WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le design comme moyen de reconstruction d'une identité territoriale: cas de la ville de Saint-Etienne.


par Inès Marandon
Kedge Business School - Master Ecole Supérieur de Commerce 2016
  

Disponible en mode multipage

Master 2 ESC Kedge Business School Année 2015/2016

LE DESIGN COMME MOYEN
DE (RE)CONSTRUCTION D'UNE IDENTITE
TERRITORIALE
CAS DE LA VILLE DE SAINT-ETIENNE

Mémoire de fin dtudes présenté par Inès Marandon

Maitre de mémoire : Anne Gombault

Remerciements

Avant d'entrer dans le vif du sujet de mon mémoire, je tiens à remercier les nombreuses personnes qui ont joué un rôle important dans l'élaboration de ce mémoire de recherche.

Tout d'abord, je remercie celles qui m'ont accordé du temps en participant à des entretiens et

en répondant à mes questions :

+ Philippe MOINE, Designer indépendant

+ Nathalie ARNOULD, Design Manager à Saint-Etienne Métropole ainsi qu'à la Cité du

Design de Saint-Etienne

+ Gaëlle SUBILEAU, Chargée de mission, Designers Plus

+ Stéphane DEVRIEUX, Directeur de l'Office du Tourisme de Saint-Etienne

+ Bernard LAROCHE, Consultant en « design pour tous »

+ Ivan BONIN, Designer diplômé de Kedge Design School

+ Anja CLERC, Designer sur la région de Saint-Etienne

+ Charlotte DELOMIER, Designer sur la région de Saint-Etienne

+ Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS, Fondateurs de l'agence Kaksi Design

Enfin, je remercie toute l'équipe de mon master à KEDGE BUSINESS SCHOOL du campus de Bordeaux, ma directrice de mémoire Anne GOMBAULT ainsi que Claire GRELLIER pour ses conseils relatifs à la réalisation de ce document.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

RESEARCH DESIGN 3

Première partie 3

1.1 Intérêt du sujet 3

1.1.1 Point de vue personnel 3

1.1.2 Point de vue professionnel 4

1.2 Définition des termes du sujet 5

1.2.1 Mots clés du sujet 5

1.2.2 Limites choisies du sujet 7

1.3 Problématique et sous-questions de recherche 8

Deuxième partie 9

1.4 Cadre théorique 9

1.5 Cadre méthodologique 10

REVUE DE LITTERATURE 11

1 Le design, un moyen de renouvellement urbain 11

1.1 Tentative de définition du design 11

1.2 Un intérêt grandissant pour le design depuis les années 1980 17

1.3 Le renouvellement urbain par les communautés créatives 21

1.3.1 Les créateurs, un moteur essentiel des mutations urbaines ? 21

1.3.2 Le réseau Unesco des villes créatives de design 25

1.3.2.1 Montréal 28

1.3.2.2 Berlin 31

2 Saint-Etienne, un territoire en reconversion 33

2.1 Une ville créative depuis toujours 33

2.1.1 L'âge d'or industriel 33

2.1.2 L'héritage industriel comme source de patrimonialisation et de muséification 36

2.1.2.1 Le Musée d'Art et d'Industrie 36

2.1.2.2 Le Musée d'Art Moderne et Contemporain 37

2.1.2.3 Le Puits Couriot en parc-musée 38

2.2 Une politique de renouvellement urbain tournée vers le design 39

2.3 Naissance de la Cité du Design 42

3 Le design comme nouvelle identité territoriale 45

3.1 Moteurs du développement urbain par le design 45

3.1.1 Une véritable stratégie de positionnement 45

3.1.2 Une alternative à la crise économique 48

3.1.3 Le design pour améliorer la vie des gens 51

3.2 Freins au développement de cette identité territoriale 53

3.2.1 L'image négative de la ville 53

3.2.2 La proximité avec la ville de Lyon 54

3.3 Le design à Saint-Etienne: quelles retombées ? 56

3.3.1 La Biennale Internationale du Design, un succès encourageant pour la ville 56

3.3.2 Un design participatif ancré à Saint-Etienne 58

3.3.3 Valorisation de la « démarche design » dans le secteur privé 59

Conclusion de la revue de littérature 60

RECHERCHE EMPIRIQUE 62

1 Méthodologie 62

2 Résultats de l'enquête 64

2.1 Le design... encore perçu comme élitiste ? 64

2.2 Discussions autour de cette décision politique orientée vers le design 67

2.3 Les problématiques de cette reconversion territoriale 72

ANALYSE DES DONNEES 75

CONCLUSION 79

BIBLIOGRAPHIE 83

ANNEXES

1 Guide d'entretien semi-directif 1

2 Entretien avec Stéphane DEVRIEUX, Directeur de l'Office du Tourisme de Saint-

Etienne 2

3 Témoignage de Bernard Laroche, consultant en « design pour tous » 10

4 Témoignage de Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS, Designers et fondateurs

de l'agence Kaksi Design 13

5 Entretien avec Gaëlle Subileau, Chargée de mission chez Designers Plus 15

6 Entretien avec Nathalie Arnould, Design Manager à Saint-Etienne Métropole et

à la Cité du Design 31

7 Entretien avec Philippe Moine, Designer indépendant 46

8 Etude réalisée sur les retombées économiques de la Biennale Internationale

Design 2015 54

10 Réseau des villes créatives de l'Unesco 58

11 Campagne de communication « Saint-Etienne change le monde avec design » 59

12 Saint-Etienne Design City Guide 60

1

INTRODUCTION

« Le design, c'est un état d'esprit avant tout. Le design est fait pour remettre en question, casser les codes, sensibiliser quelquefois, proposer de nouvelles logiques ». C'est donc par une définition plurielle que Matali Crasset, célèbre designer française, décrit le design lorsqu'on l'interroge.

Qu'existe-t-il de mieux que le design pour rendre accessible cette vision de la vie alliant l'utile à l'agréable ? Souvent méconnu et incompréhensible de la part des non-initiés, il fait pourtant partie de notre quotidien, à travers la machine à café, l'automobile, etc. C'est donc tout naturellement que les politiques se sont intéressés à ce concept pour reconstruire l'identité de leur ville et améliorer la qualité de vie des habitants. Par conséquent, l'urbanisme s'est ancré dans cette vision à tel point que certaines villes se sont même focalisées sur cet objet d'étude menant à des distinctions. Quels sont ces lieux qui tendent à rompre les codes grâce au design ? Pourquoi inscrivent-ils dans leur politique une volonté de l'utiliser pour se développer ? Qu'est-ce qu'une ville de design selon l'Unesco ? Nous pouvons formuler l'hypothèse que la régénération urbaine par le design est une véritable source de développement. Mais quels en sont les moyens ? Est-ce que cette désignation de l'Unesco est une vitrine constituée de quelques faits concrets, ou bien repose-t-elle véritablement sur un développement réfléchi ?

Afin d'apporter des réponses à ces questionnements, il semble intéressant de prendre l'exemple d'une ville appartenant au réseau mondial Unesco des villes créatives de design comme Saint-Etienne, qui a obtenu ce titre en 2010. Entre construction et reconstruction urbaine, comment la politique territoriale tournée vers le design améliore l'identité d'une ville à l'instar de Saint-Etienne ?

Tout d'abord, nous verrons comment cette discipline peut être un moyen de renouvellement urbain, à travers sa définition et son essor depuis les années 1980. Puis, nous nous intéresserons aux villes qui ont fait le choix de s'investir dans cette directive, ce qui nous conduira naturellement à l'exemple de Saint-Etienne, seule ville française à être reconnue

2

pour son design à l'Unesco. En effet, celle-ci subit son passé du fait de l'image de « ville noire » présente dans l'inconscient collectif. Ainsi, une politique urbaine tournée vers le design a vu le jour, ce qui a conduit à la naissance de la Cité du Design en 2005. Cet état de fait permet de conférer une nouvelle identité territoriale à cette ville, entremêlant avantages et inconvénients. A l'aide de ces constats, nous verrons si Saint-Etienne a gagné son pari.

3

RESEARCH DESIGN

Première partie

1.1 Intérêt du sujet

1.1.1 Point de vue personnel

Mes centres d'intérêts sont fortement liés à l'art et aux industries créatives en général. J'ai ainsi eu la chance de suivre un semestre spécialisé dans Industries Créatives lors de mon Master ESC à Kedge Business School (campus de Bordeaux). Cette spécialisation m'a permis d'appréhender le fonctionnement des organisations créatives et culturelles, nationales et internationales.

Tous les arts m'intéressent, mais si je dois en évoquer quelques-uns, ce sont les suivants : la peinture, la photographie, l'aménagement de l'espace, l'artisanat d'art, la musique... Les architectes et designers que j'apprécie sont Charlotte Perriand, Le Corbusier, Rudy Ricciotti, mais également les artistes comme Helmunt Newton, Pablo Picasso. Sensible au travail des créateurs, j'apprécie fortement l'artisanat d'art... J'ai également un goût prononcé pour les voyages. Durant mon enfance, j'ai eu la chance d'effectuer des activités artistiques. En 2008, j'ai vécue une année en immersion totale aux Etats-Unis à l'âge de seize ans (avec l'association AFS), qui m'a réellement ouvert l'esprit.

L'aménagement d'une ville par la créativité et la culture m'intéresse, j'ai donc décidé d'orienter mon mémoire vers cette thématique. Née à Saint-Etienne, c'est ma ville natale que j'ai choisi d'étudier, parce que ce sont mes racines, mais aussi pour comprendre ce qui a poussé la ville à s'orienter vers le design. Saint-Etienne est une ville que les gens connaissent peu. Le sujet est peu abordé, il est donc intéressant et original.

4

Axer mon sujet sur ma ville natale me permettra également d'obtenir des données facilement, notamment sur le terrain. La ville est classée « Ville de Design » par l'UNESCO. Grâce à ce mémoire d'études, je vais pouvoir comprendre comme le design est arrivé à Saint-Etienne, ce qu'il apporte à cette ville, comment il grandit dans la ville, quelles sont les conséquences, les enjeux...

1.1.2 Point Le vue professionnel

Ce mémoire sera une belle occasion pour moi de développer mon réseau professionnel, grâce à des échanges et des rencontres avec divers acteurs du milieu. Il me permettra également d'accroitre mes connaissances, grâce à des lectures théoriques et le cas pratique de la ville de Saint-Etienne.

Comme projet de carrière, j'aimerais travailler dans les Industries Créatives comme l'artisanat d'art (mobilier, design, décoration, bijouterie). Mon expérience professionnelle de master 2 en apprentissage au sein du service « La Boutique Desjoyaux » du groupe Piscines Desjoyaux, en tant qu'assistante webmarketing, me permet d'être en lien avec un univers décoratif et l'aménagement de l'espace qui me plait. En effet, certains des produits sont conçus au sein de l'entreprise, d'autres sont fabriqués par des designers (comme Emu, célèbre marque de designers italiens).

Le deuxième secteur d'activité qui m'intéresserait est l'évènementiel culturel autour du design ou de l'art, pour des événements comme le salon Maison & Objet. Mon bénévolat durant l'été 2015 sur trois festivals culturels (Paroles et Musique, Les 7 collines et Woodstower) m'a permis de mettre un pied dans l'évènementiel culturel. J'ai apprécié le fait d'être en contact avec des artistes et de contribuer à faire vivre ces événements.

Une fois diplômée d'un Master ESC de Kedge Business School, j'envisage d'effectuer un Volontariat International à l'étranger car j'ai toujours voulu travailler sous une dimension internationale. Je suis attirée par des villes créatives comme Montréal, mais je suis ouverte à d'autres destinations en lien avec les arts, la culture et le design. J'aimerais beaucoup travailler dans une institution culturelle, rencontrer et échanger avec les artistes, mettre en valeur la créativité.

5

1.2 Définition des termes du sujet

1.2.1 Mots clés du sujet

+ DESIGN

D'après l'ouvrage de l'architecte et designer considéré comme un pionnier du design, Marc Held pour le mot « design », chaque « designer » possède sa propre définition (Held, 1970). Pour Henri van Lier (professeur à l'Institut des arts de diffusion de Bruxelles), « le design lui-même reste un projet ». Pour l'architecte Joe Colombo, « le designer occupe une place considérable puisqu'il crée les instruments et aménage le cadre indispensables à la vie humaine ».

Pour revenir à Marc Held, il définit le design comme « une intervention créatrice appliquée à la conception d'un objet quelconque dans le cadre de contraintes sévères ». Cela reste une définition tout a fait acceptable même si, dans la revue de littérature, cette définition du design mérite d'être approfondie. Nous définirons ce concept à travers divers ouvrages et des points de vues différents.

+ REHABILITATION

La réhabilitation, au sens architectural et urbanistique, désigne le fait de réaménager un local, un bâtiment ou un lieu, de manière à conserver l'aspect extérieur et authentique du bâtiment, à améliorer le confort intérieur et parfois d'économiser l'énergie. La réhabilitation regroupe les actions qui contribuent à l'amélioration du cadre de vie en perpétuel changement. Une réhabilitation (Edelblutte, 2006) est souvent la transformation d'un lieu qui avait à l'origine une certaine fonction en une autre fonction (comme une ancienne gare en restaurant). Pour chaque rénovation, il y a 2 éléments : le contenant (le bâti urbain), et le contenu (les activités ou usages destinées du bâtiment). L'enjeu d'une rénovation urbaine dépasse le simple fait d'améliorer l'espace urbain. L'image de toute une ville est ainsi touchée et modifiée.

Le renouvellement urbain (Edelblutte, 2006) ou en anglais, urban regeneration, que l'on traduit littéralement par régénération urbaine, englobe des notions larges liées à la ville, pas

6

toujours clairement définies comme : réaménagement, préparation du terrain à l'accueil d'une nouvelle occupation, rénovation, destruction de l'immeuble ancien et remplacement par un nouveau, réhabilitation, conversation de l'immeuble ancien et mise aux normes, reconversion, changement d'activité d'un site et réaménagement.

+ IDENTITE TERRITORIALE

Le sentiment identitaire peut se manifester au niveau de l'individu, par référence à un espace particulier auquel il se sent particulièrement attaché. Lorsque ces sentiments identitaires individuels sont regroupés, ils peuvent donner naissance à des sentiments collectifs d'identité territoriale. (Guermond)

D'après Hervé Le Bras et Yves Guermond (des professeurs chercheurs réunis à l'INED en 2007), « le lien entre identités et territoire n'est pas si évident que cela. » Il n'est pas forcément évident, d'autant plus s'il on prend en compte le contexte de mondialisation. D'après eux, il ne faut pas faire systématiquement le lien entre identité et territoire : « En effet, d'une part, le fait même de partager un territoire ne suffit pas à générer une identité unique. »

Ces penseurs se sont posés plusieurs questions comme : Comment se met en place un sentiment d'appartenance ? Pourquoi certains lieux sont plus porteurs d'identités que d'autres ? « Le sentiment d'appartenance à un territoire se construit sur une expérience et des représentations partagées d'une histoire et d'une mémoire collective » : 55% des personnes interrogées répondent le nom d'une commune à la question : « S'il on vous demande d'où vous êtes ? » d'après France Guérin-Pace. Ils classent les relations au territoire des citoyens en 2 types : l'appropriation et l'appartenance. La première consiste à se sentir bien dans son territoire. L'appartenance « passe par le processus de socialisation et l'acquisition de connaissances historiques et géographiques (France Guérin-Pace, 2008)». Attention, il faut faire la nuance des 2, car « on peut s'approprier un territoire tout en se sentant appartenir à un autre ».

7

1.2.2 Limites choisies du sujet

+ Limites sectorielles

L'étude comprendra plusieurs dimensions (politique, économie, marketing, communication, etc.) afin d'avoir un point de vue global sur le sujet.

+ Limites temporelles

L'étude portera sur les projets urbains datant de 1980 à nos jours, en favorisant les projets des dernières années ainsi que les projets futurs.

+ Limites spatiales

Dans la revue de littérature, je souhaiterais effectuer ma recherche au niveau international, surtout concernant les villes créatives exemplaires comme Montréal, Berlin...

Pour l'approche terrain, je me pencherais sur une étude de cas sur la ville de Saint-Etienne, qui voit également des quartiers se transformer comme le quartier de la Manufacture, incluant la Cité du Design de Saint-Etienne.

+ Point de vue

Le point de vue de l'étude sera celui des acteurs professionnels, des institutions, des designers...

8

1.3 Problématique et sous-questions de recherche

v Question principale

Entre construction et reconstruction urbaine, comment la politique territoriale tournée vers le design améliore l'identité territoriale d'une ville à l'instar de Saint-Etienne ?

v Sous-questions

- Pourquoi Saint-Etienne a-t-elle choisi d'utiliser le design pour se développer ?

- Le design est-il logique et cohérent dans cette ville ?

- Est-ce que cette désignation de l'Unesco est une vitrine constituée de quelques faits

concrets, ou bien repose-t-elle véritablement sur un développement réfléchi ?

- Quels sont les enjeux de cette politique territoriale ?

- Quelle est la place des designers dans cette ville de design par l'Unesco ?

v Hypothèses de recherche

- Le design n'est pas arrivé par hasard à Saint-Etienne.

- La régénération urbaine par le design est source de développement.

- Le rôle des designers est primordial dans une « ville de design Unesco ».

Deuxième partie

1.4 Cadre théorique

+ Le design

Flusser V., Petite philosophie du design (posthume, 1993), Belval, Circé, 2002, p. 11.

Marshall T., Design Dictionary, Basel, Boston, Berlin, Birkhauser, 2008, p.104.

Vial S., Court traité du design, Paris, Presses Universitaires de France « Quadrige », 2010, 124 pages.

+ Les villes créatives et le renouvellement urbain

Chantelot S., La thèse de la classe créative : entre limites et développements, Géographie, économie, société 4/2009 (Vol. 11), p. 315-334 .

Charmes Eric, La ville émiettée, Essai sur la clubbisation de la vie urbaine, La ville en débat, 2011, 288 pages.

Florida R., Cities and the creative class (2005), New York-London, Routledge, 198 pages.

Gertler G., Les villes créatives : Quelle est leur raison d'être, comment fonctionnent-elles et comment les bâtissons-nous ?, 2008.

Potteiger, M. and Purington, J. Landscape Narratives : Design practices for Telling Stories, Wiley., 1998.

+ Marketing territorial

Chanoux M. et Serval S., Etat des lieux et perspectives du marketing urbain, Institut de Management Public et de Gouvernance Territoriale, p. 11.

9

Lynch, K., The image of the City. MIT Press, 1960.

10

1.5 Cadre méthodologique

+ Objectifs de la recherche

La recherche a pour but de comprendre plusieurs aspects :

- Comment s'opère la rénovation urbaine de villes anciennement industrielles par le

design ?

- Quelle est la place du design dans la régénération urbaine ?

- Qui sont les acteurs de la régénération urbaine ?

- Quelle est la place des acteurs culturels à Saint-Etienne ?

- Qu'est-ce que le design apporte à la ville ?

+ Stratégie de recherche

La méthode que j'ai choisie est une étude de cas sur la ville de Saint-Etienne.

+ Méthode de collecte des données

La récolte des données se fera de manière qualitative afin d'obtenir le point de vue des acteurs de la ville, pour connaître leur avis concernant cette régénération urbaine. Il s'agira de professionnels, d'acteurs culturels, de designers, d'acteurs touristiques, etc.

Les données seront récoltées grâce à des rencontres en face à face. Les entretiens seront réalisés à l'aide d'un guide d'entretien. Ils seront enregistrés, retranscrits en totalité, puis analysés. Ces données aideront à compléter la revue de littérature et à ouvrir sur d'autres problématiques.

11

REVUE DE LITTERATURE

1 Le design, un moyen de renouvellement urbain

1.1 Tentative de définition du design

En anglais, « to design » signifie littéralement « concevoir ». Il serait donc logique de penser que le mot design fait référence à tout ce qui touche à la conception. Mais ce n'est pas si simple que cela. En effet, l'introduction en 1965 du mot « design » dans notre langue française a suscité bien des débats, d'après Claire Fayolle... Ce n'est qu'en 1971 que l'Académie Française accepte le mot design, même si de nombreux pouvoirs publics et linguistes proposent de le remplacer par « esthétique industrielle », « stylisme », « stylique »... La Presse véhicule d'ailleurs l'image que design fait référence à un style, le « style design » lié à l'univers contemporain... Ces débats autour du langage sont la preuve d'une « réelle difficulté à cerner la réalité du design » (Fayolle, 2002).

S'il on demande à plusieurs individus, des designers, des communicants, bref, des acteurs différentes, de définir le design, on se rend vite compte que les réponses divergent. Pour certains comme Mathilde de Brétillot (designer), « c'est le risque de se tromper, de plaire... ». Pour Béatrice Saint Laurent, « le design est une pratique, et un objet fonctionnel, avec les qualités techniques et esthétiques. Il peut également peut être une forme d'art. » Pour Stéphane Vial, (docteur en philosophie et maitre de conférences en sciences du design à l'université de Nîmes), le design est une « philosophie impliquée ». D'autres prônent le fait que le design n'a pas de définition, ni de frontières, comme Stéphane Vial « Design, le mot a bien voyagé, de revues de modes en conversations détendues, sorte de pin's sémantique (É) voulant tout dire il ne dit plus rien (Vial, Court traité du design, 2014) » voici ce que François Barré affirme lorsque l'on lui demande sa perception du design... Le design est donc une notion relativement subjective. Il est donc légitime de se poser les questions suivantes : « Est-il possible de parler de design en général ? Existe-t-il une pensée design commune et transversale ? » (Vial, Le design, Que sais-je ?, 2015)

12

Pourquoi le design est-il si difficile à définir ?

Stéphane Vial a tenté de trouver des explications à cette indéfinition du design : d'après lui, il s'agirait d'un symptôme d'ordre épistémologique :

La notion du design a explosé ces 20 dernières années, a beaucoup plus évolué entre 1990 et 2010 qu'entre 1960... Laissant place à une multitude d'approches vis à vis du design aujourd'hui.

S'il on en croit l'expertise de Stéphane Vial et de Claire Fayolle, tous les deux partagent le même avis : le design fait parler de lui, et sa signification reste floue et subjective. Le design ne semble donc pas avoir de définition unique.

S'il on s'intéresse à la définition du design dans le Design Dictionary, un dictionnaire de référence spécialisé dans cette discipline, voici ce que l'on peut lire : « au risque de vous décevoir, cher lecteur, il est impossible de donner une définition unique et faisant autorité du terme central de ce dictionnaire - design... »1

L'analyse de Stéphane Vial révèle que le design est un terme complexe. D'après lui, il est clair que le design est difficile à définir, tant il existe une multitude d'approches. Etant donné les points de vue variés concernant ce qu'est le design, j'ai décidé d'établir une classification des différentes pensées.

Le design existe depuis toujours

Pour certains, le design a toujours existé. Le mot design serait alors un nouveau mot pour qualifier les inventeurs d'autrefois. Ceux qui affirment cela pensent que le design n'est « propre ni au XXème siècle ni à la société de consommation ni à la société industrielle ». Pour eux, « c'est l'un des plus vieux métiers du monde ». S'il on en croit cette théorie, le design est donc un nouveau mot, qui dérange peut-être par son appellation, mais qui n'apporte rien de plus que ce qu'on appelait inventeur, ou concepteur. Ils insistent sur le fait que les « beaux objets, objets d'art, objets industriels, objets de grande consommation se confondent... ».

1 T. Marshall, Design Dictionary, Basel, Boston, Berlin, Birkhauser, 2008, p.104

13

Le design est partout

Une autre approche2 consiste à « voir le design partout et à étendre son champ d'application à tout ce qui nous entoure », soit sur un mode critique « tout est aujourd'hui affaire de design », soit sur un mode enjoué au service de l'addiction consumériste : « envahis par lui, nous ne pouvons plus nous passer du design. »3 Le design serait donc omniprésent, tout autour de nous.

Cette vision est dangereuse d'après Stéphane VIAL, car elle tombe dans le piège du « quand tout est design, rien n'est design »4. Cette approche a donc ses limites, et n'apporte pas de définition claire sur ce qu'est le design, car s'il est tout, il n'est rien...

Le design se distingue de l'artisanat : sa visée est industrielle

L'industrie et l'artisanat ont tous les deux ont en commun l'activité de conception, mais le design n'a pas comme l'artisanat, le même mode de production : à l'inverse de l'artisanat, le design consiste en la fabrication d'ordre uniquement industrielle, c'est à dire, non réalisée par les mains mais à l'aide de machines ou de technologies. Les objets de designers ne sont plus uniques, à contrario des objets d'art. Le design ferait partie du tout-fait-machine :

Il était une fois un monde manichéen objectif : il y avait les objets quotidiens d'une part et les objets d'art de l'autre. Une immense distance les séparait : d'un côté le tout-fait-machine et de l'autre le tout-fait-main.

La définition officielle, adoptée à Londres en 1969, au Conseil international des sociétés de design industriel, indique : « Le design est une activité créatrice qui consiste à déterminer les propriétés formelles des objets que l'on veut produire industriellement » (Maldonado, 1961). Serait objet du design, tout objet, à la seule condition qu'il date d'après la révolution industrielle. Pourquoi pas avant ?

Auparavant, celui qui imaginait un objet se confondait avec celui qui le fabriquait, à savoir l'artisan. La révolution industrielle engendre le partage des tâches : d'un côté le designer qui conçoit, de l'autre l'ingénieur qui fabrique. (Bianchi, 2010)

2 Flusser V., Petite philosophie du design (posthume, 1993), Belval, Circé, 2002, p. 11

3 Vial Stéphane, Le design, Paris, Presses Universitaires de France « Que sais-je ? », 2015

4 Artifact, The Design Concept Anthology, Call for Papers, janvier 2014

14

Un champ d'intervention large

Le design intervient dans divers secteurs d'activités. Certains designers sont amenés à répondre à des commandes industrielles, donc à concevoir divers produits : une affiche, un logo, des motifs textiles, un biberon, un emballage. L'activité de chacun relève respectivement du design textile, du graphisme, du design produit, design industriel, de l'architecture commerciale, du packaging...

Le designer conçoit parfois pour de la consommation de masse : prenons l'exemple de Philippe Starck qui a déjà designé des brosses à dents. D'ailleurs, cela n'est donc pas un hasard s'il on retrouve des designers dans de nombreuses entreprises, qui collaborent avec des fabricants, des ingénieurs, des marqueteurs, pour concevoir des produits destinés à une cible parfois massive, mais surtout qui sera fabriquée en grande série, à l'identique pour tous.

Les métiers du design peuvent aider à cerner le champ d'action des designers : là encore, Claire Fayolle affirme que les métiers du design sont larges : « être designer n'implique pas une manière unique d'exercer son métier. Certains travaillent en agence, d'autres en entreprises, ou en tant qu'indépendant, etc. ». Les designers indépendants peuvent être amenés à effectuer diverses missions comme répondre à une commande industrielle, développer un travail personnel pour une galerie ou un éditeur, etc.

Le design est de l'art

Une théorie intéressante met en avant que le design peut être assimilé à de l'art. Un bon exemple est le fait que certains designers voient leurs oeuvres exposées dans des galeries d'art, et des musées (ex. Charlotte Perriand au Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne). Certains produisent d'ailleurs des oeuvres en séries limitées, pour donner un caractère unique aux produits, ce qui les rapproche de l'art dont l'unicité est une caractéristique principale. On parle même de design d'art.

15

Le design est avant tout fonctionnel

Le designer, lors d'une création, place l'utilisateur au centre de sa réflexion. Il cherche à comprendre ce dont il a besoin. Il s'intéresse donc à la fonction de l'objet avant tout. Prenons l'exemple du design d'un canapé : modifier sa forme ne transforme pas forcément sa fonction globale, mais change le rapport de l'usager à l'objet. Il pourra par exemple prendre en compte le confort. Pour Dieter Rams, « rien n'est laissé au hasard. L'expérience de l'utilisateur est pensée du début à la fin » (Saffré, 2013). C'est la raison pour laquelle le métier de designer ne se réduit pas au métier de simple décorateur. D'ailleurs, en voici une preuve (Bianchi, 2010) :

En 1983, lorsque le Journal Officiel publia une liste des mots à proscrire, parmi lesquels «design» et «designer», qu'il préconisait de remplacer par «stylique» et «stylicien», les designers français protestèrent en disant que leur travail ne consistait pas seulement à choisir la couleur des emballages.

D'après Stéphane Vial, « le mot désigne en effet des domaines d'activités et des pratiques variés ayant pour dénominateur commun de façonner notre environnement privé et collectif, de la petite cuillère à la ville ». Claire Fayolle rejoint son avis : les pratiques du design sont larges et ont comme point commun de changer, d'améliorer notre environnement privé et collectif. Ainsi, l'essentiel à retenir serait la théorie suivante : « du moment qu'un objet a une fonction, quand bien même sa forme serait redessinée par Picasso, ce n'est pas d'art mais de design qu'il s'agit ».

Le design doit être esthétique

Pour certains, le design est purement esthétique. On parle d'« activité créatrice consistant à remodeler des objets déjà existants sans que la fonction desdits objets n'en soit fondamentalement modifiée » (Stéphane Vial, 2015). Cette vision réduit donc le design a un aspect beau, visuel.

Pour d'autres, le design doit allier à la fois l'esthétique et le fonctionnel. D'après Dieter Rams, « après l'utilité du design, une certaine beauté est requise ».

16

Le design est une stratégie marketing

Philippe Starck considéré comme un grand designer, est aussi connu pour être un très bon homme d'affaires. Il a déjà été amené à concevoir des objets comme la brosse à dents Fluocaril qui s'est vendue à 400 000 exemplaires. Le design serait donc utilisé pour vendre.

Le concept du design évolue constamment

L'International Council of Societies of Industrial Design déclare être « actuellement en train de renouveler sa définition du design industriel, par conséquent l'ancienne définition est temporairement inaccessible » (International Council of Societies of Industrial Design, 2014).

Un nouveau concept de design serait donc en train d'émerger (Stéphane VIAL). A l'heure actuelle, « les formes se distinguent autant qu'elle se recoupent » sans converger vers un cadre global unique ; mais « le changement de modèle est nettement visible », toutes ces nouvelles formes de design sont centrées sur l'humain, plutôt que sur le marché. Depuis plusieurs décennies, il s'est développé un « discours de la méthode en design ». Ceci a conduit à l'élaboration de plusieurs modélisations de l'acte de design, dont le « design thinking », mais également l'émergence d'un nouveau domaine scientifique, la recherche en design.

Représentation personnelle du design

A titre personnel, j'ai remarqué que le mot « design » était un terme (trop) largement utilisé en communication pour désigner des produits modernes, contemporains. Je pense que la majorité du grand public perçoit le design comme un terme qui désigne un « style », quelque chose de moderne et sobre. Cela reste un avis subjectif mais je pense que nous sommes prédisposés à méconnaitre les réalités du design. Avant d'effectuer mes recherches sur le design, j'étais ignorante de tous ces différents points de vue. J'ai l'impression de désormais mieux saisir ce qu'est le design, qui interroge et suscite de nombreux débats. Ce concept ne semble donc pas compris par tous.

Mais qu'est-il finalement ? D'après mon avis, pour le comprendre, il est indispensable de s'intéresser au métier du designer. Ce dernier cherche des solutions pour résoudre les

17

problèmes des utilisateurs, ou tout simplement proposer des nouveaux modes de vie. Bref, un designer conçoit, en s'intéressant avant tout à l'usager. L'aspect esthétique est important mais la fonction reste avant tout une priorité.

Est-ce qu'une ville peut être identifiée comme ville de design ? Quelle est sa place dans les villes ? Quelles sont ces villes qui s'y intéressent ? Avant de répondre à ces questions, nous allons examiner l'intérêt du design en général, puis nous tenterons de répondre aux interrogations précédentes.

1.2 Un intérêt grandissant pour Ce design depuis Ces années 1980

L'Etat s'est beaucoup investi pour soutenir et promouvoir le design français contemporain. Claire Fayolle a réalisé un état des lieux du design français contemporain. D'après elle, « au cours de ces vingt dernières années, le design a suscité un intérêt général touchant aussi bien sa médiatisation, son enseignement que son développement ».

Dans les années 1980, de nombreuses entités ont vu le jour comme :

- La Délégation aux arts plastiques (1982) rattachée au Ministère de la Culture qui définit et met en oeuvre la politique de l'Etat dans le domaine de la création (aide, diffusion, enseignement)

- L'Ecole nationale supérieure de création industrielle (1982)

- Un département « Design » à l'Ecole des Beaux-Arts (1980).

Durant la même époque, les musées s'intéressent également au design :

- Le centre de création industrielle au Centre Pompidou organise des expositions importantes dont « Nouvelles tendances » (1987), « Design français 1960-1990 : trois décennies » (1988)

- Le musée des Arts décoratifs de Paris inaugure en 1985 de nouvelles salles dédiées uniquement à la création moderne et contemporaine.

- De nombreuses galeries dédiées au design apparaissent à Paris.

En 1979, le comité de développement des industries françaises de l'ameublement crée, avec le soutien du ministère de l'Industrie, l'association VIA : Valorisation pour l'Innovation dans

18

l'Ameublement. Cette dernière consiste à valoriser et promouvoir la création française dans le secteur de l'ameublement, en France et à l'étranger. Cette association finance également des prototypes exposés lors de divers évènements comme les salons du meuble de Paris et Milan... Une autre aide est créée par Claude Levy-Soussan en 1983, la Bourse Agora, qui soutient les projets de jeunes talents (moins de 35 ans). S'ajoutent à cela la première quadriennale internationale du design en 1986, à Lyon et dans sa région.

La Presse s'intéresse également au design : Pascaline Cuvelier et sa célèbre chronique « Glose de styles » dans Libération ; Chantal Hamaide lance le premier magazine français « Intramuros » spécialisé dans le design...

Tous ces exemples montrent que le design devient de plus en plus visible à partir des années 1980 : délégations, écoles, musées et galeries d'art, associations, événements, presse... Néanmoins, le design reste à cette époque encore oublié par beaucoup de domaines. Malgré toutes les initiatives positives en faveur du design, il reste essentiellement « un secteur parmi d'autres, celui du mobilier et plus largement des accessoires et objets pour la maison ».5 L'industrie française du meuble, mise à part quelques exceptions comme Roset (Ligne Roset et Cinna), ne s'est paradoxalement jamais lancée avec dévotion dans la création contemporaine. Il en est de même pour les médias qui ne valorisent pas le design : design industriel, packaging, identité visuelle, architecture commerciale, etc.

Les agences de design sont des « acteurs pourtant essentiels ». En France, cette époque, il y a deux types d'agences : les petites agences de moins de 10 salariés, et les grandes structures, plus rares, comme Dragon Rouge (170 personnes en France) ou Carré Noir (110 personnes en France).

5 Vial Stéphane, Court traité du design, Paris, Presses Universitaires de France « Quadrige », 2010, 124 pages.

19

Les années 1990 sont le début d'un profond changement, où à cette période, deux manifestations majeures lui sont consacrées :

- « Caravelles 2 », quadriennale internationale de design (Lyon, 1991)

- « Design, miroir du siècle » (Grand Palais, 1993)

La naissance de la collection de design du MNAM-CCI (1992) fait également partie de cette dynamique. Concernant la politique design, en 1994, l'APCI met en place l'Observateur du design en 1999 pour repérer les réalisations innovantes grâce au design et leur décerner le Label de l'Observateur du design (Agence pour la Promotion de la Création Industrielle).

Côté musées, une situation paradoxale a peu à peu vu le jour : les trois principales collections muséales de design françaises, celles du Centre Pompidou, du musée des Arts décoratifs de Paris et du musée d'Art moderne de Saint-Etienne n'offrent guère de visibilité : la première en raison d'un accrochage restreint, la deuxième pour cause de travaux de rénovation, la troisième en raison d'une présentation épisodique. Et les grandes expositions manquent à l'appel.

En parallèle à cet engouement des musées pour le design, de nombreux musées provinciaux ont montré leur intérêt pour le design contemporain (dans leur présentation notamment, souvent grâce à des dépôts du FNAC). Le design émerge non seulement à Paris mais également dans les provinces.

Lors des années 1990, le « design intégré » émerge dans les entreprises : « il ne concerne plus seulement les grands groupes industriels mais aussi les PME-PMI tels les équipementiers automobiles - Valeo, Faurecia, Trèves... ou le monde de la distribution... » (Pijaudier-Cabot, 2002). Dans les grandes entreprises, les designers sont de plus en plus reconnus comme étant importants. On assiste à de nombreux regroupements des équipes de design intégré, comme par exemple Renault ou Salomon, qui ont créé un bâtiment autonome de design, ou Décathlon qui instaure un département de « design avancé ». Durant cette période, le secteur automobile est un « leader incontournable en matière de design intégré ». Les designers sont désormais « appelés à réfléchir à l'avenir des grandes entreprises, à l'innovation ». L'avancée du design en entreprise est également marquée par la multiplication des concours auprès des étudiants et des professionnels.

20

Les années 2000 sont caractérisées par un renouveau du vivier créatif. Au début des années

2000, « seul le travail de Philippe Starck, grand marketeur de sa propre image, semble

retenir les attentions ». C'est également l'époque où de nouveaux designers se font

connaître : Biecher, Bouroullec, Crasset, Jouin, Colucci, Ryant, Massaud. On assiste

notamment grâce à de nouvelles initiatives comme :

- Le Salon du Meuble de Paris qui mise sur le contemporain dès 1996,

- La création d'un parcours design,

- L'événement Designer's Days

- L'apparition de showroom de grands fabricants italiens comme Kartell,

- La Biennale Internationale du Design de Saint-Etienne,

- L'apparition de nouvelles galeries...

Les designers français sont de plus en plus présents sur la scène internationale, d'où une belle présence au salon international du Meuble de Milan.

Cependant, tout cela reste, dans une certaine mesure, de la poudre aux yeux : car, en dépit des efforts déployés par les pouvoirs publics et les énergies individuelles, le design demeure un secteur d'activité encore méconnu du grand public. (Fayolle, 2002)

Cette illusion comme quoi le design est encore ignoré du grand public aurait deux raisons principales : l'une est liée au fait que « le design englobe un grand nombre de pratiques et de métiers différents -graphisme, design de produits, design textile, packaging, dont n'est valorisé qu'un petit secteur, celui du meuble et des objets du quotidien », l'autre est que « son omniprésence le rend plus flou, plus difficile à (dis) cerner ».

Ainsi, le design a suscité un intérêt grandissant depuis les années 80. D'ailleurs, cela n'est pas un hasard si le design est reconnu par l'Unesco comme un patrimoine à part entière en 2004. « Quel est l'intérêt de ce réseau Unesco des villes créatives ? Pourquoi les villes s'intéressent-elles au design ? Comment le design grandit-il dans une ville ? », sont des questions auxquelles nous allons tenter de répondre.

21

1.3 Le renouvellement urbain par les communautés créatives 1.3.1 Les créateurs, un moteur essentiel des mutations urbaines ?

Il est impensable de parler de régénération urbaine par le design sans évoquer la théorie de Richard Florida sur les « classes créatives »6.

La capacité de développement économique des villes dépend de la place qu'y occupe la «classe créative» : scientifiques, ingénieurs, professeurs d'université, romanciers, artistes, gens du show-business, acteurs, designers, architectes, grands penseurs de la société contemporaine» et professionnels des secteurs «à forte intensité de savoir» (nouvelles technologies, finances, conseil juridique, etc.).

En effet, Richard Florida, dans son ouvrage intitulé « The Rise of the Creative Class », élabore une théorie sur le bien-fondé du renouvellement urbain par les industries créatives, notamment en ce qui concerne l'existence d'une « classe créative ». Cette dernière caractérisée par des ménages issus des classes moyennes et supérieures, serait d'après Florida, un moteur essentiel pour la mutation du système économique local. Cette dernière serait définie par trois T : le talent, la technologie, et la tolérance. D'après lui, cinq critères permettent de définir une ville créative : « indices de haute technologie (pourcentage d'exportation des biens et services liés à la haute technologie), d'innovation (nombre de brevets par habitant), de gays, comme représentatifs de la tolérance (pourcentage de ménages gays), de «bohémiens» (pourcentage d'artistes et de créateurs), et de talent (pourcentage de la population ayant au moins le baccalauréat). »

Pour attirer ces classes créatives, il faudrait par exemple, mettre en place des stratégies d'amélioration de l'offre commerciale et résidentielle, puisque ces classes créatives seraient génératrices d'emploi et de développement de la ville. La ville se réinventerait donc par la sélection de ses habitants.

De façon générale, les villes pionnières de ce concept sont principalement celles qui, historiquement, ont subi le plus durement le déclin du secteur industriel, telles que Saint-Etienne ou Lille.

6 Richard Florida, Cities and the creative class (2005), New York-London, Routledge, 198 p.

22

D'après Florida, les travailleurs de cette « classe créative » sont attirés par les lieux créatifs qui sont porteurs d'emploi : pour lui, la créativité est le moteur de la croissance des villes.

Le concept de « ville créative » a également été pensé par Charles Landry (Landry, 2000). Les villes détiennent un fort potentiel de créativité, qu'elles se doivent d'optimiser, et d'après lui, sept groupes de facteurs participent à ce concept : « les créatifs, la qualité des dirigeants, la diversité des talents, l'ouverture d'esprit, l'intensité de l'identité locale, la qualité des installations urbaines et les possibilités de mise en réseau. » En quelques mots, la ville créative est, selon Charles Landry, un modèle de développement territorial, une sorte de label visant à attirer les investisseurs.

Cette théorie a été l'objet de nombreuses recherches, notamment concernant ses limites et son développement7. Elle a notamment été pensée par le sociologue Alain Bourdin autour de sa réalité (Bourdin, 2005). D'après lui, Richard Florida commet trois erreurs dans son ouvrage : - L'utilisation de données biaisées (analyse de villes centres pour des régions métropolitaines), imprécises (champ des professions de cette classe créative trop large) et peu discriminantes (« les différences entre les villes sont très souvent sans signification statistique » 8 ). Les indices seraient même « bidons » d'après Marc Levine.

- L'association de cette classe créative au développement économique : « d'après les critiques, l'auteur ne prouve rien » affirme Alain Bourdin.

- L'utilisation du terme classe serait également une faute. « D'après lui, cette classe créative » serait un groupe d'individus n'ayant rien en commun mise à part les modes de consommations, mais « rien ne prouve qu'elle ait une chance quelconque d'exister comme acteur collectif ».

7 Chantelot Sébastien, « La thèse de la « classe créative » : entre limites et développements. », Géographie, économie, société 4/2009 (Vol. 11) , p. 315-334

8 Elsa Vivant. La classe créative existe-t-elle ? Discussion des thèses de Richard Florida. Les Annales de la Recherche Urbaine, Plan Urbanisme - Construction - Architecture, 2006, pp.155-161.

23

Mise à part le désaccord d'Alain Bourdin avec le fait que cette classe créative serait un facteur de développement économique, ce débat sur la « classe créative » a selon lui, permis d'introduire de bonnes questions. Qui peut conduire le changement urbain et faire changer les villes ? D'après Alain Bourdin, « l'idée d'une interaction entre des acteurs de l'économie, de l'activité intellectuelle et de la création culturelle est au moins digne d'intérêt. ».

L'avis de Jean-Jacques Terrin rejoint la théorie de Richard Florida. Monsieur Terrin s'est également interrogé sur la place des créateurs dans la ville contemporaine. D'après lui, il est évident que « les créateurs contribuent à l'évolution des modes de vie en proposant de nouveaux usages de l'espace qui affectent la sociabilité, les services, les modes de travailler, d'habiter, de se déplacer et se divertir », mais il faut se poser des questions concernant leur rôle alternatif, et l'influence des créateurs : il a tenté de répondre aux questions suivantes :

Comment y vivent-ils ? Dans quelles conditions ? Quelles formes d'habiter, quels nouveaux usages introduisent-ils ? Dans quels lieux ? Quels rôles jouent-ils dans la vie de la cité ? Comment influencent-ils la fabrique de la ville, du territoire ? Comment contribuent-ils à façonner une industrie créative ?

Il existerait trois rôles importants des créateurs dans les villes : les créateurs habitants, les créateurs inventeurs et les créateurs acteurs (Terrin, 2012).

- Les communautés créatives sont nécessaires pour revaloriser les espaces marginaux ou délaissés (comme les friches industrielles), d'où l'importance d'une ville accueillante pour ces communautés. En effet, la présence de créateurs habitants s'affirme souvent comme « levier de développement d'un point de vue culturel, social et économique contribuant à transformer le territoire et son identité ». Les initiatives de créateurs induisant la production et la diffusion de manifestations culturelles (comme les spectacles, festivals ou expositions) sont génératrices de dynamiques urbaines, qui ont des effets positifs : elles rendent la ville plus attractive pour les habitants, les visiteurs et les acteurs économiques, politiques et culturels.

Les créateurs inventeurs permettent par leur regard « sensible, décalé et souvent critique », de révéler l'identité et le potentiel des lieux. Les créateurs « questionnent les usages existants et en devenir, interrogent l'usage de ces lieux, permettant ainsi la découverte de nouveaux usages et de nouvelles formes d'habiter ». Ils imaginent leurs habitations comme de véritables laboratoires expérimentaux jusqu'à parfois créer de nouveaux modes de vie, en détournant ou en contournant l'affectation initiale de ces espaces.

24

Enfin, les créateurs doivent faire partie prenante d'une ville créative, dynamique et solidaire : leur présence se décline de multiples façons : « durable ou éphémère, formelle ou informelle, spectaculaire ou plus discrète ». Les initiatives artistiques transgressent parfois les frontières entre les publics, les spectateurs et créateurs, les espaces et temporalités. Elles sont « créatrices de lien social et favorables à la mise en oeuvre d'une culture urbaine commune ». Les créateurs sont donc des acteurs primordiaux à la régénération urbaine et à la transformation d'une ville pour lui forger une culture, une identité bien particulière et propre à elle-même.

Un autre modèle s'intéresse à l'organisation des créatifs dans la ville, et les rapports qu'ils tissent avec la société et le territoire : celui de la clubbisation9. Il s'agit d'éviter telle ou telle population dans la stratégie de commune périurbaine : sont considérés comme « périurbains tous ceux qui habitent un village mais travaillent dans une métropole ».10 D'après ce modèle, les créatifs doivent être intégrés dans la réflexion sur la ville et « en faire l'un des moteurs du développement et du lien social : l'ouverture devient alors une nécessité, un équilibre à trouver et à préserver ». Les créatifs figurent parmi les forces de travails majeurs de notre siècle.

Pour conclure, même si les avis divergent concernant l'existence d'une « classe créative », le développement d'une ville par les communautés créatives semble être une théorie perçue comme prometteuse par beaucoup de penseurs. La régénération urbaine par les industries créatives est d'ailleurs en harmonie avec les orientations du réseau Unesco des villes créatives.

9 Michel B. (2013). Les villes créatives, entre clubbisation et ouverture du développement territorial. Mémoire de recherche en Géographie, Université d'Angers, 160 pages

10 Charmes Eric, La ville émiettée, Essai sur la clubbisation de la vie urbaine, La ville en débat, 2011, 288 pages

25

1.3.2 Le réseau Unesco des villes créatives de design

La créativité renvoie à « la capacité, pouvoir qu'a un individu de créer, c'est-à-dire d'imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau » (Dictionnaire Trésor de la Langue Française, 2012). Le traité de Lisbonne en 2009 est la preuve d'une conviction quant au potentiel de la créativité et de l'innovation portée par la Commission européenne. Il souligne qu'une ligne créative est « moteur de croissance économique et comme stratégie de résistance face aux puissances économiques et industrielles émergentes. »

Les villes sont, d'après l'Unesco, « les principaux laboratoires où se développent de nouvelles stratégies, politiques et initiatives, visant à faire de la culture et de la créativité un moteur de développement durable et de la régénération urbaine en dynamisant la croissance et l'innovation, en promouvant la cohésion sociale, le bien-être des citoyens et le dialogue interculturel » (Réseau des villes créatives).

En effet, les villes sont face à des enjeux importants, comme la crise économique, les tensions sociales et politiques, la croissance démographique et les enjeux environnementaux : « Nous constatons que toutes les villes sont confrontées aux mutations du paysage urbain, aux questions d'identité urbaine, au changement climatique, à la gestion des déchets, à l'intégration de l'art dans la ville, à la mobilité et aux flux de communication. » (Franc, 2006). Elles ont donc un rôle crucial à jouer pour l'avenir, d'autant plus qu'elles représentent plus de la moitié de la population mondiale et en terme économique, elles rassemblent 3/4 de l'activité économique mondiale...

Le Réseau des villes créatives de l'UNESCO offre des opportunités inédites aux villes pour, à partir de processus d'apprentissage par des pairs et de collaborations, tirer pleinement parti de leurs atouts créatifs et bâtir sur cette base un développement durable, inclusif et équitable sur les plans économique, culturel, environnemental et social (Unesco). (Réseau des villes créatives)

Le réseau mondial de villes créatives est basé sur la notion d'économie créative. Même si la créativité n'est pas restreinte au champ culturel et artistique, le réseau met l'accent sur les domaines artistiques et culturels. D'après l'Unesco, en soutenant les industries créatives, et en coopérant avec la société civile et le secteur privé, les pouvoirs publics peuvent faire la différence et promouvoir un développement urbain plus durable, qui répond aux besoins

26

concrets des populations locales. Pour l'Unesco, l'économie créative est croissante dans le monde, et les bénéfices sont nombreux : génération de salaires, création d'emplois, gains à l'exportations, génération de valeur non monétaire...

Le réseau UNESCO des villes créatives a été créé en 2004. Comme la carte ci-dessus le montre, ce réseau est mondial : il regroupe 116 membres dans 54 pays du monde entier, autour de sept domaines des industries créatives à savoir : cinéma, musique, artisanat et arts populaires, littérature, design, arts numériques et gastronomie. Par exemple, Leipzig en Allemagne est une ville créative Unesco pour l'art et la littérature, Lyon pour les arts numériques, et enfin, Berlin, Montréal, ou encore Shanghai pour le design.

Pour devenir « Ville Unesco de Design », une candidature doit être adressée par le Maire de la ville, confirmée et approuvée par l'Etat. La ville devra alors démontrer sa volonté et sa capacité de contribuer aux objectifs du réseau, en appuyant sur les atouts et la valeur ajoutée qu'elle apportera au réseau. Elle doit prouver l'existence de centres créatifs et de groupements socioculturels. La candidature est examinée par un comité de personnalités compétentes.

Certaines villes ont choisi le design « pour s'en sortir et créer une dynamique fédératrice qui rassemble la population autour d'un projet porteur » (Lacroix M.-J. , 2006). L'intérêt de ce Réseau pour les villes est de développer leur singularité créative.

Pour la Directrice de Relations Internationales à la Cité du design & Ecole supérieure d'art et design de Saint-Etienne, il ne s'agit ni d'un label, ni d'une compétition. Ce réseau permet de « promouvoir le développement culturel, social et économique des villes dans les pays développés et ceux en voie de développement ». Il contribue également à « mettre en valeur des pôles de création et le partage des savoir-faire, expériences et compétences que détiennent particulièrement les collectivités territoriales. ». Pour me montréalais Marc-André Carignan, le statut de Ville Unesco est « une reconnaissance du potentiel créatif de notre ville, une invitation à développer Montréal en misant sur le design de qualité, l'architecture durable et l'innovation. » (Carignan, 2015)

27

Même si les conditions d'attribution de cette reconnaissance de ville créative du design restent relativement floues, cette désignation apporte des retombées non négligeables pour la ville » : visibilité internationale, dynamique territoriale, facilitation des échanges entre les collectivités membres du réseau, figurent parmi certaines conséquences de l'entrée dans ce réseau.

A l'heure actuelle, il existe 16 villes de design : Buenos Aires, Berlin, Montréal, Nagoya, Kobe, Shenzhen, Shanghai, Séoul, Saint-Étienne, Graz, Pékin, Bilbao, Curitiba, Dundee, Helsinki, Turin. Certaines de ces villes ont dû remédier à « des ralentissements économiques et ont misé sur le design pour convertir leur économie. Le faible coût de la vie leur a permis d'attirer et de retenir beaucoup de créateurs. » (Franc, 2006).

Nous allons désormais nous intéresser à certaines villes de design appartenant au réseau Unesco pour comprendre les raisons d'une telle qualification et ce qui les rend si uniques. Nous prendrons les villes de Montréal et de Berlin comme sujet d'étude.

28

1.3.2.1 Montréal

Montréal est ville Unesco de design depuis 2006. Le design est reconnu depuis 1986 comme un secteur prioritaire de développement. La ville de Montréal a mis en place en 1991, un commissariat au design, consacré exclusivement au développement et à la promotion du design dans la métropole. Pour la ville de Montréal, « le design est une activité d'idéation, création, planification, production et gestion qui façonne la qualité de son cadre de vie, contribue à la compétitivité de son économie, participe à son expression culturelle, renforce son identité et celle de ses entreprises » (Lacroix M.-J. , 2006).

Pour comprendre pourquoi la ville s'est tournée vers le design pour se développer et se distinguer, il faut regarder dans le passé, les événements qui ont marqués la ville très fortement (Designmtl, 2014).

- La construction de la place Ville Marie en 1962, dont le bâtiment reste un symbole de la ville québécoise, a été le point de départ du début de l'histoire moderne de Montréal. « Ce ne fut qu'un début, car les projets qui suivirent furent riches en grands projets ».

- L'exposition universelle de Montréal en 1967 sur la thématique « Terre des Hommes », a accueilli plus de 50 millions de visiteurs et mobilisé les meilleurs talents créatifs. Parmi les rescapés de l'exposition : Habitat 67, le Pavillon des Etats-Unis devenu la Biosphère (architectes FABG), le Pavillon de la France (architecte Jean Faugeron) reconverti en casino.« Habitat 67, construite d'abord comme projet modèle d'habitation, est l'oeuvre du jeune architecte Moshe Safdie : ces logements préfabriqués conçus comme des logements abordables sont devenus des appartements de luxe très recherchés. »

- Les Jeux Olympiques de 1976 ont également dynamisé la ville au niveau du design, notamment avec la construction d'un stade aux formes atypiques.

Les rares oeuvres d'arts massives, convenons-en, on les doit aux années 1960. Le Stade olympique. Le pavillon de la France devenu casino. Habitat 67. Les stations du métro. (Cardinal, 2012)

Le passé industriel de Montréal, du à ses atouts géographiques (ile, fleuve immense et montagne au centre), notamment en terme de commerce maritime, a également permis à la ville de s'orienter vers le design : nombreux sont les anciens bâtiments industriels réhabilitées comme le Bota Bota, un ancien traversier transformé en spa (conçu par Sid Lee Architecture).

29

Quelle est l'identité de Montréal ? D'après François Cardinal, chroniqueur à La Presse et spécialisé dans les affaires municipales et urbaines, « Montréal est design dans des petites choses comme les commerces, les restaurants, les espaces publics... ». « L'âme de Montréal se vit et se révèle par ses commerces, lieux de consommation et de convivialité, qu'ils soient ultra contemporains, ou emprunts d'une certaine rusticité. ». Le grand architecte montréalais Luc Laporte a réaménagé la Brasserie Française, et de nombreux restaurants et cafés se sont multipliés « des camions de rues rassemblent les gourmets. » Pour beaucoup, « le paysage montréalais ressemblent à des rues colorés, des duplex ou triplex, plus ou moins semblables... » Le montréalais aime les espaces extérieurs, les escaliers de toutes les formes, les lofts industriels... La ville est même envahie par les cyclistes.

Montréal possède une « expertise en ce qui concerne les projets participatifs, interactifs et surtout, poétiques » : c'est le lieu de nombreux festivals et manifestations, un patchwork de cultures, comme le sont aussi les murs recouverts d'affiches, permettant aux institutions culturelles aux graphistes d'exposer leur travail. De nombreux espaces publiques ont été conçus pour « lutter contre la grisaille hivernale ». « La rue, fait appel à ses créateurs, artistes, designers, paysagistes. ». Montréal qui manque de lumière en hiver est la source d'inspiration à de nombreux artistes et designers qui utilisent la lumière pour jouer avec les places, les murs et bâtiments : la lumière est devenue un réel leitmotiv dans la ville.

La ville est d'ailleurs deuxième pour le pourcentage de sa main d'oeuvre qui occupe des postes dans le « noyau super créatif11 » avec plus de 450 000 employés dans le secteur créatif. Le secteur créatif de Montréal est étendu et diversifié, ce qui permet à la ville de résister au ralentissement économique, ce qui rejoint la théorie de Richard Florida. Une étude réalisée par Statistiques Montréal révèle que la ville attire et retient les créateurs grâce à sa diversité : « Plus la diversité et la pluralité règnent dans une région, plus grandes sont les chances qu'elle attire des gens créatifs de tout acabit possédant des compétences et des idées variées. Un mélange hétéroclite de créateurs est propice à la création de différentes associations entre individus et groupes d'individus. » (Kevin Stolarick, 2005)

11Ceux qui travaillent dans les domaines de l'informatique, des mathématiques, de l'architecture, de l'ingénierie, des sciences naturelles, physiques et sociales, de l'éducation, de la formation, du savoir, des arts, du divertissement, du design et des médias font tous partie du noyau super créatif (Florida, 2004).

30

D'après Marc-André Carignan, montréalais diplômé d'architecture, il y aurait un retour progressif à une culture architectural de qualité dans le paysage urbain de Montréal, avec par exemple les réalisations du Bureau du Design (bibliothèque). L'un des meilleur ambassadeur du design montréalais est le designer d'intérieur Jean de Lessard ! D'après lui, même s'il y a des choses superbes qui se font ailleurs sur la planète, Montréal se démarque d'une façon exceptionnelle avec ses capitaux « on fait des projets adaptés à nos réalités, on fait des projets humains ». Marc-André Carignan est d'accord avec lui, donc le sens où Montréal, bien qu'elle n'est pas encore prête à devenir une capitale mondiale du design, est une ville pleine de talents et de créateurs locaux. Même si auparavant, François Cardinal rêvait d'une icône architecturale symbolique (ex. Bilbao avec son musée Guggenheim par Frank Gehry qui a métamorphosé l'image de la ville), comme « tour audacieuse qui ferait tourner les têtes », aujourd'hui, il se dit que ça n'est pas nécessaire, car le design de Montréal est à son image : une ville à taille humaine, festive, où la création est omniprésente, « mais certainement pas une ville ostentatoire, une ville musée, ou même une belle ville selon les canons en vigueur » (Cardinal, 2012).

Montréal, c'est aussi une ville de savoir, occupant le premier rang au Canada pour son engagement dans la recherche universitaire. En tout, ce sont 11 établissements universitaires, et plus de 50 chaires de recherche pour développer de multiples réseaux internationaux.

Le design est donc porteur de développement au Québec et son impact économique se fait ressentir à Montréal. En effet, 65,3% des travailleurs québécois du design résident dans la métropole montréalaise, soit plus de 20 000 emplois avec des retombées économiques de plus de 750 millions de dollars (MONTRÉAL, VILLE UNESCO DE DESIGN / UNESCO CITY OF DESIGN, 2006). La ville de Montréal est donc très créative et exemplaire en matière de renouvellement urbain par les industries créatives comme le design.

31

1.3.2.2 Berlin

Berlin est ville de design par l'Unesco depuis janvier 2006. Elle est la première ville européenne à avoir obtenu ce titre. Le sénateur Harald Wolf a d'ailleurs déclaré : « Cette distinction représente une importante reconnaissance internationale pour notre ville et pour tous les esprits créatifs qui travaillent, enseignent et vivent ici. Ces dernières années ont été le témoin de l'évolution d'une scène créative véritablement fascinante, distinguée par sa polyvalence, son caractère non conventionnel et sa qualité, faisant d'elle un facteur économique qu'il ne faut pas sous-estimer » (Unesco, 2005). L'entrée dans ce Réseau a pour visée de développer la ville, de consolider les compétences locales et d'augmenter la présence des produits culturels sur le marché international.

Le design présente un potentiel économique intéressant pour la capitale allemande : plus de 11 000 travailleurs dans le design (les secteurs liés étant la mode, les produits et meubles, l'architecture, les arts visuels et la photographie) dont 6 700 société de design, qui représentent 1,5 milliard d'euros en terme de ventes par an ( Unesco.org). Le design est donc au coeur de l'économie berlinoise. Le secteur est dynamique, comme le révèle son « taux de croissance supérieur à la moyenne, que ce soit en termes de nombre de sociétés, de chiffres d'affaires et d'emplois » (Berlin Paris Invest, 2015). Toujours dans une politique économique tournée vers le design, la ville a mis en place des prêts avantageux aux créateurs d'entreprises, mais également des programmes de formation et de coaching pour les entreprises des industries créatives.

Qu'est-ce qui attire cette « classe créative » à Berlin ? « L'environnement, l'espace et les excellentes conditions de base de la ville sont les fondations du travail créatif et du développement de produits novateurs. Les designers, les stylistes, les photographes et les architectes y trouvent la liberté artistique, des bureaux et des logements abordables, des réseaux et l'intérêt du public pour leur travail » (Unesco). Un autre élément attirant les créatifs, ce sont les événements culturels berlinois (comme le Festival international du design DMY), mais également toutes les possibilités d'études dans le domaine du design : la ville compte 5 universités dédiées aux arts et plusieurs écoles ce qui représenterait environ 5000 étudiants, des futurs créateurs.

Berlin est une ville exemplaire en matière de design : elle possède de nombreuses réalisations économiques, sociales et culturelles, influencées en partie par son héritage historique. On parle même de Berlin comme étant une pépinière artistique. De nombreux artistes vivent à Berlin et depuis longtemps, comme David Bowie qui déclarait déjà en 1970 « Je suis fasciné par Berlin à cause de la friction. Cette ville possède l'étrange capacité de vous faire écrire seulement les choses importantes »12. En effet, l'univers du design à Berlin est prépondérant, et fait preuve de dynamisme pour la capitale allemande.

Dès à présent, nous allons nous intéresser à la ville de Saint-Etienne qui a été l'objet d'une grande reconversion en terme de politique territoriale. De ce fait, nous étudierons les raisons qui l'ont amené à parier sur le design pour se développer.

32

12 Interview de David Bowie dans `Rock & Folk', n° 146, 1979

33

2 Saint-Etienne, un territoire en reconversion

2.1 Une ville créative depuis toujours

2.1.1 L'âge d'or industriel

L'histoire de Saint-Etienne est intéressante pour comprendre quelles ont été les orientations politiques territoriales par la suite. Nous allons donc nous intéresser à son histoire, témoignant d'un dynamisme industriel important, puis nous aborderons les conséquences de cette activité industrielle tant positives que négatives.

Autrefois, la ville de Saint-Etienne était une grande capitale industrielle. On peut même dire qu'elle « ne s'est pas développée avec l'industrie à la fin du 18ème siècle, elle est née avec » (Vincent Béal, 2010). En effet, son savoir-faire était appliqué dans trois industries majeures, qui formèrent pendant de longues années le noyau dur de cette capitale industrielle :

- la rubanerie. Cette activité très ancienne à Saint-Etienne était à l'époque, représentée par plusieurs acteurs : des négociants qui travaillaient pour des maisons de gros ou de commissaires ; des passementiers, qui travaillaient à domicile mais également en sous-traitance pour des compagnons. Ce secteur était, du point de vue économique, relativement atomique, donc « d'une faible intensité capitalistique ». Toutefois, la rubanerie a perduré jusqu'à la Première Guerre Mondiale (1914).

- les industries minières et métallurgiques. A l'inverse du domaine du ruban, ces dernières étaient « modernes et capitalistiques ». C'est autour des années 1810 que les industries minières commencèrent à se développer. Dès 1850, de grandes entreprises de métallurgie et de sidérurgie (comme la Fonderies de la Loire et de l'Isère, les Aciéries de Saint-Etienne, et la Compagnie des Mines de fer) s'implantèrent. La métallurgie évolue progressivement en se spécialisant vers la fabrication d'aciers spéciaux, d'alliages complexes, notamment en terme de constructions mécaniques : la ville devient experte en production de cycles et d'armes de chasse et de guerre (avec Armeville). C'est l'époque de Manufrance, une Manufacture Française d'Armes et Cycles, créée par Etienne Mimard et Pierre

34

Blachon en 1885, considérée comme la plus emblématique des productions manufacturières de la ville.

A l'époque, la ville était donc portée par des secteurs dynamiques comme l'armement, la rubanerie et les cycles. Il y avait même d'autres activités en parallèle. Nous pouvons citer Casino, dont la première épicerie vit le jour en 1890, mais également l'entreprise Weiss en 1882, Henry Brun (fabricant de radios et de télévisions dans les années 1950), ou encore des chocolateries de renom grâce à l'intérêt de la bourgeoisie industrielle locale pour cette friandise, comme l'entreprise Weiss en 1882. La ville est alors une terre d'invention, de création, « un territoire pionnier animé par une dynamique spécifique liant l'art et l'industrie » (Franc, 2006).

Comme la ville était fleurissante, il y avait besoin de main d'oeuvre, et donc beaucoup de travail à offrir : suite à cette révolution industrielle, la ville a subi une explosion démographique. L'évolution du nombre d'habitant en est la preuve : 19 100 habitants en 1820, 94 000 habitants en 1856 et presque 150 000 en 1911 pour l'agglomération stéphanoise. L'histoire ouvrière a été marquée par la venue de nombreux migrants (italiens, espagnols, portugais, arméniens, maghrébins, etc.).

Cependant, la concurrence devient de plus en plus rude avec l'élargissement de la Communauté Economique Européenne, et la ville a du mal à surpasser cette crise. L'activité industrielle se réduit peu à peu... Les mines ferment en 1973 à Saint-Etienne, tout comme de nombreuses activités liées aux rubans, aux cycles... C'est la fin de l'âge d'or industriel.

Suite à cela, la ville se retrouve très rapidement en retard de développement mais avec un fort potentiel industriel. La ville doit affronter plusieurs enjeux économiques, géographiques, etc. « Comment la ville peut-être créer de la richesse à nouveau ? » devient une problématique, à l'époque où la ville a perdu des habitants, où les entreprises industrielles ont fermées... Même s'il reste quelques entreprises dynamiques (comme Casino et Weiss), la ville se retrouve dans une situation dramatique. Quelle politique de régénération urbain va-t-elle choisir ? Comment va-t-elle relancer son économie ?

Ainsi, nous avons vu que la ville de Saint-Etienne a été marquée par une industrialisation ancienne. Face à ce déclin des activité manufacturières traditionnelles, la ville décide de se

35

reconvertir dans de nouveaux secteurs et pôles d'excellence, comme l'enseignement supérieur, la technologie médicale, le traitement de surfaces, l'industrie optique etÉ le design.

La stratégie d'orienter Saint-Etienne vers le design en 1994 n'est donc pas partie de nulle part. La ville a toujours inventé, elle a même grandit en innovant, avec l'industrie : les designers auraient-ils toujours existé au sein de cette ville ? Quel usage effectuer des anciennes friches industrielles ? Comment utilise-t-elle son patrimoine industriel et commercial ?

36

2.1.2 L'héritage industriel comme source de patrimonialisation et de

muséification

La réhabilitation d'anciennes friches industrielles est une résultante de la stratégie de renouvellement urbain de la ville de Saint-Etienne des années 1990. Il est intéressant de constater que le passé industriel a été la source d'inspiration d'initiatives en faveur de la patrimonialisation et de la muséification de la ville : en voici un aperçu.

2.1.2.1 Le Musée d'Art et d'Industrie

La ville de Saint-Etienne a hérité d'un patrimoine industriel et commercial conséquent. Heureusement, cette mémoire des industries locales est préservée, notamment dans le Musée d'art et d'Industrie. Ce lieu de conservation met en valeur les trois domaines qui ont le plus marqué la ville de Saint-Etienne, à savoir l'armurerie, l'industrie du cycle et la rubanerie.

Initialement, dans les années 1833, ce musée d'art et d'industrie (était un Palais des Arts abritant un musée classique (quelques oeuvres de Monnet) et une bibliothèque. Ce lieu devient en 1889, le Musée d'Art et d'Industrie, réunissant les « beaux-arts » et les « arts industriels ». Sa mission principale est de montrer les liens entre l'art et la technique de l'ère industrielle. D'après Ludovic Noel (Directeur de la Cité du Design), ce musée abrite des « collections exceptionnelles autour des armes, cycles et rubans ».

Un musée aux racines du design : rénové par Jean-Michel Wilmotte en 2001 et labélisé Musée de France, il met en lien le passé, le présent et le futur de Saint-Etienne. Il offre un « regard contemporain sur les industries d'art et de design du quotidien » (Musée d'art et d'industrie de Saint-Etienne).

37

2.1.2.2 Le Musée d'Art Moderne et Contemporain

Le musée d'art Moderne émane d'une section qui appartenait autrefois au musée d'art et d'industrie dont nous avons parlé précédemment.

En 1947, le nouveau conservateur Maurice Allemand parvient à convaincre la municipalité du bien-fondé pour une ville moderne, née de la révolution industrielle, d'une politique tournée vers l'art moderne et contemporain. Entre 1967 et 1987, ce conservateur poursuit cette orientation vers l'art contemporain, et met en place une politique d'acquisition dynamique plus fortement tournée vers l'art contemporain. Grâce à des crédits d'acquisition alloués, il enrichit progressivement « les collections d'oeuvres importantes du début du siècle (Picabia, Schwitters, Alexandra Exter, Magnelli, Hélion...), de la génération européenne des années cinquante (Dubuffet, Fautrier, Soulages, Bram Van Velde...) et des artistes contemporains (Klein, Warhol, Dine, Stella, Judd, LeWitt, Viallat et les artistes français du groupe Supports-Surfaces...) » (Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Etienne).

La section d'art moderne devient un musée à part entière en 1987 : conçu par l'architecte Didier Guichard (fil de Pierre Guichard, ancien directeur du groupe Casino), inauguré le 10 septembre 1987 par le Ministre de la Culture François Léotard : pris parti d'une fonctionnalité avec une architecture sobre, ainsi qu'une façade en carreaux de céramique noire, un clin d'oeil au passé minier de la ville ; le but de ce bâtiment, le rendre souple pour permettre un espace de vie, d'échange, de formation un lieu ; localisé en bordure nord de Saint-Etienne.

Dans les années 1990, les axes d'orientation du musée sont la photographie et le design (soutenu depuis 1995 par le Conseil général de la Loire). La politique est en faveur du Design : « la politique de la Ville de Saint-Etienne et de Saint-Etienne Métropole à l'égard du design a accéléré, depuis 2001, le développement d'une collection de design désormais reconnue comme l'une des plus importantes en France (900 pièces) ». Parmi les oeuvres exposées, nous pouvons citer celles de Charlotte Perriand, célèbre designer ayant travaillé au côté du Corbusier. Ce musée détient la plus importante collection d'art moderne et de design après le Centre Pompidou (Ludovic Noel, Directeur de la Cité du Design).

38

2.1.2.3 Le Puits Couriot en parc-musée

« Que faire des autres friches industrielles et de ce patrimoine important ? »

(Zanetti, 2011)

L'héritage du passé minier à Saint-Etienne a été l'objet d'une forte patrimonialisation. Le Puits Couriot a été en activité (sous la société des Mines de la Loire) de 1919 à 1973. En 1991, afin de préserver l'identité minière du bassin de la Loire, un Musée de la Mine est créé dans l'ancien chevalement (édifié en 1913). Ce musée est le plus visité de toute la Loire, avec plus de 70 000 visiteurs par an, c'est donc une belle réussite. Le Puits Couriot abritant le musée est devenu un site minier classé Monument Historique.

Le Puits Couriot est un « lieu de vie et de culture de premier plan ». On y organise des festivals, spectacles, concert, « un lieu majeur de Saint-Etienne de demain », d'après la ville de Saint-Etienne. C'est un lieu de mémoire chargé d'émotion, un lieu fertile où l'imagination vagabonde librement (Coignard, 2014).

Depuis 2012, le Parc Couriot a été l'objet d'un important programme de travaux pour sauvegarder son patrimoine, rendre plus confortable la venue des visiteurs et renouveler son parcours de visite. Ce parc a été réhabilité dans le souci de respecter le patrimoine minier existant. L'équipe du projet (les architectes et urbanistes Gautier et Conquet ainsi que Michel Corajoud, grand prix de l'urbanisme et du paysage) a traité le parc et le musée « comme un même ensemble où tous les usages acteurs (récréatifs, contemplatifs, culturels...) s'accordent harmonieusement avec l'emblème patrimonial que constitue le site Couriot », d'où son appellation Parc musée. Ce sont 8 hectares de verdure aux pieds du chevalement et des crassiers... où se mêlent jeux pour enfants, aires de pique-nique, bref, un espace de détente et de tranquillité. Ce lieu fait résonance avec la Cité du Design dans le sens où il témoignage de la « formidable aventure industrielle du territoire » (Ville de Saint-Etienne).

39

2.2 Une politique Le renouvellement urbain tournée vers le Lesign

Saint-Etienne n'est pas la seule ville à avoir été touchée par le déclin de l'activité industrielle ancienne. Pour rebondir, beaucoup de villes ont mis en place de nouvelles stratégies de renouvellement urbain, ayant des objectifs « qui vont bien au-delà de la réhabilitation du cadre physique » (Le Garrec, 2006), dans le but de mettre en place des opérations comme levier de développement économique. Ces politiques sont « inspirées par les politiques de régénération urbaine expérimentées dans les villes industrielles britanniques », comme la théorie de la « Classe Créative » de Richard Florida dont nous avons parlé précédemment.

Cette orientation stratégique à Saint-Etienne aurait été mise en place en 1994, à l'arrivée de Michel Thiollière à la mairie. Avant son arrivée, les politiques étaient tournées vers le soutien à l'industrie pour sortir de la crise. Le nouveau maire élargit l'agenda politique « à des enjeux tels que l'attractivité résidentielle, la qualité du cadre de vie, et plus généralement l'image de la ville » (Bréal, 2006). Trois facteurs seraient à l'origine de cet intérêt pour le renouvellement urbain :

- « L'évolution sociologique de la composition de la ville », avec une ascension de groupes sociaux et professionnels liés à la culture, à l'urbanisme et à l'enseignement.

- « La prise de conscience des problèmes démographiques de la ville », de plus en plus visibles dans les villes, avec des centres villes désertés par les classes moyennes et supérieures (Rousseau, 2008).

- « Au niveau national, une réflexion se met en place autour d'une réforme des outils d'urbanisme visant à faciliter la reconstruction de la ville sur la ville ». Un guide des bonnes pratiques en matière de renouvellement urbain est rédigé par la Fédération Nationale des Agences d'Urbanisme, et une loi « Solidarité et Renouvellement Urbain » votée en décembre 2000 modifie en profondeur le droit de l'urbanisme et du logement en France (en favorisant la mixité sociale par exemple).

40

Un événement marquant de renouvellement urbain de Saint-Etienne est le lancement du projet d'agglomération en 2003, où Saint-Etienne devient Saint-Etienne Métropole. Ceci est la preuve d'un effort pour « formaliser une stratégie économique plus ambitieuse et sélective, stratégie reposant sur l'appui aux nouvelles technologies pour accélérer la mutation du tissu industriel local et sur la promotion du design comme nouvelle compétence transversale » (Vincent Béal, 2010).

Cette stratégie n'a pas été suivie par tous les acteurs économiques dans les années qui suivirent, notamment en ce qui concerne « le bien-fondé économique du choix du design comme vecteur de mutation et de développement économique ne fait pas l'unanimité ».13 Cette action n'a pas été soutenue de manière transparente par l'ensemble des élus de la communauté. Les causes seraient une méfiance quant à la capacité des collectivités locales à peser sur le développement local, mais aussi la priorité aux projets de gouvernance interne (communauté d'agglomération, soit un établissement de coopération intercommunale) décourageant la mobilisation de la société locale.

D'après Josyane Franc, l'aventure du design contemporain commence réellement en 1989, lorsque le département de design de l'Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne se fait remarquer sur un plan national, par la création du premier troisième cycle français « design et recherche », suivi en 1991 par la fondation de la revue « AZIMUTS ». Les enseignements se poursuivent autour du « projet design », sous une réelle diversité des démarches, des techniques, matériaux, savoir-faire traditionnels etc. Le design est « au coeur de la transformation urbaine, des équipements, infrastructures et des espaces publics » (Franc, 2006).

Nombreuses furent les conséquences de ces décisions politiques en faveur du design. En 1977, un atelier d'espaces publics est crée pour faire participer des jeunes créateurs venant des écoles de la ville (designers, artistes, architectes) à des projets de conception de nouveaux

13 Vincent Béal, Rémi Dormois et Gilles Pinson, « Relancer Saint-Étienne. Conditions institutionnelles et capacité d'action collective dans une ville en déclin », Métropoles [En ligne], 2010, mis en ligne le 30 novembre 2010, consulté le 22 mars 2016, URL : http://metropoles.revues.org/4380

41

espaces publics (en partenariat avec les services techniques de Saint-Etienne). Par la suite, plus de 150 sites (aires de jeux, places, jardins) ont été rénovés.

En 1998, la Biennale Internationale Design Saint-Etienne ou « mondial du design » est créée sous l'initiative de l'Ecole Régionale des Beaux-Arts (désormais Ecole Supérieure d'Art et Design de Saint-Etienne), dans le but de rassembler de nombreux acteurs : créateurs, entreprises, écoles, journalistes, éditeurs... Cette Biennale est liée à des thématiques larges : cohabitation en 2006, écologie en 2008, téléportation en 2010... Il y a néanmoins toujours une volonté de lier le local et le global : l'idée est de « croiser les métiers du design, ses différentes pratiques et ses enjeux, avec divers acteurs de l'innovation de la recherche, de l'économie et de l'enseignement. »14.

14 Centro Cultural Banco do Brasil, Saint-Etienne, Cité du Design, Brasilia, 2009, 117 pages.

42

2.3 Naissance Le la Cité Lu Design

La Cité du Design est un bel exemple de marqueur de cette volonté de placer le design au coeur de la politique territoriale. En effet, le succès des différentes Biennales et le dynamisme de l'école pionnière permet de voir la Cité du Design naitre.

En se dotant d'un outil exceptionnel comme La Cité du Design, Saint-Etienne et son agglomération font un pari sur le design comme moteur pour son territoire, dans une société qui doit affronter des mutations de tous ordres, du social à l'économie, de l'écologie à la technique, qui ont des incidences sur la vie de chacun (Cité du Design).

L'implantation de cette Cité du Design choisie est le quartier de l'ancienne Manufrance, symbole d'une grande époque (de 1864 à 2000), où la Manufacture d'armes fabriquait le fleuron de l'armée française, le fameux « clairon ». La ville décide de la réhabiliter de manière à créer un lieu pour changer l'image de la ville « d'une ville industrielle à une ville beaucoup plus culturelle » (d'après Maurice Vincent, le maire de l'époque). Ce lieu serait alors une plateforme d'enseignement supérieur unique en Europe, qui pourrait accueillir la Biennale internationale du design, d'où l'idée d'une « Cité du Design ».

La Cité du Design est une plate-forme d'observation, de création, d'enseignement, de formation et de recherche par le design. Elle souhaite porter un design qui réponde aux usages, aux besoins et aux nouvelles pratiques en centrant sa réflexion sur l'humain, par la conception d'images, d'objets, d'environnements et de services dans l'espace public et privé (Ville de Saint-Etienne)

Cette Cité du Design est construite dans le but d'accompagner la mise en oeuvre du design au sein des collectivités publiques, de dynamiser l'activité des entreprises créatives, tout en favorisant leur collaboration transversale avec les partenaires industriels et scientifiques. Elle est définie comme « espace d'avant-garde dont le but est de former des professionnels qui pensent le design comme un outil social, grâce à des solutions qui ne perdent pas de vue les caractéristiques sociales et économiques de la finalité pour laquelle elles ont été conçues, sans toutefois négliger le côté pratique et esthétique » (Frances E., 2008).

43

Elle a l'ambition de devenir le quartier des métiers créatifs, « qui permet le maillage permanent entre vie quotidienne, technologies, art, culture et loisirs » : enseignement supérieur comme atout pour la recherche (ESADSE fondée en 1804, Télécom Saint-Etienne, l'école d'ingénieurs en technologie de l'information et de la communication, IRAM, une plateforme de recherche, veille et formation dédiée aux nouveaux médias, et Sup Optique). « Autour de la cité, mon projet est de mettre sur pied un campus créatif, c'est-à-dire rassembler, au-delà du design, des labos de recherche universitaires, des écoles d'ingénierie et des entreprises de haute technologie pour créer un système d'innovations nouveau » (Corriveau, 2011).

Le projet de la Cité du Design débute en 2005 : ce travail représentant plus de 16 000 mètres carrés de terrain, a été confié à des architectes de renom : Finn Geipel et Giulia Andi, appartenant à l'agence LIN. Il ne s'agissait pas de réhabiliter simplement les locaux, mais de créer une ville-parc, ouverte sur les quartiers avoisinants. L'objectif de ce projet architectural d'après la Cité du Design est le suivant : « créer un lieu tourné vers le futur, susceptible d'évoluer en fonction des activités de la Cité du Design avec le développement du territoire ». On y trouve un mélange entre des friches industrielles réhabilitées et des réalisations contemporaines (la Tour et la Platine). La Platine est le lieu d'échange et de connexion entre les espaces et d'accueil du public.

L'ensemble des activités de la Cité du Design s'appuie sur l'expertise des designers professionnels qu'elle considère comme des acteurs économiques dont elle vise à développer l'activité et l'intégration dans tous les processus de conception. Son role est d'implanter le design là où il n'existe pas aujourd'hui, où ses compétences apportent innovation et développement au service des personnes et de l'associer à des métiers complémentaires, notamment dans les sciences humaines.

Ses principales activités sont les suivantes :

- Sensibiliser le design à tous les publics, notamment le grand public (par des ateliers pour enfants par exemple),

- Développer l'enseignement supérieur du design dans la région Rhône-Alpes (avec

notamment le Consortium Design enseignement supérieur Rhône-Alpes en 2007), - Observer, rechercher et expérimenter par le design, au profit d'acteurs publics et

privés,

- Développer et innover par le design,

44

- Valoriser les actions par le design (grâce à des expositions, conférences, colloques etc.).

En 2006, la Cité du Design organise la Biennale Internationale du Design pour la première fois, avec des thématiques liées à ses axes de développement : depuis ce jours, la Biennale est directement organisée en lien avec la Cité. La Cité du Design est inaugurée en 2009. Il s'agit d'une « nouvelle étape de la transformation de tout un territoire » (Franc, 2006).

Par conséquent, Saint-Etienne a conservé une réelle capacité à inventer, à rebondir vers la créativité et l'innovation. En effet, cette capacité à inventer se retrouve dans les musées mais également dans son patrimoine industriel et architectural. La ville a su utiliser son passé industriel comme source pour se reconvertir, en utilisant le design comme point central de sa politique de reconversion urbaine. Grâce à son rayonnement culturel, sa Biennale Internationale du Design, et ses compétences variées, la ville a l'ambition d'accroitre son attractivité nationale et internationale. Relancer le territoire en misant sur le design a été une véritable volonté politique de la ville, ce qui l'a amené à déposer une candidature pour une désignation ville de design du réseau des villes Créatives Unesco. Le 22 novembre 2010 la ville entre dans le réseau des Villes Créatives de l'Unesco grâce au design.

45

3 Le design comme nouvelle identité territoriale

3.1 Moteurs du développement urbain par le design 3.1.1 Une véritable stratégie de positionnement

Le marketing urbain est désormais devenu incontournable pour les gouvernements locaux qui font face à une concurrence internationale effrénée (Silvent, 2012). Un territoire qui se positionne permet de se différencier de ses concurrents. Il sera donc plus attractif :

Même si la stratégie de développement territorial ne s'appuie pas sur un savoir-faire local, dans tous les cas, il faut choisir un domaine sur lequel la ville peut se détacher des villes concurrentes (Silvent, 2012)

Le marketing urbain, un outil au service de la différentiation du territoire (Bros-Clergue, 2006). Construire un avantage concurrentiel est important étant donné le paradigme concurrentiel (Thisse et Ypersele, 1999). Selon Gouttebel (2003), « le marketing urbain facilite le positionnement de tel ou tel territoire sur le marché concurrentiel »

De nombreuses villes ou les régions cherchent à se créer une marque de fabrique. On parle de city branding (ville-marque) ou encore, region branding (territoire-marque). Le slogan comme « I Love New York » est le plus emblématique du concept de ville-marque. C'est une marque territoriale devenue culture : « il s'agit de la première marque de ville avérée ». Son histoire est pourtant simple : à cause de problèmes de criminalité et de déficit économique dans les années 1970, la ville subit une mauvaise image (elle évoque la terreur et la crainte), et n'attire pas les touristes. L'Etat décide de promouvoir la ville, en créant un nouveau logo, inspiré du slogan de l'Etat de Virginie « Virginia is for lovers », avec le slogan « I Love NY ». Cette campagne a été un réel succès, révélant la puissance de ce logo entré dans la culture américaine, « mais ce choix de logo met également en avant une relation d'amour entre des individus et une métropole ».15

15 Maëva CHANOUX et Sarah SERVAL, Institut de Management Public et de Gouvernance Territoriale, Etat des lieux et perspectives du marketing urbain, page 11

46

A Saint-Etienne, le design semble donc être un moyen de positionner la ville, de lui donner une image singulière : « Ainsi une ville comme Saint-Etienne a construit sa nouvelle identité autour du design, ce qui lui a permis de changer son image » (Silvent, 2012). La désignation ville de design du réseau des villes Créatives Unesco fait de Saint-Etienne un avantage majeur différenciant majeur : c'est la première et la seule ville de Design française. Force est de constater que le design est un atout différenciant de la stratégie marketing de la ville. D'après Josyane Franc, grâce à la Cité du Design, Saint-Etienne se positionne comme « un territoire référent sur la question de l'accompagnement des mutations sociales, des nouveaux modes de vie et de la dynamique économique dans un cadre qui se différencie des autres institutions françaises du design. »

Le design est un fil conducteur de la stratégie de marketing urbain et un facteur différenciant tant en terme de structuration de l'offre qu'en terme de promotion du territoire et de commercialisation. La ville de Saint-Etienne peut appuyer son positionnement grâce à la présence du design dans de nombreux domaines : offre de services Design aux entreprises, design dans les formations et collaborations universitaires, positionnement candidature French Tech, packaging de produits touristiques d'affaires ou d'agrément, opérations « Commerce Design », Design Management dans les services publics, design dans l'espace public, dans les projets urbains et de construction, design dans les grands événements (Biennale internationale du Design, Design Map, DME Award).

La vidéo « Clip Unesco » de 2013 met en valeur le fait que Saint-Etienne est Ville Unesco de design depuis 2010 : 40 lauréats Commerces Design, 60 projets développés par des designers sur le territoire depuis 2010, 2ème fonds de design en France au Musée d'art moderne, 110 accompagnements d'entreprises dans leur stratégie design, 85 000 visiteurs à la biennale 2010, 1ère ville française à intégrer le réseau des villes UNESCO de design, 375 étudiants inscrits en 2012/2013 à l'ESADSE.

Quelles sont les raisons de miser sur le design comme stratégie de renouvellement urbain ? Promouvoir la métropole à l'international, mais également pour séduire les investisseurs, les touristes, les étudiants... De manière générale, l'objectif de cette nouvelle identité est de rendre la ville de Saint-Etienne plus attractive (Le progrès, 2015): « Même si la distinction

47

Ville Unesco de Design ne se suffit pas à elle-même mais vient renforcer la visibilité d'un territoire » (Antoine LE PESSEC, 2014).

Ainsi, le design peut donc être considéré comme l'identité voulue de la ville de Saint-Etienne. Les moteurs de cette reconversion sont nombreux. En plus d'améliorer son image, et de la rendre plus attractive, le design pourrait-il être une alternative à la crise et une source de dynamisme pour l'économie de la ville ?

48

3.1.2 Une alternative à la crise économique

La régénération urbaine axée sur le design ne serait-elle pas un moyen de développer l'économie de la ville ? Il semblerait que la réponse est affirmative. En effet, s'il on regarde le cas de Liverpool, son label de capitale européenne de la culture en 2008 a permis d'attirer des investisseurs : « la reconnaissance ville créative de design par l'Unesco permet d'attirer les investisseurs (entreprises, financiers, promoteurs) dans le but de réaliser des projets de politiques urbaines. »16

Les villes doivent investir de nouveaux champs comme la culture, l'art, le sport, les divertissements. Ces domaines qui jusque-là pouvaient sembler secondaires et surtout non productifs d'un point de vue économique peuvent donner une nouvelle impulsion aux villes et générer de nombreux emplois.17

Le territoire cherche à « attirer des consommateurs qui dépenseront sur son territoire » (Ingallina et Park 2005).

En outre de la création d'une image et de symboles, l'instrumentalisation de la culture s'articule également autour d'une notion purement financière. La construction d'une ville créative est un enjeu majeur pour attirer les investissements, encourager la consommation et créer de la richesse in fine.

Le soutien à l'innovation et au design est un véritable levier de performance pour les entreprises. Il existe un grand nombre d'entreprises qui réussissent par le design. La présidente Anne-Marie Boutin ayant crée en 1983 l'Agence pour la Promotion de la Création Industrielle le confirme :

Ce que le design apporte à l'entreprise dans un premier temps, c'est la différenciation. Le design permet de faire un produit qui va se démarquer des autres sans que cela soit pour autant plus cher. Parfois, le projet est même plus rentable que prévu. Il faut bien

16 Antoine LE PESSEC, SciencesPo, Mémoire sur « La démarche design, un outil pour renouveler les processus de l'urbanisme », 2014, page 20

17 Arte, Les villes créatives comme alternative à la crise, consultée le 3 février 2016, disponible sur : http://gensol.arte.tv/blog/2012/11/27/les-villes-creatives-comme-alternative-a-la-crise

49

comprendre que le designer travaille dans la transversalité des services, ce qui améliore bien souvent le temps de réalisation des produits. Il joue un grand rôle dans le choix des matériaux et techniques en optimisant les procédés de fabrication. Voilà pourquoi le designer est une valeur ajoutée à l'entreprise. (Abrial, 2014)

A Saint-Etienne, la stratégie urbaine d'orienter l'identité et le développement grâce au design aurait une visée d'ordre financière et économique, en créant de la richesse (Silvent, 2012). Charles Landry partage le même avis : « développer la créativité des zones urbaines et s'ouvrir à la culture permet de relancer l'économie des villes ».

Dans le cas de Saint-Etienne, la Cité du Design s'intéresse non seulement à la dimension culturelle du design, mais également à au développement économique pour le territoire :

Elle les connecte et les rassemble autour de programmes de recherche, dans des projets de développement économique et d'attractivité du territoire. Elle organise également des événements à forte notoriété pour tous les publics et se différencie des autres institutions françaises du design en renforçant un axe fort et fédérateur : le design, les mutations sociales et les dynamiques économiques. (Poirot Jacques, 2010)

La Cité du Design regroupe une trentaine de personnes et est financée par la ville et la métropole de Saint-Etienne. Elle est soutenue par la région Rhône Alpes. Le Mixeur, faisant partie de la Cité, est un endroit où il y a une émulation des acteurs économiques, des entreprises se créent, et collaborent avec des designers. D'après le Directeur de la Cité, il y aurait une interaction avec plus de 500 entreprises du territoire, ce qui n'est pas moindre. Le design à Saint-Etienne serait donc synonyme de rencontre entre le secteur public et privé comme à la Cité du Design.

D'après l'ancien maire Maurice Vincent, la ville soutient les entreprises qui accordent une attention particulière au design : « elle a élaboré un dispositif d'accompagnement financier afin de venir en aide aux PME n'ayant pas encore engagé de démarches de design, pour la prestation d'un professionnel du design, en vue du développement d'un projet » (Corriveau, 2011). La ville encourage les entreprises à adopter une démarche design, notamment dans le but de faire évoluer l'économie de la ville.

Saint-Etienne est également la première ville européenne à décliner le concept montréalais, « Commerce Design » depuis 2003. Il s'agit d'un concours destiné à « récompenser les

50

artistes et commerçants pour la qualité de l'aménagement intérieur et extérieur de leur établissement et à mettre en valeur le talent des professionnels du design et de l'aménagement des lieux de vente » (Cité du Design). Ce concours encourage les commerçants à être créatif et innovant, d'ailleurs, plus de 200 ont candidaté depuis 2003 aux 4 premières éditions.

Outre un développement économique des entreprises par le design, le fait que Saint-Etienne soit Ville Unesco de Design est un véritable atout pour attirer des touristes, notamment lors de la Biennale Internationale du Design qui d'après son directeur est un succès public. Elle accueille des visiteurs (85 000 en 2008) de plus en plus nombreux, des spécialistes aux plus curieux. La Biennale attire aussi bien l'international que le national. Elle est étendue sur l'ensemble du territoire stéphanois, ce qui offre un rayonnement de cette dernière sur tout le territoire régional.

Le design attirerait plusieurs formes de tourisme à Saint-Etienne. Le tourisme d'affaires avec des designers qui viennent du monde entier à la Biennale Internationale du Design, mais également du tourisme culturel avec un public attiré par le patrimoine culturel et créatif (Le Corbusier de Firminy, la Biennale Internationale du Design, etc.).

Pour conclure, il est évident que le design et la créativité sont une source de développement économique pour la ville de Saint-Etienne. D'ailleurs, la région de Saint-Etienne a réussi avec succès à renouveler son tissu économique, et se situe en deuxième position de PME-PMI, après la région parisienne. Le design attire des investisseurs, des designers et créateurs, des touristes, notamment grâce à la Biennale Internationale du Design qui a un impact très positif sur la ville. Mais la politique de régénération urbaine par le design ne serait-elle pas un moyen d'améliorer la ville de ses habitants ? Le design n'aurait-il pas un caractère social ?

51

3.1.3 Le design pour améliorer la vie des gens

Pour Charles Landry, développer les actions culturelles singulières peut permettre de garantir un « mieux vivre » aux habitants d'une ville. « Le design permet ainsi d'assouplir les interfaces entre l'homme et la ville en construisant une ville adaptée à tous les publics » (Le Pessec, 2014). Le design cherche à résoudre les problèmes que pourrait rencontrer le monde (pas seulement économique mais de manière plus large), il a donc un caractère social. Bastien Kespern, est un designer dont la préoccupation majeure de son travail et de résoudre les problèmes d'aujourd'hui. Il s'est d'ailleurs intéressé à l'engagement citoyen et des questions du type « Comment les gens pratiquent-ils la démocratie ? » (Kespern, 2015). Il pratique la pensée design (autrement connue sous le nom de design thinking) : « c'est un état d'esprit qui va croiser une analyse objective (chiffres) et une analyse subjective (émotions, pensées, etc.) ». Cette démarche place l'utilisateur au coeur du problème, elle cherche à identifier quels sont les besoins des personnes et quelles sont leurs motivations. Pour mener son projet lié à la démocratie, il va par exemple observer les nouveaux comportements des citoyens, les nouveaux besoins, les nouvelles attentes.

Le design a un caractère social fondamental (Gauthier Philippe, 2015). Certains chercheurs ont établis cinq principes pour guider le design du 20ème siècle dans une démarche sociale. Le guide suivant met en avant le fait qu'une pratique du design authentique est sociale par nature :

Principe 1. Un acte de design authentique est un acte social et critique. Il commence par un moment critique, c'est-à-dire un moment où le designer détecte l'existence d'une insatisfaction vis-à-vis du monde qui le propulse dans un projet en vue de rendre ce monde plus habitable pour la collectivité.

Principe 2. Un acte de design authentique est nécessairement tourné vers l'amélioration de la vie d'autrui et de la collectivité. Ses objets sont les usages sur lesquels le designer agit en façonnant les dispositifs de notre monde habité, artefacts matériels ou immatériels.

Principe 3. Le design est une pratique qui participe inévitablement à définir les contours du vivre-ensemble, et il est de la responsabilité des designers d'assumer pleinement ce rôle et de savoir rendre publique l'idée même du vivre-ensemble qu'ils mettent en oeuvre.

Principe 4. Aucun apprentissage du design ne saurait avoir lieu sans une appropriation raisonnée de l'appareil conceptuel qu'il partage avec les sciences humaines et sociales.

52

Principe 5. La réflexion authentique en design s'intéresse avant tout aux relations entre les humains et leurs divers environnements, aux modalités du vivre-ensemble, à l'expression des cultures contemporaines et aux conceptions du bien commun.

S'il on prend l'exemple de la ville de Lyon, le design urbain améliore le quotidien des habitants. Lyon City Design Urban Forum 2015 souhaite mettre en avant le design de chantier en expliquant comment le design accompagne la ville en mutation tout en révélant ses signatures sensorielles. Ceci n'est donc pas un hasard si Lyon a été labellisée Lyon Design City et est partenaire de la Cité du Design de Saint-Etienne.

Nous avons vu que les moteurs au développement de cette identité territoriale tournée vers le design sont nombreux. En plus de développer l'économie de la ville et d'être l'objet d'une véritable stratégie de marketing urbain, le design à Saint-Etienne pourrait être un moteur de développement social et améliorer la qualité de vie de ses habitants. Cela dit, il peut y avoir des obstacles freinant à cette régénération urbaine. Quels sont ses enjeux ? Sont-ils importants au point de freiner le développement urbain de la ville de Saint-Etienne ?

53

3.2 Freins au développement de cette identité territoriale

Même si la nomination de Saint-Etienne comme Ville Unesco de Design est très prometteuse, les avis ne sont pas partagés par tous : « le label Unesco n'est pas un sésame » (Néau, 2013).

3.2.1 L'image négative de la ville

Certains voient encore Saint-Etienne comme une ville noire à cause de son passé industriel et minier. Cette image freine la transition de la ville vers une image plus positive et tournée vers le design.

La désindustrialisation et ses conséquences sociales et économiques accentuent la prégnance des représentations négatives de la ville, l'expression de « ville noire » en particulier, accolée à la ville au temps de l'industrie lourde (Vant, 1981), semblant toujours s'y attacher. (Rousseau, 2008)

Pire, certains journalistes véhiculent l'image d'une ville où certains quartiers sont minés par la pauvreté (Zappi, 2014). Certes, la ville possède encore des fragilités, notamment au niveau urbanistique. Le passé de la ville lié à la désindustrialisation a engendré un déclin de l'emploi et donc, un déclin démographique, la ville ayant perdu 25 000 habitants de 1990 à 2000 : « Saint-Étienne est l'une des rares villes de taille importante en France à présenter des quartiers centraux abritant de fortes proportions de populations paupérisées et d'habitat insalubre. » Certains quartiers de la ville n'ont pas encore été restaurés et sont encore à un stade dégradé, abimé. En effet, nous pouvons citer les quartiers près du centre-ville comme Tarentaize, Beaubrun et Crêt-de-Roc. Heureusement, la ville a prévu de rénover ses quartiers anciens dégradés. C'est le cas pour deux quartiers d'habitat social (Sud-Est et Montreynaud) et deux d'habitat ancien de centre-ville (Crêt de Roc et Tarentaize-Beaubrun-Séverine) : « Au total, quelque 5.000 démolitions de logements sont programmées, avec en parallèle 4.000 constructions et 2.000 réhabilitations, selon les données fournies par l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine » (Meynard, 2004).

54

Qu'en est-il des habitants ? Comment la ville est-elle peuplée ? Le peuplement de la ville est également un enjeu pour Saint-Etienne, étant considéré comme un nouvel enjeu stratégique pour les villes (Christelle Morel Journel, 2011). La ville doit-elle pour autant mettre en place une politique de gentrification pour sa régénération urbaine ? Rappelons que la gentrification est caractérisée par l'éviction des classes pauvres du centre-ville (Glass, 1964), ou encore par un processus d'embourgeoisement particulier : cette notion est très partagée, entre des avis négatifs et des avis positif. On parle alors de revitalisation des centres-villes. En effet, pour certains, les conséquences positives surpassent les conséquences négatives : « depuis le retour de la bourgeoisie dans le coeur des villes américaines, cette fameuse gentrification, le quartier s'est enrichi, de nouveaux magasins se sont installés. Et les anciens résidents? Ils sont restés » (Czarny, 2014).

3.2.2 La proximité avec la ville de Lyon

La situation géographique de la ville comme sa proximité de Lyon peut également être un frein à cette régénération urbaine. En effet, nous pouvons nous demander si la ville de Lyon pourrait concurrencer la ville de Saint-Etienne, et devenir un inconvénient supplémentaire. La théorie qui pourrait appuyer cet argument est celle de la montée de la concurrence interurbaine (Harvey, 1989).

La grande ville de Lyon se trouve à soixante kilomètres de Saint-Etienne. La communauté urbaine de Lyon a une volonté politique de développement économique dédiée au industries créatives, prouvée par le mandat 2008-2014 qui a pour but de « soutenir et valoriser des secteurs à fortes composantes créatives (le design, la mode, l'image en mouvement) et [pour] accélérer les processus d'innovation par la créativité et le croisement entre filières. »

Lyon est comme Saint-Etienne, tournée vers le design. En effet, l'association Lyon Design a d'ailleurs pour objectif de diffuser la démarche design et de promouvoir les atouts de la métropole pour en faire un véritable territoire de design. Fondée en 2012 et présidée par le PDG de Fermob, cette association regroupe : des designers, des écoles, des industriels et des représentants d'institutions, « tous unis par la conviction que le design est un élément du mieux vivre ensemble, déterminant dans la construction de la société de demain » (Association Lyon Design).

55

Mais le scénario d'une concurrence avec Saint-Etienne est à nuancer. En effet, lors de la Biennale internationale du Design à Saint-Etienne, plusieurs actions sont menées en parallèle à Lyon dans cette même directive. En 2015, « Lyon City Urban Forum », a mené des expériences de design urbain à Lyon pour montrer comment le design pouvait répondre aux problématiques de la mutation de la ville. Un événement singulier différent de la Biennale stéphanoise puisqu'il était focalisé sur l'intervention dans l'espace public à ciel ouvert pour se focaliser sur le design urbain. Ce « labo de la ville de demain » s'est basé dans le quartier de la gare de la Part-Dieu, un « quartier extrêmement représentatif des enjeux du design urbain » (Raymond, 2015).

Il existe des freins et des moteurs à la régénération urbaine de Saint-Etienne par le design et à son entrée dans le réseau des villes créatives Unesco pour le design. Il est donc intéressant de s'intéresser aux impacts du design sur la ville. Nous allons tenter de répondre aux questions suivantes : En quoi peut-on dire que la ville est ville de design ? Quel est l'impact de l'entrée de la ville dans le réseau Unesco ? Quelle est la culture design à Saint-Etienne ? Quelle est la réalité du design à Saint-Etienne ?

56

3.3 Le design à Saint-Etienne : quelles retombées ?

3.3.1 La Biennale Internationale du Design, un succès encourageant pour la ville

La Biennale Internationale du Design a marqué un tournant décisif dans le changement d'identité et le rayonnement international de Saint-Etienne. Elle semble être un lieu unique : « faire venir des designers du monde entier, de fédérer autour d'un événement le monde culturel et économique, ce qui la distingue d'un salon professionnel ou d'une design week » (Franc, 2006).

La ville est vue comme un lieu de démocratisation du design : « depuis sa création la Biennale Internationale Design Saint-Étienne n'a cessé d'évoluer, de s'enrichir et de s'organiser autour d'un objectif central : démocratiser le design, le rendre accessible à tous les publics à travers une vision large du métier de designer et de ses multiples applications ». La Biennale cherche à montrer les différents métiers du design, ses pratiques et ses enjeux, par le biais d'expositions, de conférences, de rencontrent...

Saint-Etienne rayonne internationalement grâce à la Biennale. Elle permet à la ville d'avoir une résonnance mondiale, notamment grâce aux réseaux internationaux de La Cité du Design et de l'Ecole Supérieur Nationale D'art et de Design. Ces réseaux ont été mis en place pour « emmener le territoire vers l'international, être une vitrine et un lieu de ressource en particulier pour les pays émergents, se positionner comme un point d'ancrage national fort, mettre en place des programmes communs de recherche et d'enseignement, développer l'itinérance d'expositions et d'événements ». D'ailleurs, un bel exemple de la résonance internationale de Saint-Etienne par la Biennale du Design est une exposition qui a eu lieu au Brésil (Brasilia, Rio de Janeiro, Curitiba, et Sao Paulo entre juillet 2009 et janvier 2010) intitulée « Saint-Etienne - Cité du Design » : elle a été organisée pour renforcer les liens avec le Brésil, et afin de présenter l'activité de la cité pour contribuer à son rayonnement international. Saint-Etienne avait d'ailleurs accueilli lors des différentes biennales du design, de nombreux créateurs brésiliens (comme Brazil faz design, Patricia Bowles, Vera Lopes, l'entreprise Melissa...). Cette exposition issue de la Biennale internationale Design Saint-Etienne de 2008, invitait les brésiliens à se questionner sur le rôle du designer face aux

57

évolutions sociales (comme la problématique de l'écologie de la planète). Cette exposition est l'exemple de projets que la Biennale mène afin de faire connaître la Cité du Design de Saint-Etienne et d'établir des liens solides avec l'international.

Les bénéfices de la Biennale Internationale Design pour l'image de la ville sont considérables d'après les résultats de l'étude réalisée par l'agence Protourisme en 2016 : « qu'il s'agisse de retombées presse ou d'opinion auprès du grand public ». « Le public repart avec une image très positive de la ville », selon Josyane Franc. En effet, les données chiffrées révèlent que : « 71% des visiteurs qui n'étaient jamais venus à Saint-Etienne avant la Biennale ont une bonne image de la ville après leur passage, contre 11% auparavant ».

D'après l'évaluation de l'impact économique de la dernière Biennale Internationale Design (ayant eu lieu de 12 mars au 12 avril 2015), il est clair que la fréquentation est en augmentation. Celle-ci a progressé de 60 000 personnes avec plus de 200 000 visiteurs par rapport à 2013. Son chiffre d'affaires s'élève à 3,3 millions d'euros (entreprises de la métropole de Saint-Etienne). D'après l'étude, un touriste aurait dépensé 72 euros par jour sur le territoire de l'agglomération, et 355 euros pour un visiteur professionnel. En terme de retombées pour le territoire, 1 euro investi par Saint-Etienne Métropole pour organiser l'événement aurait 1,25 euros de retombées.

Ainsi, la culture design est bel et bien un levier de croissance économique à Saint-Etienne. La Biennale Internationale du Design est un moteur économique intéressant pour la ville, qui lui offre une résonnance internationale ainsi qu'une image très lumineuse.

58

3.3.2 Un design participatif ancré à Saint-Etienne

A Saint-Etienne, la ville est facteur de design sociétal (Cité du Design). L'innovation par le design souhaite prendre en compte la participation citoyenne : les expériences s'articulent autour du design participatif et du design de service public. L'innovation et la démarche design à Saint-Etienne est tournée vers les usagers. Par exemple : le projet « Hôtel de ville de demain » qui a fait l'objet de réflexions collectives autour du design. « Le réseau favorise la démarche apprenante et Saint-Étienne peut y trouver une opportunité de partager son savoir-faire en terme de design communautaire » (Franc, 2006). Mais comment définir le design communautaire ? Il s'agit de placer l'humain et la communauté au coeur de l'innovation.

Il y a une volonté de démocratiser la culture du design auprès des habitants. La Biennale du Design a d'ailleurs comme volonté de montrer « tous les Designs, du plus appliqué aux objets du quotidien jusqu'aux utopies les plus ouvertes, mais avec le souci d'en faire un événement populaire » (Jusselme, 2015).

Saint-Etienne serait donc une ville dont le design n'exclue pas le caractère social. Cela se voit au niveau des aménagements urbains de la ville : « Concrètement, nous faisons évoluer nos systèmes de tramway et de bus. Les objets eux-mêmes évoluent : leur coloration, leur technologie intègrent désormais une dimension de design importante » d'après le maire actuel. Le design servirait ainsi à améliorer la qualité de vie des habitants de la ville.

59

3.3.3 Valorisation de la « démarche design » dans le secteur privé

La Cité du Design met en avant que le design peut créer de la valeur pour l'entreprise. En effet, au sein du quartier créatif de la Manufacture, de nombreux acteurs cherchent à valoriser le design pour le secteur privé.

Le Mixeur soutient les interactions entre les grandes et petites entreprises, les autoentrepreneurs, mais également les télétravailleurs, free lanceurs. « Cet espace de travail et de diversité accueille une pépinière d'entreprises créatives, un pôle média, une antenne locale de France Bleu, un hôtel d'entreprises, une crèche municipale et un ensemble de services dédiés à la créativité (espace de co-working, workshop) sur plus de 5.000 m2 » (Entreprendre, 2014).

Appartenant au Mixeur, Designers+ est un réseau de professionnels du design et des métiers associés dont l'objectif est le suivant : « Nous agissons pour structurer et animer al filière design, pour faire émerger des projets et accompagner nos adhérents dans leur montée en compétence ».

Un laboratoire d'usages des pratiques innovantes (LUPI) a été mis en place pour stimuler les talents créatifs des entreprises, notamment au niveau des PME afin qu'elles intègrent le design dans le développement de nouveaux projets. Pour cela, plusieurs services sont à disposition des entreprises notamment un coaching, un accès privilégié aux programmes développés par la Cité du design, la participation aux programmes de démonstrateurs, et l'accès à une offre immobilière pour les porteurs de projets. En tout, plus de 500 entreprises du territoire stéphanois ont été sensibilisées au design, et quarante ont été accompagnées dans un projet.

60

Conclusion Le la revue Le littérature

Dans cette revue de littérature, nous avons dans un premier temps analysé de manière générale le design comme moyen de renouvellement urbain. La tentative de définition du design nous a montré que ce concept fait encore beaucoup parler de lui aujourd'hui. L'histoire témoigne que l'Etat français s'est beaucoup investi pour promouvoir le design français depuis 1980 et que le design est reconnu comme un patrimoine Unesco à part entière depuis 2004. Par la suite, nous avons évoqué les théories de renouvellement urbain par les communautés créatives, pour en déduire que la ville créative est un modèle de développement territorial prometteur. Nous nous sommes interrogés sur le rôle des créateurs comme les designers dans les mutations urbaines : sont-ils des inventeurs ? Font-ils partie prenante d'une ville créative ? Il semble qu'en théorie, les designers devraient donc être des acteurs essentiels de la régénération urbaine par le design. D'après le réseau Unesco des villes créatives de design, ces dernières doivent répondre à des critères bien précis pour entrer dans ce réseau Unesco. Beaucoup de villes choisissent le design pour se valoriser, mettre en valeur leurs savoirs faires, comme Montréal ou Berlin qui semblent effectivement très créatives et exemplaires en matière de renouvellement urbain par le design.

Dans un second temps, nous nous sommes intéressés au cas de la ville Saint-Etienne devenue « ville de design Unesco » depuis 2010. A travers cette recherche, nous avons plongé dans son passé pour constater que cette reconversion est en totale cohérence avec la décision politique de renouvellement urbain par le design vers 1994.

En effet, la ville s'est développée grâce à sa créativité, nous pouvons même dire que les designers ont toujours participé à son évolution. Après l'âge d'or industriel, la ville s'est retrouvée avec beaucoup de patrimoine, elle s'en est donc servie pour créer des musées par exemple. Elle a utilisé son passé pour rebondir. Dans les années 1998, la ville lance la Biennale Internationale du Design appelée « mondial du design » afin de rassembler de nombreux acteurs du monde du design, locaux comme internationaux. Cet événement lancé par l'école régionale des Beaux-Arts est un immense succès. C'est grâce à ce sujet, ainsi qu'aux politiques de la ville, que la Cité du Design voit le jour en 1009. C'est une nouvelle étape pour la ville, qui marque un tournant important dans sa reconversion territoriale.

61

Dans une dernière partie, nous avons tenté de comprendre les motivations des politiques pour orienter la ville de Saint-Etienne vers le design. Parmi les moteurs, le design pourrait être un moyen de positionner la ville, d'un point de vue marketing, en terme d'image. Ainsi, positionner la ville sur ce créneau attirerait de nombreux acteurs : des touristes, des investisseurs, des créateurs, etc. Grâce à cela, les résultats économiques pourraient croitre, créer de la richesse et permettre de lutter contre les difficultés d'ordre économique.

Un autre argument de cette politique est d'ordre humain : le design pourrait améliorer le cadre de vie des habitants, les faire participer à des projets, etc. Même si les raisons de cette reconversion territoriale sont ambitieuses, elle pourrait rencontrer quelques obstacles. En effet, même si le design pourrait améliorer l'image de la ville, cette dernière présente de grandes lacunes qu'elle va devoir surmonter puisque beaucoup considèrent encore cette ville comme post-industrielle ou « noire ». Nous nous sommes également questionnés sur la concurrence des villes entre elles, notamment à travers la proximité de Saint-Etienne avec Lyon qui pourrait être un atout ou un frein à ce développement territorial.

Pour terminer, nous avons tenté d'identifier les retombées de cette reconstruction territoriale par le design. La biennale internationale du design a été une réussite, et un événement essentiel pour cette reconstruction. De plus, certaines démarches participatives ont permis de créer du lien avec les habitants et de les intégrer dans cette reconversion. Enfin, des structures ont été mises en place pour stimuler la créativité et la démarche design dans le secteur privé.

Ainsi, nous pouvons nous poser de nouvelles questions sur les réalités du design à Saint-Etienne. Qu'en pensent les designers ? Partagent-ils ce point de vue ? Les retombées sont-elles réellement visibles ? Seules une étude précise sur terrain et la rencontre avec les acteurs concernés nous permettront d'apporter des réponses à ces interrogations.

62

RECHERCHE EMPIRIQUE

1 Méthodologie

Objet

Nous allons compléter cette revue de littérature par le biais d'une étude qualitative, axée sur le terrain. Cette dernière permettra d'obtenir des réponses et des avis d'acteurs intéressants concernant le renouvellement urbain de la ville de Saint-Etienne par le design. La partie empirique sera basée sur des entretiens individuels, de type semi-directifs, afin de laisser l'interlocuteur exprimer librement ses pensées. Les entretiens seront enregistrés suite à l'accord des professionnels, afin d'effectuer la retranscription la plus fidèle à la réalité.

L'étude s'appuiera sur une méthode déductive, dont le but est de vérifier si le terrain confirme les résultats de la revue de littérature. L'idée sera également de faire émerger d'autres pistes de réflexion et de confronter les idées reçues et les théories avec la réalité. Les autres objectifs de la recherche seront les suivants :

- analyser la situation de la ville de design,

- comprendre les enjeux actuels de cette décision politique,

- cerner quelle est la place accordée aux designers dans cette « ville de design Unesco », - mettre en lumière des pistes de réflexion pour l'avenir de la ville de design.

Voici quelques questions qui seront posées :

> Comment définiriez-vous le design ?

> Qu'en est-il du design en France ?

> Pourquoi le design à Saint-Etienne ?

> Cette reconversion est-elle bien réelle ?

> Quelle est la particularité du design à Saint-Etienne ?

> Qu'est-ce que le design apporte à la ville ?

> Pouvez-vous comparer Saint-Etienne à d'autres villes ?

> La ville aide-t-elle les créateurs à se développer ?

· 63

Les personnes interrogées

L'échantillonnage de l'étude est constitué d'acteurs professionnels variés en lien avec le design sur le territoire stéphanois. L'idée était d'échanger avec des responsables stratégiques ayant une vision globale du sujet. J'ai ainsi interviewée les personnes suivantes :

- Nathalie ARNOULD, Design Manager à Saint-Etienne Métropole

http://www.citedudesign.com/fr/home/

- Gaëlle SUBINEAU, Chargée de mission chez Designers Plus http://www.designersplus.fr/

- Stéphane DEVRIEUX, Directeur de l'Office du Tourisme de Saint-Etienne http://saint-etiennetourisme.com/

- Bernard Laroche, Manager et consultant en « design pour tous » http://www.designersplus.fr/adherents/trouver-un-adherent/?adherent=34

Dans le but d'avoir également le point de vue de designers, j'ai interviewée les designers

exerçants sur le territoire suivants :

- Philippe Moine, Designer entrepreneur

http://www.philmoinedesign.com/

- Charlotte DELOMIER, Designer indépendante

http://www.designersplus.fr/adherents/trouver-un-adherent/?adherent=58

- Anja CLERC, Designer indépendant

http://www.anjaclerc.com/

- Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS, Designers et fondateurs de l'agence Kaksi

Design

http://kaksidesign.com/

64

2 Résultats de l'enquête

D'après la retranscription des entretiens réalisés, nous pouvons faire ressortir plusieurs

thématiques. Nous aborderons les sujets suivants :

- Leur définition du design et leur vision de la pratique du design en France,

- La reconversion du design à Saint-Etienne et les avis concernant cette décision

politique territoriale,

- Les enjeux de cette reconversion territoriale,

- Quelques pistes de développement pour son avenir.

2.1 Le design... encore perçu comme élitiste ?

En ce qui concerne la définition du design, il est clair que d'après les avis recueillis, le design n'est pas facile à définir et est mal compris par le grand public.

N. Arnould : « Le mot design a été galvaudé »

« Le design, c'est partout, c'est tout. C'est simple en même temps... »

G. Subileau: « Il est perdu entre deux mondes : le beau et le pragmatique. »

P. Moine : « On va y passer la nuit là (rires). »

« Jamais avec mes clients, je ne parle d'esthétique car ce n'est pas le créneau d'entrée. »

Les interviewés s'accordent pour dire que le design n'est pas uniquement le beau. En effet, le design s'intéresse à la fonction, à l'utilisateur. Le designer conçoit en se mettant à la place de l'usager. On appelle ça le design thinking.

N. Arnould : « Il est proche des besoins de l'homme »

« S'il on veut être plus objectif, nous pouvons nous en tenir à la référence latine du mot

design, le dessein qui signifie concevoir pour : le design conçoit pour des usagers ou pour un

besoin. »

« Il y a une notion d'empathie, ça a d'ailleurs été l'objet d'une Biennale. »

G. Subileau : « Il est tourné vers l'usage »

« La partie stratégique du design est très importante »

P. Moine : « C'est réfléchir à des processus, à des concepts »

65

« Le design est une manière de se différencier dans l'entreprise »

B. Laroche : « C'est d'abord la fonctionnalité pour les utilisateurs avant l'esthétisme. »

« Se mettre à la place des users, c'est l'essence même du métier. »

« Le design n'existera que si on le pratique »

G. Granjon et E. Vichos : « l'utilisation du mot faite par les médias fait référence le plus

souvent à l'aspect esthétique, voire artistique et non à la fonctionnalité, à l'usage. »

Ce qu'il faut probablement retenir de la définition du design, c'est que le design est là pour questionner, et faire réfléchir. Il est concret, tangible. Quant au métier du design, il est en transition. Autrefois tourné vers l'esthétisme et à la limite de l'art, il est aujourd'hui, même s'il existe encore du design proche de l'art, tourné vers l'usage et la fonctionnalité.

Les interrogés ont beaucoup insisté sur le fait que le design n'est pas bien considéré par les entreprises et le secteur privé. Les entreprises sembleraient ne pas avoir cerné l'intérêt du design, à tort étant donné que le design pourrait être un processus de développement incontestable.

N. Arnould : « Incompréhension des entreprises (É) qui ne font pas appel au design, car elles ne savent pas ce que c'est, et sont plutôt marketing, communication, »

P. Moine : « Le design est créateur de valeur, de richesse, et les entreprises ne savent pas l'utiliser. »

« Les entreprises à mon sens sont assez frileuses »

« J'ai rencontré des entreprises françaises qui ne sont même pas curieuses de ce qu'est le design, qui sont attentistes, qui sont réticentes au changement. Heureusement, des entreprises comme Décathlon, Apple, évidemment, où le design fait partie du développement et de la stratégie d'entreprise (É) ils font cela pour avoir des clients et dégager de la marge »

B. Laroche : « Le design thinking dans le processus d'innovation par les usages est de plus en plus reconnu comme un potentiel de différentiation dans une économie mondialisée »

 

Ainsi, les interviewés pensent que le design est mal considéré en France et peu utilisé, notamment dans le secteur privé. L'utilisation du design au sein des entreprises n'est pas perçue comme un facteur de développement alors que les évolutions sociétales et comportementales des consommateurs auraient grandement besoin de designers. Les causes

66

de cette situation sont nombreuses, voici certaines explications données par les personnes interrogées :

G. Subileau: « Peu de communication sur les entreprises qui utilisent de design »

P. Moine : « Culture très traditionnelle et qui n'est pas ouverte et sensibilisée au design » « Facteur économique »

 

Spontanément, nombreux ont évoqué les pays anglo-saxons comme des pays qui ont intégré le design depuis plus longtemps que la France et qui utilisent davantage le design que les français. En France, nous serions donc en retard par rapport à d'autres pays concernant la pratique du design et le design thinking. Pire, il y aurait un effet de mode, car d'après les professionnels interrogés, le design thinking serait l'essence-même du métier de designer.

N. Arnould : « Dans les pays anglo-saxons, on mélange tout »

P. Moine : « Le design est peu utilisé en France. »

« L'Angleterre, l'Italie sont des pays qui pratiquent beaucoup plus le design que les

français. »

« On a l'impression de faire une grande découverte mais ça n'en n'est pas une (rires). »

« Aujourd'hui, on met du design thinking et usages à toutes les sauces... »

« Ca devrait bien souvent être la technique au service du design et non pas l'inverse. »

Que pensent les professionnels du design à Saint-Etienne ? Saint-Etienne est ville de design Unesco depuis 2010, est-ce une reconversion censée, naturelle ?

67

2.2 Discussions autour de cette décision politique orientée vers le design

D'après les avis recueillis, le design est venu naturellement à Saint-Etienne. Plusieurs facteurs ont été en faveur de cette reconversion du territoire. La ville a toujours du innover pour se développer, s'il on regarde un peu son histoire. La créativité serait donc l'ADN de Saint-Etienne.

N. Arnould : « Le lien entre l'art et l'industrie existe depuis toujours (É) la construction de

l'Ecole des Beaux-Arts est venue suite à la demande des industriels (du textile par exemple)

qui avaient besoin de dessinateurs et créateurs. Il y a donc toujours eu un écosystème

innovant dans cette ville. »

G. Subileau : « Le design apparaît donc comme un nouveau souffle pour la ville. »

P. Moine : « Le passé plaide en notre faveur »

« Le design est très logique à Saint-Etienne »

« Quand Michel Thiollière a axé l'identité d'une ville sur le design, il s'est pas trompé »

B. Laroche : « Pouvoir inscrire cette politique dans l'histoire de la ville est un atout

primordial. »

« Un passé d'innovation est donc indiscutablement un plus. »

S. Devrieux : « Ville qui a été tout le temps en renouvellement, en recréation... Suite à la

crise industrielle, elle a rebondit sur le design »

G. Granjon et E. Vichos : « Le passé industriel est une façon de rendre légitime ce statut »

L'axe de développement du design n'est donc pas arrivé par hasard à Saint-Etienne et les avis confirment que cette reconversion est pleine de sens. Le passé industriel est donc le pilier de cette reconversion, la ville ayant toujours utilisé la créativité pour se développer. Le design est donc le fil directeur du développement de la ville.

Aujourd'hui, le design est bien tangible à Saint-Etienne. En effet, s'il on s'intéresse à la manière dont est représenté le design dans cette ville, les résultats sont nombreux. L'Office du Tourisme a mis en place un Saint-Etienne City Guide afin de faciliter la découverte du design sur le territoire pour les visiteurs : « il recense les architectures, les aménagements, les interventions urbaines et les commerces dans lesquels le design intervient. » Ce guide est intéressant pour comprendre ce que cherche à valoriser la ville en terme de design, pour les visiteurs, les amateurs ou simplement les personnes curieuses. Il est divisé de la manière suivante : Design dans l'architecture, Design dans l'espace urbain, Design dans les musées, Design hors Saint-Etienne, Design Management Award, Commerces design, et enfin, Shopping design. Le design est donc omniprésent à Saint-Etienne.

Qu'est-ce que la désignation ville de design Unesco apporte à la ville ? Le design a-t-il un impact sur le territoire ? Nous allons voir que d'après les données récoltées, le design apporte beaucoup en terme d'identité et d'image à la ville.

N. Arnould : « Le design comme justement vecteur de développement de la ville »

« On va très loin dans les designers comme création d'une identité stéphanoise »

« Le design a une répercussion forte »

S. Devrieux : « La désignation Ville de Design Unesco n'est pas juste une étiquette »

« Pour faire évoluer l'image de Saint-Etienne, c'est quelque chose de très important »

« Même si c'est pas un label, on peut quand même dire que ça a labélisé le territoire »

« Le design est plus qu'une directive pour promouvoir la ville, c'est un positionnement. »

« Le design c'est quelque chose de vrai à Saint-Etienne, il est issu de l'industrie, ça s'appuie

sur une réalité, où il y a un vrai réseau, avec la Cité, avec l'Ecole d'Art et de Design, les

entreprises, avec beaucoup d'activités économiques liées au design »

B. Laroche : « Une ville positionnée sur le créatif, le design »

G. Granjon et E. Vichos : « le design urbain et les actions qui sont menées en ville

caractérise Saint-Étienne »

68

Finalement, quelle est la marque de fabrique de Saint-Etienne ? A-t-elle un caractère unique ?

N. Arnould : « L'idée était d'avoir un lieu unique en France, pour rassembler : une Ecole, l'Ecole Supérieure d'Art et de Design, un Pole Recherche, une pépinière d'entreprises et une institution, la Cité du Design... »

P. Moine : « Si on les voit on va dire avec un certain angélisme et chauvinisme, on peut dire qu'il y a quelque chose d'unique. »

G. Subileau: « Saint-Etienne est vraiment axé lead du design »

« La Cité du Design est un écosystème unique. »

« Saint-Etienne arrive à montrer que le design peut s'intégrer sur des espaces où on ne l'attendait pas. »

S. Devrieux : « Ce côté créatif, design, c'est très précieux car je vous garantis que c'est rare que différents secteurs soient derrière un même positionnement. »

« C'est notre fil rouge qui a le mérite de ne pas être que touristique. »

G. Granjon et E. Vichos : « L'intérêt d'une ville de design est de pouvoir attirer des investisseurs en améliorant le cadre de vie et les services qui sont proposés aux citoyens et aux entreprises. »

 

69

Où en sommes-nous dans cette reconversion ? D'après les témoignages, le processus est enclenché et nous serions au début d'une grande histoire. Il faut toutefois veiller à l'aspect de pérennisation.

G. Subileau : « La ville est bel et bien en reconversion même si le processus est long »

« Les choses avancent doucement (É) mais la ville a du mal avec la dimension de

pérennisation »

N. Arnoult : « Il y a tout une histoire à écrire »

S. Devrieux : « Mais on est au début, on a encore pas mal de choses à faire (rires). »

« On commence effectivement à sentir des évolutions »

B. Laroche : « Début d'une reconversion, il y a encore beaucoup de possibilités »

Les avis des acteurs professionnels de la ville de Saint-Etienne concernant la ville de design sont donc optimistes. Ils voient que des changements sont en cours et que des actions sont déjà mises en place pour faire de cette ancienne ville industrielle à une véritable ville de design. La Biennale du Design en est un exemple concret, vue comme une véritable réussite. Concrètement, que pensent les professionnels de cet événement ?

N. Arnould : « La Biennale permet par exemple de tester des produits, des prototypes dans la ville. Elle met en oeuvre des démarches participatives. »

« Gros succès (É) au-delà de ce qu'on peut imaginer (rires). Et qui l'est toujours. »

« Levier du changement de Saint-Etienne (É) événement fédérateur »

G. Subileau : « La biennale apporte beaucoup à la ville (É) retombées économiques intéressantes »

S. Devrieux : « Toute personne qui vient sur place renvoi des signaux très positifs. »

« Une biennale, ça change complètement le territoire, on progresse en terme d'image, de notoriété, cet événement est très intéressant par rapport à d'autres choses qu'on pourrait faire qui couteraient beaucoup plus cher. On voit que les territoires en France se battent pour créer des événements porteurs d'image. C'est très compliqué. »

P. Moine : « C'est bien pour l'image de la ville (É) Saint-Etienne n'a pas forcément une image de ville sympathique (É) le design étant une activité à la mode (É) ça donne un côté plus brillant »

« Il faut savoir se réinventer à chaque fois, je sais que ce n'est pas facile, chaque fois il faut faire mieux que l'année d'avant »

B. Laroche : « Faire connaître et rayonner Saint-Etienne dans le domaine du design. »

 

70

« Quelle est la place pour les designers sur le territoire ? » est également une question qui me semblait importante d'aborder pour constater comment la ville de design valorise la présence de designers au sein de son territoire. La ville a une forte densité de designers au mètre carré. Les créatifs sont donc bien représentés à Saint-Etienne. La ville de design accorde une place particulière aux designers : elle les attire, les aide à se développer, et fait tout pour les garder sur le territoire. L'association Designers Plus aide les designers sortis d'école et les autres à se professionnaliser, à être plus efficaces dans les relations avec les entreprises. Elle valorise leurs compétences et a créé un Réseau, le réseau Designers Plus, qui rassemble plus de soixante designers dans la Loire. La ville de design abrite donc beaucoup de designers sur le territoire ce qui présente une force indéniable. Ils font partie intégrante de la reconversion de la ville vers le design.

71

N. Arnould : « Il faut capitaliser sur les designers qui sortent de l'Ecole »

« En plus, faire travailler les designers de la région favorise l'économie locale et le circuit court. »

« Les designers jouent donc un rôle très important pour la reconversion de la ville par le design. »

G. Subileau : « C'est bien d'avoir 10000 designers au mètre carré mais faut-il encore qu'ils survivent, tout simplement »

B. Laroche : « L'existence d'un quartier créatif permet une bonne représentation des professionnels du design et des professionnels des métiers connexes qui souhaitent développer des projets avec des designers. »

72

2.3 Les problématiques de cette reconversion territoriale

Nous avons vu que d'après les avis recueillis, l'orientation de la ville vers le design est une volonté et une réalité. La ville de Saint-Etienne a été pionnière en matière de développement par le design mais cela ne suffit pas. Les interviewés s'accordent à dire que certains obstacles freinent cette reconversion.

Les habitants de la ville sont une problématique essentielle, sur laquelle la ville doit beaucoup travailler.

N. Arnould : « Beaucoup de personnes ignorent que la Cité du Design apporte énormément à la ville. »

G. Subileau : « Il y a comme une gêne de l'argent à Saint-Etienne (É) la Cité du Design avait été beaucoup critiquée. »

S. Devrieux : « Ce qui nous reste à travailler le plus, c'est les habitants. Il y a eu beaucoup de travail là-dessus, mais il y a encore du travail. »

« Incompréhension des habitants envers le design à Saint-Etienne »

« Une forte augmentation des personnes stéphanoises qui sont venues à la biennale, donc cela a commencé à jouer. »

 

Qu'en est-il de la communication ? Auprès du grand public, la ville répond aux questions simples comme « Qu'est-ce que le design ? A quoi ça sert ? » dans le but de rendre accessible le design. Ces actions de démocratisation ciblent également les professionnels car peu d'entreprises ont connaissance de ce que le design pourrait leur apporter. Des actions de communication existent mais il semble que l'on communique peu les retombées de la Biennale du Design par exemple, ce qui peut expliquer pourquoi les habitants n'ont pas conscience que cet événement est bénéfique pour la ville.

73

G. Subileau : « Les retombées de la Biennale positives, on en parle peu »

« la Cité du Design (É) est vue comme une institution un peu louche ».

« Communication très axée sur le quartier créatif et la Biennale »

N. Arnould : « le Saint-Etienne City Guide, c'est vraiment pour découvrir le design dans la

ville »

S. Devrieux : « On a moins besoin de trouver plus d'offres concrètes que de travailler la

communication »

Une autre problématique de cette reconversion de la ville par le design est la conjoncture économique et le contexte actuel.

B. Laroche : « Les conditions financières des collectivités locales peuvent parfois donner envie de freiner. »

G. Subileau : « La vie est plus dure »

P. Moine : « Hier encore, un confrère me disait, c'est parce qu'on les oblige de mettre du design dans la ville »

« Le budget va être diminué pour les années à venir : il faut sauver notre peau et celle des designers »

 

Un autre enjeu actuel est que le design pourrait être un phénomène de mode. Saint-Etienne ne serait pas la seule à intégrer le design dans son processus de développement. La ville pionnière de design serait-elle concurrencée par d'autres villes ?

G. Subileau : « Maintenant, toutes les villes veulent faire du design, c'est tendance »

P. Moine : « On n'est pas unique (É), on a notre épingle du jeu dans la profession et c'est très bien. »

« Pas plus qu'à Paris, Milan, Berlin, et New Castle aussi, pas plus qu'à New Castle non plus. Donc nous ne sommes pas les seuls (É) Le commerce design, on l'a copié sur Montréal. »

 

74

Bien que la vision soit optimiste de manière générale, nous avons vu que des fragilités demeurent et freinent le développement de la ville. Heureusement, la ville regorge de potentiel pour continuer dans cette lignée. Notons par exemple que le coût de la vie n'est pas cher. Un élément très important pour son développement est le soutien des politiques et de la ville dans cette direction.

Pour finir, voici quelques pistes de réflexion pour l'avenir de la ville de design qui ont été évoquées par les personnes interrogées :

N. Arnould : « Le design pour améliorer la ville, trouver des systèmes pour améliorer,

faciliter la collecte sélective... »

« volonté de travailler avec les villes voisines »

G. Subileau : « Il y a beaucoup à exploiter ! »

« Les actions très ciblées à destination des entreprises, ça fonctionne bien »

« Il faut réinventer quelque chose d'où l'idée de la Slow City, des espaces verts, des potagers

dans la ville, des terrasses... C'est de la vie à valeur ajoutée, la ville où il fait bon vivre »

P. Moine : « La Biennale, comme c'est tous les deux ans, on ne peut pas tout miser là dessus

(É) il faudrait un nouveau souffle pour dynamiser. »

G. Granjon et E. Vichos : « Pourquoi pas mettre en place une exposition permanente à la

Cité du design sur les racines du design à aujourd'hui à Saint-Etienne ? »

75

ANALYSE DES DONNEES

Ainsi, nous pouvons désormais confronter les données récoltées, qu'elles soient empiriques ou théoriques. Pour rappel, l'objectif de cette étude est de comprendre comment la politique territoriale tournée vers le design améliore l'image de la ville de Saint-Etienne. Nous allons dans un premier temps identifier les idées convergentes par thématique, puis dans un second temps nous aborderons celles qui divergent. Enfin, nous établirons en s'inspirant des résultats obtenus quelques recommandations pour permettre à cette ville de poursuivre son développement par le design.

IDEES CONVERGENTES

Cette décision politique semble cohérente avec son passé industriel. Son histoire lui apporte de la matière et des explications. Ainsi, Saint-Etienne donne l'image d'une ville qui a toujours dû et su innover pour se mettre en valeur. Le design est bien réel et tangible à Saint-Etienne. Si on s'intéresse aux représentations concrètes, les exemples sont nombreux. En effet, la ville est caractérisée par de nombreux projets d'architectes, d'urbanistes et de paysagistes, du plus petit aux plus grands acteurs de renommées internationales. Citons par exemple Norman Foster (le Zénith), Finn Geipel et Giulia Andi (La Cité du Design), Rudy Ricciotti (La Maison de l'Emploi)... Le design se retrouve également dans l'espace urbain de la ville. Saint-Etienne est donc représentée par un design fort sur son territoire, en terme d'architecture et de design urbain. De plus, Saint-Etienne City Guide valorise également le design dans ses musées. En outre, tous les critères sont remplis pour qu'elle fasse partie du réseau Unesco des villes créatives : une cité du design, une école d'arts et de design, des centres de recherches, des entreprises exerçants dans le design... La ville est même la première collectivité française à avoir intégré un Design Manager dans la conception et le déploiement de ses politiques publiques.

D'après la théorie de Richard Florida, cette distinction permet « d'attirer de nouveaux designers sur le territoire ainsi que les classes créatives qui viendront enrichir les politiques urbaines grâce à leurs compétences. ». Les classes créatives devraient donc, d'après cette théorie, jouer un rôle important pour rendre Saint-Etienne attractive et la rendre prospère économiquement. D'après la recherche empirique, le territoire abrite beaucoup de designers

76

au mètre carré. Les créateurs sont donc bien au coeur de cette régénération urbaine, puisqu'ils en sont de véritables acteurs.

De plus, tous les avis convergent sur l'idée que le design améliore considérablement l'image de la ville. En effet, le design est une stratégie de positionnement pour contribuer à améliorer l'image de Saint-Etienne. D'ailleurs, si on prend l'exemple de la Biennale Internationale du Design, les résultats sont très encourageants. D'après l'étude de l'impact de la Biennale 2015, les signaux renvoyés en terme d'image sont très positifs. En effet, la Biennale Internationale du design dispose d'une forte attractivité et joue le rôle de déclencheur pour venir à Saint-Etienne. La Biennale est un succès en terme d'image, tant pour l'événement que pour la Ville. 71% des visiteurs pensent que la Biennale Internationale du Design renvoi une image positive. L'image d'une ville austère, triste, liées à son passé industriel, s'efface au profit de celle d'une ville dynamique, modernisée, associée à la culture et au design. De plus, 93% des visiteurs de la Biennale de 2015 ont affirmé le souhait de participer à une prochaine édition.

La ville rayonne au niveau national et international grâce à son appartenance au réseau Unesco des villes créatives de design. Ainsi, le design améliore nettement l'identité territoriale de la ville, notamment grâce à l'événement fédérateur mais également parce qu'elle est positionnée dans un réseau mondial, aux côtés de Montréal, Berlin, ou encore Shanghai.

En plus, le design peut être vu comme un levier de développement économique. En effet, les retombées économiques liées au design sont intéressantes. Lors de la biennale du design, toute la ville se dynamise grâce au tourisme. En terme de données chiffrées, la Biennale Internationale du Design de 2015 a apporté 3,3 millions d'euros de chiffres d'affaires pour les entreprises de l'Agglomération (restaurants, hébergement, stationnement/carburant, transport, shopping, cadeaux/souvenirs, courses alimentaires).

En outre, certaines entreprises améliorent leur stratégie en faisant appel à des designers qui apportent de véritables solutions face aux évolutions sociétales. C'est donc une manière de lutter contre la crise économique et la conjoncture où il faut trouver de nouvelles solutions pour perdurer.

77

IDEES DIVERGENTES

La théorie du design social semble néanmoins peu représentée à Saint-Etienne. En effet, même si certaines actions de design participatif auprès des habitants ont été menées, elles restent minimes compte-tenu de l'importance de la population. Par ailleurs, la volonté de démocratiser le design à Saint-Etienne semble réelle. On recense de vraies actions menées pour rendre le design accessible, à l'instar de certaines campagnes de communication. Néanmoins, le constat de la perception du design comme élitiste demeure auprès du grand public. Et les habitants deviennent même un problème pour le développement de cette identité territoriale. Notons par ailleurs que la majorité des habitants n'a pas connaissance de ce qu'apporte la biennale du design à la ville.

A travers la recherche empirique, nous avons vu que certains pensent que la Cité du Design est un écosystème unique, rare. Ces derniers voient Saint-Etienne comme une ville à caractère unique, qui serait unique en son genre. Mais d'autres n'ont pas ce point de vue : en effet, certains designers ont évoqué le fait que les meilleurs écoles de design ne sont pas à Saint-Etienne mais à Paris, que d'autres villes font du design, notamment au niveau européen. Par conséquent, la ville n'aurait pas un caractère unique en terme de design.

En ce qui concerne les problématiques de cette reconstruction territoriale, l'image d'une ville industrielle « noire » n'a pas été citée comme un frein pour cette reconversion territoriale. Au contraire, son passé industriel lui donne du sens. En revanche, le design est mal perçu par les entreprises, qui n'ont pas conscience de son potentiel. Le secteur privé est de manière générale peu convaincu des atouts du design, alors que les designers du territoire ont besoin d'eux pour travailler. Il faut donc les sensibiliser, des actions sont menées comme par le Collectif Designers +. Mais le travail est encore long. Si on s'intéresse à la temporalité, nous ne sommes qu'au début de cette reconversion territoriale.

Enfin, le design arrive à se concrétiser mais d'une manière un peu forcée. Certes, le fait qu'il y ait un design manager au sein de la collectivité territoriale est un véritable atout pour permettre à la ville de faire travailler les designers. Mais d'après certains designers, la triste vérité est liée au fait que le design manager soit parfois obligé de pousser la collectivité à utiliser le design. En effet, cela ne devrait pas être forcé, mais naturel et volontaire...

78

D'après ces résultats et mon opinion personnelle, nous pouvons établir quelques préconisations générales pour que la ville stéphanoise continue son développement par le design.

Il faudrait amplifier les actions de sensibilisation du design pour le rendre plus accessible, et compréhensible. Ces actions pourraient être entreprises auprès des habitants, étant donné que les habitants sont les ambassadeurs d'une ville, mais également auprès des écoles, et auprès des entreprises. Des démarches participatives pour solutionner des problèmes urbains pourraient permettre aux différents publics de comprendre que le design peut apporter de véritables solutions pour la ville de demain.

Une autre piste serait de faire vivre la ville par des événements fréquents afin d'assurer la continuité avec la Biennale Internationale du Design, présente seulement un mois tous les deux ans. Pour cela, il serait intéressant de s'inspirer d'autres villes de design avec à la fois des événements grands publics, mais également des événements plus ciblés pour conquérir le secteur privé.

Enfin, la Biennale Internationale du Design étant un événement moteur de la ville de design, il semble primordiale que la ville axe tous ces efforts pour la rendre meilleure chaque année et la rendre unique au monde.

79

CONCLUSION

Durant cette recherche, l'objectif était de comprendre comment la politique territoriale tournée vers le design améliore l'image de la ville de Saint-Etienne et quels en sont les enjeux. Nous allons tenter de conclure sur la place du design à Saint-Etienne afin de constater si son pari est sur la bonne voie.

Dans la partie théorique, nous avons réalisé un aperçu du design et de son histoire notamment sa présence dans les villes créatives de design. Par une tentative de définition du design, nous avons vu qu'il existait plusieurs écoles. En effet, certains pensent que le design existerait depuis toujours et que ce concept est un nouveau mot pour qualifier les inventeurs et concepteurs. Pour d'autres, le design est de l'art et sa préoccupation esthétique. On peut encore évoquer bien d'autres pensées, comme la visée productive purement industrielle, à l'inverse de l'artisanat où les objets sont uniques. Bref, le design serait encore un concept complexe ayant une multitude d'approches. D'ailleurs, le concept évolue constamment et le métier du designer est amené à évoluer avec les changements sociétaux.

La notion du design aurait explosé depuis les années 1980. En effet, s'il on regarde son historique, l'Etat français semble réellement s'intéresser, soutenir et promouvoir le design depuis cette période. Au fil du temps, beaucoup d'initiatives en faveur de cet art ont vu le jour : écoles, musées, galeries d'art, associations, événements, délégations... Citons par exemple le département « Design » crée en 1980 à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris ou encore, la première quadriennale internationale du design en 1986 dans la région de Lyon. Cependant, le design demeure un secteur d'activité méconnu du grand public, sans doute à causes de certaines confusions à son égard.

Les villes se sont intéressées au design pour créer une dynamique unificatrice qui rassemblerait la population autour d'un projet porteur et pour faire face à un contexte où les villes rassemblent 3/4 de l'activité économique et la moitié de la population mondiale. La qualification de villes créatives par l'Unesco est appuyée sur la notion d'économie créative, où les créateurs seraient un moyen de développement urbain. L'intérêt du réseau mondial de l'Unesco des villes créatives crée en 2004 est de promouvoir le développement culturel,

80

économique et social des villes dans les pays développés et ceux en voie de développement. Montréal est entrée dans le réseau de l'Unesco en 2006 grâce à son potentiel créatif (plus de 450 000 employés dans le secteur créatif dont 20 000 designers). La ville aurait intégré du design dans des secteurs très divers. Pour Berlin, le design est également au coeur de l'économie urbaine, avec 11 000 travailleurs dans le design. Montréal et Berlin ont naturellement axées leur politique de développement territorial par le design et peuvent être considérées comme exemplaires étant donné les retombées positives.

On assiste depuis plusieurs années à la transformation de la ville de Saint-Etienne, notamment autour du design. Nous avons donc tenté de cerner ce qui a amené Saint-Etienne à se reconvertir grâce au design, puis nous en avons identifié les moteurs et les freins. Afin de comprendre les raisons d'une telle directive, il suffit de regarder dans le passé de cette ville : son dynamisme industriel révèle que la créativité a été le noyau dur pour son développement depuis la fin du 18ème siècle. Nommons par exemple la rubanerie, les industries minières, l'armement et les cycles. Le déclin industriel laisse la ville avec divers enjeux : pénurie démographique, crise économique, etc. La ville rebondit, toujours grâce à la créativité, en utilisant son héritage industriel pour créer du patrimoine et des musés. Elle se tourne très vite vers de nouveaux secteurs et pôles d'excellence comme le design en 1994, dont la politique est de placer le design au coeur de la transformation urbaine, des équipements, infrastructures et des espaces publics.

Parmi les moteurs de cette orientation, la ville souhaite se positionner d'un point de vue marketing, pour se créer une marque de fabrique, et ainsi, améliorer son image. Saint-Etienne voit également le design comme source de développement économique et pour lutter contre la crise économique, par le secteur privé, les investisseurs, le tourisme, etc. Le design pourrait également avoir un impact favorable sur les habitants pour construire une ville adaptée à ces citoyens. Les difficultés que la ville devait affronter sont son image de ville « vieillissante et noire », pauvre, qui n'aurait pas changé depuis son effondrement industriel. De plus, la proximité avec la ville de Lyon également tournée vers le design pourrait concurrencer la ville.

Enfin, nous avons émis les conséquences sur ce que le design apportait à la ville, en terme d'images mais également dans d'autres domaines. L'exemple de la ville de Saint-Etienne a montré que le bilan du développement de la ville par le design est intéressant. Le

81

design est une réalité à Saint-Etienne, il lui donne beaucoup de sens, nous pouvons même dire que la ville est « design » de manière globale (divers secteurs d'activité, entreprises, habitants, écoles, projets urbains...). Notons par exemple la Biennale Internationale du Design, événement fédérateur de la ville et réussite indéniable. Cette identité de la ville évolue de manière qualitative notamment grâce à la Biennale dont les résultats économiques pour le territoire sont de l'ordre de 1,25 euros de retombées pour 1 euro investi. La culture design est un levier de croissance majeur pour la ville.

Dans la recherche empirique, nous avons interrogé certains professionnels du design de la ville de Saint-Etienne pour cerner quelle était leur vision des choses concernant cette reconversion par le design et ses réalités.

Globalement, le design apparaît comme un nouveau souffle pour la ville, c'est un vecteur de développement incroyable. Pour les professionnels, la désignation de ville de design par l'Unesco a permis de positionner le territoire même si ce n'est pas seulement un label. En effet, le design est logique et cohérent à Saint-Etienne, de par son histoire, et il a une répercussion forte. La Cité du Design est d'ailleurs un lieu unique en France, une sorte d'écosystème du design qui caractérise également la ville. Saint-Etienne arrive à montrer que le design peut s'inscrire sur des espaces inattendus, et que le design dans cette ville n'est pas seulement beau, mais stratégique, participatif, innovant.

Les designers qui font partie intégrante de la dynamique territoriale, ont leur place sur le territoire, avec des structures qui les aide et les encourage à exercer sur le territoire. Des actions de sensibilisation auprès des entreprises et du grand public sont menées dans cette directive. Toutefois, il semble y avoir une ambiguïté concernant l'identité du design à Saint-Etienne, étant donné que l'une des problématique essentielle est celle des habitants. Ces derniers semblent encore considérer le design comme élitiste, abstrait, et ne pas être conscient de ce que par exemple, la Biennale Internationale apporte à la ville. Des efforts de communication et de sensibilisations doivent être poursuivis auprès des habitants, mais également auprès des acteurs du secteur privé dont l'utilisation du design reste encore perçue comme accessoire. De même, la ville doit porter son attention aux créateurs, un moteur essentiel pour la mutation de la ville. Enfin, même si Saint-Etienne a été précurseur, d'autres villes commencent à s'y intéresser ce qui pourrait éventuellement la concurrencer.

82

Pour terminer, nous avons confronté les données théoriques et empiriques pour cerner les idées communes et celles qui divergent.

Toutes les sources évoquent le fait que la décision politique est cohérente avec son passé industriel. De plus, la ville rayonne au niveau national et internationale, notamment grâce à la Biennale Internationale du Design, en plus d'être un levier de développement économique important. Certaines entreprises du territoire font appel aux designers où le design permet d'apporter de nouvelles solutions stratégiques pour que ces structurent perdurent.

Lyon ne semble pas être un obstacle à cette régénération urbaine, bien au contraire, elle est partenaire de la Cité du Design et permet ainsi de toucher de nouveaux publics. La théorie du design social semble minime à Saint-Etienne malgré quelques actions de design participatif auprès des citoyens et des efforts de communication pour le démocratiser. Le caractère unique de la ville serait également à nuancer, puisque d'autres villes le font aussi, comme Berlin et Montréal, et à Paris, il y a le Lieu du Design, les meilleures écoles de design, etc. L'image ancienne de ville « noire » ne semble pas être une difficulté pour la ville, au contraire, les visiteurs en repartent avec une bonne image. Notons enfin, que le design est encore un peu « dirigé » à Saint-Etienne puisqu'une Design Manager oblige la collectivité territoriale à mettre du design dans la ville, ce qui permet en outre de faire travailler les designers locaux. Pour finir, même si certains enjeux demeurent, la ville semble être sur la voie d'un changement d'identité profond.

Mener ce mémoire de recherche m'a beaucoup intéressée, j'ai apprécié le fait de mener ce travail de recherche en autonomie complète. Il m'a permis d'approfondir mes connaissances sur cette question et de mieux cerner les enjeux de cette discipline qui présente un potentiel futur incroyable. En effet, je fais partie de cette ville et j'ai d'ailleurs hâte de découvrir les prochains projets comme la « rue de la République du design », un projet d'expérimentation pour que questionner les nouveaux modes d'occuper et d'habiter les centre-ville, qui sera présenté à l'occasion de la Biennale Internationale du Design de 2017 ayant pour thématique « Les mutations du travail ». Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur l'avenir de la ville : A quoi ressemblera Saint-Etienne demain ? Qu'est-ce que le design va apporter comme transformation majeure à la ville ?

83

BIBLIOGRAPHIE

Artifact, The Design Concept Anthology. (2014). Call for Papers.

Berlin Paris Invest. (2015, novembre 12). Berlin, ville du design . Consulté le février 17, 2016, sur Berlin Paris Invest: http://blog.berlin-paris-invest.com/berlin-ville-design/

Bianchi, L. (2010, juillet). Qu'est-ce que le design ? Consulté le janvier 10, 2016, sur R de réel: http://rdereel.free.fr/volDZ2.html

Cardinal, F. (2012, mai 25). Montréal, ville de design... Mythe ou réalité? Consulté le février 16, 2016, sur La Presse: http://blogues.lapresse.ca/avenirmtl/2012/05/25/c2-mtl-montreal-ville-de-design%E2%80%A6-mythe-ou-realite/

Carignan, M.-A. (2015, mars 4). Oui, Montréal est une ville de design. Consulté le février 16, 2016, sur Métro News: http://journalmetro.com/opinions/paysages-fabriques/731232/oui-montreal-est-une-ville-de-design/

Cité du Design. (s.d.). Citations. Récupéré sur Cite du Design:

http://designalecole.citedudesign.com/pdf/citations.pdf

Designmtl. (2014, mars 27). Montréal - le design dans la ville. Consulté le février 16, 2016, sur YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=T574tUQa0wU

Edelblutte, S. (2006). Renouvellement urbain et quartiers industriels anciens: l'exemple du quartier Rives de Meurthe/Meurthe-Canal dans l'agglomération de Nancy. Consulté le avril 13, 2016, sur Revue Géographique de l'Est: http://rge.revues.org/1455

Fayolle, C. (2002). C'est quoi le design ? Paris: Escales.

84

Franc, J. (2006, juin). Interview de Josyane Franc, responsable communication et relations internationales de l'Ecole des Beaux-Arts. Consulté le février 2016, sur Propos recueillis par

Gilles Cayuela:
http://www.millenaire3.com/content/download/3995/70118/version/1/file/Josyane Franc. pdf

France Guérin-Pace, Y. G. (2008). Ces lieux qui nous habitent. identité des territoires, territoires des identités. L'aube.

Held, M. (1970). Qu'est-ce que le design ? (Vol. 5). (C. e. Languages, Éd.)

Kevin Stolarick, R. F. (2005, janvier). Montréal, ville de convergences créatives : perspectives

et possibilités. (Catalytix, Éditeur) Récupéré sur Culture Montréal:
http://culturemontreal.ca/d2YWc5N/wp-content/themes/cm/pdfs/catalytix.pdf

Lacroix, M. J. (2007, février 19). Montréal, ville de design de l'UNESCO : Un rêve ou une réalité pour le futur ? Consulté le février 17, 2016, sur Département d'études urbaines et touristiques: http://www.forumurba2015.com/2 conferences/2.1 liste conferences/2007-02-

19%20Montr%C3%A9al,%20ville%20de%20design%20de%20l'UNESCO Un%20reve%20ou% 20une%20r%C3%A9alit%C3%A9%20pour%20le%20futur.pdf

Lacroix, M.-J. (2006). Nouvelles villes de design. Montréal: Infopresse et Pyramyd.

Landry, C. (2000). The Creative City: a toolkit for urban innovators.

Marshall, T. (2008). Basel, Boston, Berlin, Birkhauser: Design Dictionary.

MONTRÉAL, VILLE UNESCO DE DESIGN / UNESCO CITY OF DESIGN. (2006, avril). Consulté le février 16, 2016, sur Designmontréal: http://docplayer.fr/6406956-Montreal-ville-unesco-de-design-unesco-city-of-design.html

85

Musée d'art et d'industrie de Saint-Etienne. (s.d.). PATRIMOINE INDUSTRIEL ET COMMERCIAL. Consulté le février 18, 2016, sur http://www.musee-art-industrie.saint-etienne.fr/decouvrir/collections/patrimoine-industriel-et-commercial

Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Etienne. (s.d.). Musée. Consulté le février 18, 2016, sur http://www.mam-st-etienne.fr/index.php?rubrique=246

Réseau des villes créatives. (s.d.). Pourquoi la créativité ? Pourquoi les villes ? . Consulté le février 2016, sur Unesco: http://fr.unesco.org/creative-cities/content/pourquoi-la-cr%C3%A9ativit%C3%A9-pourquoi-les-villes

Saffré, B. (2013, décembre 2). Pourquoi Design et Marketing utile sont-ils si proches ? Consulté le janvier 14, 2016, sur Marketing utile: http://marketing-utile.fr/pourquoi-design-marketing-utile-proches/

Terrin, J.-J. (2012). La ville des créateurs. Consulté le février 4, 2016, sur Editions Parenthèses:

http://www.editionsparentheses.com/IMG/pdf/P229 VILLE DES CREATEURS EXTRAITS.pdf

Unesco. (2005, décembre 9). Berlin, Ville du design, Communiqué de presse officiel . (L'alliance globale pour la diversité culturelle) Consulté le février 16, 2016, sur Unesco: http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-

URL ID=29376&URL DO=DO TOPIC&URL SECTION=201.html

Vial, S. (2014). Court traité du design. Paris: Presses Universitaires de France.

Vial, S. (2015). Le design, Que sais-je ? Paris: Presses Universitaires de France.

Vincent Béal, R. D. (2010, novembre 30). Relancer Saint-Étienne. Conditions institutionnelles et capacité d'action collective dans une ville en déclin. Consulté le février 18, 2016, sur Métropoloes: https://metropoles.revues.org/4380

86

Zanetti, T. (2011, juillet 27). La Manufacture d'Armes de Saint-Étienne : un patrimoine militaire saisi par l'économie créative. (I. Situ, Producteur) Consulté le septembre 02, 2016, sur Revue des patrimoines: http://insitu.revues.org/206

Marshall T., Design Dictionary, Basel, Boston, Berlin, Birkhauser, 2008, p.104

Flusser V., Petite philosophie du design (posthume, 1993), Belval, Circé, 2002, p. 11.

Vial S., Court traité du design, Paris, Presses Universitaires de France « Quadrige », 2010,

124 pages.

Chantelot S., La thèse de la classe créative : entre limites et développements, Géographie, économie, société 4/2009 (Vol. 11), p. 315-334

Vivant E., La classe créative existe-t-elle ? Discussion des thèses de Richard Florida. Les Annales de la Recherche Urbaine, Plan Urbanisme - Construction - Architecture, 2006, pp.155-161.

1

ANNEXES

1 Guide d'entretien semi-directif

« Bonjour. Je m'appelle Inès Marandon, étudiante en Master 2 Programme ESC à Kedge Business School (Bordeaux) en spécialisation dans le Management des Industries Créatives. Je mène un mémoire de recherche ayant comme sujet « Le design comme moyen de reconstruction d'une identité territoriale. Cas de la ville de Saint-Etienne ». Je vous remercie de bien vouloir m'accorder du temps pour répondre à mes questions. L'entretien sera enregistré et durera environ une heure durant laquelle je vais aborder 4 thèmes. Vous pourrez parler librement et exprimer votre point de vue sans craintes, je n'utiliserais que ces données dans le but d'enrichir mon mémoire. »

Thème 1 : Parlez-moi de votre organisation

RELANCES - Activité, importance (notoriété, réputation, taille, missions...)

Thème 2 : Parlez-moi du design et de votre organisation

RELANCES - Définition et représentation du design, intérêt du design, design intégré...

Thème 3 : Parlez-moi de l'identité territoriale de Saint-Etienne

RELANCES - Ville Unesco de Design, Ville de Design, « Classe Créative » à Saint-Etienne,

Facteurs moteurs et freins (Aides...), Fréquentation des publics...

Thème 4 : Parlez-moi de l'impact du design de Saint-Etienne sur votre organisation RELANCES - Atout de cette politique pour votre activité...

Conclusion : Auriez-vous quelque chose dont nous n'aurions pas parlé et que vous souhaiteriez évoquer ?

Remerciements

Signalétique (Nom, Prénom, Statut, Fonction)

2

2 Entretien avec Stéphane DEVRIEUX,

Directeur Le l'Office Lu Tourisme Le Saint-

Etienne

· Bonjour (présentation etc.), je souhaiterais savoir quelles sont les missions actuelles de l'Office du Tourisme, votre rôle et puis dans un second temps, je vous proposerais de rentrer dans le vif du sujet.

D'accord. Donc l'Office de Tourisme, nous avons les compétences sur 45 communes de Saint-Etienne métropole. On est le statut industriel et commerce avec les fonctions traditionnelles des offices de tourisme, c'est à dire les fonctions d'accueil, d'information des visiteurs, des fonctions de promotion du territoire (euh), avec un lien marqué sur l'attractivité du territoire. Un lien transversal pour faire évoluer l'image du territoire. On gère le bureau des congrès des événements de Saint-Etienne métropole, donc on a mission de développer l'activité liée aux événements et aux congrès, de coordonner l'ensemble des partenaires qui interviennent sur les congrès. Ensuite, on gère la promotion, tout ce qui est en lien avec la presse, deux sites patrimoniaux et culturels, le parc régional du Pilat et le site Le Corbusier à Firminy. Au total on est une trentaine de personnes en temps plein.

· D'accord et vous êtes Directeur de l'Office du Tourisme depuis quand ? Depuis 2010.

· Et avant, étiez-vous sur Saint-Etienne aussi ?

Non, auparavant, j'étais directeur départemental du tourisme de l'Ain. Donc je travaillais sur ce département.

· Etant donné que nous n'avons pas énormément de temps, je vous propose de rentrer directement dans le vif du sujet. Donc en ce qui concerne Saint-Etienne, ville de design, qu'est-ce que ce réseau apporte à la ville, en terme de communication mais également en terme de réseau entre les villes de design ?

3

Effectivement, il y a 2 aspects, même s'il s'agit pas d'un label mais d'un réseau, donc le fait d'être membre de ce réseau depuis 2010 très concrètement ça a permis de tamponner un peu, même si c'est pas un label, on peut quand même dire que ça a labélisé le territoire, c'est à dire, que ça a été un outil de communication local. Le fait d'être reconnu à l'international, souvent, c'est un vecteur positif en local, à la fois auprès des habitants mais aussi c'est très efficace auprès des acteurs, que ça soit des entreprises, entre les sites touristiques, pour nous, au niveau du positionnement, pour faire évoluer l'image (euh) de Saint-Etienne, c'est quelque chose qui est très très important. Ca, c'est le volet « image ».

Après, il y a le volet réseau. Il est très dynamique, le réseau des villes design Unesco. Il y a beaucoup d'échanges, alors pour le coup c'est moins nous directement, mais c'est plus la Cité du Design qui développe ça, et qui (euh) est directement liée au réseau mais beaucoup d'échanges d'expérience, donc du coup des gains de temps, et aussi quand on va voir dans des pays qui ont des cultures différentes, on progresse beaucoup, plus que quand on fait du benchmark en local donc ça apporte beaucoup par rapport à ça, et ça nourrit beaucoup. Par exemple, chaque biennale internationale du design, il y a des « temps » complets qui sont liés au réseau.

· D'accord. Et pour l'Office du Tourisme, c'est une directive importante de promouvoir Saint-Etienne en tant que ville de design ?

Ben nous au-delà d'une directive, c'est notre positionnement. C'est à dire que le positionnement qu'on travaille, il est autour du design, du créatif, du collectif donc, on a tout restructuré, nos actions, nos outils, nos supports autour de ça. On travaille beaucoup en déclinaisons, par exemple, le tourisme d'affaires, quand on présente la destination, c'est autour d'une destination design, donc on a travaillé sur des offres autour du design avec des designers. Là, pour un congrès qu'on est en train de monter, on est en train de bosser avec une équipe de designers et une agence d'événementiel pour créer des prestations très spécifiques à Saint-Etienne où les gens, puissent lors d'une soirée, toucher le design, arriver à le concrétiser, donc vraiment, nous c'est un fil rouge, même si c'est du marketing pur et dur, mais on oublie pas le reste, on se positionne par rapport aux autres puisque le design c'est quelque chose qui est vrai à Saint-Etienne, c'est issu de l'industrie, ça s'appuie sur une réalité, où il y a un vrai réseau, avec la Cité, avec l'Ecole d'Art et de Design, les entreprises, avec beaucoup d'activités économiques liées au design, donc elle est vraie. Et, au détriment du positionnement, on reste la seule ville française membre du réseau et en Europe, y'a Berlin, Bilbao, GratzÉ

·

4

Donc du coup, au niveau des projets à l'avenir, des événements, etc. pour vraiment, le concrétiser, qu'y a t-il de concret pour valoriser la ville, à part la Biennale, la Cité, et le Corbusier ?

C'est déjà pas mal (rires). La dessus, le Corbusier c'est surement l'outil qui nous permet d'aller le plus loin, c'est à dire, d'amener des tours opérateurs de très loin, c'est notre plus fort vecteur. La Biennale, c'est quelque chose de très important, comme c'est tous les deux ans, on ne peut pas tout miser là dessus. Et ensuite, on s'appuie sur l'entrée design pour valoriser les offres culturels, donc il y a Le Corbusier, le musée d'art moderne et contemporain, les collections du musée d'art et d'industrie, on arrive à tisser après tout une offre qui existe pour la faire découvrir et on a moins besoin de trouver plus d'offres concrètes que de travailler justement la communication et la facilité d'accès à cette offre.

· D'accord. Donc ce qui est important est surtout de communiquer autour de ça en fait ?

Communiquer, structurer, on a mis en place une City Card qui permet de faciliter et de rendre achetable, consommable facilement l'offre, donc c'est vraiment notre enjeu.

· Et concernant le lien, est-ce qu'il y a un lien entre l'Office du Tourisme et la Cité du Design, travaillez-vous ensemble là dessus ?

Oui. On travaille très souvent ensemble. On était ensemble hier. Par exemple on travaille sur la biennale 2017, on est les pieds dans l'Euro bien profond (rires), mais on travaille sur la prochaine biennale. On attaque à peu près 1 an et demie avant une biennale, des groupes, on a des comités de pilotage à minima en Suède et après on a par exemple, on a bossé sur des groupes de travail sur le réceptif, on travaille sur la billetterie, là on va mettre en place des liens un système de vente en ligne, on a travaillé pour que la City Card puisse intégrer des entrées à la biennale, et euh, très souvent, quand on travaille sur des projets pour structurer l'offre comme je disais l'organisation des congrès d'événements, on a pas mal de relations, avec la cité, avec l'école. Par exemple, avec l'école, il est question que l'on travaille avec eux pour l'aménagement de l'espace de l'Office du Tourisme pendant la biennale.

· Et auprès du public, des visiteurs à Saint-Etienne, vous avez déjà réalisé des études marketing ou autre ?

5

Y'a une étude sur la dernière biennale qui permet d'analyser les retombées. Elle a été réalisée par Saint-Etienne métropole, elle permet de mesurer la perfection des territoires avant, après, est-ce qu'ils étaient primo-visiteurs, est-ce qu'ils pensent revenir, leurs dépenses sur place...

· Et du coup, qu'est-ce qu'il ressort de cette étude ?

Pour faire simple, il y a un côté très positif en terme d'événement. Une biennale, ça change complètement le territoire, on progresse en terme d'image, de notoriété, très importante par rapport à d'autres choses qu'on pourrait faire qui couteraient beaucoup plus cher. Et euh, on a de plus en plus de monde, de fréquentations externes, là, on a atteint 210 000 visiteurs pendant la biennale, le territoire, à la base, Saint-Etienne qui n'est pas une destination touristique en tant que telle, on a des comportements touristiques. On a des personnes qui viennent, qui achètent des package sur 3 jours, on a une augmentation importante des flux. Le territoire est lui-même, vous connaissez, vous êtes stéphanoise à la base, ça change quand même pas mal les choses. Les gens qui viennent pendant une biennale sont quand même agréablement surpris. C'est des moments très privilégiés pour faire venir du monde, donc on accueille des journalistes, des moments où on invite des organisateurs de congrès, c'est un moment de visibilité qui est précieux. Bon, c'est 1 mois tous les 2 ans (rires).

· Oui. C'est vraiment très important en fait pour la ville, son image...

De toute façon, on voit que les territoires en France se battent pour créer des événements porteurs d'image. C'est très compliqué. J'avais travaillé notamment sur le sujet quand j'étais dans l'Ain, où il n'y avait pas d'événement majeur, porteur d'image, où il n'y avait pas de visibilité pour en créer. Première chose, déjà, c'est que ça ne se crée que si c'est une réalité. Les choses montrent qu'il faut qu'il y ai un noyau associatif qui est lancé ça pour que ça marche. C'est le cas avec la biennale. On va dire, c'est une bande d'allumés au début qui a lancé ça et puis au fil du temps, ça s'est structuré, professionnalisé, mais c'est pas parti dans l'autre sens.

· C'est pas venu de nul part cette biennale à Saint-EtienneÉ

Oui. Et l'ancrage progressif, en général, c'est le gage de quelque chose de fort. C'est le festival de la BD à Angoulême, et puis après, c'est des trucs qui sont porteurs d'image et puis en plus d'avoir un impact bien supérieur à ce qu'on pourrait faire en terme de plan média.

6

Ca amène une animation et ça a des bénéfices sur l'économie locale. Donc au-delà du positionnement touristique, l'intérêt du design, c'est... Quand je suis arrivé, on m'avait dit que c'était encore pas gagné, et ça c'est acquis assez rapidement derrière et quand même, de plus en plus et porté et intégré par les différents secteurs d'activité. Ce qui nous reste à travailler le plus, c'est les habitants. Il y a eu pas mal de travail là-dessus, mais il y a encore du boulot. Avec toutes les actions qui ont été entreprises, ça a évolué mais c'est ceux qui restaient plus à dire « Saint-Etienne, le design... ».

· Justement, j'ai l'impression qu'il y a une sorte d'incompréhension des habitants qui ne comprennent pas tellement cette Cité du Design et cette biennale etc. Vous êtes justement en train de démocratiser, de sensibiliser les publics ?

Oui justement, c'est une réalité d'arriver à concrétiser ça. Donc il y a eu une première étape sur la biennale 2015, où il y a eu un mandat très clair du maire de bosser dans ce sens. Il y a eu une très forte augmentation des personnes stéphanoises qui sont venues à la biennale, donc ça a commencé à jouer.

Le côté communication, c'est d'arriver à rendre visible le « pourquoi le design à Saint-Etienne ? » en mettant en avant le nombre d'entreprises qui sont pionnières sur le territoire sur le design, qui l'utilisent, le fait que design, c'est pas que le design sur la partie esthétique ; c'est tout ce qu'on appelle la qualité d'usage, comment on pense les usages, comment on les adapte, au final il y a une esthétisme liée à tout ça. Au final, l'idée c'est d'envoyer des signaux permanents dans la vie qui relatent du design...

· Est-ce que vous pourriez me citer quelques actions concrètes menées pour sensibiliser les habitants de la ville et les amener à visiter la biennale, etc. ?

Ben alors, sur la biennale, il y avait euh, des actions spécifiques de communication auprès des habitants, y'a euh toute la parade du design qui a été mise en place et travaillée avec les centres sociaux du territoire, là ça parait anodin mais ça a un effet d'altération. Les enfants étaient associés, pour réaliser des chars design pour la parade du design, forcément les enfants retournent à la cité avec les parents. Les liens avec les compagnes de communication plus déclinés dans les différents supports municipaux de Saint-Etienne et de Saint-Etienne métropole aussi.

·

7

D'accord. Et en dehors de la biennale, d'après les études, les visiteurs qui viennent à Saint-Etienne viennent pour quelles raisons ? Sont-ils attirés par Le Corbusier ouÉ ?

Après, il y a plusieurs types de fréquentations hors biennale. Il y a les fréquentations de ceux qui sont en transit Nord/Sud, ça c'est plutôt l'été. La période estivale est la période où il y a le plus de visites de clientèle étrangère, aussi, qui reste 2-3 jours en allant dans le sud. Après, on a ceux qui commencent à identifier, car c'est un travail de longue haleine, ça fait quelques années qu'on a franchit un cap en terme de moyens et d'outils pour essayer de capitaliser sur cette image plutôt créative, plutôt de design, c'est à dire, ne pas être en concurrence sur des villes plutôt bourgeoises comme Bordeaux ou comme Lyon, où on est pas du tout sur ce positionnement. C'est d'arriver à valoriser des sites comme la Cité, même comme l'urbanisme qui a vraiment ses spécificités, de Saint-Etienne, de Firminy vert, etc. Et là, on a des visiteurs qui viennent plutôt pour des weekends, on a rarement des séjours d'une semaine où là c'est en général pour des motifs comme la famille. On n'est pas sur les mêmes flux qu'à Bordeaux (rires).

· Oui c'est sur que ça n'a rien à voir.

J'étais la semaine dernière à Bordeaux, nous on échange très souvent avec des villes euh, vous devez connaître l'Office du Tourisme ? On échange souvent, c'est une belle réussite sur Bordeaux depuis quelques années. Avec la cité du vin, par exemple, ça va apporter encore autre chose, on a eu le plaisir de la visiter...

· Pour en revenir à ce que vous disiez, Saint-Etienne a une image, il faut se battre un peu contre cette ancienne image, vous sentez que cette image un peu négative de ville noire, industrielle, pas très jolie, est-ce que ça change quand ils viennent à Saint-Etienne ?

On commence effectivement à sentir des évolutions, des personnes qui euh font ces changements. L'image est très ancrée, mais on a des signaux, quand on amène du monde de l'extérieur, y'a un côté très surpris, au sens où y'a un tel décalage, à la fois sur l'image ville-noire fondée, car y'a pas vraiment d'endroits dans la ville où on ne voit pas la montagne autour, le fait qu'il y ai quelques lieux emblématiques d'un point de vue urbanistique, que ça soit le Zénith, la Cité Grüner, demain la nouvelle Comédie, toute personne qui vient sur place renvoi des signaux qui sont très positifs. C'est aussi une raison pour laquelle on travaille

8

beaucoup sur le tourisme d'affaires, c'est qu'on sait que lors de congrès, on a des sites plus prescripteurs que d'autres, et que, c'est un vecteur de relai d'image très puissant et que beaucoup de personnes qui viennent en congrès reviennent derrière, ou envoient un message positif sur les destinations.

· D'accord. Et juste, du coup, pour résumer, quelle est l'identité de Saint-Etienne que vous cherchez à faire connaître ?

L'identité, ça reprend un peu ce que j'évoquais, c'est une ville positionnée plutôt sur le créatif, le design. Ville qui a été tout le temps en renouvellement, en recréation... donc ce qu'on a en avant, c'est ce volet dynamique, et pas par opposition mais plutôt par contraste, une cité bourgeoise qui est active depuis toujours sur un mode de fonctionnement, c'est une cité qui a explosé complète avec le décollage industriel et qui est passé d'une taille de 50 000 habitants et en 2 siècles à tout casser à dépasser largement les 200 000 habitants et qui s'est re-stabilisée. Et suite à la crise industriel, elle a rebondit sur le design, les nouvelles technologies de manufacturing, sur l'optique, sur le textile médical de haute technologie, et du coup a une histoire qui est valorisée au travers notamment de ces musées qui est une histoire très contemporaine. Il y a aussi le côté collectif où on retrouve le côté football qui est prégnant sur le territoire. Voilà c'est un peu ce qu'on veut proposer.

· Est-ce que vous pourriez-vous comparer Saint-Etienne avec d'autres villes, que ça soit des villes françaises ou étrangères... ?

Ca dépend, en terme de quoi ? En terme de tourisme ?

· En terme de... régénération urbaine, dynamisme et d'identité ?

Manchester (rires). De la même façon, un passé industriel fort, très marquant et pour autant, une vraie dynamique de relance. Un positionnement fort sur de nouvelles technologies, alors, c'est pas rare qu'on ai des retours comme ça où Saint-Etienne fait penser à Manchester. Après, faut pas regarder les tailles des villes. Une autre ville qui rebondit énormément en terme d'image, et où il y a un parti fort, c'est Bilbao. Bilbao, le Guggenheim, c'est un phare énorme qui a fait positionner Bilbao sur l'échiquier de l'art moderne, sur le volet culturel, Bilbao reste une ville très industrielle. Faut se rendre compte qu'on est pas obligé de tout changer d'un coup, quelque, y'a vraiment une stratégie d'image et de marketing et après, on entre dans un cercle vertueux....

·

9

Et au niveau de l'offre hôtelière par exemple, vous essayez de rajouter du design dans l'offre hôtelière ?

Oui y'a pas mal de choses qui ont été mises en place pour aider les hôteliers à renouveler les chambres avec des designers. Donc ça, ça a très bien fonctionné. Y'a eu le concours Commerce Design, avec du côté commerces, là aussi ça a pas mal marché.

· Donc pour résumer, Saint-Etienne est sur une bonne dynamique et le design fait vraiment partie intégrante de la régénération urbaine.

Complètement oui. C'est notre fil rouge qui a le mérite en plus, de ne pas être que touristique. Là, le design, ça a un côté fédérateur. Ce côté créatif, design, c'est très précieux car je vous garantis que c'est rare, l'économie, le tourisme, les différents secteurs soient derrière un même positionnement. Mais on est au début, on a encore pas mal de choses à faire (rires).

· Et concernant la dernière campagne de com', « Saint-Etienne change le monde avec le design », (rires) est-ce que c'est pas un peu fort de dire ça ?

Alors ça, faut demander au directeur général de Saint-Etienne Métropole... L'objectif, c'est un message interne. Elle n'a pas été relayée en externe. C'est surtout un travail auprès de la population avec le syndrome du « É » avec un déclic et des choses qui sont utilisées dans des industries prestigieuses et pointues c'est fait à Saint-Etienne grâce au design. C'est le message à faire passer.

Vous trouviez que c'est trop fort (rires) ?

· Non, mais je pense qu'il faut le prendre au second degré. J'ai trouvé que c'était presque provocateur mais dans un sens, je comprends pourquoi et c'est bien pensé parce que ça fait réagir. C'est vrai que finalement d'après tout ce que j'ai pu lire et entendre, j'ai l'impression que le problème vient surtout des habitants de Saint-Etienne, y'a comme un décalage.

Oui. Alors j'y pense, vous avez Nantes aussi, qui est beaucoup sur le créatif aussi. Leur image était un peu moins mauvaise, ils ont des clientèles internationales plus présentes, mais ils ont vraiment réussi et arrivent à attirer des touristes en masse. Après la ville a plus de moyens.

· Avez-vous quelque chose à ajouter dont nous n'aurions pas parlé ? Non y'a rien qui me vient.

10

3 Témoignage de Bernard Laroche, consultant en

« design pour tous »

Bernard Laroche est un ancien membre de « Designers Plus » et s'est intéressé au design pour tous.

· Pouvez-vous me parler de votre activité ?

Je ne suis pas designer. De formation ingénieur j'ai fait ma carrière dans les Télécommunications puis en fin de carrière je me suis intéressé à l'impact de l'allongement de la durée de vie sur la conception des produits, services, environnements de vie et son impact sociétal et social.

J'ai fondé en 2004 un cabinet de consultant dans le domaine.

En 2006, 2010 et 2013 j'ai été co-commissaire d'exposition à la biennale design.

En 2007 les designers m'ont demandé de prendre la présidence de la grappe d'entreprise « Designers+ » en cours de création. J'en suis resté Président jusqu'en avril 2015 en accompagnant la progression de cette grappe au niveau Rhône-Alpes auvergne (plus de cent adhérents). C'est la plus grande grappe française dans le domaine du design.

Je suis co-auteur d'un guide « Design pour tous comment s'y prendre » disponible gratuitement sur le web.

Je poursuis mon activité dans le domaine du « design pour tous ».

· Et comment définissez-vous le design ?

Le design est pour moi un process (design thinking) qui consiste à observer les usages et détournements d'usage des utilisateurs pour faire émerger un cahier d'idées d'amélioration ou/et d'innovation de rupture, puis les confronter aux contraintes techniques, financières, marketing pour faire émerger l'idée ou les idées qui vont se concrétiser dans un prototype ou une maquette que l'on va confronter aux utilisateurs avant d'aboutir à la conception réalisée ou commercialisée.

Dans tout ce process l'équipe projet doit avoir à l'esprit l'impact de l'évolution sociétale et culturelle des utilisateurs.

· 11

D'après-vous, est-ce que le design est bien compris par les publics ? Cela progresse mais l'on a souvent pris pour le design pour une seule approche esthétique en

oubliant que c'est d'abord la fonctionnalité pour les utilisateurs (au sens large y compris la production et la maintenance) et que l'esthétique vient ensuite rendre le produit « désirable ».

· D'après vous, qu'est-ce qu'une « ville de design » ? Toutes les villes peuvent-elles y avoir accès sans passé industriel ?

Une ville de design c'est avant tout une ville qui place le design comme vecteur de sa

croissance ou de son renouveau et qui développe une politique dans ce sens.

Bien sûr pour être légitime dans ce domaine pouvoir inscrire cette politique dans l'histoire de la ville est un atout primordial. Un passé d'innovation (industriel ou non) est donc indiscutablement un plus. De même que sans école de design et sans designers professionnels pour accompagner cette politique la légitimité sera dure à obtenir pour le territoire qui veut s'afficher terre de design. Enfin le patrimoine de la ville (industriel et urbain) doit pouvoir témoigner de cette histoire et de cette politique.

· Quel est l'intérêt pour une ville de se tourner vers le design dans sa stratégie de développement ?

Aujourd'hui le design thinking dans le processus d'innovation par les usages est de plus en

plus reconnu comme un potentiel de différentiation dans une économie mondialisée (en particulier dans les pays à coût de personnel élevé).

· D'après vous, qu'est-ce qui caractérise Saint-Etienne comme ville de design Unesco (image, design urbain, événements) ?

Saint-Etienne est à même de raconter une histoire avec :

- son passé d'innovation,

- son histoire autour de l'école des beaux-arts et du musée voulus par les industriels

locaux (armurerie, rubanerie, ..)

- sa filière professionnelle organisée (école, nombre de designers, grappe

Designers+, ..)

- sa Cité du Design et l'originalité de son concept

- ses expositions design (Biennale en particulier)

- La présence d'un design manager au sein de la collectivité et tous les projets

réalisés ces dernières années

12

Sa spécificité c'est d'aborder le design dans sa globalité et en particulier dans son approche sociale.

· Les créateurs sont-ils bien représentés et quelle place leur est consacrée ? La grappe d'entreprises Designers+, l'existence d'un quartier créatif permet depuis quelques

années une bonne représentation des professionnels du design et des professionnels des métiers connexes qui souhaitent développer des projets avec des designers.

· Que pensez-vous de la Biennale internationale du design, ainsi que du quartier créatif de la Manufacture ?

La Biennale a permis de faire connaître et rayonner Saint-Etienne dans le domaine du design.

Elle doit poursuivre dans l'esprit laboratoire des usages. Le quartier créatif doit faciliter l'implantation et la professionnalisation des acteurs du design stéphanois.

· Que doit faire Saint-Etienne pour continuer dans cette lancée d'après-vous ?

- Poursuivre la démarche même si les conditions financières des collectivités locales peuvent parfois donner envie de freiner.

- S'appuyer sur les acteurs locaux et mieux fédérer avec eux la politique de développement

territoriale par le design pour en optimiser l'efficience.

· Enfin, si vous deviez comparer Saint-Etienne à d'autres villes, lesquelles seraient-elles ?

En France il me semble que les villes concurrentes seraient Nantes puis Lille-Valenciennes.

· Avez-vous quelque chose à ajouter ? Non, bonne finalisation !!!

· Merci beaucoup !

13

4 Témoignage de Guillaume GRANJON et

Élodie VICHOS, Designers et fondateurs de

l'agence Kaksi Design

· Pouvez-vous me parler de votre activité ?

Nous sommes Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS. Nous avons créé en 2014 à Saint-Étienne l'agence Kaksi design spécialisée dans la conception et l'accompagnement à la réalisation d'objets (design de produits) et d'images (design graphique).

· Comment définissez-vous le design ?

Le design est pour nous une démarche, un ensemble d'outils qui lorsqu'ils sont mis à la disposition d'un commanditaire, permettent la création ou l'amélioration d'un produit, d'une image ou d'un service. Ceci dans le but de rendre plus agréable le quotidien de l'usager et ainsi de faire vendre plus.

· D'après-vous, est-ce que le design est bien compris par les publics ?

Le design est très souvent perçu comme un habillage, l'utilisation du mot faite par les médias faisant référence le plus souvent à l'aspect esthétique, voire artistique et non à la fonctionnalité, à l'usage.

· D'après vous, qu'est-ce qu'une « ville de design » ? Toutes les villes peuvent-elles y avoir accès sans passé industriel ?

Une ville de design est une ville qui infuse le design dans toutes les dimensions de la vie dans la Cité (politique, sociale, urbaine, événementielle, économique). Oui, les villes peuvent accéder à ce statut sans avoir de passé industriel. Le passé industriel est une façon de rendre légitime ce statut.

· Quel est l'intérêt pour une ville de se tourner vers le design dans sa stratégie de développement ?

14

L'intérêt d'une ville de design est de pouvoir attirer des investisseurs en améliorant le cadre de vie et les services qui sont proposés aux citoyens et aux entreprises.

· D'après vous, qu'est-ce qui caractérise Saint-Etienne comme ville de design Unesco (image, design urbain, événements) ?

Oui, le design urbain et les actions qui sont menées en ville caractérise Saint-Étienne tout comme la biennale du design qui est un événement ancré dans l'esprit des gens.

· Les créateurs sont-ils bien représentés et quelle place leur est consacrée ?

Les créateurs sont plutôt bien représentés au travers des différents événements auxquels ils peuvent prendre part. Ainsi que par les regroupements et plateformes d'identification des designers locaux.

· Que pensez-vous de la Biennale internationale du design, ainsi que du quartier créatif de la Manufacture ?

La biennale du design et le quartier créatif sont de bons moyens de valoriser l'image et ainsi de faire connaître à la fois le quartier et la ville.

· Que doit faire Saint-Etienne pour continuer dans cette lancée d'après vous ? Poursuivre les actions qu'elle a entrepris ainsi que développer son offre aux entreprises qui utilisent ou souhaitent utiliser le design.

· Enfin, si vous deviez comparer Saint-Etienne à d'autres villes, lesquelles seraient-elles ?

J'ai récemment découvert Bordeaux et les initiatives et le dynamisme mis en place autour de restructurations de sites anciens (de type Caserne Niel Darwin) comporte un aspect très vivant. Milan est aussi intéressante pour l'omniprésence du design partout dans la ville, à des échelles différentes.

· Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Pourquoi pas mettre en place une exposition permanente (à la Cité du design) sur les racines du design à aujourd'hui à Saint-Étienne... Peut-être existe-t-il déjà une édition à ce sujet?)

15

5 Entretien avec Gaëlle Subileau, Chargée Le

mission chez Designers Plus

· Bonjour, pouvez-vous me parler de votre organisation, son activité ?

Alors, en structure, en fait, on est en forme associative, ça c'est pas nouveau. Ce qui est unique, c'est que, euh, se conçoit comme un cluster, ça c'est pas commun par rapport aux designers. Il existe un point d'association par rapport aux designers, mais souvent ce sont des gens qui se rapprochent au sein de la mutualisation pour faire du projet collectif, des choses comme ça, mais dans une démarche resserrée. Voilà. Euh, nous on a décidé d'accompagner la filière design, à notre niveau, on n'est pas un syndicat, on est vraiment un réseau professionnel, avec la particularité d'avoir ce qu'on appelle les médias associés en plus des designers : les bureaux d'études, des architectes, des ergonomes, des vidéastes, des programmeurs, enfin voilà, bientôt (euh) un avocat, fin bref, des gens qui font du développement économique.

L'idée c'était, nous on est tournés vers les indépendants, et pas vers les grosses agences. C'est favoriser la collaboration entre nos adhérents, avec des équipes projets pour qu'ils aillent plus loin, en réponse aux appels d'offre ,
· de les former, on a toute une partie qui s'appelle Performance designers, on est aussi organistes de formation, on fait des formations continues, on a des ateliers, qui permettent de voir où ils en sont par rapport à des thématiques métiers, (euh), et puis on a une partie plus recherche et innovation donc on a réfléchi, ah je vous la fait très courte, à un outil numérique enfin c'est un site internet qui vous permet par un système de questionnaire de prendre du recul sur votre pratique en tant qu'indépendant ,
· on va pousser le projet plus loin pour toucher toutes les formes de, non pas de design mais de designer ,
· c'est pas la même réalité pour un designer intégré par rapport à un designer indépendant ou un designer salarié d'agence. Il y a vraiment des spécialités qui sont différentes. Voilà, et puis, après on fait un peu d'accompagnement projet innovant mais ça n'est pas l'essentiel de nos missions. Et puis la dernière chose, c'est la partie valorisation des compétences de nos adhérents. Voilà, ça c'est pour faire très simple : performance designer, communication et puis (euh), on va dire innovation entre guillemet quand même. Voilà.

· 16

Et justement, tous les métiers du design sont représentés ?

En fait, on a pas deÉ On aurait pu, quand ça arrive souvent, avoir des associations qui disent bah nous on est sur toute la frange sur des gens qui sont entre le design et les arts plastiques, ou alors que des graphistes, que du produit. Nous on a vraiment toutes les spécialisations. On a des designers plus, qui sont spécialisés en design thinking, y'en a qui sont spécialisés en design collaboratif, alternatif, on a le designer produit, mais dans le produit, on a très peu de designers, ce que nous on appelle éditeur, c'est à dire des gens qui vont travailler sur de la petite série, qui vont travailler sur un marché qui est celui de la galerie, ou (euh), ça on a pas ça dans nos profils.

· D'accord. Par Editeur vous entendez des designers comme des artistes ?

Non, enfin, les franges sont serrées. Euh, non, je pense plus à des gens qui vont faire des pièces uniques ou des toutes petites séries et qui sont effectivement dans un milieu qui est plus proche de celui du monde de l'art que de l'industrie. Nous, on est tournés TPE, PME.

· D'accord. Et du coup, par rapport à votre organisation, je ne vous ai pas demandé, mais si j'ai bien compris vous êtes une équipe de 3 personnes ?

(Ouh) Nous on est deux personnes, enfin 2 salariés, 1 président et après comme toutes les associations, on a un bureau, un CA. Un bureau qui se réunit une fois par mois donc c'est quand même actifs, on prend pas les décisions tous seuls, euh, on part toujours des besoins de nos adhérents, il a fallu trouver des solutions pour avancer, on a trouvé un système, le fait qu'on soit 2 salariés, ça permet de faire bien avancer les choses mais on ne fait pas les choses sans nos adhérents.

· D'accord, et dans quel cadre Designers Plus a t-elle été fondée ?

La version politiquement correcte, euh, c'est une décision politique, ça c'est une réalité. Euh, c'était un contre point avec ce qui a été fait avec la Cité du Design. La Cité du Design, en fait est une institution, et nous on a une approche terrain. Voilà, c'est simplement, on pas les mêmes fonctionnements, mais lorsque la Cité du Design a été mise en place, je pense qu'il y a eu une grande inquiétude de la part des professionnels qui se sont dits « Est-ce qu'ils montent une méta agence qui serait soutenue par l'argent de l'Etat, on est-ce que c'est vraiment un outil de promotion ? ». Là, on est quand même quelques années plus tard et la réalité est que

17

oui, la cité du design est plus là pour promouvoir le territoire, le design auprès des entreprises, etc, et nous, on est vraiment là pour former les designers, pour les aider à être plus (euh) efficaces dans leurs relations avec les entreprises. Quand on sort de l'école, le langage de l'entreprise, on ne le parle pas, je parle pour un designer, le langage de bureau d'étude, on le connaît de loin, comment se présenter, comment expliquer ses méthodologies, comment se présenter soi-même comme un chef d'entreprise, enfin tout ça c'est très très loin de soi quand on sort d'école, et nous notre idée c'est d'accompagner, c'est bien d'avoir 10000 designers au mètre carré mais faut-il encore qu'ils survivent, tout simplement (rires).

· Et au niveau des designers, ce sont des designers de la région essentiellement ? Alors en fait à la base, Designers Plus était juste stéphanois, quand moi j'ai intégré l'association, et on est en ouverture Rhône-Alpes depuis 2012 sur le papier, en réalité depuis 2013.

· Et pourquoi une volonté de s'ouvrir plus largement à la région ?

Parce que tout simplement on a une structure qui est unique. Que d'un point de vue on va parler de concurrence territoriale. Les outils qu'on a développés au sein de la filière, marchent pour des stéphanois comme pour des grenoblois. Il n'y a pas de problème. Une des forces de la région Rhône Alpes est le nombre de designers qu'il y a en activité. Ce qui était intéressant, pour nous, c'était d'essayer de fédérer l'accompagnement de la filière. Faut bien avoir conscience que le design, c'est un métier qui est tout jeune, qui se transforme vite. Les gens qui ont 50 ans n'ont pas été formés comme les gens qui en ont 22. Il y a beaucoup à faire, c'est un mot qui a été galvaudé. On a un petit peu la totale sur ce métier.

Autant l'architecture, a eu la chance d'avoir quelques centaines d'années pour se structurer, autant le design, c'est encore flou, même si on sait à quoi ça peut potentiellement servir quand on est du milieu, tout dépend du profil sur lequel on va tomber, etc. Donc nous, notre mission c'est vraiment, il y a une dimension d'homogénéisation, euh, voilà donc dans la façon dont on accompagne nos adhérents, il s'agit pas de leur dire quoi faire, mais de réfléchir avec eux sur le comment faire, comment faire bien, on est pas un syndicat. Notre job c'est de simplement « pour que ça se passe bien, où est-ce que le job d'un designer commence et ou est-ce que ça s'arrête », comment former pour aller plus loin dans son offre, on se rend compte que la partie stratégique elle est hyper importante. Ce n'est pas parce que vous allez intervenir auprès d'une entreprise et lui refaire son packaging qu'elle est tirée d'affaires.

18

C'est-à-dire que... en préalable à toute démarche sur le packaging, c'est vraiment une stratégie sur ce qu'elle veut faire, où intervient la partie emballage et voir s'il y a des choses à étayer autour. Parce que finalement les entreprises qui ont été déçues par le design, elles sont arrivées et ont dit « Moi je veux ça, point », « le designer a fait ça, point » et puis en fait, on se rend compte que non, c'est pas suffisant, on peut pas travailler sur un produit et ne pas travailler sur le packaging, ça marche pas.

· L'idée est de travailler en équipe, ensemble ?

Oui, c'est ça. Au lieu d'être un prestataire, nous on se débrouille pour que nos adhérents deviennent des partenaires, et ça change tout. En fait, le designer est partenaire de l'entreprise.

C'est là où il y a plein de flou. C'est là où il y a vraiment des nouveaux modèles à inventer. Je pense que Saint-Etienne est assez intéressant pour ça, parce que ça permet d'aseptiser un peu les choses.

· Justement, en parlant de Saint-Etienne. La ville est Ville Unesco de Design depuis 2010. Pour vous dans quel sens la ville est Ville de Design ?

Saint-Etienne c'est une ville alors en fait, quand on dit ville de design, c'est assez juste. Si on disait ville du design, ça ferait marrer tout le monde. Saint-Etienne est une ville qui a souffert, qui n'a pas réussi à prendre son virage, enfin, y'a eu des virages, et ils ont tout raté. (Rires) Ils le savent très bien. Je ne sais pas si la partie historique vous intéresse, mais ce qui est important, Saint-Etienne n'avait pas de grandes familles très puissantes, et en peu de temps il y a des entreprises qui sont nées, pour illustrer, elles ont du innover, ça c'est important. C'est vrai que Manufrance, tous ces trucs-là, ils étaient en avance sur leur temps, sauf qu'il n'y a pas une grosses culture industrielle comme à Lyon et au lieu de dire, bon on a gagné la première manche mais pour la seconde, il va falloir qu'on se prépare, c'est ah d'un coup, au lieu d'innover, je vais faire du patrimoine. Je vais racheter plus d'usines, pour faire plus de productions, et puis comme je vends plu, je vais faire moins cher la production. C'était le truc à ne pas faire. On l'a fait. Le VTT est arrivé, on est passé à côté, enfin il y a eu plein d'histoires, la ville est cafouillage. Ce qui est intéressant c'est qu'il a fallu s'en sortir et à nouveau c'est l'innovation qui est revenue, et le design est un très bon levier d'innovation.

Donc on a une ville qui est moche. Quand on dit « La ville du design », faut pas s'attendre à arriver comme dans certaines villes, ultra contemporaines, non c'est pas ça. C'est une ville

19

qui par le biais d'une volonté politique, qui est en train d'expérimenter pleins d'outils qui intègrent le design, pour aider les entreprises à se développer.

· Et les outils, justement ?

Dans les outils, il y a déjà le travail de la Cité du Design, qui a un pole Recherche qui est extrêmement compétent. Ils ont mis en place une méthodologie qui s'appelle les LUPI (Laboratoire des Usages et des Pratiques Innovantes), pour faire du développement. Il y a quelque chose qui est en train de se faire au sein du quartier créatif, en terme d'animation. Ils essayent de croiser les regards, de favoriser l'innovation ouverte, en mettant en place des workshops, des ateliers, des sessions de travail libre, enfin, y'a plein plein de choses qui se mettent en place, nous on est en interaction justement avec les acteurs du quartier créatif, voilà, y'a un Fab Lab qui a été monté, y'a une école de communication un peu plus haut, y'a des écoles, des entreprises un peu plus haut. Ce qui est intéressant c'est qu'au lieu d'avoir simplement un lieu de mixité, c'est carrément un quartier.

Voilà alors après des outils, il y en a eu pleins qui ont été mis en place. Le fait qu'il y ait la Biennale Internationale de Design, ça permet d'expérimenter des tas de choses, on a fait des laboratoires d'usage, il y a des workshops géants qui ont été mis en place, y'a pleins de choses comme ça qui ont été testées.

· Du coup le quartier créatif est considéré comme un marqueur fort de la transformation du territoire, quels seraient les autres marqueurs dans la ville d'après vous ?

Est-ce qu'il se passe des choses ? Alors, ce qui est difficile, c'est que quand les entreprises recourent au design et que ça se passe bien, contrairement à ce qu'on peut imaginer, je parle bien des TPE, PME, elles ne communiquent pas dessus. Je vais prendre un exemple, y'a une boite qui fait du tube cintré sur Saint-Etienne, vraiment l'usine à papa, ça fonctionne en silo graphique, plutôt mentalité sous-traitant. Ils ont fait appel à un designer et ce sont rendu compte qu'avec des nouvelles normes, il était obligatoire pour les hôtels d'intégrer des assises pour les handicapés dans un certain nombre de leur chambre, et dans ce cadre-là, un de nos designers a travaillé avec eux, il a fait un truc simple, efficace, et qui c'est dit que l'hôtelier ne voulait pas avoir en permanence un banc dans la douche, donc il a trouvé un système tout con, c'est une applique qui se fixe au mur, quand c'est pas destiné aux personnes handicapées, c'est simplement un reposoir pour les savons, et quand une personne

20

handicapée ou qui aurait un problème etc, on enlève la tablette et on fixe un petit siège contre le mur, qui permet de nettoyer la douche sans problème. Elle est mignonne, c'est un petit tabouret, mignon, bien pensé. Et ce designer a voulu savoir comment ça se passait pour l'entreprise, qui a dit « ça marche » mais impossible d'avoir des retours sur combien. Et puis, moi je les ai beaucoup torturé car on a fait un projet en lien avec le design pour tous, et là on apprend qu'ils sont deuxième leader européen sur le marché, en fait (rires). Et là je lui ai dit «Pourquoi vous ne le faites pas savoir ? ». « Ah bah non, vous comprenez, si les autres ils le savent, ils vont embaucher un designer », ma voix est tombée, je me suis dit « wow »É Il faut bien se dire que y'a pas à Saint-Etienne y'a une mentalité particulière, autant à Lyon on veut que ça se sache, autant à Saint-Etienne y'a un syndrome où on fait des trucs c'est superbe mais... ce qui fait qu'en terme de marqueurs, il se passe des trucs étonnants pour les entreprises à Saint-Etienne mais alors, c'est « o maire pas complète », alors la ville essaye de faire des campagnes de com' pour montrer comment le design change le monde à Saint-Etienne, c'est effrayant.

Donc dans les marqueurs, justement, la ville fait un gros travail d'affichage sur Saint-Etienne change le monde, en présentant des projets qui ont été développés par des entreprises du coin, mais c'est toujours les mêmes entreprises.

· Pourriez-vous me donner des noms d'entreprises qui utilisent les designers ?

Oui, Fab Outillage, alors on a quand même DPS, Tollerie Forezienne, (euh) mais il faudrait contacter le pole communication de la mairie qui sera ravie de vous donner tous les noms.

Voilà, on est quand même sur des bonnes entreprises, y'a Verney Caron aussi, qui fait tout ce qui est armes, chasses, etc. Donc sincèrement, il se passe des choses (rires) mais il faut savoir que Saint-Etienne est la 2ème ville de France en terme de densité de TPE-PME. Et voilà, c'est pareil mais personne ne le sait ! C'est pas l'image que donne Saint-Etienne. Voilà donc il y a un travail qui est énorme et ce qui est intéressant, c'est que le design s'intègre aussi dans les écoles, y'a eu pas mal d'actions pour aider les enfants, qu'ils soient acteurs de la remise en forme de leur classe, dans une démarche design ; repenser des espaces de travail, pareil au niveau social, y'a des choses énormes qui ont été faites qui sont super intéressantes, notamment avec le Rabais, où ça sert à rien de refaire les locaux si vous savez qu'il y a une telle misère sociale autour que ce sera flingué, là ils font de la co-conception avec les adhérents ; les ados vont réfléchir, les adultes, ils vont requalifier leurs espaces, et ça marche en fait, les gens sont fiers après. Mais en même temps, y'a la dimension technique, pratique

21

du designer aussi, donc c'est pas non plus un projet qui vient comme ça « super on a refait le mur ensemble », c'est plus pérenne.

Voilà donc ce qui est difficile est que Saint-Etienne métropole est la ville qui communique beaucoup sur le quartier créatif et la biennale, et, bon y'a eu la revalorisation du quartier de la gare, on commence à, y'a des choses qui bougent doucement, c'est une ville, faut imaginer, l'urbanisme de la ville, c'est comme un costume qui serait trop grand pour son propriétaire. On a une ville qui s'est développée d'un coup comme les villes américaines champignonneuses et qui s'est vidé d'un coup, le bon exemple c'est Detroit. Et on se retrouve en fait en terme de nombre d'habitants et de battis, y'a un truc qui va pas. Voilà donc c'est une ville qui est en transformation, nous avec nos adhérents on est en train de réfléchir à des démarches en lien avec ce qu'on appelle la slow city. Donc ça, on a une ville qui a un potentiel énorme la dessus, après les choses se font après l'autre et puis y'a pas beaucoup d'argent comme partout.

· Vous pensez du coup que la ville est réellement en train de changer, de changer d'identité vers le design ?

Alors, ça n'engage que moi ce que je vous dit, parce que je n'ai pas tous les paramètres en moi. Il y a quelque chose de particulier qui est en train de se développer sur la ville, en terme d'échange entre les différents acteurs, je trouve qu'il y a beaucoup plus de dialogue que dans pas mal d'autres villes où on intervient. Donc ça c'est une réalité, qui a beaucoup d'initiatives privées à Saint-Etienne qui vont dans cette démarche de slow city, avec des gens qui vont se réunir, se monter en association pour pouvoir se développer, une rue, un quartier, soutenir de la création avec les éditeurs, c'est super, pour pouvoir en faire des mouvements de liasse populaire, indépendamment de la Biennale, où ils ont carrément bloqué le quartier, y'a des défilés. Il se passe quelque chose. Après, la dimension de pérennisation est un truc que la ville a beaucoup de mal avec ça. J'ai fait mes études à Saint-Etienne, je suis partie et je suis revenue, y'a des idées, y'en a partout, mais apprendre à capitaliser et à aller jusqu'au bout, c'est une ville qui a du mal à le faire. Wow super c'est génial, on arrête, d'accord. (rires) Alors que sur Lyon, quand ils ont un truc qui marche ils capitalisent à fond dessus.

· Est qu'est-ce qui fait que la ville change d'avis ?

Il y a des ballotages de municipalités, je pense que là dessus, on est super forts, et puis forcément ce que fait le prédécesseur c'est pas bien, sinon ça serait trop simple. Et puis en

22

fait c'est une culture, ce qui est amusant, on a une culture à la fois très gauche (ça c'est le reste ouvrier) et une culture droite catholique mais avec le côté « aides », du coup on est une ville très très sociale, avec les gênes de montrer qu'avec l'argent on peut faire des choses qui brillent. Voilà, et c'est le fond du truc par rapport à Lyon, et que des fois on a mis de l'argent sur des choses où les gens ne comprennent pas à quoi ça sert, alors on va pas trop le dire. C'est dommage.

· En tant que stéphanoise, j'ai toujours entendu beaucoup de critiques sur la Cité du Design, au niveau financier, et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas trop...

Ce que c'est que ce machin, ouais en fait, après voilà déficit de communication, la Cité du Design fait beaucoup avec pas tant que ça. Quand on regarde ce que coûte la biennale d'art contemporain sur une Biennale de design, ça se compte en zéro. La Biennale du Design, c'est à peine la moitié de ce que coute celle de l'art contemporain, et en terme de visites, Saint-Etienne est au-dessus, ça c'est une réalité et ce qu'on a tendance à oublier, j'étais en régie etc., donc la biennale de design fait manger un paquet considérable d'artisans, d'entreprises locales, ça faut pas l'oublier, c'est quand même pendant un mois les hôtels qui sont un peu pleins sur Saint-Etienne, les restaurants qui tournent, je veux dire, c'est pas tous les jours à sainté. Souvent, je me méfie du bon sens populaire « à quoi ça sert le design, ils nous font une expo ils nous montrent une cocotte-minute », certes, le design c'est comme l'art, il faut avoir les codes, c'est pas donné, c'est pas évident c'est pas fun. Et après quand on retourne vers ces gens et qu'on leur présente le truc, alors là ils trouvent ça génial, mais, je me rappelle de trucs assez dramatiques dans La Tribune Le Progrès, « avec le prix du steak qui a augmenté qu'ils nous demandent 4 euros à La Cité du Design, bientôt on pourra plus nourrir nos enfants » (rires).

Voilà je pense que si la Cité du Design existerait ailleurs elle aurait le même problème, je ne sais pas si vous avez suivi ce qui est arrivé au lieu du Design. A Paris, en fait le lieu du design est en mission des accompagnements des entreprises comme la Cité du design et ils ont une mission d'éducation, partager avec le grand public, et en fait, pour des raisons purement politiques, ils ont perdu toute la partie exposition, alors qu'ils ne faisaient pas ça avec énormément de moyens eux non plus, et voilà, la tendance c'est une espèce de, faudrait que tout ramène de l'argent tout de suite, si on forme pas les gens...

·

23

Saint-Etienne justement c'est vu comme une ville qui démocratise le design, est-ce que c'est vrai d'après vous ?

Oui oui, justement, l'historique que je vous ai fait tout à l'heure, où y'a une dimension sociale qui est très forte, c'est la ville de France où il y a le plus d'associations au mètre carré, y'a beaucoup d'associations d'accompagnement à l'insertion pour les primo-arrivants, c'est la force et la fragilité de Saint-Etienne. Il y a quand même un contexte qui fait que le design c'est de trouver des moyens efficients à couts maitrisés. C'est ça qu'on a oublié... Oui, il y a des mecs qui se sont éclatés dans les années 60, l'avènement du plastique moulé, les entreprises étaient très contentes, ont déposés pleins de brevets, et se sont dit c'est cool mais qu'est-ce qu'on va en faire ? Faut aller chercher des gars, des italiens, qui étaient des artistes purs, des beaux-ardeux, ils leurs ont dit « bluffez nous », y'avait pas de contraintes économiques, y'avait pas la crise pétrolière, et ils ont faits tout le vintage, c'est issu de ça, ultra créatifs car il y avait aucun cadre, et ce qui est amusant c'est que dans l'inconscient, c'est que le designer est un créatif, fait des trucs bizarres oranges et ronds. Ce design-là existe en marché de niche, mais c'est fini. Et je pense que Saint-Etienne là où ils sont assez forts, c'est qu'ils arrivent à montrer que le design peut s'intégrer sur des espaces où on ne l'attendait pas. C'est là où je vous parle de stratégie. C'est là où y'a des méthodologies design qui vont permettre de casser la dimension silographique en entreprise pour montrer que la compétence, ils l'ont en interne, c'est juste de l'activer. Finalement, on est d'accord que c'est pas des choses qui sont si chères que ça de réactiver des choses qui sont pas présentes, et voilà mais c'est pareil, c'est pas... Le problème du design comme on le pratique à Saint-Etienne, c'est pas sexy. On n'a pas un super projet « ouah, regarde comme ça brille, j'ai bossé pour la Roche Bobois ». Super, on est contents, alors qu'il est en train de se passer, au niveau indépendant, et ça va vite. Il y a trois ans en arrière, j'étais à coup de fusil, quand j'allais au Club Gier (club de la sous-traitance de la vallée du Gier), où c'était « ah elle va nous sortir des mots de trois syllabes », des trucs très fins et subtiles comme il peut y avoir dans le milieu de l'entreprise. Et puis aujourd'hui, ils sont en train de développer des produits spécifiques avec des designers et qui se rendent compte que c'est possible.

· Et d'après vous, tous les secteurs des entreprises pourraient être concernés et travailler avec des designers ?

24

Carrément. On a participé à la démarche « design en résidence », c'est Alain Cadix qui avait fait des démarches un moratoire sur le design à destination de nos chers ministres, pour leurs montrer que nos entreprises avaient un déficit culturel énorme par rapport au design, ils savaient pas ce que c'était, ni à quoi ça servait... on est vraiment en retard... Y'a d'autres pays on y'a longtemps que c'est activé, donc il a expliqué ça, et puis ils ont cherché mais y'a toujours pas d'argent sur ce qu'on pouvait faire pour inciter les entreprises à y aller. La meilleure solution, ça a été d'aller dans les clubs d'entreprise, ou dans les clusters, donc y'a eu des designers, 11 résidences au finales on en a accompagné 2, Mécaloire et Numélink. Et en fait, par imprégnation lente, on s'est rendu compte que ça marche super bien avec les entreprises. On peut pas se mettre en ascendance, faut pas leur dire « mangez du design c'est bon, voilà ». C'est vraiment être à leur côté, leur montrer comment ça marche, etc, pour qu'en fait, elles se lancent. Une fois qu'elles sont lancées, ça va de soi. En fait, elles le voient comme un surcout, comme du travail en plus, c'est du travail mais après c'est un gain de temps énorme. En fait les actions très ciblées à destination des entreprises, ça marche. Mais là, on retombe sur un truc, c'est passionnant mais c'est pas sexy (rires), du coup ça fait pas partie des marqueurs du territoire. C'est la toute l'ambiguïté.

· Et vous disiez qu'en France on est en retard par rapport à certains pays ?

Ah ouais. Ouais ouais. En Allemagne en fait, les designers sont mieux lotis qu'en France, parce qu'en fait y'a une culture du design, de l'éco-conception aussi, enfin tout ça est un peu imbriqué et voilà, si c'est plus beau, si ça se vend mieux, pour eux c'est top. Ils ont le même problème en Angleterre avec ça, où le design est intégré depuis très très longtemps, et ça devient aussi des modes de pensées. En Angleterre, en fait, ils ont moins ce problème du « je suis chef, c'est moi qui décide ». C'est « j'ai envie de faire un projet, je monte une équipe, à chacun son métier. » donc forcément, le designer a toujours plus sa place. En fait un designer, c'est quelqu'un qui est transverse. Donc en France, il est perçu comme un emmerdeur alors qu'en Angleterre, il est perçu comme un coordinateur (rires). Et pareil, souvent en France, ce sont les coordinateurs de projet qui sont en lien avec les designers alors qu'en fait, ils sont en contact direct avec les donneurs d'ordres, en tout cas les chefs d'entreprise, pour faire avancer les choses, sinon c'est trop lent, y'a des choses qui s'épuisent.

·

25

Et justement, est-ce que cette grosse différence ne viendrait pas du mot « design » qui est, d'après mes recherches, la définition du design est quand même... subjective ?

Elle est fouareuse (rires). Non en fait, on est entre 2 mondes. Tous les anglais c'est vraiment design au sens dessin, ouvrage d'art. Je vous donne un exemple, c'est Jospeh Paxton, qui a répondu un appel d'offre que personne n'arrivait à répondre, il s'agissait de construire 70 000 mètres carrés d'expositions pour une exposition universelle. A cette époque, construire un édifice comme ça en moins de 2 ans, on y arrivait pas. A la base, Paxton était un ingénieur qui était spécialisé dans tout ce qui était serres. Et euh, il a eu l'idée de construire une espèce de construx avec des pièces ultra normées et sur le principe du mécano, il a monté une serre immense en réfléchissant à la circulation de l'air, des personnes. Il y est pas allé tout seul, il s'est monté en équipes. Ca c'est vraiment l'esprit design : « j'ai une problématique, je lâche avec mes certitudes et ce que je connais, pour trouver des solutions qui me permettront de ». Là c'est vraiment le design à l'anglaise. Et à l'inverse, ce dont je vous parlais tout à l'heure, les italiens, c'est génial, on a des brevets, on a des machins, on y va, c'est design dessin, fais moi du joli coco, et si ca peut un peu être ergonomique, c'est top. Du coup, le mot design, il est perdu entre les 2. Et nous on le voit, quand on discute avec les entreprises...

· Du coup dans le travail du designer, ce qui est vraiment intéressant c'est qu'il place l'utilisateur au coeur de la problématique ?

Oui il est tourné usages, tout à fait.

· Il y a une grosse dimension fonctionnelle ?

C'est pas que fonctionnel en fait. Votre cible, vous ne pouvez pas comprendre son bien sans elle. Y'a des tonnes de trucs qui ont été faits pour les personnes âgées qui ont des malaises, le problème, c'est qu'il y en a qui supportent pas d'avoir des trucs autour du coup, ni autour de la main, le problème c'est que les personnes âgées qui ont des boutons comme ça d'alerte, dans 90% des cas, quand ils appuient dessus, c'est qu'ils souffrent de solitude. Donc ça veut dire que les industriels ont pensé à un produit qu'ils pensaient bien pour les personnes âgées générales, et la réponse c'est que ça rassure essentiellement les enfants et que ça n'est absolument pas adapté à la cible. Donc une démarche design, ça serait d'observer en fait, faire venir ces personnes là, faire venir les enfants ou en tout cas leurs responsables, et en échange, de trouver un système qui serait efficient. Aujourd'hui, si vous voulez faire fortune,

26

vous dites « voilà je fais comme le réseau Orange, je fais un réseau d'alarmes que ce soit sur des systèmes poignées, poitrine, canes, d'alertes », mais ça coute 5 euros par mois. Aujourd'hui, un système d'alarmes comme ça c'est 50 euros par mois par personne. Parce que tout est éclaté, l'offre est super chère, donc les outils marchent pas, mais le modèle économique derrière il écroule. Donc voilà, c'est là où le design peut être intéressant, mais faut avoir les reins économiquement pour pouvoir le développer. C'est le job de l'entreprise.

· Tout à l'heure, vous m'avez dit qu'il y avait une grosse différence entre Saint-Etienne et Lyon. Pourtant, Lyon est à côté de Saint-Etienne, la ville aurait intérêt à développer le design sur Saint-Etienne et utiliser Lyon comme rayonnement ?

Le fonctionnement Lyon versus Saint-Etienne c'est un truc, c'est comme les derbies de foot, ça revient régulièrement. C'est voilà. A Lyon, y'a des entreprises beaucoup plus grosses. Mais 75% de ses entreprises ne souhaitent pas se développer. Alors qu'à Saint-Etienne, les entreprises sont beaucoup plus petites, et elles vont encore se développer. La plupart des entreprises se disent « qu'est-ce que j'aurais à m'embêter à travailler avec des designers », je vous parle crument mais les échanges que je vous sors, c'est des contacts avec les CCI, avec les entreprises, et à Saint-Etienne, y'a beaucoup à faire, car c'est des boites plus petites.

Utiliser Lyon comme rayonnement, bah non. Parce que du coup c'est déjà assez confus entre nos 2 villes, et Saint-Etienne a tout intérêt à dire « Nous on est les leader du design » et que les boites viennent chercher de la compétence à Saint-Etienne. Si nous on est en ouverture rhônalpine, c'est pour ça, pour que le lead du design reste à Saint-Etienne. Ils ont absolument pas envie que des gens voient ce qu'on fait c'est bien et le mettent en place à Lyon. Je pense que Saint-Etienne joue pas mal, en disant « nous on a le lead sur le design ». Ce qui est intéressant, dans le cadre de la Biennale, ils avaient commencé en 2015, ils vont refaire en 2017 en plus grand, c'est qu'il y a la partie biennale, le noyau c'est Sainté et puis y'a la Biennale territoriale et y'a des échos sur Lyon, et les alentours. Donc oui, on capitalise sur ce qui se passe, après c'est des choix, faut pas oublier qu'on est entre réalité économique et politique (rires).

· 27

Et Lyon avec « Lyon City Design » ?

Lyon City Design c'est une boite de com', c'est une personne qui a mis ça en place, c'est une assoc'. C'est tout petit, c'est une boite spécialisée communication qui a mis en place des événementiels en lien avec le design. Alors là pour le coup, on est sur du design un peu kawa. On est sur des trucs, un peu différents. Ils ont appelé ça Lyon City Design... mais on n'est pas embêtés.

· Finalement, Lyon et Saint-Etienne sont différentes. Saint-Etienne a vraiment sa marque de fabrique. Lyon ça serait plus dans le beau...

Oui voilà, faut pas oublier que derrière Lyon City Design, c'est Fermob. Donc eux ils utilisent le design dans sa dimension, ça fait plaisir, c'est joli, c'est un petit peu sympa pour la planète, (rires), mais bon, je suis très méchante, mais simplement c'est des problèmes de dissension entre les concurrents et la manifestation. Montrer que c'est un outil de développement, stratégique, et innovation, tout ça, nous on se retrouve à faire des trucs,... Enfin voilà, le design a le droit de faire des trucs sympas, c'est pas sa fonction première (rires).

· D'accord. Et en parlant d'autres villes, en comparant avec d'autres villes, vous me parliez de Detroit qui avait le même passé industriel que Saint-Etienne. D'après vous, aujourd'hui, y a t-il une ville qui ressemble à celle de Saint-Etienne ?

Dans la liberté de penser, je pense à Berlin. Y'a des énergies dans des côtés un peu pourris, indus, des soirées bien sympas, alternatives, et tout, y'a quelque chose. Y'a une dimension design mais c'est vraiment du free design. C'est pas évident en fait, si je parlais de Detroit, Saint-Etienne s'est vraiment développée structurellement comme une ville américaine. Ca c'est une réalité urbanistique, mais ouais, après des villes qui soient dans le même état que Saint-Etienne, y'a Lille. Et ouais, Lille, n'a pas les mêmes soucis que nous, mais elle essaye justement de développer la partie design, (euh) dans la volonté de développement du design, mais là on joue pas dans la même cours, c'est Nantes. En fait, le nombre de personnes qui viennent pour y travailler par an, il est énorme, alors que nous, on est en perte. Mais bon voilà, ils ont « Design In » à Nantes, bon c'est l'équivalent de la Cité du Design et un peu de ce qu'on fait, qu'ils développé des trucs super intéressants. Pour l'instant, nous le Lieu du design, Lille Design et Design In, c'est les 3 lieux qu'on suit de prêt en France. Après, y'a

28

Toulouse, y'a Montpellier, ils veulent tous faire du design, c'est classe, pour moi c'est plutôt un positionnement politique plus qu'une réalité.

· Dans un sens, Saint-Etienne a vraiment sa marque de fabrique ?

Nous on a été vraiment précurseurs. Bon après, comme tous les précurseurs, au début, on bénéficie d'avance, et puis après, les autres qui ont du retard peuvent regarder ce que les autres ont fait et partent directement avec des trucs efficaces. C'est les ambiguïtés (rires).

· J'aurais une autre question, qui élargit non seulement au design mais aux communautés créatives, est-ce que d'après vous les communautés créatives contribuent à renouveler la ville ? Sont-elles bien représentées ?

Complètement. Ouais. C'est pas des gens justement dans notre réseau, mais j'avais fédéré les off en 2015, c'est un petit regard transversal, quand je vous expliquait les gens qui sont tournés céramique, textile, etc., se fédèrent pour réinvestir un quartier, ou une rue, un immeuble (rires). A Saint-Etienne, y'a pleins de trucs expérimentaux et ça tombe super bien. Eux typiquement, les centres-villes, je parle pas de grandes ville comme Lyon, Bordeaux, etc, mais ce qui arrive à Metz, à Bonson, dans la plupart des villes moyennes françaises, les centres-villes déclinent, à cause d'internet, etc. Il faut réinventer quelque chose, donc les idées en petits efforts, c'est ce qu'essaye de faire Saint-Etienne, d'où l'idée de la Slow City, des espaces verts, des potagers dans la ville, des terrasses, slow city quoi. C'est de la vie à valeur ajoutée.

· Donc c'est un peu l'orientation de Saint-Etienne à l'avenir, la « slow city » ?

Bah ouais. Lyon c'est magnifique, mais Lyon en centre-ville on crève, c'est asphyxié par les bagnoles, ce n'est pas le même rythme de vie qu'ici (rires). Donc nous on a de la chance, dans notre malheur, on a de la chance, on peut réinventer quelque chose, les loyers ne sont pas chers. Donc je pense qu'il y a quelque chose qui est très développé sur Paris, un peu du bout des lèvres sur Lyon, sans doute plus à Marseille mais j'ai pas de recul, qu'il faudrait développer, c'est tous les espaces de coworking, mais pas tenus par des institutions mais qui soient tenus par des initiatives privées, sympathiques, ça prend, ça prend pas, c'est compliqué la France la-dessus, et je pense que Sainté, vu le travail qu'elle fait la dessus, commence à avoir suffisamment d'expérience pour pouvoir inciter des initiatives privées à se lancer et à avoir un retour d'expérience. Et ça, ça fait partie des trucs tout à fait positifs. Y'a beaucoup

29

de galeries, bon pareil, faut connaître quoi (rires), mais ce qui est intéressant, c'est que dans la biennale, tout ça sort de l'ombre. Les gens ont adoré la Biennale Off, en 2015, car justement, c'est super créatif, y'en a de partout, mais c'est caché, y'en a dans les arrières cours.

· La Biennale Off c'est... ?

Dans le cadre de la Biennale du design, y'a la partie In, et puis y'a la biennale Off, comme à Avignon, et du coup y'a tous les lieux, 80 lieux qui ont ouverts sur Saint-Etienne et alentours, ça allait du « dans ma cuisine » et dans des anciennes friches indus, et des trucs assez excellents (rires), c'est pour ça que je parlais de Berlin tout à l'heure, car dans le côté un peu free, y'a ça encore. Elle a une culture un peu underground.

· Je trouve que c'est vraiment caché du coup...

Oui ce n'est pas du tout valorisé. Les transformations de la Biennale ça permettra de plus capitaliser sur cette richesse là.

· Donc il y encore beaucoup à exploiter à Saint-Etienne ?

Oui, alors exploiter y'a pas de souci, mais à pérenniser. Les initiatives privées, y'en a énormément ici, mais c'est comment accompagner toutes ces structures à aller la marche du dessus, après les choses se font petit à petit.

· Pour revenir à vous, l'association Designers Plus, quels sont les projets et ambitions futures ?

La conquête du monde (rires). Dans nos projets, notre réalité c'est d'augmenter la part privée. On se débrouille pas trop mal pour une association mais la réalité c'est qu'on a des outils performants, mais on est en train de réfléchir à des modèles économiques de plus en plus indépendants, et d'être moins tributaire des politiques, ça va de soi (euh). Donc ça c'est une réalité.

En terme d'adhésion, on l'a en augmentation très régulière, (euh) nos formations sont pleines, les ateliers sont très bien suivis, c'est pas que vers nos adhérents, sur le rhônalpin, y'a du suivi. Après, être stable économiquement, embaucher de nouvelles personnes, encourager l'innovation.

30

Pour l'instant, on est en pleine réflexion, on est en âge de maturité, c'est pareil, on est en train de trouver les outils pour passer la marche du dessus aussi. Après, je pourrais vous dire plus d'adhérents, mais on veut surtout que nos adhérents s'impliquent. On veut que les gens soient acteurs de leur devenir.

Je repense à un truc par rapport à Lyon, on a des excellentes structures d'accompagnement d'entreprise sur Saint-Etienne, et je suis en train de me dire que comme on est plus fragiles économiquement, il faut que les gens soient mieux formés. Finalement, il y a beaucoup d'outils qui ont été développés par des assoc' type Talons Croisés qui font du portage salarial ou des initiatives de la CCI. Finalement, c'est très très créatif, enfin, c'est créatif d'un point de vue économique et les formations sont de très bonne qualité. J'étais surprise parce que sur Lyon, y'a des choses qui sont de moins bonne qualité, parce que le contexte est plus cool autour.

C'est comme si nous, fallait qu'on fasse tout mieux (rires), et la vie est plus dure. Donc ça c'est intéressant car franchement je suis étonnée de l'engagement des chargés de missions, des politiques enfin leurs salariés, qui développent des outils assez étonnants. Ca aussi c'est pas valorisé (rires). C'est extrêmement intéressant, les écarts de qualité entre les différentes CCI, c'est assez énorme. Ce n'est pas super objectif, mais dans le contexte, vous avez compris quelles sont les nuances.

31

6 Entretien avec Nathalie Arnould, Design

Manager à Saint-Etienne Métropole et à la

Cité du Design

En gros ce livre date de 2009, on venait juste de finir La Platine et on devait expliquer pourquoi le Design à Saint-Etienne et pourquoi La Cité du Design à Saint-Etienne. Dans ce livre, vous avez pas mal d'information sur Saint-Etienne, on fait le lien historique entre l'art et l'histoire, entre l'industrie et l'art, et l'activité artistique en particulier, parce que en fait, vous le lirez dans le livre, c'est important Saint-Etienne est une ville industrielle, de savoir-faire, textile, vélo, mécanique, etc, et que la construction de l'école des Beaux-Arts, et les besoins de cette école, qui était municipale à l'époque, est venue à la demande des industriels justement du textile notamment qui avaient besoin de dessinateurs, qui avaient besoin de gens qui faisaient des esquisses, des dessins, il y avait d'ailleurs une serre, où l'école était avant 2009, où il y avait des végétaux, l'objectif c'était d'avoir des gens qui savent dessiner, de la matière, de la couleur, les végétaux, donc pour nous, c'est comme si c'était le fondement même du design pour donner forme à un objet, un produit ou concept. C'est presque l'histoire même du design.

Donc ça veut dire que le lien art et industrie, il existe depuis toujours. Le vélo, les armes, le textile, évidemment avec la crise et puis le changement technologique fait que maintenant on utilise d'autres matériaux et on va vers d'autres enjeux, mais il y avait un côté art, artisanat et savoir-faire, un lieu fort.

· La ville a finalement toujours du innover ?

Complètement, vous parliez un petit peu de l'image de la ville et du territoire de la ville. Il faut voir comme s'est construit Saint-Etienne, dans un axe Nord-Sud, avec le Crêt de Roc et notamment des endroits où on faisait le textile à la maison, où les maisons étaient avec des grandes fenêtres parce que les dames travaillaient à l'intérieur de ces maisons, donc ça touche la structure même de la ville. Et puis après il y avait le quartier des manufacturiers, ceux qui faisaient les armes, notamment, puisqu'il y avait des armes pas seulement à la

32

Manufacture d'Armes qui était le plus officiel, d'Etat, mais il y avait aussi des petites manufactures d'armes, familiales, dans des usines et c'était côté Fauriel par exemple. Il y a pleins d'usines qui sont devenues des lofts finalement, ou des ateliers d'architectes d'ailleurs, voilà donc c'est sûr que l'activité industrielle a complètement construit la ville. Elle s'est construit autour du Furan, le long du Furan, qui était le fleuve fait pour la mécanique, pour les fours, et puis la Mine, évidemment avec tout ça bien avant, donc nous on fait remonter ça et on raconte tout ça dans ce livre, qui permet de dire aussi que c'est quelque part l'ADN de la ville de Saint-Etienne, la créativité, les petites entreprises, le lien entre les petites et les grandes entreprises, le lien entre la culture, et les habitants et le patrimoine, c'est un vrai écosystème de création, on titre souvent le mot écosystème de création, ou écosystème innovant.

On pense la ville comme ça quand on pense la Cité du Design. La Cité du Design est venue là parce qu'en 1998 l'Ecole des Beaux-Arts, je suis issue de cette école, je suis designer, et donc à l'époque, on avait un département Art, Média et Design, dans les années 86, est arrivé le terme de Design et de Département Design est assez récent en France, on parlait de design déjà beaucoup aux Etats-Unis et dans les Pays Anglo-Saxons, en formation, ça a existé mais il n'y avait pas d'Ecole de Design, ou alors en 84 je crois il y avait à Paris Les Ateliers, l'ENSI, qui est vraiment une Ecole de Design industriel. Mais le département Design de ces écoles des Beaux-Arts c'est officiellement mis en place en 86, pendant mes études.

Ca ne s'appelait pas Design, mais Environnement (rires)... J'ai fait des études d'Environnement. C'est en fait comment les artistes, l'activité créative peut améliorer le cadre de vie des habitants, mais d'un point de vue presque paysager, architectural, voilà, on était pas loin du design mais c'était pas très clair, le design est venu pour vraiment rapprocher les choses vers la notion d'usage : de quoi avons-nous besoin pour vivre ?

· Justement, en parlant de design, j'ai entendu pleins de définitions... Oui, c'est difficile de définir le design.

· J'ai l'impression que c'est assez subjectif et qu'on a banalisé le mot, pour dire « c'est design », pour un style moderne etc...

Oui, c'est ça, contemporain... Alors le design pour nous, on fait presque référence à la notion plutôt latine de la racine du mot design, qui serait plutôt le « dessein » (rires), le projet. En fait c'est un outil de conception, une méthode de conception, c'est un processus de conception, c'est concevoir. Alors, après, effectivement, le dessein s'intéresse plus

33

particulièrement pour nous, à Saint-Etienne, à créer un univers, un objet, un service, pour la personne. C'est pour le différencier un petit peu avec quelques concepteurs autres qui existent qui sont les architectes, les urbanistes, ou les paysagistes, voilà, mais on a la même formation générale qui est l'idée de « concevoir pour ». L'architecte ça serait « concevoir pour abriter », euh, tandis que nous on est plus proche de l'usage de l'objet, du service, pour vivre tous les jours, manger dormir...

· Mais un architecte ne peut pas être qualifié de designer ?

Si, dans les pays anglo-saxons, on mélange tout. Mais oui, pour moi, un designer, la partie intéressante du design, c'est la partie conception, mise en projet. Voilà, après effectivement quand on est designer, on fait de l'aménagement urbain, en général on le fait pas seul, on le fait généralement avec les urbanistes. Les architectes ont quand même une discipline qui est très codifiée, qui est définie, on fait une structure, mais le designer la dedans il est plus proche des besoins de l'homme, du service.

· D'accord, en somme il y a une visée fonctionnelle ?

Voilà, on est dans le fonctionnel. On fait quelque chose pour une fonction, pour répondre à un besoin, pour proposer de nouveaux usages, et puis évidemment on s'appuie sur des tas de compétences que doit acquérir le designer, notamment une culture générale, une culture un peu large aussi qui croise la sociologie, qui croise la technologie, être au courant en fait d'à peu près tout, sans être expert de tout. C'est important. Après on se spécialise, y'a des designers qui sont ergonomes, ou designers graphistes par exemple la couleur et la forme, la typo, etc. Après on a des spécialisations mais c'est quand même au départ une formation assez généraliste, c'est comment donner forme à des idées, qui vont répondre à un besoin.

· Un designer finalement, peut intervenir de partout ?

Oui, c'est ce que je vais vous montrer. Il intervient à tous les niveaux. Ce qu'on voit c'est la partie visible de l'iceberg en fait, évidemment quand on voit une bouteille en plastique devant nous, elle a forcément eu un travail de design, et on voit la forme qu'elle a, c'est le résultat, ou la belle chaise qu'on voit dans les catalogues. Mais derrière tout ça, y'a tout le processus, « pourquoi cette chaise ? », « pourquoi cette forme ? », comment ça répond à une demande d'industriel, c'est tout ce qu'il y a derrière qui est vraiment intéressant. Un designer en fait travaille avec un cahier des charges, très spécifique. Et après, il peut répondre à toutes les

34

demandes. J'ai des designers qui font de l'aménagement de l'espace, je vous mettrais le lien sur le site de la Cité du Design, vous pouvez aller voir « Design Map », qui une plateforme de designers de la région, Rhône-Alpes Auvergne, c'est plusieurs choses, ça a été à un moment donné un événement, qui nous servait à montrer qu'il y a des designers qui sont sortis de l'école, qui sont installés sur le territoire, qui ont des savoirs faires, qui ont déjà des expériences avec des entreprises, des collectivités, etc. et pour montrer leur travail, à un moment donné on s'est dit qu'il fallait faire un annuaire pour faire connaître ces designers : c'est la partie de promotion de la Cité du Design, par exemple. Pour montrer toute la richesse du territoire, en terme de prestation du design. Donc ca s'appelle Design Map, dont le collectif Designers Plus est adhérent. Et on a crée un réseau qui s'appelle le Co-Design et qui rassemble tous les designers de la Région Rhône-Alpes.

Voilà donc si on revient juste à l'historique et à Pourquoi le design à Saint-Etienne, l'Ecole des Beaux-Arts, l'Art et l'Industrie, une école des Beaux-Arts qui prend le pas du Design comme beaucoup d'autres écoles en France, mais à Saint-Etienne, ça a une répercussion beaucoup plus forte, parce qu'on a un tissu industriel proche, parce qu'on avait une municipalité et un exécutif qui était à l'écoute d'une perspective d'attractivité du territoire auxquels ils n'avaient pas forcément pensé mais qui pouvait prendre sens, et donc, là, on raconte cette histoire, donc Jacques Bonnaval qui était directeur à cette époque de l'école des Beaux-Arts, Michel Thiollière qui était le maire de l'époque, ont échafaudé ensemble, on se disant que finalement que tous ces étudiants que l'on avait dans cette école d'art et design, comment on faisait pour capitaliser et sur cette formation, les garder sur le territoire et faire connaître le métier, et la pratique de design. Et donc l'Ecole des Beaux-Arts a été la première à créer une revue Azimut de Recherche sur le design, un post diplôme, une 6ème année d'étude qui permettait de faire le lien entre ce qu'on apprend dans l'Ecole et le milieu Industriel, à l'époque il n'y avait pas les notions de formation par alternance, donc c'était un peu cette 6ème année qui permettait de rencontrer des futurs prescripteurs designers. Pour ouvrir la perspective de métier, pratique.

Et puis, en même temps, progressivement, il y a eu l'idée de faire un événement international, tout de suite qui est la Biennale Internationale du Design en 1998. Voilà, qui a été un gros succès, très vite, au delà de ce qu'on peut imaginer (rires). Et qui l'est toujours.

Et on arrive à la 10ème biennale en 2017. C'est un événement qui arrive tous les deux ans, on est un événement jeune dans ce milieu là. Des événements entre le design, le savoir-faire entre créateurs et entreprises, c'est plutôt des événements d'ordre économique. Il y a à Paris

35

par exemple le Salon du Meuble, qui est bien plus ancien, et puis surtout à Milan, qui est le plus connu, le Salon du Meuble de Milan. Mais voilà, c'est un secteur Meuble.

Nous, on a commencé par ce secteur là, car c'était le secteur qui était une évidence pour tous les designers, et puis très vite, dans le cadre de cette formation et d'Azimut, on est allés à la rencontre des entreprises locales, notamment qui c'était reconvertie en textile innovant, optique, enfin avec l'aide de la CCI d'ailleurs, qui était partenaire, souvent. On s'est rapprochés de l'industrie du territoire, pour ensemble, échafauder un rapprochement, ça a pris du temps (rires), ça a vraiment commencé dès la première Biennale en 98. Et même à partir des années 90 je dirais. On a commencé vraiment de se rapprocher des entreprises.

· Pour revenir un peu à la Cité, qu'est-ce qui selon vous a fait naitre cette Cité du Design ? C'est une politique ?

Oui c'est une politique, parce qu'il fait aller chercher des moyens (rires), des leviers politiques. C'est raconté dans ce livre. En 1998, on fait cette Biennale, elle a du succès tout de suite. On se dit tout de suite qu'on repart sur une autre Biennale, on a eu un soutien très fort de la part de la Ville de Saint-Etienne qui quand même finance à cette époque-là, je pense 90% de l'évènement. Donc oui ça a été un choix politique très fort. Après Michel Thiollière, et le travail des élus, c'est sans doute aller chercher des soutiens au niveau de l'Etat, et au niveau du ministère de la culture, puisqu'on dépend du Ministère de la Culture, en tant qu'école d'Art et Design et non pas d'industrie, même avec le Design.

· Pour en revenir brièvement à la Cité du Design, quelles sont ses missions principales ?

La Cité du Design, c'est un EPCC : Etablissement Public de Coopération Culturelle, donc qui comprend dans la Cité du Design on a un Directeur Générale de la Cité du Design, et dans cette Institution, il y a

- Une école, la formation et un Directeur de l'Ecole,

- Et ensuite on a toute l'entité Cité du Design qui fait, on va commencer par l'entreprise : un pole relations avec les entreprises, qui justement a pour objectif de faire la promotion des pratiques du design auprès des entreprises, entreprises au sens large (entreprises et designers). Ils aident aussi les designers à trouver des entreprises, à se mettre en statut autoentrepreneurs ou en entreprises, à développer leur activité et à la valoriser.

36

- Après on a le pole Recherche, là qui est en fait, une démarche prospective sur le design, c'est important, le design c'est toujours quelque chose qui fait qu'on produit pour le futur, et en permanence en besoin de veille, de démarche de réflexion, sur tous les sujets donc le département Recherche il travaille sur beaucoup la notion sur les enjeux de société. Les questions environnementaux, la pauvreté, les enjeux énergétiques par exemple, le véhicule de demain, les nouvelles technologies, les data, tous ces enjeux qui sont là, et dont on a besoin de comprendre, la recherche permet d'associer une école d'art et design, une entreprise, on est répond à des appels à projet européens dans ce cadre là, on travaille avec des entreprises qui ont les moyens d'avoir une recherche, notamment par exemple Philips, pour Orange, La Poste, on en a fait pour les Grands Comptes. Et puis ça permet de faire connaître et de rendre la Cité du Design extrêmement importante à un niveau scientifique, voilà

- Et un autre pole, (rires) il y en a plusieurs, un pole Territoire, donc moi je suis Design Manager au service des collectivités de la Ville de Saint-Etienne Métropole. C'est à dire qu'en fait, j'ai un poste comme un Design Manager dans une entreprise (Décathlon, Orange), toutes les entreprises ont un design manager, mais qui sont les chefs d'orchestre de l'innovation ou de la stratégie d'entreprise, en fait je fais du Management de projet par le design, pour innover. Et avec des designers. Je fais des cahiers des charges pour mettre du design dans la commande publique par exemple. Et mettre du design dans l'espace urbain, l'équipement public etc. Les maitres d'ouvrages, les commanditaires pour ma mission c'est vraiment la collectivité et c'est pour le service public, je ne travaille pas pour Casino quoi. Les piscines, les stades, les écoles, l'espace urbain... On reviendra un peu dessus après.

- Ensuite, on a un pole Relations Internationales qui est très important, qui est mutualisé entre l'école et la Cité du Design, parce que c'est très comment dire, la relation internationale c'est à la fois pour les échanges pour les étudiants entre écoles (Erasmus etc.), mais c'est aussi pour nous, la Cité du Design, valoriser les actions, la Biennale Internationale, créer des Programmes Européens, c'est Josyane Franc. C'est elle qui notamment a déposé le dossier pour être Ville Créative Design Unesco. Donc là, c'est le dossier réduit, c'est un résumé pour expliquer, en fait pour obtenir cette désignation qui n'est pas un label, c'est pas un patrimoine, c'est le Réseau Unesco des Villes Créatives, elle en sait plus sur ce Réseau et quelles sont les enjeux. Par contre c'est vraiment valorisant pour une ville d'avoir la petite maison de l'Unesco à côté de son nom, voilà. Parce qu'on sait que c'est une valeur et il fallait

37

qu'on réponde à des critères, notamment qu'on est un événementiel, qu'on est une école d'Art et de Design, et qu'on mette en place une politique d'action et de promotion d'intervention de designers. Tout ça, on l'avait déjà, avec la Biennale, et c'est ce qui est expliqué là.

Alors pourquoi on est rentrés dans ce réseau ? On en a pris connaissance grâce à la Biennale Internationale, le levier vraiment du changement de Saint-Etienne, c'est cet événement fédérateur qui fait que y'a des gens qui sont venus à Saint-Etienne, alors que la destination de venir à Saint-Etienne, à part pour le foot, y'en avait pas, voilà, mais ça par contre le foot ça marche (rires). On dit qu'on vient de Saint-Etienne, c'est un très bon attracteur. Mais voilà c'est un attracteur supplémentaire qui permet en plus de faire du développement économique, développement des entreprises créatives évidemment, voilà. Et donc là, c'était vraiment l'occasion de mettre à plat, dans ce livre, et puis juste après avec ce livre dans ce document, pour les villes créatives Design Unesco, l'occasion de fédérer tous les acteurs autour de cette démarche, politiques, des institutions qui sont aussi régionales et notamment la Région Rhône Alpes qui a été l'une des partenaire important dans le projet grâce à sans doute l'action de nos politiques, et qui en fait en 2009-2010, a créée pour nous un Grand Projet Rhônalpin, c'est à dire pour la Région Rhône-Alpes, le grand projet rhônalpin, c'était à l'échelle d'une région comme la Région Rhône-Alpes, on peut aider et soutenir des attracteurs du territoire, qui bénéficient par simplement à leur territoire mais à la région. Par contre c'est financièrement qu'ils aidaient, donc en gros ça a permis de créer et financer la Cité du Design, aidée par l'Etat, le Maire, la Région, les Institutions, le triptyque. Et tout ça c'est fait, il faut constituer des programmes, des projets, il faut écrire, faut dessiner quelque chose qui n'existe pas, être innovant, je suis pas sure que de nos jours avec la crise actuelle, ce genre de projet si on le présentait au Ministère de Culture, on aurait autant de moyens débloqués... C'est pas sur que s'il fallait refaire la Cité du Design maintenant... Donc en fait c'était une bonne concordance de temps.

Les années 2000, on a réussi à faire venir des Ministres, chaque année on accueille des ministres (premier ministre, il y a eu le ministre de la culture, de l'industrie), chaque Biennale il y a au moins 4 ou 5 ministres, ce qui fait que pour un événement comme ça et quand on amène un ministre, on voit des belles choses, on voit de l'énergie créative, c'est une démarche complètement positive. Le levier, ça a vraiment été la Biennale Internationale.

·

38

Et puis de ce que j'ai su par Gaëlle Subileau, la Biennale apporte vraiment à la ville. La ville vit...

Oui alors, ça c'est pas venu tout de suite (rires), mais maintenant, tout le monde s'est approprié la Biennale, on est à la prochaine édition de 2017, on travaille en partenariat directement avec les villes qui sont voisines, de Saint-Chamond, Firminy, etc., ils viennent nous voir pour construire une Biennale, pour le faire à l'échelle du territoire.

· L'idée c'est de la faire raisonner ?

Partout ! Même à Lyon, et à Clermont maintenant car on est région Auvergne-Rhône-Alpes, et même au Puy-en-Velay, puisque notre nouveau président de la Région, c'est Laurent Wauquiez, il est au Puy, et la dernière fois il a déjà participé à la Biennale en proposant un lieu d'expérimentation pour une exposition. Donc c'est vrai que c'est devenu, et c'est quand même à l'initiative de nous, au départ, mais la Région Rhône-Alpes a été un très gros soutien à partir de 2007 où le contrat a été signé me semble-t-il. Ca a été un dispositif qui nous a beaucoup aidé, qui nous a permis de développer la mission du design, la mission du design c'est d'abord la sensibilisation à tous les publics, du coup, on a cet événement Biennale tous les 2 ans, mais on a aussi les lieux d'exposition à La Platine, que vous connaissez sans doute, et on fait de la Médiation au Public, on travaille beaucoup avec le milieu scolaire, avec le CDDP (Centre de Documentation Pédagogique), pour former les enfants à la notion de conception, de qualité de vie, avec pleins de thématiques...

· Ce sont des écoles de la région ?

Pour la Biennale, c'est toutes les écoles de France, et après on est pole référence, le CDDP, l'Education Nationale a créée des pôles thématiques, je crois que Marseille c'est la danse, et nous, on est sur le Design : on est les référents national pour la formation des enseignants sur la question du design.

· Et un rôle important de la Cité est de démocratiser le design ?

Oui, tout à fait : c'est quoi le design ? Pour qui ? Ca sert à quoi ? Le design c'est partout, c'est tout. C'est simple en même temps, puis après on a pleins de démarches participatives, on a des ateliers pour enfants, etc. Pour faire ce côté sensibilisation, il y a tous les publics : c'est le grand public enfant et public famille, mais c'est aussi le public professionnel, car il y a des tas d'entreprise qui ne font pas appel au design, car ils ne savent pas encore ce que

39

c'est, ils sont plutôt côté marketing, communication, ou (euh), en fait ils l'ont intégré mais un petit peu à la fin du processus pour faire une carrosserie un peu belle, alors qu'ils pourraient s'en servir comme outil de stratégie en fait...

· Avec la démarche design ?

Voilà. Oui. Donc on travaille beaucoup, ça c'est ma collègue Isabelle, qui travaille la dessus. C'est une autre façon de penser, le design pour nous, c'est vraiment associer les usagers dans la conception d'un produit. Voilà. Le mettre au coeur. Se mettre à la place de. Il y a une notion d'empathie, ça a d'ailleurs été l'objet d'une Biennale. On a le designer, c'est quelqu'un d'intuitif, de cultivé normalement (rires), il y a une part d'intuition, évidemment créatif, et (euh) il y a cette part de d'empathie. Se mettre à la place, à la fois du commanditaire, c'est normal, parce que quelque part on a quand même un cahier des charges, une mission qui nous est donnée, après, si on peut l'aider à reformuler, à formuler, à repréciser son idée, parce que parfois il a du mal à la définir. Le design peut aussi aller un peu plus en amont pour formuler un peu la proposition. Un exemple, (hum), on a travaillé avec Tigex y'a pas mal de temps déjà, qui fait les biberons, tous les ustensiles pour la maternité, et en fait ils sont un peu spécialistes dans le monde entier, on les voit partout, on leur a proposé de faire un test avec nous de ce qu'on a appelé les Laboratoires d'Usages et de Pratiques Innovantes, en leur disant que peut-être on pourrait prendre du temps, sortir de l'entreprise, et vous posez la question de quels sont les nouveaux modes de vie, parce que (euh), on se dit que quand même, enfin, y'a des tendances notamment dans les pays du Nord, où on utilise de moins en moins d'ustensiles, et en plus il y a eu la phobie du bisphénol, qui a fait qu'on a peur de donner du plastique à nos enfants. Ca a été un effet direct sur les ventes. On s'est dit « peut-être vous devraient penser à créer des objets, soit s'orienter vers des services, remettre en question votre marché quoi ». Voilà. Et donc ils se sont prêtés au jeu, je ne peux pas vous dire les livrables mais ça leur a fait du bien, parce que du coup ils avaient oublié qu'effectivement, les biberons, peut-être qu'il fallait, en changeant les couleurs et la forme, c'est pas ce qui allait à un moment donné, du coup ils ont développé beaucoup plus d'ustensiles autour du repas, par exemple.

· Donc le design est là aussi pour faire réfléchir.

Ben oui, sur le marché et sur les nouveaux modes de vie, dans 5 ans, dans 10 ans, ça dépend des latitudes des prospectives qu'on peut faire, mais voilà, faut toujours être un peu, pour être innovant et sur un marché, une niche de marché, être le premier. Et parfois les entreprises

40

n'ont pas le temps de sortir de ce processus de production. Donc en fait, on leur propose un système qui est en fait très court, c'est 3 rendez-vous, on a des designers, on les met dans des situations où on les met prêt des usagers, ceux qui utilisent ou pas leurs produits, parce que c'est toujours bien, en général, on se pose pas forcément la question, même s'ils ont un service après vente, mais c'est très mécanique ce genre de chose. Quand les concepteurs, les ingénieurs et le directeur de l'entreprise va directement voir une famille et que la famille est très écolo, donc du coup, euh, le plastique, c'est fini. Ils en sont à mouliner les légumes, j'en sais rien, je dis n'importe quoi mais ils ont peut-être pensé à d'autres genres de choses.

Voilà. Je vais un peu trop loin dans le détail mais c'est comme ça qu'on construit de nouveaux projets, produits, systèmes et puis, on en était à l'autre (euh), sensibilisation et production d'événement. Donc ça c'est essentiellement les Biennales et les Expositions. Voilà. Et puis, le dernier pole qui est aussi un Pole en mutualisation, c'est un pole de Services, c'est la Communication, là on fait de la communication pour raconter ce qu'on fait tous les jours, on fait des éditions, ces outils là, par exemple là c'est un moment sur « Ville Créative, Design Unesco ».

· Ces documents sont communiqués à qui, où ?

Alors on le fait selon nos cibles. Pendant la Biennale pour parler de Saint-Etienne en terme de design, on le fait quand on va à l'étranger quand on va rencontrer d'autres villes créatives, on fait des outils pour les entreprises pour les aider à intégrer le design, je vous ferais voir des exemples. On le fait, c'est très variable (rires).

· D'accord, et au niveau du grand public ?

Alors on a fait un City Guide, on fait des choses plus simples au niveau du Grand Public. On fait en sorte que ça soit gratuit (rires), on avait fait ça une année, malheureusement on ne l'a jamais renouvelé, c'était un espèce de petit City Guide, ça a été le premier, qui date de 2008 déjà, et depuis, on en a fait, il n'y a pas eu de City Guide spécialement sur la partie Design mais on en a fait un peu plus larges.

· Dans le City Guide justement, on ne parle pas trop de la partie Démarche Design, c'était pas l'objectif ?

Non, c'était vraiment pour découvrir le design dans la ville. De manière plus concrète, pour montrer comment voir les choses de design. On a toujours l'idée que le design (rires) c'est

41

quelque chose de beau, coloré, etc., donc, les gens qui viennent dans une ville, ils s'imaginent voir une ville design, pour dire le terme, et c'est un peu délicat, car finalement, une ville design, ça n'existe enfin, elles sont toutes design. Sauf qu'il y a des designs qui sont peut-être de mauvais gout (rires), tout simplement, ou, on a fait plusieurs démarches dans le cadre notamment pour mettre du design dans la ville, dans le cadre de mes missions. Par exemple, lors de la Biennale, on met des objets dans l'espace public, qui ont été crées par des entreprises et des designers, pour les tester, c'est des prototypes, et puis, ça a une vocation pour être en fait, analyser, et, est-ce que ça répond bien aux usages ? C'est vachement intéressant, du coup, parce qu'on teste dans l'espace public, des produits d'entreprise qui seront dans des catalogues après. Voilà. Donc là on avait quelques exemples.

· Et là, ce sont des étudiants qui ont fait ça ?

Alors, non, non. Ce sont des professionnels, des entreprises, des designers qui sont déjà sortis de l'école et qui proposent des prototypes, voilà. Sauf que toute entreprise, quand elles font du design, avant de lancer un produit sur le marché, elles font d'abord un prototype, c'est le processus du design. Pour voir si ça correspond bien au cahier des charges et aux usages, auxquels on pense, « est-ce que le bouton est mis au bon endroit, est-ce que c'est facilement manipulable ? », et on passe par un prototype, c'est à dire par la forme. En fait pour le design, y'a le design, y'a dessein, et le dessin. La forme, on rend formelles les idées, et ensuite, on fait un prototype, une maquette, ça dépend des termes qu'on peut utiliser. Et une fois qu'on a fait cette maquette, on la met en teste, on l'essai, on la fait tester par des usagers, on les met en situation, et ensuite, ça revient dans l'ingénierie de l'entreprise, et on améliore. Après on fait un autre prototype, on le re-teste, etc. Avant que ça passe en production pour un marché, on peut avoir deux, huit ou dix prototypes, ça dépend des objets, et oui ! Donc on se dit, l'espace public, euh, et même l'espace public et la collectivité locale, surtout avec ces périodes où on a des budgets qui sont restreints, on se dit que plutôt d'acheter sur papier ou sur catalogue des objets qui finalement on est pas sur de la qualité, on se dit de pourquoi pas essayer de tester les produits des entreprises, et après d'améliorer en fonction du marché qu'ils veulent atteindre. Donc on a fait des démarches comme ça.

On a fait aussi des démarches très participatives, ou dans un quartier, qui était dans un coin de rue, où y'a beaucoup d'incivilité, des déchets permanents etc, dans un quartier en reconversion, plutôt quartier populaire, on a mis des designers en immersion, ça s'appelle une démarche design dans les quartiers, euh, c'est à dire qu'on leur a demandé pendant un

42

mois d'observer le quartier, d'aller à la rencontre des habitants avec les méthodes qu'ils voulaient (donc soit ils faisaient des enquêtes, soit ils prenaient des photos, soit ils faisaient des dessins et discutaient avec les passants, voilà) et donc, les designers qui ont fait ça, issus de l'Ecole, ils ont rencontré beaucoup de personnes du quartier plutôt âgées, venaient du milieu rural, de la Haute-Loire, etc., et en fait ils disaient que c'était dommage, y'a un arbre là, c'est dégoutant, personne y va parce que c'est salle. Et puis en même temps, elles ont racontées leur passé rural, la montagne, le rocher, et tout ça, et du coup, les designers ils sont venus en leur disant « si on faisait descendre un gros rocher de la montagne dans votre parvis et qu'on fasse venir le végétal, on fait ça en bois, ça a un côté éphémère », on avait un budget ridicule, voilà et puis faire quelque chose comme un petit objet de poésie quoi, mais qui a aussi la fonction d'être un banc, c'est un jeu pour les gamins, et ça, ça se fait en co-concevant, pour faire le concept, on le faire avec l'échange des habitants. Avec la créativité, avec les histoires. Par contre, le designer c'est lui qui arrive, alors les dames du quartier, elles étaient super contentes, le rocher est descendu du Pilat, c'était super. Et depuis cet espace, y'a plus de déchets, bon il est un peu tagué, ça fait déjà 3 ans qu'il est dans l'espace public.

Et puis par exemple, les premières expériences design avec la Collectivité Saint-Etienne Métropole, ce qu'on a fait, c'est donner une identité aux trams de Saint-Etienne. Donc on a fait intervenir des designers qui ont fait une identité graphique qui se décline maintenant sur tous les supports de mobilité de Saint-Etienne, le tram, le bus, les arrêts de trams, les vélos, etc. On a même fait dessiner un tram pour la prochaine livraison de rames de trams, on est en train de travailler sur la ligne 3 du tram, avec des designers ; on va très très loin dans les designers comme création d'identité, d'une identité stéphanoise.

· Comme création ?

On les utilise vraiment. Oui, j'ai fait une centaine d'appels d'offres dans la commande publique où je demande la présence de designers pour concevoir avec des designers, et qui sont, en plus, les designers vont souvent chercher des entreprises qui sont pas très loin. Ils commencent à connaître bien le territoire, ils s'imprègnent du savoir-faire et de la culture. Donc quand on reçoit les appels d'offre, on a souvent une qualité des offres très intéressante, qui fait qu'en plus, ce sont souvent des entreprises locales et des designers locaux. Pas à 100%, parce que les appels d'offre, c'est ouvert, mais la qualité des offres, c'est économiquement très intéressant. Ca développe l'économie locale, le circuit court. Voilà.

43

C'est le but. C'est pour ça que ça change, votre question était sur la reconstruction d'une identité territoriale, voilà, c'est redonner les valeurs de savoir-faire ancestral parce que l'histoire de la ville de Saint-Etienne s'est fait sur le textile, le velours, la dentelle, il y avait les dentelières, la mécanique, voilà, elle s'est fait sur le savoir-faire des mains.

· C'est ce qu'on veut communiquer encore aujourd'hui ?

On pense que c'est comme ça qu'une ville peut être résiliente. C'est une ville qui se construit sur son potentiel, ancien, et nouveau. Et on essaie de faire ce lien entre un artisanat, un savoir-faire mécanique, technique et le design qui va vers une projection, vers le futur. Voilà. Donc évidemment, on a mis du design dans les hôtels, des démarches de rénovation d'écoles participatives, des objets de la Biennale 2015, pour donner de nouveaux usages à la ville et puis surtout, montrer que notre ville a des objets qui correspond à l'image du territoire qu'on doit se faire, un territoire créatif. On met beaucoup de moyens et d'énergie pour ça.

· Justement dans les projets et ambitions futures, c'est de continuer là dedans ?

Oui, la, le Maire, Gaël Perdriau, le met comme axe structurant. Il a lancé une campagne de communication depuis qu'il est ici qui s'appelle « Saint-Etienne change le Monde », en réaction à l'article du Monde, justement c'est drôle quoi. En fait c'était même pas prévu, mais il se trouve que le, l'article du Monde est sorti, la campagne était déjà prévue (rires). Et là on est à Milan, dans le cadre d'une exposition, la ville des designers et de l'industrie créative, vraiment, et comme ville invitée, on a titré que (euh), Saint-Etienne changeait le design. Carrément. Parce que dans notre idée, le design, c'est justement pas seulement pour faire beau. C'est pas simplement pour faire des, comment dire, que de l'événementiel, c'est aussi une façon de vivre, et de développer une économie et une ville. C'est le design, comme justement vecteur de développement de la ville. Voilà c'est dans cette idée. Le design est presque à l'échelle du territoire. C'est pas le design qui reste dans l'entreprise, voilà, on le revendique, on est les seuls, on y va, c'est une très belle campagne, qui montre que depuis 1998 qu'on fait la Biennale, on est en 2016, c'est très court pour une ville, ce genre de reconversion, et on est leader, il doit y avoir une vingtaine de villes créatives design dans le réseau Unesco, on est en France la seule et en Europe, maintenant y'a Bilbao, Turin, y'avait que Graz et Berlin. Après, y'a des villes chinoises, japonaises, Montréal... Voilà on est à côté de grandes grandes villes, on est une petite ville à côté de grandes villes et on est pris comme exemple, on est l'une des villes les plus exemplaires de démarche. Mon poste de Design Manager est pratiquement unique, en tout cas, en Europe, Helsinki sont en train de mettre un

44

poste de ce type-là au sein de leur métropole, Montréal a été les premiers en 2003, et on un Bureau du Design intégré à la Collectivité. Voilà. Mais nous, à Saint-Etienne, on a notre Design Manager et le Pole Territoire (rires) pour mettre du design dans la ville.

Du coup du côté de Saint-Etienne Métropole, maintenant ça va être une communauté urbaine, il y a le développement durable, dont le transport, l'innovation, la recherche, l'université, l'enseignement supérieur, l'économie, l'attractivité du territoire, l'aménagement urbain, voiries, euh, toutes ces compétences et donc là, chaque fois que c'est possible dans les grands projets, je met le design pour améliorer et faire un projet plus innovant. Donc là par exemple, la ligne de tram 3, on travaille sur le diagnostic urbain, des espaces, et on a demandé à ce qu'il y ai des designers en phase de conception pour dessiner cette ligne et ces stations, et y mettre des usages innovants, on est en train de travailler dessus. Le Stade Geoffroy Guichard, qui est quand même l'emblème de Saint-Etienne, on a mis du design dans l'aménagement et la rénovation, avec les loges, etc. Euh, on a fait des études pour améliorer la collecte sélective et essayer de trouver des systèmes pour que la collecte sélective soit mieux faite, c'est pas facile et puis du côté économique, avec les commerces, on a beaucoup travaillé, on fait par exemple le Concours Commerce Design, où on essaye de valoriser auprès des commerçants qui veulent rénover leur espace de vente, d'intégrer un designer ou un architecte d'intérieur, parce que c'est la plus-value d'un professionnel. Dans le cadre des aides de la région, on a mis en place ce qu'on appelle des chèques design, pour les commerçants qui souhaitent avoir un diagnostic de designer, moi je les accompagnais, on les aidait financièrement à aider les prestations des designers. En fait, on a une multitude d'outils en fait (rires), c'est difficile de parler de tout. Voilà.

· Pour vous, à Saint-Etienne, les créateurs sont bien représentés ?

Les créatifs oui, les designers, oui. Alors ça c'est intéressant comme question parce que c'est justement un peu l'idée de notre directeur Jacques Bonnaval quand il a imaginé la Biennale et puis Azimut. A un moment donné, on a une Ecole d'Art et Design, donc il faut qu'en face on ai la capacité de les garder, de développer leur activité. C'est sur que la Cité du Design a été construit pour ça. Le fait est que beaucoup de designers qui sont sortis de l'Ecole sont restés à Saint-Etienne. On a à peu près 200 à 300 designers concepteurs installés sur le territoire de métropole, ce qui est pas mal.

Pourquoi en fait, parce que c'est pas cher : on a des ateliers, des start-ups, le Mixeur, la pépinière d'entreprise, qui donnent la chance avec un loyer très faible sur 3 ans, pour mettre

45

en place son activité, d'un côté on a l'offre résidentielle pour accueillir des logements pas chers, c'est une ville étudiante quand même, et il y en aura encore plus avec le nouveau campus universitaire ; on ne va pas concurrencer Montpellier mais pas loin. En tout cas, Lyon c'est presque saturé, c'est très cher pour des étudiants, on commence à avoir le côté petite ville, pas spécialement belle, on va dire, elle a du charme, mais le côté faible loyer est un attracteur pour l'instant. Maintenant il faut pouvoir les garder et leur proposer une offre, donc pouvoir attirer justement des entreprises, faire des recherches. On espère faire venir des entreprises extérieures parce qu'à Saint-Etienne, il y a des designers. Voilà, c'est ça. C'est sur que par rapport à d'autres villes, je pense qu'il n'y a pas d'équivalent, mais on n'arrive pas à avoir d'études claires dessus, c'est très difficile.

Ici, y'a un bel écosystème, avec un quartier en devenir, on a une page à écrire, et on le dit souvent comme ça, c'est le tout début de l'histoire. C'est très peu sur une histoire de ville, 10 ans (rires).

46

7 Entretien avec Philippe Moine, Designer

indépendant

· Présentation (ect.). Comme j'ai déjà mené plusieurs entretiens, ça m'intéressait

d'avoir le point de vue d'un designer qui exerce sur la région. Ce qui m'intéresse c'est dans un premier temps, votre activité, pourquoi vous êtes à Saint-Etienne et quelles réalisations, quelles sont vos spécialités si vous en avez et, en tant que designer et aussi si vous pouvez me parler aussi de Designers Plus comme vous êtes co-fondateur, si aussi dans une 2ème partie vous pouviez me parler, comme Gaëlle m'a déjà parlé de Designers Plus donc surtout de votre position en tant que designer.

Alors, moi je suis installé ici depuis 96, après avoir fait mes études et resté 8 ans à Paris, je suis passé par l'école Boules où j'ai fait Arts Déco, j'ai travaillé dans différentes agences, et je me suis installé ici. Je suis originaire de Saint-Etienne et la région Rhône-Alpes est une région industrielle, la 2ème en France après Paris, donc ça me semblait une localisation intéressante pour exercer ce métier, car même si on peut l'exercer n'importe où, c'est quand même bien d'être à proximité des entreprises, donc voilà le pourquoi je suis revenu ici. Euh... et donc, effectivement, on a créé le collectif Designers Plus, juste avant la venue de la Cité du Design, où elle était en construction. Le collectif est un réseau de professionnels actif à côté de la Cité, et donc depuis on existe toujours, voilà un peu pour dresser le portrait.

Moi je travaille dans 2 secteurs d'activité : le design produit et l'architecture d'intérieur. J'ai une double formation de design industriel et d'architecte d'intérieur, sachant que le design produit m'occupe à 80% du temps, donc je suis axé essentiellement design produit avec de l'archi d'intérieur, sur un axe hôtellerie et restauration.

Ce sont les axes où je démarche et qui me plaisent le plus. Mes clients sont essentiellement régionaux, situés en région Rhône-Alpes, euh, un petit peu sur Paris et des expériences anecdotiques à l'étranger, voilà, mais ce sont des « one shot » de manière assez épisodique.

· Essentiellement sur le région Rhône-Alpes donc. Et donc je vais passer à autre chose, j'ai besoin de votre avis concernant le design. Comment définiriez-vous selon vous le design ?

47

On va y passer la nuit là (rires). Comment je définirais le design ? Le design est une activité transversale au sein de l'entreprise, de l'industrie, euh, on sait qu'aujourd'hui encore plus, en ces temps actuels, où l'économie ne fonctionne pas très bien, le design est une manière de se différencier dans l'entreprise. C'est vraiment un investissement que les boites font sur du long terme. On a des exemples, enfin, le design est peu utilisé en France.

· Ah oui ?

Oui bien sur. Il est peu utilisé en France malheureusement à tord pour les entreprises. On a des exemples et quand c'est utilisé, à différents stades et à différents niveaux, c'est bien souvent du one shot, on fait du design comme on fait de la cosmétique mais on sait que le design est créateur de valeur, créateur de richesse, et les entreprises ça ne savent pas l'utiliser. On a quelques exemples heureusement des entreprises comme Décathlon, Apple, évidemment, où le design fait partie du développement et de la stratégie d'entreprise et ils nous font pas ça pour faire plaisir aux designers, ils font ça pour avoir des clients et dégager de la marge, et on sait que les entreprises comme Décathlon marchent très bien, mais ils ont des centres de design, ils fabriquent des produits et travaillent avec le service et les usages. Donc voilà. Et moi, jamais avec mes clients, je parle de « beau », de « c'est joli », d' « esthétique », car c'est pas le créneau d'entrée. Evidemment, quand on fait ce métier là, on fait des choses qui sont sympathiques parce que si on n'est pas sensible à la couleur, aux formes, on ne fait pas ce métier là, c'est évident. Mais là où le design est beaucoup plus fort et il apporte beaucoup plus d'impact dans l'entreprise, c'est réfléchir à des processus, réfléchir à des concepts, à comment, c'est là où quand on a duÉ Le design fait partie de la stratégie, on a des designers managers qui vont imaginer et se projeter dans l'avenir et comment voir la société avec l'environnement social, avec les évolutions sociétales, économiques, aujourd'hui on a des manières de consommer qui sont complètement différentes d'il y a seulement 5 ans et quel est le regard du design vis à vis de ça. Et ça, quand on vend du produit, évidemment qu'il faut le vendre, et le commercialiser, donc si le designer il est pas au fait de ça, il n'a pas une réponse à amener, il passe à moitié à côté de la question quoi.

· Oui. On m'a beaucoup parlé de la démarche design, de placer l'utilisateur au coeur du processus de création pour vraiment le tourner usage ça.

Oui alors ça, on a l'impression que c'est à la mode ça. Ca, c'est l'essence même du métier. Moi j'ai appris à travailler comme ça, euh, quand je travaillais avec Tallon, Tallon me disait

48

« va regarder les users, une chose seule de bonne, c'est les users, vas voir les utilisateurs ». On n'appelait pas ça du design thinking, aujourd'hui, on met du design thinking et usages à toutes les sauces. Moi ça fait 25 ans que je pratique comme ça quoi, parce que y'a pas d'autres moyens que quand on travaille sur une problématique, d'aller voir comment les gens fonctionnent et de recueillir leur avis. Voilà. On a l'impression de faire une grande découverte mais pour moi, ça n'en n'est pas une (rires).

· Oui donc ça existe depuis toujours quelque part ?

Oui, ça bien sur. Le design existe depuis 2000 ans, sauf qu'effectivement, on n'était pas dans des sociétés de consommation comme maintenant, on avait pas autant d'offres, donc c'est sur que c'était pas autant développé. Et la nécessité n'était pas autant ressentie. Mais quand Brome en Allemagne faisait des rasoirs, en tout cas l'électroménager, ils avaient compris que, évidemment on était très orienté esthétique, alors que maintenant c'est une partie de notre activité, mais Brome avait très bien compris qu'ils avaient embauchés un designer, ils avaient pris un designer manager et c'est un moyen de faire des produits qui étaient... Aujourd'hui, on va dire que ce sont des produits intelligents, avant des produits bons avant d'être des produits beaux.

· Et juste par rapport à vos expériences, selon vous, les entreprises de manière générale, elles sont ouvertes au design, ou vous sentez que, notamment dans la région Rhône-Alpes, est-ce que d'après vous, le processus, l'ouverture à cette démarche est enclenché ou est-ce que...

Non, euh, les entreprises à mon sens sont assez frileuses. Là je reviens, j'ai travaillé un mois aux Etats-Unis, alors et en plus à New York, donc une ville super dynamique, où les gens vont de l'avant, et je suis rentré fin mars là. J'ai pris une grosse claque en rentrant, car j'ai essayé de prospecter comme je fais ou comme je devrais le faire régulièrement, enfin bref, j'ai rencontré des entreprises françaises qui ne sont même pas curieuses de ce qu'est le design, qui sont attentistes, qui sont réticentes au changement, alors, ça, comment j'explique, il y a plusieurs facteurs. Il y a d'une part le facteur économique, alors il faut pas se leurer, malgré tout ce qu'on entend, on est dans une période qui n'est pas florissante économiquement et on est aussi dans un pays qui a une culture très traditionnelle et qui n'est pas ouverte et sensibilisée au design, mise à pars effectivement il y a quelques exemples comme ça, mais on va dire la PME classique en France et en région RA si elle utilisait le design, ça se saurait quoi. Je pense que mes confrères designers sont là pour dire globalement la même chose.

49

C'est pas systématique et encore une fois cette semaine, un client pour qui je travaille depuis 4 ans, qui est tourné vers l'usager, c'est même pas 1 client, c'est 2 clients cette semaine, que j'ai rappelé, dans une démarche commerciale et prospective, ils sortaient tous les 2 des nouveaux produits, alors pas essentiel dans leurs gammes, ils sortaient un produit qu'ils allaient mettre sur le marché et ils m'ont dit « on avait pas pensé au design », alors que c'est des gens pour qui je travaille depuis 4 ans, pour qui j'ai développé plusieurs produits, pour qui j'ai fait du graphisme, donc ça veut dire qu'ils n'ont pas le réflex, et que le design n'est pas systématique. Alors, quand je constate ça avec des gens qui me connaissent, ils sont sensibilisés à ce qu'ils ont pratiqué de nombreuses fois, on a eu ensemble des très bons résultats, et je dis, c'est pas encore, ça suffit pas encore. On a quand même quelques longueurs de retard par rapport à des pays comme l'Angleterre par exemple ou l'Allemagne également, ou les pays nordiques également où la le design est dans le processus industriel. Moi j'ai eu plusieurs fois la vision d'une prise dans le milieu médical qui m'a dit « je ne sais pas comment intégrer le design chez moi parce que le bureau d'études est réticent : qu'est-ce que le designer va venir nos emmerder ». Donc elle a besoin de d'abord sensibiliser le bureau d'études avant qu'il vienne parce que travailler avec un designer c'est une source d'ennuis, voilà. Donc il y a aussi toute une éducation à faire au niveau technique...

· Au niveau technique vous dites ?

Au niveau des ingénieurs, du market', parce que la France, on est un pays où les produits ont été dessinés par des ingénieurs, et ça c'est encore très présent. Après y'a le Marketing qui a pris un peu le pouvoir sauf que maintenant le pouvoir est chez les designers, alors ça, c'est un peu aussi la faute aux designers, qui n'ont pas su se défendre, avec une connotation particulière, le sérieux avait du mal à passer dans les entreprises. Mais aujourd'hui, on voit très bien, c'est Décathlon, Seb, euh je suis passé chez Renault également, le pouvoir il est chez les designers parce que le designers a des outils que n'ont pas le market et la technique, et en fait, l'innovation ne vient pas uniquement de la technique et du market mais vient aussi des utilisateurs. Il vient aussi du design. Ca devrait bien souvent être la technique au service du design et non pas l'inverse.

· Et donc d'après vous, il y a quand même encore du chemin. Ah oui, bien sur qu'il y a du chemin.

·

50

Et du coup c'est le rôle de Designers Plus de sensibiliser les entreprises là dessus ? Alors ça, les choses ont changé et évolué avec le temps. Et ça, on est en pleine mutation parce que, je sais pas si vous connaissez le contexte régional mais donc maintenant, il y avait le co-design qui était une institution publique qui a répartit les rôles entre les syndicats, la Cité du Design, Designers +, où chacun avait bien sa mission. Maintenant, le design n'existe plus, donc la mission du collectif qui était au départ d'amener du business aux designers et de faire connaître le design, ça ça avait été arrêté, et la mission du collectif était de faire monter en compétences les designers et de les accompagner dans leur développement. Depuis, là on est en pleine mutation, les cartes sont rebattues, parce que, tout ça vient se greffer avec un manque de subventions, le collectif existe uniquement parce qu'il est subventionné par la Région, on sait que les subventions vont diminuer, l'année prochaine on va en avoir beaucoup moins, donc nous, on a dit « il faut qu'on puisse vivre », donc on est en train de réfléchir à comment est-ce qu'on va pouvoir intégrer l'industrie et puis entre guillemets, sauver notre peau et par la même occasion celle du designer. Effectivement peut-être qu'on va revenir à une sensibilité du design, mais ça c'est aussi le rôle de la Cité du Design. On est en plein dialogue avec la Cité du Design pour voir comment on aide, on est 2 entités complètement différentes donc on est en train de voir comment on peut intelligemment se répartir les rôles parce que globalement c'est de faire avancer la machine et que les entreprises stéphanoises s'intéressent plus aux designers.

· Mais du coup, pour vous, juste pour en revenir un peu à mon sujet qui est quand même sur la ville de Saint-Etienne, est-ce que pour vous, c'est naturel que le design soit venu à Saint-Etienne ? Saint-Etienne ville design Unesco, est-ce naturel pour vous ?

Oui c'est naturel pour plusieurs raisons, on a le passé qui plaide en notre faveur. On a ben une entreprise historique Manufrance qui fabriquait des armes, des cycles, des tissus, des machines à coudre, des produits de toutes sortes, alors évidemment il y avait pas de designers, y'avait des ingénieurs, mais c'était les prémices du design, les ingénieurs faisaient du design par défaut, même s'ils étaient pas formés pour, y'avait forcément des gens qui dessinaient. Donc on avait du design de manière sous-jacente et on a eu de l'art et d'industrie et de l'art moderne, donc tout ça c'est assez cohérent et quand Michel Thiollière a axé l'identité d'une ville sur le design, il s'est pas trompé, parce que c'est complètement juste quoi. Donc tout ça, c'est effectivement totalement justifié ouais.

51

Donc ouais, le design est très logique à Saint-Etienne. Et même, le design n'existera que si, parce que c'est bien beau d'en parler, n'existe que quand on le pratique. Si on le pratique pas, il n'existe pas, on a beau faire des grandes théories, avoir des écoles, si les entreprises ne s'en servent pas, le design n'existe pas.

· Mais à Saint-Etienne, d'après vous, il est bien réel, il est bien concret le design ?

Il est concret oui, le fait qu'il y est une Cité du Design, il est concret. On a un designer manager nous a Saint-Etienne qui oblige les entreprises, notamment sur des programmes publics, donc c'est à dire, la construction d'établissements publics, qui obligent les architectes à utiliser le design. Hier encore, un confrère me disait « c'est parce qu'on les oblige ». Ils sont obligés. Dans une ville qui a le statut de ville Unesco, on ne peut pas faire sans, mais ça, c'est une obligation de passer par le design, donc effectivement il est présent, mais comme je disais, il est présent parce qu'il faut qu'il se pratique. On a quand même des entreprises qui, c'est pas systématique quoi, mais un de mes anciens clients qui a utilisé le design, qui a investi dans le design, donc ça c'était une politique de la direction qui avait compris, aujourd'hui, la direction a changé, maintenant ce sont des ingénieurs et ils ne font plus de design. Vous allez dire que j'ai une dent contre les ingénieurs, pas du tout, c'est simplement des constats qui sont récurrents, et on le voit parce que c'est leur formation que c'est comme ça. C'est à moitié de leur faute car leur formation fait qu'ils n'ont pas été sensibilisés à ça. On ne peut pas leur en vouloir.

· Et juste, pour Saint-Etienne, d'après vous, il y a quand même d'unique, est-ce qu'il y a une sorte d'une marque de fabrique du design à Saint-Etienne ?

Euh, alors il y a deux manières de voir les choses :

- Si on les voit on va dire avec un certain angélisme et chauvinisme, on peut dire oui, il y a quelque chose d'unique.

- Mais si on est réaliste, bon moi j'ai pas la prétention de voyager beaucoup mais je reviens des Etats-Unis, je vais régulièrement en Italie, on est pas uniques, faut arrêter de penser que les autres ne le sont pas, justement, l'Angleterre, l'Italie, ce sont des gens qui pratiques beaucoup plus le design que les français.

Après effectivement à Saint-Etienne, il y a la Cité du Design, il y a une école de Design mais bon, on va à Paris, y'a un lieu qui s'appelle le Lieu du Design, y'a les meilleures écoles de design à Paris, euh voilà, la plupart des designers sont à Paris, donc c'est très bien, on va pas se plaindre, c'est super d'être designer et d'être à Saint-Etienne, c'est mieux que d'être

52

n'importe où en France, mise à part Paris, mais vous allez à Milan, vous avez une manifestation La Biennale du Design qui a je ne sais combien d'années d'ancienneté et qui est mondialement connue, et il y a des grands designers, voilà, donc on est pas les seuls, on a notre épingle du jeu dans la profession aussi et c'est très bien.

· Oui alors c'est vrai que j'ai entendu beaucoup de discours comme quoi Saint-Etienne avait vraiment une place pour les designers et démocratisait vraiment le design...

Ouais, mais pas plus qu'à Paris, qu'à Milan et qu'à Berlin, voilà. Je connais New Castle aussi, pas plus qu'à New Castle non plus. Donc voilà, on n'est pas les seuls. On fait partie d'une région qui se veut plus dynamique, donc la ville a axé la communication là-dessus, okay, mais on est pas les seuls. Le commerce design, on l'a pompé sur Montréal.

· Oui, après Montréal est dans le réseau Unesco et c'est quand même une ville plus grande...

Oui oui c'est pour ça que c'est bien à l'échelle française, après on est dans une époque où on résonne de manière plus élargie que son pays.

· Et la biennale internationale du design, qu'est-ce que vous en pensez (rires) ?

Qu'est-ce que j'en pense ? Bah c'est bien qu'il y est une manifestation comme celle-là. Elle est montée en puissance au fur et à mesure des années, euh, après, je sais pas si la dernière édition, j'ai l'impression qu'on reste un petit peu sur notre faim, l'expo diminue de plus en plus, c'est un petit peu, par rapport à Milan où c'est très fort, j'ai l'impression qu'on a perdu un peu un souffle, il faudrait un nouveau souffle pour dynamiser. Ceci dit, c'est très bien pour la ville car c'est un événement majeur, en France, mais après il faut savoir se réinventer à chaque fois, je sais que c'est pas facile, et chaque fois faut faire mieux que l'année d'avant. Mais c'est bien pour la ville et les designers parce qu'on en entend parler un petit peu, ça dépasse un peu les frontières de Saint-Etienne, on a des journalistes parisiens qui viennent à Saint-Etienne donc c'est bien pour l'image de la ville, et puis on est tellement considérés comme une ville, Saint-Etienne n'a pas forcément une image de ville sympathique et donc ça amène, le design étant une activité à la mode, malheureusement, ça donne un côté plus brillant, voilà.

·

53

Par rapport aux autres villes que vous avez vues, vous avez voyagé, qu'est-ce que Saint-Etienne pourrait justement, quelles seraient les inspirations et des pistes pour l'avenir de la ville d'après vous ?

Ca c'est une réflexion là, comme ça, c'est difficile de répondre. Il y a des gens qui réfléchissent sur ce sujet-là, je sais qu'il y a eu des réunions, cette semaine j'étais sur le développement économique de Saint-Etienne et à l'assemblée générale du développement économique de Saint-Etienne et après voilà, faut se mettre autour d'une table et réfléchir. Donc là, c'est une politique globale avec la difficulté qu'il y ai des politiciens qui peuvent changer aujourd'hui, à chaque mandat tous les 5 ans.

· Oui bien sûr. Mais ma question était tournée vers la ville de design, c'est à dire, j'ai eu justement des avis comme quoi le potentiel d'avenir de Saint-Etienne, c'était la slow city, c'était la ville où il fait bon vivre, on m'a aussi parlé

Excusez-moi. Comme retour, ou c'est un souhait ?

· Non, comme pistes de développement...

Ah oui bien sur (rires), ouais. Je pense que y'a beaucoup de villes en France qui seraient qualifiées en France de villes où il fait bon vivre, où c'est sympa...

· Oui je veux dire comparé à Lyon par exemple, l'été il fait chaud et c'est assez pollué Ouais enfin après l'image de la ville, en étant objectif, l'image de Lyon est mieux que celle de Saint-Etienne. Vous allez à l'extérieur.

· Oui bien sur, l'image doit changer. Du coup auriez-vous quelque chose à ajouter ? Non, n'hésitez pas à me contacter si vous avez d'autres questions. Je pourrais y répondre, y'a pas de soucis.

Excursionniste : Visiteur dont le séjour ne comporte aucune nuitée dans un hébergement terrestre

54

8 Etude réalisée sur les retombées économiques de

la Biennale Internationale Design 2015

Données issues de l'enquête menée auprès des 941 visiteurs de la Biennale Internationale du Design et ses comptages billetteries dans les sites IN (12 mars - 12 avril 2015, Cabinet PROTOURISME)

FRÉQUENTATION

208 000 VISITEURS sur 33 jours (du 12 mars au 12 avril)

PROFIL DES VISITEURS

> 2/3 des visiteurs âgés de 25 à 50 ans

> 1/3 des visiteurs sont revenus à plusieurs reprises et effectué en moyenne 3 visites

> 2/3 des touristes ont profité de leur venue à Saint-Etienne pour pratiquer d'autres activités (principalement visites des musées de la Ville

> La Biennale Internationale du design dispose d'une forte attractivité et joue le rôle de déclencheur pour venir à Saint-Etienne.

 

RETOMBÉES ÉCONOMIQUES

55

3,3 millions d'€ de chiffres d'affaires pour les entreprises de l'Agglomération

A qui profitent ces retombées ?

> 22 500 nuitées (2 nuits en moyenne par touriste)

> 96% des visiteurs ont choisi de séjourner sur le territoire de Saint-

Etienne Métropole

> 65 emplois créés ou maintenus

> 86 visiteurs ont réalisé au moins 1 dépense dans l'agglomération

 

PERCEPTION DES VISITEURS

· Les bénéfices en termes d'image sont indéniables.

· L'image d'une ville austère, triste, liées à son passé industriel, s'efface au profit de celle d'une ville dynamique, modernisée, associée à la culture et au design

56

> La Biennale est un succès en terme d'images, tant pour l'événement que pour la Ville. Alors que la moitié des « primo-visiteurs » avaient une image négative de la Ville avant de venir, près des 3/4 d'entre eux en ont une image positive après avoir visité la Biennale.

> La Biennale est donc un vecteur d'attractivité et de fidélisation des visiteurs.

 

57

RETOMBÉES PRESSE

> En 2015, les parutions ont généré près de 5,5 millions d'€ d'équivalent publicitaire, soit une augmentation de 59% par rapport à 2013.

10 Réseau Les villes créatives Le l'Unesco

58

Capture d'écran du site http://fr.unesco.org/creative-cities/content/creative-cities le 2016-02-21

59

11 Campagne de communication « Saint-Etienne

change Ce monde avec design »

60

12 Saint-Etienne Design City Guide

CRÉDITS

Coordination

Office de Tourisme

de Saint-Étienne Métropole 16 avenue de la Libération 42000 Saint-Étienne www.saint-etiennetourisme.com

Conception graphique Cabaroc

Kaksi design

Photographie

Pierre Grasset

Magali Stora

Saint-Étienne Tourisme

Lin Finn Geipel et Giulia Andi

Jan-Oliver Kunze

Epase / Henri Granjean

Chaix et Morel Associés

Saint-Étienne Métropole

Foster and Partners / Saint-Étienne

Métropole / Franck Ribard

Ville de Saint-Étienne

Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole

Saint-Étienne Tourisme FLC/ADAGP (2015)

Saint-Étienne métropole / Gilles AymardChaix et Morel Associes / Saint-Étienne Metropole

Cité du design

(c) Conception, Le Corbusier architecte, assistant José Oubrerie assistant (1960-65)

Réalisation, José Oubrerie architecte (1968-2007)

Hubert Genouilhac

Les erreurs ou omissions involontaires, malgré les soins et les contrôles de l'équipe rédactionnelle, ne sauraient engager la responsabilité de l'éditeur.

INFORMATIONS PRATIQUES

· www.saint-etiennetourisme.com

· www.citedudesign.com

· www. biennale-design.com

· www.codesign-rhonealpes.fr

· www.designmap.fr

· www. saint-etienne.fr

· www. agglo-st-etienne.fr

· www.art-histoire.saint-etienne.fr

· www. designmanagementexcellence.com

· www. sitelecorbusier.com

· www. mam-st-etienne.fr

· www. le-mixeur.org

· www. cartonnerie.fr

· www. le-fil.com

· www.bit.ly/commercesdesign

· www.en.unesco.org

Conçu pour faciliter la découverte du design sur le territoire, ce Saint-Étienne City guide Design recense les architectures, les aménagements, les interventions urbaines et les commerces dans lesquels le design intervient. Le visiteur peut retrouver l'empreinte des designers qui façonnent les espaces et la vie des habitants. Indispensable pour les curieux du design, ce guide permettra aussi de façon très libre de piocher des informations au fil de leurs pérégrinations ou de construire un parcours spécifique. Belle découverte design de notre territoire.

2 | SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE | 3

61

Design dans l'architecture

14 rue Paul et Pierre Guichard

42000 Saint-Étienne

Conception :

Chaix & Morel et Associés, Les Charrons, Atelier Ruelle, L'Atelier

Tourette & Goux , L. Bertoni et S. Philibert

8 Stade Geoffroy-Guichard Inauguré en 1931, Geoffroy-Guichard s'inscrit dans la mémoire collective nationale et au-delà. Sa rénovation complète respecte cette identité et l'ambiance mythique du «Chaudron ». Elle s'appuie sur un concept architectural qui en renforce l'effet tout en unifiant la forme existante, avec une «peau » de métal ajouré. Véritable vitrine

du savoir-faire stéphanois, le design des abords, des espaces réceptifs, le vestiaire, le mobilier et la signalétique ont été dessinés en grande partie sur mesure. Le stade qui recevra l'UEFA EURO 2016 abrite en son sein le Musée des Verts, premier musée français consacré au football.

9 Le Fil

Lieu de découverte artistique, le Fil reçoit des artistes émergents de renommée nationale voire internationale. Son architecture est un clin d'oeil à l'identité stéphanoise utilisant une parure métallique extérieure évoquant un métier à tisser ou les cordes d'un instrument de musique. La façade bar-club rappelle la rubanerie. Sa toiture végétalisée s'inscrit dans une démarche environnementale et d'isolation acoustique optimale.

20 boulevard Thiers

42000 Saint-Étienne Conception : XXL Atelier Philippe Delers & Associés

10 Zénith

Implanté sur des anciennes friches industrielles, le Zénith de Saint-Étienne reflète la volonté d'innovation et de création du territoire. Sa silhouette aérodynamique, son design épuré et son caractère hautement écologique font de ce bâtiment un édifice sophistiqué et inventif.

Rue Scheurer Kestner 42000 Saint-Étienne Conception :

Sir Norman Foster

11 Habitats jeunes Clairvivre En continuité avec l'oeuvre de l'architecte André Wogenscky, l'association Habitats jeunes Clairvivre (qui offre aux jeunes un hébergement transitoire et favorise leur parcours vers l'autonomie) a initié depuis 2010 un projet intitulé Habitats jeunes et design. L'association a souhaité que la conception du lieu se construise de manière partagée entre résidents, personnels, designers et architectes.

69 rue Jean Parot

42100 Saint-Étienne

Conception :

J. de Sousa, P. de Glo de Besses, F. Gibilaro, Association Habitats Jeunes Clairvivre, Cité du design

12 Mille Club

Annexe de la maison de quartier du Crêt de Roc, ce projet fait partie d'un ensemble de réaménagements urbains programmés sur le quartier. Le bâtiment, par son implantation, fait le lien entre la plateforme piétonne perpendiculaire à la montée Pointe Appell et le futur parcours ceinturant le cimetière. Sa façade en béton teinté dans la masse, de couleur rouge-ocre, compose avec la couleur de la tuile un monolithe chromatique qui se repère dans le quartier.

36 rue de l'éternité 42000 Saint-Étienne

Conception :

Agence A-MAS (ex YES)

62

10 | SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE | 11

Design dans l'espace urbain

16 Mise en lumière des Arcades

Dans le cadre du projet de rénovation de l'hôtel de ville, la mise en lumière des plafonds ouvre le regard sur les arcades. Le soulignement des pilastres révèle l'histoire de l'architecture et l'attractivité de ce passage commerçant très fréquenté. La lumière joue un rôle dynamique et artistique, des projecteurs gobo projettent sur deux murs des créations graphiques évènementielles.

Hôtel de ville 42000 Saint-Étienne Conception : Studio By Night, Spie Sud-Est Axente

17 Place Chavanelle Véritable écrin de plusieurs oeuvres d'art contemporaines comme « l'R du large» de Gyslain Bertholon et Maxime Bourgeaux, «Les colosses» de Yannick Vey, le « Pouet » de Remi Jacquier, « Pas à pas » de Chantal Dugave, le cadre de Loëtitia Cornélie.

Place Chavanelle 42000 Saint-Étienne Conception :

C. Bové

18 Engrainage

Telle une constellation suspendue, une multitude de sphères colorées illumine une rue centrale de la ville, et révèle son volume particulier. L'installation qui renvoie à une floraison comporte des interrupteurs que le passant peut actionner s'il le désire. Il peut ainsi, à sa guise, choisir d'éclairer ou d'éteindre un espace partagé, une mémoire collective, et de faire apparaître ou disparaître ce mystérieux « grenier » selon son humeur.

Rue Georges Teissier 42000 Saint-Étienne Conception :

L. Belala

19 Passerelle du Crêt de Roc

Un parcours design se dessine en se promenant depuis le centre-ville à la colline du Crêt de Roc. On peut souligner la placette Paul Appell et la passerelle située

au nord du collège Fauriel. Sur l'esplanade du Crêt de Roc, située à proximité de l'entrée du cimetière Saint-Claude, un traitement des espaces publics complète le projet de renouvellement urbain du quartier.

32 rue Rouget de Lisle 42000 Saint-Étienne Conception :

Bureau d'étude maîtrise d'ouvrage Ville de Saint Étienne

20 Parvis de la Gare Châteaucreux

Lieu de passage et d'entrée de ville, le parvis de la gare accueille de nombreux projets urbains. D'abord les sièges tabourets Tempo qui, comme une forêt de clous, invitent à se reposer. Mais aussi les Chevaux bleus en résine polyester qui sont comme recouverts d'une peau lisse et tendue. Enfin, l'Arbre multicolore qui se dresse fièrement à la lumière du ciel.

2 esplanade de France 42000 Saint-Étienne

Conception :

F. Bauchet, A. Smati, P. Million

21 Gimme shelter

Suite à un appel à projet, l'artiste Nathalie Talec a élaboré selon les principes sensibles du Modulor de Le Corbusier, cet objet refuge. Une manière d'habiter qui propose de jour comme de nuit, une perception troublante du temps et de l'espace. La lumière matérialise un mobilier et donne un sens corporel à l'architecture.

Place d'armes, site Manufacture 42000 Saint-Étienne Conception : MMXI architectures

Atelier du Néon, M. Delarasse N. Talec

14 | SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE | 15

63

64

· Cadeau Maestro

3 rue Michelet

09 83 69 26 68

· Home Sweet Home

16 rue Pierre Bérard

04 77 46 49 75

· Ô Design

6 avenue de la Libération

04 77 38 42 90

· Ange & Lux

21 rue Étienne Mimard

04 77 37 48 84

· La Belle Histoire

37 rue Gambetta

04 77 37 92 67

n Coursol

25 rue Michelet

04 77 33 24 02

· Epoc Epic

11 rue Pierre Berard

04 77 32 34 01

· Kartell

31 place Chavanelle

04 77 25 84 39

· J'ai Deux Amours

12 rue Sainte-Catherine

04 77 21 00 57

· Le Vieux Colombier

41 rue Gambetta

04 77 32 05 64

· Ma Boutîc

2 rue de la condition

04 77 21 81 76

· Cinna

12 rue de la République

04 77 32 20 09

· L'Éclisse

35 rue Gambetta

04 77 41 58 05

· Ligne Roset

6 rue de la République

04 77 25 65 93

· Bulthaup

3 rue de la République

04 77 32 92 07

· Côté design

10 rue Michel Rondet

04 77 25 65 93

· Bang Olufsen

9 rue de la République

04 77 32 39 26

· Comptoir d'Influences

8 rue Louis Braille

04 77 30 65 49

· Une autre Maison

4 rue Traversière

04 77 32 89 77

26 |

SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE

Shopping design

Petits ou grands, vintage ou insolites, branchés ou décalés, les objets et les idées cadeaux des nombreuses boutiques spécialistes du design à Saint-Étienne étancheront les envies de design les plus variées quel que soit le budget.

La présente liste est une sélection de

partenaires non exhaustive.

LÉGENDE

Design dans l'architecture Design dans l'espace urbain Design dans les musées Design hors Saint-Étienne Commerces design Shopping design

SAINT-ÉTIENNE DESIGN CITY GUIDE | 27

Parc

Place

Rue piétonne Voie du tram

Tram

Vers

LE PUY

Firminy

Vers

ROANNE
CLERMOND-FD

27

Andrézieux Bouthéon

Unieux

28

D8

A72

D500

N88 D1028

D201

La Ricamarie

Saint-Héand

Saint-Étienne

D1498

Sorbiers

30

Saint-Christo en-Jarez

N88

29

N88

St-Chamond

Vers

LYON

65

66

26

39

O E

Puits Couriot

N

S

25

2

22

Gare de Carnot

21

23

Place Sadi Carnot

61

49

18

Place Jean-Jaurès

87

50

80

82

24

6

63

65

13

14

16 15

53

5

7 9

31

Place
de l'Hôtel
de Ville

59

19

Place du Peuple

Place
Albert Thomas

48

62

43

47

55

Place Dorian

69

70

35

89

51 67

56

86

72

84

76

12

81

41

85

Place
Anatole France

77 79

60

88

74

32

42

52 54

40

8

38

33

83

78 73

44

90

Rue Desjoy

46

Cimetière du Crêt de Roc

Parc

François Mitterrand

Place Chavanelle

10

1

57

3

36

Place Fourneyron

34

75

e

4

Jardin des Plantes

37 64

71 45

58

66

Gare de Châteaucreux

20

11

68