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Les pratiques foncières locales en milieu rural et leur impact sur le développement agricole: cas de la chefferie de Ngweshe.

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par Isaac BUBALA
Institut Superieur de Développement Rural (ISDR-BUKAVU) - Licencié en Planication Régionale 2015
  

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III. les conflits des limites et des occupations de fait

Etant donné que les limites entre concessions voisines ne sont pas toujours bien marquées sur le terrain et en raison de l'absence d'un plan cadastral rural, les conflits naissent aussi de l'empiètement sur les concessions voisines. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter. Dans certains cas, le concessionnaire dépasse les limites qui lui ont été fixé par les « baganda » et réalise ainsi des cultures sur une partie de terrain appartenant au cédant. Parfois la contradiction entre le cédant et le concessionnaire est le fait des « baganda » qui ont porté les limites au-delà de ce que le cédant leur à indiquer.

Des évènements naturels, tels les détournements du lit d'une rivière ou le ravinement, ont parfois aussi été l'occasion d'un conflit entre concessionnaires voisins.

L'un des concessionnaire pourrait, en effet, étendre de nature, son terrain jusqu'à la nouvelle « limite naturelle » (la rivière ou le sillon).

Une variante des conflits de limites qui prend de l'ampleur ces dernières années, ce sont les occupations de fait (ou considérées comme telles) de parties de terrain appartenant à autrui.

Ces occupations de fait sont souvent l'oeuvre de personnes entre lesquels il existe un rapport de dépendance foncière. Elles résultent d'une relecture des termes des conventions : une des parties au litige prétend avoir acquis entièrement le terrain en kalinzi ; l'autre lui rétorque que ce droit ne porte que sur une partie du terrain, le reste ayant été cédé à titre précaire. En effet, il arrive que le détenteur précaire d'un terrain (bwassa) cherche frauduleusement à consolider ses droits sur celui-ci, en y érigeant des constructions ou en y incorporant des cultures pérennes (arbres, bananeraies). Il arrive cependant aussi que le maitre réoccupe une partie du terrain de son sujet en prétextant que ladite partie avait été cédée à titre précaire. Assez souvent, il profitera de ce que la parcelle concernée est en jachère.

Après avoir décrit les grands types de conflits dans le bushi en générale et particulièrement dans le territoire de Walungu dans sa chefferie de Ngweshe, nous pouvons à présent en analysant les principales caractéristiques.

La diversité des parties prenantes aux conflits suggère naturellement la diversité des enjeux. Au-delà de la sécurisation de la tenure. Les acteurs cherchent à travers les conflits à

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§ 2 Les caractéristiques des différents types de conflits

La typologie que nous venons de présenter laisse apparaitre une multiplicité d'acteurs susceptible de s'affronter autour des enjeux fonciers. Nous allons par conséquent essayer de dégager les caractéristiques des acteurs engagés dans un conflit et les enjeux des confrontations entre ces derniers.

I. les acteurs des conflits

Contrairement à ce qu'on peut observer dans certaines parties du Kivu montagneux ou les conflits mettent aux prises les agriculteurs et les éleveurs, les conflits fonciers dans le Bushi opposent fondamentalement des paysans entre eux. A l'intérieur, toutefois, cette catégorie générique que sont les paysans, il est important de distinguer les conflits qui opposent d'abord les ainés et leurs cadets au sein d'une famille ; ensuite, les paysans stricto sensu et les notables fonciers et ces derniers entre eux ; enfin, les migrants urbains (qui ont installé des gardiens sur leurs terres) et les notables fonciers. Rares sont les conflits qui opposent les paysans aux gros concessionnaires (sociétés, grands planteurs...).

Dans la plupart des cas de conflits foncier, les acteurs agissent individuellement. Le conflit met toutefois en scène, en vue de sa solution, les seuls conflits collectifs que nous avons pu identifier dans le Bushi, ont opposé l'Etat à l'occasion des expropriations décidées par lui. Les conflits fonciers dans le Bushi n'opposent donc pas des acteurs collectifs, tels que les clans, les villages,... ils n'opposent pas non plus les autochtones aux immigrés, encore moins le groupe qui se prévaudrait du droit de premier occupant aux autres.

Au plan de la sécurité des droits fonciers, la position sociale de l'acheteur est déterminante. L'acte générateur de conflit est généralement le fait de celui qui est dans un rapport de force favorable, en raison soit de son statut social (notable, ainé), soit de sa richesse. Ce sont par conséquent des petits paysans pauvres qui prennent assez souvent l'initiative de l'action en justice. La position défavorable qui est la leur les oblige nous le verrons plus loin à multiplier les démarche et à recourir aux services de « médiateurs ».

II. les enjeux des conflits

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améliorer leur position de pouvoir et de revenu. Ces conflits permettent de repérer les enjeux fonciers aux échelles familiales et extra-familiales. Selon le cas nous allons l'examiner ci-dessous, on cherche la maitrise de l'ordre familiale ou la maitrise des rapports locaux.

1. Maitrise de l'ordre familiale

Les conflits fonciers qui opposent les membres d'une même famille, avons-nous vu, résultent soit d'un mauvais partage de la succession, soit de la vente d'un bien appartenant à une succession. De manière générale, ce sont les cadets qui prennent l'initiative de l'action en justice.

De ce type de conflit, il ressort généralement une préoccupation essentielle : c'est que l'ordre familial doit à tout prix être préservé. Les ainées tentent en effet, lorsqu'ils le peuvent, reproduire le principe successoral coutumier dans sa formulation ancienne (cfr supra). La maitrise foncière en ce cas-ci leurs permettrait de sauvegarder leur autorité à l'intérieur de la famille, tout au moins sur les membres de celui-ci qui sont demandeurs de terre.

Les règles du partage de succession a, toutefois, réduit l'emprise des ainés sur les cadets. Les premiers conservent néanmoins le droit de s'opposer aux actes d'aliénation posés par les seconds. De même, les cadets disposent de cette faculté pour empêcher l'appauvrissement du patrimoine familial par les ainés.

S'agissant de cette emprise des ainés, on constate d'ailleurs que plus la famille ne s'étend, plus les liens, les hiérarchies familiales s'effritent.

Il apparait, en somme que la dynamique interne de la famille et les trajectoires spécifiques de différentes composantes de celle-ci déterminent des conflits fonciers. Les conflits fonciers sont les révélateurs d'une difficile restructuration de l'ordre familial médiatisée par le foncier.

2. Maitrise des rapports sociaux

Débordant le cadre familial, le conflit ci-dessus permet de repérer un second niveau d'enjeux. Au lieu de se disputer des terres de manière explicite, les deux « frères » en conflit se disputent des allégeances. Ceci nous amène à affirmer que l'enjeu majeur dans les

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conflits fonciers extra-familiaux est, au-delà de la main mise sur le sol, la recherche pour les uns de la maitrise de l'espace social villageois, par le biais de la reproduction des structures d'autorités et d'allégeance ; pour les autres, à défaut de s'émanciper à l'égard de telles structures, la recherche de la sécurité de tenure foncière.

La maitrise des rapports sociaux et la recherche de l'émancipation selon le cas occultent en fait d'autres enjeux : politique et économique. Les notables fonciers en effet, en s'assurant comme autrefois, le contrôle de la paysannerie par le biais du foncier, se créent de nouvelles opportunités. Non seulement ils perçoivent une rente de plus en plus substantielle sur l'activité des paysans, mais en plus, ils peuvent tirer profit des relations qu'ils entretiennent avec les élus locaux. A ce propos en effet, plus est grande la clientèle sociale d'un notable (et naturellement son prestige), plus il fera l'objet de sollicitude de la part des élus locaux.

On pourrait dès lors interpréter les conflits fonciers opposant les notables entre eux, ou ceux opposant les notables et els migrants urbains comme essentiellement des conflits de pouvoir. Ces derniers notamment en raison de la distance physique et de leurs conflits de pouvoir. Ces derniers notamment en raison de la distance physique et de leurs activités en ville, échappent aux contraintes découlant des rapports fonciers. Au contraire, en même temps qu'ils créent une distance sociale avec les hiérarchies dont ils dépendaient traditionnellement, ils recréent à leur profit les mêmes rapports clientélistes. Les notables coutumiers, se sentant menacés par cet état de choses, « réattribuent » alors les terres de ces migrants sinon aux propres gradients de ceux-ci, du moins à de nouveaux candidats sur lesquels ils pourraient avoir une emprise plus certaine.

En ce qui concerne le paysan, par contre, c'est l'enjeu économique qui fondamentalement explique son esprit procédurier et sa propension à s'émanciper des contraintes coutumières découlant du foncier. La terre est en effet pour le paysan le facteur clé pour se créer un revenu. Par contre, ledit notable peut lui assurer la sécurité de cette tenure. Dou le phénomène des occupations de fait.

On peut dire en somme qu'au coeur des conflits fonciers, il y a la recherche d'une maitrise de l'espace, lequel est perçu de manière différente en fonction de la position sociale des acteurs. Pour les uns (les autorités foncières traditionnelles et les élites politiques), l'espace est vue comme lieu de socialisation et/ou d'actualisation du rapport « politique » et économique ; pour les autres, (les élites commerçants et spécialement les

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paysans), il est perçu surtout comme un lieu de production et donc celui à partir duquel ils s'insèrent dans le marché. Ce sont ces préoccupations différentes des acteurs, leurs perspectives et leur poids social respectif qui vont déterminer les trajectoires des conflits fonciers.38

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle