbanisme et du logement en France (en favorisant la mixité sociale
par exemple).
40
Un événement marquant de renouvellement urbain
de Saint-Etienne est le lancement du projet d'agglomération en 2003,
où Saint-Etienne devient Saint-Etienne Métropole. Ceci est la
preuve d'un effort pour « formaliser une stratégie
économique plus ambitieuse et sélective, stratégie
reposant sur l'appui aux nouvelles technologies pour accélérer la
mutation du tissu industriel local et sur la promotion du design comme nouvelle
compétence transversale » (Vincent Béal,
2010).
Cette stratégie n'a pas été suivie par
tous les acteurs économiques dans les années qui suivirent,
notamment en ce qui concerne « le bien-fondé économique
du choix du design comme vecteur de mutation et de développement
économique ne fait pas l'unanimité ».13
Cette action n'a pas été soutenue de manière transparente
par l'ensemble des élus de la communauté. Les causes seraient une
méfiance quant à la capacité des collectivités
locales à peser sur le développement local, mais aussi la
priorité aux projets de gouvernance interne (communauté
d'agglomération, soit un établissement de coopération
intercommunale) décourageant la mobilisation de la société
locale.
D'après Josyane Franc, l'aventure du design
contemporain commence réellement en 1989, lorsque le département
de design de l'Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne se fait remarquer sur un
plan national, par la création du premier troisième cycle
français « design et recherche », suivi en 1991 par
la fondation de la revue « AZIMUTS ». Les enseignements se
poursuivent autour du « projet design », sous une
réelle diversité des démarches, des techniques,
matériaux, savoir-faire traditionnels etc. Le design est « au
coeur de la transformation urbaine, des équipements, infrastructures et
des espaces publics » (Franc, 2006).
Nombreuses furent les conséquences de ces
décisions politiques en faveur du design. En 1977, un atelier d'espaces
publics est crée pour faire participer des jeunes créateurs
venant des écoles de la ville (designers, artistes, architectes)
à des projets de conception de nouveaux
13 Vincent Béal, Rémi Dormois et
Gilles Pinson, « Relancer Saint-Étienne. Conditions
institutionnelles et capacité d'action collective dans une ville en
déclin », Métropoles [En ligne], 2010, mis en ligne le
30 novembre 2010, consulté le 22 mars 2016, URL :
http://metropoles.revues.org/4380
41
espaces publics (en partenariat avec les services techniques
de Saint-Etienne). Par la suite, plus de 150 sites (aires de jeux, places,
jardins) ont été rénovés.
En 1998, la Biennale Internationale Design Saint-Etienne ou
« mondial du design » est créée sous
l'initiative de l'Ecole Régionale des Beaux-Arts (désormais Ecole
Supérieure d'Art et Design de Saint-Etienne), dans le but de rassembler
de nombreux acteurs : créateurs, entreprises, écoles,
journalistes, éditeurs... Cette Biennale est liée à des
thématiques larges : cohabitation en 2006, écologie en 2008,
téléportation en 2010... Il y a néanmoins toujours une
volonté de lier le local et le global : l'idée est de «
croiser les métiers du design, ses différentes pratiques et ses
enjeux, avec divers acteurs de l'innovation de la recherche, de
l'économie et de l'enseignement. »14.
14 Centro Cultural Banco do Brasil, Saint-Etienne,
Cité du Design, Brasilia, 2009, 117 pages.
42
2.3 Naissance Le la Cité Lu Design
La Cité du Design est un bel exemple de marqueur de
cette volonté de placer le design au coeur de la politique territoriale.
En effet, le succès des différentes Biennales et le dynamisme de
l'école pionnière permet de voir la Cité du Design
naitre.
En se dotant d'un outil exceptionnel comme La Cité du
Design, Saint-Etienne et son agglomération font un pari sur le design
comme moteur pour son territoire, dans une société qui doit
affronter des mutations de tous ordres, du social à l'économie,
de l'écologie à la technique, qui ont des incidences sur la vie
de chacun (Cité du Design).
L'implantation de cette Cité du Design choisie est le
quartier de l'ancienne Manufrance, symbole d'une grande époque (de 1864
à 2000), où la Manufacture d'armes fabriquait le fleuron de
l'armée française, le fameux « clairon ». La ville
décide de la réhabiliter de manière à créer
un lieu pour changer l'image de la ville « d'une ville industrielle
à une ville beaucoup plus culturelle » (d'après Maurice
Vincent, le maire de l'époque). Ce lieu serait alors une plateforme
d'enseignement supérieur unique en Europe, qui pourrait accueillir la
Biennale internationale du design, d'où l'idée d'une «
Cité du Design ».
La Cité du Design est une plate-forme d'observation, de
création, d'enseignement, de formation et de recherche par le design.
Elle souhaite porter un design qui réponde aux usages, aux besoins et
aux nouvelles pratiques en centrant sa réflexion sur l'humain, par la
conception d'images, d'objets, d'environnements et de services dans l'espace
public et privé (Ville de Saint-Etienne)
Cette Cité du Design est construite dans le but
d'accompagner la mise en oeuvre du design au sein des collectivités
publiques, de dynamiser l'activité des entreprises créatives,
tout en favorisant leur collaboration transversale avec les partenaires
industriels et scientifiques. Elle est définie comme « espace
d'avant-garde dont le but est de former des professionnels qui pensent le
design comme un outil social, grâce à des solutions qui ne perdent
pas de vue les caractéristiques sociales et économiques de la
finalité pour laquelle elles ont été conçues, sans
toutefois négliger le côté pratique et esthétique
» (Frances E., 2008).
43
Elle a l'ambition de devenir le quartier des métiers
créatifs, « qui permet le maillage permanent entre vie
quotidienne, technologies, art, culture et loisirs » : enseignement
supérieur comme atout pour la recherche (ESADSE fondée en 1804,
Télécom Saint-Etienne, l'école d'ingénieurs en
technologie de l'information et de la communication, IRAM, une plateforme de
recherche, veille et formation dédiée aux nouveaux médias,
et Sup Optique). « Autour de la cité, mon projet est de mettre
sur pied un campus créatif, c'est-à-dire rassembler,
au-delà du design, des labos de recherche universitaires, des
écoles d'ingénierie et des entreprises de haute technologie pour
créer un système d'innovations nouveau » (Corriveau,
2011).
Le projet de la Cité du Design débute en 2005 :
ce travail représentant plus de 16 000 mètres carrés de
terrain, a été confié à des architectes de renom :
Finn Geipel et Giulia Andi, appartenant à l'agence LIN. Il ne s'agissait
pas de réhabiliter simplement les locaux, mais de créer une
ville-parc, ouverte sur les quartiers avoisinants. L'objectif de ce projet
architectural d'après la Cité du Design est le suivant :
« créer un lieu tourné vers le futur, susceptible
d'évoluer en fonction des activités de la Cité du Design
avec le développement du territoire ». On y trouve un
mélange entre des friches industrielles réhabilitées et
des réalisations contemporaines (la Tour et la Platine). La Platine est
le lieu d'échange et de connexion entre les espaces et d'accueil du
public.
L'ensemble des activités de la Cité du Design
s'appuie sur l'expertise des designers professionnels qu'elle considère
comme des acteurs économiques dont elle vise à développer
l'activité et l'intégration dans tous les processus de
conception. Son role est d'implanter le design là où il n'existe
pas aujourd'hui, où ses compétences apportent innovation et
développement au service des personnes et de l'associer à des
métiers complémentaires, notamment dans les sciences humaines.
Ses principales activités sont les suivantes :
- Sensibiliser le design à tous les publics, notamment le
grand public (par des ateliers pour enfants par exemple),
- Développer l'enseignement supérieur du design
dans la région Rhône-Alpes (avec
notamment le Consortium Design enseignement supérieur
Rhône-Alpes en 2007), - Observer, rechercher et expérimenter par
le design, au profit d'acteurs publics et
privés,
- Développer et innover par le design,
44
- Valoriser les actions par le design (grâce à des
expositions, conférences, colloques etc.).
En 2006, la Cité du Design organise la Biennale
Internationale du Design pour la première fois, avec des
thématiques liées à ses axes de développement :
depuis ce jours, la Biennale est directement organisée en lien avec la
Cité. La Cité du Design est inaugurée en 2009. Il s'agit
d'une « nouvelle étape de la transformation de tout un
territoire » (Franc, 2006).
Par conséquent, Saint-Etienne a conservé une
réelle capacité à inventer, à rebondir vers la
créativité et l'innovation. En effet, cette capacité
à inventer se retrouve dans les musées mais également dans
son patrimoine industriel et architectural. La ville a su utiliser son
passé industriel comme source pour se reconvertir, en utilisant le
design comme point central de sa politique de reconversion urbaine. Grâce
à son rayonnement culturel, sa Biennale Internationale du Design, et ses
compétences variées, la ville a l'ambition d'accroitre son
attractivité nationale et internationale. Relancer le territoire en
misant sur le design a été une véritable volonté
politique de la ville, ce qui l'a amené à déposer une
candidature pour une désignation ville de design du réseau des
villes Créatives Unesco. Le 22 novembre 2010 la ville entre dans le
réseau des Villes Créatives de l'Unesco grâce au design.
45
3 Le design comme nouvelle identité
territoriale
3.1 Moteurs du développement urbain par le
design 3.1.1 Une véritable stratégie de
positionnement
Le marketing urbain est désormais devenu incontournable
pour les gouvernements locaux qui font face à une concurrence
internationale effrénée (Silvent, 2012). Un territoire qui se
positionne permet de se différencier de ses concurrents. Il sera donc
plus attractif :
Même si la stratégie de développement
territorial ne s'appuie pas sur un savoir-faire local, dans tous les cas, il
faut choisir un domaine sur lequel la ville peut se détacher des villes
concurrentes (Silvent, 2012)
Le marketing urbain, un outil au service de la
différentiation du territoire (Bros-Clergue, 2006). Construire un
avantage concurrentiel est important étant donné le paradigme
concurrentiel (Thisse et Ypersele, 1999). Selon Gouttebel (2003), « le
marketing urbain facilite le positionnement de tel ou tel territoire sur le
marché concurrentiel »
De nombreuses villes ou les régions cherchent à
se créer une marque de fabrique. On parle de city branding
(ville-marque) ou encore, region branding (territoire-marque). Le
slogan comme « I Love New York » est le plus
emblématique du concept de ville-marque. C'est une marque
territoriale devenue culture : « il s'agit de la première
marque de ville avérée ». Son histoire est pourtant
simple : à cause de problèmes de criminalité et de
déficit économique dans les années 1970, la ville subit
une mauvaise image (elle évoque la terreur et la crainte), et n'attire
pas les touristes. L'Etat décide de promouvoir la ville, en
créant un nouveau logo, inspiré du slogan de l'Etat de Virginie
« Virginia is for lovers », avec le slogan « I Love NY
». Cette campagne a été un réel succès,
révélant la puissance de ce logo entré dans la culture
américaine, « mais ce choix de logo met également en
avant une relation d'amour entre des individus et une métropole
».15
15 Maëva CHANOUX et Sarah SERVAL, Institut de
Management Public et de Gouvernance Territoriale, Etat des lieux et
perspectives du marketing urbain, page 11
46
A Saint-Etienne, le design semble donc être un moyen de
positionner la ville, de lui donner une image singulière : «
Ainsi une ville comme Saint-Etienne a construit sa nouvelle identité
autour du design, ce qui lui a permis de changer son image »
(Silvent, 2012). La désignation ville de design du réseau
des villes Créatives Unesco fait de Saint-Etienne un avantage majeur
différenciant majeur : c'est la première et la seule ville de
Design française. Force est de constater que le design est un atout
différenciant de la stratégie marketing de la ville.
D'après Josyane Franc, grâce à la Cité du Design,
Saint-Etienne se positionne comme « un territoire
référent sur la question de l'accompagnement des mutations
sociales, des nouveaux modes de vie et de la dynamique économique dans
un cadre qui se différencie des autres institutions françaises du
design. »
Le design est un fil conducteur de la stratégie de
marketing urbain et un facteur différenciant tant en terme de
structuration de l'offre qu'en terme de promotion du territoire et de
commercialisation. La ville de Saint-Etienne peut appuyer son positionnement
grâce à la présence du design dans de nombreux domaines :
offre de services Design aux entreprises, design dans les formations et
collaborations universitaires, positionnement candidature French Tech,
packaging de produits touristiques d'affaires ou d'agrément,
opérations « Commerce Design », Design Management dans les
services publics, design dans l'espace public, dans les projets urbains et de
construction, design dans les grands événements (Biennale
internationale du Design, Design Map, DME Award).
La vidéo « Clip Unesco » de 2013 met en
valeur le fait que Saint-Etienne est Ville Unesco de design depuis 2010 :
40 lauréats Commerces Design, 60 projets développés
par des designers sur le territoire depuis 2010, 2ème fonds
de design en France au Musée d'art moderne, 110 accompagnements
d'entreprises dans leur stratégie design, 85 000 visiteurs à la
biennale 2010, 1ère ville française à
intégrer le réseau des villes UNESCO de design, 375
étudiants inscrits en 2012/2013 à l'ESADSE.
Quelles sont les raisons de miser sur le design comme
stratégie de renouvellement urbain ? Promouvoir la métropole
à l'international, mais également pour séduire les
investisseurs, les touristes, les étudiants... De manière
générale, l'objectif de cette nouvelle identité est de
rendre la ville de Saint-Etienne plus attractive (Le progrès, 2015):
« Même si la distinction
47
Ville Unesco de Design ne se suffit pas à
elle-même mais vient renforcer la visibilité d'un territoire
» (Antoine LE PESSEC, 2014).
Ainsi, le design peut donc être considéré
comme l'identité voulue de la ville de Saint-Etienne. Les moteurs de
cette reconversion sont nombreux. En plus d'améliorer son image, et de
la rendre plus attractive, le design pourrait-il être une alternative
à la crise et une source de dynamisme pour l'économie de la ville
?
48
3.1.2 Une alternative à la crise
économique
La régénération urbaine axée sur
le design ne serait-elle pas un moyen de développer l'économie de
la ville ? Il semblerait que la réponse est affirmative. En effet, s'il
on regarde le cas de Liverpool, son label de capitale européenne de
la culture en 2008 a permis d'attirer des investisseurs : « la
reconnaissance ville créative de design par l'Unesco permet d'attirer
les investisseurs (entreprises, financiers, promoteurs) dans le but de
réaliser des projets de politiques urbaines. »16
Les villes doivent investir de nouveaux champs comme la
culture, l'art, le sport, les divertissements. Ces domaines qui
jusque-là pouvaient sembler secondaires et surtout non productifs d'un
point de vue économique peuvent donner une nouvelle impulsion aux villes
et générer de nombreux emplois.17
Le territoire cherche à « attirer des
consommateurs qui dépenseront sur son territoire » (Ingallina
et Park 2005).
En outre de la création d'une image et de symboles,
l'instrumentalisation de la culture s'articule également autour d'une
notion purement financière. La construction d'une ville créative
est un enjeu majeur pour attirer les investissements, encourager la
consommation et créer de la richesse in fine.
Le soutien à l'innovation et au design est un
véritable levier de performance pour les entreprises. Il existe un grand
nombre d'entreprises qui réussissent par le design. La présidente
Anne-Marie Boutin ayant crée en 1983 l'Agence pour la Promotion de la
Création Industrielle le confirme :
Ce que le design apporte à l'entreprise dans un premier
temps, c'est la différenciation. Le design permet de faire un produit
qui va se démarquer des autres sans que cela soit pour autant plus cher.
Parfois, le projet est même plus rentable que prévu. Il faut
bien
16 Antoine LE PESSEC, SciencesPo, Mémoire
sur « La démarche design, un outil pour renouveler les processus de
l'urbanisme », 2014, page 20
17 Arte, Les villes créatives comme
alternative à la crise, consultée le 3 février 2016,
disponible sur :
http://gensol.arte.tv/blog/2012/11/27/les-villes-creatives-comme-alternative-a-la-crise
49
comprendre que le designer travaille dans la
transversalité des services, ce qui améliore bien souvent le
temps de réalisation des produits. Il joue un grand rôle dans le
choix des matériaux et techniques en optimisant les
procédés de fabrication. Voilà pourquoi le designer est
une valeur ajoutée à l'entreprise. (Abrial, 2014)
A Saint-Etienne, la stratégie urbaine d'orienter
l'identité et le développement grâce au design aurait une
visée d'ordre financière et économique, en créant
de la richesse (Silvent, 2012). Charles Landry partage le même avis :
« développer la créativité des zones urbaines et
s'ouvrir à la culture permet de relancer l'économie des villes
».
Dans le cas de Saint-Etienne, la Cité du Design
s'intéresse non seulement à la dimension culturelle du design,
mais également à au développement économique pour
le territoire :
Elle les connecte et les rassemble autour de programmes de
recherche, dans des projets de développement économique et
d'attractivité du territoire. Elle organise également des
événements à forte notoriété pour tous les
publics et se différencie des autres institutions françaises du
design en renforçant un axe fort et fédérateur : le
design, les mutations sociales et les dynamiques économiques. (Poirot
Jacques, 2010)
La Cité du Design regroupe une trentaine de personnes
et est financée par la ville et la métropole de Saint-Etienne.
Elle est soutenue par la région Rhône Alpes. Le Mixeur, faisant
partie de la Cité, est un endroit où il y a une émulation
des acteurs économiques, des entreprises se créent, et
collaborent avec des designers. D'après le Directeur de la Cité,
il y aurait une interaction avec plus de 500 entreprises du territoire, ce qui
n'est pas moindre. Le design à Saint-Etienne serait donc synonyme de
rencontre entre le secteur public et privé comme à la Cité
du Design.
D'après l'ancien maire Maurice Vincent, la ville
soutient les entreprises qui accordent une attention particulière au
design : « elle a élaboré un dispositif d'accompagnement
financier afin de venir en aide aux PME n'ayant pas encore engagé de
démarches de design, pour la prestation d'un professionnel du design, en
vue du développement d'un projet » (Corriveau, 2011).
La ville encourage les entreprises à adopter une démarche
design, notamment dans le but de faire évoluer l'économie de la
ville.
Saint-Etienne est également la première ville
européenne à décliner le concept montréalais,
« Commerce Design » depuis 2003. Il s'agit d'un concours
destiné à « récompenser les
50
artistes et commerçants pour la qualité de
l'aménagement intérieur et extérieur de leur
établissement et à mettre en valeur le talent des professionnels
du design et de l'aménagement des lieux de vente »
(Cité du Design). Ce concours encourage les commerçants
à être créatif et innovant, d'ailleurs, plus de 200 ont
candidaté depuis 2003 aux 4 premières éditions.
Outre un développement économique des
entreprises par le design, le fait que Saint-Etienne soit Ville Unesco de
Design est un véritable atout pour attirer des touristes, notamment lors
de la Biennale Internationale du Design qui d'après son directeur est un
succès public. Elle accueille des visiteurs (85 000 en 2008) de plus en
plus nombreux, des spécialistes aux plus curieux. La Biennale attire
aussi bien l'international que le national. Elle est étendue sur
l'ensemble du territoire stéphanois, ce qui offre un rayonnement de
cette dernière sur tout le territoire régional.
Le design attirerait plusieurs formes de tourisme à
Saint-Etienne. Le tourisme d'affaires avec des designers qui viennent du monde
entier à la Biennale Internationale du Design, mais également du
tourisme culturel avec un public attiré par le patrimoine culturel et
créatif (Le Corbusier de Firminy, la Biennale Internationale du Design,
etc.).
Pour conclure, il est évident que le design et la
créativité sont une source de développement
économique pour la ville de Saint-Etienne. D'ailleurs, la région
de Saint-Etienne a réussi avec succès à renouveler son
tissu économique, et se situe en deuxième position de PME-PMI,
après la région parisienne. Le design attire des investisseurs,
des designers et créateurs, des touristes, notamment grâce
à la Biennale Internationale du Design qui a un impact très
positif sur la ville. Mais la politique de régénération
urbaine par le design ne serait-elle pas un moyen d'améliorer la ville
de ses habitants ? Le design n'aurait-il pas un caractère social ?
51
3.1.3 Le design pour améliorer la vie des gens
Pour Charles Landry, développer les actions culturelles
singulières peut permettre de garantir un « mieux vivre » aux
habitants d'une ville. « Le design permet ainsi d'assouplir les
interfaces entre l'homme et la ville en construisant une ville adaptée
à tous les publics » (Le Pessec, 2014). Le design cherche
à résoudre les problèmes que pourrait rencontrer le monde
(pas seulement économique mais de manière plus large), il a donc
un caractère social. Bastien Kespern, est un designer dont la
préoccupation majeure de son travail et de résoudre les
problèmes d'aujourd'hui. Il s'est d'ailleurs intéressé
à l'engagement citoyen et des questions du type « Comment les
gens pratiquent-ils la démocratie ? » (Kespern, 2015).
Il pratique la pensée design (autrement connue sous le nom de
design thinking) : « c'est un état d'esprit qui va
croiser une analyse objective (chiffres) et une analyse subjective
(émotions, pensées, etc.) ». Cette démarche
place l'utilisateur au coeur du problème, elle cherche à
identifier quels sont les besoins des personnes et quelles sont leurs
motivations. Pour mener son projet lié à la démocratie, il
va par exemple observer les nouveaux comportements des citoyens, les nouveaux
besoins, les nouvelles attentes.
Le design a un caractère social fondamental (Gauthier
Philippe, 2015). Certains chercheurs ont établis cinq principes pour
guider le design du 20ème siècle dans une
démarche sociale. Le guide suivant met en avant le fait qu'une pratique
du design authentique est sociale par nature :
Principe 1. Un acte de design authentique est
un acte social et critique. Il commence par un moment critique,
c'est-à-dire un moment où le designer détecte l'existence
d'une insatisfaction vis-à-vis du monde qui le propulse dans un projet
en vue de rendre ce monde plus habitable pour la collectivité.
Principe 2. Un acte de design authentique est
nécessairement tourné vers l'amélioration de la vie
d'autrui et de la collectivité. Ses objets sont les usages sur lesquels
le designer agit en façonnant les dispositifs de notre monde
habité, artefacts matériels ou immatériels.
Principe 3. Le design est une pratique qui
participe inévitablement à définir les contours du
vivre-ensemble, et il est de la responsabilité des designers d'assumer
pleinement ce rôle et de savoir rendre publique l'idée même
du vivre-ensemble qu'ils mettent en oeuvre.
Principe 4. Aucun apprentissage du design ne
saurait avoir lieu sans une appropriation raisonnée de l'appareil
conceptuel qu'il partage avec les sciences humaines et sociales.
52
Principe 5. La réflexion authentique
en design s'intéresse avant tout aux relations entre les humains et
leurs divers environnements, aux modalités du vivre-ensemble, à
l'expression des cultures contemporaines et aux conceptions du bien commun.
S'il on prend l'exemple de la ville de Lyon, le design urbain
améliore le quotidien des habitants. Lyon City Design Urban Forum 2015
souhaite mettre en avant le design de chantier en expliquant comment le design
accompagne la ville en mutation tout en révélant ses signatures
sensorielles. Ceci n'est donc pas un hasard si Lyon a été
labellisée Lyon Design City et est partenaire de la Cité du
Design de Saint-Etienne.
Nous avons vu que les moteurs au développement de cette
identité territoriale tournée vers le design sont nombreux. En
plus de développer l'économie de la ville et d'être l'objet
d'une véritable stratégie de marketing urbain, le design à
Saint-Etienne pourrait être un moteur de développement social et
améliorer la qualité de vie de ses habitants. Cela dit, il peut y
avoir des obstacles freinant à cette régénération
urbaine. Quels sont ses enjeux ? Sont-ils importants au point de freiner le
développement urbain de la ville de Saint-Etienne ?
53
3.2 Freins au développement de cette
identité territoriale
Même si la nomination de Saint-Etienne comme Ville
Unesco de Design est très prometteuse, les avis ne sont pas
partagés par tous : « le label Unesco n'est pas un
sésame » (Néau, 2013).
3.2.1 L'image négative de la ville
Certains voient encore Saint-Etienne comme une ville noire
à cause de son passé industriel et minier. Cette image freine la
transition de la ville vers une image plus positive et tournée vers le
design.
La désindustrialisation et ses conséquences
sociales et économiques accentuent la prégnance des
représentations négatives de la ville, l'expression de «
ville noire » en particulier, accolée à la ville au temps de
l'industrie lourde (Vant, 1981), semblant toujours s'y attacher. (Rousseau,
2008)
Pire, certains journalistes véhiculent l'image d'une
ville où certains quartiers sont minés par la pauvreté
(Zappi, 2014). Certes, la ville possède encore des fragilités,
notamment au niveau urbanistique. Le passé de la ville lié
à la désindustrialisation a engendré un déclin de
l'emploi et donc, un déclin démographique, la ville ayant perdu
25 000 habitants de 1990 à 2000 : « Saint-Étienne est
l'une des rares villes de taille importante en France à présenter
des quartiers centraux abritant de fortes proportions de populations
paupérisées et d'habitat insalubre. » Certains
quartiers de la ville n'ont pas encore été restaurés et
sont encore à un stade dégradé, abimé. En effet,
nous pouvons citer les quartiers près du centre-ville comme Tarentaize,
Beaubrun et Crêt-de-Roc. Heureusement, la ville a prévu de
rénover ses quartiers anciens dégradés. C'est le cas pour
deux quartiers d'habitat social (Sud-Est et Montreynaud) et deux d'habitat
ancien de centre-ville (Crêt de Roc et
Tarentaize-Beaubrun-Séverine) : « Au total, quelque 5.000
démolitions de logements sont programmées, avec en
parallèle 4.000 constructions et 2.000 réhabilitations, selon les
données fournies par l'Agence Nationale pour la Rénovation
Urbaine » (Meynard, 2004).
54
Qu'en est-il des habitants ? Comment la ville est-elle
peuplée ? Le peuplement de la ville est également un enjeu pour
Saint-Etienne, étant considéré comme un nouvel enjeu
stratégique pour les villes (Christelle Morel Journel, 2011). La ville
doit-elle pour autant mettre en place une politique de gentrification
pour sa régénération urbaine ? Rappelons que la
gentrification est caractérisée par l'éviction des
classes pauvres du centre-ville (Glass, 1964), ou encore par un processus
d'embourgeoisement particulier : cette notion est très partagée,
entre des avis négatifs et des avis positif. On parle alors de
revitalisation des centres-villes. En effet, pour certains, les
conséquences positives surpassent les conséquences
négatives : « depuis le retour de la bourgeoisie dans le coeur
des villes américaines, cette fameuse gentrification, le quartier s'est
enrichi, de nouveaux magasins se sont installés. Et les anciens
résidents? Ils sont restés » (Czarny, 2014).
3.2.2 La proximité avec la ville de Lyon
La situation géographique de la ville comme sa
proximité de Lyon peut également être un frein à
cette régénération urbaine. En effet, nous pouvons nous
demander si la ville de Lyon pourrait concurrencer la ville de Saint-Etienne,
et devenir un inconvénient supplémentaire. La théorie qui
pourrait appuyer cet argument est celle de la montée de la concurrence
interurbaine (Harvey, 1989).
La grande ville de Lyon se trouve à soixante
kilomètres de Saint-Etienne. La communauté urbaine de Lyon a une
volonté politique de développement économique
dédiée au industries créatives, prouvée par le
mandat 2008-2014 qui a pour but de « soutenir et valoriser des
secteurs à fortes composantes créatives (le design, la mode,
l'image en mouvement) et [pour] accélérer les processus
d'innovation par la créativité et le croisement entre
filières. »
Lyon est comme Saint-Etienne, tournée vers le design.
En effet, l'association Lyon Design a d'ailleurs pour objectif de diffuser la
démarche design et de promouvoir les atouts de la métropole pour
en faire un véritable territoire de design. Fondée en 2012 et
présidée par le PDG de Fermob, cette association regroupe : des
designers, des écoles, des industriels et des représentants
d'institutions, « tous unis par la conviction que le design est un
élément du mieux vivre ensemble, déterminant dans la
construction de la société de demain » (Association
Lyon Design).
55
Mais le scénario d'une concurrence avec Saint-Etienne
est à nuancer. En effet, lors de la Biennale internationale du Design
à Saint-Etienne, plusieurs actions sont menées en
parallèle à Lyon dans cette même directive. En 2015, «
Lyon City Urban Forum », a mené des expériences de design
urbain à Lyon pour montrer comment le design pouvait répondre aux
problématiques de la mutation de la ville. Un événement
singulier différent de la Biennale stéphanoise puisqu'il
était focalisé sur l'intervention dans l'espace public à
ciel ouvert pour se focaliser sur le design urbain. Ce « labo de la ville
de demain » s'est basé dans le quartier de la gare de la Part-Dieu,
un « quartier extrêmement représentatif des enjeux du design
urbain » (Raymond, 2015).
Il existe des freins et des moteurs à la
régénération urbaine de Saint-Etienne par le design et
à son entrée dans le réseau des villes créatives
Unesco pour le design. Il est donc intéressant de s'intéresser
aux impacts du design sur la ville. Nous allons tenter de répondre aux
questions suivantes : En quoi peut-on dire que la ville est ville de design ?
Quel est l'impact de l'entrée de la ville dans le réseau Unesco ?
Quelle est la culture design à Saint-Etienne ? Quelle est la
réalité du design à Saint-Etienne ?
56
3.3 Le design à Saint-Etienne : quelles
retombées ?
3.3.1 La Biennale Internationale du Design, un
succès encourageant pour la ville
La Biennale Internationale du Design a marqué un
tournant décisif dans le changement d'identité et le rayonnement
international de Saint-Etienne. Elle semble être un lieu unique :
« faire venir des designers du monde entier, de fédérer
autour d'un événement le monde culturel et économique, ce
qui la distingue d'un salon professionnel ou d'une design week »
(Franc, 2006).
La ville est vue comme un lieu de démocratisation du
design : « depuis sa création la Biennale Internationale Design
Saint-Étienne n'a cessé d'évoluer, de s'enrichir et de
s'organiser autour d'un objectif central : démocratiser le design, le
rendre accessible à tous les publics à travers une vision large
du métier de designer et de ses multiples applications ». La
Biennale cherche à montrer les différents métiers du
design, ses pratiques et ses enjeux, par le biais d'expositions, de
conférences, de rencontrent...
Saint-Etienne rayonne internationalement grâce à
la Biennale. Elle permet à la ville d'avoir une résonnance
mondiale, notamment grâce aux réseaux internationaux de La
Cité du Design et de l'Ecole Supérieur Nationale D'art et de
Design. Ces réseaux ont été mis en place pour «
emmener le territoire vers l'international, être une vitrine et un lieu
de ressource en particulier pour les pays émergents, se positionner
comme un point d'ancrage national fort, mettre en place des programmes communs
de recherche et d'enseignement, développer l'itinérance
d'expositions et d'événements ». D'ailleurs, un bel exemple
de la résonance internationale de Saint-Etienne par la Biennale du
Design est une exposition qui a eu lieu au Brésil (Brasilia, Rio de
Janeiro, Curitiba, et Sao Paulo entre juillet 2009 et janvier 2010)
intitulée « Saint-Etienne - Cité du Design » : elle a
été organisée pour renforcer les liens avec le
Brésil, et afin de présenter l'activité de la cité
pour contribuer à son rayonnement international. Saint-Etienne avait
d'ailleurs accueilli lors des différentes biennales du design, de
nombreux créateurs brésiliens (comme Brazil faz design, Patricia
Bowles, Vera Lopes, l'entreprise Melissa...). Cette exposition issue de la
Biennale internationale Design Saint-Etienne de 2008, invitait les
brésiliens à se questionner sur le rôle du designer face
aux
57
évolutions sociales (comme la problématique de
l'écologie de la planète). Cette exposition est l'exemple de
projets que la Biennale mène afin de faire connaître la
Cité du Design de Saint-Etienne et d'établir des liens solides
avec l'international.
Les bénéfices de la Biennale Internationale
Design pour l'image de la ville sont considérables d'après les
résultats de l'étude réalisée par l'agence
Protourisme en 2016 : « qu'il s'agisse de retombées presse ou
d'opinion auprès du grand public ». « Le public
repart avec une image très positive de la ville », selon
Josyane Franc. En effet, les données chiffrées
révèlent que : « 71% des visiteurs qui n'étaient
jamais venus à Saint-Etienne avant la Biennale ont une bonne image de la
ville après leur passage, contre 11% auparavant ».
D'après l'évaluation de l'impact
économique de la dernière Biennale Internationale Design (ayant
eu lieu de 12 mars au 12 avril 2015), il est clair que la fréquentation
est en augmentation. Celle-ci a progressé de 60 000 personnes avec plus
de 200 000 visiteurs par rapport à 2013. Son chiffre d'affaires
s'élève à 3,3 millions d'euros (entreprises de la
métropole de Saint-Etienne). D'après l'étude, un touriste
aurait dépensé 72 euros par jour sur le territoire de
l'agglomération, et 355 euros pour un visiteur professionnel. En terme
de retombées pour le territoire, 1 euro investi par Saint-Etienne
Métropole pour organiser l'événement aurait 1,25 euros de
retombées.
Ainsi, la culture design est bel et bien un levier de
croissance économique à Saint-Etienne. La Biennale Internationale
du Design est un moteur économique intéressant pour la ville, qui
lui offre une résonnance internationale ainsi qu'une image très
lumineuse.
58
3.3.2 Un design participatif ancré à
Saint-Etienne
A Saint-Etienne, la ville est facteur de design
sociétal (Cité du Design). L'innovation par le design souhaite
prendre en compte la participation citoyenne : les expériences
s'articulent autour du design participatif et du design de service public.
L'innovation et la démarche design à Saint-Etienne est
tournée vers les usagers. Par exemple : le projet « Hôtel
de ville de demain » qui a fait l'objet de réflexions
collectives autour du design. « Le réseau favorise la
démarche apprenante et Saint-Étienne peut y trouver une
opportunité de partager son savoir-faire en terme de design
communautaire » (Franc, 2006). Mais comment définir
le design communautaire ? Il s'agit de placer l'humain et la communauté
au coeur de l'innovation.
Il y a une volonté de démocratiser la culture du
design auprès des habitants. La Biennale du Design a d'ailleurs comme
volonté de montrer « tous les Designs, du plus appliqué
aux objets du quotidien jusqu'aux utopies les plus ouvertes, mais avec le souci
d'en faire un événement populaire » (Jusselme,
2015).
Saint-Etienne serait donc une ville dont le design n'exclue
pas le caractère social. Cela se voit au niveau des aménagements
urbains de la ville : « Concrètement, nous faisons
évoluer nos systèmes de tramway et de bus. Les objets
eux-mêmes évoluent : leur coloration, leur technologie
intègrent désormais une dimension de design importante »
d'après le maire actuel. Le design servirait ainsi à
améliorer la qualité de vie des habitants de la ville.
59
3.3.3 Valorisation de la « démarche design
» dans le secteur privé
La Cité du Design met en avant que le design peut
créer de la valeur pour l'entreprise. En effet, au sein du quartier
créatif de la Manufacture, de nombreux acteurs cherchent à
valoriser le design pour le secteur privé.
Le Mixeur soutient les interactions entre les grandes et
petites entreprises, les autoentrepreneurs, mais également les
télétravailleurs, free lanceurs. « Cet espace de travail
et de diversité accueille une pépinière d'entreprises
créatives, un pôle média, une antenne locale de France
Bleu, un hôtel d'entreprises, une crèche municipale et un ensemble
de services dédiés à la créativité (espace
de co-working, workshop) sur plus de 5.000 m2 » (Entreprendre,
2014).
Appartenant au Mixeur, Designers+ est un réseau de
professionnels du design et des métiers associés dont l'objectif
est le suivant : « Nous agissons pour structurer et animer al
filière design, pour faire émerger des projets et accompagner nos
adhérents dans leur montée en compétence ».
Un laboratoire d'usages des pratiques innovantes (LUPI) a
été mis en place pour stimuler les talents créatifs des
entreprises, notamment au niveau des PME afin qu'elles intègrent le
design dans le développement de nouveaux projets. Pour cela, plusieurs
services sont à disposition des entreprises notamment un coaching, un
accès privilégié aux programmes développés
par la Cité du design, la participation aux programmes de
démonstrateurs, et l'accès à une offre immobilière
pour les porteurs de projets. En tout, plus de 500 entreprises du territoire
stéphanois ont été sensibilisées au design, et
quarante ont été accompagnées dans un projet.
60
Conclusion Le la revue Le littérature
Dans cette revue de littérature, nous avons dans un
premier temps analysé de manière générale le design
comme moyen de renouvellement urbain. La tentative de définition du
design nous a montré que ce concept fait encore beaucoup parler de lui
aujourd'hui. L'histoire témoigne que l'Etat français s'est
beaucoup investi pour promouvoir le design français depuis 1980 et que
le design est reconnu comme un patrimoine Unesco à part entière
depuis 2004. Par la suite, nous avons évoqué les théories
de renouvellement urbain par les communautés créatives, pour en
déduire que la ville créative est un modèle de
développement territorial prometteur. Nous nous sommes interrogés
sur le rôle des créateurs comme les designers dans les mutations
urbaines : sont-ils des inventeurs ? Font-ils partie prenante d'une ville
créative ? Il semble qu'en théorie, les designers devraient donc
être des acteurs essentiels de la régénération
urbaine par le design. D'après le réseau Unesco des villes
créatives de design, ces dernières doivent répondre
à des critères bien précis pour entrer dans ce
réseau Unesco. Beaucoup de villes choisissent le design pour se
valoriser, mettre en valeur leurs savoirs faires, comme Montréal ou
Berlin qui semblent effectivement très créatives et exemplaires
en matière de renouvellement urbain par le design.
Dans un second temps, nous nous sommes
intéressés au cas de la ville Saint-Etienne devenue « ville
de design Unesco » depuis 2010. A travers cette recherche, nous avons
plongé dans son passé pour constater que cette reconversion est
en totale cohérence avec la décision politique de renouvellement
urbain par le design vers 1994.
En effet, la ville s'est développée grâce
à sa créativité, nous pouvons même dire que les
designers ont toujours participé à son évolution.
Après l'âge d'or industriel, la ville s'est retrouvée avec
beaucoup de patrimoine, elle s'en est donc servie pour créer des
musées par exemple. Elle a utilisé son passé pour
rebondir. Dans les années 1998, la ville lance la Biennale
Internationale du Design appelée « mondial du design » afin de
rassembler de nombreux acteurs du monde du design, locaux comme internationaux.
Cet événement lancé par l'école régionale
des Beaux-Arts est un immense succès. C'est grâce à ce
sujet, ainsi qu'aux politiques de la ville, que la Cité du Design voit
le jour en 1009. C'est une nouvelle étape pour la ville, qui marque un
tournant important dans sa reconversion territoriale.
61
Dans une dernière partie, nous avons tenté de
comprendre les motivations des politiques pour orienter la ville de
Saint-Etienne vers le design. Parmi les moteurs, le design pourrait être
un moyen de positionner la ville, d'un point de vue marketing, en terme
d'image. Ainsi, positionner la ville sur ce créneau attirerait de
nombreux acteurs : des touristes, des investisseurs, des créateurs, etc.
Grâce à cela, les résultats économiques pourraient
croitre, créer de la richesse et permettre de lutter contre les
difficultés d'ordre économique.
Un autre argument de cette politique est d'ordre humain : le
design pourrait améliorer le cadre de vie des habitants, les faire
participer à des projets, etc. Même si les raisons de cette
reconversion territoriale sont ambitieuses, elle pourrait rencontrer quelques
obstacles. En effet, même si le design pourrait améliorer l'image
de la ville, cette dernière présente de grandes lacunes qu'elle
va devoir surmonter puisque beaucoup considèrent encore cette ville
comme post-industrielle ou « noire ». Nous nous sommes
également questionnés sur la concurrence des villes entre elles,
notamment à travers la proximité de Saint-Etienne avec Lyon qui
pourrait être un atout ou un frein à ce développement
territorial.
Pour terminer, nous avons tenté d'identifier les
retombées de cette reconstruction territoriale par le design. La
biennale internationale du design a été une réussite, et
un événement essentiel pour cette reconstruction. De plus,
certaines démarches participatives ont permis de créer du lien
avec les habitants et de les intégrer dans cette reconversion. Enfin,
des structures ont été mises en place pour stimuler la
créativité et la démarche design dans le secteur
privé.
Ainsi, nous pouvons nous poser de nouvelles questions sur les
réalités du design à Saint-Etienne. Qu'en pensent les
designers ? Partagent-ils ce point de vue ? Les retombées sont-elles
réellement visibles ? Seules une étude précise sur terrain
et la rencontre avec les acteurs concernés nous permettront d'apporter
des réponses à ces interrogations.
62
RECHERCHE EMPIRIQUE
1 Méthodologie
Objet
Nous allons compléter cette revue de littérature
par le biais d'une étude qualitative, axée sur le terrain. Cette
dernière permettra d'obtenir des réponses et des avis d'acteurs
intéressants concernant le renouvellement urbain de la ville de
Saint-Etienne par le design. La partie empirique sera basée sur des
entretiens individuels, de type semi-directifs, afin de laisser l'interlocuteur
exprimer librement ses pensées. Les entretiens seront enregistrés
suite à l'accord des professionnels, afin d'effectuer la retranscription
la plus fidèle à la réalité.
L'étude s'appuiera sur une méthode
déductive, dont le but est de vérifier si le terrain confirme les
résultats de la revue de littérature. L'idée sera
également de faire émerger d'autres pistes de réflexion et
de confronter les idées reçues et les théories avec la
réalité. Les autres objectifs de la recherche seront les suivants
:
- analyser la situation de la ville de design,
- comprendre les enjeux actuels de cette décision
politique,
- cerner quelle est la place accordée aux designers
dans cette « ville de design Unesco », - mettre en lumière des
pistes de réflexion pour l'avenir de la ville de design.
Voici quelques questions qui seront posées :
> Comment définiriez-vous le design ?
> Qu'en est-il du design en France ?
> Pourquoi le design à Saint-Etienne ?
> Cette reconversion est-elle bien réelle ?
> Quelle est la particularité du design à
Saint-Etienne ?
> Qu'est-ce que le design apporte à la ville ?
> Pouvez-vous comparer Saint-Etienne à d'autres villes
?
> La ville aide-t-elle les créateurs à se
développer ?
· 63
Les personnes interrogées
L'échantillonnage de l'étude est
constitué d'acteurs professionnels variés en lien avec le design
sur le territoire stéphanois. L'idée était
d'échanger avec des responsables stratégiques ayant une vision
globale du sujet. J'ai ainsi interviewée les personnes suivantes :
- Nathalie ARNOULD, Design Manager à Saint-Etienne
Métropole
http://www.citedudesign.com/fr/home/
- Gaëlle SUBINEAU, Chargée de mission chez Designers
Plus http://www.designersplus.fr/
- Stéphane DEVRIEUX, Directeur de l'Office du Tourisme de
Saint-Etienne http://saint-etiennetourisme.com/
- Bernard Laroche, Manager et consultant en « design pour
tous »
http://www.designersplus.fr/adherents/trouver-un-adherent/?adherent=34
Dans le but d'avoir également le point de vue de
designers, j'ai interviewée les designers
exerçants sur le territoire suivants :
- Philippe Moine, Designer entrepreneur
http://www.philmoinedesign.com/
- Charlotte DELOMIER, Designer indépendante
http://www.designersplus.fr/adherents/trouver-un-adherent/?adherent=58
- Anja CLERC, Designer indépendant
http://www.anjaclerc.com/
- Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS, Designers et
fondateurs de l'agence Kaksi
Design
http://kaksidesign.com/
64
2 Résultats de l'enquête
D'après la retranscription des entretiens
réalisés, nous pouvons faire ressortir plusieurs
thématiques. Nous aborderons les sujets suivants :
- Leur définition du design et leur vision de la pratique
du design en France,
- La reconversion du design à Saint-Etienne et les avis
concernant cette décision
politique territoriale,
- Les enjeux de cette reconversion territoriale,
- Quelques pistes de développement pour son avenir.
2.1 Le design... encore perçu comme
élitiste ?
En ce qui concerne la définition du design, il est clair
que d'après les avis recueillis, le design n'est pas facile à
définir et est mal compris par le grand public.
N. Arnould : « Le mot design a
été galvaudé »
« Le design, c'est partout, c'est tout. C'est simple en
même temps... »
G. Subileau: « Il est perdu entre deux
mondes : le beau et le pragmatique. »
P. Moine : « On va y passer la nuit
là (rires). »
« Jamais avec mes clients, je ne parle
d'esthétique car ce n'est pas le créneau d'entrée.
»
Les interviewés s'accordent pour dire que le design
n'est pas uniquement le beau. En effet, le design s'intéresse à
la fonction, à l'utilisateur. Le designer conçoit en se mettant
à la place de l'usager. On appelle ça le design
thinking.
N. Arnould : « Il est proche des
besoins de l'homme »
« S'il on veut être plus objectif, nous pouvons
nous en tenir à la référence latine du mot
design, le dessein qui signifie concevoir pour : le design
conçoit pour des usagers ou pour un
besoin. »
« Il y a une notion d'empathie, ça a d'ailleurs
été l'objet d'une Biennale. »
G. Subileau : « Il est tourné
vers l'usage »
« La partie stratégique du design est
très importante »
P. Moine : « C'est
réfléchir à des processus, à des concepts
»
65
« Le design est une manière de se
différencier dans l'entreprise »
B. Laroche : « C'est d'abord la
fonctionnalité pour les utilisateurs avant l'esthétisme.
»
« Se mettre à la place des users, c'est
l'essence même du métier. »
« Le design n'existera que si on le pratique
»
G. Granjon et E. Vichos : «
l'utilisation du mot faite par les médias fait référence
le plus
souvent à l'aspect esthétique, voire
artistique et non à la fonctionnalité, à l'usage.
»
Ce qu'il faut probablement retenir de la définition du
design, c'est que le design est là pour questionner, et faire
réfléchir. Il est concret, tangible. Quant au métier du
design, il est en transition. Autrefois tourné vers l'esthétisme
et à la limite de l'art, il est aujourd'hui, même s'il existe
encore du design proche de l'art, tourné vers l'usage et la
fonctionnalité.
Les interrogés ont beaucoup insisté sur le fait
que le design n'est pas bien considéré par les entreprises et le
secteur privé. Les entreprises sembleraient ne pas avoir cerné
l'intérêt du design, à tort étant donné que
le design pourrait être un processus de développement
incontestable.
N. Arnould : «
Incompréhension des entreprises (É) qui ne font pas appel au
design, car elles ne savent pas ce que c'est, et sont plutôt marketing,
communication, »
P. Moine : « Le design est
créateur de valeur, de richesse, et les entreprises ne savent pas
l'utiliser. »
« Les entreprises à mon sens sont assez
frileuses »
« J'ai rencontré des entreprises
françaises qui ne sont même pas curieuses de ce qu'est le design,
qui sont attentistes, qui sont réticentes au changement. Heureusement,
des entreprises comme Décathlon, Apple, évidemment, où le
design fait partie du développement et de la stratégie
d'entreprise (É) ils font cela pour avoir des clients et dégager
de la marge »
B. Laroche : « Le design thinking
dans le processus d'innovation par les usages est de plus en plus reconnu comme
un potentiel de différentiation dans une économie
mondialisée »
|
|
Ainsi, les interviewés pensent que le design est mal
considéré en France et peu utilisé, notamment dans le
secteur privé. L'utilisation du design au sein des entreprises n'est pas
perçue comme un facteur de développement alors que les
évolutions sociétales et comportementales des consommateurs
auraient grandement besoin de designers. Les causes
66
de cette situation sont nombreuses, voici certaines
explications données par les personnes interrogées :
G. Subileau: « Peu de communication
sur les entreprises qui utilisent de design »
P. Moine : « Culture très
traditionnelle et qui n'est pas ouverte et sensibilisée au design »
« Facteur économique »
|
|
Spontanément, nombreux ont évoqué les
pays anglo-saxons comme des pays qui ont intégré le design depuis
plus longtemps que la France et qui utilisent davantage le design que les
français. En France, nous serions donc en retard par rapport à
d'autres pays concernant la pratique du design et le design thinking.
Pire, il y aurait un effet de mode, car d'après les professionnels
interrogés, le design thinking serait l'essence-même du
métier de designer.
N. Arnould : « Dans les pays
anglo-saxons, on mélange tout »
P. Moine : « Le design est peu
utilisé en France. »
« L'Angleterre, l'Italie sont des pays qui pratiquent
beaucoup plus le design que les
français. »
« On a l'impression de faire une grande
découverte mais ça n'en n'est pas une (rires). »
« Aujourd'hui, on met du design thinking et usages
à toutes les sauces... »
« Ca devrait bien souvent être la technique au
service du design et non pas l'inverse. »
Que pensent les professionnels du design à
Saint-Etienne ? Saint-Etienne est ville de design Unesco depuis 2010, est-ce
une reconversion censée, naturelle ?
67
2.2 Discussions autour de cette décision
politique orientée vers le design
D'après les avis recueillis, le design est venu
naturellement à Saint-Etienne. Plusieurs facteurs ont été
en faveur de cette reconversion du territoire. La ville a toujours du innover
pour se développer, s'il on regarde un peu son histoire. La
créativité serait donc l'ADN de Saint-Etienne.
N. Arnould : « Le lien entre l'art et
l'industrie existe depuis toujours (É) la construction de
l'Ecole des Beaux-Arts est venue suite à la demande
des industriels (du textile par exemple)
qui avaient besoin de dessinateurs et créateurs. Il y
a donc toujours eu un écosystème
innovant dans cette ville. »
G. Subileau : « Le design
apparaît donc comme un nouveau souffle pour la ville. »
P. Moine : « Le passé plaide en
notre faveur »
« Le design est très logique à
Saint-Etienne »
« Quand Michel Thiollière a axé
l'identité d'une ville sur le design, il s'est pas trompé
»
B. Laroche : « Pouvoir inscrire cette
politique dans l'histoire de la ville est un atout
primordial. »
« Un passé d'innovation est donc
indiscutablement un plus. »
S. Devrieux : « Ville qui a
été tout le temps en renouvellement, en recréation...
Suite à la
crise industrielle, elle a rebondit sur le design
»
G. Granjon et E. Vichos : « Le
passé industriel est une façon de rendre légitime ce
statut »
L'axe de développement du design n'est donc pas
arrivé par hasard à Saint-Etienne et les avis confirment que
cette reconversion est pleine de sens. Le passé industriel est donc le
pilier de cette reconversion, la ville ayant toujours utilisé la
créativité pour se développer. Le design est donc le fil
directeur du développement de la ville.
Aujourd'hui, le design est bien tangible à
Saint-Etienne. En effet, s'il on s'intéresse à la manière
dont est représenté le design dans cette ville, les
résultats sont nombreux. L'Office du Tourisme a mis en place un
Saint-Etienne City Guide afin de faciliter la découverte du
design sur le territoire pour les visiteurs : « il recense les
architectures, les aménagements, les interventions urbaines et les
commerces dans lesquels le design intervient. » Ce guide est
intéressant pour comprendre ce que cherche à valoriser la ville
en terme de design, pour les visiteurs, les amateurs ou simplement les
personnes curieuses. Il est divisé de la manière suivante :
Design dans l'architecture, Design dans l'espace urbain, Design dans les
musées, Design hors Saint-Etienne, Design Management Award, Commerces
design, et enfin, Shopping design. Le design est donc omniprésent
à Saint-Etienne.
Qu'est-ce que la désignation ville de design Unesco
apporte à la ville ? Le design a-t-il un impact sur le territoire ? Nous
allons voir que d'après les données récoltées, le
design apporte beaucoup en terme d'identité et d'image à la
ville.
N. Arnould : « Le design comme
justement vecteur de développement de la ville »
« On va très loin dans les designers comme
création d'une identité stéphanoise »
« Le design a une répercussion forte
»
S. Devrieux : « La désignation
Ville de Design Unesco n'est pas juste une étiquette »
« Pour faire évoluer l'image de Saint-Etienne,
c'est quelque chose de très important »
« Même si c'est pas un label, on peut quand
même dire que ça a labélisé le territoire
»
« Le design est plus qu'une directive pour promouvoir la
ville, c'est un positionnement. »
« Le design c'est quelque chose de vrai à
Saint-Etienne, il est issu de l'industrie, ça s'appuie
sur une réalité, où il y a un vrai
réseau, avec la Cité, avec l'Ecole d'Art et de Design,
les
entreprises, avec beaucoup d'activités
économiques liées au design »
B. Laroche : « Une ville
positionnée sur le créatif, le design »
G. Granjon et E. Vichos : « le design
urbain et les actions qui sont menées en ville
caractérise Saint-Étienne »
68
Finalement, quelle est la marque de fabrique de Saint-Etienne ?
A-t-elle un caractère unique ?
N. Arnould : « L'idée
était d'avoir un lieu unique en France, pour rassembler : une Ecole,
l'Ecole Supérieure d'Art et de Design, un Pole Recherche, une
pépinière d'entreprises et une institution, la Cité du
Design... »
P. Moine : « Si on les voit on va
dire avec un certain angélisme et chauvinisme, on peut dire qu'il y a
quelque chose d'unique. »
G. Subileau: « Saint-Etienne est
vraiment axé lead du design »
« La Cité du Design est un
écosystème unique. »
« Saint-Etienne arrive à montrer que le
design peut s'intégrer sur des espaces où on ne l'attendait pas.
»
S. Devrieux : « Ce
côté créatif, design, c'est très précieux car
je vous garantis que c'est rare que différents secteurs soient
derrière un même positionnement. »
« C'est notre fil rouge qui a le mérite de ne
pas être que touristique. »
G. Granjon et E. Vichos : «
L'intérêt d'une ville de design est de pouvoir attirer des
investisseurs en améliorant le cadre de vie et les services qui sont
proposés aux citoyens et aux entreprises. »
|
|
69
Où en sommes-nous dans cette reconversion ?
D'après les témoignages, le processus est enclenché et
nous serions au début d'une grande histoire. Il faut toutefois veiller
à l'aspect de pérennisation.
G. Subileau : « La ville est bel et
bien en reconversion même si le processus est long »
« Les choses avancent doucement (É) mais la
ville a du mal avec la dimension de
pérennisation »
N. Arnoult : « Il y a tout une
histoire à écrire »
S. Devrieux : « Mais on est au
début, on a encore pas mal de choses à faire (rires).
»
« On commence effectivement à sentir des
évolutions »
B. Laroche : « Début d'une
reconversion, il y a encore beaucoup de possibilités »
Les avis des acteurs professionnels de la ville de
Saint-Etienne concernant la ville de design sont donc optimistes. Ils voient
que des changements sont en cours et que des actions sont déjà
mises en place pour faire de cette ancienne ville industrielle à une
véritable ville de design. La Biennale du Design en est un exemple
concret, vue comme une véritable réussite. Concrètement,
que pensent les professionnels de cet événement ?
N. Arnould : « La Biennale permet
par exemple de tester des produits, des prototypes dans la ville. Elle met en
oeuvre des démarches participatives. »
« Gros succès (É) au-delà de ce
qu'on peut imaginer (rires). Et qui l'est toujours. »
« Levier du changement de Saint-Etienne (É)
événement fédérateur »
G. Subileau : « La biennale apporte
beaucoup à la ville (É) retombées économiques
intéressantes »
S. Devrieux : « Toute personne qui
vient sur place renvoi des signaux très positifs. »
« Une biennale, ça change complètement
le territoire, on progresse en terme d'image, de notoriété, cet
événement est très intéressant par rapport à
d'autres choses qu'on pourrait faire qui couteraient beaucoup plus cher. On
voit que les territoires en France se battent pour créer des
événements porteurs d'image. C'est très compliqué.
»
P. Moine : « C'est bien pour l'image
de la ville (É) Saint-Etienne n'a pas forcément une image de
ville sympathique (É) le design étant une activité
à la mode (É) ça donne un côté plus brillant
»
« Il faut savoir se réinventer à
chaque fois, je sais que ce n'est pas facile, chaque fois il faut faire mieux
que l'année d'avant »
B. Laroche : « Faire connaître
et rayonner Saint-Etienne dans le domaine du design. »
|
|
70
« Quelle est la place pour les designers sur le
territoire ? » est également une question qui me semblait
importante d'aborder pour constater comment la ville de design valorise la
présence de designers au sein de son territoire. La ville a une forte
densité de designers au mètre carré. Les créatifs
sont donc bien représentés à Saint-Etienne. La ville de
design accorde une place particulière aux designers : elle les attire,
les aide à se développer, et fait tout pour les garder sur le
territoire. L'association Designers Plus aide les designers sortis
d'école et les autres à se professionnaliser, à être
plus efficaces dans les relations avec les entreprises. Elle valorise leurs
compétences et a créé un Réseau, le réseau
Designers Plus, qui rassemble plus de soixante designers dans la Loire. La
ville de design abrite donc beaucoup de designers sur le territoire ce qui
présente une force indéniable. Ils font partie intégrante
de la reconversion de la ville vers le design.
71
N. Arnould : « Il faut capitaliser sur
les designers qui sortent de l'Ecole »
« En plus, faire travailler les designers de la
région favorise l'économie locale et le circuit court.
»
« Les designers jouent donc un rôle très
important pour la reconversion de la ville par le design. »
G. Subileau : « C'est bien d'avoir
10000 designers au mètre carré mais faut-il encore qu'ils
survivent, tout simplement »
B. Laroche : « L'existence d'un
quartier créatif permet une bonne représentation des
professionnels du design et des professionnels des métiers connexes qui
souhaitent développer des projets avec des designers. »
72
2.3 Les problématiques de cette reconversion
territoriale
Nous avons vu que d'après les avis recueillis,
l'orientation de la ville vers le design est une volonté et une
réalité. La ville de Saint-Etienne a été
pionnière en matière de développement par le design mais
cela ne suffit pas. Les interviewés s'accordent à dire que
certains obstacles freinent cette reconversion.
Les habitants de la ville sont une problématique
essentielle, sur laquelle la ville doit beaucoup travailler.
N. Arnould : « Beaucoup de
personnes ignorent que la Cité du Design apporte
énormément à la ville. »
G. Subileau : « Il y a comme une
gêne de l'argent à Saint-Etienne (É) la Cité du
Design avait été beaucoup critiquée. »
S. Devrieux : « Ce qui nous reste
à travailler le plus, c'est les habitants. Il y a eu beaucoup de travail
là-dessus, mais il y a encore du travail. »
« Incompréhension des habitants envers le design
à Saint-Etienne »
« Une forte augmentation des personnes
stéphanoises qui sont venues à la biennale, donc cela a
commencé à jouer. »
|
|
Qu'en est-il de la communication ? Auprès du grand
public, la ville répond aux questions simples comme « Qu'est-ce que
le design ? A quoi ça sert ? » dans le but de rendre accessible le
design. Ces actions de démocratisation ciblent également les
professionnels car peu d'entreprises ont connaissance de ce que le design
pourrait leur apporter. Des actions de communication existent mais il semble
que l'on communique peu les retombées de la Biennale du Design par
exemple, ce qui peut expliquer pourquoi les habitants n'ont pas conscience que
cet événement est bénéfique pour la ville.
73
G. Subileau : « Les retombées
de la Biennale positives, on en parle peu »
« la Cité du Design (É) est vue comme
une institution un peu louche ».
« Communication très axée sur le
quartier créatif et la Biennale »
N. Arnould : « le
Saint-Etienne City Guide, c'est vraiment pour découvrir le design dans
la
ville »
S. Devrieux : « On a moins besoin
de trouver plus d'offres concrètes que de travailler la
communication »
Une autre problématique de cette reconversion de la
ville par le design est la conjoncture économique et le contexte
actuel.
B. Laroche : « Les conditions
financières des collectivités locales peuvent parfois donner
envie de freiner. »
G. Subileau : « La vie est plus dure
»
P. Moine : « Hier encore, un
confrère me disait, c'est parce qu'on les oblige de mettre du design
dans la ville »
« Le budget va être diminué pour les
années à venir : il faut sauver notre peau et celle des designers
»
|
|
Un autre enjeu actuel est que le design pourrait être
un phénomène de mode. Saint-Etienne ne serait pas la seule
à intégrer le design dans son processus de développement.
La ville pionnière de design serait-elle concurrencée par
d'autres villes ?
G. Subileau : « Maintenant, toutes les
villes veulent faire du design, c'est tendance »
P. Moine : « On n'est pas unique
(É), on a notre épingle du jeu dans la profession et c'est
très bien. »
« Pas plus qu'à Paris, Milan, Berlin, et New
Castle aussi, pas plus qu'à New Castle non plus. Donc nous ne sommes pas
les seuls (É) Le commerce design, on l'a copié sur
Montréal. »
|
|
74
Bien que la vision soit optimiste de manière
générale, nous avons vu que des fragilités demeurent et
freinent le développement de la ville. Heureusement, la ville regorge de
potentiel pour continuer dans cette lignée. Notons par exemple que le
coût de la vie n'est pas cher. Un élément très
important pour son développement est le soutien des politiques et de la
ville dans cette direction.
Pour finir, voici quelques pistes de réflexion pour
l'avenir de la ville de design qui ont été évoquées
par les personnes interrogées :
N. Arnould : « Le design pour
améliorer la ville, trouver des systèmes pour
améliorer,
faciliter la collecte sélective... »
« volonté de
travailler avec les villes voisines »
G. Subileau : « Il y a beaucoup
à exploiter ! »
« Les actions très ciblées à
destination des entreprises, ça fonctionne bien »
« Il faut réinventer quelque chose d'où
l'idée de la Slow City, des espaces verts, des potagers
dans la ville, des terrasses... C'est de la vie à
valeur ajoutée, la ville où il fait bon vivre »
P. Moine : « La Biennale, comme c'est
tous les deux ans, on ne peut pas tout miser là dessus
(É) il faudrait un nouveau souffle pour dynamiser.
»
G. Granjon et E. Vichos : « Pourquoi
pas mettre en place une exposition permanente à la
Cité du design sur les racines du design à
aujourd'hui à Saint-Etienne ? »
75
ANALYSE DES DONNEES
Ainsi, nous pouvons désormais confronter les
données récoltées, qu'elles soient empiriques ou
théoriques. Pour rappel, l'objectif de cette étude est de
comprendre comment la politique territoriale tournée vers le design
améliore l'image de la ville de Saint-Etienne. Nous allons dans un
premier temps identifier les idées convergentes par thématique,
puis dans un second temps nous aborderons celles qui divergent. Enfin, nous
établirons en s'inspirant des résultats obtenus quelques
recommandations pour permettre à cette ville de poursuivre son
développement par le design.
IDEES CONVERGENTES
Cette décision politique semble cohérente avec
son passé industriel. Son histoire lui apporte de la matière et
des explications. Ainsi, Saint-Etienne donne l'image d'une ville qui a toujours
dû et su innover pour se mettre en valeur. Le design est bien réel
et tangible à Saint-Etienne. Si on s'intéresse aux
représentations concrètes, les exemples sont nombreux. En effet,
la ville est caractérisée par de nombreux projets d'architectes,
d'urbanistes et de paysagistes, du plus petit aux plus grands acteurs de
renommées internationales. Citons par exemple Norman Foster (le
Zénith), Finn Geipel et Giulia Andi (La Cité du Design), Rudy
Ricciotti (La Maison de l'Emploi)... Le design se retrouve également
dans l'espace urbain de la ville. Saint-Etienne est donc
représentée par un design fort sur son territoire, en terme
d'architecture et de design urbain. De plus, Saint-Etienne City Guide
valorise également le design dans ses musées. En outre, tous
les critères sont remplis pour qu'elle fasse partie du réseau
Unesco des villes créatives : une cité du design, une
école d'arts et de design, des centres de recherches, des entreprises
exerçants dans le design... La ville est même la première
collectivité française à avoir intégré un
Design Manager dans la conception et le déploiement de ses politiques
publiques.
D'après la théorie de Richard Florida, cette
distinction permet « d'attirer de nouveaux designers sur le territoire
ainsi que les classes créatives qui viendront enrichir les politiques
urbaines grâce à leurs compétences. ». Les
classes créatives devraient donc, d'après cette théorie,
jouer un rôle important pour rendre Saint-Etienne attractive et la rendre
prospère économiquement. D'après la recherche empirique,
le territoire abrite beaucoup de designers
76
au mètre carré. Les créateurs sont donc
bien au coeur de cette régénération urbaine, puisqu'ils en
sont de véritables acteurs.
De plus, tous les avis convergent sur l'idée que le
design améliore considérablement l'image de la ville. En effet,
le design est une stratégie de positionnement pour contribuer à
améliorer l'image de Saint-Etienne. D'ailleurs, si on prend l'exemple de
la Biennale Internationale du Design, les résultats sont très
encourageants. D'après l'étude de l'impact de la Biennale 2015,
les signaux renvoyés en terme d'image sont très positifs. En
effet, la Biennale Internationale du design dispose d'une forte
attractivité et joue le rôle de déclencheur pour venir
à Saint-Etienne. La Biennale est un succès en terme d'image, tant
pour l'événement que pour la Ville. 71% des visiteurs pensent que
la Biennale Internationale du Design renvoi une image positive. L'image d'une
ville austère, triste, liées à son passé
industriel, s'efface au profit de celle d'une ville dynamique,
modernisée, associée à la culture et au design. De plus,
93% des visiteurs de la Biennale de 2015 ont affirmé le souhait de
participer à une prochaine édition.
La ville rayonne au niveau national et international
grâce à son appartenance au réseau Unesco des villes
créatives de design. Ainsi, le design améliore nettement
l'identité territoriale de la ville, notamment grâce à
l'événement fédérateur mais également parce
qu'elle est positionnée dans un réseau mondial, aux
côtés de Montréal, Berlin, ou encore Shanghai.
En plus, le design peut être vu comme un levier de
développement économique. En effet, les retombées
économiques liées au design sont intéressantes. Lors de la
biennale du design, toute la ville se dynamise grâce au tourisme. En
terme de données chiffrées, la Biennale Internationale du Design
de 2015 a apporté 3,3 millions d'euros de chiffres d'affaires pour les
entreprises de l'Agglomération (restaurants, hébergement,
stationnement/carburant, transport, shopping, cadeaux/souvenirs, courses
alimentaires).
En outre, certaines entreprises améliorent leur
stratégie en faisant appel à des designers qui apportent de
véritables solutions face aux évolutions sociétales. C'est
donc une manière de lutter contre la crise économique et la
conjoncture où il faut trouver de nouvelles solutions pour perdurer.
77
IDEES DIVERGENTES
La théorie du design social semble néanmoins
peu représentée à Saint-Etienne. En effet, même si
certaines actions de design participatif auprès des habitants ont
été menées, elles restent minimes compte-tenu de
l'importance de la population. Par ailleurs, la volonté de
démocratiser le design à Saint-Etienne semble réelle. On
recense de vraies actions menées pour rendre le design accessible,
à l'instar de certaines campagnes de communication. Néanmoins, le
constat de la perception du design comme élitiste demeure auprès
du grand public. Et les habitants deviennent même un problème pour
le développement de cette identité territoriale. Notons par
ailleurs que la majorité des habitants n'a pas connaissance de ce
qu'apporte la biennale du design à la ville.
A travers la recherche empirique, nous avons vu que certains
pensent que la Cité du Design est un écosystème unique,
rare. Ces derniers voient Saint-Etienne comme une ville à
caractère unique, qui serait unique en son genre. Mais d'autres n'ont
pas ce point de vue : en effet, certains designers ont évoqué le
fait que les meilleurs écoles de design ne sont pas à
Saint-Etienne mais à Paris, que d'autres villes font du design,
notamment au niveau européen. Par conséquent, la ville n'aurait
pas un caractère unique en terme de design.
En ce qui concerne les problématiques de cette
reconstruction territoriale, l'image d'une ville industrielle « noire
» n'a pas été citée comme un frein pour cette
reconversion territoriale. Au contraire, son passé industriel lui donne
du sens. En revanche, le design est mal perçu par les entreprises, qui
n'ont pas conscience de son potentiel. Le secteur privé est de
manière générale peu convaincu des atouts du design, alors
que les designers du territoire ont besoin d'eux pour travailler. Il faut donc
les sensibiliser, des actions sont menées comme par le Collectif
Designers +. Mais le travail est encore long. Si on s'intéresse à
la temporalité, nous ne sommes qu'au début de cette reconversion
territoriale.
Enfin, le design arrive à se concrétiser mais
d'une manière un peu forcée. Certes, le fait qu'il y ait un
design manager au sein de la collectivité territoriale est un
véritable atout pour permettre à la ville de faire travailler les
designers. Mais d'après certains designers, la triste
vérité est liée au fait que le design manager soit parfois
obligé de pousser la collectivité à utiliser le design. En
effet, cela ne devrait pas être forcé, mais naturel et
volontaire...
78
D'après ces résultats et mon opinion
personnelle, nous pouvons établir quelques préconisations
générales pour que la ville stéphanoise continue son
développement par le design.
Il faudrait amplifier les actions de sensibilisation du
design pour le rendre plus accessible, et compréhensible. Ces actions
pourraient être entreprises auprès des habitants, étant
donné que les habitants sont les ambassadeurs d'une ville, mais
également auprès des écoles, et auprès des
entreprises. Des démarches participatives pour solutionner des
problèmes urbains pourraient permettre aux différents publics de
comprendre que le design peut apporter de véritables solutions pour la
ville de demain.
Une autre piste serait de faire vivre la ville par des
événements fréquents afin d'assurer la continuité
avec la Biennale Internationale du Design, présente seulement un mois
tous les deux ans. Pour cela, il serait intéressant de s'inspirer
d'autres villes de design avec à la fois des événements
grands publics, mais également des événements plus
ciblés pour conquérir le secteur privé.
Enfin, la Biennale Internationale du Design étant un
événement moteur de la ville de design, il semble primordiale que
la ville axe tous ces efforts pour la rendre meilleure chaque année et
la rendre unique au monde.
79
CONCLUSION
Durant cette recherche, l'objectif était de comprendre
comment la politique territoriale tournée vers le design améliore
l'image de la ville de Saint-Etienne et quels en sont les enjeux. Nous allons
tenter de conclure sur la place du design à Saint-Etienne afin de
constater si son pari est sur la bonne voie.
Dans la partie théorique, nous avons
réalisé un aperçu du design et de son histoire notamment
sa présence dans les villes créatives de design. Par une
tentative de définition du design, nous avons vu qu'il existait
plusieurs écoles. En effet, certains pensent que le design existerait
depuis toujours et que ce concept est un nouveau mot pour qualifier les
inventeurs et concepteurs. Pour d'autres, le design est de l'art et sa
préoccupation esthétique. On peut encore évoquer bien
d'autres pensées, comme la visée productive purement
industrielle, à l'inverse de l'artisanat où les objets sont
uniques. Bref, le design serait encore un concept complexe ayant une multitude
d'approches. D'ailleurs, le concept évolue constamment et le
métier du designer est amené à évoluer avec les
changements sociétaux.
La notion du design aurait explosé depuis les
années 1980. En effet, s'il on regarde son historique, l'Etat
français semble réellement s'intéresser, soutenir et
promouvoir le design depuis cette période. Au fil du temps, beaucoup
d'initiatives en faveur de cet art ont vu le jour : écoles,
musées, galeries d'art, associations, événements,
délégations... Citons par exemple le département «
Design » crée en 1980 à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris ou
encore, la première quadriennale internationale du design en 1986 dans
la région de Lyon. Cependant, le design demeure un secteur
d'activité méconnu du grand public, sans doute à causes de
certaines confusions à son égard.
Les villes se sont intéressées au design pour
créer une dynamique unificatrice qui rassemblerait la population autour
d'un projet porteur et pour faire face à un contexte où les
villes rassemblent 3/4 de l'activité économique et la
moitié de la population mondiale. La qualification de villes
créatives par l'Unesco est appuyée sur la notion
d'économie créative, où les créateurs seraient un
moyen de développement urbain. L'intérêt du réseau
mondial de l'Unesco des villes créatives crée en 2004 est de
promouvoir le développement culturel,
80
économique et social des villes dans les pays
développés et ceux en voie de développement.
Montréal est entrée dans le réseau de l'Unesco en 2006
grâce à son potentiel créatif (plus de 450 000
employés dans le secteur créatif dont 20 000 designers). La ville
aurait intégré du design dans des secteurs très divers.
Pour Berlin, le design est également au coeur de l'économie
urbaine, avec 11 000 travailleurs dans le design. Montréal et Berlin ont
naturellement axées leur politique de développement territorial
par le design et peuvent être considérées comme exemplaires
étant donné les retombées positives.
On assiste depuis plusieurs années à la
transformation de la ville de Saint-Etienne, notamment autour du design. Nous
avons donc tenté de cerner ce qui a amené Saint-Etienne à
se reconvertir grâce au design, puis nous en avons identifié les
moteurs et les freins. Afin de comprendre les raisons d'une telle directive, il
suffit de regarder dans le passé de cette ville : son dynamisme
industriel révèle que la créativité a
été le noyau dur pour son développement depuis la fin du
18ème siècle. Nommons par exemple la rubanerie, les
industries minières, l'armement et les cycles. Le déclin
industriel laisse la ville avec divers enjeux : pénurie
démographique, crise économique, etc. La ville rebondit, toujours
grâce à la créativité, en utilisant son
héritage industriel pour créer du patrimoine et des musés.
Elle se tourne très vite vers de nouveaux secteurs et pôles
d'excellence comme le design en 1994, dont la politique est de placer le design
au coeur de la transformation urbaine, des équipements, infrastructures
et des espaces publics.
Parmi les moteurs de cette orientation, la ville souhaite se
positionner d'un point de vue marketing, pour se créer une marque de
fabrique, et ainsi, améliorer son image. Saint-Etienne voit
également le design comme source de développement
économique et pour lutter contre la crise économique, par le
secteur privé, les investisseurs, le tourisme, etc. Le design pourrait
également avoir un impact favorable sur les habitants pour construire
une ville adaptée à ces citoyens. Les difficultés que la
ville devait affronter sont son image de ville « vieillissante et noire
», pauvre, qui n'aurait pas changé depuis son effondrement
industriel. De plus, la proximité avec la ville de Lyon également
tournée vers le design pourrait concurrencer la ville.
Enfin, nous avons émis les conséquences sur ce
que le design apportait à la ville, en terme d'images mais
également dans d'autres domaines. L'exemple de la ville de Saint-Etienne
a montré que le bilan du développement de la ville par le design
est intéressant. Le
81
design est une réalité à Saint-Etienne,
il lui donne beaucoup de sens, nous pouvons même dire que la ville est
« design » de manière globale (divers secteurs
d'activité, entreprises, habitants, écoles, projets urbains...).
Notons par exemple la Biennale Internationale du Design,
événement fédérateur de la ville et réussite
indéniable. Cette identité de la ville évolue de
manière qualitative notamment grâce à la Biennale dont les
résultats économiques pour le territoire sont de l'ordre de 1,25
euros de retombées pour 1 euro investi. La culture design est un levier
de croissance majeur pour la ville.
Dans la recherche empirique, nous avons interrogé
certains professionnels du design de la ville de Saint-Etienne pour cerner
quelle était leur vision des choses concernant cette reconversion par le
design et ses réalités.
Globalement, le design apparaît comme un nouveau
souffle pour la ville, c'est un vecteur de développement incroyable.
Pour les professionnels, la désignation de ville de design par l'Unesco
a permis de positionner le territoire même si ce n'est pas seulement un
label. En effet, le design est logique et cohérent à
Saint-Etienne, de par son histoire, et il a une répercussion forte. La
Cité du Design est d'ailleurs un lieu unique en France, une sorte
d'écosystème du design qui caractérise également la
ville. Saint-Etienne arrive à montrer que le design peut s'inscrire sur
des espaces inattendus, et que le design dans cette ville n'est pas seulement
beau, mais stratégique, participatif, innovant.
Les designers qui font partie intégrante de la
dynamique territoriale, ont leur place sur le territoire, avec des structures
qui les aide et les encourage à exercer sur le territoire. Des actions
de sensibilisation auprès des entreprises et du grand public sont
menées dans cette directive. Toutefois, il semble y avoir une
ambiguïté concernant l'identité du design à
Saint-Etienne, étant donné que l'une des problématique
essentielle est celle des habitants. Ces derniers semblent encore
considérer le design comme élitiste, abstrait, et ne pas
être conscient de ce que par exemple, la Biennale Internationale apporte
à la ville. Des efforts de communication et de sensibilisations doivent
être poursuivis auprès des habitants, mais également
auprès des acteurs du secteur privé dont l'utilisation du design
reste encore perçue comme accessoire. De même, la ville doit
porter son attention aux créateurs, un moteur essentiel pour la mutation
de la ville. Enfin, même si Saint-Etienne a été
précurseur, d'autres villes commencent à s'y intéresser ce
qui pourrait éventuellement la concurrencer.
82
Pour terminer, nous avons confronté les données
théoriques et empiriques pour cerner les idées communes et celles
qui divergent.
Toutes les sources évoquent le fait que la
décision politique est cohérente avec son passé
industriel. De plus, la ville rayonne au niveau national et internationale,
notamment grâce à la Biennale Internationale du Design, en plus
d'être un levier de développement économique important.
Certaines entreprises du territoire font appel aux designers où le
design permet d'apporter de nouvelles solutions stratégiques pour que
ces structurent perdurent.
Lyon ne semble pas être un obstacle à cette
régénération urbaine, bien au contraire, elle est
partenaire de la Cité du Design et permet ainsi de toucher de nouveaux
publics. La théorie du design social semble minime à
Saint-Etienne malgré quelques actions de design participatif
auprès des citoyens et des efforts de communication pour le
démocratiser. Le caractère unique de la ville serait
également à nuancer, puisque d'autres villes le font aussi, comme
Berlin et Montréal, et à Paris, il y a le Lieu du Design, les
meilleures écoles de design, etc. L'image ancienne de ville « noire
» ne semble pas être une difficulté pour la ville, au
contraire, les visiteurs en repartent avec une bonne image. Notons enfin, que
le design est encore un peu « dirigé » à Saint-Etienne
puisqu'une Design Manager oblige la collectivité territoriale à
mettre du design dans la ville, ce qui permet en outre de faire travailler les
designers locaux. Pour finir, même si certains enjeux demeurent, la ville
semble être sur la voie d'un changement d'identité profond.
Mener ce mémoire de recherche m'a beaucoup
intéressée, j'ai apprécié le fait de mener ce
travail de recherche en autonomie complète. Il m'a permis d'approfondir
mes connaissances sur cette question et de mieux cerner les enjeux de cette
discipline qui présente un potentiel futur incroyable. En effet, je fais
partie de cette ville et j'ai d'ailleurs hâte de découvrir les
prochains projets comme la « rue de la République du design »,
un projet d'expérimentation pour que questionner les nouveaux modes
d'occuper et d'habiter les centre-ville, qui sera présenté
à l'occasion de la Biennale Internationale du Design de 2017 ayant pour
thématique « Les mutations du travail ». Par ailleurs, nous
pouvons nous interroger sur l'avenir de la ville : A quoi ressemblera
Saint-Etienne demain ? Qu'est-ce que le design va apporter comme transformation
majeure à la ville ?
83
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pp.155-161.
1
ANNEXES
1 Guide d'entretien
semi-directif
« Bonjour. Je m'appelle Inès Marandon,
étudiante en Master 2 Programme ESC à Kedge Business School
(Bordeaux) en spécialisation dans le Management des Industries
Créatives. Je mène un mémoire de recherche ayant comme
sujet « Le design comme moyen de reconstruction d'une identité
territoriale. Cas de la ville de Saint-Etienne ». Je vous remercie de bien
vouloir m'accorder du temps pour répondre à mes questions.
L'entretien sera enregistré et durera environ une heure durant laquelle
je vais aborder 4 thèmes. Vous pourrez parler librement et exprimer
votre point de vue sans craintes, je n'utiliserais que ces données dans
le but d'enrichir mon mémoire. »
Thème 1 : Parlez-moi de votre
organisation
RELANCES - Activité, importance (notoriété,
réputation, taille, missions...)
Thème 2 : Parlez-moi du design et de
votre organisation
RELANCES - Définition et représentation du design,
intérêt du design, design intégré...
Thème 3 : Parlez-moi de
l'identité territoriale de Saint-Etienne
RELANCES - Ville Unesco de Design, Ville de Design, «
Classe Créative » à Saint-Etienne,
Facteurs moteurs et freins (Aides...), Fréquentation des
publics...
Thème 4 : Parlez-moi de l'impact du
design de Saint-Etienne sur votre organisation RELANCES - Atout de cette
politique pour votre activité...
Conclusion : Auriez-vous quelque chose dont
nous n'aurions pas parlé et que vous souhaiteriez évoquer ?
Remerciements
Signalétique (Nom, Prénom, Statut,
Fonction)
2
2 Entretien avec Stéphane
DEVRIEUX,
Directeur Le l'Office Lu Tourisme
Le Saint-
Etienne
· Bonjour (présentation etc.), je
souhaiterais savoir quelles sont les missions actuelles de l'Office du
Tourisme, votre rôle et puis dans un second temps, je vous proposerais de
rentrer dans le vif du sujet.
D'accord. Donc l'Office de Tourisme, nous avons les
compétences sur 45 communes de Saint-Etienne métropole. On est le
statut industriel et commerce avec les fonctions traditionnelles des offices de
tourisme, c'est à dire les fonctions d'accueil, d'information des
visiteurs, des fonctions de promotion du territoire (euh), avec un lien
marqué sur l'attractivité du territoire. Un lien transversal pour
faire évoluer l'image du territoire. On gère le bureau des
congrès des événements de Saint-Etienne métropole,
donc on a mission de développer l'activité liée aux
événements et aux congrès, de coordonner l'ensemble des
partenaires qui interviennent sur les congrès. Ensuite, on gère
la promotion, tout ce qui est en lien avec la presse, deux sites patrimoniaux
et culturels, le parc régional du Pilat et le site Le Corbusier à
Firminy. Au total on est une trentaine de personnes en temps plein.
· D'accord et vous êtes Directeur de
l'Office du Tourisme depuis quand ? Depuis 2010.
· Et avant, étiez-vous sur Saint-Etienne
aussi ?
Non, auparavant, j'étais directeur
départemental du tourisme de l'Ain. Donc je travaillais sur ce
département.
· Etant donné que nous n'avons pas
énormément de temps, je vous propose de rentrer directement dans
le vif du sujet. Donc en ce qui concerne Saint-Etienne, ville de design,
qu'est-ce que ce réseau apporte à la ville, en terme de
communication mais également en terme de réseau entre les villes
de design ?
3
Effectivement, il y a 2 aspects, même s'il s'agit
pas d'un label mais d'un réseau, donc le fait d'être membre de ce
réseau depuis 2010 très concrètement ça a permis de
tamponner un peu, même si c'est pas un label, on peut quand même
dire que ça a labélisé le territoire, c'est à dire,
que ça a été un outil de communication local. Le fait
d'être reconnu à l'international, souvent, c'est un vecteur
positif en local, à la fois auprès des habitants mais aussi c'est
très efficace auprès des acteurs, que ça soit des
entreprises, entre les sites touristiques, pour nous, au niveau du
positionnement, pour faire évoluer l'image (euh) de Saint-Etienne, c'est
quelque chose qui est très très important. Ca, c'est le volet
« image ».
Après, il y a le volet réseau. Il est
très dynamique, le réseau des villes design Unesco. Il y a
beaucoup d'échanges, alors pour le coup c'est moins nous directement,
mais c'est plus la Cité du Design qui développe ça, et qui
(euh) est directement liée au réseau mais beaucoup
d'échanges d'expérience, donc du coup des gains de temps, et
aussi quand on va voir dans des pays qui ont des cultures différentes,
on progresse beaucoup, plus que quand on fait du benchmark en local donc
ça apporte beaucoup par rapport à ça, et ça nourrit
beaucoup. Par exemple, chaque biennale internationale du design, il y a des
« temps » complets qui sont liés au réseau.
· D'accord. Et pour l'Office du Tourisme, c'est
une directive importante de promouvoir Saint-Etienne en tant que ville de
design ?
Ben nous au-delà d'une directive, c'est notre
positionnement. C'est à dire que le positionnement qu'on travaille, il
est autour du design, du créatif, du collectif donc, on a tout
restructuré, nos actions, nos outils, nos supports autour de ça.
On travaille beaucoup en déclinaisons, par exemple, le tourisme
d'affaires, quand on présente la destination, c'est autour d'une
destination design, donc on a travaillé sur des offres autour du design
avec des designers. Là, pour un congrès qu'on est en train de
monter, on est en train de bosser avec une équipe de designers et une
agence d'événementiel pour créer des prestations
très spécifiques à Saint-Etienne où les gens,
puissent lors d'une soirée, toucher le design, arriver à le
concrétiser, donc vraiment, nous c'est un fil rouge, même si c'est
du marketing pur et dur, mais on oublie pas le reste, on se positionne par
rapport aux autres puisque le design c'est quelque chose qui est vrai à
Saint-Etienne, c'est issu de l'industrie, ça s'appuie sur une
réalité, où il y a un vrai réseau, avec la
Cité, avec l'Ecole d'Art et de Design, les entreprises, avec beaucoup
d'activités économiques liées au design, donc elle est
vraie. Et, au détriment du positionnement, on reste la seule ville
française membre du réseau et en Europe, y'a Berlin, Bilbao,
GratzÉ
·
4
Donc du coup, au niveau des projets à
l'avenir, des événements, etc. pour vraiment, le
concrétiser, qu'y a t-il de concret pour valoriser la ville, à
part la Biennale, la Cité, et le Corbusier ?
C'est déjà pas mal (rires). La dessus, le
Corbusier c'est surement l'outil qui nous permet d'aller le plus loin, c'est
à dire, d'amener des tours opérateurs de très loin, c'est
notre plus fort vecteur. La Biennale, c'est quelque chose de très
important, comme c'est tous les deux ans, on ne peut pas tout miser là
dessus. Et ensuite, on s'appuie sur l'entrée design pour valoriser les
offres culturels, donc il y a Le Corbusier, le musée d'art moderne et
contemporain, les collections du musée d'art et d'industrie, on arrive
à tisser après tout une offre qui existe pour la faire
découvrir et on a moins besoin de trouver plus d'offres concrètes
que de travailler justement la communication et la facilité
d'accès à cette offre.
· D'accord. Donc ce qui est important est
surtout de communiquer autour de ça en fait ?
Communiquer, structurer, on a mis en place une City Card
qui permet de faciliter et de rendre achetable, consommable facilement l'offre,
donc c'est vraiment notre enjeu.
· Et concernant le lien, est-ce qu'il y a un
lien entre l'Office du Tourisme et la Cité du Design, travaillez-vous
ensemble là dessus ?
Oui. On travaille très souvent ensemble. On
était ensemble hier. Par exemple on travaille sur la biennale 2017, on
est les pieds dans l'Euro bien profond (rires), mais on travaille sur la
prochaine biennale. On attaque à peu près 1 an et demie avant une
biennale, des groupes, on a des comités de pilotage à minima en
Suède et après on a par exemple, on a bossé sur des
groupes de travail sur le réceptif, on travaille sur la billetterie,
là on va mettre en place des liens un système de vente en ligne,
on a travaillé pour que la City Card puisse intégrer des
entrées à la biennale, et euh, très souvent, quand on
travaille sur des projets pour structurer l'offre comme je disais
l'organisation des congrès d'événements, on a pas mal de
relations, avec la cité, avec l'école. Par exemple, avec
l'école, il est question que l'on travaille avec eux pour
l'aménagement de l'espace de l'Office du Tourisme pendant la
biennale.
· Et auprès du public, des visiteurs
à Saint-Etienne, vous avez déjà réalisé des
études marketing ou autre ?
5
Y'a une étude sur la dernière biennale qui
permet d'analyser les retombées. Elle a été
réalisée par Saint-Etienne métropole, elle permet de
mesurer la perfection des territoires avant, après, est-ce qu'ils
étaient primo-visiteurs, est-ce qu'ils pensent revenir, leurs
dépenses sur place...
· Et du coup, qu'est-ce qu'il ressort de cette
étude ?
Pour faire simple, il y a un côté
très positif en terme d'événement. Une biennale, ça
change complètement le territoire, on progresse en terme d'image, de
notoriété, très importante par rapport à d'autres
choses qu'on pourrait faire qui couteraient beaucoup plus cher. Et euh, on a de
plus en plus de monde, de fréquentations externes, là, on a
atteint 210 000 visiteurs pendant la biennale, le territoire, à la base,
Saint-Etienne qui n'est pas une destination touristique en tant que telle, on a
des comportements touristiques. On a des personnes qui viennent, qui
achètent des package sur 3 jours, on a une augmentation importante des
flux. Le territoire est lui-même, vous connaissez, vous êtes
stéphanoise à la base, ça change quand même pas mal
les choses. Les gens qui viennent pendant une biennale sont quand même
agréablement surpris. C'est des moments très
privilégiés pour faire venir du monde, donc on accueille des
journalistes, des moments où on invite des organisateurs de
congrès, c'est un moment de visibilité qui est précieux.
Bon, c'est 1 mois tous les 2 ans (rires).
· Oui. C'est vraiment très important en
fait pour la ville, son image...
De toute façon, on voit que les territoires en
France se battent pour créer des événements porteurs
d'image. C'est très compliqué. J'avais travaillé notamment
sur le sujet quand j'étais dans l'Ain, où il n'y avait pas
d'événement majeur, porteur d'image, où il n'y avait pas
de visibilité pour en créer. Première chose,
déjà, c'est que ça ne se crée que si c'est une
réalité. Les choses montrent qu'il faut qu'il y ai un noyau
associatif qui est lancé ça pour que ça marche. C'est le
cas avec la biennale. On va dire, c'est une bande d'allumés au
début qui a lancé ça et puis au fil du temps, ça
s'est structuré, professionnalisé, mais c'est pas parti dans
l'autre sens.
· C'est pas venu de nul part cette biennale
à Saint-EtienneÉ
Oui. Et l'ancrage progressif, en général,
c'est le gage de quelque chose de fort. C'est le festival de la BD à
Angoulême, et puis après, c'est des trucs qui sont porteurs
d'image et puis en plus d'avoir un impact bien supérieur à ce
qu'on pourrait faire en terme de plan média.
6
Ca amène une animation et ça a des
bénéfices sur l'économie locale. Donc au-delà du
positionnement touristique, l'intérêt du design, c'est... Quand je
suis arrivé, on m'avait dit que c'était encore pas gagné,
et ça c'est acquis assez rapidement derrière et quand même,
de plus en plus et porté et intégré par les
différents secteurs d'activité. Ce qui nous reste à
travailler le plus, c'est les habitants. Il y a eu pas mal de travail
là-dessus, mais il y a encore du boulot. Avec toutes les actions qui ont
été entreprises, ça a évolué mais c'est ceux
qui restaient plus à dire « Saint-Etienne, le design...
».
· Justement, j'ai l'impression qu'il y a une
sorte d'incompréhension des habitants qui ne comprennent pas tellement
cette Cité du Design et cette biennale etc. Vous êtes justement en
train de démocratiser, de sensibiliser les publics ?
Oui justement, c'est une réalité d'arriver
à concrétiser ça. Donc il y a eu une première
étape sur la biennale 2015, où il y a eu un mandat très
clair du maire de bosser dans ce sens. Il y a eu une très forte
augmentation des personnes stéphanoises qui sont venues à la
biennale, donc ça a commencé à jouer.
Le côté communication, c'est d'arriver
à rendre visible le « pourquoi le design à Saint-Etienne ?
» en mettant en avant le nombre d'entreprises qui sont pionnières
sur le territoire sur le design, qui l'utilisent, le fait que design, c'est pas
que le design sur la partie esthétique ; c'est tout ce qu'on appelle la
qualité d'usage, comment on pense les usages, comment on les adapte, au
final il y a une esthétisme liée à tout ça. Au
final, l'idée c'est d'envoyer des signaux permanents dans la vie qui
relatent du design...
· Est-ce que vous pourriez me citer quelques
actions concrètes menées pour sensibiliser les habitants de la
ville et les amener à visiter la biennale, etc. ?
Ben alors, sur la biennale, il y avait euh, des actions
spécifiques de communication auprès des habitants, y'a euh toute
la parade du design qui a été mise en place et travaillée
avec les centres sociaux du territoire, là ça parait anodin mais
ça a un effet d'altération. Les enfants étaient
associés, pour réaliser des chars design pour la parade du
design, forcément les enfants retournent à la cité avec
les parents. Les liens avec les compagnes de communication plus
déclinés dans les différents supports municipaux de
Saint-Etienne et de Saint-Etienne métropole aussi.
·
7
D'accord. Et en dehors de la biennale,
d'après les études, les visiteurs qui viennent à
Saint-Etienne viennent pour quelles raisons ? Sont-ils attirés par Le
Corbusier ouÉ ?
Après, il y a plusieurs types de
fréquentations hors biennale. Il y a les fréquentations de ceux
qui sont en transit Nord/Sud, ça c'est plutôt l'été.
La période estivale est la période où il y a le plus de
visites de clientèle étrangère, aussi, qui reste 2-3 jours
en allant dans le sud. Après, on a ceux qui commencent à
identifier, car c'est un travail de longue haleine, ça fait quelques
années qu'on a franchit un cap en terme de moyens et d'outils pour
essayer de capitaliser sur cette image plutôt créative,
plutôt de design, c'est à dire, ne pas être en concurrence
sur des villes plutôt bourgeoises comme Bordeaux ou comme Lyon, où
on est pas du tout sur ce positionnement. C'est d'arriver à valoriser
des sites comme la Cité, même comme l'urbanisme qui a vraiment ses
spécificités, de Saint-Etienne, de Firminy vert, etc. Et
là, on a des visiteurs qui viennent plutôt pour des weekends, on a
rarement des séjours d'une semaine où là c'est en
général pour des motifs comme la famille. On n'est pas sur les
mêmes flux qu'à Bordeaux (rires).
· Oui c'est sur que ça n'a rien à
voir.
J'étais la semaine dernière à
Bordeaux, nous on échange très souvent avec des villes euh, vous
devez connaître l'Office du Tourisme ? On échange souvent, c'est
une belle réussite sur Bordeaux depuis quelques années. Avec la
cité du vin, par exemple, ça va apporter encore autre chose, on a
eu le plaisir de la visiter...
· Pour en revenir à ce que vous
disiez, Saint-Etienne a une image, il faut se battre un peu contre cette
ancienne image, vous sentez que cette image un peu négative de ville
noire, industrielle, pas très jolie, est-ce que ça change quand
ils viennent à Saint-Etienne ?
On commence effectivement à sentir des
évolutions, des personnes qui euh font ces changements. L'image est
très ancrée, mais on a des signaux, quand on amène du
monde de l'extérieur, y'a un côté très surpris, au
sens où y'a un tel décalage, à la fois sur l'image
ville-noire fondée, car y'a pas vraiment d'endroits dans la ville
où on ne voit pas la montagne autour, le fait qu'il y ai quelques lieux
emblématiques d'un point de vue urbanistique, que ça soit le
Zénith, la Cité Grüner, demain la nouvelle Comédie,
toute personne qui vient sur place renvoi des signaux qui sont très
positifs. C'est aussi une raison pour laquelle on travaille
8
beaucoup sur le tourisme d'affaires, c'est qu'on sait que
lors de congrès, on a des sites plus prescripteurs que d'autres, et que,
c'est un vecteur de relai d'image très puissant et que beaucoup de
personnes qui viennent en congrès reviennent derrière, ou
envoient un message positif sur les destinations.
· D'accord. Et juste, du coup, pour
résumer, quelle est l'identité de Saint-Etienne que vous cherchez
à faire connaître ?
L'identité, ça reprend un peu ce que
j'évoquais, c'est une ville positionnée plutôt sur le
créatif, le design. Ville qui a été tout le temps en
renouvellement, en recréation... donc ce qu'on a en avant, c'est ce
volet dynamique, et pas par opposition mais plutôt par contraste, une
cité bourgeoise qui est active depuis toujours sur un mode de
fonctionnement, c'est une cité qui a explosé complète avec
le décollage industriel et qui est passé d'une taille de 50 000
habitants et en 2 siècles à tout casser à dépasser
largement les 200 000 habitants et qui s'est re-stabilisée. Et suite
à la crise industriel, elle a rebondit sur le design, les nouvelles
technologies de manufacturing, sur l'optique, sur le textile médical de
haute technologie, et du coup a une histoire qui est valorisée au
travers notamment de ces musées qui est une histoire très
contemporaine. Il y a aussi le côté collectif où on
retrouve le côté football qui est prégnant sur le
territoire. Voilà c'est un peu ce qu'on veut proposer.
· Est-ce que vous pourriez-vous comparer
Saint-Etienne avec d'autres villes, que ça soit des villes
françaises ou étrangères... ?
Ca dépend, en terme de quoi ? En terme de tourisme
?
· En terme de...
régénération urbaine, dynamisme et d'identité
?
Manchester (rires). De la même façon, un
passé industriel fort, très marquant et pour autant, une vraie
dynamique de relance. Un positionnement fort sur de nouvelles technologies,
alors, c'est pas rare qu'on ai des retours comme ça où
Saint-Etienne fait penser à Manchester. Après, faut pas regarder
les tailles des villes. Une autre ville qui rebondit énormément
en terme d'image, et où il y a un parti fort, c'est Bilbao. Bilbao, le
Guggenheim, c'est un phare énorme qui a fait positionner Bilbao sur
l'échiquier de l'art moderne, sur le volet culturel, Bilbao reste une
ville très industrielle. Faut se rendre compte qu'on est pas
obligé de tout changer d'un coup, quelque, y'a vraiment une
stratégie d'image et de marketing et après, on entre dans un
cercle vertueux....
·
9
Et au niveau de l'offre hôtelière par
exemple, vous essayez de rajouter du design dans l'offre hôtelière
?
Oui y'a pas mal de choses qui ont été mises
en place pour aider les hôteliers à renouveler les chambres avec
des designers. Donc ça, ça a très bien fonctionné.
Y'a eu le concours Commerce Design, avec du côté commerces,
là aussi ça a pas mal marché.
· Donc pour résumer, Saint-Etienne
est sur une bonne dynamique et le design fait vraiment partie intégrante
de la régénération urbaine.
Complètement oui. C'est notre fil rouge qui a le
mérite en plus, de ne pas être que touristique. Là, le
design, ça a un côté fédérateur. Ce
côté créatif, design, c'est très précieux car
je vous garantis que c'est rare, l'économie, le tourisme, les
différents secteurs soient derrière un même positionnement.
Mais on est au début, on a encore pas mal de choses à faire
(rires).
· Et concernant la dernière campagne
de com', « Saint-Etienne change le monde avec le design », (rires)
est-ce que c'est pas un peu fort de dire ça ?
Alors ça, faut demander au directeur
général de Saint-Etienne Métropole... L'objectif, c'est un
message interne. Elle n'a pas été relayée en externe.
C'est surtout un travail auprès de la population avec le syndrome du
« É » avec un déclic et des choses qui sont
utilisées dans des industries prestigieuses et pointues c'est fait
à Saint-Etienne grâce au design. C'est le message à faire
passer.
Vous trouviez que c'est trop fort (rires) ?
· Non, mais je pense qu'il faut le prendre
au second degré. J'ai trouvé que c'était presque
provocateur mais dans un sens, je comprends pourquoi et c'est bien pensé
parce que ça fait réagir. C'est vrai que finalement
d'après tout ce que j'ai pu lire et entendre, j'ai l'impression que le
problème vient surtout des habitants de Saint-Etienne, y'a comme un
décalage.
Oui. Alors j'y pense, vous avez Nantes aussi, qui est
beaucoup sur le créatif aussi. Leur image était un peu moins
mauvaise, ils ont des clientèles internationales plus présentes,
mais ils ont vraiment réussi et arrivent à attirer des touristes
en masse. Après la ville a plus de moyens.
· Avez-vous quelque chose à ajouter
dont nous n'aurions pas parlé ? Non y'a rien qui me
vient.
10
3 Témoignage de Bernard Laroche,
consultant en
« design pour tous
»
Bernard Laroche est un ancien membre de « Designers Plus
» et s'est intéressé au design pour tous.
· Pouvez-vous me parler de votre
activité ?
Je ne suis pas designer. De formation ingénieur
j'ai fait ma carrière dans les Télécommunications puis en
fin de carrière je me suis intéressé à l'impact de
l'allongement de la durée de vie sur la conception des produits,
services, environnements de vie et son impact sociétal et
social.
J'ai fondé en 2004 un cabinet de consultant dans le
domaine.
En 2006, 2010 et 2013 j'ai été co-commissaire
d'exposition à la biennale design.
En 2007 les designers m'ont demandé de prendre la
présidence de la grappe d'entreprise « Designers+ » en cours
de création. J'en suis resté Président jusqu'en avril 2015
en accompagnant la progression de cette grappe au niveau Rhône-Alpes
auvergne (plus de cent adhérents). C'est la plus grande grappe
française dans le domaine du design.
Je suis co-auteur d'un guide « Design pour tous
comment s'y prendre » disponible gratuitement sur le web.
Je poursuis mon activité dans le domaine du «
design pour tous ».
· Et comment définissez-vous le design
?
Le design est pour moi un process (design thinking) qui
consiste à observer les usages et détournements d'usage des
utilisateurs pour faire émerger un cahier d'idées
d'amélioration ou/et d'innovation de rupture, puis les confronter aux
contraintes techniques, financières, marketing pour faire émerger
l'idée ou les idées qui vont se concrétiser dans un
prototype ou une maquette que l'on va confronter aux utilisateurs avant
d'aboutir à la conception réalisée ou
commercialisée.
Dans tout ce process l'équipe projet doit avoir
à l'esprit l'impact de l'évolution sociétale et culturelle
des utilisateurs.
· 11
D'après-vous, est-ce que le design est bien
compris par les publics ? Cela progresse mais l'on a souvent
pris pour le design pour une seule approche esthétique en
oubliant que c'est d'abord la fonctionnalité pour
les utilisateurs (au sens large y compris la production et la maintenance) et
que l'esthétique vient ensuite rendre le produit « désirable
».
· D'après vous, qu'est-ce qu'une
« ville de design » ? Toutes les villes peuvent-elles y avoir
accès sans passé industriel ?
Une ville de design c'est avant tout une ville qui place le
design comme vecteur de sa
croissance ou de son renouveau et qui développe
une politique dans ce sens.
Bien sûr pour être légitime dans ce
domaine pouvoir inscrire cette politique dans l'histoire de la ville est un
atout primordial. Un passé d'innovation (industriel ou non) est donc
indiscutablement un plus. De même que sans école de design et sans
designers professionnels pour accompagner cette politique la
légitimité sera dure à obtenir pour le territoire qui veut
s'afficher terre de design. Enfin le patrimoine de la ville (industriel et
urbain) doit pouvoir témoigner de cette histoire et de cette
politique.
· Quel est l'intérêt pour une
ville de se tourner vers le design dans sa stratégie de
développement ?
Aujourd'hui le design thinking dans le processus
d'innovation par les usages est de plus en
plus reconnu comme un potentiel de différentiation
dans une économie mondialisée (en particulier dans les pays
à coût de personnel élevé).
· D'après vous, qu'est-ce qui
caractérise Saint-Etienne comme ville de design Unesco (image, design
urbain, événements) ?
Saint-Etienne est à même de raconter une
histoire avec :
- son passé d'innovation,
- son histoire autour de l'école des beaux-arts et du
musée voulus par les industriels
locaux (armurerie, rubanerie, ..)
- sa filière professionnelle organisée
(école, nombre de designers, grappe
Designers+, ..)
- sa Cité du Design et l'originalité de son
concept
- ses expositions design (Biennale en particulier)
- La présence d'un design manager au sein de la
collectivité et tous les projets
réalisés ces dernières
années
12
Sa spécificité c'est d'aborder le design dans
sa globalité et en particulier dans son approche sociale.
· Les créateurs sont-ils bien
représentés et quelle place leur est consacrée ?
La grappe d'entreprises Designers+, l'existence d'un quartier
créatif permet depuis quelques
années une bonne représentation des
professionnels du design et des professionnels des métiers connexes qui
souhaitent développer des projets avec des designers.
· Que pensez-vous de la Biennale internationale
du design, ainsi que du quartier créatif de la Manufacture
?
La Biennale a permis de faire connaître et rayonner
Saint-Etienne dans le domaine du design.
Elle doit poursuivre dans l'esprit laboratoire des usages.
Le quartier créatif doit faciliter l'implantation et la
professionnalisation des acteurs du design stéphanois.
· Que doit faire Saint-Etienne pour continuer
dans cette lancée d'après-vous ?
- Poursuivre la démarche même si les conditions
financières des collectivités locales peuvent parfois donner
envie de freiner.
- S'appuyer sur les acteurs locaux et mieux
fédérer avec eux la politique de développement
territoriale par le design pour en optimiser
l'efficience.
· Enfin, si vous deviez comparer Saint-Etienne
à d'autres villes, lesquelles seraient-elles ?
En France il me semble que les villes concurrentes seraient
Nantes puis Lille-Valenciennes.
· Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Non, bonne finalisation !!!
· Merci beaucoup !
13
4 Témoignage de Guillaume GRANJON
et
Élodie VICHOS, Designers et
fondateurs de
l'agence Kaksi Design
· Pouvez-vous me parler de votre
activité ?
Nous sommes Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS.
Nous avons créé en 2014 à Saint-Étienne l'agence
Kaksi design spécialisée dans la conception et l'accompagnement
à la réalisation d'objets (design de produits) et d'images
(design graphique).
· Comment définissez-vous le design
?
Le design est pour nous une démarche, un ensemble
d'outils qui lorsqu'ils sont mis à la disposition d'un commanditaire,
permettent la création ou l'amélioration d'un produit, d'une
image ou d'un service. Ceci dans le but de rendre plus agréable le
quotidien de l'usager et ainsi de faire vendre plus.
· D'après-vous, est-ce que le design est
bien compris par les publics ?
Le design est très souvent perçu comme un
habillage, l'utilisation du mot faite par les médias faisant
référence le plus souvent à l'aspect esthétique,
voire artistique et non à la fonctionnalité, à
l'usage.
· D'après vous, qu'est-ce qu'une
« ville de design » ? Toutes les villes peuvent-elles y avoir
accès sans passé industriel ?
Une ville de design est une ville qui infuse le design
dans toutes les dimensions de la vie dans la Cité (politique, sociale,
urbaine, événementielle, économique). Oui, les villes
peuvent accéder à ce statut sans avoir de passé
industriel. Le passé industriel est une façon de rendre
légitime ce statut.
· Quel est l'intérêt pour une
ville de se tourner vers le design dans sa stratégie de
développement ?
14
L'intérêt d'une ville de design est de
pouvoir attirer des investisseurs en améliorant le cadre de vie et les
services qui sont proposés aux citoyens et aux entreprises.
· D'après vous, qu'est-ce qui
caractérise Saint-Etienne comme ville de design Unesco (image, design
urbain, événements) ?
Oui, le design urbain et les actions qui sont
menées en ville caractérise Saint-Étienne tout comme la
biennale du design qui est un événement ancré dans
l'esprit des gens.
· Les créateurs sont-ils bien
représentés et quelle place leur est consacrée
?
Les créateurs sont plutôt bien
représentés au travers des différents
événements auxquels ils peuvent prendre part. Ainsi que par les
regroupements et plateformes d'identification des designers locaux.
· Que pensez-vous de la Biennale internationale
du design, ainsi que du quartier créatif de la Manufacture ?
La biennale du design et le quartier créatif sont
de bons moyens de valoriser l'image et ainsi de faire connaître à
la fois le quartier et la ville.
· Que doit faire Saint-Etienne pour continuer
dans cette lancée d'après vous ? Poursuivre les
actions qu'elle a entrepris ainsi que développer son offre aux
entreprises qui utilisent ou souhaitent utiliser le design.
· Enfin, si vous deviez comparer
Saint-Etienne à d'autres villes, lesquelles seraient-elles
?
J'ai récemment découvert Bordeaux et les
initiatives et le dynamisme mis en place autour de restructurations de sites
anciens (de type Caserne Niel Darwin) comporte un aspect très vivant.
Milan est aussi intéressante pour l'omniprésence du design
partout dans la ville, à des échelles différentes.
· Avez-vous quelque chose à ajouter
?
Pourquoi pas mettre en place une exposition permanente
(à la Cité du design) sur les racines du design à
aujourd'hui à Saint-Étienne... Peut-être existe-t-il
déjà une édition à ce sujet?)
15
5 Entretien avec Gaëlle Subileau,
Chargée Le
mission chez Designers Plus
· Bonjour, pouvez-vous me parler de votre
organisation, son activité ?
Alors, en structure, en fait, on est en forme
associative, ça c'est pas nouveau. Ce qui est unique, c'est que, euh, se
conçoit comme un cluster, ça c'est pas commun par rapport aux
designers. Il existe un point d'association par rapport aux designers, mais
souvent ce sont des gens qui se rapprochent au sein de la mutualisation pour
faire du projet collectif, des choses comme ça, mais dans une
démarche resserrée. Voilà. Euh, nous on a
décidé d'accompagner la filière design, à notre
niveau, on n'est pas un syndicat, on est vraiment un réseau
professionnel, avec la particularité d'avoir ce qu'on appelle les
médias associés en plus des designers : les bureaux
d'études, des architectes, des ergonomes, des vidéastes, des
programmeurs, enfin voilà, bientôt (euh) un avocat, fin bref, des
gens qui font du développement économique.
L'idée c'était, nous on est tournés
vers les indépendants, et pas vers les grosses agences. C'est favoriser
la collaboration entre nos adhérents, avec des équipes projets
pour qu'ils aillent plus loin, en réponse aux appels d'offre , ·
de les former, on a toute une partie qui s'appelle Performance designers, on
est aussi organistes de formation, on fait des formations continues, on a des
ateliers, qui permettent de voir où ils en sont par rapport à des
thématiques métiers, (euh), et puis on a une partie plus
recherche et innovation donc on a réfléchi, ah je vous la fait
très courte, à un outil numérique enfin c'est un site
internet qui vous permet par un système de questionnaire de prendre du
recul sur votre pratique en tant qu'indépendant , · on va
pousser le projet plus loin pour toucher toutes les formes de, non pas de
design mais de designer , · c'est pas la même
réalité pour un designer intégré par rapport
à un designer indépendant ou un designer salarié d'agence.
Il y a vraiment des spécialités qui sont différentes.
Voilà, et puis, après on fait un peu d'accompagnement projet
innovant mais ça n'est pas l'essentiel de nos missions. Et puis la
dernière chose, c'est la partie valorisation des compétences de
nos adhérents. Voilà, ça c'est pour faire très
simple : performance designer, communication et puis (euh), on va dire
innovation entre guillemet quand même. Voilà.
· 16
Et justement, tous les métiers du design sont
représentés ?
En fait, on a pas deÉ On aurait pu, quand
ça arrive souvent, avoir des associations qui disent bah nous on est sur
toute la frange sur des gens qui sont entre le design et les arts plastiques,
ou alors que des graphistes, que du produit. Nous on a vraiment toutes les
spécialisations. On a des designers plus, qui sont
spécialisés en design thinking, y'en a qui sont
spécialisés en design collaboratif, alternatif, on a le designer
produit, mais dans le produit, on a très peu de designers, ce que nous
on appelle éditeur, c'est à dire des gens qui vont travailler sur
de la petite série, qui vont travailler sur un marché qui est
celui de la galerie, ou (euh), ça on a pas ça dans nos
profils.
· D'accord. Par Editeur vous entendez des
designers comme des artistes ?
Non, enfin, les franges sont serrées. Euh, non, je
pense plus à des gens qui vont faire des pièces uniques ou des
toutes petites séries et qui sont effectivement dans un milieu qui est
plus proche de celui du monde de l'art que de l'industrie. Nous, on est
tournés TPE, PME.
· D'accord. Et du coup, par rapport à
votre organisation, je ne vous ai pas demandé, mais si j'ai bien compris
vous êtes une équipe de 3 personnes ?
(Ouh) Nous on est deux personnes, enfin 2
salariés, 1 président et après comme toutes les
associations, on a un bureau, un CA. Un bureau qui se réunit une fois
par mois donc c'est quand même actifs, on prend pas les décisions
tous seuls, euh, on part toujours des besoins de nos adhérents, il a
fallu trouver des solutions pour avancer, on a trouvé un système,
le fait qu'on soit 2 salariés, ça permet de faire bien avancer
les choses mais on ne fait pas les choses sans nos adhérents.
· D'accord, et dans quel cadre Designers Plus a
t-elle été fondée ?
La version politiquement correcte, euh, c'est une
décision politique, ça c'est une réalité. Euh,
c'était un contre point avec ce qui a été fait avec la
Cité du Design. La Cité du Design, en fait est une institution,
et nous on a une approche terrain. Voilà, c'est simplement, on pas les
mêmes fonctionnements, mais lorsque la Cité du Design a
été mise en place, je pense qu'il y a eu une grande
inquiétude de la part des professionnels qui se sont dits « Est-ce
qu'ils montent une méta agence qui serait soutenue par l'argent de
l'Etat, on est-ce que c'est vraiment un outil de promotion ? ». Là,
on est quand même quelques années plus tard et la
réalité est que
17
oui, la cité du design est plus là pour
promouvoir le territoire, le design auprès des entreprises, etc, et
nous, on est vraiment là pour former les designers, pour les aider
à être plus (euh) efficaces dans leurs relations avec les
entreprises. Quand on sort de l'école, le langage de l'entreprise, on ne
le parle pas, je parle pour un designer, le langage de bureau d'étude,
on le connaît de loin, comment se présenter, comment expliquer ses
méthodologies, comment se présenter soi-même comme un chef
d'entreprise, enfin tout ça c'est très très loin de soi
quand on sort d'école, et nous notre idée c'est d'accompagner,
c'est bien d'avoir 10000 designers au mètre carré mais faut-il
encore qu'ils survivent, tout simplement (rires).
· Et au niveau des designers, ce sont des
designers de la région essentiellement ? Alors en fait
à la base, Designers Plus était juste stéphanois, quand
moi j'ai intégré l'association, et on est en ouverture
Rhône-Alpes depuis 2012 sur le papier, en réalité depuis
2013.
· Et pourquoi une volonté de s'ouvrir
plus largement à la région ?
Parce que tout simplement on a une structure qui est
unique. Que d'un point de vue on va parler de concurrence territoriale. Les
outils qu'on a développés au sein de la filière, marchent
pour des stéphanois comme pour des grenoblois. Il n'y a pas de
problème. Une des forces de la région Rhône Alpes est le
nombre de designers qu'il y a en activité. Ce qui était
intéressant, pour nous, c'était d'essayer de
fédérer l'accompagnement de la filière. Faut bien avoir
conscience que le design, c'est un métier qui est tout jeune, qui se
transforme vite. Les gens qui ont 50 ans n'ont pas été
formés comme les gens qui en ont 22. Il y a beaucoup à faire,
c'est un mot qui a été galvaudé. On a un petit peu la
totale sur ce métier.
Autant l'architecture, a eu la chance d'avoir quelques
centaines d'années pour se structurer, autant le design, c'est encore
flou, même si on sait à quoi ça peut potentiellement servir
quand on est du milieu, tout dépend du profil sur lequel on va tomber,
etc. Donc nous, notre mission c'est vraiment, il y a une dimension
d'homogénéisation, euh, voilà donc dans la façon
dont on accompagne nos adhérents, il s'agit pas de leur dire quoi faire,
mais de réfléchir avec eux sur le comment faire, comment faire
bien, on est pas un syndicat. Notre job c'est de simplement « pour que
ça se passe bien, où est-ce que le job d'un designer commence et
ou est-ce que ça s'arrête », comment former pour aller plus
loin dans son offre, on se rend compte que la partie stratégique elle
est hyper importante. Ce n'est pas parce que vous allez intervenir
auprès d'une entreprise et lui refaire son packaging qu'elle est
tirée d'affaires.
18
C'est-à-dire que... en préalable à
toute démarche sur le packaging, c'est vraiment une stratégie sur
ce qu'elle veut faire, où intervient la partie emballage et voir s'il y
a des choses à étayer autour. Parce que finalement les
entreprises qui ont été déçues par le design, elles
sont arrivées et ont dit « Moi je veux ça, point »,
« le designer a fait ça, point » et puis en fait, on se rend
compte que non, c'est pas suffisant, on peut pas travailler sur un produit et
ne pas travailler sur le packaging, ça marche pas.
· L'idée est de travailler en
équipe, ensemble ?
Oui, c'est ça. Au lieu d'être un
prestataire, nous on se débrouille pour que nos adhérents
deviennent des partenaires, et ça change tout. En fait, le designer est
partenaire de l'entreprise.
C'est là où il y a plein de flou. C'est
là où il y a vraiment des nouveaux modèles à
inventer. Je pense que Saint-Etienne est assez intéressant pour
ça, parce que ça permet d'aseptiser un peu les choses.
· Justement, en parlant de Saint-Etienne. La
ville est Ville Unesco de Design depuis 2010. Pour vous dans quel sens la ville
est Ville de Design ?
Saint-Etienne c'est une ville alors en fait, quand on dit
ville de design, c'est assez juste. Si on disait ville du design, ça
ferait marrer tout le monde. Saint-Etienne est une ville qui a souffert, qui
n'a pas réussi à prendre son virage, enfin, y'a eu des virages,
et ils ont tout raté. (Rires) Ils le savent très bien. Je ne sais
pas si la partie historique vous intéresse, mais ce qui est important,
Saint-Etienne n'avait pas de grandes familles très puissantes, et en peu
de temps il y a des entreprises qui sont nées, pour illustrer, elles ont
du innover, ça c'est important. C'est vrai que Manufrance, tous ces
trucs-là, ils étaient en avance sur leur temps, sauf qu'il n'y a
pas une grosses culture industrielle comme à Lyon et au lieu de dire,
bon on a gagné la première manche mais pour la seconde, il va
falloir qu'on se prépare, c'est ah d'un coup, au lieu d'innover, je vais
faire du patrimoine. Je vais racheter plus d'usines, pour faire plus de
productions, et puis comme je vends plu, je vais faire moins cher la
production. C'était le truc à ne pas faire. On l'a fait. Le VTT
est arrivé, on est passé à côté, enfin il y a
eu plein d'histoires, la ville est cafouillage. Ce qui est intéressant
c'est qu'il a fallu s'en sortir et à nouveau c'est l'innovation qui est
revenue, et le design est un très bon levier d'innovation.
Donc on a une ville qui est moche. Quand on dit « La
ville du design », faut pas s'attendre à arriver comme dans
certaines villes, ultra contemporaines, non c'est pas ça. C'est une
ville
19
qui par le biais d'une volonté politique, qui est
en train d'expérimenter pleins d'outils qui intègrent le design,
pour aider les entreprises à se développer.
· Et les outils, justement ?
Dans les outils, il y a déjà le travail de
la Cité du Design, qui a un pole Recherche qui est extrêmement
compétent. Ils ont mis en place une méthodologie qui s'appelle
les LUPI (Laboratoire des Usages et des Pratiques Innovantes), pour faire du
développement. Il y a quelque chose qui est en train de se faire au sein
du quartier créatif, en terme d'animation. Ils essayent de croiser les
regards, de favoriser l'innovation ouverte, en mettant en place des workshops,
des ateliers, des sessions de travail libre, enfin, y'a plein plein de choses
qui se mettent en place, nous on est en interaction justement avec les acteurs
du quartier créatif, voilà, y'a un Fab Lab qui a
été monté, y'a une école de communication un peu
plus haut, y'a des écoles, des entreprises un peu plus haut. Ce qui est
intéressant c'est qu'au lieu d'avoir simplement un lieu de
mixité, c'est carrément un quartier.
Voilà alors après des outils, il y en a eu
pleins qui ont été mis en place. Le fait qu'il y ait la Biennale
Internationale de Design, ça permet d'expérimenter des tas de
choses, on a fait des laboratoires d'usage, il y a des workshops géants
qui ont été mis en place, y'a pleins de choses comme ça
qui ont été testées.
· Du coup le quartier créatif est
considéré comme un marqueur fort de la transformation du
territoire, quels seraient les autres marqueurs dans la ville d'après
vous ?
Est-ce qu'il se passe des choses ? Alors, ce qui est
difficile, c'est que quand les entreprises recourent au design et que ça
se passe bien, contrairement à ce qu'on peut imaginer, je parle bien des
TPE, PME, elles ne communiquent pas dessus. Je vais prendre un exemple, y'a une
boite qui fait du tube cintré sur Saint-Etienne, vraiment l'usine
à papa, ça fonctionne en silo graphique, plutôt
mentalité sous-traitant. Ils ont fait appel à un designer et ce
sont rendu compte qu'avec des nouvelles normes, il était obligatoire
pour les hôtels d'intégrer des assises pour les handicapés
dans un certain nombre de leur chambre, et dans ce cadre-là, un de nos
designers a travaillé avec eux, il a fait un truc simple, efficace, et
qui c'est dit que l'hôtelier ne voulait pas avoir en permanence un banc
dans la douche, donc il a trouvé un système tout con, c'est une
applique qui se fixe au mur, quand c'est pas destiné aux personnes
handicapées, c'est simplement un reposoir pour les savons, et quand une
personne
20
handicapée ou qui aurait un problème etc, on
enlève la tablette et on fixe un petit siège contre le mur, qui
permet de nettoyer la douche sans problème. Elle est mignonne, c'est un
petit tabouret, mignon, bien pensé. Et ce designer a voulu savoir
comment ça se passait pour l'entreprise, qui a dit « ça
marche » mais impossible d'avoir des retours sur combien. Et puis, moi je
les ai beaucoup torturé car on a fait un projet en lien avec le design
pour tous, et là on apprend qu'ils sont deuxième leader
européen sur le marché, en fait (rires). Et là je lui ai
dit «Pourquoi vous ne le faites pas savoir ? ». « Ah bah non,
vous comprenez, si les autres ils le savent, ils vont embaucher un designer
», ma voix est tombée, je me suis dit « wow »É Il
faut bien se dire que y'a pas à Saint-Etienne y'a une mentalité
particulière, autant à Lyon on veut que ça se sache,
autant à Saint-Etienne y'a un syndrome où on fait des trucs c'est
superbe mais... ce qui fait qu'en terme de marqueurs, il se passe des trucs
étonnants pour les entreprises à Saint-Etienne mais alors, c'est
« o maire pas complète », alors la ville essaye de faire des
campagnes de com' pour montrer comment le design change le monde à
Saint-Etienne, c'est effrayant.
Donc dans les marqueurs, justement, la ville fait un gros
travail d'affichage sur Saint-Etienne change le monde, en présentant des
projets qui ont été développés par des entreprises
du coin, mais c'est toujours les mêmes entreprises.
· Pourriez-vous me donner des noms
d'entreprises qui utilisent les designers ?
Oui, Fab Outillage, alors on a quand même DPS,
Tollerie Forezienne, (euh) mais il faudrait contacter le pole communication de
la mairie qui sera ravie de vous donner tous les noms.
Voilà, on est quand même sur des bonnes
entreprises, y'a Verney Caron aussi, qui fait tout ce qui est armes, chasses,
etc. Donc sincèrement, il se passe des choses (rires) mais il faut
savoir que Saint-Etienne est la 2ème ville de France en terme
de densité de TPE-PME. Et voilà, c'est pareil mais personne ne le
sait ! C'est pas l'image que donne Saint-Etienne. Voilà donc il y a un
travail qui est énorme et ce qui est intéressant, c'est que le
design s'intègre aussi dans les écoles, y'a eu pas mal d'actions
pour aider les enfants, qu'ils soient acteurs de la remise en forme de leur
classe, dans une démarche design ; repenser des espaces de travail,
pareil au niveau social, y'a des choses énormes qui ont
été faites qui sont super intéressantes, notamment avec le
Rabais, où ça sert à rien de refaire les locaux si vous
savez qu'il y a une telle misère sociale autour que ce sera
flingué, là ils font de la co-conception avec les
adhérents ; les ados vont réfléchir, les adultes, ils vont
requalifier leurs espaces, et ça marche en fait, les gens sont fiers
après. Mais en même temps, y'a la dimension technique,
pratique
21
du designer aussi, donc c'est pas non plus un projet qui
vient comme ça « super on a refait le mur ensemble », c'est
plus pérenne.
Voilà donc ce qui est difficile est que
Saint-Etienne métropole est la ville qui communique beaucoup sur le
quartier créatif et la biennale, et, bon y'a eu la revalorisation du
quartier de la gare, on commence à, y'a des choses qui bougent
doucement, c'est une ville, faut imaginer, l'urbanisme de la ville, c'est comme
un costume qui serait trop grand pour son propriétaire. On a une ville
qui s'est développée d'un coup comme les villes
américaines champignonneuses et qui s'est vidé d'un coup, le bon
exemple c'est Detroit. Et on se retrouve en fait en terme de nombre d'habitants
et de battis, y'a un truc qui va pas. Voilà donc c'est une ville qui est
en transformation, nous avec nos adhérents on est en train de
réfléchir à des démarches en lien avec ce qu'on
appelle la slow city. Donc ça, on a une ville qui a un potentiel
énorme la dessus, après les choses se font après l'autre
et puis y'a pas beaucoup d'argent comme partout.
· Vous pensez du coup que la ville est
réellement en train de changer, de changer d'identité vers le
design ?
Alors, ça n'engage que moi ce que je vous dit,
parce que je n'ai pas tous les paramètres en moi. Il y a quelque chose
de particulier qui est en train de se développer sur la ville, en terme
d'échange entre les différents acteurs, je trouve qu'il y a
beaucoup plus de dialogue que dans pas mal d'autres villes où on
intervient. Donc ça c'est une réalité, qui a beaucoup
d'initiatives privées à Saint-Etienne qui vont dans cette
démarche de slow city, avec des gens qui vont se réunir, se
monter en association pour pouvoir se développer, une rue, un quartier,
soutenir de la création avec les éditeurs, c'est super, pour
pouvoir en faire des mouvements de liasse populaire, indépendamment de
la Biennale, où ils ont carrément bloqué le quartier, y'a
des défilés. Il se passe quelque chose. Après, la
dimension de pérennisation est un truc que la ville a beaucoup de mal
avec ça. J'ai fait mes études à Saint-Etienne, je suis
partie et je suis revenue, y'a des idées, y'en a partout, mais apprendre
à capitaliser et à aller jusqu'au bout, c'est une ville qui a du
mal à le faire. Wow super c'est génial, on arrête,
d'accord. (rires) Alors que sur Lyon, quand ils ont un truc qui marche ils
capitalisent à fond dessus.
· Est qu'est-ce qui fait que la ville change
d'avis ?
Il y a des ballotages de municipalités, je pense
que là dessus, on est super forts, et puis forcément ce que fait
le prédécesseur c'est pas bien, sinon ça serait trop
simple. Et puis en
22
fait c'est une culture, ce qui est amusant, on a une
culture à la fois très gauche (ça c'est le reste ouvrier)
et une culture droite catholique mais avec le côté « aides
», du coup on est une ville très très sociale, avec les
gênes de montrer qu'avec l'argent on peut faire des choses qui brillent.
Voilà, et c'est le fond du truc par rapport à Lyon, et que des
fois on a mis de l'argent sur des choses où les gens ne comprennent pas
à quoi ça sert, alors on va pas trop le dire. C'est
dommage.
· En tant que stéphanoise, j'ai
toujours entendu beaucoup de critiques sur la Cité du Design, au niveau
financier, et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas
trop...
Ce que c'est que ce machin, ouais en fait, après
voilà déficit de communication, la Cité du Design fait
beaucoup avec pas tant que ça. Quand on regarde ce que coûte la
biennale d'art contemporain sur une Biennale de design, ça se compte en
zéro. La Biennale du Design, c'est à peine la moitié de ce
que coute celle de l'art contemporain, et en terme de visites, Saint-Etienne
est au-dessus, ça c'est une réalité et ce qu'on a tendance
à oublier, j'étais en régie etc., donc la biennale de
design fait manger un paquet considérable d'artisans, d'entreprises
locales, ça faut pas l'oublier, c'est quand même pendant un mois
les hôtels qui sont un peu pleins sur Saint-Etienne, les restaurants qui
tournent, je veux dire, c'est pas tous les jours à sainté.
Souvent, je me méfie du bon sens populaire « à quoi
ça sert le design, ils nous font une expo ils nous montrent une
cocotte-minute », certes, le design c'est comme l'art, il faut avoir les
codes, c'est pas donné, c'est pas évident c'est pas fun. Et
après quand on retourne vers ces gens et qu'on leur présente le
truc, alors là ils trouvent ça génial, mais, je me
rappelle de trucs assez dramatiques dans La Tribune Le Progrès, «
avec le prix du steak qui a augmenté qu'ils nous demandent 4 euros
à La Cité du Design, bientôt on pourra plus nourrir nos
enfants » (rires).
Voilà je pense que si la Cité du Design
existerait ailleurs elle aurait le même problème, je ne sais pas
si vous avez suivi ce qui est arrivé au lieu du Design. A Paris, en fait
le lieu du design est en mission des accompagnements des entreprises comme la
Cité du design et ils ont une mission d'éducation, partager avec
le grand public, et en fait, pour des raisons purement politiques, ils ont
perdu toute la partie exposition, alors qu'ils ne faisaient pas ça avec
énormément de moyens eux non plus, et voilà, la tendance
c'est une espèce de, faudrait que tout ramène de l'argent tout de
suite, si on forme pas les gens...
·
23
Saint-Etienne justement c'est vu comme une ville
qui démocratise le design, est-ce que c'est vrai d'après vous
?
Oui oui, justement, l'historique que je vous ai fait tout
à l'heure, où y'a une dimension sociale qui est très
forte, c'est la ville de France où il y a le plus d'associations au
mètre carré, y'a beaucoup d'associations d'accompagnement
à l'insertion pour les primo-arrivants, c'est la force et la
fragilité de Saint-Etienne. Il y a quand même un contexte qui fait
que le design c'est de trouver des moyens efficients à couts
maitrisés. C'est ça qu'on a oublié... Oui, il y a des mecs
qui se sont éclatés dans les années 60, l'avènement
du plastique moulé, les entreprises étaient très
contentes, ont déposés pleins de brevets, et se sont dit c'est
cool mais qu'est-ce qu'on va en faire ? Faut aller chercher des gars, des
italiens, qui étaient des artistes purs, des beaux-ardeux, ils leurs ont
dit « bluffez nous », y'avait pas de contraintes économiques,
y'avait pas la crise pétrolière, et ils ont faits tout le
vintage, c'est issu de ça, ultra créatifs car il y avait aucun
cadre, et ce qui est amusant c'est que dans l'inconscient, c'est que le
designer est un créatif, fait des trucs bizarres oranges et ronds. Ce
design-là existe en marché de niche, mais c'est fini. Et je pense
que Saint-Etienne là où ils sont assez forts, c'est qu'ils
arrivent à montrer que le design peut s'intégrer sur des espaces
où on ne l'attendait pas. C'est là où je vous parle de
stratégie. C'est là où y'a des méthodologies design
qui vont permettre de casser la dimension silographique en entreprise pour
montrer que la compétence, ils l'ont en interne, c'est juste de
l'activer. Finalement, on est d'accord que c'est pas des choses qui sont si
chères que ça de réactiver des choses qui sont pas
présentes, et voilà mais c'est pareil, c'est pas... Le
problème du design comme on le pratique à Saint-Etienne, c'est
pas sexy. On n'a pas un super projet « ouah, regarde comme ça
brille, j'ai bossé pour la Roche Bobois ». Super, on est contents,
alors qu'il est en train de se passer, au niveau indépendant, et
ça va vite. Il y a trois ans en arrière, j'étais à
coup de fusil, quand j'allais au Club Gier (club de la sous-traitance de la
vallée du Gier), où c'était « ah elle va nous sortir
des mots de trois syllabes », des trucs très fins et subtiles comme
il peut y avoir dans le milieu de l'entreprise. Et puis aujourd'hui, ils sont
en train de développer des produits spécifiques avec des
designers et qui se rendent compte que c'est possible.
· Et d'après vous, tous les secteurs
des entreprises pourraient être concernés et travailler avec des
designers ?
24
Carrément. On a participé à la
démarche « design en résidence », c'est Alain Cadix qui
avait fait des démarches un moratoire sur le design à destination
de nos chers ministres, pour leurs montrer que nos entreprises avaient un
déficit culturel énorme par rapport au design, ils savaient pas
ce que c'était, ni à quoi ça servait... on est vraiment en
retard... Y'a d'autres pays on y'a longtemps que c'est activé, donc il a
expliqué ça, et puis ils ont cherché mais y'a toujours pas
d'argent sur ce qu'on pouvait faire pour inciter les entreprises à y
aller. La meilleure solution, ça a été d'aller dans les
clubs d'entreprise, ou dans les clusters, donc y'a eu des designers, 11
résidences au finales on en a accompagné 2, Mécaloire et
Numélink. Et en fait, par imprégnation lente, on s'est rendu
compte que ça marche super bien avec les entreprises. On peut pas se
mettre en ascendance, faut pas leur dire « mangez du design c'est bon,
voilà ». C'est vraiment être à leur côté,
leur montrer comment ça marche, etc, pour qu'en fait, elles se lancent.
Une fois qu'elles sont lancées, ça va de soi. En fait, elles le
voient comme un surcout, comme du travail en plus, c'est du travail mais
après c'est un gain de temps énorme. En fait les actions
très ciblées à destination des entreprises, ça
marche. Mais là, on retombe sur un truc, c'est passionnant mais c'est
pas sexy (rires), du coup ça fait pas partie des marqueurs du
territoire. C'est la toute l'ambiguïté.
· Et vous disiez qu'en France on est en retard
par rapport à certains pays ?
Ah ouais. Ouais ouais. En Allemagne en fait, les
designers sont mieux lotis qu'en France, parce qu'en fait y'a une culture du
design, de l'éco-conception aussi, enfin tout ça est un peu
imbriqué et voilà, si c'est plus beau, si ça se vend
mieux, pour eux c'est top. Ils ont le même problème en Angleterre
avec ça, où le design est intégré depuis
très très longtemps, et ça devient aussi des modes de
pensées. En Angleterre, en fait, ils ont moins ce problème du
« je suis chef, c'est moi qui décide ». C'est « j'ai
envie de faire un projet, je monte une équipe, à chacun son
métier. » donc forcément, le designer a toujours plus sa
place. En fait un designer, c'est quelqu'un qui est transverse. Donc en France,
il est perçu comme un emmerdeur alors qu'en Angleterre, il est
perçu comme un coordinateur (rires). Et pareil, souvent en France, ce
sont les coordinateurs de projet qui sont en lien avec les designers alors
qu'en fait, ils sont en contact direct avec les donneurs d'ordres, en tout cas
les chefs d'entreprise, pour faire avancer les choses, sinon c'est trop lent,
y'a des choses qui s'épuisent.
·
25
Et justement, est-ce que cette grosse
différence ne viendrait pas du mot « design » qui est,
d'après mes recherches, la définition du design est quand
même... subjective ?
Elle est fouareuse (rires). Non en fait, on est entre 2
mondes. Tous les anglais c'est vraiment design au sens dessin, ouvrage d'art.
Je vous donne un exemple, c'est Jospeh Paxton, qui a répondu un appel
d'offre que personne n'arrivait à répondre, il s'agissait de
construire 70 000 mètres carrés d'expositions pour une exposition
universelle. A cette époque, construire un édifice comme
ça en moins de 2 ans, on y arrivait pas. A la base, Paxton était
un ingénieur qui était spécialisé dans tout ce qui
était serres. Et euh, il a eu l'idée de construire une
espèce de construx avec des pièces ultra normées et sur le
principe du mécano, il a monté une serre immense en
réfléchissant à la circulation de l'air, des personnes. Il
y est pas allé tout seul, il s'est monté en équipes. Ca
c'est vraiment l'esprit design : « j'ai une problématique, je
lâche avec mes certitudes et ce que je connais, pour trouver des
solutions qui me permettront de ». Là c'est vraiment le design
à l'anglaise. Et à l'inverse, ce dont je vous parlais tout
à l'heure, les italiens, c'est génial, on a des brevets, on a des
machins, on y va, c'est design dessin, fais moi du joli coco, et si ca peut un
peu être ergonomique, c'est top. Du coup, le mot design, il est perdu
entre les 2. Et nous on le voit, quand on discute avec les
entreprises...
· Du coup dans le travail du designer, ce
qui est vraiment intéressant c'est qu'il place l'utilisateur au coeur de
la problématique ?
Oui il est tourné usages, tout à fait.
· Il y a une grosse dimension fonctionnelle
?
C'est pas que fonctionnel en fait. Votre cible, vous ne
pouvez pas comprendre son bien sans elle. Y'a des tonnes de trucs qui ont
été faits pour les personnes âgées qui ont des
malaises, le problème, c'est qu'il y en a qui supportent pas d'avoir des
trucs autour du coup, ni autour de la main, le problème c'est que les
personnes âgées qui ont des boutons comme ça d'alerte, dans
90% des cas, quand ils appuient dessus, c'est qu'ils souffrent de solitude.
Donc ça veut dire que les industriels ont pensé à un
produit qu'ils pensaient bien pour les personnes âgées
générales, et la réponse c'est que ça rassure
essentiellement les enfants et que ça n'est absolument pas adapté
à la cible. Donc une démarche design, ça serait d'observer
en fait, faire venir ces personnes là, faire venir les enfants ou en
tout cas leurs responsables, et en échange, de trouver un système
qui serait efficient. Aujourd'hui, si vous voulez faire fortune,
26
vous dites « voilà je fais comme le
réseau Orange, je fais un réseau d'alarmes que ce soit sur des
systèmes poignées, poitrine, canes, d'alertes », mais
ça coute 5 euros par mois. Aujourd'hui, un système d'alarmes
comme ça c'est 50 euros par mois par personne. Parce que tout est
éclaté, l'offre est super chère, donc les outils marchent
pas, mais le modèle économique derrière il écroule.
Donc voilà, c'est là où le design peut être
intéressant, mais faut avoir les reins économiquement pour
pouvoir le développer. C'est le job de l'entreprise.
· Tout à l'heure, vous m'avez dit
qu'il y avait une grosse différence entre Saint-Etienne et Lyon.
Pourtant, Lyon est à côté de Saint-Etienne, la ville aurait
intérêt à développer le design sur Saint-Etienne et
utiliser Lyon comme rayonnement ?
Le fonctionnement Lyon versus Saint-Etienne c'est un
truc, c'est comme les derbies de foot, ça revient
régulièrement. C'est voilà. A Lyon, y'a des entreprises
beaucoup plus grosses. Mais 75% de ses entreprises ne souhaitent pas se
développer. Alors qu'à Saint-Etienne, les entreprises sont
beaucoup plus petites, et elles vont encore se développer. La plupart
des entreprises se disent « qu'est-ce que j'aurais à
m'embêter à travailler avec des designers », je vous parle
crument mais les échanges que je vous sors, c'est des contacts avec les
CCI, avec les entreprises, et à Saint-Etienne, y'a beaucoup à
faire, car c'est des boites plus petites.
Utiliser Lyon comme rayonnement, bah non. Parce que du
coup c'est déjà assez confus entre nos 2 villes, et Saint-Etienne
a tout intérêt à dire « Nous on est les leader du
design » et que les boites viennent chercher de la compétence
à Saint-Etienne. Si nous on est en ouverture rhônalpine, c'est
pour ça, pour que le lead du design reste à Saint-Etienne. Ils
ont absolument pas envie que des gens voient ce qu'on fait c'est bien et le
mettent en place à Lyon. Je pense que Saint-Etienne joue pas mal, en
disant « nous on a le lead sur le design ». Ce qui est
intéressant, dans le cadre de la Biennale, ils avaient commencé
en 2015, ils vont refaire en 2017 en plus grand, c'est qu'il y a la partie
biennale, le noyau c'est Sainté et puis y'a la Biennale territoriale et
y'a des échos sur Lyon, et les alentours. Donc oui, on capitalise sur ce
qui se passe, après c'est des choix, faut pas oublier qu'on est entre
réalité économique et politique (rires).
· 27
Et Lyon avec « Lyon City Design »
?
Lyon City Design c'est une boite de com', c'est une
personne qui a mis ça en place, c'est une assoc'. C'est tout petit,
c'est une boite spécialisée communication qui a mis en place des
événementiels en lien avec le design. Alors là pour le
coup, on est sur du design un peu kawa. On est sur des trucs, un peu
différents. Ils ont appelé ça Lyon City Design... mais on
n'est pas embêtés.
· Finalement, Lyon et Saint-Etienne sont
différentes. Saint-Etienne a vraiment sa marque de fabrique. Lyon
ça serait plus dans le beau...
Oui voilà, faut pas oublier que derrière
Lyon City Design, c'est Fermob. Donc eux ils utilisent le design dans sa
dimension, ça fait plaisir, c'est joli, c'est un petit peu sympa pour la
planète, (rires), mais bon, je suis très méchante, mais
simplement c'est des problèmes de dissension entre les concurrents et la
manifestation. Montrer que c'est un outil de développement,
stratégique, et innovation, tout ça, nous on se retrouve à
faire des trucs,... Enfin voilà, le design a le droit de faire des trucs
sympas, c'est pas sa fonction première (rires).
· D'accord. Et en parlant d'autres villes,
en comparant avec d'autres villes, vous me parliez de Detroit qui avait le
même passé industriel que Saint-Etienne. D'après vous,
aujourd'hui, y a t-il une ville qui ressemble à celle de Saint-Etienne
?
Dans la liberté de penser, je pense à
Berlin. Y'a des énergies dans des côtés un peu pourris,
indus, des soirées bien sympas, alternatives, et tout, y'a quelque
chose. Y'a une dimension design mais c'est vraiment du free design. C'est pas
évident en fait, si je parlais de Detroit, Saint-Etienne s'est vraiment
développée structurellement comme une ville américaine. Ca
c'est une réalité urbanistique, mais ouais, après des
villes qui soient dans le même état que Saint-Etienne, y'a Lille.
Et ouais, Lille, n'a pas les mêmes soucis que nous, mais elle essaye
justement de développer la partie design, (euh) dans la volonté
de développement du design, mais là on joue pas dans la
même cours, c'est Nantes. En fait, le nombre de personnes qui viennent
pour y travailler par an, il est énorme, alors que nous, on est en
perte. Mais bon voilà, ils ont « Design In » à Nantes,
bon c'est l'équivalent de la Cité du Design et un peu de ce qu'on
fait, qu'ils développé des trucs super intéressants. Pour
l'instant, nous le Lieu du design, Lille Design et Design In, c'est les 3 lieux
qu'on suit de prêt en France. Après, y'a
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Toulouse, y'a Montpellier, ils veulent tous faire du
design, c'est classe, pour moi c'est plutôt un positionnement politique
plus qu'une réalité.
· Dans un sens, Saint-Etienne a vraiment sa
marque de fabrique ?
Nous on a été vraiment précurseurs.
Bon après, comme tous les précurseurs, au début, on
bénéficie d'avance, et puis après, les autres qui ont du
retard peuvent regarder ce que les autres ont fait et partent directement avec
des trucs efficaces. C'est les ambiguïtés (rires).
· J'aurais une autre question, qui
élargit non seulement au design mais aux communautés
créatives, est-ce que d'après vous les communautés
créatives contribuent à renouveler la ville ? Sont-elles bien
représentées ?
Complètement. Ouais. C'est pas des gens justement
dans notre réseau, mais j'avais fédéré les off en
2015, c'est un petit regard transversal, quand je vous expliquait les gens qui
sont tournés céramique, textile, etc., se fédèrent
pour réinvestir un quartier, ou une rue, un immeuble (rires). A
Saint-Etienne, y'a pleins de trucs expérimentaux et ça tombe
super bien. Eux typiquement, les centres-villes, je parle pas de grandes ville
comme Lyon, Bordeaux, etc, mais ce qui arrive à Metz, à Bonson,
dans la plupart des villes moyennes françaises, les centres-villes
déclinent, à cause d'internet, etc. Il faut réinventer
quelque chose, donc les idées en petits efforts, c'est ce qu'essaye de
faire Saint-Etienne, d'où l'idée de la Slow City, des espaces
verts, des potagers dans la ville, des terrasses, slow city quoi. C'est de la
vie à valeur ajoutée.
· Donc c'est un peu l'orientation de
Saint-Etienne à l'avenir, la « slow city » ?
Bah ouais. Lyon c'est magnifique, mais Lyon en
centre-ville on crève, c'est asphyxié par les bagnoles, ce n'est
pas le même rythme de vie qu'ici (rires). Donc nous on a de la chance,
dans notre malheur, on a de la chance, on peut réinventer quelque chose,
les loyers ne sont pas chers. Donc je pense qu'il y a quelque chose qui est
très développé sur Paris, un peu du bout des lèvres
sur Lyon, sans doute plus à Marseille mais j'ai pas de recul, qu'il
faudrait développer, c'est tous les espaces de coworking, mais pas tenus
par des institutions mais qui soient tenus par des initiatives privées,
sympathiques, ça prend, ça prend pas, c'est compliqué la
France la-dessus, et je pense que Sainté, vu le travail qu'elle fait la
dessus, commence à avoir suffisamment d'expérience pour pouvoir
inciter des initiatives privées à se lancer et à avoir un
retour d'expérience. Et ça, ça fait partie des trucs tout
à fait positifs. Y'a beaucoup
29
de galeries, bon pareil, faut connaître quoi
(rires), mais ce qui est intéressant, c'est que dans la biennale, tout
ça sort de l'ombre. Les gens ont adoré la Biennale Off, en 2015,
car justement, c'est super créatif, y'en a de partout, mais c'est
caché, y'en a dans les arrières cours.
· La Biennale Off c'est... ?
Dans le cadre de la Biennale du design, y'a la partie In,
et puis y'a la biennale Off, comme à Avignon, et du coup y'a tous les
lieux, 80 lieux qui ont ouverts sur Saint-Etienne et alentours, ça
allait du « dans ma cuisine » et dans des anciennes friches indus, et
des trucs assez excellents (rires), c'est pour ça que je parlais de
Berlin tout à l'heure, car dans le côté un peu free, y'a
ça encore. Elle a une culture un peu underground.
· Je trouve que c'est vraiment caché du
coup...
Oui ce n'est pas du tout valorisé. Les
transformations de la Biennale ça permettra de plus capitaliser sur
cette richesse là.
· Donc il y encore beaucoup à exploiter
à Saint-Etienne ?
Oui, alors exploiter y'a pas de souci, mais à
pérenniser. Les initiatives privées, y'en a
énormément ici, mais c'est comment accompagner toutes ces
structures à aller la marche du dessus, après les choses se font
petit à petit.
· Pour revenir à vous, l'association
Designers Plus, quels sont les projets et ambitions futures ?
La conquête du monde (rires). Dans nos projets,
notre réalité c'est d'augmenter la part privée. On se
débrouille pas trop mal pour une association mais la
réalité c'est qu'on a des outils performants, mais on est en
train de réfléchir à des modèles économiques
de plus en plus indépendants, et d'être moins tributaire des
politiques, ça va de soi (euh). Donc ça c'est une
réalité.
En terme d'adhésion, on l'a en augmentation
très régulière, (euh) nos formations sont pleines, les
ateliers sont très bien suivis, c'est pas que vers nos adhérents,
sur le rhônalpin, y'a du suivi. Après, être stable
économiquement, embaucher de nouvelles personnes, encourager
l'innovation.
30
Pour l'instant, on est en pleine réflexion, on est
en âge de maturité, c'est pareil, on est en train de trouver les
outils pour passer la marche du dessus aussi. Après, je pourrais vous
dire plus d'adhérents, mais on veut surtout que nos adhérents
s'impliquent. On veut que les gens soient acteurs de leur devenir.
Je repense à un truc par rapport à Lyon, on
a des excellentes structures d'accompagnement d'entreprise sur Saint-Etienne,
et je suis en train de me dire que comme on est plus fragiles
économiquement, il faut que les gens soient mieux formés.
Finalement, il y a beaucoup d'outils qui ont été
développés par des assoc' type Talons Croisés qui font du
portage salarial ou des initiatives de la CCI. Finalement, c'est très
très créatif, enfin, c'est créatif d'un point de vue
économique et les formations sont de très bonne qualité.
J'étais surprise parce que sur Lyon, y'a des choses qui sont de moins
bonne qualité, parce que le contexte est plus cool autour.
C'est comme si nous, fallait qu'on fasse tout mieux
(rires), et la vie est plus dure. Donc ça c'est intéressant car
franchement je suis étonnée de l'engagement des chargés de
missions, des politiques enfin leurs salariés, qui développent
des outils assez étonnants. Ca aussi c'est pas valorisé (rires).
C'est extrêmement intéressant, les écarts de qualité
entre les différentes CCI, c'est assez énorme. Ce n'est pas super
objectif, mais dans le contexte, vous avez compris quelles sont les
nuances.
31
6 Entretien avec Nathalie Arnould, Design
Manager à Saint-Etienne
Métropole et à la
Cité du Design
En gros ce livre date de 2009, on venait juste de finir
La Platine et on devait expliquer pourquoi le Design à Saint-Etienne et
pourquoi La Cité du Design à Saint-Etienne. Dans ce livre, vous
avez pas mal d'information sur Saint-Etienne, on fait le lien historique entre
l'art et l'histoire, entre l'industrie et l'art, et l'activité
artistique en particulier, parce que en fait, vous le lirez dans le livre,
c'est important Saint-Etienne est une ville industrielle, de savoir-faire,
textile, vélo, mécanique, etc, et que la construction de
l'école des Beaux-Arts, et les besoins de cette école, qui
était municipale à l'époque, est venue à la demande
des industriels justement du textile notamment qui avaient besoin de
dessinateurs, qui avaient besoin de gens qui faisaient des esquisses, des
dessins, il y avait d'ailleurs une serre, où l'école était
avant 2009, où il y avait des végétaux, l'objectif
c'était d'avoir des gens qui savent dessiner, de la matière, de
la couleur, les végétaux, donc pour nous, c'est comme si
c'était le fondement même du design pour donner forme à un
objet, un produit ou concept. C'est presque l'histoire même du
design.
Donc ça veut dire que le lien art et industrie, il
existe depuis toujours. Le vélo, les armes, le textile,
évidemment avec la crise et puis le changement technologique fait que
maintenant on utilise d'autres matériaux et on va vers d'autres enjeux,
mais il y avait un côté art, artisanat et savoir-faire, un lieu
fort.
· La ville a finalement toujours du innover
?
Complètement, vous parliez un petit peu de l'image
de la ville et du territoire de la ville. Il faut voir comme s'est construit
Saint-Etienne, dans un axe Nord-Sud, avec le Crêt de Roc et notamment des
endroits où on faisait le textile à la maison, où les
maisons étaient avec des grandes fenêtres parce que les dames
travaillaient à l'intérieur de ces maisons, donc ça touche
la structure même de la ville. Et puis après il y avait le
quartier des manufacturiers, ceux qui faisaient les armes, notamment, puisqu'il
y avait des armes pas seulement à la
32
Manufacture d'Armes qui était le plus officiel,
d'Etat, mais il y avait aussi des petites manufactures d'armes, familiales,
dans des usines et c'était côté Fauriel par exemple. Il y a
pleins d'usines qui sont devenues des lofts finalement, ou des ateliers
d'architectes d'ailleurs, voilà donc c'est sûr que
l'activité industrielle a complètement construit la ville. Elle
s'est construit autour du Furan, le long du Furan, qui était le fleuve
fait pour la mécanique, pour les fours, et puis la Mine,
évidemment avec tout ça bien avant, donc nous on fait remonter
ça et on raconte tout ça dans ce livre, qui permet de dire aussi
que c'est quelque part l'ADN de la ville de Saint-Etienne, la
créativité, les petites entreprises, le lien entre les petites et
les grandes entreprises, le lien entre la culture, et les habitants et le
patrimoine, c'est un vrai écosystème de création, on titre
souvent le mot écosystème de création, ou
écosystème innovant.
On pense la ville comme ça quand on pense la
Cité du Design. La Cité du Design est venue là parce qu'en
1998 l'Ecole des Beaux-Arts, je suis issue de cette école, je suis
designer, et donc à l'époque, on avait un département Art,
Média et Design, dans les années 86, est arrivé le terme
de Design et de Département Design est assez récent en France, on
parlait de design déjà beaucoup aux Etats-Unis et dans les Pays
Anglo-Saxons, en formation, ça a existé mais il n'y avait pas
d'Ecole de Design, ou alors en 84 je crois il y avait à Paris Les
Ateliers, l'ENSI, qui est vraiment une Ecole de Design industriel. Mais le
département Design de ces écoles des Beaux-Arts c'est
officiellement mis en place en 86, pendant mes études.
Ca ne s'appelait pas Design, mais Environnement
(rires)... J'ai fait des études d'Environnement. C'est en fait comment
les artistes, l'activité créative peut améliorer le cadre
de vie des habitants, mais d'un point de vue presque paysager, architectural,
voilà, on était pas loin du design mais c'était pas
très clair, le design est venu pour vraiment rapprocher les choses vers
la notion d'usage : de quoi avons-nous besoin pour vivre ?
· Justement, en parlant de design, j'ai entendu
pleins de définitions... Oui, c'est difficile de
définir le design.
· J'ai l'impression que c'est assez
subjectif et qu'on a banalisé le mot, pour dire « c'est design
», pour un style moderne etc...
Oui, c'est ça, contemporain... Alors le design
pour nous, on fait presque référence à la notion
plutôt latine de la racine du mot design, qui serait plutôt le
« dessein » (rires), le projet. En fait c'est un outil de conception,
une méthode de conception, c'est un processus de conception, c'est
concevoir. Alors, après, effectivement, le dessein s'intéresse
plus
33
particulièrement pour nous, à Saint-Etienne,
à créer un univers, un objet, un service, pour la personne. C'est
pour le différencier un petit peu avec quelques concepteurs autres qui
existent qui sont les architectes, les urbanistes, ou les paysagistes,
voilà, mais on a la même formation générale qui est
l'idée de « concevoir pour ». L'architecte ça serait
« concevoir pour abriter », euh, tandis que nous on est plus proche
de l'usage de l'objet, du service, pour vivre tous les jours, manger
dormir...
· Mais un architecte ne peut pas être
qualifié de designer ?
Si, dans les pays anglo-saxons, on mélange tout.
Mais oui, pour moi, un designer, la partie intéressante du design, c'est
la partie conception, mise en projet. Voilà, après effectivement
quand on est designer, on fait de l'aménagement urbain, en
général on le fait pas seul, on le fait
généralement avec les urbanistes. Les architectes ont quand
même une discipline qui est très codifiée, qui est
définie, on fait une structure, mais le designer la dedans il est plus
proche des besoins de l'homme, du service.
· D'accord, en somme il y a une visée
fonctionnelle ?
Voilà, on est dans le fonctionnel. On fait quelque
chose pour une fonction, pour répondre à un besoin, pour proposer
de nouveaux usages, et puis évidemment on s'appuie sur des tas de
compétences que doit acquérir le designer, notamment une culture
générale, une culture un peu large aussi qui croise la
sociologie, qui croise la technologie, être au courant en fait d'à
peu près tout, sans être expert de tout. C'est important.
Après on se spécialise, y'a des designers qui sont ergonomes, ou
designers graphistes par exemple la couleur et la forme, la typo, etc.
Après on a des spécialisations mais c'est quand même au
départ une formation assez généraliste, c'est comment
donner forme à des idées, qui vont répondre à un
besoin.
· Un designer finalement, peut intervenir de
partout ?
Oui, c'est ce que je vais vous montrer. Il intervient
à tous les niveaux. Ce qu'on voit c'est la partie visible de l'iceberg
en fait, évidemment quand on voit une bouteille en plastique devant
nous, elle a forcément eu un travail de design, et on voit la forme
qu'elle a, c'est le résultat, ou la belle chaise qu'on voit dans les
catalogues. Mais derrière tout ça, y'a tout le processus, «
pourquoi cette chaise ? », « pourquoi cette forme ? », comment
ça répond à une demande d'industriel, c'est tout ce qu'il
y a derrière qui est vraiment intéressant. Un designer en fait
travaille avec un cahier des charges, très spécifique. Et
après, il peut répondre à toutes les
34
demandes. J'ai des designers qui font de
l'aménagement de l'espace, je vous mettrais le lien sur le site de la
Cité du Design, vous pouvez aller voir « Design Map », qui une
plateforme de designers de la région, Rhône-Alpes Auvergne, c'est
plusieurs choses, ça a été à un moment donné
un événement, qui nous servait à montrer qu'il y a des
designers qui sont sortis de l'école, qui sont installés sur le
territoire, qui ont des savoirs faires, qui ont déjà des
expériences avec des entreprises, des collectivités,
etc. et pour montrer leur
travail, à un moment donné on s'est dit qu'il fallait faire un
annuaire pour faire connaître ces designers : c'est la partie de
promotion de la Cité du Design, par exemple. Pour montrer toute la
richesse du territoire, en terme de prestation du design. Donc ca s'appelle
Design Map, dont le collectif Designers Plus est adhérent. Et on a
crée un réseau qui s'appelle le Co-Design et qui rassemble tous
les designers de la Région Rhône-Alpes.
Voilà donc si on revient juste à
l'historique et à Pourquoi le design à Saint-Etienne, l'Ecole des
Beaux-Arts, l'Art et l'Industrie, une école des Beaux-Arts qui prend le
pas du Design comme beaucoup d'autres écoles en France, mais à
Saint-Etienne, ça a une répercussion beaucoup plus forte, parce
qu'on a un tissu industriel proche, parce qu'on avait une municipalité
et un exécutif qui était à l'écoute d'une
perspective d'attractivité du territoire auxquels ils n'avaient pas
forcément pensé mais qui pouvait prendre sens, et donc,
là, on raconte cette histoire, donc Jacques Bonnaval qui était
directeur à cette époque de l'école des Beaux-Arts, Michel
Thiollière qui était le maire de l'époque, ont
échafaudé ensemble, on se disant que finalement que tous ces
étudiants que l'on avait dans cette école d'art et design,
comment on faisait pour capitaliser et sur cette formation, les garder sur le
territoire et faire connaître le métier, et la pratique de design.
Et donc l'Ecole des Beaux-Arts a été la première à
créer une revue Azimut de Recherche sur le design, un post
diplôme, une 6ème année d'étude qui
permettait de faire le lien entre ce qu'on apprend dans l'Ecole et le milieu
Industriel, à l'époque il n'y avait pas les notions de formation
par alternance, donc c'était un peu cette 6ème année qui
permettait de rencontrer des futurs prescripteurs designers. Pour ouvrir la
perspective de métier, pratique.
Et puis, en même temps, progressivement, il y a eu
l'idée de faire un événement international, tout de suite
qui est la Biennale Internationale du Design en 1998. Voilà, qui a
été un gros succès, très vite, au delà de ce
qu'on peut imaginer (rires). Et qui l'est toujours.
Et on arrive à la 10ème biennale
en 2017. C'est un événement qui arrive tous les deux ans, on est
un événement jeune dans ce milieu là. Des
événements entre le design, le savoir-faire entre
créateurs et entreprises, c'est plutôt des
événements d'ordre économique. Il y a à
Paris
35
par exemple le Salon du Meuble, qui est bien plus ancien,
et puis surtout à Milan, qui est le plus connu, le Salon du Meuble de
Milan. Mais voilà, c'est un secteur Meuble.
Nous, on a commencé par ce secteur là, car
c'était le secteur qui était une évidence pour tous les
designers, et puis très vite, dans le cadre de cette formation et
d'Azimut, on est allés à la rencontre des entreprises locales,
notamment qui c'était reconvertie en textile innovant, optique, enfin
avec l'aide de la CCI d'ailleurs, qui était partenaire, souvent. On
s'est rapprochés de l'industrie du territoire, pour ensemble,
échafauder un rapprochement, ça a pris du temps (rires),
ça a vraiment commencé dès la première Biennale en
98. Et même à partir des années 90 je dirais. On a
commencé vraiment de se rapprocher des entreprises.
· Pour revenir un peu à la
Cité, qu'est-ce qui selon vous a fait naitre cette Cité du Design
? C'est une politique ?
Oui c'est une politique, parce qu'il fait aller chercher
des moyens (rires), des leviers politiques. C'est raconté dans ce livre.
En 1998, on fait cette Biennale, elle a du succès tout de suite. On se
dit tout de suite qu'on repart sur une autre Biennale, on a eu un soutien
très fort de la part de la Ville de Saint-Etienne qui quand même
finance à cette époque-là, je pense 90% de
l'évènement. Donc oui ça a été un choix
politique très fort. Après Michel Thiollière, et le
travail des élus, c'est sans doute aller chercher des soutiens au niveau
de l'Etat, et au niveau du ministère de la culture, puisqu'on
dépend du Ministère de la Culture, en tant qu'école d'Art
et Design et non pas d'industrie, même avec le Design.
· Pour en revenir brièvement à
la Cité du Design, quelles sont ses missions principales
?
La Cité du Design, c'est un EPCC : Etablissement
Public de Coopération Culturelle, donc qui comprend dans la Cité
du Design on a un Directeur Générale de la Cité du Design,
et dans cette Institution, il y a
- Une école, la formation et un Directeur de
l'Ecole,
- Et ensuite on a toute l'entité Cité du
Design qui fait, on va commencer par l'entreprise : un pole relations avec les
entreprises, qui justement a pour objectif de faire la promotion des pratiques
du design auprès des entreprises, entreprises au sens large (entreprises
et designers). Ils aident aussi les designers à trouver des entreprises,
à se mettre en statut autoentrepreneurs ou en entreprises, à
développer leur activité et à la valoriser.
36
- Après on a le pole Recherche, là qui est
en fait, une démarche prospective sur le design, c'est important, le
design c'est toujours quelque chose qui fait qu'on produit pour le futur, et en
permanence en besoin de veille, de démarche de réflexion, sur
tous les sujets donc le département Recherche il travaille sur beaucoup
la notion sur les enjeux de société. Les questions
environnementaux, la pauvreté, les enjeux énergétiques par
exemple, le véhicule de demain, les nouvelles technologies, les data,
tous ces enjeux qui sont là, et dont on a besoin de comprendre, la
recherche permet d'associer une école d'art et design, une entreprise,
on est répond à des appels à projet européens dans
ce cadre là, on travaille avec des entreprises qui ont les moyens
d'avoir une recherche, notamment par exemple Philips, pour Orange, La Poste, on
en a fait pour les Grands Comptes. Et puis ça permet de faire
connaître et de rendre la Cité du Design extrêmement
importante à un niveau scientifique, voilà
- Et un autre pole, (rires) il y en a plusieurs, un pole
Territoire, donc moi je suis Design Manager au service des collectivités
de la Ville de Saint-Etienne Métropole. C'est à dire qu'en fait,
j'ai un poste comme un Design Manager dans une entreprise (Décathlon,
Orange), toutes les entreprises ont un design manager, mais qui sont les chefs
d'orchestre de l'innovation ou de la stratégie d'entreprise, en fait je
fais du Management de projet par le design, pour innover. Et avec des
designers. Je fais des cahiers des charges pour mettre du design dans la
commande publique par exemple. Et mettre du design dans l'espace urbain,
l'équipement public etc. Les maitres d'ouvrages, les commanditaires pour
ma mission c'est vraiment la collectivité et c'est pour le service
public, je ne travaille pas pour Casino quoi. Les piscines, les stades, les
écoles, l'espace urbain... On reviendra un peu dessus
après.
- Ensuite, on a un pole Relations Internationales qui est
très important, qui est mutualisé entre l'école et la
Cité du Design, parce que c'est très comment dire, la relation
internationale c'est à la fois pour les échanges pour les
étudiants entre écoles (Erasmus etc.), mais c'est aussi pour
nous, la Cité du Design, valoriser les actions, la Biennale
Internationale, créer des Programmes Européens, c'est Josyane
Franc. C'est elle qui notamment a déposé le dossier pour
être Ville Créative Design Unesco. Donc là, c'est le
dossier réduit, c'est un résumé pour expliquer, en fait
pour obtenir cette désignation qui n'est pas un label, c'est pas un
patrimoine, c'est le Réseau Unesco des Villes Créatives, elle en
sait plus sur ce Réseau et quelles sont les enjeux. Par contre c'est
vraiment valorisant pour une ville d'avoir la petite maison de l'Unesco
à côté de son nom, voilà. Parce qu'on sait que c'est
une valeur et il fallait
37
qu'on réponde à des critères,
notamment qu'on est un événementiel, qu'on est une école
d'Art et de Design, et qu'on mette en place une politique d'action et de
promotion d'intervention de designers. Tout ça, on l'avait
déjà, avec la Biennale, et c'est ce qui est expliqué
là.
Alors pourquoi on est rentrés dans ce
réseau ? On en a pris connaissance grâce à la Biennale
Internationale, le levier vraiment du changement de Saint-Etienne, c'est cet
événement fédérateur qui fait que y'a des gens qui
sont venus à Saint-Etienne, alors que la destination de venir à
Saint-Etienne, à part pour le foot, y'en avait pas, voilà, mais
ça par contre le foot ça marche (rires). On dit qu'on vient de
Saint-Etienne, c'est un très bon attracteur. Mais voilà c'est un
attracteur supplémentaire qui permet en plus de faire du
développement économique, développement des entreprises
créatives évidemment, voilà. Et donc là,
c'était vraiment l'occasion de mettre à plat, dans ce livre, et
puis juste après avec ce livre dans ce document, pour les villes
créatives Design Unesco, l'occasion de fédérer tous les
acteurs autour de cette démarche, politiques, des institutions qui sont
aussi régionales et notamment la Région Rhône Alpes qui a
été l'une des partenaire important dans le projet grâce
à sans doute l'action de nos politiques, et qui en fait en 2009-2010, a
créée pour nous un Grand Projet Rhônalpin, c'est à
dire pour la Région Rhône-Alpes, le grand projet rhônalpin,
c'était à l'échelle d'une région comme la
Région Rhône-Alpes, on peut aider et soutenir des attracteurs du
territoire, qui bénéficient par simplement à leur
territoire mais à la région. Par contre c'est
financièrement qu'ils aidaient, donc en gros ça a permis de
créer et financer la Cité du Design, aidée par l'Etat, le
Maire, la Région, les Institutions, le triptyque. Et tout ça
c'est fait, il faut constituer des programmes, des projets, il faut
écrire, faut dessiner quelque chose qui n'existe pas, être
innovant, je suis pas sure que de nos jours avec la crise actuelle, ce genre de
projet si on le présentait au Ministère de Culture, on aurait
autant de moyens débloqués... C'est pas sur que s'il fallait
refaire la Cité du Design maintenant... Donc en fait c'était une
bonne concordance de temps.
Les années 2000, on a réussi à faire
venir des Ministres, chaque année on accueille des ministres (premier
ministre, il y a eu le ministre de la culture, de l'industrie), chaque Biennale
il y a au moins 4 ou 5 ministres, ce qui fait que pour un
événement comme ça et quand on amène un ministre,
on voit des belles choses, on voit de l'énergie créative, c'est
une démarche complètement positive. Le levier, ça a
vraiment été la Biennale Internationale.
·
38
Et puis de ce que j'ai su par Gaëlle
Subileau, la Biennale apporte vraiment à la ville. La ville
vit...
Oui alors, ça c'est pas venu tout de suite
(rires), mais maintenant, tout le monde s'est approprié la Biennale, on
est à la prochaine édition de 2017, on travaille en partenariat
directement avec les villes qui sont voisines, de Saint-Chamond, Firminy, etc.,
ils viennent nous voir pour construire une Biennale, pour le faire à
l'échelle du territoire.
· L'idée c'est de la faire raisonner
?
Partout ! Même à Lyon, et à Clermont
maintenant car on est région Auvergne-Rhône-Alpes, et même
au Puy-en-Velay, puisque notre nouveau président de la Région,
c'est Laurent Wauquiez, il est au Puy, et la dernière fois il a
déjà participé à la Biennale en proposant un lieu
d'expérimentation pour une exposition. Donc c'est vrai que c'est devenu,
et c'est quand même à l'initiative de nous, au départ, mais
la Région Rhône-Alpes a été un très gros
soutien à partir de 2007 où le contrat a été
signé me semble-t-il. Ca a été un dispositif qui nous a
beaucoup aidé, qui nous a permis de développer la mission du
design, la mission du design c'est d'abord la sensibilisation à tous les
publics, du coup, on a cet événement Biennale tous les 2 ans,
mais on a aussi les lieux d'exposition à La Platine, que vous connaissez
sans doute, et on fait de la Médiation au Public, on travaille beaucoup
avec le milieu scolaire, avec le CDDP (Centre de Documentation
Pédagogique), pour former les enfants à la notion de conception,
de qualité de vie, avec pleins de thématiques...
· Ce sont des écoles de la région
?
Pour la Biennale, c'est toutes les écoles de
France, et après on est pole référence, le CDDP,
l'Education Nationale a créée des pôles thématiques,
je crois que Marseille c'est la danse, et nous, on est sur le Design : on est
les référents national pour la formation des enseignants sur la
question du design.
· Et un rôle important de la Cité
est de démocratiser le design ?
Oui, tout à fait : c'est quoi le design ? Pour qui
? Ca sert à quoi ? Le design c'est partout, c'est tout. C'est simple en
même temps, puis après on a pleins de démarches
participatives, on a des ateliers pour enfants, etc. Pour faire ce
côté sensibilisation, il y a tous les publics : c'est le grand
public enfant et public famille, mais c'est aussi le public professionnel, car
il y a des tas d'entreprise qui ne font pas appel au design, car ils ne savent
pas encore ce que
39
c'est, ils sont plutôt côté marketing,
communication, ou (euh), en fait ils l'ont intégré mais un petit
peu à la fin du processus pour faire une carrosserie un peu belle, alors
qu'ils pourraient s'en servir comme outil de stratégie en
fait...
· Avec la démarche design
?
Voilà. Oui. Donc on travaille beaucoup, ça
c'est ma collègue Isabelle, qui travaille la dessus. C'est une autre
façon de penser, le design pour nous, c'est vraiment associer les
usagers dans la conception d'un produit. Voilà. Le mettre au coeur. Se
mettre à la place de. Il y a une notion d'empathie, ça a
d'ailleurs été l'objet d'une Biennale. On a le designer, c'est
quelqu'un d'intuitif, de cultivé normalement (rires), il y a une part
d'intuition, évidemment créatif, et (euh) il y a cette part de
d'empathie. Se mettre à la place, à la fois du commanditaire,
c'est normal, parce que quelque part on a quand même un cahier des
charges, une mission qui nous est donnée, après, si on peut
l'aider à reformuler, à formuler, à repréciser son
idée, parce que parfois il a du mal à la définir. Le
design peut aussi aller un peu plus en amont pour formuler un peu la
proposition. Un exemple, (hum), on a travaillé avec Tigex y'a pas mal de
temps déjà, qui fait les biberons, tous les ustensiles pour la
maternité, et en fait ils sont un peu spécialistes dans le monde
entier, on les voit partout, on leur a proposé de faire un test avec
nous de ce qu'on a appelé les Laboratoires d'Usages et de Pratiques
Innovantes, en leur disant que peut-être on pourrait prendre du temps,
sortir de l'entreprise, et vous posez la question de quels sont les nouveaux
modes de vie, parce que (euh), on se dit que quand même, enfin, y'a des
tendances notamment dans les pays du Nord, où on utilise de moins en
moins d'ustensiles, et en plus il y a eu la phobie du bisphénol, qui a
fait qu'on a peur de donner du plastique à nos enfants. Ca a
été un effet direct sur les ventes. On s'est dit «
peut-être vous devraient penser à créer des objets, soit
s'orienter vers des services, remettre en question votre marché quoi
». Voilà. Et donc ils se sont prêtés au jeu, je ne
peux pas vous dire les livrables mais ça leur a fait du bien, parce que
du coup ils avaient oublié qu'effectivement, les biberons,
peut-être qu'il fallait, en changeant les couleurs et la forme, c'est pas
ce qui allait à un moment donné, du coup ils ont
développé beaucoup plus d'ustensiles autour du repas, par
exemple.
· Donc le design est là aussi pour faire
réfléchir.
Ben oui, sur le marché et sur les nouveaux modes
de vie, dans 5 ans, dans 10 ans, ça dépend des latitudes des
prospectives qu'on peut faire, mais voilà, faut toujours être un
peu, pour être innovant et sur un marché, une niche de
marché, être le premier. Et parfois les entreprises
40
n'ont pas le temps de sortir de ce processus de
production. Donc en fait, on leur propose un système qui est en fait
très court, c'est 3 rendez-vous, on a des designers, on les met dans des
situations où on les met prêt des usagers, ceux qui utilisent ou
pas leurs produits, parce que c'est toujours bien, en général, on
se pose pas forcément la question, même s'ils ont un service
après vente, mais c'est très mécanique ce genre de chose.
Quand les concepteurs, les ingénieurs et le directeur de l'entreprise va
directement voir une famille et que la famille est très écolo,
donc du coup, euh, le plastique, c'est fini. Ils en sont à mouliner les
légumes, j'en sais rien, je dis n'importe quoi mais ils ont
peut-être pensé à d'autres genres de choses.
Voilà. Je vais un peu trop loin dans le
détail mais c'est comme ça qu'on construit de nouveaux projets,
produits, systèmes et puis, on en était à l'autre (euh),
sensibilisation et production d'événement. Donc ça c'est
essentiellement les Biennales et les Expositions. Voilà. Et puis, le
dernier pole qui est aussi un Pole en mutualisation, c'est un pole de Services,
c'est la Communication, là on fait de la communication pour raconter ce
qu'on fait tous les jours, on fait des éditions, ces outils là,
par exemple là c'est un moment sur « Ville Créative, Design
Unesco ».
· Ces documents sont communiqués
à qui, où ?
Alors on le fait selon nos cibles. Pendant la Biennale
pour parler de Saint-Etienne en terme de design, on le fait quand on va
à l'étranger quand on va rencontrer d'autres villes
créatives, on fait des outils pour les entreprises pour les aider
à intégrer le design, je vous ferais voir des exemples. On le
fait, c'est très variable (rires).
· D'accord, et au niveau du grand public
?
Alors on a fait un City Guide, on fait des choses plus
simples au niveau du Grand Public. On fait en sorte que ça soit gratuit
(rires), on avait fait ça une année, malheureusement on ne l'a
jamais renouvelé, c'était un espèce de petit City Guide,
ça a été le premier, qui date de 2008 déjà,
et depuis, on en a fait, il n'y a pas eu de City Guide spécialement sur
la partie Design mais on en a fait un peu plus larges.
· Dans le City Guide justement, on ne parle
pas trop de la partie Démarche Design, c'était pas l'objectif
?
Non, c'était vraiment pour découvrir le
design dans la ville. De manière plus concrète, pour montrer
comment voir les choses de design. On a toujours l'idée que le design
(rires) c'est
41
quelque chose de beau, coloré, etc., donc, les gens
qui viennent dans une ville, ils s'imaginent voir une ville design, pour dire
le terme, et c'est un peu délicat, car finalement, une ville design,
ça n'existe enfin, elles sont toutes design. Sauf qu'il y a des designs
qui sont peut-être de mauvais gout (rires), tout simplement, ou, on a
fait plusieurs démarches dans le cadre notamment pour mettre du design
dans la ville, dans le cadre de mes missions. Par exemple, lors de la Biennale,
on met des objets dans l'espace public, qui ont été crées
par des entreprises et des designers, pour les tester, c'est des prototypes, et
puis, ça a une vocation pour être en fait, analyser, et, est-ce
que ça répond bien aux usages ? C'est vachement
intéressant, du coup, parce qu'on teste dans l'espace public, des
produits d'entreprise qui seront dans des catalogues après.
Voilà. Donc là on avait quelques exemples.
· Et là, ce sont des étudiants
qui ont fait ça ?
Alors, non, non. Ce sont des professionnels, des
entreprises, des designers qui sont déjà sortis de l'école
et qui proposent des prototypes, voilà. Sauf que toute entreprise, quand
elles font du design, avant de lancer un produit sur le marché, elles
font d'abord un prototype, c'est le processus du design. Pour voir si ça
correspond bien au cahier des charges et aux usages, auxquels on pense, «
est-ce que le bouton est mis au bon endroit, est-ce que c'est facilement
manipulable ? », et on passe par un prototype, c'est à dire par la
forme. En fait pour le design, y'a le design, y'a dessein, et le dessin. La
forme, on rend formelles les idées, et ensuite, on fait un prototype,
une maquette, ça dépend des termes qu'on peut utiliser. Et une
fois qu'on a fait cette maquette, on la met en teste, on l'essai, on la fait
tester par des usagers, on les met en situation, et ensuite, ça revient
dans l'ingénierie de l'entreprise, et on améliore. Après
on fait un autre prototype, on le re-teste, etc. Avant que ça passe en
production pour un marché, on peut avoir deux, huit ou dix prototypes,
ça dépend des objets, et oui ! Donc on se dit, l'espace public,
euh, et même l'espace public et la collectivité locale, surtout
avec ces périodes où on a des budgets qui sont restreints, on se
dit que plutôt d'acheter sur papier ou sur catalogue des objets qui
finalement on est pas sur de la qualité, on se dit de pourquoi pas
essayer de tester les produits des entreprises, et après
d'améliorer en fonction du marché qu'ils veulent atteindre. Donc
on a fait des démarches comme ça.
On a fait aussi des démarches très
participatives, ou dans un quartier, qui était dans un coin de rue,
où y'a beaucoup d'incivilité, des déchets permanents etc,
dans un quartier en reconversion, plutôt quartier populaire, on a mis des
designers en immersion, ça s'appelle une démarche design dans les
quartiers, euh, c'est à dire qu'on leur a demandé pendant
un
42
mois d'observer le quartier, d'aller à la rencontre
des habitants avec les méthodes qu'ils voulaient (donc soit ils
faisaient des enquêtes, soit ils prenaient des photos, soit ils faisaient
des dessins et discutaient avec les passants, voilà) et donc, les
designers qui ont fait ça, issus de l'Ecole, ils ont rencontré
beaucoup de personnes du quartier plutôt âgées, venaient du
milieu rural, de la Haute-Loire, etc., et en fait ils disaient que
c'était dommage, y'a un arbre là, c'est dégoutant,
personne y va parce que c'est salle. Et puis en même temps, elles ont
racontées leur passé rural, la montagne, le rocher, et tout
ça, et du coup, les designers ils sont venus en leur disant « si on
faisait descendre un gros rocher de la montagne dans votre parvis et qu'on
fasse venir le végétal, on fait ça en bois, ça a un
côté éphémère », on avait un budget
ridicule, voilà et puis faire quelque chose comme un petit objet de
poésie quoi, mais qui a aussi la fonction d'être un banc, c'est un
jeu pour les gamins, et ça, ça se fait en co-concevant, pour
faire le concept, on le faire avec l'échange des habitants. Avec la
créativité, avec les histoires. Par contre, le designer c'est lui
qui arrive, alors les dames du quartier, elles étaient super contentes,
le rocher est descendu du Pilat, c'était super. Et depuis cet espace,
y'a plus de déchets, bon il est un peu tagué, ça fait
déjà 3 ans qu'il est dans l'espace public.
Et puis par exemple, les premières
expériences design avec la Collectivité Saint-Etienne
Métropole, ce qu'on a fait, c'est donner une identité aux trams
de Saint-Etienne. Donc on a fait intervenir des designers qui ont fait une
identité graphique qui se décline maintenant sur tous les
supports de mobilité de Saint-Etienne, le tram, le bus, les arrêts
de trams, les vélos, etc. On a même fait dessiner un tram pour la
prochaine livraison de rames de trams, on est en train de travailler sur la
ligne 3 du tram, avec des designers ; on va très très loin dans
les designers comme création d'identité, d'une identité
stéphanoise.
· Comme création ?
On les utilise vraiment. Oui, j'ai fait une centaine
d'appels d'offres dans la commande publique où je demande la
présence de designers pour concevoir avec des designers, et qui sont, en
plus, les designers vont souvent chercher des entreprises qui sont pas
très loin. Ils commencent à connaître bien le territoire,
ils s'imprègnent du savoir-faire et de la culture. Donc quand on
reçoit les appels d'offre, on a souvent une qualité des offres
très intéressante, qui fait qu'en plus, ce sont souvent des
entreprises locales et des designers locaux. Pas à 100%, parce que les
appels d'offre, c'est ouvert, mais la qualité des offres, c'est
économiquement très intéressant. Ca développe
l'économie locale, le circuit court. Voilà.
43
C'est le but. C'est pour ça que ça change,
votre question était sur la reconstruction d'une identité
territoriale, voilà, c'est redonner les valeurs de savoir-faire
ancestral parce que l'histoire de la ville de Saint-Etienne s'est fait sur le
textile, le velours, la dentelle, il y avait les dentelières, la
mécanique, voilà, elle s'est fait sur le savoir-faire des
mains.
· C'est ce qu'on veut communiquer encore
aujourd'hui ?
On pense que c'est comme ça qu'une ville peut
être résiliente. C'est une ville qui se construit sur son
potentiel, ancien, et nouveau. Et on essaie de faire ce lien entre un
artisanat, un savoir-faire mécanique, technique et le design qui va vers
une projection, vers le futur. Voilà. Donc évidemment, on a mis
du design dans les hôtels, des démarches de rénovation
d'écoles participatives, des objets de la Biennale 2015, pour donner de
nouveaux usages à la ville et puis surtout, montrer que notre ville a
des objets qui correspond à l'image du territoire qu'on doit se faire,
un territoire créatif. On met beaucoup de moyens et d'énergie
pour ça.
· Justement dans les projets et ambitions
futures, c'est de continuer là dedans ?
Oui, la, le Maire, Gaël Perdriau, le met comme axe
structurant. Il a lancé une campagne de communication depuis qu'il est
ici qui s'appelle « Saint-Etienne change le Monde », en
réaction à l'article du Monde, justement c'est drôle quoi.
En fait c'était même pas prévu, mais il se trouve que le,
l'article du Monde est sorti, la campagne était déjà
prévue (rires). Et là on est à Milan, dans le cadre d'une
exposition, la ville des designers et de l'industrie créative, vraiment,
et comme ville invitée, on a titré que (euh), Saint-Etienne
changeait le design. Carrément. Parce que dans notre idée, le
design, c'est justement pas seulement pour faire beau. C'est pas simplement
pour faire des, comment dire, que de l'événementiel, c'est aussi
une façon de vivre, et de développer une économie et une
ville. C'est le design, comme justement vecteur de développement de la
ville. Voilà c'est dans cette idée. Le design est presque
à l'échelle du territoire. C'est pas le design qui reste dans
l'entreprise, voilà, on le revendique, on est les seuls, on y va, c'est
une très belle campagne, qui montre que depuis 1998 qu'on fait la
Biennale, on est en 2016, c'est très court pour une ville, ce genre de
reconversion, et on est leader, il doit y avoir une vingtaine de villes
créatives design dans le réseau Unesco, on est en France la seule
et en Europe, maintenant y'a Bilbao, Turin, y'avait que Graz et Berlin.
Après, y'a des villes chinoises, japonaises, Montréal...
Voilà on est à côté de grandes grandes villes, on
est une petite ville à côté de grandes villes et on est
pris comme exemple, on est l'une des villes les plus exemplaires de
démarche. Mon poste de Design Manager est pratiquement unique, en tout
cas, en Europe, Helsinki sont en train de mettre un
44
poste de ce type-là au sein de leur
métropole, Montréal a été les premiers en 2003, et
on un Bureau du Design intégré à la Collectivité.
Voilà. Mais nous, à Saint-Etienne, on a notre Design Manager et
le Pole Territoire (rires) pour mettre du design dans la ville.
Du coup du côté de Saint-Etienne
Métropole, maintenant ça va être une communauté
urbaine, il y a le développement durable, dont le transport,
l'innovation, la recherche, l'université, l'enseignement
supérieur, l'économie, l'attractivité du territoire,
l'aménagement urbain, voiries, euh, toutes ces compétences et
donc là, chaque fois que c'est possible dans les grands projets, je met
le design pour améliorer et faire un projet plus innovant. Donc
là par exemple, la ligne de tram 3, on travaille sur le diagnostic
urbain, des espaces, et on a demandé à ce qu'il y ai des
designers en phase de conception pour dessiner cette ligne et ces stations, et
y mettre des usages innovants, on est en train de travailler dessus. Le Stade
Geoffroy Guichard, qui est quand même l'emblème de Saint-Etienne,
on a mis du design dans l'aménagement et la rénovation, avec les
loges, etc. Euh, on a fait des études pour améliorer la collecte
sélective et essayer de trouver des systèmes pour que la collecte
sélective soit mieux faite, c'est pas facile et puis du
côté économique, avec les commerces, on a beaucoup
travaillé, on fait par exemple le Concours Commerce Design, où on
essaye de valoriser auprès des commerçants qui veulent
rénover leur espace de vente, d'intégrer un designer ou un
architecte d'intérieur, parce que c'est la plus-value d'un
professionnel. Dans le cadre des aides de la région, on a mis en place
ce qu'on appelle des chèques design, pour les commerçants qui
souhaitent avoir un diagnostic de designer, moi je les accompagnais, on les
aidait financièrement à aider les prestations des designers. En
fait, on a une multitude d'outils en fait (rires), c'est difficile de parler de
tout. Voilà.
· Pour vous, à Saint-Etienne, les
créateurs sont bien représentés ?
Les créatifs oui, les designers, oui. Alors
ça c'est intéressant comme question parce que c'est justement un
peu l'idée de notre directeur Jacques Bonnaval quand il a imaginé
la Biennale et puis Azimut. A un moment donné, on a une Ecole d'Art et
Design, donc il faut qu'en face on ai la capacité de les garder, de
développer leur activité. C'est sur que la Cité du Design
a été construit pour ça. Le fait est que beaucoup de
designers qui sont sortis de l'Ecole sont restés à Saint-Etienne.
On a à peu près 200 à 300 designers concepteurs
installés sur le territoire de métropole, ce qui est pas
mal.
Pourquoi en fait, parce que c'est pas cher : on a des
ateliers, des start-ups, le Mixeur, la pépinière d'entreprise,
qui donnent la chance avec un loyer très faible sur 3 ans, pour
mettre
45
en place son activité, d'un côté on a
l'offre résidentielle pour accueillir des logements pas chers, c'est une
ville étudiante quand même, et il y en aura encore plus avec le
nouveau campus universitaire ; on ne va pas concurrencer Montpellier mais pas
loin. En tout cas, Lyon c'est presque saturé, c'est très cher
pour des étudiants, on commence à avoir le côté
petite ville, pas spécialement belle, on va dire, elle a du charme, mais
le côté faible loyer est un attracteur pour l'instant. Maintenant
il faut pouvoir les garder et leur proposer une offre, donc pouvoir attirer
justement des entreprises, faire des recherches. On espère faire venir
des entreprises extérieures parce qu'à Saint-Etienne, il y a des
designers. Voilà, c'est ça. C'est sur que par rapport à
d'autres villes, je pense qu'il n'y a pas d'équivalent, mais on n'arrive
pas à avoir d'études claires dessus, c'est très
difficile.
Ici, y'a un bel écosystème, avec un
quartier en devenir, on a une page à écrire, et on le dit souvent
comme ça, c'est le tout début de l'histoire. C'est très
peu sur une histoire de ville, 10 ans (rires).
46
7 Entretien avec Philippe Moine, Designer
indépendant
· Présentation (ect.). Comme j'ai
déjà mené plusieurs entretiens, ça
m'intéressait
d'avoir le point de vue d'un designer qui exerce
sur la région. Ce qui m'intéresse c'est dans un premier temps,
votre activité, pourquoi vous êtes à Saint-Etienne et
quelles réalisations, quelles sont vos spécialités si vous
en avez et, en tant que designer et aussi si vous pouvez me parler aussi de
Designers Plus comme vous êtes co-fondateur, si aussi dans une
2ème partie vous pouviez me parler, comme Gaëlle m'a
déjà parlé de Designers Plus donc surtout de votre
position en tant que designer.
Alors, moi je suis installé ici depuis 96,
après avoir fait mes études et resté 8 ans à Paris,
je suis passé par l'école Boules où j'ai fait Arts
Déco, j'ai travaillé dans différentes agences, et je me
suis installé ici. Je suis originaire de Saint-Etienne et la
région Rhône-Alpes est une région industrielle, la
2ème en France après Paris, donc ça me semblait
une localisation intéressante pour exercer ce métier, car
même si on peut l'exercer n'importe où, c'est quand même
bien d'être à proximité des entreprises, donc voilà
le pourquoi je suis revenu ici. Euh... et donc, effectivement, on a
créé le collectif Designers Plus, juste avant la venue de la
Cité du Design, où elle était en construction. Le
collectif est un réseau de professionnels actif à
côté de la Cité, et donc depuis on existe toujours,
voilà un peu pour dresser le portrait.
Moi je travaille dans 2 secteurs d'activité : le
design produit et l'architecture d'intérieur. J'ai une double formation
de design industriel et d'architecte d'intérieur, sachant que le design
produit m'occupe à 80% du temps, donc je suis axé essentiellement
design produit avec de l'archi d'intérieur, sur un axe hôtellerie
et restauration.
Ce sont les axes où je démarche et qui me
plaisent le plus. Mes clients sont essentiellement régionaux,
situés en région Rhône-Alpes, euh, un petit peu sur Paris
et des expériences anecdotiques à l'étranger,
voilà, mais ce sont des « one shot » de manière assez
épisodique.
· Essentiellement sur le région
Rhône-Alpes donc. Et donc je vais passer à autre chose, j'ai
besoin de votre avis concernant le design. Comment définiriez-vous selon
vous le design ?
47
On va y passer la nuit là (rires). Comment je
définirais le design ? Le design est une activité transversale au
sein de l'entreprise, de l'industrie, euh, on sait qu'aujourd'hui encore plus,
en ces temps actuels, où l'économie ne fonctionne pas très
bien, le design est une manière de se différencier dans
l'entreprise. C'est vraiment un investissement que les boites font sur du long
terme. On a des exemples, enfin, le design est peu utilisé en
France.
· Ah oui ?
Oui bien sur. Il est peu utilisé en France
malheureusement à tord pour les entreprises. On a des exemples et quand
c'est utilisé, à différents stades et à
différents niveaux, c'est bien souvent du one shot, on fait du design
comme on fait de la cosmétique mais on sait que le design est
créateur de valeur, créateur de richesse, et les entreprises
ça ne savent pas l'utiliser. On a quelques exemples heureusement des
entreprises comme Décathlon, Apple, évidemment, où le
design fait partie du développement et de la stratégie
d'entreprise et ils nous font pas ça pour faire plaisir aux designers,
ils font ça pour avoir des clients et dégager de la marge, et on
sait que les entreprises comme Décathlon marchent très bien, mais
ils ont des centres de design, ils fabriquent des produits et travaillent avec
le service et les usages. Donc voilà. Et moi, jamais avec mes clients,
je parle de « beau », de « c'est joli », d' «
esthétique », car c'est pas le créneau d'entrée.
Evidemment, quand on fait ce métier là, on fait des choses qui
sont sympathiques parce que si on n'est pas sensible à la couleur, aux
formes, on ne fait pas ce métier là, c'est évident. Mais
là où le design est beaucoup plus fort et il apporte beaucoup
plus d'impact dans l'entreprise, c'est réfléchir à des
processus, réfléchir à des concepts, à comment,
c'est là où quand on a duÉ Le design fait partie de la
stratégie, on a des designers managers qui vont imaginer et se projeter
dans l'avenir et comment voir la société avec l'environnement
social, avec les évolutions sociétales, économiques,
aujourd'hui on a des manières de consommer qui sont complètement
différentes d'il y a seulement 5 ans et quel est le regard du design vis
à vis de ça. Et ça, quand on vend du produit,
évidemment qu'il faut le vendre, et le commercialiser, donc si le
designer il est pas au fait de ça, il n'a pas une réponse
à amener, il passe à moitié à côté de
la question quoi.
· Oui. On m'a beaucoup parlé de la
démarche design, de placer l'utilisateur au coeur du processus de
création pour vraiment le tourner usage ça.
Oui alors ça, on a l'impression que c'est à
la mode ça. Ca, c'est l'essence même du métier. Moi j'ai
appris à travailler comme ça, euh, quand je travaillais avec
Tallon, Tallon me disait
48
« va regarder les users, une chose seule de bonne,
c'est les users, vas voir les utilisateurs ». On n'appelait pas ça
du design thinking, aujourd'hui, on met du design thinking et usages à
toutes les sauces. Moi ça fait 25 ans que je pratique comme ça
quoi, parce que y'a pas d'autres moyens que quand on travaille sur une
problématique, d'aller voir comment les gens fonctionnent et de
recueillir leur avis. Voilà. On a l'impression de faire une grande
découverte mais pour moi, ça n'en n'est pas une (rires).
· Oui donc ça existe depuis toujours
quelque part ?
Oui, ça bien sur. Le design existe depuis 2000
ans, sauf qu'effectivement, on n'était pas dans des
sociétés de consommation comme maintenant, on avait pas autant
d'offres, donc c'est sur que c'était pas autant développé.
Et la nécessité n'était pas autant ressentie. Mais quand
Brome en Allemagne faisait des rasoirs, en tout cas
l'électroménager, ils avaient compris que, évidemment on
était très orienté esthétique, alors que maintenant
c'est une partie de notre activité, mais Brome avait très bien
compris qu'ils avaient embauchés un designer, ils avaient pris un
designer manager et c'est un moyen de faire des produits qui étaient...
Aujourd'hui, on va dire que ce sont des produits intelligents, avant des
produits bons avant d'être des produits beaux.
· Et juste par rapport à vos
expériences, selon vous, les entreprises de manière
générale, elles sont ouvertes au design, ou vous sentez que,
notamment dans la région Rhône-Alpes, est-ce que d'après
vous, le processus, l'ouverture à cette démarche est
enclenché ou est-ce que...
Non, euh, les entreprises à mon sens sont assez
frileuses. Là je reviens, j'ai travaillé un mois aux Etats-Unis,
alors et en plus à New York, donc une ville super dynamique, où
les gens vont de l'avant, et je suis rentré fin mars là. J'ai
pris une grosse claque en rentrant, car j'ai essayé de prospecter comme
je fais ou comme je devrais le faire régulièrement, enfin bref,
j'ai rencontré des entreprises françaises qui ne sont même
pas curieuses de ce qu'est le design, qui sont attentistes, qui sont
réticentes au changement, alors, ça, comment j'explique, il y a
plusieurs facteurs. Il y a d'une part le facteur économique, alors il
faut pas se leurer, malgré tout ce qu'on entend, on est dans une
période qui n'est pas florissante économiquement et on est aussi
dans un pays qui a une culture très traditionnelle et qui n'est pas
ouverte et sensibilisée au design, mise à pars effectivement il y
a quelques exemples comme ça, mais on va dire la PME classique en France
et en région RA si elle utilisait le design, ça se saurait quoi.
Je pense que mes confrères designers sont là pour dire
globalement la même chose.
49
C'est pas systématique et encore une fois cette
semaine, un client pour qui je travaille depuis 4 ans, qui est tourné
vers l'usager, c'est même pas 1 client, c'est 2 clients cette semaine,
que j'ai rappelé, dans une démarche commerciale et prospective,
ils sortaient tous les 2 des nouveaux produits, alors pas essentiel dans leurs
gammes, ils sortaient un produit qu'ils allaient mettre sur le marché et
ils m'ont dit « on avait pas pensé au design », alors que
c'est des gens pour qui je travaille depuis 4 ans, pour qui j'ai
développé plusieurs produits, pour qui j'ai fait du graphisme,
donc ça veut dire qu'ils n'ont pas le réflex, et que le design
n'est pas systématique. Alors, quand je constate ça avec des gens
qui me connaissent, ils sont sensibilisés à ce qu'ils ont
pratiqué de nombreuses fois, on a eu ensemble des très bons
résultats, et je dis, c'est pas encore, ça suffit pas encore. On
a quand même quelques longueurs de retard par rapport à des pays
comme l'Angleterre par exemple ou l'Allemagne également, ou les pays
nordiques également où la le design est dans le processus
industriel. Moi j'ai eu plusieurs fois la vision d'une prise dans le milieu
médical qui m'a dit « je ne sais pas comment intégrer le
design chez moi parce que le bureau d'études est réticent :
qu'est-ce que le designer va venir nos emmerder ». Donc elle a besoin de
d'abord sensibiliser le bureau d'études avant qu'il vienne parce que
travailler avec un designer c'est une source d'ennuis, voilà. Donc il y
a aussi toute une éducation à faire au niveau
technique...
· Au niveau technique vous dites
?
Au niveau des ingénieurs, du market', parce que la
France, on est un pays où les produits ont été
dessinés par des ingénieurs, et ça c'est encore
très présent. Après y'a le Marketing qui a pris un peu le
pouvoir sauf que maintenant le pouvoir est chez les designers, alors ça,
c'est un peu aussi la faute aux designers, qui n'ont pas su se défendre,
avec une connotation particulière, le sérieux avait du mal
à passer dans les entreprises. Mais aujourd'hui, on voit très
bien, c'est Décathlon, Seb, euh je suis passé chez Renault
également, le pouvoir il est chez les designers parce que le designers a
des outils que n'ont pas le market et la technique, et en fait, l'innovation ne
vient pas uniquement de la technique et du market mais vient aussi des
utilisateurs. Il vient aussi du design. Ca devrait bien souvent être la
technique au service du design et non pas l'inverse.
· Et donc d'après vous, il y a quand
même encore du chemin. Ah oui, bien sur qu'il y a du
chemin.
·
50
Et du coup c'est le rôle de Designers Plus
de sensibiliser les entreprises là dessus ? Alors
ça, les choses ont changé et évolué avec le temps.
Et ça, on est en pleine mutation parce que, je sais pas si vous
connaissez le contexte régional mais donc maintenant, il y avait le
co-design qui était une institution publique qui a répartit les
rôles entre les syndicats, la Cité du Design, Designers +,
où chacun avait bien sa mission. Maintenant, le design n'existe plus,
donc la mission du collectif qui était au départ d'amener du
business aux designers et de faire connaître le design, ça
ça avait été arrêté, et la mission du
collectif était de faire monter en compétences les designers et
de les accompagner dans leur développement. Depuis, là on est en
pleine mutation, les cartes sont rebattues, parce que, tout ça vient se
greffer avec un manque de subventions, le collectif existe uniquement parce
qu'il est subventionné par la Région, on sait que les subventions
vont diminuer, l'année prochaine on va en avoir beaucoup moins, donc
nous, on a dit « il faut qu'on puisse vivre », donc on est en train
de réfléchir à comment est-ce qu'on va pouvoir
intégrer l'industrie et puis entre guillemets, sauver notre peau et par
la même occasion celle du designer. Effectivement peut-être qu'on
va revenir à une sensibilité du design, mais ça c'est
aussi le rôle de la Cité du Design. On est en plein dialogue avec
la Cité du Design pour voir comment on aide, on est 2 entités
complètement différentes donc on est en train de voir comment on
peut intelligemment se répartir les rôles parce que globalement
c'est de faire avancer la machine et que les entreprises stéphanoises
s'intéressent plus aux designers.
· Mais du coup, pour vous, juste pour en
revenir un peu à mon sujet qui est quand même sur la ville de
Saint-Etienne, est-ce que pour vous, c'est naturel que le design soit venu
à Saint-Etienne ? Saint-Etienne ville design Unesco, est-ce naturel pour
vous ?
Oui c'est naturel pour plusieurs raisons, on a le
passé qui plaide en notre faveur. On a ben une entreprise historique
Manufrance qui fabriquait des armes, des cycles, des tissus, des machines
à coudre, des produits de toutes sortes, alors évidemment il y
avait pas de designers, y'avait des ingénieurs, mais c'était les
prémices du design, les ingénieurs faisaient du design par
défaut, même s'ils étaient pas formés pour, y'avait
forcément des gens qui dessinaient. Donc on avait du design de
manière sous-jacente et on a eu de l'art et d'industrie et de l'art
moderne, donc tout ça c'est assez cohérent et quand Michel
Thiollière a axé l'identité d'une ville sur le design, il
s'est pas trompé, parce que c'est complètement juste quoi. Donc
tout ça, c'est effectivement totalement justifié ouais.
51
Donc ouais, le design est très logique à
Saint-Etienne. Et même, le design n'existera que si, parce que c'est bien
beau d'en parler, n'existe que quand on le pratique. Si on le pratique pas, il
n'existe pas, on a beau faire des grandes théories, avoir des
écoles, si les entreprises ne s'en servent pas, le design n'existe
pas.
· Mais à Saint-Etienne, d'après
vous, il est bien réel, il est bien concret le design ?
Il est concret oui, le fait qu'il y est une Cité
du Design, il est concret. On a un designer manager nous a Saint-Etienne qui
oblige les entreprises, notamment sur des programmes publics, donc c'est
à dire, la construction d'établissements publics, qui obligent
les architectes à utiliser le design. Hier encore, un confrère me
disait « c'est parce qu'on les oblige ». Ils sont obligés.
Dans une ville qui a le statut de ville Unesco, on ne peut pas faire sans, mais
ça, c'est une obligation de passer par le design, donc effectivement il
est présent, mais comme je disais, il est présent parce qu'il
faut qu'il se pratique. On a quand même des entreprises qui, c'est pas
systématique quoi, mais un de mes anciens clients qui a utilisé
le design, qui a investi dans le design, donc ça c'était une
politique de la direction qui avait compris, aujourd'hui, la direction a
changé, maintenant ce sont des ingénieurs et ils ne font plus de
design. Vous allez dire que j'ai une dent contre les ingénieurs, pas du
tout, c'est simplement des constats qui sont récurrents, et on le voit
parce que c'est leur formation que c'est comme ça. C'est à
moitié de leur faute car leur formation fait qu'ils n'ont pas
été sensibilisés à ça. On ne peut pas leur
en vouloir.
· Et juste, pour Saint-Etienne,
d'après vous, il y a quand même d'unique, est-ce qu'il y a une
sorte d'une marque de fabrique du design à Saint-Etienne
?
Euh, alors il y a deux manières de voir les choses
:
- Si on les voit on va dire avec un certain
angélisme et chauvinisme, on peut dire oui, il y a quelque chose
d'unique.
- Mais si on est réaliste, bon moi j'ai pas la
prétention de voyager beaucoup mais je reviens des Etats-Unis, je vais
régulièrement en Italie, on est pas uniques, faut arrêter
de penser que les autres ne le sont pas, justement, l'Angleterre, l'Italie, ce
sont des gens qui pratiques beaucoup plus le design que les
français.
Après effectivement à Saint-Etienne, il y a
la Cité du Design, il y a une école de Design mais bon, on va
à Paris, y'a un lieu qui s'appelle le Lieu du Design, y'a les meilleures
écoles de design à Paris, euh voilà, la plupart des
designers sont à Paris, donc c'est très bien, on va pas se
plaindre, c'est super d'être designer et d'être à
Saint-Etienne, c'est mieux que d'être
52
n'importe où en France, mise à part Paris,
mais vous allez à Milan, vous avez une manifestation La Biennale du
Design qui a je ne sais combien d'années d'ancienneté et qui est
mondialement connue, et il y a des grands designers, voilà, donc on est
pas les seuls, on a notre épingle du jeu dans la profession aussi et
c'est très bien.
· Oui alors c'est vrai que j'ai entendu
beaucoup de discours comme quoi Saint-Etienne avait vraiment une place pour les
designers et démocratisait vraiment le design...
Ouais, mais pas plus qu'à Paris, qu'à Milan
et qu'à Berlin, voilà. Je connais New Castle aussi, pas plus
qu'à New Castle non plus. Donc voilà, on n'est pas les seuls. On
fait partie d'une région qui se veut plus dynamique, donc la ville a
axé la communication là-dessus, okay, mais on est pas les seuls.
Le commerce design, on l'a pompé sur Montréal.
· Oui, après Montréal est dans
le réseau Unesco et c'est quand même une ville plus
grande...
Oui oui c'est pour ça que c'est bien à
l'échelle française, après on est dans une époque
où on résonne de manière plus élargie que son
pays.
· Et la biennale internationale du design,
qu'est-ce que vous en pensez (rires) ?
Qu'est-ce que j'en pense ? Bah c'est bien qu'il y est une
manifestation comme celle-là. Elle est montée en puissance au fur
et à mesure des années, euh, après, je sais pas si la
dernière édition, j'ai l'impression qu'on reste un petit peu sur
notre faim, l'expo diminue de plus en plus, c'est un petit peu, par rapport
à Milan où c'est très fort, j'ai l'impression qu'on a
perdu un peu un souffle, il faudrait un nouveau souffle pour dynamiser. Ceci
dit, c'est très bien pour la ville car c'est un événement
majeur, en France, mais après il faut savoir se réinventer
à chaque fois, je sais que c'est pas facile, et chaque fois faut faire
mieux que l'année d'avant. Mais c'est bien pour la ville et les
designers parce qu'on en entend parler un petit peu, ça dépasse
un peu les frontières de Saint-Etienne, on a des journalistes parisiens
qui viennent à Saint-Etienne donc c'est bien pour l'image de la ville,
et puis on est tellement considérés comme une ville,
Saint-Etienne n'a pas forcément une image de ville sympathique et donc
ça amène, le design étant une activité à la
mode, malheureusement, ça donne un côté plus brillant,
voilà.
·
53
Par rapport aux autres villes que vous avez vues,
vous avez voyagé, qu'est-ce que Saint-Etienne pourrait justement,
quelles seraient les inspirations et des pistes pour l'avenir de la ville
d'après vous ?
Ca c'est une réflexion là, comme ça,
c'est difficile de répondre. Il y a des gens qui
réfléchissent sur ce sujet-là, je sais qu'il y a eu des
réunions, cette semaine j'étais sur le développement
économique de Saint-Etienne et à l'assemblée
générale du développement économique de
Saint-Etienne et après voilà, faut se mettre autour d'une table
et réfléchir. Donc là, c'est une politique globale avec la
difficulté qu'il y ai des politiciens qui peuvent changer aujourd'hui,
à chaque mandat tous les 5 ans.
· Oui bien sûr. Mais ma question
était tournée vers la ville de design, c'est à dire, j'ai
eu justement des avis comme quoi le potentiel d'avenir de Saint-Etienne,
c'était la slow city, c'était la ville où il fait bon
vivre, on m'a aussi parlé
Excusez-moi. Comme retour, ou c'est un souhait ?
· Non, comme pistes de
développement...
Ah oui bien sur (rires), ouais. Je pense que y'a beaucoup
de villes en France qui seraient qualifiées en France de villes
où il fait bon vivre, où c'est sympa...
· Oui je veux dire comparé à
Lyon par exemple, l'été il fait chaud et c'est assez
pollué Ouais enfin après l'image de la ville,
en étant objectif, l'image de Lyon est mieux que celle de Saint-Etienne.
Vous allez à l'extérieur.
· Oui bien sur, l'image doit changer. Du coup
auriez-vous quelque chose à ajouter ? Non,
n'hésitez pas à me contacter si vous avez d'autres questions. Je
pourrais y répondre, y'a pas de soucis.
Excursionniste : Visiteur dont le séjour ne comporte
aucune nuitée dans un hébergement terrestre
54
8 Etude réalisée sur les
retombées économiques de
la Biennale Internationale Design
2015
Données issues de l'enquête menée
auprès des 941 visiteurs de la Biennale Internationale du Design et ses
comptages billetteries dans les sites IN (12 mars - 12 avril 2015, Cabinet
PROTOURISME)
FRÉQUENTATION
208 000 VISITEURS sur 33 jours (du 12 mars au 12
avril)
PROFIL DES VISITEURS
> 2/3 des visiteurs âgés de 25 à
50 ans
> 1/3 des visiteurs sont revenus à
plusieurs reprises et effectué en moyenne 3 visites
> 2/3 des touristes ont profité de leur venue
à Saint-Etienne pour pratiquer d'autres activités (principalement
visites des musées de la Ville
> La Biennale Internationale du design dispose d'une
forte attractivité et joue le rôle de déclencheur pour
venir à Saint-Etienne.
|
|
RETOMBÉES ÉCONOMIQUES
55
3,3 millions d'€ de chiffres d'affaires pour les
entreprises de l'Agglomération
A qui profitent ces retombées ?
> 22 500 nuitées (2 nuits en moyenne par
touriste)
> 96% des visiteurs ont choisi de séjourner
sur le territoire de Saint-
Etienne Métropole
> 65 emplois créés ou
maintenus
> 86 visiteurs ont réalisé au moins
1 dépense dans l'agglomération
|
|
PERCEPTION DES VISITEURS
· Les bénéfices en termes d'image
sont indéniables.
· L'image d'une ville austère, triste,
liées à son passé industriel, s'efface au profit de celle
d'une ville dynamique, modernisée, associée à la culture
et au design
56
> La Biennale est un succès en terme d'images,
tant pour l'événement que pour la Ville. Alors que la
moitié des « primo-visiteurs » avaient une image
négative de la Ville avant de venir, près des 3/4 d'entre eux en
ont une image positive après avoir visité la
Biennale.
> La Biennale est donc un vecteur
d'attractivité et de fidélisation des visiteurs.
|
|
57
RETOMBÉES PRESSE
> En 2015, les parutions ont
généré près de 5,5 millions d'€
d'équivalent publicitaire, soit une augmentation de 59% par rapport
à 2013.
10 Réseau Les villes
créatives Le l'Unesco
58
Capture d'écran du site
http://fr.unesco.org/creative-cities/content/creative-cities
le 2016-02-21
59
11 Campagne de communication «
Saint-Etienne
change Ce monde avec design »
60
12 Saint-Etienne Design City Guide
2 | SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE SAINT-ÉTIENNE
DESIGN CITY GUIDE | 3
61
Design dans l'architecture
14 rue Paul et Pierre Guichard
42000 Saint-Étienne
Conception :
Chaix & Morel et Associés, Les Charrons, Atelier
Ruelle, L'Atelier
Tourette & Goux , L. Bertoni et S. Philibert
8 Stade Geoffroy-Guichard Inauguré en
1931, Geoffroy-Guichard s'inscrit dans la mémoire collective nationale
et au-delà. Sa rénovation complète respecte cette
identité et l'ambiance mythique du «Chaudron ». Elle s'appuie
sur un concept architectural qui en renforce l'effet tout en unifiant la forme
existante, avec une «peau » de métal ajouré.
Véritable vitrine
du savoir-faire stéphanois, le design des abords, des
espaces réceptifs, le vestiaire, le mobilier et la signalétique
ont été dessinés en grande partie sur mesure. Le stade qui
recevra l'UEFA EURO 2016 abrite en son sein le Musée des Verts, premier
musée français consacré au football.
9 Le Fil
Lieu de découverte artistique, le Fil reçoit des
artistes émergents de renommée nationale voire internationale.
Son architecture est un clin d'oeil à l'identité
stéphanoise utilisant une parure métallique extérieure
évoquant un métier à tisser ou les cordes d'un instrument
de musique. La façade bar-club rappelle la rubanerie. Sa toiture
végétalisée s'inscrit dans une démarche
environnementale et d'isolation acoustique optimale.
20 boulevard Thiers
42000 Saint-Étienne Conception : XXL Atelier Philippe
Delers & Associés
10 Zénith
Implanté sur des anciennes friches industrielles, le
Zénith de Saint-Étienne reflète la volonté
d'innovation et de création du territoire. Sa silhouette
aérodynamique, son design épuré et son caractère
hautement écologique font de ce bâtiment un édifice
sophistiqué et inventif.
Rue Scheurer Kestner 42000 Saint-Étienne Conception :
Sir Norman Foster
11 Habitats jeunes Clairvivre En
continuité avec l'oeuvre de l'architecte André Wogenscky,
l'association Habitats jeunes Clairvivre (qui offre aux jeunes un
hébergement transitoire et favorise leur parcours vers l'autonomie) a
initié depuis 2010 un projet intitulé Habitats jeunes et
design. L'association a souhaité que la conception du lieu se
construise de manière partagée entre résidents,
personnels, designers et architectes.
69 rue Jean Parot
42100 Saint-Étienne
Conception :
J. de Sousa, P. de Glo de Besses, F. Gibilaro, Association
Habitats Jeunes Clairvivre, Cité du design
12 Mille Club
Annexe de la maison de quartier du Crêt de Roc, ce projet
fait partie d'un ensemble de réaménagements urbains
programmés sur le quartier. Le bâtiment, par son implantation,
fait le lien entre la plateforme piétonne perpendiculaire à la
montée Pointe Appell et le futur parcours ceinturant le
cimetière. Sa façade en béton teinté dans la masse,
de couleur rouge-ocre, compose avec la couleur de la tuile un monolithe
chromatique qui se repère dans le quartier.
36 rue de l'éternité 42000 Saint-Étienne
Conception :
Agence A-MAS (ex YES)
62
10 | SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE SAINT-ÉTIENNE
DESIGN CITY GUIDE | 11
Design dans l'espace urbain
16 Mise en lumière des Arcades
Dans le cadre du projet de rénovation de l'hôtel de
ville, la mise en lumière des plafonds ouvre le regard sur les arcades.
Le soulignement des pilastres révèle l'histoire de l'architecture
et l'attractivité de ce passage commerçant très
fréquenté. La lumière joue un rôle dynamique et
artistique, des projecteurs gobo projettent sur deux murs des créations
graphiques évènementielles.
Hôtel de ville 42000 Saint-Étienne Conception :
Studio By Night, Spie Sud-Est Axente
17 Place Chavanelle Véritable
écrin de plusieurs oeuvres d'art contemporaines comme « l'R du
large» de Gyslain Bertholon et Maxime Bourgeaux, «Les colosses»
de Yannick Vey, le « Pouet » de Remi Jacquier, « Pas à
pas » de Chantal Dugave, le cadre de Loëtitia Cornélie.
Place Chavanelle 42000 Saint-Étienne Conception :
C. Bové
18 Engrainage
Telle une constellation suspendue, une multitude de
sphères colorées illumine une rue centrale de la ville, et
révèle son volume particulier. L'installation qui renvoie
à une floraison comporte des interrupteurs que le passant peut actionner
s'il le désire. Il peut ainsi, à sa guise, choisir
d'éclairer ou d'éteindre un espace partagé, une
mémoire collective, et de faire apparaître ou disparaître ce
mystérieux « grenier » selon son humeur.
Rue Georges Teissier 42000 Saint-Étienne Conception :
L. Belala
19 Passerelle du Crêt de Roc
Un parcours design se dessine en se promenant depuis le
centre-ville à la colline du Crêt de Roc. On peut souligner la
placette Paul Appell et la passerelle située
au nord du collège Fauriel. Sur l'esplanade du Crêt
de Roc, située à proximité de l'entrée du
cimetière Saint-Claude, un traitement des espaces publics
complète le projet de renouvellement urbain du quartier.
32 rue Rouget de Lisle 42000 Saint-Étienne Conception :
Bureau d'étude maîtrise d'ouvrage Ville de Saint
Étienne
20 Parvis de la Gare Châteaucreux
Lieu de passage et d'entrée de ville, le parvis de la gare
accueille de nombreux projets urbains. D'abord les sièges tabourets
Tempo qui, comme une forêt de clous, invitent à se reposer. Mais
aussi les Chevaux bleus en résine polyester qui sont comme recouverts
d'une peau lisse et tendue. Enfin, l'Arbre multicolore qui se dresse
fièrement à la lumière du ciel.
2 esplanade de France 42000 Saint-Étienne
Conception :
F. Bauchet, A. Smati, P. Million
21 Gimme shelter
Suite à un appel à projet, l'artiste Nathalie
Talec a élaboré selon les principes sensibles du Modulor de Le
Corbusier, cet objet refuge. Une manière d'habiter qui propose de jour
comme de nuit, une perception troublante du temps et de l'espace. La
lumière matérialise un mobilier et donne un sens corporel
à l'architecture.
Place d'armes, site Manufacture 42000 Saint-Étienne
Conception : MMXI architectures
Atelier du Néon, M. Delarasse N. Talec
14 | SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE SAINT-ÉTIENNE
DESIGN CITY GUIDE | 15
63
64
· Cadeau Maestro
3 rue Michelet
09 83 69 26 68
· Home Sweet Home
16 rue Pierre Bérard
04 77 46 49 75
· Ô Design
6 avenue de la Libération
04 77 38 42 90
· Ange & Lux
21 rue Étienne Mimard
04 77 37 48 84
· La Belle Histoire
37 rue Gambetta
04 77 37 92 67
n Coursol
25 rue Michelet
04 77 33 24 02
· Epoc Epic
11 rue Pierre Berard
04 77 32 34 01
· Kartell
31 place Chavanelle
04 77 25 84 39
· J'ai Deux Amours
12 rue Sainte-Catherine
04 77 21 00 57
· Le Vieux Colombier
41 rue Gambetta
04 77 32 05 64
· Ma Boutîc
2 rue de la condition
04 77 21 81 76
· Cinna
12 rue de la République
04 77 32 20 09
· L'Éclisse
35 rue Gambetta
04 77 41 58 05
· Ligne Roset
6 rue de la République
04 77 25 65 93
· Bulthaup
3 rue de la République
04 77 32 92 07
· Côté design
10 rue Michel Rondet
04 77 25 65 93
· Bang Olufsen
9 rue de la République
04 77 32 39 26
· Comptoir d'Influences
8 rue Louis Braille
04 77 30 65 49
· Une autre Maison
4 rue Traversière
04 77 32 89 77
26 |
|
SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE
|
Shopping design
Petits ou grands, vintage ou insolites, branchés ou
décalés, les objets et les idées cadeaux des nombreuses
boutiques spécialistes du design à Saint-Étienne
étancheront les envies de design les plus variées quel que soit
le budget.
La présente liste est une sélection de
partenaires non exhaustive.
LÉGENDE
Design dans l'architecture Design dans l'espace urbain Design
dans les musées Design hors Saint-Étienne Commerces design
Shopping design
SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE | 27
Parc
Place
Rue piétonne Voie du tram
Tram
Vers
LE PUY
Firminy
Vers
ROANNE CLERMOND-FD
27
Andrézieux Bouthéon
Unieux
28
D8
A72
D500
N88 D1028
D201
La Ricamarie
Saint-Héand
Saint-Étienne
D1498
Sorbiers
30
Saint-Christo en-Jarez
N88
29
N88
St-Chamond
Vers
LYON
65
66
26
39
O E
Puits Couriot
N
S
25
2
22
Gare de Carnot
21
23
Place Sadi Carnot
61
49
18
Place Jean-Jaurès
87
50
80
82
24
6
63
65
13
14
16 15
53
5
7 9
31
Place de l'Hôtel de Ville
59
19
Place du Peuple
Place Albert Thomas
48
62
43
47
55
Place Dorian
69
70
35
89
51 67
56
86
72
84
76
12
81
41
85
Place Anatole France
77 79
60
88
74
32
42
52 54
40
8
38
33
83
78 73
44
90
Rue Desjoy
46
Cimetière du Crêt de Roc
Parc
François Mitterrand
Place Chavanelle
10
1
57
3
36
Place Fourneyron
34
75
e
4
Jardin des Plantes
37 64
71 45
58
66
Gare de Châteaucreux
20
11
68
|
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