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Le tutorat comme moyen pour transmettre la culture d'entreprise (d'un ehpad).

( Télécharger le fichier original )
par Josiane MEYNIER
de la Méditerranée - Marseille - Master 2 RH et compétences 2011
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE LA MEDITERRANEE

FACULTÉ DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

DEPARTEMENT FORMATION CONTINUE

LE TUTORAT COMME MOYEN POUR TRANSMETTRE LA CULTURE D'ENTREPRISE 

Josiane MEYNIER

Sous la Direction de Nacira BIANCHI

MASTER RESSOURCES HUMAINES

SPÉCIALITÉ "GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET DES COMPETENCES"

2010-2011

AVERTISSEMENT

Les opinions exprimées dans ce mémoire sont celles de l'auteur et ne sauraient engager le Directeur du mémoire ou l'Université de la Méditerranée.

Ce travail de recherche est écrit de ma main. Tous les emprunts à des travaux existants sont clairement encadrés par des «  », avec indication de la source en bas de page ou en bibliographie.

Signature

REMERCIEMENTS

Je remercie Nacira Bianchi, ma Directrice de mémoire pour ses qualités de "tuteur". Elle m'a guidée et accompagnée dans le cheminement et "la naissance"1(*) de ce travail.

Je remercie la Direction de La Maison de Retraite ND de la Ferrage pour m'avoir permis de réaliser ce travail au sein de l'Etablissement.

Je remercie mes amies et collègues de travail qui m'ont soutenue.

Je remercie toute l'équipe de La Ferrage pour leur enthousiasme à participer aux entretiens.

Je remercie les personnes qui m'ont apporté leur appui technique et informatique.

Résumé

Le changement structurel que va traverser un Etablissement d'Hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et la réorganisation de ses ressources humaines au travers de l'évolution de sa masse salariale nous amène à nous questionner sur la pérennité de son savoir-faire et la conservation de sa culture d'entreprise (problématique).

L'objectif de ce mémoire de recherche est de déterminer si le tutorat est un moyen approprié pour transmettre la culture d'entreprise et les savoirs organisationnels aux salariés nouvellement embauchés (hypothèse).

Notre hypothèse va prendre appui sur trois concepts dont le plus récent, le tutorat en entreprise. Nous avons relié ce dernier, d'une part, à la modélisation du processus de transfert et d'apprentissage des savoirs organisationnels formalisée principalement par C. Argyris et D.A Schön. D'autre part, la théorie de la culture d'entreprise nous a servi de base, notamment les travaux de M. Thévenet qui en a décrit les traits : l'histoire, les valeurs, le métier, les rites et symboles, le projet d'entreprise.

Pour valider notre hypothèse nous avons choisi d'effectuer une enquête de terrain au sein de "La Maison de Retraite ND de la Ferrage" dans laquelle une démarche de tutorat a été récemment instaurée. Notre recherche sera basée sur des entretiens auprès des salariés tuteurs et tutorés.

MOTS-CLES

Culture d'entreprise Transmission Apprentissage Tutorat

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

QUESTIONNEMENT ET PROBLEMATIQUE 3

PARTIE 1- ECLAIRAGE THEORIQUE 5

CHAPITRE 1- LA TRANSMISSION DE LA CULTURE D'ENTREPRISE ET DES SAVOIRS ORGANISATIONNELS 6

Section 1 - Le concept de culture d'entreprise 6

I/ THEORIE GENERALE 6

A/ De la "culture" à la culture d'entreprise 6

1. définition de M. Thévenet

2. définition d'E. Schein

B/ Les composantes de la culture d'entreprise 8

1. les composantes de la culture par catégories

2. les composantes selon le choix stratégique

II/ SPECIFICITE DE LA CULTURE D'ENTREPRISE DU SECTEUR DE L'ECONOMIE SOCIALE 11

A/ Une culture inscrite dans son histoire 11

1. Quelques repères historiques et terminologiques

2. Une culture inscrite dans des valeurs "d'utilité sociale" 

B/ Le projet d'Etablissement 11

1. Une définition

2. Une finalité

III/ APPLICATION : LA CULTURE DE LA MAISON DE RETRAITE N-D DE LA FERRAGE 12

A/ Diagnostic des composantes de sa culture 12

B/ Le projet d'Etablissement "vivre chez nous à la Ferrage" 18

Section 2 - Le concept de transfert et d'apprentissage des savoirs 19

I/ CONNAISSANCES ET SAVOIRS 19

A/ De la connaissance à la compétence 19

1. Les savoirs organisationnels

2. Le concept de compétence

B/ Distinction entre connaissances tacites et explicites 22

II/ LE CONCEPT DE TRANSFERT DES CONNAISSANCES 23

A/ D'une conception linéaire à une conception dynamique 23

B/ Les facteurs de réussite d'un transfert 24

III /LE PROCESSUS DE L'APPRENTISSAGE 25

A/ Un concept issu des sciences de l'éducation 25

1. Le processus de l'apprentissage vu par Piajet

2. De l'apprentissage individuel à l'apprentissage collectif

B/ Un concept issu des sciences en gestion : les travaux d'Argyris 27

1. L'apprentissage dans les organisations

2. De la théorie au terrain d'étude

CHAPITRE 2 - HYPOTHESE DE RECHERCHE : LE TUTORAT, MOYEN DE TRANSMISSION DE LA CULTURE D'ENTREPRISE 29

Section 1 - Le concept de tutorat 29

A/ Définitions 30

1. De l'origine du mot tuteur à la perception des tuteurs d'aujourd'hui

2. Ce qu'en pensent les auteurs

B/ Missions et intérêts du tutorat d'entreprise 33

1. Une fonction de socialisation et de transmission des compétences

2. Les intérêts du tutorat

Section 2 - Les conditions de réussite du tutorat 36

A/ Le choix du binôme 36

B/ Le tutorat, un projet d'entreprise 38

PARTIE 2 - ETUDE PRATIQUE 41

CHAPITRE 1 - PRESENTATION DU TERRAIN D'ETUDE 42

Section 1 - L'entreprise 42 

I - PRESENTATION DU SECTEUR PERSONNES AGEES 42

II - LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES 43

Section 2 - Le contexte de la mise en place du tutorat 48

I - HISTORIQUE DE LA MISE EN PLACE 48

II - LE CONTEXTE ACTUEL ET LA FORMATION AU TUTORAT 49

CHAPITRE 2 - PRESENTATION DE LA METHODE DE RECHERCHE

Section 1 - La méthode de recherche utilisée 50

Section 2 - Elaboration de la grille d'entretien 51

CHAPITRE 3 - ANALYSE DES RESULTATS 55

Section 1 - Analyse des entretiens 55

I - PREMIERE ETAPE : RECCUEIL ET CLASSEMENT THEMATIQUE DES DONNEES 55

II - DEUXIEME ETAPE : INTERPRETATION DES DONNEES 68

Section 2 - Synthèse des entretiens 76

I - VALIDATION DE L'HYPOTHESE 76

II - CONCLUSION ET PRECONISATIONS 78

BIBLIOGRAPHIE 79

ANNEXES

INTRODUCTION

Les perpétuelles mutations de l'environnement et les contraintes économiques conduisent les entreprises à faire face à de nombreux changements. Le secteur de l'économie sociale n'est pas épargné notamment celui des personnes âgées.

Dans ce contexte il faut maintenir la performance ce qui oblige les entreprises, y compris celles du secteur non marchand à se démarquer. Qu'est-ce qui fait que cela marche dans une entreprise et pas dans une autre ? Peut-on dire que ce qui est performant aujourd'hui le sera encore demain ?

Ce qui différencie une structure de l'autre c'est son identité et son caractère unique "sa culture d'entreprise". Ce concept a connu un phénomène de mode mais reste une dimension essentielle de l'entreprise. Elle exprime ses valeurs partagées, ses pratiques et ses coutumes, son passé. Elle n'est pas le fruit du hasard, mais résulte d'un long apprentissage lorsqu'elle a traversé les épreuves et résolu les problèmes de la vie courante.

Le rôle de la culture d'entreprise dans un Etablissement médico-social est de maintenir la cohésion du personnel et de le motiver autour d'un projet social. La Maison de retraite Notre-Dame de la Ferrage a construit son projet social autour du prendre soin de la personne âgée. Elle a opté pour "la vieillesse dans tous ses états" en adaptant sa prise en charge au besoin de chaque personne au lieu de se spécialiser dans un type de pathologie.

Les personnes âgées sont extrêmement fragiles et prendre soin de ces personnes demande aux professionnels de ces structures, non seulement des compétences techniques et relationnelles très spécifiques mais aussi des valeurs humaines développées et une certaine vocation. Ainsi, la culture joue un rôle important dans la gestion des ressources humaines et des compétences, notamment dans le recrutement, la transmission des savoirs organisationnels et l'intégration des nouveaux salariés.

Aujourd'hui nous assistons à un bouleversement démographique de la population. Le nombre de personnes âgées dépendantes va croître de 1 à 2% par an d'ici à 2040. Les Etablissements d'Hébergement pour personnes âgées dépendantes doivent s'adapter à cet environnement en mutation, tout en restant à l'écoute de leurs résidents. Il faut faire face à la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés, à la réforme de la réglementation initiée par la loi du 2 janvier 2002 (cf. annexe 1 - les grands points de cette loi), à la bientraitance, à la concurrence des grands groupes qui se positionnent sur le marché. Compte tenu du vieillissement de la population, la création de lits, notamment par extension de structures existantes est une priorité pour les pouvoirs publics. C'est pourquoi L'Etablissement N-D de la Ferrage s'est engagé dans un projet d'extension. Le but de ce changement est de pérenniser la structure reconnue pour sa prise en charge de qualité, en spécialisant les personnels et en ayant plus de souplesse en terme de Ressources humaines. Au point de vue budgétaire, un certain nombre de frais fixes ne peuvent être lissés qu'avec un nombre suffisant de lits. (économie d'échelle)Au-delà du projet structurel, l'enjeu de l'Organisation est de conserver ses valeurs, pérenniser sa façon de "prendre soin" de la personne âgée de manière individualisée et de garder son "caractère familial", malgré le doublement de la population accueillie. Il s'agit aussi de faire en sorte que la restructuration soit satisfaisante pour tous les acteurs de la maison de retraite. L'équipe d'encadrement de l'Etablissement, dont nous faisons partie, se questionne : quelle stratégie adopter ? Cette question appelle un développement que nous allons vous présenter.

PROBLEMATIQUE ET QUESTIONNEMENT

I - LE CONTEXTE DU QUESTIONNEMENT :

L'appel à projet lancé par la DDASS du Vaucluse, faisant état d'un important déficit en lits d'hébergement pour personnes âgées dépendantes sur notre bassin de vie2(*), par rapport à la moyenne régionale et nationale, a décidé l'Association N-D de la Ferrage - Maison de Retraite, à présenter un projet d'extension. Ce dernier a été retenu parmi tous les projets présentés sur le département.

Après l'annonce de cet évènement à l'ensemble du personnel, il y a eu diverses manifestations d'inquiétude. En effet, dans le cas d'un changement structurel de ce type, avec l'apport de nouvelles activités, il y a inévitablement des bouleversements.

Une nouvelle organisation du travail crée chez les salariés des interrogations et des remises en question, des craintes qui peuvent entraîner des résistances au changement si elles ne sont pas exprimées. Ces derniers ont peur que leurs habitudes, leur façon de travailler, soient bousculées.

Avec la perspective d'un recrutement massif, la Direction a tout de suite évoqué la problématique de la transmission des valeurs, du savoir faire et savoir être, de la façon de travailler et du maintien de la cohésion des professionnels autour du projet d'Etablissement.

II - LE PROBLEME POSE

L'extension de la Maison de retraite s'inscrit dans un contexte institutionnel spécifique qui prend appui sur l'élargissement de l'offre de service, une réactualisation du projet d'Etablissement et des moyens (humain, matériel, financier mis en oeuvre)

Dans ce cadre, la réorganisation des ressources humaines au travers de l'évolution de la masse salariale de l'Etablissement est nécessaire et suppose des changements à court terme concernant les modalités d'accueil des nouveaux effectifs ainsi que leurs impacts sur l'organisation globale de l'activité.

L'intégration des nouveaux salariés est en ce sens une priorité pour l'équipe dirigeante ; elle a pour objectif de soutenir l'évolution du projet d'Etablissement, conserver ses valeurs, accompagner le changement visé, tout en permettant à chacun de mieux se situer dans un système organisationnel de fonctionnement et de communication commun.

Il faut également guider et rassurer les professionnels en poste, en repérant, professionnalisant et valorisant les pratiques existantes.

Plus généralement, l'enjeu est la sauvegarde de la culture professionnelle de l'Etablissement dans cette phase de changement. Si la culture fait partie des dimensions essentielles d'une entreprise, la Maison de retraite N-D de la Ferrage semble avoir une culture forte qui lui a permis de faire face aux problèmes rencontrés jusque là.

La culture professionnelle peut se définir comme un ensemble de savoirs, de savoir-faire, de normes et de règles que partagent les individus issus d'un même groupe professionnel. Renaud Sainsaulieu3(*) emploi l'expression "culture métier" qui illustre bien les expériences de travail et les difficultés que partagent l'équipe de La Maison de retraite autour de l'accueil, l'accompagnement et le soin apportés aux personnes âgées.

La Direction et les managers de cette organisation ont bien compris que donner un document de 100 pages à lire à un nouveau salarié, en espérant qu'il aura intégré la culture et le projet d'Etablissement, n'est pas suffisant.

Il faudrait donc trouver un moyen pour permettre une transmission efficace et rapide. Cela nous amène à cette interrogation :

Comment transmettre la culture d'entreprise et les savoirs organisationnels dans une phase de changement ?

Afin d'expliquer les variables de cette problématique, l'étude des concepts "culture d'entreprise", "transfert et apprentissage des savoirs" sera abordée dans la partie I de nos travaux.

Nous avons émis l'hypothèse que le tutorat était un moyen approprié pour transmettre la culture d'entreprise et les savoirs organisationnels. L'étude du concept de tutorat et l'analyse d'une expérience de tutorat au sein de la Maison de Retraite Notre-Dame de la Ferrage nous permettra dans la partie II de répondre à notre question.

PARTIE 1 - ECLAIRAGE THEORIQUE

CHAPITRE 1 - LA TRANSMISSION DE LA CULTURE ET DES SAVOIRS ORGANISATIONNELS

Section 1 - Le concept de culture d'entreprise

Mettre en évidence les points forts et les points faibles d'une culture d'entreprise est un préalable à sa transmission. Ainsi, cela nécessite d'en avoir la connaissance et d'en dégager les traits.

Nous allons tout d'abord étudier l'origine, puis la définition et enfin les composantes de la culture d'entreprise. Ainsi nous pourrons utiliser cet apport théorique pour élaborer le diagnostic de la culture d'une entreprise du secteur de l'économie sociale.

I - THEORIE GENERALE

A/ De la "culture" à la culture d'entreprise

Dans la littérature, il n'existe pas moins de 160 définitions de la notion de culture. De nos lectures, nous retiendrons la théorie énoncée par l'anthropologie : la culture concerne les sociétés humaines et la vie humaine dans ces sociétés, les comportements, les rites, le langage,  qui les différencient des autres groupes. 

Le terme de culture d'entreprise est plus récent puisqu'il est apparu dans les années 80, aux Etats-Unis. Cet engouement soudain aurait plusieurs origines. Parmi elles, la fin du taylorisme et les différentes mutations qu'a connu le travail. En effet, le modèle du travail conceptualisé au 18e siècle (industrie) était composé d'un ensemble d'opérations élémentaires que l'on pouvait décrire, organiser et imposer. Le travailleur n'utilisait pas son intelligence. Selon le concept de Zarifian P.,4(*), ce modèle est aujourd'hui profondément déstabilisé. L'individu doit faire face à l'événement. Il s'agit de résoudre les problèmes engendrés par les imprévus et les aléas, comme par exemple, satisfaire la demande d'un client ou d'un usager. Le travailleur doit faire preuve d'initiative, de capacités intellectuelles et de motivation. Les relations au sein de l'entreprise s'en trouvent déstabilisées. Le phénomène a complètement modifié la façon de conduire et motiver le personnel, d'où, la recherche de nouveaux outils de gestion des ressources humaines, dont la culture d'entreprise fait partie.

Mais la culture ne se décrète pas et nul ne peut contraindre l'individu à y adhérer. La culture est une "construction" issue de l'expérience collective.

Parmi les nombreux auteurs qui se sont penchés sur le concept de culture d'entreprise, M. Thévenet nous donne cette définition : "la culture est un ensemble de références ...partagées dans l'organisation...construites tout au long de son histoire, en réponse aux problèmes rencontrés dans l'entreprise".

En Effet, toute entreprise doit faire face à deux catégories de problèmes permanents : s'adapter à son environnement et intégrer les individus en son sein tout en maintenant une solide cohésion interne. On considère que la culture d'entreprise résulte d'un long processus d'apprentissage, et qu'elle se construit en réponse à ces deux problématiques. L'organisation va réagir à un stimulus lorsqu'elle va rencontrer un problème. Les réponses efficaces seront mémorisées pour former un ensemble de pratiques, de valeurs et de principes qui les sous tendent. (extrait du cours de Nacira Bianchi culture et changement)

La culture est au service du management des ressources humaines. Facteur de performance et de motivation, elle permet de concentrer les efforts du personnel vers un objectif commun. Elle favorise la cohésion sociale : partager des valeurs et des rites renforce le sentiment d'appartenance à un groupe.

« La culture est un mode de description de l'organisation qui la distingue des autres. Elle est une façon de penser et d'agir en commun. Elle donne du sens à l'action et devient un ciment, un lien entre les différents éléments de la Structure« (cours de Yves Nalbandian 2010)

Toutefois, la culture a ses limites. Selon M. Thévenet5(*), il n'y a pas de bonne ou mauvaise culture en soi. En revanche une culture forte peut comporter des risques. Par exemple la fierté d'une identité gagnante peut faire oublier l'environnement et la concurrence et empêcher la nécessité d'une remise en question permanente. Dans ce cas elle sera un frein au changement et à l'évolution.

Pour résumer et conclure sur cette notion, nous avons repris la définition

d' E. Schein (cours Nacira Bianchi) « un modèle d'assomption de base, qu'un groupe donné a découvert, inventé et développé en apprenant à faire face aux problèmes d'adaptation externe et d'intégration interne, qui ont été suffisamment éprouvés pour être considérés comme valides et donc enseignés aux nouveaux membres comme étant la manière juste de percevoir, de penser en relation avec ces problèmes »

La notion de culture ayant été éclaircie, il faut maintenant en dégager les traits.

B/ Les composantes de la culture d'entreprise

Pour éclairer cette notion de culture d'entreprise, nous avons retenu l'analyse de deux auteurs qui ont distingué les caractères de la culture. Le premier, M. Thévenet6(*) (audit de la culture d'entreprise - 1986) a décrit 5 catégories d'indicateurs : les fondateurs, l'histoire, le métier, les valeurs et les signes.

Le deuxième auteur, Reynolds7(*) a mis en évidence une autre distinction des composantes de la culture, basée sur le choix de stratégies opérées par l'Organisation.

1 - Les composantes de la culture par catégorie

Les fondateurs

Ce sont eux qui ont laissé leur marque dans le fonctionnement de l'entreprise et dans la façon de penser et d'agir. Ils ont imprimé leur philosophie, croyances, valeurs fondamentales ainsi que les règles de conduite qui en découlent. La plupart du temps ces fondateurs sont issus d'un milieu particulier, par exemple social ou religieux dans lequel ils se sont distingués (ont été visionnaires). En principe, leurs collaborateurs et successeurs seront recrutés sur ces mêmes bases. Ceci explique que leurs principes vont perdurer tout au long de l'histoire de l'entreprise.

L'histoire

Il s'agit de l'histoire des hommes, de la structure, des événements, des grandes dates qui sont retenus et partagés par les acteurs de l'entreprise aujourd'hui. En effet, sans cesse vont être rappelées, les décisions importantes et dans quel sens les choix ont été faits, les actions réussies ou ratées, les évolutions (ou révolutions quelquefois), les changements, les politiques, les stratégies, les héros qui ont marqué la mémoire. Prenons pour exemple les changements de structure, de méthode de travail ou de mode de management.

A côte de l'historique, il y a une autre caractéristique importante qui va faire la différence d'une entreprise à l'autre, c'est le métier.

Le métier

On citera d'abord l'activité principale mais surtout le savoir-faire, les compétences et l'expérience accumulée, les stratégies adoptées : ce qui caractérise ce métier, ce qui fait qu'il est original. Par exemple, la culture soignante sera différente dans un hôpital ou dans une maison de retraite.

On notera aussi l'image véhiculée par la façon de faire ce métier, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise (fierté d'appartenance, image de marque).

Les valeurs

Au point de vue étymologique, valeur vient du latin "valor" qui signifie "ce qu'une personne est estimée pour son mérite, ses qualités"

Les valeurs représentent des manières d'être et d'agir qu'une personne ou une collectivité reconnaît comme idéales.

Pour reprendre le point de vue de R. Barrett8(*) "les valeurs sont des règles de vie. C'est croire profondément qu'une certaine façon d'être, ou qu'un certain résultat sont préférables à d'autre. Les valeurs sont illustrées dans les comportements".

Aussi, comment les connaître ? Soit, elles sont affichées dans des documents tels que, plaquette de présentation ou d'accueil, charte, projet d'Etablissement. Soit, elles sont véhiculées dans les discours, les règlements, les normes, les procédures. Ou bien, elles se reconnaissent à travers les pratiques, les routines, les comportements.

Dans tous les cas, il faut absolument qu'il y ait cohérence entre les valeurs déclarées et les valeurs opérationnelles, sinon le décalage entraînerait l'effet inverse de celui escompté pour la motivation des hommes et leur performance. Cela implique que les valeurs doivent être partagées par tous. Selon Y. Nalbandian - cours de stratégie sociale 2010 "quand une personne entre dans une telle entreprise, pour se faire accepter, il va falloir au moins, temporairement, gommer ses propres valeurs et adopter celles du groupe".

Les signes et symboles

Les signes sont les choses qui pourront être observées de l'extérieur et à l'intérieur de la structure : le recrutement, les comportements (langage, tutoiement, habillement) la communication, les relations, les réunions (portes ouvertes, accueil des visiteurs, accueil téléphonique) aménagement des locaux (couleurs, agencement) organisation du temps de travail et horaires. (rapport entre temps de travail et temps privé)

Pour illustrer les symboles, nous citerons les pots et les fêtes, la publicité des promotions et les systèmes de récompenses. Dans certaines branches professionnelles (médico-social) on reconnaîtrait la " bonne santé " de l'entreprise en fonction des fêtes organisées pour le personnel.

2 - Les composantes de la culture selon le choix de stratégies

Nous présentons ci-après celles qui nous paraissent les plus significatives :

- La sécurité plutôt que le risque : c'est le conservatisme et la prudence contre la capacité à changer, évoluer, remettre en cause.

- La prise en compte ou non de la personne humaine dans la gestion du personnel et le management

- Le système de rétribution collective plutôt qu'individuelle.

- La prise de décision individuelle plutôt que collective.

- La planification des actions contre l'adaptation permanente.

- La stabilité plutôt que l'innovation

- La coopération plutôt que la compétition.

- Les procédures formalisées plutôt que des procédures informelles

- Forte contre faible loyauté à l'organisation.

Si nous avons à présent, une représentation plus précise de la dimension de culture d'entreprise, quelle appropriation pouvons-nous en faire dans l'observation d'une entreprise ?

 II - SPECIFICITE DE LA CULTURE D'ENTREPRISE DU SECTEUR DE L'ECONOMIE SOCIALE

A / Une culture inscrite dans son histoire 

Les entreprises du secteur de l'économie sociale ont pour finalité l'utilité sociale qu'elles matérialisent par le biais d'un projet social. La culture de ces entreprises est issue de l'histoire et de leur "raison d'être". 

1 - Quelques repères historiques et terminologiques :

L'Economie sociale remonte à la révolution industrielle suivie de la loi sur la liberté d'Association en 1901, puis en 1947 pour la création des premières Coopératives et Mutuelles. C'est en 1981 que l'expression est reconnue officiellement sous le terme générique " d'économie sociale".

Au point de vue juridique, ce sont des groupements de personnes qui se différencient des sociétés de capitaux et du secteur public. L'économie sociale comprend les Associations, les Fondations, les Coopératives et les Mutuelles. Aujourd'hui, l'économie sociale c'est 500 000 établissements qui emploient pas moins de 1.800.000 personnes.

2 - Une culture inscrite dans des valeurs "d'utilité sociale" :

Les entreprises de l'économie sociale vendent des services d'utilité sociale ou d'intérêt général en prenant en compte un besoin identifié sur un territoire.

Les principes qui les animent se définissent par des valeurs fondamentales telles que la primauté de l'Homme sur le capital et l'épanouissement de la personne humaine, l'égalité entre les personnes dans les décisions, la gestion démocratique et désintéressée, la solidarité entre les membres du groupe.

Le projet social est un projet humaniste pour la société puisqu'il définit les actions mises en oeuvre au service de l'usager. Inscrit dans les statuts, le projet est institutionnalisé. Pour les individus qui travaillent dans ce secteur, cela implique d'adhérer à ces valeurs et au projet.

B / Le projet d'Etablissement

Dans les années 80, le concept de projet d'entreprise était à la mode mais il a été vulgarisé et dénaturé puis abandonné. Il revient aujourd'hui sous la dénomination de "projet d'Etablissement".

1 - Une définition

Le projet d'Etablissement  répond à ces 3 questions : qui sommes-nous, que faisons-nous, où voulons nous aller ?

C'est un document écrit, un engagement pris par l'Organisation qui tient compte du passé, des buts et des compétences de celle-ci qui comprennent les pratiques professionnelles, les savoirs faire, pourquoi les choses sont faites de cette manière.

Pour être crédible, tous les membres de l'organisation doivent être partie prenante au projet qui doit refléter la vision de tous et pas seulement celle des dirigeants. Ainsi, l'élaboration du projet nécessite la participation des équipes pluridisciplinaires et qu'elles aient au préalable une bonne connaissance de leur culture. Il faut ensuite que les actions entreprises soit en cohérence avec le projet. Ce n'est qu'à cette condition qu'il sera un outil de motivation.

2 - Une finalité

Outre le fait d'être un levier de motivation pour le personnel, le projet d'Etablissement  donne du sens et de la visibilité. Le projet va assurer la cohésion des équipes autour d'un objectif clairement défini.

Par rapport à la culture, Le projet d'Etablissement est un mode de structuration de l'entreprise et il pose un cadre de travail.

Pour illustrer notre partie théorique, il nous a paru intéressant d'appliquer le concept à la culture de La Maison de retraite. Pour ce faire, nous avons utilisé les outils que préconise M. Thévenet pour faire un audit de la culture. Les informations ont été collectées et classées dans les 5 grilles par type de composante.

 III - APPLICATION : LA CULTURE DE LA MAISON DE RETRAITE NOTRE DAME DE LA FERRAGE

A / Diagnostic des composantes de la culture de la Maison de Retraite Notre Dame de la ferrage

Pour faire le diagnostic de la culture de cette organisation, nous avons recueilli les informations à l'aide de tout document existant dans la structure mis à notre disposition (notamment le Projet d'Etablissement). Nous avons également recoupé ses traits de caractère avec divers témoignages. Toutefois, nous sommes bien conscients qu'une telle recherche n'est jamais terminée et que certaines informations retenues, bien que pertinentes, ne sont que des signes.

Le classement est élaboré de la façon suivante :

1. grille fondateurs

2. grille histoire

3. grille métier

4. grille valeurs

5. grille signes - symboles

1.GRILLE FONDATEURS

Date des fondements

1884. Don du domaine par un particulier à une congrégation de religieuses

1957. Création d'une Association loi 1901

Milieu social des fondateurs

Religieux - Catholique

Les choix initiaux des fondateurs

de l'Association

-Accueillir et soigner gratuitement les personnes indigentes de la commune

-Venir en aide par tous moyens appropriés aux personnes âgées. Assurer la pérennité de l'accueil des personnes âgées dans la structure et transmettre les valeurs éthiques et morales issues du passé religieux

Principes fondamentaux

Fraternité, simplicité, amour des plus pauvres, des exclus, des personnes fragiles et un attachement particulier à la nature et aux animaux

Gestion du personnel

Au commencement, ce sont les religieuses qui assurent la gestion de l'hébergement de quelques pensionnaires. Les ressources financières proviennent des soins infirmiers à domicile qu'elles prodiguent aux habitants du village et des ressources des pensionnaires.

Gestion de type paternaliste par la directrice religieuse

2.GRILLE HISTOIRE

Les hommes :

- Les Présidents

Les Dirigeants :

4 Présidents se sont succédés depuis la création de l'Association en 1957, ils sont présentés et élus par le C.A.

· Le curé de la Paroisse

· 2 Médecins Général des Armées, à la retraite

· Un Chef d'Entreprise à la Retraite

2 Directrices se sont succédées :

· Une religieuse franciscaine pendant 13 ans. Son action marquante est d'avoir obtenu un agrément par la DASS en 1978 pour pouvoir accueillir des personnes aux ressources modestes

· Une directrice laïque depuis 33 ans qui a accédé au poste par mobilité interne

Ses actions marquantes sont le développement de la structure et la médicalisation

Les structures

· La Direction devient laïque en 1987

· Extension de l'Etablissement en 1995 et en 2005

· Renforcement de l'équipe d'encadrement en 2007

Les grandes dates

1989 Choix d'accueillir les personnes jusqu'au bout de la vie et début de la médicalisation. Recrutement de personnel médical

1992 Passage à l'informatique. Instauration de l'écrit qui remplace la tradition orale.

1999 Passage aux 35h et augmentation des effectifs en 2002

2000 Elaboration du Projet d'Etablissement

Les "conflits sociaux" :

2001 Suite à une augmentation substantielle de personnel, manque de manager = "crise de la porte fermée"

2004 Boycott des fêtes du personnel suite au licenciement d'un salarié pour comportement contraire aux valeurs.

2002 Réforme de la tarification. Renforcement et formalisation des procédures, des règles et des normes dans le travail.

Augmentation du nombre de lits (50) en 2005

L'environnement

Loi 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale

3.GRILLE METIER

Le métier perçu

Le métier apparent

· A l'extérieur de façon générale : vision assez négative basée sur l'image des anciens hospices. Aujourd'hui, l'enjeu majeur pour ce métier est la "bientraitance", la spécialisation et la professionnalisation des personnels

· L'Etablissement jouit d'une bonne réputation pour la qualité de la prise en charge des personnes accueillies. La publicité se fait par "le bouche à oreille". La liste d'attente pour avoir une place est toujours importante (+ de 6 mois)

Les deux pôles principaux :

· Hébergement : hôtellerie, restauration, entretien

· Soin : assistance dans tous les actes de la vie ordinaire et médicalisation

Fonctions type : agent hôtelier (formation initiale : BEP sanitaire et social) et aide-soignante (diplôme DPAS)

Application de la C.C. du 31/10/51 qui était avantageuse pour les salariés.

Recherche constante de l'amélioration du service. Adhésion à des organismes professionnels et de réseaux tels que CLIC, URIOPSS et FNAQPA

Le métier lié à l'activité

L'activité s'articule autour de 4 micro-projets : l'accueil, l'animation et de la vie sociale, la vie quotidienne, la vie spirituelle des personnes âgées accueillies. Le principe est que, quel que soit le poste occupé, tout professionnel doit se sentir concerné par ces thèmes

Le métier lié aux savoirs faire

Les salariés ont une zone d'autonomie qui leur permet, en plus d'assurer les tâches prescrites, de trouver une résolution aux problèmes du quotidien. Des "stafs" sont organisés régulièrement pour leur permettre d'échanger, réfléchir, trouver des solutions efficaces.

Le métier lié aux façons de faire

Tous les actes et tâches effectués autour et pour la personne âgée sont guidés par le principe que tout être humain est unique, est histoire, est projet et a le droit de décider de sa vie.

Il y a aussi des règles liées au métier des soins comme le secret professionnel, la déontologie, le respect de l'intimité.

4.GRILLE VALEURS

Les valeurs déclarées

Elles sont humanistes :

Emerveillement devant les ressources de tout être humain

Altruisme et tolérance

Liberté individuelle

Respect de la dignité

Ethique

Joie de vivre

Humour

Les valeurs opérationnelles

Les valeurs humanistes envers les personnes âgées correspondent aux valeurs déclarées.

Mais, le management ne peut pas être humaniste (mettre l'homme au dessus-de tout) car il doit concilier intérêt de l'homme avec intérêt de la structure. Le management est donc adapté au projet d'entreprise (participatif) avec des valeurs telles que :

· Responsabilisation de chacun, autonomie, confiance, participation

· Esprit d'équipe, entraide, solidarité

· Transparence, explication des stratégies pour que chacun comprenne ce qu'il fait

· Implication, professionnalisme

· Relations amicales, hiérarchie souple

· Conception de la personne humaine dans la gestion du personnel

· Recrutement : les critères sont basés, en premier lieu sur l'adéquation des valeurs de la personne avec celles de l'Etablissement. Ensuite, sur la capacité à s'intégrer dans l'équipe. Enfin, sur les compétences techniques liées au poste

· Egalité dans la rémunération

· Pas de système de notation dans l'évaluation des performances, coopération plutôt que compétition

Attitudes

Pas d'attitude de concurrence envers les autres Etablissements mais coopération, travail en réseau (ce qui est en concordance avec les valeurs de l'économie sociale)

5.GRILLE SIGNES SYMBOLES

Signes vis-à-vis de l'extérieur

Comportements : habillement

Tutoiement,

Portes ouvertes

Architecture

Espace décoration

Gestion du temps

Réunions

Accueil chaleureux et personnalisé

Recrutement direct

- Tenue correcte exigée. Blouses et tenues rappelant l'aspect institutionnel et médical sont interdites pour le personnel

- tutoiement entre salariés, mais interdit envers les résidents

- oui, pour les managers

Volonté de casser le côté "Etablissement standard et dépersonnalisé". Le nouveau bâtiment créé en 2005 ressemble à un appartement (pas de longs couloirs et aucune chambre ne ressemble à une autre)

Souhait de créer une ambiance "comme chez soi", gommer au maximum les effets de la collectivité. Possibilité de donner son avis, de choisir la couleur de son bureau, de son local pour le personnel, de sa chambre pour les résidents.

Prise en compte de l'aménagement du temps privé s'il ne va pas à l'encontre du temps de travail. Respect des horaires de la part des salariés, aucun besoin de badgeuse

Beaucoup de réunions de travail formelles et informelles (pause café)

Symboles :

rites

Rites religieux : existence d'une chapelle dans l'Etablissement avec des offices réguliers, célébration des fêtes traditionnelles pour les résidents.

Accueil des animaux

Pots fêtes

Comité d'entreprise,

Publicité des promotions

Pots de départ organisés par les D.P. Manque d'adhésion aux fêtes du personnel organisées par la direction.

Pas d'activités collectives proposées par le comité d'entreprise

Pot pour les réussites de diplômes (à l'initiative du salarié) dans le cadre de la formation continue

B - Le projet d'Etablissement "vivre chez nous à la Ferrage"

Si le projet a été initié suite à une exigence règlementaire9(*), il n'en demeure pas moins un guide de référence pour tous les acteurs des professionnels aux usagers.

Ce travail de longue haleine (enquête - réflexion - rédaction) a été confié à un consultant extérieur. Il est l'expression de la culture d'entreprise, du moins une partie, puisqu'il formalise les fondements, l'histoire, le métier, les valeurs, les signes à travers la mise à plat de l'existant. Il a l'avantage d'avoir été élaboré et partagé par tous les acteurs présents :

- Des groupes pluridisciplinaires représentant tous les métiers exercés

- Un groupe de suivi composé de résidents, de familles et d'intervenants extérieurs

- Un groupe de pilotage composé du Président et des Cadres

Le résultat de ce projet représente les engagements pris par l'Etablissement pour accomplir sa mission. Mais les action ne sont pas figées car réévaluées tous les cinq ans.

A la lecture des caratères de cette culture que l'on peut maintenant qualifier de "culture métier", et de l'engagement pris, on comprend plus aisément que les dirigents souhaitent la transmettre et la péréniser et que sa mise en oeuvre soit une difficulté. En effet tout ce qui sous entend les savoirs faire et la façon de faire est difficile à exprimer sinon au travers des actes du quotidien. C'est pourquoi la question du moyen de transmission devient un enjeu fondamental. Les personnels les plus anciens qui ont assimilé la culture au fil du temps, les personnes qui ont participé à la contruction du projet et qui par conséquent connaissent bien cette culture, en sont imprégnés et ce sont eux qui la portent, de façon inconsciente parfois. Nous tenterons de savoir si cela est suffisant.

Section 2 - Le concept de transfert et apprentissage des savoirs

En préliminaire, nous souhaitons apporter une précision sur les termes de "transfert" et de "transmission" qui sont utilisés dans la littérature. Ce sont des synonymes, toutefois l'action de transférer s'utilise plutôt pour exprimer un déplacement dans l'espace (d'un lieu à un autre ou d'un emploi à un autre) tandis que transmettre se dit d'un déplacement de chose entre des personnes (donner quelque chose que l'on a reçu à quelqu'un).

Nous privilégierons le mot "transmission" car il correspond à notre sujet mais nous utiliserons également le mot "transfert" employé dans les modèles théoriques. Nous considèrerons qu'il s'agit de la même action.

Le processus de transfert des savoirs et des connaissances est complexe car il fait référence à un ensemble de notions qu'il convient de distinguer : la connaissance, les savoirs, la compétence.

I - CONNAISSANCES ET SAVOIRS

A / De la connaissance à la compétence :

La langue anglaise ne fait pas de différence entre la connaissance et le savoir. Elle emploie un seul mot "knowledge". En français, le savoir désigne un ensemble de connaissance acquis par les études. Cependant, dans le cadre de la carrière professionnelle d'un individu d'aujourd'hui, avec la formation professionnelle tout au long de la vie, savoirs et connaissances se confondent. Nous les avons synthétisés dans le tableau suivant.

1. Les savoirs organisationnels :

Nous avons répertorié les différents types de savoir dans le tableau ci-après :

Les différents types de savoirs dans le cadre du travail

TYPE

FONCTION

MODE D'ACQUISITION

Savoir théorique

Comprendre, analyser,

interpréter

Education, formation initiale

lecture

Savoir reproduire

Pouvoir refaire un geste, redire un message sans le transformer

Education, formation initiale ou continue, expérience

Savoir faire

Savoir exécuter

savoir agir

Expérience professionnelle

Savoir être

Savoir se comporter, se conduire en bon professionnel

Education, expérience sociale et professionnelle

Savoir cognitif

Savoir traiter l'information, faire des déductions, des raisonnements, anticiper

Education, formation initiale et continue, expérience sociale et professionnelle

Tableau construit à partir de l'ouvrage de C. Benoit - la boîte à outils du tuteur (2010)

Les connaissances organisationnelles selon Argyris et Schön10(*) :

Lorsqu'un problème surgit dans le travail, les individus vont chercher des solutions qui vont engendrer de nouvelles connaissances individuelles. Pour devenir organisationnelles il faut qu'elles soient enregistrées par l'organisation et accessibles à tous les salariés, qu'elles deviennent des pratiques et des usages.

2. Le concept de compétence :

Un détour historique des modèles théoriques de la compétence (cours d'Ewan Oiry - 2010) va nous permettre de définir cette notion.

L'étymologie de ce mot est latine. "Competentia" signifie se rencontrer au même point, répondre à, s'accorder avec.

Les premiers chercheurs à la fin des années 60 se sont interrogés sur ce qui faisait que certains salariés étaient plus performants que d'autres (psychologie différentielle). Le sentiment de compétence pour le salarié (White 1959) ou l'accumulation d'expériences positives devient un trait de la personnalité. La compétence est alors considérée comme individuelle.

En 1973, MacCelland (USA), précise cette définition en identifiant cinq dimensions différentes : les savoirs, les savoir-faire, les attitudes, les traits de la personnalité, les motivations (au sens anglais, forces intérieures récurrentes qui génèrent les comportements au travail). La compétence est hétérogène.

Dans le prolongement des travaux de Piaget, (définition cognitive) les linguistes (Chomsky, 1971) estiment que compétence ne rime pas forcément avec performance et qu'il faut nécessairement qu'il y ait un lien avec la situation contextuelle. Elle est « indissociable de l'activité par laquelle elle se manifeste » (Le Boterf, 1994). La compétence est contextualisée.

L'ergonomie cognitive s'empare à son tour de ce concept et démontre que la compétence est dynamique. Il y a interactions entre les différents types de savoirs (savoirs, savoir-faire pratiques, raisonnement) qui créent de nouvelles compétences.

Pour conclure, nous avons retenu la définition de Le Boterf "un individu agit avec compétence, lorsqu'il sélectionne, mobilise et combine les ressources personnelles (connaissances, savoir, savoirs-faire) nécessaires pour répondre pertinemment à une situation professionnelle".

Toutefois, cette compétence ne pourra être validée que lors de sa mise en oeuvre, lorsqu'elle sera évaluée par le N+1 (ou le tuteur).

Une fois la compétence définie, ses différentes dimensions sont à distinguer :

Selon Marie-Christine Combes11(*) la compétence individuelle peu se déployer en compétence collective, dite organisationnelle : "la production d'un bien ou d'un service est une activité collective. Les individus sont tributaires de leurs collègues, des outils à leur disposition, et plus largement de l'organisation. Réciproquement chaque individu contribue au travail des autres, et à l'activité collective"

Cet auteur distingue également les compétences techniques des compétences relationnelles "la logique d'apprentissage et de progression dans un métier collectif se fait selon des « axes de développement des compétences" : technique métier, technique outils, relation client, coopération équipe".

Pour illustrer le développement qui précède et le contenu de "la chose à transférer" nous ferons référence aux 5 compétences clés de l'emploi d'Agent hôtelier de la Maison de retraite N-D de la Ferrage (cf. Annexe n°2) extraites du référentiel de compétences effectué pour le cours d'E. OIRY selon le modèle théorique de M-C. Combes.

Le transfert des connaissances que nous venons de préciser nécessite de distinguer une autre dimension. Nonaka12(*) a identifié deux types de connaissances.

B / Distinction entre connaissances tacites et connaissances explicites :

Les connaissances explicites, formalisées, codifiées, peuvent être transmises par le langage ou la description. Le plus souvent, elles sont écrites ou même informatisées : règles, procédures. En général, le moyen de transfert des savoirs explicites à privilégier sera la communication écrite. La procédure pour la distribution des médicaments, la description des compétences sur d'une fiche de poste, le règlement intérieur ou les dossiers de soins sont des exemples.

Tandis que les connaissances tacites, implicites ne sont pas facilement exprimables. Elles concernent les savoirs faire transmis de bouche à oreille, les actions du quotidien, les trucs, les ficelles, les tours de main qui sont dans la tête des individus. Il y a également les routines.

Selon Zarifian13(*) le modèle de la routine est incontournable dans le travail car l'individu s'épuiserait s'il devait penser sans arrêt à ce qu'il va faire. Ce besoin d'agir de façon mécanique concerne aussi bien la gestuelle que le travail intellectuel.

Les routines reproduisent le passé et sont transférées par analogies, métaphores et surtout par la pratique et s'apprennent par la répétition et les habitudes.

En revanche les routines s'accommodent mal des situations nouvelles et du concept d'événements et peuvent devenir défensives. Certains salariés peuvent être bloqués par ces routines tant leur façon de faire est gravée dans leurs schèmes d'action (cf.supra Argyris C. - les routines défensives)

Plus difficiles à transmettre, les connaissances tacites reposent sur le savoir faire et la présence des personnes qui les possèdent dans l'entreprise. Le moyen de transfert le plus approprié sera la communication par un face à face, un travail en binôme ou en équipe, une interaction informelle. C'est pourquoi, les Organisations ont tendance à vouloir transformer ces connaissances tacites en explicites, les écrire pour les transférer plus facilement.

Le schéma ci-dessous illustre le processus :

Pour Nonaka et Takeuchi,14(*) "la clé pour acquérir une connaissance tacite, c'est l'expérience". Il faut observer, imiter pratiquer.

C'est pourquoi, dans le choix de l'outil de transfert qui sera utilisé, il y a lieu de porter une attention particulière à ces compétences tacites et de les repérer.

II - LE CONCEPT DE TRANSFERT DES CONNAISSANCES

Afin de simplifier le concept, nous nous attarderons sur deux conceptions.

A/ D'une conception linéaire à une conception dynamique

La première, démontrée entre autres, par Szulanski15(*) (1996), assimile le transfert à une transmission de messages (flux) entre un émetteur et un récepteur dans un contexte donné. Il décrit quatre phases dans le transfert : l'initialisation, l'adaptation, la mise en oeuvre et l'appropriation que nous avons explicité dans le tableau suivant :

INITIALISATION

ADAPTATION

MISE EN OEUVRE

APPROPRIATION

Identification des éléments à transmettre

Circulation vers le récepteur et modification en fonction du contexte

Le récepteur utilise la connaissance reçue

Réussite de l'expérimentation du nouveau savoir et enregistrment par l'Organisation

Cette théorie a été élaborée dans le cadre de transfert de connaissances entre des organisations nationales et internationales, d'un lieu à un autre où une distance les sépare. Or, dans le cadre de notre étude nous nous intéressons plutôt au transfert qui se produit d'un individu à un autre, c'est pourquoi nous avons étudié la deuxième conception.

En effet, Gherardi16(*) considère que la connaissance n'est pas une chose stable emmagasinée dans l'esprit des individus mais "un processus continu à travers lequel les pratiques émergent, se développent, se transforment en routines et éventuellement disparaissent". Pour le processus de transfert, il emploie le terme de "translation" avec une idée de transformation, d'interaction entre les individus qui échangent des informations et une prise en compte du contexte historique et culturel.

Malgré ces divergences, les deux écoles se rejoignent néammoins en ce qui concerne les freins et les leviers pour la réussite du transfert.

B/ Les facteurs de réussite du transfert

La réussite du transfert dépend des qualités de quatre éléments qui sont la source, le contexte, les connaissances et le récepteur :

La source : c'est la personne qui a les connaissances et compétences et qui transmet. Elle doit avoir certaines qualités comme amabilité, conscience professionnelle, être extravertie, avoir un esprit d'ouverture. Il faut qu'elle ait envie de collaborer et d'échanger et qu'elle ait des aptitudes à transmettre.

Le contexte : il s'agit des relations existantes dans l'Organisation, les modes de communication, de collaboration, de contrôle. Il faut par exemple une relation de confiance entre la source et le récepteur et un fort sentiment d'identification au groupe pour que le transfert soit efficace.

Les connaissances : comme nous l'avons vu plus haut, si elles sont tacites, elles seront plus difficiles à transmettre. Il en va de même pour les compétences complexes.

Le récepteur (la personne qui reçoit les connaissances) : outre l'engagement, le goût de l'effort et la motivation, le récepteur doit avoir une capacité d'absorption, d'apprentissage dont nous allons développer le processus ci-après.

III - LE PROCESSUS DE L'APPRENTISSAGE

Comment un individu peut il apprendre ?

A la base, il y a plusieurs théories de l'apprentissage mais nous avons retenu la théorie cognitive, développée par Piaget17(*)

A/ Un concept issu des sciences de l'éducation :

1. Le processus de l'apprentissage vu par Piaget

Théoricien de la pédagogie et du développement de l'intelligence, Piaget est un auteur connu pour ses études sur le développement de l'enfant. Mais son objectif est plus vaste car il s'agit de rendre compte du progrès en général. Pour lui l'intelligence est une forme d'adaptation au monde extérieur.

Ainsi, la pensée humaine se construit progressivement lorsque l'individu entre en contact avec le monde. Chaque fois qu'il perçoit un objet (ou une idée), il essaie de l'assimiler. Si cette assimilation échoue alors commence un processus d'accommodation.

En d'autres termes l'assimilation est un mécanisme consistant à intégrer une nouvelle situation à une situation pour lesquels il existe déjà un schème. Le schème est un ensemble organisé de mouvements (sucer, tirer, pousser...) ou d'opérations (sérier, classer, mesurer...) dont l'enfant dispose ou qu'il acquiert et développe par son interaction avec le monde environnant.

Alors que l'accommodation est un mécanisme consistant à modifier un schème existant afin de pouvoir intégrer une nouvelle situation.

La continuité fait que les étapes d'ajustement sont tellement proches les unes des autres que le mécanisme est invisible.

L'accommodation est un ajustement des schèmes et est complémentaire de l'assimilation.

Pour résumer :

Le processus d'assimilation caractérise l'intégration d'une information et l'enrichissement des schémas de pensée, sans les remettre en cause.

L'accommodation suppose un changement des modèles mentaux et des connaissances déjà acquises afin d'intégrer la nouvelle donnée.

La connaissance n'est pas un stock, une juxtaposition élémentaire mais un ensemble structuré articulé. Piaget parle de structuration de la connaissance ; il existe une tendance à harmoniser nos connaissances. Lorsqu'il y a incohérence on parle de dissonances cognitives ; la structuration des connaissances permet d'utiliser nos connaissances, de les réorganiser.

Par ailleurs l'individu est soumis (par l'expérience ou par l'information donnée), à des connaissances nouvelles qui ne sont pas toujours compatibles, cohérentes avec celles qu'il possède déjà. Aussi la connaissance doit être proche de celle que l'on possède déjà pour pouvoir se l'approprier.

Le mécanisme d'apprentissage des enfants peut-il être rapproché de celui des adultes ?

Il existe quelques différences à noter dans la perspective de notre recherche, car les salariés apprenants sont des adultes dans le sens où ils ont déjà acquis des connaissances, des expériences, des habitudes, ils ont connu d'autres cultures. Par exemple, une différence de motivation (liée à l'obtention d'un emploi), de maturité (moins de souplesse intellectuelle mais plus de capacité de réflexion).

Pour apprendre efficacement, l'adulte doit donc être motivé, se sentir intégré dans l'équipe, il doit pouvoir comprendre l'information qu'on lui transmet (jargon du métier, le pourquoi on fait telle chose de cette façon, le sens de ce qu'il apprend).

Ce que nous venons d'expliquer se situe dans le cadre d'un apprentissage individuel. Que se passe-t-il au niveau de l'Entreprise ?

2. De l'apprentissage individuel à l'apprentissage collectif

L'individu apprend tout au long de sa vie selon des étapes : apprentissage familial, scolaire, social, professionnel. Tous ces savoirs et savoir-faire acquis au fil des années sont en interaction permanente pour donner un capital de connaissances fait de sa vision du monde, sa compétence propre, ses savoirs d'expérience.

C'est à partir de ce capital personnel et de la coopération des individus dans une équipe et dans l'organisation que va se construire un savoir-faire commun. De quelle façon ?

B/ Un concept issu des sciences de gestion

1. L'apprentissage dans les organisations : ou comment faciliter l'apprentissage en évitant les routines défensives

Argyris C.18(*) spécialiste en psychologie des Organisations, avec le concours de Schôn D., a élaboré une thèse basée sur deux types d'apprentissage : les salariés doivent savoir non seulement résoudre les problèmes routiniers liés à l'apprentissage en simple boucle, mais aussi agir efficacement lorsqu'ils sont confrontés à des situations difficiles, cela nécessite alors un apprentissage en double boucle19(*).

Schéma tiré de l'ouvrage cité ci-dessus

Lorsqu'un individu détecte un dysfonctionnement et se contente de le modifier, il s'agit d'un apprentissage en simple boucle. Ce comportement s'appuie sur les répétitions et les routines et permet une adéquation rapide des tâches, des règles et des structures.

Lorsque l'individu corrige non seulement le dysfonctionnement mais modifie aussi les valeurs directrices (valeurs, coutumes, routines, normes, choix stratégiques) qui guident son action, l'apprentissage se fait en double boucle. Ce comportement se produit grâce à l'utilisation des connaissances.

Les auteurs s'appuient sur cette typologie pour détecter et éviter les résistances (routines défensives) qui font obstacle à l'apprentissage. Les routines défensives représentent toutes les actions qui permettent à un individu de ne pas se retrouver dans une situation embarrassante mais qui ont pour conséquence non voulue, d'interdire la discussion et la résolution des vrais problèmes.

On observe que le modèle d'Argyris (simple et double boucle) rejoint le modèle de Piaget (assimilation et accommodation).

Ces modèles théoriques nous ont permis de comprendre certaines choses qui vont nous être utiles pour notre recherche.

2. De la théorie au terrain d'étude

- Le problème initial est un besoin de transmettre la culture d'entreprise (données, informations, connaissances, savoirs, savoir-faire, compétences, pratiques, valeurs) et par conséquent une absorption rapide par les apprenants, compte tenu de la perspective du recrutement massif.

- Nous savons maintenant que parmi ces éléments de la culture, certains pourront être transmis facilement (explicites) d'autres demanderont beaucoup plus d'attention et de moyens (humains, temps, coût, stratégie, organisation, gestion) pour réussir.

- Nous avons vu que le transfert de connaissance n'est pas seulement faire passer quelque chose d'un point à un autre. En effet, c'est un processus dynamique avec une multitude d'interactions entre tous les acteurs de l'organisation, qu'il faut faciliter. De nombreux facteurs qui interfèrent dans la transmission et dans l'apprentissage méritent une attention (source - contexte - récepteur...)

- La description du processus d'apprentissage nous a montré que la connaissance à apprendre doit être compatible avec celle que possède déjà le nouveau pour pouvoir se l'approprier. La phase du recrutement et d'évaluation des salariés pendant la période d'essai et la détection des représentations et valeurs de la personne à ce moment précis a donc une importance capitale pour assimiler ou accommoder les connaissances qu'on va lui transmettre.

A partir de ces constats, la première question qui se pose est quel est l'émetteur le plus approprié pour transmettre les savoirs organisationnels ? Doit-il être extérieur à l'entreprise, formateur, mentor, coach ? En outre, sous quelle forme peut-on transmettre les valeurs, les normes, les routines de l'entreprise ? La formation, les entretiens individuels ou collectifs, les conférences, les réunions, les supports documentaires sont-ils des outils tous aussi pertinents ?

CHAPITRE 2 - HYPOTHESE DE RECHERCHE :

LE TUTORAT, MOYEN DE TRANSMISSION DE LA CULTURE D'ENTREPRISE

Il est possible que le moyen de transmission des savoirs pour transmettre la culture soit le tutorat. Les avantages sont nombreux et tous les acteurs semblent en retirer des bénéfices.

Cette démarche, déjà en place dans la structure de notre terrain d'étude pour l'intégrer les nouveaux salariés embauchés, n'a jamais fait l'objet d'une évaluation. Il n'est pas du tout certain aujourd'hui que ce moyen soit pertinent et favorise le transfert de la culture d'entreprise. Par ailleurs, une entreprise doit nécessairement maîtriser ses processus et évaluer ses effets en termes de valeur ajoutée.

C'est pourquoi nous allons vérifier si le tutorat permet la transmission de la culture d'entreprise. Rappelons que sous ce générique "transmettre la culture", les besoins identifiés sont les suivants : informer, diffuser de nouvelles connaissances, sensibiliser à d'autres valeurs culturelles, favoriser un changement de perception, modifier une pratique professionnelle.

Par conséquent nous émettons l'hypothèse que :

Le tutorat est un moyen approprié de transmission de la culture d'entreprise

Pour assurer cette mission, nous allons étudier dans un premier temps, le concept de tutorat (section 2.1) et dans un deuxième temps, mener une enquête sur le terrain basée sur des entretiens semi-directifs. (Partie 2)

Section 1 - Le concept de tutorat

La transmission du savoir-faire métier a toujours existé. Transmettre aux futurs collègues des compétences techniques et sociales est un phénomène très ancien qui remonte au compagnonnage, dans le milieu artisanal. Le devoir du compagnon était de transmettre ce qu'il a lui-même reçu.

Le développement de la formation par alternance dans les années 80 a introduit l'apprentissage par le travail dans les entreprises. Le travail est alors considéré comme un élément clé de la transmission et de l'acquisition des compétences. C'est la raison pour laquelle le tutorat se développe. Favorisé par les lois sur la formation professionnelle tout au long de la vie (20/09/2003), le tuteur permet de guider les stagiaires dans leur apprentissage.

Aujourd'hui, ce tutorat revient en force avec la réforme des retraites et la prolongation des carrières, pour valoriser les seniors. Il est utilisé également dans le cadre du départ massif des générations baby Boom, pour conserver les compétences clés de l'entreprise et intégrer les jeunes.

Le tutorat a fait l'objet de nombreuses recherches en sciences de l'éducation (Barbier, 1996) qui ne sera pas développé ici. Néanmoins, leurs modèles théoriques ont inspiré les auteurs des sciences en gestion et il existe de multiples définitions.

Si le tutorat actuellement en place dans la Maison de retraite ND de la Ferrage, permet d'améliorer l'accueil et l'intégration des nouveaux embauchés, il concerne principalement des salariés recrutés en C.D.D. pour des remplacements temporaires. Dans cette hypothèse, le but est de rendre la personne opérationnelle le plus rapidement possible (intégration rapide). Cependant, dès l'ouverture des nouvelles structures, un volume important de recrutement en C.D.I aura lieu. L'enjeu devient différent. Dans cette perspective, le tutorat devra permettre, non seulement d'intégrer les nouveaux, mais aussi de pérenniser la culture ou du moins la maintenir.

Notre intérêt sera donc tourné vers le tutorat dit "de socialisation et de transfert de compétences". Pour le définir, il nous a paru nécessaire de faire un détour sur l'origine du mot "tuteur", puisque c'est lui qui exerce le tutorat. L'interview des tuteurs praticiens et celle des auteurs complètera notre éclairage. Nous verrons ensuite comment fonctionne ce tutorat et les avantages du dispositif. Pour terminer, les conditions de réussite du tutorat seront analysées afin de faire une comparaison avec notre cas pratique.

A/ Définitions

1. De l'origine du mot tuteur à la perception des tuteurs d'aujourd'hui

"Tuteur" provient du latin "tutor" dérivé de "tueor" qui veut dire regarder fixement, avoir l'oeil, surveiller, protéger.

Le Larousse indique deux définitions :

- juridique, le tuteur est chargé de surveiller les intérêts d'un mineur ou incapable majeur.

- botanique, c'est une perche, armature qui soutient une jeune plante.

Quant à la législation française, seul le code du travail précise le statut et les fonctions du tuteur qui est "le maître d'apprentissage"(Formation des Apprentis): "personne qualifiée pour diriger...personne qui enseigne...personne dont on est le disciple et que l'on prend pour modèle".

Ce qu'en pensent les tuteurs

Nous avons souhaité recueillir en pré-enquête, la définition personnelle et spontanée de différents tuteurs qui pratiquent cette fonction. Nous avons questionné des tuteurs d'horizons différents, éducation ou entreprise. Tous sont tuteurs occasionnels en liaison avec leur profession. Voici leur témoignage :

- Pour un professeur d'université, tuteur de mémoire : "Le tutorat en ce qui me concerne se définit comme une des formes de l'accompagnement. Celui-ci doit permettre à l'étudiant d'élaborer sa réflexion selon des modalités que le tuteur vient rappeler. Il est là pour faire en sorte que le travail d'élaboration puisse se faire dans les conditions de réalisation de la commande exigée. Le tuteur est donc quelqu'un sur lequel l'étudiant peut prendre appui, quelqu'un qui aide à la prise de distance et qui utilise l'évaluation formative en vue d'une progression de l'étudiant".

- Pour une Assistante de Direction d'un foyer pour handicapés, tutrice de qualification pour la formation en alternance : " c'est accompagner, aider la personne pour développer ses compétences"

- Pour un infirmier, tuteur d'intégration de nouveaux professionnels : "le tuteur serait un "facilitateur", c'est le premier mot qui me vient. Il doit permettre au tutoré de s'intégrer au mieux, dans les meilleures conditions possibles et plus rapidement qu'il ne le ferait sans son aide. Dans ce contexte facilité, le tutoré pourra alors apporter sa spécificité et contribuer à l'ensemble. Ce qui renvoi à une autre fonction pour le tuteur : être en capacité de dégager des potentiels chez le nouvel arrivant. Il doit être animé d'une volonté de transmettre sans enfermer l'autre.

A partir de ces définitions, nous retenons les actions d'accompagnement, d'aide, de soutien, d'appui, de surveillance, d'évaluation, d'apprentissage, de développement de compétences et de facilitateur. Si ces fonctions font bien partie intégrante du rôle du tuteur, est-ce suffisant pour définir le tutorat ?

2. Ce qu'en pensent les auteurs :

J.-M. Barbier20(*) reconnu dans l'enseignement et la formation, nous donne cette définition du tutorat : « on tend à parler de tutorat chaque fois que l'on constate auprès d'agents dont ce n'est précisément pas la fonction principale, et pour une durée qui est généralement limitée, la présence d'activités qui contribuent directement à la survenance chez d'autres agents de transformations identitaires correspondant au champ même de cette fonction principale »

En effet, dans l'entreprise, le tutorat n'est pas un métier ni une fonction à part entière. Le tuteur accomplit sa mission tutorale tout en assurant sa mission professionnelle. Quelle que soit sa qualification ou sa position hiérarchique, un salarié peut être tuteur.

Le tutorat peut être improvisé. Quand un nouvel acteur arrive dans son service par exemple, la personne expérimentée va tout naturellement l'aider à s'intégrer. Dans d'autres cas elle est instituée comme dans le cadre de la formation en alternance. Enfin, elle peut effectuer cette mission dans un cadre structuré par l'entreprise. Cette distinction de trois types de tutorat : spontané, institué, organisé, nous est donnée par Boru et Leborgne21(*). Par exemple, la Maison de Retraite ND de la Ferrage, a connu successivement ces trois modalités dans l'histoire de son tutorat. (cf. 2e Partie)

Ces derniers auteurs considèrent le tutorat comme "un ensemble de moyens, en particulier humains, mobilisés par une entreprise pour intégrer et former à partir de la situation de travail". Ils insistent sur le fait que le tutorat n'est pas simplement une relation entre le tuteur et le tutoré mais que l'organisation joue aussi un rôle déterminant. En effet d'autres acteurs interviennent comme par exemple "des personnes ressource" (relais dans le service) les chefs de service (responsable du tutorat), la Direction.

Si le tutorat est d'abord une relation entre deux personnes dans une situation formative : un professionnel et une personne en apprentissage d'un métier dans son environnement, le tutorat est aussi une fonction intégrée et organisée dans l'entreprise, avec une notion de responsabilité partagée.

Au-delà de ces éléments de définition, la notion de tutorat demande à être complétée par une approche de ses différentes missions et de ses intérêts.

B/ Missions et intérêts du tutorat d'entreprise

Il y a différentes missions du tutorat en fonction de la nature, la taille, le besoin ou la pratique de l'entreprise.

"il n'existe pas de tutorat type et pas davantage de tuteur type" (Gérard22(*)).

Parmi les plus courantes on trouve le "tutorat de formation" pour les stagiaires de la formations en alternance, " le tutorat d'intégration" des nouveaux salariés, ou encore " tutorat de transmission" intergénérationnel. (ou senior) Nous allons développer le tutorat dans sa fonction de socialisation et de transmission des compétences, plus proche de notre hypothèse de recherche.

1 . Une fonction de socialisation et de transmission des compétences :

Le concept de socialisation organisationnelle développé par D. Lacaze s'inspire de la définition de Schein "la socialisation est le processus d'apprentissage des "ficelles" d'un emploi, d'endoctrinement et de formation, le processus par lequel un individu reçoit un enseignement de ce qui est important dans les organisations et dans les sous-unités".

Les objectifs de la socialisation d'un nouvel employé sont principalement de lui faire connaître et comprendre l'entreprise, favoriser son sentiment d'appartenance, susciter son adhésion, notamment à la stratégie et à la culture. Rendre le tutoré opérationnel, le former au métier, développer sa performance au travail, fait partie de la finalité du tutorat. Au niveau de l'Organisation, la socialisation renforce la cohésion du groupe, développe la confiance, accroît l'attractivité, réduit le turn-over de l'entreprise. Pour ce faire le tuteur doit être en contact permanent avec le nouveau : « Plus une recrue bénéficie de contacts fréquents avec un tuteur, plus elle perçoit la culture de l'entreprise...» (Delobbe, Vandenberghe, 2001, p. 75)

La phase d'intégration est une étape déterminante pour la socialisation. L'objectif poursuivi par le tuteur doit toujours être la réussite du tutoré. Le tuteur exerce cette responsabilité en réservant au salarié embauché une qualité d'accueil, d'accompagnement dès le premier jour de son arrivée.

Socialiser c'est aussi transférer des compétences, opérationnelles et comportementales. En effet, il s'agit d'une transmission d'expertise technique et organisationnelle à travers l'exemplarité des savoirs faire du tuteur (cf. concept compétences - référentiel Agent hôtelier). L'apprentissage se fait par l'essai et l'erreur. (cf. concept Argyris "boucle d'apprentissage") L'important est de comprendre la cause de l'erreur ("apprentissage en double boucle"). En pratique, le tuteur devra adopter une stratégie afin que le tutoré "combine et mobilise" ses ressources. (cf. définition de la compétence - Le Boterf)

En général, 6 étapes pédagogiques doivent être observées (C. Benoît « la boîte à outil du tuteur » 2010) : expliquer, montrer, faire-faire, interagir, évaluer, réagir. Toutefois, pour assimiler, le tutoré va traverser 4 phases (schéma ci-dessous : les 4 phases de transfert)

1. Phase d'action

Le tutoré exécute reproduit agit en utilisant les ressources disponibles

2.Phase d'explicita

tion

3. Phase de conceptualisation et de modélisation

4. Phase de transfert

Regard sur la manière de gérer son activité : le tuteur l'aide à analyser

Le tutoré comprend que la tâche apprise peut être réutilisée dans des situations identiques

Il utilise l'expérience acquise dans d'autres situations similaires ou différentes en s'accommodant

Schéma conçu par l'auteur à partir de l'ouvrage "la boîte à outils du tuteur"

Il y a, bien sûr, interaction et échanges mutuels entre tuteur et tutoré.

2. Les intérêts du tutorat :

Au travers de la définition et de la mission du tutorat, nous pouvons commencer à entrevoir des pistes de réponses à notre questionnement. Pour compléter nous allons nous intéresser aux intérêts que le tutorat met en jeu. (Christine Benoît « la boîte à outil du tuteur » 2010)

Les avantages pour le tuteur :

Le tuteur est valorisé et reconnu. Il est perçu différemment au sein de l'équipe. Il est reconnu pour son professionnalisme, sa capacité à transmettre ses compétences, à évaluer celles du tutoré. Il ne subit pas le choix de la Direction du nouveau collaborateur, il est acteur de ce choix.

Le tutorat permet au tuteur de se questionner sur ses propres pratiques, valeurs et croyances, se situer ici et maintenant, se projeter dans le futur et se préparer au changement.

Il s'enrichit de l'échange et de l'apport de connaissances et d'autres expériences du nouveau salarié.

Les avantages pour le tutoré :

Le nouveau salarié bénéficie d'un accompagnement personnalisé pour se confronter à la culture existante, voir si elle lui convient, si les valeurs affichées sont en adéquation avec ses croyances et les intégrer plus facilement. Il permet de comprendre le métier, les comportements grâce à un interlocuteur privilégié.

Il acquiert plus rapidement de l'autonomie. Il a un droit à l'erreur. Il sait sur quoi il va être évalué.

les avantages pour l'entreprise :

Les avantages du tutorat se retrouvent à plusieurs niveaux : sur le plan humain, on assiste à une valorisation des pratiques existantes et des compétences globales de l'entreprise, la professionnalisation des salariés en poste, la fidélisation des entrants. Le climat dans l'entreprise est meilleur grâce au sens, à la synergie et la dynamique instaurés par la démarche tutorale.

Sur le plan qualitatif, le tutorat répond au besoin de performance et de ne pas « perdre son âme ». Le bénéfice est répercuté sur les usagers par une continuité de la qualité du service rendu.

Sur le plan financier, cela améliore l'efficacité, la polyvalence et réduit le coût du turn-over. Il y a une diminution des risques d'erreurs et d'anomalies. La gestion des ressources humaines est allégée.

Encore faut-t-il que le processus de tutorat réponde à certaines conditions.

Section 2 - Les conditions de réussite du tutorat

Plusieurs facteurs interviennent dans la réussite du tutorat, le choix du tuteur (ou l'acceptation de sa candidature par le Responsable) et la formalisation de la démarche tutorale par l'entreprise. Les qualités de la personne tutorée sont à prendre en compte également.

A/ Le Choix du binôme :

Il ne suffit pas de mettre en présence une personne expérimentée avec une autre qui l'est moins pour que cela fonctionne. Ainsi, repérer dans l'entreprise des salariés susceptibles d'être tuteur n'est pas anodin.

En ce qui concerne les qualités du tuteur, un classement en trois domaines de critères d'exigence est proposé : le vouloir, le savoir, le pouvoir (ACTIF FORMATION - guidance et tutorat - 2007)

Le vouloir : la motivation pour assurer les fonctions de tuteur est primordiale. Il est indispensable que l'intéressé soit absolument volontaire pour exercer une telle fonction. La fonction de tuteur demande du temps, de la disponibilité, de la patience, de la persévérance. On ne peut donc pas imposer de telles contraintes ni une telle charge à n'importe qui.

Le savoir : la première ressource du tuteur, c'est lui-même. Il doit avoir la connaissance de l'entreprise, être compétent et même expert reconnu dans son métier. Il sait analyser son poste. Ce critère est certainement le plus facile à déterminer pour la sélection du tuteur.

Le pouvoir : il doit avoir des qualités personnelles dont certaines capacités dans le domaine intellectuel, pédagogique, psychologique. C'est une personne qui a le sens de la communication. Ouverte aux autres, à l'expérience et à la nouveauté, c'est quelqu'un qui inspire confiance. En fonction de son attitude, dans ses critiques ou appréciations, les progrès seront gênés ou favorisés. Le tuteur doit avoir également un caractère stable et équilibré émotionnellement. Il a confiance en lui et ne craint pas une remise en cause de son professionnalisme. Il a le courage d'évaluer, de dire « non », « c'est pas bien ». Il sait faire face à la résistance au changement qui a tendance à augmenter avec l'âge.

Ces qualités sont plus rares à détenir, plus difficiles à détecter, d'où l'utilité d'une formation au tutorat.

En ce qui concerne les qualités du tutoré, une première identification intervient en amont. La phase de recrutement permet de détecter si la personne a des points de référence dans ses savoirs passés en lien avec la culture, si elle peut s'intégrer et apprendre, au besoin, en modifiant ses représentations et en changeant de conception.

Ensuite, dans la phase d'intégration, le tuteur devra adapter sa méthode pédagogique à la personnalité du tutoré. En effet, chaque apprenant est unique et réagit différemment en fonction de son système cognitif et de son histoire. Par exemple, certaines personnalités sont impulsives, elles agissent d'abord et réfléchissent ensuite alors que d'autres contrôlent tout. Les unes sont prudentes, respectueuses des consignes, ont peur de l'échec contrairement aux téméraires qui sont rapidement autonomes et ont l'esprit d'initiative.

Outre ces traits de caractère, le tutoré devra faire preuve de motivation, faire des efforts et s'engager dans la démarche tutorale.

B/ Le tutorat, un projet d'entreprise :

Pour être un atout, le tutorat doit être une volonté politique de l'Entreprise et s'intégrer dans sa gestion des ressources humaines avec un processus précis et opérationnel. Cela nécessite une réflexion en amont sur sa nécessité, sa pertinence et ses objectifs. Tous les membres de l'équipe, Direction, Responsables de services, doivent s'impliquer et s'approprier le projet.

Organiser et réussir une démarche de tutorat passe par les étapes suivantes :

- Informer :

Communiquer et créer un climat propice au fonctionnement du tutorat est la première chose à mettre en place. Pour cela, la Direction affiche sa volonté et informe l'ensemble du personnel. Elle montre l'intérêt du tutorat pour tous les acteurs et prévoit les moyens et le temps nécessaire pour l'accomplissement de cette mission. L'élaboration d'une "charte du tutorat" peut être un moyen de diffuser le message.

- Former :

La formation des tuteurs est indispensable car accompagner un nouvel embauché ne s'improvise pas. L'objectif de la formation est de permettre le repérage des éléments de la culture à transmettre, cela demande une réflexion sur les pratiques de chacun : connaissances, routines, compétences. Au préalable la Direction doit avoir identifié les comportements souhaités, ce qui va permettre aux futurs tuteurs de réfléchir et d'auto analyser leurs propres comportements.

Un autre intérêt va être d'enseigner les techniques de communication et la pédagogie à adapter en fonction de la situation et du profil du tutoré. De même que comment passer de la logique de production qui correspond à l'activité normale qu'il faudra poursuivre, à une logique de formation. Par ailleurs, la démarche tutorale doit être préparée et le tuteur doit en connaître les principales étapes : organiser le parcours du nouvel arrivant, l'accueillir, lui transmettre les valeurs, l'intégrer dans le collectif de travail, préparer une séquence de travail, expliquer et montrer le travail, faire réaliser le travail sous contrôle, évaluer les acquis et la progression, faire le bilan.

La question de la durée du tutorat se pose. Jusqu'à quand peut-on être le tuteur d'une

personne ? Le but étant de rendre cette dernière autonome le plus rapidement possible, la durée est variable. Il serait intéressant dans l'étude de terrain de pouvoir préciser la durée moyenne de ce dispositif.

- Encadrer

Pour accompagner le parcours du tutorat, le supérieur hiérarchique remet une documentation sur l'entreprise. Une "boîte à outil du tutorat" peut être créée qui réunit un guide du parcours par étapes et documents utiles tels que livret d'accueil, organigramme, protocoles, consignes de sécurité, règlement intérieur, fiche de poste ou référentiel de compétences, fiche d'évaluation.

Les managers créent également des conditions de management favorables en allégeant la charge de travail du tuteur ou en étant moins exigent sur le résultat ou la performance. Ils supervisent l'ensemble du processus et jouent un rôle de conseil et de soutien des tuteurs.

- Reconnaître

La reconnaissance des tuteurs est nécessaire pour pouvoir les distinguer et les valoriser. Elle peut se faire sous plusieurs formes. La plupart du temps elle est symbolique au travers du simple fait d'avoir été choisi par l'entreprise et reconnu comme expert. Elle peut être salariale, prime ou promotion et le temps supplémentaire passé au tutorat peut être pris en compte. Certaines entreprises remettent "un certificat de compétence ". Sans aller jusque là, formaliser le tutorat par une sorte de contrat d'engagement entre toutes les parties concernées, peut se montrer utile pour reconnaître la Responsabilité qu'implique la fonction.

- Faire un bilan du dispositif

L'organisation se doit d'évaluer la démarche. Cette dernière étape s'avère indispensable pour déterminer si les objectifs fixés au départ sont atteints, mesurer les écarts pour pouvoir les corriger, quels sont les freins et les leviers.

Notre Deuxième partie consacrée à l'étude pratique doit apporter une réponse à notre hypothèse de départ. Pour nous servir de guide, le schéma ci-dessous synthétise le concept du tutorat articulé avec les apports des deux concepts précédents.

Schéma récapitulatif du tutorat élaboré par l'auteur

RESERVOIR DE CONNAISSANCES

Culture d'entreprise et projet d'Etablissement

- fondateurs, histoire, valeurs, métier (compétences tacites/explicites, savoir-faire, savoir être)

- symboles rites

TRANSFERT

EMETTEUR = TUTEUR

Personnel expérimenté

Qualités :

- Bonne connaissance de la culture

- Compétences techniques et organisationnelles reconnues.

- Envie de transmettre

- Pédagogie, caractère extraverti, facilité de communication et d'écoute

RECEPTEUR

Le nouveau salarié

Qualités :

- Valeurs proches de celles de l'entreprise et du secteur d'activité

- Intérêt pour apprendre

- Capacité à absorber les nouvelles connaissances

- S'engager à coopérer, à partager

PARTIE 2 - ETUDE PRATIQUE

CHAPITRE 1 - PRESENTATION DU TERRAIN D'ETUDE

Section 1 - L'entreprise

La présentation de la Maison de retraite N-D de la Ferrage a été abordée dans la première partie au cours du diagnostic de sa culture. Nous allons maintenant vous présenter succinctement le secteur des personnes âgées. Puis l'Etablissement sera exploré dans sa fonction "Gestion de ses ressources humaines" au sein desquelles nous allons intervenir, et plus particulièrement ses caractéristiques qui sont en rapport avec notre recherche.

I - PRESENTATION DU SECTEUR PERSONNES AGEES

Ce secteur est partagé entre le domaine public et privé, ce dernier étant divisé entre le secteur lucratif et non lucratif.

Les Etablissements sont de tailles et d'orientations variées :

- Unités de soins de longue durée,

- Aide à domicile,

- Services de soins infirmiers à domicile,

- Foyers logements,

- CANTOU GRANCHER_ 25/10/10 10:28

- Centres d'accueil de jour,

- Villages Retraite,

- Maisons de Retraite - EHPAD.

L'EHPAD, qui est la forme la plus répandue, peut accueillir des personnes dépendantes parfois atteintes de la maladie d'Alzheimer. La prise en charge de ces personnes nécessite un savoir faire et savoir être particulier auxquels l'Etablissement ND de la Ferrage est attaché. Les règles qui régissent leur fonctionnement sont fixées par le code de l'action sociale et des familles et il doit conclure avec l'Etat et le Conseil Général une convention tripartite fixant pour une durée de 5 ans les objectifs de qualité de prise en charge des résidents et ses moyens financiers de fonctionnement. Il faut noter que les exigences des organismes de tutelle en matière de qualité augmentent en même temps que les restrictions budgétaires de l'Etat et des collectivités locales. Il en résulte que les Etablissements doivent faire toujours mieux avec moins de moyens financier et mener une gestion du personnel de plus en plus serrée.

L'environnement :

La branche est en plein développement compte tenu de l'allongement de la durée de vie et des maladies dégénératives.

Au niveau national, de grands Groupes d'EHPAD se positionnent sur le marché, avec des stratégies de croissance externe.

Au niveau régional, de nombreuses ouvertures de structures d'accueil et d'extension d'Etablissements vont être favorisées par le Plan Alzheimer 2008/2012. C'est dans le cadre de ce plan que l'appel à projet a été lancé et que l'extension de l'Etablissement a été autorisée.

Au niveau local, de nombreux Etablissements existent dans le canton un autre Etablissement de même nature est implanté dans la commune.

II - LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

L'effectif en personnel salarié est de 30 ETP (équivalent temps plein) 40 à 50 personnes en effectif réel. L'organigramme de l'établissement est joint en annexe n°3.

La Gestion des Ressources Humaines est assurée par une Directrice. Elle est assistée par quatre cadres :

- Un médecin coordonnateur,

- Une assistante RH, également responsable du service cuisine et entretien,

- Une assistante de direction, également responsable du service hôtelier,

- Une infirmière Référente, responsable du service soignant.

- Un poste de psychologue a été créé en début d'année. La personne recrutée il y a trois mois, a bénéficié du tutorat et a fait partie des personnes interrogées au cours de notre enquête.

Tous les métiers, quels qu'ils soient, productifs ou fonctionnels, en contact direct ou pas avec le public accueilli, concourent au bien être des personnes âgées.

Quelques incateurs sociaux de l'année écoulée :

Nombre total de salariés employés sur l'année (en personnes)

71

Nombre de personnes en C.D.I

39

Nombre de personnes en remplacement (CDD)

32

Nombre de Contrats aidés par l'Etat (CAE-CUI)

5

Arrêts maladie

14 (de 3 à 15 jours) + 1 longue maladie

Nombre de démissions

1

Ancienneté moyenne

11 ans

Il y a une forte proportion de femmes. La prédominance du genre féminin s'explique par le métier.

pyramide des âges

Pyramide des anciennetés

Pyramides réalisées à partir de données du logiciel de paie (cf. annexes 4 et 5)

Le recrutement

Le pré-recrutement est fait par l'Assistante R.H, les entretiens d'embauche par la Directrice et le Responsable du service concerné, sauf pour le recrutement des Cadres qui est du ressort du Président. Les critères de recrutement sont basés tout d'abord sur le diplôme exigé par la réglementation pour les métiers du soin et dans la mesure du possible, sur l'adéquation des valeurs et compétences du candidat par rapport à la culture de l'entreprise.

La plupart des embauches s'effectuent dans le cadre de C.D.D pour le remplacement des salariés en C.D.I absents et le renouvellement des contrats aidés CUI tous les six mois.

Il n'y a pas beaucoup de turn-over, il se situe au niveau des remplaçants. Les démissions sont rares (une en 2010), 3 licenciements en 27 ans (dont 2 aux prud'hommes) et 2 ruptures conventionnelles depuis que la loi existe.

La dernière phase du recrutement qui est l'intégration des nouveaux embauchés est réalisée par le biais du tutorat.

Sur le marché de l'emploi, il y a une pénurie d'aide-soignants diplômés et plus encore d'infirmiers D.E.. Les agents hôteliers, sont recrutés sur la base d'un BEP sanitaire et social ou DEAVS. (auxiliaire de vie sociale)

Le management

Le management, qui est du ressort des Responsables de service, est plutôt de type participatif.

La communication est directe et facilitée par les réunions d'équipe quotidiennes formelles et informelles.

- Pour les agents hôteliers 2 réunions formelles par semaine, lundi et jeudi à 9h avec l'infirmière référente pour discuter de tout ce qui touche à la prise en charge des résidents. La responsable hôtellerie (organisation du travail) n'y participe pas pour l'instant par manque de temps, elle intervient ponctuellement en cas de besoin.

- Pour les soignants, un "staf" a lieu tous les jours à 11h avec l'infirmière référente.

- 1 réunion par mois avec l'ensemble du personnel animée par la directrice

- 1 Réunion hebdomadaire des cadres.

- Des pauses informelles sont tolérées au cours de la journée (pause café, pause cigarette) qui permettent de "souffler" par des échanges plus libres.

L'organisation du travail des équipes :

Pour mieux appréhender le cadre de travail des personnes interviewées, nous allons brosser un portrait de l'organisation du travail dans les deux services concernés : Hébergement/Hôtellerie et Soins qui sont le coeur du Métier de cette entreprise. Nous ne parlerons pas du service Restauration qui n'a pas pu faire partie de notre échantillon.

Il existe un référentiel de compétences pour le métier d'agent hôtelier23(*) (cf. annexe 2).En revanche, le référentiel de l'aide soignante, si spécifique en Maison de retraite n'a pas encore été élaboré. En règle générale, le support écrit utilisé pour le tutorat est la fiche de poste.

L'Etablissement fonctionne 7 jours sur 7 et 24h sur 24h et les horaires sont fait par roulement sur la quinzaine.

Pour les deux services, l'Etablissement est divisé en cinq secteurs géographiques composé de dix chambres.

- Le service hôtelier est composé de cinq "Responsables de secteur" affectés à un secteur. Par ailleurs, un agent hôtelier appelé "le tournant" change chaque jour de secteur car il a pour mission de remplacer les cinq responsables pendant leur jour de repos hebdomadaire. La présence d'un agent hôtelier est indispensable à partir de 7h30 du matin pour le service du petit déjeuner en chambre, le midi et le soir pour le service des repas en salle à manger, les week-end et jours fériés.

- Le service Soin, est organisé de façon différente. Lorsque les aides soignantes prennent leur service du matin pour effectuer la toilette des résidents, elles choisissent un secteur et le notent sur une fiche prévue à cet effet. Cela leur permet de connaître les habitudes de tous les résidents et de pouvoir passer le relais à une collègue lorsque des prises en charges sont très lourdes. Elles interviennent également pour le service des repas en salle à manger. La présence, au minimum, d'une aide soignante dans l'Etablissement est indispensable 24h sur 24h. Elles sont encadrées par une infirmière.

Lorsqu'une nouvelle personne est embauchée, l'usage est de la positionner "en double" sur un roulement, dans la mesure du possible sur celui de la personne qu'elle va remplacer. Cela signifie qu'elle travaille en binôme pour une durée qui varie de 1 à 2 jours (restriction budgétaire oblige)

Section 2 - Le contexte de la mise en place du tutorat

L'Etablissement a traversé différentes évolutions marquantes que ce soit au niveau externe (gérontologique, législative, politique, sociologique) ou interne (réhabilitation, agrandissements, nouvelle technologie). Les personnes qui y travaillent sont habituées aux changements. Toutefois le changement prochain, l'extension en 2011 qui va doubler la capacité d'accueil, est important et sans précédent dans l'histoire de la Maison. Le projet de restructuration prévoit la création de 30 chambres supplémentaires, d'un accueil de jour de 10 places pour les personnes atteintes de la maladie d'alzheimer et la création d'un PASA (pôle d'activités et de soins adaptés) pour les personnes âgées en grande difficulté.

L'ouverture du nouveau bâtiment est prévue pour le 1° septembre 2011.

I - HISTORIQUE DE LA MISE EN PLACE

Pourquoi la Direction a décidé de mettre en place le tutorat ?

L'origine de cette idée est apparue il y a une dizaine d'années car certains salariés embauchés avaient du mal à s'intégrer et surtout, à comprendre notre façon de travailler. Cela avait des conséquences négatives : la personne pouvait démissionner ou être exclue dès le premier jour, complètement dépassée par la situation. Elle pouvait être aussi confirmée dans son poste alors que le Responsable n'avait pas pu vérifier son aptitude à l'occuper. Ce dernier n'est pas au contact permanent des salariés. Bien qu'il demande l'avis de son équipe qui a travaillé auprès du nouveau, ces derniers, mêmes s'ils ont noté son incompétence, n'osaient pas ou ne se sentaient pas investis de la responsabilité de le dire.

Si la personne était recrutée, elle restait constamment en décalage avec nos valeurs, rejetée par l'équipe, répercutant une mauvaise ambiance et un mauvais service pour l'usager. Il fallait attendre que le contrat de cette personne se termine et lui dire qu'elle n'est pas compétente, sans qu'on puisse lui expliquer objectivement pourquoi. Le plus souvent la personne était frustrée, en colère, partait sur un échec.

Il est arrivé aussi qu'elle démissionne ne pouvant pas supporter notre façon de travailler. On peut se demander quelle image va-t-elle véhiculer à l'extérieur ?

Dans le secteur du handicap (CAT, IME) qui est dans la même branche, il existait cette notion de « référent » qui est la personne à laquelle on peut se référer, qui peut guider. C'est à partir de cette idée, dans un premier temps, qu'une fiche d'évaluation a été élaborée par les cadres et mise en place. Le salarié qui était le plus en contact avec le nouveau était chargé de l'accueillir, l'aider, l'informer et l'observer et rendre la fiche d'évaluation avant la fin de la période d'essai. Mais ces personnes n'avaient pas toujours l'envie et les qualités pour assurer cette mission.

II - LE CONTEXTE ACTUEL ET LA FORMATION AU TUTORAT

Le besoin de formaliser et de professionnaliser cette pratique est venu avec le projet d'extension de l'Etablissement. La perspective d'un recrutement important a conduit la Direction à imaginer un moyen de transmettre notre façon de travailler pour pérenniser la qualité de la prestation offerte aux résidents, conformément au projet d'Etablissement.

Le projet de formation a été la première étape de la démarche tutorale. La recherche d'organismes proposant une telle formation adaptée à la situation n'a pas été facile car dans la branche, le tutorat existait bien pour les stagiaires de la formation en alternance mais pas pour les nouveaux salariés. L'organisme ACTIF FORMATION a été retenu (cf. le programme en annexe n°11). La Directrice a sélectionné une équipe pluridisciplinaire de salariés pressentis pour exercer la fonction de tuteur (les plus anciens et expérimentés). Douze employés et cinq cadres ont suivi la formation. L'outil construit ensemble appelé "guide du tutorat", est un support écrit pour aider à la fois tuteur et tutoré dans leur parcours. Le tutorat des nouveaux salariés a été mis en place début 2010. Ce dispositif vise à intégrer le plus rapidement possible les salariés embauchés dans les meilleures conditions. Les tuteurs ont aussi la responsabilité d'évaluer le tutoré pendant sa période d'essai. Depuis le 1er mars 2011, une rémunération pour le tuteur a été instituée pour reconnaître cette mission : une prime sera versée après chaque mission de tutorat accomplie (de l'accueil à l'évaluation finale).

Aujourd'hui, le tutorat fonctionne mais personne n'est en mesure de dire quel est son impact.

L'évaluer est nécessaire avant l'étape de l'ouverture du nouvel Etablissement et le recrutement de nouvelles personnes en C.D.I.

CHAPITRE 2 - PRESENTATION DE LA METHODE DE RECHERCHE

Section 1 - La méthode de recherche utilisée

Pour vérifier notre hypothèse nous devons recueillir des données et des informations. Nous avons choisi d'utiliser l'entretien semi directif car cette méthode d'investigation semble la plus appropriée lorsqu'il s'agit de relations humaines. En effet, l'entretien se pratique pour une approche qualitative (Blanchet24(*)).

Pour étudier la connaissance de la culture et comment sont transférés les savoirs organisationnels par les tuteurs, ce mode de communication facilite l'expression et l'interprétation des logiques de pensée, des raisonnements, un vécu de pratiques, des comportements. L'entretien semi-directif laisse une liberté de parole aux interlocuteurs, mais elle est canalisée par des questions afférentes au sujet d'étude.

Selon R. Quivy et L. Van Campenhoudt25(*), l'entretien permet "l'analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés : leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations de situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs propres expériences".

Les questionnaires (cf. annexe 7 et 8) ont été bâtis à partir d'un tableau de synthèse qui reprend les concepts, la problématique et les hypothèses.

Section 2 - Elaboration de la grille d'entretiens

Synthèse pour l'élaboration de la grille

Les concepts utilisés

Les pré-requis pour l'Entreprise

La problématique et l'hypothèse

Objectifs

Moyens et outils, le tutorat, par le biais :

La culture d'entreprise et le Projet d'Etablissement

Diagnostic de la culture et diffusion par l'organisation.

Cohérence entre valeurs affichées et pratiquées.

Diagnostic des emplois et des compétences (fiches de poste, référentiels).

Existence pour les salariés d'une identité professionnelle commune.

Pérenniser la culture.

Maintenir présentes dans les pratiques, les valeurs de l'économie sociales et de l'Etablissement.

S'enrichir de l'expérience des autres.

Traverser une période de changement dans la stabilité.

Faire coïncider les valeurs personnelles du nouvel embauché avec celles de l'entreprise.

- du Tuteur, personne expérimentée, motivée et reconnue, qui a la connaissance et les compétences pour transmettre les valeurs

- de tous les acteurs de l'entreprise.

-de la Boîte à outils du tutorat composée de tous les documents écrits d'information sur l'entreprise : charte, projet d'Etablissement, livret d'accueil

La transmission des connaissances et des savoirs

tacites et explicites

Existence d'un émetteur expérimenté qui a la connaissance et la volonté de transmettre.

Présence d'un récepteur qui a la capacité et la motivation pour apprendre.

Nécessité d'un contexte favorable (style de management).

Connaissance par les nouveaux salariés des données, des informations, des règles. Adhésion aux valeurs.

Intégration rapide dans la communauté professionnelle

-d'une relation personnelle et privilégiée.

- d'une méthode organisée de socialisation :

accueillir,

informer, former, expliquer, montrer, accompagner,

écouter, évaluer.

-d'un tuteur sélectionné et formé, qui maîtrise la communication, la pédagogie et qui a des capacités personnelles.

Synthèse pour l'élaboration de la grille (suite)

 
 

La problématique et l'hypothèse

Les concepts utilisés

Les pré-requis pour l'entreprise

Objectifs

Moyens et outils, le tutorat, par le biais :

L'apprentissage des connaissances

Relation de confiance.

Coopération.

Capacité cognitive de l'apprenant.

Assimilation, accommodation.

Apprentissage en simple et double boucle.

Eviter les routines défensives.

- d'un tutoré motivé et engagé dans la démarche collective.

- dont les valeurs personnelles sont proches de celles de l'entreprise

La transmission des compétences

Compétences clés, routines reconnues et validées.

Outil pour transmettre les compétences.

Bons comportements identifiés par la Direction

Autonomie des nouveaux le plus rapidement possible.

Gestion des résistances.

Création de nouvelles compétences.

- de temps de contacts permanents

- de référentiels de compétences.

- de situations diverses un peu similaires et quelque peu différentes

- d'un collectif de travail.

Les grilles d'entretien du tuteur et du tutoré sont composées de 6 questions principales complétées par des questions de relance pour guider la personne sur les thèmes qui pouvaient nous intéresser. Nous avons noté pour chaque question les informations que nous comptons obtenir, afin de ne pas nous égarer pendant l'entretien.

Chaque interview a été enregistrée et retranscrite dans son intégralité. Préalablement à chaque rencontre, le cadre et les conditions de l'entretien ont été rappelées à la personne : le mémoire de recherche du Master 2 RH, les raisons de l'enregistrement audio, l'anonymat, la confidentialité des débats et la neutralité. Il est précisé qu'il n'y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse mais que la sincérité des propos est attendue.

L'échantillon :

Le choix des personnes interviewées s'est porté sur deux catégories qui sont les principaux acteurs du tutorat :

- d'une part, les tuteurs et qui ont suivi la formation au tutorat. Ces derniers ont été sélectionnés avec des profils différents en fonction de leur ancienneté, leur qualification, leur niveau, ce qui devrait apporter des discours différents qui viendront enrichir notre information.

- d'autre part, les bénéficiaires du tutorat, les tutorés. Leur fonction et leur ancienneté est variable ainsi que la nature de leur contrat de travail ; ce dernier critère peut être un facteur d'influence pour leur adhésion et intégration.

Pour ces deux types de salariés, nous avons souhaité qu'ils soient tous dans la même situation, c'est-à-dire faire partie de l'effectif au jour de l'entretien, pour ne pas fausser les témoignages. Toutes sont des femmes, sachant que dans l'Etablissement il y a un pourcentage d'hommes de 1%.

Le nombre de personnes interrogées dans les deux catégories doit être équilibré (cours de méthodologie S. Madonna). Nous n'avons pu désigner qu'un maximum de cinq personnes tutorés. Cela s'explique car l'embauche de nouveaux salariés s'effectue principalement dans le cadre de remplacements en contrat à durée déterminée, et la plupart d'entre eux ne font plus partie de l'effectif.

Par conséquent, cinq tuteurs et cinq tutorés seront entendus.

Les entretiens se répartissent de la façon suivante :

LES TUTEURS

ancienneté

Fonction

Tranche d'âge

Catégorie socio professionnelle

E.009

27 ans

Aide soignante diplômée

46/55

Employé

E.011

8 ans

Agent hôtelier

36/45

Employé

E.016

30 ans

Aide soignante diplômée

46/55

Employé

E.013

21 ans

Aide soignante diplômée

36/45

Employé

E.017

10 ans

Agent hôtelier

46/55

Employé

LES TUTORES

ancienneté

Fonction

Catégorie

socio prof

Tranche d'âge

Nature du contrat de travail

E.006

1 an et demi

Médecin coordonnateur

Cadre

46/55

CDD

E.007

11 mois

Agent hôtelier

Employé

36/45

CDD

E.008

11 mois

Agent hôtelier

Employé

46/55

CUI (contrat aidé)

E.011

1 an

Aide soignante non diplômée

Employé

26/35

CUI (contrat aidé)

E.015

4 mois

psychologue

Cadre

26/35

C.D.I.

Nous avons pensé que pour enrichir notre analyse, une comparaison entre les résultats des entretiens des tuteurs et des tutorés peut être intéressante. C'est pourquoi, notre méthode a mis en parallèle pour chaque thème le point de vue des tuteurs et des tutorès.

Les prises de contact :

Après avoir présenté la méthode à l'équipe de Direction, il a été convenu d'annoncer le projet d'évaluation du tutorat à l'ensemble du personnel lors de la prochaine réunion mensuelle. Mais, cette dernière ayant été repoussée nous avons décidé d'organiser les rendez-vous lors des réunions qui existent par service (cf. annexe 4 : le discours de présentation et le récapitulatif des rendez-vous)

La plupart des personnes sollicitées ont répondu oui spontanément. Mais des relances ont été nécessaires pour obtenir des rendez-vous et s'adapter aux disponibilités de chacun. La perspective du dictaphone a peut-être aussi freiné le volontariat.

De la prise du premier rendez-vous à la fin des dix entretiens il s'est écoulé trois semaines.

CHAPITRE 3 - ANALYSE DES RESULTATS

Section 1 - l'analyse des entretiens

(cf. annexe n° 9 et 10 -exemple d'entretien retranscrit d'un "tuteur" et celui d'un "tutoré")

L'objectif de ce travail est de vérifier si les moyens et outils mis en oeuvre par le biais du tutorat permettent de valider ou invalider notre hypothèse principale "le tutorat est un mode approprié de transmission de la culture d'entreprise et des savoirs organisationnels".

La première étape de l'analyse a été de dégager de cette proposition, 8 sous-hypothèses (apparaît en orange pour la clarté synoptique) puis nous avons classé les verbatim (reproduction fidèle des propos prononcés par les interviewés) des tuteurs et des tutorés en fonction de ces items. Nous avons également recueilli les propos concernant le temps d'intégration sous un item ainsi que les freins et les leviers (cours de méthodologie de Hind Gaigi).

Dans la deuxième étape nous avons interprété les réponses.

I - PREMIERE ETAPE : RECCUEIL ET CLASSEMENT THEMATIQUE DES DONNES

Entretien TUTEURS

1° sous hypothèse : le tuteur est une personne expérimentée, reconnue

(le choix du tuteur) il maîtrise la communication, la pédagogie et il a des capacités personnelles.

E.009

A mon sens, je pense que c'est parce que cela fait longtemps que je travaille dans la maison, j'ai beaucoup d'années d'expérience dans la même fonction, je connais bien le fonctionnement, et tout ce qu'on demande comme qualités pour travailler ici que ce soit dans le travail ou la connaissance. On m'a demandé de faire cette formation.

Qualités : il faut qu'il soit avant tout tolérant, ne pas exiger que la personne soit efficace dans un premier temps. Il faut aussi être disponible, ce n'est pas facile car on tutore pendant qu'on travaille.

Il faut avoir un échange facile, mettre la personne à l'aise.

E.011

Cela fait presque 10 ans que je suis là et je pense avoir de l'expérience. Et par rapport à mon vécu de tous les jours je suis plus à même de transmettre ce que j'ai moi-même appris au fil des années. Quand j'ai commencé il n'y avait pas de tutorat, on nous a expliqué le travail et on a appris au fil des années.

Qualités : l'écoute, beaucoup de patience, ne pas hésiter à répéter, être très proche de la personne et lui laisser le temps, voir comment elle évolue tout en expliquant.

E.013

Je pense que c'est par rapport à mon ancienneté, cela fait longtemps que je suis dans la maison, je connais bien l'Etablissement, le personnel, les résidents.

Qualités : la patience

E.016

Je pense que c'est parce que je suis dans la maison depuis longtemps, que je suis quelqu'un de très bien (rires). C'est aussi une question de confiance de la hiérarchie.

Qualités : il faut qu'il soit très patient, et avenant

E.017

Parce qu'il y a longtemps que je suis ici. C'est l'ancienneté.

Pour moi c'est normal qu'une ancienne montre à une nouvelle.

Toutes les anciennes peuvent le faire.

Qualités : patient, il faut respecter, être à l'écoute de l'autre

 
 

Entretien TUTORES

 

E.006

Elle a réussi à m'intégrer dans l'équipe. Elle m'a laissée faire, elle ma guidée sans que je voie que j'étais guidée.

Je n'ai pas commis d'erreurs puisqu'elle elle m'a empêché de le faire.

Elle m'a beaucoup apporté sur la relation humaine.

E.008

C'est quelqu'un qui s'implique, pose des questions. Elle est très présente, elle m'aiguille. Le tuteur aide, c'est elle "qui vous fait le petit chemin".

E.007

c'était un peu ma confidente lorsqu'il y avait des choses plus difficiles

E.010

Je trouve plus logique d'être tutoré par la personne avec laquelle on est le plus souvent.

Mon tuteur m'impressionnait, j'étais moins à l'aise avec elle qu'avec les autres.

E.015

Je n'ai pas investi le tutorat parce que ma tutrice n'était pas là les jours ou je travaille. Je pense quelle aussi se questionnait car elle n'avait pas l'habitude de tutorer.

Entretien TUTEURS

2° sous hypothèse : le tuteur est une personne motivée (volontariat et intérêt personnel)

E.009

Oui, je suis volontaire.

E.011

C'est du souci, de la responsabilité, c'est du travail en plus, mais quand on voit que la personne s'est intégrée, c'est bien. Par contre si la personne s'en va, on a l'impression d'avoir travaillé pour rien.

Je me suis sentie un peu obligée, par rapport à mon ancienneté, et à la formation que j'ai suivie.

Mais avec l'expérience, cela va mieux.

E.012

Pas toujours volontaire, c'est arrivé qu'on me l'impose. Récemment j'ai choisi de l'être. Maintenant, je me sens libre de dire oui ou non.

E.016

Je l'ai fait avec plaisir. On le fait depuis de nombreuses années. On l'a nommé tutorat mais on le faisait bien avant.

E.017

Oui. Je me dis cela fait partie de mon travail, de mon rôle, mais cela prend beaucoup de temps, c'est long mais on doit le faire.

TUTORES

Ils n'ont pas été interrogés sur cette question

Entretien TUTEURS

3° sous hypothèse : le tuteur a la connaissance de l'histoire, des valeurs, du métier et les transmet

E.009

Les valeurs sont assez communes au secteur d'activité, comme dans l'Etablissement. C'est d'abord le respect de la personne, la convivialité, l'intérêt qu'on porte aux résidents, la patience, le savoir être, savoir-faire.

Ce sont les valeurs qu'on véhicule auprès de tout le monde.

Notre façon de travailler, c'est le travail d'équipe qu'on met en

avant : pour s'occuper d'une personne il y a toute une équipe, il va falloir travailler avec toutes ces personnes.

Si on ne sait pas travailler en équipe, ce n'est pas possible.

E.011

Oui en gros comment l'association s'est crée : je ne me souviens pas du nom de la bienfaitrice, c'est une association loi 1901 à but non lucratif, pour les indigents du village,

C'était régi par les soeurs. L'histoire c'est important, c'est le lien avec le passé.

Les valeurs sont humaines, les gens sont écoutés, il y a un le respect de la personne, la communication, savoir écouter les autres, aussi bien pour nous que pour la personne âgée. C'est la différence si on travaille dans une grande surface par exemple.

E.012

Je connais l'histoire qui remonte à longtemps, c'est un don d'une personne puis progressivement ce sont des soeurs qui l'on eu au départ. Après une Maison de retraite s'est installée, puis il y a eu le projet d'Etablissement.

Les valeurs sont l'accueil de la personne et ce qui l'entoure, les soins et le bien être de la personne.

E.016

Oui, bien sûr. Etant ici depuis longtemps, j'ai participé au projet de vie, on l'a fait ensemble. La Ferrage c'est ma maison secondaire.

E.017

J'en connais quelques unes : les valeurs de l'humain, l'humour, la joie de vivre, la discussion avec les personnes, le respect, l'intimité que je transmets au tutoré. J'ai participé au projet d'Etablissement.

L'histoire je la connais.

 
 

Entretien TUTORES

 

E.006

Ce que j'ai retenu de l'histoire c'est l'origine de la Maison avec la bienfaitrice qui a donné cette maison

La façon dont elle a été transmise aux soeurs et puis aux laïques, les valeurs de respect qui devraient exister dans toutes les Maisons de Retraite

La pratique était en concordance complètement

Ce qui m'a le plus frappé c'est la façon dont on entend parler des résidents qui nous ont quittés lors de la réunion mensuelle de tout le personnel, cette mémoire. L'absence de blouses m'a surprise.

E.008

L'histoire, mon tuteur ne m'en a pas parlé. Je sais que c'était une maison tenue par des soeurs, je ne sais pas comment c'est devenu une maison de retraite.

Ce qui m'a marqué au niveau du comportement du personnel c'est que tout le monde est complice, se donne la main, est solidaire.

La tenue m'a choquée, une infirmière m'a expliqué pourquoi, parce que la Maison de retraite ce n'est pas l'hôpital.

E.006

Dès mon arrivée, on m'a expliqué l'histoire, les valeurs, ce que l'institution attendait de moi.

Les valeurs c'est l'attente envers le résident, le respect, l'intimité.

E.007

L'histoire, mon tuteur m'a dit que c'était tenu par les soeurs avant. Les valeurs humanistes et un bon travail d'équipe. Cela fait une grande famille. Ici le résident se croit chez lui, se sent à l'aise.
Ce qui est particulier c'est de ne pas porter de tenue. D'être nous même auprès des résidents.

E.015

Elle m'a permis de voir la philosophie de la Maison de retraite.
En lisant le projet d'Etablissement, les valeurs et la philosophie de l'Etablissement cela donne une idée, c'est un projet humaniste. Cela se voit quand on travaille ici. C'était cohérent avec ce que j'avais lu.

Entretien TUTEURS

4° sous hypothèse : tous les acteurs de l'entreprise sont

partie-prenante du tutorat

E.009

Je me sens complètement soutenue. Je ne me suis jamais sentie seule que ce soit avant ou après la formation. C'est quelque chose qu'on fait en équipe.

Les premiers jours c'est le tuteur qui va montrer l'Etablissement et après on est soutenu par les autres soignants et les autres fonctions.

Ce n'est jamais individuel

Même si le tuteur c'est une personne, c'est un travail d'équipe.

E.011

Je me sens soutenue car je peux demander de l'aide à mes collègues quand il y a un souci

E.012

Tout le monde participe. Je ne suis pas tout le temps là pour l'encadrer et après on fait des échanges entre nous, ce sont plutôt des collègues.

L'infirmière référente est là si on a un problème.

La Direction ? Oui, à la fin mais pas au moment ou la personne est en double avec nous.

E.016

Je suis très soutenue et je veux être soutenue, par toutes mes collègues de travail. J'intègre tout le monde. Dans les soutiens il y a aussi l'infirmière référente, la psychologue.

E.017

Oui par les autres agents hôteliers.

La responsable du service pour l'évaluation.

 
 

Entretien TUTORES

 

E.006

La Directrice m'a beaucoup aidée par sa sympathie et son accueil

E.008

Oui, elle m'a montré d'autres personnes et moi je demande aussi à d'autres collègues de travail plus anciennes pour poser des questions, au cas où ma tutrice aurait oublié de me dire quelque chose. Elle m'a présentée, m'a dit "les bureaux sont à tel endroit, tu peux demander à telle ou telle personne".

E.006

J'ai eu à faire à tout le monde, la directrice, le chef de service hôtelier, des soigants, la GRH. C'est le tuteur qui ma montré qui était qui.

E.007

En fait j'ai eu plusieurs tuteurs.

On m'a expliqué le rôle des personnes de la direction et pour quelles raisons on pouvait les déranger.

L'infirmière intervient pour les transmissions.

E.015

Le Médecin coordonnateur, l'infirmière référente, et avec la directrice. Il y a les personnes ressources. Au niveau de la hiérarchie, l'infirmière référente, mais aussi la Responsable du service hôtelier qui nous aide pour l'évaluation

Entretien TUTEURS

5° sous hypothèse : la formation des tuteurs et la "Boîte à outils du tutorat" composée de tous les documents écrits d'information sur l'entreprise, charte, projet d'Etablissement, livret d'accueil, facilitent la transmission des savoirs organisationnels.

E.009

nous avons toujours encadré les nouveaux arrivants et n'avions pas d'outils. Cela se faisait mais nous manquions de formation. Depuis la formation, on a des trames. Avant, on regardait, on jetait des coups d'oeil.

Quand on nous l'a proposé, j'ai trouvé que c'était un plus. Accueillir, autant le faire avec une réflexion. Ce que j'ai appris en formation, c'est de ne pas mettre la personne en difficulté. Mettre tout en oeuvre pour éviter cette difficulté. Avant la formation ce n'était pas une notion que j'avais.
le projet écrit leur permet de voir qu'on ne fait pas cela par hasard.

Lire les projets personnalisés de chacun, puis arriver à discuter de ça. Voir déjà ce qui est écrit.

E.011

Avant la formation, on doublait, on faisait l'impasse sur beaucoup de choses. Sur le respect de la personne, on ne nous expliquait pas tout ce qu'il y a dans le projet d'Etablissement qui est fastidieux à lire.

E.012

La formation m'a aidée, le Guide aussi.

Dans un premier temps je lui demande de lire le projet d'Etablissement

E.016

J'ai toujours accueilli, expliqué le fonctionnement mais on a eu des outils pour le faire. Je vois la différence, on le faisait sans le cadre, c'était "il a une bonne tête" donc ça va aller.

Je pouvais me braquer sur un comportement, maintenant je réfléchis un peu plus, j'explique les choses.

E.017

Je lui donne le dossier "guide du tutorat" le premier jour dans la matinée.

il y a un compte rendu de l'histoire dans le petit livret du tutorat, car nous pouvons oublier. Il est très bien fait ce livret, tout est écrit au niveau des informations.

 
 

Entretien TUTORES

 

E.006

Le projet a été lu petit à petit

E.008

J'ai regardé, feuilleté les documents.

Je n'ai pas lu le projet d'Etablissement.

E.006

je l'ai lu, dans le projet d'Etablissement, un peu en travers.

Les termes sont clairs, cela correspond à la réalité

le dossier vert dans lequel tout est marqué

E.007

J'ai lu aussi le projet d'Etablissement. C'est bien expliqué.

E.015

...en lisant le projet d'Etablissement...

Pas d'évaluation de faite pour l'instant. Non je n'ai pas eu le guide de tutorat. Elle me l'a montré mais ne me l'a pas remis.

Entretien TUTEURS

6° sous hypothèse : la transmission des connaissances explicites et tacites nécessite

- une relation personnelle et privilégiée et des contacts permanents,

- d'une méthode organisée de socialisation : accueillir, informer, former, expliquer, montrer, accompagner, écouter, évaluer.

E.009

les premiers temps les contacts sont permanents, en double en principe 2 à 3 jours. Après il y a un relais.

Il faut trouver le créneau où il faut parler, discuter.

La personne nous expose son vécu, son parcours.

C'est pourquoi on a organisé le parcours du tutoré par demi-secteur pour pouvoir être à proximité de son tuteur.

...avoir tout le temps l'exemple sous les yeux. Il faut répéter et reprendre puis elles comprennent.

Je leur explique qu'ici on travaille autrement.

Du coup, elles réajustent.

E.011

On fait 2 chambre ou 3 ensemble et je montre bien comment je procède, le protocole du nettoyage de la chambre et de la salle de bain et après je la laisse faire et je lui demande si cela s'est bien passé ou alors on fait une chambre à 2 ; pendant les 2 jours où on est ensemble.

Tout en travaillant, je montre comment on doit faire. Le plus facile à transmettre c'est tout ce qui est technique car la personne doit faire pareil, c'est une routine. Pour le travail d'équipe, cela dépend des personnes, c'est plus délicat.

Il y a trois évaluations en principe, je n'en ai fait qu'une.

j'aime me sentir au même niveau que la personne, et cela se passe bien.

E.016

je les veux près de moi. Je prends un secteur à côté d'elles, je me sens mieux. En général je ne les lâche pas, elles me suivent pendant un moment. Je suis près, géographiquement ; les premiers jours on est ensemble pour qu'elles m'observent.

quand on est tuteur de quelqu'un, on est tuteur à vie.

On nous a appris en formation, qu'il ne faut pas évaluer tous les jours, pour qu'elles se sentent libres, qu'elles aient le temps.

Le premier jour, ce temps je le prends pour visiter la maison, quoi qu'il arrive.

E.017

On n'a pas le temps de faire l'entretien d'accueil. Je prends dix minutes pour lui faire visiter la Maison et en même temps, je lui explique et lui parle du respect de la personne âgée.

Le contact permanent n'existe que le premier jour, après je ne l'ai plus vue.

Je fais une chambre et elle me regarde elle ne fait rien, et tout en faisant, je lui explique, et après on fait une chambre ensemble. Ensuite je la laisse faire les autres chambres.

L'évaluation, je l'ai faite deux mois après car j'étais en congés.

 
 

Entretien TUTORES

 

E.006

En fait je suis en contact permanent avec ma tutrice car on est dans le même bureau.

Elle est en train de m'apprendre mais elle ne sait pas qu'elle me l'apprend.

C'est la gestion des résidents qui viennent dans le bureau demander des choses délirantes. Cette façon de faire, de détourner la conversation et de les ramener dans la chambre.

Pour les compétences relationnelles il faut voir faire et bien assimiler

Les compétences humaines m'ont beaucoup été données par mon tuteur et les compétences techniques ont été acquises par ma formation.

Je le savais, ici j'ai appris à le faire, je pense que je le faisais mal.

Oui, oui, oui, j'ai été écoutée. Ce que j'ai instauré, c'est....

E.008

Contacts pendant une semaine après elle m'a lâchée, puis elle est revenue pour faire une évaluation.

Il faut se présenter, dire bonjour, taper à la porte d'abord. Elle ne m'a pas expliqué pourquoi, pour elle c'est naturel.

...mais si j'ai fait une faute quelque part je sais qu'on va venir m'aider, on ne va pas me le reprocher.

J'ai montré aux autres comment s'organiser.

E.006

mon tuteur était très présent avec moi.

je suis arrivée j'étais en double avec elle, le premier jour, le lendemain j'étais seule.

Chaque pause on discutait ensemble pour parler de ce que je ressentais et cela a duré un bon mois.

c'est surtout l'accompagnement, c'est ce geste que j'ai vraiment mis en place qui consiste, au lieu de faire, d'accompagner à faire. Je suis plus dans l'attente et la patience. Aider la personne pour qu'elle fasse.

Je l'ai vu faire, par une personne en particulier qui m'a aidé à mieux comprendre

Elle m'a appris à écouter le résident, "viens voir je vais te montrer la posture à avoir face à la personne : ne pas lui parler de haut, se mettre à la même hauteur qu'elle, à sa portée, on ne parle pas tout le temps, il faut aussi écouter"

E.007

Je n'ai été en double que les deux premiers jours et après seule sur un secteur.

je n'étais pas tout le temps avec mon tuteur, souvent c'était une autre Aide soignante. Mais cela n'a pas été gênant pour mon apprentissage

On crée plus une affinité avec le contact.

Je devais être évaluée sur une personne de mon choix, une toilette. Mon tuteur me regardait. Elle était dans la salle de bain, puis le point sur l'évaluation a été fait avec l'infirmière.

Oui j'ai été écoutée, j'ai pris quelques initiatives

E.015

Je suis arrivée le premier jour ma tutrice était là pour me faire visiter l'Etablissement. Ce quelle m'a dit était utile

Ma tutrice n'était pas là les autres jours ou je travaille

Les contacts n'étaient pas nombreux mais ce n'était pas ma demande non plus.

Pas d'évaluation de faite pour l'instant

je me suis sentie bien accueillie, écoutée.

j'ai pu apporter quelques petites réflexions

Entretien TUTEURS

7° sous hypothèse : pour apprendre, le tutoré doit être motivé et engagé dans la démarche collective.

Il doit avoir des valeurs personnelles proches de celles de l'entreprise.

E.009

Ca dépend beaucoup aussi de la personnalité

J'ai eu une jeune qui n'avait pas d'expérience, elle avait fait seulement des stages mais avait beaucoup de motivation.

Ca tient aussi à la personne : il y a des personnes qui arrivent à communiquer, d'autres pas. Le tuteur aide à ce niveau.

Je n'ai jamais vu de cas ou il y a un mauvais rapport, même si chacune a son caractère.

L'âge ne joue pas toujours un rôle comme on pourrait le croire, ce n'est pas une barrière, c'est surtout au niveau de la longueur et de la teneur du vécu professionnel. Une personne qui n'a jamais travaille dans un EHPAD, et une personne qui a un qui a un vécu professionnel n'a pas la même attitude

Pour les plus jeunes, qui ont peu de connaissances, elles sont en demande, on a plus une approche éducative.

Ce sont les valeurs qu'elles ont développé proches des nôtres. Celles qui restent et qui re signent, pour 6 mois ou des remplacements, je pense qu'elles ont des valeurs proches des nôtres. Je pense que c'est difficile de s'adapter quand on n'a

pas les mêmes valeurs.

E.011

On peut tomber sur des personnes qui sont plus dures à comprendre mais cela ne m'est pas arrivé.

J'ai le sentiment que les personnes qui se présentent ont déjà une petite vocation. Elles savent qu'on travaille auprès de personnes âgées. Celles qui sont parties au bout de 2 jours, c'était parce qu'il y a trop de travail, c'était trop dur pour elles.

E.012

Je le leur dit et quelquefois j'arrive à les faire changer. D'autres s'en vont tout de suite.

Je pense qu'il faut qu'il arrive avec les mêmes valeurs, sinon il ne peut pas s'adapter. J'ai un cas en tête qui avait les mêmes valeurs, mais pas du tout le sens du travail d'équipe, elle ne s'est pas adaptée.

Je pense qu'elle aurait pu s'adapter si elle n'avait pas eu si peur.

E.016

C'est difficile d'être tuteur de quelqu'un qui ne correspond pas (impatience, exaspération) dans le comportement car cela ne pourra pas coller.

Comme elle est bien ici, elle a fait l'effort de s'adapter.

Si le tutoré fait ce travail sans plaisir, cela se voit, et cela ne pourra pas changer.

Il y a des gens qui peuvent passer un an ici, et qui ne seront pas intégrés. Des gens dont la façon d'être ne correspond pas (c'est personnel, je ne parle pas du travail mais quand il s'agit de faire partie d'une équipe, il faut plaire à une majorité, c'est extrêmement important pour rester)

Il y a des gens qui arrivent à se fondre, qui s'adaptent

Il y en a qui font des efforts, d'autres pas. Cela ne se fait pas tout seul

E.017

C'est plus dur selon la personne à tutorer

La dernière avait les mêmes valeurs, elle s'est vite adaptée. Celle qu'on n'a pas gardé n'avait pas les mêmes valeurs.

Entretien TUTORES

 

E.006

Je viens du secteur libéral, je n'avais aucune expérience en Maison de Retraite. Ma clientèle est composée de gynécologie et pédiatrie.

je pense que j'avais peur des personnes âgées, avant d'arriver ici

Et en l'espace de moins d'un mois je me suis prise au jeu et je me suis engagée

En tant que médecin, on est formaté

J'ai des contrats de 3 mois, c'est très paralysant.

J'ai adhéré totalement, avec le regret de ne pas y avoir pensé plus tôt. J'aurais bien aimé être comme ça depuis le début. Pourquoi toutes les maisons de retraite ne sont pas comme ça ? Pourquoi je n'avais pas ce rapport humain ? Je devais l'avoir un petit peu.

E.008

Par le passé, je travaillais dans le milieu hospitalier et encore auparavant, chez un particulier.

Si on n'a pas compris, il vaut mieux demander dix fois que de faire mal.

J'essaie d'apporter quelque chose, un plus. Si j'ai des idées, je les donne.

Cela ne se fait pas tout seul. Aujourd'hui je vais encore demander, je suis curieuse.

Je me suis fondue dans le moule

Cela a été facile car cela me correspondait.

J'ai du faire des efforts, mais c'est un réconfort après

Il faut essayer de se mettre dans le moule. Soit on a envie, sinon...

E.006

Je viens du secteur médical, maison de retraite.

Le fait d'être en CDD ne m'a pas bloquée, j'ai pris ma place, et je me suis dit on verra après. Je voulais travailler et reprendre une vie sociale.

Je voulais me donner à fond dans quelque chose

Ce n'est pas naturel, il faut faire des efforts, il faut en vouloir.

J'ai senti en arrivant que je ne serais plus la même, avant, j'étais une boule d'énergie, j'aurais tout révolutionné

Je me suis adaptée, car chaque Maison est différente

E.007

Avant, j'ai travaillé dans le commerce et pendant 3 ans j'ai fait de la manutention dans une usine de conserves.

Etre en CAE ne m'a pas gêné pour m'intégrer, je me suis donnée à fond car ça me plaisait.

Cela correspondait à ce que j'étais, ce que je voulais faire et je l'ai fait naturellement

E.015

Avant c'était déjà dans une Maison de Retraite.

Les personnes âgées c'est quelque chose qui m'attirait

Cela me correspond. Après on a toujours besoin de s'adapter.

Entretien TUTEURS

8e sous Hypothèse : la transmission des compétences s'appuie sur

- un référentiel de compétences,

- de diverses situations de travail, proches les unes des autres,

- d'un collectif de travail.

009

Si c'est une Aide soignante diplômée, je pars du principe qu'elle a les compétences techniques.

le savoir-faire passe bien, c'est le savoir-être qui est plus difficile face à un résident âgé, en difficulté, exigent, douloureux.

Les comportements (les observations à remonter) elles le comprennent assez rapidement.

Il faut répéter et reprendre puis elles comprennent d'où l'intérêt de lire le projet et tout ce qu'a écrit l'Organisation.

Elles me voient faire, il y a le parlé, il faut les deux.

...maintenir les habitudes des résidents, à ce niveau il n'y a pas beaucoup d'informations écrites.

"j'ai testé ce que tu m'as dit, finalement cela se passe mieux".

ce n'est pas "comme à la maison, la petite mamie qu'on va câliner". C'est difficile à comprendre car elles ont l'impression qu'elles font bien.

Ne pas les appeler par leur prénom. On ne les laisse pas sur les fauteuils roulants, ce n'est pas confortable.

E.011

Le plus faciles à transmettre c'est tout ce qui est technique car la personne doit faire pareil, c'est une routine.

elles me voient faire avec les aides soignantes et pendant la réunion avec l'infirmière référente : parler, communiquer, dire ce qui ne va pas chez le résident.

Je regarde comment elle fait, se servir de tout le matériel, et savoir se comporter avec la personne âgée. J'en discute avec elle et avec la Responsable.

E.012

Exemple, pour faire une toilette, en formation on nous dit de commencer par le haut et une résidente veut qu'on commence par le bas. On lui dit de respecter sa volonté et de laisser de côté ce qu'elle a appris à l'école. Au niveau soin, normalement on ne fait pas comme ça. Personne n'est surpris, on explique que la personne a 100 ans, qu'elle est frileuse.

Je ne l'ai pas tutoré dans les soins car je ne suis pas apte, mais pour le fonctionnement habituel,

E.016

Le plus dur c'est de connaître la personne, les cinquante résidents et leurs habitudes. La façon dont on leur fait la toilette, est-ce qu'elle marche ? Est-ce qu'on peut la laisser aux toilettes et partir ?

Pour les compétences techniques, c'est plus facile. Le comportement, on peut leur transmettre oralement, en parler mais c'est en voyant faire qu'elles comprennent

C'est surtout dans le regard quelles ont au niveau relationnel, comment je les manipule.

faire une toilette aussi vite ! une toilette c'est avant tout une approche, un dialogue.

E.017

Pour servir le petit déjeuner, il y a le goût du résident qui est écrit, mais l'ordre du service c'est-à-dire par qui commencer, je suis obligée de lui expliquer car cela dépend de beaucoup de choses, du régime diabétique, d'être à jeun.

Il y a les médicaments à surveiller, s'il en manque, prévenir l'infirmière.

Il faut lui expliquer par exemple de ne pas parler fort, ne pas faire de grands bruits, ne pas claquer la porte.

 
 

Entretien TUTORES

 

E.006

Ne connaissant rien du métier, en partageant le bureau en permanence avec ma tutrice les choses se sont faite toute seules.

Par exemple dans l'accueil du résident j'ai dit je ne sais pas ou est ma place, j'ai regardé comment ça s'est passé. On m'a simplement entourée. Elles m'ont laissé intervenir

Manager une équipe en EHPAD, c'est une compétence qui me manque

Cela me sert dans d'autres situations

J'apprends tout le temps des choses nouvelles, nouveaux comportements.

E.008

Au niveau technique je savais déjà

C'est surtout dans l'organisation du travail, sur la plonge, avec un seul geste, on a vu que j'étais très organisée

...elle ne m'a pas expliqué pourquoi, pour elle c'est naturel

La distribution du petit déjeuner et la prise des médicaments n'est jamais une routine car cela peut changer tout le temps, il faut lire le protocole, il faut prendre le réflexe.

En cas de problème, si ce n'est pas de ma compétence, j'appelle la personne compétente.

Les problèmes au quotidien on les résout toute seule

C'est le dialogue qui a été développé avec les personnes : j'étais timide, en retrait, j'ai développé ma parole.

Il y a beaucoup de contacts entre tout le monde, pas de différence entre le personnel, les cadres et la direction qui n'est pas isolée dans son bureau

La façon de s'occuper de personnes âgées, c'est différent de l'hôpital

E.006

Pour les compétences techniques, elles sont revenues tout de suite. Pour les comportements, j'ai beaucoup observé les gens autour de moi pour faire comme il faut.

E.007

Le rôle de l'aide soignante en maison de retraite est différent de l'hôpital, il y a plus de contact avec le résident.

A l'école c'était la technique qu'on apprend par coeur mais dans le travail c'est autre chose, on les fait les choses autrement.

il y a des discussions avec les résidents, même s'il y a des routines comme faire une toilette, mettre le couvert

Quand il y a un imprévu, il y en a toujours car ce travail n'est pas répétitif, c'est dur, heureusement il y a un travail d'équipe et lorsqu'il y a un problème elles viennent m'aider

Elle m'a appris à m'exprimer correctement : j'étais plutôt familière alors qu'il faut être professionnelle et ça je l'ai acquis.

...une personne très colérique, je n'arrivais pas à l'aborder. Une Aide Soignante qui a de l'expérience y arrive. C'est dans la façon de faire, de parler, elles ont une posture, des phrases qui fonctionnent Après j'y suis arrivée, on y allait à deux d'abord, il m'a fallu un certain temps, au bout de plusieurs tentatives.

Il y a des différences d'une équipe à l'autre : au début, je me suis sentie très à l'écart, il n'y avait pas de solidarité, pas d'aide.

E.013

...le travail d'équipe... je ne les voie pas souvent

Entretien TUTEURS

9ème sous hypothèse : le tutorat réduit le temps d'intégration

E.009

Pour une intégration totale, c'est à dire que le tutoré soit pratiquement autonome cela varie en fonction de la personne

En moyenne 15 jours il les faut.

Pour quelle s'adapte bien aux locaux au fonctionnement, il faut 15 jours ; cela permet de voir toute l'équipe par roulement différents

E.011

au bout de 2 - 3 jours la personne est apte à travailler toute seule

Un bon mois, pour voir si la personne est bien, avoir des retours mais l'évaluation peut de faire sur plusieurs mois. En 15 jours 3 semaines ils doivent avoir tout intégré.

Dans mon dernier cas la personne est entrée le 15 et a été évaluée le 26 (dix jours)

E.012

R.A.S

E.016

On ne peut pas connaître 50 personnes au bout d'une semaine.

E.017

Sur une journée elle peut connaître tous les résidents.

Il faut que le lendemain elle puisse travailler seule.

De temps en temps, elles reviennent me demander. Ma mission se termine, quand elles ne viennent plus me demander.

De un à deux mois, cela dépend de la personne.

En fait cela se fait rapidement, sinon elles ne restent pas.

 
 

Entretien TUTORES

 

E.006

Ce que je peux dire, c'est qu'au bout de mon 1er anniversaire je me sentais là depuis très longtemps

Au bout d'un an, c'est sûr, pas au bout de trois mois

E.008

Intégrée, au bout d'un mois et demi, deux mois

Je m'adresse encore à elle, je l'informe.

E.006

Pour moi intégrée, c'est faire partie d'une équipe avec qui je vais vers des projets

Il a fallu un bon mois, le temps de me repérer vraiment.

E.007

Au bout de 3 semaines je connaissais les résidents

Acquisition des compétences techniques : 15 jours

Compétences comportementales, le temps de connaître les résidents et leurs habitudes : 1 mois.

le plus dur c'est de se rappeler des noms.

E.013

Au bout de 3 mois, je me sens assez bien intégrée, en tout cas avec les Cadres, mais avec les A.S c'est encore en train de se faire.

Entretien TUTEURS

10ème sous hypothèse : les conditions de travail du tutorat sont favorables à son déroulement (les freins et leviers)

E.009

Les inconvénients : si on pouvait faire les choses tranquillement. Les tutorées se plaignent que le premier jour "elles ont une tête comme ça". Quand il y a 50 résidents, c'est dur de retenir les détails individuels de chaque personne. Ce n'est pas à cause du tutorat.

Avantages: c'est un échange, c'est plaisant de montrer comment on travaille, il y a un coté sympa d'être en position de montrer ce que l'on fait auprès des gens ; cela me plait, et en même temps, cela me repositionne, re-questionne. Pourquoi je fais ça.

E.011

Les inconvénients, c'est la surcharge de travail et répéter toujours les mêmes choses, c'est une charge supplémentaire

Je n'ai pas eu de problème, à part le temps. Mais on y arrive en s'organisant, on se voit à 11h à la pause.

Avantages : Se sentir valorisé

cela m'apporte de plus en plus confiance en moi.

le tutorat, je pense que c'est une bonne chose. Avant, on allait dans tous les sens, on faisait des erreurs. Aujourd'hui, ils sont mieux formés au départ et ils font moins d'erreurs.

E.012

L'inconvénient, c'est que la personne est toujours derrière nous.

Le plus difficile est le manque de temps, dans la journée, pour faire son travail. Avant le tutorat, on rencontrait le même problème

Avantages : je ne vois pas trop pour le tuteur

Pas sur le coup mais à l'avenir c'est un avantage car elle sait ce quelle a à faire. Au final, quelqu'un qui a les mêmes façons de faire, les mêmes valeurs, c'est appréciable.

E.016

L'inconvénient c'est quand je tombe sur quelqu'un qui travaille différemment. Le plus dur c'est de connaître la personne, les cinquante résidents et leurs habitudes, c'est impossible au bout d'une semaine.

Ce que je veux c'est du temps. C'est ce qui manque. Il faudrait au moins pour l'accueil qu'on soit déchargé de notre travail pour le faire correctement.

Avantages : cela crée des liens particuliers. Je ne suis pas n'importe quel employé, je suis le "tuteur".

 
 

Entretien TUTORES

 

E.006

Les inconvénients : aucun

Avantages : je viens avec plaisir cela m'a beaucoup apporté. J'aurai beaucoup appris. Mon rapport aux personnes âgées a clairement changé et mes rapports aux maisons de retraite en général ; mes compétences aussi

E.008

Les inconvénients : aucun

Avantages : c'est très bien. On n'est pas isolée, esseulée en tant que nouvelle. Il y a toujours quelqu'un qui est là pour tendre la main

E.006

Les inconvénients : aucun

Avantages : Je n'ai pas rencontré de difficultés, je me suis bien adaptée, je pense que c'est grâce au tutorat. C'est rassurant.

E.007

Les inconvénients : ce qui m'a gêné c'est que j'étais plus souvent avec l'autre équipe qu'avec mon tuteur

Avantages : quand je suis arrivée, j'ai été épaulée. On ne nous laisse pas toute seule

II - DEUXIEME ETAPE : INTERPRETATION DES DONNEES

1er item : une des conditions de réussite du tutorat réside dans le choix du tuteur. Il doit être expérimenté, reconnu, et avoir des qualités personnelles?

Il ressort de tous les entretiens des tuteurs que le choix a été fait en fonction de leur ancienneté, leur expérience dans le travail et leur connaissance de la structure. Sur les 5 tuteurs, tous ont globalement dit "cela fait longtemps que je travaille dans la Maison".

Nous pouvons dire qu'il s'agit d'une reconnaissance de l'Organisation, l'un des tuteurs ajoute que "c'est une question de confiance de la hiérarchie"

Au sujet des qualités personnelles, les 5 tuteurs ont répondu en premier lieu, "la patience" ;

4 ont évoqué les aptitudes pour la communication "écoute, échange, avenant, mettre à l'aise, répéter, expliquer". Une personne trouve qu'elle n'a pas assez d'assurance ni les mots. Une autre pense être trop rude dans ses paroles.

L'avis des tutorés sur ces questions ont été recueillis au détour de la conversation. Selon 3 personnes, il apparaît que le tuteur est un guide "guidée, aiguillée", il est motivé "il s'implique", il a des qualités relationnelles "pose des questions, confident, relation humaine". Les 2 autres déplorent le manque de présence du tuteur, autre condition nécessaire au moment du choix.

Cette première condition de réussite du tutorat est partiellement remplie.

2ème item : le tuteur est une personne motivée (volontariat et intérêt personnel) qui maîtrise la communication, la pédagogie et qui a des capacités personnelles.

Nous observons que sur les 5 tuteurs qui disent être volontaires, pour 2 d'entre eux, le volontariat semble véritable, la mission est réalisée avec plaisir. Au regard de l'hésitation des 3 autres personnes, nous nous posons la question d'un "volontariat forcé" accomplit par devoir pour l'organisation, qui leur apporte peu personnellement.

Cette deuxième condition n'est pas complètement remplie. Malheureusement, il n'y a pas assez de candidats aujourd'hui qui ont assez d'ancienneté et d'expérience, le choix est donc limité.

3ème item : le tuteur a la connaissance de l'histoire, des valeurs, du métier et les transmet

Les tuteurs n'ont aucune hésitation pour parler de l'histoire de la Maison. Les propos qui reviennent le plus souvent font référence aux fondateurs, la généreuse bienfaitrice et les religieuses. Le terme "soeurs" a été usité 2 fois par les tuteurs, pour les 3 autres, cela est sous entendu car elles travaillaient dans l'Etablissement à l'époque où la Directrice était une soeur "l'histoire, je la connais". Les tutorés ont dit 3 fois le mot "soeurs", aucune n'a mentionné ne pas connaître l'histoire.

Nous en concluons que les tuteurs connaissent l'histoire et peuvent la transmettre par le biais du tutorat.

Les valeurs sont abordées sans difficulté. En effet, les tuteurs sont tous à même de les décrire. L'expression "valeurs humaniste" est cité 2 fois chez les tuteurs et les tutorés ; "respect de la personne" 2 fois également. 2 personnes ne les nomment pas, l'une certainement par manque de vocabulaire, l'autre parce que cela va de soi qu'elle les connaît, cela transparaît dans son discours.

Il faut remarquer que 2 tutorés (cadres) ont déclaré spontanément que les valeurs étaient en cohérence avec la pratique.

En ce qui concerne le métier, aucune personne n'a répondu dans le cadre de cette question. Nous considérons que le terme n'était pas assez clair ou qu'il n'était pas opportun de la poser la question à ce moment.

Un rite a marqué plusieurs tutorés, il s'agit de l'interdiction de porter des blouses. Ce n'est pas étonnant car ces personnes ont eu une expérience antérieure hospitalière. On peut parler d'accommodation car elles ont mis un certain temps pour l'accepter et changer leurs représentations.

4ème item : tous les acteurs de l'entreprise sont partie-prenante du tutorat

Les tuteurs, à l'unanimité se sentent soutenus dans cette fonction "ce n'est jamais individuel". Il apparaît clairement qu'il s'agit d'un travail d'équipe. Les 5 ont cité leurs collègues de travail comme premier soutien, 2 personnes ajoutent l'infirmière référente et pour l'évaluation, un tuteur se sent aidé par son Responsable. La Direction et la psychologue apparaissent une fois.

Le point de vue des tutorés met aussi en évidence que "tout le monde" participe au tutorat. L'encadrement n'est pas présent au quotidien, mais intervient à certains moments de la méthode organisée ou en cas de besoin de l'un des acteurs "tu peux demander à telle ou telle personne".

Ces déclarations impliquent que le tutorat revêt certains caractères du projet d'entreprise tel que le soutien de l'encadrement. Le poids de cette fonction supplémentaire est amenuisé par le relais des collègues et le travail d'équipe et permet d'assurer la continuité.

5ème item : la formation des tuteurs et la "Boîte à outils du tutorat" composée de tous les documents écrits d'information sur l'entreprise, charte, projet d'Etablissement, livret d'accueil, facilitent la transmission des savoirs organisationnels.

La formation au tutorat a apporté deux choses importantes qui émergent dans les témoignages des tuteurs : 1°) un cadre rassurant pour professionnaliser la fonction. Ce travail ne peut pas se faire "au feeling". 2°) un outil "le guide du tutorat" qui semble en adéquation avec le besoin. En effet, plus il y a de supports écrits, plus la tâche est facilitée. L'assimilation des connaissances peut être étalée dans le temps.

Selon les réponses des tutorés, 4 personnes sur 5 ont été destinataires du dossier. Mis à part une personne, tous ont lu le projet d'Etablissement, "petit à petit" ou "en travers".

Nous pouvons dire que cette formation est une réussite et concours à l'amélioration de la transmission des savoirs organisationnels.

6ème item : la transmission des connaissances explicites et tacites nécessite

- une relation personnelle et privilégiée et des contacts permanents,

- d'une méthode organisée de socialisation : accueillir, informer, former, expliquer, montrer, accompagner, écouter, évaluer.

Les tuteurs affirment que le contact permanent existe, qu'il est indispensable mais qu'il ne dure que quelques jours. Une majorité de témoignages le situe dans une fourchette de 1 à 3 jours. Dans cette courte période, beaucoup de choses vont se dérouler. La phase d'accueil est la plus importante semble-il, c'est aussi la plus délicate autant pour le tuteur que pour le tutoré. Une somme d'informations et de connaissances sont à transmettre, explicites et tacites "je montre bien comment je procède". Les verbes montrer, expliquer, observer, répéter, parler discuter, souvent utilisés, expriment la façon dont les tuteurs procèdent pour transmettre leurs savoirs. L'écoute et l'ouverture à de nouvelles idées font également partie de la méthode, mais un seul tuteur en a fait état.

Lorsque les tuteurs parlent des relations avec le tutoré, ils les décrivent comme étant plutôt une relation d'égal à égal, ni amicale, ni distante, du moins les premiers temps "au début, on se vouvoie et après on va se tutoyer". L'aspect d'une relation privilégiée a été évoqué "cela crée des liens particuliers, je ne suis pas n'importe quel employé, je suis le tuteur". Si les personnes se sentent à l'aise, elles auront plus de facilités pour communiquer.

Si on compare avec le discours des tutorés, on s'aperçoit que la période de contact permanent va d'une journée jusqu'à une semaine. Les liens privilégiés sont matérialisés par des rencontres quotidiennes pour discuter qui peuvent se prolonger dans le temps jusqu'à un mois.

Dans ces moments, le tutoré peut apprendre, assimiler car il a l'exemple sous les yeux "je l'ai vu faire, ce qui m'a aidé à mieux comprendre". Il peut aussi avoir un droit à l'erreur si une relation de confiance s'est instaurée "si j'ai fait une faute, je sais qu'on ne va pas me le reprocher" "on crée plus une affinité avec le contact".

Tous les tutorés ont déclaré avoir bénéficié d'une écoute et ont pu apporter des idées ou de nouvelles compétences au tuteur et à l'Organisation.

7ème item : pour apprendre le tutoré doit être motivé et engagé dans la démarche collective

Il doit avoir des valeurs personnelles proches de celles de l'entreprise

En préambule, il faut rappeler que les tutorés interrogés sont des personnes qui ont été confirmées par l'Organisation et sont supposées avoir adhéré à la culture. Il n'est donc pas étonnant qu'elles déclarent s'être engagées à fond, avoir fait des efforts.

L'avis des tuteurs par contre est plus pertinent car il concerne tous les cas de figure, des réussites aux échecs. Tous ont pointé que le profil, la personnalité ou l'attitude du nouveau interfère dans le processus d'apprentissage. Le manque d'expérience peut être compensé par la motivation "il y en a qui font des efforts, d'autres pas, cela ne se fait pas tout seul". L'une avance que l'âge ne joue pas un rôle déterminant, mais plutôt le vécu professionnel. Les traits de caractère comme "l'impatience, l'exaspération" peuvent freiner l'apprentissage. Pour certains tuteurs, c'est incompatible avec ce métier, pour d'autres, cela augmente simplement la difficulté du tutorat. Un tuteur affirme que le tutoré doit faire ce travail "avec plaisir".

Ces observations nous permettent de démontrer que, premièrement, la motivation et l'engagement du nouveau sont nécessaires pour apprendre, s'intégrer et adhérer à la culture. Deuxièmement, le tutorat permet de repérer assez rapidement si la personne a ces qualités, de tenter de les corriger ou d'en faire retour à l'Organisation.

La majorité des tuteurs pensent que la proximité des valeurs de la personne avec celles de l'Etablissement est un facteur de succès pour l'adaptation et l'intégration, "celles qu'on n'a pas gardé n'avaient pas les mêmes valeurs".

L'une soutient que "la façon d'être" empêcherait plus souvent une intégration dans l'équipe, alors que "la façon de faire" est plus facilement adaptable. Cette réflexion nous renvoie au concept d'apprentissage en simple et double boucle. En effet, nous constatons qu'il est plus difficile pour l'individu de modifier les valeurs directrices qui guident son action que d'apprendre à reproduire les routines.

Une autre remarque, en général les personnes qui arrivent ont "déjà une petite vocation". Nous interprétons cela comme une appréciation positive du filtre au niveau du recrutement.

Notre première question posée aux tutorés avait pour but de connaître la branche d'activité de leur expérience antérieure pour vérifier si cela constitue un frein à l'acquisition de la culture.

Quatre personnes sur cinq viennent du secteur médical ou médico-social. Pour ces dernières, les valeurs humanistes sont supputées être acquises. Ce n'est toutefois pas suffisant car malgré ce, les 4 ont évoqué l'obligation de s'adapter aux spécificités d'une Maison de retraite et à la culture de l'Etablissement "j'ai dû faire des efforts", "en tant que médecin, on est formaté". Même dans ce cas, ce n'est donc pas gagné d'avance.

Le cas de la personne qui avait une expérience professionnelle dans le secteur industriel et commercial soulève également notre intérêt car elle s'est intégrée parce que ses propres valeurs étaient en cohérence avec celles pratiquées dans l'Etablissement "cela correspondait à ce que j'étais".

Nous pouvons en conclure que l'expérience antérieure de la personne embauchée n'est pas déterminante pour son intégration et l'adhésion aux valeurs de l'entreprise. En revanche, il est indispensable que ses valeurs intrinsèques soient proches. Cet élément est difficilement décelable lors de l'entretien d'embauche. Il est même parfois inconscient chez le tutoré. Mais, le témoignage des tuteurs prouve que le tutorat permet de le révéler assez tôt. Si les valeurs sont radicalement différentes, soit c'est le tutoré qui s'en aperçoit et quitte l'Etablissement, soit c'est le tuteur qui fera une évaluation négative.

8ème item : la transmission des compétences s'appuie sur

- un référentiel de compétences, - de diverses situations de travail, proches les unes des autres

- d'un collectif de travail.

Il ressort des entretiens que malgré la présence de fiches de poste et de procédures sur lesquelles le travail est prescrit, d'un référentiel de compétences qui fait référence aux écarts entre travail prescrit et réel, il existe les "routines". Il s'agit des habitudes, des façons de procéder de la même manière, sans référence à une règle écrite "il y a des routines comme faire une toilette, mettre le couvert...". Ces routines sont faciles à reproduire en regardant faire le tuteur "le plus facile à transmettre c'est tout ce qui est technique car la personne doit faire pareil, c'est une routine". Elles sont toujours liées à une situation particulière de travail et les professionnels expérimentés de la Maison de retraite les réalisent spontanément, inconsciemment " elle ne m'a pas expliqué pourquoi, pour elle c'est naturel". L'existence de ces routines constitue tout le savoir-faire que l'entreprise a accumulé en réajustant face aux problèmes rencontrés et qu'elle souhaite pérenniser. Comment le nouveau pourrait-il les connaître sans que quelqu'un lui montre ou explique ? Par l'exemplarité et la reproduction des situations de travail, le tutorat facilite la transmission de ces routines.

Offrir aux résidents le meilleur service est un travail collectif. Comme le soutient M.C. Combes (cf. concept transfert), chaque individu contribue au travail des autres. Des interviewés nous en donnent leur vision et son intérêt "l'intérêt du travail d'équipe c'est que le travail soit mieux fait et mieux suivi... c'est travailler avec des gens différents qui ont des fonctions différentes".

Nous avons tenté de savoir au cours de nos entretiens, dans quelle mesure les compétences organisationnelles pouvaient se transmettre et s'apprendre.

Sur les cinq tuteurs, 4 nous ont parlé du travail collectif. Pour 2 tuteurs, le travail d'équipe fait partie des valeurs fondamentales du métier qu'il faut transmettre en priorité " c'est le travail d'équipe qu'on met en avant : pour s'occuper d'une personne il y a toute une équipe, il va falloir travailler avec toutes ces personnes". Sans cette compétence, la personne sera rejetée " quand il s'agit de faire partie d'une équipe, il faut plaire à une majorité, c'est extrêmement important pour rester".

Pour un tuteur, l'apprentissage de ce savoir-faire reste une difficulté "pour le travail d'équipe, cela dépend des personnes, c'est plus délicat". Cet avis n'est pas toujours partagé "cela on le transmet, et cela s'acquiert aussi, ce n'est pas compliqué".

Le discours des tutorés sur cette question est un peu différent. Pour eux, dès l'entrée, ils ont observé que le travail d'équipe est matérialisé par les nombreuses possibilités de réunion d'échange d'information, ou chacun peut donner son avis et s'exprimer sur sa pratique, "il y a un dialogue entre les différents membres de l'équipe et une réflexion sur notre pratique". Tous en ont parlé "il y a beaucoup de contacts entre tout le monde, pas de différence entre le personnel et les cadres et la direction n'est pas isolée dans son bureau" ; à condition que les horaires permettent d'y participer " le travail d'équipe, je ne les vois pas souvent... je ne suis pas là aux transmissions" ce qui est assez rare.

Il apparaît donc clairement qu'il existe un " collectif de travail", et que sa pérennité passe par l'importance que le tuteur va accorder à sa transmission et aux conditions d'organisation que la structure a mis en place pour faciliter la coopération.

9ème item : le tutorat réduit le temps d'intégration

Nous relevons un certain décalage entre la réponse des tuteurs et celle des tutorés. Ces derniers identifient un temps d'intégration plus long. Ils n'ont peut-être pas la même définition de la notion d'intégration. Il semblerait que pour les tuteurs, ce soit plutôt quand la personne a acquis tous les savoirs organisationnels, lorsque l'évaluation est objectivement concluante. Alors que pour les tutorés, c'est plus subjectif, c'est un sentiment " c'est moi qui me sens intégrée."

Pour les tuteurs la fourchette va de 15 jours à 2 mois et pour les tutorés d'1 mois à plus de 3 mois.

En revanche, nous n'avons pas recueilli des éléments fiables pour comparer avec le temps d'intégration des nouveaux avant le tutorat.

Cette question de temps nous intéresse par rapport à notre questionnement de départ : transposer la pratique actuelle du tutorat concernant les remplaçants en CDD à la future phase de changement et au tutorat de nouveaux personnels en CDI. L'investissement en temps peut-il et doit-il être le même ?

10ème item : les conditions de travail du tutorat sont favorables à son déroulement

Il est évident que, sur ce point, la position des tuteurs et des tutorés est diamétralement opposée. En effet, les tuteurs évoquent spontanément et unanimement le manque de temps. Tandis que les tutorés ne perçoivent aucun inconvénient. Au contraire, ils ont trouvé le tutorat "rassurant" ; "j'ai été épaulée" ;"c'est très bien. On n'est pas isolé".

En ce qui concerne les suggestions, les tuteurs proposent soit un allongement du temps de "doublage" soit de pouvoir être déchargé de ses tâches au moment de l'accueil du nouveau.

En réfléchissant un peu, les tuteurs ont réussi à citer quelques avantages qui sont au niveau personnel, l'échange, la valorisation, la remise en question, avoir un collègue de travail performant "...au final, quelqu'un qui a les mêmes façons de faire, les mêmes valeurs, c'est appréciable"; " ils font moins d'erreurs".

Section 2 - Synthèse des entretiens

La finalité de cette étude de terrain était de répondre à notre hypothèse de départ, le tutorat est un mode approprié de transmission de la culture d'entreprise et des savoirs organisationnels. La méthode de recherche que nous avons utilisée a permis aux personnes interrogées de s'exprimer librement sans toutefois déborder du sujet contenu dans le questionnaire.

Nous tenons à poser ici les limites de notre enquête. Nous ne sommes pas des chercheurs et les conditions de ce travail ne nous ont pas permis de réaliser une étude approfondie. Ainsi, nous sommes conscients que le nombre de personnes interrogées est insuffisant pour que ces résultats aient un caractère scientifique. Par ailleurs, la position hiérarchique de l'enquêteur dans l'entreprise a pu altérer les réponses des personnes interrogées.

I - VALIDATION DE L'HYPOTHESE

L'éclairage théorique de notre première partie nous a permis de faire une corrélation entre les concepts de transmission de la culture d'entreprise et des savoirs organisationnels avec les situations décrites dans la pratique de tutorat de la Maison de Retraite. Nous avons vu que le concept de tutorat d'entreprise est récent et qu'il y a très peu de références en la matière. Toutefois, nous avons pu mettre en évidence un certain nombre de caractères indispensables à la réussite de cette démarche que nous avons comparé avec les observations issues de nos entretiens. Nous sommes en mesure de formuler les conclusions suivantes :

Sur l'évaluation des pré-requis pour l'entreprise

Nos résultats confirment que les pré-requis que nous avions posés pour l'entreprise sont présents. Les valeurs affichées et le projet d'entreprise sont cohérents avec la pratique et les tuteurs les connaissent bien. Le style de management est adapté car il facilite la coopération.

Sur l'évaluation des outils

La première condition de réussite du tutorat tenant au choix du tuteur est partiellement remplie. Si les tuteurs ont les qualités personnelles requises nous avons pointé un certain nombre de cas où il y avait une absence de contact permanent. La cause est une impossibilité d'articuler leur planning de travail par manque de Ressources humaines. Il est à noter que certains tuteurs s'en accommodent en s'organisant, d'autres pas. Nous avons également un doute sur le volontariat de tous les tuteurs. Mais nous pouvons avancer qu'ils se sentent valorisés et reconnus par cette fonction. La question de la reconnaissance par la rémunération n'a pas été abordée par les tuteurs interrogées (il n'y avait pas de question sur ce sujet).

La deuxième condition tenant au projet d'entreprise est remplie. Les réponses recueillies nous autorisent à énoncer que tous les acteurs de l'entreprise sont partie prenante du tutorat. Ce qui nous a le plus frappé, c'est qu'il y a toujours des relais qui pallient spontanément aux carences. Le tutorat est une démarche dynamique. De plus, il est ressorti que la formation et la boîte à outil du tutorat aident les tuteurs à se structurer et mettre en pratique les différentes étapes. L'accueil du premier jour, qui est l'étape la plus importante nécessiterait une organisation différente. La dernière étape de l'évaluation est considérée comme difficile pour certains d'entre eux.

Sur l'évaluation du transfert

Nous avons vu en pratique que certains savoirs comme l'histoire ou les procédures, sont transmis facilement par des documents écrits. En revanche, les valeurs, les compétences, les routines et les savoirs organisationnels ne peuvent être transmis que lors des contacts permanents, au travers des situations, des gestes, des comportements et des explications du tuteur . Or, ce temps est de l'ordre de 2 à 3 jours. Pour les compétences techniques et les routines, c'est suffisant. La personne sera apte à travailler toute seule. Mais pour certaines valeurs, pour les compétences comportementales ou relationnelles, c'est trop peu ; par exemple, la connaissance des habitudes de la personne âgée, la coopération, le travail d'équipe, le management.

Dans ces conditions de temps, le transfert n'est réalisable que si le tutoré a déjà des valeurs personnelles assez proches, une expérience antérieure similaire, une réelle motivation, une capacité d'accommodation et d'adaptation rapide. Ce profil est donc recherché au niveau de la phase du recrutement mais pour certaines qualifications comme Infirmier(ère) ou aide-soignant (e) qui sont des métiers en pénurie, le choix reste limité.

Au regard des résultats de cette enquête et malgré les freins que nous venons de citer nous soutenons que notre hypothèse " le tutorat est un mode approprié de transmission de la culture d'entreprise et des savoirs organisationnels" est validée.

Afin d'améliorer le système, pour la phase d'extension de l'Etablissement, et le recrutement de personnel en C.D.I nous avons recherché quelques pistes d'action.

II - CONCLUSION ET PRECONISATIONS

Nous proposons de maintenir pour les embauches en remplacement de courte durée, une période de « doublage » de 2 à 3 jours. Pour les CDI, il faudrait prévoir au moins une semaine. Cela va paraître onéreux, mais nous pensons que le retour sur investissement sera positif pour l'entreprise. N'oublions pas qu'il s'agit d'une phase exceptionnelle qui va s'étaler sur une année mais qui ne se reproduira pas. L'enjeu est la pérennité de notre culture.

Pour la phase d'accueil qui est la plus importante, nous suggérons de lancer une réflexion de groupe (pour chaque métier) pour trouver une organisation adéquate. Il s'agirait de décharger le tuteur de ses tâches, pour une heure ou deux, afin qu'il puisse effectuer correctement le premier entretien, la visite des locaux et la présentation des résidents.

Nous préconisons également de former de nouveaux tuteurs. Nous avons repéré que le nombre actuel est déjà insuffisant, a fortiori pour l'avenir. Cela pourrait se faire en interne par l'Assistante R.H., déjà chargée de mission pour coordonner le tutorat et qui, par le biais de la réalisation de ce présent mémoire pourrait en avoir la compétence. Un appel à candidature de tuteur serait lancé avec lettre de motivation à l'appui, cela permettrait de garantir le volontariat.

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Résumé du livre « Manuel de recherche en sciences sociales » de Quivy et Campenhoudt - p.16 l'entretien

http://www.unifr.ch/

L'enquête de terrain Inspiré de Stéphane Beau et Florence Weber, Alain Blanchet et Anne Gotman

http://www.cermat.iae.univ-tours.fr

Article : le tutorat, outil d'accueil et d'intégration des nouveaux collaborateurs - Hulin A. Citation de Lacaze D., de Gérard, Delobbe et Vandenberghe

http://www.strategie-aims.com

Revue critique de la littérature sur le transfert des compétences - citation de Ghérardi (2000)

http://www.ANACT.fr

Transfert des savoirs d'expérience

* 1 Socrate et la Maïeutique ou l'art de faire accoucher les esprits serait une racine du tutorat

* 2 « le bassin de vie est le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements et à l'emploi ».

Le shéma départemental du Vaucluse 2006/2010 a identifié des zones dont le taux d'équipement est insuffisant. Parmi celles-ci figure l'unité Territoriales du Sud Vaucluse qui dispose de 115 lits pour 1000 personnes âgées de plus de 75 ans. Dans ce secteur, le canton de Pertuis, dont dépend la commune de La Tour d'Aigues, descend à un taux de 80.36

* 3 Sainsaulieu R., (1988) - cours Nacira Bianchi

* 4 cours de M. Ewan Oiry - Gestion par les compétences - (2010)

* 5 Thévenet M., (2010) la culture d'entreprise - Que sais-je

* 6 Thévenet M., (1986) audit de la culture d'entreprise

* 7 Reynolds (1986) dans un article paru dans l'encyclopédie du management VUIBERT (1992)

* 8 Baret R., (2003) libérer l'âme de l'entreprise 

* 9 loi du 02-01-2002. L'Etablissement est sous convention de la DASS et de la CPAM qui sont des financeurs. A ce titre, l'Etablissement doit être en conformité avec les règles prescrites par ces instances.

* 10 Argyris C. Schön A., (2002) apprentissage organisationnel

* 11 COMBES M.C., - (2003) les démarches compétences dans les entreprises

* 12 Nonaka (1994) cours Nacira Bianchi

* 13 ZARIFIAN P., (2001) le modèle de la compétence

* 14 Nonaka Et Takeuchi (1995) cours Nacira Bianchi

* 15 Szulansky (1996) source internet - carnet de recherche "transférer la connaissance : de quoi parlons-nous ?

* 16 Ghérardi (2000) source internet : revue critique de la littérature sur le transfert des compétences

* 17 Piajet (1959) - extrait du cours de Nacira Bianchi - conduite du changement

* 18 ARGYRIS C., (2003) Savoir pour agir

* 19 Cet auteur part du principe que l'apprentissage est le résultat de l'action. Dès lors qu'un écart est observé entre les intentions et les conséquences d'une action, il nomme cette situation "boucle d'apprentissage".

* 20 BARBIER J.M., (1996) tutorat et fonction tutorale

* 21 BORU J.J., LEBORGNE C., (1992) vers l'entreprise tutrice

* 22 Citation de Gérard - source internet - article de Hulin A. le tutorat, outil d'accueil et d'intégration des nouveaux collaborateurs

* 23 Référentiel issu d'un travail de recherche dans le cadre du cours d'Ewan Oiry - Master 2 (2010)

* 24 source internet : L'enquête de terrain - Inspiré de Stéphane Beau et Florence Weber, Alain Blanchet et Anne Gotman

* 25 source internet : résumé du livre « Manuel de recherche en sciences sociales » de Quivy et Campenhoudt - p.16 l'entretien






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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon