1 Guide d'entretien
semi-directif
« Bonjour. Je m'appelle Inès Marandon,
étudiante en Master 2 Programme ESC à Kedge Business School
(Bordeaux) en spécialisation dans le Management des Industries
Créatives. Je mène un mémoire de recherche ayant comme
sujet « Le design comme moyen de reconstruction d'une identité
territoriale. Cas de la ville de Saint-Etienne ». Je vous remercie de bien
vouloir m'accorder du temps pour répondre à mes questions.
L'entretien sera enregistré et durera environ une heure durant laquelle
je vais aborder 4 thèmes. Vous pourrez parler librement et exprimer
votre point de vue sans craintes, je n'utiliserais que ces données dans
le but d'enrichir mon mémoire. »
Thème 1 : Parlez-moi de votre
organisation
RELANCES - Activité, importance (notoriété,
réputation, taille, missions...)
Thème 2 : Parlez-moi du design et de
votre organisation
RELANCES - Définition et représentation du design,
intérêt du design, design intégré...
Thème 3 : Parlez-moi de
l'identité territoriale de Saint-Etienne
RELANCES - Ville Unesco de Design, Ville de Design, «
Classe Créative » à Saint-Etienne,
Facteurs moteurs et freins (Aides...), Fréquentation des
publics...
Thème 4 : Parlez-moi de l'impact du
design de Saint-Etienne sur votre organisation RELANCES - Atout de cette
politique pour votre activité...
Conclusion : Auriez-vous quelque chose dont
nous n'aurions pas parlé et que vous souhaiteriez évoquer ?
Remerciements
Signalétique (Nom, Prénom, Statut,
Fonction)
2
2 Entretien avec Stéphane
DEVRIEUX,
Directeur Le l'Office Lu Tourisme
Le Saint-
Etienne
· Bonjour (présentation etc.), je
souhaiterais savoir quelles sont les missions actuelles de l'Office du
Tourisme, votre rôle et puis dans un second temps, je vous proposerais de
rentrer dans le vif du sujet.
D'accord. Donc l'Office de Tourisme, nous avons les
compétences sur 45 communes de Saint-Etienne métropole. On est le
statut industriel et commerce avec les fonctions traditionnelles des offices de
tourisme, c'est à dire les fonctions d'accueil, d'information des
visiteurs, des fonctions de promotion du territoire (euh), avec un lien
marqué sur l'attractivité du territoire. Un lien transversal pour
faire évoluer l'image du territoire. On gère le bureau des
congrès des événements de Saint-Etienne métropole,
donc on a mission de développer l'activité liée aux
événements et aux congrès, de coordonner l'ensemble des
partenaires qui interviennent sur les congrès. Ensuite, on gère
la promotion, tout ce qui est en lien avec la presse, deux sites patrimoniaux
et culturels, le parc régional du Pilat et le site Le Corbusier à
Firminy. Au total on est une trentaine de personnes en temps plein.
· D'accord et vous êtes Directeur de
l'Office du Tourisme depuis quand ? Depuis 2010.
· Et avant, étiez-vous sur Saint-Etienne
aussi ?
Non, auparavant, j'étais directeur
départemental du tourisme de l'Ain. Donc je travaillais sur ce
département.
· Etant donné que nous n'avons pas
énormément de temps, je vous propose de rentrer directement dans
le vif du sujet. Donc en ce qui concerne Saint-Etienne, ville de design,
qu'est-ce que ce réseau apporte à la ville, en terme de
communication mais également en terme de réseau entre les villes
de design ?
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Effectivement, il y a 2 aspects, même s'il s'agit
pas d'un label mais d'un réseau, donc le fait d'être membre de ce
réseau depuis 2010 très concrètement ça a permis de
tamponner un peu, même si c'est pas un label, on peut quand même
dire que ça a labélisé le territoire, c'est à dire,
que ça a été un outil de communication local. Le fait
d'être reconnu à l'international, souvent, c'est un vecteur
positif en local, à la fois auprès des habitants mais aussi c'est
très efficace auprès des acteurs, que ça soit des
entreprises, entre les sites touristiques, pour nous, au niveau du
positionnement, pour faire évoluer l'image (euh) de Saint-Etienne, c'est
quelque chose qui est très très important. Ca, c'est le volet
« image ».
Après, il y a le volet réseau. Il est
très dynamique, le réseau des villes design Unesco. Il y a
beaucoup d'échanges, alors pour le coup c'est moins nous directement,
mais c'est plus la Cité du Design qui développe ça, et qui
(euh) est directement liée au réseau mais beaucoup
d'échanges d'expérience, donc du coup des gains de temps, et
aussi quand on va voir dans des pays qui ont des cultures différentes,
on progresse beaucoup, plus que quand on fait du benchmark en local donc
ça apporte beaucoup par rapport à ça, et ça nourrit
beaucoup. Par exemple, chaque biennale internationale du design, il y a des
« temps » complets qui sont liés au réseau.
· D'accord. Et pour l'Office du Tourisme, c'est
une directive importante de promouvoir Saint-Etienne en tant que ville de
design ?
Ben nous au-delà d'une directive, c'est notre
positionnement. C'est à dire que le positionnement qu'on travaille, il
est autour du design, du créatif, du collectif donc, on a tout
restructuré, nos actions, nos outils, nos supports autour de ça.
On travaille beaucoup en déclinaisons, par exemple, le tourisme
d'affaires, quand on présente la destination, c'est autour d'une
destination design, donc on a travaillé sur des offres autour du design
avec des designers. Là, pour un congrès qu'on est en train de
monter, on est en train de bosser avec une équipe de designers et une
agence d'événementiel pour créer des prestations
très spécifiques à Saint-Etienne où les gens,
puissent lors d'une soirée, toucher le design, arriver à le
concrétiser, donc vraiment, nous c'est un fil rouge, même si c'est
du marketing pur et dur, mais on oublie pas le reste, on se positionne par
rapport aux autres puisque le design c'est quelque chose qui est vrai à
Saint-Etienne, c'est issu de l'industrie, ça s'appuie sur une
réalité, où il y a un vrai réseau, avec la
Cité, avec l'Ecole d'Art et de Design, les entreprises, avec beaucoup
d'activités économiques liées au design, donc elle est
vraie. Et, au détriment du positionnement, on reste la seule ville
française membre du réseau et en Europe, y'a Berlin, Bilbao,
GratzÉ
·
4
Donc du coup, au niveau des projets à
l'avenir, des événements, etc. pour vraiment, le
concrétiser, qu'y a t-il de concret pour valoriser la ville, à
part la Biennale, la Cité, et le Corbusier ?
C'est déjà pas mal (rires). La dessus, le
Corbusier c'est surement l'outil qui nous permet d'aller le plus loin, c'est
à dire, d'amener des tours opérateurs de très loin, c'est
notre plus fort vecteur. La Biennale, c'est quelque chose de très
important, comme c'est tous les deux ans, on ne peut pas tout miser là
dessus. Et ensuite, on s'appuie sur l'entrée design pour valoriser les
offres culturels, donc il y a Le Corbusier, le musée d'art moderne et
contemporain, les collections du musée d'art et d'industrie, on arrive
à tisser après tout une offre qui existe pour la faire
découvrir et on a moins besoin de trouver plus d'offres concrètes
que de travailler justement la communication et la facilité
d'accès à cette offre.
· D'accord. Donc ce qui est important est
surtout de communiquer autour de ça en fait ?
Communiquer, structurer, on a mis en place une City Card
qui permet de faciliter et de rendre achetable, consommable facilement l'offre,
donc c'est vraiment notre enjeu.
· Et concernant le lien, est-ce qu'il y a un
lien entre l'Office du Tourisme et la Cité du Design, travaillez-vous
ensemble là dessus ?
Oui. On travaille très souvent ensemble. On
était ensemble hier. Par exemple on travaille sur la biennale 2017, on
est les pieds dans l'Euro bien profond (rires), mais on travaille sur la
prochaine biennale. On attaque à peu près 1 an et demie avant une
biennale, des groupes, on a des comités de pilotage à minima en
Suède et après on a par exemple, on a bossé sur des
groupes de travail sur le réceptif, on travaille sur la billetterie,
là on va mettre en place des liens un système de vente en ligne,
on a travaillé pour que la City Card puisse intégrer des
entrées à la biennale, et euh, très souvent, quand on
travaille sur des projets pour structurer l'offre comme je disais
l'organisation des congrès d'événements, on a pas mal de
relations, avec la cité, avec l'école. Par exemple, avec
l'école, il est question que l'on travaille avec eux pour
l'aménagement de l'espace de l'Office du Tourisme pendant la
biennale.
· Et auprès du public, des visiteurs
à Saint-Etienne, vous avez déjà réalisé des
études marketing ou autre ?
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Y'a une étude sur la dernière biennale qui
permet d'analyser les retombées. Elle a été
réalisée par Saint-Etienne métropole, elle permet de
mesurer la perfection des territoires avant, après, est-ce qu'ils
étaient primo-visiteurs, est-ce qu'ils pensent revenir, leurs
dépenses sur place...
· Et du coup, qu'est-ce qu'il ressort de cette
étude ?
Pour faire simple, il y a un côté
très positif en terme d'événement. Une biennale, ça
change complètement le territoire, on progresse en terme d'image, de
notoriété, très importante par rapport à d'autres
choses qu'on pourrait faire qui couteraient beaucoup plus cher. Et euh, on a de
plus en plus de monde, de fréquentations externes, là, on a
atteint 210 000 visiteurs pendant la biennale, le territoire, à la base,
Saint-Etienne qui n'est pas une destination touristique en tant que telle, on a
des comportements touristiques. On a des personnes qui viennent, qui
achètent des package sur 3 jours, on a une augmentation importante des
flux. Le territoire est lui-même, vous connaissez, vous êtes
stéphanoise à la base, ça change quand même pas mal
les choses. Les gens qui viennent pendant une biennale sont quand même
agréablement surpris. C'est des moments très
privilégiés pour faire venir du monde, donc on accueille des
journalistes, des moments où on invite des organisateurs de
congrès, c'est un moment de visibilité qui est précieux.
Bon, c'est 1 mois tous les 2 ans (rires).
· Oui. C'est vraiment très important en
fait pour la ville, son image...
De toute façon, on voit que les territoires en
France se battent pour créer des événements porteurs
d'image. C'est très compliqué. J'avais travaillé notamment
sur le sujet quand j'étais dans l'Ain, où il n'y avait pas
d'événement majeur, porteur d'image, où il n'y avait pas
de visibilité pour en créer. Première chose,
déjà, c'est que ça ne se crée que si c'est une
réalité. Les choses montrent qu'il faut qu'il y ai un noyau
associatif qui est lancé ça pour que ça marche. C'est le
cas avec la biennale. On va dire, c'est une bande d'allumés au
début qui a lancé ça et puis au fil du temps, ça
s'est structuré, professionnalisé, mais c'est pas parti dans
l'autre sens.
· C'est pas venu de nul part cette biennale
à Saint-EtienneÉ
Oui. Et l'ancrage progressif, en général,
c'est le gage de quelque chose de fort. C'est le festival de la BD à
Angoulême, et puis après, c'est des trucs qui sont porteurs
d'image et puis en plus d'avoir un impact bien supérieur à ce
qu'on pourrait faire en terme de plan média.
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Ca amène une animation et ça a des
bénéfices sur l'économie locale. Donc au-delà du
positionnement touristique, l'intérêt du design, c'est... Quand je
suis arrivé, on m'avait dit que c'était encore pas gagné,
et ça c'est acquis assez rapidement derrière et quand même,
de plus en plus et porté et intégré par les
différents secteurs d'activité. Ce qui nous reste à
travailler le plus, c'est les habitants. Il y a eu pas mal de travail
là-dessus, mais il y a encore du boulot. Avec toutes les actions qui ont
été entreprises, ça a évolué mais c'est ceux
qui restaient plus à dire « Saint-Etienne, le design...
».
· Justement, j'ai l'impression qu'il y a une
sorte d'incompréhension des habitants qui ne comprennent pas tellement
cette Cité du Design et cette biennale etc. Vous êtes justement en
train de démocratiser, de sensibiliser les publics ?
Oui justement, c'est une réalité d'arriver
à concrétiser ça. Donc il y a eu une première
étape sur la biennale 2015, où il y a eu un mandat très
clair du maire de bosser dans ce sens. Il y a eu une très forte
augmentation des personnes stéphanoises qui sont venues à la
biennale, donc ça a commencé à jouer.
Le côté communication, c'est d'arriver
à rendre visible le « pourquoi le design à Saint-Etienne ?
» en mettant en avant le nombre d'entreprises qui sont pionnières
sur le territoire sur le design, qui l'utilisent, le fait que design, c'est pas
que le design sur la partie esthétique ; c'est tout ce qu'on appelle la
qualité d'usage, comment on pense les usages, comment on les adapte, au
final il y a une esthétisme liée à tout ça. Au
final, l'idée c'est d'envoyer des signaux permanents dans la vie qui
relatent du design...
· Est-ce que vous pourriez me citer quelques
actions concrètes menées pour sensibiliser les habitants de la
ville et les amener à visiter la biennale, etc. ?
Ben alors, sur la biennale, il y avait euh, des actions
spécifiques de communication auprès des habitants, y'a euh toute
la parade du design qui a été mise en place et travaillée
avec les centres sociaux du territoire, là ça parait anodin mais
ça a un effet d'altération. Les enfants étaient
associés, pour réaliser des chars design pour la parade du
design, forcément les enfants retournent à la cité avec
les parents. Les liens avec les compagnes de communication plus
déclinés dans les différents supports municipaux de
Saint-Etienne et de Saint-Etienne métropole aussi.
·
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D'accord. Et en dehors de la biennale,
d'après les études, les visiteurs qui viennent à
Saint-Etienne viennent pour quelles raisons ? Sont-ils attirés par Le
Corbusier ouÉ ?
Après, il y a plusieurs types de
fréquentations hors biennale. Il y a les fréquentations de ceux
qui sont en transit Nord/Sud, ça c'est plutôt l'été.
La période estivale est la période où il y a le plus de
visites de clientèle étrangère, aussi, qui reste 2-3 jours
en allant dans le sud. Après, on a ceux qui commencent à
identifier, car c'est un travail de longue haleine, ça fait quelques
années qu'on a franchit un cap en terme de moyens et d'outils pour
essayer de capitaliser sur cette image plutôt créative,
plutôt de design, c'est à dire, ne pas être en concurrence
sur des villes plutôt bourgeoises comme Bordeaux ou comme Lyon, où
on est pas du tout sur ce positionnement. C'est d'arriver à valoriser
des sites comme la Cité, même comme l'urbanisme qui a vraiment ses
spécificités, de Saint-Etienne, de Firminy vert, etc. Et
là, on a des visiteurs qui viennent plutôt pour des weekends, on a
rarement des séjours d'une semaine où là c'est en
général pour des motifs comme la famille. On n'est pas sur les
mêmes flux qu'à Bordeaux (rires).
· Oui c'est sur que ça n'a rien à
voir.
J'étais la semaine dernière à
Bordeaux, nous on échange très souvent avec des villes euh, vous
devez connaître l'Office du Tourisme ? On échange souvent, c'est
une belle réussite sur Bordeaux depuis quelques années. Avec la
cité du vin, par exemple, ça va apporter encore autre chose, on a
eu le plaisir de la visiter...
· Pour en revenir à ce que vous
disiez, Saint-Etienne a une image, il faut se battre un peu contre cette
ancienne image, vous sentez que cette image un peu négative de ville
noire, industrielle, pas très jolie, est-ce que ça change quand
ils viennent à Saint-Etienne ?
On commence effectivement à sentir des
évolutions, des personnes qui euh font ces changements. L'image est
très ancrée, mais on a des signaux, quand on amène du
monde de l'extérieur, y'a un côté très surpris, au
sens où y'a un tel décalage, à la fois sur l'image
ville-noire fondée, car y'a pas vraiment d'endroits dans la ville
où on ne voit pas la montagne autour, le fait qu'il y ai quelques lieux
emblématiques d'un point de vue urbanistique, que ça soit le
Zénith, la Cité Grüner, demain la nouvelle Comédie,
toute personne qui vient sur place renvoi des signaux qui sont très
positifs. C'est aussi une raison pour laquelle on travaille
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beaucoup sur le tourisme d'affaires, c'est qu'on sait que
lors de congrès, on a des sites plus prescripteurs que d'autres, et que,
c'est un vecteur de relai d'image très puissant et que beaucoup de
personnes qui viennent en congrès reviennent derrière, ou
envoient un message positif sur les destinations.
· D'accord. Et juste, du coup, pour
résumer, quelle est l'identité de Saint-Etienne que vous cherchez
à faire connaître ?
L'identité, ça reprend un peu ce que
j'évoquais, c'est une ville positionnée plutôt sur le
créatif, le design. Ville qui a été tout le temps en
renouvellement, en recréation... donc ce qu'on a en avant, c'est ce
volet dynamique, et pas par opposition mais plutôt par contraste, une
cité bourgeoise qui est active depuis toujours sur un mode de
fonctionnement, c'est une cité qui a explosé complète avec
le décollage industriel et qui est passé d'une taille de 50 000
habitants et en 2 siècles à tout casser à dépasser
largement les 200 000 habitants et qui s'est re-stabilisée. Et suite
à la crise industriel, elle a rebondit sur le design, les nouvelles
technologies de manufacturing, sur l'optique, sur le textile médical de
haute technologie, et du coup a une histoire qui est valorisée au
travers notamment de ces musées qui est une histoire très
contemporaine. Il y a aussi le côté collectif où on
retrouve le côté football qui est prégnant sur le
territoire. Voilà c'est un peu ce qu'on veut proposer.
· Est-ce que vous pourriez-vous comparer
Saint-Etienne avec d'autres villes, que ça soit des villes
françaises ou étrangères... ?
Ca dépend, en terme de quoi ? En terme de tourisme
?
· En terme de...
régénération urbaine, dynamisme et d'identité
?
Manchester (rires). De la même façon, un
passé industriel fort, très marquant et pour autant, une vraie
dynamique de relance. Un positionnement fort sur de nouvelles technologies,
alors, c'est pas rare qu'on ai des retours comme ça où
Saint-Etienne fait penser à Manchester. Après, faut pas regarder
les tailles des villes. Une autre ville qui rebondit énormément
en terme d'image, et où il y a un parti fort, c'est Bilbao. Bilbao, le
Guggenheim, c'est un phare énorme qui a fait positionner Bilbao sur
l'échiquier de l'art moderne, sur le volet culturel, Bilbao reste une
ville très industrielle. Faut se rendre compte qu'on est pas
obligé de tout changer d'un coup, quelque, y'a vraiment une
stratégie d'image et de marketing et après, on entre dans un
cercle vertueux....
·
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Et au niveau de l'offre hôtelière par
exemple, vous essayez de rajouter du design dans l'offre hôtelière
?
Oui y'a pas mal de choses qui ont été mises
en place pour aider les hôteliers à renouveler les chambres avec
des designers. Donc ça, ça a très bien fonctionné.
Y'a eu le concours Commerce Design, avec du côté commerces,
là aussi ça a pas mal marché.
· Donc pour résumer, Saint-Etienne
est sur une bonne dynamique et le design fait vraiment partie intégrante
de la régénération urbaine.
Complètement oui. C'est notre fil rouge qui a le
mérite en plus, de ne pas être que touristique. Là, le
design, ça a un côté fédérateur. Ce
côté créatif, design, c'est très précieux car
je vous garantis que c'est rare, l'économie, le tourisme, les
différents secteurs soient derrière un même positionnement.
Mais on est au début, on a encore pas mal de choses à faire
(rires).
· Et concernant la dernière campagne
de com', « Saint-Etienne change le monde avec le design », (rires)
est-ce que c'est pas un peu fort de dire ça ?
Alors ça, faut demander au directeur
général de Saint-Etienne Métropole... L'objectif, c'est un
message interne. Elle n'a pas été relayée en externe.
C'est surtout un travail auprès de la population avec le syndrome du
« É » avec un déclic et des choses qui sont
utilisées dans des industries prestigieuses et pointues c'est fait
à Saint-Etienne grâce au design. C'est le message à faire
passer.
Vous trouviez que c'est trop fort (rires) ?
· Non, mais je pense qu'il faut le prendre
au second degré. J'ai trouvé que c'était presque
provocateur mais dans un sens, je comprends pourquoi et c'est bien pensé
parce que ça fait réagir. C'est vrai que finalement
d'après tout ce que j'ai pu lire et entendre, j'ai l'impression que le
problème vient surtout des habitants de Saint-Etienne, y'a comme un
décalage.
Oui. Alors j'y pense, vous avez Nantes aussi, qui est
beaucoup sur le créatif aussi. Leur image était un peu moins
mauvaise, ils ont des clientèles internationales plus présentes,
mais ils ont vraiment réussi et arrivent à attirer des touristes
en masse. Après la ville a plus de moyens.
· Avez-vous quelque chose à ajouter
dont nous n'aurions pas parlé ? Non y'a rien qui me
vient.
10
3 Témoignage de Bernard Laroche,
consultant en
« design pour tous
»
Bernard Laroche est un ancien membre de « Designers Plus
» et s'est intéressé au design pour tous.
· Pouvez-vous me parler de votre
activité ?
Je ne suis pas designer. De formation ingénieur
j'ai fait ma carrière dans les Télécommunications puis en
fin de carrière je me suis intéressé à l'impact de
l'allongement de la durée de vie sur la conception des produits,
services, environnements de vie et son impact sociétal et
social.
J'ai fondé en 2004 un cabinet de consultant dans le
domaine.
En 2006, 2010 et 2013 j'ai été co-commissaire
d'exposition à la biennale design.
En 2007 les designers m'ont demandé de prendre la
présidence de la grappe d'entreprise « Designers+ » en cours
de création. J'en suis resté Président jusqu'en avril 2015
en accompagnant la progression de cette grappe au niveau Rhône-Alpes
auvergne (plus de cent adhérents). C'est la plus grande grappe
française dans le domaine du design.
Je suis co-auteur d'un guide « Design pour tous
comment s'y prendre » disponible gratuitement sur le web.
Je poursuis mon activité dans le domaine du «
design pour tous ».
· Et comment définissez-vous le design
?
Le design est pour moi un process (design thinking) qui
consiste à observer les usages et détournements d'usage des
utilisateurs pour faire émerger un cahier d'idées
d'amélioration ou/et d'innovation de rupture, puis les confronter aux
contraintes techniques, financières, marketing pour faire émerger
l'idée ou les idées qui vont se concrétiser dans un
prototype ou une maquette que l'on va confronter aux utilisateurs avant
d'aboutir à la conception réalisée ou
commercialisée.
Dans tout ce process l'équipe projet doit avoir
à l'esprit l'impact de l'évolution sociétale et culturelle
des utilisateurs.
· 11
D'après-vous, est-ce que le design est bien
compris par les publics ? Cela progresse mais l'on a souvent
pris pour le design pour une seule approche esthétique en
oubliant que c'est d'abord la fonctionnalité pour
les utilisateurs (au sens large y compris la production et la maintenance) et
que l'esthétique vient ensuite rendre le produit « désirable
».
· D'après vous, qu'est-ce qu'une
« ville de design » ? Toutes les villes peuvent-elles y avoir
accès sans passé industriel ?
Une ville de design c'est avant tout une ville qui place le
design comme vecteur de sa
croissance ou de son renouveau et qui développe
une politique dans ce sens.
Bien sûr pour être légitime dans ce
domaine pouvoir inscrire cette politique dans l'histoire de la ville est un
atout primordial. Un passé d'innovation (industriel ou non) est donc
indiscutablement un plus. De même que sans école de design et sans
designers professionnels pour accompagner cette politique la
légitimité sera dure à obtenir pour le territoire qui veut
s'afficher terre de design. Enfin le patrimoine de la ville (industriel et
urbain) doit pouvoir témoigner de cette histoire et de cette
politique.
· Quel est l'intérêt pour une
ville de se tourner vers le design dans sa stratégie de
développement ?
Aujourd'hui le design thinking dans le processus
d'innovation par les usages est de plus en
plus reconnu comme un potentiel de différentiation
dans une économie mondialisée (en particulier dans les pays
à coût de personnel élevé).
· D'après vous, qu'est-ce qui
caractérise Saint-Etienne comme ville de design Unesco (image, design
urbain, événements) ?
Saint-Etienne est à même de raconter une
histoire avec :
- son passé d'innovation,
- son histoire autour de l'école des beaux-arts et du
musée voulus par les industriels
locaux (armurerie, rubanerie, ..)
- sa filière professionnelle organisée
(école, nombre de designers, grappe
Designers+, ..)
- sa Cité du Design et l'originalité de son
concept
- ses expositions design (Biennale en particulier)
- La présence d'un design manager au sein de la
collectivité et tous les projets
réalisés ces dernières
années
12
Sa spécificité c'est d'aborder le design dans
sa globalité et en particulier dans son approche sociale.
· Les créateurs sont-ils bien
représentés et quelle place leur est consacrée ?
La grappe d'entreprises Designers+, l'existence d'un quartier
créatif permet depuis quelques
années une bonne représentation des
professionnels du design et des professionnels des métiers connexes qui
souhaitent développer des projets avec des designers.
· Que pensez-vous de la Biennale internationale
du design, ainsi que du quartier créatif de la Manufacture
?
La Biennale a permis de faire connaître et rayonner
Saint-Etienne dans le domaine du design.
Elle doit poursuivre dans l'esprit laboratoire des usages.
Le quartier créatif doit faciliter l'implantation et la
professionnalisation des acteurs du design stéphanois.
· Que doit faire Saint-Etienne pour continuer
dans cette lancée d'après-vous ?
- Poursuivre la démarche même si les conditions
financières des collectivités locales peuvent parfois donner
envie de freiner.
- S'appuyer sur les acteurs locaux et mieux
fédérer avec eux la politique de développement
territoriale par le design pour en optimiser
l'efficience.
· Enfin, si vous deviez comparer Saint-Etienne
à d'autres villes, lesquelles seraient-elles ?
En France il me semble que les villes concurrentes seraient
Nantes puis Lille-Valenciennes.
· Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Non, bonne finalisation !!!
· Merci beaucoup !
13
4 Témoignage de Guillaume GRANJON
et
Élodie VICHOS, Designers et
fondateurs de
l'agence Kaksi Design
· Pouvez-vous me parler de votre
activité ?
Nous sommes Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS.
Nous avons créé en 2014 à Saint-Étienne l'agence
Kaksi design spécialisée dans la conception et l'accompagnement
à la réalisation d'objets (design de produits) et d'images
(design graphique).
· Comment définissez-vous le design
?
Le design est pour nous une démarche, un ensemble
d'outils qui lorsqu'ils sont mis à la disposition d'un commanditaire,
permettent la création ou l'amélioration d'un produit, d'une
image ou d'un service. Ceci dans le but de rendre plus agréable le
quotidien de l'usager et ainsi de faire vendre plus.
· D'après-vous, est-ce que le design est
bien compris par les publics ?
Le design est très souvent perçu comme un
habillage, l'utilisation du mot faite par les médias faisant
référence le plus souvent à l'aspect esthétique,
voire artistique et non à la fonctionnalité, à
l'usage.
· D'après vous, qu'est-ce qu'une
« ville de design » ? Toutes les villes peuvent-elles y avoir
accès sans passé industriel ?
Une ville de design est une ville qui infuse le design
dans toutes les dimensions de la vie dans la Cité (politique, sociale,
urbaine, événementielle, économique). Oui, les villes
peuvent accéder à ce statut sans avoir de passé
industriel. Le passé industriel est une façon de rendre
légitime ce statut.
· Quel est l'intérêt pour une
ville de se tourner vers le design dans sa stratégie de
développement ?
14
L'intérêt d'une ville de design est de
pouvoir attirer des investisseurs en améliorant le cadre de vie et les
services qui sont proposés aux citoyens et aux entreprises.
· D'après vous, qu'est-ce qui
caractérise Saint-Etienne comme ville de design Unesco (image, design
urbain, événements) ?
Oui, le design urbain et les actions qui sont
menées en ville caractérise Saint-Étienne tout comme la
biennale du design qui est un événement ancré dans
l'esprit des gens.
· Les créateurs sont-ils bien
représentés et quelle place leur est consacrée
?
Les créateurs sont plutôt bien
représentés au travers des différents
événements auxquels ils peuvent prendre part. Ainsi que par les
regroupements et plateformes d'identification des designers locaux.
· Que pensez-vous de la Biennale internationale
du design, ainsi que du quartier créatif de la Manufacture ?
La biennale du design et le quartier créatif sont
de bons moyens de valoriser l'image et ainsi de faire connaître à
la fois le quartier et la ville.
· Que doit faire Saint-Etienne pour continuer
dans cette lancée d'après vous ? Poursuivre les
actions qu'elle a entrepris ainsi que développer son offre aux
entreprises qui utilisent ou souhaitent utiliser le design.
· Enfin, si vous deviez comparer
Saint-Etienne à d'autres villes, lesquelles seraient-elles
?
J'ai récemment découvert Bordeaux et les
initiatives et le dynamisme mis en place autour de restructurations de sites
anciens (de type Caserne Niel Darwin) comporte un aspect très vivant.
Milan est aussi intéressante pour l'omniprésence du design
partout dans la ville, à des échelles différentes.
· Avez-vous quelque chose à ajouter
?
Pourquoi pas mettre en place une exposition permanente
(à la Cité du design) sur les racines du design à
aujourd'hui à Saint-Étienne... Peut-être existe-t-il
déjà une édition à ce sujet?)
15
5 Entretien avec Gaëlle Subileau,
Chargée Le
mission chez Designers Plus
· Bonjour, pouvez-vous me parler de votre
organisation, son activité ?
Alors, en structure, en fait, on est en forme
associative, ça c'est pas nouveau. Ce qui est unique, c'est que, euh, se
conçoit comme un cluster, ça c'est pas commun par rapport aux
designers. Il existe un point d'association par rapport aux designers, mais
souvent ce sont des gens qui se rapprochent au sein de la mutualisation pour
faire du projet collectif, des choses comme ça, mais dans une
démarche resserrée. Voilà. Euh, nous on a
décidé d'accompagner la filière design, à notre
niveau, on n'est pas un syndicat, on est vraiment un réseau
professionnel, avec la particularité d'avoir ce qu'on appelle les
médias associés en plus des designers : les bureaux
d'études, des architectes, des ergonomes, des vidéastes, des
programmeurs, enfin voilà, bientôt (euh) un avocat, fin bref, des
gens qui font du développement économique.
L'idée c'était, nous on est tournés
vers les indépendants, et pas vers les grosses agences. C'est favoriser
la collaboration entre nos adhérents, avec des équipes projets
pour qu'ils aillent plus loin, en réponse aux appels d'offre ,
·
de les former, on a toute une partie qui s'appelle Performance designers, on
est aussi organistes de formation, on fait des formations continues, on a des
ateliers, qui permettent de voir où ils en sont par rapport à des
thématiques métiers, (euh), et puis on a une partie plus
recherche et innovation donc on a réfléchi, ah je vous la fait
très courte, à un outil numérique enfin c'est un site
internet qui vous permet par un système de questionnaire de prendre du
recul sur votre pratique en tant qu'indépendant ,
· on va
pousser le projet plus loin pour toucher toutes les formes de, non pas de
design mais de designer ,
· c'est pas la même
réalité pour un designer intégré par rapport
à un designer indépendant ou un designer salarié d'agence.
Il y a vraiment des spécialités qui sont différentes.
Voilà, et puis, après on fait un peu d'accompagnement projet
innovant mais ça n'est pas l'essentiel de nos missions. Et puis la
dernière chose, c'est la partie valorisation des compétences de
nos adhérents. Voilà, ça c'est pour faire très
simple : performance designer, communication et puis (euh), on va dire
innovation entre guillemet quand même. Voilà.
· 16
Et justement, tous les métiers du design sont
représentés ?
En fait, on a pas deÉ On aurait pu, quand
ça arrive souvent, avoir des associations qui disent bah nous on est sur
toute la frange sur des gens qui sont entre le design et les arts plastiques,
ou alors que des graphistes, que du produit. Nous on a vraiment toutes les
spécialisations. On a des designers plus, qui sont
spécialisés en design thinking, y'en a qui sont
spécialisés en design collaboratif, alternatif, on a le designer
produit, mais dans le produit, on a très peu de designers, ce que nous
on appelle éditeur, c'est à dire des gens qui vont travailler sur
de la petite série, qui vont travailler sur un marché qui est
celui de la galerie, ou (euh), ça on a pas ça dans nos
profils.
· D'accord. Par Editeur vous entendez des
designers comme des artistes ?
Non, enfin, les franges sont serrées. Euh, non, je
pense plus à des gens qui vont faire des pièces uniques ou des
toutes petites séries et qui sont effectivement dans un milieu qui est
plus proche de celui du monde de l'art que de l'industrie. Nous, on est
tournés TPE, PME.
· D'accord. Et du coup, par rapport à
votre organisation, je ne vous ai pas demandé, mais si j'ai bien compris
vous êtes une équipe de 3 personnes ?
(Ouh) Nous on est deux personnes, enfin 2
salariés, 1 président et après comme toutes les
associations, on a un bureau, un CA. Un bureau qui se réunit une fois
par mois donc c'est quand même actifs, on prend pas les décisions
tous seuls, euh, on part toujours des besoins de nos adhérents, il a
fallu trouver des solutions pour avancer, on a trouvé un système,
le fait qu'on soit 2 salariés, ça permet de faire bien avancer
les choses mais on ne fait pas les choses sans nos adhérents.
· D'accord, et dans quel cadre Designers Plus a
t-elle été fondée ?
La version politiquement correcte, euh, c'est une
décision politique, ça c'est une réalité. Euh,
c'était un contre point avec ce qui a été fait avec la
Cité du Design. La Cité du Design, en fait est une institution,
et nous on a une approche terrain. Voilà, c'est simplement, on pas les
mêmes fonctionnements, mais lorsque la Cité du Design a
été mise en place, je pense qu'il y a eu une grande
inquiétude de la part des professionnels qui se sont dits « Est-ce
qu'ils montent une méta agence qui serait soutenue par l'argent de
l'Etat, on est-ce que c'est vraiment un outil de promotion ? ». Là,
on est quand même quelques années plus tard et la
réalité est que
17
oui, la cité du design est plus là pour
promouvoir le territoire, le design auprès des entreprises, etc, et
nous, on est vraiment là pour former les designers, pour les aider
à être plus (euh) efficaces dans leurs relations avec les
entreprises. Quand on sort de l'école, le langage de l'entreprise, on ne
le parle pas, je parle pour un designer, le langage de bureau d'étude,
on le connaît de loin, comment se présenter, comment expliquer ses
méthodologies, comment se présenter soi-même comme un chef
d'entreprise, enfin tout ça c'est très très loin de soi
quand on sort d'école, et nous notre idée c'est d'accompagner,
c'est bien d'avoir 10000 designers au mètre carré mais faut-il
encore qu'ils survivent, tout simplement (rires).
· Et au niveau des designers, ce sont des
designers de la région essentiellement ? Alors en fait
à la base, Designers Plus était juste stéphanois, quand
moi j'ai intégré l'association, et on est en ouverture
Rhône-Alpes depuis 2012 sur le papier, en réalité depuis
2013.
· Et pourquoi une volonté de s'ouvrir
plus largement à la région ?
Parce que tout simplement on a une structure qui est
unique. Que d'un point de vue on va parler de concurrence territoriale. Les
outils qu'on a développés au sein de la filière, marchent
pour des stéphanois comme pour des grenoblois. Il n'y a pas de
problème. Une des forces de la région Rhône Alpes est le
nombre de designers qu'il y a en activité. Ce qui était
intéressant, pour nous, c'était d'essayer de
fédérer l'accompagnement de la filière. Faut bien avoir
conscience que le design, c'est un métier qui est tout jeune, qui se
transforme vite. Les gens qui ont 50 ans n'ont pas été
formés comme les gens qui en ont 22. Il y a beaucoup à faire,
c'est un mot qui a été galvaudé. On a un petit peu la
totale sur ce métier.
Autant l'architecture, a eu la chance d'avoir quelques
centaines d'années pour se structurer, autant le design, c'est encore
flou, même si on sait à quoi ça peut potentiellement servir
quand on est du milieu, tout dépend du profil sur lequel on va tomber,
etc. Donc nous, notre mission c'est vraiment, il y a une dimension
d'homogénéisation, euh, voilà donc dans la façon
dont on accompagne nos adhérents, il s'agit pas de leur dire quoi faire,
mais de réfléchir avec eux sur le comment faire, comment faire
bien, on est pas un syndicat. Notre job c'est de simplement « pour que
ça se passe bien, où est-ce que le job d'un designer commence et
ou est-ce que ça s'arrête », comment former pour aller plus
loin dans son offre, on se rend compte que la partie stratégique elle
est hyper importante. Ce n'est pas parce que vous allez intervenir
auprès d'une entreprise et lui refaire son packaging qu'elle est
tirée d'affaires.
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C'est-à-dire que... en préalable à
toute démarche sur le packaging, c'est vraiment une stratégie sur
ce qu'elle veut faire, où intervient la partie emballage et voir s'il y
a des choses à étayer autour. Parce que finalement les
entreprises qui ont été déçues par le design, elles
sont arrivées et ont dit « Moi je veux ça, point »,
« le designer a fait ça, point » et puis en fait, on se rend
compte que non, c'est pas suffisant, on peut pas travailler sur un produit et
ne pas travailler sur le packaging, ça marche pas.
· L'idée est de travailler en
équipe, ensemble ?
Oui, c'est ça. Au lieu d'être un
prestataire, nous on se débrouille pour que nos adhérents
deviennent des partenaires, et ça change tout. En fait, le designer est
partenaire de l'entreprise.
C'est là où il y a plein de flou. C'est
là où il y a vraiment des nouveaux modèles à
inventer. Je pense que Saint-Etienne est assez intéressant pour
ça, parce que ça permet d'aseptiser un peu les choses.
· Justement, en parlant de Saint-Etienne. La
ville est Ville Unesco de Design depuis 2010. Pour vous dans quel sens la ville
est Ville de Design ?
Saint-Etienne c'est une ville alors en fait, quand on dit
ville de design, c'est assez juste. Si on disait ville du design, ça
ferait marrer tout le monde. Saint-Etienne est une ville qui a souffert, qui
n'a pas réussi à prendre son virage, enfin, y'a eu des virages,
et ils ont tout raté. (Rires) Ils le savent très bien. Je ne sais
pas si la partie historique vous intéresse, mais ce qui est important,
Saint-Etienne n'avait pas de grandes familles très puissantes, et en peu
de temps il y a des entreprises qui sont nées, pour illustrer, elles ont
du innover, ça c'est important. C'est vrai que Manufrance, tous ces
trucs-là, ils étaient en avance sur leur temps, sauf qu'il n'y a
pas une grosses culture industrielle comme à Lyon et au lieu de dire,
bon on a gagné la première manche mais pour la seconde, il va
falloir qu'on se prépare, c'est ah d'un coup, au lieu d'innover, je vais
faire du patrimoine. Je vais racheter plus d'usines, pour faire plus de
productions, et puis comme je vends plu, je vais faire moins cher la
production. C'était le truc à ne pas faire. On l'a fait. Le VTT
est arrivé, on est passé à côté, enfin il y a
eu plein d'histoires, la ville est cafouillage. Ce qui est intéressant
c'est qu'il a fallu s'en sortir et à nouveau c'est l'innovation qui est
revenue, et le design est un très bon levier d'innovation.
Donc on a une ville qui est moche. Quand on dit « La
ville du design », faut pas s'attendre à arriver comme dans
certaines villes, ultra contemporaines, non c'est pas ça. C'est une
ville
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qui par le biais d'une volonté politique, qui est
en train d'expérimenter pleins d'outils qui intègrent le design,
pour aider les entreprises à se développer.
· Et les outils, justement ?
Dans les outils, il y a déjà le travail de
la Cité du Design, qui a un pole Recherche qui est extrêmement
compétent. Ils ont mis en place une méthodologie qui s'appelle
les LUPI (Laboratoire des Usages et des Pratiques Innovantes), pour faire du
développement. Il y a quelque chose qui est en train de se faire au sein
du quartier créatif, en terme d'animation. Ils essayent de croiser les
regards, de favoriser l'innovation ouverte, en mettant en place des workshops,
des ateliers, des sessions de travail libre, enfin, y'a plein plein de choses
qui se mettent en place, nous on est en interaction justement avec les acteurs
du quartier créatif, voilà, y'a un Fab Lab qui a
été monté, y'a une école de communication un peu
plus haut, y'a des écoles, des entreprises un peu plus haut. Ce qui est
intéressant c'est qu'au lieu d'avoir simplement un lieu de
mixité, c'est carrément un quartier.
Voilà alors après des outils, il y en a eu
pleins qui ont été mis en place. Le fait qu'il y ait la Biennale
Internationale de Design, ça permet d'expérimenter des tas de
choses, on a fait des laboratoires d'usage, il y a des workshops géants
qui ont été mis en place, y'a pleins de choses comme ça
qui ont été testées.
· Du coup le quartier créatif est
considéré comme un marqueur fort de la transformation du
territoire, quels seraient les autres marqueurs dans la ville d'après
vous ?
Est-ce qu'il se passe des choses ? Alors, ce qui est
difficile, c'est que quand les entreprises recourent au design et que ça
se passe bien, contrairement à ce qu'on peut imaginer, je parle bien des
TPE, PME, elles ne communiquent pas dessus. Je vais prendre un exemple, y'a une
boite qui fait du tube cintré sur Saint-Etienne, vraiment l'usine
à papa, ça fonctionne en silo graphique, plutôt
mentalité sous-traitant. Ils ont fait appel à un designer et ce
sont rendu compte qu'avec des nouvelles normes, il était obligatoire
pour les hôtels d'intégrer des assises pour les handicapés
dans un certain nombre de leur chambre, et dans ce cadre-là, un de nos
designers a travaillé avec eux, il a fait un truc simple, efficace, et
qui c'est dit que l'hôtelier ne voulait pas avoir en permanence un banc
dans la douche, donc il a trouvé un système tout con, c'est une
applique qui se fixe au mur, quand c'est pas destiné aux personnes
handicapées, c'est simplement un reposoir pour les savons, et quand une
personne
20
handicapée ou qui aurait un problème etc, on
enlève la tablette et on fixe un petit siège contre le mur, qui
permet de nettoyer la douche sans problème. Elle est mignonne, c'est un
petit tabouret, mignon, bien pensé. Et ce designer a voulu savoir
comment ça se passait pour l'entreprise, qui a dit « ça
marche » mais impossible d'avoir des retours sur combien. Et puis, moi je
les ai beaucoup torturé car on a fait un projet en lien avec le design
pour tous, et là on apprend qu'ils sont deuxième leader
européen sur le marché, en fait (rires). Et là je lui ai
dit «Pourquoi vous ne le faites pas savoir ? ». « Ah bah non,
vous comprenez, si les autres ils le savent, ils vont embaucher un designer
», ma voix est tombée, je me suis dit « wow »É Il
faut bien se dire que y'a pas à Saint-Etienne y'a une mentalité
particulière, autant à Lyon on veut que ça se sache,
autant à Saint-Etienne y'a un syndrome où on fait des trucs c'est
superbe mais... ce qui fait qu'en terme de marqueurs, il se passe des trucs
étonnants pour les entreprises à Saint-Etienne mais alors, c'est
« o maire pas complète », alors la ville essaye de faire des
campagnes de com' pour montrer comment le design change le monde à
Saint-Etienne, c'est effrayant.
Donc dans les marqueurs, justement, la ville fait un gros
travail d'affichage sur Saint-Etienne change le monde, en présentant des
projets qui ont été développés par des entreprises
du coin, mais c'est toujours les mêmes entreprises.
· Pourriez-vous me donner des noms
d'entreprises qui utilisent les designers ?
Oui, Fab Outillage, alors on a quand même DPS,
Tollerie Forezienne, (euh) mais il faudrait contacter le pole communication de
la mairie qui sera ravie de vous donner tous les noms.
Voilà, on est quand même sur des bonnes
entreprises, y'a Verney Caron aussi, qui fait tout ce qui est armes, chasses,
etc. Donc sincèrement, il se passe des choses (rires) mais il faut
savoir que Saint-Etienne est la 2ème ville de France en terme
de densité de TPE-PME. Et voilà, c'est pareil mais personne ne le
sait ! C'est pas l'image que donne Saint-Etienne. Voilà donc il y a un
travail qui est énorme et ce qui est intéressant, c'est que le
design s'intègre aussi dans les écoles, y'a eu pas mal d'actions
pour aider les enfants, qu'ils soient acteurs de la remise en forme de leur
classe, dans une démarche design ; repenser des espaces de travail,
pareil au niveau social, y'a des choses énormes qui ont
été faites qui sont super intéressantes, notamment avec le
Rabais, où ça sert à rien de refaire les locaux si vous
savez qu'il y a une telle misère sociale autour que ce sera
flingué, là ils font de la co-conception avec les
adhérents ; les ados vont réfléchir, les adultes, ils vont
requalifier leurs espaces, et ça marche en fait, les gens sont fiers
après. Mais en même temps, y'a la dimension technique,
pratique
21
du designer aussi, donc c'est pas non plus un projet qui
vient comme ça « super on a refait le mur ensemble », c'est
plus pérenne.
Voilà donc ce qui est difficile est que
Saint-Etienne métropole est la ville qui communique beaucoup sur le
quartier créatif et la biennale, et, bon y'a eu la revalorisation du
quartier de la gare, on commence à, y'a des choses qui bougent
doucement, c'est une ville, faut imaginer, l'urbanisme de la ville, c'est comme
un costume qui serait trop grand pour son propriétaire. On a une ville
qui s'est développée d'un coup comme les villes
américaines champignonneuses et qui s'est vidé d'un coup, le bon
exemple c'est Detroit. Et on se retrouve en fait en terme de nombre d'habitants
et de battis, y'a un truc qui va pas. Voilà donc c'est une ville qui est
en transformation, nous avec nos adhérents on est en train de
réfléchir à des démarches en lien avec ce qu'on
appelle la slow city. Donc ça, on a une ville qui a un potentiel
énorme la dessus, après les choses se font après l'autre
et puis y'a pas beaucoup d'argent comme partout.
· Vous pensez du coup que la ville est
réellement en train de changer, de changer d'identité vers le
design ?
Alors, ça n'engage que moi ce que je vous dit,
parce que je n'ai pas tous les paramètres en moi. Il y a quelque chose
de particulier qui est en train de se développer sur la ville, en terme
d'échange entre les différents acteurs, je trouve qu'il y a
beaucoup plus de dialogue que dans pas mal d'autres villes où on
intervient. Donc ça c'est une réalité, qui a beaucoup
d'initiatives privées à Saint-Etienne qui vont dans cette
démarche de slow city, avec des gens qui vont se réunir, se
monter en association pour pouvoir se développer, une rue, un quartier,
soutenir de la création avec les éditeurs, c'est super, pour
pouvoir en faire des mouvements de liasse populaire, indépendamment de
la Biennale, où ils ont carrément bloqué le quartier, y'a
des défilés. Il se passe quelque chose. Après, la
dimension de pérennisation est un truc que la ville a beaucoup de mal
avec ça. J'ai fait mes études à Saint-Etienne, je suis
partie et je suis revenue, y'a des idées, y'en a partout, mais apprendre
à capitaliser et à aller jusqu'au bout, c'est une ville qui a du
mal à le faire. Wow super c'est génial, on arrête,
d'accord. (rires) Alors que sur Lyon, quand ils ont un truc qui marche ils
capitalisent à fond dessus.
· Est qu'est-ce qui fait que la ville change
d'avis ?
Il y a des ballotages de municipalités, je pense
que là dessus, on est super forts, et puis forcément ce que fait
le prédécesseur c'est pas bien, sinon ça serait trop
simple. Et puis en
22
fait c'est une culture, ce qui est amusant, on a une
culture à la fois très gauche (ça c'est le reste ouvrier)
et une culture droite catholique mais avec le côté « aides
», du coup on est une ville très très sociale, avec les
gênes de montrer qu'avec l'argent on peut faire des choses qui brillent.
Voilà, et c'est le fond du truc par rapport à Lyon, et que des
fois on a mis de l'argent sur des choses où les gens ne comprennent pas
à quoi ça sert, alors on va pas trop le dire. C'est
dommage.
· En tant que stéphanoise, j'ai
toujours entendu beaucoup de critiques sur la Cité du Design, au niveau
financier, et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas
trop...
Ce que c'est que ce machin, ouais en fait, après
voilà déficit de communication, la Cité du Design fait
beaucoup avec pas tant que ça. Quand on regarde ce que coûte la
biennale d'art contemporain sur une Biennale de design, ça se compte en
zéro. La Biennale du Design, c'est à peine la moitié de ce
que coute celle de l'art contemporain, et en terme de visites, Saint-Etienne
est au-dessus, ça c'est une réalité et ce qu'on a tendance
à oublier, j'étais en régie etc., donc la biennale de
design fait manger un paquet considérable d'artisans, d'entreprises
locales, ça faut pas l'oublier, c'est quand même pendant un mois
les hôtels qui sont un peu pleins sur Saint-Etienne, les restaurants qui
tournent, je veux dire, c'est pas tous les jours à sainté.
Souvent, je me méfie du bon sens populaire « à quoi
ça sert le design, ils nous font une expo ils nous montrent une
cocotte-minute », certes, le design c'est comme l'art, il faut avoir les
codes, c'est pas donné, c'est pas évident c'est pas fun. Et
après quand on retourne vers ces gens et qu'on leur présente le
truc, alors là ils trouvent ça génial, mais, je me
rappelle de trucs assez dramatiques dans La Tribune Le Progrès, «
avec le prix du steak qui a augmenté qu'ils nous demandent 4 euros
à La Cité du Design, bientôt on pourra plus nourrir nos
enfants » (rires).
Voilà je pense que si la Cité du Design
existerait ailleurs elle aurait le même problème, je ne sais pas
si vous avez suivi ce qui est arrivé au lieu du Design. A Paris, en fait
le lieu du design est en mission des accompagnements des entreprises comme la
Cité du design et ils ont une mission d'éducation, partager avec
le grand public, et en fait, pour des raisons purement politiques, ils ont
perdu toute la partie exposition, alors qu'ils ne faisaient pas ça avec
énormément de moyens eux non plus, et voilà, la tendance
c'est une espèce de, faudrait que tout ramène de l'argent tout de
suite, si on forme pas les gens...
·
23
Saint-Etienne justement c'est vu comme une ville
qui démocratise le design, est-ce que c'est vrai d'après vous
?
Oui oui, justement, l'historique que je vous ai fait tout
à l'heure, où y'a une dimension sociale qui est très
forte, c'est la ville de France où il y a le plus d'associations au
mètre carré, y'a beaucoup d'associations d'accompagnement
à l'insertion pour les primo-arrivants, c'est la force et la
fragilité de Saint-Etienne. Il y a quand même un contexte qui fait
que le design c'est de trouver des moyens efficients à couts
maitrisés. C'est ça qu'on a oublié... Oui, il y a des mecs
qui se sont éclatés dans les années 60, l'avènement
du plastique moulé, les entreprises étaient très
contentes, ont déposés pleins de brevets, et se sont dit c'est
cool mais qu'est-ce qu'on va en faire ? Faut aller chercher des gars, des
italiens, qui étaient des artistes purs, des beaux-ardeux, ils leurs ont
dit « bluffez nous », y'avait pas de contraintes économiques,
y'avait pas la crise pétrolière, et ils ont faits tout le
vintage, c'est issu de ça, ultra créatifs car il y avait aucun
cadre, et ce qui est amusant c'est que dans l'inconscient, c'est que le
designer est un créatif, fait des trucs bizarres oranges et ronds. Ce
design-là existe en marché de niche, mais c'est fini. Et je pense
que Saint-Etienne là où ils sont assez forts, c'est qu'ils
arrivent à montrer que le design peut s'intégrer sur des espaces
où on ne l'attendait pas. C'est là où je vous parle de
stratégie. C'est là où y'a des méthodologies design
qui vont permettre de casser la dimension silographique en entreprise pour
montrer que la compétence, ils l'ont en interne, c'est juste de
l'activer. Finalement, on est d'accord que c'est pas des choses qui sont si
chères que ça de réactiver des choses qui sont pas
présentes, et voilà mais c'est pareil, c'est pas... Le
problème du design comme on le pratique à Saint-Etienne, c'est
pas sexy. On n'a pas un super projet « ouah, regarde comme ça
brille, j'ai bossé pour la Roche Bobois ». Super, on est contents,
alors qu'il est en train de se passer, au niveau indépendant, et
ça va vite. Il y a trois ans en arrière, j'étais à
coup de fusil, quand j'allais au Club Gier (club de la sous-traitance de la
vallée du Gier), où c'était « ah elle va nous sortir
des mots de trois syllabes », des trucs très fins et subtiles comme
il peut y avoir dans le milieu de l'entreprise. Et puis aujourd'hui, ils sont
en train de développer des produits spécifiques avec des
designers et qui se rendent compte que c'est possible.
· Et d'après vous, tous les secteurs
des entreprises pourraient être concernés et travailler avec des
designers ?
24
Carrément. On a participé à la
démarche « design en résidence », c'est Alain Cadix qui
avait fait des démarches un moratoire sur le design à destination
de nos chers ministres, pour leurs montrer que nos entreprises avaient un
déficit culturel énorme par rapport au design, ils savaient pas
ce que c'était, ni à quoi ça servait... on est vraiment en
retard... Y'a d'autres pays on y'a longtemps que c'est activé, donc il a
expliqué ça, et puis ils ont cherché mais y'a toujours pas
d'argent sur ce qu'on pouvait faire pour inciter les entreprises à y
aller. La meilleure solution, ça a été d'aller dans les
clubs d'entreprise, ou dans les clusters, donc y'a eu des designers, 11
résidences au finales on en a accompagné 2, Mécaloire et
Numélink. Et en fait, par imprégnation lente, on s'est rendu
compte que ça marche super bien avec les entreprises. On peut pas se
mettre en ascendance, faut pas leur dire « mangez du design c'est bon,
voilà ». C'est vraiment être à leur côté,
leur montrer comment ça marche, etc, pour qu'en fait, elles se lancent.
Une fois qu'elles sont lancées, ça va de soi. En fait, elles le
voient comme un surcout, comme du travail en plus, c'est du travail mais
après c'est un gain de temps énorme. En fait les actions
très ciblées à destination des entreprises, ça
marche. Mais là, on retombe sur un truc, c'est passionnant mais c'est
pas sexy (rires), du coup ça fait pas partie des marqueurs du
territoire. C'est la toute l'ambiguïté.
· Et vous disiez qu'en France on est en retard
par rapport à certains pays ?
Ah ouais. Ouais ouais. En Allemagne en fait, les
designers sont mieux lotis qu'en France, parce qu'en fait y'a une culture du
design, de l'éco-conception aussi, enfin tout ça est un peu
imbriqué et voilà, si c'est plus beau, si ça se vend
mieux, pour eux c'est top. Ils ont le même problème en Angleterre
avec ça, où le design est intégré depuis
très très longtemps, et ça devient aussi des modes de
pensées. En Angleterre, en fait, ils ont moins ce problème du
« je suis chef, c'est moi qui décide ». C'est « j'ai
envie de faire un projet, je monte une équipe, à chacun son
métier. » donc forcément, le designer a toujours plus sa
place. En fait un designer, c'est quelqu'un qui est transverse. Donc en France,
il est perçu comme un emmerdeur alors qu'en Angleterre, il est
perçu comme un coordinateur (rires). Et pareil, souvent en France, ce
sont les coordinateurs de projet qui sont en lien avec les designers alors
qu'en fait, ils sont en contact direct avec les donneurs d'ordres, en tout cas
les chefs d'entreprise, pour faire avancer les choses, sinon c'est trop lent,
y'a des choses qui s'épuisent.
·
25
Et justement, est-ce que cette grosse
différence ne viendrait pas du mot « design » qui est,
d'après mes recherches, la définition du design est quand
même... subjective ?
Elle est fouareuse (rires). Non en fait, on est entre 2
mondes. Tous les anglais c'est vraiment design au sens dessin, ouvrage d'art.
Je vous donne un exemple, c'est Jospeh Paxton, qui a répondu un appel
d'offre que personne n'arrivait à répondre, il s'agissait de
construire 70 000 mètres carrés d'expositions pour une exposition
universelle. A cette époque, construire un édifice comme
ça en moins de 2 ans, on y arrivait pas. A la base, Paxton était
un ingénieur qui était spécialisé dans tout ce qui
était serres. Et euh, il a eu l'idée de construire une
espèce de construx avec des pièces ultra normées et sur le
principe du mécano, il a monté une serre immense en
réfléchissant à la circulation de l'air, des personnes. Il
y est pas allé tout seul, il s'est monté en équipes. Ca
c'est vraiment l'esprit design : « j'ai une problématique, je
lâche avec mes certitudes et ce que je connais, pour trouver des
solutions qui me permettront de ». Là c'est vraiment le design
à l'anglaise. Et à l'inverse, ce dont je vous parlais tout
à l'heure, les italiens, c'est génial, on a des brevets, on a des
machins, on y va, c'est design dessin, fais moi du joli coco, et si ca peut un
peu être ergonomique, c'est top. Du coup, le mot design, il est perdu
entre les 2. Et nous on le voit, quand on discute avec les
entreprises...
· Du coup dans le travail du designer, ce
qui est vraiment intéressant c'est qu'il place l'utilisateur au coeur de
la problématique ?
Oui il est tourné usages, tout à fait.
· Il y a une grosse dimension fonctionnelle
?
C'est pas que fonctionnel en fait. Votre cible, vous ne
pouvez pas comprendre son bien sans elle. Y'a des tonnes de trucs qui ont
été faits pour les personnes âgées qui ont des
malaises, le problème, c'est qu'il y en a qui supportent pas d'avoir des
trucs autour du coup, ni autour de la main, le problème c'est que les
personnes âgées qui ont des boutons comme ça d'alerte, dans
90% des cas, quand ils appuient dessus, c'est qu'ils souffrent de solitude.
Donc ça veut dire que les industriels ont pensé à un
produit qu'ils pensaient bien pour les personnes âgées
générales, et la réponse c'est que ça rassure
essentiellement les enfants et que ça n'est absolument pas adapté
à la cible. Donc une démarche design, ça serait d'observer
en fait, faire venir ces personnes là, faire venir les enfants ou en
tout cas leurs responsables, et en échange, de trouver un système
qui serait efficient. Aujourd'hui, si vous voulez faire fortune,
26
vous dites « voilà je fais comme le
réseau Orange, je fais un réseau d'alarmes que ce soit sur des
systèmes poignées, poitrine, canes, d'alertes », mais
ça coute 5 euros par mois. Aujourd'hui, un système d'alarmes
comme ça c'est 50 euros par mois par personne. Parce que tout est
éclaté, l'offre est super chère, donc les outils marchent
pas, mais le modèle économique derrière il écroule.
Donc voilà, c'est là où le design peut être
intéressant, mais faut avoir les reins économiquement pour
pouvoir le développer. C'est le job de l'entreprise.
· Tout à l'heure, vous m'avez dit
qu'il y avait une grosse différence entre Saint-Etienne et Lyon.
Pourtant, Lyon est à côté de Saint-Etienne, la ville aurait
intérêt à développer le design sur Saint-Etienne et
utiliser Lyon comme rayonnement ?
Le fonctionnement Lyon versus Saint-Etienne c'est un
truc, c'est comme les derbies de foot, ça revient
régulièrement. C'est voilà. A Lyon, y'a des entreprises
beaucoup plus grosses. Mais 75% de ses entreprises ne souhaitent pas se
développer. Alors qu'à Saint-Etienne, les entreprises sont
beaucoup plus petites, et elles vont encore se développer. La plupart
des entreprises se disent « qu'est-ce que j'aurais à
m'embêter à travailler avec des designers », je vous parle
crument mais les échanges que je vous sors, c'est des contacts avec les
CCI, avec les entreprises, et à Saint-Etienne, y'a beaucoup à
faire, car c'est des boites plus petites.
Utiliser Lyon comme rayonnement, bah non. Parce que du
coup c'est déjà assez confus entre nos 2 villes, et Saint-Etienne
a tout intérêt à dire « Nous on est les leader du
design » et que les boites viennent chercher de la compétence
à Saint-Etienne. Si nous on est en ouverture rhônalpine, c'est
pour ça, pour que le lead du design reste à Saint-Etienne. Ils
ont absolument pas envie que des gens voient ce qu'on fait c'est bien et le
mettent en place à Lyon. Je pense que Saint-Etienne joue pas mal, en
disant « nous on a le lead sur le design ». Ce qui est
intéressant, dans le cadre de la Biennale, ils avaient commencé
en 2015, ils vont refaire en 2017 en plus grand, c'est qu'il y a la partie
biennale, le noyau c'est Sainté et puis y'a la Biennale territoriale et
y'a des échos sur Lyon, et les alentours. Donc oui, on capitalise sur ce
qui se passe, après c'est des choix, faut pas oublier qu'on est entre
réalité économique et politique (rires).
· 27
Et Lyon avec « Lyon City Design »
?
Lyon City Design c'est une boite de com', c'est une
personne qui a mis ça en place, c'est une assoc'. C'est tout petit,
c'est une boite spécialisée communication qui a mis en place des
événementiels en lien avec le design. Alors là pour le
coup, on est sur du design un peu kawa. On est sur des trucs, un peu
différents. Ils ont appelé ça Lyon City Design... mais on
n'est pas embêtés.
· Finalement, Lyon et Saint-Etienne sont
différentes. Saint-Etienne a vraiment sa marque de fabrique. Lyon
ça serait plus dans le beau...
Oui voilà, faut pas oublier que derrière
Lyon City Design, c'est Fermob. Donc eux ils utilisent le design dans sa
dimension, ça fait plaisir, c'est joli, c'est un petit peu sympa pour la
planète, (rires), mais bon, je suis très méchante, mais
simplement c'est des problèmes de dissension entre les concurrents et la
manifestation. Montrer que c'est un outil de développement,
stratégique, et innovation, tout ça, nous on se retrouve à
faire des trucs,... Enfin voilà, le design a le droit de faire des trucs
sympas, c'est pas sa fonction première (rires).
· D'accord. Et en parlant d'autres villes,
en comparant avec d'autres villes, vous me parliez de Detroit qui avait le
même passé industriel que Saint-Etienne. D'après vous,
aujourd'hui, y a t-il une ville qui ressemble à celle de Saint-Etienne
?
Dans la liberté de penser, je pense à
Berlin. Y'a des énergies dans des côtés un peu pourris,
indus, des soirées bien sympas, alternatives, et tout, y'a quelque
chose. Y'a une dimension design mais c'est vraiment du free design. C'est pas
évident en fait, si je parlais de Detroit, Saint-Etienne s'est vraiment
développée structurellement comme une ville américaine. Ca
c'est une réalité urbanistique, mais ouais, après des
villes qui soient dans le même état que Saint-Etienne, y'a Lille.
Et ouais, Lille, n'a pas les mêmes soucis que nous, mais elle essaye
justement de développer la partie design, (euh) dans la volonté
de développement du design, mais là on joue pas dans la
même cours, c'est Nantes. En fait, le nombre de personnes qui viennent
pour y travailler par an, il est énorme, alors que nous, on est en
perte. Mais bon voilà, ils ont « Design In » à Nantes,
bon c'est l'équivalent de la Cité du Design et un peu de ce qu'on
fait, qu'ils développé des trucs super intéressants. Pour
l'instant, nous le Lieu du design, Lille Design et Design In, c'est les 3 lieux
qu'on suit de prêt en France. Après, y'a
28
Toulouse, y'a Montpellier, ils veulent tous faire du
design, c'est classe, pour moi c'est plutôt un positionnement politique
plus qu'une réalité.
· Dans un sens, Saint-Etienne a vraiment sa
marque de fabrique ?
Nous on a été vraiment précurseurs.
Bon après, comme tous les précurseurs, au début, on
bénéficie d'avance, et puis après, les autres qui ont du
retard peuvent regarder ce que les autres ont fait et partent directement avec
des trucs efficaces. C'est les ambiguïtés (rires).
· J'aurais une autre question, qui
élargit non seulement au design mais aux communautés
créatives, est-ce que d'après vous les communautés
créatives contribuent à renouveler la ville ? Sont-elles bien
représentées ?
Complètement. Ouais. C'est pas des gens justement
dans notre réseau, mais j'avais fédéré les off en
2015, c'est un petit regard transversal, quand je vous expliquait les gens qui
sont tournés céramique, textile, etc., se fédèrent
pour réinvestir un quartier, ou une rue, un immeuble (rires). A
Saint-Etienne, y'a pleins de trucs expérimentaux et ça tombe
super bien. Eux typiquement, les centres-villes, je parle pas de grandes ville
comme Lyon, Bordeaux, etc, mais ce qui arrive à Metz, à Bonson,
dans la plupart des villes moyennes françaises, les centres-villes
déclinent, à cause d'internet, etc. Il faut réinventer
quelque chose, donc les idées en petits efforts, c'est ce qu'essaye de
faire Saint-Etienne, d'où l'idée de la Slow City, des espaces
verts, des potagers dans la ville, des terrasses, slow city quoi. C'est de la
vie à valeur ajoutée.
· Donc c'est un peu l'orientation de
Saint-Etienne à l'avenir, la « slow city » ?
Bah ouais. Lyon c'est magnifique, mais Lyon en
centre-ville on crève, c'est asphyxié par les bagnoles, ce n'est
pas le même rythme de vie qu'ici (rires). Donc nous on a de la chance,
dans notre malheur, on a de la chance, on peut réinventer quelque chose,
les loyers ne sont pas chers. Donc je pense qu'il y a quelque chose qui est
très développé sur Paris, un peu du bout des lèvres
sur Lyon, sans doute plus à Marseille mais j'ai pas de recul, qu'il
faudrait développer, c'est tous les espaces de coworking, mais pas tenus
par des institutions mais qui soient tenus par des initiatives privées,
sympathiques, ça prend, ça prend pas, c'est compliqué la
France la-dessus, et je pense que Sainté, vu le travail qu'elle fait la
dessus, commence à avoir suffisamment d'expérience pour pouvoir
inciter des initiatives privées à se lancer et à avoir un
retour d'expérience. Et ça, ça fait partie des trucs tout
à fait positifs. Y'a beaucoup
29
de galeries, bon pareil, faut connaître quoi
(rires), mais ce qui est intéressant, c'est que dans la biennale, tout
ça sort de l'ombre. Les gens ont adoré la Biennale Off, en 2015,
car justement, c'est super créatif, y'en a de partout, mais c'est
caché, y'en a dans les arrières cours.
· La Biennale Off c'est... ?
Dans le cadre de la Biennale du design, y'a la partie In,
et puis y'a la biennale Off, comme à Avignon, et du coup y'a tous les
lieux, 80 lieux qui ont ouverts sur Saint-Etienne et alentours, ça
allait du « dans ma cuisine » et dans des anciennes friches indus, et
des trucs assez excellents (rires), c'est pour ça que je parlais de
Berlin tout à l'heure, car dans le côté un peu free, y'a
ça encore. Elle a une culture un peu underground.
· Je trouve que c'est vraiment caché du
coup...
Oui ce n'est pas du tout valorisé. Les
transformations de la Biennale ça permettra de plus capitaliser sur
cette richesse là.
· Donc il y encore beaucoup à exploiter
à Saint-Etienne ?
Oui, alors exploiter y'a pas de souci, mais à
pérenniser. Les initiatives privées, y'en a
énormément ici, mais c'est comment accompagner toutes ces
structures à aller la marche du dessus, après les choses se font
petit à petit.
· Pour revenir à vous, l'association
Designers Plus, quels sont les projets et ambitions futures ?
La conquête du monde (rires). Dans nos projets,
notre réalité c'est d'augmenter la part privée. On se
débrouille pas trop mal pour une association mais la
réalité c'est qu'on a des outils performants, mais on est en
train de réfléchir à des modèles économiques
de plus en plus indépendants, et d'être moins tributaire des
politiques, ça va de soi (euh). Donc ça c'est une
réalité.
En terme d'adhésion, on l'a en augmentation
très régulière, (euh) nos formations sont pleines, les
ateliers sont très bien suivis, c'est pas que vers nos adhérents,
sur le rhônalpin, y'a du suivi. Après, être stable
économiquement, embaucher de nouvelles personnes, encourager
l'innovation.
30
Pour l'instant, on est en pleine réflexion, on est
en âge de maturité, c'est pareil, on est en train de trouver les
outils pour passer la marche du dessus aussi. Après, je pourrais vous
dire plus d'adhérents, mais on veut surtout que nos adhérents
s'impliquent. On veut que les gens soient acteurs de leur devenir.
Je repense à un truc par rapport à Lyon, on
a des excellentes structures d'accompagnement d'entreprise sur Saint-Etienne,
et je suis en train de me dire que comme on est plus fragiles
économiquement, il faut que les gens soient mieux formés.
Finalement, il y a beaucoup d'outils qui ont été
développés par des assoc' type Talons Croisés qui font du
portage salarial ou des initiatives de la CCI. Finalement, c'est très
très créatif, enfin, c'est créatif d'un point de vue
économique et les formations sont de très bonne qualité.
J'étais surprise parce que sur Lyon, y'a des choses qui sont de moins
bonne qualité, parce que le contexte est plus cool autour.
C'est comme si nous, fallait qu'on fasse tout mieux
(rires), et la vie est plus dure. Donc ça c'est intéressant car
franchement je suis étonnée de l'engagement des chargés de
missions, des politiques enfin leurs salariés, qui développent
des outils assez étonnants. Ca aussi c'est pas valorisé (rires).
C'est extrêmement intéressant, les écarts de qualité
entre les différentes CCI, c'est assez énorme. Ce n'est pas super
objectif, mais dans le contexte, vous avez compris quelles sont les
nuances.
31
6 Entretien avec Nathalie Arnould, Design
Manager à Saint-Etienne
Métropole et à la
Cité du Design
En gros ce livre date de 2009, on venait juste de finir
La Platine et on devait expliquer pourquoi le Design à Saint-Etienne et
pourquoi La Cité du Design à Saint-Etienne. Dans ce livre, vous
avez pas mal d'information sur Saint-Etienne, on fait le lien historique entre
l'art et l'histoire, entre l'industrie et l'art, et l'activité
artistique en particulier, parce que en fait, vous le lirez dans le livre,
c'est important Saint-Etienne est une ville industrielle, de savoir-faire,
textile, vélo, mécanique, etc, et que la construction de
l'école des Beaux-Arts, et les besoins de cette école, qui
était municipale à l'époque, est venue à la demande
des industriels justement du textile notamment qui avaient besoin de
dessinateurs, qui avaient besoin de gens qui faisaient des esquisses, des
dessins, il y avait d'ailleurs une serre, où l'école était
avant 2009, où il y avait des végétaux, l'objectif
c'était d'avoir des gens qui savent dessiner, de la matière, de
la couleur, les végétaux, donc pour nous, c'est comme si
c'était le fondement même du design pour donner forme à un
objet, un produit ou concept. C'est presque l'histoire même du
design.
Donc ça veut dire que le lien art et industrie, il
existe depuis toujours. Le vélo, les armes, le textile,
évidemment avec la crise et puis le changement technologique fait que
maintenant on utilise d'autres matériaux et on va vers d'autres enjeux,
mais il y avait un côté art, artisanat et savoir-faire, un lieu
fort.
· La ville a finalement toujours du innover
?
Complètement, vous parliez un petit peu de l'image
de la ville et du territoire de la ville. Il faut voir comme s'est construit
Saint-Etienne, dans un axe Nord-Sud, avec le Crêt de Roc et notamment des
endroits où on faisait le textile à la maison, où les
maisons étaient avec des grandes fenêtres parce que les dames
travaillaient à l'intérieur de ces maisons, donc ça touche
la structure même de la ville. Et puis après il y avait le
quartier des manufacturiers, ceux qui faisaient les armes, notamment, puisqu'il
y avait des armes pas seulement à la
32
Manufacture d'Armes qui était le plus officiel,
d'Etat, mais il y avait aussi des petites manufactures d'armes, familiales,
dans des usines et c'était côté Fauriel par exemple. Il y a
pleins d'usines qui sont devenues des lofts finalement, ou des ateliers
d'architectes d'ailleurs, voilà donc c'est sûr que
l'activité industrielle a complètement construit la ville. Elle
s'est construit autour du Furan, le long du Furan, qui était le fleuve
fait pour la mécanique, pour les fours, et puis la Mine,
évidemment avec tout ça bien avant, donc nous on fait remonter
ça et on raconte tout ça dans ce livre, qui permet de dire aussi
que c'est quelque part l'ADN de la ville de Saint-Etienne, la
créativité, les petites entreprises, le lien entre les petites et
les grandes entreprises, le lien entre la culture, et les habitants et le
patrimoine, c'est un vrai écosystème de création, on titre
souvent le mot écosystème de création, ou
écosystème innovant.
On pense la ville comme ça quand on pense la
Cité du Design. La Cité du Design est venue là parce qu'en
1998 l'Ecole des Beaux-Arts, je suis issue de cette école, je suis
designer, et donc à l'époque, on avait un département Art,
Média et Design, dans les années 86, est arrivé le terme
de Design et de Département Design est assez récent en France, on
parlait de design déjà beaucoup aux Etats-Unis et dans les Pays
Anglo-Saxons, en formation, ça a existé mais il n'y avait pas
d'Ecole de Design, ou alors en 84 je crois il y avait à Paris Les
Ateliers, l'ENSI, qui est vraiment une Ecole de Design industriel. Mais le
département Design de ces écoles des Beaux-Arts c'est
officiellement mis en place en 86, pendant mes études.
Ca ne s'appelait pas Design, mais Environnement
(rires)... J'ai fait des études d'Environnement. C'est en fait comment
les artistes, l'activité créative peut améliorer le cadre
de vie des habitants, mais d'un point de vue presque paysager, architectural,
voilà, on était pas loin du design mais c'était pas
très clair, le design est venu pour vraiment rapprocher les choses vers
la notion d'usage : de quoi avons-nous besoin pour vivre ?
· Justement, en parlant de design, j'ai entendu
pleins de définitions... Oui, c'est difficile de
définir le design.
· J'ai l'impression que c'est assez
subjectif et qu'on a banalisé le mot, pour dire « c'est design
», pour un style moderne etc...
Oui, c'est ça, contemporain... Alors le design
pour nous, on fait presque référence à la notion
plutôt latine de la racine du mot design, qui serait plutôt le
« dessein » (rires), le projet. En fait c'est un outil de conception,
une méthode de conception, c'est un processus de conception, c'est
concevoir. Alors, après, effectivement, le dessein s'intéresse
plus
33
particulièrement pour nous, à Saint-Etienne,
à créer un univers, un objet, un service, pour la personne. C'est
pour le différencier un petit peu avec quelques concepteurs autres qui
existent qui sont les architectes, les urbanistes, ou les paysagistes,
voilà, mais on a la même formation générale qui est
l'idée de « concevoir pour ». L'architecte ça serait
« concevoir pour abriter », euh, tandis que nous on est plus proche
de l'usage de l'objet, du service, pour vivre tous les jours, manger
dormir...
· Mais un architecte ne peut pas être
qualifié de designer ?
Si, dans les pays anglo-saxons, on mélange tout.
Mais oui, pour moi, un designer, la partie intéressante du design, c'est
la partie conception, mise en projet. Voilà, après effectivement
quand on est designer, on fait de l'aménagement urbain, en
général on le fait pas seul, on le fait
généralement avec les urbanistes. Les architectes ont quand
même une discipline qui est très codifiée, qui est
définie, on fait une structure, mais le designer la dedans il est plus
proche des besoins de l'homme, du service.
· D'accord, en somme il y a une visée
fonctionnelle ?
Voilà, on est dans le fonctionnel. On fait quelque
chose pour une fonction, pour répondre à un besoin, pour proposer
de nouveaux usages, et puis évidemment on s'appuie sur des tas de
compétences que doit acquérir le designer, notamment une culture
générale, une culture un peu large aussi qui croise la
sociologie, qui croise la technologie, être au courant en fait d'à
peu près tout, sans être expert de tout. C'est important.
Après on se spécialise, y'a des designers qui sont ergonomes, ou
designers graphistes par exemple la couleur et la forme, la typo, etc.
Après on a des spécialisations mais c'est quand même au
départ une formation assez généraliste, c'est comment
donner forme à des idées, qui vont répondre à un
besoin.
· Un designer finalement, peut intervenir de
partout ?
Oui, c'est ce que je vais vous montrer. Il intervient
à tous les niveaux. Ce qu'on voit c'est la partie visible de l'iceberg
en fait, évidemment quand on voit une bouteille en plastique devant
nous, elle a forcément eu un travail de design, et on voit la forme
qu'elle a, c'est le résultat, ou la belle chaise qu'on voit dans les
catalogues. Mais derrière tout ça, y'a tout le processus, «
pourquoi cette chaise ? », « pourquoi cette forme ? », comment
ça répond à une demande d'industriel, c'est tout ce qu'il
y a derrière qui est vraiment intéressant. Un designer en fait
travaille avec un cahier des charges, très spécifique. Et
après, il peut répondre à toutes les
34
demandes. J'ai des designers qui font de
l'aménagement de l'espace, je vous mettrais le lien sur le site de la
Cité du Design, vous pouvez aller voir « Design Map », qui une
plateforme de designers de la région, Rhône-Alpes Auvergne, c'est
plusieurs choses, ça a été à un moment donné
un événement, qui nous servait à montrer qu'il y a des
designers qui sont sortis de l'école, qui sont installés sur le
territoire, qui ont des savoirs faires, qui ont déjà des
expériences avec des entreprises, des collectivités,
etc. et pour montrer leur
travail, à un moment donné on s'est dit qu'il fallait faire un
annuaire pour faire connaître ces designers : c'est la partie de
promotion de la Cité du Design, par exemple. Pour montrer toute la
richesse du territoire, en terme de prestation du design. Donc ca s'appelle
Design Map, dont le collectif Designers Plus est adhérent. Et on a
crée un réseau qui s'appelle le Co-Design et qui rassemble tous
les designers de la Région Rhône-Alpes.
Voilà donc si on revient juste à
l'historique et à Pourquoi le design à Saint-Etienne, l'Ecole des
Beaux-Arts, l'Art et l'Industrie, une école des Beaux-Arts qui prend le
pas du Design comme beaucoup d'autres écoles en France, mais à
Saint-Etienne, ça a une répercussion beaucoup plus forte, parce
qu'on a un tissu industriel proche, parce qu'on avait une municipalité
et un exécutif qui était à l'écoute d'une
perspective d'attractivité du territoire auxquels ils n'avaient pas
forcément pensé mais qui pouvait prendre sens, et donc,
là, on raconte cette histoire, donc Jacques Bonnaval qui était
directeur à cette époque de l'école des Beaux-Arts, Michel
Thiollière qui était le maire de l'époque, ont
échafaudé ensemble, on se disant que finalement que tous ces
étudiants que l'on avait dans cette école d'art et design,
comment on faisait pour capitaliser et sur cette formation, les garder sur le
territoire et faire connaître le métier, et la pratique de design.
Et donc l'Ecole des Beaux-Arts a été la première à
créer une revue Azimut de Recherche sur le design, un post
diplôme, une 6ème année d'étude qui
permettait de faire le lien entre ce qu'on apprend dans l'Ecole et le milieu
Industriel, à l'époque il n'y avait pas les notions de formation
par alternance, donc c'était un peu cette 6ème année qui
permettait de rencontrer des futurs prescripteurs designers. Pour ouvrir la
perspective de métier, pratique.
Et puis, en même temps, progressivement, il y a eu
l'idée de faire un événement international, tout de suite
qui est la Biennale Internationale du Design en 1998. Voilà, qui a
été un gros succès, très vite, au delà de ce
qu'on peut imaginer (rires). Et qui l'est toujours.
Et on arrive à la 10ème biennale
en 2017. C'est un événement qui arrive tous les deux ans, on est
un événement jeune dans ce milieu là. Des
événements entre le design, le savoir-faire entre
créateurs et entreprises, c'est plutôt des
événements d'ordre économique. Il y a à
Paris
35
par exemple le Salon du Meuble, qui est bien plus ancien,
et puis surtout à Milan, qui est le plus connu, le Salon du Meuble de
Milan. Mais voilà, c'est un secteur Meuble.
Nous, on a commencé par ce secteur là, car
c'était le secteur qui était une évidence pour tous les
designers, et puis très vite, dans le cadre de cette formation et
d'Azimut, on est allés à la rencontre des entreprises locales,
notamment qui c'était reconvertie en textile innovant, optique, enfin
avec l'aide de la CCI d'ailleurs, qui était partenaire, souvent. On
s'est rapprochés de l'industrie du territoire, pour ensemble,
échafauder un rapprochement, ça a pris du temps (rires),
ça a vraiment commencé dès la première Biennale en
98. Et même à partir des années 90 je dirais. On a
commencé vraiment de se rapprocher des entreprises.
· Pour revenir un peu à la
Cité, qu'est-ce qui selon vous a fait naitre cette Cité du Design
? C'est une politique ?
Oui c'est une politique, parce qu'il fait aller chercher
des moyens (rires), des leviers politiques. C'est raconté dans ce livre.
En 1998, on fait cette Biennale, elle a du succès tout de suite. On se
dit tout de suite qu'on repart sur une autre Biennale, on a eu un soutien
très fort de la part de la Ville de Saint-Etienne qui quand même
finance à cette époque-là, je pense 90% de
l'évènement. Donc oui ça a été un choix
politique très fort. Après Michel Thiollière, et le
travail des élus, c'est sans doute aller chercher des soutiens au niveau
de l'Etat, et au niveau du ministère de la culture, puisqu'on
dépend du Ministère de la Culture, en tant qu'école d'Art
et Design et non pas d'industrie, même avec le Design.
· Pour en revenir brièvement à
la Cité du Design, quelles sont ses missions principales
?
La Cité du Design, c'est un EPCC : Etablissement
Public de Coopération Culturelle, donc qui comprend dans la Cité
du Design on a un Directeur Générale de la Cité du Design,
et dans cette Institution, il y a
- Une école, la formation et un Directeur de
l'Ecole,
- Et ensuite on a toute l'entité Cité du
Design qui fait, on va commencer par l'entreprise : un pole relations avec les
entreprises, qui justement a pour objectif de faire la promotion des pratiques
du design auprès des entreprises, entreprises au sens large (entreprises
et designers). Ils aident aussi les designers à trouver des entreprises,
à se mettre en statut autoentrepreneurs ou en entreprises, à
développer leur activité et à la valoriser.
36
- Après on a le pole Recherche, là qui est
en fait, une démarche prospective sur le design, c'est important, le
design c'est toujours quelque chose qui fait qu'on produit pour le futur, et en
permanence en besoin de veille, de démarche de réflexion, sur
tous les sujets donc le département Recherche il travaille sur beaucoup
la notion sur les enjeux de société. Les questions
environnementaux, la pauvreté, les enjeux énergétiques par
exemple, le véhicule de demain, les nouvelles technologies, les data,
tous ces enjeux qui sont là, et dont on a besoin de comprendre, la
recherche permet d'associer une école d'art et design, une entreprise,
on est répond à des appels à projet européens dans
ce cadre là, on travaille avec des entreprises qui ont les moyens
d'avoir une recherche, notamment par exemple Philips, pour Orange, La Poste, on
en a fait pour les Grands Comptes. Et puis ça permet de faire
connaître et de rendre la Cité du Design extrêmement
importante à un niveau scientifique, voilà
- Et un autre pole, (rires) il y en a plusieurs, un pole
Territoire, donc moi je suis Design Manager au service des collectivités
de la Ville de Saint-Etienne Métropole. C'est à dire qu'en fait,
j'ai un poste comme un Design Manager dans une entreprise (Décathlon,
Orange), toutes les entreprises ont un design manager, mais qui sont les chefs
d'orchestre de l'innovation ou de la stratégie d'entreprise, en fait je
fais du Management de projet par le design, pour innover. Et avec des
designers. Je fais des cahiers des charges pour mettre du design dans la
commande publique par exemple. Et mettre du design dans l'espace urbain,
l'équipement public etc. Les maitres d'ouvrages, les commanditaires pour
ma mission c'est vraiment la collectivité et c'est pour le service
public, je ne travaille pas pour Casino quoi. Les piscines, les stades, les
écoles, l'espace urbain... On reviendra un peu dessus
après.
- Ensuite, on a un pole Relations Internationales qui est
très important, qui est mutualisé entre l'école et la
Cité du Design, parce que c'est très comment dire, la relation
internationale c'est à la fois pour les échanges pour les
étudiants entre écoles (Erasmus etc.), mais c'est aussi pour
nous, la Cité du Design, valoriser les actions, la Biennale
Internationale, créer des Programmes Européens, c'est Josyane
Franc. C'est elle qui notamment a déposé le dossier pour
être Ville Créative Design Unesco. Donc là, c'est le
dossier réduit, c'est un résumé pour expliquer, en fait
pour obtenir cette désignation qui n'est pas un label, c'est pas un
patrimoine, c'est le Réseau Unesco des Villes Créatives, elle en
sait plus sur ce Réseau et quelles sont les enjeux. Par contre c'est
vraiment valorisant pour une ville d'avoir la petite maison de l'Unesco
à côté de son nom, voilà. Parce qu'on sait que c'est
une valeur et il fallait
37
qu'on réponde à des critères,
notamment qu'on est un événementiel, qu'on est une école
d'Art et de Design, et qu'on mette en place une politique d'action et de
promotion d'intervention de designers. Tout ça, on l'avait
déjà, avec la Biennale, et c'est ce qui est expliqué
là.
Alors pourquoi on est rentrés dans ce
réseau ? On en a pris connaissance grâce à la Biennale
Internationale, le levier vraiment du changement de Saint-Etienne, c'est cet
événement fédérateur qui fait que y'a des gens qui
sont venus à Saint-Etienne, alors que la destination de venir à
Saint-Etienne, à part pour le foot, y'en avait pas, voilà, mais
ça par contre le foot ça marche (rires). On dit qu'on vient de
Saint-Etienne, c'est un très bon attracteur. Mais voilà c'est un
attracteur supplémentaire qui permet en plus de faire du
développement économique, développement des entreprises
créatives évidemment, voilà. Et donc là,
c'était vraiment l'occasion de mettre à plat, dans ce livre, et
puis juste après avec ce livre dans ce document, pour les villes
créatives Design Unesco, l'occasion de fédérer tous les
acteurs autour de cette démarche, politiques, des institutions qui sont
aussi régionales et notamment la Région Rhône Alpes qui a
été l'une des partenaire important dans le projet grâce
à sans doute l'action de nos politiques, et qui en fait en 2009-2010, a
créée pour nous un Grand Projet Rhônalpin, c'est à
dire pour la Région Rhône-Alpes, le grand projet rhônalpin,
c'était à l'échelle d'une région comme la
Région Rhône-Alpes, on peut aider et soutenir des attracteurs du
territoire, qui bénéficient par simplement à leur
territoire mais à la région. Par contre c'est
financièrement qu'ils aidaient, donc en gros ça a permis de
créer et financer la Cité du Design, aidée par l'Etat, le
Maire, la Région, les Institutions, le triptyque. Et tout ça
c'est fait, il faut constituer des programmes, des projets, il faut
écrire, faut dessiner quelque chose qui n'existe pas, être
innovant, je suis pas sure que de nos jours avec la crise actuelle, ce genre de
projet si on le présentait au Ministère de Culture, on aurait
autant de moyens débloqués... C'est pas sur que s'il fallait
refaire la Cité du Design maintenant... Donc en fait c'était une
bonne concordance de temps.
Les années 2000, on a réussi à faire
venir des Ministres, chaque année on accueille des ministres (premier
ministre, il y a eu le ministre de la culture, de l'industrie), chaque Biennale
il y a au moins 4 ou 5 ministres, ce qui fait que pour un
événement comme ça et quand on amène un ministre,
on voit des belles choses, on voit de l'énergie créative, c'est
une démarche complètement positive. Le levier, ça a
vraiment été la Biennale Internationale.
·
38
Et puis de ce que j'ai su par Gaëlle
Subileau, la Biennale apporte vraiment à la ville. La ville
vit...
Oui alors, ça c'est pas venu tout de suite
(rires), mais maintenant, tout le monde s'est approprié la Biennale, on
est à la prochaine édition de 2017, on travaille en partenariat
directement avec les villes qui sont voisines, de Saint-Chamond, Firminy, etc.,
ils viennent nous voir pour construire une Biennale, pour le faire à
l'échelle du territoire.
· L'idée c'est de la faire raisonner
?
Partout ! Même à Lyon, et à Clermont
maintenant car on est région Auvergne-Rhône-Alpes, et même
au Puy-en-Velay, puisque notre nouveau président de la Région,
c'est Laurent Wauquiez, il est au Puy, et la dernière fois il a
déjà participé à la Biennale en proposant un lieu
d'expérimentation pour une exposition. Donc c'est vrai que c'est devenu,
et c'est quand même à l'initiative de nous, au départ, mais
la Région Rhône-Alpes a été un très gros
soutien à partir de 2007 où le contrat a été
signé me semble-t-il. Ca a été un dispositif qui nous a
beaucoup aidé, qui nous a permis de développer la mission du
design, la mission du design c'est d'abord la sensibilisation à tous les
publics, du coup, on a cet événement Biennale tous les 2 ans,
mais on a aussi les lieux d'exposition à La Platine, que vous connaissez
sans doute, et on fait de la Médiation au Public, on travaille beaucoup
avec le milieu scolaire, avec le CDDP (Centre de Documentation
Pédagogique), pour former les enfants à la notion de conception,
de qualité de vie, avec pleins de thématiques...
· Ce sont des écoles de la région
?
Pour la Biennale, c'est toutes les écoles de
France, et après on est pole référence, le CDDP,
l'Education Nationale a créée des pôles thématiques,
je crois que Marseille c'est la danse, et nous, on est sur le Design : on est
les référents national pour la formation des enseignants sur la
question du design.
· Et un rôle important de la Cité
est de démocratiser le design ?
Oui, tout à fait : c'est quoi le design ? Pour qui
? Ca sert à quoi ? Le design c'est partout, c'est tout. C'est simple en
même temps, puis après on a pleins de démarches
participatives, on a des ateliers pour enfants, etc. Pour faire ce
côté sensibilisation, il y a tous les publics : c'est le grand
public enfant et public famille, mais c'est aussi le public professionnel, car
il y a des tas d'entreprise qui ne font pas appel au design, car ils ne savent
pas encore ce que
39
c'est, ils sont plutôt côté marketing,
communication, ou (euh), en fait ils l'ont intégré mais un petit
peu à la fin du processus pour faire une carrosserie un peu belle, alors
qu'ils pourraient s'en servir comme outil de stratégie en
fait...
· Avec la démarche design
?
Voilà. Oui. Donc on travaille beaucoup, ça
c'est ma collègue Isabelle, qui travaille la dessus. C'est une autre
façon de penser, le design pour nous, c'est vraiment associer les
usagers dans la conception d'un produit. Voilà. Le mettre au coeur. Se
mettre à la place de. Il y a une notion d'empathie, ça a
d'ailleurs été l'objet d'une Biennale. On a le designer, c'est
quelqu'un d'intuitif, de cultivé normalement (rires), il y a une part
d'intuition, évidemment créatif, et (euh) il y a cette part de
d'empathie. Se mettre à la place, à la fois du commanditaire,
c'est normal, parce que quelque part on a quand même un cahier des
charges, une mission qui nous est donnée, après, si on peut
l'aider à reformuler, à formuler, à repréciser son
idée, parce que parfois il a du mal à la définir. Le
design peut aussi aller un peu plus en amont pour formuler un peu la
proposition. Un exemple, (hum), on a travaillé avec Tigex y'a pas mal de
temps déjà, qui fait les biberons, tous les ustensiles pour la
maternité, et en fait ils sont un peu spécialistes dans le monde
entier, on les voit partout, on leur a proposé de faire un test avec
nous de ce qu'on a appelé les Laboratoires d'Usages et de Pratiques
Innovantes, en leur disant que peut-être on pourrait prendre du temps,
sortir de l'entreprise, et vous posez la question de quels sont les nouveaux
modes de vie, parce que (euh), on se dit que quand même, enfin, y'a des
tendances notamment dans les pays du Nord, où on utilise de moins en
moins d'ustensiles, et en plus il y a eu la phobie du bisphénol, qui a
fait qu'on a peur de donner du plastique à nos enfants. Ca a
été un effet direct sur les ventes. On s'est dit «
peut-être vous devraient penser à créer des objets, soit
s'orienter vers des services, remettre en question votre marché quoi
». Voilà. Et donc ils se sont prêtés au jeu, je ne
peux pas vous dire les livrables mais ça leur a fait du bien, parce que
du coup ils avaient oublié qu'effectivement, les biberons,
peut-être qu'il fallait, en changeant les couleurs et la forme, c'est pas
ce qui allait à un moment donné, du coup ils ont
développé beaucoup plus d'ustensiles autour du repas, par
exemple.
· Donc le design est là aussi pour faire
réfléchir.
Ben oui, sur le marché et sur les nouveaux modes
de vie, dans 5 ans, dans 10 ans, ça dépend des latitudes des
prospectives qu'on peut faire, mais voilà, faut toujours être un
peu, pour être innovant et sur un marché, une niche de
marché, être le premier. Et parfois les entreprises
40
n'ont pas le temps de sortir de ce processus de
production. Donc en fait, on leur propose un système qui est en fait
très court, c'est 3 rendez-vous, on a des designers, on les met dans des
situations où on les met prêt des usagers, ceux qui utilisent ou
pas leurs produits, parce que c'est toujours bien, en général, on
se pose pas forcément la question, même s'ils ont un service
après vente, mais c'est très mécanique ce genre de chose.
Quand les concepteurs, les ingénieurs et le directeur de l'entreprise va
directement voir une famille et que la famille est très écolo,
donc du coup, euh, le plastique, c'est fini. Ils en sont à mouliner les
légumes, j'en sais rien, je dis n'importe quoi mais ils ont
peut-être pensé à d'autres genres de choses.
Voilà. Je vais un peu trop loin dans le
détail mais c'est comme ça qu'on construit de nouveaux projets,
produits, systèmes et puis, on en était à l'autre (euh),
sensibilisation et production d'événement. Donc ça c'est
essentiellement les Biennales et les Expositions. Voilà. Et puis, le
dernier pole qui est aussi un Pole en mutualisation, c'est un pole de Services,
c'est la Communication, là on fait de la communication pour raconter ce
qu'on fait tous les jours, on fait des éditions, ces outils là,
par exemple là c'est un moment sur « Ville Créative, Design
Unesco ».
· Ces documents sont communiqués
à qui, où ?
Alors on le fait selon nos cibles. Pendant la Biennale
pour parler de Saint-Etienne en terme de design, on le fait quand on va
à l'étranger quand on va rencontrer d'autres villes
créatives, on fait des outils pour les entreprises pour les aider
à intégrer le design, je vous ferais voir des exemples. On le
fait, c'est très variable (rires).
· D'accord, et au niveau du grand public
?
Alors on a fait un City Guide, on fait des choses plus
simples au niveau du Grand Public. On fait en sorte que ça soit gratuit
(rires), on avait fait ça une année, malheureusement on ne l'a
jamais renouvelé, c'était un espèce de petit City Guide,
ça a été le premier, qui date de 2008 déjà,
et depuis, on en a fait, il n'y a pas eu de City Guide spécialement sur
la partie Design mais on en a fait un peu plus larges.
· Dans le City Guide justement, on ne parle
pas trop de la partie Démarche Design, c'était pas l'objectif
?
Non, c'était vraiment pour découvrir le
design dans la ville. De manière plus concrète, pour montrer
comment voir les choses de design. On a toujours l'idée que le design
(rires) c'est
41
quelque chose de beau, coloré, etc., donc, les gens
qui viennent dans une ville, ils s'imaginent voir une ville design, pour dire
le terme, et c'est un peu délicat, car finalement, une ville design,
ça n'existe enfin, elles sont toutes design. Sauf qu'il y a des designs
qui sont peut-être de mauvais gout (rires), tout simplement, ou, on a
fait plusieurs démarches dans le cadre notamment pour mettre du design
dans la ville, dans le cadre de mes missions. Par exemple, lors de la Biennale,
on met des objets dans l'espace public, qui ont été crées
par des entreprises et des designers, pour les tester, c'est des prototypes, et
puis, ça a une vocation pour être en fait, analyser, et, est-ce
que ça répond bien aux usages ? C'est vachement
intéressant, du coup, parce qu'on teste dans l'espace public, des
produits d'entreprise qui seront dans des catalogues après.
Voilà. Donc là on avait quelques exemples.
· Et là, ce sont des étudiants
qui ont fait ça ?
Alors, non, non. Ce sont des professionnels, des
entreprises, des designers qui sont déjà sortis de l'école
et qui proposent des prototypes, voilà. Sauf que toute entreprise, quand
elles font du design, avant de lancer un produit sur le marché, elles
font d'abord un prototype, c'est le processus du design. Pour voir si ça
correspond bien au cahier des charges et aux usages, auxquels on pense, «
est-ce que le bouton est mis au bon endroit, est-ce que c'est facilement
manipulable ? », et on passe par un prototype, c'est à dire par la
forme. En fait pour le design, y'a le design, y'a dessein, et le dessin. La
forme, on rend formelles les idées, et ensuite, on fait un prototype,
une maquette, ça dépend des termes qu'on peut utiliser. Et une
fois qu'on a fait cette maquette, on la met en teste, on l'essai, on la fait
tester par des usagers, on les met en situation, et ensuite, ça revient
dans l'ingénierie de l'entreprise, et on améliore. Après
on fait un autre prototype, on le re-teste, etc. Avant que ça passe en
production pour un marché, on peut avoir deux, huit ou dix prototypes,
ça dépend des objets, et oui ! Donc on se dit, l'espace public,
euh, et même l'espace public et la collectivité locale, surtout
avec ces périodes où on a des budgets qui sont restreints, on se
dit que plutôt d'acheter sur papier ou sur catalogue des objets qui
finalement on est pas sur de la qualité, on se dit de pourquoi pas
essayer de tester les produits des entreprises, et après
d'améliorer en fonction du marché qu'ils veulent atteindre. Donc
on a fait des démarches comme ça.
On a fait aussi des démarches très
participatives, ou dans un quartier, qui était dans un coin de rue,
où y'a beaucoup d'incivilité, des déchets permanents etc,
dans un quartier en reconversion, plutôt quartier populaire, on a mis des
designers en immersion, ça s'appelle une démarche design dans les
quartiers, euh, c'est à dire qu'on leur a demandé pendant
un
42
mois d'observer le quartier, d'aller à la rencontre
des habitants avec les méthodes qu'ils voulaient (donc soit ils
faisaient des enquêtes, soit ils prenaient des photos, soit ils faisaient
des dessins et discutaient avec les passants, voilà) et donc, les
designers qui ont fait ça, issus de l'Ecole, ils ont rencontré
beaucoup de personnes du quartier plutôt âgées, venaient du
milieu rural, de la Haute-Loire, etc., et en fait ils disaient que
c'était dommage, y'a un arbre là, c'est dégoutant,
personne y va parce que c'est salle. Et puis en même temps, elles ont
racontées leur passé rural, la montagne, le rocher, et tout
ça, et du coup, les designers ils sont venus en leur disant « si on
faisait descendre un gros rocher de la montagne dans votre parvis et qu'on
fasse venir le végétal, on fait ça en bois, ça a un
côté éphémère », on avait un budget
ridicule, voilà et puis faire quelque chose comme un petit objet de
poésie quoi, mais qui a aussi la fonction d'être un banc, c'est un
jeu pour les gamins, et ça, ça se fait en co-concevant, pour
faire le concept, on le faire avec l'échange des habitants. Avec la
créativité, avec les histoires. Par contre, le designer c'est lui
qui arrive, alors les dames du quartier, elles étaient super contentes,
le rocher est descendu du Pilat, c'était super. Et depuis cet espace,
y'a plus de déchets, bon il est un peu tagué, ça fait
déjà 3 ans qu'il est dans l'espace public.
Et puis par exemple, les premières
expériences design avec la Collectivité Saint-Etienne
Métropole, ce qu'on a fait, c'est donner une identité aux trams
de Saint-Etienne. Donc on a fait intervenir des designers qui ont fait une
identité graphique qui se décline maintenant sur tous les
supports de mobilité de Saint-Etienne, le tram, le bus, les arrêts
de trams, les vélos, etc. On a même fait dessiner un tram pour la
prochaine livraison de rames de trams, on est en train de travailler sur la
ligne 3 du tram, avec des designers ; on va très très loin dans
les designers comme création d'identité, d'une identité
stéphanoise.
· Comme création ?
On les utilise vraiment. Oui, j'ai fait une centaine
d'appels d'offres dans la commande publique où je demande la
présence de designers pour concevoir avec des designers, et qui sont, en
plus, les designers vont souvent chercher des entreprises qui sont pas
très loin. Ils commencent à connaître bien le territoire,
ils s'imprègnent du savoir-faire et de la culture. Donc quand on
reçoit les appels d'offre, on a souvent une qualité des offres
très intéressante, qui fait qu'en plus, ce sont souvent des
entreprises locales et des designers locaux. Pas à 100%, parce que les
appels d'offre, c'est ouvert, mais la qualité des offres, c'est
économiquement très intéressant. Ca développe
l'économie locale, le circuit court. Voilà.
43
C'est le but. C'est pour ça que ça change,
votre question était sur la reconstruction d'une identité
territoriale, voilà, c'est redonner les valeurs de savoir-faire
ancestral parce que l'histoire de la ville de Saint-Etienne s'est fait sur le
textile, le velours, la dentelle, il y avait les dentelières, la
mécanique, voilà, elle s'est fait sur le savoir-faire des
mains.
· C'est ce qu'on veut communiquer encore
aujourd'hui ?
On pense que c'est comme ça qu'une ville peut
être résiliente. C'est une ville qui se construit sur son
potentiel, ancien, et nouveau. Et on essaie de faire ce lien entre un
artisanat, un savoir-faire mécanique, technique et le design qui va vers
une projection, vers le futur. Voilà. Donc évidemment, on a mis
du design dans les hôtels, des démarches de rénovation
d'écoles participatives, des objets de la Biennale 2015, pour donner de
nouveaux usages à la ville et puis surtout, montrer que notre ville a
des objets qui correspond à l'image du territoire qu'on doit se faire,
un territoire créatif. On met beaucoup de moyens et d'énergie
pour ça.
· Justement dans les projets et ambitions
futures, c'est de continuer là dedans ?
Oui, la, le Maire, Gaël Perdriau, le met comme axe
structurant. Il a lancé une campagne de communication depuis qu'il est
ici qui s'appelle « Saint-Etienne change le Monde », en
réaction à l'article du Monde, justement c'est drôle quoi.
En fait c'était même pas prévu, mais il se trouve que le,
l'article du Monde est sorti, la campagne était déjà
prévue (rires). Et là on est à Milan, dans le cadre d'une
exposition, la ville des designers et de l'industrie créative, vraiment,
et comme ville invitée, on a titré que (euh), Saint-Etienne
changeait le design. Carrément. Parce que dans notre idée, le
design, c'est justement pas seulement pour faire beau. C'est pas simplement
pour faire des, comment dire, que de l'événementiel, c'est aussi
une façon de vivre, et de développer une économie et une
ville. C'est le design, comme justement vecteur de développement de la
ville. Voilà c'est dans cette idée. Le design est presque
à l'échelle du territoire. C'est pas le design qui reste dans
l'entreprise, voilà, on le revendique, on est les seuls, on y va, c'est
une très belle campagne, qui montre que depuis 1998 qu'on fait la
Biennale, on est en 2016, c'est très court pour une ville, ce genre de
reconversion, et on est leader, il doit y avoir une vingtaine de villes
créatives design dans le réseau Unesco, on est en France la seule
et en Europe, maintenant y'a Bilbao, Turin, y'avait que Graz et Berlin.
Après, y'a des villes chinoises, japonaises, Montréal...
Voilà on est à côté de grandes grandes villes, on
est une petite ville à côté de grandes villes et on est
pris comme exemple, on est l'une des villes les plus exemplaires de
démarche. Mon poste de Design Manager est pratiquement unique, en tout
cas, en Europe, Helsinki sont en train de mettre un
44
poste de ce type-là au sein de leur
métropole, Montréal a été les premiers en 2003, et
on un Bureau du Design intégré à la Collectivité.
Voilà. Mais nous, à Saint-Etienne, on a notre Design Manager et
le Pole Territoire (rires) pour mettre du design dans la ville.
Du coup du côté de Saint-Etienne
Métropole, maintenant ça va être une communauté
urbaine, il y a le développement durable, dont le transport,
l'innovation, la recherche, l'université, l'enseignement
supérieur, l'économie, l'attractivité du territoire,
l'aménagement urbain, voiries, euh, toutes ces compétences et
donc là, chaque fois que c'est possible dans les grands projets, je met
le design pour améliorer et faire un projet plus innovant. Donc
là par exemple, la ligne de tram 3, on travaille sur le diagnostic
urbain, des espaces, et on a demandé à ce qu'il y ai des
designers en phase de conception pour dessiner cette ligne et ces stations, et
y mettre des usages innovants, on est en train de travailler dessus. Le Stade
Geoffroy Guichard, qui est quand même l'emblème de Saint-Etienne,
on a mis du design dans l'aménagement et la rénovation, avec les
loges, etc. Euh, on a fait des études pour améliorer la collecte
sélective et essayer de trouver des systèmes pour que la collecte
sélective soit mieux faite, c'est pas facile et puis du
côté économique, avec les commerces, on a beaucoup
travaillé, on fait par exemple le Concours Commerce Design, où on
essaye de valoriser auprès des commerçants qui veulent
rénover leur espace de vente, d'intégrer un designer ou un
architecte d'intérieur, parce que c'est la plus-value d'un
professionnel. Dans le cadre des aides de la région, on a mis en place
ce qu'on appelle des chèques design, pour les commerçants qui
souhaitent avoir un diagnostic de designer, moi je les accompagnais, on les
aidait financièrement à aider les prestations des designers. En
fait, on a une multitude d'outils en fait (rires), c'est difficile de parler de
tout. Voilà.
· Pour vous, à Saint-Etienne, les
créateurs sont bien représentés ?
Les créatifs oui, les designers, oui. Alors
ça c'est intéressant comme question parce que c'est justement un
peu l'idée de notre directeur Jacques Bonnaval quand il a imaginé
la Biennale et puis Azimut. A un moment donné, on a une Ecole d'Art et
Design, donc il faut qu'en face on ai la capacité de les garder, de
développer leur activité. C'est sur que la Cité du Design
a été construit pour ça. Le fait est que beaucoup de
designers qui sont sortis de l'Ecole sont restés à Saint-Etienne.
On a à peu près 200 à 300 designers concepteurs
installés sur le territoire de métropole, ce qui est pas
mal.
Pourquoi en fait, parce que c'est pas cher : on a des
ateliers, des start-ups, le Mixeur, la pépinière d'entreprise,
qui donnent la chance avec un loyer très faible sur 3 ans, pour
mettre
45
en place son activité, d'un côté on a
l'offre résidentielle pour accueillir des logements pas chers, c'est une
ville étudiante quand même, et il y en aura encore plus avec le
nouveau campus universitaire ; on ne va pas concurrencer Montpellier mais pas
loin. En tout cas, Lyon c'est presque saturé, c'est très cher
pour des étudiants, on commence à avoir le côté
petite ville, pas spécialement belle, on va dire, elle a du charme, mais
le côté faible loyer est un attracteur pour l'instant. Maintenant
il faut pouvoir les garder et leur proposer une offre, donc pouvoir attirer
justement des entreprises, faire des recherches. On espère faire venir
des entreprises extérieures parce qu'à Saint-Etienne, il y a des
designers. Voilà, c'est ça. C'est sur que par rapport à
d'autres villes, je pense qu'il n'y a pas d'équivalent, mais on n'arrive
pas à avoir d'études claires dessus, c'est très
difficile.
Ici, y'a un bel écosystème, avec un
quartier en devenir, on a une page à écrire, et on le dit souvent
comme ça, c'est le tout début de l'histoire. C'est très
peu sur une histoire de ville, 10 ans (rires).
46
7 Entretien avec Philippe Moine, Designer
indépendant
· Présentation (ect.). Comme j'ai
déjà mené plusieurs entretiens, ça
m'intéressait
d'avoir le point de vue d'un designer qui exerce
sur la région. Ce qui m'intéresse c'est dans un premier temps,
votre activité, pourquoi vous êtes à Saint-Etienne et
quelles réalisations, quelles sont vos spécialités si vous
en avez et, en tant que designer et aussi si vous pouvez me parler aussi de
Designers Plus comme vous êtes co-fondateur, si aussi dans une
2ème partie vous pouviez me parler, comme Gaëlle m'a
déjà parlé de Designers Plus donc surtout de votre
position en tant que designer.
Alors, moi je suis installé ici depuis 96,
après avoir fait mes études et resté 8 ans à Paris,
je suis passé par l'école Boules où j'ai fait Arts
Déco, j'ai travaillé dans différentes agences, et je me
suis installé ici. Je suis originaire de Saint-Etienne et la
région Rhône-Alpes est une région industrielle, la
2ème en France après Paris, donc ça me semblait
une localisation intéressante pour exercer ce métier, car
même si on peut l'exercer n'importe où, c'est quand même
bien d'être à proximité des entreprises, donc voilà
le pourquoi je suis revenu ici. Euh... et donc, effectivement, on a
créé le collectif Designers Plus, juste avant la venue de la
Cité du Design, où elle était en construction. Le
collectif est un réseau de professionnels actif à
côté de la Cité, et donc depuis on existe toujours,
voilà un peu pour dresser le portrait.
Moi je travaille dans 2 secteurs d'activité : le
design produit et l'architecture d'intérieur. J'ai une double formation
de design industriel et d'architecte d'intérieur, sachant que le design
produit m'occupe à 80% du temps, donc je suis axé essentiellement
design produit avec de l'archi d'intérieur, sur un axe hôtellerie
et restauration.
Ce sont les axes où je démarche et qui me
plaisent le plus. Mes clients sont essentiellement régionaux,
situés en région Rhône-Alpes, euh, un petit peu sur Paris
et des expériences anecdotiques à l'étranger,
voilà, mais ce sont des « one shot » de manière assez
épisodique.
· Essentiellement sur le région
Rhône-Alpes donc. Et donc je vais passer à autre chose, j'ai
besoin de votre avis concernant le design. Comment définiriez-vous selon
vous le design ?
47
On va y passer la nuit là (rires). Comment je
définirais le design ? Le design est une activité transversale au
sein de l'entreprise, de l'industrie, euh, on sait qu'aujourd'hui encore plus,
en ces temps actuels, où l'économie ne fonctionne pas très
bien, le design est une manière de se différencier dans
l'entreprise. C'est vraiment un investissement que les boites font sur du long
terme. On a des exemples, enfin, le design est peu utilisé en
France.
· Ah oui ?
Oui bien sur. Il est peu utilisé en France
malheureusement à tord pour les entreprises. On a des exemples et quand
c'est utilisé, à différents stades et à
différents niveaux, c'est bien souvent du one shot, on fait du design
comme on fait de la cosmétique mais on sait que le design est
créateur de valeur, créateur de richesse, et les entreprises
ça ne savent pas l'utiliser. On a quelques exemples heureusement des
entreprises comme Décathlon, Apple, évidemment, où le
design fait partie du développement et de la stratégie
d'entreprise et ils nous font pas ça pour faire plaisir aux designers,
ils font ça pour avoir des clients et dégager de la marge, et on
sait que les entreprises comme Décathlon marchent très bien, mais
ils ont des centres de design, ils fabriquent des produits et travaillent avec
le service et les usages. Donc voilà. Et moi, jamais avec mes clients,
je parle de « beau », de « c'est joli », d' «
esthétique », car c'est pas le créneau d'entrée.
Evidemment, quand on fait ce métier là, on fait des choses qui
sont sympathiques parce que si on n'est pas sensible à la couleur, aux
formes, on ne fait pas ce métier là, c'est évident. Mais
là où le design est beaucoup plus fort et il apporte beaucoup
plus d'impact dans l'entreprise, c'est réfléchir à des
processus, réfléchir à des concepts, à comment,
c'est là où quand on a duÉ Le design fait partie de la
stratégie, on a des designers managers qui vont imaginer et se projeter
dans l'avenir et comment voir la société avec l'environnement
social, avec les évolutions sociétales, économiques,
aujourd'hui on a des manières de consommer qui sont complètement
différentes d'il y a seulement 5 ans et quel est le regard du design vis
à vis de ça. Et ça, quand on vend du produit,
évidemment qu'il faut le vendre, et le commercialiser, donc si le
designer il est pas au fait de ça, il n'a pas une réponse
à amener, il passe à moitié à côté de
la question quoi.
· Oui. On m'a beaucoup parlé de la
démarche design, de placer l'utilisateur au coeur du processus de
création pour vraiment le tourner usage ça.
Oui alors ça, on a l'impression que c'est à
la mode ça. Ca, c'est l'essence même du métier. Moi j'ai
appris à travailler comme ça, euh, quand je travaillais avec
Tallon, Tallon me disait
48
« va regarder les users, une chose seule de bonne,
c'est les users, vas voir les utilisateurs ». On n'appelait pas ça
du design thinking, aujourd'hui, on met du design thinking et usages à
toutes les sauces. Moi ça fait 25 ans que je pratique comme ça
quoi, parce que y'a pas d'autres moyens que quand on travaille sur une
problématique, d'aller voir comment les gens fonctionnent et de
recueillir leur avis. Voilà. On a l'impression de faire une grande
découverte mais pour moi, ça n'en n'est pas une (rires).
· Oui donc ça existe depuis toujours
quelque part ?
Oui, ça bien sur. Le design existe depuis 2000
ans, sauf qu'effectivement, on n'était pas dans des
sociétés de consommation comme maintenant, on avait pas autant
d'offres, donc c'est sur que c'était pas autant développé.
Et la nécessité n'était pas autant ressentie. Mais quand
Brome en Allemagne faisait des rasoirs, en tout cas
l'électroménager, ils avaient compris que, évidemment on
était très orienté esthétique, alors que maintenant
c'est une partie de notre activité, mais Brome avait très bien
compris qu'ils avaient embauchés un designer, ils avaient pris un
designer manager et c'est un moyen de faire des produits qui étaient...
Aujourd'hui, on va dire que ce sont des produits intelligents, avant des
produits bons avant d'être des produits beaux.
· Et juste par rapport à vos
expériences, selon vous, les entreprises de manière
générale, elles sont ouvertes au design, ou vous sentez que,
notamment dans la région Rhône-Alpes, est-ce que d'après
vous, le processus, l'ouverture à cette démarche est
enclenché ou est-ce que...
Non, euh, les entreprises à mon sens sont assez
frileuses. Là je reviens, j'ai travaillé un mois aux Etats-Unis,
alors et en plus à New York, donc une ville super dynamique, où
les gens vont de l'avant, et je suis rentré fin mars là. J'ai
pris une grosse claque en rentrant, car j'ai essayé de prospecter comme
je fais ou comme je devrais le faire régulièrement, enfin bref,
j'ai rencontré des entreprises françaises qui ne sont même
pas curieuses de ce qu'est le design, qui sont attentistes, qui sont
réticentes au changement, alors, ça, comment j'explique, il y a
plusieurs facteurs. Il y a d'une part le facteur économique, alors il
faut pas se leurer, malgré tout ce qu'on entend, on est dans une
période qui n'est pas florissante économiquement et on est aussi
dans un pays qui a une culture très traditionnelle et qui n'est pas
ouverte et sensibilisée au design, mise à pars effectivement il y
a quelques exemples comme ça, mais on va dire la PME classique en France
et en région RA si elle utilisait le design, ça se saurait quoi.
Je pense que mes confrères designers sont là pour dire
globalement la même chose.
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C'est pas systématique et encore une fois cette
semaine, un client pour qui je travaille depuis 4 ans, qui est tourné
vers l'usager, c'est même pas 1 client, c'est 2 clients cette semaine,
que j'ai rappelé, dans une démarche commerciale et prospective,
ils sortaient tous les 2 des nouveaux produits, alors pas essentiel dans leurs
gammes, ils sortaient un produit qu'ils allaient mettre sur le marché et
ils m'ont dit « on avait pas pensé au design », alors que
c'est des gens pour qui je travaille depuis 4 ans, pour qui j'ai
développé plusieurs produits, pour qui j'ai fait du graphisme,
donc ça veut dire qu'ils n'ont pas le réflex, et que le design
n'est pas systématique. Alors, quand je constate ça avec des gens
qui me connaissent, ils sont sensibilisés à ce qu'ils ont
pratiqué de nombreuses fois, on a eu ensemble des très bons
résultats, et je dis, c'est pas encore, ça suffit pas encore. On
a quand même quelques longueurs de retard par rapport à des pays
comme l'Angleterre par exemple ou l'Allemagne également, ou les pays
nordiques également où la le design est dans le processus
industriel. Moi j'ai eu plusieurs fois la vision d'une prise dans le milieu
médical qui m'a dit « je ne sais pas comment intégrer le
design chez moi parce que le bureau d'études est réticent :
qu'est-ce que le designer va venir nos emmerder ». Donc elle a besoin de
d'abord sensibiliser le bureau d'études avant qu'il vienne parce que
travailler avec un designer c'est une source d'ennuis, voilà. Donc il y
a aussi toute une éducation à faire au niveau
technique...
· Au niveau technique vous dites
?
Au niveau des ingénieurs, du market', parce que la
France, on est un pays où les produits ont été
dessinés par des ingénieurs, et ça c'est encore
très présent. Après y'a le Marketing qui a pris un peu le
pouvoir sauf que maintenant le pouvoir est chez les designers, alors ça,
c'est un peu aussi la faute aux designers, qui n'ont pas su se défendre,
avec une connotation particulière, le sérieux avait du mal
à passer dans les entreprises. Mais aujourd'hui, on voit très
bien, c'est Décathlon, Seb, euh je suis passé chez Renault
également, le pouvoir il est chez les designers parce que le designers a
des outils que n'ont pas le market et la technique, et en fait, l'innovation ne
vient pas uniquement de la technique et du market mais vient aussi des
utilisateurs. Il vient aussi du design. Ca devrait bien souvent être la
technique au service du design et non pas l'inverse.
· Et donc d'après vous, il y a quand
même encore du chemin. Ah oui, bien sur qu'il y a du
chemin.
·
Tourette & Goux , L. Bertoni et S. Philibert
du savoir-faire stéphanois, le design des abords, des
espaces réceptifs, le vestiaire, le mobilier et la signalétique
ont été dessinés en grande partie sur mesure. Le stade qui
recevra l'UEFA EURO 2016 abrite en son sein le Musée des Verts, premier
musée français consacré au football.
Lieu de découverte artistique, le Fil reçoit des
artistes émergents de renommée nationale voire internationale.
Son architecture est un clin d'oeil à l'identité
stéphanoise utilisant une parure métallique extérieure
évoquant un métier à tisser ou les cordes d'un instrument
de musique. La façade bar-club rappelle la rubanerie. Sa toiture
végétalisée s'inscrit dans une démarche
environnementale et d'isolation acoustique optimale.
Implanté sur des anciennes friches industrielles, le
Zénith de Saint-Étienne reflète la volonté
d'innovation et de création du territoire. Sa silhouette
aérodynamique, son design épuré et son caractère
hautement écologique font de ce bâtiment un édifice
sophistiqué et inventif.
J. de Sousa, P. de Glo de Besses, F. Gibilaro, Association
Habitats Jeunes Clairvivre, Cité du design
Annexe de la maison de quartier du Crêt de Roc, ce projet
fait partie d'un ensemble de réaménagements urbains
programmés sur le quartier. Le bâtiment, par son implantation,
fait le lien entre la plateforme piétonne perpendiculaire à la
montée Pointe Appell et le futur parcours ceinturant le
cimetière. Sa façade en béton teinté dans la masse,
de couleur rouge-ocre, compose avec la couleur de la tuile un monolithe
chromatique qui se repère dans le quartier.
Dans le cadre du projet de rénovation de l'hôtel de
ville, la mise en lumière des plafonds ouvre le regard sur les arcades.
Le soulignement des pilastres révèle l'histoire de l'architecture
et l'attractivité de ce passage commerçant très
fréquenté. La lumière joue un rôle dynamique et
artistique, des projecteurs gobo projettent sur deux murs des créations
graphiques évènementielles.
Hôtel de ville 42000 Saint-Étienne Conception :
Studio By Night, Spie Sud-Est Axente
C. Bové
Telle une constellation suspendue, une multitude de
sphères colorées illumine une rue centrale de la ville, et
révèle son volume particulier. L'installation qui renvoie
à une floraison comporte des interrupteurs que le passant peut actionner
s'il le désire. Il peut ainsi, à sa guise, choisir
d'éclairer ou d'éteindre un espace partagé, une
mémoire collective, et de faire apparaître ou disparaître ce
mystérieux « grenier » selon son humeur.
L. Belala
Un parcours design se dessine en se promenant depuis le
centre-ville à la colline du Crêt de Roc. On peut souligner la
placette Paul Appell et la passerelle située
au nord du collège Fauriel. Sur l'esplanade du Crêt
de Roc, située à proximité de l'entrée du
cimetière Saint-Claude, un traitement des espaces publics
complète le projet de renouvellement urbain du quartier.
Lieu de passage et d'entrée de ville, le parvis de la gare
accueille de nombreux projets urbains. D'abord les sièges tabourets
Tempo qui, comme une forêt de clous, invitent à se reposer. Mais
aussi les Chevaux bleus en résine polyester qui sont comme recouverts
d'une peau lisse et tendue. Enfin, l'Arbre multicolore qui se dresse
fièrement à la lumière du ciel.
F. Bauchet, A. Smati, P. Million
Suite à un appel à projet, l'artiste Nathalie
Talec a élaboré selon les principes sensibles du Modulor de Le
Corbusier, cet objet refuge. Une manière d'habiter qui propose de jour
comme de nuit, une perception troublante du temps et de l'espace. La
lumière matérialise un mobilier et donne un sens corporel
à l'architecture.
Place d'armes, site Manufacture 42000 Saint-Étienne
Conception : MMXI architectures
Atelier du Néon, M. Delarasse N. Talec
Petits ou grands, vintage ou insolites, branchés ou
décalés, les objets et les idées cadeaux des nombreuses
boutiques spécialistes du design à Saint-Étienne
étancheront les envies de design les plus variées quel que soit
le budget.
partenaires non exhaustive.
Design dans l'architecture Design dans l'espace urbain Design
dans les musées Design hors Saint-Étienne Commerces design
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