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Valeurs et et relativisme moral dans la généalogie de la morale (1887) de friedrich nietzsche

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par Daniel Blaise BITECK
Université de Yaoundé 1 - DIPES II 2013
  

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IV.2. LE PROJET GENEALOGIQUE

Nietzsche rejette toutes les formes de transcendance qui ne peuvent que déformer la compréhension historique et psychologique de l'homme, il les remplace par le projet qu'il nomme « généalogique » qui consiste à étudier l'homme comme être entièrement corporel et animal, dirigé par des pulsions c'est-à-dire des affects, tels que l'envie, la cupidité, l'amour, la haine ou la vengeance qui constituent sa personnalité. Nietzsche s'oppose au dualisme : l'homme n'est plus un corps séparé d'une âme mais une infinité de pulsions qui constituent sa personnalité ; son espèce, sa race. On voit ici que le terme de « race » a un tout autre sens que celui qu'on lui donne habituellement, il s'agit de la race intellectuelle, c'est-à-dire de la personnalité, non de la provenance génétique, d'où l'importance d'avoir précisé au début de notre propos la particularité du nouveau langage de Nietzsche.

Nietzsche choisit d'étudier l'homme comme être entièrement corporel et animal car le corps est ce qui « donné »43(*), ce qui est le plus connu pour nous. Notre corps est une structure sociale composée de nombreuses âmes. Nietzsche critique la croyance qui tient l'âme pour quelque chose d'indestructible, d'éternelle ou d'indivisible. Il faut expulser cette croyance de la science mais il ne faut pas se débarrasser de l'âme : la voie est libre pour de nouvelles versions et affinements de l'hypothèse d'âme. De nouveaux concepts d'âme peuvent voir le jour comme « âme mortelle », « âme multiplicité du sujet », « âme structure sociale des pulsions et affects »44(*).

Puisque le corps est ce qui est le plus connu pour nous, Nietzsche le prend comme point de départ dans la reconstruction des valeurs. Il substitue au critère ancien qu'était la vérité celui de l'avenir, de la santé. Aussi, Par-delà bien et mal est un « prélude à une philosophie de l'avenir ». L'image de l'avenir renvoie à la vie forte capable de continuer à vivre par opposition à la vie malade, épuisée, qui aspire à en finir. En effet dans son ouvrage on trouve de nombreuses références à la physiologie, non pas en tant que discipline scientifique, mais comme ce qui permettrait de réfléchir aux conditions fondamentales de toute vie. L'auteur d'Aurore considère d'ailleurs que la conscience n'est plus qu'un instrument. Il s'oppose ici à la morale et à la religion qui donne la primauté à l'esprit sur la nature, et qui font de l'esprit un principe causal qui expliquerait les phénomènes humains. Pour lui, l'esprit n'est pas supérieur aux instincts, le conscient n'est pas le contraire de l'instinctif, c'est un aspect de l'instinctif. Car il réfute le primat de la conscience. Celui qui appelait ironiquement Kant « l'Ermite de Koenigsberg » est amené à développer une psychologie qui met en avant le conflit entre les pulsions. Le projet généalogique nietzschéen consistera donc à étudier les jugements que font les hommes, à propos de la morale par exemple, et à se demander quelles sont les pulsions qui en sont responsables. Nos jugements deviennent donc des symptômes plus ou moins conscients de besoin, d'envie, de vengeance, en fonction des instincts qui en sont à l'origine. C'est donc à partir de l'expérience que l'on peut observer les phénomènes humains, c'est la nature qui peut nous renseigner sur l'homme et non l'homme sur la nature. Notre appréhension de l'existence dépend avant tout de notre organisation physiologique et de ses fonctions comme la nutrition ou la reproduction, tandis que les fonctions jugées traditionnellement plus élevées comme la conscience ou la pensée n'en sont que des formes dérivées. Notre auteur accorde la primauté à l'affectivité contre la tradition philosophique qui a toujours accordé le primat à la raison. Or, si l'homme est avant tout un être animal qui peut être étudié en termes d'affectivité, un être conduit par ses instincts, ne devrait-il pas se préoccuper de ce qui pourrait assurer la réalisation de ses instincts, ne doit-il pas poser comme valeurs ce qui pourrait le maintenir en vie ?

IV-3- LA VOLONTE DE PUISSANCE Nietzsche va donc analyser toute chose à partir de sa conception de la vie, c'est-à-dire à partir du critère de la puissance. Une chose est bonne lorsqu'elle est signe de santé, c'est-à-dire lorsqu'elle exprime un accroissement de puissance. L'être vivant en bonne santé est celui qui cherche à accroître sa puissance, celui qui exprime sa volonté de puissance. Tout organisme vivant aspire donc à plus de puissance. C'est l'être lui-même qui devient volonté de puissance, qui se met dans le chemin de ce qui sauve la vie face aux principes de mort. La volonté de puissance n'est pas une volonté de dominer mais une volonté de dépasser les antagonismes entre le bien et le mal, de se placer par-delà bien et mal, en laissant agir le dynamisme de la vie. Ce que Nietzsche entend par « volonté de puissance » c'est que l'homme ne cherche pas seulement sa conservation, il cherche à croître. Il s'oppose ici aux physiologistes qui posent la pulsion d'autoconservation comme pulsion essentielle d'un être organique.45(*) L'instinct de conservation est secondaire. L'essence de l'homme est de vouloir croître, s'assurer l'espace vital n'est pas un but, c'est le moyen de son accroissement. L'espace de vie se réalise donc dans le devenir. Nietzsche s'oppose ici au dualisme métaphysique qui sépare l'essence et l'existence. Il s'oppose également à la tradition philosophique selon laquelle l'homme aspire au bonheur. Le plaisir sera le sentiment de la puissance atteinte. L'homme aspire à la puissance mais elle n'est pas à comprendre ici comme un objet extérieur à la volonté vers lequel cette dernière devrait tendre, c'est une puissance interne. Il y a quelque chose dans la volonté qui affirme sa puissance c'est-à-dire un impératif interne à la volonté : devenir plus, ou périr. L'homme est avide de se développer aux dépens de ce qui l'entoure mais il est perpétuellement menacé d'extinction. La volonté de puissance est donc un instrument de description du monde puisque tout vivant tend à se développer et doit faire face à la lutte pour la survie. La volonté de puissance introduit la notion de force car si le vivant doit toujours croître c'est-à-dire toujours aller au-delà de lui-même, il doit faire face à des résistances car il peut se confronter à un type de vivant qui cherchera lui aussi à accroître sa puissance. Chaque être vivant, chaque corps, désire en permanence dominer, dépouiller, exploiter, s'approprier ce qui l'entoure, imposer ses propres lois. Cela vaut pour toute vie, et cela ne se fait pas par « moralité ou immoralité »46(*), cela se fait parce que la vie est volonté de puissance. L'exploitation n'appartient pas à une société pervertie : elle est le propre du vivant en tant que fonction organique fondamentale, conséquence de la volonté de puissance, volonté de vie.47(*)La volonté de puissance devient donc la valeur des valeurs puisqu'elle détermine les valeurs favorables à la puissance, c'est-à-dire à l'accroissement de la vie.

* 43 Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal, traduction et présentation par Patrick Wotling, Paris, G.F-Flammarion, 2000, §36.

* 44 Ibid., § 12.

* 45 Ibid., §13.

* 46 Ibid., § 259.

* 47 Ibid.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld