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Le microcrédit au Maroc. Tensions entre performance commerciale et finalité sociale.

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par Brahim NAHI
Université Mohamed 5 _Faculté de droit Agdal Rabat  - Master spécialisé en Management de développement social  2012
  

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CONCLUSION GENERALE

L'opportunité donnée aux exclus des circuits financiers d'entreprendre une activité génératrice de revenu constitue un moyen efficace de combattre l'exclusion et la pauvreté. Le microcrédit est donc apparemment appelé à se développer considérablement à la fois dans le Sud et dans le Nord. Actuellement deux grandes tendances sont en train de se créer dans le secteur. D'une part, on enregistre que la frontière entre les banques et les AMC est de plus en plus fine. Les banques engagées dernièrement dans un processus de downscaling338, s'acharnent de plus en plus à toucher les couches supérieures de la clientèle cible du secteur. D'autre part, certaines ONG se lancent dans le microcrédit dit « social » cherchant à venir en aide aux populations les plus défavorisées. Il est donc fort de constater qu'établir une norme de bonne pratique dans le microcrédit semble être impératif pour le bien du secteur afin d'éviter une possible perte de lisibilité des missions incombant aux AMC. D'un côté, ces dernières dont l'objet est la pratique du microcrédit économique (ou professionnel) doivent trouver leur place dans ce paysage. On peut leur assigner un rôle triple : servir les clients que les banques ne voudront pas servir, poursuivre en collaboration avec les ONG l'effort de recherche développement et construire des partenariats avec des banques et d'autres financeurs afin de créer des circuits financiers qui atteignent les plus démunis. Par ailleurs, les AMC en poursuivant un double objectif qui consiste d'abord à faire reculer les frontières du microcrédit et à accroître l'impact social de leurs activités et ensuite à se montrer bon gestionnaire des ressources financières qu'elles reçoivent. Leur performance se base donc à la fois sur des critères sociaux et financiers, mettant en exergue le caractère hybride du microcrédit qui « concilie » marché et solidarité malgré que la relation entre performance financière et performance sociale est encore floue, mais son examen est certainement riche d'enseignement. On ne peut pas comprendre facilement que l'une et l'autre sont réellement corrélées, c'est-à-dire qu'une AMC est d'autant plus pérenne financièrement qu'elle obtient de bons résultats sur le plan social, quoique ceci ne soit pas toujours sûr. Toutefois, il semble important de valoriser une association positive entre les deux types de performance et une telle mission paraisse utopique et encore difficilement réalisable.

338 Downscaling : implication directe des banques classiques dans le secteur du microcrédit.

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 166

Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

En fait, le modèle économique du microcrédit reste « très proche de celui des sociétés de crédit à la consommation339 » consistant à offrir de petits prêts à un grand nombre d'emprunteurs. Il existe cependant des différences majeures surtout au niveau des cibles à atteindre. Or existe-t-il des failles dans le système du microcrédit ? « La principale faille c'est le décalage qu'il y a entre ce qu'on attend du microcrédit et la réalité. Le microcrédit est une approche très séduisante parce qu'elle est construite sur l'idée qu'on croit au potentiel de chacun340 », répond un expert.

De création noble, le microcrédit est une idée originellement simple et porteuse de beaucoup d'espoir. Il amorce peut-être une révolution dans le domaine financier à l'échelle micro, en posant les prémices d'un secteur financier inclusif et ouvert à tous. Ainsi, il pourrait constituer un moyen de « réconcilier l'économique et le social341 » même s'il parait un mécanisme insuffisant, à lui seul, pour relever le dilemme du développement.

Théoriquement les institutions de microcrédit ont la double mission « de poursuite des objectifs financier et social. Mais dans la réalité, les performances obtenues privilégient souvent la performance financière au détriment de la performance sociale ou, au mieux, réussissent un arbitrage entre les deux missions342 ». Cette poursuite concomitante d'objectifs financiers et sociaux le place dans une dialectique singulière car depuis la fin des années 1990 un courant se renforce selon lequel la seule manière de créer des systèmes financiers inclusifs à grande échelle serait de faire du microcrédit « un secteur commercial rentable et relié à la finance internationale343 », de sorte qu'il puisse saisir plus de capitaux et que les banques s'y engagent fortement.

Aujourd'hui, le positionnement du microcrédit répond bien à la demande d'un ensemble de services financiers (bancaires et d'assurance) que le marché n'arrive pas à satisfaire. Il comblerait une défaillance du marché qui s'explique en grande partie par les coûts élevés

339 DE LUTZEL, Emmanuel. « La microfinance, Une industrie socialement responsable ». Magazine Échanges, juillet 2007. N° 245.

340 BERGER Arnaud. Magazine Stop-Arnaques. Septembre 2010.

341 CORNEE Simon. (2006). « Microfinance : entre marché et solidarité » IGR-IAE, Université de Rennes 1/ Centre de Recherche en Economie et Management, Master Recherche en Sciences de Gestion.

342 ACCLASSATO, Denis. « Le microcrédit entre shopping institutionnel et ciblage des plus pauvres » De Boeck Université, Mondes en développement. 2010/4 - n° 152 pp. 31-44 Url : http://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement

343 BEDECARRATS, Florent. « Evaluer la microfinance, entre utilité sociale et performances financières ». La Découverte, Revue Française de Socio-Économie. 2010/2 - N° 6. pp. 87-107.

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 167

Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

des transactions bancaires. En simplifiant procédures et structure organisationnelle, une institution de microcrédit arrive à faire mieux qu'une banque. Son rôle d'intermédiaire financier de proximité est acquis, mais celui « de l'inclusion financière positive est encore loin d'être atteint notamment dans les pays en développement344». De plus, la question de la performance financière des AMC n'est pas neutre idéologiquement345 et témoigne de la volonté de promouvoir, par le microcrédit, un modèle libéral346 de lutte contre l'exclusion financière et la précarité sociale. En outre, la mesure de la performance sociale est à la fois plus large et plus complexe que la question de la performance financière. Trois éléments sont traditionnellement évalués347 : la capacité à atteindre le plus grand nombre, la capacité à atteindre des personnes initialement défavorisées et enfin la capacité à améliorer leur bien-être et celui de leur famille. Ainsi, ce n'est pas toujours réel d'agir sur le financier pour avoir un impact social positif comme le défend ceux qui stipulent que « en augmentant les ressources disponibles, les performances financières favorisent l'investissement social. À l'inverse, la performance sociale (...), induit un management plus performant des institutions et de meilleurs résultats financiers348».

Toutefois, deux approches d'évaluation dites complémentaires sont promues à présent et qui peuvent être adoptées pour analyser la performance sociale de l'AMC : « une approche centrée sur l'institution à travers la portée sociale et une approche centrée sur les clients à travers l'analyse de l'impact. Toutefois, la performance sociale ne peut se réduire au ciblage des pauvres et l'analyse d'impact et il faut élargir son cadre d'analyse »349.

Cependant, diverses études conduites sur le terrain témoignent que la performance sociale du MC reste ambiguë tout en montrant que « la capacité des IMF à lutter contre la pauvreté pouvait être extrêmement variable»350. De plus, les analyses des impacts restent relativement équivoques et font l'objet de controverses méthodologiques. Compte tenu de la

344 YVES, Somé. « Responsabilité sociale et solidarité : la microfinance peut-elle être plus solidaire ?». Finance & Bien Commun. 2010/2 No 37-38. p. 158-169. Url: http://www.cairn.info/revue-finance-et-bien-commun

345 JEGOUREL, Yves. « La microfinance : entre performance sociale et performance financière ». La

Découverte, Regards croisés sur l'économie, 2008/1, n° 3 pp. 197-205. , Url : http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie

346 Idem.

347 Ibid.

348 ACCLASSATO, Denis. op. cit.

349 BERGUIGA, Imène. op. cit.

350 JEGOUREL, Yves. op. cit.

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 168

Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

fongibilité des crédits, il est difficile d'attribuer au microcrédit seul la responsabilité351 de certains effets observés.

Après le renforcement du paradigme commercial privilégiant l'approfondissement de la concurrence pour accroître l'efficacité du marché du MC, « les dérives d'une croissance débridée se sont révélées à travers des crises de surendettement et des pratiques parfois abusives à l'égard des clients 352». (...) S'il a été érigé en modèle par les institutions multilatérales, la vision minimaliste d'un microcrédit débarrassé de toute préoccupation non financière provoque aujourd'hui de nombreuses critiques. En effet, l'influence croissante du modèle commercial en microcrédit suscite de nombreuses discussions au sein du secteur. Chose qui incite les AMC à « se tourner vers des segments de clientèle plus rentables353 », c'est-à-dire essentiellement urbains et moins pauvres, ou encore à augmenter leur taux d'intérêts ce qui induit favorise le danger de « décapitaliser ou de surendetter les emprunteurs »354. Bien qu'encore dans le registre de la prospective, les tendances d'évolution du secteur confortent ces craintes, à l'heure où les statistiques montrent que les fonds privés commencent à envahir le secteur pour dépasser les engagements publics de sorte que certains analystes « estiment que l'investissement étranger en microcrédit est appelé à décupler d'ici 2015355».

Plus fondamentalement, le microcrédit est accusé de « véhiculer l'idéologie néolibérale et/ou patriarcale 356». En misant sur l'émancipation des pauvres par le marché, en particulier celle des femmes, le microcrédit contribuerait à légitimer une vision économique et individuelle357 de la pauvreté et un désengagement de l'État.

La question fondamentale traitée dans cette recherche est celle de la transcription de la mission sociale du MC dans la pratique (particulièrement avec l'arrivée des nouveaux intrus armés d'une logique commerciale «habillée» d'un ensemble de mesures rappelant le rôle social du microcrédit), car les objectifs doivent se limiter à améliorer les conditions de vie

351 GENTIL Dominique & SERVET Jean-Michel. « Entre «localisme» et mondialisation ... », op. cit.

352 BEDECARRATS, Florent et al. Op. cit.

353 BEDECARRATS, Florent. « Evaluer la microfinance, entre utilité sociale et performances financières ». La

Découverte | Revue Française de Socio-Économie_ 2010/2 - n° 6 pp. 87-107.

354 Idem.

355 Ibid.

356 GUERIN Isabelle. « Les effets insoupçonnés de la microfinance ». Revue Travail, Genre et Sociétés. 2011/1 n° 25, pp. 61-79. Url : http://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes

357 Idem.

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Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

des clients pauvres et de leurs familles et étendre la gamme des opportunités ouvertes à leurs communautés. Pour ce faire, il faut améliorer la qualité des services offerts358 : donc tenir compte des besoins et des demandes, distribuer ces services à des coûts bas et avec des taux d'intérêt équitables, contribuer au développement des liens et du capital sociaux au sein des communautés, contribuer à réduire la vulnérabilité, mais aussi surveiller et agir contre les effets secondaires négatifs de la microfinance, comme le surendettement et la cavalerie ou les formes multiples d'endettement.

Par ailleurs, c'est une illusion d'attendre du microcrédit d'opérer une transformation radicale de la situation des personnes cibles. On ne pourrait pas y faire l'unique outil de lutte contre toute forme d'exclusion, une sorte d'outil tout terrain dédié à la lutte de toute forme de pauvreté et d'inégalité. Il faut veiller à ce que le crédit « ne devienne pas un substitut au salaire et à la protection sociale, une sorte de réponse normative, l'outil unique pour faire face à la pauvreté359».

Enfin, qu'il s'agisse de lutter contre la pauvreté ou en faveur de l'émancipation de certaines catégories sociales, il semble difficile de conclure objectivement sur les effets du microcrédit tant les expériences et les environnements dans lesquels il agit apparaissent variés. Le succès institutionnel que connaît pourtant le MC ne doit pas occulter le fait qu'il n'est en aucun cas une panacée face à une pauvreté durable et variable. Le microcrédit doit s'intégrer360 dans un dispositif beaucoup plus large de lutte contre toutes les formes de pauvretés. Il se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins entre une vision institutionnaliste et welfariste361 et les pouvoirs publics ont un rôle considérable pour définir ce que sera le microcrédit de demain : performant ou non, aussi bien sur le plan social que commercial. Ces deux approches placent la performance financière et la performance sociale en opposition.

Pour creuser plus profondément, en termes de perspectives de recherches académiques à caractère prospectif, éventuellement dans le cadre de mes études doctorales, j'ai l'honneur

358 JEGOUREL, Yves. Op. cit.

359 ALAIN, Bernard. « Le microcrédit, pour sortir de la pauvreté ». Projet. 2010/4 n° 317, pp. 40-42. Url_ http://www.cairn.info/revue-projet

360 JEGOUREL, Yves. Op. cit.

361 BERGUIGA, Imène. Op. cit

Le Microcrédit au Maroc : Tensions entre Performance Commerciale et Finalité Sociale (Cas : Al Amana Microfinance)

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 170

de proposer différentes pistes dont chacune pourrait être conduite à part comme sujet de réflexion. En effet, ces axes sont exposés ci-après :

- Industrialisation du microcrédit et financement du développement local : Essai d'analyse et contribution à la compréhension de la convergence des AMC vers le statut de sociétés de financement.

- Stratégies de gouvernance des AMC au Maroc : Microcrédit à la croisée des chemins entre Marché et solidarité.

- Fondation Zakoura Microcrédit : Crise de gouvernance et stratégie de croissance (disparition d'un acteur de microcrédit).

- Microcrédit et les risques sociaux d'appauvrissement de la population par l'endettement.

- Le microcrédit comme mode de subsidiarité à l'action publique (aux politiques publiques).

Etudiant Chercheur : Brahim NAIII PFE _Master Spécialisé Management du Développement Social 171

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote